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Débat : Faut-il fermer les écoles de management ?

Harvard Business School, Hawes Hall (salle des études de cas). mleiboff/Flickr, CC BY-NC-ND

Depuis plus d’un siècle, les critiques fusent sur les écoles de commerce. A chaque fois qu’une crise fait des ravages, les censeurs rendent une sentence de mise au pilori d’écoles accusées de tous les maux : de la faillite de telle entreprise, de l’oppression des femmes, de l’augmentation des inégalités mondiales en passant par la dévastation écologique planétaire. Pourquoi faut-il au contraire conserver les écoles de management ?

Deux récents ouvrages ont dressé un portrait acide des écoles de management The Golden Passport de D. McDonald et Shut Down the Business School de M. Parker. Ainsi, le professeur Martin Parker trouve les écoles de commerce « immorales », « stupides », « vulgaires », uniquement préoccupées par l’argent et où la responsabilité sociale des entreprises est juste un outil de marketing. On pourra être surpris par l’hypocrisie qui consiste à être pendant 20 ans professeur dans deux écoles de commerce au Royaume-Uni et jeter son fiel sur ses collègues et ses institutions sans proposer de solution sauf (je cite) enseigner la « conception de la hiérarchie et du processus de décision du communisme » ou « les formes du microcrédit et du mutualisme ».

Martin Parker semble s’être endormi dans les années 70 et, allumant soudainement en 2018 son poste de télévision, il découvre la crise écologique, la guerre en Syrie ou la montée de l’intégrisme religieux. Effaré, il accuse les écoles de management. Évidemment, les écoles de management ne sont pas des établissements merveilleux, exempts de la moindre critique. Tous les enseignants sont capables de voir le chemin qu’il nous reste à parcourir pour améliorer nos établissements. Mais, on ne doit pas mettre dans le même sac des écoles de qualité et certains établissements plus bas de gamme. De plus, on peut remarquer la valeur réelle des écoles de management.

Premièrement, les écoles ont considérablement évolué depuis leur création en 1819 en France avec l’ESCP, HEC en 1881, Audencia en 1900 ou l’ESSEC en 1907. Les contenus, les méthodes pédagogiques, les modes de fonctionnement, les processus de recrutement ont été totalement renouvelés. Dans les années 50, les écoles étaient des établissements recrutant des enfants de bonne famille, sans réelle sélection, avec des cours pratiques distillant une suite de recettes sans recul sur les pratiques. Le conservatisme a fait depuis longtemps la place à l’innovation managériale, la diversité internationale, le développement personnel, l’analyse critique. Avec le développement de la recherche dans les années 90, les écoles de management sont devenues des lieux de création d’innovation dans le domaine des sciences de gestion, fantastiques réserves de R&D pour l’économie et les entreprises.

Le succès des anciens élèves

D’autre part, le succès des écoles est celui de leurs diplômés qui ont su s’épanouir en leur sein, puis se développer dans les organisations et donnant à leur tour à leur environnement. Preuve de cette qualité : le taux d’insertion professionnelle. Beaucoup de nos étudiants ont un emploi avant même d’avoir fini leurs études. Rarement, quelques anciens ont pu être les acteurs de certaines entreprises lieux d’oppression et de domination. Au contraire, dans la très grande majorité des cas, les anciens des écoles sont porteurs d’énergie, de respect des autres, de soif de découvrir et de développer le bien-être de leur équipe. Les étudiants que je côtoie quotidiennement me renvoient l’image d’une jeunesse positive qui souhaite changer le monde avec un réel souci moral.

Troisièmement, les écoles de commerce sont le reflet de leur société. Elles se sont enrichies à marche forcée par la diversité des profils des étudiants, l’hétérogénéité des visions du monde, la multiplicité des formes d’organisation et des raisons d’être des entreprises. Ainsi, il y a longtemps que les écoles de commerce n’enseignent plus que la finalité unique d’une entreprise privée est seulement le profit des actionnaires. Au passage, penser que « la finance, c’est mal », c’est ne rien comprendre aux modes de financement de l’économie, de l’innovation et, par suite, de la création d’emplois.

Par ailleurs, les écoles de management véhiculent aussi la nécessité d’un regard critique sur notre monde, le respect de l’altérité, l’égalité des sexes, la défense des opprimés, la protection de notre environnement écologique… Ainsi, les écoles ont permis de financer des chercheurs critiques (comme Martin Parker), des départements moribonds (fautes d’étudiants) et aussi ont incité les enseignants à avoir des projets d’enseignement et de recherche éthiques. Par exemple, les PRME (principles for responsible management education) ont été lancés en 2007 par des représentants internationaux des grandes écoles de commerce et d’institutions académiques pour développer davantage l’éducation en management responsable. Ainsi, les écoles de commerce financent de plus en plus de recherches sur la responsabilité sociale des entreprises, la corruption, la parité hommes/femmes ou la transition écologique.

Des lieux d’épanouissement

Enfin, les écoles de management sont des lieux d’épanouissement où chaque enseignant fait chaque jour l’expérience des possibilités qui lui sont offertes d’aider des jeunes qui demain changeront le monde. Notre projet en tant qu’enseignants en sciences de gestion, n’est pas de faciliter la domination de quelques escrocs assoiffés d’argent, prêts à tout pour assouvir leurs besoins de richesses. Notre ambition est d’aider cette jeunesse à se développer avec le regard critique nécessaire afin d’œuvrer dans les entreprises pour le bien commun. Avec un tel projet pédagogique, les écoles de management sont évidemment absolument nécessaires.

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