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Europcar : « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir »

En rachetant Fox Rent a Car, le leader européen ambitionne de se développer sur le très concurrentiel marché américain. Vytautas Kielaitis / Shutterstock

Le 6 août 2019, le français Europcar, leader européen de la location de véhicules, a annoncé le rachat de Fox Rent a Car, un homologue américain présent dans 15 des 25 plus grands aéroports américains qui a réalisé un chiffre d’affaires de 280 millions de dollars en 2018. L’objectif annoncé par Caroline Parot, la présidente du directoire, est « d’en faire la plate-forme de nos futurs développements aux États-Unis, nous donnant accès au plus important marché mondial, ainsi que la capacité à servir nos clientèles corporate et loisirs de façon globale, partout où nous opérons, en direct, via nos franchisés et nos partenaires chinois, indiens, japonais et canadiens ».

Cette acquisition s’inscrit dans un plan de développement international avec les précédents rachats en 2017 de Goldcar en Espagne et de Buchbinder en Allemagne. Avec cette nouvelle force de frappe, Europcar a pour objectif d’atteindre 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023 (2,9 milliards en 2018). Europcar, cotée en bourse à Paris depuis 2015 (SBF 120), est contrôlée à hauteur de 34,76 % par le fonds d’investissement Eurazeo et l’une de ses filiales, ECIP. Ce dernier l’avait racheté à Volkswagen en 2006 pour 3,1 milliards d’euros et a depuis allégé sa participation, notamment en 2017 avec une cession d’environ 10 % du capital.

Un leader surtout européen

La société est le leader européen du secteur (24 % de part de marché en 2017 selon une étude de marché d’Euromonitor), suivi par Avis (États-Unis, 16 %), Hertz (États-Unis, 13 %), Sixt (Allemagne, 11 %) et Enterprise Rent-A-Car (États-Unis, 8 %). C’est en Europe qu’elle concentre l’essentiel de son activité (92,8 % du chiffre d’affaires) en dépit de ses accords de franchise et de partenariat dans de très nombreux pays.

Si l’on compare le chiffre d’affaires d’Europcar à celui de ses concurrents, il s’avère que, bien qu’étant un des cinq acteurs globaux, Europcar, comme Sixt, du fait de sa focalisation européenne, est loin de peser aussi lourd que ses concurrents américains à l’échelle mondiale. Par exemple, Enterprise Rent-A-Car, société familiale américaine non cotée en bourse, ne publie pas de données financières détaillées, mais son chiffre d’affaires est encore plus élevé (24,1 milliards de dollars).

Rapports annuels des sociétés

Aussi, le rachat d’un acteur américain par Europcar apparaît-il particulièrement pertinent, ceci d’autant plus que le marché américain est le plus important au monde. En outre, comme l’indique Mordor Intelligence, le secteur reste modérément fragmenté avec des acteurs tant globaux que locaux ou régionaux, ce qui laisse la place à des opérations de consolidation du marché. Ce secteur se caractérise par ailleurs par une concurrence intense en termes de prix et de service du fait d’une comparabilité accrue des prestations via les nouvelles technologies.

Mordorintelligence.com

Il continue à croître à un rythme annuel raisonnable en dépit de l’apparition d’une nouvelle concurrence (autopartage, VTC) liée aux changements de comportements des consommateurs qui n’attachent plus autant d’importance à la possession d’un véhicule pour préférer son usage en termes de mobilité. Europcar a ainsi développé une activité « new mobility », mais qui ne pèse aujourd’hui que 36 millions d’euros de chiffre d’affaires. La croissance externe internationale et dans les nouvelles mobilités prévue dans le plan stratégique de la société apparaît donc particulièrement nécessaire pour le devenir de l’entreprise.

Une exploitation saine

En termes d’efficacité opérationnelle, mesurée par le ratio bénéfice avant intérêts et impôts (EBIT) sur chiffre d’affaires (CA), Europcar, comme Sixt de nouveau, semble plus performante que ses concurrents américains et l’indicateur progresse au cours du temps. Sans doute faut-il y voir un lien avec la concentration sur l’Europe de ces deux acteurs qui n’ont pas pour l’instant à affronter de façon notable les conditions concurrentielles américaines. Il conviendra de vérifier que le développement non européen d’Europcar, en particulier aux États-Unis, permettra de maintenir, voire d’améliorer, comme le prévoit son plan stratégique, cette efficacité opérationnelle.

Rapports annuels des sociétés

Une rentabilité financière perfectible

Si la rentabilité financière d’Europcar est tout à fait acceptable, elle reste néanmoins inférieure à celle de ses concurrents – à l’exception de Hertz qui a enregistré des pertes. La société, proportionnellement à son excédent d’exploitation, est en revanche moins endettée, ce qui se traduit visiblement par un effet de levier moins prononcé. De même, la valorisation de l’entreprise est plus faible que celle de ses concurrents.

Rapports annuels des sociétés 2018 et Zone Bourse

L’évolution du cours boursier d’Europcar n’est d’ailleurs pas fameuse puisque, depuis son introduction en juin 2015, il a perdu au 14 août 2019 près de 33 %. À l’exception de Sixt (+ 95 %), ses concurrents ne font pas vraiment mieux, avec sur la même période une baisse de 41 % pour Avis et de 71 % pour Hertz. Le rachat le 6 août de Fox Rent a Car n’a pas non plus impressionné le marché, le cours n’ayant augmenté au 14 août que de 0,8 %.

Le plan de développement d’Europcar, quoique déjà bien entamé avec les rachats successifs de concurrents internationaux, n’a donc pas encore visiblement produit suffisamment ses effets ni convaincu les investisseurs (notons d’ailleurs que la valorisation actuelle de l’entreprise, environ 1,7 milliards d’euros, reste bien inférieure au prix d’achat de 3,1 milliards payé par Eurazeo en 2006). La société devra faire la preuve dans les années à venir de la pertinence de ces choix stratégiques car, comme l’a si bien dit Pierre Dac, « les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir ».

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