tag:theconversation.com,2011:/es/topics/gestion-des-risques-25031/articlesgestion des risques – The Conversation2023-10-25T16:00:19Ztag:theconversation.com,2011:article/2150252023-10-25T16:00:19Z2023-10-25T16:00:19ZLa tragédie de Derna, en Libye : catastrophe naturelle, responsabilités humaines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555133/original/file-20231022-27-tupzpr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C4025%2C2245&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’inondation a causé l’effondrement du pont entre l’est et l’ouest de la ville de Derna le 10&nbsp;septembre dernier.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Mahir Alawami/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/19/sur-la-route-de-derna-en-libye-les-ravages-de-la-tempete-daniel_6189982_3212.html">La catastrophe survenue à Derna</a> (Libye) le 10 septembre dernier a marqué les esprits. L’ampleur des dégâts (au moins 11 000 morts, 875 bâtiments détruits, plus de 3 000 bâtiments endommagés selon les infographies réalisées à partir d’images satellite Pléiades-1A <a href="https://rapidmapping.emergency.copernicus.eu/EMSR696/download">par le service européen Copernicus Emergency Management Service</a> dès le 14 septembre) s’explique par une conjonction de facteurs naturels et humains.</p>
<p>Avant d’être une manifestation du changement climatique, dont l’impact sur l’intensification des précipitations en Méditerranée <a href="https://doi-org.buadistant.univ-angers.fr/10.1080/00186368.2021.1912971">reste encore difficile à quantifier</a>, l’événement a surtout tragiquement mis en évidence l’immense vulnérabilité du territoire et de ses habitants – une vulnérabilité liée à une gestion inadaptée du risque avant et pendant les inondations du 10 septembre.</p>
<h2>Causes naturelles…</h2>
<p>À l’amont de la catastrophe, il y a tout d’abord un aléa : le cyclone subtropical Daniel, un <a href="https://journals.openedition.org/mediterranee/8529?lang=fr"><em>Médicane</em>, contraction de Mediterranean hurricane</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/555094/original/file-20231021-19-8tebhl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555094/original/file-20231021-19-8tebhl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555094/original/file-20231021-19-8tebhl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555094/original/file-20231021-19-8tebhl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555094/original/file-20231021-19-8tebhl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555094/original/file-20231021-19-8tebhl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555094/original/file-20231021-19-8tebhl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555094/original/file-20231021-19-8tebhl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Medicane Daniel le 10 septembre 2023. Image MODIS du satellite Terra de la NASA. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://earthobservatory.nasa.gov/images/151826/torrential-rain-wreaks-havoc-in-libya">NASA Earth Observatory</a></span>
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<p>Ces tempêtes tropicales, dont l’aire de prédilection correspond <a href="https://publications.hereon.de/id/31780/index.php">à la Méditerranée occidentale et à la mer Ionienne</a>, se forment lorsque survient simultanément un gradient vertical important entre la température de surface de la mer et la température de la troposphère moyenne, une forte teneur en humidité relative de l’atmosphère, une très forte vorticité/hélicité de la colonne d’air et un <a href="https://publications.hereon.de/id/31780/index.php">cisaillement vertical du vent faible (inférieur à 4 ms)</a>. La tempête Derna est ainsi liée à des températures anormalement élevées de la mer Méditerranée au cours des jours précédents : 3 à 4 °C au-dessus de la moyenne, avec des températures de 28,7 °C enregistrées en juillet.</p>
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<p>Ce type de phénomène se produit régulièrement à cette période de l’année (automne) dans cette zone méditerranéenne semi-aride, <a href="https://journals.openedition.org/mediterranee/8529?lang=fr">parfois trois fois par an</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1701719586096218207"}"></div></p>
<p>La violence de la tempête a probablement ici été accentuée par le changement climatique, puisque les <a href="http://dx.doi.org.buadistant.univ-angers.fr/10.1002/jgrd.50475">climatologues indiquent</a> qu’il augmenterait l’intensité et les volumes des pluies lors de ces épisodes, en jouant justement sur la température de la mer. Les précipitations générées par ces médicanes à cette période de l’année sont très intenses. Dans le cas de Daniel, ce sont <a href="https://earthobservatory.nasa.gov/images/151851/storm-aftermath-in-derna-libya">100 mm qui sont tombés en une journée le 10 septembre à Derna, et 414 mm à El Bayda sur la côte Cyrénaïque</a>, alors que la moyenne annuelle des précipitations à Derna est de 252 mm par an et de 1,5 mm en moyenne au mois de septembre.</p>
<p>Ces pluies très intenses se sont abattues sur des sols dénudés et desséchés durant la sécheresse estivale, caractéristique des climats méditerranéens. Cela a favorisé le ruissellement rapide de cette eau sur les versants du djebel El Akhadar qui dominent la ville, et produit une crue éclair ou <em>flash flood</em>, c’est-à-dire très rapide et violente, qui est venue gonfler très rapidement le débit de l’oued Derna, cours d’eau qui draine cette partie de la Libye, et qui prend sa source dans le djebel El Akhadar, à 800 m d’altitude. Cette crue brutale a entraîné la rupture des deux barrages construits sur cet oued dans les années 1970, justement pour protéger la ville de Derna de ces crues.</p>
<h2>Impréparation humaine</h2>
<p>Si des <a href="http://dx.doi.org.buadistant.univ-angers.fr/10.1002/jgrd.50475">études prospectives avaient déjà souligné</a> que les régions méditerranéennes semblaient menacées par la recrudescence des médicanes, la catastrophe de Derna est surtout illustrative, par son ampleur, des défaillances humaines en matière de gestion des risques.</p>
<p>La première cause directe est effectivement la rupture des barrages, qui ont libéré brutalement un volume considérable d’eau (<a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/9/13/why-did-dernas-dams-break-when-storm-daniel-hit-libya">39 millions de m<sup>3</sup></a>), générant une vague destructrice en aval, dans la zone inondable de l’oued, où des maisons et infrastructures avaient été construites après la construction des barrages, laquelle avait suscité l’illusion d’une protection totale contre ce risque de crue brutale.</p>
<p>L’effet pervers de ces aménagements de protection contre les aléas est en effet de donner cette impression d’être protégé, faisant oublier aux habitants, mais aussi aux autorités, l’existence du risque, qui pourtant est toujours présent. C’est ainsi que l’on assiste à une urbanisation inconsidérée dans ces zones à risque, et à une préparation insuffisante, voire inexistante, contre les manifestations de l’aléa contre lequel on se protège. Le 10 septembre, l’oued Derna a repris son chenal d’écoulement et réinvesti, brutalement, ses zones inondables.</p>
<p>La gestion du risque, pour être efficace, nécessite diverses actions combinées de prévention, de protection, et de « mesures de sauvegarde et de gestion des catastrophes » à proprement parler.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/554933/original/file-20231020-29-r8ju6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554933/original/file-20231020-29-r8ju6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554933/original/file-20231020-29-r8ju6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554933/original/file-20231020-29-r8ju6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554933/original/file-20231020-29-r8ju6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554933/original/file-20231020-29-r8ju6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554933/original/file-20231020-29-r8ju6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554933/original/file-20231020-29-r8ju6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Situation au 13 septembre 2023 à Derna, après la tempête Daniel, bassin versant de l’oued Derna.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://rapidmapping.emergency.copernicus.eu/EMSR696/download)">Copernicus.eu</a></span>
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<p>La protection implique l’entretien régulier des barrages, ce qui n’était apparemment plus le cas depuis des années, et cela alors même que des <a href="https://doi.org/10.51984/jopas.v21i2.2137">fragilités avaient été signalées en 2022</a>.</p>
<p>La prévention implique, entre autres, l’information des habitants sur les risques et les règles à respecter, comme ne pas construire en zones inondables par exemple, et avant tout de porter à leur connaissance le fait que telle ou telle zone est potentiellement inondable.</p>
<p>Les mesures de sauvegarde et de gestion des catastrophes impliquent de définir des mesures d’alerte et des consignes de sécurité, ce qui a été défaillant ici apparemment. Des informations contradictoires semblent avoir été données avant la tempête, d’évacuer pour certains et de rester chez soi pour d’autres. Sans compter que la défiance généralisée vis-à-vis des autorités locales, perçues comme corrompues et incompétentes, n’aide pas les habitants à suivre les instructions données.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NdQhkf8_LWo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ces mesures de sauvegarde et de gestion des catastrophes impliquent aussi, avant la catastrophe, de recenser et mobiliser les moyens disponibles pour le secours et l’aide des habitants. L’improvisation de ces secours, organisés par les habitants eux-mêmes dans les premières heures après la crue, ce qui en réduit l’efficacité et la portée, montre <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/18/libye-les-habitants-de-derna-demandent-des-comptes-aux-autorites-apres-les-inondations-meurtrieres_6189931_3212.html">l’ampleur de cette impréparation</a>.</p>
<p>D’autre part, ces mesures d’accompagnement et de soutien des populations, pendant et après la crise, nécessitent des autorités compétentes et légitimes. Or il n’y a plus d’État réellement légitime en Libye depuis la fin du régime de Kadhafi en 2011. Le territoire, fragilisé par des années de guerre civile jusqu’en 2020, est déchiré entre deux « gouvernements » ayant peu d’autorité ; un à l’ouest, établi à Tripoli et reconnu à l’international, et un second à l’est à Benghazi sous la coupe de Khalifa Haftar, non reconnu. C’est sous la coupe de Haftar que Derna se trouve depuis 2018 ; occupé à guerroyer contre Tripoli, le <a href="https://www.lavie.fr/actualite/geopolitique/les-inondations-de-derna-symbole-dune-libye-a-vau-leau-90424.php">maréchal ne se serait guère préoccupé de l’entretien de la ville</a>, et notamment des barrages, avec les conséquences que l’on sait…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215025/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aude Nuscia Taïbi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’inondation reflète incontestablement les effets du changement climatique, son bilan n’aurait pas été aussi terrible, loin de là, sans les graves défaillances humaines.Aude Nuscia Taïbi, Professeure de géographie, ESO, UMR 6590, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2127252023-10-04T18:39:40Z2023-10-04T18:39:40ZFace aux risques naturels, quels outils de prévention pour le jeune public ?<p>Chaque année dans le monde, des phénomènes naturels et technologiques majeurs (inondations, feux de forêt, cyclones, accident technologique…) provoquent des catastrophes qui causent des dommages considérables à la vie humaine et aux biens. Il existe un large consensus sur l’importance de sensibiliser et de préparer le public par une communication efficace aux risques.</p>
<p>Il s’agit d’un enjeu mondial, porté par les Nations unies notamment au travers du <a href="https://www.unisdr.org/files/43291_frenchsendaiframeworkfordisasterris.pdf">Cadre de Sendai (2015-2030)</a> pour la réduction des risques de catastrophe. L’objectif est d’atteindre le plus grand nombre possible de personnes et d’informer et d’aider les individus à prendre une décision en connaissance de cause (en leur expliquant comment comprendre les alertes, trouver une zone de refuge ou préparer un kit de secours…)</p>
<p>Or, il est reconnu qu’un seul outil n’est pas suffisant pour atteindre tous les publics ; il s’agit alors de construire une stratégie de communication sur la prévention des risques plus large intégrant plusieurs dispositifs de sensibilisation adaptés au public cible. En France, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/RAPPORT%20FINAL%20CULTURE%20DU%20RISQUE%20JUIN%202021-1.pdf">« l’information préventive »</a> est l’un des piliers de la prévention des risques : elle permet à chaque citoyen et citoyenne d’être informé des risques auxquels ils sont exposés (par l’intermédiaire du DICRIM (Le document d’information communal sur les risques majeurs) ou de l’IAL (L’information des acquéreurs et des locataires) par exemple).</p>
<p>Depuis octobre 1990, la loi impose aux collectivités locales de mettre en place différentes mesures de communication (documents municipaux, affiches, réunions, repères de crues, etc.) pour permettre aux citoyens et citoyennes d’être conscients des risques majeurs auxquels ils peuvent être exposés. L’information préventive contient ainsi les moyens d’action (bons réflexes, identification de signes précurseurs…) que chaque citoyen peut mettre en place avant ou pendant un événement, devenant ainsi acteur à part entière. Les autorités ont <a href="https://nhess.copernicus.org/articles/18/1201/2018/">une obligation de moyens</a> mais pas d’efficacité.</p>
<h2>Des jeux pour sensibiliser les plus jeunes aux risques</h2>
<p>Le format de communication de l’information préventive et le mode de diffusion ne sont pas imposés. Il existe une <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/etude-actions-innovantes-developper-culture-du-risque-0">variété d’outils proposés au grand public</a> : documentation papier, sites Internet, pièces de théâtre, expositions, jeux. Ces derniers font une percée depuis 2020 : 80 % des 93 jeux sur les risques majeurs disponibles en France ont été développés ces trois dernières années (source : <a href="https://afpcnt.org/">AFPCNT, 2023</a>).</p>
<p>Les acteurs de la gestion des risques sont très demandeurs d’outils innovants en particulier vers la jeunesse. En effet, les mesures de communication actuellement développées sont très orientées vers un public adulte, y compris les jeux qui paraissent pourtant être un moyen naturel pour éduquer les jeunes populations.</p>
<p>Si les risques naturels et technologiques sont intégrés dans les programmes scolaires tout au long du cursus, il manque des outils pour la mise en pratique : sortir des connaissances, assurer les réflexes et les bons comportements, comprendre des situations dans différents contextes, laisser libre la discussion. <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-d-outre-mer-2019-2-page-567.htm">Le lien entre la prévention avec l’enseignement thématique</a> peut-être une opportunité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Tous préparés à faire face au risque cyclonique, programme « Paré Pa Paré » (Croix-Rouge française, 2021).</span></figcaption>
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<p>Il a été montré que les jeux sérieux améliorent l’apprentissage : on apprend plus, dans les situations où ils sont utilisés que dans celles où ils ne le sont pas. Dans un cadre ludique, on peut rejouer, se tromper ou perdre sans aucune conséquence, essayer différentes options, s’améliorer. Les enfants découvrent les risques sur leur territoire, les comportements à adopter, les différents acteurs, les décisionnaires, les responsabilités des adultes, etc.</p>
<p>Le jeu offre l’opportunité de tester des procédures (qualité des messages, type d’information), de faire jouer/dialoguer des personnes de fonctions/niveaux différents : par exemple enfants/parents qui jouent leur rôle ou le rôle de quelqu’un d’autre.</p>
<p>Des initiatives voient le jour depuis quelques années vers ce public : <a href="https://www.stopdisastersgame.org">Stop Disaster</a> existe en plusieurs langues depuis 2018. En France, un escape game dédié aux bons comportements en cas de risques naturels a été développé par la DREAL Nouvelle-Aquitaine en 2020. <a href="https://recherche.pantheonsorbonne.fr/actualite/ouragame-jouer-apprehender-reconstruction-dun-territoire-apres-cyclone">Ouragame</a> a été conçu par deux laboratoires de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne pour appréhender la reconstruction d’un territoire après un cyclone. La Croix-Rouge a produit en 2021 plusieurs jeux sur la thématique de la prévention des cyclones et <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-11/20221118-prevention-insuffisante-risque-inondation-IDF_0.pdf">inondations</a> (Paré Pas Paré Cyclone, Paré Buzz, Sauv’ out kaz !), etc.</p>
<h2>Une panoplie d’objectifs et d’approches</h2>
<p>Les objectifs de ces jeux sont variés : utiliser un vocabulaire adapté à l’âge du public, leur apprendre à reconnaître les alarmes, transmettre les consignes de sécurité (évacuation, gestes de premiers secours…) auxquelles les enfants pourraient être confrontés et aussi améliorer la gestion de crise en général.</p>
<p>Certains jeux insistent sur des consignes difficiles à accepter par les familles comme de ne pas aller chercher les enfants qui sont à l’école en cas d’événement. Les approches sont diverses : il peut s’agir de reproduire un schéma de jeu connu des enfants et le transférer (jeu de l’oie, sept familles), d’adapter des mécaniques existantes, en les combinant, voire en développer de nouvelles. Le format diffère aussi : jeu de plateau, jeu vidéo, escape game…</p>
<p>L’implication des futurs joueurs dans le développement des jeux est cruciale : il s’agit a minima de réaliser des phases de tests, de favoriser les échanges, de permettre l’adaptation des règles du jeu, de co-produire des éléments de jeu.</p>
<p>Lors des séances de jeu, certains éléments doivent être appris par cœur (numéro de secours), d’autres doivent surtout être compris (analyse de la situation, trajet d’évacuation, ne pas se mettre en danger), d’autres permettent une meilleure compréhension de la société (qui sont les acteurs ? Quelles sont leurs responsabilités ?…), d’autres encore abordent l’organisation dans la famille (constituer un kit de secours, ne pas aller chercher les enfants à l’école). Le niveau d’autonomie est variable : d’un jeu sans accompagnement à la nécessaire présence d’un maître du jeu.</p>
<p>Toutefois, cet outil comporte aussi des limites. Premièrement, si le jeu se déroule dans le cadre scolaire, il s’agit de distinguer apprentissage du jeu et évaluation des compétences de l’école (orthographe, lecture, logique, calcul…). Les connaissances apportées par le jeu arrivent en complément des autres compétences essentielles : <a href="https://theconversation.com/apprendre-a-nager-miser-sur-laisance-aquatique-pour-lutter-contre-les-noyades-186434">savoir nager</a>, connaître son territoire, savoir décrire une situation. Deuxièmement, dans la thématique des risques des situations compliquées ou tragiques sont abordées : les événements catastrophiques pouvant entraîner blessés, morts, pertes ainsi qu’un possible rappel de situations déjà vécues, anxiogènes. Enfin, la mise en place d’un jeu peut être coûteuse et contraignante : jeux payants avec animateur, décor, petits groupes par exemple.</p>
<h2>Des perspectives de recherche</h2>
<p>Du point de vue de la recherche, peu de travaux ont porté sur l’évaluation de la qualité de l’information préventive, et encore moins sur l’évaluation de l’intérêt réel de l’apport des jeux. Cette thématique se décline en particulier selon les questions suivantes : La « gamification » des situations face aux risques favorise-t-elle les apprentissages et permet-elle une réduction de la vulnérabilité ? Comment hiérarchiser les messages de prévention à retenir au cœur d’un scénario ludique ?</p>
<p>Les aspects positifs et sans conséquences d’un jeu ne sont-ils pas contre-productifs pour transmettre la gravité d’une situation réelle ? Comment les enfants peuvent-ils transférer à la réalité des situations « déjà jouées » et inversement comment « rejouer » des situations vécues dans des zones déjà affectées par un événement ?</p>
<p>Le développement des jeux doit être accompagné d’outils adaptés à leur évaluation. On peut par exemple penser à des débriefings après une séance, à des exercices de mise en situation, à une transformation d’un jeu de plateau en jeu d’extérieur.</p>
<p>Enfin, pour se placer dans un cadre de changement global, les effets attendus (augmentation de la fréquence, de l’intensité des événements, accroissement de l’exposition des populations) ne peuvent que renforcer l’intérêt de développer des jeux pour la sensibilisation des plus jeunes aux risques majeurs : ceux-ci ouvrent des perspectives de recherche tant en termes de développement de jeux que d’analyses de leur performance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212725/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Grancher a reçu des financements d' ANR, du CNRS, du labex Dynamite, de la Fondation de France, de l'AFPCNT, de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Curt a reçu des financements de INRAE.</span></em></p>Les jeux sérieux offrent l’opportunité de tester des procédures, de faire dialoguer des personnes de niveaux différents et sont donc des outils très utilisés pour la prévention des risques.Delphine Grancher, Chercheuse, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneCorinne Curt, Chercheuse, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134102023-09-28T19:14:31Z2023-09-28T19:14:31ZGestion de la dette publique : que retenir des expériences de John Law au XVIIIᵉ siècle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547787/original/file-20230912-26-b1v6iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=589%2C388%2C1419%2C959&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portait de John Law par Alexis Simon Belle
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Law_de_Lauriston#/media/Fichier:John_Law_by_Alexis_Simon_Belle.jpg">Londres, National Portrait Gallery / Wikimedia Commons</a></span></figcaption></figure><p>Une <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette publique</a> proche de 120 points de PIB ? La France s’en est approchée à la sortie des confinements, jusque 117,8 points au premier trimestre 2021, une valeur redescendue à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7638614">112,5 au premier trimestre 2023</a>.</p>
<p>Par le passé, elle avait déjà atteint de tels sommets, notamment au début du XVIII<sup>e</sup> siècle. En 1715, à sa mort, Louis XIV laissait la France au bord de la faillite en raison, notamment, des guerres incessantes lancées par le Roi Soleil et de l’organisation fiscale du pays.</p>
<p>Nos <a href="https://hal.science/hal-04010978/">travaux</a> portent sur cette époque qui permet de nourrir une réflexion sur les enjeux d’aujourd’hui. Aux commandes du pays en attendant que grandisse le jeune Louis XV, le Régent, Philippe d’Orléans, fit appel à John Law (nom que ses contemporains français prononçaient « Lass ») et à ses idées audacieuses pour redresser les finances de la France. Né en 1671 à Édimbourg, il s’était intégré dans les milieux financiers londoniens avant de parcourir l’Europe et de s’établir à Paris.</p>
<h2>Un partenariat public/privé</h2>
<p>Le but du système de Law était, à la fois, d’assainir les <a href="https://theconversation.com/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> et d’augmenter la <a href="https://theconversation.com/topics/monnaie-21214">masse monétaire</a> en circulation afin de permettre le financement de l’économie. À cette fin, le Régent a tout d’abord autorisé son futur Contrôleur général des Finances à fonder une banque privée garantie par l’État, le 10 mai 1716. Avec cette création, Law poursuivait deux objectifs. Le premier était de faire évoluer le financement de l’économie en augmentant la part des billets dans la masse monétaire globale. Le second était de gérer la dette publique. En 1718, cette banque privée est devenue la Banque Royale. Dans une lettre adressée au Régent en 1715, John Law écrit ; </p>
<blockquote>
<p>« La banque n’est pas la seule, ni la plus grande de mes idées ; je produirai un travail qui surprendra l’Europe par les changements qu’il portera en faveur de la France, des changements plus forts que ceux qui ont été produits par la découverte des Indes ou par l’introduction du crédit. »</p>
</blockquote>
<p>La seconde pièce du système portait sur la création d’une compagnie commerciale. Au gré d’acquisitions et de fusions d’entreprises exerçant un monopole sur une aire géographique, John Law donne vie à un ensemble puissant qui reprend le nom de la « Compagnie des Indes » (appelée parfois aussi « Compagnie du Mississippi »). Elle avait pour mission première non le négoce mais la gestion des dettes d’État, selon les modalités suivantes : la Compagnie procédait à des augmentations de capital successives pouvant être payées au moyen de titres de dettes d’État. </p>
<p>De ce fait, elle avait vocation à centraliser progressivement l’endettement public pour octroyer ensuite à l’État des prêts à des taux d’intérêt très inférieurs à ceux pratiqués avant l’opération. Les finances publiques étaient ainsi assainies au moyen d’un lien entre le secteur public et le secteur privé.</p>
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<p>La Compagnie n’avait cependant pas les fonds pour payer les titulaires des titres. Elle devait donc lever des capitaux à hauteur des demandes potentielles de remboursement. Elle le fit d’une part au moyen d’augmentations de capital incessantes. Cela fut d’abord un succès, le cours de l’action de la Compagnie n’arrêtait pas de grimper. D’autre part, elle avait recours à des prêts octroyés par la Banque Royale. Ceux-ci étaient gagés sur les titres de ladite Compagnie dont la valeur était volatile et soutenue par les crédits octroyés.</p>
<p>C’est ce lien entre création monétaire et cours de l’action qui allait faire courir le mécanisme à sa perte. L’ensemble était totalement artificiel.</p>
<h2>Une tentative de régulation du système</h2>
<p>Law, qui voyait bien la faiblesse potentielle de son système, tenta de l’enrayer en faisant baisser le poids de la monnaie métallique en circulation au profit de la monnaie fiduciaire sous format papier, qui devait ainsi permettre à cette dernière d’en sortir consolidée. Il élabora ainsi une réglementation restrictive (interdiction par exemple de posséder plus d’un certain montant de métaux et incitation aux dénonciations) et fixa le cours légal des billets sur tout le territoire, en janvier 1720. En imposant la monnaie fiduciaire, le but de Law était, à terme, de stabiliser le cours de l’action de la Compagnie des Indes et d’en faire également une monnaie. Il voulait donc créer une monnaie-action.</p>
<p>Law a ainsi réussi en trois ans à créer une Banque Royale permettant une création monétaire nécessaire à l’économie, une compagnie commerciale restructurant la dette d’État afin d’assainir les finances royales et à imposer la monnaie fiduciaire, qui était alors impopulaire (la masse monétaire fait <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/john-law-l-aventure-des-finances-1051333">plus que doubler</a> au deuxième semestre 1719).</p>
<p>Pourtant, ce système va basculer très rapidement au cours du premier semestre 1720. À la fin de la même année, après des scènes d’émeutes et des morts rue Quincampoix à Paris où était installée la Banque Royale, John Law est contraint de s’enfuir du pays.</p>
<h2>Contradictions et délits d’initiés</h2>
<p>Comment expliquer cette issue ? On peut, d’une part, repérer des facteurs économiques. La spéculation exacerbée était un facteur de risque – on parlait alors d’agiotage –, alimentant le circuit financier sans profiter à l’économie réelle. Les deux sphères étaient totalement déconnectées. On est au cœur des contradictions du système : une volonté de stabiliser le cours de l’action de la Compagnie des Indes pour en faire une monnaie contrebalancée par une spéculation effrénée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Rue Quinquempoix en l année 1720, gravure d’Antoine Humblot.</span>
<span class="attribution"><span class="source">gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On peut, d’autre part, repérer des facteurs sociologiques. Plus le système montait en puissance, plus la haute société a reçu des informations et des subventions pour spéculer sans risque. En revanche, quand le système fut menacé par l’excès de la spéculation, l’entourage de Law, dès l’été 1719, a vendu massivement des titres de la Compagnie des Indes, fragilisant encore davantage le système. On qualifierait ces opérations, en droit contemporain, de délits d’initiés.</p>
<p>Le renversement de cette folie spéculative eut lieu fin mai 1720. Cet épisode financier a marqué les esprits, a miné la confiance dans le système et freinera l’innovation dans ce domaine, pendant de longues décennies.</p>
<h2>Précurseur de la banque centrale</h2>
<p>En réalité, le système de Law a-t-il été si négatif ? Deux éléments permettent d’en douter.</p>
<p>D’une part, la Banque Royale est la première ébauche d’une banque centrale que Law voulait créer sur le modèle de la Banque d’Angleterre. Ce système était nouveau en France. Il avait non seulement pour finalité de créer de la monnaie permettant le soutien de l’économie mais également un rôle de régulateur financier. Law a ainsi établi un lien entre la <a href="https://theconversation.com/topics/politique-monetaire-39994">politique monétaire</a> et la politique économique. Son système a échoué non pas parce que la création d’une telle banque n’était pas une bonne idée mais du fait des excès de création monétaire. Celle-ci alimentait alors davantage la spéculation sur les actions de la Compagnie des Indes qu’il ne permettait à l’économie réelle de se développer. Par conséquent, l’excès de monnaie, permettant à une bulle spéculative d’exister, a entraîné la chute du système.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1640465175592464385"}"></div></p>
<p>Si nous transposons à l’époque contemporaine, les banques centrales sont solidement implantées mais depuis l’abandon du système de Bretton Woods, au début des années 1970, et à la suite des chocs pétroliers, nous avons connu une période d’inflation puis une déconnexion entre la création de liquidités et l’évolution de l’économie réelle d’une part et la constitution de bulles spéculatives, d’autre part.</p>
<p>Plus récemment, après la crise financière de 2008, les banques centrales, devenues libres de créer de la monnaie, ont mis en place des politiques de <a href="https://theconversation.com/topics/assouplissement-quantitatif-84573">« quantitative easing »</a> consistant en des achats massifs de titres de dette publique. Cela a pour effet d’augmenter la masse monétaire en circulation, d’abaisser les taux d’intérêt et d’augmenter le volume du crédit afin de relancer l’économie mais avec un risque de reprise de l’inflation. Or, les crises financières arrivent toujours avec l’éclatement de bulles spéculatives.</p>
<p>L’ébauche d’un système de banque centrale mis en place par Law était ainsi une idée fondatrice mais l’excès de création monétaire devait ruiner son entreprise. Ne vivons-nous pas également une période comparable marquée par une masse monétaire en circulation trop importante ? Law ne serait-il pas d’actualité ?</p>
<h2>Des idées et des erreurs qui font référence</h2>
<p>Schumpeter, dans son <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Histoire-de-l-analyse-economique"><em>Histoire de l’analyse économique</em></a>, considère par ailleurs John Law au premier rang des théoriciens de la monnaie de tous les temps. Ses idées et ses erreurs restent aujourd’hui présentes dans les discours qui analysent le <a href="https://www.banque-france.fr/la-banque-de-france/histoire/seminaire-de-la-mission-historique/la-credibilite-des-monnaies-de-john-law-au-bitcoin">développement des cryptomonnaies</a> par exemple.</p>
<p>L’Écossais voulait moderniser le système monétaire français par la création de la monnaie-papier et la Banque Royale devait permettre d’y parvenir. Il avait aussi une idée plus originale de faire des actions de la Compagnie des Indes, une nouvelle forme de monnaie.</p>
<p>La valeur fluctuante des actions n’a pas permis à cette idée de devenir réalité. Law pensait que la monnaie-action permettrait de supprimer la monnaie métallique. En revanche, il n’a sûrement pas assez pensé à un fondement suffisamment solide de la monnaie afin d’établir un lien entre celle-ci et l’économie réelle.</p>
<p>Par conséquent, même si le bilan est mitigé du fait de l’explosion du système et de ses conséquences, des mécanismes nouveaux ont été mis en place à cette époque et ont permis de renouveler, avec audace, les débats sur les problèmes monétaires et leurs structures qui sont toujours d’actualité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annick Bienvenu-Perrot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le système mis en place par l’économiste écossais en France à partir de 1716 a échoué. Il portait néanmoins en germes des idées qui restent éclairantes pour la gestion actuelle des comptes publics.Annick Bienvenu-Perrot, Docteur en droit - HDR - Enseignant-chercheur en droit privé - Co-directrice du master Juriste Financier - Université Paris Dauphine-PSL, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141052023-09-25T16:49:26Z2023-09-25T16:49:26ZLes investisseurs sous-estiment-ils (fortement) leur exposition au dérèglement climatique ?<p>Si la transition énergétique a un coût pour les investisseurs privés, le changement climatique aussi. Les phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses, canicules, incendies, tempêtes, inondations, etc.), qui devraient selon les experts <a href="https://reseauactionclimat.org/rapport-giec-climat-2021/">se multiplier ces prochaines années</a>, augmentent en effet fortement le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> de perte de valeurs des portefeuilles.</p>
<p>Dans une <a href="https://edhec.infrastructure.institute/wp-content/uploads/2023/07/p1102.pdf">étude</a> intitulée « It’s getting physical » et publiée en août 2023, <em>l’Infrastructure and Private Assets Research Institute</em> de l’EDHEC montre que certains <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investisseurs-63874">investisseurs</a> pourraient même voir, avant 2050, la valeur de leur portefeuille baisser de plus de 50 %. L’investisseur moyen, qui détient généralement une petite dizaine d’actifs, pourrait de son côté voir la valeur de son portefeuille baisser de 25 %.</p>
<p>Il y a une raison à cela. Au cours des deux dernières décennies, les investisseurs institutionnels ont alloué de plus en plus de capitaux à des sociétés d’infrastructures privées, qui opèrent dans les péages d’autoroute, les aéroports, les centrales électriques, les ponts, les oléoducs, les fermes éoliennes et photovoltaïques, etc. Cela représente, au total, une valeur de 4,1 trillions de dollars dans les 25 marches les plus actifs. Or, ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/infrastructure-22982">infrastructures</a> sont particulièrement exposées aux risques climatiques.</p>
<h2>Une perte de la valeur de 27 % en moyenne</h2>
<p>Pour mesurer les pertes probables des investisseurs dans le domaine des infrastructures, nous avons construit de manière aléatoire des milliers de portefeuilles. Pour cela, nous avons utilisé des centaines d’actifs pour lesquels il est possible d’obtenir des informations sur les risques climatiques associés dans la base infraMetrics créée par l’EDHEC.</p>
<p>Nous avons tout d’abord observé une forte concentration des risques. En effet, la plupart des investisseurs dans le domaine des infrastructures ont généralement peu d’actifs dans leur portefeuille. Ceux-ci sont peu diversifiés, avec un nombre relativement limité d’actifs directement détenus par chaque investisseur.</p>
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<p>Par ailleurs, les portefeuilles contenant des actifs liés aux infrastructures sont souvent concentrés sur un seul secteur (par exemple : les parcs éoliens). Concrètement, un investisseur qui a commencé à constituer un portefeuille en 2018, et qui prévoit de conserver ses actifs pendant encore 30 ans, s’expose à des pertes uniquement dues aux risques physiques qui s’échelonnent entre -54 % et -10 %, selon le nombre d’actifs détenus.</p>
<p>En outre, la perte de valeur des actifs exposés au dérèglement climatique est de -27 % en moyenne. Dans un scénario où les températures augmenteraient plus rapidement qu’escompté (<em>Hot House scenario</em>), ces pertes pourraient atteindre 54 % pour les portefeuilles les plus concentrés.</p>
<p>Certains secteurs sont également plus exposés que d’autres aux risques climatiques. Ainsi, dans le secteur des transports, la perte de valeur nette des actifs serait 4 fois plus importante que dans le secteur des énergies renouvelables.</p>
<h2>Les pays développés sont les plus exposés</h2>
<p>Nous relevons enfin que les investisseurs des pays développés (États-Unis, Europe, Australie, etc.) sont les plus exposés aux pertes de valeur dans le monde. En effet, plus un endroit concentre des actifs de valeur, plus les risques de destruction de valeur sont grands.</p>
<p>Cette étude nous montre ainsi l’importance de ces pertes potentielles auxquelles devront faire face les investisseurs. Et ce, avant l’échéance de 2050, tant que les prédictions relatives au changement climatique ne changent pas. Sans action des gouvernements et des autres parties prenantes, les risques climatiques pourraient donc avoir un impact très important sur la valeur globale des investissements, et sur l’économie de manière générale.</p>
<p>Une lu eur d’espoir demeure néanmoins : si les parties prenantes parviennent à organiser une transition efficace vers une économie décarbonée, les pertes évoquées dans l’article pourraient être réduites de moitié, pour <em>tous</em> les investisseurs. Il ne reste plus – et c’est sans doute le plus difficile – qu’à agir.</p>
<hr>
<p><em>La présentation des résultats de cette étude sera approfondie lors du <a href="https://www.edhec.edu/fr/news/participez-au-webinar-it-s-getting-physical-de-l-edhec-infrastructure-private-assest-research">webinaire « It’s getting physical »</a> organisé par l'EDHEC Infrastructure & Private Assest Research Institute mercredi 27 septembre 2023 de 10h à 11h. Vous pouvez vous inscrire en cliquant <a href="https://us02web.zoom.us/webinar/register/2016891819923/WN_Amyf20bHSWecRaQUgeUoYA#/registration">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude de l'EDHEC, certains investisseurs pourraient voir la valeur de leur portefeuille fondre de 50% d'ici 2050 en raison de la mulitplication des phénomènes météorologiques extrêmes.Noël Amenc, Professeur de finance, EDHEC Business SchoolAbhishek Gupta, Associate Director at the EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolBertrand Jayles, Senior Sustainability Data Scientist, EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolDarwin Marcelo, Project Director at the EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolFrédéric Blanc-Brude, Directeur de l'EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolLeonard Lum, Data analyst, EDHECinfra, EDHEC Business SchoolNishtha Manocha, EDHECinfra Senior Research Engineer, EDHEC Business SchoolQinyu Goh, MSc Urban Science, Sustainability Data Scientist at the EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083022023-06-22T10:50:18Z2023-06-22T10:50:18ZSubmersible du Titanic : le point de vue d’un expert sur les conditions de sécurité <figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533436/original/file-20230622-27-iafkau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=132%2C172%2C1784%2C991&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le submersible Titan n'a toujours pas été retrouvé.
</span> <span class="attribution"><span class="source">OceanGate</span></span></figcaption></figure><p>Les cinq passagers du submersible <em>Titan</em> disparu depuis quatre jours près de l’épave du <em>Titanic</em> sont considérés comme morts, a annoncé le jeudi 22 juin l’entreprise OceanGate, organisatrice de l’expédition. Dans le même temps, les garde-côtes américains ont précisé qu’un navire sous-marin avait localisé un « champ de débris », situé par 3 800 mètres de fond.</p>
<p>Si les circonstances de l’accident ne sont pas encore connues, ce drame interroge sur la sécurité de telles expéditions.</p>
<p>Le contexte dans lequel le <em>Titan</em> a disparu est inquiétant. Des rapports <a href="https://newrepublic.com/post/173802/missing-titanic-sub-faced-lawsuit-depths-safely-travel-oceangate">détaillant des documents judiciaires</a> issus d’une affaire datant de 2018 montrent qu’OceanGate a licencié un employé, David Lochridge, après qu’il a exprimé des inquiétudes quant à la sécurité du submersible.</p>
<p>Lochridge n’était pas d’accord avec OceanGate sur la meilleure façon de démontrer la navigabilité de l’engin, et s’est opposé à la décision d’OceanGate d’effectuer des plongées sans <a href="https://www.cofrend.com/jcms/mdc_110743/fr/les-essais-non-destructifs">« essais non destructifs »</a> préalables sur la coque du navire pour prouver son intégrité. Ces derniers visent à caractériser l’état d’intégrité des structures ou de matériaux de l’engin.</p>
<p>Toujours en 2018, une <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/20/us/oceangate-titanic-missing-submersible.html">lettre envoyée</a> à OceanGate par le Comité des véhicules sous-marins habités de la <em>Marine Technology Society</em>, signée par 38 experts, a exprimé des réserves quant à la sécurité du submersible. Ils <a href="https://int.nyt.com/data/documenttools/marine-technology-society-committee-2018-letter-to-ocean-gate/eddb63615a7b3764/full.pdf">y affirment notamment que</a> « l’approche expérimentale adoptée par OceanGate pourrait entraîner des incidents (de mineurs à catastrophiques) qui auraient de graves conséquences pour tous les acteurs de l’industrie ».</p>
<p>Comme on peut le constater à la lecture de ces échanges, l’ingénierie et la réglementation des submersibles de haute mer restent un territoire quelque peu inexploré. Et comme le <em>Titan</em> opère dans les eaux internationales, il est techniquement <a href="https://time.com/6288552/what-is-submersible-titanic-tourist/">libre de toute gouvernance</a> par les réglementations d’un seul pays.</p>
<p>Dans ce cas, la plupart des concepteurs de submersibles choisissent de faire certifier la conception du navire par une société de classification. Il apparaît qu’OceanGate ne l’aurait pas fait pour le <em>Titan</em>.</p>
<h2>La navigabilité des submersibles</h2>
<p>Lorsque l’on parle de « navigabilité » d’un navire, on se demande surtout s’il est adapté à l’usage auquel il est destiné, s’il peut être exploité en toute sécurité et s’il est conforme aux normes de protection de l’environnement.</p>
<p>Pour le <em>Titan</em>, l’aptitude à l’usage pourrait se résumer à la capacité de se lancer en toute sécurité à partir d’un vaisseau mère à la surface de l’eau, de fonctionner de manière autonome jusqu’à 4 000 m (la profondeur approximative de l’épave du <em>Titanic</em>) et de refaire surface pour être récupéré par le vaisseau mère après une plongée de quelques heures.</p>
<p>La sécurité d’exploitation signifie qu’aucun équipement n’est endommagé et qu’aucun passager n’est susceptible d’être blessé (ou pire) à bord. La protection de l’environnement signifie que le submersible n’aura pas d’impact significatif sur son environnement, par exemple en polluant ou en perturbant l’écosystème.</p>
<p>Toutefois, il s’agit là d’un scénario optimiste. Les submersibles de haute mer évoluent dans un environnement hostile et les choses peuvent mal tourner.</p>
<h2>Résistance à la pression</h2>
<p>La forme des submersibles et des sous-marins est due au fait que les sphères et les cylindres sont géométriquement plus résistants aux pressions d’écrasement.</p>
<p>Au lieu de fonctionner dans une atmosphère respirable de 1 bar, le <em>Titan</em> doit résister à une pression de 370 bars dans l’eau de mer à la profondeur du <em>Titanic</em>. Tout défaut dans la coque pourrait entraîner une implosion instantanée. Quel est donc le seuil en dessous duquel une géométrie « hors-circulaire » devient un défaut ?</p>
<p>Les industries qui utilisent des navires sous-marins à des profondeurs de quelques centaines de mètres utilisent souvent des coques en acier, qui ont généralement un seuil de hors-circularité inférieur à 0,5 % du diamètre du navire. Ce critère serait-il suffisamment sûr pour la coque pressurisée du <em>Titan</em> à 4 000 mètres ?</p>
<p>Le <em>Titan</em> est constitué d’une coque composite en fibre de carbone et en titane. Il est extrêmement compliqué de concevoir et d’évaluer structurellement ces matériaux, par rapport à un matériau métallique uniquement. On peut supposer que c’est la raison pour laquelle OceanGate a équipé le <em>Titan</em> d’un « système de surveillance en temps réel de l’état de la coque ».</p>
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<p>On ne sait pas si ce système mesure réellement les contraintes à l’aide de jauges dans la coque, ou s’il s’agit (<a href="https://www.insider.com/titanic-submersible-only-warns-milliseconds-before-hull-failure-fired-executive-2023-6">comme l’a averti Lochridge</a>) d’une analyse acoustique qui n’alerterait les gens que sur des problèmes imminents « souvent quelques millisecondes avant une implosion ».</p>
<p>La sécurité de l’intégrité de la coque sous pression nécessite l’analyse de différents modes de défaillance, avant de déterminer un coefficient de sécurité pour chaque mode, en fonction de la profondeur de plongée visée.</p>
<p>Une fois la conception vérifiée (par les calculs), la validation en conditions réelles doit se faire en deux étapes.</p>
<p>Des essais non destructifs doivent être effectués sur la coque sous pression fabriquée, afin de vérifier la précision de sa géométrie et tout aspect hors-circulaire.</p>
<p>Ensuite, des plongées réelles (idéalement sans équipage) devraient être effectuées à des profondeurs progressivement croissantes, avec des jauges de contrainte utilisées pour mesurer les valeurs réelles par rapport aux prévisions. Nous ne savons pas si le <em>Titan</em> a subi de tels tests.</p>
<h2>Sauvegardes et redondance</h2>
<p>Lors de la conception de l’architecture fonctionnelle et de la sélection des équipements, le concepteur doit envisager un certain nombre de scénarios de secours :</p>
<ul>
<li><p>que se passe-t-il si les sources d’énergie principales tombent en panne ?</p></li>
<li><p>que se passe-t-il si mon ordinateur tombe en panne et que le pilote perd le contrôle ?</p></li>
<li><p>que se passe-t-il si mon principal système de communication tombe en panne ?</p></li>
<li><p>comment le submersible peut-il signaler au vaisseau mère qu’il y a un problème ?</p></li>
</ul>
<p>Ces scénarios obligent les architectes navals à garantir ce que l’on appelle une sécurité SFAIRP (<em>so far as is reasonably practicable</em>, ou dans la mesure du possible). Il s’agit non seulement d’atténuer les conséquences d’un accident, mais aussi d’empêcher qu’il ne se produise.</p>
<p>Concrètement, cela signifie qu’il faut disposer</p>
<ul>
<li><p>d’une réserve d’oxygène (par exemple, en attendant une équipe de secours) ;</p></li>
<li><p>de sources d’énergie principales fiables <em>et</em> de systèmes de secours ;</p></li>
<li><p>d’une autre source d’énergie (hydraulique, par exemple) en cas de perte d’énergie – ce qui permettrait, par exemple, de libérer les câbles de sécurité pour obtenir une flottabilité positive et remonter à la surface.</p></li>
</ul>
<p>Chacun de ces systèmes devrait faire l’objet d’une vérification (théorique) et d’une validation (tests) spécifiques pour l’environnement en question.</p>
<p>Les équipements disponibles dans le commerce peuvent éventuellement être installés à bord, à condition de démontrer qu’ils sont adaptés à différents scénarios. Toutefois, la plupart des composants externes (en raison de la pression d’écrasement) et des systèmes de sécurité devraient être conçus sur mesure.</p>
<p>Selon les rapports, le <em>Titan</em> utilisait certains équipements « prêts à l’emploi », mais il est difficile de dire s’ils étaient certifiés pour l’utilisation prévue à ces profondeurs.</p>
<h2>Systèmes de sécurité</h2>
<p>Dans le cas du <em>Titan</em>, un câble de liaison avec le vaisseau mère aurait assuré une communication bidirectionnelle instantanée et un taux d’échange de données plus élevé. Mais ces câbles peuvent s’emmêler avec des dangers potentiels sur le site d’une épave.</p>
<p>C’est pourquoi les câbles sont surtout utilisés pour les véhicules sans pilote ; les submersibles habités préfèrent faire confiance au pilote. Les GPS, les téléphones portables par satellite et les systèmes d’identification automatique ne peuvent pas non plus être utilisés sous l’eau. Ces outils utilisent des ondes électromagnétiques qui ne se propagent pas en profondeur (bien qu’elles puissent être utilisées en surface).</p>
<p>Certains sous-marins sont équipés d’une balise de détresse, l’équivalent d’une radiobalise de localisation des sinistres (RLS). Cette balise peut être déclenchée sur ordre du capitaine ou par l’intermédiaire d’un interrupteur « homme mort » ; si le pilote répond à un test à intervalles réguliers, une absence soudaine de réponse conduit le système à supposer que l’équipage n’est pas en mesure de le faire. Il s’agit d’une technique enseignée aux équipages des sous-marins militaires lorsqu’ils s’échouent au fond de la mer.</p>
<p>Un émetteur acoustique à haute fréquence serait encore plus efficace, car il offrirait une précision directionnelle permettant de localiser un submersible en détresse.</p>
<p>Un certain nombre de situations peuvent également se produire à la surface, dans le cas où le <em>Titan</em> aurait flotté jusqu’à la surface. Même s’il l’a fait (ou le fera), l’équipage et les passagers ne peuvent pas ouvrir l’écoutille boulonnée du vaisseau. Ils devront probablement continuer à faire face à l’atmosphère potentiellement polluée à l’intérieur.</p>
<p>La couleur blanche du <em>Titan</em> complique encore les choses, ce qui le rendrait plus difficile à repérer dans la mer à cause de l’écume des vagues. C’est pourquoi les objets flottants détectés depuis le ciel sont généralement de couleur orange ou jaune, ce qui leur confère une plus grande visibilité.</p>
<h2>L’avenir des submersibles de haute mer</h2>
<p>L’équipage et les passagers du <em>Titan</em> seront peut-être sauvés. Mais si le pire se produit, l’expertise médico-légale se demandera inévitablement si le <em>Titan</em> a respecté les seuils de base pour démontrer sa navigabilité.</p>
<p>Bien que diverses sociétés de classification proposent un ensemble de règles pour les sous-marins commerciaux et les submersibles, le choix de suivre ces règles reste un processus volontaire (que l’assureur de l’engin encourage généralement).</p>
<p>Il est temps de reconnaître qu’aller en profondeur est aussi complexe, sinon plus, que d’aller dans l’espace – et qu’assurer la sécurité des submersibles devrait être plus qu’une question de choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208302/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Fusil est affilié à la Royal Institution of Naval Architects and Engineers Australia.</span></em></p>La plupart des concepteurs de submersibles doivent faire certifier la conception de leur navire par une société de classification.Eric Fusil, Associate Professor, School of Electrical and Mechanical Engineering, University of AdelaideLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039792023-04-18T15:37:00Z2023-04-18T15:37:00ZIncendie de Notre-Dame : un cas de « surprise prévisible » qui aurait pu être évité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521333/original/file-20230417-22-u6hui8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=134%2C32%2C1063%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il y a quatre ans, la cathédrale emblématique de Paris était ravagée par les flammes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/145497889@N06/47563907512">Vfutscher/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 avril 2019, la cathédrale <a href="https://theconversation.com/fr/topics/notre-dame-de-paris-69564">Notre-Dame de Paris</a> a été dévastée par un incendie. En quelques heures, la flèche et les deux tiers de la toiture se sont effondrés. L’intérieur de la cathédrale a également subi des dégâts importants. Deux mois après l’incendie, le parquet de Paris a rendu publics les résultats de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/notre-dame-aucun-element-accreditant-une-origine-criminelle-d-apres-l-enquete-preliminaire-parquet-de-paris-26-06-2019-2321221_23.php">l’enquête préliminaire</a>. Comme il n’y a pas eu d’intrusion dans la cathédrale et que l’analyse des débris de la toiture n’a pas permis de retrouver de traces d’hydrocarbures, les enquêteurs ont écarté la piste criminelle. Ils ont avancé deux autres hypothèses pour expliquer le désastre.</p>
<p>La première hypothèse est une cigarette mal éteinte. Au moment de l’incendie, des travaux de restauration de la charpente et de la toiture étaient en cours à Notre-Dame. Interrogés par les enquêteurs, plusieurs ouvriers ont reconnu avoir fumé sur les échafaudages. L’analyse ADN des mégots récupérés à la base des échafaudages a confirmé leurs déclarations. Toutefois, l’incendie a démarré à l’intérieur de la cathédrale et les enquêteurs n’ont pas réussi à déterminer si les ouvriers avaient fumé à l’intérieur de la cathédrale. La seconde hypothèse est un court-circuit. Les ouvriers avaient entreposé une partie des échafaudages dans les combles. Il est possible que ce stockage ait abimé les branchements électriques des cloches et déclenché un court-circuit.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119164304064827392"}"></div></p>
<p>Mais l’incendie de Notre-Dame ne peut pas s’expliquer entièrement par des erreurs commises par les employés « de première ligne ». Comme la plupart des autres désastres, ses causes sont plus profondes.</p>
<h2>La sécurité n’était pas une priorité</h2>
<p>D’une part, le système de sécurité incendie (SSI) de la cathédrale présentait des failles importantes. Alors que ces équipements auraient sans doute permis de sauver les combles et la flèche de Notre-Dame, il ne prévoyait ni cloisons coupe-feu ni système de brumisation automatique. Il reposait entièrement sur la détection et l’intervention humaine rapide pour étouffer le plus rapidement possible un éventuel début d’incendie.</p>
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<p>D’autre part, la sécurité ne semble pas avoir été une priorité à Notre-Dame. Alors que des travaux importants étaient en cours, le chantier ne faisait pas l’objet d’une surveillance particulière. Comme l’a raconté un employé de la cathédrale :</p>
<blockquote>
<p>« Contrairement à ce qui a pu être dit, personne n’allait vérifier le chantier après le départ des ouvriers. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0090261623000104">article</a> récent, nous avançons également l’hypothèse selon laquelle l’incendie de Notre-Dame est une « surprise prévisible » qui aurait pu être évitée. Les chercheurs américains et Michael D. Watkins et Max H. Bazerman définissent une <a href="https://hbr.org/2003/04/predictable-surprises-the-disasters-you-should-have-seen-coming">surprise prévisible</a> comme « un événement ou un ensemble d’événements qui prennent un individu ou un groupe par surprise, alors qu’ils disposaient de toutes les informations nécessaires pour anticiper ces événements et leurs conséquences ».</p>
<h2>Recommandations non suivies</h2>
<p>Quatre caractéristiques distinguent les surprises prévisibles des événements impossibles à prédire.</p>
<p><strong>Premièrement, les dirigeants savent que des problèmes existent… mais ils ne font rien pour les résoudre.</strong> Les incendies sont <a href="https://www.la-croix.com/France/En-France-triste-inventaire-monuments-historiques-incendies-2020-07-18-1201105487">fréquents dans les monuments historiques</a>. Le rôle joué par les travaux est également bien connu. D’après un architecte des monuments historiques :</p>
<blockquote>
<p>« On sait bien que ces incendies surviennent souvent dans ces moments-là, quand ces vieux édifices sont un peu remués ».</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, la sécurité n’a pas été renforcée pendant les travaux. Trois ans avant le désastre, des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) avaient également <a href="https://www.letemps.ch/monde/europe/notredame-etait-danger-un-rapport-oublie-laffirmait-2016">tenté d’alerter</a> les pouvoirs publics sur la vulnérabilité de la cathédrale face à un éventuel incendie. Comme l’a dit l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avions dit en effet (que) le risque d’un embrasement de la toiture existait et qu’il fallait absolument la protéger et installer un système d’extinction ».</p>
</blockquote>
<p>Malheureusement, les recommandations de ce rapport n’ont jamais été suivies.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119149271150804994"}"></div></p>
<p><strong>Deuxièmement, les employés se rendent compte que ces problèmes s’aggravent… mais personne ne les écoute.</strong> À Notre-Dame, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) était chargée de la sécurité incendie. Comme elle a mal entretenu le SSI, il a <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/05/31/a-notre-dame-les-failles-de-la-protection-incendie_5470055_3246.html">rapidement connu des dysfonctionnements</a>. D’après un agent de sécurité :</p>
<blockquote>
<p>« Il y avait des déclenchements intempestifs dans les tours et les combles. À un moment, plus d’une dizaine dans la journée… Alors comme cela devenait insupportable, la Drac nous a carrément demandé de mettre le système en veille restreinte. »</p>
</blockquote>
<p>Au fil du temps, la Drac a également <a href="https://www.paj-mag.fr/2019/10/23/notre-dame-de-paris-six-mois-apres/">allégé le dispositif de sécurité</a>. Elle a notamment réduit le nombre d’agents de sécurité et décidé de fermer le PC sécurité la nuit. Cette situation préoccupait beaucoup les agents de sécurité. Pour l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Je trouvais que c’était devenu trop dangereux. J’en parlais à ma femme, je lui disais qu’on était tellement peu nombreux là-bas que, s’il se passait quelque chose, la responsabilité était trop grande. »</p>
</blockquote>
<p><strong>Troisièmement, résoudre ces problèmes impliquerait des dépenses non négligeables.</strong> Comme on l’a vu, les enquêteurs ont avancé deux hypothèses pour expliquer l’incendie de Notre-Dame : une cigarette mal éteinte et un court-circuit. Ils ont également conclu à « une dégradation involontaire par incendie par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». En d’autres termes, le désastre provient essentiellement de négligences en matière de sécurité. La sécurité a un coût. Comme beaucoup d’autres organisations, la Drac n’a pas assez investi dans ce domaine… et les conséquences ont été dramatiques.</p>
<h2>Une préférence pour le statu quo</h2>
<p><strong>Quatrièmement, résoudre ces problèmes nécessiterait la remise en cause le <em>statu quo</em>.</strong> Bien que les failles du SSI de la cathédrale soient rapidement apparues, son concepteur et son successeur ont toujours refusé de revenir sur la décision d’équiper la charpente de cloisons coupe-feu et <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/04/19/pourquoi-n-y-avait-il-pas-d-extincteurs-automatiques-dans-la-cathedrale_1722451/">d’extincteurs automatiques</a>. Leur réticence à « mutiler » la charpente a finalement conduit à sa destruction complète. Alors que le clergé aurait pu demander à la Drac d’améliorer les normes de sécurité à Notre-Dame, il a – lui aussi – préféré le <em>statu quo</em>. Cela lui a notamment permis de <a href="https://www.europe1.fr/societe/incendie-a-notre-dame-de-paris-des-cloches-electrifiees-a-lorigine-du-sinistre-3894921">faire électrifier plusieurs cloches</a> dans les combles et la flèche… ce qui est contraire à toutes les règles de sécurité.</p>
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<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-les-sciences-au-service-de-notre-dame-de-paris-188755">Dossier : Les sciences au service de Notre-Dame de Paris</a>
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</p>
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<p>Quatre ans après l’incendie de Notre-Dame, le dossier est <a href="https://www.lefigaro.fr/culture/patrimoine/notre-dame-de-paris-l-enquete-sur-l-origine-de-l-incendie-bientot-classee-20220819">sur le point d’être classé</a>. Le ministère de la Culture semble cependant avoir tiré des enseignements de cette surprise prévisible. En 2020, il a demandé un <a href="https://www.sudouest.fr/france/notre-dame-de-paris/notre-dame-de-paris-quot-plan-de-securite-quot-des-cathedrales-sept-monuments-ne-sont-toujours-pas-aux-normes-2007524.php">audit des 86 autres cathédrales françaises</a> en recommandant de porter « une attention toute particulière aux installations électriques et aux procédures mises en place à l’occasion de travaux ».</p>
<p>En février 2022, le Général Georgelin, président de l’Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale, a également annoncé <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/14/jean-louis-georgelin-avec-notre-dame-de-paris-on-reconstruit-une-cathedrale-du-xxi-si%C3%A8cle_6169448_3246.html">l’installation de parois coupe-feu</a> et d’un système de brumisation des poutres. C’est une bonne nouvelle… mais la charpente du XIII<sup>e</sup> siècle et la flèche sont perdues à jamais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203979/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Barthélemy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alertes sur les risques, inertie face aux problèmes de sécurité identifiés… Le drame du 15 avril 2019 présente des caractéristiques qui le distinguent des événements impossibles à prédire.Jérôme Barthélemy, Professeur et Directeur Général Adjoint, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2020792023-04-06T10:55:36Z2023-04-06T10:55:36ZSur les côtes africaines, un système unique de vidéosurveillance pour mieux gérer les risques<p>Le continent africain compte le plus grand nombre de zones côtières de faible altitude, telles que les plages sableuses. Ces zones <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-a-saint-louis-du-senegal-risques-vulnerabilite-et-resilience-des-populations-face-a-la-montee-des-eaux-137337">très exposées</a> aux aléas océaniques et climatiques voient les activités humaines accentuer leur vulnérabilité.</p>
<p>Dans la localité de Cap Cameroun (estuaire du Wouri, Cameroun), la position actuelle d’une antenne de télécommunications à plus de 300 mètres dans l’océan, alors qu’elle a été installée au milieu de ce territoire en 1992, témoigne ainsi de la vulnérabilité induite par la coupe du bois de mangrove pour le chauffage et le <a href="https://www.researchgate.net/publication/334615094_VULNERABILITE_ET_ADAPTATION_DES_POPULATIONS_DE_CAP_CAMEROUN_AUX_RISQUES_NATURELS">fumage des produits halieutiques</a>.</p>
<p>En résultent des phénomènes d’érosion, de submersion et d’inondation dévastateurs engendrant des pertes humaines et matérielles conséquentes. À Saint Louis (Sénégal) par exemple, l’élargissement de la brèche artificielle entre le fleuve à l’océan, initialement de 4 mètres et mesurant aujourd’hui plusieurs kilomètres de large, a conduit à plusieurs centaines de morts <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/s%C3%A9n%C3%A9gal-saint-louis-la-venise-africaine-au-destin-suspendu-%C3%A0-sa-langue/2585220">depuis son ouverture en 2003</a>. Une surveillance régulière et à long terme apparaît par conséquent indispensable pour protéger dans ces secteurs les personnes et des biens.</p>
<p>Pour ce faire, un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-28815-6">réseau de caméras pour la surveillance des zones côtières</a> est peu à peu mis en place depuis 2013 en Afrique centrale et de <a href="https://theconversation.com/afrique-de-louest-quel-futur-pour-les-zones-cotieres-160637">l’Ouest</a>, aujourd’hui formé de huit stations installées dans cinq pays : Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana, Bénin, Cameroun.</p>
<p>Les sites d’installation ont été choisis du fait de la forte vulnérabilité observée dans ces localités. Le rôle du réseau est de donner des informations complémentaires à celles collectées sur le terrain et par <a href="https://theconversation.com/comment-limagerie-satellite-peut-contribuer-a-proteger-notre-littoral-143489">l’observation satellitaire</a>, afin de mieux comprendre et prédire les risques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/516176/original/file-20230319-6836-fy5fg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516176/original/file-20230319-6836-fy5fg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516176/original/file-20230319-6836-fy5fg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516176/original/file-20230319-6836-fy5fg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516176/original/file-20230319-6836-fy5fg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516176/original/file-20230319-6836-fy5fg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516176/original/file-20230319-6836-fy5fg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516176/original/file-20230319-6836-fy5fg2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le réseau africain de caméras côtières. Les photos montrent l’environnement des sites d’installation et les caméras installées. Les points jaunes montrent les villes de plus d’un million d’habitants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un système de mesure tout-en-un</h2>
<p>Concrètement, ces caméras mesurent les variations du niveau de la mer à la côte, là où les informations collectées par l’altimétrie satellite se font seulement au large, à au moins 25 km des côtes, et là où les marégraphes sont difficiles à installer, du fait du danger associé au déferlement des vagues.</p>
<p>Le réseau collecte en outre des données locales à long terme sur les vagues, avec une précision bien souvent supérieure à celle des données de modèles et de réanalyse régionale disponibles. Il offre également une vision quotidienne de la morphologie littorale et sous-marine, difficilement accessible par les méthodes classiques.</p>
<p>Chaque système local se compose d’une partie matérielle – caméra et/ou ordinateur local – et d’une partie logicielle (algorithmes de traitement). La caméra collecte des images optiques de la zone littorale et les algorithmes traitent les images collectées afin d’en estimer les paramètres hydrodynamiques et morphologiques. Les caméras nécessitent une alimentation électrique fiable.</p>
<p>Un système de contrôle à distance, réalisable avec une connexion Internet, permet une surveillance en temps réel, essentielle pour les systèmes d’alerte précoce. Les effets des conditions atmosphériques sur la qualité de l’image sont compensés par l’application d’algorithmes de détection de la qualité des images collectées.</p>
<h2>Un outil d’aide à la décision</h2>
<p>Les applications d’un tel système sont nombreuses, et particulièrement utiles à la sécurité des nageurs, aux acteurs de la pêche et des infrastructures portuaires, à la recherche en ingénierie côtière…</p>
<p>Parmi les principales, il permet de prévenir les cas de décès par noyade dus aux courants sur les plages africaines. Il aide aussi à améliorer et valider les modèles de dynamique côtière et à comprendre et anticiper les évolutions attendues. Mais également à évaluer l’efficacité et le besoin des structures de défense à la côte et de gestion littorale tels que le réensablement artificiel des plages comme cela a été effectué à Saly au Sénégal dans la région touristique de la Petite Côte.</p>
<p>Enfin, il peut-être utile à la mise en place de systèmes d’alerte précoce pour la survenue d’événements extrêmes, tels que les tempêtes ou les inondations à l’échelle régionale.</p>
<p>Les études menées à Grand Popo (Bénin) ont par exemple aidé à prévenir et à réduire les nombreux cas de décès par noyade dus à ce phénomène. À Elmina (Ghana), le suivi du bilan sédimentaire par caméra a été implémenté en support au développement des infrastructures côtières. D’autres défis, tels que les débarquements de sargasses sur les plages, deviennent un problème de plus en plus répandu dans la région de l’Afrique de l’Ouest (au Ghana et en Côte d’Ivoire). Des algorithmes innovants de traitement d’images vidéo pourraient fournir des preuves de la propagation de sargasses sur le littoral.</p>
<h2>Vers une stratégie côtière régionale</h2>
<p>Plusieurs études récentes, dont un <a href="https://openknowledge.worldbank.org/entities/publication/ad9dbdfc-00ef-5042-a2fa-a00bbbd2c2ff">compendium des bonnes pratiques de gestion littorale en Afrique de l’Ouest</a>,ont recommandé l’élaboration d’un plan de gestion côtière à grande échelle beaucoup plus intégré, et qui ne se limite pas aux frontières étatiques. Les données précises et fiables sur les côtes africaines sont en effet très souvent indisponibles.</p>
<p>Le réseau ici décrit facilite justement la mise en place de cette politique de gestion plus intégrée, au travers du partage des algorithmes de traitement et des données collectées. La base de données ainsi générée sert de référence afin de mettre en évidence les effets du changement climatique et les conséquences d’une urbanisation galopante du littoral.</p>
<p>Un outil précieux à la prédiction des risques associés à ces dérèglements et, par conséquent, à l’élaboration d’une politique régionale d’aménagement du territoire et une gestion des zones côtières plus efficaces. Cela inclut l’identification d’objectifs, de priorités, de stratégies et de calendriers communs à plusieurs pays pour les atteindre – en respectant les cadres légaux et réglementaires étatiques mais en tenant compte des directives des Nations unies au niveau de l’Union africaine.</p>
<h2>Un modèle à reproduire</h2>
<p>La base de données recueillie par ce réseau peut aussi constituer un apport en matière de recherche : conduire à de nouveaux développements méthodologiques, au renforcement des capacités en ressources humaines, et à une meilleure compréhension des processus côtiers face aux changements climatiques et aux activités humaines.</p>
<p>Il fournit des mesures de référence pour d’autres observations telles que la télédétection par satellite et les études d’ingénierie.</p>
<p>C’est un véritable atout pour les programmes régionaux tels que l’Observatoire régional du Littoral ouest-africain (ORLOA) ou le Programme des zones côtières d’Afrique de l’Ouest (WACA) pour cibler les points chauds.</p>
<p>Il apparaît donc crucial de le pérenniser et l’étendre afin de répondre au mieux aux risques côtiers en Afrique. D’autant plus que son faible coût financier constitue un avantage qui facilitera sa reproductibilité et l’expansion de ce réseau d’observation, sur la côte Méditerranéenne par exemple mais aussi ailleurs dans le monde.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202079/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégoire Abessolo Ondoa est membre de l’Association « Société camerounaise d’halieutique » et de l’« Association camerounaise pour la recherche et l’innovation en technologie de l’énergie et de l’environnement ».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bapentire Donatus Angnuureng is a member of Ghana Science Association, and Coastal Imaging Research Network Donatus has received research grants and funding from Institute of Research for Development, The World Academy of Sciences, Frech Embassy, National Geographic Society and the World Bank. He works with the Unviersiversity of Cape Coast and also provides consultancy advise for the West Africa Coastal Areas management program.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rafael Almar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Très vulnérables, les côtes africaines se dotent peu à peu de caméras qui contribuent à constituer une base de données utile à la prévention des risques.Grégoire Abessolo Ondoa, Chercheur, University of DoualaBapentire Donatus Angnuureng, Senior Research Fellow, University of Cape CoastRafael Almar, Chercheur en dynamique littorale, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2017982023-04-05T19:20:15Z2023-04-05T19:20:15ZRisque d’inondations : un système d’eau intelligent pour mieux s’adapter ?<p>Le nombre de catastrophes naturelles liées au climat, en particulier les inondations, a plus que doublé au cours de la dernière décennie, d’après le <a href="https://www.undrr.org/publication/human-cost-disasters-overview-last-20-years-2000-2019">Bureau des Nations unies pour la prévention des catastrophes</a>. Au cours de la période 2000–2019, elles ont coûté la vie à plus d’un million de personnes et ont causé près de 3 000 milliards de dollars de pertes économiques.</p>
<p>Le groupe d’assureurs Swiss Re, l’un des principaux <a href="https://theconversation.com/risques-climatiques-les-tarifs-des-assurances-sont-ils-condamnes-a-augmenter-191216">assureurs de risques</a> dans le monde, estime à 90 milliards de dollars le coût des pertes causées par les inondations en 2021, en <a href="https://www.novethic.fr/actualite/economie/isr-rse/alertes-sur-les-catastrophes-climatiques-au-cout-toujours-plus-eleve-et-si-mal-assure-150699.html">augmentation de 5 à 7 % par an</a>. Un constat confirmé par les inondations exceptionnelles des dernières années. À titre d’exemple, celles qui ont frappé l’Allemagne et la Belgique en juillet 2021 ont causé près de 230 morts et plus de 30 milliards d’euros de dégâts.</p>
<h2>18,5 millions de Français exposés au risque d’inondation</h2>
<p>La France <a href="https://theconversation.com/face-aux-inondations-la-tres-urbanisee-ile-de-france-en-premiere-ligne-60341">n’est pas épargnée</a> : le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires estime que près de 18,5 millions d’habitants <a href="https://theconversation.com/comment-les-villes-peuvent-faire-face-au-risque-dinondations-lexemple-de-grenoble-197815">sont exposés</a> <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-inondations">au risque d’inondation en France</a>. D’après <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/assurance/dereglement-climatique-le-cout-des-intemperies-en-france-flambe-925413.html">France assureurs</a>, les intempéries qui ont frappé le pays en mai et juillet 2022 ont engendré près d’un million d’euros de sinistres avec un coût de l’ordre de 3,9 milliards d’euros.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>Un <a href="https://www.covea.eu/sites/default/files/2022-02/202202_Livre_Blanc_Cov%C3%A9a_Risques_Climatiques.pdf">livre blanc du groupe d’assurance Covéa</a> (MAAF, MMA et GMF) estime, sur la base des scénarios d’évolution du climat du GIEC, que les inondations constitueront le principal risque naturel en France entre 2020 et 2050.</p>
<p>Le rapport prévoit une augmentation de l’ordre de 110 % des pertes liées aux inondations de plaine (dites lentes) et de 130 % pour les inondations de crues éclairs par rapport à la période de référence (2008–2018).</p>
<h2>Les technologies « intelligentes » à la rescousse</h2>
<p>Dans ce contexte, la lutte contre les inondations devient une priorité pour de nombreux pays et territoires. Mais ce combat est très complexe du fait de la conjugaison de plusieurs facteurs : le changement climatique et les perspectives de son accentuation, l’urbanisation massive qui se traduit par une imperméabilisation des sols et par conséquent l’aggravation du risque d’inondation, et la vulnérabilité actuelle de nos infrastructures, conçues pour un niveau de risque moins élevé que celui d’aujourd’hui, et encore moins pour celui prévu à l’avenir.</p>
<p>L’adaptation de nos infrastructures et constructions à ce niveau inédit de risque s’impose. Mais compte tenu de l’ampleur du chantier, il faut du temps et des investissements massifs dans un contexte budgétaire très tendu.</p>
<p>Dans ces conditions, les innovations, notamment en matière de technologie intelligente (ville intelligente, réseaux d’eau et d’énergie intelligents, bâtiments intelligents) offrent une excellente opportunité, cette technologie étant désormais mature et pouvant être mise en place dans des délais courts, à un coût raisonnable.</p>
<h2>Détecter les anomalies et prévoir les risques d’inondation</h2>
<p>Ce système <a href="https://www.mdpi.com/2624-6511/4/4/68">est fondé sur différents leviers</a>. Via des capteurs intelligents et en s’appuyant sur la participation citoyenne, elle collecte des données sur le risque d’inondations puis les analyse afin de bien comprendre le fonctionnement réel des infrastructures et des services avant, pendant et après les inondations.</p>
<p>Elle détecte ainsi des anomalies de fonctionnement et permet le développement des modèles de prévision de risque en utilisant l’intelligence artificielle, ce qui favorise la détection précoce du risque d’inondation et la possibilité d’agir rapidement pour réduire ce risque en alertant les services concernés et la population, et en prenant des mesures de protection des installations et des lieux sensibles.</p>
<p>Elle analyse enfin des performances des infrastructures, des équipements et des services publics pendant la crise afin de les adapter du point de vue technique et organisationnel.</p>
<h2>À Lille et Casablanca, des tests concluants</h2>
<p>Nous avons testé cette technologie sur un <a href="https://www.researchgate.net/publication/318183010_A_large-scale_experimentation_of_the_smart_sewage_system">démonstrateur à grande échelle</a> au niveau de la <a href="https://sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022169418307388">cité scientifique de l’université de Lille</a>.</p>
<p>Pour cette expérimentation, nous avons équipé le réseau d’eau pluviale de capteurs mesurant la hauteur d’eau dans les secteurs critiques et dans le bassin d’orage, le débit d’eau dans les canalisations, la turbidité et la pluviométrie.</p>
<p>L’analyse des données collectées a permis de bien comprendre la relation entre l’intensité de pluie et hauteur d’eau dans les regards et le bassin, d’identifier les zones potentielles de stockage d’eau pendant l’orage, de déterminer la variation de la qualité d’eau pendant l’orage pour proposer un dispositif intelligent qui permet d’atténuer le risque d’inondation.</p>
<p>La technologie intelligente a aussi été testée sur un secteur du réseau d’assainissement unitaire de la ville de Casablanca au Maroc avec l’objectif de réduire le débordement des réseaux et <a href="https://iwaponline.com/wst/article/85/1/398/85481/Model-predictive-control-based-on-artificial">d’optimiser les opérations de traitement de l’eau</a>. Le test a montré que le débordement peut être diminué par une instrumentation intelligente favorisant un contrôle optimal des vannes du réseau d’assainissement.</p>
<h2>La bande dessinée pour sensibiliser les citoyens</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/515596/original/file-20230315-18-ntaozo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515596/original/file-20230315-18-ntaozo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515596/original/file-20230315-18-ntaozo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=855&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515596/original/file-20230315-18-ntaozo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=855&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515596/original/file-20230315-18-ntaozo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=855&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515596/original/file-20230315-18-ntaozo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1075&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515596/original/file-20230315-18-ntaozo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1075&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515596/original/file-20230315-18-ntaozo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1075&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’engagement citoyen constitue un élément clé dans l’adaptation au risque d’inondation. Afin de sensibiliser les citoyens à la nécessité de leur engagement dans cette adaptation, deux <a href="https://www.amazon.fr/dp/B0BRL8RH39?binding=kindle_edition&ref=dbs_dp_rwt_sb_pc_tukn">ouvrages de bande dessinée</a> <a href="https://www.smartcitycomics.com">ont été publiés</a>.</p>
<p>Ils décrivent des voyages immersifs de deux jeunes pour découvrir les défis de la ville et des systèmes d’eau et comment l’innovation technologique peut aider à faire face à ces défis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Shahrour Isam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le risque d’inondation progresse avec le changement climatique, et la France n’est pas épargnée. Des systèmes d’eau intelligents pourraient permettre de mieux les anticiper.Shahrour Isam, Professeur, spécialiste de la ville intelligente, responsable du Mastere Creacity, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996982023-02-19T17:05:47Z2023-02-19T17:05:47ZQuel est le siège le plus sûr dans un avion ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509439/original/file-20230210-18-dt1row.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C49%2C3000%2C1944&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est temps de choisir votre siège.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Lorsque vous réservez un vol, vous demandez-vous quel siège vous protégera le plus en cas d’urgence ? Probablement pas.</p>
<p>La plupart des gens réservent des sièges pour le confort, comme l’espace pour les jambes, la commodité ou l’accès facile aux toilettes. Les grands voyageurs (dont je fais partie) réservent parfois leur siège le plus près possible de l’avant de l’avion pour pouvoir débarquer plus rapidement.</p>
<p>Nous réservons rarement un vol en espérant obtenir l’un des sièges du milieu de la dernière rangée. Et bien, devinez quoi ? Ces sièges sont statistiquement les <a href="https://time.com/3934663/safest-seat-airplane/">plus sûrs dans un avion</a>.</p>
<h2>Les voyages en avion sont sûrs</h2>
<p>Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à rappeler que le transport aérien est le <a href="https://www.sbs.com.au/news/article/how-safe-is-flying-heres-what-the-statistics-say/knzczab06">mode de transport le plus sûr</a>. En 2022, il y a eu un peu moins de <a href="https://www.flightradar24.com/data/statistics">70 millions</a> de vols dans le monde, avec seulement <a href="https://www.pnc-contact.com/2023/01/02/accidents-avions-2022">174 décès</a>.</p>
<p>Selon l’analyse des données de recensement effectuée par le Conseil national de la sécurité américain, les chances de <a href="https://time.com/3934663/safest-seat-airplane/">mourir dans un avion</a> sont d’environ 1 sur 205 552, contre 1 sur 102 dans une voiture. Malgré cela, nous accordons peu d’attention aux accidents mortels de la route, mais lorsque nous entendons parler d’un <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jan/15/nepal-plane-crash-with-72-onboard-leaves-at-least-16-dead">avion qui s’écrase</a>, il fait la une de tous les journaux.</p>
<p>Notre intérêt pour les accidents d’avion peut résider dans notre volonté de comprendre pourquoi ils se produisent, ou quelles sont les chances qu’ils se reproduisent. Et ce n’est peut-être pas une mauvaise chose : notre intérêt permet de s’assurer que ces incidents tragiques font l’objet d’une <a href="https://apnews.com/article/plane-crashes-nepal-singapore-kathmandu-accidents-3b26342109872610d922f515fe94455b">enquête approfondie</a>, ce qui contribue à la sécurité du transport aérien.</p>
<p>Il n’y a pas vraiment lieu de s’inquiéter de la sécurité lorsque vous embarquez sur un vol commercial. Mais si vous avez toujours cette question lancinante en tête, poussée par la pure curiosité, lisez ce qui suit.</p>
<h2>Au milieu, à l’arrière</h2>
<p>Il est bon de rappeler que les accidents, par leur nature même, ne sont pas conformes aux normes. Lors du <a href="https://www.britannica.com/event/United-Airlines-Flight-232">crash du vol United 232</a> à Sioux City (Iowa) en 1989, 184 des 269 personnes à bord ont survécu à l’accident. La plupart des survivants étaient assis derrière la première classe, vers l’avant de l’avion.</p>
<p>Néanmoins, une <a href="https://time.com/3934663/safest-seat-airplane/">enquête du magazine américain <em>Time</em></a> qui a examiné 35 ans de données sur les accidents d’avion a révélé que les sièges arrière centraux d’un avion présentaient le taux de mortalité le plus faible : 28 %, contre 44 % pour les sièges de l’allée centrale.</p>
<p>C’est également logique. S’asseoir à côté d’une rangée où se situe la sortie vous offrira toujours la sortie la plus rapide en cas d’urgence, à condition qu’il n’y ait pas de feu de ce côté. Mais les ailes d’un avion stockent du carburant, ce qui disqualifie les rangées de sortie centrales en <a href="https://www.rd.com/list/flight-safety/">tant qu’option de rangée la plus sûre</a>.</p>
<p>En même temps, le fait d’être plus près de l’avant signifie que vous serez touché avant ceux de l’arrière, ce qui nous laisse la dernière rangée qui compte une sortie. Pour ce qui est de la raison pour laquelle les sièges du milieu sont plus sûrs que ceux de la fenêtre ou de l’allée, c’est, comme on peut s’y attendre, à cause du tampon que constitue la présence de personnes de chaque côté.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une vue de face de l’aile d’un avion commercial" src="https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les ailes des avions commerciaux stockent du carburant, ce qui peut rendre cette zone légèrement plus dangereuse dans le cas très improbable d’une urgence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Certains accidents sont pires que d’autres</h2>
<p>Le type d’accident déterminera également la capacité de survie. Se heurter à une montagne diminuera les chances de survie de manière exponentielle, comme ce fut le cas lors d’une tragique catastrophe survenue en 1979 en Nouvelle-Zélande. Le vol TE901 d’Air New Zealand s’est écrasé sur les pentes du mont Erebus en <a href="https://nzhistory.govt.nz/culture/erebus-disaster">Antarctique</a>, tuant 257 passagers et membres d’équipage.</p>
<p>Les pilotes sont formés pour minimiser au mieux les risques potentiels en cas d’urgence. Ils essaieront d’éviter de heurter des montagnes et chercheront un endroit plat, comme un champ ouvert, pour atterrir aussi normalement que possible. La technique d’<a href="https://www.aviationsafetymagazine.com/features/the-myths-of-ditching/">atterrissage dans l’eau</a> consiste à évaluer les conditions de surface et à essayer d’atterrir entre les vagues à un angle d’atterrissage normal.</p>
<p>Les avions sont conçus pour être très robustes dans les situations d’urgence. En fait, la principale raison pour laquelle le personnel de cabine nous rappelle de garder nos ceintures attachées n’est pas le risque d’écrasement, mais les <a href="https://www.skybrary.aero/articles/clear-air-turbulence-cat">« turbulences en air clair »</a> que l’on peut rencontrer à tout moment à haute altitude. C’est ce phénomène météorologique qui peut causer le plus de dommages <a href="https://www.usnews.com/news/us/articles/2022-12-20/turbulence-persists-as-a-major-cause-of-injuries-on-flights">aux passagers et aux avions</a>.</p>
<p>Les constructeurs conçoivent de nouveaux avions avec davantage de matériaux composites capables de résister aux contraintes en vol. Dans ces modèles, les ailes ne sont pas rigides et peuvent fléchir pour absorber une <a href="https://www.wired.com/2010/03/boeing-787-passes-incredible-wing-flex-test/">charge extrême</a> afin d’éviter une défaillance structurelle.</p>
<h2>Le type d’avion fait-il une différence ?</h2>
<p>Il est vrai que certaines variables, comme l’impact de la vitesse, peuvent varier légèrement d’un type d’avion à l’autre. Cependant, la <a href="https://www.grc.nasa.gov/www/k-12/UEET/StudentSite/dynamicsofflight.html">physique du vol</a> est plus ou moins la même pour tous les avions.</p>
<p>En général, les avions plus grands ont plus de matériaux structurels et donc plus de résistance pour supporter la pressurisation en altitude. Cela signifie qu’ils peuvent offrir une protection supplémentaire en cas d’urgence, mais cela dépend, là encore, de la gravité de l’urgence.</p>
<p>Cela ne veut pas dire que vous devez réserver votre prochain vol sur le plus gros avion que vous pouvez trouver. Comme je l’ai mentionné, les voyages en avion restent très sûrs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199698/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Doug Drury ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les voyages en avion sont très sûrs, bien plus que les voyages en voiture. Mais cela ne nous empêche pas de nous demander où il vaut mieux s’installer.Doug Drury, Professor/Head of Aviation, CQUniversity AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993502023-02-08T19:59:02Z2023-02-08T19:59:02ZPourquoi il y a des séismes en cascade en Turquie et en Syrie<p>Ce lundi 6 février, à 4h17 du matin, un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seismes-27199">séisme</a> de magnitude 7,8 a frappé la Turquie et la Syrie. Les séismes dans cette région du monde sont courants, mais l’ampleur de celui-ci est clairement impressionnante : pour trouver un séisme aussi violent sur cette faille, il faut <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9781139195430">remonter en 1114</a>.</p>
<p>Une dizaine de minutes après le séisme le plus puissant, une réplique de magnitude 6,7 s’est produite à proximité de l’épicentre et d’autres répliques continuent aujourd’hui de se produire dans une zone allongée sur plus de 350 kilomètres, depuis l’est de la Turquie jusqu’à la frontière syrienne. Ces « répliques », les séismes qui se produisent après un grand tremblement de terre, sont attendues et leur comportement statistique est bien connu.</p>
<p>De façon plus étonnante et surtout dramatique, un second séisme de magnitude 7,5 a eu lieu à 13h24 heure locale, plus au nord. Ce séisme n’est pas une réplique : d’après les premières données traitées en direct par les grandes agences sismologiques internationales, il se serait produit sur une faille est-ouest coupant la rupture principale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La micro-plaque Anatolienne est poussée vers l’ouest par la remontée de la plaque Arabie vers le nord, et tractée à l'ouest. Ce mouvement vers l’ouest est accommodé par deux grandes failles tectoniques : la faille nord-anatolienne (2 cm par an de mouvement relatif entre les plaques Anatolie et Eurasie) et la faille est-anatolienne (entre 5 mm et 1 cm par an de mouvement relatif entre les plaques Arabie et Anatolie). Nous savons bien comment et pourquoi l’Anatolie bouge, mais cette connaissance est encore trop parcellaire pour prévoir les séismes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet/ENS. Fond de carte GoogleEarth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nous n’avons pas encore toutes les <a href="https://theconversation.com/seisme-en-mer-egee-que-savent-les-scientifiques-apres-quelques-jours-de-travail-149246">informations que fournissent les images satellites et les mesures GPS</a>, mais il est possible que le second séisme ait été causé par le premier, une hypothèse qu’il va falloir vérifier dans les jours à venir avec les données qui arrivent au compte-goutte.</p>
<p>Cette activité sismique majeure sur deux failles proches reflète que les contraintes qui sont à l’origine des tremblements de terre se réorganisent petit à petit. L’autre grande faille de la région (la faille « nord-anatolienne ») a vu se propager une séquence de séismes au long du XX<sup>e</sup> siècle, comme une série de dominos, jusqu’à la mer de Marmara et la mégalopole d’Istanbul.</p>
<p>Toute la communauté scientifique, ainsi que les autorités turques, <a href="https://doi.org/10.1038/35005054">attendent un séisme</a> proche de cette ville de 16 millions d’habitants. Nous ne savons pas quand ce séisme aura lieu ni quelle sera sa taille. Nul ne peut, en l’état actuel des connaissances, proposer une date et une magnitude pour ce séisme à venir, et le séisme de ce lundi nous rappelle malheureusement que la Turquie peut aussi être frappée durement ailleurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/seismes-pourquoi-on-ne-peut-pas-les-prevoir-58754">Séismes : pourquoi on ne peut pas les prévoir</a>
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<h2>Des répliques et un second séisme</h2>
<p>Le comportement des répliques suite au séisme de lundi n’est en lui-même pas du tout une surprise. En 1894, Omori observait déjà une décroissance logarithmique du nombre de répliques avec le temps (selon une loi en 1/t, t étant le temps écoulé depuis le choc principal).</p>
<p>Ces mêmes lois empiriques, dites « lois d’échelles », prévoient que la plus grosse réplique aura une magnitude d’un ordre de grandeur inférieur au choc principal : ici, la plus grosse réplique du premier séisme a été d’une magnitude de 6,7, proche des 6,8 attendus. Rappelons que cette échelle est logarithmique, et qu’un séisme de magnitude 6 libère 30 fois moins d’énergie qu’un séisme de magnitude 7.</p>
<p>Les répliques s’arrêtent lorsque les forces engendrées par le séisme principal sont accommodées, un peu comme lorsque, après avoir mis un coup de pied dans un tas de sable, les grains continuent de rouler les uns après les autres, puis se stabilisent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Essaims de répliques des deux séismes ayant eu lieu à la frontière entre Turquie et Syrie le 6 février.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet/ENS. Fond de carte Google Earth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais le séisme de magnitude 7,5 de 13h24 sort complètement de ce comportement statistiquement vérifié depuis 1894 sur des milliers de séismes dans le monde : ce n’est pas une réplique mais bien un second séisme. Il faut ainsi noter qu’il s’est produit sur une faille qui semble orientée à 45° par rapport à la faille Est-Anatolienne, comme en témoigne la forme de l’essaim de répliques qui l’ont suivi.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/seisme-au-maroc-les-satellites-peuvent-aider-les-secours-a-reagir-au-plus-vite-183675">Séisme au Maroc : les satellites peuvent aider les secours à réagir au plus vite</a>
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<p>On parlera donc plutôt ici de « séisme déclenché », ou tout du moins, on tentera d’explorer des mécanismes permettant d’expliquer la coïncidence temporelle entre ces deux grands séismes.</p>
<h2>Un risque pour Istanbul</h2>
<p>Certains séismes sont effectivement liés les uns aux autres : en « accommodant » les contraintes qui s’accumulent au niveau des failles tectoniques, ils relâchent de l’énergie et réorganisent ces contraintes, ce qui peut déclencher de nouveaux séismes.</p>
<p>Sur la faille nord-anatolienne, très active et qui accommode un déplacement relatif d’environ 2 centimètres par an entre les plaques Anatolie et Eurasie, une série de séismes de magnitude supérieure à 7 a eu lieu en cascade d’est en ouest sur environ 800 kilomètres au cours du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le point notable est que toute la longueur de la faille nord-anatolienne a rompu entre 1939 et 1999. Le dernier segment n’ayant pas rompu se trouve en mer de Marmara, tout près d’Istanbul, entre les séismes de Izmit en 1999 et de Ganos en 1912.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte de la région avec les failles, mouvement des plaques tectoniques et seismes historiques" src="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une séquence historique de séismes s’est produite au XXᵉ siècle : initiée à l’est avec le séisme de Erzincan en 1939 (7,8), elle a continué avec des séismes en 1943, 1944, 1967 et enfin en 1999 avec les deux séismes d’Izmit (7,6) et Duzce (7,3), séparés d’à peine quelques mois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet, ENS. Fond de carte GoogleEarth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette succession de séismes s’explique par le transfert de la contrainte tectonique d’un segment à l’autre de la faille. Un séisme relâche localement les contraintes accumulées par le mouvement relatif des plaques, mais en même temps, augmente celles sur les segments de faille adjacents qui se rapprochent donc d’une rupture future.</p>
<p>Si ce segment est déjà bien chargé (proche de la rupture), alors un séisme peut en déclencher un autre. Sinon, il faudra attendre que le mouvement des plaques tectoniques apporte le reste de contrainte nécessaire pour déclencher un séisme. On parle ici de « déclenchement statique » car l’état de la croûte après le séisme est la cause du séisme suivant.</p>
<h2>Quand des séismes géants déclenchent d’autres séismes… à distance</h2>
<p>Il existe aussi un type de déclenchement dit « dynamique ». Dans certains cas, la variation de contrainte résultant d’un grand séisme n’est pas assez grande pour expliquer l’occurrence de certains séismes, notamment s’ils sont situés à plusieurs centaines de kilomètres de l’épicentre du choc principal.</p>
<p>Par exemple, suite aux séismes californiens de Landers en 1992 et Hector Mine en 1999, des essaims de séismes ont été observés à plusieurs centaines de kilomètres de l’épicentre. Il a été démontré que <a href="https://doi.org/10.1038/35078053">ces séismes ont eu lieu exactement lors du passage des ondes sismiques les plus fortes émises par ces deux séismes</a>.</p>
<p>Des observations similaires ont été effectuées en laboratoire pour démontrer que <a href="https://doi.org/10.1038/nature04015">lors du passage de ces ondes sismiques, le matériau qui constitue le cœur de la faille s’affaiblit</a>, provoquant un relâchement des contraintes par glissement, c’est-à-dire un séisme.</p>
<p>Ce genre de comportement vient de la physique des milieux granulaires, qui lorsqu’ils sont secoués, peuvent se comporter comme des fluides. Secouer rapidement un tas de sable va le conduire à s’aplatir sous son propre poids alors que sans ces secousses, il tient très bien tout seul.</p>
<p>Secouer rapidement une faille peut donc la conduire à glisser, produisant ainsi des séismes. Il a aussi été observé que <a href="https://doi.org/10.1029/2012JB009160">ces ondes sismiques peuvent déclencher des glissements lents à des distances colossales</a>. Les ondes sismiques émises par le séisme de Maule, un séisme de magnitude 8,9 en 2010 au Chili, ont provoqué un glissement lent le long de la subduction du Mexique, à environ 7 000 kilomètres de l’épicentre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199350/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet a reçu des financements de Conseil Européen pour la Recherche (ERC), de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) ainsi que du Centre National pour la Recherche Scientifique (CNRS) et de l'Institut Universitaire de France (IUF).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Jolivet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les séismes peuvent en déclencher d’autres : des répliques, mais aussi des séismes plus distants.Romain Jolivet, Professeur des Universités, École normale supérieure (ENS) – PSLLaurent Jolivet, Professeur, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1946622022-11-22T19:27:37Z2022-11-22T19:27:37ZAnesthésie, Covid… comment l'interdisciplinarité profite à l'innovation en santé<p>Personne ne niera la gravité de la crise sanitaire que nous venons de traverser. Mais, au-delà des manques et des carences de notre système sanitaire, la pandémie de Covid a également été un révélateur à de multiples niveaux. Il y a notamment eu une prise de conscience de la valeur de la santé, et de l’importance d’avoir un hôpital capable de s’adapter et de se développer pour faire face aux défis de demain.</p>
<p>Or, si on parle depuis des années de la mutation du système de santé, il faut souligner qu’elle ne suit plus les rythmes des mutations sociétales. Il y a là une importante réflexion à avoir, d’autres visions et d’autres propositions à envisager.</p>
<p>Parmi les ressorts possibles, nous travaillons, à l’<a href="https://cfdc.aphp.fr/ifcs/">Institut de formation des cadres de santé</a>, à initier un nouvel élan. L’avenir du système hospitalier ne peut, en effet, être déconnecté des évolutions des formations en santé : c’est par la formation initiale et continue de ses acteurs que toute organisation se transforme.</p>
<p>Une des pistes que nous explorons, pour favoriser une meilleure adaptation, repose sur la construction d’une véritable interdisciplinarité et sur l’usage du concept anglo-saxon de « fertilisation croisée » (<em>cross fertilization</em>).</p>
<h2>L’impact (éphémère) de la crise sanitaire</h2>
<p>Si le terme est peu connu, il n’est pas un concept abstrait : de telles <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/31/respirateurs-protections-pour-les-soignants-l-impression-3d-mobilisee-contre-le-coronavirus_6035086_3244.html">opérations de fertilisation croisée, relayées par les médias, ont eu lieu pendant la crise du Covid</a>. Une multitude de compétences et savoirs issus de différents horizons, et portés par des énarques, des informaticiens, des soignants et autres spécialistes, se sont alors <a href="https://theconversation.com/Covid-19-comment-les-etablissements-sanitaires-et-sociaux-ont-gere-lurgence-160377">conjugués pour permettre la prise en soin des patients</a>.</p>
<p>Rapidité, adaptabilité et créativité a semblé, un temps, être les mots d’ordre partagés par tous, avec pour résultat le développement de plates-formes d’appel et de suivis de patients (tel <a href="https://www.covidom-idf.fr/">Covidom</a>), de systèmes de suivi informatiques ou encore l’usage d’imprimantes 3D pour fabriquer des lunettes de protection aux soignants, etc.</p>
<p>Malheureusement, l’enthousiasme est retombé trop vite. Sans doute n’avons-nous pas su capitaliser sur ces rencontres.</p>
<p>Nous étudions la manière d’incorporer ce concept de fertilisation croisée de façon plus durable dans la pratique médicale. Pour cela, il importe de bien le définir au préalable, d’en montrer l’intérêt pour nos systèmes de formation et plus largement en santé. C’est ce que cet article entend éclairer.</p>
<h2>Le paradoxe de l’hôpital : l’interdisciplinarité, mythe ou réalité ?</h2>
<p>Le monde hospitalier et universitaire se distingue, aujourd’hui encore, par ses disciplines très cloisonnées – un cloisonnement structurel et organisationnel, lié notamment, en santé, au cloisonnement initial des formations dispensées. L’hyperspécialisation médicale fragmente encore aujourd’hui la prise en soin des patients en sillon disciplinaire.</p>
<p>Pourtant, la complexité des décisions n’a cessé de nourrir le besoin d’interdisciplinarité, en témoigne l’explosion des publications sur ce thème depuis les années 1970. Le professeur émérite à l’Université Sorbonne Paris Nord et philosophe du soin Gérard Reach montre que la prise de conscience dans ce domaine date de cette période clef. Selon lui, l’idée d’interdisciplinarité émerge autour de quatre « inventions » :</p>
<p>1)
<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/5030023/">L’éducation thérapeutique du patient</a> (1972),</p>
<p>2)
<a href="https://documentation.ehesp.fr/memoires/2002/edh/belot.pdf">Le concept de gestion du risque (<em>risk managment</em>) à l’hôpital</a> (1975),</p>
<p>3)
<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/847460/">Le modèle biopsychosocial qui intègre les facteurs psychosociaux au même titre que les facteurs biologiques</a> (1977),</p>
<p>4)
<a href="https://www.em-consulte.com/article/1180695/education-therapeutique-a-la-recherche-d-une-defin">La reconnaissance des principes éthiques d’autonomie</a> <a href="https://global.oup.com/ushe/product/principles-of-biomedical-ethics-9780190640873?cc=fr&lang=en&">(le respect de choix des patients) du droit au soin</a> (1979).</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’émergent les premières publications sur l’interdisciplinarité : non plus une simple superposition ou juxtaposition de l’action des professionnels de santé, mais une réelle concertation, collaboration entre différents acteurs sans prévalence d’une discipline par rapport à l’autre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495373/original/file-20221115-21-lujpyx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les publications sur l’interdisciplinarité sont en croissance désormais quasi exponentielle" src="https://images.theconversation.com/files/495373/original/file-20221115-21-lujpyx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495373/original/file-20221115-21-lujpyx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495373/original/file-20221115-21-lujpyx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495373/original/file-20221115-21-lujpyx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495373/original/file-20221115-21-lujpyx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495373/original/file-20221115-21-lujpyx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495373/original/file-20221115-21-lujpyx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nombre de publications sur la thématique de la collaboration interprofessionnelle et grands tournants historiques expliquant le besoin d’interprofessionnalité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D. Naudin, d’après les publications PubMed (Juin 2020)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Dans la pratique, l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16987842/">interdisciplinarité est souvent mise a mal</a> par des enjeux budgétaires, de pouvoir… ou simplement par manque de temps ou de lieux pour amener les professionnels à travailler réellement ensemble. Si bien que la révolution copernicienne interdisciplinaire, qui n’est plus une idée neuve, n’a en fait pas vraiment eu lieu.</p>
<p>Aussi, contrairement à l’idée reçue, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6481564/">bénéfices mesurés de cette interprofessionnalité sont encore modestes pour les patients (données de 2017)</a>. Ils seraient pourtant particulièrement précieux à une époque où les évolutions s’accélèrent.</p>
<p>Mutations technologiques, avènement de la télémédecine et de la télésurveillance en e-santé, utilisation d’objets connectés, de robots voire demain du métavers nécessitent de plus en plus des expertises croisées, dépassant la simple interprofessionnalité.</p>
<p>Pour citer quelques exemples, la révolution du big data n’en est qu’a ses débuts et l’utilisation des écosystèmes en réseau ne fera que s’accentuer. Les questions de cybersécurité, de droit d’accès et d’<a href="https://theconversation.com/debat-les-donnees-de-notre-sante-doivent-rester-confidentielles-92950">exploitation des données médicales</a> sont déjà prégnantes. L’<a href="https://theconversation.com/lintelligence-artificielle-va-t-elle-bouleverser-la-profession-medicale-140113">utilisation de l’intelligence artificielle</a>, de la robotique, de la réalité augmentée et de casques de réalité virtuelle, des imprimantes en 3 dimensions devraient s’accentuer.</p>
<p>Ces défis technologiques imposent d’autres organisations comme des compétences nouvelles, et appellent une ouverture aux autres domaines. C’est là tout l’enjeu de la fertilisation croisée.</p>
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<h2>Un concept qui a pourtant fait ses preuves</h2>
<p>Le concept de fertilisation croisée est né de la recherche et du développement dans le domaine de l’industrie. Il s’agissait alors de susciter des interactions entre divers champs disciplinaires et de réunir des personnes aux compétences, méthodes de travail et outils différents afin de produire des solutions innovantes et créatrices. Une démarche fertile dans l’élaboration de prototype.</p>
<p>Un tel croisement de regard n’est pas inconnu en santé. Début des années 2000, l’anesthésie s’est par exemple rapprochée des experts de l’aéronautique pour élaborer sa culture de gestion du risque. Le professeur de médecine René Amalberti, directeur de la <a href="https://www.foncsi.org/fr">Fondation pour une culture de la sécurité industrielle (FONCSI)</a>, a été d’une grande aide. Passant de la médecine à la psychologie et l’ergonomie, via l’ingénierie et les sciences de l’organisation et des risques, il a <a href="https://www.puf.com/content/La_conduite_de_syst%C3%A8mes_%C3%A0_risques">su faire dialoguer ces disciplines pour créer un système ultra-sûr</a>. L’aéronautique a apporté l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24845919/">utilisation de check-list</a> ou des <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmsa0810119">aides cognitives au bloc opératoire</a>. Le document <a href="https://academieairespace.com/wp-content/uploads/2018/05/CR_22e_forum_ANAE_web.pdf">« Du bloc opératoire au cockpit d’un avion de ligne »</a>, issu de la direction générale de l’aviation civile, montre les ponts établis entre ces deux mondes.</p>
<p>Plus récemment, l’équipe de Rhona Flin, professeur de psychologie à l’Aberdeen Buisness School, a contribué à la <a href="https://www.researchgate.net/publication/336808533_Crew_resource_management_CRM_and_non-technical_skills">compréhension des compétences non techniques</a> dans la <a href="https://rgu-repository.worktribe.com/output/248996/human-factors-in-safety-management-safety-culture-safety-leadership-and-non-technical-skills">gestion des risques et de la sécurité</a>. L’usage d’outil comme la <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsa1204720">simulation en santé</a> a été <a href="https://www.researchgate.net/publication/358995744_Adaptation_of_a_Simulation_Model_and_Checklist_to_Assess_Pediatric_Emergency_Care_Performance_by_Prehospital_Teams">largement inspiré de ces travaux</a>.</p>
<p>D’autres exemples peuvent être cités, comme l’usage de la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35951576/">réalité augmentée pour la rééducation de la marche d’enfants atteints de paralysie</a> qui a nécessité le travail de chercheur en physiologie de la marche et la réalisation des outils numériques adaptés.</p>
<p>Cependant, si les progrès technologiques se sont accentués avec la crise du Covid-19, les cursus qui préparent les étudiants n’ont pas évolué à la même vitesse. Ils n’ont pas totalement anticipé la télémédecine, les objets connectés, l’intelligence artificielle… Parallèlement, l’émergence depuis quelques années déjà de techniques de soin alternatives (hypnose, <a href="https://theconversation.com/lentrainement-cerebral-pour-ameliorer-la-sante-des-seniors-104120">méditation</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30306545/">yoga</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31235453/">Qi gong</a>…) impose aussi de repenser une autre forme de rapport au savoir académique.</p>
<p>La question des futures organisations des soins qu’amènent ces nouveautés nous impose de former des professionnels préparés non pas juste à accompagner ces transformations mais à y contribuer. Les nouvelles structures hospitalières doivent également incorporer de façon prospective des visions plurielles.</p>
<h2>La formation des futurs soignants doit devenir un espace d’ouverture</h2>
<p>C’est dans cette perspective que les cursus de formation en santé doivent relever un double défi : accentuer l’ouverture aux autres formations en santé et s’ouvrir aux disciplines hors du champ de la santé. Les cursus de rééducation sont déjà de bons exemples de fertilisation croisée entre « geeks » de la technologie, concepteurs informatiques, en robotique et en ergonomie.</p>
<p>Les cadres de santé ont beaucoup à gagner à fréquenter les spécialistes de la communication, du marketing, des métiers du social ou de l’architecture, de futurs directeurs de projets, etc. pour penser les organisations et espaces de soin de demain.</p>
<p>On pourrait multiplier les exemples à souhait… La question est de créer politiquement (au sens noble du terme) des espaces de fertilisation croisée. La création de projets avec un enjeu fort en termes d’innovation est structurante pour ce type de fertilisation : c’est donc autour de projets entre cursus différents que cette fertilisation croisée pourrait se créer.</p>
<p>La recherche, souvent interdisciplinaire, constitue une autre piste majeure. Récemment, la formation des cadres de santé de l’AP-HP a pris le parti de faire réaliser le travail de mémoire final en groupe : toute une équipe doit contribuer, ensemble, à répondre à une question de recherche utile pour la communauté. On pourrait également imaginer des travaux de recherche communs avec d’autres formations que celles issues du monde du soin.</p>
<p>Initier ces démarches, c’est contribuer à gommer les résistances disciplinaires qui maintiennent les routines et les habitudes… et empêche parfois de penser réellement l’hôpital de demain. Les formations n’ont plus uniquement comme mission de former des professionnels compétents : elles devraient être le lieu d’expérimentations et d’innovations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’interdisciplinarité, ou fertilisation croisée entre spécialités, est dans tous les discours. Mais son plein potentiel est loin d’être atteint. Qu’a-t-elle déjà permis et quelles sont ses promesses ?David Naudin, Coordonnateur du Pôle de la Recherche Paramédicale en Pédagogie du CFDC PhD - Laboratoire Éducations et Pratiques en Santé (LEPS UR 3412), AP-HP, Université Sorbonne Paris NordMichèle Jarraya, Directeur du CFDC chez AP-HP, AP-HPLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1904622022-09-14T18:06:14Z2022-09-14T18:06:14ZLe resserrement monétaire de la BCE, une mauvaise nouvelle pour les « cigales » européennes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484278/original/file-20220913-12-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1171%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juillet 2022, le Système européen des banques centrales (SEBC) détenait plus de 35&nbsp;% de la dette publique de l’eurozone.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/europeancentralbank/3579094440">Flickr/European Central Bank</a></span></figcaption></figure><p>En août 2022, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> s’élevait en rythme annuel à 8,5 % aux États-Unis, 10,1 % au Royaume-Uni et <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-euro-indicators/-/2-31082022-ap">9,1 % dans la zone euro</a>. Pourtant, à l’instar des autres grandes banques centrales, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> a pour première mission, selon l’article 127 du Traité de l’Union européenne, la stabilité des prix dont elle avait elle-même fixé le plafond à 2 %.</p>
<p>Pour quelles raisons la BCE a-t-elle failli à sa mission et quelles en seront les conséquences ? Le choc inflationniste actuel a deux types de causes économiques (conjoncturelles et structurelles) qui se sont cumulées en 2022. À court terme, les prix subissent le choc d’offre dû aux goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales ainsi que la <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-prix-du-gaz-et-de-lelectricite-atteignent-des-niveaux-stratospheriques-1784068">flambée des prix de l’énergie</a> consécutive à la guerre en Ukraine. Mais ces facteurs accentuent une tendance sous-jacente de plus long terme liée au réchauffement climatique, aux relocalisations et au vieillissement de la population.</p>
<p>Surtout, à ces causes relevant de l’économie réelle se sont ajoutées les politiques extraordinairement expansionnistes que les banques centrales ont mis en place à partir de 2008 pour éviter de transformer deux grandes récessions (2009 et 2020) en de profondes dépressions, et qui prennent actuellement fin.</p>
<p>Ainsi pour répondre à la crise financière de 2008 et <a href="https://econpapers.repec.org/article/cupjechis/v_3a61_3ay_3a2001_3ai_3a01_3ap_3a247-249_5f57.htm">instruite par l’expérience de la crise de 1929</a>, la BCE a, comme la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine (Fed)</a>, lancé des programmes d’achats massifs et durables de titres obligataires publics sur le marché secondaire (<em>quantitative easing</em>, ou QE) pour maintenir les taux longs très bas et permettre aux entreprises et aux ménages d’emprunter pour soutenir l’activité et <a href="https://virtusinterpress.org/IMG/pdf/10-22495_jgr_v2_i2_p5.pdf">éviter le pire : la déflation</a>, c’est-à-dire une baisse des prix généralisée générant l’attentisme des consommateurs (qui repoussent leurs achats pour payer moins) pesant ensuite sur les revenus et les capacités d’investissement des entreprises et donc in fine sur la croissance.</p>
<h2>La réaction tardive de la BCE</h2>
<p>Cette politique non conventionnelle totalement inédite devait cesser après la crise mais elle fut au contraire <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020D0188&from=CS">accentuée par la pandémie de 2020</a>, amenant le bilan et la masse monétaire des banques centrales à des niveaux inconnus.</p>
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<p>Ce n’est finalement qu’en juillet 2022, soit quatre mois après la Fed, que la BCE a décidé de remonter ces taux de 50 points de base (une première depuis plus d’une décennie) et de stopper ses programmes de quantitative easing, mais sans les éteindre. C’est-à-dire, à la différence de la Fed, en réinvestissant le montant des obligations arrivées à échéance (son bilan reste donc stable alors que celui de la Fed commence à diminuer).</p>
<p>Pour lutter contre la hausse des écarts entre les taux de financement des différents États membres de la zone euro, les « spreads », constatée depuis début 2022, elle a même annoncé un <a href="https://www.lafinancepourtous.com/2022/07/29/la-bce-le-tpi-et-le-risque-de-fragmentation-en-zone-euro/">nouvel outil « anti-fragmentation »</a> encore dans les limbes qui se traduirait par de nouveaux achats d’obligations des États en difficulté.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">Fed et BCE : deux rythmes mais une même stratégie contre l’inflation</a>
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<p>Réagissant plus tardivement que la Fed, la BCE a ensuite été contrainte <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/union-europeenne/la-bce-augmente-ses-taux-d-interets-de-75-points-de-base_AN-202209080405.html">d’augmenter encore ses taux cette fois de 75 points le 8 septembre</a>, soit le plus fort relèvement depuis sa création en 1999. Mais ce nouveau taux de refinancement de 1,25 % s’il accentuera logiquement le risque de récession dans la zone euro reste très en deçà de l’inflation et ne suffira donc pas à juguler la hausse des prix.</p>
<h2>L’Italie maillon faible</h2>
<p>Le programme d’achat massif d’obligations souveraines (Pandemic Emergency Purchase Programme ou PEPP) de la BCE lancé en mars 2020 pour éviter l’effondrement des économies s’est traduit par un financement de la quasi-totalité des énormes emprunts publics émis depuis deux ans. Ainsi en juillet 2022, le Système européen des banques centrales (SEBC) détenait en moyenne plus de <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/pepp/html/index.en.html">35 % de la dette publique de l’eurozone</a> (33 % en France), ce qui n’incite bien sûr pas les pays dispendieux à réduire leur déficit structurel.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dette publique et déficit structurel des huit principaux pays de la zone euro en 2022 (en % du PIB).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-02/20220216-rapport-RPA-2022.pdf">Rapport 2022 de la Cour des comptes</a></span>
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</figure>
<p>Parmi les « cigales » qui ont pu financer sans douleur leurs déficits publics, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/italie-22616">l’Italie</a> est devenu le maillon faible de la zone euro avec une dette publique passée de 134,3 % à 154,4 % au moment où la Grèce sort tout juste du mécanisme de surveillance européen après 11 années de sacrifices.</p>
<p>Si, comme l’annonce les sondages, la coalition d’extrême droite emmenée par Giorgia Meloni remportait les élections du 25 septembre, le pays entrerait sans doute dans une phase de fortes turbulences financières car la candidate au poste de premier ministre souhaite renégocier le plan européen de soutien à son économie pourtant extrêmement favorable avec <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/plan-de-relance-la-cour-des-comptes-italienne-sinquiete-des-retards-1781358">191,5 milliards d’euros</a> dont 69 de subventions sur la période 2021-2026.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-hausse-des-taux-dinteret-va-t-elle-deboucher-sur-une-nouvelle-crise-de-la-zone-euro-185872">La hausse des taux d’intérêt va-t-elle déboucher sur une nouvelle crise de la zone euro ?</a>
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<p>Dans ces conditions, on ne peut exclure une envolée des taux des obligations souveraines italiennes voire un défaut sélectif de l’Italie, par exemple sur les obligations détenues par le SEBC, ce qui minerait la crédibilité de l’euro.</p>
<p>Il semble que la BCE, échaudée par la crise grecque de 2015, ait anticipé ce risque en décidant le 3 février 2020 qu’elle ne détiendrait que <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/pepp/html/index.en.html">10 % des 290 milliards de la dette italienne</a> contractée pour faire face à la pandémie dans le cadre du PEPP et qui s’ajoutent aux <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/app/html/index.en.html">450 milliards de dettes détenues par le SEBC</a> dans l’Asset Purchase programme enclenché depuis 2015 – laissant ainsi 90 % du risque de signature à la seule banque centrale italienne : ce qui devrait faire réfléchir le futur gouvernement transalpin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La hausse des taux et la fin des programmes de rachat d’actifs décidées pour endiguer l’inflation créent de nouvelles vulnérabilités pour les pays les plus endettés, Italie en tête.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1834792022-07-11T18:24:13Z2022-07-11T18:24:13ZGrands séismes : peut-on les détecter plus rapidement grâce à l’IA ?<p>Le bilan provisoire du violent séisme qui a frappé le Maroc dans la nuit de vendredi à samedi ne cesse d’augmenter. Il est désormais de plus de 2 000 morts, a précisé le ministère de l’Intérieur.</p>
<p>Selon le Centre national pour la recherche scientifique et technique, l’épicentre de la secousse se situait dans la province d’al-Haouz, au sud-ouest de Marrakech et le tremblement de terre a provoqué d’importants dégâts dans plusieurs villes</p>
<p>Au cours des trente dernières années, les tremblements de terre et les tsunamis qu’ils génèrent ont causé la mort de <a href="https://www.usgs.gov/programs/earthquake-hazards/lists-maps-and-statistics">près d’un million de personnes</a>. Si la prédiction en tant que telle de ces événements est <a href="https://theconversation.com/seismes-pourquoi-on-ne-peut-pas-les-prevoir-58754">impossible</a>, des systèmes d’alerte ont été mis en place pour <a href="https://theconversation.com/que-savons-nous-vraiment-des-seismes-que-faire-pour-nous-en-proteger-61452">limiter le coût humain et matériel</a> de ces catastrophes.</p>
<p>Ces systèmes ne prédisent pas le futur, mais essaient de détecter les séismes et d’estimer le plus rapidement possible leur magnitude. Actuellement, ils utilisent les ondes sismiques pour tenter de prévenir les populations quelques secondes avant les secousses, même si malheureusement le résultat n’est pas toujours au rendez-vous.</p>
<p>Les tsunamis se propagent plus lentement, laissant plus de temps pour agir ce qui est généralement (<a href="https://theconversation.com/alertes-aux-seismes-et-tsunamis-comment-gagner-de-precieuses-secondes-139913">quelques dizaines de minutes</a>). Cependant, les systèmes d’alerte éprouvent de grandes difficultés à évaluer rapidement la magnitude des très grands séismes. Par exemple, le système japonais a estimé une magnitude de 8 au lieu de 9 lors du séisme de 2011, et donc une vague de 3 mètres au lieu de 15, une erreur aux conséquences dramatiques à Fukushima.</p>
<p>Afin d’améliorer les systèmes d’alerte sismique et tsunami, nous travaillons actuellement sur un algorithme d’intelligence artificielle (IA), basé sur des ondes d’origine gravitationnelle, qui estime de manière plus fiable et plus rapide la magnitude des grands séismes.</p>
<h2>Les systèmes d’alerte sismique</h2>
<p>Les signaux sismiques enregistrés le plus tôt sur les sismomètres sont les ondes de compression (dites ondes P). Ces ondes se propagent à environ 6,5 km par seconde. Si vous êtes 65 km plus loin de l’épicentre que les capteurs les plus proches, vous allez donc ressentir les premières secousses 10 secondes après que ces capteurs aient enregistré les premières ondes P. En pratique, en prenant en compte le temps de transmission et de traitement de ces ondes, vos 10 secondes seront probablement réduites à 5 ou 6.</p>
<p>Mais les ondes les plus destructrices, les ondes de cisaillements (dites ondes S), se propageant légèrement plus lentement que les ondes P (à environ 3,5 km par seconde), il est possible d’anticiper de quelques secondes les plus fortes secousses. Sur ce principe, dans les pays pourvus de systèmes d’alerte sismique comme au Japon, lorsqu’un séisme est détecté proche de votre position, vous recevez un SMS d’alerte vous informant de l’imminence de secousses.</p>
<h2>Les systèmes d’alerte tsunami</h2>
<p>Malheureusement, pour des raisons à la fois instrumentales et fondamentales, les ondes P ne renseignent pas de manière fiable sur la magnitude des très grands séismes. Les systèmes d’alerte sismiques, basés sur ces ondes, s’avèrent ainsi incapables de faire la différence entre un séisme de magnitude 8 et un séisme de magnitude 9, posant un problème majeur pour l’estimation du tsunami, comme l’a illustré l’exemple de Fukushima en 2011. En effet, un séisme de magnitude 9 est 30 fois plus « grand » qu’un séisme de magnitude 8, le tsunami qu’il génère est donc considérablement plus important.</p>
<p>Pour estimer de manière plus fiable la magnitude des grands séismes, des systèmes d’alerte basés sur un autre type d’ondes, appelé phase W, <a href="https://theconversation.com/alertes-aux-seismes-et-tsunamis-comment-gagner-de-precieuses-secondes-139913">ont été développés</a>. La phase W a une bien meilleure sensibilité à la magnitude que les ondes P, mais se propage beaucoup plus lentement. On l’enregistre entre 10 et 30 minutes après l’origine du séisme, soit peu de temps avant l’arrivée du tsunami.</p>
<h2>La découverte des signaux gravitationnels</h2>
<p>En 2017, des signaux jusqu’alors <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aao0746">inconnus ont été découverts</a>. Ces signaux, appelés PEGS pour « prompt elasto-gravity signals » (signaux élasto-gravitationnels soudains), ont laissé entrevoir une possibilité nouvelle d’estimer plus rapidement et de manière plus fiable la <a href="https://theconversation.com/quantifier-au-plus-vite-les-seismes-pour-ameliorer-lalerte-88673">magnitude des grands séismes</a>. Lorsqu’un séisme se produit, une immense masse de roche est mise en mouvement de manière soudaine. Cette masse de roche en mouvement engendre une perturbation du champ de gravité terrestre (la pesanteur). Cette perturbation est extrêmement faible, mais se propage à la manière d’une onde gravitationnelle, à la vitesse de la lumière. De manière instantanée à l’échelle de la Terre. La gravité étant une accélération et les sismomètres enregistrant l’accélération du sol, les PEGS sont enregistrés par nos instruments de mesure « classiques ». De plus, ces signaux sont très sensibles à la magnitude, beaucoup plus que les ondes P dans le cas des grands événements.</p>
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<img alt="Illustration de l’algorithme d’IA capable d’estimer la magnitude des grands séismes à partir de signaux gravitationnels (les PEGS) se propageant à la vitesse de la lumière, bien plus vite que les ondes sismiques (P et S)" src="https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471575/original/file-20220629-13-fkri9x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration de l’algorithme d’IA capable d’estimer la magnitude des grands séismes à partir de signaux gravitationnels (les PEGS) se propageant à la vitesse de la lumière, bien plus vite que les ondes sismiques (P et S).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bletery</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les PEGS disposent donc des caractéristiques idéales pour alimenter un système d’alerte. Cependant, leur détection est rendue difficile par leur très faible amplitude. (environ un million de fois plus faibles que les ondes P). Comment exploiter des signaux si faibles pour alerter ?</p>
<h2>Une IA pour exploiter les signaux gravitationnels</h2>
<p>La technologie émergente de l’IA s’avère très performante pour extraire rapidement des signaux faibles dans de grands volumes de données bruitées. Nous avons développé un algorithme d’IA qui estime toutes les secondes la magnitude du séisme en cours à partir des PEGS]Il est donc nécessaire de mettre au point de nouveaux systèmes plus fiables et rapides, afin d’avoir une stratégie de mise à l’abri la plus efficace possible. Nous avons développé un algorithme d’intelligence artificielle (IA), se basant sur des ondes d’origine gravitationnelle se propageant à la vitesse de la lumière, pour estimer de manière plus rapide et plus fiable la magnitude des grands séismes., publié très récemment dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04672-7"><em>Nature</em></a>. Comme les grands séismes sont rares, nous avons simulé des centaines de milliers de scénarios de séismes possibles le long des grandes failles japonaises.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans chaque scénario, nous avons calculé les PEGS attendus sur tous les sismomètres de la région et entraîné l’IA à « trouver » la magnitude et la localisation du séisme en lui donnant la réponse à chaque fois. Nous avons ensuite testé la performance de l’IA sur les données enregistrées lors du séisme de Fukushima. Les résultats indiquent que l’on aurait pu estimer la magnitude du séisme dès la fin de la rupture (soit 2 minutes après l’origine de l’événement), et donc obtenir très rapidement une bien meilleure estimation de la hauteur de la vague.</p>
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<img alt="Graphe comparant la performance de l’IA aux systèmes de détection classiques" src="https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471574/original/file-20220629-14-18jeri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Performance de l’IA par rapport au système en place en 2011 lors du séisme de Fukushima.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bletery</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les résultats étant encourageants, nous passons désormais à la phase d’implémentation de l’algorithme dans un système d’alerte opérationnel, en commençant par le Pérou <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/2016JB013080">où l’on attend un très gros évènement</a> (qui pourrait intervenir demain comme dans 300 ou 600 ans). Nous travaillons également à améliorer les performances de l’algorithme pour les séismes de magnitude plus modérée. Il fonctionne dans sa version actuelle pour les séismes de magnitude supérieure à 8,3, ce qui le rend déjà très utile pour l’estimation des tsunamis (qui ne concernent que ces très grands séismes) mais limite grandement les possibilités pour alerter sur les secousses (car ces dernières sont ressenties dans la plupart des cas avant que le séisme n’atteigne une telle magnitude).</p>
<p>Enfin, nous ambitionnons de développer une version mondiale de cet algorithme qui utiliserait des sismomètres pour alerter sur des séismes se produisant partout sur Terre, offrant ainsi une « couverture » d’alerte mondiale particulièrement intéressante pour des régions peu équipées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Bletery a reçu des financements de l'European Research Council (ERC), de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de l’Université Côte d’Azur et de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). </span></em></p>L’exploitation d’ondes gravitationnelles par une IA pourrait permettre d’améliorer les systèmes de détection des séismes et de leur magnitude.Quentin Bletery, Géophysicien, chargé de Recherche IRD au laboratoire Géoazur., Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1848582022-06-26T19:48:50Z2022-06-26T19:48:50ZL’inéluctable retour des foules ou les leçons du Stade de France<p>Les évènements qui se sont <a href="https://www.lefigaro.fr/faits-divers/stade-de-france-les-images-de-videosurveillance-ont-ete-detruites-car-elles-n-ont-pas-ete-reclamees-par-la-justice-20220609">déroulés autour de</a> la finale de Ligue des champions au Stade de France le 28 mai dernier constituent un phénomène complexe. Ils résultent d’un écheveau de circonstances causales qui a abouti à ce qui aurait pu s’achever en drame. Parmi celles-ci, une évidente défaillance organisationnelle, la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/politiques-du-desordre-olivier-fillieule/9782021433968">tendance à la brutalisation</a> du maintien de l’ordre « à la française », des phénomènes de « petite délinquance », des tensions liées au <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/as/2005-v29-n3-as1095/012629ar">supportérisme</a>, ou encore la problématique du commerce illégal que génèrent les grandes manifestations sportives (faux billets).</p>
<p>Aucune de ces causes n’est suffisante et toutes (ou presque) se révèlent nécessaires. Mais ne masquent-elles pas un « mal » plus sourd et plus profond ? Un mal dont elles seraient le symptôme et qui, au fond, leur servirait de substrat ? Un mal qui, plus loin, se donnerait à voir moins sur le registre politique et économique que sur le plan, moins immédiatement perceptible, de la « culture » (si l’on entend par là l’ensemble des valeurs et des représentations associées à partir desquelles s’organise une société dans un temps donné). Un mal, enfin, dont l’irrépressible poussée n’aurait d’autre issue que l’explosion encore à venir ?</p>
<p>C’est donc du point de vue de l’architecture symbolique de notre époque qu’il est utile de revenir sur ces évènements. À rebours d’un positivisme simpliste voyant dans le « matériel » ou le « concret » l’alpha et l’oméga de la compréhension du monde social, un tel pas de côté insiste sur la dimension « spirituelle » de l’existence des sociétés humaines. En l’espèce, il permet de saisir que ce qui s’est joué au Stade de France n’est qu’un épisode supplémentaire de l’inéluctable retour des foules.</p>
<h2>La foule originelle</h2>
<p>De la place de la Bastille en 1789 à l’ensemble des soubresauts qui rythmèrent le cours du XIX<sup>e</sup> siècle, la foule est à l’origine du monde dans lequel nous vivons encore aujourd’hui. Ce monde est celui de la modernité politique, elle-même fille des Lumières et, en un certain sens, de la Renaissance.</p>
<p>En effet, la foule révolutionnaire – puisque c’est bien d’elle qu’il s’agit – n’est pas la Jacquerie (pour employer un terme qui a été improprement mobilisé à l’occasion de la crise des « gilets jaunes »). Car ce que son irruption dans l’histoire révèle, c’est l’avènement du Peuple et, avec lui, le sacre de la République et de la démocratie.</p>
<p>Tel est en tout cas ce que retiendra le récit républicain : ce qui s’exprima derrière les débordements de la foule (contrainte à la violence face à la tyrannie), c’est la voix du Peuple manifestant son désir unanime de s’affranchir du pouvoir oppresseur et, partant, d’exercer sa souveraineté.</p>
<p>Cette dialectique foule/peuple rejoue les termes de la <a href="https://editions.flammarion.com/les-politiques/9782081358775">distinction</a> qu’établit la Grèce antique entre Plethos (la multitude indistincte) et Démos (les citoyens réunis en assemblée). En utilisant la figure de la foule comme double inversé, elle sait par ailleurs taire que le Peuple est d’abord une <a href="https://www.scienceshumaines.com/le-peuple-introuvable-histoire-de-la-representation-democratique-en-france_fr_10386.html">abstraction</a> et un projet jamais achevé. Surtout, elle offre une incontestable légitimité à l’État républicain en tant qu’émanation directe de la volonté du Peuple.</p>
<p>Dès lors, pourra s’ériger une société fondée sur le règne de la raison, le culte du citoyen et la croyance inconditionnelle dans le progrès. Le « contrat » qui en scelle l’acte de naissance signifie en substance que, en échange de leur obéissance et du paiement de leurs impôts, les citoyens obtiendront le droit de participer à la gestion des affaires publiques (sous la forme du vote) et de recevoir un certain nombre de prestations (celles que le <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/la-casse-du-si%C3%A8cle/">néolibéralisme</a> a drastiquement réduites).</p>
<p>En un mot, le Peuple s’engage par là à ne jamais redevenir foule. Ceci avec d’autant plus de conviction que le pouvoir républicain lui concèdera également des <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070295173-la-fete-revolutionnaire-1789-1799-mona-ozouf/">moments de défoulement</a> et d’excès autorisés sous la forme de la <a href="https://laviedesidees.fr/La-fete-est-elle-non-essentielle.html">fête</a>.</p>
<h2>Éduquer, contrôler et disperser la foule</h2>
<p>Il n’en reste pas moins que ces équilibres nouveaux s’avèrent alors fragiles et que la puissante légitimité trouvée par l’État dans la mise en scène de la dialectique foule/Peuple se paiera en retour d’une inquiétude et d’un soupçon tenaces. En l’occurrence, le pouvoir républicain ne pourra se départir de la crainte que, précisément, le Peuple ne rebascule dans la violence de la foule originelle. C’est ainsi que, quels qu’en soient les détenteurs, il s’évertuera, au long des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, à ériger un <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/L-ordre-du-discours">ensemble de dispositifs</a> visant à écarter un tel danger ; ou, le cas échéant, à s’assurer qu’il se donne à voir exclusivement dans les configurations approuvées.</p>
<p>Il est possible de lister un certain nombre de ces dispositifs. Ainsi, l’armée et l’école qui, par le truchement de l’ordre et de l’éducation, semblent faire le pari que l’individu « éclairé » ne saurait sombrer dans la fureur collective. De même, les syndicats ou les partis politiques dont l’apparition (faisant écho au droit de vote) institue autant d’intermédiaires « qualifiés » entre les citoyens et le pouvoir. Rendre obsolète le surgissement de la foule, telle est aussi l’une des incidences du développement de la presse (écrite, radio, etc.) qui, en se faisant voix du peuple comme du pouvoir – et lieu de la figuration de leur débat –, vient à son tour en éteindre la légitimité. À quoi bon en effet (et avec quelle véritable justification) prendre la rue dans la violence lorsque mon opinion et la réponse qu’y apporte le pouvoir se trouvent exprimées dans la presse ?</p>
<p>Le propos (en arrière-plan) est de protéger au mieux l’espace public – en sa double acception <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-9973.2010.01648.x">d’espace d’opinions</a> et de lieux partagés – des occurrences de la foule. Ce processus d’aseptisation trouvera une forme de parachèvement dans le droit de manifester. Si la Déclaration des droits de l’homme stipule avec prudence en 1789 que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public », c’est surtout avec le décret-loi du 23 octobre 1935 – qui, avec tout autant de prudence, fixe notamment l’obligation de déclaration préalable – que se formalise l’encadrement des foules manifestantes. Dès lors, les modalités pacifiées et contrôlées d’expression du mécontentement collectif dans l’espace public sont établies.</p>
<h2>Le retour des foules</h2>
<p>À cet ensemble de dispositifs, pourraient être ajoutés les stades et autres enceintes qui, dans une logique similaire à celle de la fête – dans un cadre censément sécurisé et contrôlé –, permettront de donner droit de cité à l’expression des émotions collectives. En somme, autoriser la « licence » pour mieux encadrer la multitude et, in fine, l’atomiser en une masse d’individus physiquement séparés. De ce point de vue, il est possible de voir dans le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/physique-chimie/triomphe-de-l-opinion-publique_9782738104656.php">triomphe de l’opinion publique</a> l’accomplissement <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-fabrique-de-l-opinion-une-histoire-sociale-des-sondages-loic-blondiaux/9782020296977">d’un implicite de « l’idéal moderne</a> » : la participation de chacun libérée de la présence de tous.</p>
<p>En un certain sens, l’avènement des réseaux socio-numériques aurait pu « boucler la boucle » en générant un monde dans lequel la distance entre les communicateurs serait la règle. Mais par un singulier retournement de l’histoire, c’est le contraire qui semble advenir ; les usages des smartphones et autres applications géolocalisées se trouvant au cœur de la résurgence des foules dans l’espace public. <a href="https://theconversation.com/attaque-du-capitole-du-6-janvier-2021-enjeux-et-consequences-pour-2022-174318">L’assaut du Capitole</a> sous l’impulsion de tweets et autres ressources numériques à disposition de Donald Trump en est un bon exemple.</p>
<p>Depuis au moins deux décennies, on assiste en effet à la multiplication de soulèvements de divers ordres qui se soustraient à l’enfermement auquel la modernité les avait assignés (les « gilets jaunes » en constituant le dernier épisode en date). Multiplication qui actualise les termes de ce qui fut, à la charnière des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, un intense débat entre les écoles françaises et italiennes d’anthropologie criminelle, puis de la psychologie des foules, autour du <a href="https://www.cairn.info/revue-mil-neuf-cent-2010-1-page-13.htm">danger</a> représenté par la <a href="https://www.ibs.it/folla-continuita-attualita-del-dibattito-libro-vari/e/9788889834343">foule</a>.</p>
<p>Il est donc nécessaire de prendre acte que, des « gilets jaunes » (en particulier celles de leurs mobilisations qui se dispensèrent de déclaration préalable) aux évènements récents du Stade de France, est en train de réapparaître ce que la modernité s’était évertuée à évacuer. À trop aseptiser le monde social, n’avons-nous pas créé les conditions du retour du refoulé ? Non pas la foule manifestante s’inscrivant dans le cadre que lui avait concédé la modernité, mais bien la foule barbare dont les déchaînements de violence font basculer l’histoire ?</p>
<p>Il est encore difficile d’évaluer quel effet aura la pandémie de Covid-19 en la matière (confinement, vie sociale à l’arrêt, etc.) ? Mais, en tout état de cause, il convient de se préparer à l’inéluctable retour des foules…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184858/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Rubio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les manifestations violentes du 28 mai lors d’un match de foot signalent peut-être un « mal » plus sourd et plus profond, le retour de la colère et de l’implosion sociale.Vincent Rubio, Socio-anthropologue, Université Paris Nanterre, Laboratoire Sophiapol., Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1843312022-06-21T19:21:37Z2022-06-21T19:21:37ZLe paradoxal passage à l’économie de la blockchain en Centrafrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469342/original/file-20220616-24-pz2bbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C26%2C5946%2C3952&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La République centrafricaine va devenir le deuxième pays du monde après le Salvador à adopter le bitcoin comme monnaie officielle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Au soir du 22 avril 2022, les médias furent unanimement interloqués par le virage que prenait la politique monétaire de la République centrafricaine : l’<a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20220427-la-centrafrique-adopte-le-bitcoin-comme-monnaie-l%C3%A9gale">adoption du bitcoin comme monnaie officielle</a> au côté du franc CFA et la légalisation de l’usage des cryptomonnaies.</p>
<p>La présidence de la RCA affirme que « cette démarche place la République centrafricaine sur la carte des plus courageux et visionnaires pays au monde », étant donné qu’elle serait le deuxième État du monde à l’entreprendre, après le <a href="https://theconversation.com/salvador-le-pari-a-haut-risque-du-president-sur-le-bitcoin-164728">Salvador</a>, et le tout premier du continent africain.</p>
<p>Un optimisme pour les nouvelles économies de la blockchain que ne partagent pas nombre d’observateurs, à l’instar de Bill Gates, qui estime que les <a href="https://www.bfmtv.com/crypto/bitcoin/pour-bill-gates-les-cryptomonnaies-n-apportent-rien-a-la-societe_AV-202205240547.html">cryptomonnaies n’apportent rien à la société</a>. Cette position est également reprise par la directrice de la Banque centrale européenne Christine Lagarde, pour qui ces actifs digitaux <a href="https://www.journaldugeek.com/2022/05/24/pourquoi-la-banque-centrale-europeenne-pense-que-les-cryptomonnaies-ne-valent-rien/">ne valent rien</a>.</p>
<h2>La cryptomonnaie en RCA, un Far-West qui incite la méfiance</h2>
<p>Deux raisons semblent justifier les inquiétudes suscitées par la décision de Bangui.</p>
<p>La première est tout simplement le fait que la cryptomonnaie est animée par une prétention de « self-made » qui échappe aux traditions et au classicisme des économies et systèmes d’échange, dont les lois sont valables et identifiables à toutes les époques. Un véritable trou noir pour les adeptes du contrat social, qui estiment que les modes d’organisation qui ne sont pas soumis à l’autorité sont des Far-West sans foi ni loi.</p>
<p>La seconde raison est le gabarit économique de la République centrafricaine, qui est <a href="https://www.gfmag.com/global-data/economic-data/the-poorest-countries-in-the-world?page=12">l’un des pays les plus pauvres de la planète</a>. Regardons cela de plus près.</p>
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<figcaption><span class="caption">Centrafrique : le bitcoin devient la devise officielle (France 24, 28 avril 2022).</span></figcaption>
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<p>Le procès fait aux cryptoactifs n’est pas dénué de raison. Adopter la cryptomonnaie comme monnaie légale, c’est s’engager dans une géopolitique de l’inconnu, de l’incertitude et de la surprise – l’incertitude étant source d’insécurité, ne serait-ce que parce qu’elle facilite le développement d’intentions inconnues et le déploiement d’actions non maîtrisées. Déplacer les activités dépendantes du régalien vers une dépendance aux lois du marché ou des zones d’ultralibéralisme, créées justement pour échapper à la souveraineté des États et autres contraintes politiques, n’est pas sans risque. Dans cette course, les États faibles comme la République centrafricaine ne semblent a priori pas disposer des meilleurs atouts.</p>
<p>Et que dire de la volatilité, caractéristique intrinsèque de la cryptomonnaie qui <a href="https://theconversation.com/le-cours-du-bitcoin-condamne-a-toujours-plus-de-volatilite-163997">condamne le cours du bitcoin à une précarité perpétuelle</a> ? En 2021, les cours du bitcoin avaient flambé de plus de 150 %, atteignant un taux historique de 68 991 dollars, avant de s’effondrer. Même si le marché́ s’est assagi en 2022, les variations restent très fortes : -17 % en février, +8 % en mars et +10 % en avril. Le bitcoin s’échangeait le 27 avril 2022 à plus de 39 000 dollars ; sa valeur au 26 mai était de 29 494,60 USD ; au 21 juin, elle était de 20 033,31 USD.</p>
<p>L’expérience du Salvador, où 92 % des plus de 1 600 personnes interrogées dans un sondage ont manifesté leur <a href="https://coinacademy.fr/bitcoin/bitcoin-au-salvador-airdrop-massif-au-peuple-et-membre-du-congres-recalcitrant/">désamour du bitcoin</a> et 93,5 % leur réticence à être payées en bitcoins, est de nature à conforter cette méfiance.</p>
<p>Le bitcoin est régulièrement perçu comme une bulle spéculative à cause de l’alternance imprévisible entre les envolées de ses cours et <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/bitcoin-la-valeur-degringole-de-50-en-six-mois-et-passe-sous-la-barre-des-32-000-dollars-39941769.htm">leurs chutes vertigineuses</a>. Pour bon nombre de spécialistes, la généralisation de son utilisation ne peut que susciter des pertes financières catastrophiques.</p>
<p>Les banques centrales lui reprochent de favoriser les déséquilibres financiers, le blanchiment d’argent et la fraude fiscale. Le Fonds monétaire international a <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/le-fmi-demande-au-salvador-de-renoncer-au-bitcoin-comme-monnaie-officielle-1382095">qualifié</a> la décision du Salvador de danger pour « la stabilité financière, l’intégrité financière et la protection des consommateurs ». Concernant la Centrafrique, Abebe Aemro Selassie, directeur Afrique du FMI, prévient qu’il ne faut pas considérer les cryptomonnaies <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/04/29/le-bitcoin-adopte-comme-monnaie-officielle-en-centrafrique-n-est-pas-une-panacee-avertit-le-fmi_6124157_3212.html">« comme une panacée contre les défis économiques »</a>.</p>
<p>Le bitcoin est également suspecté de faciliter les escroqueries, le financement du terrorisme et les trafics en tout genre à cause de son système de paiement anonyme crypté. Les transactions illicites permises par le bitcoin sont <a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/32/5/1798/5427781?login=false">estimées à 76 milliards de dollars par an</a>, soit 46 % des transactions en bitcoins.</p>
<p>En tout état de cause, pour se prêter institutionnellement à la mouvance des cryptoactifs et tirer son épingle du jeu, la RCA devrait disposer des infrastructures et de la complexité économique nécessaires pour absorber leurs évolutions. Or la sécurité économique et technologique du pays soulève bien des inquiétudes.</p>
<h2>L’insécurité économique de la RCA</h2>
<p>Selon la dernière évaluation risque-pays de la <a href="https://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Republique-centrafricaine">Compagnie française d’assurance spécialisée dans l’assurance-crédit à l’exportation</a> (COFACE), les conditions sécuritaires et politiques en RCA sont source de fragilité et d’instabilité, ce à quoi s’ajoute l’extrême pauvreté de la population.</p>
<p>L’économie accuse une forte dépendance à l’égard des exportations de matières premières – une dépendance d’autant plus problématique que l’exportation d’or et de diamants, qui se déroule souvent dans l’illégalité, n’alimente que très peu les recettes publiques. Avec une inflation moyenne de 2,7 % sur les quatre dernières années, les prévisions de taux de croissance de 3,4 % pour 2022 ne doivent pas laisser oublier qu’il a été de -0,6 % en 2021. Autres indices défaitistes, le solde courant par rapport au PIB (-6,1 % en 2022) et le solde public par rapport au PIB (-1,2 % en 2022) sont tous négatifs depuis les trois dernières années.</p>
<p>Selon la Banque mondiale, depuis l’indépendance obtenue en 1960, la <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/centralafricanrepublic/publication/the-central-african-republic-economic-update-explained-in-5-charts">richesse par habitant a été réduite de moitié</a> en RCA. Une reprise économique durable, possible seulement si l’insécurité baisse nettement, est indispensable pour réduire la pauvreté (<a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/centralafricanrepublic/overview">70 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté en 2020</a>. Cette pauvreté explique la forte mortalité infantile, estimée à 882 pour 100 000 naissances vivantes, mais aussi le classement du pays à l’indice de développement humain de l’ONU, au 188<sup>e</sup> rang sur 189 pays en 2020.</p>
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<figcaption><span class="caption">La décision de la Centrafrique d’adopter le Bitcoin comme monnaie légale fait polémique (Jeune Afrique, 5 mai 2022).</span></figcaption>
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<p>La Banque africaine de développement fait un constat du même ordre en soulignant que le risque de surendettement de la RCA <a href="https://www.afdb.org/fr/countries/central-africa/central-african-republic/central-african-republic-economic-outlook">reste élevé en raison de sa grande vulnérabilité aux chocs extérieurs</a> et du risque de change lié au niveau élevé de sa dette extérieure. Ce gabarit économique montre combien les défis de développement y demeurent prioritaires et profonds.</p>
<h2>Décalage infrastructurel et faiblesse de l’éducation numérique</h2>
<p>L’opérationnalisation d’un projet d’économie durable de la blockchain à l’échelle nationale, au regard de sa globalité et des effets d’enchaînement escomptés, devrait reposer a minima sur une base infrastructurelle soutenable et une éducation numérique viable.</p>
<p>Or les capacités infrastructurelles de la RCA sont très limitées. Sur le plan énergétique, le <a href="https://www.donneesmondiales.com/afrique/republique-centrafricaine/bilan-energetique.php">ratio énergétique entre la production</a> (171 millions kWh) et la consommation électrique (159,40 millions de kWh) en RCA est excédentaire de 108 % des besoins réels actuels. Mais le 22 mars dernier, après sollicitation de la RCA pour le financement du développement de son réseau et de sa capacité électrique, la Banque mondiale a laissé entendre que la RCA reste le pays au monde où le taux d’accès à l’électricité est le plus faible. Avant d’ajouter que la <a href="https://lanoca.over-blog.com/2022/03/centrafrique-la-banque-mondiale-s-engage-a-augmenter-l-acces-a-l-electricite-d-ici-2030.html">mise en œuvre d’un tel projet y serait très difficile</a>.</p>
<p>Avec un taux d’électrification de 3 %, et alors que <a href="https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/data-visualisation/faits-et-chiffres-la-couverture-lectrique-en-afrique/">4 de ses 5 millions d’habitants vivaient sans électricité en 2012</a>, faute d’investissement, une <a href="https://info.undp.org/docs/pdc/Documents/CAF/Rapport%20de%20diagnostic%20du%20secteur%20%C3%A9nergie%20RCA%20VF.pdf">étude du PNUD</a> montre en 2017 que le potentiel hydroélectrique du pays reste sous exploité. La bioénergie représente encore 98 % de la production nationale. C’est la prééminence de cette catégorie d’énergie dans la production nationale qui semble justifier la rareté d’infrastructures technologiques de consommation électrique. En outre, <a href="http://le-tambourin.over-blog.com/2019/09/rca-plus-que-12-mois-pour-avoir-de-l-electricite-24h-sur-24-et-voir-la-fin-des-delestages-a-bangui.html">plusieurs projets d’envergure</a> sont perturbés par des cycles d’instabilité sécuritaire et politique. En 2022, le gouvernement tente toujours de rassurer la population qui attend des réalisations concrètes.</p>
<p>Sur le plan technologique, lors de l’approbation de la composante RCA de la <a href="https://projectsportal.afdb.org/dataportal/VProject/show/P-CG-GB0-002?lang=fr">Dorsale à fibre optique d’Afrique centrale</a> en 2018, la <a href="https://www.afdb.org/fr/documents/document/central-african-republic-central-africa-fibre-optic-backbone-project-cab-car-component-approved-99666">Banque africaine de développement dressait le constat</a> que « la RCA demeure le dernier pays enclavé du continent à ne pas disposer de liaisons terrestres à fibre optique avec ses voisins immédiats. De plus, à la faiblesse notoire du taux de pénétration d’Internet et de la téléphonie mobile vient s’ajouter la quasi-inexistence d’infrastructures haut débit filaires ».</p>
<p>Quatre ans plus tard, bien que Huawei et Orange interviennent comme partenaires technologiques majeurs, les avancées demeurent médiocres. Si les Datacenter sont implémentés pour des structures spécifiques comme le <a href="http://centrafrique-sur-7.over-blog.com/2021/04/centrafrique/datacenter-la-digitalisation-des-finances-publiques-en-marche.html">ministère des Finances et du Budget</a> ou celui qui accompagne la <a href="https://www.afdb.org/fr/documents/aoi-centrafrique-fourniture-formation-installation-dequipements-informatiques-reseaux-etc-et-construction-et-operationnalisation-dun-datacenter-principal-et-de-secours">composante RCA de la dorsale à fibre optique d’Afrique centrale</a>, ces installations critiques <a href="https://www.digitalbusiness.africa/rca-le-data-center-dorange-centrafrique-ses-installations-radio-et-son-coeur-de-reseau-ravages-par-les-flammes/">restent sous la menace constante posée par l’insécurité qui règne dans le pays</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1535156580311785473"}"></div></p>
<p>« Là où Internet propose de créer des ponts, l’illectronisme risque toujours de lui faire barrage », <a href="https://afrique.latribune.fr/think-tank/tribunes/2020-11-20/lutter-contre-l-illectronisme-en-afrique-862662.html">soulignait</a> en novembre 2020 Philippe Wang, alors vice-président exécutif de Huawei Northern Africa. Le paysage numérique centrafricain illustre la justesse de cette affirmation. Ainsi, la difficulté qu’éprouvent les individus à maîtriser les outils numériques en RCA constitue l’une des limites majeures à la numérisation et à l’éducation des populations aux outils digitaux.</p>
<p>Selon le <a href="https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/23414RAPPORT_VOLONTAIRE_DE_SUIVI_ODD_RCA_FINAL_SIGNATURE_MINISTRE_003.pdf">rapport national volontaire de suivi de mise en œuvre des objectifs du développement durable en 2019</a>, alors que le taux d’alphabétisation des adultes est de 58,9 %, la part des établissements scolaires ayant accès à l’électricité est de 3 % et aucun n’a accès à Internet. Au total, on décompte 650 000 utilisateurs d’Internet en RCA pour environ 5 millions d’habitants, avec un taux général de pénétration de 14 % en janvier 2020. La RCA se retrouve en bas des <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/jendoubi_reseaux_sociaux_rca_2021.pdf">classements mondiaux des principaux réseaux sociaux</a> avec 2,5 % de taux de pénétration.</p>
<h2>Une réforme qui ne profitera qu’à une minorité</h2>
<p>Dans ce contexte, l’adoption du bitcoin comme monnaie officielle laissera transparaître la fracture digitale du pays. L’économie de la blockchain peut être salutaire, mais elle exige un investissement humain, matériel et financier conséquent. Dans le cas contraire, elle deviendra un modèle élitaire dont l’impact sera limité aux urbains fortunés et instruits au numérique.</p>
<p>Finalement, il est en même temps trop tôt pour <a href="https://theconversation.com/bitcoin-lintenable-promesse-dune-monnaie-pour-tous-158475">confirmer les promesses faites au lancement du bitcoin</a>, mais aussi, trop tôt pour le condamner définitivement après l’annonce du nouveau <a href="https://cryptoast.fr/projet-sango-republique-centrafricaine-place-mondiale-bitcoin/">projet Sango</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Idriss Miskine Buitchoho ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’un des États les plus pauvres du monde vient d’annoncer que ses citoyens pourront désormais régler leurs achats en bitcoin. Une décision pour le moins discutable…Idriss Miskine Buitchoho, Chercheur au Centre Maurice Hauriou de recherche en droit public et science politique, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837392022-06-07T18:18:11Z2022-06-07T18:18:11ZComment les grandes entreprises prennent-elles en compte les enjeux climatiques ?<p>Le 4 avril 2022, le groupe de travail III du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié un <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/">nouveau rapport</a> consacré aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il s’appuie sur les conclusions des groupes de travail I et II qui dressent un état des lieux de la crise climatique et identifient les effets du changement climatique.</p>
<p>Sur ce dernier point, il est établi que les risques liés au changement climatique (physiques, de transition, juridiques) auront un impact économique considérable sur les entreprises.</p>
<p>Pourtant, ces dernières ont encore une compréhension limitée de ces risques, ce qui freine leur champ d’action en matière de transition écologique.</p>
<p>Plusieurs initiatives se sont alors développées afin d’améliorer l’information sur les risques climat, comme l’instauration de référentiels de <em>reporting</em> extra-financier volontaires (la <a href="https://www.globalreporting.org/">GRI</a>, le <a href="https://www.cdp.net/en">CDP</a> ou l’<a href="https://www.integratedreporting.org/">IIRC</a>), ou encore la mise en place de la <a href="https://www.fsb-tcfd.org/">Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD)</a>.</p>
<p>L’objectif de ces initiatives est double : inciter les entreprises à divulguer aux acteurs financiers des informations sur la nature et l’intensité des risques climat pesant sur leurs activités et identifier et évaluer les conséquences environnementales de leurs décisions stratégiques.</p>
<p>En amont, pour que ces informations soient transmises correctement, un modèle de gouvernance d’entreprise efficace doit être mis en place. Son but : réguler le pouvoir des instances dirigeantes pour qu’elles s’engagent de manière effective dans la transition écologique.</p>
<h2>L’information, au cœur de la relation entre investisseurs et dirigeants</h2>
<p>Les informations financières et extra-financières sont généralement produites par la direction de l’entreprise (<em>top management</em>) puis transmises aux acteurs du marché (investisseurs), en particulier aux actionnaires, qui peuvent alors prendre des décisions éclairées sur leurs futurs investissements.</p>
<p>Le <em>top management</em>, qui est directement impliqué dans le processus de prise de décision, dispose ainsi de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/260866">plus d’informations sur les stratégies de l’entreprise que toute autre partie prenante</a> (y compris les investisseurs).</p>
<p>Cet avantage informationnel peut le conduire à adopter un comportement opportuniste susceptible de léser les intérêts des autres partenaires.</p>
<p>Par exemple, il peut être tenté de divulguer une information partielle et/ou biaisée, en communiquant plus volontiers sur les actions de l’entreprise qui sont favorables à la transition écologique tout en occultant celles qui lui sont moins favorables.</p>
<h2>Des risques liés à l’asymétrie d’information</h2>
<p>Pour limiter de tels risques, l’entreprise doit être capable de construire un <a href="https://www.jstor.org/stable/2235027">système de surveillance et d’incitation efficace</a>.</p>
<p>Les grandes entreprises peuvent par exemple suivre les « bonnes pratiques » en matière d’ouverture des conseils (plus de membres indépendants, plus de profils diversifiés représentant les actionnaires…), de manière à exercer efficacement et en toute autonomie <a href="https://afep.com/wp-content/uploads/2020/01/Code-Afep_Medef-r%C3%A9vision-janvier-2020_-002.pdf">leur pouvoir de contrôle de la décision</a>.</p>
<p>La généralisation des groupes de travail spécialisés sous la forme de comités « des risques », « RSE », « éthique » ou de « développement durable » s’inscrit dans la même perspective.</p>
<p>Ces comités <em>ad hoc</em> facilitent les <a href="https://www.ifa-asso.com/mediatheques/fiche-ifa-de-ladministrateur-rapport-amf-2019-sur-le-gouvernement-dentreprise-et-la-remuneration/">délibérations sur les questions environnementales</a> en cherchant notamment à identifier les risques climatiques et à fixer des objectifs de transition et d’adaptation.</p>
<p>Formés d’administrateurs non exécutifs nommés par le conseil d’administration, ils travaillent de manière indépendante par rapport au <em>top management</em> et éclairent, par leur avis, les décisions prises par le conseil pour accélérer les réponses de l’entreprise face aux exigences de durabilité.</p>
<p>Il existe également des systèmes d’incitation du <em>top management</em> à intégrer effectivement les risques et opportunités climatiques dans la stratégie de développement de leur entreprise. Ceux-ci peuvent être monétaires et non monétaires.</p>
<p>Par exemple, la rémunération des hauts dirigeants peut inclure une part variable à court et/ou à long terme dépendant de critères de performance extra-financière et de soutenabilité.</p>
<p>Des pratiques formelles et informelles de motivation (avantages en nature, possibilités d’enracinement, proposition de responsabilités différenciées…) à destination des dirigeants qui engagent activement leur entreprise dans la voie de la transition écologique peuvent aussi contribuer à <a href="https://www.orse.org/nos-travaux/guide-sur-l-integration-de-criteres-rse-dans-la-remuneration-variable-des-dirigeants-et-managers">aligner les intérêts du <em>top management</em> sur les attentes des actionnaires et investisseurs</a>.</p>
<h2>La prise en compte des enjeux climatiques dans le modèle de gouvernance</h2>
<p><a href="http://www.chair-energy-prosperity.org/research-area/regulations-financieres-financements-innovants/risques-climatiques-gouvernance-dentreprise-comparaison-pratiques-societes-sbf-120-ftse100-hdax/">Quand on étudie ces dispositifs de gouvernance d’entreprise sur le SBF120</a> (c’est-à-dire les 120 plus grandes capitalisations boursières françaises), on constate qu’en 2019, au sein du <em>top management</em>, les postes ou comités de direction en charge des questions climatiques sont : le <em>Chief Sustainability Officer</em> (CSO, 53,42 %), le <em>Chief Executive Officer</em> (CEO, 26,03 %) et le <em>Sustainability Committee</em> (SC, 19,18 %).</p>
<p>Ces acteurs sont responsables à la fois de l’évaluation et de la gestion des risques climatiques, révélant ainsi le caractère indissociable de ces fonctions pour maintenir un flux d’informations optimal et donc améliorer le processus de prise de décision.</p>
<p>Par ailleurs, au sein du conseil d’administration, le CSO (53,42 %) et le CEO (26,03 %) sont également les deux principaux acteurs responsables des questions climatiques.</p>
<p>Le conseil est informé des décisions du <em>top management</em> assez régulièrement, 4 fois par an (49,32 %).</p>
<p>S’agissant des groupes de travail spécialisés, <a href="https://www.ifa-asso.com/barometre-ifa-ethics-boards-les-conseils-du-sbf-120-mettent-laccent-sur-la-rse/">2/3 des conseils d’administration disposent d’un comité dédié, totalement ou partiellement, à la RSE</a> (contre 47 % au Rouyaume-Uni et 8 % en Allemagne). L’inscription de l’environnement et du climat dans les enjeux du conseil est encore plus diffuse et durable lorsque l’on considère les comités aux dénominations voisines mentionnant le développement durable, l’éthique, l’environnement, la conformité…</p>
<p>En matière d’incitation du <em>top management</em>, on constate que les entreprises ont largement opté pour la mise en place d’incitations monétaires (95,89 %) et dans une moindre mesure (34,25 %) pour des incitations non monétaires.</p>
<p>Ces résultats soulèvent deux obstacles à dépasser si les entreprises souhaitent intégrer efficacement les risques climatiques dans leur stratégie de développement à long terme : le cumul des fonctions et le manque de données.</p>
<h2>Un cumul des fonctions défavorable à la transparence climatique</h2>
<p>Les acteurs en charge du climat dans les entreprises françaises sont majoritairement des membres du <em>top management</em> qui cumulent souvent le statut d’administrateur.</p>
<p>Mais comment ces responsables peuvent-ils impartialement surveiller la stratégie climat qu’ils mettent eux-mêmes en œuvre, alors qu’ils ne sont pas nécessairement spécialistes du sujet ?</p>
<p>L’entreprise peut lutter contre ce risque d’opportunisme en assurant une <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/467037">séparation claire et transparente des fonctions</a>.</p>
<p>D’un côté, le <em>top management</em> pourrait uniquement définir et opérationnaliser la stratégie climat et la gestion des risques climatiques.</p>
<p>Il aurait ainsi pour missions particulières de proposer des objectifs de réduction des émissions de GES pour les activités opérées par l’entreprise à un horizon donné, de faire une analyse des scénarios de transitions possibles pour atteindre ces objectifs, de proposer une stratégie de réduction de l’intensité carbone des produits énergétiques utilisés par les clients de l’entreprise, d’impulser des initiatives d’investissement sur de nouvelles technologies capables de réduire les émissions de CO<sub>2</sub> ou encore de commander un diagnostic de l’empreinte carbone de l’activité de l’entreprise.</p>
<p>De l’autre, les administrateurs contrôleraient les décisions mises en œuvre, avec pour prérogatives propres de valider la mise en place du <em>reporting</em> climatique et de surveiller les informations qu’il contient, de voter la mise en place d’un prix interne du carbone dans les activités de l’entreprise ou encore de déterminer et réviser au besoin la performance climatique cible de l’entreprise sur un horizon donné.</p>
<p>Suivant cette logique, un conseil d’administration et/ou de surveillance composé de membres indépendants et experts du climat limiterait l’asymétrie informationnelle et constituerait un contre-pouvoir efficace au <em>top management</em> de l’entreprise dans le processus de décision portant sur les questions climatiques.</p>
<h2>Un manque de données sur la performance climatique</h2>
<p>Les dispositifs d’incitation du <em>top management</em> sont répandus dans le SBF120 <a href="https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/donnees-climat-il-faut-sauter-le-pas">mais souffrent d’un manque de données suffisantes et fiables</a>.</p>
<p>En particulier, les données sur le climat sont rares : le <em>reporting</em> climatique est une pratique récente qui relève d’une démarche le plus souvent volontaire.</p>
<p>Les données sont également hétérogènes et donc peu comparables, en raison de la difficulté d’évaluer les différents types d’émissions de gaz à effet de serre, et de l’absence de consensus sur les méthodologies utilisées pour les calculer.</p>
<p>Dès lors, il convient de préciser le contenu de l’information attendue pour en améliorer la pertinence, la qualité et la comparabilité, et pour faire de cette information un outil de pilotage de la transition bas carbone.</p>
<p>C’est précisément l’objectif de la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32014L0095">Directive européenne 2014/95/UE sur le <em>reporting</em> extra-financier</a> et du <a href="https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/banking-and-finance/sustainable-finance/eu-taxonomy-sustainable-activities_en">règlement relatif à la taxonomie des activités vertes</a> (qui entre en vigueur en 2022).</p>
<p>Le projet de la Commission européenne de création d’un <a href="http://revuefrancaisedecomptabilite.fr/normalisation-europeenne-de-linformation-extra-financiere/">normalisateur extra-financier européen</a> d’ici 2025 va encore plus loin. Il vise à standardiser les processus de collecte et de traitement de l’information (vérification de l’information par des tiers indépendants et sanctions en cas d’inexécution).</p>
<p>Autant de textes communautaires qui contribuent à améliorer l’intégration des risques climatiques dans la gouvernance des entreprises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183739/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Cézanne est membre associé à la chaire « Énergie et prospérité ». Elle a reçu des financements de cet organisme. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sandra Rigot est associé-chercheur à la chaire « Énergie et prospérité ». Elle a reçu des financements de cet organisme. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yves Kassi a reçu des financements de la chaire « Énergie et prospérité ».</span></em></p>Les entreprises ont encore une compréhension limitée des risques climatiques. Plusieurs initiatives se sont développées pour améliorer l’information dans ce domaine.Cécile Cézanne, Maître de conférences-HDR en économie, Université Côte d’AzurSandra Rigot, Maître de conférences en économie, associée à la chaire « Énergie et prospérité », Université Sorbonne Paris NordYves Kassi, Assistant researcher, gouvernance des entreprises, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1842022022-06-02T17:46:34Z2022-06-02T17:46:34ZIncidents aux abords du Stade de France : des problèmes de gestion anciens<p>Au lendemain des incidents qui ont <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Quinze-personnes-toujours-en-garde-a-vue-apres-les-incidents-du-stade-de-france/1336081">précédé</a> la rencontre de finale de Coupe d’Europe opposant Liverpool au Real de Madrid au Stade de France, chacun - hommes politiques, policiers, dirigeants français et européens du football, tabloïds anglo-saxons et bien d’autres - va de ses commentaires tantôt acerbes sur la gestion des foules par les forces de l’ordre, tantôt destinés à incriminer les autres, forcément responsables des incidents.</p>
<p>Mais qu’y a-t-il de nouveau dans ces incidents et dans les problèmes de sécurisation des rencontres sportives ?</p>
<h2>Il y a 37 ans, le drame du Heysel</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2005-1-page-61.htm">En 1985</a>, alors que nombre d’incidents et de morts avaient précédé la rencontre Liverpool-Juventus de Turin, une mauvaise gestion des foules avait participé à engendrer quelques échauffourées entre les supporters les plus extrémistes. Au point de déclencher au sein du stade du Heysel en Belgique une panique générale, causant la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Drame_du_Heysel">mort par étouffement et écrasement</a> d’une trentaine de spectateurs.</p>
<p>Les images télévisées étaient fortes, pour ne pas dire monstrueuses. Le match fut retardé. Les morts et les blessés furent évacués sur des civières en amont du coup d’envoi. Le match se déroula néanmoins, la Juve gagna. Michel Platini brandit la coupe.</p>
<p>Il fut marqué à vie par ces événements au point qu’une de ses premières déclarations en tant que président de l’UEFA fut de faire de la lutte contre ce type de problème l’une des pierres angulaires de sa mandature.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aQi7wsDteG8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Michel Platini, 1985 (INA).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Quelques efforts européens depuis 1985</h2>
<p>S’il n’y a pas eu un affrontement massif, ces morts et blessés ont été dus pour l’essentiel à un défaut dans la sécurité́ passive (présence de stadiers, de réelle ségrégation des publics, de mesures d’évacuation, etc.) du stade malgré́ la présence de 2 290 policiers.</p>
<p>La même année, ce défaut sera réparé́ le 19 août 1985 par <a href="https://rm.coe.int/168007a093">l’édiction de la convention européenne</a> « sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football ».</p>
<p>Il s’agit ici d’un effort rétroactif pour réglementer et contrôler un phénomène pourtant prévisible. Les très (trop) nombreuses déclarations politiques « sportives ou étatiques » constituent pour leur part une <a href="https://www.cairn.info/outsiders--9782864249184.htm">« campagne périodique des entrepreneurs moraux »</a> visant à̀ instaurer des normes et un contrôle social afin de rassurer la population.</p>
<p>En 1993, le Comité permanent du Conseil de l’Europe <a href="https://rm.coe.int/09000016804e1751">adopta la recommandation n° 1/93</a>, « concernant les mesures à prendre par les organisateurs de matches de football et les pouvoirs publics ».</p>
<p>Cette recommandation établissait une « liste standard de contrôle des mesures à prendre par les organisateurs de matches de football et les pouvoirs publics ». Il s’agit d’une check-list en 70 points de contrôle, de prévention et d’organisation à observer pour l’organisation des rencontres sportives et à répartir en fonction des différents intervenants : propriétaire du stade, organisateur, fédération, Union européenne de Football Association (UEFA), pouvoirs publics et autres.</p>
<p>En 1994, cette recommandation fut renforcée par la <a href="https://www.coe.int/fr/web/sport/violence-convention">recommandation européenne, n°1/94</a>,« concernant les mesures en vue des manifestations sportives à haut risque en salle », prévoyant le même type de mesure en matière de protection, de prévention et de recommandations concernant notamment la vente des billets et le renforcement des mesures de sécurité pour les sports pratiqués en salle que pour ceux prévus pour les stades.</p>
<h2>La conjonction de multiples facteurs</h2>
<p>Accueil des publics, filtrage, palpations, vente des billets, contrôle de la billetterie, sécurisation des abords des stades, partage des rôles entre forces de l’ordre et organisateur, réunions préalables, chaînes de commandement… tout est prévu… ou presque… puisque nous n’avons pas pu échapper aux incidents du 28 mai.</p>
<p>En France, la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000509542">Alliot-Marie de 1993</a> et la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000531809">loi d’orientation à la sécurité publique</a> de 1995, suivies de différentes lois d’orientation à la sécurité publique, sont venues renforcer directement ou indirectement un arsenal <a href="https://book.coe.int/fr/sports-monographies/3101-sports-et-violences-en-europe.html">tout à la fois préventif, coercitif et répressif</a> qui a permis que de nombreux matches se déroulent sans incident.</p>
<p>Alors, comment analyser avec le plus de distance et de discernement ce qui s’est passé ? La conjonction de multiples facteurs semble avoir donné lieu à cette situation catastrophique.</p>
<p>Contrairement à ce qu’a avancé le ministre de l’Intérieur, les supporters anglais aux abords du stade n’étaient pas des <a href="https://www.france24.com/en/france/20220530-french-minister-blames-ticket-fraud-for-stadium-violence-in-champions-league-final">hooligans anglo-saxons porteurs de faux billets</a>.</p>
<p>Nulle volonté de casser ou de provoquer des affrontements chez les fans anglais venus au stade de France, contrairement aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/266207411_Hooligans_Casuals_Independents_Decivilisation_or_Rationalisation_of_the_Activity">actions habituelles des hooligans</a>.</p>
<p>À quelques jours des élections législatives, la déclaration du ministre semble avant tout très politique.</p>
<h2>Des manquements</h2>
<p>Reprenons les facteurs de risques un à un. Les forces de l’ordre tout d’abord. Il y a à n’en point douter eu des choix d’intervention tout à fait contestables, au regard des publics qui s’agglutinaient et s’impatientaient. Nul hooligan, mais des supporters, énervés certes de ne pouvoir entrer dans le stade, mais aussi des femmes, des familles, des gens de tous âges.</p>
<p>Il y a là un réel problème déontologique dans la doctrine du maintien de l’ordre actuellement en France qui semble dépassée, <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/279024-maintien-de-lordre-une-doctrine-en-debat">privilégiant la dispersion à la prévention, et la répression à la dissuasion</a>. Cette doctrine se conjugue avec des problèmes dans la chaîne de commandement.</p>
<p>À ce problème s’en ajoutent deux autres : le « manque d’habitude » en matière d’accueil des foules sportives et des « mesures barrières » insuffisantes.</p>
<p>Manque « d’habitude » qu’induisent les décisions trop souvent répétées d’interdire de déplacements lors des rencontres de championnat à risques ou dans le cadre des derbys les supporters les plus problématiques. La prévention par l’absence est une solution radicale, certes, mais comment habituer les personnels à anticiper, à agir, à réagir face à des débordements potentiels par de telles mesures ?</p>
<p>Comment anticiper les problèmes à venir ? Car le « manque d’habitude » s’applique aussi bien aux forces de l’ordre qu’aux organisateurs et à leur service de sécurité. Le sociologue Raymond Boudon appelait cela <a href="https://www.puf.com/content/Effets_pervers_et_ordre_social">« les effets pervers »</a>, c’est-à-dire les conséquences inattendues de décisions prises.</p>
<p>Ce « manque d’habitude » est donc accompagné de l’absence de « mesures barrières » suffisantes. Des pré-filtrages ont été mis en place certes, mais pas en assez grand nombre, avec des personnels insuffisamment instruits des procédures, peut-être, dans tous les cas, capables de canaliser les foules et de les orienter vers d’autres dispositifs permettant de vérifier l’authenticité des billets, proposant des solutions d’attente, etc.</p>
<h2>Les problèmes de billetterie</h2>
<p>Le stade de France, c’est un peu moins de la moitié de la population de la ville de Rennes ou du XIX<sup>e</sup> arrondissement parisien. C’est une ville et ses habitants qui doivent s’installer en moins d’une heure dans le stade après avoir été partiellement fouillés, palpés, filtrés, répartis.</p>
<p>Là encore, il faut une certaine habitude, mais aussi une résistance tant physique que morale des personnels qui assurent ce travail. Comment imaginer qu’au XXI<sup>e</sup> siècle la billetterie prévue soit en papier en partie du moins ? C’est déjà accepter que la fraude puisse s’organiser tant les imprimantes et logiciels sont aujourd’hui capables de reproduire et créer n’importe quoi.</p>
<p>Il s’agit d’une faute quasi impensable qui n’a pu que retarder l’entrée et créer des situations ubuesques dans lesquelles bousculades, impatiences, vociférations et provocations ont pris forme avant d’être réprimées.</p>
<p>À ces facteurs viennent s’ajouter les <a href="https://www.sofoot.com/greve-ratp-la-ligue-des-champions-vaut-bien-une-greve-515119.html">grèves de transports</a> non anticipées par les organisateurs et le gouvernement qui auraient pu prévoir des moyens de substitution.</p>
<p>Sans compter les jeunes émeutiers venus pour provoquer, semer le trouble, par bêtise ou par jeu, pour voler, confirmant ainsi la <a href="https://www.jstor.org/stable/2094589">« théorie des opportunités »</a>. N’y a-t-il pas fréquemment aux abords des grands événements des pickpockets et des vols ?</p>
<p>À la question : serons-nous prêts pour la Coupe du Monde de rugby 2023 et les JO de 2024, la réponse est sans aucun doute positive.</p>
<p>Les incidents dont le monde entier se raille et dont se défendent hommes politiques et dirigeants constituent un fiasco certes, mais qui auraient pu avoir des conséquences beaucoup plus graves.</p>
<p>Ces incidents constituent une excellente « révision » et remise en cause des procédures, des hommes, des moyens tant matériels qu’humains. Ces incidents, à condition d’en reconnaître chacun sa responsabilité, sont « utiles » et constituent un avertissement de ce qui doit être pensé, réfléchi et mis en œuvre dans un an (Coupe du Monde de rugby) ou deux ans (JO 2024).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184202/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Bodin est maire de la ville de Bain-de-Bretagne</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Luc Robène ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un manque d’anticipation, d’organisation, de concertation et de préparation explique les débordements lors du match de la coupe d’Europe sans pour autant qu’il s’agisse d’un phénomène récent.Dominique Bodin, Professeur des universités en sociologie, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Luc Robène, Professeur des Universités en Sciences de l’Éducation, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1817352022-04-26T19:46:19Z2022-04-26T19:46:19ZQu’est-ce qui pousse les entrepreneurs à adopter des comportements frauduleux ?<p><a href="https://www.asanet.org/sites/default/files/savvy/journals/soe/Oct15SOEFeature.pdf">« Fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives vraiment »</a> (Fake it ‘til you make it). <a href="https://www.forbes.com/sites/bradauerbach/2017/04/18/move-fast-and-break-things-how-facebook-google-and-amazon-cornered-culture-book-review/">« Va vite et casse les codes »</a> (Move fast and break things). Ces mantras de la Silicon Valley sont devenus la philosophie business de nombreux entrepreneurs. Ils ont d’ailleurs fonctionné à merveille pour des entreprises comme Theranos et Facebook… du moins pendant un certain temps. Car aujourd’hui, <a href="https://theconversation.com/theranos-les-inavouables-secrets-dune-start-up-frauduleuse-103860">Theranos n’existe plus</a> et son PDG a été reconnu début 2022 coupable d’accusations de fraude massive. De même, Facebook fait l’objet d’une enquête fédérale pour s’être livré à des <a href="https://www.journaldugeek.com/2021/03/24/facebook-vise-par-une-plainte-francaise-pour-pratique-commerciale-trompeuse/">« pratiques commerciales trompeuses »</a> (encore une fois).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1478394198852345856"}"></div></p>
<p>Mais pourquoi les entrepreneurs et les dirigeants s’engagent-ils parfois dans de telles pratiques antisociales ? Nous avons mené une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2021.760258/full">recherche</a> pour tenter d’apporter des éléments de réponse à cette question.</p>
<h2>« Joie de la destruction »</h2>
<p>Un observateur avisé pourrait de prime abord se demander pourquoi ces mantras cités ci-dessus sont si problématiques. Pourtant, « fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives vraiment » pose souci parce qu’il prescrit des comportements tels que la falsification des informations présentées aux parties prenantes (investisseurs, actionnaires, mais aussi employés et clients), déformant ainsi la proposition de valeur de l’entreprise.</p>
<p>Il ne s’agit pas ici du risque élevé et inévitable que représente la création d’une nouvelle entreprise (« y arriver »), mais plutôt de la déformation intentionnelle des informations présentées aux parties prenantes (« fais semblant »). Dans notre projet de recherche, nous avons considéré ce comportement antisocial pour ce qu’il est, à savoir une forme de tricherie visant à obtenir un avantage commercial déloyal.</p>
<p>De même, s’il n’y pas de problème à « aller vite », l’idée de « casser les codes » peut apparaître problématique. Ce mantra prescrit des comportements visant à « passer à la vitesse supérieure » à tout prix, à transgresser, même si ces actions sont préjudiciables (involontairement) à des tiers. Le problème est que, contrairement aux « codes » ou aux « choses » (des applications ou logiciels par exemple), les personnes ne peuvent pas être « réparées » aussi facilement.</p>
<p>En outre, si cette logique est poussée à l’extrême, les entrepreneurs pourraient être tentés très concrètement d’« aller vite en cassant les codes ou des choses ». Là encore, nous avons qualifié ce comportement en utilisant un concept issu d’un jeu d’économie comportementale, la « joie de la destruction ». Dans ce type de jeu, les joueurs ont le choix de « nuire » volontairement à l’entreprise d’un autre joueur (symbolisant la concurrence, les parties prenantes), sans augmenter leurs profits directs résultant du jeu économique mais en gagnant du statut face aux concurrents.</p>
<p>En adoptant une approche pluridisciplinaire, nous nous sommes interrogés sur les moteurs de ces comportements économiques antisociaux. L’explication évidente serait que les exemples ci-dessus ne sont que des exemples de « brebis galeuses ». Cependant, d’autres éléments pourraient être à l’origine de ces comportements, et notamment le genre.</p>
<h2>Genre et leadership authentique</h2>
<p>Nous avons mené deux études en laboratoire pour explorer ces questions, l’une portant sur 82 étudiants français d’écoles de commerce, hommes et femmes, et une seconde étude de suivi. Les résultats de la première étude nous ont permis d’obtenir deux informations précieuses : d’abord, les stéréotypes traditionnels liés au rôle du genre (identification à un genre masculin ou féminin) influencent le comportement économique antisocial. Autrement dit, les étudiants masculins étaient plus susceptibles de choisir de « nuire » à la concurrence que les étudiantes.</p>
<p>La deuxième conclusion est relative au leadership positif et authentique : les étudiants qui ont un score élevé sur cette dimension, qui mesure la confiance ou encore la personnalité, ont une probabilité moindre d’adopter un comportement économique antisocial, indépendamment de l’identité sexuelle de l’étudiant.</p>
<p>Une étude de suivi nous a dans un second temps permis d’approfondir les résultats, car ces étudiants n’avaient aucune expérience réelle en tant que leaders ou entrepreneurs. Grâce à cette étude complémentaire impliquant 64 managers et entrepreneurs latino-américains, hommes et femmes, nous avons confirmé les résultats de notre première étude en laboratoire : dans ce nouvel échantillon de participants, nous avons pu constater de nouveau que les hommes étaient plus susceptibles de « tricher » que les femmes, qu’ils soient managers ou entrepreneurs. De même, les hommes ayant obtenu un score élevé sur l’échelle de leadership authentique étaient moins susceptibles de le faire.</p>
<p>Nous avons trouvé un schéma similaire dans le jeu de la « joie de la destruction ». Comme le prescrivent les comportements hyperconcurrentiels du stéréotype de l’entrepreneur, les entrepreneurs (quel que soit leur sexe) sont plus susceptibles de tricher et d’essayer de nuire à leurs concurrents. Il est intéressant de noter que plus les hommes ou les entrepreneurs obtiennent un score élevé sur l’échelle de leadership authentique, moins ils sont susceptibles de manifester ces comportements.)</p>
<h2>Vertueuse intégrité</h2>
<p>Lorsqu’ils sont poussés à l’extrême, les mantras tels que « fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives vraiment » et « va vite et casse les codes » semblent donc normaliser et entretenir les comportements économiques antisociaux et les pratiques commerciales douteuses. Autrement dit, les entrepreneurs semblent inviter à penser que leurs partenaires (ou la société dans son ensemble) attendent d’eux qu’ils « gagnent à tout prix », même si cela implique des pratiques commerciales douteuses.</p>
<p>Toutefois, nos conclusions ont un côté positif. Nous avons en effet constaté que le fait d’être intègre lorsqu’on occupe un rôle de manager ou d’entrepreneur aide les hommes et les femmes à résister à la pression sociétale de « gagner à tout prix ». Au contraire, les managers et les entrepreneurs authentiques ont tendance à prendre des décisions plus responsables.</p>
<p>À leur tour, ces décisions plus responsables sont susceptibles de protéger leurs intérêts et les ressources que les investisseurs en capital-risque et les autres parties prenantes leur ont confiées à long terme. En d’autres termes, en tant qu’entrepreneur ou dirigeant, ne faites jamais semblant, même après avoir réussi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des études en laboratoire montrent que la propension à tricher dans les affaires serait notamment liée au genre et qu’elle est plus forte chez les hommes que chez les femmes.Guillermo Mateu, Assistant professor at UV. Research fellow at LESSAC (Laboratoire d'Expérimentation en Sciences Sociales et Analyse des Comportements), Burgundy School of Business., Burgundy School of Business Lucas Monzani, Assistant Professor of Organizational Behavior, Western UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1815132022-04-21T18:13:16Z2022-04-21T18:13:16ZUn nouveau plan nucléaire pour la France ? Quand l’histoire éclaire l’actualité<p>Le 10 février 2022, à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron annonçait le lancement d’un <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/electricite-emmanuel-macron-souhaite-relancer-la-filiere-nucleaire_4954434.html">ambitieux programme de construction de réacteurs nucléaires</a>. D’autres candidats et candidates (Marine Le Pen, Éric Zemmour, Valérie Pécresse ou encore Fabien Roussel) ont également placé le nucléaire au cœur de leur programme énergétique.</p>
<p>Si cette situation rappelle immanquablement le <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1974-pierre-messmer-lance-le-premier-grand-plan-nucleaire-civil-francais">« plan Messmer »</a> – qui lança en 1974 la construction du parc électronucléaire français – ces deux situations sont-elles vraiment comparables ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Février 2022 : Emmanuel Macron annonce 6 nouveaux réacteurs EPR en France. (Euronews, 2022).</span></figcaption>
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<h2>Deux périodes, deux crises énergétiques… des contextes différents</h2>
<p>Aujourd’hui, comme au milieu des années 1970, la France connaît une crise énergétique majeure, dans un contexte géopolitique très tendu. En effet, la crise pétrolière de 1973, liée à la guerre du Kippour et à l’embargo pétrolier des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), clôt la période des Trente Glorieuses durant laquelle le nucléaire civil ne représente qu’une très faible part du mix énergétique français.</p>
<p>Si nous connaissons également une crise énergétique aujourd’hui, amplifiée par la guerre en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ukraine-21219">Ukraine</a>, la situation semble bien différente. Avec une croissance économique en berne, la France, désormais pays le plus nucléarisé au monde, se questionne sur son avenir énergétique.</p>
<p>Enfin, les arguments en faveur de l’énergie nucléaire ont évolué. Si la lutte contre le changement climatique a progressivement pris le dessus sur celui de l’indépendance nationale, les tensions géopolitiques liées à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique ont tendance, aujourd’hui, à faire ressurgir brutalement ce second argument.</p>
<h2>Avant le plan Messmer, 20 ans de développement du tissu industriel</h2>
<p>D’un point de vue industriel, en 1974, EDF et le CEA ont une vingtaine d’années d’expérience de construction de réacteurs. Ces organismes conçoivent, réalisent et exploitent des <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/le-rayonnement-de-la-france/">réacteurs dits « uranium-naturel-graphite-gaz » (UNGG) à double emploi civil et militaire</a>. Les ingénieurs du CEA et d’EDF rencontrent alors de nombreuses difficultés pour mettre au point un réacteur qui soit compétitif sur le plan économique.</p>
<p>Malgré de gros efforts de rationalisation et d’optimisation, le projet franco-allemand d’une centrale UNGG à Fessenheim, devant être construite en 1965, est <a href="https://u-paris.fr/theses/detail-dune-these/?id_these=2706">repoussé à de nombreuses reprises puis abandonné en 1969</a>. Les autres réacteurs de la même technologie connaissent, au même moment, de nombreux incidents et même un <a href="https://theconversation.com/17-octobre-1969-saint-laurent-des-eaux-retour-sur-un-accident-nucleaire-francais-125322">accident nucléaire à Saint-Laurent-des-Eaux en 1969</a>.</p>
<p>Cette même année, la technologie française est abandonnée au profit des réacteurs à eau pressurisée (REP) américains dont un <a href="https://twitter.com/Mangeon4/status/1314145874088525824?s=20&t=zUSRDfFx4CA-mH-JmQbrZQ">seul exemplaire fonctionne depuis 1967 dans les Ardennes</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">1974, la France lance son programme nucléaire civil. (Ina Sciences).</span></figcaption>
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<p>Le plan Messmer impose un rythme de construction correspondant <a href="https://www.decitre.fr/livres/un-si%C3%A8cle-d-energie-nucleaire-9782304030587.html">au maximum des capacités de l’industrie française</a>, héritage de l’expérience du programme UNGG et du lancement de deux REP à Fessenheim et Bugey. EDF forme alors massivement le personnel d’exploitation de ses centrales nucléaires, souvent issu des centrales thermiques ou d’anciens exploitants des centrales UNGG. Le nucléaire, qui a alors le vent en poupe, accueille également beaucoup de jeunes ingénieurs pour accompagner la conception et la réalisation de dizaines de réacteurs.</p>
<h2>Aujourd’hui, une filière nucléaire en difficulté qui cherche à se relancer</h2>
<p>Vingt ans après la mise en service de la dernière centrale (Civaux en 2002), le tissu industriel s’est progressivement délité. <a href="https://www.economie.gouv.fr/rapport-epr-flamanville">Des travaux</a> sur les déboires de l’EPR de Flamanville pointent des pertes de compétences industrielles dans la soudure, l’ingénierie et la gouvernance du projet.</p>
<p><a href="https://www.theses.fr/2014ENMP0090">D’autres travaux</a> mettent en évidence des mécanismes de désapprentissage liés à une longue période d’absence de projets et un profond renouvellement générationnel des équipes d’ingénieurs. La reprise en main de Framatome par EDF en 2018, et plus récemment le rachat de la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/edf-n-achete-qu-une-partie-des-activites-nucleaires-a-ge.N1783472">partie nucléaire de General Electric, également par EDF</a>, dénotent d’une volonté de maîtrise centralisée des outils de production de l’industrie pour renouer avec le succès.</p>
<p>Depuis l’annonce d’Emmanuel Macron en février 2022, de <a href="https://www.leparisien.fr/economie/business/le-nucleaire-civil-un-gisement-demplois-23-03-2022-JRKEJXMXXJD3JPVOVNKDQZLHTA.php">nombreux articles</a> pointent le besoin en personnel d’EDF qui lance une campagne de recrutement et de communication dans l’optique de faire resurgir l’intérêt pour la filière nucléaire.</p>
<h2>Dans les années 1970, une contestation articulée autour des sites d’implantation</h2>
<p>Développer le plan Messmer ne fut pas un long fleuve tranquille et le programme nucléaire fut très contesté.</p>
<p>Lors de la présidentielle de 1974, l’opposition au nucléaire civil est minoritaire. Pour autant, la société française semble partagée et une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-france-nucleaire-l-art-de-gouverner-une-technologie-contestee-sezin-topcu/9782021052701">opposition très forte se structure autour des sites d’implantation</a>.</p>
<p>Les opposants organisent de grandes manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Certaines se terminent dans la violence, <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caa7701118901/creys-malville-manifestation">comme à Creys-Malville (un manifestant meurt en 1977)</a> et des attentats sont même perpétrés sur les chantiers, comme à Fessenheim ou au domicile du PDG d’EDF.</p>
<p>Avant l’accident nucléaire de Tchernobyl (1986), la question du risque nucléaire est présente dans les oppositions, mais est loin d’être le seul critère de contestation. On insiste notamment sur la lutte contre un État qui impose ses choix aux citoyens et aux territoires.</p>
<p>Cette contestation n’empêchera finalement pas le déploiement du plan Messmer, hormis l’abandon de quelques sites (<a href="https://twitter.com/mangeon4/status/1311551958600355843">comme Plogoff ou le Pellerin</a>).</p>
<p>Le choix des sites est stratégique : on construit de nouvelles centrales très vite, parfois là où il y avait déjà du nucléaire, souvent sur des sites ruraux souffrant de dépopulation et où les communes <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-4-page-153.htm">entendent profiter des retombées financières</a>.</p>
<p>On peut supposer qu’aujourd’hui l’opposition autour des sites en construction serait sans doute très différente, les futurs réacteurs étant prévus sur des sites déjà nucléarisés.</p>
<h2>Des « maladies de jeunesse » moins acceptées aujourd’hui</h2>
<p>L’expertise et le contrôle de la sûreté nucléaire ont <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-02066034">fortement évolué depuis les années 1970</a>, avec la création d’une Autorité de Sûreté (ASN) en 2006 et d’un expert public (IRSN) en 2002.</p>
<p>À l’époque du plan Messmer, les services de l’État, fortement liés au monde industriel, acceptaient les « maladies de jeunesse » qui touchaient les réacteurs (<a href="https://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c">par exemple, des problèmes de corrosion sur les couvercles de cuve</a>), mais qui ne sont plus tolérées aujourd’hui comme en témoigne le chantier de l’EPR.</p>
<p>Néanmoins, en cas de relance du nucléaire, on peut aussi faire l’hypothèse d’une forte pression politique pour ne pas trop freiner le programme et pousser à un <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-01499002">retour d’une forme de souplesse du point de vue réglementaire</a>. À l’inverse, la question du risque nucléaire est vive dans l’opinion publique depuis l’accident de Tchernobyl et de Fukushima, ce qui pourrait fortement impacter le déroulement d’un nouveau programme de construction de réacteurs.</p>
<p>Si la mise en perspective historique s’avère pertinente, il n’y aura pas de plan « Messmer 2 », mais une nouvelle histoire du nucléaire civil en France à l’issue encore bien incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec les promesses d’un nouveau plan nucléaire pour la France, l’histoire du programme nucléaire des années 1970 et du « plan Messmer » est-elle en train de se répéter ?Michaël Mangeon, Chercheur associé EVS-RIVES ENTPE, enseignant vacataire Paris Nanterre, consultant., Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMathias Roger, Chercheur en histoire et sociologie des sciences et des techniques, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1807112022-04-06T21:19:44Z2022-04-06T21:19:44ZÉlévation du niveau de la mer : quels littoraux voulons-nous pour demain ?<p>L’élévation du niveau de la mer tient une place toute particulière <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">dans le second volet</a> du 6<sup>e</sup> rapport d’évaluation du GIEC publié en février 2022. Contrairement à d’autres variables climatiques telles que les températures et les précipitations, le niveau de la mer continuera à s’élever bien après la stabilisation des températures globales, puisque les glaciers de montagne et les calottes de glace en Antarctique et au Groenland mettront des siècles à s’ajuster aux nouvelles températures.</p>
<p>Ainsi, s’il reste aujourd’hui possible de limiter le taux d’élévation du niveau de la mer autour de 4mm/an, il n’est plus possible de stabiliser le niveau de la mer lui-même.</p>
<p>Le rapport alerte donc sur le caractère singulier de l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer. Alors que nous commençons tout juste à percevoir l’augmentation de la fréquence des submersions chroniques sur certains sites tels que Venise ou la côte est des États-Unis, nous connaissons déjà les étapes suivantes : une généralisation et une intensification des submersions à marée haute, lors de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=x3yTaUsbV8Y">tempêtes</a> ou de cyclones, la salinisation d’estuaires et de nappes côtières, et enfin, la submersion permanente ou l’érosion de littoraux bas ou sableux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/246236/original/file-20181119-119943-14iu5yq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C23%2C5276%2C3192&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/246236/original/file-20181119-119943-14iu5yq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/246236/original/file-20181119-119943-14iu5yq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/246236/original/file-20181119-119943-14iu5yq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/246236/original/file-20181119-119943-14iu5yq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/246236/original/file-20181119-119943-14iu5yq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/246236/original/file-20181119-119943-14iu5yq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fin octobre 2018, Venise a connu l’une de ses plus fortes crues depuis l’<em>acqua granda</em> de 1966, qui avait inondé la ville tout entière.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/acqua-alta-venice-561086284?src=V8rJEJcIBbIv3CbF1qSFtA-1-4">Nullplus/Shutterstock</a></span>
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<p>Ces enjeux ont motivé la rédaction, <a href="https://report.ipcc.ch/ar6wg2/pdf/IPCC_AR6_WGII_FinalDraft_FullReport.pdf#page=377">au sein du rapport de février 2022</a>, d’une synthèse sur les risques liés à l’élévation du niveau de la mer.</p>
<p>Cette synthèse énonce clairement que notre capacité à nous adapter aux risques côtiers actuels et futurs dépendra de deux actions immédiates : un respect des accords de Paris afin de stabiliser le réchauffement climatique en deçà de 2 °C au-dessus des périodes préindustrielles ; une adaptation aux effets inéluctables de l’élévation du niveau de la mer.</p>
<h2>Stabiliser le climat en deçà de 2 °C pour donner du temps à l’adaptation</h2>
<p>Les observations des marégraphes et des satellites altimétriques montrent que l’élévation du niveau la mer s’accélère. De 1,4mm/an au XX<sup>e</sup> siècle, elle est aujourd’hui d’environ <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter_09.pdf">4mm/an</a>. Limiter le réchauffement climatique, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, accorde davantage de temps à l’adaptation.</p>
<p>Au-delà de 2 °C, la vitesse de l’élévation du niveau de la mer pourrait atteindre 1cm/an en moyenne globale après 2050, et peut-être davantage dans le cas d’une fonte rapide des calottes de glace au Groenland, et surtout en Antarctique. <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-i/">Un tel scénario</a> ne peut malheureusement pas être totalement exclu aujourd’hui. Il pourrait nous mener à 1,7m d’élévation du niveau marin global en 2100, 4 ou 5m en 2150 et 15m en 2300. Même si ce scénario ne se réalise pas, les projections pour 2300 vont de 3 à 7m pour un scénario à fortes émissions de gaz à effets de serre, suffisamment pour rendre très difficile la protection de nombreux littoraux dans le monde, dans un contexte où l’accès à l’énergie et aux matériaux <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">sera très différent de la situation actuelle</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">La science du niveau des mers (Protect Sealevelrise, 2022).</span></figcaption>
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<p>L’élévation du niveau de la mer varie d’une région à l’autre, mais ne s’écarte de la valeur globale que de ±20 % pour la plus grande partie des côtes habitées. Ainsi, entre 2 °C et 2,5 °C de réchauffement climatique, les littoraux se remodèleront pendant des siècles et des millénaires, menaçant de submersions des zones littorales dans lesquelles vit entre 0,6 et 1,3 milliard de personnes aujourd’hui. Les bénéfices d’une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de stabilisation du changement climatique sont donc évidents pour les littoraux.</p>
<h2>S’adapter à l’élévation du niveau de la mer</h2>
<p>S’adapter relève désormais de l’urgence. Certes, on observe aujourd’hui des progrès en matière d’adaptation. C’est le cas par exemple en France depuis au moins 25 ans avec les évolutions progressives des politiques de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/xynthia-10-ans-daction-renforcer-prevention">prévention des risques littoraux</a> ou de la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/adaptation-des-territoires-aux-evolutions-du-littoral">stratégie de gestion du trait de côte</a>.</p>
<p>Cependant, quel que soit le pays considéré, l’adaptation n’est jamais complète. En France, elle se focalise sur l’échéance de 2100, alors que des submersions à marée haute interviendront bien avant, et que les développements actuels peuvent avoir des conséquences à plus long terme, et mener en dernier recours à des impasses. Par ailleurs, l’adaptation côtière demande beaucoup de temps, parfois plusieurs décennies. À Venise, il a fallu plus de 40 ans pour mettre en place le système MOSE permettant de prévenir les phénomènes d’<em>aqua alta</em> de plus en fréquents.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456559/original/file-20220406-17-yzr71h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456559/original/file-20220406-17-yzr71h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456559/original/file-20220406-17-yzr71h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456559/original/file-20220406-17-yzr71h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456559/original/file-20220406-17-yzr71h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456559/original/file-20220406-17-yzr71h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456559/original/file-20220406-17-yzr71h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De nombreuses infrastructures critiques sont situées dans des zones basses menacées par l’élévation du niveau de la mer, comme ici à Anvers en Belgique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gonéri Le Cozannet</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>C’est l’un des résultats importants des derniers travaux du GIEC : l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer met très longtemps se mettre en place, parfois plusieurs décennies. Du point de vue de l’adaptation, le risque est donc d’être pris de vitesse, et de ne plus avoir le temps d’organiser la protection ou la relocalisation d’enjeux.</p>
<h2>Une adaptation au détriment des écosystèmes côtiers ?</h2>
<p>Parmi toutes les mesures d’adaptation disponibles actuellement, la plupart ont des bénéfices supplémentaires, notamment pour la qualité de vie ou les écosystèmes. C’est le cas par exemple du verdissement des villes afin d’atténuer les vagues de chaleur.</p>
<p>Néanmoins, pour les écosystèmes littoraux, l’adaptation présente un risque si elle est principalement fondée sur des solutions d’ingénierie telles que la construction de digues, d’enrochements ou de barrières estuariennes. Le risque est que cette adaptation ne se fasse <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/downloads/report/IPCC_AR6_WGII_FinalDraft_Chapter03.pdf">au détriment des écosystèmes côtiers</a> tels que les marais ou les mangroves.</p>
<p>Les solutions dites « fondées sur la nature » peuvent consister à laisser de l’espace pour les sédiments et les écosystèmes côtiers tels que les dunes ou les marais, afin d’atténuer les pics de niveau d’eau lors de tempêtes et de limiter les risques pour les vies humaines et les infrastructures lors de tempêtes. Il s’agit alors d’éloigner les enjeux exposés des aléas maritimes, tout en utilisant l’espace rendu libre pour restaurer et des écosystèmes sains et ainsi contribuer à limiter les pertes de biodiversité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456557/original/file-20220406-18-wq3sub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456557/original/file-20220406-18-wq3sub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456557/original/file-20220406-18-wq3sub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456557/original/file-20220406-18-wq3sub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456557/original/file-20220406-18-wq3sub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456557/original/file-20220406-18-wq3sub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456557/original/file-20220406-18-wq3sub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Marais d’Yves en Charente maritime. Préserver des espaces naturels entre la mer et les activités humaines permet non seulement de réduire les risques lors de tempêtes, mais également de protéger la biodiversité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gonéri Le Cozannet</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Cette approche a ses limites. On ne dispose pas toujours de l’espace nécessaire pour implanter des solutions fondées sur la nature. Par ailleurs, les écosystèmes côtiers sont souvent eux-mêmes vulnérables au changement climatique. C’est le cas notamment des coraux qui subissent des blanchissements de plus en plus fréquents du fait du réchauffement des eaux de surface. Pour les coraux qui abritent 25 % de la biodiversité marine, dissipent l’énergie des vagues et fournissent des sédiments aux plages, des impacts irréversibles <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/downloads/outreach/IPCC_AR6_WGII_FactSheet_Biodiversity.pdf">sont projetés au-delà de 1,5° de réchauffement climatique</a>.</p>
<h2>Quels littoraux voulons-nous pour demain ?</h2>
<p><a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">Les travaux du GIEC</a> montrent qu’il est possible d’adapter les littoraux à l’élévation du niveau de la mer tout en préservant les écosystèmes côtiers.</p>
<p>Le rapport met également en évidence que l’adaptation se met en place de manière plus efficace lorsqu’elle est accompagnée d’un processus d’engagement inclusif des communautés concernées, prenant en compte leurs valeurs socioculturelles et leurs priorités de développement.</p>
<p>La question de l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer ne se limite donc pas à des mesures techniques telles que la protection du littoral, la relocalisation d’enjeux, ou la construction de maisons sur pilotis.</p>
<p>Elle nous invite à réfléchir aux littoraux que nous souhaitons pour demain. Si les transformations décrites dans le rapport du GIEC sont extrêmement importantes, elles s’accompagnent de nombreux bénéfices bien au-delà de la seule question de l’élévation du niveau de la mer. Ne pas utiliser ces solutions proposées par la science, c’est compromettre l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180711/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gonéri Le Cozannet a reçu des financements du programme de recherche et d'innovation de l'Union européenne Horizon 2020.</span></em></p>Contrairement à d’autres variables climatiques, le niveau de la mer continuera à s’élever bien après la stabilisation des températures globales.Gonéri Le Cozannet, Chercheur - géosciences, BRGMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1788122022-04-04T18:43:26Z2022-04-04T18:43:26ZDu climat au Covid, de quelles « catastrophes » parlons-nous ?<p>Un dicton populaire espagnol déclare que l’être humain est la seule espèce capable de buter deux fois sur la même pierre…</p>
<p>Dans les faits, les catastrophes survenues au cours des deux dernières décennies – et présentées de manière quasi systématique par les autorités, les médias et nombre d’experts comme « inédites », et donc imprévisibles – ont généralement des précédents que nous serions bien inspirés de ne pas oublier.</p>
<p>La catastrophe du Covid, avec ses 124 000 morts en France et 5,5 millions dans le monde illustre magistralement la vulnérabilité croissante de nos sociétés induite par une rupture mémorielle généralisée.</p>
<h2>Manque d’anticipation et oubli du passé</h2>
<p>Comme d’autres événements de ce type, mais dans des proportions ô combien plus exceptionnelles puisque notre planète fut affectée dans son ensemble, la pandémie vient nous rappeler avec brutalité à quel point le manque d’anticipation et l’oubli du passé favorisent l’impréparation et hypothèquent une sortie rapide de crise.</p>
<p>Qui, en Occident, aurait pu imaginer le retour d’une pandémie dans nos pays riches il y a seulement trois ans ? Pourtant, les précédents existaient et ne dataient pas de Mathusalem si l’on faisait l’effort de se remémorer les grippes russe (1889-1893), espagnole (1918-1921) ou plus récemment celle de 1968-1978, d’origine animale et qui paralysa les États-Unis et l’Europe.</p>
<p>Des <a href="https://www.inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/lexperience-du-passe-pour-mieux-sadapter-aux-catastrophes-contemporaines">recherches internationales</a> en cours montrent que, paradoxalement, ce « désarmement » précipité par une <a href="https://www.inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/une-memoire-pour-reduire-la-vulnerabilite-de-nos-societes-aux-catastrophes">mémoire collective</a> qui « flanche », pour reprendre le refrain d’une <a href="https://youtu.be/o6uU2czYbOM">chanson très populaire de Jeanne Moreau</a>, intervient à l’ère de l’information continue.</p>
<p>La bonne nouvelle pour la Cité, et en <a href="https://theconversation.com/pour-une-etude-critique-de-la-collapsologie-154087">rupture nette avec la collapsologie</a>, la mémoire des catastrophes montre aussi que les sociétés du passé, notamment celles demeurées proches de leurs environnements comme les communautés autochtones aborigènes d’Australie ou Samis de Scandinavie surent élaborer des stratégies d’adaptation à même de renforcer leur capacité de résilience face à l’adversité.</p>
<h2>Vous avez dit catastrophe ?</h2>
<p>Le terme est aujourd’hui victime d’une confusion grandissante amalgamant pêle-mêle catastrophe, risque, extrême, aléa, vulnérabilité et résilience. Fort de ce constat, vérifiable lors de chaque nouveau désastre, il importe de revenir aux sources de la sémantique catastrophique.</p>
<p>D’emblée, rappelons donc que le terme « catastrophe » est un héritage du grec ancien <em>katastrophê</em> qui, dans la tragédie antique, était synonyme de « retournement » ou de « renversement ». Dès lors, elle n’impliquait pas forcément un événement néfaste et pouvait même déboucher sur des dénouements positifs ou sur un autre modèle de développement. Encore en 1552, dans son <em>Pantagruel</em>, Rabelais utilisait ce terme dans son sens théâtral d’achèvement de la comédie.</p>
<p>Il faudra attendre le XVIII<sup>e</sup> siècle pour qu’un tournant sémantique s’opère, transformant la « catastrophe » en synonyme d’événement dramatique. Le <em>Dictionnaire de l’Académie française</em> explique ainsi en 1798 qu’il « ne se dit guère que d’un événement funeste. Il signifie une fin malheureuse… ».</p>
<p>Pour l’historien et le géographe, au contraire, la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/catastrophe">catastrophe</a> sous-tend des phénomènes caractérisés par leur brièveté et leur <a href="http://pum.univ-tlse2.fr/%7ELes-catastrophes-naturelles-dans-l%7E.html">ampleur sociale</a>. Elle marque donc une rupture et conduit à une modification du système concerné, à une nouvelle perspective pouvant donner naissance à un modèle plus pertinent et durable en <a href="https://www.preventionweb.net/publication/memory-better-resilience-contemporary-risks">termes de réduction de la vulnérabilité</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455944/original/file-20220403-61039-guyswy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455944/original/file-20220403-61039-guyswy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455944/original/file-20220403-61039-guyswy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455944/original/file-20220403-61039-guyswy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455944/original/file-20220403-61039-guyswy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455944/original/file-20220403-61039-guyswy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455944/original/file-20220403-61039-guyswy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tatamis inutilisables évacués des maisons inondées après le passage du typhon japonais Hagibis, le 12 octobre 2019 dans la préfecture d’Ibaraki.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Garnier</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>En pratique, un nombre croissant de journalistes et de politiciens confondent « extrême » et « catastrophe » alors que le premier désigne des phénomènes s’écartant fortement des moyennes météorologiques (inondations, ouragans, sécheresses), la seconde correspond à sa signature sociale.</p>
<p>Pour faire œuvre pédagogique, nous dirons donc qu’une crue rapide qui affecterait un territoire dépourvu d’enjeux (êtres humains, infrastructures, entreprises) ne serait pas une catastrophe puisqu’elle n’affecterait pas les sociétés humaines. En revanche, si cette même crue se produit dans une région densément peuplée et très développée économiquement, nous basculerions alors bien <a href="https://www.revue-risques.fr/2018/09/risques-115/">dans le domaine de la catastrophe</a>.</p>
<h2>Les sociétés anciennes face aux calamités</h2>
<p>C’est en examinant en profondeur, à travers la documentation historique, les impacts de ces désastres sur les sociétés et leurs mécanismes que l’historien découvre indirectement les réponses imaginées par nos prédécesseurs.</p>
<p>Contre toute attente, les sociétés anciennes ne percevaient pas les calamités qui les affligeaient seulement comme des manifestations de <em>l’Ira Dei</em> (colère divine) et elles tentaient souvent de s’en prémunir ou d’en réduire les effets par des actions très pragmatiques. Ainsi, les communautés littorales françaises veillaient, au moins jusqu’au début du XX<sup>e</sup> siècle, à ne pas construire au plus près du trait de côte et à préserver des « fusibles » protecteurs comme les dunes, les zones humides (marais, marais salants, étangs), autant d’éléments paysagers largement éradiqués par l’urbanisation à compter des années 1960.</p>
<p>Le disciple de Clio s’intéresse ainsi aux formes que prenaient ces mesures pour réduire la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/vulnerabilite">vulnérabilité</a> des écosystèmes et des communautés. La perspective historique privilégie d’autres manifestations plus facilement accessibles à nos contemporains, à savoir les aspects environnementaux (paysages plus durables), culturels (lieux de mémoire, perception des risques), sociaux (inégalités, structures, etc.), géographiques et politico-institutionnels (gouvernance, normes et réglementations, etc.).</p>
<h2>Il n’y a pas vraiment de « jamais vu »</h2>
<p>En adaptant ces pratiques au contexte contemporain, et en les intégrant dans nos politiques d’aménagement de l’espace, nous lutterions contre la rupture mémorielle qui conduit à qualifier chaque nouveau drame de « jamais vu » et limiterions ce facteur aggravant de la vulnérabilité contemporaine.</p>
<p>L’hypothèse que nous formulons ici est donc que la vulnérabilité des territoires est le résultat d’une évolution de la société ainsi que du contexte naturel, conformément aux <a href="https://www.routledge.com/At-Risk-Natural-Hazards-Peoples-Vulnerability-and-Disasters/Blaikie-Cannon-Davis-Wisner/p/book/9780415252164">travaux du géographe britannique Piers Blaikie</a>.</p>
<p>En montrant le caractère ancien et en expliquant comment les populations ont tenté de faire face (ou non) aux événements extrêmes, l’expérience du passé apporte un éclairage inédit au débat actuel <a href="https://inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/une-memoire-pour-reduire-les-risques-de-lanthropocene">sur le changement global et l’impact de l’anthropocène</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455943/original/file-20220403-58985-o01aty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455943/original/file-20220403-58985-o01aty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455943/original/file-20220403-58985-o01aty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455943/original/file-20220403-58985-o01aty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455943/original/file-20220403-58985-o01aty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455943/original/file-20220403-58985-o01aty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455943/original/file-20220403-58985-o01aty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Épicéas victimes du bostryche (insecte xylophage) abattus dans les Vosges après la sécheresse de 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Garnier</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>La dangereuse fossilisation des mémoires</h2>
<p>Pour autant, promouvoir une telle approche n’est pas un chemin pavé de roses, loin s’en faut en ces temps de reprise économique post-Covid fulgurante, car elle pointe des faiblesses dont la reconnaissance n’est pas toujours facilement acceptable pour nos concitoyens et nos décideurs.</p>
<p>Montrer sur le temps long de l’historien comment et quand s’opère le point de bascule entre des paysages durables et les processus d’artificialisation des sols, la destruction des milieux humides, le tout au service d’une urbanisation que l’on veut croire infinie, met en jeu de nombreux et puissants intérêts.</p>
<p>C’est pourquoi la mémoire n’a pas toujours bonne presse, y compris dans nos démocraties.</p>
<p>En faut-il une preuve ? Il suffit de voir comment les mémoires des catastrophes nucléaires de <a href="https://theconversation.com/tchernobyl-epidemiologie-dune-catastrophe-58315">Tchernobyl (1986)</a> et de <a href="https://theconversation.com/les-cerisiers-de-fukushima-112655">Fukushima (2011)</a> sont méthodiquement et inexorablement fossilisées ces dernières années en vue d’offrir au nucléaire une nouvelle virginité, puisqu’il a récemment été classé par l’Union européenne <a href="https://theconversation.com/nucleaire-retour-sur-le-debat-autour-de-la-nouvelle-taxonomie-europeenne-176733">comme une « énergie verte »</a>.</p>
<p>Dans ce cas précis, ne substitue-t-on pas une mémoire récente (le risque du changement climatique) à une autre, plus ancienne, celle des accidents soviétique et japonais ? Et quand bien même l’argument climatique devrait l’emporter, en faisant l’impasse sur la perte de savoir-faire technique accumulée au cours des dernières décennies, illustrée par les EPR de Flamanville ou d’Olkiluoto (Finlande), le problème toujours non résolu du recyclage des déchets et le risque de vulnérabilité stratégique lié à l’approvisionnement en uranium, <em>quid</em> des modèles récents du GIEC qui nous annoncent des événements extrêmes plus fréquents et plus violents ?</p>
<p>Les tempêtes de submersion, l’érosion, les sécheresses et inondations annoncées n’auront-elles donc pas d’impact sur un parc nucléaire installé majoritairement le long des littoraux et des cours d’eau ?</p>
<h2>Relégation au royaume des Amish</h2>
<p>De la même manière, et alors que le <em>flygskam</em>, littéralement la « honte de voler » en suédois, un sentiment de culpabilité développé <a href="https://www.nytimes.com/2019/12/18/travel/Sweden-flight-shaming.html">dans le sillage de Greta Thunberg</a>, devient le nouveau mantra des activistes, comment expliquer à nos contemporains, et à ceux qui les dirigent, que l’écosystème numérique jusque-là paré de toutes les vertus (économique, sociale et écologique) <a href="https://www.nytimes.com/2019/12/18/travel/Sweden-flight-shaming.html">produit deux fois plus d’émissions de gaz à effet de serre</a> ?</p>
<p>Pour l’avenir, les perspectives sont encore plus sombres, comme l’explique un rapport récent estimant que la consommation d’énergie par le numérique connaît une <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2018/11/Rapport-final-v8-WEB.pdf">hausse annuelle de 9 % par an</a> !</p>
<p>Et si l’on y ajoute le nouveau <a href="https://theconversation.com/debat-metavers-taxis-volants-et-autres-armes-de-destruction-massive-de-la-planete-170346">front pionnier numérique des métavers</a>, cette réalité virtuelle promise à des milliards d’êtres humains, les émissions totales de carbone atteindraient <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/09/le-numerique-dans-le-piege-climatique_6108779_3234.html">près de 10 % d’ici une vingtaine d’années</a>, c’est-à-dire autant que la sidérurgie, actuellement premier émetteur industriel.</p>
<p>Dans ce cas précis, porter le message de la catastrophe numérique en devenir reviendrait probablement, pour le « lanceur d’alerte », académique et non académique, à être voué aux gémonies et donc irrémédiablement classé parmi les « Amish »…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178812/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Garnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour ne pas aggraver la vulnérabilité contemporaine, il nous faut lutter contre la rupture mémorielle qui conduit à qualifier chaque nouveau drame de « jamais vu ».Emmanuel Garnier, Directeur de recherche CNRS historien du climat et des catastrophes, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1793472022-03-22T19:37:51Z2022-03-22T19:37:51ZQu’appelle-t-on un déchet radioactif ?<p>L’<a href="https://www.iaea.org/fr">Agence internationale de l’énergie atomique</a> (AIEA) définit un déchet radioactif comme :</p>
<blockquote>
<p>« tout matériau qui contient ou est contaminé par des radionucléides à des concentrations ou niveaux d’activités supérieurs aux valeurs définies par les autorités compétentes de réglementation et pour lequel aucune utilisation n’est prévue ».</p>
</blockquote>
<p>Un radionucléide désigne un noyau d’atome dont la durée de vie (soit sa <a href="https://www.laradioactivite.com/site/pages/activitedunradioelement.htm">période radioactive</a>, mesurée en seconde) est finie. On dit alors qu’il est « instable ». Il tendra spontanément à se transformer en un noyau stable (on dit alors qu’il « se désintègre ») en émettant un <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/education-radioprotection/bases_radioactivite/Pages/8-rayonnement-ionisant.aspx">rayonnement ionisant</a>, dont le potentiel danger pour l’homme est quantifié par sa <a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/education-radioprotection/bases_radioactivite/Pages/9-concepts-de-dose.aspx">dose</a>.</p>
<p>Un ensemble de radionucléides, ou source radioactive, est caractérisé par son activité, soit le nombre de désintégrations qu’elle produit pendant une seconde. Son unité, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Becquerel">Becquerel</a>, décrit son niveau de radioactivité.</p>
<h2>La différence entre « déchets » et « matières » radioactifs</h2>
<p>La <a href="https://www.doctrine.fr/l/texts/codes/LEGITEXT000006074220/articles/LEGIARTI000006834544">loi française</a> différencie un « déchet » radioactif (substance radioactive n’ayant aucune utilisation ultérieure) d’une « matière » radioactive (substance radioactive ayant une possible utilisation ultérieure).</p>
<p>Par exemple, des gants utilisés par une personne travaillant dans un environnement radioactif constituent un déchet. L’uranium issu du retraitement du combustible usé (URT) est une matière.</p>
<p>Dans les faits, un déchet sera très faiblement, faiblement, moyennement ou hautement radioactif ; et il le sera pendant très peu de temps, peu de temps ou très longtemps. Il faut retenir que le niveau de radioactivité d’un déchet est inversement proportionnel à sa durée de vie. On estime qu’au bout de 10 fois cette durée de vie, le niveau de radioactivité devient négligeable.</p>
<p>Macroscopiquement, l’effet de l’activité d’une source radioactive correspond à une production de chaleur ; microscopiquement, à une production de rayonnement.</p>
<p>Un <a href="https://inventaire.andra.fr/linventaire-national/quest-ce-que-linventaire-national">inventaire national</a> est réalisé chaque année par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Il permet une vision transparente des stocks de matières et déchets radioactifs sur le territoire français. Il nous apprend qu’environ 1 200 industriels, provenant de secteurs économiques différents, produisent des déchets radioactifs aujourd’hui, dont 60 % sont produits par l’industrie électronucléaire.</p>
<p>À titre de comparaison, le <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/bilan-environnemental/16-production-de-dechets-et-recyclage">ministère de la Transition écologique</a> établit annuellement un inventaire de l’ensemble des déchets produits en France : environ 5 tonnes de déchets sont produites par habitant et par an, dont 2 kg de déchets radioactifs.</p>
<h2>Gérer et réduire les déchets</h2>
<p>Le but fondamental de la gestion des matières et des déchets radioactifs, tel qu’organisé en France, vise la protection des populations actuelles et futures ainsi que de l’environnement.</p>
<p>Ce souci est partagé par un grand nombre de pays, à travers une <a href="https://www.iaea.org/topics/nuclear-safety-conventions/joint-convention-safety-spent-fuel-management-and-safety-radioactive-waste">convention internationale</a> fixant les principes de sûreté.</p>
<p>Leur application conduit à mettre en place des règles pratiques optimisées dans la gestion industrielle des matières et déchets radioactifs. Elles sont très contraignantes, parfois même beaucoup plus que dans d’autres domaines de gestion des déchets. Par exemple, le <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/les-dechets-radioactifs">plan de gestion choisi par EDF</a> est basé sur quatre règles :</p>
<ul>
<li><p>Réduire la production de déchets ;</p></li>
<li><p>Trier soigneusement sur le site de production ;</p></li>
<li><p>Traiter par différents procédés (fusion, incinération, compactage, vitrification) avant leur conditionnement final, pour une réduction du volume et/ou de la radioactivité ;</p></li>
<li><p>Isoler les déchets.</p></li>
</ul>
<p>Cela aura permis à EDF de réduire depuis 1985 d’un <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/produire-une-energie-respectueuse-du-climat/l-energie-nucleaire/edf-une-expertise-nucleaire-unique/la-gestion-des-dechets-radioactifs">facteur trois</a> le volume total des déchets produits pendant l’exploitation des réacteurs. Les déchets technologiques et de filtration sont ainsi incinérés sur le site de <a href="https://www.cyclife-edf.com/sites/default/files/Cyclife/pdfs/brochures-fiches-techniques/cyclife-incineration-processus-fr.pdf">Centraco</a> pour permettre cette réduction sensible du volume à traiter.</p>
<h2>Le cadre législatif français</h2>
<p>En France, trois lois ont historiquement encadré la gestion des matières et déchets radioactifs. La première, dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000356548/">loi Bataille</a> et émanant du rapport du député Christian Bataille sur la stratégie de gestion des déchets radioactifs, date du 30 décembre 1991. Elle a fixé un cadre pour la recherche scientifique sur les déchets radioactifs pendant une durée de quinze ans.</p>
<p>Elle a été suivie par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000240700">loi sur les déchets radioactifs</a>, du 28 juin 2006, relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, qui instaure le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (<a href="https://www.asn.fr/espace-professionnels/installations-nucleaires/le-plan-national-de-gestion-des-matieres-et-dechets-radioactifs">PNGMDR</a>). Ce dernier élabore, en concertation avec de nombreux acteurs, des recommandations pour une gestion optimisée, transparente, complète et durable des matières et déchets radioactifs.</p>
<p>Enfin, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000032932790/">loi du 25 juillet 2016</a> précise les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde pour les déchets les plus radioactifs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reacteurs-nucleaires-smr-de-quoi-sagit-il-sont-ils-moins-risques-172089">Réacteurs nucléaires « SMR » : de quoi s’agit-il ? Sont-ils moins risqués ?</a>
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<p>On peut résumer le cadre législatif national et le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs par une stratégie en trois étapes qui sont :</p>
<ul>
<li><p>Utiliser le maximum de matières radioactives dans les réacteurs ;</p></li>
<li><p>Concentrer et confiner les radionucléides issus de la fission ;</p></li>
<li><p>Stocker les déchets radioactifs ultimes.</p></li>
</ul>
<p>L’organisation en est la suivante : les déchets sont gérés par un établissement public national, l’<a href="https://www.andra.fr/">Andra</a>. Elle est placée sous la tutelle de trois ministres (Énergie, Recherche et Environnement). Elle est contrôlée par l’<a href="https://www.asn.fr/">ASN</a> et évaluée par la <a href="https://www.cne2.fr/">Commission nationale d’évaluation</a> (CNE2), <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/15/les-delegations-comite-et-office-parlementaire/office-parlementaire-d-evaluation-des-choix-scientifiques-et-technologiques/(block)/32013">l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques</a> (OPECST) et <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/lautorite-environnementale">l’Autorité environnementale</a> (AE).</p>
<h2>Tri, entreposage et stockage, trois actions distinctes</h2>
<p>Pour les déchets radioactifs, la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006159291/">différencie l’entreposage (caractère temporaire) du stockage (définitif)</a>.</p>
<p>L’ensemble des activités de la filière nucléaire repose sur le concept de défense en profondeur, répondant à la règle d’imposer trois barrières. Dans les activités de stockage des déchets radioactifs, par exemple, ces trois barrières sont : le colis, l’ouvrage de stockage et le site de stockage.</p>
<p>La loi décrit le classement en six catégories des déchets radioactifs, en fonction de leur niveau de radioactivité et de leur durée de vie. Ces deux critères caractérisent leur traitement (compactés, solidifiés…), leur conditionnement (isolation efficace en colis spécifiques) et la solution de gestion adaptée (surface, couche géologique…).</p>
<p>Fin 2019, le volume global de déchets radioactifs s’élève à 1 670 000 m<sup>3</sup>. Cela représente un cube d’un peu moins de 120 m de côté équivalent à la longueur d’un terrain de foot.</p>
<p>La première catégorie contient les déchets à vie très courte (VTC) : ils proviennent essentiellement du secteur médical, où sont utilisés des produits radioactifs à des fins de diagnostic ou thérapeutiques. Ils sont entreposés sur place afin que leur radioactivité disparaisse, puis évacués dans les filières de gestion de déchets conventionnels. Selon l’Andra, fin 2019, 2077 m<sup>3</sup> de déchets VTC ont été inventoriés.</p>
<p>La seconde catégorie concerne les déchets de très faible activité (TFA, de 1 à 100 Bq/g). Ils représentent 31,3 % en volume des déchets et 0,0001 % de la radioactivité totale. Seule la France les considère comme des déchets radioactifs. Leur radioactivité est proche de la radioactivité naturelle. À titre de comparaison, 1 g d’engrais phosphaté produit une <a href="https://www.sfmn.org/images/pdf/GroupesDeTravail/GT_Radioprotection/Irradiation_naturelle_en_10_episodes.pdf">radioactivité de 50 Bq</a>.</p>
<p>Ce sont essentiellement des gravats et des ferrailles, provenant du fonctionnement et démantèlement des installations nucléaires, mais également de l’industrie utilisant des matériaux naturellement radioactifs. Ils sont stockés, depuis 2003, dans le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (<a href="https://aube.andra.fr/activites/stockage-des-dechets-de-tres-faible-activite/le-centre-industriel">Cires</a>, dans l’Aube). Il s’agit du premier centre de stockage au monde pour ce type de déchets. Selon l’Andra, fin 2019 le stock de TFA représente 570 000 m<sup>3</sup>.</p>
<p>La troisième catégorie contient les déchets de faible et moyenne activité (FMA-VC, de 100 à 100 000 Bq/g et une durée de vie inférieure à 31 ans). Ils représentent 59,6 % en volume des déchets et 0,03 % de la radioactivité totale. Ils sont issus des activités liées à l’exploitation d’installations nucléaires ou à leur déconstruction (par exemple des vêtements, des outils ou des filtres ou le résidu du traitement d’effluents liquides ou gazeux).</p>
<p>Du fait de leur durée de vie courte et de leur faible ou moyen niveau de radioactivité, le risque devient négligeable au bout de 10 fois leur durée de vie, soit au maximum 310 ans. Ils sont stockés depuis 1992 en surface au <a href="https://aube.andra.fr/">CSA</a> sur le centre de Soulaines (Aube). Ils sont en général placés dans un conteneur en métal ou en béton puis enrobés avec du béton. Un colis de déchets FMA-VC est composé de 15 à 20 % de déchets radioactifs seulement. Selon l’Andra, fin 2019 le stock de FMA-VC est de 961 000 m<sup>3</sup>.</p>
<p>La quatrième catégorie contient des déchets de faible activité à vie longue (FA-VL, de 100 à 100 000 Bq/g et une durée de vie supérieure à 31 ans). Ils représentent 5,9 % en volume des déchets et 0,14 % de la radioactivité totale.</p>
<p>Ils sont issus essentiellement de la déconstruction des anciennes centrales de type <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Uranium_naturel_graphite_gaz">UNGG</a> et des anciennes industries du radium. Les solutions de gestion sont actuellement à l’étude ; ils sont pour l’instant entreposés sur les sites de production. Selon l’Andra, fin 2019 le stock de FA-VL est de 93 600 m<sup>3</sup>.</p>
<p>La cinquième catégorie contient des déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL, de 100 000 à 100 millions de Bq/g et une durée de vie supérieure à 31 ans). Ils représentent 2,9 % en volume des déchets et 4,9 % de la radioactivité totale. Ils proviennent en grande majorité des gaines métalliques entourant le combustible. Ils sont entreposés sur leur lieu de conditionnement (en particulier sur le site de la Hague). Selon l’Andra, fin 2019 le stock de MA-VL est de 42 700 m<sup>3</sup>.</p>
<p>Enfin, la sixième catégorie contient les déchets de haute activité (HA, au-delà de 10 milliards de Bq/g et une durée de vie supérieure à 31 ans). Ils représentent 0,2 % du volume des déchets, mais contribuent à 94,9 % de la radioactivité totale. Ce sont les produits issus du processus de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9action_en_cha%C3%AEne_(nucl%C3%A9aire)">réaction en chaîne de fission</a> : produits de fission (noyaux produits lors de la cassure en deux de l’uranium) et actinides mineurs (radionucléides plus gros que l’uranium créés par absorption de neutrons et désintégration radioactive). Selon l’Andra, fin 2019 le stock de HA est de 4090 m<sup>3</sup>.</p>
<h2>Enfouir dans l’argile</h2>
<p>Les deux catégories de déchets les plus radioactifs, mais les moins volumineuses (HA et MA-VL), sont destinées à être enfouies dans une couche d’argile à 500 m de profondeur. C’est le projet Cigéo, un centre de stockage en couches géologiques profondes. Il sera implanté en Meuse/Haute-Marne. Il a pour objectif de protéger les déchets des agressions externes et de les isoler à long terme de l’environnement. Lorsque la capacité de stockage prévue du site sera atteinte, vers 2150, le site sera alors fermé et mis sous surveillance.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1438842675386634248"}"></div></p>
<p>Selon la <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20140527_rapport_cout_production_electricite_nucleaire.pdf">Cour des comptes</a>, sur l’ensemble des exploitants de la filière électronucléaire (EDF, CEA, Framatome et Orano) et la totalité de leur production de déchets radioactifs, 90 % de déchets sont à vie courte (filtres, tissus, gravats) et seulement 10 % sont à vie longue. Les produits de fission et les actinides mineurs qui concentrent la quasi-totalité de la radioactivité représentent environ 7 cm<sup>3</sup>/an/habitant.</p>
<p>En février 2022, la Commission européenne a <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/da/SPEECH_22_743">adopté une taxonomie</a> répertoriant les « activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement ». La production d’électricité d’origine nucléaire y est désormais incluse, à condition que des garanties soient apportées pour le traitement des déchets. L’occasion d’engager une réflexion concertée au niveau européen sur la gestion de ces déchets ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179347/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Galichet va recevoir des financements de l’ANR dans le cadre du projet JENII « Jumeaux d’Enseignement Numériques Immersifs et Interactifs ». Emmanuelle Galichet est membre de la Société Française de Physique (SFP), de la Société Française de l'Energie Nucléaire (SFEN) et de Women in Nuclear (WIN).</span></em></p>En France, 1 200 industriels provenant de secteurs économiques différents génèrent des déchets radioactifs. 60 % de ces déchets relèvent de l’industrie électronucléaire.Emmanuelle Galichet, Enseignante chercheure en physique nucléaire, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1788592022-03-10T20:31:27Z2022-03-10T20:31:27ZQuels sont les dangers sanitaires et écologiques d’une activité militaire à Tchernobyl<p>Le 26 avril 1986, suite à une erreur humaine, le <a href="https://www.iaea.org/newscenter/focus/chernobyl/faqs">réacteur numéro quatre de la centrale nucléaire de Tchernobyl fondait à la stupéfaction générale</a>, libérant dans le ciel et dans l’environnement de grandes quantités de particules et de gaz radioactifs. En tout <a href="https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/28/058/28058918.pdf">400 fois plus de radioactivité</a> que la bombe atomique larguée sur Hiroshima.</p>
<p>Depuis, le site, situé dans le nord de l’Ukraine, est entouré d’une zone d’exclusion de 2 600 kilomètres carrés interdite d’accès. Mise en place pour contenir les contaminants radioactifs, elle protège également la région des perturbations humaines.</p>
<p><iframe id="d9rRj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/d9rRj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À l’exception d’une poignée de secteurs industriels, la majeure partie de la zone est complètement isolée de toute activité humaine et semble presque… normale. Par endroit, là où les niveaux de radiation ont suffisamment baissé avec le temps, les plantes et les animaux sont revenus en nombre significatif.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un renard debout dans l’herbe" src="https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449306/original/file-20220301-25-2h9q0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La baisse de radioactivité dans certains secteurs ont permis à la vie de revenir. Ici, un renard près de la centrale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T. A. Mousseau, 2019</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
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<p>Au point que certains scientifiques ont suggéré que la zone d’exclusion était devenue une sorte d’Eden pour la faune… <a href="https://knowablemagazine.org/article/food-environment/2022/scientists-cant-agree-about-chernobyls-impact-wildlife">D’autres sont plus sceptiques</a> quant à cette interprétation. Les apparences peuvent être trompeuses. Dans les secteurs à forte radioactivité, la taille et la diversité des populations d’<a href="https://doi.org/10.1016/j.envpol.2012.01.008">oiseaux</a>, de <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2012.10.025">mammifères</a> et d’<a href="https://doi.org/10.1098/rsbl.2008.0778">insectes</a> sont ainsi nettement plus faibles que dans ceux considérés comme plus « propres ».</p>
<p><a href="https://scholar.google.com/citations?user=fzimDsYAAAAJ&hl=en&oi=sra">J’ai passé plus de 20 ans</a> <a href="https://www.nytimes.com/2014/05/06/science/nature-adapts-to-chernobyl.html">à travailler en Ukraine, ainsi qu’au Belarus et à Fukushima, au Japon</a>, principalement <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-110218-024827">sur les effets des radiations</a>…</p>
<p>Aussi, ces derniers jours, on m’a demandé à plusieurs reprises quel intérêt avaient les forces russes à être entrées par le nord de l’Ukraine en passant par cette friche atomique, et quelles pourraient être les conséquences environnementales de l’activité militaire dans cette zone.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lpYoxBTyRec?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le 24 février dernier, les forces russes prenaient le contrôle de la centrale de Tchernobyl.</span></figcaption>
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<h2>Pourquoi passer par Tchernobyl ?</h2>
<p>Rétrospectivement, les avantages stratégiques de baser des opérations militaires dans la zone d’exclusion de Tchernobyl semblent évidents. Il s’agit d’une vaste région non peuplée reliée par une autoroute directement à la capitale ukrainienne, avec peu d’obstacles ou d’aménagements humains en chemin.</p>
<p>La zone de Tchernobyl jouxte également la Biélorussie et est donc à l’abri d’une attaque des forces ukrainiennes par le nord. La zone industrielle du site du réacteur est, en fait, un grand parking où peuvent être stationnés les milliers de véhicules d’une armée d’invasion.</p>
<p>Le site abrite également le principal <a href="https://www.prnewswire.com/news-releases/clean-futures-fund-forced-to-suspend-humanitarian-operations-at-chernobyl-nuclear-power-plant-due-to-russian-invasion-of-ukraine-and-capture-of-the-facility-301490882.html">réseau de commutation du réseau électrique</a> de la région. Il est possible d’éteindre les lumières de Kiev depuis cet endroit, même si la centrale elle-même ne produit plus d’électricité depuis 2000 – date à laquelle le <a href="https://abcnews.go.com/International/story?id=81920&page=1">dernier de ses quatre réacteurs a été arrêté</a>.</p>
<p>Ce contrôle de l’alimentation électrique revêt sans doute une importance stratégique, même si les besoins en électricité de Kiev pourraient probablement être satisfaits par d’autres nœuds du réseau électrique national ukrainien.</p>
<p>De plus, la centrale offre vraisemblablement une protection contre les attaques aériennes étant donné qu’il est improbable que les forces ukrainiennes (ou autres) se risquent à combattre sur un site contenant plus de 2,4 millions de kilogrammes de <a href="https://interestingengineering.com/first-spent-nuclear-fuel-from-chernobyl-is-safely-stored-after-34-years">combustible nucléaire usé radioactif</a>…</p>
<p>On parle là des <a href="https://doi.org/10.1007/BF02416427">matières hautement radioactives</a> produites par un réacteur nucléaire en fonctionnement normal. Un impact direct sur les piscines où ils sont conservés ou sur les installations de stockage en fûts secs de la centrale pourrait libérer dans l’environnement beaucoup plus de matières radioactives encore que la fusion et les explosions initiales de 1986. On assisterait alors à une catastrophe environnementale d’ampleur mondiale.</p>
<p>(<em>Le 8 mars, l’AIEA indiquait que <a href="https://www.iaea.org/fr/newscenter/pressreleases/mise-a-jour-15-declaration-du-directeur-general-de-laiea-sur-la-situation-en-ukraine">« la transmission à distance des données des systèmes de contrôle des garanties installés à la centrale nucléaire de Tchernobyl avait été coupée »</a>. Depuis le 9 mars, l’électricité est coupée mais <a href="https://twitter.com/iaeaorg/status/1501665264903016457?cxt=HHwWksCy4cWm_tYpAAAA">sans que cela pose pour l’heure de problème de sécurité selon l’AIEA</a>, ndlr</em>)</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Aperçu d’un site semi-abandonné, avec un peu d’herbe et les structures de la centrale dans le fond, toujours reliées à des pylônes électriques" src="https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449621/original/file-20220302-21-1gk0qm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue à distance de la centrale et du sarcophage qui recouvre le réacteur éventré.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T.A. Mousseau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Le risque environnemental</h2>
<p>Malgré le travail de nettoyage, la zone d’exclusion de Tchernobyl reste l’une des régions les plus contaminées par la radioactivité de la planète. Sur des milliers d’hectares entourant le site du réacteur, les débits de dose de rayonnement ambiant dépassent de plusieurs milliers de fois les <a href="https://doi.org/10.1016/j.envpol.2016.05.030">niveaux de fond normal</a>. Dans certaines parties de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/For%C3%AAt_rousse">« Forêt rouge »</a> située autour de la centrale, il est possible de recevoir une <a href="https://youtu.be/EP2Ycv8j7fA">dose de rayonnement dangereuse</a> en quelques jours d’exposition seulement.</p>
<p>Les stations de surveillance des radiations installées un peu partout dans la zone ont enregistré le premier impact environnemental évident de l’invasion. Les capteurs mis en place par l’EcoCentre ukrainien de Tchernobyl en cas d’accident ou d’incendie de forêt ont révélé une augmentation spectaculaire des niveaux de radiation le long des routes principales et à proximité des réacteurs <a href="https://www.saveecobot.com/en/radiation-maps#12/51.3880/30.1048/gamma/comp+cams+fire">après 21 heures</a> le 24 février 2022.</p>
<p>C’est à ce moment-là que les envahisseurs russes sont arrivés, depuis la Biélorussie voisine.</p>
<p>Comme l’augmentation des niveaux de radiation était plus évidente à proximité des bâtiments du réacteur, on craignait que les structures de confinement aient été endommagées, bien que les autorités russes aient <a href="https://www.rferl.org/a/ukraine-invasion-russian-forces-chernobyl-/31721240.html">nié cette possibilité</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1497108007863435279"}"></div></p>
<p>Puis, le réseau de capteurs a brusquement <a href="https://www.saveecobot.com/en/radiation-maps#12/51.3970/30.1027/gamma/comp+cam%C3%A9ras+incendie">cessé d’émettre des rapports</a> au début du 25 février et n’a pas redémarré avant le 1<sup>er</sup> mars. Ce qui fait que l’ampleur totale des perturbations causées par les mouvements de troupes n’est pas claire.</p>
<p>Si c’est bien la poussière soulevée par les véhicules et non des dommages causés aux installations de confinement qui a provoqué l’augmentation des radiations, et en supposant que cette augmentation n’a duré que quelques heures, il est <a href="https://www.livescience.com/what-if-russia-bombed-chernobyl">peu probable qu’elle soit préoccupante à long terme</a>. De fait, la poussière perturbée devrait retomber à nouveau une fois les troupes parties. Ça ne veut pas dire qu’elle est sans conséquence.</p>
<p>En effet, les soldats russes, ainsi que les ouvriers de la centrale ukrainienne qui ont été <a href="https://www.cnn.com/2022/02/24/europe/ukraine-chernobyl-russia-intl/index.html">pris en otage</a>, ont sans aucun doute inhalé une partie des particules soulevées. Les chercheurs savent que la terre de la zone d’exclusion de Tchernobyl <a href="https://www.livescience.com/what-if-russia-bombed-chernobyl">peut contenir des radionucléides</a>, notamment du <a href="https://theconversation.com/bombe-atomique-ou-accident-nucleaire-quels-sont-leurs-effets-biologiques-respectifs-178979">césium 137, du strontium 90</a>, <a href="https://www-pub.iaea.org/mtcd/publications/pdf/pub1239_web.pdf">plusieurs isotopes du plutonium</a>, de l’uranium ainsi que de l’américium 241.</p>
<p>Même à des niveaux très faibles, ils sont tous <a href="https://doi.org/10.1111/brv.12723">toxiques, cancérigènes ou les deux en cas d’inhalation</a>.</p>
<h2>Des impacts sanitaires possibles</h2>
<p>Peut-être la menace la plus importante pour la région provient-elle de la potentielle libération dans l’atmosphère des radionucléides prisonniers depuis une trentaine d’années dans le sol et les plantes en cas de feu de forêt.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue aérienne d’un feu de forêt à proximité de la centrale" src="https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449632/original/file-20220302-15-80t199.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les feux de forêt dans la zone d’exclusion libèrent les particules radioactives piégées depuis 30 ans dans la végétation (ici en 2020).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/this-picture-taken-on-april-10-shows-a-field-fire-burning-news-photo/1209598073">Volodymyr Shuvayev/AFP</a></span>
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<p>De tels incendies ont récemment augmenté en fréquence, en taille et en intensité, probablement en raison du changement climatique. Et l’on sait qu’ils ont libéré des matières radioactives dans l’air et les <a href="https://doi.org/10.1038/srep26062">ont dispersées à grande échelle</a>.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1890/14-1227.1">Les retombées radioactives des feux de forêt</a> pourraient ainsi représenter la plus grande menace du site de Tchernobyl pour les populations humaines sous le vent de la région, ainsi que pour la <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-110218-024827">faune et la flore de la zone d’exclusion</a>.</p>
<p>Actuellement, la zone abrite <a href="https://www.theatlantic.com/science/archive/2020/08/chernobyl-fires/615067/">énormément d’arbres morts</a> et de débris qui pourraient servir de combustible. Même en l’absence de combat, la simple présence militaire – avec ces milliers de soldats qui transitent, mangent, fument et font des feux de camp pour se réchauffer – augmente le risque d’incendie.</p>
<p>Il est <a href="https://wwnorton.com/books/Manual-for-Survival/">difficile de prévoir les effets des retombées radioactives</a> sur les personnes, mais les <a href="https://theconversation.com/at-chernobyl-and-fukushima-radioactivity-has-seriously-harmed-wildlife-57030">conséquences sur la flore et la faune</a> sont bien documentées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Oiseau tenu dans la main et avec une tumeur visible sur la tête, à travers les plumes" src="https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449322/original/file-20220301-19-16g6loz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La radioactivité peut provoquer des cancers, comme ici pour cet oiseau qui a développé une tumeur sur le crâne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T. A. Mousseau, 2009</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>L’exposition chronique à des doses même relativement faibles a été associée à de nombreux effets chez les animaux sauvages : des <a href="https://doi.org/10.1038/srep08363">mutations génétiques</a>, des <a href="https://doi.org/10.1016/j.mrgentox.2013.04.019">tumeurs</a>, des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0066939">cataractes oculaires</a>, une <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0100296">stérilité</a> et des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0016862">déficiences neurologiques</a>. <a href="https://doi.org/10.1093/jhered/esu040">Taille des populations</a> et <a href="https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2018.05.032">biodiversité</a> sont également affectées dans les zones fortement contaminées et connaissent des baisses notables.</p>
<p>Quand on parle de rayonnements ionisants, d’irradiation, <a href="https://doi.org/10.17226/11340">il n’existe pas de niveau « sûr »</a>. Et les <a href="https://theconversation.com/irradiation-quelles-sont-les-consequences-sur-notre-corps-178754">risques pour la vie sont directement proportionnels au niveau d’exposition</a>.</p>
<p>Si le conflit en cours devait s’aggraver et endommager les installations de confinement des radiations à Tchernobyl, ou l’un des <a href="https://www.washingtonpost.com/climate-environment/2022/02/28/ukraine-nuclear-plant-chernobyl-russia/">15 réacteurs nucléaires</a> situés sur quatre autres sites en Ukraine, l’ampleur des dommages causés à l’environnement serait catastrophique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothy A. Mousseau a reçu des financements du Samuel Freeman Charitable Trust.</span></em></p>Si la centrale de Tchernobyl n’est plus en fonction, elle est au cœur d’une zone toujours très irradiée que les mouvements de troupes peuvent déstabiliser. Avec quels effets pour la population ?Timothy A. Mousseau, Professor of Biological Sciences, University of South CarolinaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1768542022-02-28T19:33:32Z2022-02-28T19:33:32ZCe que l’on sait de l’éruption du volcan Hunga Tonga – Hunga Ha’apai aux Tonga<p>Le 15 janvier 2022, à 17h10 (heure locale) eut lieu la plus violente explosion volcanique depuis celle du Pinatubo (Philippines) en 1991. Son Indice d’Explosivité Volcanique (VEI en anglais) est estimé entre 4 et 5 (sur une échelle logarithmique qui va de 0 à 8). Cela place cette éruption entre celle de la Montagne Pelée (Martinique, 1902 ; VEI de 4) et celle du Vésuve-Pompéi en l’an 79 (VEI de 5). Mais contrairement au Vésuve et à la Montagne Pelée qui dominaient des villes, l’éruption de 2022 eut lieu sur une île déserte, et il n’y eut aucune mort directe due à cette éruption.</p>
<p>Jusqu’en 2014, il y avait deux petites îles dans ce secteur de l’océan Pacifique : les îles de Hunga Tonga et de Hunga Ha’apai (cf fig 3 – 1). Ces deux îles correspondaient aux restes du sommet à peine émergé d’un ancien gros volcan dominant le fond de la mer d’environ 2000 mètres, gros volcan dont le sommet avait été <a href="https://eos.org/science-updates/new-volcanic-island-unveils-explosive-past">détruit au XIᵉ siècle</a> par une violente éruption avec explosion, effondrement et formation d’une caldeira (sous-marine). Une caldeira correspond à une dépression volcanique (un cratère) due à un effondrement souterrain.</p>
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<img alt="Figure 1 : Une carte du plancher océanique montre les cônes volcaniques et la caldeira centrale." src="https://images.theconversation.com/files/440944/original/file-20220115-19-nplel8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440944/original/file-20220115-19-nplel8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=660&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440944/original/file-20220115-19-nplel8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=660&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440944/original/file-20220115-19-nplel8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=660&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440944/original/file-20220115-19-nplel8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=829&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440944/original/file-20220115-19-nplel8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=829&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440944/original/file-20220115-19-nplel8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=829&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 1 : Une carte du plancher océanique montre les cônes volcaniques et la caldeira centrale.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Depuis ce XI<sup>e</sup> siècle, il semble qu’il n’y ait eu que de petites éruptions sous-marines donnant lieu à d’éphémères îles volcaniques vite détruites par l’érosion marine. La dernière de ces petites éruptions a eu lieu en <a href="https://volcano.si.edu/volcano.cfm?vn=243040">2009</a>. Cette activité volcanique est à relier à celle de la « Ceinture de feu du Pacifique », où l’océan pacifique s’enfonce par subduction sous un continent (cas de la Cordillère des Andes) ou sous un autre secteur du Pacifique comme au niveau des Tonga. Les laves et cendres émises par ces volcans tongiens sont principalement andésitiques (d’une lave nommée andésite avec 60 % de silice et très fréquente dans les zones de subduction comme les Andes).</p>
<p>En décembre 2014 et janvier 2015 eu lieu une <a href="https://volcano.si.edu/volcano.cfm?vn=243040">éruption plus importante</a> que d’habitude. Un nouveau volcan (de plus de 100 m de haut) apparut en deux mois entre les deux îles (auparavant distantes de 2000 mètres) et les rejoignit. L’île unique de Hunga Tonga – Hunga Ha’apai était née (cf fig 3 – 2).</p>
<p>Les éruptions ayant bâti ce nouveau volcan étaient de type phréato-magmatique (encore appelé surtseyen). Le fond marin était constitué de cendres et autres roches poreuses imbibées d’eau de mer (nappe phréatique). L’arrivée d’un magma très chaud dans cette nappe phréatique a fait bouillir l’eau, qui avait du mal à s’échapper. La pression a augmenté et a cela génèré des explosions relativement « modérées » (comme une cocotte-minute dont la soupape serait bouchée. Une arrivée plus ou moins continue de magma a entrainé une série d’explosions qui se suivaient.</p>
<p>Après un repos de presque 7 ans, l’activité du Hunga Tonga – Hunga Ha’apai reprit le 20 décembre 2021. Il s’agissait encore d’éruptions phréato-magmatiques, plus violentes que celles de 2014-2015, et qui ont « agrandi et élargi » le nouveau volcan de 2014-2015 (cf fig 3-3). Avec des hauts et des bas, les éruptions phréatiques se succédèrent jusqu’au 11 janvier. Les autorités tongiennes émirent un avis de danger aux compagnies aériennes, et une alerte pour de possibles tsunamis. Les explosions cessèrent le 11 janvier, et les alertes furent levées.</p>
<p>L’éruption reprit avec plus de violence le 14 janvier vers 4h (heure locale), avec des colonnes éruptives de plusieurs kilomètres de large et de hauteur. Les autorités tongiennes relancèrent les alertes. Une image satellite prise le 15 janvier à 15h25 (cf fig. 3-4) montre qu’une bonne partie de l’édifice de 2014-2015 (agrandi entre le 20 décembre 2012 et le 11 janvier 2022) avait disparu. Ce même 15 janvier, à 17h10, débuta une phase explosive hyper-violente. L’onde de choc atmosphérique de cette explosion fut enregistrée sur toute la planète. Cette phase paroxysmale a duré 8 minutes avant de se calmer un peu, puis de cesser. Le panache plinien (appelé ainsi car bien décrit par Pline le Jeune lors de l’éruption de Pompéi en 79) atteint 15 à 20 km, s’étale sur plusieurs centaines de kilomètres. Le lendemain (16 janvier), les cendres atteignaient 31 km d’altitude. Une image satellite du 17 janvier montre que la totalité de l’édifice de 2014-2015, la majorité de l’ancienne île d’Hunga Tonga et 30 % de l’ancienne ile d’Hunga Ha’apai ont disparu. Une image satellite radar prise le 15 janvier au soir montre que ces disparitions ont eu lieu dans les minutes (ou heures) qui suivirent l’explosion de 17h10.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448876/original/file-20220228-15-1ol7ity.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448876/original/file-20220228-15-1ol7ity.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448876/original/file-20220228-15-1ol7ity.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448876/original/file-20220228-15-1ol7ity.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448876/original/file-20220228-15-1ol7ity.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448876/original/file-20220228-15-1ol7ity.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448876/original/file-20220228-15-1ol7ity.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448876/original/file-20220228-15-1ol7ity.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 3 : Montage d’images satellite montrant le déroulement des évènements éruptifs de 2014 à 2022. 1 – Les deux iles d’Hunga Tonga et d’Hunga Ha’apaien en 2013, avant l’éruption de 2014-2015. 2 – Les îles réunies par l’éruption de 2014-2015. 3-L’éruption de 2021-2022 avait commencé, et le « nouveau volcan » de 2014-2015 avait doublé de surface. 4-Les fortes explosions qui avaient repris la veille avaient déjà détruit une partie du volcan de 2014-2015 agrandi le mois d’avant. 5 – Le panache provoqué par l’explosion du 15 janvier, 17h10, 20 à 30 mn après cette explosion.6-Image satellite de ce qui reste du volcan Hunga Tonga et d’Hunga Ha’apaien le 17 janvier, deux jours après l’explosion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">GoogleEarth/NASA/Montage Pierre Thomas</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a title="Japan Meteorological Agency, CC BY 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/4.0>, via Wikimedia Commons" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tonga_Volcano_Eruption_2022-01-15_0410Z_to_0550Z.gif"><img width="512" alt="Tonga Volcano Eruption 2022-01-15 0410Z to 0550Z" src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/2/28/Tonga_Volcano_Eruption_2022-01-15_0410Z_to_0550Z.gif/512px-Tonga_Volcano_Eruption_2022-01-15_0410Z_to_0550Z.gif"></a></p>
<p><em>Figure 4 : image animée montrant une série d’images prises par un satellite géostationaire le 15 janvier 2022 entre 17h10 et 18h50, passée en accéléré. À son maximum de dimension, le panache mesure environ 500 km de diamètre.</em></p>
<p>Que s’est-il passé ce 15 janvier 2022 à 17h10 ? On ne peut faire que des hypothèses vraissemblables, mais qui demanderont à être confirmées, modifiées, infirmées… après des études de terrains faites dans les semaines et mois qui viennent, en particulier après des études batymétriques pour connaître la nouvelle morphologie des fonds marins. Un magma andésitique très riche en gaz dissous remontait doucement sous le volcan. Sa pression interne diminuait quand il se rapprochait de la surface ; la solubilité du gaz diminuait ; le gaz se séparait du magma, formait des vésicules qui propulsaient le magma vers la “sortie”. Tout cela diminuait la densité du magma, ce qui diminuait la pression dans la colonne de magma… Une explosion surtseyenne peut-être plus violente que les autres aurait brutalement détruit le « bouchon » solide chapeautant le magma, ce qui aurait mis le magma riche en gaz au contact avec l’atmosphère, et donc à la pression atmosphérique, ce qui a entraîné une séparation explosive gaz/magma.</p>
<p>Le phénomène se serait alors « emballé » par « réaction en chaine » et “effet boule de neige”, et l’explosion cataclysmique est survenue. Le mélange gaz + magma éjecté vers le haut aurait incorporé beaucoup d’air chaud, ce qui l’a allégé et s’est transformé en un puissant panache ascendant : une éruption plinienne. Une énorme quantité de magma est donc sortie en quelques minutes, ce qui aurait créé un « vide » sous le volcan, vide qui se serait effondré. Explosion et effondrement ont complètement détruit le volcan de 2014-2015/2021-2022, détruit la majorité des deux vieilles iles du XI<sup>e</sup> siècle et sans doute agrandi la caldera du XI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Les cendres émises par l’explosion ont recouvert les iles environnantes occasionnant de gros dégâts. L’Explosion et la probable formation de la caldera ont entrainé la formation d’une vague géante, un tsunami, qui s’est propagé dans tout l’océan pacifique. Il a rapidement atteint les iles peuplées des Tonga, puis les iles et côtes plus lointaines. Heureusement, l’alerte tsunami avait été et il n’y eu que peu de victimes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176854/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Thomas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Retour sur une explosion de l’ordre de puissance de celle qui anéantit Pompéi.Pierre Thomas, Professeur émérite en Science de la terre, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1757972022-02-15T15:56:02Z2022-02-15T15:56:02ZLeadership : dans la tête de visionnaires inspirants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446361/original/file-20220214-21-977nw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C1%2C977%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les leaders visionnaires se distinguent par leur sensibilité aiguë, leur anticonformisme et leur faculté de raisonnement supérieure.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La capacité de prévoir avec réalisme ce qui va se produire dans un avenir plus ou moins rapproché confère à un individu ou une organisation un avantage stratégique enviable, surtout dans un environnement concurrentiel.</p>
<p>Ceux que l’on appelle les « leaders visionnaires » appartiennent en général à une élite intellectuelle assez rare. Grâce à leur sensibilité aiguë, à leur anticonformisme et à leur faculté de raisonnement supérieure, ils arrivent à percevoir des « signaux faibles » ou des « problèmes émergents » dans des événements isolés, surprenants ou bizarres qui n’ont, pour le commun des mortels, aucune signification apparente.</p>
<p>Dans une biographie qu’il consacre au génie inventif de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nikola_Tesla">Nikola Tesla</a>, le journaliste John J. O’Neil offre un exemple concret du pouvoir unique des visionnaires. Il y raconte que l’ingénieur serbe a eu l’idée de développer un moteur à courant alternatif en récitant les vers d’un poème de Goethe, <a href="https://web.archive.org/web/20130213112510/http://www.rastko.org.rs/istorija/tesla/oniell-tesla.html">sous le regard interloqué d’un ami qui l’accompagnait pour une promenade</a>.</p>
<p>Cette capacité des leaders visionnaires d’identifier les scénarios d’un futur possible afin d’adapter les décisions et les stratégies qui auront des conséquences à court ou à long terme <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-63023-6">se nomme anticipation</a>. C’est à partir de cette forme de prescience que se développent les innovations les plus révolutionnaires. Celles-ci percolent ensuite vers les autres couches de la société, où les « influenceurs » (journalistes, chroniqueurs, blogueurs, etc.), les « décideurs » (politiciens, chefs d’entreprise, etc.) et le « grand public » finissent par les adopter et leur donner une réalité.</p>
<p>En tant que chercheur universitaire spécialisé en éthique, je me suis intéressé à la question de l’anticipation chez les leaders visionnaires parce qu’elle nous en révèle davantage sur une compétence éthique essentielle depuis Aristote : la prudence. La prudence est une forme de sagesse pratique qui permet de prévoir ce qui vient et d’agir adéquatement sur le présent, en <a href="https://www.la-croix.com/Debats/Covid-19-lurgence-prudence-2020-09-23-1201115565">recourant à des connaissances issues de l’expérience</a>.</p>
<p>Afin de découvrir les secrets fascinants des leaders visionnaires, j’ai choisi d’en interroger quinze (onze hommes et quatre femmes) œuvrant, au Québec, dans les domaines les plus divers comme les arts, les sciences et technologies, les affaires, le sport ou les milieux communautaires. Ce qu’ils m’ont dévoilé lors des entrevues se rapportait à trois thèmes distincts : </p>
<ul>
<li><p>le raisonnement et l’analyse de tendances ; </p></li>
<li><p>la matérialisation des idées ; </p></li>
<li><p>les qualités morales et personnelles.</p></li>
</ul>
<p>Les résultats complets de mon étude ont été publiés en janvier 2022 dans la revue américaine <a href="https://scholar.valpo.edu/jvbl/vol15/iss1/9/"><em>Journal of Values-Based Leadership</em></a>.</p>
<h2>Les ressorts cognitifs de l’anticipation</h2>
<p>Sur le plan cognitif, les visionnaires sont très sensibles aux problèmes et aux besoins qui ne trouvent pas de réponses satisfaisantes dans le monde qui les entoure.</p>
<p>Cette situation de « manque » génère une émotion, une insatisfaction qui les incite à trouver des solutions novatrices à partir d’une analyse de l’« existant ». L’émotion produite par l’insatisfaction semble activer un mécanisme interne d’« appariement intuitif » qui interprète les configurations du monde extérieur à travers des images, des modèles et des schémas inscrits dans la mémoire subconsciente. Ils peuvent ainsi détecter les déficits fonctionnels et la sous-efficience de certaines solutions afin de les corriger.</p>
<p>Les leaders interrogés ont aussi mentionné que l’intuition et la créativité, qui nourrissent l’anticipation, bénéficient grandement de certains rituels qui favorisent un état d’esprit propice à la création. Par exemple, certains ont affirmé faire de la méditation, alors que pour d’autres c’était le sport ou la lecture. Ces bénéfices sont d’ailleurs largement démontrés dans la littérature sur la créativité, même si <a href="https://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Les-pouvoirs-de-la-reverie">peu d’écrits se sont intéressés à l’anticipation comme telle</a>. Cet apport semble s’expliquer notamment par les <a href="https://www.huffpost.com/archive/qc/entry/quand-notre-cerveau-devient-creatif_b_6341316/amp">humeurs positives ou négatives engendrées par ces rituels</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Portrait de Nikola Tesla" src="https://images.theconversation.com/files/444591/original/file-20220204-27-1p1ahr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C4%2C982%2C658&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444591/original/file-20220204-27-1p1ahr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444591/original/file-20220204-27-1p1ahr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444591/original/file-20220204-27-1p1ahr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444591/original/file-20220204-27-1p1ahr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444591/original/file-20220204-27-1p1ahr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444591/original/file-20220204-27-1p1ahr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nikola Tesla, leader visionnaire au génie inventif, eut l’idée de développer un moteur à courant alternatif en récitant un poème.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>En outre, plusieurs leaders visionnaires ont fait valoir l’importance de développer un savoir interdisciplinaire, de même qu’une approche systémique des problèmes. L’approche systémique étudie un phénomène <a href="https://lact.fr/nos-videos-articles/blogs/436-l-approche-systemique-joeel-de-rosnay">à partir de ses interactions avec un contexte et un environnement plus larges</a>. Elle invite donc à une forme de synthèse dans laquelle plusieurs ensembles de données sont comparés afin de cheminer vers une solution.</p>
<h2>Passer de l’idée à sa matérialisation</h2>
<p>Une bonne idée ne sert pas à grand-chose si elle n’est pas faisable. Pour cette raison, la question de l’implantation et des étapes de réalisation d’une idée ou d’un concept ont été abordées par les leaders. À ce sujet, plusieurs ont affirmé faire appel à des scénarios, à des modélisations ou à des prototypes qui sont testés avant la mise en œuvre. Cette démarche s’apparente aux étapes de la « conception créative » (ou design thinking) à travers lesquelles il faut évaluer la viabilité d’un concept à partir de la représentation matérielle de celui-ci.</p>
<p>Bien que l’émotion et l’intuition agissent en amont du processus d’anticipation et y contribuent de manière substantielle, il reste que selon plusieurs leaders, il importe de soumettre les idées créatives à l’épreuve de la critique. Souvent, ce processus est mené en équipe et vise le consensus. Cette idée n’est d’ailleurs pas étonnante, car <a href="https://www.youtube.com/watch?v=xPqbrV02cZ8">l’incidence positive du groupe sur la prise de décision est largement démontrée en psychologie sociale depuis plusieurs décennies</a>.</p>
<p>La réalisation des idées se heurte bien souvent à des contraintes matérielles, temporelles ou sociales que n’ignorent pas les leaders visionnaires. Cependant, comme le montrent des recherches récentes sur la créativité, celles-ci peuvent stimuler la résolution créative de problèmes. En fait, l’aptitude à entrevoir les obstacles, de même que les moyens de les surmonter, constitue une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=4_-3DRa4i8k">disposition essentielle de l’anticipation et une marque distinctive du talent des visionnaires</a>.</p>
<h2>Les leaders visionnaires ont-ils une éthique particulière ?</h2>
<p>Dans la dernière partie de mon enquête, j’ai demandé aux leaders visionnaires quelles valeurs morales guidaient leur travail et quelles qualités personnelles ils admiraient chez d’autres leaders.</p>
<p>Les valeurs morales qu’ils ont jugées les plus importantes étaient, dans l’ordre : l’intégrité, l’ouverture, l’empathie, la persévérance, le respect de l’environnement et l’égalitarisme.</p>
<p>Les principales qualités personnelles mentionnées étaient, toujours dans l’ordre : rassembleur, convaincant, curieux, créatif, passionné, confiant, cultivé, intuitif, humoristique, flexible et pragmatique.</p>
<p>Au-delà des valeurs et des qualités énoncées, les leaders ont surtout insisté sur la motivation qui les anime de vouloir faire une différence et de participer à la création d’un monde meilleur à partir des valeurs qu’ils chérissent. Il semble que leur désintéressement leur permette d’ignorer l’immédiat des gains à court terme pour embrasser l’horizon temporel plus vaste que requièrent la prudence et l’anticipation.</p>
<p>Si leurs témoignages n’ont sans doute pas permis d’épuiser le vaste sujet de l’anticipation et du leadership visionnaire, ils ont néanmoins permis d’accéder à quelques secrets du génie humain et de son excellence morale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175797/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yanick Farmer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Incursion dans la tête de personnes remarquables, considérées par leurs pairs comme des visionnaires ayant fait avancer la société dans différents domaines (arts, sciences et technologies, affaires).Yanick Farmer, professeur titulaire en éthique de la communication, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.