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Etude de cas : le pari d’IBM Watson dans la santé

IBM Watson (version initiale en 2011) Clockready/Wikimedia, CC BY-SA

En 2016, IBM Watson, le supercalculateur, diagnostique une leucémie chez une patiente japonaise de 60 ans. L’ordinateur conseille les médecins, qui adaptent leur traitement et la guérissent.

Watson fonctionne grâce au machine learning, une branche de l’intelligence artificielle qui extrait de l’information à partir de big data. Les données massives de Watson viennent de millions de dossiers médicaux. L’information qu’il en tire lui permet de réaliser d’une part des diagnostics (identification de la pathologie) et d’autre part des prescriptions (traitement à suivre). Watson diagnostique même des pathologies rares ou complexes. Ici, les médecins ont trouvé une leucémie mais pas son type ; le traitement n’était donc pas adapté. Après une soumission du cas à Watson, l’ordinateur trouve le type de la leucémie ainsi que le traitement adapté. L’état de la patiente s’améliore.

Depuis 2015, IBM a racheté les entreprises de santé Phytel, Explorys, Merge Healthcare et Truven. L’objectif affiché d’IBM est de devenir leader dans la création d’une intelligence artificielle dédiée à la santé, secteur porteur. Le groupe a investi près de 4 milliards de dollars pour créer Watson Health. Depuis sa création, Watson a collecté plus de 300 millions de données de patients.

Comment fonctionne Watson ?

La technologie d’IBM diffère de la médecine traditionnelle. Le logiciel n’analyse pas les symptômes pour identifier une pathologie ; il exploite l’information disponible en ligne.

Avec plus de 700 000 publications chaque année, un médecin ne peut se tenir à jour, même dans sa spécialité. La surabondance d’information, qu’un humain ne peut traiter, constitue la force de Watson. Le logiciel analyse 300 pages de données en une demi-seconde en sept langues. La flexibilité de Watson lui permet de parcourir différents types de données sur Internet : des tweets, des blogs, des articles journalistiques et scientifiques, etc. Ces données constituent un véritable corpus de savoir, mais sans structure. Tel un cerveau humain composé de neurones, Waton construit des connexions entre ces données éparses, pour créer son expertise.

Pour une meilleure compréhension, consultez la vidéo suivante :

Quels sont les champs d’applications ?

La première application de Watson concerne la santé. La médecine se compose d’une multitude de spécialités au sein desquelles l’intelligence artificielle est utile. Le cas de l’oncologie (traitement des cancers) reste le plus intéressant car les connaissances scientifiques augmentent de manière exponentielle, doublant tous les trois ans. La détection de cellules cancéreuses est simple aujourd’hui. Toute la difficulté se trouve dans leur identification et dans le choix du traitement.

L’arrivée de Watson bouleverse aussi le secteur de l’imagerie médicale. Watson analyse des radios, des IRM, les compare à son corpus, et fournit un diagnostic. D’autres secteurs sont concernés comme la cardiologie, l’orthopédie et l’ophtalmologie.

IBM Watson : complémentarité entre l’homme et la machine

Watson préconise des examens plus approfondis et détecte les pathologies complexes. C’est une « aide à la décision » pour les médecins). Il met en évidence un diagnostic que le médecin suivra ou non en fonction de sa pertinence. Le robot se perfectionne ; si le praticien décide de ne pas se fier à une proposition de Watson, il l’en informe et Watson corrige son raisonnement par un processus bayésien. Le médecin n’est pas face mais avec Watson. Watson n’a pas vocation à remplacer le médecin mais à l’aider.

Les deux difficultés rencontrées par Watson

La protection des données constitue le principal problème de ce projet : les informations collectées sont en effet détenues par des sociétés privées. Les médecins respectent le secret médical, alors que la détention de dossiers médicaux personnels par IBM pose des questions éthiques et légales. De ce fait, les médecins s’opposent à l’enrichissement d’un système privée. La collaboration entre IBM et médecins n’est donc pas évidente.

Watson donne un résultat, mais n’explique pas son raisonnement. Les médecins se méfient d’un résultat sorti d’une boîte noire. Certaines données sont erronées du fait des disparités de méthodes entre pays. Ainsi, les résultats sont faussés comme le montre l’étude danoise sur le taux d’erreur d’IBM Watson. Un problème pratique se pose : si un médecin suit une prescription incorrecte, qui en est responsable ? La question de la responsabilité légale freine l’utilisation de l’intelligence artificielle.

IBM Watson : un essai à transformer

IBM Watson bouscule le secteur de la santé : il aide la décision et se veut complémentaire aux médecins. Toutefois, Watson soulève d’autres interrogations. Melike Kanik, étudiante en 5e année de médecine à la faculté de Strasbourg, affirme « cette technologie n’est pas présente dans les hôpitaux à proximité. Actuellement, les établissements de santé développent la télémédecine. Cependant, la faculté n’enseigne pas l’intelligence artificielle. Les futurs médecins ne sont pas préparés à cette innovation. » Le corps médical doit encore être convaincu de la pertinence de Watson.


Article co-écrit avec Sarah Bortolaso, Émilien Duprez et Meltem Kanik

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