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Des gens portent des masques en marchant dans une rue de Montréal, le 24 octobre. La Presse Canadienne/Graham Hughes

Doit-on inquiéter du fait que les anticorps contre la Covid disparaissent avec le temps ? Pas vraiment

Un peu partout dans le monde, des cas de personnes réinfectées au coronavirus apparaissent, laissant penser que les anticorps développés ne subsistent pas si longtemps.

Selon une étude publiée dernièrement, le nombre de Britanniques possédant des anticorps contre le coronavirus a chuté pendant la période de la recherche. Après avoir choisi de manière aléatoire un échantillon de 365 000 personnes en Grande-Bretagne, l’étude React2 — qui doit encore faire l’objet d’une évaluation par les pairs — permet d’estimer que 6 % de la population britannique avait des anticorps contre le virus fin juin, mais que ce chiffre est tombé à 4,4 % en septembre.

Doit-on s’inquiéter de la disparition des anticorps ? Est-ce que cela signifie qu’il est impossible de s’immuniser contre la Covid-19 ? Pour répondre à ces questions, on doit d’abord comprendre ce que sont les anticorps et ce qu’ils nous apprennent sur l’immunité.


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Le rôle essentiel des lymphocytes

Lorsqu’on est infecté, le système immunitaire réagit rapidement pour tenter de juguler la menace et d’en minimiser les dommages. Cette première étape de la réponse immunitaire est prise en charge par des cellules immunitaires innées qui résident dans nos tissus et qui utilisent une série de stratégies plutôt générales pour reconnaître et éliminer l’infection. Mais afin de réellement contrecarrer une infection, on a recours à une autre partie du système immunitaire : les lymphocytes.

Les lymphocytes sont des cellules plus flexibles qui peuvent « apprendre » à identifier et à cibler un agent infectieux particulier. Il en existe deux types principaux : les lymphocytes B, qui fabriquent des anticorps, et les lymphocytes T, qui peuvent soutenir la réponse des cellules B ou tuer directement l’envahisseur. Les lymphocytes T et B travaillent ensemble pour éradiquer une infection.

Une fois la menace éliminée, un stock de ces lymphocytes éduqués à traiter le microbe en question survivent. Ces « cellules mémoire » ont une durée de vie remarquablement longue. Elles patrouillent dans notre corps et sont prêtes à intervenir en cas de besoin. Tout ce système de réaction lymphocytaire constitue la réponse immunitaire adaptative, dont les anticorps ne sont qu’un des éléments.

Des tests difficiles à réaliser

Pour bien comprendre et évaluer l’immunité après une infection, l’idéal serait d’observer les lymphocytes T et B, et de voir ce qui se passe lorsque des personnes sont confrontées de nouveau à la même infection. S’il est possible de tester ces cellules, cela demeure une entreprise dispendieuse et difficile à réaliser à grande échelle, car les réactifs sont coûteux et les protocoles, complexes.

La détection des anticorps est beaucoup plus facile et moins coûteuse à effectuer à grande échelle que les tests sur les lymphocytes B et T. EPA-EFE

Comme il est facile de mesurer les anticorps dans des échantillons de sang, c’est en général eux qu’on évalue pour savoir s’il y a eu une bonne réponse immunitaire adaptative. Cependant, la quantité d’anticorps dans le sang diminue avec le temps — ce qui ne signifie pas forcément qu’on n’a plus de protection. Certaines cellules éduquées restent présentes, comme les lymphocytes B mémoire qui peuvent produire rapidement de nouveaux anticorps lorsque nécessaire. Les résultats de l’étude React2 ne permettent pas de conclure que l’immunité contre la Covid-19 disparaît.

Certains chercheurs se sont attardés aux cellules T et ont trouvé des preuves d’une réponse mémoire chez les patients qui se sont remis de cas légers et graves de Covid-19. Il est donc permis de garder un certain optimisme quant à la possibilité d’obtenir une protection durable contre la maladie.

Un vaccin pourrait être efficace

Nous pouvons aussi comparer avec ce qui se passe pour d’autres virus. Il existe plusieurs bétacoronavirus qui affectent la population humaine. Les plus communs causent le rhume. L’immunité à long terme contre ces virus n’est pas très persistante, mais celle contre des maladies plus graves causées par des bétacoronavirus — le MERS et le SRAS, par exemple — l’est davantage.

Nous ignorons pour l’instant si l’immunité contre le virus responsable de la Covid-19 ressemble à celle engendrée par le SRAS ou à celle contre les rhumes, mais l’existence d’une immunité assez durable contre le SRAS et le MERS permet de garder espoir.

L’étude React2 examine ce qui se passe après des infections naturelles, mais on doit garder à l’esprit que l’immunité générée par un vaccin pourrait être différente. Les lymphocytes reconnaissent les agents pathogènes en sélectionnant certaines de leurs caractéristiques dont ils doivent se souvenir pour y réagir. Ce processus peut être influencé par de nombreux facteurs, tels que la façon dont les caractéristiques sont présentées aux lymphocytes ou quels sont ceux qui ont reconnu la caractéristique. Bien que cette méthode permette une grande flexibilité dans la reconnaissance des agents infectieux, elle ne permet pas toujours d’obtenir la meilleure destruction virale lors d’une seconde infection.

Avec un vaccin, toutefois, on peut sélectionner les morceaux de l’agent pathogène qui sont les meilleures cibles pour provoquer une réponse efficace des lymphocytes T et B, engendrant ainsi une meilleure réponse mémoire. La conception de certains vaccins en tient compte, et plusieurs candidats vaccins se sont déjà avérés capables de provoquer une réaction efficace des lymphocytes T et B.

Certains vaccins orientent le système immunitaire pour qu’il cible la protéine de pointe du coronavirus, qu’on voit ici en orange. Kateryna Kon/Shutterstock

Si l’immunité est durable, elle pourrait néanmoins ne pas l’être pour tout le monde. Ainsi, l’étude React2 a montré que les personnes âgées, qui sont touchées de manière disproportionnée par la Covid-19, présente une diminution plus importante des anticorps au fil du temps. Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que de nombreuses personnes âgées ont moins de lymphocytes, ce qui inclut les lymphocytes B nécessaires à la protection par anticorps.

Ces résultats mettent en lumière l’importance d’examiner divers groupes pour bien comprendre si l’immunité contre la Covid-19 est possible, en particulier lors de l’élaboration de vaccins. C’est exactement ce qui est évalué dans le cadre des essais de phase 3 qui se déroulent actuellement. Pour l’instant, il n’y a pas de quoi s’inquiéter outre mesure. La Covid-19 est un casse-tête géant qu’on est en train de résoudre progressivement. Chaque pièce que l’on place contribue à accroître les connaissances et la capacité de vaincre cette infection.

This article was originally published in English

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