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Faut-il accorder du crédit au projet « Alger Ville durable » ?

Alger, la capitale algérienne. Farouk Batiche/Afp

Sur le plan législatif, les autorités algériennes ont affirmé de longue date leur adhésion aux principes du développement durable. Différents textes de lois et décrets exécutifs ont été publiés dans ce sens. En 1994, un Haut conseil de l’environnement et du développement durable a même été créé suite aux recommandations de la Conférence de Rio. Mais ce n’est réellement qu’à partir des années 2001/2002, avec l’élaboration du Plan national d’action pour l’environnement et le développement durable (PNAE-DD), que des actions concrètes ont été programmées pour l’amélioration du cadre et de la qualité de vie en ville.

Projet Alger ville durable

L’appel à projets lancé dans le cadre de la révision du Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) d’Alger en 2006 a clairement énoncé que l’objectif principal de cette révision était de faire d’« Alger ville durable », un exemple en matière de préservation de la nature et de protection contre les risques naturels et technologiques. Les projets retenus ont donc été ceux qui ont su mettre en avant cette dimension environnementale.

En proposant de faire d’Alger une « éco-métropole » méditerranéenne, l’agence d’architectes Arte Charpentier a su séduire les autorités algériennes, qui ont toujours rêvé d’un statut particulier pour la capitale.

Dans un contexte où l’image et le branding s’imposent de plus en plus dans les choix stratégiques d’aménagement, les autorités ont favorisé le recours aux grandes signatures dans le monde de l’architecture et l’urbanisme. En plus du groupement Arte Charpentier, le PDAU d’Alger à l’horizon 2035 a été confié à Parque Expo, une agence portugaise qui a contribué à redonner à Lisbonne une nouvelle image et à consolider son attractivité à l’échelle mondiale.

Les sept ambitions d’Alger à l’horizon 2035

Ces ambitions traduisent les aspirations et attentes du maître de l’ouvrage, en l’occurrence la Wilaya d’Alger. Elles se déclinent suivant une logique thématique et sectorielle correspondant à sept domaines considérés comme fondamentaux pour l’élaboration et la concrétisation de la vision stratégique du développement :

  • Le positionnement : Alger, « ville emblématique »

  • La socioéconomie : Alger, « moteur du développement tertiaire de l’Algérie »

  • L’occupation du territoire : Alger, « ville belle qui maîtrise son étalement »

  • L’environnement : Alger, « éco-métropole de la Méditerranée et ville jardin »

  • La mobilité : Alger, « ville des mobilités et des proximités »

  • Les risques : Alger, « ville sûre »

  • La gouvernance : Alger, « ville empreinte de bonne gouvernance ».

Différents plans thématiques ont été élaborés pour concrétiser ces ambitions. Ces plans détaillent la stratégie du plan directeur en termes de restauration des écosystèmes (Plan vert), de gestion de la ressource eau (Plan bleu), de réhabilitation du centre historique, création de nouvelles polarités et d’habitat (Plan blanc), de mobilité et d’économie et cohésion sociale.

Le Plan vert

Il a pour objectif de restaurer les écosystèmes de la capitale via la création de plusieurs « poumons verts », parcs urbains et autres agri-parcs, la réhabilitation des parcs et jardins existants du centre-ville et l’introduction un réseau vert continu entre ces différents espaces grâce à la plantation d’arbres d’alignement le long des artères principales de la ville et la création de transversales ou couloirs verts. Ces derniers serviraient de « fenêtres » vers la mer.

Certaines de ces actions ont été déjà concrétisées. Le paysagement des autoroutes a été finalisé, de nombreux parcs et jardins ont été réaménagés. La décharge d’Oued Smar a été fermée et plantée. Le Plan vert porte également sur la gestion des déchets. L’enfouissement technique doit remplacer à terme toutes les décharges à ciel ouvert.

Le Plan bleu

Ce plan vise à préserver et à valoriser une ressource naturelle rare en Algérie : l’eau. Il propose des actions pour améliorer la distribution de l’eau potable, mais aussi pour gérer les eaux de pluie et atténuer les risques d’inondation. L’assainissement, avec un objectif de zéro rejet en mer, est aussi un objectif majeur. La dépollution de Oued el Harrach et l’aménagement de ses berges constituent l’un des projets structurants du plan stratégique d’aménagement d’Alger.

Dans le cadre d’une initiative intitulée « les éboueurs de la mer », des volontaires algériens ramassent les ordures sur la plage de la ville de Tamentfoust, à l’est de la capitale Alger, le 1ᵉʳ juillet 2017. Ryad Kramdi

Le Plan Blanc

Ce plan a pour mission principale d’atténuer les dysfonctionnements et les incohérences spatiales générés par l’étalement urbain. Ce dernier a contribué à augmenter les disparités sociales et économiques et dévalorisé le centre historique qui se retrouve dans un état de délabrement avancé. Dans ce sens, le plan blanc privilégie la restructuration et la régénération urbaines. Il propose aussi une diversification de l’offre de logements pour atténuer le phénomène de l’habitat précaire et répertorie les équipements essentiels qui renforcent la fonction métropolitaine de la capitale.

Le Plan Mobilité

Ce plan s’articule autour du principe du macromaillage. Les grands équipements structurants bénéficieront d’une accessibilité optimale par une implantation à l’intersection des axes du macromaillage et de différents moyens de transport collectif (métro, tramway, bus…). Les équipements secondaires seront quant à eux localisés selon une logique de « dissémination de proximité » et les implantations respectives seront accessibles à pied. Le plan propose aussi de repositionner la gare centrale à El Harrach afin de favoriser l’intermodalité (l’utilisation de plusieurs modes de transport au cours d’un même déplacement).

Des parkings relais et des couloirs réservés en site propre seront aussi réalisés. Le réseau de chemin de fer de banlieue sera consolidé et un tram-train introduit dans les emprises ferrées libérées. Le métro desservirait en priorité le milieu urbain, plus consolidé, de la ville d’Alger.

Économie et cohésion sociale

Renforcer l’attractivité de la capitale algérienne est plus que nécessaire dans un monde globalisé et très compétitif. Le plan directeur propose dans ce sens que les ressources disponibles soient concentrées sur des projets majeurs qui serviront à leur tour de leviers de développement pour l’ensemble du système. Ainsi, il s’agira de créer des infrastructures modernes dotées des commodités nécessaires à la mise en place de nouvelles activités dans le domaine de l’innovation, des services mais aussi du tourisme.

La reconversion du port d’Alger, la plateforme logistique Réghaia/Rouba inaugurée en 2018 pou encore le centre d’affaires de Bab Ezzouar seront à cet égard des atouts majeurs de la capitale.

Le plan propose aussi de valoriser les activités économiques de proximité et d’améliorer ainsi la cohésion sociale et territoriale. Il vise à renforcer l’attractivité de certaines communes défavorisées en menant une politique d’actions foncières à l’intention des investisseurs potentiels tout en diversifiant l’offre aussi bien en matière d’équipements que de logements.

Premiers effets concrets

Que ce soit du point de vue de son processus d’élaboration ou de son contenu, il est clair que le plan directeur d’aménagement et d’urbanisme d’Alger rompt avec les anciens plans d’urbanisme. Il place le « paradigme de développement durable » au cœur de sa stratégie de développement et s’articule autour de différents plans thématiques inspirés directement des injonctions générales du développement durable.

Ainsi, certaines actions relatives à la protection du littoral grâce à la reconstitution du trait de côte fortement érodé à cause des extractions sauvages de sable et de l’artificialisation du littoral peuvent être appréciées au quotidien par la population qui investit chaque jour le nouveau projet de « la promenade de la baie ».

Les visiteurs qui arrivent à Alger par la RN5 peuvent eux aussi apprécier la nouvelle coulée verte qui a été créée pour transformer à terme cette autoroute en boulevard urbain. Ces visiteurs peuvent également remarquer que les anciennes odeurs nauséabondes qui caractérisaient un tronçon de cette autoroute au niveau d’Oued el Harrach ont disparu et que les berges de l’Oued sont en cours d’aménagement.

L’extension des systèmes de transport collectif doux tels que le tramway ou le métro ainsi que la mise à disposition des automobilistes de parkings relais de proximité a contribué à résoudre certains problèmes d’accessibilité et à diminuer l’intensité du trafic routier au centre-ville.

Il est en outre incontestable que de grands efforts ont été consentis en matière de résorption de l’habitat précaire et d’amélioration du cadre de vie. Cependant, depuis quelques mois, certains projets sont au ralenti. D’autres ont même été gelés à cause de la crise économique que traverse le pays. Beaucoup reste à faire.


Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique « Universités et ville durable », sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre à Dakar avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone.

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