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En Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, « Alain qui rit, Alain qui pleure »

Alain Rousset, leader de gauche, élu, au soir du second tour des régionales. Mehdi Fedouach/AFP

Sans surprise, la liste d’union de la gauche conduite par Alain Rousset l’a emporté dimanche soir (44,27 %), face à la liste d’union de la droite de Virginie Calmels (34,06 %) et à celle du Front national de Jacques Colombier (21,67 %). Comme partout en France, les électeurs ont marqué un intérêt renouvelé pour ce scrutin ; la participation est en nette hausse par rapport au premier tour, atteignant près de 58 % – ce qui constitue un score honorable pour une élection régionale isolée.

Alain Rousset est parvenu à rassembler largement sur son nom, au-delà même de ce que laissaient présager les résultats du premier tour. Alors qu’il est probable qu’une partie des électeurs d’extrême gauche a préféré voter blanc, sa liste dépasse de plus de trois points le total de la gauche au premier tour et, surtout, devance la liste d’union de la droite plus de dix points. Ce résultat confirme la structuration politique bipolaire de la France : un pays coupé en deux selon une diagonale Saint Malo – Montpellier, où l’on vote principalement à gauche à l’ouest et à droite et pour le FN à l’est.

La gauche améliore son score entre les deux tours

La liste d’union de la gauche l’emporte ainsi dans tous les départements de la grande région Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes. La carte des résultats par commune montre également une très forte implantation de la gauche dans toute la grande région. Alain Rousset réalise des scores remarquables en Gironde (près de 47 %), dans les Landes (48 %) et même en Pyrénées-Atlantiques (48 %), département géré par le Modem depuis les dernières élections ; le soutien de François Bayrou à la liste de Virginie Calmels n’a apparemment pas porté ses fruits. Rousset prouve aussi sa popularité dans le reste de la grande région, et n’est talonné par Virginie Calmels qu’en Charente-Maritime, département traditionnellement plus à droite.

Le FN confirme son ancrage, comme partout en France. Il atteint des scores remarquables dans ses terres de prédilection, comme le Lot-et-Garonne, où il réalise près de 31 % et devance la liste d’union de la droite. Il obtient de bons résultats aussi dans les deux départements des Charentes, où il remporte le quart des voix. Il affiche partout ailleurs des scores importants (entre 17 et 23 %), très en hausse par rapport à 2010. Il progresse en nombre de voix d’un tour sur l’autre, à la faveur d’un regain de participation, mais voit son score reculer en pourcentage (-1,5 %), au profit probablement de la liste d’union de la droite. Ce repli reste toutefois limité : le FN ne bénéficie plus uniquement d’un vote protestataire, par essence volatil, mais suscite un vote d’adhésion qui lui permet de maintenir son score au second tour malgré les appels au vote utile.

Les limites de Virginie Calmels

Virginie Calmels améliore son résultat de près de sept points par rapport au premier tour, mais elle est loin derrière Alain Rousset. Elle ne l’emporte donc dans aucun des 12 départements, alors qu’elle arrivait en tête dans 5 départements du nord de la grande région au premier tour. Même en Gironde, où elle est la mieux implantée, elle réalise un score limité : 33 % contre près de 47 % à son rival socialiste. L’inexpérience revendiquée de Virginie Calmels a d’abord suscité l’intérêt, jusqu’à engendrer un certain engouement dans l’électorat et les médias, mais elle a désormais trouvé ses limites. Son image d’industrielle de la télé-réalité et ses déclarations volontiers tranchantes à l’endroit de ses opposants politiques ont finit par jouer contre elle.

En Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes, comme ailleurs en France, l’Union de la droite souffre de l’implantation du FN qui l’empêche de tirer profit de la faiblesse actuelle du PS et des Verts, et de l’effondrement de l’extrême gauche. Virginie Calmels redoutait cela et avait choisi, dès le soir du premier tour, d’appeler les électeurs du FN à voter pour sa liste. Elle n’a pas été entendue. En outre, cette stratégie a été peu appréciée par les responsables du Modem. Virginie Calmels se présentait avec l’étiquette « Modem » et a reçu entre les deux tours le soutien de François Bayrou et de Jean Lassalle, mais les fédérations départementales Modem de Creuse, de Corrèze, de Vienne et de Dordogne ont laissé leurs électeurs « libres de leur choix » pour le second tour. La mauvaise humeur des adhérents du Modem visait le positionnement de Virginie Calmels vis-à-vis du FN, ainsi que la place laissée aux candidats de leur parti sur la liste. La fronde est restée discrète, mais les résultats montrent qu’une partie des électeurs du parti centriste ont pris leurs distances avec Virginie Calmels, en s’abstenant ou en votant pour Alain Rousset. Cette élection montre, s’il en était besoin, la difficulté qu’il y a pour la droite à se présenter unie, et à prétendre dans le même temps bénéficier d’un report des votes des électeurs du FN.

Alain Juppé fragilisé

De nombreux commentateurs estiment que les résultats des régionales sont un camouflet pour Nicolas Sarkozy, qui n’a pas su tirer profit de l’impopularité de François Hollande et des échecs électoraux répétés de la gauche. La droite emporte certes sept régions métropolitaines sur treize, dont l’Ile-de-France, mais le PS a contribué à sa victoire dans trois régions, et fait plus que résister partout ailleurs. Le bilan n’est pas meilleur pour Alain Juppé. À l’échelle régionale, lui qui dirige désormais à la fois la ville de Bordeaux et la métropole, reste isolé et doit se contenter de son alliance avec François Bayrou. Il entendait renforcer l’implantation de la droite dans la grande région, dans la continuité des succès remportés aux municipales de 2014 et aux départementales de 2015, mais voit sa candidate, un temps promise par des sondeurs imprudents à la victoire, réaliser un piètre score. Suprême affront, à Bordeaux même, la liste de l’union de la droite (41,5 %) est largement dominée par celle de l’union de la gauche (48,7 %).

À l’échelle nationale, dans la perspective des primaires pour l’élection présidentielle, Alain Juppé ne peut tirer profit de la contre-performance de Nicolas Sarkozy et de ses prises de position controversées sur l’attitude à tenir vis-à-vis du FN. Il n’a, en effet, pas pris ses distances avec la stratégie du « ni-ni » (ni alliance, ni désistement) et a dû s’accommoder des appels insistants de Virginie Calmels aux électeurs du FN. Et ce n’est pas sans arrière-pensées que Nicolas Sarkozy a choisi le meeting d’entre-deux-tours de Virginie Calmels à Rochefort, le 8 décembre, pour lancer son offensive de charme en direction des électeurs du FN et déclarer que « le vote pour le FN n’est pas un vote contre la République ».

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