tag:theconversation.com,2011:/es/topics/reformes-24145/articlesréformes – The Conversation2024-03-20T15:58:30Ztag:theconversation.com,2011:article/2245322024-03-20T15:58:30Z2024-03-20T15:58:30ZRéforme du collège : mobiliser les enseignants, un art délicat ?<p>En prétendant opérer un <a href="https://www.education.gouv.fr/choc-des-savoirs-une-mobilisation-generale-pour-elever-le-niveau-de-notre-ecole-380226">« choc des savoirs »</a> grâce à quelques dispositifs pédagogiques imposés d’en haut, le ministère de l’Éducation ne risque-t-il pas de se couper un peu plus du monde enseignant, dont la collaboration est pourtant essentielle à la mise en place de toute réforme ?</p>
<p>La création de « groupes de niveau », annoncée par Gabriel Attal, reviendrait à différencier l’enseignement en français et en mathématiques dès la sixième, contre le principe de <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2001/03/14/73-des-enseignants-de-moins-de-35-ans-c-onsiderent-le-college-unique-comme-un-objectif-irrealiste_4183114_1819218.html">l’emblématique « collège unique »</a>. Les enseignants eux-mêmes n’y ayant jamais cru, <a href="https://www.cafepedagogique.net/2024/02/05/jean-paul-delahaye-avis-de-tempete-sur-le-college-unique/">cette remise en cause du collège unique</a> pourrait paraître réaliste.</p>
<p>Mais, entre <a href="https://www.idee-education.org/_files/ugd/ab9408_6e7e9ce9d04a4265b14e77e916d03fe9.pdf">désaveu des spécialistes</a>, <a href="https://www.snpden.net/notre-alerte-a-madame-la-ministre_hebdo3_25janvier2024/">fronde des chefs d’établissement</a> et grèves des professeurs, la ministre de l’Éducation <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/education-nicole-belloubet-introduit-de-la-souplesse-dans-la-mise-en-place-des-groupes-de-niveau-au-college_6409699.html">Nicole Belloubet a promis plus de souplesse dans la mise en place de la mesure</a>.</p>
<h2>Les enseignements de la réforme du collège de 2015</h2>
<p>Il n’est pas inutile, pour mesurer la complexité du problème, de tirer les enseignements <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10564934.2022.2163181">d’une enquête sociologique par entretiens</a> menée auprès d’un échantillon représentatif de professeurs de collège en 2016 et 2017, lorsqu’ils ont dû mettre en place la <a href="https://theconversation.com/sisyphe-a-lassaut-du-college-60393">dernière réforme en date</a>, décidée par Najat Vallaud-Belkacem au printemps 2015.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2020-2-page-201.htm">Cette réforme</a> ne prévoyait pas de remettre en question le collège unique mais d’y promouvoir l’interdisciplinarité, à travers des « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI), les savoirs méthodologiques, lors de temps dits d’« accompagnement personnalisé », l’évaluation par compétences (sans remettre en question la notation chiffrée) et l’enseignement d’une deuxième langue vivante dès la cinquième pour tous les élèves, supprimant de fait les classes « bilangues » (option qui associait l’anglais et l’allemand en sixième). La suppression de l’option latin au profit d’un EPI spécifique avait un temps été envisagée.</p>
<p>Massivement rejetée par le corps enseignant (un <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/06/09/01016-20150609ARTFIG00244-les-trois-quarts-des-professeurs-opposes-a-la-reforme-du-college.php">sondage réalisé en juin 2015</a> avançait le chiffre de 74 % d’opposants parmi les professeurs de collège), le projet a suscité grèves et manifestations, mais a été appliqué tel quel (à l’exception des concessions sur les langues anciennes) à la rentrée 2016, avant que l’ex-ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer ne le vide de son contenu dès 2017.</p>
<h2>Loin des débats médiatiques</h2>
<p>L’encadrement intellectuel, en 2015, du débat public, prend alors des formes bien connues : les personnalités prenant la parole dans les médias pour s’opposer à la réforme dénoncent <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/05/critiquer-najat-vallaud-belkacem-au-nom-de-l-egalite_4637059_3232.html">« les dérives pédagogistes »</a> ou <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2015-3-page-652.htm">« l’égalitarisme niveleur »</a>, tandis que ses défenseurs, à l’instar de la ministre Najat Vallaud-Belkacem, stigmatisent « la nostalgie élitiste » des opposants et plaident pour une école moins inégalitaire.</p>
<p>L’intersyndicale, qui mène l’opposition sur le terrain, développe un <a href="https://www.cgt.fr/actualites/reforme-des-colleges-plus-dautonomie-plus-de-concurrence">autre argumentaire</a> : cette réforme serait « fondée sur l’autonomie des établissements et la multiplication des hiérarchies intermédiaires sous l’autorité du chef d’établissement » et <a href="https://www.puf.com/changer-lecole-ou-la-sauver">« ne ferait qu’engendrer davantage d’inégalités entre les élèves »</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/L5XNQ_MntQ0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Réforme des collèges : Le plan de Najat Vallaud Belkacem (Public Sénat, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>Mais, mis en présence de ces éléments de langage lors de notre enquête, les enseignants interrogés se montrent extrêmement dubitatifs, seuls 32 % des 336 appréciations qu’ils formulent au total étant exprimées avec assurance. Ceux qui se disent solidaires de la protestation, notamment, proposent des interprétations très diverses (et souvent contradictoires) de ce que peut recouvrir « l’autonomie des établissements », au terme d’explications laborieuses et ponctuées de silences, quand ils ne confessent pas leur incompréhension. Une large majorité, d’ailleurs, en approuve finalement le principe.</p>
<p>Centrale dans le débat médiatique, la question des inégalités est unanimement considérée comme hors sujet : personne ne voit en quoi la réforme les aggraverait ou pourrait permettre de les combattre. Manifestement, le monde enseignant ne s’est pas approprié les termes de la polémique.</p>
<h2>Un inconfort professionnel et des inquiétudes variées</h2>
<p>Ces hésitations sont en fait à l’image de la tonalité générale des entretiens.</p>
<p>Les justifications avancées par la grosse moitié des enquêtés qui s’opposent à la réforme impressionnent par leur variété. Cela renvoie à la complexité de la réforme, qui, du sort de l’allemand ou du latin à la question de l’interdisciplinarité, soulève des enjeux multiples.</p>
<p>Cela tient aussi à l’absence manifeste de construction collective du problème, et ce malgré, à la date de l’enquête, une année de polémiques et d’actions. Dominent les inquiétudes sur les « heures » et les « postes » qui pourraient être « perdus » ou sur une hypothétique impossibilité de prendre en charge de façon spécifique les élèves les plus en difficulté. Les dispositifs concrets de la réforme ne sont que très rarement évoqués spontanément.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lechec-scolaire-histoire-et-invention-dune-notion-217943">L’échec scolaire : histoire et invention d’une notion</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les entretiens ne se limitant pas à la question de cette réforme, chacun est invité à relier les conceptions qu’il exprime à son expérience quotidienne. Or la mise en cohérence au sein d’un même entretien est difficile. Face aux demandes de justification et aux éventuelles objections qui leur sont soumises, les trois quarts des professeurs interrogés se contredisent ou butent sur un impensé, qui touche au cœur de l’argumentation d’un tiers d’entre eux.</p>
<p>L’enjeu de l’hétérogénéité des classes, sujet de préoccupation le plus souvent mentionné, laisse ainsi dans l’expectative les deux tiers de ceux qui s’en inquiètent. On rejoint là les enseignements de la <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/education/resultats-de-talis-2013/examen-des-pratiques-pedagogiques-et-du-climat-en-classe_9789264214293-9-fr">dernière étude TALIS</a> réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au moment de notre enquête : les enseignants français sont ceux qui, interrogés sur le bien-fondé de certains préceptes pédagogiques, ont les avis les plus partagés.</p>
<p>Un petit quart de notre échantillon affiche toutefois une réelle assurance, à la différence de la majorité des enquêtés. Ils surmontent les objections et développent des réflexions d’une grande cohérence, témoignant d’une réelle prise de recul, au point d’y ajouter des marques de progressisme politique (relatifs aux services publics ou à la lutte contre les inégalités) plus fréquemment que les autres. Or ils ne se distinguent ni par des caractéristiques d’âge, de discipline d’enseignement ou de lieu d’exercice. Leur point commun est d’être les seuls de notre échantillon à approuver franchement, dès 2016… les principes et les propositions pédagogiques de la réforme du collège.</p>
<h2>La mise en question d’un pilotage descendant</h2>
<p>Les quelques enseignants de notre échantillon qui parlent de leur métier avec le plus d’assurance sont donc ceux qui soutiennent le contenu pédagogique de la réforme du collège… mais ils participent aussi à la dénonciation de ses modalités d’application, au point que certains d’entre eux ont rejoint les grèves du printemps 2015. On ne peut donc s’arrêter au simple constat d’une corrélation entre approbation de la réforme et capacité à mettre en cohérence valeurs affichées, conceptions du métier et pratique effective de celui-ci.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DsfaXhTRi7M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Grève contre la réforme du collège, les enseignants répondent à la ministre (SNES-FSU, 2015)</span></figcaption>
</figure>
<p>Ils se retrouvent en fait avec leurs collègues autour de la critique faisant de cette réforme une nouvelle injonction technocratique. Favorables ou non au principe des EPI, les uns et les autres déplorent unanimement leur rigidité et le fait que les activités interdisciplinaires déjà pratiquées dans leur établissement risquent de mal se couler dans leur moule. Pratiquant ou non l’évaluation par compétences, ils redoutent un alourdissement des procédures.</p>
<p>Le problème est au fond moins dans l’esprit de la réforme que dans le fait qu’elle ait déjà tout organisé dans les moindres détails, en ne prenant en compte que de façon très imparfaite ce qui a déjà été patiemment mis en place sur le terrain, qui se retrouve paradoxalement menacé par une politique allant pourtant dans le même sens.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Niés dans leur autonomie professionnelle et leur capacité d’initiative par des projets affichant la prétention de maîtriser l’extrême complexité de l’acte pédagogique grâce à quelques directives organisationnelles, les enseignants interrogés se sentent renvoyés à un rôle d’exécutants.</p>
<p>Le malentendu n’est pas nouveau. Quoi qu’on pense des « groupes de niveau-matière » du <a href="https://www.cahiers-pedagogiques.com/l-ecole-unique-de-1914-a-nos-jours/">projet imaginé par Louis Legrand en 1983</a>, ou même de <a href="https://www.cafepedagogique.net/2006/10/23/le-systeme-b-a-ba-la-guerre-des-methodes/">l’interdiction périodique de la « méthode globale »</a> d’apprentissage de la lecture, les réactions que ces projets ont suscitées chez les enseignants se sont moins focalisées sur le problème pédagogique lui-même que sur le fait que le ministre, depuis son bureau, prétendait se mêler de ce qui se passait dans chaque classe.</p>
<p>L’affaire des « groupes de niveau » de Gabriel Attal est-elle si différente ? <a href="https://www.cafepedagogique.net/2024/01/30/groupes-de-niveau-revue-de-litterature-internationale/">La recherche a montré qu’un tel dispositif est généralement contre-productif</a>, mais il n’est pas impossible que dans certains établissements, la richesse d’un travail collectif prenant en compte la complexité des réalités locales ait pu donner lieu à des expériences réussies, qui incluraient, en cohérence avec d’autres dispositifs, la mise en place de groupes de travail relativement homogènes.</p>
<p>Croire qu’avec un slogan prononcé depuis la rue de Grenelle ou l’hôtel Matignon on pourrait généraliser cette réussite hypothétique relève d’attentes que la <a href="https://journals.openedition.org/rfp/4645">sociologie des organisations</a> et <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2015-4-page-185.htm">l’histoire des politiques éducatives</a> ont démenties depuis longtemps.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/creer-des-classes-de-niveau-atouts-ou-freins-a-la-reussite-des-eleves-217469">Créer des classes de niveau : atouts ou freins à la réussite des élèves ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/224532/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Forestier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment mobiliser les enseignants dans une réforme du collège ? Le débat autour des groupes de niveau montre combien la question est complexe. Une enquête sur la réforme de 2016 en éclaire les enjeux.Yann Forestier, Chercheur associé au Centre Amiénois de Recherche en Education et Formation (CAREF). Professeur agrégé d'histoire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247732024-03-07T16:19:17Z2024-03-07T16:19:17ZComment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences<p>Le discours public met aujourd’hui l’accent sur la promotion des femmes dans les métiers scientifiques et techniques. Favoriser leur accès à ces voies prestigieuses est présenté comme un enjeu majeur, pour l’économie du pays comme pour l’égalité entre les femmes et les hommes.</p>
<p>Dans ce contexte, les effets de la <a href="https://www.ouest-france.fr/bac/bac-fin-des-series-un-grand-oral-et-du-controle-continu-partir-de-2021-5565067">réforme du lycée instaurée en 2019</a> posent question. Celle-ci qui a mis fin au système des séries générales de baccalauréat (voie scientifique, voie littéraire, voie économique) offrant une plus grande latitude dans la composition des programmes de première et terminale, à partir d’un socle commun et d’enseignements de spécialité. Cependant, cette organisation modulaire s’est accompagnée d’une chute massive des inscriptions dans les disciplines scientifiques au lycée, <a href="https://collectif-maths-sciences.fr/2022/10/04/reforme-du-lycee-vers-des-sciences-sans-filles-1-2/">qui touche particulièrement les filles</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Alors que la place des femmes a été déclarée <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/grande-cause-du-quinquennat-budget-consacre-legalite-entre-les-femmes-et-les-hommes">grande cause du quinquennat 2017-2022</a> et que les enjeux autour des sciences revêtent une dimension internationale, on observe en France un retournement d’ampleur inédite sur l’égalité d’accès aux sciences au lycée général, en contradiction avec les intentions affichées. C’est ce qui ressort quand on reconstruit les évolutions des effectifs des bacheliers et bachelières depuis 60 ans.</p>
<h2>Les sciences au baccalauréat, un enjeu de la Vᵉ République</h2>
<p>Le nombre d’élèves en formation scientifique est crucial au regard des compétences techniques et scientifiques nécessaires aux transitions environnementales, sociales et économiques du pays. La plupart des acteurs économiques <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-ecoles-d-ingenieurs-mobilisees-face-a-la-penurie-de-talents-dans-l-industrie.N2188593">font état de leurs difficultés à recruter</a> et demandent d’augmenter rapidement le nombre de personnes formées à un niveau Bac+5 dans ces domaines.</p>
<p>Analyser la situation actuelle nécessite de prendre en compte les profondes modifications du contexte scolaire de la V<sup>e</sup> République. Jusqu’au début des années 1960, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/baccalaureat-23150">baccalauréat</a> ne concerne qu’une petite partie de la population, surtout issue de la classe bourgeoise urbaine. Guidées par les différents plans de développement économique et social, les politiques éducatives d’alors vont <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-culture-de-masse-et-societe-de-classes-le-gout-de-lalterite-172438">ouvrir largement l’accès aux études secondaires et supérieures</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1965/09/10/les-changements-seront-tres-limites-en-1965-bull-classe-de-seconde-litteraire-sans-latin-bull-mathematiques-facultatives-pour-les-philosophes_3146226_1819218.html">La réforme Fouchet de 1965 du lycée général</a> supprime la sélection pour entrer en terminale et créé de nouvelles séries, dans lesquelles les volumes horaires de sciences et de mathématiques augmentent. On assiste à partir de la fin des années 1960 à une <a href="https://books.openedition.org/purh/1561">massification rapide de l’accès au bac général</a> : si celui-ci <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_ES_08-les_evolutions_de_l_enseignement_superieur_depuis_50_ans_croissance_et_diversification.php">ne concerne que 11 % d’une classe d’âge en 1962, cette part s’élève à 18 % en 1975</a> et à près de 44 % en 2022.</p>
<h2>Le poids des sciences dans le bac général</h2>
<p>Dans l’étude que nous avons menée, on qualifie de bac « sciences » les cursus en terminale générale incluant au moins 12h hebdomadaires de sciences, dont 5h30 de mathématiques. Avant 1994, cela équivaut aux séries C, D et E puis, entre 1994 et 2019, à la série S et, depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000037208167">réforme de 2019</a> aux doublettes de spécialités maths/sciences (soit numérique et sciences informatiques (NSI), soit physique-chimie (PC), soit sciences de l’ingénieur (SI) ou encore sciences de la vie et de la terre (SVT)). Les parcours sans spécialité maths en terminale ne seront pas comptabilisés.</p>
<p>Nous reconstituons à partir des <a href="https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/notes-dinformation.aspx">archives des données publiques</a> l’évolution des effectifs du bac sciences depuis 1962 pour la filière générale.</p>
<p>Après une forte croissance jusqu’en 2020, l’effectif chute de près de moitié depuis la réforme : il revient au niveau de 1988. Les bacheliers généraux étant moins nombreux en 1988, le poids relatif des sciences dans le bac général en 2022 est donc très inférieur à celui de 1988, comme nous l’illustrons ci-dessous :</p>
<p>Alors que le bac sciences constituait environ la moitié des bacs généraux entre 1962 et 2020, sa part chute à 27 % depuis la réforme. Même en comptabilisant l’ensemble des parcours sciences n’incluant que 3h de maths en option, cette part reste inférieure à 38 % en 2022.</p>
<p>Cette rupture marque une réduction inédite de la formation scientifique au lycée. Affirmer <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/discours-de-frederique-vidal-la-commission-culture-education-et-communication-du-senat-sur-la-lpr-45569">« l’importance vitale de la science pour notre pays »</a> et « en même temps » en réduire à ce point l’accès est paradoxal. Comment expliquer ce hiatus de la politique publique ? L’analyse de la composition des élèves concernés, en particulier selon le genre, permet d’en donner un éclairage.</p>
<h2>Filles et garçons : un inégal rapport aux sciences</h2>
<p>Créé en 1808 pour les garçons de l’élite bourgeoise auxquels les lycées sont alors réservés, le <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/10047-napoleon-cree-le-baccalaureat-premier-grade-universitaire">baccalauréat est la porte d’accès aux études supérieures</a>. Il ne deviendra accessible qu’en 1925 aux filles qui peuvent dès lors suivre les mêmes études que les garçons. Leur progression régulière dans les études secondaires aboutit à partir de 1968 à leur domination en nombre au baccalauréat général. Elles constituent actuellement environ 57 % de l’ensemble des bacheliers généraux, proportion stable depuis plusieurs décennies mais inégalement répartie selon les parcours.</p>
<p>Dans les parcours scientifiques, traditionnellement masculins, l’évolution des filles et des garçons montre leur progression régulière, avec un retard des filles sur les garçons qui se réduit peu à peu jusqu’en 2020. L’écart est alors le plus faible jamais atteint, signe d’un progrès notable pour l’égalité d’accès aux sciences entre les filles et les garçons :</p>
<p>Depuis la réforme de 2019, les effectifs scientifiques s’effondrent : la baisse est de 30 % pour les garçons et de 60 % pour les filles.</p>
<p>On représente sur le graphique ci-dessous l’évolution de la part du bac sciences selon le genre : il montre une relative stabilité entre 1962 et 2020 pour les filles et les garçons, avec une augmentation progressive de la part des bachelières scientifiques entre 1986 et 2020 :</p>
<p>La réforme de 2019 marque une rupture avec une baisse inédite du taux d’accès au bac sciences en 2022 tant pour les filles que les garçons, pour lesquels ce recul est moins marqué : les inégalités de genre se sont nettement aggravées depuis la réforme. C’est ce que montre ce graphique comparant la proportion des bacs sciences entre les garçons et les filles :</p>
<p>Si l’avantage a toujours été aux garçons, on constate un lent progrès vers l’égalité depuis 1986 et jusqu’en 2020. Après la réforme, en 2022, un garçon a 2,3 fois plus de chances qu’une fille d’avoir un bac « sciences », c’est l’inégalité la plus forte observée au cours de toute la V<sup>e</sup> République.</p>
<h2>Un recul inédit de l’égalité face aux sciences au lycée</h2>
<p>Le XX<sup>e</sup> siècle a permis l’ascension scolaire des filles <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047727?sommaire=6047805">qui sont désormais plus nombreuses que les garçons dans les études supérieures</a>. Pour autant, leur <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6960132">égalité économique ou sociale est loin d’être atteinte</a> encore aujourd’hui. Rappelons que, dans la société française, le droit d’une femme à ouvrir un compte bancaire ou à travailler sans l’accord d’un tuteur a moins de 60 ans. Autrement dit, le rôle de la femme tel qu’il est défini dans la société du XX<sup>e</sup> siècle limite son ascension sociale.</p>
<p>Un meilleur équilibre dans les <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus075.pdf">orientations vers les débouchés professionnels les mieux rémunérés</a>, dont celles vers les très masculines sciences et techniques, représente donc un enjeu de justice sociale. Le retour en arrière consécutif à la réforme de 2019 sur les progrès réalisés en ce sens au lycée général durant la V<sup>e</sup> République, nous place dans une situation sans précédent dans l’histoire contemporaine.</p>
<p>Une telle organisation au lycée n’aboutit finalement qu’à préserver une élite masculine dominante dans les parcours scientifiques au détriment de son accès à tous, dont les femmes.</p>
<p>Si la question du rapport des femmes aux sciences ne saurait se réduire à celle du bac, cette réforme, fondée sur un choix de « spécialités » sans garantir de socle de connaissances solides en mathématiques et en sciences, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-si-peu-de-filles-en-mathematiques-222028">contraint leur orientation et devenir professionnel, diminuant fortement les chances d’une promotion sociale et économique</a>.</p>
<p>Dans la longue succession des réformes du lycée, celle de 2019 est unique par son impact massif sur l’affaiblissement des filières scientifiques et la parité. Le gouvernement en mesure-t-il la portée ? Cette étude montre que l’effet des multiples discours concernant l’égalité face aux sciences est négligeable par rapport à l’effet d’un changement de structure du système.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mélanie Guenais est vice-présidente de la Société Mathématique de France et coordinatrice du Collectif Maths&Sciences. </span></em></p>Depuis la réforme du lycée de 2019, la proportion de filles suivant des cours de maths et de sciences jusqu’au baccalauréat a chuté. Le point sur une situation inédite.Mélanie Guenais, Maîtresse de conférences en mathématiques, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211342024-01-15T16:43:25Z2024-01-15T16:43:25ZEmmanuel Macron rebat ses cartes : nouveau gouvernement, nouvelle stratégie<p>Avant de s’adresser aux Français, Emmanuel Macron a donc décidé de changer de gouvernement : c’était, avec la dissolution, l’une des deux seules solutions dont il disposait pour tenter de sortir de la nasse où l’enfermaient ses adversaires. En effet, l’exécutif, pris dans les déboires procéduraux de l’examen de la loi sur l’immigration se trouvait <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-loi-immigration-dit-de-limpasse-dans-laquelle-se-trouve-emmanuel-macron-219920">dans une impasse</a>.</p>
<p>Emmanuel Macron devait dissiper l’atmosphère délétère de fin de partie entretenue par l’opposition, ainsi que les doutes apparus dans sa propre majorité, notamment sur la gauche, avec la loi Immigration. Resserrer les rangs de ses troupes, resserrer le gouvernement autour de quelques grands ministères incarnant les projets, restaurer la confiance dans l’action, s’entourer étroitement de proches totalement dévoués. En deux mots : rajeunir pour réagir, tel est le message qu’on tente d’impulser depuis l’Élysée.</p>
<p>Sur les dossiers névralgiques, il se voyait systématiquement entravé à l’Assemblée nationale, du fait d’un refus total du compromis par la tacite coalition des minorités d’opposition. Au mépris du <a href="https://theconversation.com/legislatives-lelection-de-la-rupture-184949">vote de juin 2022</a> par lequel les Français avait constitué une assemblée de type proportionnel ouvrant nécessairement la voie à des compromis politiques, la minorité plurielle s’est affirmée avant tout comme une majorité d’empêchements en refusant toute les mains tendues. La gauche emmenée par la Nupes, bloquant la majorité des propositions ; la droite tentant d’amener Renaissance à résipiscence en imposant son seul programme politique.</p>
<h2>Le changement, c’est maintenant</h2>
<p>2023, an VII de la Présidence Macron, marque un double échec. C’est la fin de sa stratégie du « en même temps » de droite et de gauche, et plus profondément, celui de la réforme du fonctionnement politique et institutionnel. Or, c’est pourtant bien cette dernière qui aurait permis d’avancer sur le terrain des compromis politiques et qui aurait dû être entamée préalablement.</p>
<p>Emmanuel Macron a visiblement renoncé à toute ambition réformatrice de ce côté. Au moins pour l’instant, gardant peut-être cette idée pour un bouquet final de son quinquennat.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour l’heure, à moins de la moitié du second mandat, il y avait, à peine de torpeur, urgence à tourner la page de ce redémarrage difficile et à tirer les conséquences de l’obstination de ses opposants. À la dissolution, Emmanuel Macron a cru préférable de sacrifier le gouvernement Borne, dans la plus pure logique de la V<sup>e</sup> République, <a href="https://theconversation.com/le-choix-attal-lhyperpresidentialisme-macronien-au-defi-de-labsence-de-majorite-parlementaire-220671">comme le rappelle très justement Arnaud Mercier</a>.</p>
<h2>Serrer les rangs</h2>
<p>Il s’agit donc d’un changement de gouvernement et non d’un remaniement ministériel. Étrange (et peut-être délibérée) confusion entre ces deux opérations que le droit constitutionnel ne confond pas car les incidences politiques et les conséquences juridiques ne sont pas les mêmes. L’article 8 de la Constitution ne connaît que la démission du Premier ministre qui entraîne celle du gouvernement, donc son remplacement.</p>
<p>Or, quasi tous les commentateurs s’en tiennent, à tort, au terme de remaniement, c’est-à-dire à une procédure de départ et de remplacement de quelques ministres au sein d’un même gouvernement (comme ce fut le cas en juillet 2023 par exemple). Ce qui, on le voit, aboutit à réduire la perception de la dimension de l’évènement. Il y a changement de gouvernement lorsqu’il y a démission (volontaire ou imposée) du premier ministre, lequel peut, éventuellement, être renommé. Cette démission implique qu’il y ait un nouveau décret de nomination du premier ministre et de l’ensemble d’un nouveau gouvernement par le président de la République. Puis d’une présentation au Parlement du programme de celui-ci, éventuellement sous la forme d’une déclaration de politique générale. Cette dernière, dans la logique de présidentialisme qui prédomine toujours, sera précédée ou accompagnée d’une prise de parole présidentielle. Il s’agit donc d’abord d’une rupture ouvrant une nouvelle période de la vie politique, alors qu’un remaniement s’inscrit dans la continuité.</p>
<p>Surtout, lorsque l’ancien titulaire du poste est remercié, la dimension symbolique et politique s’affiche fortement. Tel est bien le cas ici avec le départ d’Elisabeth Borne qui a poussé jusqu’au bout deux réformes emblématiques et qui, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/08/remaniement-le-supplice-d-elisabeth-borne-premiere-ministre-sur-un-siege-ejectable_6209608_823448.html">toute à surmonter les obstacles</a>, les traquenards voire les quolibets qu’on lui opposait, avait érodé son image de combattante.</p>
<h2>Le grand contournement</h2>
<p>Pour échapper à l’engourdissement politique et à moins de six mois des élections européennes, où les nuages populistes s’amoncellent au dessus de Strasbourg, Emmanuel Macron a désigné son ennemi principal : le Rassemblement national. Le parti est pronostiqué à 30 % au scrutin européen.</p>
<p>Pour le combattre, il en a signalé l’allié essentiel : l’immobilisme. Il a désigné son chef d’état-major : Gabriel Attal.</p>
<p>Le choix s’imposait presque naturellement : l’extrême jeunesse, synonyme d’audace qui n’attend pas le nombre des années, le sens de l’action et de la communication, le brio et l’énergie, tous éléments qui en quelques mois l’ont propulsé en tête des responsables politiques préférés des Français. Si l’on y ajoute son total dévouement à la personne du Chef de l’État, on aura le portrait idéal d’un Premier ministre pour Président voulant prendre les choses directement en main.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jiuNEm2XwoM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Alexi Kohler annonce le gouvernement Attal, jeudi 10 janvier 2023.</span></figcaption>
</figure>
<p>Nous voilà dans le style devenu classique de la V<sup>e</sup> République présidentialisée. Rien ne manque : la formation dans l’éxécutif d’une garde rapprochée en sus de Gabriel Attal, avec Prisca Thevenot au renouveau démocratique et au porte-parolat, Stéphane Séjourné à l’Europe et aux Affaires étrangères, Marie Lebec aux relations avec le Parlement. Voilà la génération Macron en marche gouvernementale. Classique également, le congédiement des ministres ayant franchi la ligne jaune de l’espace présidentiel ou s’étant montré critiques, comme la ministre de la Culture, ou celle des Affaires étrangères.</p>
<p>Le cas de Stéphane Séjourné relève de la lecture hypertexte : promu en tant qu’européaniste et fidèle d’Emmanuel Macron, sa nomination s’interprète aussi comme une exfiltration du Parlement européen. Le voici dispensé d’être le leader naturel de la liste de la majorité présidentielle, son départ libérant la place pour une personnalité plus marquante et plus rassembleuse pour combattre le RN.</p>
<p>La priorité n’est plus aux mains tendues et aux négociations, dont l’Exécutif a pu mesurer la vanité. Par sa composition, ce gouvernement indique un changement profond de stratégie. L’heure est désormais à rendre l’action et le travail de terrain plus visibles. Emmenés par Gabriel Attal, les ministres doivent multiplier les lieux d’intervention, prendre à rebours voire devancer les partis d’opposition. Et par cette tactique de contournement, saper leurs arrières en les plaçant en contradiction avec l’opinion publique.</p>
<h2>Glanage et labourage</h2>
<p>Cette stratégie tout terrain de l’offensive s’accompagne d’un efficace travail d’approche individuelle des membres de l’opposition. Particulièrement à droite car du côté de la gauche, tant que rôdera la tentation de la Nupes et la nostalgie des anciens responsables, il y a peu à glaner.</p>
<p>On observe naturellement que sur les 15 ministres déjà désignés, huit viennent de la droite : c’est que celle-ci, déchirée et inquiétée par les prélèvements du RN dans son électorat, a un urgent besoin de retrouver son centre de gravité.</p>
<p>L’interconnexion avec les réseaux sarkozistes a permis l’enrôlement d’une Rachida Dati, « nouvelle Madone » de la rue de Valois qui trouble profondément des Républicains en pleine incertitude.</p>
<p>Si le changement de gouvernement peut offrir un moment de ciel bleu au président, le fossé est encore profond qui sépare les Français de leurs gouvernants. Si l’on voit clairement l’écueil que le président Macron veut contourner, on mesure aussi la fragilité des moyens d’y parvenir, avec une majorité de plus en plus relative. Dans ce climat de doute profond quant à l’efficience des dirigeants, il est effectivement essentiel de fixer un cap pour la Nation. Cap sans lequel on s’exposerait au risque dévastateur d’un orage à sec.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>2023, an VII de la Présidence Macron, marque un double échec : la fin de sa stratégie du « en même temps » et plus profondément, celui de la réforme du fonctionnement politique et institutionnel.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196282023-12-14T19:04:56Z2023-12-14T19:04:56ZComment le Maroc veut stimuler son économie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/564816/original/file-20231211-19-cgbr0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C7%2C1155%2C891&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme de nombreux pays ayant un revenu intermédiaire en 1960, le Maroc n’a pas encore réussi à atteindre le statut d’économie avancée.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/370336">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>Au cours de ces dernières années, le Maroc a été confronté à une série de chocs exogènes : épidémie de la Covid-19 en 2020, <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/02/18/le-maroc-accable-par-une-secheresse-exceptionnelle_6114309_3212.html">sècheresse exceptionnelle en 2022</a>, ainsi qu’un séisme de magnitude 6,9 qui a frappé la province d’Al-Haouz dans le Haut Atlas, le 8 septembre 2023. Cette catastrophe naturelle a fait près de trois mille morts et a causé de nombreux dégâts matériels.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-consequences-economiques-du-tremblement-de-terre-au-maroc-213824">Les conséquences économiques du tremblement de terre au Maroc</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Quelques semaines seulement après le séisme se sont néanmoins tenues, à Marrakech, les assemblées semi-annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Dans leur sillage, le FMI a publié un <a href="https://www.imf.org/en/Publications/Books/Issues/2023/09/22/Moroccos-Quest-for-Stronger-and-Inclusive-Growth-525734">rapport</a> mettant en évidence la stabilité macroéconomique, la résilience institutionnelle et le cadre réglementaire avancé du Maroc. L’étude montre également la remarquable capacité du royaume à attirer les investissements directs étrangers (IDE), notamment dans l’industrie manufacturière à moyenne et haute technologie (automobile, aéronautique, électronique).</p>
<h2>Un ralentissement de la croissance</h2>
<p>Ces résultats ont été obtenus grâce aux investissements significatifs consentis dans les infrastructures, dont les exemples les plus emblématiques sont le mégaport de Tanger Med, et la ligne à grande vitesse (LGV) reliant Tanger à Casablanca. C’est aussi le résultat d’une politique industrielle incarnée par le Plan d’accélération industrielle lancé en 2014. Les infrastructures routières, ferroviaires et portuaires du pays sont au même niveau de qualité que dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), selon l’institution basée à Washington.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2lRKrl8h9SI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Tanger Med, le mégaport qui fait peur aux Espagnols (Lareleve.ma, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Nonobstant ces acquis indéniables, auxquels on peut ajouter une <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codePays=MAR&codeStat=SP.POP.IDH.IN">hausse continue du développement humain</a> (xxx) depuis 1990, l’économie marocaine connaît un ralentissement marqué de sa croissance depuis près d’une décennie. Cette dernière est en effet passée de 5 % en moyenne entre 2000 et 2009 à 3,5 % en moyenne entre 2010 et 2019.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/564811/original/file-20231211-21-my0vdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/564811/original/file-20231211-21-my0vdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/564811/original/file-20231211-21-my0vdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=264&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/564811/original/file-20231211-21-my0vdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=264&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/564811/original/file-20231211-21-my0vdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=264&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/564811/original/file-20231211-21-my0vdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/564811/original/file-20231211-21-my0vdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/564811/original/file-20231211-21-my0vdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le ralentissement de la croissance économique au Maroc au cours des 20 dernières années.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/939061643868052130/pdf/Moroccos-Jobs-Landscape-Identifying-Constraints-to-an-Inclusive-Labor-Market.pdf">Banque mondiale</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce ralentissement de la croissance économique s’est accompagné d’une baisse du contenu en emploi de la croissance, pratiquement <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/939061643868052130/pdf/Moroccos-Jobs-Landscape-Identifying-Constraints-to-an-Inclusive-Labor-Market.pdf">divisée par trois</a>, ainsi que d’une hausse concomitante du chômage des jeunes et d’un <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/939061643868052130/pdf/Moroccos-Jobs-Landscape-Identifying-Constraints-to-an-Inclusive-Labor-Market.pdf">recul de la participation au travail</a>, notamment celle des jeunes femmes âgées de 20 ans et plus.</p>
<p>Comme beaucoup d’autres pays émergents, le Maroc est confronté au « <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/969991468339571076/pdf/WPS6594.pdf">piège du revenu intermédiaire</a> ». Ce concept élaboré par la Banque mondiale se fonde sur un constat empirique : seule une poignée de pays à revenu intermédiaire en 1960 ont réussi à atteindre le statut d’économie avancée en 2010. Si l’on excepte les pétromonarchies du Golfe, dont l’ascension est liée à la rente des hydrocarbures, le constat est encore plus sévère. Parmi les pays qualifiés en « première ligue économique », on trouve les bien connus « tigres et dragons » asiatiques, ainsi qu’une poignée seulement de pays situés hors d’Asie.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Selon le <a href="https://csmd.ma/documents/Rapport_General.pdf">rapport</a> de la Commission spéciale modèle de développement (CSMD), le Maroc ne valorise pas suffisamment son capital humain, dans un contexte de faible transformation structurelle. Le secteur agricole emploie encore un tiers de la population active et l’emploi informel représente <a href="https://www.policycenter.ma/sites/default/files/2023-07/Rapport--L%27informelauMaroc.pdf">70 % à 80 % de l’emploi total</a>. Le rapport précité du FMI pointe également le problème des inégalités de genre, notamment dans l’accès à l’emploi, comme la cause principale du ralentissement de la croissance.</p>
<h2>La protection sociale étendue</h2>
<p>En 2020, en pleine épidémie de Covid-19, le roi Mohammed VI a annoncé un ensemble de politiques destinées à sortir du piège du revenu intermédiaire. Ce nouveau programme de réformes inclut un plan d’envergure pour généraliser la protection sociale et une réforme de l’État actionnaire, à travers la rationalisation des entreprises publiques existantes, et le lancement d’un Fonds stratégique destiné à investir dans les entreprises privées à fort potentiel de croissance.</p>
<p>Le <a href="https://www.cg.gov.ma/fr/conseils-de-gouvernement/le-chef-du-gouvernement-la-generalisation-de-la-protection-sociale-lancee">plan d’universalisation de la protection sociale</a>, votée en avril 2021, a été mis en œuvre par étape : tout d’abord à travers l’extension à tous les Marocains –, quel que soit leur statut social ou professionnel – de l’assurance maladie obligatoire (AMO) qui était réservée jusque-là aux salariés. Seconde étape : la mise en œuvre d’un programme ambitieux d’aides sociales directes ciblant 60 % des ménages non couverts par un régime de protection sociale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1383100381601918978"}"></div></p>
<p>Ces aides comprennent une allocation de subsistance avec un plancher mensuel de 500 dirhams (Dh) par ménage bénéficiaire, ainsi que des allocations supplémentaires pour les enfants, les handicapés et les personnes âgées. Au total, l’aide peut dépasser les 1000 Dh par mois, soit près d’un tiers du salaire minimum officiel.</p>
<p>Le financement de ces aides reposera à la fois sur la rationalisation des dispositifs d’aide existants, la mobilisation de ressources fiscales supplémentaires ainsi que la décompensation progressive des prix de certains produits de base encore subventionnés comme la farine de blé tendre, le sucre et le gaz de pétrole liquéfié (GPL).</p>
<h2>Nouveau paradigme</h2>
<p>Ces mesures, assimilables à un revenu minimum, visent à fournir un soutien immédiat au pouvoir d’achat des ménages pauvres et vulnérables. Ainsi, le programme cherche à briser la mécanique de la pauvreté et de l’exclusion à travers l’investissement dans le capital humain des enfants – la perception intégrale des aides est conditionnée à la scolarisation de ces derniers – et la libération des énergies individuelles – notamment celles des femmes non qualifiées, qui pourront prétendre à des emplois plus rémunérateurs que les emplois d’aide à la personne dans lesquels elles sont souvent cantonnées.</p>
<p>Ces aides directes devraient également soutenir la croissance économique dans les localités les plus pauvres du pays – en soutenant la demande des ménages – et favoriser la résorption de l’économie informelle.</p>
<p>Dans l’ère pré-Covid, pour sortir du piège du revenu intermédiaire, de nombreux pays – Maroc compris – avaient mis en œuvre une politique centrée sur l’offre, fondée sur des mesures d’inspiration libérale comme la dérégulation des marchés. Les bouleversements induits par la pandémie ont fait émerger au Maroc un nouveau paradigme en matière de politiques publiques, mettant davantage l’accent sur la complémentarité entre l’offre et la demande, entre l’État et le marché. Ce rééquilibrage peut désormais inspirer d’autres pays en développement en Afrique et ailleurs dans le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219628/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Kateb fait partie de l'équipe de consultants qui a conseillé le gouvernement marocain pour l'élaboration de la réforme de la protection sociale.</span></em></p>Le royaume tente de stimuler son économie en mobilisant à la fois une politique de l’offre et de la demande, symbolisée par la récente extension de la protection sociale.Alexandre Kateb, Maître de conférence en économie, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2082482023-06-26T17:22:22Z2023-06-26T17:22:22ZLa crise démocratique peut-elle être résolue par la réforme des institutions ?<p>La séquence politique ouverte par la réforme des retraites a remis au premier rang la question de la crise démocratique en France. Le gouvernement a utilisé systématiquement toutes les dispositions constitutionnelles pour encadrer la procédure parlementaire, à un moment où il ne disposait que d’une majorité relative, afin de concentrer la décision au sommet du pouvoir exécutif en justifiant ces procédés comme découlant naturellement du programme qu’Emmanuel Macron avait présenté en 2022 et pour lequel il avait été élu.</p>
<p>Le débat s’est donc tout de suite orienté vers une nécessaire réforme de la Constitution afin de donner plus de place au Parlement et réduire les pouvoirs de la présidence jugés excessifs notamment par la Nupes mais aussi par <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/reforme-des-retraites-il-y-a-un-deni-de-democratie-parlementaire-estime-le-constitutionnaliste-dominique-rousseau_5716706.html">certains constitutionnalistes</a>.</p>
<h2>Revenir au régime parlementaire</h2>
<p>Le retour au régime parlementaire a été évoqué depuis longtemps par La France Insoumise dans le cadre de son projet de <a href="https://theconversation.com/changer-de-constitution-pour-changer-de-regime-180160">VIᵉ République</a> qui propose également, tout comme le Rassemblement national, de passer au scrutin proportionnel et de pratiquer des <a href="https://theconversation.com/reviser-la-constitution-par-referendum-la-pratique-peut-elle-contredire-le-texte-181425">référendums d’initiative citoyenne</a>.</p>
<p>Mais des propositions ont été également faites par le gouvernement dans le cadre du <a href="https://theconversation.com/le-grand-debat-national-des-demandes-contradictoires-sur-un-arriere-fond-populiste-et-moralisateur-114241">Grand débat national de 2019</a> afin de modifier le mode de scrutin pour introduire une dose de proportionnelle, réduire la durée des mandats électifs dans le temps ou élargir le <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/20801-projet-lois-2018-democratie-plus-representative-reforme-institutions">champ du référendum</a>. Ces projets sont restés lettre morte mais l’idée générale, développée depuis longtemps <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/book/?gcoi=27246100188930">dans la littérature internationale de science politique</a>, est d’améliorer le fonctionnement démocratique par la réforme des institutions, notamment en développant la <a href="https://theconversation.com/rip-un-nouveau-rejet-du-conseil-constitutionnel-interroge-les-limites-du-pouvoir-du-peuple-205045">participation des citoyens</a>.</p>
<p>Ces réformes auraient pour but de sauver la démocratie représentative face aux dérives autoritaires, aux manipulations de l’opinion et au simplisme démagogique que la démocratie directe peut produire. Le problème est de savoir si la démocratie représentative elle-même est encore « sauvable », surtout lorsque l’Assemblée nationale donne une piteuse image du débat démocratique en passant <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/21/olivier-rozenberg-politiste-a-terme-le-blocage-legislatif-est-suicidaire-pour-le-parlement-mais-aussi-pour-le-systeme-politique-tout-entier_6178520_823448.html">aux insultes et aux provocations</a>.</p>
<p>On peut donc poser deux questions de recherche : est-ce que la critique de la démocratie représentative est moins intense dans des régimes parlementaires ? Est-ce que la confiance dans les institutions politiques est plus forte dans ces régimes ? On s’appuiera ici sur les données de la vague 14 du Baromètre de la confiance politique du Cevipof <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Barometre%20de%20la%20confiance%20en%20politique%20-%20vague%2014%20-%20Fevrier%202023%20-%20vFR.pdf%20(1).%20pdf">réalisée en février 2023</a> qui permettent de comparer la France à l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni, trois pays à régimes parlementaires aux modes de scrutins variés. L’ensemble des éléments d’analyse et des variables est présenté <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/NoteBaroV14_LR_crisedemoetfauxsemblants_mai2023_VF.pdf">dans une note de recherche récemment publiée</a>.</p>
<h2>La critique de la représentation ne dépend pas du régime institutionnel</h2>
<p>La première observation tient à ce que le rejet des élus et donc du principe même de la représentation est très général mais ne varie pas en fonction du régime institutionnel ou du mode de scrutin adopté par chaque pays. On a construit un indice de critique de la démocratie représentative à partir des réponses positives (tout à fait d’accord ou plutôt d’accord) aux propositions suivantes : « c’est le peuple, et pas les responsables politiques, qui devrait prendre les décisions politiques les plus importantes » ; « je préfèrerais être représenté·e par un citoyen ordinaire plutôt que par un politicien professionnel » ; « les responsables politiques sont déconnectés de la réalité et ne servent que leurs propres intérêts ».</p>
<p>Ces trois variables sont fortement corrélées entre elles et constituent une échelle statistique fiable que l’on a dichotomisée entre un niveau bas de critique (aucune ou une réponse positive) et un niveau élevé (deux ou trois réponses positives). Si l’on examine la distribution du niveau élevé, on voit que l’écart entre les catégories populaires et les catégories supérieures est le plus important en France (12 points) avant celui que l’on observe au Royaume-Uni (7 points). Bien plus, la corrélation s’inverse en Allemagne et Italie où ce sont les catégories supérieures qui s’avèrent être plus critiques à l’égard de la représentation que les catégories populaires ou moyennes. De tels résultats montrent que l’analyse en termes de « populisme » se révèle spécieuse car les catégories supérieures critiquent partout en majorité la représentation politique.</p>
<p><iframe id="mrXjf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mrXjf/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Le régime parlementaire ne crée pas davantage de confiance dans les institutions politiques</h2>
<p>La seconde question est tout aussi centrale dans le débat actuel. L’effondrement du niveau de confiance dans les institutions politique pose la question de savoir si cette confiance est plus haute dans des pays où l’on pratique une démocratie parlementaire pacifiée. La réforme des retraites n’a pas fait que nuire au pouvoir exécutif, <a href="https://theconversation.com/comment-une-crise-parlementaire-inedite-est-nee-avec-la-reforme-des-retraites-204596">elle a également touché le Parlement</a>.</p>
<p>La proportion d’enquêtés ayant confiance dans l’institution présidentielle est passée de 38 % en janvier 2022 à 30 % en février 2023 mais la proportion de ceux qui ont confiance dans l’Assemblée nationale est passée dans le même temps de 38 % à 28 %. Et la proportion de ceux qui ont confiance dans leur député n’est que de 36 %, soit le niveau le plus bas atteint depuis la création du Baromètre en 2009.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Mais les régimes parlementaires que nous avons étudiés ne font guère mieux. En Italie et au Royaume-Uni, le niveau de confiance dans la chambre basse est de 27 % alors que les modes de scrutin y sont radicalement différents. Ce n’est qu’en Allemagne que cette proportion s’élève à 47 %. Si l’on crée un indice de confiance dans les institutions politiques qui intègre la confiance dans le gouvernement, dans la chambre haute et la chambre basse, et qu’on le dichotomise en deux niveaux, on voit que les résultats sont similaires en France, en Italie et au Royaume-Uni.</p>
<p>Mais c’est toujours en France que le contraste est le plus fort entre les catégories populaires et les catégories supérieures dans la confiance qu’elles portent aux institutions politiques. Une fois de plus, ce ne sont pas les institutions qui font la différence mais les catégories sociales.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-travail-de-lassemblee-nationale-sest-invite-dans-le-quotidien-207071">Comment le travail de l’Assemblée nationale s’est invité dans le quotidien</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p><iframe id="T7EoL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/T7EoL/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’analyse montre au total qu’il n’y a pas de corrélation entre le système institutionnel et la crise démocratique. Des régimes parlementaires ayant des structures fortement décentralisées et fonctionnant avec des modes de scrutin très différents n’obtiennent pas des résultats bien meilleurs que ceux obtenus en France. La crise démocratique prend moins sa source dans le fonctionnement même de la V<sup>e</sup> République que dans les <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100861310">dynamiques sociales</a> qui génèrent la confiance ou la défiance dans les institutions. C’est pourquoi la réforme institutionnelle ne servira à rien tant que des questions comme la mobilité sociale ou l’accès aux élites n’auront pas été résolues.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208248/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise démocratique doit être reliée aux inégalités sociales et de classe autant qu’à la confiance portée aux institutions.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2070432023-06-07T19:48:08Z2023-06-07T19:48:08ZFace à Parcoursup, le bac a-t-il encore une valeur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530123/original/file-20230605-21-plyave.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C2%2C1561%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image extraite du film «&nbsp;Chante ton bac d'abord&nbsp;», qui suit une bande d'adolescents arrivés en fin de lycée.</span> <span class="attribution"><span class="source">Copyright Bodega Films (Allociné)</span></span></figcaption></figure><p>Le baccalauréat a-t-il toujours une valeur ? Et sert-il encore à quelque chose ? Nombreuses sont les <a href="https://theconversation.com/bac-2020-a-t-on-fait-le-bon-choix-135606">péripéties</a> ayant marqué la réforme du bac actée en 2019, instaurant <a href="https://eduscol.education.fr/725/presentation-du-baccalaureat-general">40 % de contrôle continu</a> et la fin des séries de bac général S (scientifique), ES (économique et social) et L (littéraire) au profit d’une combinaison de spécialités – maths, histoire-géographie, langues, humanités, etc. – dont les <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/21/j-ai-du-mal-a-realiser-que-c-est-vraiment-le-bac-alors-qu-on-est-au-milieu-de-l-annee-la-grande-premiere-des-epreuves-de-specialites_6166320_3224.html">épreuves finales sont organisées dès le mois de mars en terminale</a>.</p>
<p>La mise en place de cette nouvelle formule a été secouée tant par la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/03/09/le-Covid-met-la-reforme-du-bac-a-l-epreuve_6072418_3224.html">crise du Covid-19</a> que par des résistances d’ordre syndical, ou idéologique, conduisant à interroger le sens de l’examen lui-même. La hauteur des derniers taux de réussite, jugés excessifs par beaucoup, ne conforte-t-elle pas l’idée que cet examen ne vaut plus rien ? Et la place prise par Parcoursup, et son calendrier, à conclure qu’il ne sert plus à rien ?</p>
<p>Pour trancher, il nous faut comprendre ce qui est en jeu, et être attentifs à la confrontation entre plusieurs logiques, de nature conflictuelle. En passant ainsi d’une vision statique à une vision dynamique du problème.</p>
<h2>La montée de la logique du concours</h2>
<p>Le baccalauréat n’est pas un concours. Dans son travail consacré à <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-societe-du-concours-annabelle-allouch/9782021350258"><em>La société du concours</em></a>, Annabelle Allouch fait observer que, d’une façon générale, le renforcement du poids des concours s’accompagne d’une « dévalorisation du diplôme ». Le bac est un examen, qui atteste, en tant que diplôme, que l’on a suivi avec succès des études secondaires. Il témoigne de la réussite à une série d’épreuves de contrôle. Un concours est une modalité de sélection, qui permet de classer les candidats à un poste, ou une fonction, dans le cadre d’une politique de numerus clausus.</p>
<p>Le concours et l’examen diplômant imposent donc tous les deux le recours à des épreuves, mais avec des finalités différentes. Le diplôme <a href="https://www.esf-scienceshumaines.fr/accueil/380-le-defi-d-une-evaluation-a-visage-humain.html">certifie un niveau d’études</a>. D’une certaine façon, il départage les reçus et les recalés, ceux qui atteignent le niveau requis et ceux qui ne l’atteignent pas. Mais il n’a pas pour fin de sélectionner. Le tri opéré par le concours est beaucoup plus sévère, car sa fin propre est de sélectionner, pour un nombre de places limité dès le départ. À l’examen, il faut réussir. Au concours, <a href="https://www.puf.com/content/L%C3%A9valuation_une_menace">« réussir mieux que les autres »</a>. Ce n’est pas du tout la même chose…</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/loCIlDLQ97I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bac 2022 : les épreuves écrites des spécialités, une première (France 3 Grand Est).</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans ces conditions, on peut se demander si <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/04/parcoursup-risque-de-tuer-le-bac_6133266_3232.html">l’entrée en jeu de Parcoursup ne chamboule pas les règles du jeu</a>, au point de « tuer » le baccalauréat, selon un titre du <em>Monde</em> en juillet 2022. Ce qui marquerait le triomphe du concours sur le diplôme. Car Parcoursup a été créé pour ajuster des souhaits individuels avec des offres institutionnelles de formation, ce qui impose une analyse en termes de rencontre. Or, en fin du secondaire, la correspondance entre les demandes des élèves et l’offre de places disponibles est loin d’être harmonieuse.</p>
<p>De facto, la sélection se trouve placée au cœur du système, en tout cas pour les « filières de prestige, ou bien « en tension ». Dans un contexte, qui plus est, d’inflation des taux de réussite au bac, l’essentiel, pour les lycéens, n’est pas d’obtenir son bac, mais de voir ses vœux satisfaits sur Parcoursup. C’est la logique de concours qui finit par l’emporter, au détriment de la logique du diplôme dans laquelle s’inscrit le bac.</p>
<h2>Un visa pour l’enseignement supérieur ?</h2>
<p>Le risque de voir <a href="https://theconversation.com/sur-parcoursup-les-emotions-des-lyceens-influencent-leurs-choix-179432">Parcoursup</a> venir « tuer » le bac est d’autant plus fort que, précisément, la logique des concours vient rencontrer et renforcer (conforter) la logique de construction de parcours qui est à l’œuvre dans toute histoire scolaire.</p>
<p>La société s’efforce de réguler les flux d’élèves en structurant le système scolaire de façon à offrir différentes possibilités de parcours, débouchant sur des diplômes qui sont, pour différentes raisons, de valeur inégale. Le jeu de la reconnaissance sociale se traduit ainsi par la mise sur le « marché » d’un ensemble de diplômes hiérarchisé, parmi lesquels le bac. Dans ce système, chacun s’efforce, en fonction de ses conditions matérielles d’existence, et de certaines dispositions d’origine individuelle, ou sociale, de s’inscrire dans un parcours de réussite conforme à ses aspirations.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/parcoursup-les-adolescents-face-au-stress-des-choix-dorientation-203018">Parcoursup : les adolescents face au stress des choix d’orientation</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans l’idéal, les logiques de développement individuel se déploient harmonieusement au sein d’un système scolaire rationnellement structuré. Dans la réalité, certaines ambitions entrent en collision. Il y a des points de passage où l’on se bouscule. Et c’est là qu’il s’avère particulièrement nécessaire de réussir mieux que les autres.</p>
<p>Apparaissent ainsi des moments cruciaux où le flux des élèves tentant de s’orienter au mieux de leurs intérêts vient buter contre les écluses et les digues mises en place par la société pour canaliser les parcours de formation. L’entrée dans l’enseignement supérieur, après le bac (et grâce à lui), est l’un de ces principaux moments. Car le bac est à la fois un diplôme, valant reconnaissance sociale de son niveau, et un passeport, permettant d’accéder au territoire des formations supérieures.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans une logique de distribution de diplômes, la reconnaissance sociale dont leur possession témoigne ne manque pas d’importance. De nombreuses études ont souligné <a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-des-diplomes-pour-imaginer-lavenir-171223">leur rôle protecteur en matière de chômage</a> et d’insertion sociale. Mais, en tant que passeport, le bac s’est démonétisé, car il ne comporte pas les « visas » qui permettraient de s’orienter vers l’espace d’études de son choix. Visas que, désormais, Parcoursup est seule à délivrer…</p>
<p>C’est pourquoi la logique individuelle de construction d’un parcours de réussite passe aujourd’hui beaucoup moins par l’obtention du bac, d’ailleurs pratiquement à la portée de tous (<a href="https://www.education.gouv.fr/resultats-definitifs-de-la-session-2022-du-baccalaureat-des-resultats-en-baisse-apres-deux.tricesions-357740">91 % de réussite en 2022</a>) que par des stratégies de positionnement sur Parcoursup, et la recherche des offres de formation jugées les plus « payantes » en matière de construction d’un capital culturel, et de future insertion socioéconomique.</p>
<h2>Les défis de l’orientation scolaire</h2>
<p>Finalement, pour celui qui s’inscrit dans un parcours scolaire, le problème principal, et récurrent, est de savoir bien s’orienter. En ce sens, le Chef de l’État a sans doute eu raison d’affirmer qu’il nous faut <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/14/au-congres-de-france-universites-emmanuel-macron-presente-sa-version-de-l-universite-de-demain_6109546_3224.html">« repenser profondément l’orientation de nos adolescents et de nos jeunes »</a>. Mais une chose est d’éclairer les choix. Autre chose de mettre concrètement tous les choix à la portée de tous.</p>
<p>Tant qu’il y aura une hiérarchisation sociale des formations et des filières, et tant que tous n’auront pas accès à tous les choix (société idéale que postulent ceux qui réclament la suppression sans remplacement de Parcoursup), les ambitions viendront buter sur des points de passage où, de fait, une sélection s’impose. Ces points de passage sont ainsi des lieux où une dynamique de formation se heurte à une exigence de sélection. En tout cas, tant que le nombre de places disponibles dans les unités de formation ne sera pas significativement supérieur au nombre de candidats…</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-le-bac-a-t-il-encore-un-avenir-163323">Débat : Le bac a-t-il encore un avenir ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le problème est donc, pour les individus, comme pour la société, d’optimiser la rencontre entre des dynamiques d’orientation pilotées individuellement, et des mécanismes de tri dont la présence et le jeu sont imposés par l’organisation, et par l’état, du système social de formation.</p>
<p>Dans ces conditions, on comprend que l’on puisse raisonner en termes de bonne ou de fausse monnaie. Du point de vue de l’accès aux filières « lucratives » du supérieur, le bac est devenu de la fausse monnaie. Il est un diplôme dont la valeur utilitaire est désormais minime. C’est Parcoursup, où se joue l’accès aux formations à plus forte plus-value (classes préparatoires, Sciences Po), qui impose son agenda.</p>
<p>Faut-il alors conserver le bac ? Oui, sans doute, comme rituel symbolique d’accession à la « maturité » (son nom dans la plupart des autres pays). Mais en prenant acte du fait, aujourd’hui fondamental, que <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-societe-du-concours-annabelle-allouch/9782021350258">« la sélection compte comme une certification symboliquement et monétairement plus forte que le diplôme »</a>.</p>
<p>Le bac remplit toujours, très formellement, la fonction d’écluse qu’il faut passer pour accéder à la haute mer des formations du supérieur. Dans la réalité, cette fonction d’écluse, à double valeur de sélection et d’orientation, est désormais dévolue à un mécanisme de type Parcoursup qui, dans l’état actuel des choses, signifie bien le crépuscule du baccalauréat…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207043/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un système où une grande part du bac se joue en contrôle continu et où Parcoursup régule l’accès à l’enseignement supérieur, le bac a-t-il encore un sens ?Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056982023-05-30T16:11:53Z2023-05-30T16:11:53ZLycée : surmonter les clichés sur la voie professionnelle<p>La réforme du lycée professionnel fait partie des sujets phares de <a href="https://www.education.gouv.fr/rentree-scolaire-2023-2024-dossier-de-presse-379077">la rentrée scolaire 2023</a>. Le contenu en a été présenté <a href="https://www.letudiant.fr/lycee/lycee-pro-cap/reforme-de-la-voie-pro-les-nouveautes-annoncees-par-emmanuel-macron-pour-la-rentree.html">jeudi 4 mai</a> par le président Macron. Le <a href="https://www.education.gouv.fr/media/155246/download">dossier de presse qui accompagnait ces annonces</a> mettait en avant la nécessité de rendre la filière attractive et d’en faire une voie de réussite et d’excellence. En filigrane s'esquissait ainsi le portrait d’un élève en manque de réussite subissant une orientation par défaut et enclin au décrochage.</p>
<p>Ces discours et ces propositions et mesures s’inscrivent dans une longue tradition d’actions en faveur de la revalorisation de la filière professionnelle, mises en œuvre depuis plus de 50 ans.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-lycee-professionnel-une-voie-de-formation-en-danger-194874">Le lycée professionnel, une voie de formation en danger ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Rien d’étonnant ici à ce que dans nous retrouvions les <a href="https://journals.openedition.org/ries/pdf/1722">habituels lieux communs</a>, faisant du lycée professionnel (LP) un lieu accueillant avant tout des élèves en rupture avec l’école, ou avec certaines disciplines comme les mathématiques. </p>
<p>Mais les jeunes inscrits dans cette filière ont-ils un rapport aux savoirs si différent de celui qu'affichent leurs camarades préparant un baccalauréat général ?</p>
<h2>Un rapport pratique aux savoirs ?</h2>
<p>Perçue comme un facteur important dans l’échec scolaire de ces élèves, la question du <a href="https://spirale-edu-revue.fr/IMG/pdf/21_Jellab_Spi26F.pdf">sens qu’ils donnent au fait d’aller à l’école et d’y apprendre des choses nouvelles</a> est centrale dans les réflexions sur la mise en œuvre des formations. Forts du contexte social dans lequel ils évoluent et de leur passé scolaire, les élèves de lycée professionnel ont développé essentiellement un <a href="https://www.cairn.info/revue-administration-et-education-2017-3-page-109.htm">rapport pratique aux savoirs</a>. C’est-à-dire qu’ils mesurent en quelque sorte l’intérêt aux activités proposées et la légitimité des connaissances enseignées à l’aune de leur utilité et de leur caractère pratique.</p>
<p>Ils valoriseraient ainsi fortement <a href="https://www.cairn.info/la-domination-scolaire--9782130592211.htm">l’apprentissage empirique et les savoirs professionnels</a> permettant une action directe sur la réalité, tandis qu’ils rejetteraient la théorie et les savoirs décontextualisés. Cette entrée sociologique dessine une image du public reprise comme soubassement réflexif dans des rapports institutionnels (<a href="https://www.cnesco.fr/dossier-enseignement-professionnel/">CNESCO</a>, <a href="https://cache.media.education.gouv.fr/file/2016/44/7/2016-078_Recensement_enseignement_professionnel_690447.pdf">IGEN</a>) ou des <a href="https://www.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2017-1-page-107.htm?ref=doi">recherches</a> portant notamment sur la mise en œuvre de l’enseignement de mathématiques.</p>
<p>Pour les acteurs éducatifs, l’affaire est entendue pour ainsi dire. Et c’est principalement pour raccrocher ces élèves à l’école que les dernières réformes ont mis en avant les finalités pratiques de la formation à travers la pédagogie de projet ou des dispositifs comme le <a href="https://www.education.gouv.fr/promouvoir-la-voie-professionnelle-au-coeur-des-metiers-d-avenir-342832">chef-d’œuvre ou le co-enseignement</a>. Objectif affiché : les aider à retrouver le sens et le goût des études.</p>
<p>La représentation que les acteurs éducatifs se font des élèves est décisive dans la <a href="https://www.cairn.info/recherches-et-expertises-pour-l-enseignement-scien--9782804165925-page-29.htm">définition des modalités d’enseignement des disciplines générales</a> dans la filière professionnelle. Toutefois, cette focalisation sur la facette sociale des élèves interroge. Pour construire leur cours les enseignants essayent-ils de s’en détacher ? Ou cette facette sociale est-elle considérée en quelque sorte comme un caractère indiscutable de ce public, « être mauvais en mathématiques » faisant partie de la nature des élèves ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-lycee-professionnel-enfin-sujet-de-debats-180808">Le lycée professionnel, enfin sujet de débats ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En effet, si ces résultats sont massifs, ils ne sont pas absolus. D’abord, la filière professionnelle n’a rien de monolithique et se décline en de multiples spécialités, dialoguant avec des bassins d’emplois ayant tous leurs particularités et tenant compte des conditions locales de recrutement. Ensuite, si la forme de rapport au savoir indiquée précédemment est majoritaire chez les élèves de cette voie, elle n’est <a href="https://www.cairn.info/le-baccalaureat-professionnel-impasse-ou-nouvelle---9782130651086.htm">« ni unilatérale, ni fixée dans le temps »</a>.</p>
<h2>Une voie professionnelle prisée puis dévalorisée</h2>
<p>Au-delà de cette nécessaire prudence, c’est <a href="https://journals.openedition.org/osp/4731">l’image même de l’élève de lycée professionnel mobilisée dans les discours qui est à interroger</a>. A la fois de discipline « outil » et matière désintéressée, souvent juge de paix dans les décisions d’orientation, l’enseignement des mathématiques est un prisme intéressant pour questionner ces représentations.</p>
<p>Quel enseignement de mathématiques mener pour des élèves « en difficulté » et même « incapables d’abstraction », « qui ne peuvent pas apprendre », « en rupture avec les mathématiques » et l’école en général, « les moins doués », « des éclopés du système des enseignements classiques », qui sont uniquement intéressés par le métier, « des visuels », des manuels plus que des intellectuels, des élèves difficiles, qui ont besoin de restaurer une image positive d’eux-mêmes, et qui doivent être réconciliés avec l’école ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bac-professionnel-des-lycees-pour-inventer-sa-voie-127385">Bac professionnel : des lycées pour inventer sa voie ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les termes repris ici agrègent un ensemble de propos tenus par des acteurs éducatifs (inspecteurs, enseignants, etc.) depuis 1945, date de la création de la filière professionnelle scolarisée et montrent que cette question n’est pas nouvelle. Mais sous l’apparente similitude des termes, se cachent en vérité de <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/4893">multiples glissements de la façon dont les élèves sont appréhendés</a>.</p>
<p>Dans la période d’après-guerre, marquée par une pénurie de main-d’œuvre, la filière professionnelle est une voie désirée. Si certains enseignants mettent en avant les difficultés en mathématiques des élèves qui l’intègrent, c’est principalement en plein, dans leurs qualités, dans ce qu’ils ont de plus que les élèves des autres filières que les acteurs éducatifs les évoquent. Ils opposent le goût pour l’action et la matérialité des choses de ce futur professionnel, préparé au monde moderne et apte à travailler au bachelier, mathématicien ou latiniste, enclin à la spéculation intellectuelle, mais qui ne sait rien faire. Fort de ces spécificités l’enseignement des mathématiques est alors pensé dans une perspective de formation complète de « l’Homme, du travailleur et du citoyen », associant apprentissage de savoir-faire, formation de l’esprit et ouverture sur le monde.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>À la fin des années 1960, s’engage un processus de dévalorisation de la voie professionnelle vers laquelle sont orientés les élèves ne disposant de résultats suffisants pour poursuivre en filière générale. La réforme des <a href="https://www.researchgate.net/publication/47802333_Une_reforme_a_l%27epreuve_des_realites_le_cas_des_mathematiques_modernes_au_tournant_des_annees_1970">mathématiques modernes</a> qui s’opère à cette époque dans l’ensemble du système éducatif place la théorie au cœur des apprentissages. L’élève du professionnel est pensé désormais en creux. Un élève comme les autres qui se démarque par ce qu’il n’a pas, une aptitude à apprendre des mathématiques abstraites.</p>
<h2>Se « réconcilier » avec les disciplines générales ?</h2>
<p>Bien vite, à cette image d’un sujet disciplinaire en difficulté va être substituée durant les années 1980, celle d’un sujet scolaire appréhendé sous sa facette sociale, en rupture avec la discipline, voire avec l’école. Ce deuxième glissement de sens contribue à vider de sa substance le discours pédagogique mis en place au moment de la réforme des mathématiques modernes. L’enjeu est moins d’aider les élèves à surmonter leurs difficultés en mathématiques que de les réconcilier avec la discipline, et de façon plus globale, l’enseignement général ou l’école avec lesquels ils semblent être en rupture.</p>
<p>Il s’agit de rompre avec les méthodes du collège en mettant notamment en avant des projets interdisciplinaires, en limitant les évaluations, en mettant l’accent sur la facette utilitaire de l’enseignement, minorant alors l’appel à la réflexion. Ce qui pose la question de l’abandon d’une <a href="https://books.openedition.org/pucl/8959">vigilance didactique sur les contenus</a> au profit du maintien d’une certaine paix scolaire et de la <a href="https://www.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2017-1-page-13.htm">baisse des exigences d’enseignement</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maths-pour-les-garcons-le-francais-pour-les-filles-comment-les-stereotypes-de-genre-se-perpetuent-a-lecole-202392">Les maths pour les garçons, le français pour les filles ? Comment les stéréotypes de genre se perpétuent à l’école</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Mais ces représentations contrastent avec ce que les élèves associent comme <a href="https://theconversation.com/dans-la-classe-quels-sont-les-facteurs-qui-peuvent-contribuer-au-decrochage-scolaire-147143">émotion, sentiment, vécu</a> à l’enseignement des mathématiques. En fait, de façon générale, ce qui structure leur <a href="https://www.esf-scienceshumaines.fr/pedagogie/266-vivre-les-disciplines.html">vécu disciplinaire</a>, positif ou négatif, est moins une opposition entre des aspects pratiques ou théoriques des enseignements que leur participation à la réalisation d’un projet personnel ou professionnel qui leur tient à cœur. En cela ils ne diffèrent pas vraiment de leurs camarades de la filière générale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205698/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Sido ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Souvent présentés comme enclins au décrochage, les lycéens professionnels ont-ils un rapport à l’école si différent de celui de leurs camarades de voie générale ?Xavier Sido, Maître de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2035132023-04-20T15:59:41Z2023-04-20T15:59:41ZLes mots choisis du ministre de l’Intérieur pour une stratégie très politique<p>Les propos du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur la création de cellules <a href="https://reporterre.net/Cellule-antizad-Darmanin-accroit-la-criminalisation-des-ecologistes">« antizad »</a> pour début septembre 2023 ou sur l’appel à <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/04/07/menace-de-dissolution-des-soulevements-de-la-terre-la-bataille-des-arguments-est-engagee_6168689_3244.html">dissoudre</a> le mouvement Les Soulèvements de la Terre illustrent une stratégie classique pour ceux qui occupent la place Beauvau.</p>
<p>Depuis Nicolas Sarkozy – pour ne parler que du XXI<sup>e</sup> siècle –, le ministère de l’Intérieur est considéré comme un tremplin menant aux plus hautes fonctions de la République. L’image de maintien de l’ordre et de protection attachée à ce poste répond aux désirs des citoyens en manque de sécurité.</p>
<p>Grande est alors la tentation de faire monter en puissance <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/203285-discours-de-m-jacques-chirac-president-de-la-republique-sur-la-democr">ce thème de l’insécurité</a>, surtout lorsque l’on se sent en faiblesse sur d’autres thèmes, à l’image de la <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/1852356001044/jacques-chirac">stratégie élaborée par Jacques Chirac</a> face à Lionel Jospin en 2001-2002, avec les résultats que l’on connaît. Or, les présentations fondées sur des travaux de long terme sur le sujet sont souvent balayées par des discours démagogiques et parfois simplistes <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/03/31/manifestations-et-violences-les-erreurs-et-approximations-de-gerald-darmanin_6167693_4355770.html">qui tordent les faits</a> pour mieux mettre en scène les qualités supposées du ministre et de ses troupes.</p>
<h2>Une rhétorique sécuritaire peu fondée mais politiquement efficace</h2>
<p>Faut-il pour autant se désintéresser de ces paroles ? Les exemples étrangers de leaders a priori fantaisistes ou ridicules mais néanmoins <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/donald-trump-quand-le-monde-ny-croyait-pas-20220414_6VQEYELMQ5HJHJWEOUEP2HVME4">élus par la suite</a> montrent que, même si on les considère comme <a href="https://www.nytimes.com/2018/10/19/technology/whatsapp-brazil-presidential-election.html">irrationnels</a>, les arguments ou les constructions liées à la sécurité peuvent toucher des électeurs.</p>
<p>Lorsque de surcroît ces discours s’ancrent dans des figures redondantes du passé, cela leur confère une légitimité accrue, quel que soit leur degré de cohérence et de réalisme. Il est alors intéressant de regarder comment des dirigeants politiques s’enferment dans une <a href="https://www.cairn.info/revue-vacarme-2007-3-page-68.htm">rhétorique passéiste sur la sécurité et les violences</a> censée rassurer les électeurs mais qui les <a href="https://www.cairn.info/la-police-contre-les-citoyens--9782353711055.htm">piègent eux-mêmes.</a></p>
<p>À force d’élaborer des déclarations martiales et n’acceptant aucune contestation ni aucun bémol, ces dirigeants deviennent incapables de produire une réflexion critique sur leur action ou sur le fonctionnement de leurs troupes. Plusieurs concepts sont utilisés de manière plus ou moins adroite pour construire l’image d’un ministre omnipotent servi par une police absolument irréprochable. Or, ces excès d’autosatisfaction conduisent au refus de débattre, et à la négation de tout travail d’analyse n’entrant pas dans le crédo ministériel.</p>
<h2>Un discours prisonnier du manichéisme</h2>
<p>À travers de telles questions, il s’agit moins d’écouter ou de comprendre des arguments que de classer rapidement les personnes en deux camps : ceux qui aiment la police et ceux qui la détestent, les seconds devenant les ennemis de la société dans son ensemble.</p>
<p>Dans ce cadre de pensée, toute tentative d’explication devient suspecte de complicité, cela nous renvoyant au fameux discours de Manuel Valls qui, à propos du terrorisme, lançait : <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2016/03/03/terrorisme-la-cinglante-reponse-des-sciences-sociales-a-manuel-valls_4875959_3224.html%22%22">« comprendre, c’est déjà un peu excuser »</a>.</p>
<p>Ou encore <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/197172-declaration-de-m-manuel-valls-premier-ministre-en-reponse-diverses">d’affirmer devant le Sénat</a> :</p>
<blockquote>
<p>« j’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses et des explications culturelles ou sociologiques aux événements qui se sont produits ! »</p>
</blockquote>
<p>La confusion entre la démarche de condamnation et celle de compréhension <a href="https://www.cairn.info/condamner--9782749246796.htm">n’est pas nouvelle</a>. Elle interdit par avance tout travail de réflexion prenant en compte la complexité des situations et conduit au simplisme.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/u6jBBsIRxmk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo du Parisien, des violences de la police sur les manifestants sont dénoncées par les opposants à la réforme.</span></figcaption>
</figure>
<p>On peut être pour la police dans son principe et condamner ses débordements, voire même chercher à les comprendre. On peut aussi avoir une conception de la police différente de celle du ministre en lui rappelant que selon <a href="https://www.education.gouv.fr/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-du-26-ao%C3%BBt-1789-10544">l’article 12</a> de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la force publique est « instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».</p>
<h2>Une violence croissante ?</h2>
<p>Associée au manichéisme, et le nourrissant, l’idée selon laquelle notre société serait victime d’une violence croissante <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/une-histoire-de-la-violence-robert-muchembled/9782757850091">s’est depuis longtemps installée</a> dans le paysage politique français. Auparavant utilisé pour caractériser – et caricaturer – l’évolution des banlieues, cet argument sert désormais pour discréditer aussi bien les débats à l’Assemblée que les manifestants.</p>
<p>Il est évident qu’existe aujourd’hui une violence dans notre société, mais celle-ci n’est pas un phénomène nouveau. La loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038358582">« anticasseurs » du 10 avril 2019</a> fait écho aux précédentes lois <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/loi-anti-casseurs-un-air-de-1970-souffle-sur-la-france_3135749.html">« anticasseurs » de 1970</a> ou de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000516044">1981</a> élaborées pour lutter <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/autonomes-manifestations-anarchistes-annees-1970">contre les « autonomes »</a>, sans parler des <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1993/09/01/apres-les-incidents-au-parc-des-princes-m-pasqua-se-dit-oppose-a-l-adoption-d-une-loi-specifique-pour-lutter-contre-la-violence-dans-les-stades_3938708_1819218.html">propositions « Pasqua » en 1993</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ke8t8LROW-8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Interview de Charles Pasqua autour de la loi sur la sécurité intérieure, 1993, Antenne 2, INA.</span></figcaption>
</figure>
<p>Le romantisme associé à mai 1968 cache souvent la violence de ce moment, avec des barricades fermant des rues en plein centre de Paris et des policiers blessés par les petits pavés parisiens, excellente arme de jet. Le fameux discours du préfet Grimaud incitant les policiers à la modération dans la répression, en mai 1968, insiste aussi sur la « sauvagerie des agressions contre la police », évoquant comme aujourd’hui les « jets de produits chimiques destinés <a href="https://www.lemonde.fr/le-monde-2/article/2008/05/16/la-lettre-de-maurice-grimaud-aux-policiers_1046120_1004868.html">à aveugler ou à brûler gravement</a> ».</p>
<p>Comme on le voit, la violence n’est donc pas nouvelle ni croissante, et c’est bien pour cela qu’ont été créées les <a href="https://www.decitre.fr/livres/histoire-et-dictionnaire-de-la-police-9782221085738.html">unités spéciales de maintien de l’ordre CRS en 1944 et gendarmes mobiles en 1921</a> : pour éviter que ne dérivent des situations potentiellement violentes tout en protégeant davantage l’État. Insister sur cette prétendue nouveauté, c’est montrer ses limites dans la gestion d’un phénomène pourtant courant.</p>
<h2>Des mobilisations policières récurrentes</h2>
<p>La nouveauté, pourtant non prouvée, de cette violence obligerait à des dispositifs <a href="https://www.leparisien.fr/economie/retraites/retraites-un-dispositif-de-securite-inedit-pour-ce-mardi-avec-13-000-policiers-et-gendarmes-mobilises-27-03-2023-BNM7TRQ7JBBA3J274OAJBXWOTQ.php">« exceptionnels » ou « inédits »</a>. Mais cet argument de « l’exceptionnel » ne cesse d’être répété par les différents titulaires du poste. Par exemple, le nombre des policiers mobilisés lors des manifestations anti-CPE de 2006 était plus important que celui annoncé <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite/2006/04/04/01001-20060404ARTFIG90236-_policiers_et_gendarmes_mobilises.php">lors des dernières mobilisations</a>. En 2018, les blindés de la Gendarmerie devaient apporter la réponse aux violences des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lk87fWhupcY">« gilets jaunes »</a>.</p>
<p>Là aussi, ce rapide retour en arrière nous montre que <a href="https://journals.openedition.org/ejts/4720?lang=tr">« le spectacle de la police des foules »</a> exige des déclarations montrant combien le ministre est capable de mettre en place des troupes pour protéger les citoyens.</p>
<p>Et, parmi les discours récurrents dénonçant la violence croissante de « l’ultra gauche », on voit aussi ressortir <a href="https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/manifestations-du-28-mars-darmanin-annonce-un-dispositif-inedit-de-13-000-forces-de-l-ordre-dont-5500-a-paris_AN-202303270640.html">l’argument de l’étranger</a> qui serait responsable à lui seul d’une radicalisation des mouvements sociaux, sans que soit d’ailleurs précisé quel serait cet étranger.</p>
<p>Ce discours a été entendu dans le cas de Sainte-Soline, mais il s’inscrit dans le prolongement d’un discours anti-écologiste <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/vital-michalon-creys-malville-manifestation">né à Creys-Malville en 1977</a>. À cette époque, il était largement alimenté par la <a href="https://fresques.ina.fr/rhone-alpes/fiche-media/Rhonal00258/les-manifestations-de-creys-malville.html">xénophobie anti-allemande</a> où le souvenir de l’occupation était encore très fort et le désordre associé aux combats écologistes d’outre-Rhin.</p>
<h2>Discréditer les droits de l’Homme</h2>
<p>À une autre échelle, cette vision dénonçant « l’étranger » permet du même coup de <a href="https://journals.openedition.org/revdh/3598?lang=es">discréditer</a> toutes les instances internationales <a href="https://www.liberation.fr/france/2018/06/21/violences-policieres-la-france-condamnee-par-la-cedh-pour-negligence-dans-la-mort-d-ali-ziri_1660971">condamnant</a> les violences commises par la police française, et qui feraient <a href="https://www.lepoint.fr/faits-divers/violences-policieres-la-condamnation-qui-embarrasse-la-france-27-05-2019-2315369_2627.php">partie du complot contre la France</a>. Le ministère de l’Intérieur qui disposerait selon lui de la meilleure police, impossible à critiquer, rejette ainsi toute comparaison internationale qui <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/14/le-maintien-de-l-ordre-a-la-francaise-une-agressivite-a-rebours-des-voisins-europeens_6169477_3232.html">pourrait lui nuire</a>.</p>
<p>Dans le même ordre d’idée, on pourrait évoquer les arguments sur la <a href="https://blog.leclubdesjuristes.com/perimetres-dinterdiction-de-manifestation-ladministration-prefectorale-organisait-sciemment-lincontestabilite-de-ses-arretes-par-serge-slama/">légalité de l’action gouvernementale</a> justifiant l’usage de la police à employer la force, ou l’utilisation <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2021-1-page-33.htm">détournée du sociologue Max Weber par G. Darmanin dans ce but</a>.</p>
<p>La reprise négative du discours contre les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/droit-de-l-hommisme-histoire-d-un-neologisme-pejoratif-8107313">« droits-de-l’hommisme »</a>, singeant Jean-Pierre Chevènement en 1999 ou N. Sarkozy en 2002 va dans le même sens.</p>
<h2>Artifices rhétoriques</h2>
<p>Tous ces artifices rhétoriques sont destinés à dissimuler les vraies questions qui se posent à l’occasion des manifestations et de leur répression : la qualité du débat démocratique et, pour ce qui concerne la police, la <a href="https://theconversation.com/la-militarisation-du-maintien-de-lordre-en-france-vers-une-derive-autoritaire-203432">qualité des armes et stratégies utilisées</a>. </p>
<p>Il ne s’agit pas d’être pro ou anti-police, mais de réfléchir collectivement sur ce qu’est une bonne police, démocratique, acceptable, et qui ne justifie pas à tout prix les écarts de quelques-uns de ses éléments.</p>
<p>Une réflexion doit aussi être lancée sur l’instrumentalisation de plus en plus visible de l’outil policier pour éviter les débats qui ne conviennent pas à ceux qui tiennent le pouvoir exécutif, et les dérives de candidats à la magistrature suprême qui pense que les seules qualités pour y arriver sont l’autoritarisme, l’obstination et le manque d’ouverture sur l’extérieur.</p>
<p>Ce discours serait risible s’il ne causait pas des blessures de plus en plus graves tant du côté des manifestants que des forces de l’ordre. Car le mépris vis-à-vis des contestataires n’a d’égal que celui pour ses policiers, soignés certes à travers des <a href="https://www.20minutes.fr/societe/4031564-20230406-reforme-retraites-darmanin-defend-gestion-maintient-ordre-manifestation-devant-alliance">mesures catégorielles</a> mais pourtant envoyés jusqu’à l’usure combattre des idées que beaucoup d’entre eux partagent pourtant, notamment sur les retraites.</p>
<p>Finalement, malgré les discours, le ministre soucieux d’imposer une image d’autorité se soucie assez peu que des policiers ou des gendarmes soient blessés pour défendre son image et celle de l’exécutif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Mouhanna a reçu des financements du Ministère de la Justice, de l'ANR et de l'ADEME pour les recherches qu'il mène actuellement </span></em></p>La rhétorique sur l’insécurité et les violences émanant du ministère de l’Intérieur permettent d’éviter un débat de fond sur la réforme de l’institution policière.Christian Mouhanna, Chercheur au CNRS, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1992262023-02-07T19:35:45Z2023-02-07T19:35:45ZQuand sonne l’heure de la retraite démocratique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508099/original/file-20230203-20-3wymnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C2040%2C1339&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation pour la défense des retraites, le 31 janvier 2023 à Paris.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/52661516924/in/album-72177720305356181/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Retraite, retraite, le mot est partout, il vole de tweet en tweet, de manifestation en émission, de motion en émotion. Jamais son usage n’a autant joué de son ambivalence : retraiter, en effet signifie soit mettre à la retraite, soit traiter de nouveau.</p>
<p>L’affrontement semble se résumer à d’une part un président qui, soucieux en même temps d’affirmer <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/emmanuel-macron-est-il-vraiment-un-reformateur-190052">sa capacité réformatrice</a> et de prouver la crédibilité de la France à réduire son <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/la-france-championne-du-monde-de-la-dette-publique-1455700">endettement</a>, défie opinion publique, partis et syndicats ; d’autre part, une opposition disparate dans sa coalition, sans convergence possible entre RN, LR et Nupes mais hostile par principe à Emmanuel Macron.</p>
<p>En fait, par le moment où il se joue, par le cadre politique où il se déroule, par le système communicationnel qui le met en branle, l’affrontement social déborde largement cette seule question de réforme du temps de vie au travail : il met en face à face l’État et la société, et interroge le <a href="https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2017-4-page-9.htm">rapport des citoyens au pouvoir politique</a>.</p>
<h2>La fin de l’insouciance</h2>
<p>La matière même de la retraite détient un potentiel aussi diversifié qu’explosif : placé à la charnière de la vie privée, dont elle couvre une part <a href="https://theconversation.com/seniors-comment-travailler-plus-longtemps-quand-personne-ne-vous-recrute-plus-198464">du projet individuel de vie</a>, et de la vie publique, dont elle exprime le <a href="https://theconversation.com/retraites-lallongement-de-la-duree-du-travail-la-moins-mauvaise-des-solutions-198519">sens solidaire</a>, elle mobilise la question de l’être ensemble et de l’acceptation des contraintes collectives, en même temps qu’elle interroge <a href="https://theconversation.com/penibilite-usure-professionnelle-burn-out-quelles-avancees-dans-le-projet-de-reforme-des-retraites-197972">sur le sens du travail</a>. Qu’on ne s’étonne pas, dès lors, de la dimension totémique que prend le débat.</p>
<p>L’été dernier, en préambule de son Conseil des ministres après sa réélection, Emmanuel Macron avait entendu placer la barre à un niveau élevé : il avait proclamé la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins/fin-de-l-insouciance-le-changement-de-ton-d-emmanuel-macron-est-il-un-changement-de-cap-5413424">fin de l’insouciance et de l’abondance</a>, tout en annonçant l’appel à un effort collectif.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fOAc2RmeAHU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron, en préambule de son Conseil des ministres le 24 août 2022.</span></figcaption>
</figure>
<p>Or, c’est précisément là que la volonté présidentielle entre en percussion avec le climat social dominant : s’appuyant sur un constat des inégalités, et un rappel des efforts déjà fournis, il y a un sentiment largement partagé de refus d’une demande estimée injuste : ce serait aux riches, et à eux seuls, qu’il faut demander de fournir un effort.</p>
<p>Cet égalitarisme de principe reçoit le renfort de toute l’opposition de gauche : la Nupes conteste le droit du président à demander un effort coûteux, au motif qu’il n’aurait pas été élu pour cela. On fait circuler l’argument de la <a href="https://www.lexpress.fr/politique/retraites-entre-macron-et-la-rue-lintrouvable-juge-de-paix-de-la-democratie-francaise-XGRCR66BJREMVGVX5ZXT2HXAVE/">non-légitimité</a> : si Emmanuel Macron rassemble effectivement 58,55 % au second tour, c’est en raison d’un vote de refus de Marine Le Pen mélangeant partisans et adversaires du président, et non par adhésion à son programme. Son véritable score serait ainsi composé des <a href="https://www.la-croix.com/France/Presidentielle-2022-2784-Macron-2315-Le-Pen-resultats-definitifs-1er-tour-2022-04-11-1201209797">27,8 %</a> obtenus au premier tour. Il ne disposerait donc pas de la légitimité nécessaire pour imposer des décisions rejetées par une large part de ses électeurs. Et voici l’élection-reine transformée en plébiscite négatif…</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-bilan-demmanuel-macron-agenda-neo-liberal-et-pragmatisme-face-aux-crises-178671">Le bilan d’Emmanuel Macron : agenda néo-libéral et pragmatisme face aux crises</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Trompe-l’œil électoral</h2>
<p>Cette manière de sophisme se redéploie en plus caricaturale au niveau du Parlement : là, le scrutin est pourtant sans aucune ambiguïté, car il ne s’agit plus d’un vote de refus, chacun pouvant défendre ses couleurs propres. De plus, les élections législatives se sont déroulées deux mois après la présidentielle, laissant un espace de dédit éventuel.</p>
<p>Or, la majorité des électeurs a plutôt choisi de confirmer son choix d’avril en se portant sur Renaissance et les mouvements qui soutenaient le président. Certes, le soutien est nuancé, la majorité n’étant que relative et, dans le cadre d’un scrutin marqué par une très forte abstention, le vote exprime un ersatz de proportionnelle. Voilà qui résonne comme une invitation à l’ouverture. Encore faudrait-il que les minorités acceptent le jeu du compromis. Ce qui, à l’exception des Républicains qui jouent une <a href="https://www.liberation.fr/politique/incoherences-et-jusquau-boutisme-lr-entre-introspection-et-implosion-sur-les-retraites-20230207_LFPXQQXKINFN3FWQZ7KKO3NITQ/">participation stratégique délicate</a>, n’est pas à l’ordre du jour. Pour l’heure, sauf à envisager une improbable symbiose Nupes, RN, LR, il n’existe pas de majorité alternative à la majorité présidentielle.</p>
<p>Pareille insistance à opposer majorité légale et majorité légitime entretient un procès en illégitimité contre Emmanuel Macron et affaiblit d’autant son autorité. Décidément,son second baptême élyséen n’aura pas permis d’effacer son péché originel.</p>
<h2>Refuge dans leurs bastions locaux</h2>
<p>Les vieux partis de gouvernement qu’il a balayés de la compétition présidentielle trouvent refuge dans leurs bastions locaux, créant ainsi l’image d’une <a href="https://theconversation.com/la-france-desenchantee-185048">France à deux vitesses</a>.</p>
<p>La création de la Nupes, emmenée par la France insoumise en <a href="https://theconversation.com/la-france-insoumise-peut-elle-se-donner-les-moyens-de-ses-ambitions-189731">position de force</a>, est venue rigidifier encore plus le système, qui évolue désormais en trois blocs : l’un à cheval entre l’extrême droite et la droite, l’autre entre l’extrême-gauche et la gauche, encadrant toutes deux un bloc central à qui on refuse toute ouverture. Voilà la majorité présidentielle encerclée et contrainte de se retourner <a href="https://theconversation.com/les-republicains-face-a-leur-declin-195692">vers la droite</a>, nourrissant l’image d’un président « des riches et des favorisés ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Manifestation pour la défense des retraites le 31 janvier 2023 à Paris. La phrase sur la pancarte fait écho à la « petite phrase » d’Emmanuel Macron prononcée en 2018 et jugée méprisante pour les demandeurs d’emplois" src="https://images.theconversation.com/files/508100/original/file-20230203-4002-4yi7wj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508100/original/file-20230203-4002-4yi7wj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508100/original/file-20230203-4002-4yi7wj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508100/original/file-20230203-4002-4yi7wj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508100/original/file-20230203-4002-4yi7wj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508100/original/file-20230203-4002-4yi7wj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508100/original/file-20230203-4002-4yi7wj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Manifestation pour la défense des retraites le 31 janvier 2023 à Paris. La phrase sur la pancarte fait écho à la « petite phrase » d’Emmanuel Macron prononcée en 2018 et jugée méprisante pour les demandeurs d’emplois.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/52661676765/in/album-72177720305356181/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce qui rend crucial ce jeu de rôles, c’est qu’il s’opère au sein d’une société désenchantée, où domine un sentiment de perte de confiance des citoyens dans les représentants élus, et particulièrement dans l’exécutif. Le mythe du président démiurge a fait long feu et l’autorité de celui-ci se noie dans un brouillard de refus et de méfiance.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retraites-comment-la-reforme-incarne-le-bras-de-fer-entre-le-pouvoir-et-la-rue-198083">Retraites : comment la réforme incarne le bras de fer entre le pouvoir et la rue</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ses appels à la solidarité et à l’effort se perdent dans les sables de la protestation. L’augmentation spectaculaire des nouveaux médias et leur accélération ajoutent à la confusion : elles brouillent la communication et accentuent le sentiment de coupure avec les élus. Cette <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/les-reseaux-sociaux-nouveaux-espaces-de-contestation-et-de-reconstruction-de-la-politique">horizontalisation des échanges</a> contribue certes à saper la verticalité du pouvoir central, mais parfois au prix de la clarté et de la sincérité du débat comme l’a montré par exemple la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/11/du-militantisme-antivax-a-la-tentation-du-soutien-a-vladimir-poutine_6117066_4355770.html">tentation complotiste</a> lors de la pandémie de Covid-19.</p>
<h2>En marche forcée</h2>
<p>Là encore, la question des retraites fournit un excellent champ d’observation : il s’agit en effet d’une matière engageant l’avenir où toute décision suppose une expertise et une prospective. Les termes du choix doivent être clairement et préalablement établis, et soustraits aux réactions émotives immédiates. La démocratie représentative, parce qu’elle distingue le temps du débat et celui de la décision, offre le cadre adapté à une démarche apaisée.</p>
<p>Le débat actuel ne saurait donc être circonscrit à la seule question des retraites. C’est toute la mécanique subtile des démocraties libérales qui est éprouvée dans cet affrontement menaçant le système représentatif et son corollaire de délégation d’autorité.</p>
<p>Le gouvernement n’a plus le choix : engagé dans les Thermopiles d’un débat sociétal biaisé, il ne peut plus guère qu’avancer. Qu’il parvienne, aux forceps de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527525/2005-03-02">l’article 47-1</a>, à faire passer sa réforme au Parlement risque de ne lui assurer qu’une victoire à la Pyrrhus. Quelle que soit l’issue, il ne fera pas l’économie d’une profonde réforme d’institutions essouflées et décalées des attentes sociétales. C’est Prosper de Barante qui, dans sa <em>Préface à l’histoire des Ducs de Bourgogne</em>, écrivait en 1826 : « Nous vivons un temps de doute, les opinions absolues ont été ébranlées ; elles s’agitent encore par souvenir ; mais au fond personne ne les croit plus assez pour leur faire des sacrifices. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’affrontement social de ce début d’année 2023 déborde largement la seule question de réforme des retraites : il interroge la place d’un président pris en étau entre l’opposition et la rue.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1985652023-01-31T19:32:36Z2023-01-31T19:32:36ZRéforme des retraites : quelle stratégie pour les partis de gauche ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507380/original/file-20230131-4565-kxkng9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C4601%2C3049&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les partis politiques qui forment l’opposition de gauche à Emmanuel Macron ont défilé derrière les organisations syndicales. Ici Fabrice Roussel (à gauche) dans le cortège parisien, le 19 janvier.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jeanne Menjoulet/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En pleine mobilisation contre le projet de réforme des retraites, les partis de gauche sont en mouvement. À entendre les réactions des responsables politiques, la direction prise relève d’une sortie du travaillisme, terme qui désigne une tendance à privilégier la recherche de compromis au service des intérêts matériels des travailleurs par rapport à une projection idéologique, même si rares sont les partis qui choisissent cette dénomination. La recherche d’un affrontement politique avec le gouvernement semble ainsi primer sur la recherche de nouveaux équilibres capables de satisfaire les intérêts des employés comme des entrepreneurs.</p>
<p>Du recul est nécessaire pour comprendre l’évolution en cours. Au XIX<sup>e</sup> siècle, la <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3324227f/f1.item.texteImage">gauche socialiste européenne</a> s’est organisée pour défendre les intérêts du monde ouvrier. Dans plusieurs pays dont la France ne fait pas partie, des partis socialistes ont été créés à l’initiative de syndicats pour assurer l’inscription à l’agenda parlementaire d’assurances sociales protégeant les actifs des risques liés à l’accident, la maladie ou encore à l’âge.</p>
<p>Au XX<sup>e</sup> siècle, la gauche française ne réussit pas à obtenir un monopole de la représentation des travailleurs qui préfèrent parfois voter pour des partis chrétiens, voire d’extrême droite, défendant aussi des programmes sociaux. Elle étend cependant cette représentation, d’abord limitée aux ouvriers, aux employés du secteur privé, aux fonctionnaires, aux retraités et aux chômeurs. Son discours anticapitaliste originel se fait discret à partir de 1945 et elle devient « travailliste ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retraites-comment-la-reforme-incarne-le-bras-de-fer-entre-le-pouvoir-et-la-rue-198083">Retraites : comment la réforme incarne le bras de fer entre le pouvoir et la rue</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Autrement dit, si le travail conserve la centralité qu’il trouvait chez <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1232830/f1n351.pdf">Karl Marx</a> qui y voyait un facteur de production aussi important que le capital, la gauche lie désormais, le temps des trente glorieuses, le sort de ses revendications sociales au succès des entreprises capitalistes.</p>
<p>L’après-Seconde Guerre mondiale est caractérisé par la <a href="https://www.bloomsburycollections.com/book/one-hundred-years-of-socialism-the-west-european-left-in-the-twentieth-century/">recherche de la paix sociale</a> face au risque communiste. La gauche obtient alors, pour les catégories socioprofessionnelles qu’elle représente, des régimes légaux de pensions financés par la redistribution d’une part de la richesse nationale.</p>
<p>Cette évolution incite des observateurs à suggérer que les états démocratiques européens ne sont pas seulement caractérisés par un parlementarisme d’inspiration libérale mais aussi par un régime <a href="https://cadmus.eui.eu/handle/1814/26881">« néocorporatiste »</a> c’est-à-dire une capacité des représentants du capital et du travail à assurer la convergence des intérêts de l’industrie et des salariés.</p>
<h2>La sortie du travaillisme amorcée au XXᵉ siècle</h2>
<p>En 2023, les discours et les choix stratégiques des partis qui forment l’opposition de gauche au gouvernement d’Elisabeth Borne indiquent une évolution en dehors du travaillisme. Celle-ci a en fait été amorcée au siècle dernier. Elle prend toutefois une nouvelle orientation. Les deux déterminants de cette nouvelle orientation ont environ cinquante ans d’âge.</p>
<p>Premièrement, à partir des années 1970, sous l’impulsion de la révolution culturelle de 1968 et de la théorisation de la possibilité d’un épanouissement individuel à l’intérieur d’une société post-industrielle prospère, la <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/la-gauche-entre-la-vie-et-la-mort/">gauche</a>, élargie au mouvement écologiste, intègre la revendication d’une libération du temps. Celle-ci est satisfaite par une diminution de l’horaire de travail hebdomadaire, des formules de pause dans la carrière et, en France, l’abaissement à 60 ans de l’âge de la retraite par le gouvernement de Pierre Mauroy.</p>
<p>Deuxièmement, au cours des années 1980, l’Europe est dans une situation de la <em>stagflation</em>, la croissance est en berne et l’inflation forte. Afin d’en sortir tout en optimisant leurs bénéfices, les détenteurs de la propriété industrielle et des capitaux abandonnent le compromis fordiste basé sur une consommation de masse et néocorporatiste.</p>
<p>La croissance est rétablie sur la base d’une stimulation des exportations et du développement des secteurs des services et de la finance. La confiance est par contre rompue entre les acteurs de l’entreprise depuis que le travail est redevenu, dans la doxa « néolibérale » anglo-saxonne, une variable d’ajustement, comme au XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Sortie du travaillisme, acte II ?</h2>
<p>En 2023, l’orientation de l’opposition de gauche à Elisabeth Borne et Emmanuel Macron présente plusieurs caractéristiques qui accentuent la sortie du travaillisme.</p>
<p>Tout d’abord, l’orientation des partis qui forment la Nupes comme de l’extrême gauche traditionnelle comporte un double critique de la réalité économique présentée par le gouvernement. Le premier concerne les finances publiques et privées qui, selon les partisans de la réforme, ne peuvent soutenir une situation, impensée en 1945, dans laquelle le rapport entre le nombre d’actifs et de retraités tend à s’inverser.</p>
<p>Le second touche l’état du continent européen qui exigerait une réindustrialisation des nations pour assurer la sécurité économique, énergétique, écologique, sanitaire et militaire des populations. Or, le déploiement d’une nouvelle génération de politiques industrielles exige une mobilisation de ressources humaines dans un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277635?sommaire=4318291">contexte de natalité faible</a> et de résistances sociétales à l’immigration extraeuropéenne. C’est sur la base de l’une ou l’autre de ces considérations, voire des deux, que la plupart des états européens ont relevé l’âge de départ à la retraite et s’emploient à augmenter le taux d’emploi.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ensuite, en dépit de la diversité du paysage salarial et des droits en matière de retraite, les forces politiques de gauche parient sur la constitution d’un front national et social du refus, incluant notamment les <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-la-jeunesse-point-de-bascule-de-la-mobilisation-198524">étudiants</a>. À ce stade, ainsi qu’en témoignent notamment les interventions de la France Insoumise sur le sujet des recettes, elles ne misent pas sur la présentation d’alternatives abouties aux réformes envisagées par le gouvernement. Le seul tempérament à cette opposition frontale est la revendication, encore que très générale et n’impliquant pas une reconsidération des régimes existants lorsque la nature du travail a évolué depuis l’institution de ceux-ci, d’une prise en considération de la pénibilité des métiers.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tML8LI-ZY0A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Soutenues par la France insoumise, les organisations de jeunesse ont manifesté contre la réforme des retraites à Paris le 21 janvier dernier.</span></figcaption>
</figure>
<p>Alors que des think tanks progressistes comme la <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/une-retraite-a-55-ans-pour-les-ouvriers-et-employes-est-possible/">Fondation Jaurès</a> ou <a href="https://tnova.fr/economie-social/finances-macro-economie/une-autre-reforme-des-retraites-est-possible/">Terra Nova</a> ont présenté des modalités alternatives de réforme du système des retraites, la rhétorique de la gauche politique reste dominée par des slogans. La référence à la captation de « super profits » par des « élites » comme à la faible espérance de vie des Français les plus pauvres, est une expression de la stratégie populiste suggérée par <a href="https://www.albin-michel.fr/pour-un-populisme-de-gauche-9782226435293">Chantal Mouffe</a>.</p>
<p>Enfin, la Nupes et l’extrême gauche refusent le débat ouvert par le président de la République sur le « dividende salarié », c’est-à-dire sur la possibilité d’augmenter les revenus que les travailleurs tirent de l’activité économique, voire leurs droits à l’intérieur de la gouvernance des entreprises. Ce refus est à la fois fondé sur une réticence à l’égard de la cogestion des entreprises et à une opposition de principe aux formes extrasalariales de rémunération qui ne sont pas intégrées aux calculs des droits en matière de chômage ou de pension.</p>
<p>Aux USA, ce type de proposition est notamment soutenu par <a href="https://www.commondreams.org/news/bernie-sanders-worker-ownership">Bernie Sanders</a>, mais, à ce jour, la réactivation d’un compromis néocorporatiste n’est à l’agenda ni des partis socialiste et communiste, ni des Insoumis.</p>
<p>Les partis politiques qui forment l’opposition de gauche à Emmanuel Macron ne sont plus que travaillistes dans la mesure où ils acceptent, comme le 19 janvier, de défiler derrière les organisations syndicales.</p>
<h2>Objectif : la chute du gouvernement ?</h2>
<p>Pour les partis qui défilent aujourd’hui dans la rue, la constitution d’un mouvement social est le prélude d’un débat parlementaire et au service <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/01/30/retraites-les-reticences-de-la-majorite-un-risque-pour-l-adoption-de-la-reforme_6159812_823448.html">d’un effritement de la majorité relative</a> dont dispose Elisabeth Borne.</p>
<p>Cette stratégie peut être considérée comme à ce jour payante dès lors que de nombreux citoyens ont répondu aux appels à manifester et des tensions se sont révélées au sein du camp présidentiel. Elle ne sera pas nécessairement gagnante car elle expose la gauche d’opposition à deux risques.</p>
<p>L’un est celui d’une incapacité à canaliser le mouvement social dans un débat parlementaire. Ce scénario est celui d’un blocage du pays, le cas échéant par de nouveaux « gilets jaunes », si le mouvement échappe aux syndicats.</p>
<p>L’autre est celui de la concurrence, voire de la convergence, au sein de l’assemblée du Rassemblement national de Marine Le Pen, tenu jusqu’à présent à l’écart des manifestations par les organisations syndicales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Sente est membre du Cevipol au sein de l'Université libre de Bruxelles ainsi que du conseil scientifique de la Feps (Fondation for European Progressive Studies). Il a récemment consacré des textes à l'évolution politique sociale américaine et européenne qui ont été publiés par la revue Social Europe et la Fondation Jaurès. </span></em></p>Les discours des partis de gauche opposés au gouvernement indiquent une évolution vers une critique du travail. Celle-ci a été amorcée au siècle dernier mais prend toutefois une nouvelle orientation.Christophe Sente, Chercheur en sciences politiques, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1978842023-01-22T16:25:37Z2023-01-22T16:25:37ZRetraites : et si le gouvernement cherchait à augmenter la population active ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505543/original/file-20230120-12-p1udn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C86%2C1140%2C799&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le resserrement des politiques migratoires a réduit le nombre d'entrées annuelles sur le marché du travail ces 15 dernières années.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zoetnet/4851273327">Zoetnet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le président de la République Emmanuel Macron défend actuellement le projet de réforme des retraites au nom de la fidélité à ses engagements formulés lors de campagne présidentielle de 2022. Le chef de l’État sortant avait alors proposé un <a href="https://www.20minutes.fr/economie/3249975-20220310-presidentielle-2022-emmanuel-macron-propose-allongement-progressif-age-depart-retraite-65-ans">allongement progressif de l’âge de départ</a> à la retraite à 65 ans. Environ 9 mois après sa réélection, la première ministre Élisabeth Borne a présenté, le mardi 10 janvier, les <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/287799-elisabeth-borne-10012023-reforme-des-retraites">grandes lignes du texte</a> qui prévoit effectivement un report de l’âge légal, mais finalement à 64 ans. Selon la cheffe du gouvernement, « notre système par répartition sera alors à l’équilibre ».</p>
<p>Pourtant, en avril 2019, Emmanuel Macron affirmait <a href="https://www.leparisien.fr/politique/reforme-des-retraites-quand-macron-assurait-quil-ne-voulait-pas-reculer-lage-de-depart-11-01-2023">exactement le contraire</a>, comme ne manquent pas aujourd’hui de le rappeler les opposants à la réforme, qui ont <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/direct-greve-contre-la-reforme-des-retraites-suivez-la-journee-de-mobilisation-dans-toute-la-france-jeudi-19-janvier_5610659.html">défilé massivement sur tout le territoire</a> le jeudi 19 janvier. En effet, le système actuel ne nécessite aucune réforme pour rester à l’équilibre, comme nous le rappelions dans un précédent <a href="https://theconversation.com/retraites-la-majorite-determinee-a-mettre-en-place-une-reforme-explosive-mais-inutile-comptablement-181404">article</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KGyxcYvcjTk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Quand Macron promettait de ne pas reculer l’âge légal de départ à la retraite (L’Obs, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Projections erronées</h2>
<p>En effet, selon les dernières estimations du Conseil d’orientation des retraites (COR) publiées en septembre 2022, le système dégageait un excédent de 900 millions d’euros en 2021 et de <a href="https://www.cor-retraites.fr/node/595">3,2 milliards en 2022</a>. Il devrait enregistrer ensuite un déficit d’environ 10 milliards d’euros par an jusqu’en 2032.</p>
<p>Or, les prévisions récentes du COR ont été invalidées par la réalité : les <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/280319-retraites-un-deficit-moins-important-que-prevu">déficits annoncés</a> pour les années 2021 et 2022 n’ont ainsi pas été observés. De plus, les projections du COR tablent notamment sur une augmentation de la population active qui suivrait la même tendance que celle observée entre 2006 et 2019, 123 000 en moyenne par an.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retraites-la-majorite-determinee-a-mettre-en-place-une-reforme-explosive-mais-inutile-comptablement-181404">Retraites : la majorité déterminée à mettre en place une réforme explosive … mais inutile comptablement</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cependant, ce chiffre pourrait être relevé pour renouer avec les rythmes observés entre 1990 et 2005, soit environ 173 000 personnes par an en plus dans la population active, ce qui éviterait de demander aux actifs de travailler plus longtemps. Trois leviers pourraient être actionnés : l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/immigration-21314">immigration</a>, le taux d’emploi des jeunes et le taux d’emploi des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seniors-38909">seniors</a>.</p>
<h2>Des tendances qui peuvent être infléchies</h2>
<p>En ce qui concerne l’immigration, le COR retient une estimation située entre 62 000 et 87 000 entrées nettes par an dans la population active. Ce solde s’est tari ces dernières années, notamment en raison d’un resserrement de la politique migratoire, puisqu’il se situait au-delà de 100 000 entre 2001 et 2006. Un assouplissement permettrait donc d’augmenter le nombre de cotisants et les montants qui entreraient chaque année dans les caisses de retraite.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. [Abonnez-vous aujourd’hui](https://theconversation.com/fr/newsl</p>
<p>Le gouvernement pourrait également adopter des politiques visant à améliorer la participation des jeunes au marché du travail. Rappelons qu’aujourd’hui, la France enregistre l’un des taux de chômage des moins de 25 ans les plus élevés en Europe : <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/le-taux-de-chomage-des-jeunes-en-europe/">18,3 % en novembre 2022</a>, contre 15,1 % en moyenne dans la zone euro (15,1 %).</p>
<p>Le taux d’emploi des plus de 55 ans pourrait enfin être renforcé : fin 2021, seuls 56,1 % des 55-64 ans étaient en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/emploi-20395">emploi</a>. Il existe donc une véritable marge de manœuvre pour le relever en <a href="https://theconversation.com/valoriser-lemploi-des-seniors-le-prealable-oublie-de-la-reforme-des-retraites-197141">valorisant davantage les compétences des seniors</a> en entreprise. Sans compter que, sous l’effet des précédentes réformes qui allongeaient la durée de cotisations, ce <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/80d94dd7dbc89f535116072a9a536201/Dares_tableau-de-bord-seniors_T42021.pdf">taux augmente déjà mécaniquement depuis 20 ans</a>.</p>
<p>Le COR s’en tient donc à des tendances qui pourraient parfaitement être infléchies à plus long terme par certaines mesures de politique économique.</p>
<h2>L’espérance de vie stagne</h2>
<p>Pendant la campagne de 2022, le président-candidat avançait en outre qu’il fallait « travailler plus » et « plus longtemps parce que nous vivons plus vieux ». Cet argument de l’allongement de la durée est pourtant contredit par les données récentes qui livrent un enseignement différent. Si effectivement avant 2014, nous gagnions 1 année de vie tous les 4 ans il n’en est plus rien depuis, avec un <a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mortalite-cause-deces/esperance-vie">petit mois gagné en 8 ans</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1510277888645509121"}"></div></p>
<p>Si demain nous connaissions une augmentation forte de l’espérance de vie, pourquoi n’accepterions-nous pas de convenir, sans toucher aux autres paramètres du régime, l’automaticité d’une augmentation de la durée des cotisations, en phase avec la réalité de la situation ?</p>
<p>Actuellement, bien que l’espérance de vie n’augmente que très peu, l’augmentation de la durée de cotisation pour pouvoir toucher une retraite à taux plein reste pourtant bel et bien envisagée dans le cadre de la réforme. La première ministre Élisabeth Borne avait ainsi introduit sa conférence de presse de présentation du projet, le mardi 10 janvier, par ce point. Or, la réforme antérieure de 2013 avait déjà porté à 43 ans les annuités de cotisation nécessaires pour les générations postérieures à 1973.</p>
<p>Plutôt que de faire porter l’effort sur un nouvel allongement de la durée de cotisation, le gouvernement pourrait donc mettre en place une politique pour augmenter la population active comme décrite ci-dessus. Ou alors, choisir de faire contribuer les retraités (dont le <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-perso/retraite/le-niveau-de-vie-des-retraites/">niveau de vie est aujourd’hui supérieur à celui des actifs</a>) en taxant les pensions les plus importantes. Le président Macron pourrait alors donner un contenu concret à son intention, formulée au cours de son premier mandat, en 2018, de <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/macron-veut-reinventer-letat-providence-sans-depenser-toujours-plus-133445">« réinventer » l’État-providence</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197884/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Laurent représente la CFTC au Conseil Economique Social Environnemental (CESER) de la région Auvergne-Rhône-Alpes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kévin Parmas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'exécutif pourrait assouplir sa politique migratoire et favoriser la participation des jeunes et de seniors au marché du travail pour éviter aux actifs de travailler plus longtemps.Bernard Laurent, Professeur, EM Lyon Business SchoolKévin Parmas, Instructeur d'économie, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974642023-01-15T12:51:11Z2023-01-15T12:51:11ZJustice : que va changer la généralisation des cours criminelles départementales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504242/original/file-20230112-27936-iv8wqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C24%2C5472%2C3415&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Viols, coups mortels, vols à main armée… Les personnes majeures et non récidivistes, accusées de ces crimes, comparaîtront désormais, en première instance, devant cette nouvelle juridiction composée uniquement de magistrats professionnels.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le premier janvier, une nouvelle juridiction jusqu’ici en phase d’expérimentation s’est généralisée : la disparition des jurys populaires dans certaines cours d’assises et la création des cours criminelles départementales. Ces cours criminelles sont composées uniquement de cinq magistrats professionnels, il n’y a pas de jurés, alors qu’ils représentaient la particularité et l’essence même de cette juridiction de jugement.</p>
<p>Jusqu’à présent selon <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006576048">l’article 240 du code de procédure pénale</a>, toutes les cours d’assises étaient mixtes, composées de la cour et du jury. La cour est composée de trois magistrats professionnels, le président qui doit être un magistrat de la cour d’appel, et les assesseurs. Le caractère mixte de la composition de cette juridiction provient de la présence du jury. Les jurés de jugement formant ce jury ne sont pas professionnels et sont tirés au sort au sein des listes électorales. Pour chaque procès les jurés de jugement sont au nombre de six en première instance et neuf en appel (depuis la <a href="http://www.textes.justice.gouv.fr/lois-et-ordonnances-10180/participation-des-citoyens-a-la-justice-et-jugement-des-mineurs-22817.html">loi n°2011-939 du 10 août 2011)</a>. Par ailleurs, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006071154/LEGISCTA000006167460/#:%7E:text=Peuvent%20seuls%20remplir%20les%20fonctions,par%20les%20deux%20articles%20suivants.">l’article 254</a> du code de procédure pénale dispose que « le jury est composé de citoyens ». En ce sens la cour d’assises est qualifiée de juridiction populaire : des représentants du peuple participent au jugement des crimes.</p>
<h2>Une réforme aux ambitions floues</h2>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000036830320/#:%7E:text=Il%20pr%C3%A9voit%20l%E2%80%99exp%C3%A9rimentation%20d,diminuer%20la%20correctionnalisation%20des%20crimes.">La loi du 23 mars 2019</a> a instauré la cour criminelle départementale. Son article 63 dispose donc que « les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, sont jugées en premier ressort par la cour criminelle ». La composition de cette juridiction est donc constituée d’un président et de quatre assesseurs, et juge les crimes les moins graves quant à leurs peines.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-presomption-dinnocence-continue-t-elle-de-faire-debat-193749">Pourquoi la présomption d’innocence continue-t-elle de faire débat ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cette juridiction fut expérimentale jusqu’au 31 décembre 2022, et généralisée depuis le 1<sup>er</sup> janvier. L’objectif affiché est d’éviter la correctionnalisation des infractions criminelles (c’est-à-dire omettre la qualification criminelle du fait jugé pour le qualifier de délit et le faire juger par un tribunal correctionnel) et l’aléa des décisions des jurés.</p>
<p>Dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000036830320/">projet de loi</a>, il est affirmé que cette nouvelle juridiction est créée « afin principalement de réduire la durée des audiences, de permettre ainsi le jugement d’un plus grand nombre d’affaires à chaque session, et de limiter par voie de conséquence les délais » avant l’audience. Le terme « principalement » laisse perplexe puisqu’il semble que d’autres objectifs sont assignés à cette nouvelle juridiction, notamment financiers et de ressources humaines. En toile de fond, il apparait un objectif budgétaire à cette réforme du fait du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006518073/1972-07-09">coût des audiences criminelles</a> des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006518058">cours d’assises</a>.</p>
<h2>Une efficacité relative</h2>
<p><a href="https://www.dalloz-actualite.fr/flash/cour-criminelle-departementale-bilan-positif-generalisation-hative#.Y8AdI-zMLBI">Le rapport du comité de suivi</a> sur cette nouvelle juridiction semble mitigé. Certes les dossiers sont jugés plus rapidement, les 387 affaires jugées « ont nécessité 863 jours d’audience (soit 2,23 jours par affaire) mais selon les éléments transmis à la mission chargée du bilan de l’expérimentation il aurait fallu 982 jours d’audience pour que les cours d’assises jugent ces dossiers, soit 12 % de plus ». </p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le taux d’acquittement est similaire à celui des cours d’assises, en revanche le taux d’appel est plus important. S’agissant des moyens employés pour cette justice criminelle « si les chiffres diffèrent parfois, le coût moyen d’une journée d’audience en cour criminelle départementale est estimé à 1 100 €, contre 2 060 € aux assises. La vraie difficulté est celle des personnels. La cour criminelle départementale est composée de cinq magistrats, dont au moins trois doivent être de carrière. Au total, les 387 affaires ont mobilisé 1 935 magistrats, dont 15 % étaient honoraires et 18 % étaient des magistrats à titre temporaire. Or la justice manque de moyens humains. »</p>
<p>Selon le <a href="http://images.lexbase.fr/sst/june/Editorial/Rapport%20du%20comit%c3%a9%20d%27%c3%a9valuation%20et%20de%20suivi%20des%20cours%20criminelles%20d%c3%a9partementales.pdf">comité d’évaluation</a> et de suivi de la cour criminelle départementale, chargé de faire le bilan de l’expérimentation : la généralisation des cours criminelles départementales</p>
<p>« apparaît comme prématurée en l’état des ressources humaines ». En revanche il est favorable à ce que ces juridictions jugent les accusés en état de récidive légale et les mineurs.</p>
<h2>Renversement de principes</h2>
<p>L’un des principes fondamentaux des cours d’assises françaises est l’oralité des débats. C’est un principe cardinal de notre organisation judiciaire. Si ce principe n’est pas expressément prévu dans le code de procédure pénale, la Cour de cassation le déduit de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006576281/1994-03-01#:%7E:text=Si%2C%20au%20cours%20de%20la,et%20de%20la%20partie%20civile">l’article 347</a>, alinéa 3 du code de procédure pénale au terme duquel le président ordonne que le dossier soit déposé auprès du greffier et que, lorsque les juges se retirent pour délibérer, ils n’emportent que la décision de mise en accusation. Quid alors devant la cour criminelle départementale ?</p>
<p>La nouvelle réforme affaiblie considérablement le principe de l’oralité des débats devant la cour d’assises, puisque l’ensemble de la composition a désormais accès au dossier et il pourra être emporté dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032655471">cadre du délibéré</a>. C’est-à-dire que tous les magistrats qui siègent à la cour criminelle départementale pourront consulter le dossier de procédure et ce dernier sera présent lors du délibéré. Cela semble donc contraire au principe de l’oralité des débats car pendant la phase de jugement de la procédure criminelle tout élément à charge et à décharge contre l’accusé peut être discuté, débattu de manière contradictoire, publique, et la décision prononcée ne peut prendre appui que sur ce qui a été débattu oralement et non pas sur les pièces de la procédure écrite durant les phases précédant la phase de jugement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/parole-des-accuses-de-son-importance-dans-un-proces-dassises-196235">Parole des accusés : de son importance dans un procès d’assises</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>La généralisation des cours criminelles départementales semble donc hâtive. C’est d’ailleurs ce qui ressort de la tribune de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/02/la-generalisation-des-cours-criminelles-parait-relever-de-l-absurde_6156275_3232.html">Benjamin Fiorini</a>, maître de conférence en droit privé et sciences criminelles, qui affirme à nouveau que les objectifs ne sont pas atteints, et que cette généralisation relève de l’absurde, notamment du fait de l’absence des jurés.</p>
<h2>Les citoyens éloignés de la justice ?</h2>
<p>Ce qui est principalement regrettable dans cette absence c’est qu’il enlève le <a href="https://www.vie-publique.fr/catalogue/22697-la-cour-dassises-actualite-dun-heritage-democratique">caractère démocratique des audiences criminelles</a>. Certes la cour d’assises n’est pas supprimée totalement, mais l’intervention moindre des jurés éloigne le citoyen de la justice en tant que juge.</p>
<p>On peut même considérer que dans ces espaces une forme de démocratie directe est à l’œuvre. C’est, il semble, hormis les cas de référendums, la seule possibilité pour le citoyen de s’exprimer directement et d’exercer un pouvoir concret.</p>
<p>Certains magistrats ont a cœur de rappeler le caractère démocratique des cours d’assises. La Présidente de la Cour d’assises de la Somme Sylvie Karas, introduisait presque systématiquement les sessions par ces quelques mots « la Cour d’assises est l’émanation de la démocratie » et le magistrat <a href="https://www.vie-publique.fr/catalogue/22697-la-cour-dassises-actualite-dun-heritage-democratique">Denis Salas</a> affirme qu’« avec son jury populaire, la Cour d’assises est le miroir d’un idéal démocratique ».</p>
<p>A l’heure où les <a href="http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2021/09/Gabarit-maquette%CC%81-RM-web-3.pdf">citoyens semblent éloignés de la justice</a> et montrent une méfiance de plus en plus importante envers le système judiciaire cette réforme ne semble pas opportune. C’est une des raisons qui ont conduits des parlementaires a déposé une proposition de loi visant à préserver le jury et donc supprimer <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0309_proposition-loi">cette nouvelle juridiction</a>.</p>
<p>Si cette cour criminelle départementale n’est pas remise en cause, alors nous vivons sans doute les dernières heures de la cour d’assises telle qu’on la connaissait jusqu’à présent. Cette nouvelle juridiction vient compléter les juridictions répressives dans l’ordre judiciaire qui reposait jusqu’à présent sur le tribunal de police pour juger les contraventions, le tribunal correctionnel qui juge les auteurs des délits et la cour d’assises jugeant les crimes. Pour l’heure la cour criminelle départementale est généralisée et c’est la justice criminelle qui s’en trouve impactée tant dans ces principes que dans son organisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197464/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Hermand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le 1ᵉʳ janvier, de nombreux crimes ne seront plus jugés par une cour d’assises mais par une cour criminelle, uniquement composée de magistrats.Thomas Hermand, Attaché d'enseignement (CUREJ, Université de Rouen), Doctorant (IRJI Tours), Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1948742023-01-10T20:45:45Z2023-01-10T20:45:45ZLe lycée professionnel, une voie de formation en danger ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502697/original/file-20221228-74258-pjfi0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C58%2C1017%2C708&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Conduits d'extraction de la sciure et des poussières dans l'atelier bois du Lycée professionnel de Chardeuil (Coulaures, Dordogne, 2018).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Coulaures_LEP_Chardeuil_extraction.jpg">Père Igor, via Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le lycée professionnel (LP) attire rarement l’attention des médias. Il agite peu le débat public. C’est assez paradoxal, et ce pour au moins deux raisons. D’abord, parce qu’il scolarise et <a href="https://www.education.gouv.fr/l-education-nationale-en-chiffres-2021-324545">forme chaque année près de 650 000 élèves</a>, <a href="https://www.pur-editions.fr/product/ean/9782753529496/filles-et-garcons-au-lycee-pro">filles et garçons, très largement issus des milieux populaires</a>, aux trajectoires scolaires souvent heurtées et pour qui le LP est rarement un « choix ». En conséquence, il fait face à des défis scolaires de taille, il doit réussir à réconcilier l’élève avec l’école.</p>
<p>Ce désintérêt surprend aussi dans la mesure où le LP fait l’objet de réformes de fond régulières portées avec beaucoup de vigueur et de détermination par le pouvoir politique. Si ces transformations sont rarement discutées, elles ont pourtant des effets bien réels sur les devenirs scolaires et sociaux des élèves, sur leur famille, sur les quotidiens professionnels des personnels scolaires, enseignantes et enseignants, conseillères principales et conseillers principaux d’éducation, cheffes et chefs d’établissement, mais de tout ceci il est rarement question.</p>
<p>En 2018, le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Jean-Michel Blanquer, engage un <a href="https://eduscol.education.fr/2224/transformer-le-lycee-professionnel">mouvement de transformation structurelle de la voie professionnelle</a>. Pour le justifier, l’argument est toujours le même. Le LP manque un de ses objectifs : l’insertion professionnelle des jeunes qu’il forme. Le constat est sans appel et il suffit à expliquer la désaffection du lycée professionnel par les jeunes et leur famille.</p>
<p>Pour lutter contre la disqualification tout à la fois sociale et symbolique du lycée professionnel, des dispositifs pédagogiques sont mis en œuvre tels la <a href="https://www.education.gouv.fr/promouvoir-la-voie-professionnelle-au-coeur-des-metiers-d-avenir-342832">réalisation d’un chef-d’œuvre</a> ou la co-intervention des enseignants et enseignantes, les formations sont réorganisées en familles de métiers. Toutes ces mesures sont présentées comme permettant de mieux mettre en évidence les compétences professionnelles travaillées par les élèves en formation et les liens entre formation scolaire et monde professionnel.</p>
<p>En 2022, les <a href="https://www.ih2ef.gouv.fr/presentation-de-la-reforme-du-lycee-professionnel-par-emmanuel-macron">mesures suggérées par le gouvernement</a> poursuivent celles de 2018, certainement avec plus de vigueur encore. En effet, la valorisation du lycée professionnel se fera par la densification de la dimension professionnelle de la formation. Le LP passe ainsi sous double tutelle du ministère du Travail et de l’Éducation nationale. Le gouvernement envisage d’<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/12/reforme-des-lycees-professionnels-les-limites-de-la-strategie-portee-par-macron_6145520_3232.html">augmenter la durée des stages</a> en milieu professionnel de 50 %, de densifier les liens avec l’apprentissage, nous y reviendrons.</p>
<h2>Tournant des années 1970</h2>
<p>Pour le grand public et pour les usagers du LP lui-même, les idées ainsi affichées peuvent apparaître tout à fait séduisantes, voire parfaitement légitimes. Mais, elles n’ont en réalité rien de très novateur. Elles ont surtout, dans les faits, la particularité d’éluder le fond du problème. La disqualification sociale et symbolique dont le lycée professionnel souffre aujourd’hui, et contre lequel le gouvernement se propose d’agir, est en fait le produit de l’histoire de ce segment du système éducatif.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Rappelons que le lycée professionnel a d’abord connu une période faste. La préparation aux premiers niveaux de qualification et plus particulièrement les CAP vont constituer une véritable chance par les enfants des classes populaires qui, par ce biais, pourront accéder aux diplômes, au travail qualifié, plus justement rémunéré et permettant une promotion sociale.</p>
<p>L’enseignement professionnel perd sa <a href="https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1989_num_8_4_2375">capacité de promotion de la classe ouvrière</a> et son prestige à partir des années 1970, sous l’effet conjoint de la dégradation des conditions économiques et de la politique d’unification du système éducatif. L’enseignement professionnel se voit ainsi intégré, non plus à l’enseignement primaire comme c’était le cas avec les collèges d’enseignement technique (CET), mais à l’enseignement secondaire par le biais des lycées d’enseignement professionnel (LEP).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CFpzckOth9o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Nouvelle mobilisation contre la réforme des lycées professionnels (France 3 Bourgogne, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>L’offre des formations du lycée va alors se diversifier ce qui va contribuer à inscrire l’enseignement professionnel au bas de la hiérarchie scolaire. Dans un contexte de course aux diplômes et aux qualifications, les CAP, BEP autrefois instruments efficaces de promotion des enfants des classes populaires deviennent donc des certifications de la seconde chance. La création du bac professionnel en 1985 ne va en rien bouleverser la hiérarchie des filières et des diplômes.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2016-2-page-123.htm">La désaffection pour le lycée professionnel</a>, sa disqualification scolaire et sociale n’est pas d’abord ou même surtout le produit ou le résultat d’une inadéquation entre le LP et le monde économique, elle est d’abord le produit de son histoire. Elle a aussi beaucoup à voir avec la réalité du marché du travail pour les ouvriers, ouvrières, employés et employées d’exécution aujourd’hui.</p>
<p>Pour le dire autrement, si les élèves ne s’orientent pas volontiers au lycée professionnel pour y préparer un CAP ou un bac pro, c’est aussi parce qu’eux-mêmes et leur famille ont une conscience très nette des conditions salariales et de travail qui seront les leurs.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-lycee-professionnel-enfin-sujet-de-debats-180808">Le lycée professionnel, enfin sujet de débats ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ainsi, lorsque le gouvernement souhaite favoriser, dans les territoires qui le nécessiteraient, le déploiement de formations sur des métiers dits en tension comme ceux des domaines du soin aux personnes ou de l’hôtellerie-restauration, prend-il la juste mesure de ce que les conditions d’emploi et de travail ont comme effet sur les processus de désaffection de certaines filières de formation ? La question de l’adéquation ou de l’inadéquation entre formation et emploi n’a pas grand-chose à voir avec ces réalités très concrètes des vies en formation et au travail.</p>
<h2>Sélectivité de l’apprentissage</h2>
<p>D’autres mesures proposées par le pouvoir politique ont de quoi surprendre celles et ceux qui connaissent très concrètement le LP. La volonté politique d’<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/12/reforme-des-lycees-professionnels-les-limites-de-la-strategie-portee-par-macron_6145520_3232.html">augmenter de 50 % le temps passé en stage</a> conduit nécessairement à se poser la question de la place accordée et laissée à leur formation intellectuelle. L’histoire du LP en France, c’est aussi l’histoire d’une formation intellectuelle pour les ouvriers, ouvrières, employés et employées, c’est l’histoire de la formation complète, culturelle, technique et professionnelle. Ce n’est pas celle de l’apprentissage du seul geste professionnel ou de la seule compétence, apprise sur le tas, en contexte de travail.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ocxSdC8p99w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Réforme de la voie pro : des professeurs inquiets (Sqool TV, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>De même, faire passer plus de temps à l’élève en entreprise c’est aussi supposer évidentes les places disponibles pour eux et elles dans ces entreprises. Les acteurs scolaires le savent très bien, les entreprises n’accueillent pas volontiers les lycéens professionnels souvent jugés trop jeunes (14 ans en seconde professionnelle) pour investir un lieu et une équipe de travail, supporter certaines conditions de travail.</p>
<p><a href="https://www.liberation.fr/societe/education/lycees-pro-une-reforme-pensee-den-haut-par-des-gens-qui-ont-une-tres-grande-meconnaissance-de-la-realite-20221018_MOR22WZXHZB6HL6C4LYCM3CA6U/">Valoriser ainsi la formation en entreprise</a>, c’est faire l’hypothèse qu’elle permet toujours d’apprendre, or est-ce si mécaniquement le cas ? Quel temps de formation, quels personnels les entreprises ont-elles véritablement à mettre à disposition des jeunes pour les former ? Ces questions se posent avec beaucoup de vigueur dans les lycées professionnels aujourd’hui lorsque le temps de stage est de 18 à 22 semaines sur 3 ans de formation en bac pro par exemple. Comment pourrait-il ne plus se poser avec un temps de formation en entreprise encore densifié ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-systeme-dapprentissage-en-allemagne-un-modele-de-formation-163682">Le système d'apprentissage en Allemagne : un modèle de formation ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Attardons-nous sur un dernier argument du pouvoir politique qui là encore n’a à voir qu’avec la question de l’adéquation entre formation et emploi, celui qui vise à valoriser la formation en apprentissage. Sur ce point aussi, les questions sont nombreuses. Dans un ouvrage récent, <a href="https://ladispute.fr/catalogue/de-lindocilite-des-jeunesses-populaires-apprenti%C2%B7e%C2%B7s-et-eleves-de-lycees-professionnels/">Prisca Kergoat</a> le montre très bien : tous les jeunes en CAP et bac pro n’ont pas les mêmes chances d’accéder à cette voie de formation.</p>
<p>Réussir à y obtenir une place nécessite d’abord d’avoir les bonnes dispositions, les savoir-être comportementaux qui permettent de convaincre les potentiels employeurs. Les jeunes issus des familles les plus précarisées, souvent éloignées de l’emploi ont plus de mal à accéder à l’apprentissage. Suivant les secteurs de formation considérés, certains jeunes d’origine étrangère, celles et ceux issus de l’immigration, ou les filles, peuvent faire l’objet de contraintes plus fortes de sélection que les jeunes autochtones ou les jeunes hommes.</p>
<p>Ces processus de sélection inégalitaires et discriminatoires sont certes difficilement objectivables, ils n’en produisent pas moins chez les jeunes le sentiment d’être victimes d’injustices. Comme pour d’autres voies de formation sélectives, l’apprentissage trie, hiérarchise les jeunes sur des critères qui n’ont pas seulement à voir avec des performances scolaires ou sur des capacités.</p>
<p>Ces derniers mois, les syndicats enseignants, les acteurs et actrices de terrain du LP se sont largement mobilisés. Ils et elles ont dit leur inquiétude. Ces mesures risquent d’avoir des effets réels sur les parcours de formation et les vies professionnelle et sociale des jeunes. Il est saisissant que leurs expertises soient si peu entendues par le pouvoir politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Séverine Depoilly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour « revaloriser » le lycée professionnel, le gouvernement veut augmenter le temps passé par les élèves en entreprise. Séduisante sur le papier, l’idée soulève beaucoup de questions sur le terrain.Séverine Depoilly, Maîtresse de conférences en sociologie, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1957132022-12-05T19:01:26Z2022-12-05T19:01:26ZLa réforme de l’assurance-chômage pourrait creuser les inégalités et accélérer la polarisation de l'emploi<p>Très attendu, les mécanismes de la <a href="https://www.lefigaro.fr/social/assurance-chomage-la-reforme-va-etre-devoilee-ce-lundi-20221120">réforme de l’assurance-chômage</a> ont été présentés aux partenaires sociaux lundi 21 novembre par Olivier Dussopt, ministre du Travail, après son adoption par le parlement quelques jours plus tôt.</p>
<p>C’est un projet contracyclique qui a été exposé, avec pour idée principale de corréler la durée d’indemnisation des chômeurs avec le cycle économique. Ainsi, en période de croissance économique la durée d’indemnisation sera-t-elle plus courte qu’en période de récession en partant du principe que cela demande moins de temps pour retrouver du travail quand l’économie se porte bien.</p>
<p>En prenant cette mesure, le gouvernement poursuit deux objectifs : assurer l’équilibre financier du système d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/assurance-chomage-45771">assurance-chômage</a> et favoriser la baisse du chômage structurel (pour lequel la conjoncture économique n’est pas en cause). Depuis 2009, en effet, le système d’indemnisation chômage est déficitaire avec une prévision de retour à l’équilibre pour fin 2022. </p>
<p>Quant au chômage structurel, il est mesuré <a href="https://www.bfmtv.com/economie/emploi/avec-8-de-chomage-la-france-a-t-elle-atteint-son-plein-emploi_AV-202111220016.html">entre 7 et 8 % des actifs en France</a>, proche de la moyenne de la zone euro, tandis qu’il est aux alentours de 5 % dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).</p>
<p><iframe id="uKCfv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uKCfv/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette réforme part du présupposé qu’une durée d’indemnisation trop longue serait désincitatif au retour à l’emploi. En économie, il s’agit de ce que l’on appelle un aléa moral : les individus bénéficiant de l’indemnisation feraient un calcul coût-avantage et verraient un avantage à bénéficier de l’allocation chômage sans travailler plutôt que de chercher ou d’accepter un emploi. Autrement dit, cela ne vaudrait pas le coup de travailler vu le trop faible revenu supplémentaire que l’on peut espérer. Par cette réforme, le ministre du Travail table sur <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/11/21/reforme-de-l-assurance-chomage-le-gouvernement-va-devoiler-les-futures-regles-d-indemnisation-reduisant-la-duree-en-fonction-du-taux-de-chomage_6150860_823448.html">100 000 à 150 000 retours à l’emploi</a> dans un contexte de pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs.</p>
<p>Des études économiques, notamment l’ouvrage <a href="https://journals.openedition.org/lectures/16234"><em>Améliorer l’assurance-chômage</em></a> publié en 2014 par les économistes Stéphane Carcillo et Pierre Cahuc (Presses de Sciences Po), montrent d’ailleurs que les demandeurs d’emploi intensifient leurs recherches d’emploi en fin de période d’indemnisation. Quand on compare, en outre, le <a href="https://data.oecd.org/fr/benwage/prestations-chomage-part-du-revenu-precedent.htm">taux de remplacement</a>, qui rapporte l’indemnisation chômage au salaire net du dernier emploi de l’assuré, nous constatons également que le système français est très généreux par rapport aux autres pays de l’OCDE.</p>
<h2>Inefficace face aux problèmes d’appariement</h2>
<p>Cependant, cette réforme ne prend pas en compte deux problèmes : le premier concerne les spécificités territoriales. En effet, si l’on compare les taux de croissance annuels moyens du PIB par habitant entre 2000 et 2018 de la région Île-de-France et de la région Grand-Est, on constate qu’ils sont respectivement de 1,04 % et 0,19 % selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Les différentes dynamiques économiques entraînent donc des difficultés différentes en matière de retour à l’emploi. Pourtant, la réforme doit s’appliquer partout de la même manière.</p>
<p><iframe id="Ld9pf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Ld9pf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais il n’y a pas que les régions que cette réforme semble confondre. À englober tous les chômeurs dans une même catégorie, mélangeant les parcours, les qualifications et les types d’emploi, le texte ne tient pas compte d’un second problème : ce que les économistes appellent le chômage d’appariement.</p>
<p>On désigne par là une situation où l’on observe un taux de chômage important alors qu’il y a beaucoup d’emplois vacants. Ce décalage s’explique par une inadéquation entre les qualifications des demandeurs d’emploi et les emplois proposés par les employeurs. De ce fait, en période de croissance économique et face à un chômage d’appariement, un individu en recherche d’emploi ne bénéficierait pas du temps nécessaire pour trouver un poste en adéquation avec ces qualifications ou se former. Or, toucher une allocation, c’est pouvoir prendre le temps de se former, surtout pour les plus précaires qui ont besoin d’acquérir de nouvelles compétences pour répondre au besoin du marché du travail et qui n’ont pas pu mettre de l’argent de côté auparavant.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour l’observer, les économistes disposent d’un outil en particulier : la <a href="https://www.routledge.com/Full-Employment-in-a-Free-Society-Works-of-William-H-Beveridge-A-Report/Beveridge/p/book/9781138830370">courbe de Beveridge</a> qui décrit la relation, décroissante, entre le taux d’emplois vacants et le taux de chômage. En période de croissance économique, la demande de travail augmente, ce qui accroît le taux d’emplois vacants et favorise la baisse du taux de chômage. <em>A contrario</em>, en période de récession, la demande de travail baisse, entraînant avec elle le nombre d’emplois vacants. On observe alors une hausse du chômage.</p>
<p>On peut mesurer le degré d’appariement sur le marché du travail en fonction du positionnement de la courbe de Beveridge par rapport à l’origine. Plus la courbe est proche de l’origine, moins il y a de chômage d’appariement. En France, la baisse du taux de chômage s’opère en fait dans un contexte d’augmentation du taux d’emplois vacants, ce qui prouve que le chômage d’appariement est important.</p>
<p><iframe id="p0Q2C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/p0Q2C/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or, la solution face aux problématiques d’appariement est souvent la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/formation-21393">formation</a> pour permettre aux demandeurs d’emploi de satisfaire les besoins des employeurs. Et de ce point de vue, la réforme peut sembler assez inefficace.</p>
<h2>Pour les plus précaires, plus le temps de se former</h2>
<p>Quand on compare le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2429772">taux de chômage en fonction des qualifications</a> professionnelles, on constate que les employés au niveau bac+2 ont un taux de chômage très bas depuis 2015, aux alentours de 5,3 % en 2021, alors qu’il est de 8,5 % pour les employés niveau bac ou certificat d’aptitude professionnelle (CAP), et 14,4 % à un niveau brevet des collèges ou sans qualifications.</p>
<p>Pour les moins qualifiés, la réforme porte le risque de la précarisation de leur situation. En effet, il s’agit de la catégorie qui occupe le plus les emplois à temps partiel, en partie involontaire. Cette réforme pourrait donc creuser les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a> en créant une trappe à sous-qualification et grossir le « halo du chômage » (inactifs n’étant pas au chômage mais dans une situation qui s’en approche) : les assurés en fin de droit se verraient obliger d’accepter un emploi sous peine de perdre leurs revenus ; il serait alors plus difficile de trouver le temps de bénéficier d’une formation adéquate pour augmenter leur niveau de qualification et donc sortir de ce schéma.</p>
<p>En période de croissance économique, le temps que pourra consacrer le demandeur d’emploi pour se former ou se reconvertir sera donc réduit… sauf <em>a priori</em> pour les plus qualifiés. En effet, selon la <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1496221">théorie du capital humain</a> énoncée par le prix « Nobel » d’économie américain Gary Becker en 1964, le revenu augmente avec le niveau de qualification car plus ce capital, qui correspond plus ou moins à son niveau d’éducation, est important chez un individu, plus ce dernier est productif et plus son revenu augmente.</p>
<p>En outre, comme le soulignait l’économiste britannique <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/john-maynard-keynes">John Maynard Keynes</a>, plus le revenu d’un individu augmente, plus la part de son revenu épargné augmente. Or, cette épargne en période de chômage peut constituer un complément à l’assurance-chômage qui permet de financer la recherche d’un nouvel emploi tout en se formant. Autrement dit, plus on touchait un salaire élevé avant d’être au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chomage-20137">chômage</a>, plus on a de l’argent de côté, et plus on peut les utiliser pour se former une fois sans emploi.</p>
<p>Selon un <a href="https://www.unedic.org/publications/profils-et-trajectoires-des-demandeurs-demploi-ayant-suivi-une-formation">rapport</a> de l’Unedic publié récemment, ce sont d’ailleurs les plus diplômés des allocataires de l’assurance-chômage qui suivent une formation. 58 % ont au moins un niveau bac, contre 46 % de l’ensemble des allocataires.</p>
<h2>Et l’objectif financier ?</h2>
<p>En résumé, la réforme envisagée par le gouvernement va inciter à retrouver un emploi le plus vite possible, avec pour risque que les chômeurs les plus précaires acceptent des emplois nécessitant des qualifications faibles. Un hiatus peut alors apparaître : cette réforme risque de réduire les qualifications des chômeurs qui n’ont pas des emplois hautement qualifiés et d’accentuer la polarisation sur le marché du travail.</p>
<p>Or, si le capital humain des individus se détériore dans une économie, c’est la croissance de long terme qui est en jeu, ce qui interroge in fine l’objectif financier de la réforme.</p>
<p>Pour que cette réforme soit juste, il ne faudrait ainsi à nos yeux pas toucher à la durée d’indemnisation mais plutôt accompagner et conditionner l’assurance-chômage à un suivi de formation pour un meilleur retour à l’emploi, comme c’est le <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/assurance-chomage-formation-professionnelle-et-apprentissage-au-service-du-marche-du-travail-le-cas">cas au Danemark</a> au bout de neuf mois de chômage. Les autorités devraient en outre considérer les contraintes géographiques car la mobilité limitée des travailleurs peut impliquer l’existence de déséquilibres locaux du marché du travail. Il s’agit enfin de s’interroger sur le défaut d’attractivité de certains métiers dans lesquels les conditions de travail ou de salaire sont trop dégradées font fuir les candidats.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195713/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Laurent représente la CFTC au Conseil Economique Social Environnemental (CESER) de la région Auvergne-Rhône-Alpes .</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kévin Parmas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réduire la période d’indemnisation, c’est réduire le temps dont disposent les plus précaires pour se former, avec le risque de les enfermer dans une trappe à sous-qualification.Bernard Laurent, Professeur, EM Lyon Business SchoolKévin Parmas, Instructeur d'économie, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916912022-11-15T16:51:33Z2022-11-15T16:51:33ZMaths à l’école : d’où vient le problème ?<p>C’est une discipline qui occupe une place particulière dans le système scolaire français et s’inscrit dans les apprentissages dits fondamentaux. Pourtant, « l’image actuelle des mathématiques est préoccupante », relevaient Cédric Villani, mathématicien et député, et Charles Torossian, inspecteur de l’Éducation nationale dans leur rapport sur l’enseignement des maths rendu en 2018.</p>
<p>Et la réforme du bac mise en place à la rentrée 2019 n’a visiblement pas amélioré la situation. Bon nombre <a href="https://smf.emath.fr/smf-dossiers-et-ressources/reforme-du-lycee-et-mathematiques-25-ans-de-recul-sur-les-inegalites">d’associations mathématiques</a> et même de <a href="https://www.challenges.fr/education/trente-grands-patrons-pour-sauver-les-maths_806976">dirigeants d’entreprises</a> en ont dénoncé les conséquences néfastes, voire catastrophiques, sur la place des mathématiques dans notre société, notamment pour assurer le vivier des métiers de demain. Une place qui sera au cœur des <a href="https://www.assises-des-mathematiques.fr/">Assises des mathématiques</a> organisées du 14 au 16 novembre 2022.</p>
<p>Avec la fin des filières au lycée et le nouveau jeu d’enseignements de spécialité et d’options facultatives, l’engagement des élèves dans le domaine a décru. Avant la réforme environ 50 000 élèves, soit 13 %, <a href="https://www.education.gouv.fr/la-place-des-mathematiques-dans-la-voie-generale-du-lycee-d-enseignement-general-et-technologique-340811">ne faisaient plus de maths à partir de la classe de Première</a>, contre 170 000, soit 36 %, après la réforme. Des études ont montré que depuis la réforme, les filles sont moins nombreuses que les garçons à faire le choix de la <a href="https://www.apmep.fr/Communique-du-Collectif-Maths-Sciences-du-13-septembre-2022">spécialité Maths</a> en première et de l’option « maths expertes » en Terminale.</p>
<p>Les <a href="https://www.education.gouv.fr/des-choix-d-enseignements-de-specialites-entre-la-premiere-et-la-terminale-generale-en-2021-proches-341917">données de la DEPP</a> témoignent, sans ambiguïté, de la baisse effective du nombre de filles bénéficiant d’un enseignement de mathématiques à partir de la Première. Elles sont 55 % à faire le choix de la spécialité Maths en Première, contre 75 % des garçons, elles sont encore moins nombreuses à maintenir ce choix en Terminale (26 % contre 52 % pour les garçons).</p>
<p>Les élèves issus de milieux défavorisés sont également sous-représentés dans les enseignements de la spécialité Maths. Si l’on compare le choix de l’option Maths expertes en Terminale, on peut noter que 28 % des garçons issus de milieux sociaux très favorisés choisissent cette option, contre seulement 14 % des garçons issus de milieux sociaux défavorisés.</p>
<p>Même si ces constats ne sont hélas pas nouveaux, ils se sont accentués avec la réforme, ce qui n’est pas admissible au regard des inégalités sociales et sociétales en jeu. Mais que se passe-t-il donc avec cette discipline ? Pourquoi suscite-t-elle autant de réactions, aussi bien négatives que positives ?</p>
<h2>Mythes et représentations</h2>
<p>La vision que l’on a, en France, des mathématiques est dominée par des croyances et des représentations fantasmées de cette discipline. Même si de <a href="https://www.autrement.com/la-bosse-des-maths-nexiste-pas/9782746755734">nombreuses personnes</a> ont dénoncé l’existence d’une « bosse des maths », études scientifiques à l’appui, cette croyance persiste dans notre société et contribue, encore aujourd’hui, à véhiculer une vision des mathématiques très élitiste et inégalitaire. Il y aurait les heureux élus et ceux, majoritairement celles, qui n’auraient pas eu la chance de posséder ce don et ainsi de pouvoir s’épanouir et réussir dans cette discipline.</p>
<p>Mais pourquoi donc cette vision des mathématiques persiste-t-elle autant ? Si on vous demande de penser à une personne qui, à vos yeux, incarne les mathématiques, vous penserez soit à des mathématiciens connus comme Cédric Villani ou Alexandre Grothendieck, soit à un ancien camarade qui avait des moyennes en mathématiques qui faisaient l’admiration ou le désespoir de toutes les classes dans lequel il se trouvait. Ces personnes sont, presque toujours, des personnes dans une situation un peu exceptionnelle, auxquelles vous ne pouvez vous identifier facilement, et généralement de sexe masculin.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B6ePo4x4JbQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Hugo Duminil-Copin : « Les mathématiques devraient être une pratique populaire et non élitiste » (France 24, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est là une des premières causes de persistance du mythe, la difficulté à imaginer qu’un mathématicien ou une mathématicienne puisse être une personne banale, qui n’aurait ni araignée en broche ni grotte à habiter. On a, en effet, souvent l’image caricaturale d’un personnage avec lunettes et cheveux hirsutes, éloigné des contingences matérielles et de son temps. C’est une image totalement fausse et dépassée, qui persistera tant que les médias, les livres et les manuels scolaires la véhiculeront inconsciemment ou par négligence.</p>
<p>C’est pourquoi il est impératif d’agir au niveau de ces représentations empreintes de stéréotypes, de les contrer avec des modèles plus réalistes et plus diversifiés – notamment au niveau du genre – auxquels tout le monde peut d’identifier, quel que soit son sexe, sa situation sociale ou scolaire.</p>
<h2>L’histoire de la discipline</h2>
<p>Une autre piste peut être avancée pour expliquer la persistance de la vision élitiste que l’on a des mathématiques. C’est celle de <a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-les-maths-en-france-175718">son histoire dans le système scolaire français</a>. Il convient en effet de rappeler qu’avant même qu’elle ne devienne LA discipline de sélection telle qu’on la connait aujourd’hui, cette discipline était réservée aux hommes et particulièrement à ceux issus de milieux que l’on qualifierait aujourd’hui de favorisés.</p>
<p>Ce n’est qu’à partir de 1880 que les femmes ont pu bénéficier d’un enseignement secondaire, et encore, avec un programme mathématique allégé par rapport à celui des hommes, les programmes scolaires n’ayant été unifiés qu’en 1924. En effet, on considérait jusque-là que les enseignements dispensés aux femmes devaient principalement contribuer à les former à devenir de bonnes épouses et mères de famille et qu’elles pouvaient se dispenser d’étudier des disciplines trop complexes, telles que les mathématiques.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ainsi, d’une mixité tardive décrétée en 1975, précédée par un siècle presque d’enseignement différencié aussi bien par le sexe des enseignants (voir ci-dessous) que par les programmes, allégés pour les filles, subsiste certainement encore aujourd’hui la croyance que les garçons sont davantage prédisposés que les filles pour certaines matières, dont les mathématiques.</p>
<p>De même que la <a href="https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/document/depp-2016-EF-91-La-massification-scolaire-sous-la-Ve-Republique_635045.pdf">massification scolaire</a>, précédée par des siècles d’enseignement secondaire réservé à une élite, s’est faite sans vraiment accompagner les enseignants à s’adresser à tous les élèves comme le montre très bien le documentaire <a href="https://www.france.tv/france-2/histoires-d-une-nation-l-ecole/4176532-tous-eleves-1945-a-nos-jours.html">« Histoire d’une nation : l’école de 1945 à nos jours »</a> diffusé sur France 2 en octobre 2022.</p>
<h2>L’enseignement des maths</h2>
<p>La façon dont les mathématiques sont enseignées et les programmes du lycée peuvent également être des pistes pour comprendre la persistance du mythe dénoncé. Rappelons que les concours de recrutement des professeurs n’ont été fusionnés qu’à partir de 1975. Auparavant, il y avait des concours distincts selon les sexes : les hommes pouvaient enseigner aussi bien aux garçons qu’aux filles, alors que les femmes ne pouvaient enseigner qu’aux filles.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ClX2HMBFpT0?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les maths à l’école (INA Société, 1985).</span></figcaption>
</figure>
<p>À partir de la réforme du baccalauréat général de 1965, dans les établissements du secondaire les classes de sections scientifiques et plus particulièrement celles à examens sont généralement réservées aux professeurs agrégés, instaurant de facto une hiérarchie entre les enseignants selon leur statut et leur niveau d’enseignement, mais aussi une hiérarchie entre les élèves, laissant supposer qu’aux élites des sections scientifiques sont réservés les « meilleurs » professeurs.</p>
<p>Interrogeant des élèves pour comprendre leurs choix de spécialité en Première et leur rapport aux mathématiques, j’ai pu constater l’influence parfois néfaste que pouvait avoir le positionnement d’un professeur sur l’engagement d’élèves dans leurs apprentissages mathématiques. Plusieurs élèves de Seconde ont rapporté le fait que « les profs ne travaillent que pour ceux qui vont prendre la spécialité Maths en Première et ne se préoccupent pas des autres ».</p>
<p>Ce constat, bien que très relatif mais néanmoins peu reluisant, peut s’expliquer par la nature des nouveaux programmes attachés à la réforme qui obligent les professeurs à adopter un rythme d’enseignement davantage adapté aux élèves se destinant à poursuivre leurs études en mathématiques qu’à ceux qui ne font pas ce choix.</p>
<p>Ainsi, en agissant au niveau des représentations des mathématiques, en contrant la vision élitiste de cette discipline en permettant à tous les élèves de s’y intéresser, pour certains à un haut niveau, les mathématiques pourraient ne plus être un problème et même pourquoi pas, devenir une solution à l’échec scolaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Sayac ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les filles et les jeunes de milieu défavorisé sont moins nombreux à suivre des spécialités en maths au lycée. Ces inégalités se sont creusées avec la réforme du bac mais ont des racines anciennes.Nathalie Sayac, Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1929872022-11-03T19:58:24Z2022-11-03T19:58:24ZRéforme de la police judiciaire : pourquoi les enquêteurs se braquent ?<p>La police judiciaire, habituellement silencieuse sauf à l’occasion de la réussite de grandes affaires, fait depuis quelque temps la une des médias et expose au grand public son mécontentement. En cause un changement de statut qui, selon les enquêteurs mobilisés, risque de sacrifier leur spécificité et leur indépendance sur l’autel des réformes sécuritaires en cours.</p>
<p>Le public novice en matière de complexité policière a du mal à s’y retrouver, tant les débats sur les <a href="https://theconversation.com/violence-et-police-un-probleme-dencadrement-juridique-185097">violences à l’occasion des manifestations</a> ont mis au premier plan les <a href="https://theconversation.com/violences-des-forces-de-lordre-violences-contre-les-forces-de-lordre-162797">problèmes d’ordre public</a>) comme si ils étaient les seuls à rendre compte d’un problème policier.</p>
<p>Il est vrai que la difficulté d’accès à l’institution ne rend pas la chose aisée, et à fortiori dans des secteurs où la transparence ne fait pas forcément bon ménage avec l’efficacité et la nécessité de la discrétion.</p>
<h2>Des images rares</h2>
<p>Les images abondamment relayées d’enquêteurs de la Police judiciaire dressant un mur de silence face à Frédéric Veaux, le Directeur général de la Police nationale (DGPN), lors de sa visite à Marseille ont encore amplifié la grogne plus que naissante dans le milieu policier et mis en lumière le mécontentement affiché par ces « péjistes » face au projet de réforme annoncé par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur.</p>
<p>Le projet prévoit de placer tous les services de police d’un département sous l’autorité d’un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet. Cela reviendrait à défaire l’organisation des services de police judiciaire jusqu’ici régionalisés et les placer sous un commandement unique dirigeant au niveau du département toutes les missions de police (sécurité publique, renseignement territorial, migration-frontière et police judiciaire)</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1578027827630264321"}"></div></p>
<p>Depuis quelques semaines et face à l’annonce de cette réforme, les enquêteurs de la police judiciaire redoutent deux changements majeurs : le premier relatif à leur compétence territoriale, le second relatif à leur compétence d’attribution.</p>
<h2>PJ : des compétences particulières</h2>
<p>Pour ce qui est de la compétence territoriale, le fait d’être subordonnés à une entité départementalisée leur ferait perdre la possibilité de pouvoir poursuivre leurs investigations sur l’ensemble d’une région et ainsi pouvoir répondre plus efficacement aux déplacements des acteurs du grand banditisme. C’est d’ailleurs cette volonté qui avait conduit à l’exigence d’une mobilité plus étendue dès la <a href="https://criminocorpus.org/fr/reperes/legislation/textes-juridiques-lois-decre/textes-relatifs-a-lorganisati/decret-du-30-decembre-1907-cr/">création des brigades mobiles par Clemenceau</a>.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>S’agissant de la compétence d’attribution, la volonté affichée de ce rattachement correspond en fait à une intégration au système de Sécurité publique qui selon <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000025504923#:%7E:text=3%C2%B0%20L%E2%80%99affectation%20en,auxquels%20la%20France%20a%20souscrit.">l’article L 111-2</a> du code de la sécurité intérieure vise à l’extension à l’ensemble du territoire d’une police de proximité répondant aux attentes et aux besoins des personnes en matière de sécurité. Toutefois ce rattachement fait craindre aux professionnels de la police judiciaire une perte pure et simple de leur spécificité liée aux affaires de grand banditisme et de délinquance financière dont l’impact dépasse le cadre strict du département.</p>
<p>Jusqu’à présent, l’architecture de la réponse policière en matière de traitement judiciaire des crimes et délits repose sur deux organisations.</p>
<h2>Des distinctions parfois confondues par le citoyen</h2>
<p>Au sein de la direction générale de la police nationale cohabitent deux directions en charge de la lutte contre la délinquance. La direction centrale de la police judiciaire, également désignée sous l’abréviation de « police judiciaire » ou même plus simplement « PJ » comprend des services centraux situés au ministère de l’Intérieur et des Services territoriaux pour les crimes et délits les plus graves (homicides, vols à main armée, trafic international de stupéfiants, grande criminalité financière…) on parle alors du « haut du spectre » en matière de criminalité.</p>
<p>Les policiers de la police judiciaire ont une compétence territoriale qui n’est pas limitée au ressort d’un département, mais étendue soit à une ou plusieurs zones de défense ou parties de celles-ci, soit à l’ensemble du territoire national.</p>
<p>D’autre part, la direction centrale de la sécurité publique, représentée par les commissariats et surtout connue de tous pour ses interventions dans le cadre de « Police secours », pour les crimes et délits les « moins graves », relevant de ce qui est pudiquement qualifié de violence du quotidien.</p>
<p>Cette distinction n’est pas toujours perçue dans sa réalité par le citoyen profane au vu des structures complexes de la police nationale.</p>
<p>Il convient alors de sonder les pratiques professionnelles et les savoir-faire spécifiques pour considérer l’écart entre les deux métiers, car il s’agit bien de deux métiers même s’ils peuvent être regroupés sous l’appellation générique d’investigation. Le temps nécessaire à la résolution d’une affaire de grand banditisme, les techniques et moyens mis en œuvre, la multiplicité des investigations et des recoupements, la complexité procédurale ne peuvent être mis en regard du traitement moins long et plus simple qui est réservé aux affaires moins importantes.</p>
<h2>Une réforme pour remédier aux carences ?</h2>
<p>Cette réforme est aussi perçue par les péjistes comme une solution pour venir suppléer les défaillances de l’investigation en sécurité publique, où le nombre de dossiers accentue une insuffisance des résultats par rapport aux attentes de la population. Sur ce même point, la technicité et le savoir-faire de la PJ seraient mis à profit pour rehausser le niveau des procédures diligentées par la sécurité publique, dont la moindre qualité procédurale est souvent dénoncée par les magistrats. Sur ces deux points, on se reportera à l’éclairante étude du juriste pénaliste Olivier Cahn dans sa <a href="https://doi.org/10.3917/rsc.2201.0155">« Chronique de police »</a>.</p>
<p>Alors s’agit-il d’une réforme dont le but non avoué consisterait à remédier aux carences supposées de la sécurité publique dans l’espérance d’un accroissement des résultats dans la lutte contre la délinquance. Ou comme il est affiché la volonté de réduire le fonctionnement en silos de la police nationale, présenté comme une entrave à une complémentarité plus efficace des services ?</p>
<p>La division du travail dans la police a toujours existé en raison même de la <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-4-page-59.htm">diversification des missions</a> qui lui incombe. Il est donc difficile d’envisager un « fourre-tout » qui regrouperait investigation, renseignement, ordre public, sécurité du quotidien… d’autant plus qu’il existe déjà un certain nombre de structures d’échange au sein des services pour faciliter certaines opérations de police, à l’exemple de ce qui existe en matière de lutte contre le trafic des stupéfiants.</p>
<p>La création d’une nouvelle organisation départementale qui regrouperait l’ensemble de ces spécialités et orientations policières sous la direction d’un directeur unique, sans doute issu de la sécurité publique, pourrait également poser problème.</p>
<p>Dans cette nouvelle configuration, les enquêteurs de la police judiciaire, traditionnellement proches des parquets même s’ils n’y sont pas structurellement rattachés, craignent de n’avoir comme premier interlocuteur que le chef direct de la Direction départementale de la Police nationale (DDPN), en l’occurrence le préfet.</p>
<h2>Un sentiment diffus de la disparition de la PJ</h2>
<p>Le risque d’immixtion de l’exécutif dans la conduite de certaines enquêtes, notamment financières, et la priorisation du local et de l’immédiat au détriment des affaires plus étendues dans le temps et l’espace, font craindre aux enquêteurs PJ la perte de leur spécificité et à long terme de leur existence. D’où le sentiment diffus de la disparition de la police judiciaire.</p>
<p>Le risque existe alors d’une montée en tension entre collègues de PJ et collègues de Sécurité publique, chacun revendiquant ses prérogatives et son utilité, à rebours de l’association complémentaire que ces deux entités doivent entretenir dans le cadre d’une réponse judiciaire efficace et <a href="https://www.cairn.info/revue-de-science-criminelle-et-de-droit-penal-compare-2022-1-page-155.htm?ref=doi">adaptée aux divergentes nécessités du terrain</a>.</p>
<p>Curieux renversement de situation qui voit la police judiciaire menacée dans ses fondations, alors qu’à l’origine « cette police des crimes et délits paraît dramatiquement insuffisante… » pour reprendre les termes de l’historien <a href="https://www.cairn.info/serviteurs-de-l-etat-2000%E2%80%939782707133694-page-305.htm">Jean-Marc Berlière</a>.</p>
<p>Les offices centraux de la police judiciaire qui ne sont pas concernés à ce jour par cette réforme, ainsi d’ailleurs que leurs collègues de la PJ parisienne du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/36,_quai_des_Orf%C3%A8vres">« 36 »</a> ont apporté leur soutien à l’<a href="https://www.asso-anpj.fr/">Association nationale de la police judiciaire</a>, créée à cette occasion pour la défense de leur métier et de leur image par les enquêteurs de la PJ de province, premiers concernés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1578417825579794433"}"></div></p>
<p>À terme, on peut s’interroger sur la finalité de cette réforme. Ne s’agirait – il pas de réunir dans un même ensemble tout le service d’investigation avec dans un premier temps une division interne entre criminalité du quotidien (sécurité publique) et criminalité grave et organisée (police judiciaire) pour en arriver à une fusion pure et simple ? Cette organisation permettrait alors d’intégrer en quelque sorte la police judiciaire à la sécurité publique, à l’instar de feu les renseignements généraux devenus renseignement territorial au sein de la sécurité publique, confirmant ainsi la volonté de supprimer les silos jugés trop nombreux dans l’organisation de la police.</p>
<p>Si ce devait être le cas, n’y a-t-il pas un risque de voir les investigations sur la grande criminalité délaissées au profit d’une délinquance d’ordinaire, laissant le champ libre aux grandes organisations criminelles, c’est avant tout ce que redoutent les limiers de la PJ.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192987/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel Schlosser a été membre de la Police Nationale de 1981 à 2015 - DRPJ PARIS de 1981 à 1994. Puis RGPP PARIS, puis DPUP PARIS, puis DFPN/DCRFPN.</span></em></p>Depuis plusieurs semaines, la police judiciaire exprime son mécontentement. En cause un projet de réforme qui pourrait lui faire perdre sa spécificité.Jean-Michel Schlosser, Docteur en sociologie, chercheur associé au CEREP et au CESDIP, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914362022-09-29T16:15:10Z2022-09-29T16:15:10ZÉducation nationale : de quoi le collège est-il malade ?<p>Depuis la création du <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2012-2-page-54.htm">« collège unique »</a> en 1975, le collège est régulièrement apparu comme le « chaînon manqué » du système éducatif. S’il est sorti des radars politico-médiatiques ces cinq dernières années, le nouveau ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye vient de le remettre au premier plan, déclarant <a href="https://www.midilibre.fr/2022/09/16/orientation-enseignements-education-sexuelle-pap-ndiaye-detaille-ses-grands-chantiers-face-aux-lecteurs-de-midi-libre-10548185.php">dans une interview au <em>Midi Libre</em></a> le 18 septembre que l’on « doit maintenant s’attaquer au collège car c’est l’homme malade du système éducatif ».</p>
<p>Comme symptômes maladifs, il a surtout évoqué les résultats des élèves en mathématiques et en langues. Ce qui ne manque pas de surprendre, car même si les résultats ne sont effectivement pas bons, ce n’est pas la première fois que l’on peut le constater, tant s’en faut. Mais, dans le passé, ces résultats au niveau du collège n’ont pas suscité beaucoup d’émotions ou de réactions, au contraire de ceux en lecture, <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2016/11/09/le-niveau-en-orthographe-des-ecoliers-francais-plonge_5028192_1473685.html">orthographe</a> ou histoire au niveau du primaire qui, eux, ont à plusieurs reprises défrayé la chronique.</p>
<p>Faudrait-il voir dans ce nouvel intérêt, pour les mathématiques, l’effet en retour des diatribes passionnées sur la nouvelle place des mathématiques lors de la réforme des lycées ? Et, pour les langues, y aurait-il un lien avec l’annonce, en juillet dernier, que l’évaluation des <a href="https://www.vousnousils.fr/2020/10/09/pisa-evaluera-bientot-les-competences-en-anglais-des-eleves-635571">compétences en langues étrangères</a> deviendrait dès 2025 une option de <a href="https://www.oecd.org/pisa/foreign-language/">l’étude internationale PISA</a> ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-les-maths-en-france-175718">Quelle place pour les maths en France ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Toujours est-il que cette évocation du « collège, homme malade du système éducatif », a de nouveau agité ceux qui considèrent le « collège unique » sous le prisme d’une maladie « autoimmune », à condamner sans appel et par principe, et ceux – fort différents – qui pensent plutôt que le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/09/26/reforme-du-college-pap-ndiaye-rouvre-un-debat-vieux-de-cinquante-ans_6143284_3224.html">« collège unique »</a> n’a pas vraiment été institué de façon cohérente, et jusqu’au bout du projet. Pour les uns, cette création n’avait pas lieu d’être, et il faudrait la supprimer. Pour les autres, la création n’a pas été assez loin dans sa logique et il faudrait au contraire l’approfondir et la consolider, voire la refonder car souffrant d’une maladie congénitale.</p>
<h2>Des critiques qui datent</h2>
<p>C’est le président de la République Valéry Giscard d’Estaing qui a voulu ce collège envers et contre tout ; voire contre tous, à commencer par certains de ses proches. Dès le 25 juillet 1974, il déclarait publiquement :</p>
<blockquote>
<p>« Le premier objectif, c’est l’élévation du niveau de connaissance et de culture des Français […]. On peut se poser la question de savoir si, à côté de l’obligation de scolarité jusqu’à seize ans, il ne faudrait pas imaginer une autre obligation qui serait de donner à chaque Française et à chaque Français un savoir minimal ».</p>
</blockquote>
<p>Mais les expressions « savoir minimal » ou « savoir minimum » employées par Valéry Giscard d’Estaing sont vite comprises ou retournées par les oppositions politiques ou syndicales dans le sens de « minimiser les savoirs ». Même certains de ses proches se distinguent par leur opposition de principe au « collège unique », en des termes très virulents. Jean-Marie Benoist, pourtant candidat UDF (le parti de Giscard d’Estaing) aux législatives de 1978, a accusé dans un ouvrage intitulé <a href="https://bibliotheque.sciencespo-grenoble.fr/recherche/viewnotice/clef/LAGENERATIONSACRIFIEE--BENOISTJ--DENOEL-1980-1/id/138726/rech_matieres/%C3%89ducation+et+%C3%89tat+Histoire+France+?id_profil=1"><em>La génération sacrifiée</em></a> cette réforme d’« aller vers le règne de l’uniformité, digne des démocraties populaires […]. Cela se traduit par la culpabilisation de tout aristocratisme, de tout élitisme dans le savoir : raccourcir ce qui dépasse, ce qui excelle, voilà le mot d’ordre ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/O9j5x9AHFl4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le collège, un chantier perpétuel ? (Historique des réformes, INA Politique).</span></figcaption>
</figure>
<p>Paul Guth, le professeur de lettres de Giscard d’Estaing en classe de troisième s’est joint au concert de condamnations sans appel dans sa <a href="https://www.babelio.com/livres/Guth-Lettre-ouverte-aux-futurs-illetres/129588"><em>Lettre ouverte aux futurs illettrés</em></a>, parue elle aussi en 1980, allant jusqu’à accuser la réforme de « lavage de cerveau ». C’est François Bayrou, pourtant l’un des principaux lieutenants de Valéry Giscard d’Estaing à l’UDF et ministre de l’Éducation nationale d’Édouard Balladur, puis de Jacques Chirac, qui a lancé le slogan : <a href="https://www.cairn.info/urgence-ecole--9782738120106-page-135.htm">« collège unique, collège inique »</a> lors de la rentrée 1993, et le mot d’ordre « passer du « collège pour tous » au « collège pour chacun ».</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Bref, il y a tout un passé et un passif de diatribes qui présentent le collège unique comme intrinsèquement « malade », d’une « maladie auto-immune » en quelque sorte. Est-ce que ce sont ces références que Pap Ndiaye a en tête ? Ou la métaphore de la maladie renvoie-t-elle au sentiment que la création du « collège unique » a été manquée ? Le principal promoteur du « collège unique », Valéry Giscard d’Estaing, est lui-même clairement <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2001/04/26/m-giscard-d-estaing-plaide-pour-une-redefinition-des-savoirs-au-college_4168517_1819218.html">conscient de ce manquement originel</a>, selon ses mots dans une interview au <em>Monde</em> en 2001 :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde devait aller au collège, et tous les collèges devaient être les mêmes.[…]. Le débat doit se concentrer sur cette question : quels savoirs donner à cet ensemble de jeunes, qui constituent un acquis culturel commun […]. Au lieu d’avoir rabattu tout l’enseignement des collèges vers l’enseignement général, les rapprochant des classes de la 6° à la 3° des lycées d’autrefois, en un peu dégradé, il aurait mieux valu en faire une nouvelle étape de la construction du cycle scolaire ».</p>
</blockquote>
<h2>Socle de compétences</h2>
<p>Une vingtaine d’années après, il y a eu une certaine avancée dans le sens du collège unique souhaité par VGE. Le <a href="http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/10/10102013Article635169795183035505.aspx">Conseil supérieur des programmes</a> mis en place par le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon en octobre 2013 a été la cheville ouvrière d’une définition du « socle commun de connaissances, compétences et culture », puis de la révision d’un seul tenant des programmes depuis le début du primaire <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/05/13/reforme-du-college-ce-qui-est-vrai-ce-qui-est-faux_4633220_4355770.html">jusqu’à la fin du collège</a>, sous le ministère dirigé par Najat Vallaud-Belkacem.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_TKNfRQQeFI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">N. Mons : « Remettre des filières dans le collège unique ferait exploser les inégalités à l’école » (France Culture, 2017).</span></figcaption>
</figure>
<p>Mais cette avancée a eu des limites. D’une part, parce qu’il n’y a pas eu la plupart du temps une définition précise de la façon d’évaluer ce qui devait être en priorité acquis par les élèves. D’autre part, parce que la question du « chaînon collège » est restée de fait en déshérence tout au long des cinq années du ministère de Jean-Michel Blanquer qui ont suivi.</p>
<p>Par ailleurs, et bien des années avant, la question de qui devrait encadrer les élèves du « collège unique » a été de fait tranchée en faveur des seuls professeurs de lycée qui se sont imposés de haute lutte à la fin des années 1980, avec le corollaire afférent que le collège reste (sinon dans les faits, du moins selon un idéal implicite) dans la référence culturelle du premier cycle des anciens lycées – c’est-à-dire un « petit lycée », au lieu d’être le dernier cycle ad hoc d’une scolarité obligatoire allongée à 16 ans. Le corps des enseignants issus du primaire supérieur (les « maîtres de cours complémentaires » ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Professeur_d%27enseignement_g%C3%A9n%C3%A9ral_de_coll%C3%A8ge">« PEGC »</a>, qui existaient dans le « collège d’enseignement secondaire », créé en 1963) est mis en extinction à partir de 1988. Et on ne songe d’aucune façon de recourir au modèle des corps enseignants des lycées technologiques ou professionnels.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sisyphe-a-lassaut-du-college-60393">Sisyphe à l’assaut du collège</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Il y a donc des problèmes de continuité : d’une part entre la fin du primaire et le début du collège, et d’autre part de la fin du collège à l’entrée effective dans la pluralité des lycées. Face à cet imbroglio relatif, on songe le plus souvent à des aménagements plus organisationnels que structurels. Et c’est encore le cas.</p>
<h2>D’expérimentations en concertations</h2>
<p>La principale organisation de parents d’élèves- la FCPE – souhaite que les élèves de sixième et cinquième n’aient <a href="https://www.lexpress.fr/education/la-fcpe-et-la-reforme-du-college-tout-doit-etre-repense_1545680.html">pas plus de quatre enseignants</a>. Le deuxième syndicat de professeurs du secondaire – le SNALC – propose un <a href="http://www.touteduc.fr/fr/archives/id-8081-le-snalc-propose-un-college-modulaire-sans-redoublement-interview-">collège « modulaire »</a> où les élèves seraient regroupés en fonction des difficultés dans certaines matières. Lors de la campagne des présidentielles, Emmanuel Macron a indiqué qu’il fallait faire de la classe de sixième <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/rentree-scolaire-lexecutif-engage-une-reforme-du-college-a-bas-bruit-1784968">« une liaison efficace avec le primaire »</a> dès la rentrée 2023.</p>
<p>Des expérimentations sont en cours, notamment dans six collèges de l’Académie d’Amiens sous la forme de <a href="https://www.courrier-picard.fr/id319018/article/2022-06-23/picardie-des-6e-tremplin-experimentees-la-rentree-pour-les-eleves-en-difficulte">« sixièmes tremplin »</a>. Les élèves en difficulté ont des séquences supplémentaires en mathématiques ou français. Les liens avec l’école primaire sont renforcés : des professeurs des écoles peuvent même intervenir au collège.</p>
<p>À partir de la cinquième, devrait commencer une expérimentation d’une « demi-journée » par semaine de <a href="https://www.20minutes.fr/elections/presidentielle/3265207-20220404-presidentielle-2022-non-emmanuel-macron-propose-instaurer-apprentissage-12-ans">« découverte des métiers »</a> (une mesure figurant dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron), sous forme notamment de visites d’entreprise et de lycées professionnels, de mini-stages.</p>
<p>Ces expérimentations pourraient se multiplier dans le cadre de la grande campagne de concertation qui doit être menée cet automne dans les établissements en liaison avec leurs partenaires locaux en vue de projets locaux innovants (un budget de 500 millions d’euros leur étant dédié au niveau national). À noter qu’au sein du ministère il n’est pas exclu d’évaluer les programmes existants et voir s’il faut les transformer. Mais dans quel sens ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis sa création, le collège unique a été l’objet de multiples critiques. S’il est sorti des radars politico-médiatiques le dernier quinquennat, une déclaration du ministre le remet au premier plan.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1808082022-04-12T18:27:42Z2022-04-12T18:27:42ZLe lycée professionnel, enfin sujet de débats ?<p>Dans les discussions de fin d’année autour du baccalauréat, il s’agit de la voie la moins mise en lumière. Mais la voie professionnelle aurait-elle gagné l’attention du public à travers les débats politiques ? Le lycée professionnel serait en tout cas devenu un <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/04/01/presidentielle-2022-le-lycee-professionnel-sujet-surprise-de-campagne_6120142_3224.html">« sujet surprise de campagne »</a>, titrait <em>Le Monde</em> le 1<sup>er</sup> avril 2022.</p>
<p>Et il ne s’agit nullement d’une plaisanterie. Le président candidat Emmanuel Macron a déclaré en lançant sa campagne vouloir mener une <a href="https://www.lesechos.fr/elections/candidats/presidentielle-emmanuel-macron-promet-jusqua-500-euros-par-mois-aux-lyceens-professionnels-1398273">grande réforme du lycée professionnel</a>, en rapprochant établissements et entreprises et en rémunérant les lycéens durant leurs périodes de stage. Valérie Pécresse (Les Républicains) entend quant à elle <a href="https://www.aefinfo.fr/depeche/667354-valerie-pecresse-veut-confier-l-orientation-l-apprentissage-et-la-voie-professionnelle-aux-regions">confier la responsabilité de l’orientation</a>, de l’apprentissage et de la voie professionnelle aux régions, tandis que Yannick Jadot (Les Verts) et Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) soulignent l’importance de ces filières pour former les spécialistes dont la transition écologique a besoin.</p>
<p>Ce n’est cependant pas la première fois que le lycée professionnel et la question de l’apprentissage sont l’objet d’une vive attention des candidats à la présidentielle. Cela avait déjà été le cas lors du grand débat télévisé sur TF1 le 20 mars 2017, <a href="https://www.vousnousils.fr/2017/03/21/debat-presidentiel-2017-des-candidats-divises-sur-leducation-601443">comme l’avait retenu</a> le site d’information spécialisé sur l’éducation VousNousIls. François Fillon disait alors vouloir « renforcer » l’apprentissage, Emmanuel Macron le jugeait « très important », tandis que Jean-Luc Mélenchon le critiquait, préférant la formule des stages sous statut scolaire et déplorant « la fermeture de 170 lycées professionnels » en 10 ans.</p>
<h2>Spécificités françaises</h2>
<p>On voit bien les clivages et les continuités politiques sur le sujet, de 2017 à 2022. Mais pour mieux les saisir et comprendre les enjeux des tentatives d’inflexion importantes qui sont en débat, il convient de prendre la mesure de la singularité de la France en la matière, une singularité qui vient de loin.</p>
<p>Selon les historiens de l’enseignement professionnel Guy Brucy et Vincent Troger, la scolarisation de formations professionnelles est spécifique au système éducatif français, comme ils l’expliquaient dans la <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_2000_num_131_1_1040"><em>Revue française de pédagogie</em></a></p>
<blockquote>
<p>« Cette scolarisation, qui a commencé à se construire à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, est le résultat de la collaboration entre une partie de la haute fonction publique et le patronat des secteurs les plus modernes de l’industrie et du commerce […]. La guerre, le gouvernement de Vichy, la Libération ont fait basculer cette politique vers un interventionnisme plus prononcé et une généralisation de la scolarisation. Le “modèle français” de scolarisation et de régulation des formations professionnelles par le diplôme s’est alors mis en place, mais toujours avec le soutien explicite des secteurs les plus dynamiques de l’industrie et du commerce. »</p>
</blockquote>
<p>Un second palier, décisif, est atteint dès le début de la V<sup>e</sup> République. La formation professionnelle devient alors une préoccupation majeure de l’école française. Le traité de Rome, signé en 1957, vient d’instituer l’Europe communautaire. Le volontarisme nationaliste gaulliste prend cette situation comme un défi à relever, une ardente obligation pour la survie et le rang de la France.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bac-professionnel-des-lycees-pour-inventer-sa-voie-127385">Bac professionnel : des lycées pour inventer sa voie ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>« La concurrence internationale, à laquelle nous soumettent la fin des douanes à l’intérieur du Marché commun et la libéralisation des échanges mondiaux, met nos entreprises devant des problèmes que jadis leur épargnait le protectionnisme », explique Charles de Gaulle dans <a href="https://www.babelio.com/livres/Gaulle-Memoires-despoir-tome-2--Leffort-1962/1003590"><em>Mémoires d’espoir : l’effort</em></a></p>
<p>L’école, pour le Général, doit profondément évoluer pour apporter son concours – direct ou indirect – à cette transformation nécessaire et voulue. Les témoignages des anciens collaborateurs du Président de la République sont sans équivoques : il tenait sans ambiguïté à ce que la formation professionnelle soit une affaire d’État, une affaire de l’État.</p>
<p>Michel Debré, son Premier ministre, souligne que « l’importance à donner à l’enseignement technique et à la formation professionnelle était l’un des grands points d’accord entre le Général et lui ». <a href="https://www.librest.com/livres/de-gaulle-en-son-si%C3%A8cle--actes--vol--3--moderniser-la-france-_0-840521_9782259024778.html">Il rappelle</a> que, ministre des Finances, il a fait voter une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000001867331">loi</a> déclarant que « L’État était responsable de la formation professionnelle », et il évoque « le plaisir ressenti par le Général à la sortie de ce texte ».</p>
<h2>Stratégies économiques</h2>
<p>L’institution en 1985 des baccalauréats professionnels et des lycées professionnels parachève cette évolution. Le 22 mai 1985, le Premier ministre Laurent Fabius annonce que le gouvernement prépare « une loi-programme sur cinq ans ». Il s’agit de favoriser « un gigantesque bond en avant, fondamental pour la modernisation du pays ». Laurent Fabius précise que cette loi permettra la création de nouveaux établissements scolaires, les « lycées professionnels », et la mise en place d’un nouveau baccalauréat, le « baccalauréat professionnel ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rxc8Iguh9xM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La réalisation d’un chef-d’œuvre en lycée professionnel (Education France).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le 28 mai 1985, le ministre de l’Éducation nationale commente cette annonce. Selon Jean-Pierre Chevènement, il s’agit en premier lieu de répondre aux besoins de la modernisation du pays en formant des ouvriers de plus en plus qualifiés, « souvent au niveau du baccalauréat, quelquefois à un niveau supérieur encore ». Le ministre de l’Éducation nationale souhaite « effacer l’image de parent pauvre de l’Éducation nationale attachée à l’enseignement technique professionnel » pour « cette partie de la jeunesse qui a le plus besoin qu’on lui offre des perspectives » mais aussi pour ses professeurs, dont la carrière a été « trop souvent bornée par l’horizon du système même ».</p>
<p>La création du baccalauréat professionnel est donc référée à une volonté d’affirmation nationale dans une conjoncture de guerre économique intensifiée, à l’instar de la réforme gaullienne de la formation professionnelle du début de la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Il n’est pas sans importance lors de cette élection présidentielle que l’on traite de la « formation professionnelle », et surtout des « lycées professionnels » ou de « l’apprentissage ». Est-on dans une conjoncture mondiale nécessitant un aménagement dans l’ordre économique et industriel comparable aux antécédents historiques évoqués ?</p>
<p>Doit-on traiter le sujet d’abord et avant tout dans une ambition et un cadre national réaffirmé, « comme avant » ? Est-ce un sujet politique national de première importance à traiter comme tel, ou doit-il être laissé aux opportunités et aux aléas des entreprises et des possibilités « libérales » ? Tel semble être en l’occurrence le choix décisif à faire. Encore faut-il l’expliciter et l’assumer clairement, en toute connaissance de cause.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180808/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au premier tour, les candidats à l’élection présidentielle se sont positionnés sur la voie professionnelle. S’agissait-il d’une mise en lumière inédite pour ces filières ? Éclairage historique.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801602022-04-05T18:46:04Z2022-04-05T18:46:04ZChanger de constitution pour changer de régime ?<p>Contrairement à ce que pourrait laisser penser une observation rapide du débat public à l’occasion de la prochaine élection présidentielle, la question du passage à une nouvelle République <a href="https://theconversation.com/debat-sortir-de-la-v-republique-une-fausse-bonne-idee-175162">n’est ni récente</a>, ni l’apanage de certains candidats à la fonction suprême.</p>
<p>Dès les premières années de la V<sup>e</sup> République, le « coup d’État permanent » que permettait le nouveau régime fut dénoncé par un certain… <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Coup_d%27%C3%89tat_permanent">François Mitterrand</a>. Et si ce dernier s’est finalement coulé à merveille dans des institutions autrefois honnies, nombreux sont aujourd’hui les <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre-la-6e-republique-pourquoi-comment-de-bastien-francois">chercheurs</a>, mais aussi les <a href="https://www.pouruneconstituante.fr/">mouvements citoyens</a>, qui en appellent à un changement de constitution, sans parler des candidatures qui font cette proposition à chaque élection présidentielle.</p>
<p>Dans une société démocratique, les textes constitutionnels visent à encadrer l’action du pouvoir de sorte à garantir qu’il s’exerce conformément à la volonté du peuple souverain. Cela passe en France, en particulier, par le respect par les gouvernants des droits fondamentaux et par l’interdiction de concentrer le pouvoir dans les mains d’un seul, comme le rappelle la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000697056/2022-03-23/">Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » </p>
</blockquote>
<p>C’est donc moins à sa capacité à assurer la stabilité du régime, qu’à la façon dont elle garantit – ou non – la représentativité des institutions qu’il faut juger une Constitution.</p>
<p>Et, de ce point de vue, le texte actuel ne remplit pas véritablement sa fonction. Quand, scrutin après scrutin, le <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s1255">taux de participation électorale</a> ne cesse de <a href="https://theconversation.com/la-cause-cachee-de-la-montee-de-labstention-180152">s’effriter</a>, quand la composition sociale de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais également, de plus en plus, de leurs électeurs, ne reflète qu’une <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/origines-elections">minorité de la société française</a> – l’Assemblée nationale ne compte que 4,6 % d’employés et aucun ouvrier alors que ces catégories socio-professionnelles sont majoritaires) – quand la révolte des classes populaires « en gilets jaunes » de l’hiver 2018 tourne aussi rapidement à la confrontation violente, que reste-t-il de la représentativité des gouvernants ?</p>
<p>Certes, la constitution actuelle ne saurait être la seule explication à cette crise institutionnelle. Mais en raison de sa fonction d’organisation de l’exercice du pouvoir d’État, elle en est nécessairement l’une des plus déterminantes.</p>
<h2>Une centralisation du pouvoir toujours plus forte</h2>
<p>Depuis 1958, la constitution organise invariablement une centralisation du pouvoir largement fondée sur l’hégémonie du pouvoir exécutif au sein de l’appareil d’État. Il n’est qu’à rapprocher la liste des pouvoirs que le Président peut actionner sans autorisation prévue à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527482">l’article 19</a> de la constitution et l’irresponsabilité qui caractérise son statut à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527561">l’article 67</a> de la même constitution.</p>
<p>Pourtant, la volonté de maintenir un régime dans lequel le gouvernement devait avoir les moyens de sa politique aurait dû en principe réserver au parlement une place de choix pour partager la fonction législative avec un gouvernement responsable devant lui. <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/15/statistiques-de-l-activite-parlementaire">Moins de la moitié des lois adoptées sont d’origine parlementaire</a> alors que les propositions de loi sont beaucoup plus nombreuses que les projets de loi d’origine gouvernementale.</p>
<p>Mais toute une série de dispositifs constitutionnels accumulés au cours de la longue existence du régime ont donné à ce dernier une légitimité passant désormais exclusivement par le président de la République, quitte à enjamber le pouvoir législatif. On pense ainsi à l’abandon de l’investiture obligatoire des gouvernements, le pouvoir de révocation du gouvernement par le président, le fait majoritaire renforcé par le quinquennat et l’inversion du calendrier rendant fictive la responsabilité gouvernementale et improbable une nouvelle cohabitation.</p>
<p>Le gouvernement, c’est-à-dire le pouvoir exécutif, étant à l’initiative de l’écrasante majorité des projets de lois et maître de l’ordre du jour des assemblées, il dispose de tous les moyens de contrôler le travail parlementaire et de faire voter les textes qu’il souhaite, y compris en brusquant les débats en séance publique. On rappellera la tentative de coup de force du gouvernement Édouard Philippe à la veille de la crise sanitaire pour faire passer la réforme des retraites par <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/273878-edouard-philippe-29022020-recours-article-49-3-reforme-des-retraites">l’article 49-3 forçant l’adoption sans débat du projet gouvernemental</a>.</p>
<p>Le gouvernement a aussi la <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-legislatives/l-exercice-du-droit-d-amendement-et-annexe">possibilité de limiter</a> voire d’interdire le dépôt d’amendements, de demander une seconde délibération, jusqu’à l’engagement de sa responsabilité sur le vote d’une loi, les moyens de pressions sur les députés et sénateurs sont nombreux et variés.</p>
<p>S’y ajoutent un mode de scrutin très majoritaire et une opportune <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000404920/">« inversion du calendrier »</a> qui a consolidé la subordination de la majorité parlementaire au pouvoir exécutif. Ainsi dépossédé de l’essentiel de sa fonction, le parlement ne peut plus être le lieu privilégié du débat public sur les grandes orientations politiques de la Nation, un lieu où s’exprimerait une réelle diversité de points de vue.</p>
<h2>Le pouvoir judiciaire, « simple autorité »</h2>
<p>La situation du pouvoir judiciaire n’est guère plus enviable. Ravalé au rang de simple « autorité » <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527555">dans les termes de la constitution elle-même</a>, il n’est pas suffisamment à l’abri de l’influence du gouvernement, qui conserve la main sur les nominations des magistrats – ses propositions ne sont soumises à l’avis conforme du conseil supérieur de la magistrature que pour les juges et non les procureurs, qui ne peuvent dès lors prétendre à la qualification d’autorité indépendante au sens <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/essentiel/affaire-moulin-contre-france-parquet-dans-tourmente">du droit européen</a> – et, surtout, les moyens des juridictions. Or le degré d’indépendance de la Justice conditionne directement l’effectivité des droits et libertés des citoyens.</p>
<p>Mais cette subordination des pouvoirs législatif et judiciaire serait impossible sans la domination exclusive du pouvoir présidentiel que permet le texte constitutionnel. Une domination garantie par une panoplie de mesures visant à définir un privilège présidentiel que la personnalisation du pouvoir n’a cessé d’amplifier.</p>
<h2>Un chef de l’État « irresponsable en tout »</h2>
<p>D’abord, le président de la République concentre en sa personne un nombre de prérogatives sans commune mesure avec ce qui se pratique dans les autres États européens dont la plupart relèvent d’une tradition parlementaire, mais, également, outre-Atlantique, où le régime présidentiel oblige toujours le chef de l’exécutif à composer avec les autres pouvoirs. Le locataire de l’Élysée, lui, est non seulement le chef de l’État, supposé garant des institutions, mais aussi le chef du gouvernement, dont il nomme et révoque discrétionnairement les membres.</p>
<p>Irresponsable en tout, en ce sens <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527561">qu’il n’a de comptes à rendre à aucun autre pouvoir</a> et notamment devant le Parlement, puisqu’il a le pouvoir de le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527474">dissoudre</a> à sa guise.</p>
<p>L’article 16 de la Constitution lui donne en outre la possibilité de s’arroger les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241008">pleins pouvoirs</a> s’il estime – seul – que sont menacées « les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ». D’autres prérogatives pour lesquelles le chef de l’État n’a aucune autorisation à demander sont <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527482">énumérées</a> dans la constitution qui toutes tendent à un exercice vertical et autoritaire du pouvoir, ce d’autant plus que depuis l’inscription dans la constitution de la désignation du président au suffrage universel direct en 1962, sa légitimité est réputée incontestable.</p>
<h2>Un pouvoir littéralement illimité</h2>
<p>Rien ne s’oppose donc plus à ce qu’il puisse faire un usage effectif de ces prérogatives, qui lui confèrent un pouvoir littéralement illimité puisqu’il s’exerce sans que puissent s’y opposer ni les autres pouvoirs ou autorités constitués. Ainsi la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19425-la-procedure-de-destitution-du-president-de-la-republique">destitution</a> serait la seule option, mais elle demeure d’usage assez improbable.</p>
<p>Ni le pouvoir législatif ou judiciaire, ni le peuple lui-même, à l’occasion d’une élection intermédiaire défavorable ou d’un référendum négatif, exceptée l’unique occurrence de 1969, quand le peuple s’est opposé à la révision constitutionnelle proposée par le Général de Gaulle. Le référendum auquel cette révision du Sénat et des régions a donné lieu ayant été négatif, le Général de Gaulle en tiré les conséquences et a démissionné de ses fonctions.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/M-36Hja-j3M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Démission du général de Gaulle, YouTube/INA.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est le lot d’un chef juridiquement irresponsable, mais doté des pouvoirs les plus puissants. Tout dans le texte de la constitution concourt donc à en faire un dirigeant sans partage, contrairement à l’idée que l’on peut se faire d’un régime démocratique où le peuple demeure souverain même entre deux élections présidentielles et où les autres pouvoirs jouent, parce qu’ils sont distincts du pouvoir exécutif, leur rôle de contrepoids.</p>
<h2>L’hégémonie de l’État central</h2>
<p>Enfin, le texte constitutionnel organise aujourd’hui une très large centralisation du pouvoir qui, en tant que telle, rend difficile l’expression des opinions divergeant de celles des classes dirigeantes. Cette centralisation se fonde d’abord sur l’hégémonie de l’État central sur toutes les autres institutions publiques.</p>
<p>En dépit des réformes intervenues depuis 1982, et de la consécration formelle du principe de leur « libre administration », les collectivités locales n’ont qu’un pouvoir d’influence très limité dès lors que leurs dotations restent presqu’entièrement décidées par Bercy.</p>
<p>Sur fond d’austérité budgétaire persistante, la décentralisation s’est ainsi régulièrement traduite par le <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2009/12/BONELLI/18585">recul des services publics qui leur étaient confiés</a>, ce qui n’est certes pas de nature à rapprocher les citoyens des autorités… Il en est de même pour d’autres organismes publics censément indépendants et officiellement investis d’une fonction de contre-pouvoir, mais qui, à l’image de l’Université ou de la Justice, ne sont pas dotés des moyens à la hauteur de leurs missions.</p>
<p>C’est dire si, d’un point de vue démocratique, les raisons pour modifier profondément la constitution et changer de régime ne manquent pas, que l’on en appelle ou non à une « VIᵉ République ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charlotte Girard est membre du Think tank "Intérêt général. La fabrique de l'alternative" </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Sizaire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La constitution actuelle ne saurait être la seule explication à la crise institutionnelle que traverse la France, mais elle en est l’une des plus déterminantes.Charlotte Girard, Maîtresse de conférences en droit public, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresVincent Sizaire, Maître de conférence associé, membre du centre de droit pénal et de criminologie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1762932022-02-16T22:53:27Z2022-02-16T22:53:27ZDéclassement, manque de reconnaissance… ces enseignants qui veulent changer de métier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446466/original/file-20220215-17-5yx5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quand leur métier n'est plus une source de reconnaissance, certaines enseignantes cherchent des portes de sorties vers les services «enfance» de collectivités.</span> </figcaption></figure><p>Y aurait-il une crise des vocations vers l’enseignement ? Régulièrement, face aux <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/somme/amiens/education-des-profs-remplacants-font-un-roubaix-paris-pour-reclamer-des-postes-2422030.html">problèmes de remplacements de profs</a>, exacerbés par la crise du Covid, les médias soulèvent cette question. Lors des <a href="https://www.devenirenseignant.gouv.fr/cid159189/donnees-statistiques-crpe-2021.html">concours de recrutement d’enseignants</a> en 2021, un certain nombre de postes sont restés <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/07/20/dans-l-enseignement-la-crise-du-recrutement-perdure_6088825_3224.html">non pourvus</a>. Et la baisse du nombre d'admissibles pour cette session 2022 <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/12/concours-enseignants-la-chute-du-nombre-de-candidats-notamment-en-mathematiques-et-en-allemand-inquiete-la-profession_6125769_3224.html">a alerté les syndicats</a>. </p>
<p>En novembre dernier, un article du <em>Monde</em> pointait ainsi <a href="http://www.senat.fr/rap/a21-168-32/a21-168-328.html">un autre phénomène</a>, celui des démissions : encore discret du point de vue statistique, il aurait cependant triplé entre 2013 et 2018, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/22/les-demissions-d-enseignants-un-phenomene-en-expansion_6103110_3224.html">pour atteindre 1648 démissions</a> en 2020-2021. Une donnée qui peut cacher un mouvement plus vaste <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2019-1-page-119.htm">comme le rappelaient Magali Danner, Géraldine Farges et leurs co-autrices</a> dans la revue <em>Education et Sociétés</em> :</p>
<blockquote>
<p>« la démission n’est pas la seule manière de quitter la classe ; d’autres existent, moins visibles, tels la disponibilité – permettant de quitter temporairement la fonction publique – les mobilités vers d’autres corps, les détachements dans des associations ou des services administratifs. »</p>
</blockquote>
<p>Sur le terrain, nombreux pourtant sont encore les lycéennes et les lycéens, les étudiantes et les étudiants qui expriment l’envie d’embrasser cette profession, surtout dans le premier degré. C’est donc plus en aval dans les parcours que se joueraient les désaffections. Celles-ci concernent des enseignants dont la vocation était très forte au départ et qui commencent à douter, une fois en poste, face aux conditions d’exercice du métier, comme le pointait un numéro de la Revue internationale de sociologie de l’éducation autour des <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2019-1.htm">professions éducatives à l’heure des réformes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1417504779576745987"}"></div></p>
<p>Plusieurs facteurs matériels et symboliques d’une désaffection du professorat ont ainsi pu être identifiés dans les recherches récentes, qu’il s’agisse du faible niveau des rémunérations en regard des diplômes exigés, du manque de reconnaissance des difficultés du métier et du niveau important de responsabilité envers les élèves et les familles. Des éléments structurels auxquels s’ajoutent de profonds bouleversements dans les politiques publiques qui ont instauré un <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2013-2.htm">système managérial</a> inédit dans le domaine de l’éducation, vecteur d’effets négatifs sur l’attachement des professeurs à leur activité professionnelle.</p>
<p>Par exemple, la <a href="https://theconversation.com/les-professeurs-francais-sont-ils-prets-a-etre-manages-80084">quantification</a> des actes pédagogiques comme celle des compétences acquises par les élèves et leur évaluation en continu, en se multipliant, empiète sur le temps consacré aux échanges avec les élèves, technicisant à outrance la relation éducative. Celle-ci se trouve soumise à des contrôles dont la cadence nie le temps long nécessaire aux apprentissages.</p>
<h2>Bureaucratisation croissante</h2>
<p>Nous avons pu éclairer cette fragilisation des vocations dans une étude auprès de <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2019-1-page-137.htm">femmes enseignantes en reprise d’études</a> dans un master professionnel de la petite enfance. Leur but étant de « sortir de l’école, quitter leur métier ». Le fait que le professorat dans le premier degré soit très féminisé (80 % en moyenne) justifie cette focalisation de l’enquête sur les enseignantes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1349377782149738497"}"></div></p>
<p>Surtout, il s’agit d’explorer les déterminants sociaux qui pèsent sur la remise en cause d’un choix de métier à l’origine très solide, fréquemment, forgé dès l’enfance et vécu sur le mode de la vocation et de l’amour des enfants du fait des mécanismes de genre assignant les femmes aux métiers du <em>care</em> (éducation des enfants et soin à autrui).</p>
<p>Les profils sociologiques des enseignantes sont ceux de bonnes élèves qui se sont conformées avec application aux injonctions sexuées d’orientation vers l’enseignement, de telle manière qu’elles ont été éduquées à vivre leur choix du professorat comme un destin professionnel parfait pour les femmes, contrairement aux hommes, déclarant des motivations plus utilitaires comme la sécurité de l’emploi.</p>
<p>Les observations recueillies pour l’étude concernent des enseignantes de maternelle et d’éducation spécialisée âgées de 30 à 50 ans, entrées dans ce métier d’abord longtemps rêvé au fil de leurs études, puis réalisé avec fierté, mais ensuite vécu dans la souffrance au travail et les désillusions. Dans cette perturbation de la vocation, on retrouve les motifs de la dégradation des conditions de travail ou l’incertitude entretenue sur le statut des fonctionnaires, de leur rémunération et les droits à la retraite.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1473594490292158466"}"></div></p>
<p>Mais apparaît aussi la découverte d’autres milieux professionnels comme les services « Enfance » dans les villes, et d’autres façons de travailler ouvrant la perspective d’une mobilité sociale ascendante pour ces femmes très diplômées. Parmi les conditions favorisant cette envie d’une bifurcation professionnelle et son passage à l’acte figurent des leviers non négligeables comme une vie de couple égalitaire et le féminisme de certaines.</p>
<p>Les réformes qui ont imposé une <a href="https://www.erudit.org/en/journals/crs/1900-v1-n1-crs04877/1064725ar.pdf">bureaucratisation croissante des actes éducatifs</a> sont en toile de fond de ces remises en question. Chronophage, le pilotage par contrats d’objectifs et indicateurs de performance érode le temps long nécessaire à la pédagogie. L’injonction à monter des projets implique de sortir des préoccupations strictement centrées sur les contenus à transmettre et de les intégrer dans une architecture large d’actions et de partenariats de tous ordres comme les projets de cité éducative ou d’innovation pédagogique.</p>
<h2>Manque de reconnaissance</h2>
<p>Faute de temps et de moyens, les enquêtées disent ne plus supporter de devoir faire autre chose que veiller à l’accompagnement patient et bienveillant des apprentissages fondamentaux. Selon elles, l’éloignement de leur cœur de métier produit de la perte de sens et entame leur passion initiale, au point de les pousser à changer de secteur, voir même à rejeter tout métier de la relation directe à l’enfant.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-boom-des-profs-non-titulaires-un-tournant-pour-leducation-nationale-123290">Le boom des profs non titulaires, un tournant pour l’Éducation nationale ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Plus encore, l’expérience imposée de partenariats avec de nombreux services d’éducation périscolaires à travers le montage de projets éducatifs conduit à des remaniements identitaires non négligeables. L’école, la professeure, perdant leur position centrale et quasi exclusive de la question pédagogique, les professionnelles vont reconsidérer les avantages de leur statut et découvrir les atouts d’autres métiers dans le champ éducatif. En sorte qu’un nouvel horizon s’est ouvert pour les plus jeunes, quand pour les plus âgées il s’agit d’emprunter une voie de secours pour tenir jusqu’à la retraite.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204135948788916227"}"></div></p>
<p>En effet, le spectre d’une période d’activité allongée pose le problème de l’énergie nécessaire au quotidien pour faire face à des groupes importants d’élèves dont les familles éprouvent de grandes difficultés sociales. Dès lors, incarnant des modèles de renoncement professionnel, ces femmes ne jouent plus le rôle attractif qu’elles avaient auprès des candidates au professorat. De figure sociale admirée et enviée, le professorat perd de son aura et ne sort pas vainqueur de la comparaison avec d’autres métiers moins exposés, moins prenants et mieux rémunérés.</p>
<p>La désaffection est bien entendu multifactorielle. Il est ainsi remarquable d’observer dans notre échantillon que ces ruptures biographiques touchent des enseignantes d’origine populaire dont l’école a pu constituer une première étape d’ascension sociale, et à l’inverse des femmes d’origine favorisée vivant mal le déclassement du métier. Quand l’enseignement n’est plus une source de reconnaissance et de satisfaction à la hauteur, elles cherchent des portes de sortie vers des directions de services « enfance » dans des collectivités locales ou le pilotage de dispositifs éducatifs variés développés par la Caisse d’allocations familiales par exemple.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/entre-les-enseignants-des-ecarts-de-salaires-qui-persistent-109545">Entre les enseignants, des écarts de salaires qui persistent</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Levier d’émancipation, la qualification élevée des enseignantes peut être mobilisée dans cet objectif de réalisation de soi autrement que dans le professorat. Mais cela concerne surtout celles qui bénéficient de rapports de genre favorables, en tant que fille réussissant dans la famille et conjointe dont la place est égale dans le couple. Elles peuvent ainsi imposer leur projet et recevoir les soutiens indispensables pour se décharger de l’articulation contraignante entre tâches domestiques et impératifs professionnels, qui pèse d’abord sur les femmes.</p>
<p>En somme, la déstabilisation des vocations observée à travers les réorientations des enseignantes a l’avantage d’éclairer les effets des transformations de l’activité sur des choix pourtant fermement ancrés au départ, autant que les besoins féminins d’une meilleure valorisation de leurs compétences</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Devineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les candidats aux concours de l’Éducation nationale sont encore nombreux, la désillusion gagne nombre de professionnels sur le terrain. Bilan d’une enquête auprès d’enseignantes en reconversion.Sophie Devineau, Professeure des universités en sociologie, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751342022-01-26T19:26:26Z2022-01-26T19:26:26ZEspagne : la réforme du droit du travail, une lueur d’espoir pour les jeunes<p>La <a href="https://www.lopinion.fr/international/espagne-la-reforme-du-marche-du-travail-nen-a-pas-fini-avec-les-cahots">réforme du droit du travail</a> proposée par la ministre communiste <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/01/yolanda-diaz-la-ministre-communiste-du-travail-figure-montante-en-espagne_6096696_3234.html">Yolanda Diaz</a> et le gouvernement conduit par le socialiste Pedro Sanchez a été publiée au Journal officiel au mois de décembre. Elle doit à présent être approuvée par le Parlement, ce qui, à ce jour, est encore incertain.</p>
<p>Cette réforme est le produit d’un <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/accord-historique-pour-reformer-le-marche-du-travail-en-espagne-1374601">accord historique</a> conclu après des mois de négociations entre le gouvernement, les représentations patronales CEOE (Confédération espagnole des entreprises) et CEPYME (Confédération espagnole des PME), et les syndicats CCOO (Confédération syndicale des commissions ouvrières) et UGT (Union générale des travailleurs). L’adoption de ce texte paraît nécessaire au vu des difficultés auxquelles sont confrontés les Espagnols – et, spécialement, les plus jeunes d’entre eux – sur le marché de l’emploi.</p>
<h2>Promouvoir les CDI au détriment des contrats de courte durée</h2>
<p>La réforme propose plusieurs mesures fortes : réduction du nombre des CDD et des temps partiels ; impossibilité de licencier une personne pour absentéisme ou maladie ; et hausse des indemnités de licenciement afin de limiter la précarité et d’assurer un traitement plus « juste » des personnes tout au long de leur vie professionnelle.</p>
<p>L’approche, ici, vise clairement à remettre en cause la <a href="https://www.lesechos.fr/2012/02/lespagne-donne-un-grand-coup-de-flexibilite-a-son-marche-du-travail-351330">réforme mise en place en 2012 par le gouvernement de droite de Mariano Rajoy</a>, qui augmentait nettement la flexibilité et facilitait la procédure de licenciement.</p>
<p>Au sein de la jeunesse espagnole, on observe des <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=File:Young_adults_aged_2034_neither_in_employment_nor_in_education_and_train.._.png">taux parmi les plus élevés en Europe</a> de « Neet » (<em>Not in employment, education or training</em>, en français : personnes sans emploi, ne suivant ni études ni formation). Les CDD, les contrats courts, les temps partiels et la précarité sont le lot d’une grande partie des jeunes Espagnols, qui éprouvent de grandes difficultés (qu’ils soient diplômés ou pas) à trouver une place dans la société.</p>
<p>Depuis 2008, la jeunesse espagnole souffre d’un manque de perspectives croissant. Le taux de chômage des jeunes est démesuré : il a grimpé <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/yth_empl_100/default/table?lang=en">jusqu’à 26 % des 20-29 ans en 2020</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eGu3kivpgtg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Certains des jeunes que nous avons interviewés dans nos enquêtes en 2018 allaient jusqu’à s’autofinancer pour acquérir une expérience professionnelle, c’est-à-dire qu’ils payaient pour travailler. Une partie faisait le choix d’<a href="https://actualites-cci.com/le-chomage-contraint-les-jeunes-espagnols-a-lemigration-vers-leurope-du-nord-et-lamerique-latine/">émigrer</a> en Europe <a href="https://www.researchgate.net/publication/265390138_La_nueva_emigracion_espanola_Lo_que_sabemos_y_lo_que_no">(plus de 700 000 Espagnols, majoritairement des jeunes, entre 2008 et 2012)</a>. Si certains (essentiellement les diplômés avec une grande employabilité, comme les ingénieurs) ont connu le succès, ils ont été nombreux à rentrer en situation d’échec : faire des ménages et/ou travailler sans être déclarés et mal vivre à l’étranger, cela n’en valait pas la peine.</p>
<p>Dans le projet réforme actuellement en cours d’examen, le contrat « à la tâche », d’une flexibilité totale et qui pouvait durer jusqu’à trois ans, est désormais supprimé. De même, le CDD est limité à 18 mois sur une période de 24 mois : au-delà, il deviendra un CDI, l’objectif affiché étant de développer le CDI. Le CDI est appelé à devenir la norme, et le CDD ne pourra être utilisé que dans des circonstances spécifiques (besoins de la production, remplacement d’un travailleur, conservation d’un poste de travail).</p>
<h2>Faciliter l’accès au logement</h2>
<p>Les problèmes des nouvelles générations tiennent à une double difficulté : il est très compliqué de trouver un emploi stable, mais aussi d’accéder à un logement personnel.</p>
<p>La jeunesse espagnole, parfois traitée frivolement de <a href="https://en.savills-aguirrenewman.es/blog/article/228173/spain-articles/welcome-the-spalenials--the-spanish-millennials.aspx">« millennials »</a>, soupçonnée de ne pas avoir envie de travailler, accusée de vivre dans l’immédiateté, a subi et supporté beaucoup, sans la contrepartie qui lui aurait permis de se faire une place dans la société.</p>
<p>Les jeunes Espagnols, souvent bloqués au domicile familial qu’ils n’ont pas les moyens de quitter, sont réputés constituer <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/demographie/data-quel-age-les-jeunes-europeens-partent-ils-de-chez-papa-et-maman-6351657">l’un des taux de « Tanguys » les plus élevés d’Europe</a>.</p>
<p>Jusqu’en 2008, la tradition ibérique de l’accès à la propriété incitait les jeunes à demeurer longtemps au domicile parental. Ils économisaient à travers un compte épargne logement et contractaient un emprunt hypothécaire sur le long terme – parfois 40 ans ! –, ce qui leur permettait, à terme, d’accéder à la propriété, dans un pays où plus de <a href="https://www.acecredit.fr/fr/actualites/etre-proprietaire-en-europe_-n.html">75 % des habitants sont propriétaires de leur logement</a>. Après 2008 et la <a href="https://www.lefigaro.fr/immobilier/2008/04/08/05002-20080408ARTFIG00261-les-espagnols-pris-a-la-gorge-par-la-crise-immobiliere-.php">crise immobilière</a>, cet objectif est devenu impossible à atteindre, les banques n’accordant plus de crédits hypothécaires comme auparavant. Le séjour, même prolongé, chez les parents ne permettait plus de viser l’horizon de la propriété immobilière.</p>
<p><a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=File:R%C3%A9partition_de_la_population_en_fonction_des_modalit%C3%A9s_de_jouissance_du_logement,_2018_(en_%25)_SILC2020-fr.png">Ces dernières années</a>, la location et la colocation ont connu plus de succès chez les jeunes, comme seuls moyens de prendre un peu d’envol, mais les prix ont également <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/en-direct-du-monde/en-direct-du-monde-en-espagne-les-loyers-ont-augmente-de-30-dans-les-grandes-villes_2822077.html">flambé</a>. Le coût du logement pèse de plus de 40 % sur leur budget, atteignant parfois jusqu’à 60 %. Conséquence : ils sont nombreux à se résoudre à rester chez leurs parents, sans avoir les moyens de se projeter dans l’avenir, tandis que dans d’autres pays, le <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/revenir-vivre-en-famille-devenir-adulte-autrement/">retour au nid augmente</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1447782047637032971"}"></div></p>
<p>En Espagne, certains n’ont même pas la possibilité de revenir chez les parents, car le départ n’a pas eu lieu. Cette jeunesse apparaît désabusée, voire fataliste. Depuis les <a href="https://theconversation.com/nuit-debout-des-indignes-pas-comme-les-autres-59707">Indignés</a> en 2011, elle n’a pas organisé de grands mouvements de protestation, et les syndicats étudiants se caractérisent par un silence notable et une quasi-absence publique. L’une des explications tient au fait qu’en Espagne la politique de l’État-providence est <a href="https://journals.openedition.org/travailemploi/4284">familialiste</a> : les jeunes comptent moins sur les aides de l’État que, par exemple, les jeunes Français et leurs syndicats.</p>
<h2>Une situation encore aggravée par la crise sanitaire</h2>
<p>Le Covid a mis en relief les souffrances de la jeunesse. La solitude, l’incertitude, les problèmes de santé mentale et l’impossibilité d’une projection dans l’avenir se sont aggravés.</p>
<p>La jeunesse espagnole ne va pas bien. Oui, elle continue à pratiquer <a href="https://www.cairn.info/boire-une-affaire-de-sexe-et-d-age--9782810903658-page-169.htm">« el botellon »</a> (ces réunions massives de jeunes dans l’espace public pour consommer des boissons alcoolisées, écouter de la musique et s’enivrer), à se mélanger avec les autres générations et à se regrouper, ce qui d’ailleurs lui permet de « tenir », mais l’avenir est perçu comme bloqué, sans issue ou, au mieux, incertain. Ces jeunes ne voient pas à quel moment ils pourront enfin trouver les moyens de construire leur vie. Le taux de fécondité espagnol compte <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/12/17/les-espagnols-font-de-moins-en-moins-d-enfants_5230916_3210.html">parmi les plus bas d’Europe</a>, ce qui se comprend dans un contexte où les politiques de l’État en faveur de la jeunesse et des familles sont faibles.</p>
<p>La jeunesse a besoin de perspectives et de pouvoir se projeter dans l’avenir. La réforme proposée par Yolanda Diaz et par le gouvernement vise en outre une plus grande égalité entre les femmes (elles sont les grandes perdantes des temps partiels et de la précarité) et les hommes, et entre les générations. L’accepter permettrait à la jeunesse de croire de nouveau à un monde des possibles : emploi, logement et une vie à soi. Les partis politiques semblent peu enclins à la ratifier fin janvier (le gouvernement cherche actuellement pour cela à <a href="https://elpais.com/espana/2022-01-24/sanchez-exige-a-diaz-que-la-patronal-acepte-lo-que-pacte-con-erc-y-pnv.html">s’assurer du soutien</a> de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et des nationalistes basques de PNV) ; les jeunes se mobiliseront-ils ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandra Gaviria ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Durement affectés par la crise financière, les jeunes Espagnols sont souvent contraints de rester très longtemps chez leurs parents et de se contenter d’emplois précaires.Sandra Gaviria, Professeure de sociologie, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749752022-01-25T19:42:48Z2022-01-25T19:42:48ZPrésidentielle 2022 : une « vraie » politique du vieillissement reste à inventer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440836/original/file-20220114-15-i037t3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Repenser le vieillissement de la société et ses enjeux politiques et sociétaux devrait être à l'agenda de la campagne présidentielle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/vieille-personnes-ag%C3%A9es-homme-3688950/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>À ce jour, le vieillissement de la population n’apparaît pas comme un thème central de la campagne présidentielle. Il est vrai que durant le quinquennat Macron (2017-2022), les deux réformes envisagées, l’une visant la refonte du système des retraites, l’autre l’instauration d’une politique de soutien au grand âge, ont été toutes deux <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/15/emmanuel-macron-confirme-l-abandon-de-la-reforme-des-retraites-avant-l-election-presidentielle_6106216_823448.html;https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/30/loi-grand-age-histoire-d-une-promesse-non-tenue_6104180_3224.html">abandonnées</a> en cours de route ce qui est à même de refroidir bien des ardeurs.</p>
<p>Certes, la situation sanitaire n’a pas été aisée pour mener deux politiques nécessitant des mesures d’envergure susceptibles de modifier l’architecture d’une partie du système de protection sociale, d’autant que la réforme des retraites avait suscité un <a href="https://reporterre.net/Retraites-sept-semaines-d-un-mouvement-social-inedit">vaste mouvement de protestation sociale</a> tout au long de l’année 2020.</p>
<p>Quant à la loi appelée dans un premier temps « Grand âge et autonomie », puis <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/autonomie/article/generations-solidaires">« Générations solidaires »</a>, elle s’est simplement transformée en diverses mesures intégrées à la loi 2022 de financement de la sécurité sociale.</p>
<p>Et pourtant, il s’agissait d’un projet de loi déjà à l’ordre du jour sous le quinquennat Sarkozy, puis sous le quinquennat Hollande, qui n’avait alors débouché que sur une loi d’« adaptation de la société au vieillissement » avec une ambition budgétaire bien moindre (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031700731/">loi ASV du 28 décembre 2015</a>).</p>
<p>En réalité, mettre à l’agenda public la question du vieillissement revient à se heurter à la nécessaire mobilisation de ressources budgétaires conséquentes.</p>
<p>Ainsi, sur la question des retraites, le Conseil d’orientation des retraites estime dans son <a href="https://www.cor-retraites.fr/node/562">dernier rapport de juin 2021</a> que le déficit du régime avait atteint 13 milliards en 2020. Et sur la question de la prise en charge de la dépendance, le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/remise-du-rapport-libault-sur-la-concertation-grand-age-et-autonomie">rapport Libault</a> préparatoire à la réforme estimait en 2019 un besoin de financement de l’ordre de 9,2 milliards par an d’ici 2030.</p>
<h2>Un débat politique focalisé sur les dépenses de protection sociale</h2>
<p>Cette situation aboutit à ce paradoxe : alors que le corps électoral âgé est surreprésenté, avec une participation électorale augmentant continûment jusqu’à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3140794">75-80 ans :</a> et qu’une partie des élus sont eux-mêmes âgés, comment se fait-il que le vieillissement ne soit pas au cœur de l’agenda politique ?</p>
<p>Le coût budgétaire d’une telle politique, constitue évidemment une raison incitant les candidats les plus sérieux à être prudents dans leurs promesses. Et a contrario, cela conduit régulièrement les principaux acteurs du monde professionnel et de la société civile à réclamer une « vraie » réforme dans le champ de la vieillesse et à déplorer le manque de moyens.</p>
<p>Pourtant, une « vraie » réforme ne peut se limiter aux enjeux de protection sociale. Ces derniers sont bien évidemment très importants et c’est d’ailleurs grâce au système de protection sociale, notamment de sécurité sociale, que les personnes âgées bénéficient aujourd’hui <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/protection-sociale-paie-cout-vieillissement-de-population">d’un niveau de vie plus élevé</a> en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE.</p>
<p>Et la transformation récente de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) en caisse de sécurité sociale indique que la dynamique se poursuit (cf. l’ordonnance du 1<sup>er</sup> décembre 2021). Mais on est là sur une approche et des réponses qui reposent sur une « solidarité froide », de nature macro-économique, qui néglige la question de la place et du rôle des personnes âgées dans les sociétés modernes.</p>
<h2>Une représentation sociale négative des plus âgés</h2>
<p>La protection sociale ne peut être en réalité qu’un élément de réponse aux enjeux soulevés par le vieillissement de la population. Non seulement elle nécessite d’importants moyens financiers qui tendent à annihiler les velléités de réforme et à susciter des crispations sociales, mais en outre elle contribue à forger une représentation sociale négative des plus âgés.</p>
<p>Ces derniers deviennent une catégorie cible bénéficiaire d’aides toujours plus importantes, générant un grisonnement des dépenses sociales susceptible de déboucher à terme sur un hypothétique <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/29/francois-de-closets-la-generation-predatrice-du-toujours-plus-devrait-avoir-honte_6041118_3232.html">conflit</a> entre générations.</p>
<p>Dans ce contexte, les sociétés modernes condamnent les personnes âgées à vouloir rester jeunes pour tenter d’échapper <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/personnes-agees/article/reussir-la-transition-demographique-et-lutter-contre-l-agisme">à l’âgisme ambiant</a>.</p>
<p>Ce n’est donc pas un hasard si la « silver économie » a le vent en poupe depuis quelques années dans la mesure où elle promeut l’idée que le vieillissement ne représente pas un coût mais une <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/silver-economie-definition">richesse pour la société</a>. Il s’agit toutefois là d’une alternative trompeuse car si elle inverse effectivement la représentation des seniors (qui passent du statut de bénéficiaires d’aides à celui d’agents économiques), elle les enferme dans un rôle réducteur de simple consommateur.</p>
<h2>Une politique du vieillissement à inventer</h2>
<p>Le vrai défi pour l’avenir consiste à inventer une politique du vieillissement capable de redonner une place à part entière aux personnes vieillissantes, pas seulement en tant que bénéficiaires d’aides ou pour garder les petits-enfants.</p>
<p>La « révolution de l’âge » nécessiterait de repenser l’ensemble des fondements de la politique menée en direction des personnes âgées qui avaient pourtant été posés dans le cadre d’un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/couv/aplat/9782343030586.pdf">rapport public</a> publié en… 1962 (cf. rapport de la Commission d’Etudes des Problèmes de la Vieillesse appelé plus communément « Rapport Laroque »).</p>
<p>Mais depuis, malgré l’existence de nombreux programmes et rapports, l’État semble avoir perdu la capacité à impulser une politique globale susceptible de tenir compte de l’avancée des <a href="https://pur-editions.fr/product/8558/vieillesses-et-vieillissements">connaissances sociologiques sur le vieillissement</a>.</p>
<p>En l’occurrence, trois enjeux nous paraissent primordiaux pour définir une « vraie » politique du vieillissement. Ces enjeux reposent sur l’idée centrale qu’une politique du vieillissement n’est pas une politique s’adressant aux seules personnes âgées : c’est un projet de société visant l’ensemble des individus dont on sait, dès leur naissance, qu’ils sont tous amenés à vieillir…</p>
<h2>Sensibiliser toute la population</h2>
<p>Le premier enjeu serait ainsi de définir une politique de l’avancée en âge tout au long de la vie. Les problèmes liés à la vieillesse ne sont pas propres aux « vieux » : ils surviennent au fil de l’avancée en âge du fait d’événements qui se sont greffés bien antérieurement dans leur histoire de vie. On n’est pas vieux, on le devient. C’est donc bien en amont que se dessinent les inégalités qui ne vont que s’amplifier au moment de la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3322051">retraite</a>.</p>
<p>Par ailleurs, il est nécessaire de promouvoir une société créatrice de liens sociaux. L’isolement social n’est pas propre aux plus âgés. Néanmoins, comme l’ont révélé la <a href="https://www.petitsfreresdespauvres.fr/informer/prises-de-positions/mort-sociale-luttons-contre-l-aggravation-alarmante-de-l-isolement-des-aines">canicule de l’été 2003 et de multiples études</a>, la population âgée est particulièrement vulnérable dans les sociétés fondées sur la mobilité. Pourtant, le réseau « villes amies des aînés », qui consiste à inciter les pouvoirs publics locaux à mieux prendre en compte les besoins de la population vieillissante, démontre qu’il est possible de repenser la manière dont les territoires favorisent – ou non – les <a href="http://www.villesamiesdesaines-rf.fr/">liens entre les âges</a>.</p>
<p>Par ailleurs, rappelons que la sur-technologisation des sociétés modernes ne constitue pas une solution : l’Insee rapporte ainsi qu’en 2019, 26,7 % des personnes âgées de 60-74 ans et 67,2 % des plus 75 ans étaient en situation d’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4241397">illectronisme</a>.</p>
<p>Il faut aussi reconnaître aux personnes, fussent-elles vieillissantes, une pleine citoyenneté. Une telle évidence a pourtant été contredite durant la crise sanitaire qui a conduit l’État à brider la liberté des plus âgés au nom de leur supposée vulnérabilité, particulièrement pour ceux résidant en Ehpad comme le rappelait <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/274054-confinement-dans-les-ehpad-les-reserves-du-comite-dethique">l’avis</a> du Conseil consultatif national d’éthique ou le <a href="https://defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2021/05/rapport-les-droits-fondamentaux-des-personnes-agees-accueillies-en-ehpad">rapport du Défenseur des droits</a>.</p>
<p>La tentation sanitaire et sécuritaire tend à prendre le dessus et à occulter le fait que les personnes âgées sont avant tout des adultes capables de faire preuve d’autonomie au sens étymologique du terme, c’est-à-dire de se gouverner selon ses propres lois. Il a en effet été démontré que si l’on excepte les troubles sévères, l’individu dispose toujours de ressources, parfois non verbales, pour exprimer son point de vue pour peu que la <a href="https://alzheimer-ensemble.fr/sz-content/uploads/2020/04/reperes_alzheimer_02.pdf">société le sollicite</a>. Dans tous les cas, il ne fait pas de doute que le renouvellement générationnel contribuera de toute façon à ce que les « nouveaux vieux » soient amenés à défendre avec ardeur leur volonté de rester des citoyens à part entière jusqu’à la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/28/des-personnalites-s-organisent-pour-imposer-un-debat-sur-la-vieillesse-a-la-presidentielle_6107513_3224.html">fin de leur vie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174975/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je suis président du conseil scientifique de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
</span></em></p>Alors que le corps électoral âgé est surreprésenté et qu’une partie des élus sont eux-mêmes âgés, comment se fait-il que le vieillissement ne soit pas au cœur de l’agenda politique ?Dominique Argoud, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1748172022-01-17T19:32:17Z2022-01-17T19:32:17ZLes territoires oubliés de l’élection présidentielle<p>Le 3 juin 2014, le président de la République française François Hollande annonçait le lancement d’une réforme dont l’objectif était de <a href="https://theconversation.com/la-decentralisation-une-histoire-longue-minee-par-les-incoherences-130802">changer l’architecture territoriale de la République</a> : la fameuse loi NOTRe (loi portant nouvelle organisation territoriale de la République). L’ambition du Président était de <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-carte-des-regions-des-effets-de-transformation-inattendus-158997">simplifier et de clarifier l’organisation territoriale</a> de la France avec cette réforme, pour que chacun sache qui est en charge, qui finance et à partir de quelles ressources, en somme un vrai <a href="https://www.researchgate.net/publication/286732395_Big_Bang_Territorial_La_reforme_des_Regions_en_debat">big bang territorial !</a>. Six ans plus tard, où en est-on ? Quelle considération de la place des territoires dans le quinquennat d’Emmanuel Macron qui défend la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/01/16/reindustrialisation-macron-veut-celebrer-l-attractivite-dans-les-territoires_6109731_823448.html">ré-industrialisation et l’attractivité</a> de ces territoires ?</p>
<h2>Une rationalisation des dépenses budgétaires, vraiment ?</h2>
<p>L’argument le plus souvent avancé, et probablement le plus discuté aussi, porte sur la rationalisation des dépenses budgétaires publiques en passant de 22 à 13 régions. Le gouvernement justifie alors les économies budgétaires sur les collectivités locales en promettant de contenir la hausse de la fiscalité locale et de libérer des capacités d’investissement public.</p>
<p>Lors de la présentation du projet de loi le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/195347-declarations-de-m-andre-vallini-secretaire-detat-la-reforme-territo">14 juin 2015 devant le Sénat</a>, des chiffres ont été avancés par André Vallini, le secrétaire d’État à la Réforme territoriale, qui annonçait des économies d’environ 25 milliards d’euros, <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/431686/reforme-territoriale-la-fin-du-mythe-des-10-milliards-deuros-deconomies/">bientôt réduites à 15</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses régions françaises ont vu leur budget de fonctionnement augmenter. Selon une <a href="https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/regions-le-bilan-2015-2018-des-fusions">étude menée par l’Institut français pour la recherche sur les administrations publiques et les politiques</a> (Ifrap), les dépenses des treize nouvelles grandes régions ont augmenté de 2,6 milliards d’euros entre janvier 2016, date de leur création, et 2017. Par exemple, les dépenses de la région Grand Est ont augmenté de 14 %, ce qui représente 444 euros par habitant. Plusieurs facteurs expliquent ces hausses.</p>
<p>La fusion des régions a nécessité l’alignement des salaires des fonctionnaires des anciennes régions sur le salaire le plus favorable. Par exemple, le nivellement a coûté 10 millions euros à la région Normandie.</p>
<p>L’agrandissement des régions a aussi généré des coûts supplémentaires qui n’avaient pas été nécessairement anticipés. C’est le <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/occitanie-les-gaspillages-de-la-nouvelle-region-1345116">cas de la région Occitanie</a> : aucun des deux hémicycles ne peut accueillir les 150 élus du conseil régional : si celui situé à Toulouse pouvait faire l’objet de travaux d’aménagement à cette fin, pour un montant estimé à 7 millions d’euros par la collectivité, la configuration de celui de Montpellier exclut toute possibilité de redimensionnement substantiel.</p>
<p>La collectivité fait donc <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-09/20190924-rapport-Finances-publiques-locales-2019-fascicule2_0.pdf">appel à un prestataire</a> pour organiser ces sessions au parc des expositions de Montpellier, pour un coût unitaire initial de 140 000 euros, ramené à 98 000 euros.</p>
<h2>Les effets pervers de la fusion des régions et de la métropolisation</h2>
<p>La fusion des régions a agrandi leur taille. Il est évident que cette augmentation implique qu’une partie plus importante de la population est éloignée des centres de décision, notamment de la capitale régionale.</p>
<p>Cette distance pourrait conduire au sentiment d’un nouvel éloignement de l’État des territoires ruraux ou périphériques, considérés comme abandonnés. On peut ainsi s’attendre à une baisse de la qualité, voire à une absence ou une suppression des services de proximité, dans un contexte de réduction des coûts. Ce phénomène, déjà observé dans de nombreuses zones rurales, inquiète les élus, <a href="https://www.courrierdesmaires.fr/36697/lappel-du-18-juin-des-maires-ruraux-contre-la-reforme-territoriale/">qui se sont plusieurs fois mobilisés</a> contre les effets néfastes de la nouvelle loi. Du fait des réformes, certains ont notamment souligné l’affaiblissement considérable du rôle du maire et des élus du conseil municipal, avec un assèchement des ressources de la commune et un transfert des compétences à l’échelle intercommunale.</p>
<p>Par ailleurs, on a assisté à une véritable <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/loi-mapam-la-nouvelle-carte-des-competences-en-matiere-denvironnement-et-de-transports">métropolisation de la France</a> avec la mise en œuvre de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM » ou « loi MAPTAM ». Le « tout métropole » inquiète aujourd’hui toute une partie de la population qui se sent exclue des bénéfices potentiels qu’elle pourrait tirer des métropoles. Le <a href="https://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/2017/12/08/les-metropoles-ruissellent-moyen/">ruissellement des métropoles vers les territoires ruraux</a> est loin d’être une évidence.</p>
<h2>Le déclin de l’offre de services publics</h2>
<p>Le <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lacces-aux-services-publics-dans-les-territoires-ruraux">déclin de l’offre de services publics dans de nombreux territoires périphériques</a>, qui entraîne un sentiment de frustration et d’abandon de la part de l’État, est devenu une réalité. Un certain nombre de petites et moyennes villes rurales déclinent à mesure que le secteur agricole perd de son importance et que peu d’alternatives sont disponibles. Il est difficile pour ces territoires, qui souffrent d’un manque de connexions avec les grands centres productifs, de se réinventer et de réactiver une dynamique économique.</p>
<p>On peut rappeler que dans d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou l’Espagne, ces décisions de laisser de côté certains territoires ont pu conduire à la création d’une géographie du mécontentement posant des problèmes en termes de <a href="https://theconversation.com/les-mobilisations-contemporaines-contre-les-injustices-rehabilitent-la-radicalite-politique-168414">montée du populisme</a> et de <a href="https://theconversation.com/elections-presidentielles-labstention-revelatrice-de-territoires-negliges-par-les-politiques-publiques-163520">désintérêt croissant des citoyens vis-à-vis de la politique</a>.</p>
<p>En France, la crise des « gilets jaunes » a montré que les territoires oubliés comptent et que cette question doit être abordée. De manière générale dans les pays développés, la <a href="https://theconversation.com/le-gouvernement-macron-en-marche-vers-le-management-ou-vers-linnovation-publique-78117">recherche de performance des politiques publiques</a> a généré une diminution des services publics dans les territoires qui étaient déjà en difficulté. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’une partie de la population, qui ne bénéficie plus de ces services – ou dont la qualité s’est dégradée – ne croit plus au gouvernement et fait valoir ses revendications en manifestant ou en votant pour des partis des extrêmes.</p>
<h2>Quel salut pour les territoires oubliés ?</h2>
<p>La réforme semble bénéficier à certains types de territoires (les plus urbanisés) et en défavoriser d’autres (les zones rurales), et le <a href="http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2017-01-23-rapport_complet-metropoles-final.pdf">ruissellement territorial</a> annoncé n’est pas systématiquement au rendez-vous. Les outils comme la mise en place de <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/zone-revitalisation-rurale-zrr-avantages-impots">zones de revitalisation rurale</a> (ZRR), pourtant intéressants pour les territoires bénéficiaires, restent trop rares. Selon un <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2010/qSEQ10060951S.html">rapport du Sénat</a>, par exemple, en Lozère, les exonérations fiscales et sociales accordées ont ainsi permis de créer ou de maintenir de nombreux emplois – par exemple 222 ETP dans le secteur médico-social – et de réaliser un certain nombre d’investissements dans les établissements. Néanmoins, par manque de lisibilité, seules <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/les-zones-de-revitalisation-rurale-sur-la-sellette.2138869">2,3 % des communes en profitent</a>, alors que plus de 50 % d’entre elles pourraient y prétendre.</p>
<p>Par ailleurs les possibilité d’expérimentation des collectivités territoriales apparaissent également largement sous-utilisées, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01900692.2021.2018456">comme nous le montrons dans un article récent</a>, alors qu’elles pourraient donner naissance à des <a href="https://www.lemonde.fr/le-monde-evenements/article/2022/01/15/cynthia-fleury-concentrons-nous-sur-le-droit-d-experimentation-democratique_6109582_4333359.html">dynamiques locales intéressantes</a></p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/f6LlI2DWC-s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les épiceries solidaires (Andes, septembre 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pourtant tout n’est pas perdu, et de nombreuses initiatives provenant des territoires laissent à penser qu’un développement endogène, soutenu par les actions et initiatives des populations locales, est possible et peut conduire à la création et au succès de systèmes économiques locaux. Un nombre croissant d’exemples attestent d’une large capacité d’innovation et de créativité, y compris dans des territoires ruraux ou considérés comme périphériques, pas nécessairement liées à un haut niveau d’industrialisation ou de spécialisation productive. Ils révèlent la vitalité des territoires, qui démontrent leur dynamisme et leur capacité de renouvellement en mobilisant les forces locales.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/alimentaire-circuits-courts-une-durabilite-sous-conditions-146709">circuits courts</a> de proximité, en plein développement, en particulier depuis la crise du Covid, permettent de rapprocher les producteurs (souvent des agriculteurs) et les consommateurs, d’identifier l’origine des produits et d’éviter les intermédiaires industriels jugés trop coûteux ou dangereux pour la santé. S’y ajoute une dimension sociale inclusive, par la familiarité avec le producteur, les relations de collaboration dans la production, ou l’intégration et la recréation de liens sociaux, comme les sociétés coopératives, la création d’épiceries solidaires ou les lieux de distribution et de vente de produits.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-tiers-lieux-pour-aider-les-neo-paysans-a-se-lancer-132207">Des tiers-lieux pour aider les néo-paysans à se lancer</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>D’autres modes de collaboration</h2>
<p>Les tiers lieux, un phénomène constaté dans tous les territoires, se multiplient dans les zones rurales. Ces espaces de rencontre favorisent la mise en commun des connaissances et des savoir-faire, au bénéfice de la production de biens ou de l’invention de services locaux. La collaboration entre professionnels et amateurs ou profanes éclairés permet de mobiliser les énergies, de créer des chaînes de valeurs et de compétences, et de mettre en place de nouvelles idées, comme l’agroécologie par exemple. Elle est soutenue depuis mars 2021 par la politique des <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/sappuyer-sur-les-poles-territoriaux-de-cooperation-economique-pour-une-relance-durable">Pôles territoriaux de coopération économique</a> (PTCE).</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/economie-circulaire-gare-aux-solutions-trop-faciles-165495">économie circulaire</a>, promue de manière très volontariste par l’ADEME, contribue à la création de richesse dans les territoires. À l’opposé de l’économie linéaire, qui conduit à la production de produits et de déchets non recyclables, elle permet de créer une boucle vertueuse au niveau local. En particulier les déchets sont réutilisés dans la production ou transformés en énergie qui sert à la fabrication de nouveaux biens ou aux besoins des populations. La <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-territoires-doivent-semparer-de-la-bioeconomie-76243">méthanisation</a>, en croissance très forte ces dernières années en France, en est le meilleur exemple.</p>
<p>Alors, ces innovations seraient-elles finalement une opportunité pour les territoires perdus aux frontières des macro-régions et loin des pouvoirs publics ? Voire une opportunité à saisir pour les politiques ? Ou alors, est-ce qu’elles restent trop particulières ou modestes pour entraîner de véritables dynamiques territoriales ? Une chose est sûre, les candidats à l’élection présidentielle ne pourront pas faire sans ces territoires oubliés, qui ont su bien souvent se rappeler à leur attention, dans les urnes ou dans la rue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174817/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Réindustrialiser, rendre attractifs les territoires : ces promesses de campagne peuvent-elles résister à l’analyse poussée des différentes mesures de décentralisation ?Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieAndré Torre, Directeur de recherche en économie à INRAE, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743572022-01-10T19:53:52Z2022-01-10T19:53:52ZComment les remèdes européens ont affaibli l’économie italienne<p>Pour bon nombre d’observateurs, et en particulier ceux de la Commission européenne, si l’Italie connaît une <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/italie-economie/5-l-economie-italienne-dans-la-zone-euro-un-inexorable-decrochage/">stagnation économique depuis le lancement de l’euro en 1999</a>, c’est en raison d’une insuffisante mise en œuvre des réformes structurelles préconisées par l’UE : oui c’est cela libéralisation du marché du travail, ouverture à la concurrence de secteurs traditionnellement réservés à l’État, modernisation de la bureaucratie. Bref, l’Italie serait responsable des difficultés de son économie, lesquelles ne sauraient être imputées à aucun facteur extérieur. Tel est le discours dominant des institutions européennes à l’égard de nombreux pays dont l’incapacité à se réformer est <a href="https://www.challenges.fr/economie/l-incroyable-diktat-de-trichet-a-berlusconi_301344">régulièrement soulignée</a>.</p>
<p>C’est pourquoi, dans l’histoire récente de l’Italie, des gouvernements dits techniques ont vu le jour pour administrer de manière rapide, et parfois brutale, la thérapie recommandée. On peut songer au <a href="https://www.lesechos.fr/1992/09/italie-amato-brandit-un-plan-draconien-932776">plan d’austérité</a> du gouvernement Amato pour préparer l’Italie à l’euro en 1993, ou encore à la politique <a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20121010trib000724004/austerite-a-l-italienne-le-nouveau-plan-monti-en-cinq-points.html">rigoureuse</a> conduite par Mario Monti de 2011 à 2013.</p>
<p>Le présent <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/en-italie-mario-draghi-forme-un-gouvernement-dunion-nationale-20210212_EPOLFE24XVC4VOMRKP5UWGFXVY/">gouvernement Draghi</a>, en place depuis un an, participe de la même logique au nom du même impératif européen : celui d’imposer des remèdes censés apporter la <a href="https://www.repubblica.it/politica/2021/02/12/news/governo_draghi_rec">croissance manquante</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0yrbAn9krfc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Le remède européen est-il efficace ?</h2>
<p>L’Italie est-elle vraiment victime d’elle-même de son système économique sclérosé ? A-t-elle refusé avec force les réformes depuis plusieurs décennies ? En somme, devons-nous valider le récit européen, celui d’un pays immobile, incapable de se mettre à l’heure européenne ?</p>
<p>Une autre lecture peut être privilégiée : celle qui défend l’idée que l’Italie a volontairement fait le choix de se soumettre à une contrainte extérieure dite du <a href="https://asimmetrie.org/en/interventi/opinions/repubblica-italiana-e-ideologia-del-vincolo-esterno/">« vincolo esterno »</a> au nom de son adhésion européenne. De ce fait, elle s’est engagée dans un <a href="https://www.micromega.net/capitalismo-italiano-euro-baccaro-zingales/">vaste programme de réformes</a> qui, loin de se traduire par un surcroît de croissance, a plongé l’économie du pays dans une certaine atonie. Dans cette lecture, l’euro a été un instrument qui a largement joué contre l’Italie et dont l’introduction a surtout profité à l’Allemagne.</p>
<p><a href="https://www.corriere.it/economia/finanza/19_settembre_21/pil-20-anni-crescita-dell-italia-ferma-zero-l-allarme-cgia-c9d06bb2-dc48-11e9-95a3-10409ad8b828.shtml">Ces vingt dernières années</a>, les Italiens ont connu un <a href="https://www.corriere.it/economia/finanza/19_settembre_21/pil-20-anni-crescita-dell-italia-ferma-zero-l-allarme-cgia-c9d06bb2-dc48-11e9-95a3-10409ad8b828.shtml">tassement de leur niveau de vie</a>, sans compter l’inquiétude liée à la <a href="https://www.franceinter.fr/monde/l-italie-en-plein-hiver-demographique">situation démographique</a>. La productivité recule de 1,5 % en rythme annuel depuis 2000. Depuis le début de la crise économique en 2008, l’Italie a perdu 600 000 emplois industriels et un quart de sa production industrielle.</p>
<p>Néanmoins, le pays conserve de réelles capacités industrielles, demeure le <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/IT/des-echanges-exterieurs-excedentaires">9e exportateur</a> mondial, et nombre de ses entreprises restent des leaders : citons le groupe de construction navale <a href="https://www.fincantieri.com/en/">Fincantieri</a>, le fabricant de chaussures <a href="https://www.geox.com/fr-FR/">Geox</a> ou encore le producteur de montures de lunettes <a href="https://www.essilorluxottica.com/fr/luxottica-reinvente-le-e-commerce-une-experience-dachat-qui-guide-les-consommateurs-la-rencontre">Luxottica</a>.</p>
<h2>L’idéologie du <em>vincolo esterno</em> : une camisole de force à l’italienne</h2>
<p>Au début de la décennie 1980, l’Italie dispose de trois atouts clés qui ont largement contribué à son succès : un État très largement dirigiste, une main-d’œuvre bon marché dans le sud, et une monnaie faible lui donnant une certaine compétitivité-prix.</p>
<p>À partir de ce moment, une série de réformes va transformer l’économie italienne, au nom de l’intégration européenne. L’Italie est largement victime de ce que l’on nomme l’idéologie du « vincolo esterno ». Ce terme peut être traduit comme la contrainte extérieure. Il est intimement lié à l’histoire des rapports entre l’Italie et la construction européenne.</p>
<p>Conformément aux orientations de l’UE, les élites italiennes ont imposé un ensemble de réformes jugées nécessaires en matière de marché du travail, de protection sociale et de concurrence. L’Union européenne remplit alors une fonction disciplinaire, autorisant des transformations majeures aussi bien en termes de relations sociales et de financement de l’économie que de protection sociale et d’organisation du marché du travail.</p>
<p>Quelques jalons de cette histoire peuvent être rappelés. En 1981, le Trésor italien se sépare de la Banque centrale d’Italie. Désormais, l’État ne pourra plus obtenir les encours nécessaires pour financer ses besoins. Une précieuse source de financement se perd alors. Une autre ère budgétaire et monétaire s’ouvre. C’est un pas vers l’austérité.</p>
<p>La contrainte sera aussi monétaire. L’Italie s’engage dans le <a href="https://www.erudit.org/en/journals/ae/1979-v55-n4-ae3148/800852ar.pdf">Système monétaire européen</a>, dont le fonctionnement est asymétrique. Il oblige les États dits à monnaie faible de faire les efforts d’ajustement, sous forme de modération salariale par exemple.</p>
<p>C’est pourquoi la <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/litalie-dopee-devaluation/00016228#:%7E:text=Contrainte%20de%20quitter%20le%20Syst%C3%A8me,s%E2%80%99enfoncer%20dans%20la%20r%C3%A9cession%20.">dévaluation de 1992-1993</a> décidée à la suite des attaques spéculatives contre le SME a été salvatrice. L’Italie subissait alors une politique d’austérité conduite sous la direction de Giulio Amato pour qualifier le pays à la monnaie unique. Sans cette dévaluation, l’Italie n’aurait pu supporter cette austérité.</p>
<p>L’euro ne fera que renforcer cette contrainte, même si l’on peut admettre que la monnaie unique a autorisé une détente en matière de taux d’intérêt. L’euro apparaîtra peu profitable à l’économie italienne, car depuis la fin des années 1990, l’Italie dégage un <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/litalie-plus-fourmi-lallemagne/00092671">excédent primaire</a> et une croissance atone.</p>
<p>Bien souvent, les commentateurs oublient de dire qu’en dehors de taux d’intérêt qui ont été particulièrement élevés sur la période, l’Italie s’est imposé une cure budgétaire largement payée par les Italiens en termes de services publics. Les <a href="http://www.ampcr.ma/actes/10eme_congres_national_de_la_route/CONGRE/Communications/AT1/AT102.pdf">privatisations du réseau autoroutier</a> engagées par le gouvernement Prodi ont été profitables aux sociétés qui en ont assuré la gestion, mais pas aux citoyens. <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/italie/effondrement-d-un-pont-a-genes/">L’écroulement d’un pont à Gênes</a> a révélé la gabegie en la matière.</p>
<p>L’Italie a été un véritable laboratoire d’un néolibéralisme que les gouvernements de gauche n’ont pas interrompu malgré la fin apparente du berlusconisme qui en a été un terrible vecteur. Le berlusconisme a engagé un ensemble de réformes qui ont conduit à la précarisation de nombreux services publics et à une austérité budgétaire importante. On peut penser à la malheureuse <a href="https://www.campus.rieti.it/notizie/attualita/3049-linchiesta-cosi-la-riforma-gelmini-ha-fermato-le-universita">réforme Maria Stella Gelmini de l’Université</a> qui a proposé une loi d’autonomie des universités aux conséquences néfastes, sans compter les privatisations à répétition, ou les ouvertures répétées à la concurrence.</p>
<p>La gauche italienne, transformée en partie centriste avec la naissance du <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/parti_d%C3%A9mocrate/116080">Parti démocrate</a>, n’a fait qu’entériner la logique du <em>vincolo esterno</em>, et allant plus loin dans l’agenda d’inspiration néolibérale. N’oublions pas que l’Italie de <a href="https://www.lesechos.fr/1994/06/le-president-de-liri-a-demissionne-883249">Romano Prodi</a> (gouvernements Prodi I 1996-1998 et Prodi II 2006-2008) a procédé à des <a href="https://www.ilfattoquotidiano.it/2021/11/26/telecom-italia-e-la-sua-privatizzazione-rovinosa-da-prodi-a-draghi/6403818/">privatisations massives</a>.</p>
<h2>Des gouvernements successifs tous désireux de mettre en œuvre les réformes européennes</h2>
<p>Rappelons ce qui constitue l’essence des réformes européennes : des politiques budgétaires contenues ; une politique monétaire dont le but est d’assurer une stabilité des prix ; et des variations de change avec l’extérieur relativement contenues.</p>
<p>À ce cocktail de politiques économiques peu actives, s’ajoutent des réformes structurelles concernant le marché du travail, l’organisation des marchés de biens et de services, et la libre circulation des capitaux et une protection sociale qu’il s’agirait de rendre plus active. En somme, des politiques économiques sous tutelle du marché.</p>
<p>L’espace de cet article ne permet pas de livrer un bilan exhaustif de ces choix de politique économique depuis plus de trente ans, mais un bilan s’impose. Le cas italien nous permettra de mesurer l’échec de cette orientation.</p>
<h2>Un constat d’échec</h2>
<p>L’Italie a procédé à une <a href="https://www.economie.gouv.fr/igpde-editions-publications/note-reactive-italie-2015-10">profonde réforme de ses administrations</a> et a fait disparaître sa fonction publique ou, du moins l’a <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2009-4-page-817.htm">considérablement réduite</a> – sans compter les coupes claires dans ses administrations dont elle mesure aujourd’hui l’ampleur, car ses administrations dépeuplées ne peuvent plus faire face aux enjeux de la répartition des fonds européens.</p>
<p>Les travailleurs italiens avaient arraché de haute lutte le statut des travailleurs de 1970, dont <a href="https://blogs.parisnanterre.fr/article/larticle-18-du-statut-des-travailleurs-en-italie-relatif-au-licenciement-par-elodie-magnacca">l’article 18</a> allait défrayer la chronique bien des années plus tard. Cet article était largement protecteur des travailleurs, qui en cas de licenciement abusif pouvaient l’objet d’une réintégration dans leur entreprise.</p>
<p>C’est la gauche, et particulièrement celle de Matteo Renzi (2014-2016) qui s’est employée à le démanteler. Le <a href="http://www.ires.fr/publications/chronique-internationale-de-l-ires/item/5185-italie-le-jobs-act-un-nouveau-pas-vers-la-flexibilite-pour-les-travailleurs-et-vers-la-securite-pour-les-employeurs"><em>Jobs act</em></a> du même Renzi porta un coup fatal à cet article.</p>
<p>On retrouve ici une approche orthodoxe largement partagée au niveau européen : en accordant des facilités aux entrepreneurs en matière de licenciement ou d’embauche, le nombre d’emplois viendra à croître. Il n’en fut rien : le surcroît d’emplois est dû à une croissance supérieure.</p>
<p>On peut dire que des années 1980 à nos jours, on a assisté à un démantèlement systématique d’un ensemble de protections. La gauche a été le porte-drapeau de ces évolutions. Cette dernière a porté un projet régressif le <em>Jobs act</em> dont les effets escomptés sur le marché du travail n’ont pas été observés.</p>
<p>Le capitalisme italien a vu des industries clés passer <a href="https://www.panorama.it/economia/le-48-aziende-italiane-vendute-allestero?rebelltitem=1">sous contrôle étranger</a> – que l’on pense à Telecom Italia, devenue la TIM, qui est aujourd’hui <a href="https://www.reuters.com/business/media-telecom/italys-main-telecom-unions-call-greater-presence-state-telecom-italia-2021-11-24/">convoitée par un géant américain</a>, ou à la fin de la Parmalat, leader agroalimentaire ayant <a href="https://www.lepoint.fr/monde/faillite-du-groupe-italien-parmalat-les-ex-dirigeants-lourdement-condamnes-09-12-2010-1273336_24.php">fait faillite</a> sous l’effet de pratiques de corruption et ayant été racheté par une entreprise française, Lactalis.</p>
<p>Les élites italiennes ont fait de l’Italie le bon élève de la classe européenne en implantant à marche forcée, et parfois sans légitimité électorale, des réformes qui ont modifié l’organisation de l’économie du pays. Aujourd’hui, c’est le tissu même du capitalisme italien, son réseau de petites entreprises organisées en clusters, qui est jugé inadapté aux mutations économiques modernes, et qui est l’objet de changements en cours et à venir.</p>
<p>Il ne s’agit pas de dire que des facteurs internes n’ont pas joué dans les faiblesses de l’économie italienne, mais de reconnaître que l’implantation de réformes libérales, la perte de la souveraineté monétaire, le redimensionnement de l’État et de ses interventions ont été des facteurs de déstabilisation, d’appauvrissement de l’Italie, de fuite de la main-d’œuvre surtout jeune, d’un égoïsme territorial.</p>
<p>En somme, l’Italie ne s’appauvrit pas, ou ne se fragilise pas par manque de réformes, mais bien par un excès et par une mise aux normes d’un capitalisme européen qui lui est devenu peu favorable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Farah travaille pour/conseille la fondation Respublica, reconnue d'utilité publique, pour le média en ligne Elucid, collabore en tant que pigiste à l'hebdomadaire Marianne.</span></em></p>Les difficultés économiques de l’Italie sont-elles dues à l’insuffisante application des préconisations européennes ou, au contraire, à leur excessive mise en œuvre ?Frédéric Farah, Professeur de sciences économiques et sociales, chercheur affilié au laboratoire PHARE, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1710392021-11-08T20:36:22Z2021-11-08T20:36:22ZRéformer l’économie américaine : pour Joe Biden, le temps presse<p>Élu sur un programme économique ambitieux, Joe Biden a dû gérer en priorité les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. En parallèle, il tente de profiter de la majorité relative dont les Démocrates disposent au Congrès jusqu’aux <a href="https://www.lalibre.be/international/amerique/2021/03/23/pourquoi-2022-sera-une-annee-importante-pour-donald-trump-NAKWIB7H7JHV7NKOXHLCYF7AXU/">élections de mi-mandat de 2022</a> pour essayer de faire adopter rapidement une série de mesures destinées à réformer l’économie américaine, quitte à revoir ses ambitions à la baisse pour convaincre <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20211028-%C3%A9tats-unis-pour-joe-biden-un-cauchemar-d%C3%A9mocrate-nomm%C3%A9-joe-manchin">certains élus de son propre camp</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/build-back-better-le-programme-economique-de-joe-biden-151867">« Build back better » : Le programme économique de Joe Biden</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Au Congrès : une majorité fragile</h2>
<p>Alors que la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/congres-usa.asp">Chambre des Représentants</a> leur était déjà acquise, les Démocrates se sont assuré le <a href="https://www.franceinter.fr/monde/la-georgie-bascule-la-majorite-au-senat-americain-devient-democrate-et-donald-trump-perd-gros">contrôle du Sénat</a> en remportant début 2021 les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/06/election-en-georgie-le-suspense-demeure-pour-l-obtention-des-deux-sieges-decisifs_6065318_3210.html">deux sièges de la Géorgie</a>.</p>
<p>Cette situation permet théoriquement à Joe Biden de faire adopter les réformes proposées lors de sa campagne. Cependant, si les Démocrates disposent à la Chambre d’une avance suffisante (220 sièges contre 212 aux Républicains) pour garantir une adoption assez aisée, il n’en est pas de même au Sénat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1359823907906334724"}"></div></p>
<p>En effet, l’égalité (50-50) du nombre des sénateurs issus de chacun des deux grands partis ne donne l’avantage aux Démocrates que grâce à la voix de la vice-présidente Kamala Harris, présidente es qualités du Sénat. Sauf accord avec certains Républicains, la défection du <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/reformes-biden-l-incroyable-cirque-de-la-senatrice-kyrsten-sinema_2160026.html">moindre sénateur démocrate</a> se traduit donc par un blocage des lois au Congrès.</p>
<h2>Crise sanitaire : priorité au nouveau plan de sauvetage</h2>
<p>Dès son investiture en janvier 2021, Joe Biden a été confronté à la nécessité de mettre en œuvre un nouveau plan d’aide pour soutenir le pouvoir d’achat des Américains, mis en difficulté par la crise du Covid-19.</p>
<p>Dans la lignée des <a href="https://home.treasury.gov/policy-issues/coronavirus/about-the-cares-act">deux plans de relance</a> adoptés sous l’ère Trump d’un montant respectif de 2 200 (« CARES Act ») et de 900 milliards de dollars (« Consolitated Appropriations Act »), l’« American Rescue Plan Act » (ARPA) voté le 10 mars 2021 prévoit <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/10/que-prevoit-l-enorme-plan-de-relance-voulu-par-joe-biden-aux-etats-unis_6072643_3210.html">1 900 milliards de dollars de dépenses</a> supplémentaires.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XADCSUtpwaQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Covid-19 : le Sénat américain approuve le plan de relance économique de Joe Biden (France 24, 7 mars 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces fonds sont tout d’abord destinés à la distribution directe de nouveaux chèques à une grande partie des ménages américains, à raison de 1 400 dollars pour toute personne gagnant moins de 75 000 dollars par an (2 800 dollars en dessous de 150 000 dollars de revenus pour un couple).</p>
<p>Ce nouveau plan permet aussi de poursuivre le versement aux chômeurs d’un montant hebdomadaire de 300 dollars en complément de leurs éventuelles allocations.</p>
<p>Le reste de l’ARPA est notamment affecté au paiement des vaccins et des tests de dépistage, ainsi qu’à des subventions aux petites entreprises en difficulté pour éviter que celles-ci ne licencient leurs salariés.</p>
<p>Enfin, une enveloppe de 350 milliards de dollars est <a href="https://home.treasury.gov/news/featured-stories/fact-sheet-the-american-rescue-plan-will-deliver-immediate-economic-relief-to-families">consacrée aux États et aux territoires</a>, afin de combler certaines inégalités en matière de couverture numérique ou pour leur permettre d’assister les ménages fragilisés, par exemple en les aidant à conserver leur logement.</p>
<p>Après l’adoption de ce plan dicté par les besoins de la conjoncture sanitaire, l’administration Biden a inscrit à son agenda le train des réformes économiques structurelles promises lors de la campagne présidentielle.</p>
<h2>Promesses de campagne : plans d’investissement dans les infrastructures et soutien aux familles</h2>
<p>Les deux priorités intérieures définies par Joe Biden lors de sa campagne se traduisent par la volonté de faire adopter au Congrès <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210824-les-plans-d-investissements-de-joe-biden-avancent-au-congr%C3%A8s">deux gigantesques plans d’investissement</a>, l’un concernant une modernisation historique des infrastructures du pays, l’autre étant destiné au soutien aux familles.</p>
<p>Consensuel entre les Démocrates et une partie des Républicains, le projet de loi sur le plan d’infrastructures, le « Bipartisan Infrastructure Bill », aura néanmoins attendu le 10 août 2021 pour être <a href="https://apnews.com/article/joe-biden-business-bills-38b84f0e9fcc8e68646eedf6608c4c70">approuvé par le Sénat</a>, après des mois de négociations.</p>
<p>D’un montant de <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/2021/09/29/1-trillion-infrastructure-bill-house-vote-nears-what-included/5907055001/">1 200 milliards de dollars</a> de dépenses sur huit ans (contre <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-maison-blanche-reduit-la-voilure-de-son-plan-d-infrastructures-20210521">2 250 milliards envisagés initialement</a>), le plan a obtenu l’aval définitif du Congrès le 5 novembre 2021. Un vote d’une portée symbolique forte, un an après l’élection de Joe Biden.</p>
<p>Ce <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-le-plan-dinfrastructures-de-joe-biden-en-5-chiffres-fous-1338208">plan d’amélioration des infrastructures</a> devrait permettre la rénovation d’ouvrages existants (routes, ponts, voies ferrées, distribution d’eau, transports publics…) et la mise en place de nouveaux équipements, notamment destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre, soutenir l’adaptation au changement climatique, participer à la dépollution des sols et étendre l’Internet à haut débit.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/P2VvlSp6nJo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">États-Unis : des infrastructures en souffrance, Reportage C dans l’air, 18 décembre 2020.</span></figcaption>
</figure>
<p>À l’issue de la négociation bipartisane, seuls 550 des 1 200 milliards de dollars devaient constituer de nouvelles dépenses, le restant correspondant aux dépenses non réalisées dans le cadre des plans d’urgence sanitaire. Ainsi, seule une <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/etats-unis-le-plan-infrastructures-vise-a-percevoir-plus-d-impots-sur-les-cryptomonnaies-20210810">taxe sur les cryptomonnaies</a> devrait être introduite pour assurer son financement.</p>
<p>De son côté, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/04/28/fact-sheet-the-american-families-plan/">l’American Families Plan</a> doit principalement mettre l’accent sur le soutien aux familles avec enfants dans le but d’améliorer la situation des nouvelles générations.</p>
<p>Cela passe notamment par l’augmentation des financements dévolus au système public d’éducation et à la formation des enseignants, et par des aides aux familles modestes avec enfants (subventions des frais de garde, mise en place de congés maternité).</p>
<p><a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210913-etats-unis-le-plan-de-relance-de-joe-biden-frein%C3%A9-par-un-s%C3%A9nateur-d%C3%A9mocrate">L’absence de consensus parmi les élus démocrates</a> freine depuis plusieurs mois l’adoption de ce plan, mais leurs négociations internes pourraient bientôt aboutir à l’adoption d’un texte à l’ambition réduite, bien loin des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1834215/plan-infrastructures-milliards-biden-democrates">3 500 milliards de dollars</a> prévus initialement.</p>
<h2>Face-à-face tendu avec la Chine</h2>
<p>L’administration Biden a d’emblée désigné la Chine comme le <a href="https://www.state.gov/translations/french/le-secretaire-detat-antony-blinken-reaffirmer-et-reimaginer-les-alliances-de-lamerique/">principal concurrent, voire adversaire</a> des États-Unis. Dépassant le débat sur le déficit commercial américain vis-à-vis de ce pays mis en avant par son prédécesseur à la Maison-Blanche, le nouveau président se place dans une confrontation en termes de leadership mondial sur tous les aspects : économique, diplomatique, militaire et technologique.</p>
<p>Début juin, le Sénat adoptait à une large majorité un projet de loi pour répondre au défi technologique, l’« United States Innovation and Competition Act ». D’un montant global de <a href="https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KCN2DL0C2/usa-le-senat-adopte-un-projet-de-loi-pour-concurrencer-la-chine.html">250 milliards de dollars</a>, le plan promeut la recherche dans des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/06/10/joe-biden-poursuit-sans-complexe-la-guerre-commerciale-et-technologique-de-trump_6083595_3234.html">secteurs stratégiques</a> pour l’industrie du futur, tels que les semi-conducteurs, les puces électroniques, l’intelligence artificielle ou l’informatique quantique dans l’objectif de faire face à une concurrence internationale accrue, et en particulier celle de la Chine.</p>
<p>Sans abandonner les barrières douanières mises en place par Donald Trump, Joe Biden s’en démarque sur le plan diplomatique. Au lieu de poursuivre une lutte unilatérale contre la Chine, il cherche à renforcer ses alliances pour <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2021-3-page-11.htm">opposer à son principal concurrent un front le plus large possible</a>.</p>
<p>C’est ainsi qu’en juin 2021, les membres du G7 se sont entendus pour concourir au programme « <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/economie-le-g7-fait-front-commun-pour-contrer-la-nouvelle-route-de-la-soie-chinoise">Build Back Better World</a> » (B3W) qui vise à contrer l’influence grandissante de la Chine, laquelle investit massivement dans les infrastructures des pays en développement à travers les « nouvelles routes de la soie ».</p>
<p>Dans la zone Asie-Pacifique, Biden a resserré ses relations avec ses partenaires du Quad (Inde, Japon, Australie).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aukus-la-france-grande-perdante-du-duel-americano-chinois-168786">AUKUS : la France, grande perdante du duel américano-chinois</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>La forte priorité donnée aux alliances dans cette zone est à l’origine du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/16/crise-diplomatique-entre-washington-et-paris-au-sujet-des-sous-marins-australiens_6094856_3210.html">couac diplomatique récent entre les États-Unis et la France</a> concernant le contrat des sous-marins australiens.</p>
<p>Quand le président américain annonce lui-même la signature d’un nouveau contrat, évinçant de fait celui conclu quelques années plus tôt par Naval Group France, c’est pour marquer des points vis-à-vis de la Chine, au risque de vexer un allié européen beaucoup moins central dans ses préoccupations.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sous-marins-australiens-le-modele-francais-dexportation-darmes-en-question-170390">Sous-marins australiens : le modèle français d’exportation d’armes en question</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Imposition des multinationales : les États-Unis à la manœuvre</h2>
<p>C’est au travers de larges négociations internationales que l’administration Biden a réussi à convaincre ses partenaires de l’OCDE d’appliquer une <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20211008-imp%C3%B4t-sur-les-multinationales-136-pays-s-accordent-sur-une-taxation-minimale-%C3%A0-15">taxation minimale sur les bénéfices des multinationales</a>. Il s’agit d’un accord historique malgré un taux minimal de 15 % bien en deçà des <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/taxation-minimale-des-multinationales-il-fallait-fermer-le-robinet-de-levitement-fiscal-analyse-l-economiste-farid-toubal_4782471.html">21 % initialement souhaités par Joe Biden</a>.</p>
<p>Cela permettra de lutter contre l’optimisation fiscale des grands groupes, tout particulièrement des Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple). Ces derniers parviennent à <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/enquete-comment-les-gafa-se-debrouillent-ils-pour-payer-si-peu-d-impots-1551450994">échapper largement à l’impôt</a> grâce au dumping fiscal de certains pays qui tirent vers le bas les taux d’imposition sur les sociétés. Or, les États-Unis ont un besoin crucial de recettes fiscales pour financer les plans d’investissement voulus par les Démocrates.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EBnE-qJCt2A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Impôt minimum mondial : vers une révolution fiscale ? France 24, 4 juin 2021.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est aussi une manière de ne pas laisser d’autres pays prendre des initiatives en matière d’imposition des multinationales américaines. Le Royaume-Uni ou la Turquie, pour avoir mis en place une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/taxe-gafa-washington-instaure-puis-suspend-des-droits-de-douane-pour-six-pays-europeens-1320270">fiscalité spécifique</a> sur les grandes multinationales du numérique, sont d’ailleurs <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/taxe-gafa-washington-instaure-puis-suspend-des-droits-de-douane-pour-six-pays-europeens-1320270">menacés par les Américains</a> de mesures de rétorsion sous forme d’augmentation d’un ensemble de droits de douane.</p>
<p>L’administration Biden entend garder l’initiative sur l’évolution de la fiscalité internationale et éviter que d’autres pays suivent l’exemple français en taxant ces groupes sur la base du chiffre d’affaires réalisé sur leur territoire.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/diplomatie-de-quoi-lamerique-de-joe-biden-est-elle-le-nom-168880">Diplomatie : de quoi l’Amérique de Joe Biden est-elle le nom ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Depuis le début de son mandat, Joe Biden a entrepris une réforme en profondeur de l’économie américaine tout en réinvestissant la scène internationale avec une vision du monde plus multilatérale que celle de son prédécesseur. La préservation du leadership des États-Unis reste néanmoins son objectif primordial au côté des enjeux de politique intérieure que sont la réduction des inégalités qui minent la société américaine, et la transition énergétique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Joe Biden n’a pas encore réussi à faire voter tous ses grands plans d’investissement, les blocages venant notamment de son propre camp. Un problème urgent : les élections de mi-mandat se rapprochent.Isabelle Lebon, Professeur des Universités, directrice adjointe du Centre de recherche en économie et management, Université de Caen NormandieThérèse Rebière, Maître de conférences en économie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.