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Des rhinocéros en Australie ? Une idée pas si folle

Le trafic de cornes de rhinocéros est l’une des menaces principales qui pèse sur cette espèce. Markjohnson1234/Pixabay, CC BY

Faire venir des rhinocéros en Australie ? Si l’on pense aux conséquences néfastes de l’introduction de certaines espèces sur le territoire australien, comme les chats par exemple, cela semble plutôt risqué. Mais cette idée mérite qu’on s’y arrête.

Il existe aujourd’hui cinq espèces de rhinocéros dans le monde : deux en Afrique et trois en Asie.

Leurs territoires respectifs ont été ces dernières décennies détruits ou défigurés à grande vitesse ; et leur habitat dans la savane ou la forêt est désormais quadrillé par des clairières, des barrières, des routes et autres obstacles.

Pire encore, ces espèces sont massacrées par les braconniers, attirés par leur corne très prisée, à laquelle on attribue à tort des vertus aphrodisiaques et thérapeutiques (pour lutter contre des affections allant de la gueule de bois au cancer).

Le Vietnam et la Chine sont, de loin, les plus gros consommateurs de corne de rhinocéros. On rapporte que certains Chinois, dont des diplomates basés en Afrique et en Asie, sont impliqués dans le trafic illégal de cornes de rhinocéros et autres produits issus de la faune et la flore.

Populations sur le déclin

Les rhinocéros sont les survivants d’une immense mégafaune qui dominait la planète jusqu’à récemment. Aujourd’hui, ils comptent parmi les espèces les plus menacées sur Terre.

Le rhinocéros de Sumatra, par exemple, est tellement rare que les biologistes refusent d’indiquer où il se trouve précisément afin de ne pas renseigner les braconniers ; ils s’en tiennent ainsi à confirmer qu’il survit dans certaines zones du nord de l’île de Sumatra (Indonésie).

Le rhinocéros de Sumatra évolue dans les denses forêts tropicales. Bill Konstant/International Rhino Foundation

Le rhinocéros de Java (Indonésie) était autrefois l’espèce la plus répandue en Asie, se déployant de l’Asie du Sud-est à l’Inde et à la Chine. Désormais, c’est l’un des mammifères les plus rares au monde, avec à peine 60 individus subsistant dans l’ouest de Java.

En Afrique, le destin des rhinocéros blancs et noirs est tout aussi incertain et globalement assez sombre.

Le rhinocéros noir, par exemple, jadis très répandu dans l’est et le sud de l’Afrique, a vu ses effectifs dramatiquement chuter. Et près de la moitié de ses sous-espèces uniques sont aujourd’hui éteintes.

Le rhinocéros blanc a deux sous-espèces distinctes. Il y a un siècle, celle du Sud ne comptait plus qu’une vingtaine de spécimens. Mais grâce à une protection efficace, elle a fait un retour en force : avec près de 20 000 animaux aujourd’hui, elle est devenue de loin l’espèce de rhinocéros la plus représentée.

Le rhinocéros blanc du Nord, quant à lui, est sur le point de disparaître. Le dernier mâle est mort le 19 mars 2018 et seules deux femelles vivent encore, en captivité.

Ces dernières semaines, des chercheurs ont utilisé du sperme congelé et recueilli des ovules pour créer quelques « embryons tube à essai » qu’ils espèrent pouvoir implanter dans une femelle du Sud dans une tentative désespérée d’enrayer cette disparition programmée.

Rhinocéros blanc d’Afrique australe. Pixabay

Circonstances fatales

La plupart des pays qui détiennent des populations de rhinocéros font face à de graves difficultés pour les préserver. Ce n’est effectivement pas une mince affaire : les rhinocéros sont gros, myopes et ont des habitudes relativement prévisibles, ce qui en fait des proies idéales pour les braconniers.

Ils vivent dans des pays en développement où la population est souvent pauvre, les armes affreusement ordinaires et l’État de droit fragile.

Et leurs cornes peuvent rapporter jusqu’à 300 000 dollars.

Dans une tentative pour mettre fin au massacre, certains pays choisissent de décorner leurs rhinocéros. D’autres envoient des gardes lourdement armés pour les défendre jour et nuit.

L’Afrique du Sud va jusqu’à glisser de puissants poisons dans la poudre de corne de rhinocéros afin d’en décourager la consommation illégale.

Lynn Johnson, une entrepreneuse basée à Melbourne, a récolté des dizaines de milliers de dollars pour publier des publicités dans les magazines et journaux vietnamiens afin d’avertir la population de l’existence de ces poisons et dénoncer le massacre des rhinocéros.

De telles mesures sont effectivement très utiles mais le combat s’annonce difficile. Dans les pays en développement, les routes se multiplient à grande vitesse, simplifiant ainsi l’accès des braconniers aux écosystèmes. En Afrique et en Asie, la population humaine croit rapidement, et de multiples tensions accompagnent cette croissance.

La multiplication des routes compartimente l’habitat des animaux et donne des accès aux braconniers. Pixabay
L’élevage en captivité pourrait bien être la dernière chance de sauvegarder certaines espèces de rhinocéros. Pixabay

D’après certains experts, l’élevage en captivité serait la solution la plus viable à court terme, surtout pour les espèces désespérément rares de Sumatra et de Java. En les préservant dans des zoos ou des centres d’élevage, on peut espérer les remettre un jour en liberté.

Une idée folle ?

Alors pourquoi ne pas introduire les rhinocéros en Australie ? Avant de vous esclaffer, réfléchissez un instant avec moi.

L’Australie possède les savanes luxuriantes, les bois et les forêts tropicales dont ont besoin les diverses espèces de rhinocéros pour survivre. Autre avantage, ces brouteurs ne sont donc pas trop exigeants sur leur type de nourriture.

L’Australie dispose d’un système juridique rigoureux et le braconnage y est un phénomène marginal. Sans compter le grand nombre d’écotouristes qui seraient sans doute ravis de voir de spectaculaires rhinocéros. Une organisation, l’Australian Rhino Project, a déjà essayé d’établir une population de rhinocéros blancs en Australasie.

Mais comprenez-moi bien : je ne suis pas en train de proposer qu’on laisse les rhinocéros se promener librement en Australie. Ils risqueraient d’endommager les écosystèmes endémiques et même d’être dangereux pour l’homme. Il faudrait bien sûr les conduire dans des parcs dédiés ou autres zones confinées.

Je ne suis pas non plus en train de suggérer qu’accueillir des rhinocéros en Australie permettrait de réduire les efforts entrepris pour les préserver à l’état sauvage ou sauver leur habitat naturel.

Préserver ces animaux sans protéger leurs écosystèmes naturels reviendrait à conserver quelques boules de Noël étincelantes tout en jetant le sapin qui les a soutenues.

Le rhinoceros est unicorne. Pixabay

L’idée serait plutôt d’établir des populations semi-sauvages, sous contrôle, afin d’empêcher leur extinction totale et, dans le même temps, d’éduquer le public et de collecter des fonds pour leur sauvegarde.

Toute initiative qui ne parviendrait pas à réunir des fonds pour préserver les rhinocéros blancs et leur habitat naturel – notamment s’il devait entrer en compétition pour les financements avec les initiatives de préservation actuelles – aurait en effet des résultats pervers et indésirables.

Introduire des rhinocéros en Australie peut sembler farfelu, et peut-être ne suis-je qu’un idéaliste tentant désespérément d’alerter sur l’importance de la préservation des rhinocéros. Mais quoi qu’on fasse, une chose est sûre : la sauvegarde de ces animaux réclame des mesures exceptionnelles !


Traduit de l’anglais par Lison Hasse pour Fast for Word.

This article was originally published in English

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