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Faire du droit du travail français un produit internationalisable ?

Sources du droit du travail.

De plus en plus d’entreprises sont implantées dans de nombreux pays où elles sont supposées connaître et respecter le droit du travail local. C’est un véritable casse-tête, une mission quasi impossible, surtout lorsque la taille des établissements dans chaque pays ne justifie pas le recrutement d’un directeur de ressources humaines local. Imaginez ce qui se passe dans la filiale française d’une multinationale californienne dont le siège européen est à Dublin, lorsque l’unique directeur des ressources humaines pour l’Europe ne parle pas le français et ne peut lire ni comprendre notre code du travail national !

Les salariés de multinationales sous divers statuts

Non seulement il est difficile et coûteux pour les multinationales de connaître les législations de chaque pays, mais ces législations sont une source d’inéquité pour les salariés. D’un pays à l’autre, des personnes faisant le même travail sont traitées de façon extrêmement inégalitaire, non seulement du point de vue du niveau de rémunération mais aussi des droits.

Alors qu’ils travaillent pour la même entreprise, au Royaume-Uni, certains salariés touchent une prime à l’embauche, pas en France. En France et en Espagne ils ont droit à des indemnités de licenciement, pas ailleurs, etc. Ici, certains salariés ont beaucoup de jours de congé et là, beaucoup moins. Tenter d’unifier le système s’est se mettre en infraction avec les droits nationaux. S’adapter aux exigences nationales, c’est reproduire à l’intérieur de l’entreprise les cruelles inégalités du monde. Impossible d’être à la fois légaliste, équitable et efficace. Impossible de respecter le principe « à travail égal, salaire égal ».

Face à un tel embarras, beaucoup de multinationales se bornent à tirer le meilleur parti de la disparité des droits et à faire l’impasse sur le détail des lois locales. À l’intérieur de l’entreprise, on s’arrange à l’amiable, on négocie, et ce n’est qu’en cas de conflit que la question de la conformité au droit national resurgit. L’entreprise confie alors le dossier à un cabinet d’avocats. Les questions de droit sont externalisées, tandis que les lois nationales n’ont qu’une influence résiduelle à l’intérieur de l’entreprise.

Concevoir un droit du travail applicable et effectif

Un droit trop complexe, trop défavorable aux employeurs, trop imparfaitement contrôlé devient peu à peu ineffectif, pour ne pas dire obsolète. En bon français on pourrait dire qu’« il brasse de l’air et que tout le monde s’en fout ». Il est très favorable aux salariés sur le papier mais sur le papier seulement.

Si l’on prend acte de cet état de fait, la question intéressante devient : comment concevoir et promouvoir un droit du travail applicable et appliqué, un droit du travail effectif. Autrement dit, comment faire pour que le directeur des ressources humaines mondial ou pour l’Europe d’une multinationale n’ait pas d’excuse, s’il ignore notre droit du travail national ?

Faites un test : cherchez sur Internet une version officielle, anglophone et suffisamment concise pour être lisible en quelques heures, du droit du travail français. Tapez :« French Labor Law », vous ne trouverez rien, en tous cas rien d’officiel sur les premières pages-écran de Google.

Faites un second test : cherchez le même genre d’information pour le droit du travail des Émirats Arabes Unis. Et là, miracle ! En un clic vous trouverez le texte de loi officiel dans sa version anglaise (étant entendu que la version arabe du texte reste la référence ultime). On n’est pas obligé d’être d’accord avec le contenu de ce texte, mais ce document juridique remarquable présente une version claire, simple et précise des rapports entre salariés et employeurs tels qu’ils devraient être aux Émirats. La chose est admirable, si l’on veut bien ne pas se laisser aveugler par les articles des ONG dénonçant – à juste titre – des abus sur les chantiers de construction de Dubaï ou l’exploitation des domestiques philippines par de riches expatriés. Des abus du même ordre n’ont-ils pas lieu aussi en France et ailleurs ?

Droit du travail français : le défi international

L’évolution du droit du travail français est aussi un problème de communication à l’international et en direction des employeurs et employeurs potentiels. Il nous faut un document de cinquante pages, disponible gratuitement sur le net, traduit en plusieurs langues dans des versions officielles certifiées par la puissance publique (la version française faisant référence). Une telle mise en forme ne devrait pas être impossible puisque la CFDT publie depuis de nombreuses années d’excellents guides juridiques à l’usage des salariés dans un format portatif. Les grands cabinets d’audit comme Deloitte ou PCW font de même pour renseigner leurs clients. Tous ces organismes simplifient notre inexcusable galimatias.

Maintenant, c’est à l’État de faire preuve de l’indispensable sens pratique et de mettre à la disposition de tous un droit compréhensible et utilisable par les non-spécialistes. Légistes de talent, à vos plumes ! Il faut enfin être concis, clair et moderne ! Donnez le bon exemple à nos parlementaires. Inventez un droit du travail pratique, compatible avec la pratique du droit pour les nuls. Un droit du travail exemplaire sur le fond et la forme… et exportable.

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