tag:theconversation.com,2011:/es/topics/familles-monoparentales-33465/articlesfamilles monoparentales – The Conversation2024-01-04T15:01:52Ztag:theconversation.com,2011:article/2195592024-01-04T15:01:52Z2024-01-04T15:01:52ZAvoir des enfants rend-il plus heureux ? Voici ce qu'en dit la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565820/original/file-20231214-23-m023ti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C994%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bonheur et l’épanouissement que l’on ressent en prenant cette décision dépendront de nombreux facteurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Dans plusieurs régions du monde, la <a href="https://doi.org/10.1007/s11205-011-9865-y">croyance dominante</a> stipule qu’avoir des enfants est la clé du bonheur, et que les personnes qui n’en ont pas sentent que leur existence n’est pas satisfaisante.</p>
<p>Mais est-ce vraiment le cas ? La réponse à cette question est à la fois simple et complexe. Le sentiment d’épanouissement que l’on ressent dans sa vie, que l’on décide ou non d’avoir des enfants, dépend d’une grande diversité de facteurs.</p>
<p>Examinons d’abord la réponse simple : non, nous n’avons pas besoin d’avoir d’enfants pour être <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1066480720911611">heureux et épanouis</a>.</p>
<p>Les études menées auprès de femmes qui ont choisi de ne pas devenir mères montrent que la plupart d’entre elles ont un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277539514001824">bon sens de l’identité et de l’individualité</a>. Elles ne se sentent pas définies par leur rôle au sein de la famille et estiment avoir <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0891243202238982">plus de liberté</a> et de maîtrise de leur corps, de leur vie et de leur avenir. Les femmes sans enfants font également état d’une plus grande <a href="https://doi.org/10.1177/0192513X07303879">stabilité financière</a>, même s’il n’est pas nécessaire d’avoir un <a href="https://www.jstor.org/stable/353143?origin=crossref">statut socio-économique</a> élevé pour être bien avec la décision de ne pas avoir d’enfants.</p>
<p>En moyenne, les femmes et les hommes qui n’ont pas d’enfants sont aussi <a href="https://doi.org/10.1207/S15374424JCCP2904_13">moins stressés</a>, et se déclarent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165032721013926">plus satisfaits</a> de leur mariage.</p>
<p>Il existe peu de recherches sur les hommes célibataires et leur expérience de ne pas avoir d’enfants – et encore moins sur celle des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15240657.2019.1559515">personnes transgenres ou queers</a>. Cependant, une étude portant sur des hommes ayant choisi de renoncer à la paternité a révélé que la plupart se déclarent contents de leur décision et se félicitaient de jouir d’une plus grande liberté dans leur vie. Seul un petit nombre d’entre eux ont exprimé des regrets quant à leur choix, principalement parce qu’ils ne <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/chosen-lives-of-childfree-men-9780897895989/">laisseraient pas d’héritage</a>.</p>
<p>Toutefois, les hommes sans enfants risquent de voir leur <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0192513X07303879">degré de satisfaction générale diminuer</a> à un âge avancé s’ils ne <a href="https://academic.oup.com/esr/article-abstract/26/1/1/538246?redirectedFrom=fulltext">bénéficient pas d’un soutien social</a>.</p>
<h2>Le paradoxe de la parentalité</h2>
<p>C’est lorsqu’il s’agit de décider d’avoir ou non des enfants que les choses se compliquent un peu.</p>
<p>Si les parents peuvent sans aucun doute vivre heureux et épanouis, la satisfaction qu’ils éprouvent à l’égard de cette décision s’étale généralement dans le temps et peut également dépendre de multiples facteurs sur lesquels ils n’ont pas d’emprise.</p>
<p>Au début, beaucoup de parents ressentent une <a href="https://psycnet.apa.org/record/2010-13310-011">baisse temporaire de leur bien-être</a> après la naissance d’un enfant, un phénomène connu sous le nom de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-21502-002">« paradoxe de la parentalité »</a>. En effet, un nouveau bébé peut entraver la satisfaction de nombreux besoins fondamentaux, tels que le sommeil, l’alimentation et les contacts avec les amis. Cette situation peut être source de mécontentement.</p>
<p>Les femmes hétérosexuelles <a href="https://doi.org/10.1111/j.1741-3737.2003.00574.x">se déclarent aussi plus malheureuses</a> que les hommes lorsqu’elles deviennent parents. Cela peut s’expliquer par le fait que la charge des soins tend à peser de manière disproportionnée sur elles.</p>
<p>Mais le fait de bénéficier d’un bon <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5222535/">soutien familial et social</a>, d’un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6294450/">co-parent actif et également investi</a>, et de vivre dans une région dotée de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/social-policy-and-society/article/abs/introduction-parenting-support-in-the-nordic-countries-is-there-a-specific-nordic-model/18BFF0AB8EACD27F826AEDB573AEB237">politiques de soutien au travail et à la famille</a> peut compenser le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11205-011-9865-y">stress et les coûts liés à l’éducation des enfants</a>.</p>
<p>C’est probablement la raison pour laquelle les femmes norvégiennes <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-3-319-69909-7_3710-2">ne font pas état</a> d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053535705001733">perte de bonheur</a> lorsqu’elles ont des enfants, car la Norvège dispose de nombreuses politiques favorables à la famille qui permettent aux deux parents d’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0959353505051730">élever leurs enfants tout en menant une carrière</a>.</p>
<p>Bien qu’être parent puisse s’avérer difficile, il ne faut pas en conclure que le bonheur, la joie et une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956797612447798">vie plus épanouie</a> sont impossibles à atteindre. L’expérience parentale peut même engendrer une forme profonde de bien-être appelée « eudémonique ». Il s’agit du sentiment que votre vie vaut la peine d’être vécue, ce qui est différent du bonheur à court terme.</p>
<p>Les hommes comme les femmes peuvent ressentir un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11482-021-10020-0">bien-être eudémonique positif</a> lorsqu’ils <a href="https://doi.org/10.1177/0192513X18758344">deviennent parents</a>. Mais pour ces dernières, l’augmentation du <a href="https://psycnet.apa.org/journals/bul/140/3/846">bien-être eudémonique</a> dépend également de l’équilibre entre les tâches parentales et celles de leur partenaire.</p>
<h2>Faire face aux regrets</h2>
<p>Une autre préoccupation majeure est de savoir si on regrettera de ne pas avoir eu d’enfants.</p>
<p>Il est rassurant de constater que les recherches menées auprès de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1066480720911611">personnes âgées</a> n’ayant pas eu d’enfants montrent qu’un grand nombre d’entre elles se déclarent <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.2190/8PTL-P745-58U1-3330">comblées</a> et font preuve de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11205-015-1177-1">résilience</a> face aux problèmes de santé mentale.</p>
<p>Il semble que la principale clé pour être heureux de <a href="https://doi.org/10.1177/1066480716648676">sa décision d’avoir ou non des enfants</a> dépende du fait que l’on se sente maître de cette décision. Lorsqu’on a le sentiment d’avoir choisi sa voie, on tend à assumer ses décisions et à en tirer une plus grande satisfaction.</p>
<p>Mais que se passe-t-il si ce choix vous a été retiré, que vous vouliez un enfant sans pouvoir y parvenir ? Peut-on être heureux dans ce cas ? Notre étude montre que la réponse est un oui retentissant.</p>
<p>Nous nous sommes intéressés aux <a href="https://iacp.ie/files/UserFiles/00981%20IJCP%20Q1-23%20-%20Full_1.pdf">conséquences de l’infécondité</a> auprès de 161 femmes britanniques qui souhaitaient être mères sans avoir pu le devenir pour diverses raisons, telles que l’impossibilité de trouver un partenaire ou l’infertilité. Les participantes étaient âgées de 25 à 75 ans.</p>
<p>Nous avons constaté qu’en moyenne, le bien-être des participantes n’était pas différent de celui du public en général. Alors que 12 % d’entre elles vivaient mal cette situation (elles avaient l’impression que leur vie n’avait pas de but), 24 % s’épanouissaient psychologiquement, faisant état du niveau de santé mentale le plus élevé. Les autres ont connu des niveaux de bien-être modérés.</p>
<p>Il est intéressant de noter que, pour certains, les efforts déployés pour avoir un enfant se sont traduits par une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2468749920300764">croissance post-traumatique</a>. Cette notion fait référence aux changements psychologiques positifs qui surviennent après un événement traumatisant. Les femmes dont le niveau de bien-être est le plus élevé ont déclaré que de se concentrer sur de nouvelles possibilités dans leur vie, en dehors du fait d’être mère, les a aidées à améliorer leur bien-être.</p>
<p>Des études menées auprès d’hommes qui n’ont pas pu avoir d’enfants pour cause d’infertilité indiquent que nombre d’entre eux ont <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02646838.2010.544294">éprouvé de la tristesse</a> par la suite, même si cette tristesse s’est atténuée avec l’âge. Mais comme pour les femmes involontairement privées d’enfants, repenser leur identité et leur rôle dans la société en <a href="https://psycnet.apa.org/doi/10.1177/1097184X99002001002">dehors de la paternité</a> a aidé beaucoup d’entre eux à trouver un sens et une satisfaction à leur vie.</p>
<p>La parentalité conduit-elle au bonheur ? L’infécondité nous rend-elle malheureux ? La réponse à ces questions n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Le bonheur ou l’épanouissement que nous ressentons dépend de nombreux facteurs, dont beaucoup échappent à notre volonté. Si la manière dont on choisit de donner un sens à sa vie est effectivement un élément clé, le soutien social qui nous est apporté pour devenir parent et le climat politique dans lequel nous vivons le sont tout autant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219559/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’étude que nous avons menée montre clairement que l’on peut être heureux même si on souhaite avoir un enfant, mais qu’on n’y parvient pas.Trudy Meehan, Lecturer, Centre for Positive Psychology and Health, RCSI University of Medicine and Health SciencesJolanta Burke, Senior Lecturer, Centre for Positive Health Sciences, RCSI University of Medicine and Health SciencesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2184582023-12-11T20:44:33Z2023-12-11T20:44:33ZLa parentalité, un levier politique face aux troubles à l’ordre public ?<p>Suite à la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/06/29/le-drame-de-nanterre-heure-par-heure-du-controle-routier-de-nahel-m-a-la-marche-blanche-pour-l-adolescent-tue_6179840_3224.html">mort du jeune Nahel</a>, tué par un policier lors d’un contrôle routier en juin 2023, la France a connu de nouveaux épisodes de turbulences urbaines qui ont fait monter la question de l’autorité au sein de la classe politique. Sans être parfaitement unanimes, les discours politiques et médiatiques semblent désigner la <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/adolescent-tue-par-un-policier-a-nanterre/violences-apres-la-mort-de-nahel-la-responsabilite-des-parents-mise-en-avant_5924672.html">« parentalité »</a> comme étant impliquée dans ces troubles à l’ordre public tout en jouant un rôle de levier d’action de leur régulation.</p>
<p>L’étude de l’Inspection générale de l’administration (Igas) conduite sur le <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/291024-violences-urbaines-profils-et-motivations-des-delinquants-interpelles">profil des émeutiers</a> à partir des dossiers des 1800 condamnations prononcées a montré que 30 % étaient mineurs et que 40 % d’entre eux étaient âgés de 13 à 15 ans. Le jeune âge des délinquants a dès lors réactivé les discours sur la supposée « démission des parents », et a suscité la production de mesures à même de lutter contre le fléau.</p>
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<figcaption><span class="caption">Nuits de violence en France : Emmanuel Macron appelle les parents à « la responsabilité » (France 24, juin 2023).</span></figcaption>
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<p>Ainsi, le ministère de la Justice a rappelé que, si les parents ne peuvent pas être poursuivis pénalement pour des faits commis par leurs enfants, ils peuvent en revanche être poursuivis en <a href="https://www.sudouest.fr/justice/emeutes-apres-la-mort-de-nahel-que-risquent-les-parents-des-mineurs-qui-se-revoltent-15773884.php">cas de grave manquement à leurs obligations légales</a>.</p>
<p>Ces parents risqueraient alors deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Nouvelle disposition prévue par la loi suite à ces récents évènements : la création d’une circonstance aggravante « quand le délaissement du jeune a permis la commission de l’infraction » ; cette disposition prévoit ainsi d’alourdir la peine encourue en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043409233">cas de délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales</a>.</p>
<p>À cela s’ajoute un éventail de mesures : « travaux d’intérêt général », « stages de responsabilité parentale », « suppression des allocations familiales », « expulsion de ces familles de leur logement social »… en cas de manquement réputé à l’exercice de l’autorité parentale. Ainsi, de nouveau placé au cœur des débats politiques et médiatiques, cet appel à l’exercice d’une « bonne parentalité » interroge les injonctions dont les parents sont la cible, d’autant que celles-ci visent plus particulièrement les plus modestes d’entre eux.</p>
<h2>Privilégier une approche collective de la question éducative</h2>
<p>Une première précision doit porter sur la notion de « démission parentale » dont on souligne qu’elle ne repose pas sur l’observation de la dimension éducative mais qu’elle se fonde sur l’observation du comportement des enfants, lorsque celui-ci déroge aux attentes des institutions. Par exemple, si l’on se réfère au champ du scolaire, l’échec ou encore l’absentéisme scolaire laissent poindre un doute sur les capacités éducatives des parents, expliquant ces troubles par les manquements de ces derniers.</p>
<p>Lorsque les troubles à l’ordre scolaire ou, pour le cas présent, à l’ordre public concernent des enfants appartenant à des populations stigmatisées du point de vue de leur appartenance sociale, l’affectation du caractère « démissionnaire » fait écho à la dénonciation d’une socialisation réputée défaillante. Dans le cas bien particulier des émeutes urbaines, le fait que ces épisodes surviennent majoritairement la nuit, à une heure où il est admis que les mineurs sont sous le contrôle de leurs parents au sein de l’espace domestique, décuple la suspicion de <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2016-4-page-66.htm">défaillance</a>.</p>
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<p>Mais, une nouvelle fois, il nous semble nécessaire d’insister sur le fait que cette approche de la « démission parentale » fait fi de toute démarche empirique. A contrario, des travaux, conduits notamment en sociologie, <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_2001_num_63_1_933">prennent du recul face aux théories attribuant aux seuls parents la responsabilité des comportements déviants de leurs enfants</a>. Dans différents champs – les résultats scolaires, l’absentéisme ou la déscolarisation, les actes de délinquance des enfants – ils mettent en évidence des processus où s’entrecroise une diversité de facteurs, relevant notamment de faits sociaux.</p>
<p>Ces éclairages sont précieux tant ils permettent de (re)collectiviser la question éducative, se plaçant à distance d’une approche individualiste de ces phénomènes, basée sur une seule grille d’analyse comportementaliste et psychologisante.</p>
<h2>Une conception hypertrophiée de la capacité d’agir des parents</h2>
<p>Une seconde remarque porte sur la conception hypertrophiée de la capacité d’agir des parents qu’embrassent les pouvoirs publics. La parentalité devient dans un même temps la cible d’un ensemble disparate de politiques relevant à la fois des politiques familiales, des politiques sociales et des politiques de prévention.</p>
<p>Nombreux sont les chercheurs à démontrer d’ailleurs que la gestion publique des risques sociaux s’appréhende de plus en plus en référence aux risques familiaux, et que la <a href="https://www.cairn.info/revue-recherches-familiales-2016-1-page-95.htm">dénonciation de l’« irresponsabilité parentale »</a> participe d’une tentative de redéfinition du welfare (c’est-à-dire de notre système de redistribution en faveur des populations défavorisées).</p>
<p>Appliquée à la régulation des épisodes de turbulences urbaines, la prévalence de la mobilisation de la catégorie de « parentalité » sur celle de « jeunesse » doit d’abord au fait que celle-ci se situe plus en amont dans le régime de la prévention des risques. Elle incarne aussi une mise en œuvre du paradigme en vogue de la responsabilisation des personnes. Au principe de la solidarité d’une société envers ses membres se substitue celui d’une responsabilité des personnes vis-à-vis de la société.</p>
<p>À ce principe de responsabilisation collective des parents se greffe au niveau des personnes un autre mouvement de responsabilisation tenu, lui, par une approche capacitaire des parents. Pour le dire autrement, le développement de la parentalité sous le joug des « compétences parentales » résonne avec l’impératif de développement de soi décuplé ces vingt dernières années.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/guides-sur-la-parentalite-une-infinie-course-au-bien-etre-142441">Guides sur la parentalité : une infinie course au bien-être ?</a>
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<p>Ces préconisations sont d’une part indexées aux styles éducatifs des parents appartenant aux couches moyennes et supérieures de la population et revêtent une dimension normative obligeante. D’autre part elles présument d’une approche hypertrophiée de leur possibilité d’agir tant qu’elles ne s’adossent pas à un examen minutieux des conditions de possibilité d’exercice de la parentalité.</p>
<h2>Les risques de stigmatisation des familles</h2>
<p>Enfin, la norme de pénalisation des parents en cas d’infraction de la part de leurs enfants fait cécité sur ce que l’on désigne par les termes de « condition parentale ».</p>
<p>Depuis les années 1960, les changements démographiques en ce qui concerne la fécondité, la nuptialité, ou encore le divorce ont considérablement fait évoluer la « condition parentale », c’est-à-dire l’ensemble des « conditions dans lesquelles les parents exercent leur rôle ».</p>
<p>Concernant la « condition parentale » des parents d’enfants émeutiers, celle-ci apparaît particulièrement marquée par la monoparentalité, si l’on considère que 60 % des émeutiers vivent dans des foyers monoparentaux caractérisés par l’absence des pères. Celle-ci conjuguerait donc solitude éducative, précarité relationnelle, vulnérabilité sociale, et compose sur un plan matériel avec des conditions d’habitat dégradées et un climat d’insécurité. Les craintes de stigmatisation de ces familles sont multiples.</p>
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<figcaption><span class="caption">Qui sont les familles monoparentales ? (France Culture, 2020)</span></figcaption>
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<p>D’abord, l’imputation à la monoparentalité de ces mouvements de turbulence urbaine renoue avec des discours particulièrement stigmatisants. Les familles monoparentales se sont vues accusées d’être la cause des désordres sociaux et de produire des enfants sans repères et incapables de s’intégrer à la société au cours d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-dialogue-2011-4-page-45.htm">histoire longue débutée au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle</a>.</p>
<p>Ces analyses doivent au préjugé selon lequel le parent seul serait moins capable d’élever correctement et de contrôler son enfant que la famille stable d’apparence unie. Si la théorie psychanalytique postule les conséquences catastrophiques de l’absence de père, il n’existe pas, à notre connaissance, d’études longitudinales permettant de tester pleinement cette hypothèse.</p>
<p>De plus, cette lecture s’appuie sur un fait sociologique tu : « les <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_2001_num_63_1_933">familles dissociées et les jeunes délinquants se rencontrent principalement dans les mêmes milieux défavorisés</a>, dès lors leur liaison apparente est massivement un effet du contexte socio-économique ».</p>
<p>Enfin, au niveau des personnes, comment ne pas craindre que ces discours et les mesures de pénalisation de la parentalité engagées ne participent à disqualifier des mères, dont pour une part d’entre elles la parentalité constitue leur unique rôle social ? Comment ne pas entériner la fabrique d’une « parentalité déviante » ?</p>
<p>La condition parentale gagne au contraire à être éclairée au prisme d’un angle intersectionnel, c’est-à-dire croisant les rapports de domination de genre et de classe sociale notamment. Elle doit aussi être appréhendée dans une perspective de parcours de vie pour mieux <a href="https://www.centre-max-weber.fr/Les-familles-monoparentales-Conditions-de-vie-vecu-et-action-publique-Un-etat">prendre en compte la trajectoire de ces familles</a>, et ainsi penser ce qui caractérise le lien de filiation, de parentalité, et la « circulation des enfants ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218458/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jessica Pothet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les appels à l’exercice d’une « bonne parentalité » marquent un tournant de l’action publique et posent question dans la mesure où ils visent plus particulièrement les familles les plus modestes.Jessica Pothet, Maîtresse de conférences en sociologie (Université Lyon-1), chercheuse au laboratoire Max Weber, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171542023-11-07T17:37:44Z2023-11-07T17:37:44ZSanté mentale dégradée des jeunes : chronique d’une crise annoncée<p>Pandémie de Covid-19, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ukraine-21219">guerre en Ukraine</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-israelo-palestinien-147107">guerre entre Israël et le Hamas</a>, attentats terroristes, assassinats d’enseignants, crise climatique, intensification du rythme scolaire et de travail – la santé mentale des jeunes, exposés à ces évènements violents, semble au plus bas et a rarement autant été un objet de débat public.</p>
<p>Que sait-on réellement des difficultés psychologiques des adolescents et jeunes adultes en France ? Quels sont les groupes les plus à risque ? Quelles peuvent être les raisons de cette dégradation ? Que faire pour que les choses s’améliorent ?</p>
<h2>Avant même le Covid, un risque de dépression élevé chez les collégiens et lycéens français</h2>
<p>Grâce à un appareil statistique robuste, la santé mentale des collégiens et des lycéens en France est documentée depuis plus de 20 ans. Mais la plupart de ces données restent méconnues du grand public.</p>
<p>L’étude <a href="https://www.ehesp.fr/wp-content/uploads/2021/06/8-Fiche-EnCLASS-2018-sante-mentale.pdf">Enclass</a>, qui fait partie du dispositif d’enquête européen Health and Behavior in School-Aged Children (HBSC) et qui a interrogé environ 11 000 jeunes a montré qu’en 2018, 32 % des élèves de 4<sup>e</sup> et 3<sup>e</sup> étaient à risque de dépression, en particulier les filles (41 % vs. 23 % des garçons). Respectivement 13 % et 5 % des filles et des garçons avaient des symptômes nécessitent des soins.</p>
<p>Au lycée, le risque de dépression augmente, avec 36 % des jeunes (45 % des filles et 27 % des garçons) concernés et, respectivement, 18 et 8 % des garçons et des filles ayant un trouble dépressif nécessitant une prise en charge médicale.</p>
<p>Ces indicateurs se sont dégradés dans le temps, la proportion de jeunes rapportant des signes de nervosité et d’irritabilité ayant augmenté entre 2010 et 2018 (de 21 à 28 % pour la nervosité et de 22 à 27 % pour l’irritabilité, chez les collégiens concernés). De la même manière, la proportion d’adolescents indiquant avoir des difficultés à s’endormir a également connu une hausse (de 31 à 37 % entre 2010 et 2018).</p>
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<img alt="Capture d’écran de la page d’accueil du site Fil Santé Jeunes. Il est écrit « Appelle nous au 0800 235 236 » et on voit des photos de la poche de jeunes personnes." src="https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fil Santé Jeunes est la ligne téléphonique de référence pour les jeunes de 12 à 25 ans. Anonyme et gratuite, elle est accessible par chat, téléphone, mail et sur filsantejeunes.com, 7 jours sur 7 et 365 jours par an.</span>
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<h2>Un mal-être en augmentation aussi chez les jeunes adultes</h2>
<p>Ces niveaux de mal-être psychologique sont élevés par rapport à ceux observés dans d’autres pays européens. Chez les jeunes adultes, la tendance est similaire. Le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/sante-mentale/depression-et-anxiete/documents/article/prevalence-des-episodes-depressifs-en-france-chez-les-18-85-ans-resultats-du-barometre-sante-2021">Baromètre Santé</a>, une enquête réalisée par Santé publique France auprès d’un échantillon représentatif de la population française, montre qu’entre 2005 et 2021, la prévalence de la dépression est passée de 9 % à 20 % chez les 18-24 ans et de 8 % à 15 % chez les 25-34 ans. Aucun autre groupe de la population ne connaît une dynamique si délétère ni une santé mentale aussi dégradée.</p>
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<h2>Des symptômes qui perdurent même après le Covid</h2>
<p>La détérioration de la santé mentale des jeunes a été particulièrement marquée à partir de la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a causé <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5432509">plus de 116 000 décès</a>.</p>
<p>En 2020, d’après les données de l’étude <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/confinement-du-printemps-2020-une-hausse-des-syndromes-depressifs">ÉpiCov</a>, menée conjointement par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et la Direction de la recherche et des études statistiques (Drees) du ministère des Affaires sociales auprès d’un échantillon représentatif de plus de 100 000 personnes, 22 % des 15 à 24 ans déclaraient des symptômes de dépression (par rapport à 13 % dans l’ensemble de la population), c’est-à-dire un taux deux fois plus élevé qu’avant la pandémie de Covid-19.</p>
<p>La prévalence de la dépression chez les jeunes a ensuite baissé entre 2020 et 2021, mais dans une moindre mesure comparé au reste de la population. Fin 2021, 14 % des 15-24 ans participant à EpiCov déclaraient des symptômes correspondant à un trouble dépressif.</p>
<p>L’enquête <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-Covid-19">Coviprev</a>, menée par Santé publique France auprès d’un échantillon de 2 000 personnes entre mars 2020 et décembre 2022, a aussi montré des taux élevés de symptômes d’anxiété (43 %) et de dépression (22 %) chez les 18-24 ans, qui ont perduré après la fin de la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Ces tendances sont confirmées par les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/sante-mentale-des-jeunes-des-conseils-pour-prendre-soin-de-sa-sante-mentale">données médicales</a> qui montrent une augmentation des recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires chez les 11-24 ans depuis 2021 et qui restent à des niveaux élevés en 2023.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/suicide-des-adolescents-comment-prevenir-le-passage-a-lacte-162064">Suicide des adolescents : comment prévenir le passage à l’acte ?</a>
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<h2>L’adolescence, une période charnière pour la santé mentale future</h2>
<p>Les troubles psychiatriques fréquents, dont la dépression, les troubles anxieux et les troubles liés à l’alcool ou aux drogues, touchent au total une personne sur quatre au cours de la vie et représentent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1600-0047.2004.00327.x">15 % de la morbidité totale au sein de la population</a>. Dans près de 50 % des cas, ces troubles surviennent au moment de la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2003-04300-010">transition entre l’adolescence et l’âge adulte</a> et, dans près d’un cas sur deux, ils persistent au cours de la vie.</p>
<p>L’adolescence et le moment de l’entrée dans la vie adulte, où se jouent également le devenir scolaire, professionnel ainsi que l’insertion sociale des personnes sont des périodes charnières, au cours desquelles une dégradation de la santé mentale peut avoir des effets irrémédiables sur la santé future mais aussi sur le devenir des individus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cannabis-mais-aussi-alcool-et-tabac-chez-les-jeunes-une-consommation-de-drogues-en-baisse-206796">Cannabis, mais aussi alcool et tabac : chez les jeunes, une consommation de drogues en baisse ?</a>
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<h2>Les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés davantage affectés</h2>
<p>Dans ce domaine, comme vis-à-vis d’autres problématiques de santé, les jeunes issus de groupes sociaux défavorisés ont un risque élevé d’avoir des problèmes de santé mentale et, en même temps, ce sont ceux qui rencontrent le plus de difficultés pour accéder à des soins de qualité. <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-022-03038-6">Ceux dont les parents n’ont pas d’emploi ou ont des revenus faibles sont les plus concernés</a> par des difficultés émotionnelles et psychologiques, surtout si leur famille connaît une <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/european-psychiatry/article/abs/emotional-and-behavioral-difficulties-in-children-growing-up-homeless-in-paris-results-of-the-enfams-survey/125E1F045B48FE8E325BD3DED182B562">situation de précarité aiguë telle que le fait de ne pas avoir de logement fixe</a>. Or <a href="https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12888-022-04438-5">l’accès aux soins de santé mentale spécialisés est moins fréquent</a> pour les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés.</p>
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<img alt="Page d’accueil du site nightline.fr" src="https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le site nightline.fr propose un accompagnement par et pour les étudiants.</span>
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<p>Depuis la pandémie de Covid-19, on se soucie, à juste titre, de la <a href="https://theconversation.com/comment-la-crise-sanitaire-affecte-la-sante-mentale-des-etudiants-163843">santé mentale des étudiants</a>. Mais les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2022.904665/full">données de l’étude EpiCov</a> indiquent que, parmi les jeunes adultes de 18 à 24 ans, ce sont ceux qui ne sont ni en formation ni en emploi qui souffrent des taux de dépression les plus élevés, tandis que chez les 25-30 ans, il s’agit de ceux qui sont au chômage.</p>
<h2>Pauvreté, pression scolaire, Internet… des facteurs de risque en augmentation</h2>
<p>La <a href="https://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=78092">survenue et la persistance des problèmes de santé mentale sont multifactorielles</a>. Elles traduisent à la fois des mécanismes génétiques, des expositions et facteurs de risque spécifiques à l’individu (par exemple l’exposition à des situations de violence, à des évènements de vie adverses, etc.), ainsi que des facteurs collectifs (par exemple une crise sanitaire, politique ou économique).</p>
<p>Une augmentation de la prévalence des symptômes d’anxiété et de dépression chez les adolescents et jeunes adultes, telle qu’observée au cours des vingt dernières années, ne peut pas être expliquée par des facteurs génétiques qui n’évoluent pas dans le temps – elle ne peut traduire que des changements dans le repérage des problèmes de santé mentale ou une augmentation de la fréquence des facteurs de risque. Il n’est pas exclu qu’il soit plus facile aujourd’hui qu’hier d’identifier et de rapporter des problèmes psychologiques dans une enquête, de se confier à des proches ou de se tourner vers un soignant pour cette raison.</p>
<p>Si, comme le suggèrent certaines <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19373710/">études</a>, la littératie en santé mentale – c’est-à-dire les connaissances sur la santé mentale de la population et la capacité à repérer les difficultés psychologiques – s’améliore et la stigmatisation des problèmes de santé mentale recule, on ne peut que s’en réjouir, car il s’agit d’étapes nécessaires pour pouvoir prendre soin de soi et demander de l’aide à son entourage ou à un soignant.</p>
<p>Néanmoins, il semblerait également que la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10964-023-01800-y">fréquence de certains facteurs de risque ait cru</a> : proportion de familles monoparentales, niveau de pauvreté, inégalités sociales, pression scolaire, auxquels s’ajoutent de nouvelles expositions telles que l’utilisation importante d’Internet (notamment des jeux vidéo et des réseaux sociaux).</p>
<h2>La répétition d’évènements violents également dommageable</h2>
<p>La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022395621002181">survenue d’évènements violents tels que des attentats terroristes peuvent aussi avoir un impact sur la santé mentale des jeunes</a>, y compris parmi ceux qui ne sont pas directement victimes. En effet, la survenue de violences peut fragiliser les personnes sur le plan psychologique, causer des symptômes d’anxiété, les amener à se couper des autres. La répétition de ce type d’évènements, par nature imprévisibles, semble particulièrement dommageable.</p>
<h2>La pédopsychiatrie à bout de souffle</h2>
<p>Face à l’augmentation de la fréquence des problèmes de santé mentale des jeunes, le système de santé – à bout de souffle comme le rappellent de multiples <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/24/oui-par-manque-de-moyens-la-pedopsychiatrie-doit-depuis-des-annees-trier-les-enfants_6151352_3232.html">tribunes</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/08/en-france-en-2022-des-enfants-et-adolescents-meurent-de-souffrance-psychique-par-manque-de-soins-et-de-prise-en-compte-societale_6133925_3232.html">éditoriaux</a> sur la pédopsychiatrie et la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-pedopsychiatrie">Cour des comptes en 2023</a> – ne peut pas tout.</p>
<p>La prévention et le repérage des difficultés psychologiques des enfants et adolescents reposent principalement sur d’autres acteurs dont les parents, mais aussi les adultes présents à l’école, à l’université ou travaillant dans des associations culturelles et sportives qui accompagnent des millions de jeunes dans des activités de loisirs au quotidien.</p>
<h2>Multiplier les dispositifs d’accompagnement</h2>
<p>La diffusion des connaissances et l’amélioration de la littératie en santé mentale sont nécessaires pour mieux repérer les jeunes en souffrance. De même, la multiplication des dispositifs facilement accessibles peut favoriser l’accompagnement voire l’accès aux soins avant la survenue d’une crise sévère qui conduit à l’hôpital telle qu’une tentative de suicide : lignes téléphoniques, à l’image de <a href="https://www.filsantejeunes.com/">Fil Santé Jeunes</a> qui fait référence, sites Internet permettant d’avoir des informations fiables sur la santé mentale, applications smartphones ou autres programmes d’e-santé permettant d’accéder à des programmes brefs, notamment de mentalisation, relaxation ou méditation, aidant à gérer les symptômes de stress.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran de la page d’accueil du site du 3114" src="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le 3114 est le numéro national de prévention du suicide mis en place par le gouvernement.</span>
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<h2>Mal-logement, familles monoparentales, violences… agir sur les déterminants sociaux</h2>
<p>Cependant, une véritable politique de prévention des problèmes de santé mentale des jeunes nécessite des efforts intersectoriels pour modifier des déterminants au-delà du système de santé : lutte contre la pauvreté et le mal-logement, accompagnement renforcé des familles monoparentales, prise en charge des problèmes de santé mentale des parents et prévention des violences – dans le contexte familial, à l’école et sur Internet – ainsi qu’une remise en question du système de compétition scolaire auquel les jeunes sont confrontés de plus en plus tôt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217154/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les projets de recherche de Maria Melchior sont financés par des bourses/appels d’offres publics français et européens. Mais elle n'est pas rémunérée via ce biais.</span></em></p>Le Covid, les attentats et les conflits armés impactent la santé mentale des jeunes déjà dégradée par des déterminants sociaux majeurs comme la pauvreté, le mal-logement ou le contexte familial.Maria Melchior, Epidémiologiste, Directeur de recherche, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2073562023-06-14T16:39:22Z2023-06-14T16:39:22ZSéparation des parents : quel impact sur le niveau de vie de enfants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530959/original/file-20230608-27-6n674r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=84%2C0%2C6146%2C4147&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En résidence alternée, les enfants connaissent une baisse de niveau de vie de l’ordre de 10 % par rapport à leur niveau de vie antérieur à la rupture.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/IXiGMtCrQPg">Jeremiah Lawrence / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Quand les parents se séparent, quelles en sont les conséquences sur les enfants, notamment sur leur niveau de vie ? Baisse-t-il ? De combien ? Sa diminution est-elle similaire quand ils vivent avec leur mère seule ou leur père seul ? S'ils sont en <a href="https://theconversation.com/divorce-comment-les-enfants-gerent-ils-la-vie-en-garde-alternee-195320">résidence alternée</a> ? S'il y a <a href="https://theconversation.com/familles-recomposees-belle-mere-une-place-toujours-inconfortable-191182">remise en couple</a> du parent gardien?</p>
<p>Pour mesurer le risque pour un enfant de tomber dans la pauvreté quand ses parents se séparent, nous avons utilisé une source de données originale élaborée par l'Insee, l'« <a href="http://www.jms-insee.fr/2018/S26_1_ACTE_DURIER_JMS2018.pdf">Échantillon démographique permanent</a> ». Celle-ci nous a permis de suivre la situation économique d'un échantillon de plus de 750 000 enfants sur plusieurs années, dont 36 000 ont connu une rupture parentale (observation jusqu'à 7 ans avant et après la séparation).</p>
<p>En France, de façon générale, un enfant sur cinq (21 % en 2019) vit <a href="https://theconversation.com/12-millions-de-francais-en-situation-de-precarite-energetique-69177">sous le seuil de pauvreté</a>, c'est-à-dire dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du <a href="https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/30_RPC/31_RNP#:%7E:text=En%202019%2C%20en%20France%20m%C3%A9tropolitaine,de%20moins%20de%2014%20ans.">niveau de vie médian</a>. Le revenu médian étant le montant de revenu qui divise une population en deux groupes égaux, la moitié ayant un revenu supérieur à ce montant et l'autre moitié ayant un revenu inférieur à ce montant.</p>
<p>Ceux dont les parents sont séparés sont plus fréquemment pauvres que les autres. Si leur entrée dans la pauvreté est parfois antérieure à la rupture conjugale, elle en est souvent la conséquence. <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-4-page-1.htm">Le taux de pauvreté des enfants l'année de la séparation</a> est bien plus élevé que celui des enfants vivant avec leurs deux parents. Et l'écart reste marqué les années suivantes.</p>
<h2>Un pic de pauvreté juste après la séparation</h2>
<p>Environ 4 % des enfants vivant avec leurs deux parents entrent en pauvreté chaque année. Ils sont <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-4-page-1.htm">cinq fois plus nombreux</a> (21 %) l'année de la séparation parentale. La grande majorité (près des trois quarts) des enfants déjà pauvres le restent l'année de la séparation. Cette permanence de la pauvreté est observable, qu'il y ait eu ou non séparation parentale.</p>
<p>Au final, le taux de pauvreté est bien plus élevé pour les enfants dont les parents viennent de se séparer que pour les enfants vivant avec leurs deux parents (29 % contre 13 %). Cinq ans après la rupture, ce taux est toujours supérieur (23 %). Le surplus de pauvreté élevé tient majoritairement à des entrées en pauvreté suite à la séparation et, dans une moindre mesure, au fait que les <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-4-page-1.htm">enfants dont les parents se séparent appartiennent plus souvent que les autres à des ménages déjà pauvres</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<h2>Plus les enfants sont jeunes, plus le risque de pauvreté est important</h2>
<p>Le taux de pauvreté varie selon l'âge de l'enfant au moment de la séparation parentale. Ainsi, plus l'enfant connaît la séparation de ses parents à un âge jeune, plus le risque de pauvreté est important. Plus de 35 % des enfants de deux ans dont les parents viennent de se séparer sont pauvres, contre 22 % des enfants de 13 ans.</p>
<p>Le supplément de pauvreté des enfants au moment de la séparation parentale – de l'ordre de 17 points de pourcentage pour l'ensemble des enfants mineurs – existe quel que soit le statut marital des parents mariés, pacsés ou cohabitants (sans être mariés ni pacsés). Ce supplément est un peu plus élevé pour les enfants de parents non mariés que ceux de parents mariés, mais les enfants de couples cohabitants sont déjà plus pauvres avant la séparation. Le taux de pauvreté est bien moindre pour les enfants dont les parents étaient pacsés, en moyenne plus aisés.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/530877/original/file-20230608-25-w7zvm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Taux de pauvreté des enfants selon le statut marital des parents avant la séparation, et supplément lié à la séparation" src="https://images.theconversation.com/files/530877/original/file-20230608-25-w7zvm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530877/original/file-20230608-25-w7zvm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530877/original/file-20230608-25-w7zvm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530877/original/file-20230608-25-w7zvm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=636&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530877/original/file-20230608-25-w7zvm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=800&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530877/original/file-20230608-25-w7zvm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=800&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530877/original/file-20230608-25-w7zvm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=800&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Taux de pauvreté des enfants selon le statut marital des parents avant la séparation, et supplément lié à la séparation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-4-page-1.htm">Carole Bonnet et Anne Solaz, Population & Sociétés, n° 610</a></span>
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<p>Les enfants dont les parents se séparent connaissent une baisse conséquente de leur niveau de vie, de l'ordre de 15 % l'année de la séparation, et 10 % l'année suivante, par rapport à l'année précédant la séparation. Puis se met en place un rattrapage progressif caractérisé par une croissance du niveau de vie.</p>
<p>Toutefois, cinq ans après la séparation, le niveau de vie moyen des enfants reste toujours inférieur de plus de 5 % à celui observé avant la séparation. La baisse de niveau de vie est donc durable.</p>
<h2>Mère seule : les enfants les plus pauvres</h2>
<p>Lorsque l'enfant réside fiscalement principalement avec la mère, la baisse de niveau de vie est importante, de l'ordre de 24 % l'année de la séparation, tandis qu'elle est moitié moindre quand l'enfant réside fiscalement avec le père.</p>
<p>En résidence alternée, les enfants connaissent une baisse de niveau de vie de l'ordre de 10 % par rapport à leur niveau de vie antérieur à la rupture (moyenne des deux niveaux de vie observés dans les deux ménages). Toutefois, comme les parents optant pour ce mode de résidence sont en moyenne plus aisés avant la séparation, leurs enfants ont un moindre risque d'entrée en pauvreté que les enfants résidant principalement chez la mère.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/530880/original/file-20230608-28-wm6pkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Niveau de vie des enfants autour de la séparation, selon le mode de résidence principal après la séparation" src="https://images.theconversation.com/files/530880/original/file-20230608-28-wm6pkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530880/original/file-20230608-28-wm6pkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530880/original/file-20230608-28-wm6pkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530880/original/file-20230608-28-wm6pkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530880/original/file-20230608-28-wm6pkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530880/original/file-20230608-28-wm6pkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530880/original/file-20230608-28-wm6pkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niveau de vie des enfants autour de la séparation, selon le mode de résidence principal après la séparation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-4-page-1.htm">Carole Bonnet et Anne Solaz, Population & Sociétés, n° 610</a></span>
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<p>Le rattrapage de niveau de vie est progressif dans les années qui suivent la rupture. La <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-4-page-1.htm">remise en couple du parent gardien</a> permet d'atténuer fortement la diminution de niveau de vie des enfants, que l'enfant vive avec sa mère et son beau-père, ou avec son père et sa belle-mère.</p>
<h2>Pauvre chez un parent mais pas chez l'autre ?</h2>
<p>Parmi les enfants en résidence alternée, 6 % sont pauvres dans les deux ménages tandis que 24 % sont pauvres dans un seul des ménages, nettement plus souvent chez la mère (15 %) que chez le père (9 %) ; et 70 % des enfants ne sont pauvres dans aucun des deux ménages.</p>
<p>Qu'ils soient pauvres ou pas, les enfants multi-résidents peuvent faire l'expérience d'écarts de niveaux de vie considérables entre le logement du premier et du second parent. Ainsi, si l'année de la séparation près d'un enfant sur 5 (16 %) connaît des niveaux de vie quasi similaires chez ses deux parents (moins de 10 % d'écart), 4 enfants sur 10 vivent la moitié du temps avec un parent qui a un niveau de vie supérieur de plus de 50 % à celui de l'autre.</p>
<h2>Moins de vacances et de copains à la maison</h2>
<p>En pratique, les enfants <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11205-018-02060-1">ont moins accès à certaines ressources après la séparation parentale qu'avant</a>. La part d'enfants dont le ménage a les moyens financiers de partir en vacances en dehors de chez soi au moins une semaine par an diminue ainsi de 10 points de pourcentage entre l'année de la séparation et celle qui suit.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/530881/original/file-20230608-19-a4sqhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Niveau de vie des enfants autour de la séparation, selon le mode de résidence principal après la séparation" src="https://images.theconversation.com/files/530881/original/file-20230608-19-a4sqhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530881/original/file-20230608-19-a4sqhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530881/original/file-20230608-19-a4sqhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530881/original/file-20230608-19-a4sqhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530881/original/file-20230608-19-a4sqhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530881/original/file-20230608-19-a4sqhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530881/original/file-20230608-19-a4sqhf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niveau de vie des enfants autour de la séparation, selon le mode de résidence principal après la séparation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-4-page-1.htm">Carole Bonnet et Anne Solaz, Population & Sociétés, n° 610</a></span>
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<p>Recevoir des amis à domicile est plus rare dans les quatre années suivant la séparation, sans doute en lien avec la taille réduite du logement et la rupture de certains réseaux amicaux. Les possibilités pour le ménage de faire face à une dépense imprévue, d'offrir des cadeaux, de changer les meubles usagés, ou de disposer d'une voiture sont également moindres, et cela perdure dans les années qui suivent la séparation.</p>
<p>Les conditions de vie des enfants sont donc dégradées à bien des égards après une rupture parentale. On note cependant une nette amélioration lorsqu'il y a remise en couple du parent chez lequel vit l'enfant.</p>
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<p><em>Ce texte est adapté d'un article publié par Carole Bonnet et Anne Solaz dans Population & Sociétés n° 610, 2023 <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-4-page-1.htm">«Séparation des parents : un risque accru de pauvreté pour les enfants ?»</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207356/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cet article a bénéficié de l’aide de Claire Vandendriessche, Alex Sheridan et Paul Corbel. Merci à eux.
Ce travail a bénéficié d’un financement de France Stratégie (voir rapport en ligne, site de France Stratégie) et du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA), ainsi que de LifeObs (France 2030 ANR-21-ESRE-0037) et du projet Big_stat (ANR-16-CE41-0007).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carole Bonnet a bénéficié d’un financement de France Stratégie et du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA), ainsi que de LifeObs et de l'ANR pour mener à bien cette recherche. </span></em></p>Le taux de pauvreté augmente chez les enfants lorsque leurs parents se séparent. Ce phénomène varie selon divers paramètres : mode de garde, âge des enfants, remise en couple, etc.Anne Solaz, Directrice de recherche, Institut National d'Études Démographiques (INED)Carole Bonnet, Directrice de recherche, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1352582020-04-01T19:03:21Z2020-04-01T19:03:21ZConfinement : que faire pour les enfants en résidence partagée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/324580/original/file-20200401-66109-g72ffo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le confinement est l’occasion d’inventer de nouvelles manières de communiquer dans la famille séparée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/girl-father-portrait-eyes-people-1641215/">Daniela Dimitrova / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En cette période exceptionnelle de confinement, la situation particulière des enfants dont les parents sont séparés mérite encore plus d’attention qu’à l’habitude. De nouvelles questions se posent. A-t-on le droit de faire transiter les enfants d’une résidence à l’autre ? Est-ce que les risques pris en valent la peine ? Comment compenser le manque de relations avec les deux parents ? Comment gérer les implications financières ?</p>
<p>Les procédures en vigueur sont claires : les <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A13922">transitions</a> entre les résidences de l’enfant sont maintenues. Le ministre de l’Intérieur, dans son allocution du 13 mars, a clairement précisé que le déplacement des parents séparés pour assurer les modalités de résidence des enfants constituait un motif familial impérieux. Il convient simplement de cocher la case correspondante dans l’attestation de déplacement dérogatoire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1239659475075764226"}"></div></p>
<p>Le maintien de ces transitions régulières paraît particulièrement important pour les enfants qui sont en résidence pleine chez un parent, le plus souvent la mère, et qui ne rencontrent l’autre parent, souvent le père, que deux jours par quinzaine.</p>
<p>Dans la plupart des pays, le <a href="https://web.lexisnexis.fr/unerevues/pdf/une/fam2002.pdf">droit évolue</a> pour s’adapter aux configurations familiales actuelles et s’orienter vers une meilleure prise en compte de l’apport de chaque parent à la sécurité affective et sociale de l’enfant. Dans la situation de confinement, du fait des inquiétudes qu’elle peut générer, cet équilibre de la présence de l’enfant avec chacun de ses parents est à préserver.</p>
<h2>Règles et prise de décision</h2>
<p>Au-delà de la simple perspective réglementaire, on peut se demander si le maintien des transitions vaut la peine dans un contexte d’épidémie. La réponse est plus complexe car il s’agit de décisions individuelles.</p>
<p>D’une part, il nous faut garder une certaine logique de raisonnement. Si nous acceptons le confinement, malgré les sacrifices que cela représente, c’est parce que nous nous conformons aux décisions de gouvernants qui affirment s’appuyer sur des préconisations scientifiques.</p>
<p>En conséquence, si le déplacement des parents séparés pour aller chercher ou déposer leurs enfants est reconnu comme motif dérogatoire à l’interdiction de déplacement, alors nous devons nous conformer à cette décision. Les transitions d’une résidence à l’autre, en résidence alternée ou selon le droit de visite et d’hébergement, doivent donc être respectées, selon la loi.</p>
<p>D’autre part, il nous faut certainement nous adapter aux situations particulières. Si les parents ou si les enfants sont malades au moment des jours de transition, il paraît évident qu’il faut reporter le déplacement. Il y a beaucoup d’autres cas possibles, les énumérer tous ici serait illusoire. Mieux vaut dégager quelques principes de prise de décision, tout en gardant en tête que les mesures de confinement sont faites pour protéger les familles et leurs proches contre la propagation du virus.</p>
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<figcaption><span class="caption">En garde alternée, puis-je garder mon enfant jusqu’à la fin du confinement ? (BFM TV).</span></figcaption>
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<p>La situation actuelle met en évidence l’importance des <a href="https://www.journaldesfemmes.fr/maman/magazine/2626129-coronavirus-et-sorties-avec-les-enfants-dans-quelles-conditions/">règles</a> pour mieux vivre ensemble, comme citoyens, parents ou enfants. <a href="https://www.education.gouv.fr/le-reglement-interieur-l-ecole-7751">Parents</a> et <a href="http://www.ac-grenoble.fr/ecole/74/le-noiret.cluses/IMG/pdf/regles_de_vie_ecole_affiche.pdf">enfants</a> sont sensibilisés à ce type de règles, dans la vie scolaire, par exemple. Discuter ces règles, les écrire parfois, savoir les adapter à l’évolution des évènements, est encore plus utile qu’à l’ordinaire.</p>
<h2>Faire vivre la coparentalité</h2>
<p>La loi française, comme de nombreuses lois à travers le monde, instaure la responsabilité commune des parents dans le soin et l’éducation des enfants. Concrètement, cela passe par le maintien de relations régulières et de contacts fréquents avec chaque parent, sauf si cela pourrait nuire à l’enfant. C’est d’ailleurs un droit inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), en son <a href="https://www.unicef.fr/sites/default/files/convention-des-droits-de-lenfant.pdf">article 9-3</a>.</p>
<p>Sans un effort de chaque parent pour maintenir des relations authentiques avec les enfants et, parallèlement, pour aider l’autre à maintenir ces relations, il est difficile de préserver l’engagement du couple parental dans le soin aux enfants. Une enquête de l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF) montrait que, lorsque l’hébergement est déséquilibré, la tentation de certains parents de <a href="https://www.unaf.fr/spip.php?article17356">« confisquer »</a> l’autorité parentale de l’autre est forte.</p>
<p>Il ne faudrait pas que le confinement dû au Covid-19 renforce cette tentation, au détriment des enfants. À l’inverse, le confinement peut devenir l’occasion d’instaurer des contacts plus réguliers, par exemple grâce aux nombreuses applications disponibles sur Internet, de manière quotidienne, à heure fixe, entre l’enfant et le parent non-résident.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1244540895191601158"}"></div></p>
<h2>Respecter chaque parent</h2>
<p>En temps ordinaire, il est assez fréquent que les parents divergent quant à certaines règles éducatives vis-à-vis de leurs enfants, encore plus lorsqu’ils sont séparés. En période de confinement, chacun invente des règles nouvelles pour faire face à la vie en commun, dans un logement qui n’est pas toujours adapté. Les réseaux sociaux regorgent d’idées sages ou saugrenues en la matière.</p>
<p>Il est clair que les divergences entre parents séparés risquent d’être exacerbées du fait de l’inventivité demandée à tous. Cela ne devrait pas constituer l’occasion de faire monter les tensions et de dénigrer l’autre parent. Comme le notait l’Observatoire national de l’enfance en danger, subir les effets à long terme de la mise à l’écart et de la <a href="https://www.onpe.gouv.fr/system/files/ao/rapport_final_bastard_oned_ao2007.pdf">dévalorisation</a> d’un parent représente une violence domestique pouvant affecter l’enfant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">Les écrans, atouts ou freins du dialogue familial ?</a>
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<p>Dans une situation de confinement qui peut être angoissante, chaque parent devrait s’empêcher de rajouter du stress en dénigrant les tentatives de l’autre parent pour faire face à cette situation inédite. Encore une fois, le confinement est l’occasion d’inventer de nouvelles manières de communiquer dans la famille séparée.</p>
<h2>Prêter attention aux besoins des enfants</h2>
<p>Les enfants qui vivent en résidence principale chez un parent sous la modalité de résidence « un week-end sur deux » sont particulièrement vulnérables. Si la transition ne peut avoir lieu le week-end prévu, du fait de la maladie, et si les parents ne parviennent pas à s’adapter, alors la quinzaine sans l’autre parent, souvent le père, se transformera en une absence d’un mois.</p>
<p>Chez certains enfants, ce confinement peut ajouter de l’angoisse et de l’inquiétude à la difficulté d’être isolé de l’un des parents. Les parents devraient prêter encore plus d’attention aux besoins de leurs enfants et, si nécessaire, adapter le rythme des transitions et des communications afin de leur permettre de maintenir des liens réguliers avec chacun.</p>
<p>Si besoin, les parents peuvent toujours se mettre d’accord sur un arrangement transitoire qui prévoit, pour la fin du confinement, des droits de visite plus fréquents ou une résidence prolongée chez l’autre parent.</p>
<h2>Écouter les enfants et les adolescents</h2>
<p>La possibilité d’être écouté sur les questions les concernant est, également, un droit fondamental inscrit dans la CIDE (article 12). En matière de transition, en période de confinement, c’est l’occasion de demander ce qui fait plaisir et ce qui angoisse, ce qui fait envie et ce qui est difficile.</p>
<p>Que souhaite chaque enfant ou adolescent ? Le confinement dans un logement pas nécessairement adapté pour ceux qui ne viennent que deux jours par quinzaine est-il un repoussoir ? L’angoisse de sortir de chez soi est-elle trop forte ? L’envie de rencontrer l’autre parent – ou ses frères et sœurs de sa famille recomposée – est-elle plus puissante que tout le reste ?</p>
<p>Encore plus que d’ordinaire, et même si les enfants ne peuvent pas décider de tout, il est important de maintenir ou d’ouvrir un dialogue avec eux sur leur modalité de résidence.</p>
<h2>Faire preuve d’inventivité</h2>
<p>Le psychiatre Serge Hefez, interrogé sur <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-19-mars-2020">France Inter</a>, met en avant que cette situation inédite nous conduit, ensemble, à inventer des solutions nouvelles, pour le bien de tous et notamment des enfants.</p>
<p>Avec eux, nous devons développer des solutions originales, personnelles et relationnelles, pour surmonter ensemble le traumatisme collectif que nous vivons en ce moment. Le maintien des liens dans la famille et avec les autres est essentiel : le fait d’être relié donne du sens à l’effort énorme qui est demandé aux enfants et adolescents confinés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-point-par-point-des-recommandations-dexperts-pour-reduire-les-effets-psychologiques-negatifs-lies-au-confinement-133811">Covid-19 : point par point, des recommandations d’experts pour réduire les effets psychologiques négatifs liés au confinement</a>
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<p>Durant le confinement, il est important de pousser les enfants et les adolescents à prendre leur téléphone pour appeler la famille et les proches, de les responsabiliser vis-à-vis des personnes isolées, notamment les plus âgées. Le confinement peut devenir une opportunité pour rouvrir les communications familiales ou amicales qui étaient suspendues du fait de la séparation du couple.</p>
<h2>Rester calme et montrer de la patience</h2>
<p>Les réseaux sociaux font part de demandes de réajustement des contributions au soin et à l’éducation des enfants. Dans certains cas, du fait des frais supplémentaires ou des annulations d’activité, des ajustements seront vraisemblablement utiles pour ces pensions alimentaires, en gardant en tête qu’un parent ne peut pas modifier sa part contributive de sa seule initiative, sous peine de poursuites pénales. On peut imaginer que les répercussions économiques du confinement poseront des difficultés telles que la réponse devra être plus globale.</p>
<p>Dans ces questions financières, ici encore, il faut savoir faire preuve d’inventivité et réagir en fonction de la situation réelle de chaque parent. Savoir prendre de la distance, apprendre à reconnaître ce qui peut attendre un peu, pourrait être un bénéfice du confinement.</p>
<h2>Pari pour l’avenir</h2>
<p>Pour finir, faisons un pari. La pandémie due au Covid-19 pourrait être transformée en une opportunité pour nous mettre dans un état d’esprit plus collectif, pour développer l’engagement de tous, afin de surmonter la situation actuelle et éviter sa reproduction.</p>
<p>Elle pourrait nous donner l’occasion d’apprendre à mieux nous comporter dans notre rapport à l’environnement, terrestre et social, et à mieux prêter attention aux besoins des plus vulnérables, notamment les enfants de parents séparés. N’est-ce pas un défi mobilisateur ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit en collaboration avec : Chantal Clot-Grangeat, vice-présidente de International Council on Shared Parenting (ICSP) ; Luis Álvarez, pédopsychiatre, American Hospital of Paris ; Serge Hefez, responsable de l’unité de thérapie familiale dans le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, La Salpêtrière–Hôpitaux de Paris ; et Blandine Mallevaey, maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université Catholique de Lille.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135258/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Grangeat est président du Comité Europe de International Council on Shared Parenting (ICSP). ICSP est une ONG Internationale avec statut participatif au Conseil de l’Europe.</span></em></p>Respecter les règles tout en s’adaptant à un contexte hors normes, c’est le défi qui se pose aux parents divorcés en contexte de confinement. Quelques pistes pour faciliter le dialogue familial.Michel Grangeat, Professeur Emérite de Sciences de l'Education, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1042032018-10-02T15:48:32Z2018-10-02T15:48:32ZRésidence alternée, un droit de l’enfant ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/238913/original/file-20181002-85635-19lxz5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1280%2C850&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France près des trois-quarts des enfants de couples divorcés ne voient leur père qu'un week-end par quinzaine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/p%C3%A8re-fille-fils-enfant-papa-2342674/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>De nombreux couples avec enfants se séparent, en France, en Europe et dans le monde. En France, près de <a href="http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/infostats-justice-10057/les-decisions-des-juges-concernant-les-enfants-de-parents-separes-27681.html">200 000 enfants par an</a> sont concernés par le divorce de leurs parents. Après divorce, un peu plus de sept enfants sur dix (73 %) vivent uniquement chez la mère et ne rencontrent leur père qu’un week-end par quinzaine. Ce phénomène interroge la situation et le devenir – à court et long terme – de ces enfants, en particulier dans l’idée que l’<a href="https://www.wiley.com/en-fr/The+Role+of+the+Father+in+Child+Development,+5th+Edition-p-9780470405499">implication active des deux parents dans la vie des enfants est vitale</a> pour leur bien-être.</p>
<p>La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE, 1989), tout comme la Charte européenne des droits fondamentaux (2011, Article 24), édicte la possibilité qui doit être laissée aux enfants de poursuivre des relations avec leurs deux parents. En parallèle, la place des pères dans l’éducation et le soin aux enfants s’est significativement accrue dans les dernières décennies, tout comme l’engagement des mères dans le monde professionnel. Cette combinaison appelle de nouveaux arrangements dans la vie des couples que les politiques familiales ont à prendre en considération.</p>
<p>En outre, les études récentes (voir ci-dessous) montrent clairement que les relations continues des enfants aux deux parents leur sont bénéfiques, quels que soient leur âge et leur situation. Ces convergences posent la question du besoin de réforme des pratiques et des lois concernant les modalités de résidence des enfants après rupture du couple parental, afin d’améliorer leur bien-être et leur développement, dans la considération de leur « intérêt supérieur ».</p>
<p>Elles pointent, également, l’importance de sensibiliser l’opinion publique à propos de l’importance de ces changements.</p>
<h2>Le droit d’entretenir des relations régulières avec ses deux parents</h2>
<p>La <a href="https://www.unicef.fr/sites/default/files/userfiles/50154.pdf">Convention internationale des droits de l’enfant</a>, dans son article 9-3, énonce :</p>
<blockquote>
<p>« le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. »</p>
</blockquote>
<p>Ce droit concerne particulièrement les situations de séparation parentale, mentionnées dans l’article 9-1 qui stipule que :</p>
<blockquote>
<p>« les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, ni les droits de l’enfant ni la définition de son intérêt supérieur ne sont clairement édictés, ni dans la Convention ni dans le droit de la famille. Ils doivent être interprétés en fonction de la situation de chaque enfant.</p>
<p>Cette interprétation est souvent sous la responsabilité des juges, mais elle revient aussi aux organisations internationales. Ainsi, une <a href="https://book.coe.int/eur/fr/droit-des-enfants-et-droit-de-la-famille/7490-linteret-superieur-de-lenfant-un-dialogue-entre-theorie-et-pratique.html">conférence tenue en 2014</a> sous l’égide du Conseil de l’Europe a conclu :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’existe pas de définition exhaustive de l’intérêt supérieur de l’enfant et l’imprécision d’une telle notion rend difficile son application. Aussi certains suggèrent-ils de l’invoquer uniquement lorsque cela s’avère nécessaire, opportun et réalisable pour promouvoir les droits de l’enfant. D’autres considèrent que la souplesse du principe en fait justement son atout. »</p>
</blockquote>
<p>Nous souhaitons conduire une réflexion sur l’intérêt supérieur de l’enfant adaptée aux conditions de vie des enfants du XXI<sup>e</sup> siècle, pour remplacer les pratiques « classiques » tout en tenant compte des résultats des recherches sur les conséquences de la séparation du couple parental sur le bien-être des enfants.</p>
<h2>L’équilibre entre vie professionnelle et familiale</h2>
<p>Reconnaître que l’enfant tire des bénéfices des relations avec ses deux parents provoque des modifications <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-954X.2010.01899.x">dans l’équilibre des tâches domestiques et éducatives</a> réparties entre les parents. Il en est de même quant au rôle de chacun dans l’articulation famille-travail, dans un <a href="https://scholar.harvard.edu/files/brinton/files/knight.brinton.ajs_.pdf">modèle familial à double revenu</a>. Cela rend <a href="https://academic.oup.com/sp/article-abstract/8/2/152/1734373?redirectedFrom=fulltext">obsolète</a> la répartition de la famille nucléaire issue du milieu du XX<sup>e</sup> siècle, où la mère gère la tenue du foyer et l’éducation des enfants, et où le père s’en va gagner l’argent nécessaire au confort de tous.</p>
<p>Les avancées sociales et politiques ont permis un accès des filles aux études supérieures et une insertion des femmes dans de nombreux métiers, mais d’indéniables progrès restent à faire. Ainsi, le congé maternité devrait être adapté pour permettre un meilleur maintien dans l’emploi. Le congé paternité devrait être étendu de manière à permettre aux pères d’entretenir ou de renforcer des liens avec leurs très jeunes enfants.</p>
<p>De fait, des recherches en psychologie montrent qu’il n’y a <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15379418.2018.1425105?scroll=top&needAccess=true">pas de compétition entre l’attachement au père et celui à la mère</a>. En effet, les enfants sont prédisposés à construire et à profiter de plusieurs liens d’attachement. Les mères ne sont pas, par nature, plus sensibles et réactives aux enfants que les pères. Le facteur principal qui explique les différences, c’est la quantité de temps passé à interagir avec l’enfant : plus le parent est engagé dans le soin au bébé, plus il devient sensible et réactif à ses signaux.</p>
<p>Ce meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, parce qu’il permet aux deux parents de construire un lien d’attachement sûr avec leur enfant, vient renforcer l’application de l’article 9-3 de la CIDE. Puisque les enfants ont établi des relations importantes avec leurs deux parents, ils doivent bénéficier d’une modalité de résidence leur permettant de maintenir ou de reconstruire ces relations après rupture du couple parental.</p>
<h2>Les conséquences des modalités de résidence sur la santé et le bien-être</h2>
<p>Les recherches actuelles montrent, de manière convergente, les conséquences des modalités de résidence des enfants dont les parents se sont séparés. Les études à grande échelle conduites ces dernières années sont éclairantes.</p>
<p>Les recherches en Suède montrent que les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/apa.14004?identityKey=59a01d32-9dad-45e3-9957-dea28f3554e2&wol1URL=%2Fdoi%2F10.1111%2Fapa.14004%2Ffull">jeunes enfants (3-5 ans)</a> qui vivent en résidence alternée égalitaire ont un niveau de bien-être équivalent à celui des enfants de couples unis. En revanche, parents et enseignants notent un plus haut niveau de problèmes psychologiques chez les enfants vivant principalement chez un seul parent. Des résultats identiques sont montrés avec <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-13-868">des adolescents de 12-15 ans</a>.</p>
<p>Ces résultats <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4735678/">restent valables après contrôle de la variable du niveau socioculturel des parents</a>. Une étude menée avec <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12187-017-9443-1">5 000 adolescents de 10-18 ans</a> confirme et précise ces résultats : ni les enfants en résidence alternée ni leurs parents ne se disent désavantagés ou gênés par le fait de changer fréquemment de lieu de résidence.</p>
<p>En Norvège, une <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10502556.2017.1402655">étude portant sur plus de 7 000 jeunes de 16 à 19 ans</a> ne montre pas de différences entre les jeunes des familles non-divorcées ou en résidence alternée en ce qui concerne leur santé psychique, leurs émotions et leurs manières d’être avec les autres.</p>
<p>En revanche, dans tous les cas et sur presque tous les indicateurs, les enfants et les adolescents vivant en résidence chez un seul parent sont désavantagés par rapport aux autres. Ce qui ne signifie pas que la résidence pleine soit l’unique cause de cette situation.</p>
<p>Des études conduites aux États-Unis, montrent que <a href="https://asu.pure.elsevier.com/en/publications/should-infants-and-toddlers-have-frequent-overnight-parenting-tim">ces bénéfices sont également valables pour les très jeunes enfants, en dessous de 3 ans</a>. Quels que soient le niveau de conflit des parents, leur degré d’étude ou leurs revenus, plus le bébé (1 an) ou le tout petit enfant (2 ans) a passé de nuitées avec son père, jusqu’à 50 %, plus il a une relation équilibrée avec ses deux parents à l’âge de jeune adulte (19 ans).</p>
<h2>L’intérêt supérieur de l’enfant du XXI<sup>e</sup> siècle</h2>
<p>Des organisations internationales et des juridictions nationales se préoccupent de ces questions. Cependant, de nombreuses résistances persistent afin de maintenir les nourrissons, les enfants et les adolescents dans un mode de soin et d’éducation centré sur la mère. Cette modalité joue au détriment des enfants, des pères et des mères.</p>
<p>Ces manières de faire favorisent une norme de fait qui est la garde de l’enfant par un seul parent, la plupart du temps la mère, après divorce ou séparation. Nous savons que cette norme est défavorable aux enfants. Cette pratique paraît contraire à l’article 2-2 de la CIDE par lequel les États s’engagent à prendre « toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique […] de ses parents. »</p>
<p>Les réflexions et les décisions des parents et des professionnels seraient peut-être plus pertinentes, si les opinions et les lois posaient en priorité des modalités de résidence qui permettent à l’enfant d’avoir des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10502556.2018.1454196">« relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents » sur un temps le plus long possible</a>.</p>
<p>Ici réside vraisemblablement la définition du meilleur intérêt de l’enfant du XXI<sup>e</sup> siècle. C’est en tout cas ce qui sera exposé et débattu lors de la Conférence Internationale sur la Résidence Alternée (CIRA) qui se tiendra à Strasbourg, au Palais de l’Europe, les 22 et 23 novembre 2018.</p>
<hr>
<p><em>Tous renseignements sur le programme et les inscriptions <a href="http://cira2018.fr/">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104203/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Grangeat est membre du Conseil International sur la Résidence Alternée (CIRA/ICSP). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Edward Kruk is current President of the International Council on Shared Parenting.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Malin Bergström est psychologue clinicienne de l’enfant. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sofia Marinho is a reserch felow at Institute of Social Sciences, University of Lisbon. Her research work is sponsored by FCT- Portuguese Funding Agency for Science and Technology, by Grant SFRH/BPD/84273/2012. </span></em></p>Une réflexion sur l’intérêt supérieur de l’enfant adaptée aux conditions de vie des enfants du XXIᵉ siècle est nécessaire pour remplacer les pratiques « classiques ».Michel Grangeat, Professeur Emérite de Sciences de l'Education, Université Grenoble Alpes (UGA)Edward Kruk, Associate Professor of Social Work, University of British ColumbiaMalin Bergström, Professor, Stockholm UniversitySofia Marinho, Professor of Sociology and Anthropology, Universidade de Lisboa Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/924542018-04-09T04:14:12Z2018-04-09T04:14:12ZLa famille « naturelle » existe-t-elle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212704/original/file-20180329-189801-1rvhjiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=181%2C129%2C5320%2C3086&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La procréation médicalement a multiplié les nouvelles formes de famille. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/44XRowmXF24">Gift Habeshaw/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Il existe aujourd’hui toutes sortes de familles. Certaines sont volontiers désignées comme biologiquement « naturelles », celles composées d’un couple (père et mère) vivant sous le même toit, avec un ou plusieurs enfants leur étant génétiquement liés. Dans d’autres familles, le lien biologique est moins fort, ou absent. Il s’agit des familles adoptives, recomposées après un divorce, monoparentales ou homosexuelles.</p>
<p>Mais au fond, cette famille dite naturelle existe-t-elle vraiment ? Et surtout, que signifie cette expression ? C’est l’une des questions que nous avons soulevées lors de la journée éthique sur le thème familles et parentalités, organisée par MGEN le 24 janvier à Paris.</p>
<p>Car la prochaine révision des lois de bioéthique devrait encore modifier la donne. Le législateur devra en effet trancher sur l’élargissement, ou non, des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) <a href="https://theconversation.com/debat-pma-pour-toutes-une-etape-societale-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">aux couples de même sexe et aux femmes célibataires</a>. Une décision qui aura, dans les deux cas, des répercussions sur la notion de famille.</p>
<p>Les citoyens sont d’ailleurs invités à poster leurs propositions <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/project/procreation/presentation/presentation-12">sur le thème « procréation et société »</a> via le site des États généraux de la bioéthique, dont la consultation en ligne est ouverte jusqu’au 1<sup>er</sup> mai.</p>
<h2>Des techniques d’AMP plus ou moins artificielles</h2>
<p>Avec le développement des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) dans les années 1970, un élément artificiel s’est glissé dans un acte de procréation jusqu’ici naturel. Cet élément d’artificialité consiste en différentes interventions techniques qui vont du moins artificiel au plus artificiel.</p>
<p>L’éventail de l’aide médicale à la procréation se déploie ainsi de l’insémination pratiquée dans le cabinet du médecin à la fécondation <em>in vitro</em> (FIV), réalisée en laboratoire. Pour la FIV, deux techniques sont possibles : soit les ovules et les spermatozoïdes sont simplement mis en contact dans une boîte de Petri (un contenant cylindrique transparent), soit un spermatozoïde est choisi et introduit dans l’ovule à l’aide d’une pipette. Cette étape est suivie de l’implantation dans l’utérus de la femme d’un ou deux des embryons conçus, le surplus étant éventuellement congelé. Il est possible de concevoir ces mêmes embryons avec les gamètes (ovocyte ou sperme) d’un donneur, qui doit rester anonyme par la loi, ou bien encore d’accueillir dans l’utérus de la femme des embryons donnés par un autre couple.</p>
<p>Bien d’autres possibilités sont techniquement envisageables, même si elles sont interdites aujourd’hui en France. Par exemple, la fécondation <em>in vitro</em> ou le transfert d’embryon <em>post mortem</em>, c’est-à-dire après le décès du père. Ou encore la gestation pour autrui, c’est-à-dire l’utilisation de l’utérus d’une femme porteuse, éventuellement associée à un don d’ovocytes par une autre femme.</p>
<h2>« Ce qui arrive en dehors de l’action de l’homme »</h2>
<p>Tous ces modes de conceptions sont artificiels, si l’on retient la définition du naturel donnée par le philosophe britannique <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Stuart_Mill">John Stuart Mill</a> en 1874, <a href="http://www.earlymoderntexts.com/assets/pdfs/mill1873b.pdf">dans son texte sur la nature</a> : est naturel « ce qui arrive en dehors de l’action, ou en dehors de l’action volontaire et intentionnelle, de l’homme ». En ce sens, d’ailleurs, dans la mesure où elles s’opposent aux pathologies, hélas, naturelles, les interventions médicales sont toutes artificielles.</p>
<p>Mais dans l’esprit de la première loi française de bioéthique, votée en 1994, l’élément artificiel lié aux techniques doit être compensé, voire même neutralisé, par le caractère naturel du noyau familial que cette conception viendrait compléter. L’accès à ces techniques est ainsi réservé à un couple formé d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer, comme indiqué <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687420&dateTexte=20110311">dans le Code de la santé publique</a>. Comme l’affirme le Conseil d’état en 2009 dans <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000288.pdf">son rapport préparatoire à la deuxième révision des lois de la bioéthique</a> survenue en 2011 :</p>
<blockquote>
<p>« Ainsi conçue, l’assistance médicale à la procréation n’a pas eu pour objet de créer un modèle alternatif à la procréation : la fonction “naturelle” de la procréation est le modèle sur lequel l’assistance médicale à la procréation a été calquée, autant que faire se peut. »</p>
</blockquote>
<p>D’après cette approche, l’acte médical ne fait que remédier à une infertilité pathologique. La formulation de la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687420&dateTexte=20110311">a été modifiée en 2011</a> pour ne laisser aucun doute sur ce point et insister sur « le caractère pathologique de l’infertilité » qui doit être « médicalement diagnostiqué ». Il s’agit de reconstituer non la nature en tant que telle – on sait qu’elle produit, outre la stérilité, les pathologies les plus atroces ! –, mais la « bonne nature », ce que la nature est supposée faire de mieux.</p>
<h2>Le concept normatif de famille naturelle : un enfant issu d’une relation d’amour entre un homme et une femme</h2>
<p>Le modèle actuel de l’AMP s’appuie donc sur une définition implicite de « nature » comme concept normatif : un enfant issu spontanément d’une relation d’amour entre un homme et une femme. Selon cette interprétation du mot « naturel », même l’absence de lien génétique entre un des parents d’intention et l’enfant (en cas de fécondation avec gamètes de donneurs), ne rend pas la famille construite par le biais de l’AMP moins « naturelle », à la condition que l’intervention du donneur puisse être oubliée.</p>
<p>Deux artifices permettent d’y parvenir. Le premier est de nature légale, c’est le principe de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006686063&dateTexte=&categorieLien=cid">anonymat des donneurs de gamètes</a> qui vise <a href="https://theconversation.com/don-de-sperme-anonyme-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-va-t-elle-bousculer-la-france-84172">à renforcer le noyau familial construit avec l’aide de la médecine</a>. Le don de sperme est ainsi conçu sur le modèle du don de sang, en faisant abstraction du contenu du matériel génétique. Les parents d’intentions et les professionnels privilégient l’anonymat, du moins en France, au nom de la préservation de la famille naturelle, dans le sens que nous avons dit.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mère et fille, à Montréal au Canada.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/cykFL7IQCTk">London Scout/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un second montage tend à renforcer le caractère naturel de cette conception assistée par des moyens artificiels. Les Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme (CECOS), institutions publiques chargées de gérer les dons de gamètes, pratiquent, conformément à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035138350">leur code de bonnes pratiques</a>, des « appariements » sur la base de l’apparence physique des parents d’intention et du donneur, ainsi que de leurs groupes sanguins. Là où la réglementation ancienne estimait cet appariement « souhaitable », depuis 2017 il doit seulement être « proposé, dans la mesure du possible et si le couple le souhaite ». Ce procédé facilite la ressemblance entre l’enfant et ses parents d’intention et donc, le secret des parents sur le mode de conception. Secret qui à son tour permet de remplacer la naturalité biologique et génétique défaillante par une naturalité acculturée et normative.</p>
<h2>L’AMP, pensée sur le modèle de l’adoption</h2>
<p>Pour que ces nouvelles techniques soient mieux apprivoisées, l’AMP a été au début pensée sur le modèle de l’adoption. Garder le secret sur l’adoption était encore répandu dans les années 1980, quand les premières AMP ont eu lieu ; rappelons aussi que l’acte de naissance originaire <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006425973&dateTexte=&categorieLien=cid">est considéré comme nul en cas d’adoption plénière</a>. L’idée d’un effacement des origines de l’enfant a pu facilement prospérer d’un champ à l’autre.</p>
<p>De plus, dès la première loi de bioéthique, en 1994, une disposition a été introduite pour permettre aux équipes de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687436&dateTexte=&categorieLien=cid">refuser la mise en œuvre de l’AMP</a> « dans l’intérêt de l’enfant à naître ». Cette disposition a été introduite dans le but de se rapprocher de la procédure de l’adoption, tenue depuis longtemps pour un moyen de greffer dans un noyau « naturel » un élément étranger, par un acte de la volonté conjugué à un contrôle judiciaire. L’accès à l’adoption est cependant plus large que l’accès à l’AMP, puisque des femmes seules ou au-delà de l’âge de procréer peuvent y accéder.</p>
<p>Dans l’adoption, encore plus que dans l’AMP, ce n’est pas tant le statut des parents potentiels qui est le centre de l’attention, mais leur compétence à assurer le bien-être de l’enfant. Pour le garantir, des enquêtes sociales, souvent intrusives, conditionnent encore aujourd’hui l’agrément des parents adoptifs. Et le juge ne peut prononcer l’adoption que s’il estime qu’elle est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006425951&dateTexte=&categorieLien=cid">« conforme à l’intérêt de l’enfant »</a>.</p>
<h2>L’adoption internationale a facilité la fin du secret</h2>
<p>Or, l’adoption a évolué depuis l’analogie initiale entre l’AMP et l’adoption. L’adoption internationale, qui concerne des enfants d’origine ethnique différente de celle des adoptants, souvent plus visible, s’est développée. Elle a facilité la fin du secret que les parents d’intention pouvaient être tentés d’entretenir sur le fait même de l’adoption. Par ailleurs, depuis 2002, le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) a ouvert la possibilité aux enfants adoptés et pupilles de l’État de demander à avoir accès à leurs « parents de naissance », autrement dit <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI000006796688&dateTexte=&categorieLien=cid">à leurs origines génétiques</a>. L’adoption apparaît donc comme un processus de « naturalisation » transparent d’un enfant ayant une histoire biologique et culturelle différente.</p>
<p>Ne serait-il pas souhaitable que l’AMP se rapproche maintenant du paradigme de l’adoption, comme mode de création d’un lien parental par « intégration » progressive de l’enfant dans un milieu qui lui est au départ étranger ? Une précaution s’impose néanmoins. Si le modèle de l’adoption peut nous inspirer comme processus de « naturalisation » des liens familiaux, la procédure juridique de l’adoption ne doit pas servir, en tant que telle, à établir la parenté dans le cas où l’enfant est né par AMP avec don de gamètes. En effet, reconnaître la filiation d’un enfant à la conception duquel une personne a contribué, fût-ce par son seul engagement et sans apport génétique, ne doit pas être confondu avec l’assimilation familiale, par voie d’adoption, d’un enfant abandonné après sa naissance et accueilli dans un nouveau foyer.</p>
<p>L’analogie entre l’AMP et l’adoption est aujourd’hui facilitée par deux changements majeurs dans la société, qui contribuent à la « relativisation » de la famille « naturelle », au sens normatif du terme, et favorisent le pluralisme des modèles familiaux. D’une part les familles recomposées, liées aux divorces désormais très courants, sont plus vastes que le noyau biologique, mais fonctionnent pourtant en tant que familles. D’autre part, les couples homosexuels, dont le droit à faire famille a été reconnu par la loi en 2013, ne peuvent pas concevoir un enfant en tant que couple par les voies biologiques normales – même si, bien sûr, un des membres de ce couple peut en être le géniteur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Deux pères, une famille.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/EB2wvXfXT_M">Ethan Hu /Unsplash</a></span>
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<p>À partir de ces évolutions, il serait possible et souhaitable de revenir à l’analogie qui a été fondatrice entre AMP et adoption. Remettre le modèle de l’adoption au centre d’une nouvelle approche de l’AMP permettrait d’interpréter la famille « naturelle », non à partir de liens génétiques et biologiques, réels ou potentiels, mais à partir d’un processus de « naturalisation » des liens familiaux entre les parents, qu’ils soient biologiques ou d’intention, et leurs enfants.</p>
<h2>Des familles « naturelles » aux familles adoptives, recomposées, monoparentales, homosexuelles</h2>
<p>Ce processus est nécessaire non seulement dans les familles dans lesquelles le lien biologique est absent ou moins fort – adoptives, recomposées, monoparentales, homosexuelles – mais également dans les familles biologiquement « naturelles ». Chaque famille en effet se fonde sur des habitudes communes et un partage quotidien de lieux, de ressources et d’affects.</p>
<p>De ce point de vue, le lien génétique et biologique peut être dans certains cas un facteur facilitateur. Sans aller jusqu’à l’idée que des personnes qui partagent des liens génétiques auront plus d’affinités dans leurs goûts, aptitudes et comportement, la connaissance du lien génétique et biologique peut être important symboliquement pour les membres d’une famille. Il leur offre une sorte de « mise de départ » sur laquelle chaque membre peut, s’il le désire, s’appuyer pour construire ce contexte commun. Toutefois, ce lien génétique avec l’un ou les deux membres du couple ne permet pas de faire l’économie de ce processus de « naturalisation », d’apprivoisement et d’adoption réciproque.</p>
<p>Mais dans quel sens s’agit-il d’une « naturalisation » et pas simplement d’une « acculturation » ? Il nous semble que le terme de « nature » reste une référence importante pour réfléchir à la question de la procréation aujourd’hui. Mais on peut pourtant puiser dans d’autres significations de ce terme que celle de « qui n’est pas artificiel », ou « ce qui n’est pas fait par l’homme ».</p>
<h2>La « nature » dans le sens de « normal », « coutumier »</h2>
<p>Premièrement, comme la tradition pragmatiste l’a mis en évidence, le terme de « nature » possède également le sens de « normal », « coutumier ». On peut citer à ce propos une définition du naturel donnée dans un dictionnaire du XVIII<sup>e</sup> siècle : « On demande ici dans quel sens on dit, parlant d’une sorte de vin, qu’il est <em>naturel</em>, tout vin de soi étant artificiel ; car sans l’industrie et le soin des hommes il n’y a point de vin […]. Quand donc on appelle du vin <em>naturel</em>, c’est un terme qui signifie que le vin est dans la constitution du vin ordinaire [tel] qu’on n’y ait rien fait que ce qu’on a coutume de faire à tous les vins qui sont en usage dans le pays et dans le temps où l’on se trouve » (Étienne Bonnot de Condillac, Dictionnaire des synonymes de la langue française, 1758-1767). Or, la notion même de famille « naturelle », au sens de « normale », a évolué pour se détacher du modèle classique du couple hétérosexuel ayant un enfant génétiquement apparenté.</p>
<p>Deuxièmement, le terme naturel peut également signifier ce qui est spontané et non affecté, comme dans l’expression « une grâce naturelle ». Un comportement est naturel dans ce sens-là quand « on n’essaie pas de le contrôler ou de le dissimuler », comme l’écrit le philosophe John Stuart Mill, cité plus haut. La caractérisation des liens familiaux comme « naturels », malgré l’invraisemblance biologique (couple de même sexe, procréation <em>post mortem</em>) ou l’absence de liens génétiques (procréation avec donneur), permet de mettre l’accent sur un élément fondamental de ce qui constitue famille : son « intimité ».</p>
<p>Il s’agit du fait que, quand on est membre d’une famille, certains comportements, attentes et sentiments vont de soi, sans nécessiter un effort particulier. Dans la mesure où toute intimité familiale est en partie construite, elle est fragile. Même les liens génétiques ou biologiques ne suffisent pas à éviter les déchirements et les ruptures. La naturalisation, processus nécessaire à la construction de l’intimité familiale, peut être ardue, comme les parents adoptifs le savent bien. Une famille peut être dite naturelle dans ce sens par degrés. Cette forme de naturalité renvoie également à un concept normatif – pas au sens d’une norme sociale mais d’une forme « d’être bien », subjective, indicible et quotidienne.</p>
<h2>La liberté d’avoir accès à ses origines génétiques</h2>
<p>Cette analogie retrouvée entre les familles non naturelles – entendu ici dans le sens biologique ou génétique du terme – que l’AMP permet de créer, et les familles adoptives aurait quelques conséquences importantes et positives, sous réserve d’éviter tout amalgame quand il est question des manières d’établir les liens de filiation.</p>
<p>Premièrement, il faudrait donner la liberté aux enfants conçus dans le cadre d’une AMP avec les gamètes d’un donneur, <a href="https://theconversation.com/debat-les-personnes-concues-par-un-don-de-sperme-doivent-pouvoir-connaitre-leurs-origines-91720">d’avoir accès à leurs origines génétiques</a>, tout comme c’est le cas pour les enfants adoptés. Il s’agit moins de conforter l’existence d’un droit « créance » des enfants à l’égard de leurs géniteurs, que de leur donner la liberté de construire leur identité à partir des morceaux de réalité et de représentations auxquels ils souhaitent se rattacher, au fur et à mesure <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/hast.346">qu’ils construisent leur identité personnelle</a>. On oppose souvent à cet argument que les enfants adoptés souhaitent avoir accès à leur « histoire » et non aux données génétiques. Or, selon les <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?page_id=4387">témoignages rassemblés par l’association Procréation médicalement anonyme</a>, qui milite pour l’accès aux origines, il semblerait que <a href="http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100872840">tout comme les enfants adoptifs</a>, les enfants issus de donneurs sont intéressés, <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2009-5-p-82.htm">non par les données génétiques</a>, mais par les raisons du don ainsi que l’apparence et la personnalité du donneur. Les travaux de la sociologue Cécile Ensellem vont dans ce sens, comme indiqué dans son article publié en 2004 sous le titre « Les lois concernant l’accès aux origines des personnes nées sous x et par assistance médicale : des révélateurs d’une définition de l’individu ? ».</p>
<p>La deuxième conséquence d’un prolongement de l’analogie entre l’AMP et l’adoption est l’accent mis sur l’intérêt de l’enfant. Cette notion est entendue de manière souple, évolutive, et ancrée dans des situations singulières, plus que sur des types abstraits de situations, de couples ou de familles. En effet, l’intérêt de l’enfant dépend moins du « type » de famille concernée, de la sexualité des adoptants ou de leur conjugalité, que de l’« environnement parental soutenant », pour reprendre les termes de la loi britannique, dans lequel un enfant vient à naître et à grandir.</p>
<p>Certes, ces critères ne sont pas faciles à définir, mais une réflexion de la société pourrait être engagée à ce sujet. Si, comme l’affirmait la sociologue Irène Théry lors de la journée éthique Familles et parentalités organisée par MGEN, c’est la présence de l’enfant et non le mariage qui fonde la famille contemporaine, alors il faudra le remettre au centre des préoccupations de manière concrète, sans se camoufler derrière des standards généraux ou des préjugés. Ce n’est pas un hasard s’il y a aujourd’hui des chercheurs qui vont jusqu’à soutenir que tout parent, y compris ceux qui font des enfants sous la couette, devraient <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/j.1468-5930.2010.00497.x">recevoir un brevet d’aptitude à la parenté</a>… avant de pouvoir procréer !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un couple avec leurs enfants biologiques, c’est généralement ainsi qu’est définie la famille dite naturelle. Quid des familles adoptives, recomposées, monoparentales ou homosexuelles ?Marta Spranzi, Philosophe, maître de conférences, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Laurence Brunet, Juriste spécialisée en droit de la famille, chercheuse associée au centre de recherche Droit, sciences et techniques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/894622018-01-17T21:39:36Z2018-01-17T21:39:36ZBioéthique : doit-on soigner les embryons ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201707/original/file-20180111-101495-13x3uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=647%2C0%2C4258%2C3206&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines techniques permettent de corriger des anomalies génétiques sur l'embryon. Ici, manipulation sous microscope dans un cours d'embryologie. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zeissmicro/9258850055/in/album-72157634586497769/">Zeiss/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>En France, les tests génétiques sont autorisés avant la naissance pour certaines pathologies héréditaires graves comme la maladie de Hungtinton ou la mucoviscidose. Ils peuvent être réalisés sur un fœtus – on parle alors d’un diagnostic « prénatal » car réalisé dans l’utérus. Si les mêmes tests sont réalisés sur un embryon, il s’agit d’un diagnostic dit « préimplantatoire » car pratiqué après la Fécondation in vitro (FIV) et avant l’implantation dans l’utérus. Jusqu’à tout récemment, la seule action possible en cas de détection de l’anomalie génétique était de pratiquer un avortement sur le fœtus ou de ne pas transférer l’embryon dans l’utérus.</p>
<p>Sur le fœtus, certaines interventions ont déjà pu être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/261230132">pratiquées avec succès</a> et sont aujourd’hui envisageables. En ce qui concerne l’embryon, on n’en est pas là. Cependant, des techniques encore expérimentales ont été développées, permettant de soigner un embryon plutôt que de l’éliminer. Deux enfants sont déjà nés à la suite de telles interventions et sont – pour autant qu’on le sache – en bonne santé.</p>
<p>Un groupe du comité d’éthique de l’Inserm se penche depuis plusieurs années sur les nouvelles techniques de thérapie embryonnaire. Ses membres examinent les questions qu’elles soulèvent et, plus généralement, celles posées par les progrès scientifiques permettant d’intervenir sur les embryons humains. Les résultats de cette réflexion ont pu être communiqués <a href="https://www.inserm.fr/sites/default/files/media/entity_documents/Inserm_Note_ComiteEthique_GroupeEmbryon_decembre2017.pdf">dans une note</a>, en décembre 2017.</p>
<p>Le 18 janvier seront lancés les <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/06/bioethique-des-etats-generaux-pour-ouvrir-le-debat-le-plus-largement-possible_5238174_3224.html">États généraux de la bioéthique</a>. Cette vaste consultation des citoyens précède la révision des lois de bioéthique prévue pour 2019. Elle porte sur des sujets aussi différents que l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes en couple et aux femmes seules, les tests génétiques, mais aussi le dépistage de maladies avant la conception ou chez l’embryon.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Embryon au stade de 8 cellules, stade auquel est couramment pratiqué le diagnostic pré-implantatoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre Jouannet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’une des techniques permettant de soigner les embryons est le don de mitochondries. Elle a conduit récemment à la naissance de deux enfants, un garçon né au Mexique en septembre 2016, puis un <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/grossesse/naissance-d-un-deuxieme-enfant-avec-trois-parents-biologiques_109929">autre né en Ukraine</a> en janvier 2017. Les mitochondries sont des éléments qui produisent l’énergie de nos cellules. Elles sont situées dans le cytoplasme, l’espace autour du noyau contenant les 23 paires de chromosomes porteurs des gènes dits nucléaires. Les mitochondries possèdent leur propre génome, qui peut être à l’origine de maladies héréditaires comme le <a href="http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=255210">syndrome de Leigh</a>, lequel entraîne une dégénérescence du système nerveux central.</p>
<h2>L’enfant « à trois parents »</h2>
<p>Lors de la fécondation, seules les mitochondries de l’ovule sont transmises à l’embryon. Ainsi, les maladies mitochondriales se transmettent par la mère. Pour éviter ce risque, il est envisagé d’utiliser l’ovule d’une donneuse (contenant les mitochondries) dont on retirerait le noyau pour le remplacer par celui de la femme atteinte de la maladie. D’où l’expression d’enfant « aux trois parents » employée dans les médias, puisqu’en plus du père, deux femmes contribueraient génétiquement à la création de cet enfant.</p>
<p>Cette opération peut être réalisée juste avant la fécondation (<em>spindle transfer</em>) ou juste après, quand les pronoyaux contenant l’ADN et donc les génomes d’origine paternelle et maternelle sont bien visibles et plus facilement transférables (<em>pronuclear transfer</em>). Dans le premier cas, c’est un ovocyte (ovule) qui est énucléé, alors que dans le second, c’est un embryon précoce (à savoir la première cellule de l’embryon au stade zygote).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Embryon humain au tout premier stade, une seule cellule avec 2 pronoyaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre Jouannet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Un médecin américain, John Zhang, a utilisé le mode de transfert avant fécondation pour aider une femme atteinte du syndrome de Leigh à avoir un enfant en bonne santé, le premier au monde né d’un don de mitochondries. Toutefois, en août 2017, l’Agence américaine du médicament (FDA) est intervenue auprès de ce médecin afin qu’il cesse ses recherches cliniques, dans la mesure où elles impliquaient la création d’un embryon génétiquement modifié. Par contre, les autorités britanniques ont autorisé le passage de la phase expérimentale à l’application clinique depuis 2015, sans naissance connue à ce jour. En France, le débat n’a pas encore débuté.</p>
<h2>Des recherches préalables sur des embryons d’espèces animales</h2>
<p>Si l’on doit un jour généraliser les techniques permettant de soigner les embryons, il faut s’assurer auparavant qu’elles ne comportent pas de risque pour les enfants futurs. Le préalable incontournable, d’un point de vue éthique, est donc d’entreprendre des recherches sur des embryons d’espèces animales, mais aussi sur des embryons humains qui ne seront pas transférés dans l’utérus dans un premier temps. En effet, les premières ne peuvent suffire, car le développement embryonnaire précoce est différent d’une espèce à une autre.</p>
<p>Concernant le don de mitochondries et bien que deux enfants soient déjà nés, toutes les questions ne sont pas résolues. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29121011">La recherche expérimentale doit être poursuivie</a> tant sur des embryons d’animaux que sur des embryons humains. Au fur et à mesure que les techniques deviendront plus sûres et plus efficaces, le nombre d’embryons utilisés pour la recherche diminuera. À terme, le bénéfice pour les enfants futurs – et leurs parents – devrait se révéler considérable.</p>
<p>Le côté irréversible des changements induits chez l’embryon par ces techniques suscite une inquiétude légitime pour la santé de l’enfant futur. Il faut toutefois relever qu’il y a toujours une certaine prise de risque quand on agit sur les processus de la fécondation ou du développement embryonnaire précoce. Il en est ainsi de la FIV, qui a conduit à la naissance de Louise Brown, le premier « bébé éprouvette » en 1978. Les pionniers de cette technique ont fait l’objet de vives critiques pour n’avoir pas réalisé suffisamment d’expérimentations auparavant. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23449642">Rien de grave n’est apparu</a> chez les millions d’enfants nés depuis à la suite d’une FIV, heureusement. S’il y a donc bien toujours une prise de risque dans ce domaine, elle doit cependant être réduite au minimum pour chaque nouvelle technique, grâce à des études suffisamment nombreuses.</p>
<h2>Quelle sûreté, pour le don de mitochondries ?</h2>
<p>En médecine, la sûreté d’un traitement s’évalue habituellement par une comparaison entre les bénéfices et les risques. Mais dans le don de mitochondries, il convient, dans un souci éthique, d’aborder la question de manière plus large : la technique cause-t-elle, en elle-même ou en vertu de ses conséquences directes, un tort à ceux qui sont impliqués dans le processus ? On a de bonnes raisons de penser que ce n’est pas le cas.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lsjlVu7W6M8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Passons en revue les parties prenantes, à commencer par les médecins. Soigner constitue la vocation même de la médecine. Soigner un embryon est donc en accord avec leur déontologie. De leur côté, les parents sont demandeurs de l’intervention thérapeutique. L’enfant futur – en admettant qu’on puisse causer un tort à une entité qui n’existe pas encore – devrait en bénéficier après sa naissance et, en principe, tout au long de sa vie.</p>
<p>Quant aux embryons, ils ne sont pas des personnes comme l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique <a href="http://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/avis-sur-les-prelevements-de-tissus-dembryons-et-de-foetus-humains-morts#.WleBSZOdW1s">dans son avis de 1984</a>. De toute façon, loin de subir un préjudice, ils bénéficieront au contraire du traitement.</p>
<h2>La parentalité, notion biologique… ou sociale ?</h2>
<p>Une autre source d’interrogations, avec le don de mitochondries, touche à la parentalité. L’enfant, génétiquement issu de trois personnes différentes, aurait dans l’esprit de certains « trois parents ». Sur le fond, cette manière de voir les choses repose sur une conception uniquement biologique de la parentalité – exclusivement génétique, même – qui apparaît discutable. Celle-ci s’oppose à la conception sociale de cette fonction, où le projet d’enfant joue le rôle essentiel. De plus, elle sous-estime le rôle joué par la gestation (la grossesse), ainsi que l’importance de la relation qui se tisse entre les parents et l’enfant avant la naissance, puis durant l’enfance.</p>
<p>La nouvelle forme de parentalité rendue possible grâce à un don de mitochondries est-elle susceptible de causer un tort à l’enfant ? Personne ne peut le prédire, car la situation est inédite. Les deux enfants nés de cette manière n’ont… même pas deux ans. Toutefois, il existe aujourd’hui une grande variété dans les parentalités, incluant l’adoption, la procréation avec tiers donneur, les familles recomposées ou monoparentales. Et les études menées à leur sujet, comme <a href="https://www.researchgate.net/publication/316274048_Les_meres_lesbiennes_les_meres_celibataires_et_leurs_enfants_l%E2%80%99etat_des_lieux_de_la_recherche">celle publiée en 2016</a> par Michael Stambolis-Ruhstorfer de l’université Bordeaux Montaigne dans le livre <em>Procréation, médecine et don</em> (Lavoisier), ne montrent pas de préjudice pour l’enfant.</p>
<p>Une dernière préoccupation, plus métaphysique, est parfois avancée, celle d’une menace sur l’identité de la personne. En effet, pense-t-on parfois, si on modifie le génome d’un individu – et on le fait si l’on substitue les mitochondries d’une donneuse à celle de la mère –, il ne sera plus la même personne. Mais peut-on considérer que l’identité et l’essence d’une personne se réduisent à son génome ? Non, le génome n’est pas l’équivalent moderne de « l’âme », affirmait dès 2001 <a href="http://science.sciencemag.org/content/291/5505/831">dans la revue Science</a> Alex Mauron, <a href="https://www.unige.ch/medecine/ieh2/alumni/alexandremauron/">professeur en bioéthique</a> à l’Université de Genève. Il faut se méfier de « l’essentialisme génétique », avertit pour sa part la chercheuse britannique <a href="https://www.ndph.ox.ac.uk/team/camillia-kong">Camillia Kong</a>, de l’Université d’Oxford, dans <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28328372">son article paru en avril 2017</a>. L’environnement naturel et social joue un rôle décisif dans ce que nous sommes, tant dans la globalité de notre être que dans chacune de nos cellules.</p>
<p>Aussi, soigner des embryons plutôt que les éliminer apparaît comme un projet porteur d’espoir. La technique du don de mitochondries, en particulier, devrait permettre à des parents à risque de transmission de pathologies héréditaires graves d’avoir des enfants en bonne santé et ce, dans un futur proche.</p>
<hr>
<p><em>Le groupe de travail « Embryon et développement » du <a href="https://www.inserm.fr/recherche-inserm/ethique/comite-ethique-inserm-cei/groupes-reflexion-thematique-comite-ethique">comité d’éthique de l’Inserm</a> est à l’origine de la réflexion qui a nourrit cet article. Il réunit, outre son auteur, Marc Brodin (AP-HP, Université Paris 7), Christine Dosquet (AP-HP, Université Paris 7), Pierre Jouannet (Université Paris 5), Anne-Sophie Lapointe (association Vaincre les Maladies lysosomales), Jennifer Merchant (Université Paris 2) et Grégoire Moutel (Université de Normandie et CHU Caen)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Baertschi fait partie du comité d'éthique de l'Inserm. </span></em></p>Au moment, où s’ouvrent les États généraux de la bioéthique, il est utile de réfléchir à l'utilisation des nouvelles techniques permettant de corriger des anomalies génétiques de l’embryon.Bernard Baertschi, Maître d'enseignement et de recherche en philosophie à l'université de Genève, comité d'éthique, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/881752017-11-27T20:22:30Z2017-11-27T20:22:30ZGarde alternée : une loi pour préserver le lien de l’enfant à ses deux parents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196475/original/file-20171127-2055-1enro8i.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment assurer le bien-être de l'enfant en cas de séparation. Les parlementaires travaillent sur un projet de loi sur la garde alternée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://psiloveyou.xyz/an-articulation-of-tragedy-d99e2469e00a">PS, I love you/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>Nous avons contribué aux auditions de la Commission des lois à propos de la <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/propositions/pion0307.pdf">PPL 307</a> relative à « la résidence de l’enfant en cas de séparation des parents », puis nous avons écouté avec intérêt les débats parlementaires de la semaine dernière. Nous avons constaté comment certains arguments interrogeaient les parlementaires.</p>
<p>Nous n’avons pas l’habitude de nous imposer dans le débat politique, mais le vote de cette proposition de loi est important pour le devenir des enfants. <a href="https://theconversation.com/debat-apres-divorce-maintenir-le-lien-de-lenfant-a-ses-deux-parents-87882">Après une première lettre ouverte</a>, nous estimons de notre responsabilité de faire un point sur les arguments en cours.</p>
<h2>Un point sur les arguments en cours</h2>
<p>Un premier argument évoque la souffrance des enfants en résidence alternée. Ce constat est établi à partir d’enfants amenés en consultation chez des professionnels. Cette souffrance n’est pas contestable mais l’échantillon sur lequel s’appuie cet argument n’est pas représentatif de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283568">l'ensemble des enfants vivant en résidence alternée</a>. Les politiques publiques ne peuvent pas se construire sur des observations aussi spécifiques. Elles se fondent sur des études scientifiques à grande échelle, tout en ménageant la possibilité de considérer les cas particuliers.</p>
<p>Les recherches scientifiques montrent, depuis des années, que la résidence alternée maintient le bien-être et soutient le développement des enfants concernés, en leur permettant de garder un lien solide à leurs deux parents. Les recherches conduites par la <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/apa.14004/full?wol1URL=/doi/10.1111/apa.14004/full&identityKey=59a01d32-9dad-45e3-9957-dea28f3554e2">professeure Malin Bergström</a> et <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12187-017-9443-1http://example.com/">son équipe</a>, en Suède, en sont un exemple.</p>
<p>Un deuxième argument alerte sur les discontinuités dans la vie de l’enfant provoquées par la résidence alternée. Cet argument oublie que bien des enfants, même très jeunes, accompagnés par des adultes bienveillants, s’adaptent aux discontinuités quotidiennes lorsqu’ils sont gardés en journée du fait du travail des parents, ou en soirée, du fait des loisirs. En cas de séparation, quelle que soit la modalité de résidence, des alternances existent. Les transitions se font en suivant le rythme des hébergements, même s’il ne s’agit que de deux jours par quinzaine. Ces transitions peuvent se tenir dans un lieu neutre, le temps de l’apaisement du conflit.</p>
<p>Des études, déjà anciennes, conduites par des psychologues ou des psychanalystes, ont montré que les <a href="https://www.cairn.info/revue-devenir-2002-2-page-145.htm">bébés construisent plusieurs liens d’attachement qui se complètent</a>. La médecine infantile et néonatale a compris ce phénomène et les pères sont de plus en plus impliqués durant et après la naissance de l’enfant ou dans le soutien aux prématurés. La question du jeune âge des enfants dont les parents se séparent est réelle et appelle des modalités de résidence adaptées mais elle ne constitue pas une impossibilité à la double résidence.</p>
<p>Un autre argument remet en cause le pourcentage de ruptures de lien entre père et enfant après séparation ou divorce. Pourtant, le <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/separation-parents-rupture-lien-pere-enfant/">rapport de l’INED</a> indique clairement que « près d’un enfant de parents séparés sur cinq ne voit jamais son père » – ce qui équivaut au 20 % contesté – et il indique également que la « rupture du lien père-enfant est plus rare après une résidence alternée. » Ce rapport a d’ailleurs servi de référence à <a href="http://www.lecese.fr/travaux-publies/les-consequences-des-separations-parentales-sur-les-enfants">l'avis récemment voté par le Conseil économique, social et environnemental (CESE)</a>. Les rapporteures de l’avis, Pascale Coton et Geneviève Roy, écrivent que « la préservation des liens avec chaque parent est essentielle dans l’intérêt de l’enfant. »</p>
<p>Publiée en juillet dernier par l’université de Princeton (USA), une <a href="https://www.princeton.edu/news/2017/07/18/cellular-level-childs-loss-father-associated-increased-stress">recherche médicale démontre les effets négatifs de la séparation au père</a>, effets plus importants sur la santé et le stress des garçons que des filles. Un article publié dans une revue scientifique et approuvé par <a href="http://tcms.njsba.com/personifyebusiness/Portals/4/1115Handouts/docsocial.pdf">110 experts internationaux</a> démontre les avantages de la résidence alternée pour diminuer, voire gommer, les conséquences négatives sur les enfants de la séparation de leurs parents. Ces experts valident ce résultat y compris pour les enfants en dessous de 3 ans.</p>
<h2>Le juge pourrait indiquer une échéance sous laquelle la modalité de résidence sera révisée</h2>
<p><a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/11/22/le-debat-sur-la-garde-alternee-relance-par-une-proposition-de-loi-d-un-depute-modem_5218853_3224.html">La proposition en discussion</a> a évolué à la suite des auditions et des débats au sein de la Commission des lois. C’est un processus démocratique qui mérite le respect. De notre point de vue, elle constitue une synthèse qui pourrait aider les parents – lors de la rédaction de la convention de divorce par consentement mutuel – ou les juges – lorsqu’il s’agit de traiter un désaccord – à mieux prendre en compte le besoin des enfants à construire et <a href="http://summit4u.org/residence-alternee/enfant-beneficie-attachement-a-ses-deux-parents/">maintenir des liens à leurs deux parents</a>.</p>
<p>Cette proposition pourrait être améliorée encore. En effet, lorsque la modalité de résidence n’accorde pas un temps égal avec les deux parents, du fait de l’âge de l’enfant, par exemple, la décision de justice génère de l’insatisfaction. L’enfant grandissant, le parent qui estime ne pas avoir de lien suffisant va devoir rechercher un fait nouveau afin de faire appel du premier jugement. La forme de la décision de justice participe ainsi à l’entretien d’un conflit entre les parents.</p>
<p>Nous pensons donc que la loi devrait inciter le juge à indiquer une échéance qui ferait revoir la décision de modalité de résidence, sans nouvel appel. Il s’agirait d’indiquer, par exemple, une révision « lors de l’entrée de l’enfant à l’école » ou « au collège. » En faisant baisser les tensions entre adultes, cet ajout pourrait faciliter la coparentalité, au bénéfice des enfants.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Chantal Clot-Grangeat, docteure en psychologie et psychologue psychothérapeute, vice-présidente du Conseil international sur la résidence alternée (CIRA/ICSP). Nous publions, chaque mercredi, l’actualité de la résidence alternée en France et ailleurs sur notre site, <a href="http://summit4u.org/residence-alternee/">summit4u.org</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88175/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Grangeat est membre du Conseil International sur la Résidence Alternée (CIRA/ICSP)</span></em></p>L’article propose des études scientifiques récentes qui répondent aux arguments en cours dans le débat public suscité par le vote de la PPL sur la résidence des enfants après séparation des parents.Michel Grangeat, Professeur Emérite de Sciences de l'Education, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712812017-01-24T21:45:39Z2017-01-24T21:45:39ZLa résidence alternée, une question sociale et politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153487/original/image-20170119-26573-k0qo75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Préserver le lien avec chaque parent, primordial pour le bien-être de l'enfant.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/plage-hiver-p%C3%A8re-fille-ombres-1326656/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Alors que le nombre de divorces s’accroît en <a href="http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Marriage_and_divorce_statistics/fr">Europe</a>, quelques idées bien ancrées bloquent la réflexion en France à propos de la résidence des enfants après séparation de leurs parents, contrairement à ce qui se joue dans d’autres pays et alors que des propositions politiques existent et pourraient être mises en œuvre.</p>
<h2>Les pères mis à l’écart</h2>
<p>Selon le ministère de la Justice près de <a href="http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/infostats-justice-10057/les-decisions-des-juges-concernant-les-enfants-de-parents-separes-27681.html">200 000 enfants par an</a> sont concernés par le divorce de leurs parents. Après divorce, un peu plus de sept enfants sur dix (73 %) vivent uniquement chez la mère, moins d’un sur dix (7 %) chez le seul père et moins de deux sur dix (17 %) vivent en résidence alternée, le plus souvent avec une alternance hebdomadaire. Les conditions de vie des enfants après divorce sont <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283568">inégales sur le territoire</a> : dans certains départements, près de 25 % vivent à égalité avec chacun de leurs parents alors qu’ils sont moins de 10 % dans d’autres.</p>
<p>Pour la majorité des cas (57 %) c’est l’arrangement dit <a href="http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/infostats-justice-10057/les-decisions-des-juges-concernant-les-enfants-de-parents-separes-27681.html">« classique »</a> qui est ordonné. Les enfants se retrouvent coupés d’un parent, souvent le père, durant deux semaines de classe avant de le retrouver pour un week-end et, plus tard, la moitié des vacances scolaires. Si l’on indique la mesure en jours, cela revient à un arrangement 12-2 (12 jours avec un parent et 2 jours avec l’autre) plus la moitié des vacances, soit moins de 30 % du temps. Cette situation fait que, petit à petit, près de <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/separation-parents-rupture-lien-pere-enfant/">20 % des enfants séparés ne voient plus leur père</a>.</p>
<h2>La rupture forcée avec un parent nuit au bien-être des enfants</h2>
<p><a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/82/31/6/DEPP_EetF_2012_82_Familles_monoparentales_237316.pdf">Un panel de la DEPP</a> montre que les adolescents qui vivent avec un seul parent, sont <a href="http://summit4u.org/residence-alternee/difficultes-scolaires-enfants-foyers-monoparentaux/">toujours plus vulnérables</a> à l’échec scolaire. Les recherches internationales vont dans le même sens. Les études à large échelle, conduites en <a href="http://jech.bmj.com/content/69/8/769">Suède</a> par l’équipe de Malin Bergström et la revue des <a href="http://aaml.org/sites/default/files/MAT111_1.pdf">40 articles scientifiques internationaux</a> publiée par Linda Nielsen, montrent que lorsque les enfants sont en résidence alternée égalitaire, leur état approche celui des jeunes des familles « intactes ».</p>
<p>Pour les recherches scientifiques internationales, la résidence alternée ne prend pas nécessairement la forme d’une alternance de sept jours. C’est la proportion de temps qui compte, avec un <a href="http://sharedparentingworks.org/wp-content/uploads/2013/11/Shared-Residential-Custody-Review-of-the-Research-Part-I-of-II.pdf">seuil de temps minimum avec chaque parent</a> incluant des nuitées chez chaque parent. Quel que soit le niveau social, culturel et financier des parents, il faut que les enfants vivent <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1403494815614463">au minimum 35 % du temps avec chaque parent</a> pour que l’effet de la séparation ne soit pas trop grave, aux niveaux cognitif, affectif, émotionnel et social. Ce seuil et ces nuitées permettent <a href="http://summit4u.org/residence-alternee/enfant-beneficie-attachement-a-ses-deux-parents/">des interactions au quotidien</a>, et pas seulement pour des loisirs, avec le parent non résident.</p>
<h2>Ni l’âge des enfants ni le conflit des parents ne sont des critères pour bloquer la résidence alternée</h2>
<p>Les recherches scientifiques ne concluent pas à des effets négatifs de la résidence alternée pour les jeunes enfants. Certains experts, parfois parce qu’ils étudient des couples qui n’ont <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/fcre.12088/abstract">pas vécu ensemble avant la naissance</a> de l’enfant, en restent à demander des recherches supplémentaires et une <a href="http://scholarlycommons.law.hofstra.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1404&context=faculty_scholarship">adaptation au cas par cas des décisions de justice</a>.</p>
<p>D’autres, <a href="http://www.5thjudicialdistrict.com/wp-content/uploads/family-court/family-court-services/14-2014WarshakConsensusAttachment.pdf">très nombreux</a>, qui se focalisent moins sur ces cas particuliers et se fondent sur les effets positifs de la résidence alternée, montrent que celle-ci est bénéfique aux très jeunes enfants. Très récemment, une étude de William Fabricius qui s’appuie sur les critiques faites aux précédentes recherches pour adopter une méthodologie plus valide, montre que la <a href="http://psycnet.apa.org/?&fa=main.doiLanding&doi=10.1037/law0000108">résidence alternée dès le plus jeune âge</a>, moins de 2 ans, a des répercussions favorables jusqu’à l’âge adulte. Cet arrangement <a href="http://summit4u.org/residence-alternee/jeunes-adultes-ayant-vecu-en-residence-alternee/">minimise les effets négatifs</a> de la séparation des parents.</p>
<p>Les recherches ne montrent pas, non plus, que le conflit des parents interdit la résidence alternée. La <a href="http://summit4u.org/residence-alternee/role-exagere-du-conflit-parental/">revue de 33 articles de recherche</a> réalisée par Chantal Clot-Grangeat lui permet d’affirmer que si le conflit n’est jamais bénéfique aux enfants, il n’est pas forcément destructeur. Le conflit peut, en effet, se fonder sur le désir sincère d’un ou des parents d’agir pour le bien des enfants. De plus, les effets du conflit ne sont pas directs car ils sont médiés, filtrés, par d’autres facteurs. En effet, le conflit agit différemment, d’une part, selon la maturité cognitive et émotionnelle des enfants et, d’autre part, selon le mode d’interaction d’un ou des parents avec les enfants. En outre, les parents séparés n’ont <a href="http://c0371814.myzen.co.uk/wordpress/wp-content/uploads/2012/01/LindaNielsen_2011.pdf">pas besoin de mieux s’entendre que les autres</a> sur les questions d’éducation de leurs enfants et adolescents.</p>
<h2>Améliorer le sort des enfants et adolescents de couples séparés</h2>
<p>Puisque nous sommes à l’heure de la publication des programmes politiques pour les prochaines années, les responsables qui s’intéressent à la vie quotidienne de ces nombreux enfants et de leurs parents devraient reprendre à leur compte la <a href="http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/X2H-Xref-ViewPDF.asp?FileID=22220&lang=fr">résolution adoptée 2 octobre 2015 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe</a> qui prône un équilibre femme-homme dans l’éducation des enfants, notamment en cas de divorce.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/153488/original/image-20170119-26573-kk7ge7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153488/original/image-20170119-26573-kk7ge7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153488/original/image-20170119-26573-kk7ge7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153488/original/image-20170119-26573-kk7ge7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153488/original/image-20170119-26573-kk7ge7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153488/original/image-20170119-26573-kk7ge7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153488/original/image-20170119-26573-kk7ge7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153488/original/image-20170119-26573-kk7ge7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans la comédie « Papa ou maman » les parents se battent pour ne pas avoir la garde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-228537/photos/">Thibault Grabherr/Allociné</a></span>
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</figure>
<p>Cette résolution, portée par la députée luxembourgeoise Françoise Hetto-Gaasch, souligne que, « en Europe, le partage des responsabilités entre les femmes et les hommes au sein des familles a connu des évolutions remarquables dans le sens d’un plus grand équilibre. Toutefois […] le fait pour un parent et son enfant d’être ensemble constitue un élément essentiel de la vie familiale qui est protégée par la Convention européenne des droits de l’homme. Seules des circonstances exceptionnelles et particulièrement graves au vu de l’intérêt de l’enfant devraient pouvoir justifier une séparation, ordonnée par un juge. » Les États européens sont appelés « à faire un plus grand usage de la résidence alternée qui est souvent la meilleure alternative pour préserver le lien entre l’enfant et ses parents. »</p>
<p>Quelques textes existent en France pour aller dans ce sens.
La loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, dite « loi famille », qui a été votée par l’Assemblée est en <a href="http://www.senat.fr/leg/ppl13-664.html">attente au Sénat</a>. Ce texte veut instaurer la résidence de l’enfant chez ses deux parents pour supprimer le fait qu’un des parents n’ait qu’un droit de visite.</p>
<p>Un <a href="http://www.senat.fr/amendements/2012-2013/808/Amdt_108.html">amendement</a>, voté par le Sénat au début du quinquennat mais rejeté par le gouvernement, a précisé que « si la justice ne doit pas pouvoir imposer la résidence alternée des enfants en cas de divorce, rien, en revanche, ne doit pouvoir l’empêcher lorsqu’un des parents la demande. […] La préférence est donnée à la résidence en alternance paritaire. » Adopter une telle loi mettrait la France au niveau de la Belgique. Dans ce pays, depuis la promulgation de la loi sur la résidence alternée égalitaire, un <a href="http://summit4u.org/residence-alternee/ameliorer-hebergement-egalitaire/">nombre plus important de pères</a> ont osé demander la résidence alternée.</p>
<p>On pourrait envisager une justification collégiale, par un conseil destiné à discuter les cas limites, avant d’ordonner l’arrangement « un week-end sur deux strict ». Ainsi, les juges ne seraient pas pris par le temps et la surcharge de dossiers quand auraient à être prises des décisions graves qui engagent, pour des années, la vie quotidienne des enfants. Cette question de collégialité est développée dans le <a href="http://www.mediation-familiale.org/mediation-familiale/publications-mediation-familiale/item/304-le-rapport-juston">rapport du groupe de travail présidé par le juge Marc Juston</a>, dans le cadre de la préparation du projet de loi famille, depuis reporté.</p>
<p>On pourrait également prévoir que la décision soit temporaire et soit rediscutée, sans appel particulier à la justice, notamment pour les arrangements qui ne sont pas égalitaires. Ce nouvel examen se situerait aux étapes importantes de la vie de l’enfant : l’entrée au collège, par exemple. Cela pourrait rassurer les enfants qui ne peuvent pas rencontrer leurs deux parents à égalité. Cela permettrait aussi au parent privé de ces rencontres régulières avec son ou ses enfants de ne pas perdre espoir et d’éviter d’adopter des comportements extrêmes, comme le non-respect de l’obligation parentale d’entretien.</p>
<p>Les résultats de recherche et les réflexions politiques conduisent ainsi à <a href="http://summit4u.org/residence-alternee/residence-alternee-premiere-option/">vouloir améliorer la loi</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71281/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Grangeat est membre fondateur du CIRA/ICSP. Ce Conseil International sur la Résidence Alternée a pour double but, premièrement, la diffusion des connaissances scientifiques sur les besoins et les droits des enfants dont les parents vivent séparés et, deuxièmement, la formulation de recommandations fondées sur des preuves scientifiques concernant la mise en place de la résidence alternée sur les plans légaux, judiciaires et pratiques. Il est composé de manière à respecter un équilibre entre scientifiques, professionnels et acteurs de la société civile, aucun de ces trois groupes ne pouvant représenter moins de 25% de l’ensemble des membres. Les instances sont paritaires, avec une représentation égale de femmes et d’hommes.</span></em></p>Alors que le nombre de divorces s’accroît en Europe, quelques idées bien ancrées bloquent la réflexion en France à propos de la résidence des enfants après séparation de leurs parents.Michel Grangeat, Professeur de Sciences de l'Education, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/691772016-11-22T10:42:37Z2016-11-22T10:42:37Z12 millions de Français en situation de « précarité énergétique »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/146762/original/image-20161121-4515-pslgre.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les familles monoparentales sont durement touchées par la précarité énergétique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/93831778?src=fGsTSUZsYrh84xkXqKmNuQ-2-28&id=93831778&size=huge_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La précarité énergétique est une réalité économique et sociale vécue par 1 Français sur 5. La lutte contre ce phénomène constitue un chantier prioritaire pour réussir la transition énergétique et écologique. Car comment construire une société plus respectueuse des ressources et plus équitable sans traiter la question sociale ?</p>
<p>Cette précarité concerne la difficulté ou l’impossibilité pour un ménage de payer ses factures d’énergie – nécessaire pour son logement et ses déplacements – et de satisfaire ses besoins essentiels en confort thermique. Cette situation résulte de la combinaison de multiples facteurs : le prix de l’énergie, le niveau de ressources des ménages, la qualité de l’habitat et de l’équipement de chauffage et, enfin, les pratiques des foyers concernés.</p>
<p>L’Observatoire national de la précarité énergétique <a href="http://www.onpe.org/">(ONPE)</a> a rendu publique ce mardi 22 novembre <a href="http://www.onpe.org/actualites_ateliers_colloques/colloque_onpe_2_le_22_novembre_2016_0">son analyse</a> des résultats de l’Enquête nationale logement réalisée en 2013 par l’INSEE et démontre que ce phénomène touche un nombre grandissant de personnes en France.</p>
<h2>Qui sont les précaires énergétiques ?</h2>
<p>Les ménages en situation de précarité énergétique constituent une population hétérogène, avec une forte proportion de personnes vivant soit dans les grandes villes et le bassin parisien, soit en zone rurale.</p>
<p>L’enquête initiée en 2013 montre ainsi que 5,6 millions de ménages, soit 12 millions d’individus, seraient en situation de précarité énergétique au regard d’au moins un des indicateurs définis par l’ONPE. Un million de ménages cumuleraient une situation d’inconfort thermique et de vulnérabilité financière. Cette situation découle de la précarité économique et sociale, le faible revenu constituant la caractéristique commune à l’ensemble des populations touchées.</p>
<p>L’absence d’emploi représente un facteur de risque important, tout comme peut l’être l’âge. Les moins de 30 ans constituaient en 2013 la classe d’âge la plus touchée par la précarité énergétique. Représentant 8 % de la population nationale, ils comptent entre 10 % et 13 % des foyers en situation de précarité énergétique au regard des différents indicateurs définis par l’ONPE. À noter que les étudiants ne sont pas pris en compte dans ce groupe car des études complémentaires sont nécessaires.</p>
<p>Le facteur d’isolement est également significatif : parmi le million de ménages cumulant une situation d’inconfort thermique et de vulnérabilité économique, 222 000 sont des familles monoparentales, soit 22 % de ces ménages.</p>
<p>Le statut de locataire est enfin surreprésenté : 80 % des ménages concernés par la sensation de froid sont locataires de leur logement, contre 41 % en moyenne nationale.</p>
<h2>Le poids de l’habitat vieillissant</h2>
<p>Conduite en 2012, <a href="http://www.onpe.org/rapports_de_lonpe/analyse_de_la_precarite_energetique_la_lumiere_de_lenquete_phebus">l’enquête PHEBUS</a> constitue la source d’information la plus complète et la plus récente sur les caractéristiques énergétiques du parc de logements en France. 2 400 diagnostics de performance énergétique (DPE) ont été réalisés dans toute la France pour les besoins de cette étude. Ses résultats montrent que 60 % des logements existants ont été construits avant le 1er janvier 1975, date de la première réglementation thermique (RT). Si cette dernière a permis de réduire drastiquement la construction de logements énergivores, 30 % des logements français ont une étiquette énergétique appartenant aux classes F et G.</p>
<p>Cet habitat vieillissant entre pour une grande part dans le phénomène de précarité énergétique : 70 % des ménages témoignant d’une sensation de froid habitent ainsi dans un logement construit avant 1975.</p>
<p>Or les travaux à réaliser pour diminuer les consommations énergétiques sont coûteux. L’installation d’un thermostat pour le chauffage, le remplacement du ballon d’eau chaude et l’isolation des murs par l’extérieur, trois actions principalement recommandées, représentent un coût moyen de près de 7 000 euros par logement.</p>
<p>D’après les diagnostics, ces bouquets de travaux généreraient en moyenne 690 € TTC d’économie par an, soit un temps moyen de retour sur investissement d’environ 10 ans.</p>
<h2>L’énergie dans le budget des ménages</h2>
<p>Après avoir fortement progressé entre 2001 et 2008, les prix de l’énergie se sont brutalement effondrés pendant la crise financière de 2009. Cette baisse passagère a diminué le budget moyen consacré à l’énergie par les ménages. Dès la fin de l’année 2010 cependant, le prix du pétrole est reparti à la hausse, entraînant une augmentation du budget des ménages consacré aux dépenses d’énergie.</p>
<p>En 2013, un ménage consacrait en moyenne 3 209 euros à ses dépenses d’énergie (logement et carburants). En 2014 et 2015, les prix de l’énergie ont baissé, le prix du baril de pétrole repassant de 111 dollars en février 2014 à 36 dollars en décembre 2015.</p>
<p>Cette baisse du prix du pétrole concomitante avec des températures clémentes ont de nouveau soulagé le budget des ménages dont la dépense moyenne en énergie s’élève à 2 861 euros en 2015, au plus bas depuis 2010. Un rééquilibrage de l’offre et de la demande est toutefois à prévoir dans les années à venir : il sera susceptible de générer une pression à la hausse sur le prix de l’énergie.</p>
<p>Il faut également souligner que le pouvoir d’achat des ménages a fortement pâti de la crise des dettes souveraines en Europe, à l’origine d’une récession du pouvoir d’achat sur trois années consécutives (2011, 2012 et 2013). Depuis 2014, le pouvoir d’achat progresse de nouveau dans un contexte de stabilité des prix.</p>
<p>En 2015, les dépenses pré-engagées (abonnements téléphoniques, assurances, dépenses liées à l’énergie, à l’eau, aux transports, etc.) représentaient près de 30 % du revenu disponible brut des ménages.</p>
<h2>Des mesures inédites</h2>
<p>Quelles mesures pour tenter de prévenir et de combattre la précarité énergétique en France ?</p>
<p>Pour la première fois, les résultats de l’étude de l’ONPE ont mesuré « l’écart énergétique », soit l’objectif de réduction de la facture énergétique des ménages touchés par cette situation. Ils montrent que la facture énergétique doit être réduite de 1,5 à 2 milliards d’euros pour sortir ces ménages de la précarité énergétique.</p>
<p>Pour aider les personnes concernées à payer les factures, la loi relative à la transition énergétique prévoit le remplacement des tarifs sociaux de l’énergie par le chèque énergie. À partir de 2018, il devrait bénéficier à près de 4 millions de ménages. Là où les tarifs sociaux ne concernent que l’électricité et le gaz, le chèque énergie couvrira tous les types d’énergies (électricité, gaz, mais aussi fioul ou chauffage au bois).</p>
<p>La loi prévoit également un objectif de rénovation de 500 000 logements en 2017, avec une priorité au traitement de la précarité énergétique. Enfin, dans le cadre du nouveau programme de certificat d’économie d’énergie, la loi a créé une nouvelle obligation au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique : 1 milliard d’euros sera consacré par les vendeurs d’énergie pour soutenir les économies d’énergie chez les foyers aux revenus les plus faibles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69177/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Lechevin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un Français sur 5 a du mal à financer ses dépenses énergétiques. Jeunes, familles monoparentales et locataires sont les plus touchés. De nouvelles mesures sont prévues pour combattre cette précarité.Bruno Lechevin, Président de l’Ademe et de l’Observatoire national de la précarité énergétique, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.