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Observation des résultats de l'élection présidentielle le soir de l'élection dans la communauté de retraités de The Villages, en Floride. Ricardo Arduengo/AFP via Getty Images

Élections américaines : un échec embarrassant pour les sondeurs

L’issue de la course à la présidence de 2020 n’est pas encore connue — même si l’élection de Joe Biden est plus que probable. Mais il est évident que les sondages n’ont pas réussi, dans l’ensemble, à fournir aux Américains des prévisions claires sur le résultat de l’élection.

Et ce faux pas aura bien sûr un impact sur l’industrie du sondage. Elle avait aussi erré, il y a quatre ans, lorsque Donald Trump a remporté des États tels que le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie, où les sondages indiquaient qu’il n’avait presque aucune chance de gagner. Les prévisions statistiques basées sur des sondages faites par les quotidiens se sont ainsi avérées fausses.

Ces défaillances ont aggravé la situation d’une industrie déjà malmenée, mais qui a survécu à une série de défaillances et de surprises depuis le milieu des années 1930. Nombre de ces échecs sont décrits dans mon dernier livre, Lost in a Gallup : Polling Failure in U.S. Presidential Elections.

Les critiques ont été dures dans certains milieux mercredi. L’infolettre du site Politico, largement suivie, était particulièrement cinglante. « L’industrie du sondage est une épave », déclare-t-elle, « et devrait se saborder. »

Plusieurs surprises

Bien que cette opinion semble extrême, l’espoir, fondé sur les sondages, que l’ancien vice-président Joe Biden provoquerait une « vague bleue » démocrate ne s’est pas matérialisé. Joe Biden a de grandes chances de remporter la présidence, mais ce ne sera pas un raz-de-marée.

L’avance globale de Biden dans les sondages, telle que compilée par RealClearPolitics.com, s’élevait à 7,2 points de pourcentage le matin du jour du scrutin. Vendredi, alors que le comptage des votes s’achève, son avance dans le vote populaire national était de près de trois points de pourcentage.

Une capture d’écran du scrutin présidentiel préélectoral. Ces sondages montrent que Biden a une nette avance sur Trump.
CNN a affiché les sondages nationaux sur la course à la présidence, entre le 16/10/20 et le 11/10/20. Capture d’écran, CNN, CC BY

Les enquêteurs cherchent souvent à se réconforter et à se protéger des critiques en affirmant que les sondages préélectoraux ne sont pas des prédictions. Mais plus ils se rapprochent du jour de l’élection, plus les sondages devraient être fiables. Et un certain nombre d’entre eux ont été, de manière embarrassante, à côté de la plaque.

Un exemple notable est le dernier sondage du Washington Post/ABC News dans le Wisconsin, publié la semaine dernière, qui donnait à Joe Biden une avance étonnante de 17 points. Le résultat n’est pas encore final, mais vendredi, Joe Biden obtenait 49,4 % des suffrages contre 48,8 % pour Donald Trump. On est loin du 17 points.

Les surprises ont été nombreuses, notamment dans certaines courses au Sénat, comme celle du Maine, où la républicaine Susan Collins a battu un adversaire largement favori pour remporter un cinquième mandat. En Caroline du Sud, la républicaine Lindsey Graham a été réélue assez facilement malgré des sondages qui indiquaient une course beaucoup plus serrée. Lorsque sa victoire est devenue évidente, elle a déclaré : « Vous les sondeurs, vous n’avez aucune idée de ce que vous faites ».

Il semble que les républicains garderont le contrôle du Sénat américain, contre toute attente.

Les problèmes de sondage ne sont pas nouveaux

L’élection de 2020 pourrait s’ajouter ainsi aux nombreuses controverses qui ont régulièrement secoué l’industrie du sondage depuis que George Gallup, Elmo Roper et Archibald Crossley ont lancé leurs enquêtes pendant la campagne présidentielle de 1936. L’échec le plus spectaculaire s’est produit en 1948, lorsque le président Harry S. Truman a défié les sondages, les experts et la presse pour être réélu face au candidat républicain, Thomas E. Dewey, largement favori.

La surprise, cette année, n’a rien à voir avec l’échec épique du scrutin de 1948. Mais il est frappant de voir à quel point les erreurs commises ne sont jamais les mêmes. Il y en a de nouvelles à chaque fois !

Les facteurs qui ont conduit eux résultats embarrassants de cette année ne seront peut-être pas connus avant des semaines, voire des mois, mais ce n’est un secret pour personne que plusieurs nouveaux défis sont apparus. Parmi ceux-ci, il y a la baisse des taux de réponse aux enquêtes téléphoniques menées par des opérateurs aux méthodes pas toujours éprouvées.

Cette technique de sondage était pourtant autrefois considérée comme la référence en matière d’enquête. Mais les taux de réponse aux sondages téléphoniques sont en baisse depuis des années. Cela oblige les firmes de sondage à se tourner vers d’autres méthodes d’échantillonnage, notamment sur Internet, et à les expérimenter. Mais aucune d’entre elles n’est devenue la nouvelle référence en matière de sondage.

Considéré comme le plus grand innovateur dans le domaine des sondages, Warren Mitofsky rappelait il y a quelques années à ses homologues qu’il y a « beaucoup de place pour l’humilité dans les sondages. Chaque fois que vous devenez arrogant, vous perdez ».

Mitofsky est mort en 2006. Ses conseils sont toujours d’actualité.

This article was originally published in English

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