tag:theconversation.com,2011:/fr/education/articlesÉducation – The Conversation2024-03-27T16:47:52Ztag:theconversation.com,2011:article/2247662024-03-27T16:47:52Z2024-03-27T16:47:52ZDes SMS aux réseaux sociaux, comment le numérique transforme le dialogue entre parents et enfants<p>Les outils numériques font aujourd’hui partie intégrante du quotidien et amènent les enfants à avoir de nouvelles expériences et à se développer dans de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-022-02738-3">nouveaux environnements</a>.</p>
<p>La place de ces technologies dans les interactions familiales peut varier en fonction d’un certain nombre d’éléments, tels que la qualité des liens, la dynamique familiale, l’environnement de vie de la famille, le stress des parents, l’âge de l’enfant et de l’adolescent…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446">« L’envers des mots » : Technoférence</a>
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<p>Ces outils peuvent créer des obstacles à la communication, ce que les recherches étudient notamment à travers le concept de technoférence, au cours de la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2024-52598-001">petite enfance</a> et de l’enfance notamment. Mais ils peuvent aussi constituer de nouveaux canaux d’échanges, <a href="https://www.cairn.info/revue-dialogue-2017-3-page-57.htm">soutenant les échanges parent-enfant</a>.</p>
<p>Cela peut se faire par exemple à travers le <a href="https://journal.unj.ac.id/unj/index.php/jpud/article/view/34862">co-visionnage</a> de contenus : regarder un dessin animé avec son enfant, faire une activité interactive sur tablette, lire des livres numériques… Les parents commentent alors ce que l’enfant voit et peuvent stimuler son attention, sa curiosité et son <a href="https://theconversation.com/sept-pistes-pour-enrichir-le-vocabulaire-de-votre-enfant-126576">vocabulaire</a> (même si pour ce dernier point, les résultats de la recherche ne vont pas tous dans le même sens…).</p>
<h2>L’âge du premier smartphone</h2>
<p>La place des écrans dans la famille évolue à mesure que l’enfant grandit. <a href="https://www.open-asso.org/presse/2020/02/smartphones-les-enfants-recoivent-leur-premier-telephone-a-9-ans/">9 ans et 9 mois</a>, c’est l’âge moyen d’acquisition du premier téléphone portable en France. Et on peut dire que cette acquisition amène un tournant dans la vie et la communication au sein de la famille.</p>
<p>C’est souvent lorsque les jeunes commencent à avoir plus d’autonomie que les parents envisagent de leur offrir un smartphone. En effet, les parents souhaitent assurer la sécurité de leur enfant, le téléphone leur permettant de rester en contact avec leur enfant en cas d’urgence ou de besoin. Mais l’outil favorise aussi le développement de leur <a href="https://psycnet.apa.org/record/2020-79295-001">autonomisation</a> et son acquisition est une véritable étape développementale.</p>
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<a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">Les écrans, atouts ou freins du dialogue familial ?</a>
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<p>Néanmoins, la communication parent-enfant est aussi une motivation à cet achat, au-delà de l’aspect uniquement lié à la sécurité. La possibilité de pouvoir joindre ses parents ou d’être joints par eux à tout instant permet aux jeunes adolescents d’agrandir leur champ d’exploration, d’aller à la découverte du monde.</p>
<h2>Les outils numériques comme soutiens à la communication</h2>
<p>Comme évoqué précédemment, la communication via les outils numériques s’est accrue à mesure que les préadolescents en étaient équipés. On pourrait même dire qu’elle s’est banalisée. Son atout réside dans l’instantanéité, pour transmettre rapidement une information ou faire une demande à l’autre, partager un moment vécu ou des états émotionnels, gérer une situation conflictuelle, favorisant ainsi un sentiment de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0192513X18793924">proximité</a>.</p>
<p>Échanger par messagerie ou par les réseaux sociaux peut aussi être parfois un moyen de se dire les choses <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-018-0003-8">plus facilement</a>. Il pourrait ainsi être plus aisé pour certains adolescents de faire passer des messages à leur parent de façon plus ou moins « déguisée », par l’intermédiaire du partage de posts sur les réseaux sociaux, ou d’envoi d’émojis pour traduire leurs émotions.</p>
<p>Le partage de publications en ligne peut aussi être une façon pour les parents d’aborder des sujets perçus comme sensibles ou tabous en fonction des familles, par exemple le rapport au corps, la découverte de la sexualité. La communication parent-adolescent peut ainsi être soutenue par les outils numériques, et cela de plus en plus à mesure que l’adolescent grandit et s’éloigne physiquement de ses parents.</p>
<h2>Des échanges en face à face incontournables</h2>
<p>Sans s’y limiter, les échanges entre les parents et les enfants passent de plus en plus par une messagerie, à l’instar de ce qu’on observe dans tout type de relations. Pour autant, bien que pratique lorsqu’on ne se trouve pas en présence de l’autre, ce mode de communication pourrait aller en l’encontre de la qualité des interactions.</p>
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<a href="https://theconversation.com/geolocalisation-des-enfants-une-nouvelle-forme-de-surveillance-parentale-193281">Géolocalisation des enfants : une nouvelle forme de surveillance parentale</a>
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<p>Des échanges passant essentiellement par les outils numériques peuvent donner au parent le sentiment d’être proche de son enfant, sans que la relation soit vraiment sécure, avec peu de possibilités d’échanges en face-à-face. En effet, un niveau important d’interactions via les outils numériques peut correspondre à une <a href="https://ttu-ir.tdl.org/items/67ce09e8-e7c2-454a-bb6d-b59d6a4776a1">relation d’attachement où les émotions sont difficiles à partager</a> et exprimer directement.</p>
<p>Par ailleurs, les interactions par messageries instantanées ou SMS sont généralement brèves. Elles ne sont donc pas comparables avec un échange en face-à-face où parent comme enfant peuvent s’engager dans des conversations plus approfondies, étayées par les comportements non verbaux de l’autre qui peuvent renseigner sur ses états émotionnels.</p>
<h2>Des codes de conversation à acquérir</h2>
<p>Outre la qualité de la relation parent-enfant, le type de communication présent dans la famille pourrait jouer sur l’usage plus ou moins important des outils numériques. Par exemple, dans les familles « <a href="https://psycnet.apa.org/record/2002-06584-004">tournées vers les échanges</a>, les conversations », les adolescents y auraient plus facilement recours pour <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0044118X14560334">échanger avec leurs parents</a> que ceux issus d’une famille peu orientée vers les discussions.</p>
<p>Les adolescents communiqueraient aussi via téléphone ou messagerie davantage avec <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10826-018-1054-z">leur mère qu’avec leur père</a>, dans les familles bi- comme monoparentales, reproduisant ce que l’on peut observer dans les <a href="https://www.researchgate.net/publication/367539605_The_Ways_of_Communication_with_Parents_and_The_Parenting_Styles_During_Adolescence">interactions « en personne »</a>.</p>
<p>Pour ce qui est du <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10826-018-1054-z">motif de communication</a>, il semblerait que les adolescents, lorsqu’ils ont le choix, auraient une préférence pour les interactions par messages pour des questions logistiques, d’organisation, de planification. En revanche, s’ils souhaitent exprimer des émotions ou rechercher du soutien, ils se tournent plutôt vers des appels téléphoniques. Les échanges verbaux permettraient en effet un meilleur partage des émotions et un plus grand sentiment de proximité.</p>
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<p>Même si les services de messagerie occupent une part grandissante dans les échanges parent-enfant, les échanges en face-à-face (et les appels téléphoniques pour les plus jeunes mais <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0044118X13499594">pas les adolescents</a>) restent malgré tout prépondérants.</p>
<p>Les échanges textuels sont importants en ce sens qu’ils participent au processus d’autonomisation des jeunes ainsi qu’à leur apprentissage des échanges dans les environnements virtuels. Ils peuvent ainsi acquérir certains codes conversationnels qui peuvent être différents des codes en vigueur dans les échanges « en personne », par exemple, prendre conscience que la personne qu’on essaie de contacter par téléphone ou message peut ne pas être disponible en même temps, apprendre à respecter les moments où on peut contacter une personne ou pas en fonction du type de communication…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Danet a reçu des financements de la fondation I-SITE ULNE. </span></em></p>Si l’omniprésence des smartphones peut être un frein aux échanges directs, passer par le numérique permet également d’aborder plus facilement certains sujets entre parents et enfants. Explications.Marie Danet, Maîtresse de conférence en psychologie - HDR, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186562024-03-26T16:43:54Z2024-03-26T16:43:54ZL'orientation du collège au lycée : quel vécu pour les élèves en éducation prioritaire ?<p><em><strong>Le passage de la troisième à la seconde est un moment clé dans la différenciation des parcours scolaires. Une recherche collective avec des élèves de Réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP +) montre que l'orientation en filière générale et professionnelle ou technologique est plus souvent subie que choisie et mériterait un accompagnement spécifique.</strong></em></p>
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<p>À la rentrée 2022, environ <a href="https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2023-378608">828 000 élèves étaient scolarisés en classe de troisième</a>. La fin du collège constitue pour eux un premier cap d’orientation. C’est là que se cristallisent les premières différenciations sociales des parcours scolaires, au désavantage des élèves issus de milieux populaires.</p>
<p>Si les enfants de parents ouvriers, d’une part, et ceux de parents exerçant des professions libérales, de cadres ou d’enseignants, d’autre part, représentent une proportion équivalente des collégiens (autour de <a href="https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2023-378608">23 %</a>), leur devenir scolaire prend des chemins différents. Ainsi, au lycée général et technologique (GT), les premiers sont moins représentés (dans une proportion de l’ordre de 18 %), les seconds beaucoup plus (ils constituent 31,5 % des effectifs).</p>
<p>Cette situation s’observe particulièrement pour les élèves scolarisés en Réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) où se condensent les situations sociales, économiques et scolaires les plus défavorisées. Ainsi, en 2020, 56 % des élèves de troisième scolarisés en REP+ ont poursuivi en seconde générale et technologique alors que c’est le cas de 68 % de ceux qui sont scolarisés en dehors de l’Éducation prioritaire.</p>
<h2>La fin du collège, une étape dans la différenciation des parcours</h2>
<p>Ces inégalités s’inscrivent dans une <a href="https://www.inegalites.fr/inegalites-sociales-lycee-enseignement-superieur">différenciation des parcours scolaires à plus long terme</a>. En effet, à la fin du secondaire, 86 % des enfants d’enseignants et de cadres obtiennent un bac général ou technologique alors que ce n’est le cas que d’un tiers des enfants d’ouvriers non qualifiés et de moins d’un quart des enfants d’inactifs.</p>
<p>Et à la fin du supérieur, en moyenne de 2019 à 2021, parmi les jeunes âgés de 25 à 29 ans, 67 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants sont diplômés du supérieur, contre 33 % des enfants d’ouvriers ou d’employés. <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T448/le_niveau_d_etudes_selon_le_milieu_social/#ILL_EESR16_ES_23_01">Ils y obtiennent également un niveau plus élevé</a> : en 2019‑2021, 41 % d’entre eux sont diplômés d’un master, d’un doctorat ou d’une grande école, contre seulement 14 % des enfants d’ouvriers ou d’employés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lycees-le-clivage-public-prive-au-coeur-de-la-segregation-scolaire-215638">Lycées : le clivage public/privé, au cœur de la ségrégation scolaire</a>
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<p>Pour interroger ce qui se joue dans ce passage du collège au lycée, en particulier pour les élèves de REP+, et mieux comprendre la genèse des inégalités qui se jouent dans la suite des parcours scolaires, nous avons coordonné une <a href="https://hal.science/hal-03409538/document">recherche collective</a> sur le passage de la classe de troisième à celle de seconde pour les élèves de REP+ dans un département du sud de la France où l’Éducation prioritaire est fortement développée.</p>
<p>Dans ce cadre, nous avons notamment réalisé, en 2018-2019, 57 entretiens et fait passer 425 questionnaires auprès d’élèves de Troisième scolarisés dans 6 collèges REP+ et 4 lycées accueillant des élèves de collèges REP+.</p>
<h2>Les décisions d’orientation, entre choix et contraintes</h2>
<p>Parler de « décision » (plutôt que de « choix ») d’orientation nous permet d’insister sur le fait qu’il s’agit d’un équilibre subtil et d’arbitrages entre différentes logiques et contraintes plutôt que d’un acte qui relèverait de la simple volonté de l’élève, comme nous allons le détailler.</p>
<p>Les élèves de troisième en REP+ que nous avons interrogés déclarent très majoritairement souhaiter aller en seconde générale et technologique (68 %), alors qu’ils ne sont que 23 % à vouloir aller en seconde professionnelle et que 9 % sont indécis. Cette volonté d’aller vers les filières générales et technologiques apparaît bien plus élevée que les taux d’orientation effectifs vers ces filières qui étaient, lors de notre enquête, en moyenne pour les établissements concernés, de 49,5 % des élèves en seconde générale et technologique et 43 % en seconde professionnelle.</p>
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<p>On peut donc considérer que, pour une part non négligeable de ces élèves, le passage en seconde professionnelle se fera de manière plus subie que choisie.</p>
<p>Ces aspirations sont significativement corrélées avec le genre et le niveau scolaire des élèves en troisième : d’une part, les filles choisissent davantage les filières générales et technologiques que les garçons comme c’est le cas au niveau national (actuellement <a href="https://www.education.gouv.fr/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-l-enseignement-superieur-edition-2023-357695">72 % des filles</a> s’orientent vers une seconde générale et technologique et 18 % vers une seconde professionnelle) ; d’autre part, plus le niveau scolaire de l’élève est bon, plus le souhait d’aller en seconde générale et technologique est élevé, comme le montre le graphique ci-dessous :</p>
<p><iframe id="eWGyB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/eWGyB/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces décisions d’orientation se construisent également à partir d’échanges avec plusieurs types d’interlocuteurs. Arrivent en tête les parents (77 %) suivis du professeur principal de la classe (60 %), des frères et sœurs (34 %) ainsi que des amis (34 %), puis viennent d’autres personnels du collège (autres enseignants que le professeur principal, psyEN, CPE). On peut néanmoins noter que 13 % des élèves que nous avons interrogés affirment ne discuter de ces questions avec personne.</p>
<p>D’autres sources d’information sur les questions d’orientation sont aussi mobilisées par les collégiens, notamment par le biais de sites Internet (Onisep, <em>L’Etudiant</em>), mais également de journées « portes ouvertes » dans les lycées ou de la venue de personnels de lycées dans les collèges.</p>
<h2>Au lycée, une satisfaction à aller en cours mais des résultats en baisse</h2>
<p>Quand ils arrivent au lycée général et technologique, l’expérience que vivent les élèves de REP+ se caractérise par plusieurs éléments.</p>
<p>Tout d’abord, ils expriment une perception relativement positive et satisfaisante de leurs établissements, et ce dans les mêmes proportions qu’au collège. Cette satisfaction tient au plaisir de retrouver leurs pairs mais également, pour une part non négligeable d’entre eux, par l’intérêt qu’ils trouvent aux cours. Les relations qu’ils ont avec leurs professeurs sont également jugées bonnes ou très bonnes par une grande majorité d’élèves.</p>
<p>On peut noter que les filles et les élèves ayant le meilleur niveau scolaire sont encore plus satisfaits que les autres. L’arrivée au lycée constitue aussi des changements dans les sociabilités – perte d’amis du collège, découverte de nouvelles relations au lycée – sans que cela soit perçu comme une rupture, mais plutôt comme de nouvelles opportunités bienvenues.</p>
<p>Pour autant, on constate que la manière dont ils perçoivent leur niveau scolaire baisse fortement à l’arrivée au lycée. Cela s’exprime par des notes qui chutent et la confrontation à de nouvelles attentes en termes de travail scolaire qui posent des difficultés supplémentaires aux élèves, y compris à ceux qui avaient des résultats plutôt bons ou très bons au collège.</p>
<p>Parallèlement et paradoxalement, l’entrée au lycée est aussi le moment où, notamment pour les élèves de REP+ particulièrement dotés dans ce domaine, les dispositifs d’accompagnement des élèves (travail en petit groupe, aide aux devoirs…) se relâchent voire disparaissent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-trajectoires-scolaires-des-jeunes-des-quartiers-populaires-entre-parcours-dobstacles-et-aspirations-a-la-reussite-192042">Les trajectoires scolaires des jeunes des quartiers populaires, entre parcours d’obstacles et aspirations à la réussite</a>
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<p>Cet écart est particulièrement saillant pour les devoirs à la maison pour lesquels les élèves issus de REP+ ne disposent pas toujours d’appui dans leur entourage. Si certains élèves font appel à des aides extérieures (centres sociaux ou associations), pour d’autres, ces difficultés sont source de découragement, voire de décrochage ou d’abandon.</p>
<p>Ce bref aperçu de ce qui peut se jouer dans le passage du collège au lycée pour les élèves de REP+ souligne comment cette transition constitue un moment clé dans les bifurcations des parcours scolaires. Moment d’autant plus crucial que l’accès au lycée tend de plus en plus à n’être considéré que comme une étape vers l’enseignement supérieur, accentuant de ce fait les écarts entre les différents destins socioscolaires qui se profilent à la fin du collège.</p>
<p>Ce passage à haut risque nécessite donc une attention et un accompagnement spécifique pour les élèves de milieu populaire et en particulier pour ceux issus de l’éducation prioritaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariane Richard-Bossez a reçu des financements du Rectorat d'Aix-Marseille</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Renaud Cornand a reçu des financements du Rectorat d'Aix-Marseille</span></em></p>Le passage de la troisième à la seconde est un cap dans la différenciation des parcours scolaires. Retour sur une recherche collective qui explore la manière dont des élèves de REP+ vivent ce virage.Ariane Richard-Bossez, Maitresse de conférences (MESOPOLHIS, Aix-Marseille Université, CNRS, Sciences Po Aix), Aix-Marseille Université (AMU)Renaud Cornand, Chercheur en éducation, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2258102024-03-25T16:55:38Z2024-03-25T16:55:38ZFace à ChatGPT, apprendre à apprendre avec la méthode du « Maître Ignorant »<p>Tous les enseignants et parents le savent désormais, les <a href="https://theconversation.com/chatgpt-face-aux-artifices-de-lia-comment-leducation-aux-medias-peut-aider-les-eleves-207166">agents conversationnels comme ChatGPT posent un défi de taille à l’apprentissage</a> : il faut désormais s’assurer que ce ne sont pas ces outils, par leur capacité extraordinaire à produire des textes adaptés aux demandes de l’utilisateur, qui ont alimenté les dissertations, dossiers et mémoires rendus par les élèves.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-intelligence-artificielle-generative-220570">« L’envers des mots » : Intelligence artificielle générative</a>
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<p>Comment, désormais, s’assurer que les apprenants travaillent réellement par eux-mêmes, dans une optique d’appropriation des connaissances ? Les enseignants, s’improvisant philosophes de la technique et psychologues de l’éducation, tentent d’apprendre aux élèves à utiliser intelligemment et avec une certaine éthique ces outils, en les intégrant par exemple dans leur enseignement. Mais on peut aussi proposer des méthodes plus structurées pour les y aider.</p>
<p>Nous avions mis au point, avant l’arrivée des technologies proposées par OpenAI, une méthode pédagogique pour s’assurer que les étudiants font l’effort d’assimiler réellement un savoir tout en apprenant à se servir des outils numériques : la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2019-3-page-107.htm">méthode du « Maitre Ignorant »</a>, qui s’inspirait de la méthode de Joseph Jacotot, redécouverte par le philosophe <a href="https://www.fayard.fr/livre/le-maitre-ignorant-9782213019253/">Jacques Rancière</a>. Ce pédagogue iconoclaste du XIX<sup>e</sup> siècle avait étonné l’Europe du Nord en parvenant à faire apprendre le français à des élèves dont il ne parlait pas la langue, donc sans pouvoir passer par des explications. Cette méthode ancienne, simple et originale, trouve une nouvelle pertinence aujourd’hui avec l’arrivée des OpenAI.</p>
<h2>Promouvoir une attitude active face au savoir</h2>
<p>Cette méthode, <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/former-les-managers-de-demain/">que j’ai expérimentée de longues années en école de management</a>, pose pour principe que l’on n’apprend vraiment que ce dont on a soi-même besoin. Par exemple, les enfants apprennent leur langue maternelle sans aucun cours : ils apprennent par tâtonnement, par essai-erreur, par persévérance et effort, et surtout, par nécessité. C’est ce savoir qui sera réellement approprié pour toute la vie. Dès lors, le principal rôle du professeur est de vérifier que l’apprenant fait, réellement, un effort sur son apprentissage.</p>
<p>Pour cela, on remet en cause à la fois le rôle de l’élève et celui du professeur. Côté élève, on évite de le placer dans une position où il serait simplement amené à répéter, comme cela pouvait se faire dans l’enseignement traditionnel, ou de « retrouver » le savoir détenu par le professeur, comme le proposent des méthodes plus actives. Côté professeur, on évite que celui-ci se pose en « sachant » qu’il faut imiter. L’élève est alors évalué non sur ce qu’il produit comme résultat, mais sur l’effort et l’attention qu’il fournit (le travail rendu étant considéré plutôt comme un indice de ce niveau d’effort, et non un but en soi).</p>
<p>C’est ainsi que j’impose aux étudiants des sujets que je ne connais pas. Puis j’impose des discussions régulières avec l’étudiant ou le groupe d’étudiants. Je relance alors l’effort de l’apprenant par des questions du type : « qu’est-ce que c’est ? », « quelles sont vos sources ? », « qu’est-ce qui est intéressant ? » En posant régulièrement ces questions, je peux constater et surveiller qu’un effort est effectué, et qu’il y a une évolution de la pensée. Notamment, les apprenants se rendent compte alors qu’un rapide survol de Wikipédia ne suffit pas pour répondre vraiment à ces questions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lia-influence-t-elle-la-creativite-des-eleves-223036">L’IA influence-t-elle la créativité des élèves ?</a>
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<p>Pour répondre à une objection qui y est souvent légitimement opposée, précisons toutefois que cette méthode est à l’opposé d’une conception « méprisante » ou relativiste du savoir. Au contraire,elle vise à encourager la lecture réelle de sources fiables (livres, articles scientifiques), et une attitude mature de l’apprenant face au savoir : celui-ci sera placé dans l’obligation de s’approprier réellement la connaissance, en recourant aux sources bibliographiques et aux paroles d’experts.</p>
<p>Cette méthode constitue un bon complément aux autres méthodes pour lutter, ponctuellement, contre une attitude trop passive des élèves face au savoir.</p>
<h2>Comprendre l’importance du « vécu d’apprentissage »</h2>
<p>Parce que les « agents conversationnels » comme ChatGPT présentent le danger de se substituer à l’effort d’apprentissage, on comprend pourquoi cette méthode du XIX<sup>e</sup> siècle reste d’actualité. Revenons sur les trois questions posées par le Maitre Ignorant pour voir comment elles sont adaptées aux défis posés par les OpenAI.</p>
<p><strong>« Qu’est-ce que c’est ? »</strong> : par cette question, on demande à l’apprenant de nous parler de quelque chose, de décrire et de faire comprendre à l’autre ce dont il parle. Bien entendu, ChatGPT peut le faire avec talent à la place de l’étudiant, et c’est bien là le problème. Avec les méthodes traditionnelles, qui consistent à vérifier qu’une « bonne réponse » attendue a été apportée par l’étudiant subsistera toujours le doute que cette « bonne réponse » n’a pas été artificiellement fabriquée.</p>
<p>Avec la méthode du Maitre Ignorant, en revanche, on pourra déceler facilement qu’une appropriation n’a pas eu lieu : le discours est stéréotypé, trop lisse, trop superficiel, etc. À la première tentative d’approfondissement, ce discours s’effondrera. L’apprenant se rend compte alors que ChatGPT ne suffit pas, car, ce qui lui manque, ce ne sont pas les réponses, mais le vécu d’apprentissage, le chemin parcouru, qui donnera chair à son propos.</p>
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<p><strong>« Quelles sont vos sources ? »</strong> : Par cette question, le Maitre Ignorant vérifie simplement que l’étudiant a bien réellement lu ou vu les sources qu’il cite. Si celle-ci est ChatGPT, professeurs et élèves se rendent compte assez rapidement du manque d’effort fourni pour trouver et s’approprier ces sources.</p>
<p><strong>« Qu’est-ce qui est intéressant ? »</strong> : enfin, par cette question, on invite l’étudiant à s’intéresser et à s’engager dans le savoir. On lui demande d’exercer sa réflexivité et son esprit critique pour trouver ce qui, dans un sujet, le touche personnellement, fait sens pour lui. Il ne s’agit pas alors de développer un argumentaire tel que ChatGPT excellerait à le produire : <a href="https://theconversation.com/la-pedagogie-de-la-resonance-selon-hartmut-rosa-comment-lecole-connecte-les-eleves-au-monde-197732">il s’agit d’entrer en « résonance » avec le savoir</a> pour reprendre le mot du philosophe Hartmut Rosa.</p>
<p>Face au défi que représente ChatGPT pour l’enseignement, on a coutume de dire que ce n’est qu’un outil, et qu’il faut apprendre aux étudiants à le maitriser. Cela est vrai sur le principe, mais encore faut-il se demander comment y parvenir. La méthode du Maitre Ignorant y participe en préservant le sens de ce qu’est un réel apprentissage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Régis Martineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Créée au XIXᵉ siècle pour inciter les élèves à s’investir dans leurs apprentissages, la méthode du « Maitre Ignorant » trouve une nouvelle pertinence face aux agents conversationnels. Explications.Régis Martineau, Phd. en Management, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2258402024-03-21T15:41:40Z2024-03-21T15:41:40ZMaria Montessori au cinéma : ce que le film « La nouvelle femme » nous dit de sa pédagogie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582890/original/file-20240319-22-fngmco.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2568%2C1491&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les actrices Leïla Bekhti et Jasmine Trinca dans le film "La Nouvelle femme" de Léa Todorov</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-289562/photos/detail/?cmediafile=22060798">Allociné/Copyright Geko Films Tempesta</a></span></figcaption></figure><p>La sortie du film <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Nouvelle_Femme"><em>La nouvelle femme</em></a> réalisé par Léa Todorov fait de nouveau parler de la vie de la pédagogue Maria Montessori, après notamment le téléfilm italien sorti en 2021 (<a href="https://www.sajedistribution.com/film/maria-montessori.html">« Maria Montessori, une vie au service des enfants »</a> de Gianluca Maria Tognazzi).</p>
<p>L’action se situe en un temps très restreint, en 1900, quelques années avant l’ouverture de la première « maison des enfants » et deux ans après la naissance hors mariage de son fils Mario, placé (et caché) en nourrice.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9B9P5uoPxLM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film <em>La nouvelle femme</em>, de Léa Todorov (2024).</span></figcaption>
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<p>Le film vient mettre la lumière ce que les chercheurs connaissent désormais bien, mais que le grand public connaît peu ou mal : la « Montessori avant Montessori » (cette émergence étant parfaitement bien mise en scène à la fin du film), engagée dans les réseaux et idées féministes de l’époque et à l’œuvre pour les enfants en situation de handicap, à l’École d’Ortophrénie de Rome.</p>
<p>Ce long métrage n’est donc ni un biopic, ni une fiction, mais un « biopic fiction » comme le propose le magazine <a href="https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/La-Nouvelle-femme--comment-concoit-on-un-biopic-fiction-"><em>Première</em></a> : mélangeant volontairement faits et imaginaire, il s’intéresse moins à la vérité biographique qu’à « l’esprit » de cette dernière, des mots mêmes de la réalisatrice, ainsi qu’aux racines profondes de la vocation de la pédagogue. Sont ainsi esquissées, et c’est heureux, les contradictions chez son personnage principal (est-ce la cause des enfants ou l’ambition personnelle qui l’anime ?), ainsi que sa personnalité singulière, à la fois talentueuse et déroutante, déjà intransigeante et un brin autoritaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-pedagogie-montessori-est-elle-efficace-ce-que-nous-disent-les-recherches-scientifiques-209697">La pédagogie Montessori est-elle efficace ? Ce que nous disent les recherches scientifiques</a>
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<p>Surtout, en créant un double imaginaire de Maria Montessori (Lily d’Alengy, une courtisane mère d’une petite fille dite « idiote »), Léa Todorov double l’accent mis sur les obstacles qui étaient ceux d’une femme dans un monde d’hommes (la médecine, et bientôt la pédagogie), obstacles que nous avons parfois du mal à nous représenter depuis notre début de XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Et si Lily d’Alengy parvient à la fin du film à renouer avec la maternité dont elle avait honte, Maria Montessori pour sa part s’en détache pour devenir « la » Montessori, écartant et sublimant sa propre maternité (comme le suggère la scène du rêve avec Mario). Le sens du film est ainsi moins de présenter une vérité biographique que de comprendre le sens de ce qui suivra, et qui est hors champ : une vie vouée à « la cause de l’enfant ».</p>
<h2>Filmer la pédagogie</h2>
<p>Cependant, au-delà de la pédagogue, le film parle-t-il de pédagogie, et que nous dit-il sur les pratiques concrètes ?</p>
<p>Il est intéressant de remarquer tout d’abord qu’il est fréquent de voir la pédagogie expliquée, ou même réduite, ce qui est potentiellement discutable, à la vie du pédagogue ou encore à ses options personnelles. C’est ce que propose, en partie seulement, le très bon documentaire <a href="https://www.cinematheque.fr/film/137024.html"><em>Révolution École</em></a>, réalisé en 2016 par Joanna Grudzinska sur l’éducation nouvelle.</p>
<p>En France, trois documentaires récents ont tenté à l’inverse de filmer les pratiques montessoriennes en les déconnectant cette fois de la figure pédagogique : <a href="https://www.montessori-lefilm.org/"><em>Le maître est l’enfant</em></a>, d’Alexandre Mourot (2017) et deux films plus confidentiels réalisés par Odile Anot, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SQKlmdnJ3zg"><em>Une enfance pour la vie</em></a> (2022) et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=X8b2keBSfX4"><em>Une éducation pour la vie</em></a> (2024).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Lhxr9B3podo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du documentaire <em>Le maître est l’enfant</em>, d’Alexandre Mourot.</span></figcaption>
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<p>Dans le cas de <em>La nouvelle femme</em>, l’originalité du film réside sans doute dans le fait de mettre en scène la pédagogue à l’œuvre, donc de ne pas éluder les pratiques pédagogiques, notamment en filmant les enfants en situation de handicap. C’est peut-être un des sens du titre, contractant à la fois une référence au féminisme et aux idées nouvelles en éducation (<em>La nouvelle éducation</em>, qui colporta les idées montessoriennes en France à partir de 1921). Les pratiques forment ainsi un arrière-plan discret mais constant du film.</p>
<p>Remarquons ensuite qu’il s’agit d’une <em>proto</em>-pédagogie Montessori : les images nous montrent en effet les pratiques premières, tirées de la pédagogie d’Édouard Séguin. Nous remontons ainsi aux origines profondes des pratiques, la <a href="https://www.cairn.info/revue-reliance-2008-1-page-121.htm"><em>méthode physiologique</em> ou physio-psychologique_</a> fondée sur la stimulation des sens, parce que ces derniers, notamment le toucher, constituent chez Séguin la première forme de l’intelligence. Cette méthode vise ainsi à réveiller « tous les modes de vitalité des individus » : les cinq sens, si possible, mais aussi le renforcement musculaire (grâce aux balançoires ou aux échelles que l’on voit à l’image) ou encore les bains chauds et froids du début du film.</p>
<p>Ces principes sont encore d’actualité, même si beaucoup de pratiques (notamment le renforcement physique, peut-être à tort d’ailleurs) ont disparu : dans <em>La pédagogie scientifique</em>, Maria Montessori écrit, en parlant de l’enfant, qu’il s’agit de « raviver ses rapports avec le milieu, pour harmoniser la conscience avec la réalité extérieure ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pedagogie-montessori-les-ressorts-dun-engouement-qui-dure-105269">Pédagogie Montessori : les ressorts d’un engouement qui dure</a>
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<p>C’est à partir de cette « dynamique vitale » que Séguin affirme l’éducabilité de tous, y compris de les tous les « idiots » ; mais également la nécessité de réformer une éducation qu’il juge rétrograde, qui</p>
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<p>« consiste à parquer des milliers d’enfants dans des espèces de casernes, où, sans tenir compte des aptitudes physiques diverses, des besoins physiologiques variés, des dispositions intellectuelles différentes, on donne chaque jour à tous, indistinctement et exclusivement, quatre ou cinq rations d’aliments intellectuels que leur mémoire est chargée de digérer ».</p>
</blockquote>
<p>Écoles casernes, absence de mouvement, prévalence de la mémoire sur la pluralité des aptitudes enfantines… on croirait entendre un militant de l’éducation de nouvelle de l’entre-deux-guerres. Ces mots ont pourtant été écrits en 1846, soit 75 ans avant le premier Congrès de Calais de 1921, juste après la fondation de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle.</p>
<h2>Montessori et la confiance donnée à l’enfant</h2>
<p>Cette stimulation « méthodique » des sens, mais aussi de la volonté que reprend à son compte la jeune (elle a tout de même 30 ans !) Montessori ne se fait pas toujours sans effort, comme le suggère habilement le film grâce à plusieurs scènes où la pédagogue incite longuement un enfant à lever les jambes ou à attraper un objet.</p>
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<p>La réalisatrice prend ainsi son temps pour filmer les enfants, mais également les regards attentifs et concentrés des deux femmes ou leur action ajustée, fruit d’une interprétation pertinente du besoin enfantin, comme dans la scène de l’œuf avec Maria Montessori et Mario chez la nourrice (« il veut vous imiter », explique-t-elle).</p>
<p>Le film met également en scène le matériel, parfois avec des erreurs (une tour rose avec 8 cubes !) ou quelques mises en œuvre approximatives (écrire « plume » avec son <em>e</em> muet en français avec l’alphabet mobile, la liberté donnée aux enfants alors qu’elle n’arrive que plus tard). Mais il fait aussi des suggestions tout à fait pertinentes : la phrase écrite au tableau pour ceux ou celles qui savent lire, ou encore la place progressive de la musique amenée peu à peu par Lily d’Alengy.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pedagogie-montessori-dans-les-coulisses-du-succes-le-travail-demilie-brandt-entrepreneuse-de-la-petite-enfance-207568">Pédagogie Montessori : dans les coulisses du succès, le travail d’Emilie Brandt, entrepreneuse de la petite enfance</a>
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<p>Ce personnage interprété par Leila Bekhti en devient presque une suggestion d’Anna Maccheroni, la disciple de toujours de Maria Montessori, essentielle et oubliée, qui donna sa vie à l’éducation montessorienne et développa l’éducation musicale. Elle non plus ne se maria jamais, mais ne connut pas la maternité. On y voit également mises en scène la volonté scientifique des débuts ainsi que l’importance du corps et de la joie, avec laquelle contrastent constamment les pleurs de Mario.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau de Raphaël, <em>La Vierge à la chaise</em>.</span>
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<p>C’est pourquoi, enfin et surtout, le film insiste sur la confiance donnée à l’enfant et à « l’amour » qui teinte à la fois la pédagogie montessorienne et celle de Séguin. Ce dernier parlait « d’affection éclairée » et écrivait avoir « poursuivi dans le vide pendant quatre mois le regard insaisissable d’un enfant ». En cela, le film représente bien une forme de maternité romantique (mais peut-être efficace dans sa suggestion), entre féminisme mais aussi catholicisme. Le tableau de la vierge et l’enfant dans le bureau pourrait ainsi suggérer <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vierge_%C3%A0_la_chaise"><em>La vierge à la chaise</em></a> de Raphaël accrochée dans la première « maison des enfants » et le catholicisme de la pédagogue.</p>
<p>Et cette idée, on la trouve encore vivace chez Montessori en 1950, deux ans avant sa mort, lorsqu’elle rendait hommage aux éducatrices de l’ombre (silencieuses et omniprésentes dans le film), œuvrant pour une « maternité scientifique » et collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225840/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bérengère Kolly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sorti en salles en mars, « La nouvelle femme », de Léa Todorov, se penche sur la vie de Maria Montessori. Au-delà de la pédagogue, que nous raconte ce film de sa pédagogie ?Bérengère Kolly, Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2245322024-03-20T15:58:30Z2024-03-20T15:58:30ZRéforme du collège : mobiliser les enseignants, un art délicat ?<p>En prétendant opérer un <a href="https://www.education.gouv.fr/choc-des-savoirs-une-mobilisation-generale-pour-elever-le-niveau-de-notre-ecole-380226">« choc des savoirs »</a> grâce à quelques dispositifs pédagogiques imposés d’en haut, le ministère de l’Éducation ne risque-t-il pas de se couper un peu plus du monde enseignant, dont la collaboration est pourtant essentielle à la mise en place de toute réforme ?</p>
<p>La création de « groupes de niveau », annoncée par Gabriel Attal, reviendrait à différencier l’enseignement en français et en mathématiques dès la sixième, contre le principe de <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2001/03/14/73-des-enseignants-de-moins-de-35-ans-c-onsiderent-le-college-unique-comme-un-objectif-irrealiste_4183114_1819218.html">l’emblématique « collège unique »</a>. Les enseignants eux-mêmes n’y ayant jamais cru, <a href="https://www.cafepedagogique.net/2024/02/05/jean-paul-delahaye-avis-de-tempete-sur-le-college-unique/">cette remise en cause du collège unique</a> pourrait paraître réaliste.</p>
<p>Mais, entre <a href="https://www.idee-education.org/_files/ugd/ab9408_6e7e9ce9d04a4265b14e77e916d03fe9.pdf">désaveu des spécialistes</a>, <a href="https://www.snpden.net/notre-alerte-a-madame-la-ministre_hebdo3_25janvier2024/">fronde des chefs d’établissement</a> et grèves des professeurs, la ministre de l’Éducation <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/education-nicole-belloubet-introduit-de-la-souplesse-dans-la-mise-en-place-des-groupes-de-niveau-au-college_6409699.html">Nicole Belloubet a promis plus de souplesse dans la mise en place de la mesure</a>.</p>
<h2>Les enseignements de la réforme du collège de 2015</h2>
<p>Il n’est pas inutile, pour mesurer la complexité du problème, de tirer les enseignements <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10564934.2022.2163181">d’une enquête sociologique par entretiens</a> menée auprès d’un échantillon représentatif de professeurs de collège en 2016 et 2017, lorsqu’ils ont dû mettre en place la <a href="https://theconversation.com/sisyphe-a-lassaut-du-college-60393">dernière réforme en date</a>, décidée par Najat Vallaud-Belkacem au printemps 2015.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2020-2-page-201.htm">Cette réforme</a> ne prévoyait pas de remettre en question le collège unique mais d’y promouvoir l’interdisciplinarité, à travers des « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI), les savoirs méthodologiques, lors de temps dits d’« accompagnement personnalisé », l’évaluation par compétences (sans remettre en question la notation chiffrée) et l’enseignement d’une deuxième langue vivante dès la cinquième pour tous les élèves, supprimant de fait les classes « bilangues » (option qui associait l’anglais et l’allemand en sixième). La suppression de l’option latin au profit d’un EPI spécifique avait un temps été envisagée.</p>
<p>Massivement rejetée par le corps enseignant (un <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/06/09/01016-20150609ARTFIG00244-les-trois-quarts-des-professeurs-opposes-a-la-reforme-du-college.php">sondage réalisé en juin 2015</a> avançait le chiffre de 74 % d’opposants parmi les professeurs de collège), le projet a suscité grèves et manifestations, mais a été appliqué tel quel (à l’exception des concessions sur les langues anciennes) à la rentrée 2016, avant que l’ex-ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer ne le vide de son contenu dès 2017.</p>
<h2>Loin des débats médiatiques</h2>
<p>L’encadrement intellectuel, en 2015, du débat public, prend alors des formes bien connues : les personnalités prenant la parole dans les médias pour s’opposer à la réforme dénoncent <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/05/critiquer-najat-vallaud-belkacem-au-nom-de-l-egalite_4637059_3232.html">« les dérives pédagogistes »</a> ou <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2015-3-page-652.htm">« l’égalitarisme niveleur »</a>, tandis que ses défenseurs, à l’instar de la ministre Najat Vallaud-Belkacem, stigmatisent « la nostalgie élitiste » des opposants et plaident pour une école moins inégalitaire.</p>
<p>L’intersyndicale, qui mène l’opposition sur le terrain, développe un <a href="https://www.cgt.fr/actualites/reforme-des-colleges-plus-dautonomie-plus-de-concurrence">autre argumentaire</a> : cette réforme serait « fondée sur l’autonomie des établissements et la multiplication des hiérarchies intermédiaires sous l’autorité du chef d’établissement » et <a href="https://www.puf.com/changer-lecole-ou-la-sauver">« ne ferait qu’engendrer davantage d’inégalités entre les élèves »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Réforme des collèges : Le plan de Najat Vallaud Belkacem (Public Sénat, 2015).</span></figcaption>
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<p>Mais, mis en présence de ces éléments de langage lors de notre enquête, les enseignants interrogés se montrent extrêmement dubitatifs, seuls 32 % des 336 appréciations qu’ils formulent au total étant exprimées avec assurance. Ceux qui se disent solidaires de la protestation, notamment, proposent des interprétations très diverses (et souvent contradictoires) de ce que peut recouvrir « l’autonomie des établissements », au terme d’explications laborieuses et ponctuées de silences, quand ils ne confessent pas leur incompréhension. Une large majorité, d’ailleurs, en approuve finalement le principe.</p>
<p>Centrale dans le débat médiatique, la question des inégalités est unanimement considérée comme hors sujet : personne ne voit en quoi la réforme les aggraverait ou pourrait permettre de les combattre. Manifestement, le monde enseignant ne s’est pas approprié les termes de la polémique.</p>
<h2>Un inconfort professionnel et des inquiétudes variées</h2>
<p>Ces hésitations sont en fait à l’image de la tonalité générale des entretiens.</p>
<p>Les justifications avancées par la grosse moitié des enquêtés qui s’opposent à la réforme impressionnent par leur variété. Cela renvoie à la complexité de la réforme, qui, du sort de l’allemand ou du latin à la question de l’interdisciplinarité, soulève des enjeux multiples.</p>
<p>Cela tient aussi à l’absence manifeste de construction collective du problème, et ce malgré, à la date de l’enquête, une année de polémiques et d’actions. Dominent les inquiétudes sur les « heures » et les « postes » qui pourraient être « perdus » ou sur une hypothétique impossibilité de prendre en charge de façon spécifique les élèves les plus en difficulté. Les dispositifs concrets de la réforme ne sont que très rarement évoqués spontanément.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lechec-scolaire-histoire-et-invention-dune-notion-217943">L’échec scolaire : histoire et invention d’une notion</a>
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<p>Les entretiens ne se limitant pas à la question de cette réforme, chacun est invité à relier les conceptions qu’il exprime à son expérience quotidienne. Or la mise en cohérence au sein d’un même entretien est difficile. Face aux demandes de justification et aux éventuelles objections qui leur sont soumises, les trois quarts des professeurs interrogés se contredisent ou butent sur un impensé, qui touche au cœur de l’argumentation d’un tiers d’entre eux.</p>
<p>L’enjeu de l’hétérogénéité des classes, sujet de préoccupation le plus souvent mentionné, laisse ainsi dans l’expectative les deux tiers de ceux qui s’en inquiètent. On rejoint là les enseignements de la <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/education/resultats-de-talis-2013/examen-des-pratiques-pedagogiques-et-du-climat-en-classe_9789264214293-9-fr">dernière étude TALIS</a> réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au moment de notre enquête : les enseignants français sont ceux qui, interrogés sur le bien-fondé de certains préceptes pédagogiques, ont les avis les plus partagés.</p>
<p>Un petit quart de notre échantillon affiche toutefois une réelle assurance, à la différence de la majorité des enquêtés. Ils surmontent les objections et développent des réflexions d’une grande cohérence, témoignant d’une réelle prise de recul, au point d’y ajouter des marques de progressisme politique (relatifs aux services publics ou à la lutte contre les inégalités) plus fréquemment que les autres. Or ils ne se distinguent ni par des caractéristiques d’âge, de discipline d’enseignement ou de lieu d’exercice. Leur point commun est d’être les seuls de notre échantillon à approuver franchement, dès 2016… les principes et les propositions pédagogiques de la réforme du collège.</p>
<h2>La mise en question d’un pilotage descendant</h2>
<p>Les quelques enseignants de notre échantillon qui parlent de leur métier avec le plus d’assurance sont donc ceux qui soutiennent le contenu pédagogique de la réforme du collège… mais ils participent aussi à la dénonciation de ses modalités d’application, au point que certains d’entre eux ont rejoint les grèves du printemps 2015. On ne peut donc s’arrêter au simple constat d’une corrélation entre approbation de la réforme et capacité à mettre en cohérence valeurs affichées, conceptions du métier et pratique effective de celui-ci.</p>
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<figcaption><span class="caption">Grève contre la réforme du collège, les enseignants répondent à la ministre (SNES-FSU, 2015)</span></figcaption>
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<p>Ils se retrouvent en fait avec leurs collègues autour de la critique faisant de cette réforme une nouvelle injonction technocratique. Favorables ou non au principe des EPI, les uns et les autres déplorent unanimement leur rigidité et le fait que les activités interdisciplinaires déjà pratiquées dans leur établissement risquent de mal se couler dans leur moule. Pratiquant ou non l’évaluation par compétences, ils redoutent un alourdissement des procédures.</p>
<p>Le problème est au fond moins dans l’esprit de la réforme que dans le fait qu’elle ait déjà tout organisé dans les moindres détails, en ne prenant en compte que de façon très imparfaite ce qui a déjà été patiemment mis en place sur le terrain, qui se retrouve paradoxalement menacé par une politique allant pourtant dans le même sens.</p>
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<p>Niés dans leur autonomie professionnelle et leur capacité d’initiative par des projets affichant la prétention de maîtriser l’extrême complexité de l’acte pédagogique grâce à quelques directives organisationnelles, les enseignants interrogés se sentent renvoyés à un rôle d’exécutants.</p>
<p>Le malentendu n’est pas nouveau. Quoi qu’on pense des « groupes de niveau-matière » du <a href="https://www.cahiers-pedagogiques.com/l-ecole-unique-de-1914-a-nos-jours/">projet imaginé par Louis Legrand en 1983</a>, ou même de <a href="https://www.cafepedagogique.net/2006/10/23/le-systeme-b-a-ba-la-guerre-des-methodes/">l’interdiction périodique de la « méthode globale »</a> d’apprentissage de la lecture, les réactions que ces projets ont suscitées chez les enseignants se sont moins focalisées sur le problème pédagogique lui-même que sur le fait que le ministre, depuis son bureau, prétendait se mêler de ce qui se passait dans chaque classe.</p>
<p>L’affaire des « groupes de niveau » de Gabriel Attal est-elle si différente ? <a href="https://www.cafepedagogique.net/2024/01/30/groupes-de-niveau-revue-de-litterature-internationale/">La recherche a montré qu’un tel dispositif est généralement contre-productif</a>, mais il n’est pas impossible que dans certains établissements, la richesse d’un travail collectif prenant en compte la complexité des réalités locales ait pu donner lieu à des expériences réussies, qui incluraient, en cohérence avec d’autres dispositifs, la mise en place de groupes de travail relativement homogènes.</p>
<p>Croire qu’avec un slogan prononcé depuis la rue de Grenelle ou l’hôtel Matignon on pourrait généraliser cette réussite hypothétique relève d’attentes que la <a href="https://journals.openedition.org/rfp/4645">sociologie des organisations</a> et <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2015-4-page-185.htm">l’histoire des politiques éducatives</a> ont démenties depuis longtemps.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/creer-des-classes-de-niveau-atouts-ou-freins-a-la-reussite-des-eleves-217469">Créer des classes de niveau : atouts ou freins à la réussite des élèves ?</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Yann Forestier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment mobiliser les enseignants dans une réforme du collège ? Le débat autour des groupes de niveau montre combien la question est complexe. Une enquête sur la réforme de 2016 en éclaire les enjeux.Yann Forestier, Chercheur associé au Centre Amiénois de Recherche en Education et Formation (CAREF). Professeur agrégé d'histoire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2223372024-03-19T16:57:05Z2024-03-19T16:57:05ZInciter les filles à faire des maths : le rôle
essentiel des profs<p>En France comme en Belgique francophone, les femmes sont de nos jours <a href="https://www.ares-ac.be/fr/statistiques">plus nombreuses dans la population étudiante</a>, et davantage diplômées de l’enseignement supérieur que les hommes. Si on prend en compte <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-90566">l’ensemble des disciplines scientifiques</a>, la parité est quasi atteinte.</p>
<p>Mais, alors que les femmes sont largement majoritaires (60 % à 70 %) dans le domaine des sciences de la vie, de la santé, en médecine, en pharmacie, elles restent minoritaires (20 à 30 %) dans les domaines à forte composante mathématique, en particulier dans les formations d’ingénieurs et en informatique.</p>
<p>La situation n’a d’ailleurs guère évolué au cours de la dernière décennie. Pourquoi les jeunes femmes se détournent-elles des études en maths, sciences de l’ingénieur et technologie ?</p>
<h2>Le rôle charnière de l’enseignement secondaire dans l’orientation</h2>
<p>Un rapport récent consacré à la <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2021/01/democratisation-grandes-ecoles-depuis-milieu-annees-2000-ipp-janvier-2021.pdf">démocratisation des grandes écoles en France</a> montre qu’environ un tiers de la différence d’accès aux grandes écoles tient au fait que les filles sont surreprésentées dans les spécialisations littéraires ou économiques et sociales, qui conduisent moins aux grandes écoles que les filières scientifiques. Néanmoins, le suivi longitudinal de cohortes de collégiens et de bacheliers ne laisse aucun doute : les écarts de performances scolaires selon le genre ne contribuent aucunement à expliquer la sous-représentation des filles dans les grandes écoles et dans les formations qui y préparent.</p>
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<p>« L’analyse des différences de taux d’accès selon le genre indique au contraire que, compte tenu de leurs performances scolaires supérieures en moyenne à celles des garçons, les filles devraient en réalité accéder davantage aux grandes écoles que leurs homologues masculins »</p>
</blockquote>
<p>Les données issues de <a href="https://www.oecd.org/pisa-fr/OECD_PISA_2022_Resume-Volume-I_FR.pdf">l’enquête internationale PISA</a> mettent en évidence de faibles différences de performances en mathématiques selon le genre. Élément intéressant : à performances équivalentes avec les garçons à l’âge de 15 ans, les filles se sentent généralement moins confiantes dans leurs capacités en mathématiques, sont plus anxieuses, ont un intérêt moins prononcé pour cette discipline et en perçoivent moins l’utilité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les filles et les mathématiques (Franceinfo, 2013).</span></figcaption>
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<p>Or, selon les théories étudiant les <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/psychology/expectancy-value-theory">déterminants des aspirations scolaires et professionnelles</a>, ces composantes de la motivation jouent un rôle déterminant dans les choix d’orientation : un jeune choisit une orientation s’il pense avoir les capacités de réussir et s’il lui accorde de la valeur. Ainsi le manque de confiance dans leurs capacités pourrait conduire certaines filles à s’autosélectionner, et à ne pas envisager des études à forte composante mathématique, dont elles ne perçoivent par ailleurs pas toujours l’intérêt.</p>
<p>Les choix d’orientation sont l’aboutissement d’aspirations qui se construisent progressivement à l’école et en dehors de celle-ci. On peut à cet égard s’intéresser à ce que vivent les jeunes dans leur scolarité obligatoire pour mieux comprendre les disparités observées et identifier des leviers potentiels bénéfiques pour l’orientation des filles vers les mathématiques et les sciences et technologies.</p>
<h2>Des leviers pédagogiques pour favoriser l’orientation vers les mathématiques</h2>
<p>De manière générale, la motivation pour les mathématiques a tendance à diminuer tout au long de la scolarité avec un déclin particulièrement marqué dans l’enseignement secondaire. Par ailleurs, les attitudes envers les mathématiques sont elles-mêmes influencées par le contexte, au premier rang duquel figurent l’école et l’enseignement qui y est dispensé.</p>
<p>En particulier, les attitudes et les comportements des professeurs de mathématiques peuvent jouer un rôle majeur dans l’orientation future des élèves vers cette discipline. De nombreuses recherches ont mis en évidence que certains professeurs de mathématiques entretiennent, souvent inconsciemment, des attentes académiques moins élevées envers les filles, mais développent aussi des comportements différenciés envers les filles et les garçons. Ces comportements peuvent toucher aussi bien les aspects cognitifs (choix des tâches, des questions…) que socio-émotionnels (feedbacks positifs ou négatifs) de la relation maitre-élève.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-reforme-du-lycee-eloigne-les-filles-des-maths-et-des-sciences-224773">Comment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences</a>
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<p>C’est ce qu’éclaire une étude portant sur 1091 élèves de 5<sup>e</sup> secondaire (équivalent de la classe de première en France) et 777 élèves de 6<sup>e</sup> secondaire (équivalent de la terminale) en Belgique francophone. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2020-3-page-31.htm">Cette enquête à caractère quantitatif</a> a eu recours à différents modèles statistiques pour tenter d’identifier les variables motivationnelles et pédagogiques qui agissent le plus sur les <a href="https://journals.openedition.org/osp/13437">aspirations aux études et carrières mathématiques</a>.</p>
<h2>Motiver les élèves par des applications concrètes des maths</h2>
<p>Un premier facteur consiste à promouvoir un enseignement des mathématiques pertinent, qui permet aux jeunes de saisir l’utilité future de ce qu’ils apprennent. Concrètement, lorsque l’élève perçoit que son professeur pose des questions et propose des exercices ou des problèmes qui ont du sens, qu’il explique pourquoi certains points de matière sont importants, il est plus enclin à s’y orienter.</p>
<p>Les contenus mathématiques enseignés en fin de secondaire peuvent bien souvent paraitre formels et « purement mathématiques ». Le rôle de l’enseignant est d’élargir les perspectives des élèves en les aidant à développer une vision plus riche de l’utilisation des mathématiques et de leur importance dans la société actuelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maths-pour-les-garcons-le-francais-pour-les-filles-comment-les-stereotypes-de-genre-se-perpetuent-a-lecole-202392">Les maths pour les garçons, le français pour les filles ? Comment les stéréotypes de genre se perpétuent à l’école</a>
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<p>Le choix des contextes d’application des mathématiques n’est pas non plus anodin : en montrant aux élèves que cette discipline peut déboucher sur des applications concrètes, impliquer un travail d’équipe et jouer un rôle sociétal, on la rend plus attractive aux yeux des filles qui cherchent des carrières tournées vers l’humain (prônant la collaboration, l’altruisme), tout en déconstruisant l’image reçue selon laquelle les mathématiques sont déconnectées de ces valeurs.</p>
<h2>Inciter les élèves à relever des défis</h2>
<p>Les environnements d’apprentissage stimulants d’un point de vue cognitif, tant par les tâches proposées que par les interactions sociales, constituent aussi un atout pour favoriser l’orientation future des jeunes vers les mathématiques. Ce genre d’approche contribue à déconstruire l’image de la fameuse « bosse des maths ». Proposer à tous les élèves des tâches mathématiques ambitieuses en les aidant à persévérer, c’est envoyer le message positif qu’ils peuvent tous y arriver, y compris les filles.</p>
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<p>Enfin, l’étude met en évidence l’importance, pour les aspirations futures des filles, de développer une image positive de leurs propres compétences en mathématiques. À ce sujet, le professeur de mathématiques a un rôle important à jouer : s’il soutient les filles en soulignant leurs capacités, celles-ci gagnent en confiance et envisagent davantage une orientation vers des études à composante mathématique.</p>
<p>Leur confiance et leur intérêt pour le domaine seraient aussi particulièrement renforcés lorsqu’un soutien d’ordre pédagogique (avec des rétroactions régulières sur les apprentissages) leur est proposé plutôt qu’un soutien plus psychologique, qui se limite parfois à une simple bienveillance, voire à une forme de condescendance que les filles perçoivent très bien. Selon les comportements qu’ils adoptent en classe et le style d’interventions mis en œuvre, les enseignants peuvent aider les jeunes filles à surmonter leurs craintes ou réticences à entamer des études à forte composante mathématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Doriane Jaegers a reçu des financements du F.R.S.-FNRS (Fonds de la Recherche Scientifique en Belgique)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Lafontaine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En maths, à performances égales, les filles ont moins confiance en elles que les garçons, ce qui influence leurs choix d’orientation. Mais certains ajustements de pédagogie peuvent changer la donne.Doriane Jaegers, Docteure en sciences de l'éducation, Université de LiègeDominique Lafontaine, Professeure en sciences de l'éducation, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2252992024-03-17T15:33:33Z2024-03-17T15:33:33ZPour une éducation aux médias et à l’information (de) tous les jours<p>Ce lundi 18 mars 2024 s’ouvre la 35<sup>e</sup> édition de la <a href="https://www.clemi.fr/actions-educatives/semaine-de-la-presse-et-des-medias">Semaine de la presse et des médias dans l’école</a>. Chaque année, dans bon nombre d’établissements de la maternelle au lycée, ce rendez-vous permet de <a href="https://www.education.gouv.fr/semaine-de-la-presse-et-des-medias-dans-l-ecole-5159">« développer le goût pour l’actualité »</a>, tout en abordant avec les élèves des notions clés du travail journalistique, du décryptage de l’information, à travers des présentations du paysage médiatique ou des rencontres de rédactions.</p>
<p>Si cette manifestation a son importance, elle ne suffit bien sûr pas à mener à bien tous les objectifs énoncés ci-dessus. <a href="https://cfeditions.com/grandir-informes/">L’observation des pratiques informationnelles enfantines et adolescentes</a>, comme l’analyse des situations d’apprentissage dans le monde scolaire mais aussi en famille, en médiathèques ou dans les communautés associatives, plaident incontestablement pour une banalisation de l’éducation aux médias et à l’information (EMI).</p>
<p>Cette éducation est une pierre angulaire du développement d’une culture générale. Comment s’y prendre pour mieux l’ancrer dans le quotidien des jeunes générations ?</p>
<h2>Une recherche d’informations quotidienne</h2>
<p>Dès l’<a href="https://edunumrech.hypotheses.org/files/2023/12/GTnum_CREM_ELN_portfolio_Dec2023.pdf">enfance</a>, les pratiques informationnelles existent et participent du développement de loisirs et d’activités. Prenons l’exemple d’Emeline, 10 ans. Passionnée de botanique, elle effectue des recherches en ligne sur les plantes. De son côté, Aiden, 7 ans, utilise YouTube pour regarder « des vidéos de dessins pour avoir des techniques et des idées », et ensuite dessiner à son tour.</p>
<p>Dès l’enfance aussi, ces pratiques d’information témoignent d’un enjeu d’intégration sociale fort. Ainsi, Rémy, scolarisé en CM2, raconte l’importance de ses recherches sur les faits de jeu de son équipe de football préférée. Il les partage avec ses frères et son père car, à la maison, on n’a plus les moyens financiers de se rendre au stade : « Quand on en parle à l’école le lundi, c’est comme si j’étais allé à Bollaert ! »</p>
<p>Cette intrication des pratiques informationnelles avec le développement d’une personnalité et de ses goûts et la volonté de prendre sa place dans le monde monte en puissance avec l’âge.</p>
<p>Les collégiens et les lycéens rencontrés sur le terrain racontent le plaisir de s’informer en groupe, de partager leurs découvertes entre pairs, de s’interroger ensemble sur les informations auxquelles ils accèdent. Dans toute leur diversité : non seulement sont évoquées les pratiques informationnelles médiatiques, dites d’actualité, mais aussi les pratiques informationnelles documentaires, extrêmement prégnantes dans la vie enfantine et adolescente.</p>
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<figcaption><span class="caption">C’est quoi une information ? Les Clés des Médias (CLEMI, mars 2021).</span></figcaption>
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<p>Contrairement à une vulgate répandue, et affirmée par des études aux contours flous et purement <a href="https://www.nouvelobs.com/medias/20220121.OBS53512/le-desinteret-pour-l-actualite-progresse-surtout-chez-les-plus-jeunes.html">déclaratives</a>, les enfants et les adolescents s’informent. Ils et elles s’informent sur leurs centres d’intérêt, leurs loisirs, mais aussi des sujets de société qui leur tiennent à cœur, à la manière de ces lycéennes qui peuvent discuter longuement des violences sexistes et sexuelles. Elles effectuent une veille informationnelle rigoureuse sur le sujet par le moyen des réseaux sociaux numériques.</p>
<p>Adolescentes et adolescents s’informent avec un plaisir réel, lors de rituels qu’ils mettent en place, seuls, avec des pairs ou en <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03349651v1/file/CORDIER_Famille-numerique.pdf">famille</a>. Vasco, lycéen de 17 ans, explique combien il aime « confronter « (ses) » informations avec celles de (sa) mère avec la télé. On n’est pas souvent d’accord, mais c’est ça qui est bien, on se parle ! »</p>
<p>Ces générations tirent parti de ressources informationnelles qui échappent souvent au regard des adultes, à l’instar de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hugo_Travers">Hugo Décrypte</a>, fortement plébiscité par les lycéens, ou encore des titres de presse régionale ou nationale, dont ils suivent les publications <em>via</em> les réseaux sociaux numériques. N’oublions pas non plus les créateurs et créatrices de contenu, qui tiennent une place importante dans l’écosystème informationnel des publics juvéniles, notamment pour nourrir leur curiosité envers l’information documentaire (sur la santé, la sexualité, ou encore la physique ou le cinéma).</p>
<h2>Des rituels de familiarisation à l’information</h2>
<p>Ces pratiques informationnelles ont besoin de soutien, et les enfants comme les adolescents apparaissent très demandeurs d’accompagnement dans le domaine, conscients notamment de la difficulté à évaluer l’information dans un contexte généralisé de défiance, ou encore à gérer la <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/chaos-information-reseaux-sociaux-adolescents-sophie-jehel">réception des images violentes en ligne</a>. Ils sont aussi désireux de développer plus encore leurs connaissances informationnelles « pour réussir dans la vie, parce que l’information c’est un tremplin », comme le note Romane, 17 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faut-il-avoir-peur-des-ecrans-retour-sur-une-annonce-presidentielle-224456">Faut-il avoir peur des écrans ? Retour sur une annonce présidentielle</a>
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<p>Les adolescents et les jeunes adultes rencontrés en enquête font part de rituels de familiarisation à l’information qu’ils considèrent comme fondateurs dans leur parcours. C’est le cas de Morgan qui, à 24 ans, tire le fil entre une expérience quotidienne de la lecture et de la discussion autour de la presse d’actualité à l’école primaire et son appétence actuelle, à l’âge adulte, pour la presse écrite :</p>
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<p>« Tu titres “De Mon Quotidien à Mad Movies” ! (rires) Sérieusement, je suis certain, ça me vient de là, le plaisir de la presse, tu vois, de prendre de l’info dedans, de savoir que je peux la partager, comme on faisait en primaire, quoi. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres évoquent des apprentissages structurants, lesquels ont pu être observés lors d’un <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/5130">suivi longitudinal de lycéens dans leur entrée dans les études supérieures</a> et dans la vie professionnelle. À 19 ans, Julie « ne remerciera jamais assez (son professeur documentaliste) qui lui a donné les bonnes cartes pour après ! », notamment en la sensibilisant au référencement bibliographique et au travail de sourçage de l’information.</p>
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<figcaption><span class="caption">“Le smartphone, une porte d’entrée à l’information” (Sqool TV, 2023)</span></figcaption>
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<p>Malheureusement, l’étude des parcours sur le long terme, et les enquêtes de terrain en milieu scolaire, montrent la difficulté à mettre en place une progression des apprentissages en éducation aux médias et à l’information. Les temps consacrés à l’information dans la classe, à son analyse comme à sa discussion, sont trop ponctuels.</p>
<p>Or, intégrer des apprentissages informationnels au sein d’un environnement médiatique et documentaire pour le moins complexe, comprendre des concepts essentiels comme l’autorité informationnelle ou encore la ligne éditoriale, développer une <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03541492v1/document">culture des sources</a>, tout cela demande du temps.</p>
<h2>Sortir du traitement évènementiel de l’éducation à l’information</h2>
<p>Le traitement évènementiel de l’information, auquel se trouvent souvent contraints les acteurs de l’éducation aux médias et à l’information, ne permet absolument pas de relever le défi. Tout d’abord, parce que, nous l’avons vu, ce traitement n’est pas à la mesure de la quotidienneté – joyeuse – de la vie sociale des enfants et des adolescents, et des enjeux qu’ils ont à affronter chaque jour pour <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03452769/document">appréhender le flux d’informations</a> et en traiter le contenu, quel que soit son statut.</p>
<p>Ensuite, la prise en charge des problématiques informationnelles et médiatiques ne saurait se limiter à la gestion d’un évènement en général tellement chargé émotionnellement (attentats, guerres) que la prise de distance nécessaire à la structuration de connaissances n’est pas possible.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Enfin, l’étude des trajectoires informationnelles des acteurs suivis sur le long terme et les interrelations avec les formations en EMI dont ils ont bénéficié montrent à quel point la dimension temporelle est cruciale. C’est ce qui favorise l’intégration de compétences et de connaissances abordées de façon répétée de manière à ce que des transferts soient envisagés et envisageables. C’est ainsi qu’en situation, dans un nouveau contexte, les jeunes concernés seront en mesure de convoquer de nouveau des ressources, des types d’usages ou de pratiques abordés.</p>
<p>Pour l’ensemble de ces raisons, c’est d’une éducation aux médias et à l’information du quotidien et au quotidien dont nos enfants et adolescents ont besoin, une éducation à la hauteur de la place qu’a l’activité informationnelle dans leur vie. C’est-à-dire une place quotidienne, profondément incarnée, sensible, joyeuse, et essentielle dans les sociabilités qu’ils mettent en œuvre, que ce soit avec la famille ou avec les pairs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Cordier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En mars, la Semaine de la presse et des médias à l’école sensibilise les enfants et les adolescents au décryptage de l’actualité. Mais l’éducation aux médias est un défi à relever au jour le jour.Anne Cordier, Professeure des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Lorraine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207422024-03-17T15:33:22Z2024-03-17T15:33:22Z« L’envers des mots » : Urbicide<p><a href="https://fr.euronews.com/2015/02/11/la-nuit-ou-dresde-fut-reduite-en-cendres">Dresde</a> et <a href="https://encyclopedia.ushmm.org/content/en/gallery/bombing-of-warsaw">Varsovie</a> pendant la Seconde Guerre mondiale ou, plus récemment, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/guerre-en-ukraine-les-villes-meurent-elles-aussi-1787296">Marioupol</a> en Ukraine sont autant d’exemples de villes entièrement détruites lors d’un conflit armé contemporain. Nœud logistique, centre industriel et cœur du pouvoir politique, la ville est toujours un objectif militaire, théâtre et enjeu des combats.</p>
<p>Si la destruction de la ville répond à des raisons stratégiques, et ce, depuis longtemps, son anéantissement pour des raisons symboliques est devenu un véritable objet d’étude depuis la diffusion par <a href="https://geographie-ville-en-guerre.blogspot.com/2008/10/la-notion-durbicide-dimensions.html">Benedicte Tratnjek</a> de la notion d’urbicide. Pour cette géographe spécialiste de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie et de Sarajevo, <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/urbicide">l’urbicide</a> renvoie à la « destruction rituelle » de la ville en tant que mode de vie pour des raisons souvent identitaires.</p>
<p>Composé de la racine latine <em>urbs</em> (la ville) et du suffixe <em>cide</em> (tuer), l’urbicide ne désigne pas la seule destruction matérielle d’une ville au cours d’un conflit mais aussi le meurtre de ce que les géographes appellent <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/urbanite">l’urbanité</a>, c’est-à-dire l’essence de l’urbain. Cette essence se définit souvent, sous la plume des géographes, par la densité (la ville est le lieu des fortes concentrations humaines) et le cosmopolitisme (la ville est le lieu où des populations aux identités plurielles se rencontrent).</p>
<p>En conséquence, mettre à bas l’urbanité revient à s’attaquer méthodiquement à ce qui permet ou symbolise le vivre-ensemble propre à l’environnement urbain. C’est dans cette optique que Tratnjek analyse la <a href="https://hal.science/medihal-00705117/">destruction de la bibliothèque de Sarajevo</a> lors du siège mené par les Serbes de 1992 à 1995. Fréquenté par toutes les communautés de la ville, ce bâtiment abritait des ouvrages provenant de toutes les populations des Balkans et symbolisait un passé commun à tous les Sarajéviens.</p>
<p>Dès lors, l’urbicide revient souvent à priver une ville de son identité de façon à anéantir tout trait d’union, tout sentiment d’appartenance commune aux populations diverses qui la composent.</p>
<p>L’urbicide est alors intimement lié à la destruction du patrimoine puisqu’il consiste souvent à « faire table rase du passé » comme le montrent les <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/carte-a-la-une/carte-a-la-une-ingiusto">destructions perpétrées par Daech à Mossoul en 2015</a>. La destruction des <a href="https://www.lemonde.fr/djihad-online/article/2016/05/16/en-irak-l-etat-islamique-revendique-la-destruction-d-une-partie-des-ruines-antiques-de-ninive_4920404_4864102.html">ruines de Ninive</a> et des églises chrétiennes syriaques vise à faire disparaître les traces de l’histoire pré-islamique de la ville ainsi que son passé cosmopolite pour lui substituer une identité nouvelle fondée sur un sunnisme rigoriste.</p>
<p>Dès lors, « la mise à mort » de l’identité d’une ville, de son histoire, s’intègre souvent à des politiques d’épuration ethnique ou religieuse comme <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/carte-a-la-une/carte-a-la-une-ingiusto">celles menées par Daech envers les chrétiens ou les chiites à Mossoul</a> ou <a href="https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2006_num_83_4_2526">par les Serbes envers les musulmans en Bosnie</a>.</p>
<p>C’est pourquoi l’urbicide est souvent justifié par un discours, une <a href="https://shs.hal.science/halshs-00702685/">idéologie urbanophobe</a> qui condamne la ville en tant que telle. Assimilée au cosmopolitisme, aux identités plurielles et mouvantes, la ville se voit condamnée par tous les totalitarismes et les acteurs soucieux de diviser les territoires, de les délimiter autour d’identités qu’ils veulent pures et éternelles.</p>
<p>Dès lors, l’urbicide constitue bien un terme dont l’utilisation se diffuse de plus en plus dans les champs médiatique et politique. Il permet d’analyser les nouvelles modalités de nettoyage ethnique employées dans les régimes autoritaires. Ces États, à l’image de la Russie à Marioupol ou de la Turquie à <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/image-a-la-une/gosse-diyarbakir">Diyarbakir</a> (Kurdistan), entendent parfois effacer ainsi l’identité des peuples, des lieux et des villes qu’ils habitent afin d’annexer ou d’accroître leur contrôle sur un territoire.</p>
<p>Ensuite, le concept d’urbicide a une forte <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/lurbicide-en-ukraine-un-crime-contre-lhumanite-20220425_WOZ5QSAVB5GTFJSTR2VSW4MUSY/">résonance médiatique</a> : il permet de mobiliser, d’attirer l’attention de la communauté internationale sur des drames qui, faute de mots pour les caractériser, pourraient sombrer dans l’oubli.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446"><em>« L’envers des mots » : Technoférence</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/220742/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Firode ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La notion d’urbicide ne désigne pas seulement la destruction matérielle d’une ville au cours d’un conflit mais aussi le « vivre-ensemble » qu’elle représente.Pierre Firode, Professeur agrégé de Géographie, membre du laboratoire Médiations, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172292024-03-13T15:56:44Z2024-03-13T15:56:44ZSignes religieux à l’école : 20 ans de recherches sur la loi du 15 mars 2004<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000417977">loi du 15 mars 2004</a> encadrant le port de signes religieux dans les établissements scolaires a suscité de <a href="https://www.amazon.fr/Lettre-ouverte-linstrumentalisation-politique-la%C3%AFcit%C3%A9/dp/2815921278">nombreux débats</a> aussi bien dans les champs des médias, de la politique que de l’éducation. Cependant, la manière dont les sciences humaines et sociales (SHS) l’ont appréhendée est plus mal connue.</p>
<p>L’étude de ces disciplines est pourtant un enjeu crucial, à l’intersection entre aspects académiques et <a href="https://www.puf.com/histoire-intellectuelle-de-la-laicite">interactions avec les controverses sociales</a>. En effet, l’augmentation du nombre de travaux et d’universitaires travaillant sur le sujet est fortement corrélée à la couverture médiatique et politique croissante de celui-ci depuis 1989.</p>
<p>Les chercheuses et chercheurs ne se privent d’ailleurs pas d’intervenir directement dans l’arène publique. En témoigne la participation de plusieurs spécialistes académiques de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/la-cite-22058">laïcité</a>, dont <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_laicite_falsifiee-9782707182173">Jean Baubérot</a>, <a href="https://ecoleetsociete.se-unsa.org/Laicite-interview-de-Jacqueline-Costa-Lascoux">Jacqueline Costa-Lascoux</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=R2cWsyyDS2U">Patrick Weil</a> à la commission dirigée par Bernard Stasi en 2003 – celle-là même qui conduit à la loi du 15 mars 2004.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/signes-religieux-a-lecole-une-longue-histoire-deja-212646">Signes religieux à l’école : une longue histoire déjà</a>
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<p>Cet article s’appuie sur une analyse de la bibliographie existante en français sur le sujet, construite à partir de l’analyse des bases documentaires existantes (<a href="https://www.jstor.org/">Jstor</a>, <a href="https://hal.science/">HAL</a>, <a href="https://www.erudit.org/fr/">Erudit</a>, <a href="https://www.cairn.info/">Cairn</a>, <a href="https://www.persee.fr/">Persee</a>, <a href="https://journals.openedition.org/">Openedition journals</a>, <a href="https://books.openedition.org/">Openedition books</a>), à partir d’une requête « loi du 15 mars 2004 ». Un total de 156 travaux a été recensé sur la période allant de 2004 à 2024. Ce total se décompose en 116 articles, 25 chapitres d’ouvrages, 12 ouvrages et 2 travaux de nature autre.</p>
<p>Tout en prenant en compte les limites inhérentes à la modalité de revue de littérature scientifique, voilà qui permet de faire une analyse de la production de SHS relative à celle-ci, en trois temps complémentaires. Comment et pourquoi évolue-t-elle ? Quelles en sont les principales caractéristiques ? Quelle cartographie peut-on en tirer ?</p>
<h2>Des travaux de recherche marqués par la loi de 2004 et les attentats de 2015</h2>
<p>L’évolution dans le temps montre deux phases relativement distinctes. Les années 2004-2014 sont marquées par un pic initial, lié à l’apparition d’une production dans les mois suivant la promulgation de la loi et son application. Cette première période connaît ensuite un déclin relativement régulier jusqu’au début des années 2010 – à l’exception d’une relance en 2010, liée aux débats sur l’interdiction des tenues entièrement couvrantes.</p>
<p>Les travaux de cette première vague s’intéressent à deux enjeux principaux – qui n’en excluent bien entendu pas d’autres. Le premier est la genèse de la loi du 15 mars 2004, avec les conditions qui en favorisent à la fois l’émergence dans l’agenda public et l’insertion dans les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3ub7ISuRFK0">débats de plus en plus passionnés que suscite l’islam de France</a>.</p>
<p>En effet, dans un contexte où l’application de la loi suscite en fin de compte peu de contentieux locaux, comme le rappelle le <a href="https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_2005_num_1258_1_4391">rapport de l’inspectrice générale Hanifa Chérifi</a> sur celle-ci dès 2005, la production de SHS tend à réintégrer ce nouveau cadre législatif dans des enjeux plus globaux. De ce fait, les enjeux plus strictement scolaires ne sont pas forcément les plus visibles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580936/original/file-20240311-16-9okxpi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chronologie des travaux de SHS incluant les mots « loi du 15 mars 2004 », sur la période 2004-2024 (n=156).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Recherche Ismaïl Ferhat et Béatrice-Mabilon Bonfils</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une seconde vague apparaît à partir de 2014, avec deux pics très nets en 2015 et 2020. Celle-ci est de moins en centrée sur la loi en tant que telle, mais tend plutôt à relier celle-ci à un contexte de choc d’une société et d’une <a href="https://passes-composes.com/book/337">« école sous le feu » du terrorisme islamiste</a>. Les annonces ministérielles de « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République » du 22 janvier 2015 tendent à confier à l’institution scolaire la mission de répondre aux problèmes et tensions révélés par les attentats qui viennent d’avoir lieu.</p>
<p>La laïcité devient dès lors un outil incontournable de cette gestion des crispations post-janvier dans la société française. Après les attentats de novembre 2015, cette saisine croissante de l’école se confirme, sous une <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2017-4-page-439.htm">forme plus sécuritaire</a>.</p>
<p>De ce fait, la loi du 15 mars 2004 est réinsérée dans un continuum de frictions répétées entre institution scolaire et manifestations du fait religieux – en particulier musulman – depuis l’affaire des foulards de 1989. Loin d’être déconnectée des enjeux immédiats, la production des SHS relative à cette loi se révèle en réalité très sensible à ceux-ci.</p>
<h2>Un investissement croissant par la science politique des questions scolaires</h2>
<p>Si la chronologie confirme la forte intrication entre travaux de SHS, analyse de la loi du 15 mars 2004 et contexte, qu’en est-il des caractéristiques propres à cette production ?</p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/genre-22050">Le genre</a> en est l’un des enjeux centraux. En effet, sur un sujet croisant les questions de la laïcité, du droit des femmes et du traitement du fait religieux depuis 1989, ce point est important. 46 % des travaux sont réalisés uniquement par des hommes, 32 % par des femmes, et le reste est mixte. Cette partition genrée est renforcée par la faible présence de travaux collectifs dans le corpus (plus de ¾ des travaux recensés sont individuels).</p>
<p>La présence relativement forte des femmes, par rapport à d’autres thèmes touchant à la laïcité et aux phénomènes religieux, interroge. Au terme d’une analyse plus qualitative, elle semble liée à la manière dont la loi du 15 mars 2004 articule l’intersection entre femmes, laïcité scolaire et islam. La production d’autrices est en effet plus attentive aux effets de cette législation sur les élèves et femmes musulmanes. Cependant, les travaux repérés ne recourent pas à une approche d’évaluation standardisée, comme l’a proposé la <a href="https://econpapers.repec.org/article/cupapsrev/v_3a114_3ay_3a2020_3ai_3a3_3ap_3a707-723_5f10.htm">récente étude d’Aala Abdelgadir et Vassiliki Fouka</a>, ou l’analyse d’Eric Maurin quant à la circulaire Bayrou de 1994.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenseignement-du-fait-religieux-dans-lecole-la-que-quel-bilan-194411">L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque : quel bilan ?</a>
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<p>Le deuxième enjeu est celui des champs disciplinaires. La sociologie (40 travaux) et la science politique (idem) se taillent la part du lion. Une telle prééminence peut s’expliquer par l’importance de l’analyse des politiques publiques et de l’émergence des problèmes publics que ces deux disciplines portent. S’y ajoute, depuis les années 2000, <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2012-2-page-7.htm">l’investissement croissant par la science politique des questions et controverses scolaires</a>- notons que les deux auteurs du présent article sont eux-mêmes originellement issus de cette discipline.</p>
<p>Le droit suit de près (35 travaux). Cette place peut s’expliquer par l’importance traditionnelle de la production des juristes sur la laïcité, notamment dans le système éducatif public. Elle tient aussi au rôle des contentieux et de la jurisprudence administrative, notamment suite à la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/documents-laicite/document-3.pdf">circulaire dite Bayrou de 1994</a>, dans la résolution des conflits religieux, en particulier de nature vestimentaire, à l’école.</p>
<p>Les sciences de l’éducation et de la formation suivent, de manière relativement distante (11 travaux). Ceci peut paraître constituer un paradoxe, tant les conflits laïques sont historiquement centrés sur l’institution scolaire. Les autres disciplines de SHS (notamment l’histoire, la philosophie ou la psychologie) représentent une faible quantité de travaux dans le corpus, de même que les approches interdisciplinaires.</p>
<h2>Des rapports de force entre les disciplines</h2>
<p>Peut-on cartographier la production recensée ? Nous avons retenu un codage de variables qualitatives (période de parution, nombre d’auteur·e·s, discipline, type de publications) afin de repérer d’éventuels sous-groupes. Une analyse multifactorielle (Analyse en composantes multiples ou ACM) est proposée ici.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580941/original/file-20240311-24-80sdm5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Analyse en correspondances multiples, production en SHS sur la loi du 15 mars 2004 (n= 156).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Codage et traitement Ismaïl Ferhat et Béatrice Mabilon-Bonfils</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Plusieurs lignes de force apparaissent. La représentation graphique de l’ACM souligne le caractère relativement excentré des disciplines à dimension cognitive (psychologie et psychiatrie) ainsi que des travaux collectifs à 3 auteurs et plus. Ceci rejoint et confirme d’ailleurs leur marginalité quantitative dans le corpus. Les femmes sont nettement plus proches de certaines disciplines, ainsi la sociologie, là où les hommes sont nettement plus présents en sciences de l’éducation, droit et science politique. De même, les hommes semblent nettement surreprésentés dans la production d’articles (la plus grande partie du corpus constitué) ainsi que la production individuelle.</p>
<p>Le basculement chronologique entre la période 2004-2013 et celle de 2014-2024 paraît ici avoir un éclairage nouveau. En effet, avant la relance des travaux en 2014, la loi du 15 mars 2004 fait l’objet d’un traitement disciplinaire relativement pluriel et faisant une place plus importante aux femmes. La période 2014-2024 voit la mise en place d’une production centrée sur l’action publique (science politique, droit) et l’école (sciences de l’éducation et de la formation). Or, cette production favorise une plus grande place des hommes ainsi que des travaux mixtes.</p>
<p>Le basculement de l’approche de l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école publique par les SHS, sous le feu des événements en 2015, paraît de ce fait net. Dans le champ académique aussi, le choc des attentats a modifié les rapports de force disciplinaires et genrés sur le sujet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217229/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La loi du 15 mars 2004 sur le port de signes religieux dans les établissements scolaires a suscité de nombreux débats dans les médias et l’opinion. Mais comment la recherche l’a-t-elle abordée ?Ismail Ferhat, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresBeatrice Mabilon-Bonfils, Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228292024-03-12T16:09:45Z2024-03-12T16:09:45ZEnfants surdoués : de quoi le « haut potentiel » est-il le nom ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580500/original/file-20240307-16-3i0hjw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C5%2C994%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faut-il proposer aux enfants dits "précoces" ou "surdoués" des parcours spécifiques ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/shes-way-clever-her-age-shot-2146625927">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, qui n’a jamais entendu parler de « HPI » – ou haut potentiel intellectuel ? Popularisé récemment par une <a href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=25616.html">série télévisée</a>, cet acronyme est utilisé depuis les années 2010 pour désigner ce qu’on appelait jusqu’alors les « surdoués » ou, au XIX<sup>e</sup> siècle, les enfants prodiges.</p>
<p>Ce « haut potentiel », même les spectateurs néophytes de la série savent qu’il est mesuré par un test d’intelligence, permettant d’évaluer le QI – ou quotient intellectuel –, nombre un brin magique censé prédire la réussite scolaire ou professionnelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/scientifiquement-le-hpi-nexiste-pas-184606">Scientifiquement, le HPI n’existe pas</a>
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<p>Dans le même temps, les chercheurs en psychologie sont fort embarrassés pour définir l’intelligence. Car tant le QI que le « haut potentiel » – par convention, un QI au moins égal à 130 (ce qui représenterait, par construction, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-telephone-sonne/tous-haut-potentiel-intellectuel-2697000">2,3 % de la population</a> soit environ, en France, 1 550 000 personnes) – sont des notions mobilisées essentiellement par des psychologues praticiens qui ont à se prononcer soit pour des recrutements dans les entreprises, soit pour des décisions pédagogiques dans le milieu éducatif.</p>
<p>Même s’il n’existe <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/l-intelligence-ca-s-apprend-nbsp--9782377474516/">pas de consensus scientifique chez les spécialistes sur ce que signifie le terme même d’intelligence</a>, l’intérêt des tests, aux yeux du grand public, vient de leur corrélation statistique avec la réussite scolaire, et en général professionnelle. Mais c’est sans doute cela l’essentiel…</p>
<h2>Un contexte social « porteur »</h2>
<p>Depuis une cinquantaine d’années, des <a href="https://www.librairie-ledivan.com/ebook/9782707337634-la-gestion-des-risques-robert-castel/">chercheurs comme Robert Castel</a> décrivent une tendance lourde à renvoyer à la psychologie ou à la psychiatrie la gestion des problèmes sociaux. L’institution scolaire, qui entend prendre en compte de plus en plus les spécificités des enfants – au début des années 2000, Ségolène Royal parlait ainsi d’« école pour chacun » – fait preuve d’une <a href="https://journals.openedition.org/lectures/16569">« médicalisation décomplexée »</a>, particulièrement depuis les années 1990.</p>
<p>Cette évolution conduit souvent à interpréter les <a href="https://theconversation.com/lechec-scolaire-histoire-et-invention-dune-notion-217943">échecs scolaires</a> en termes de défaillances personnelles. Les enfants qui peinent à l’école sont nombreux à être adressés à des spécialistes et <a href="https://theconversation.com/dyslexique-hyperactif-hpi-ces-diagnostics-qui-se-multiplient-en-milieu-scolaire-161530">à être étiquetés comme « dys »</a> – dyslexique, dyscalculique…</p>
<p>C’est au nom de ce « droit à la différence » que des parents convaincus des capacités exceptionnelles de leur enfant se regroupent en association (notamment l’association nationale pour les enfants surdoués (ANPES), créée en 1971) et <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_petite_noblesse_de_l_intelligence-9782707173072">engagent un combat vigoureux contre les méfiances du Ministère et des enseignants concernant la notion perçue comme élitiste de surdoué</a>, afin de faire reconnaître cette autre forme de spécificité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KOkw0y1eeC0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Wilfried Lignier – La petite noblesse de l’intelligence, une sociologie des enfants surdoués (Librairie Mollat, interview en 2012).</span></figcaption>
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<p>Ces parents mettent en avant le fait qu’un enfant trop brillant rencontre souvent des problèmes à l’école, souffre de sa situation et devrait donc pouvoir bénéficier de parcours ou de traitements spécifiques. Ils finissent par être entendus, et le Ministère admet (au seuil des années 2000) que ces enfants qu’il préfère appeler « précoces » (expression euphémisée de la supériorité intellectuelle) peuvent éprouver des problèmes.</p>
<p>Dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000259787/">loi « Pour l’avenir de l’école » de 2005</a>, il est écrit que des « aménagements appropriés sont prévus au profit des élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières, afin de leur permettre de développer pleinement leurs potentialités ».</p>
<h2>Les parents d’élèves qui contestent les décisions de l’institution scolaire</h2>
<p>Dans un contexte de concurrence pour des places scolaires ou sociales inégalement prestigieuses et inégalement attractives, ces parents vont porter une demande d’évaluation capable d’asseoir un pronostic sur les performances à venir. L’objectif est de faire bénéficier leur enfant d’un traitement particulier, permettant d’optimiser son cursus scolaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/legalite-scolaire-un-enjeu-de-survie-pour-la-democratie-150254">L’égalité scolaire, un enjeu de survie pour la démocratie</a>
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<p>Le diagnostic de précocité, posé par un psychologue, le plus souvent dès l’école primaire, suit la demande de parents convaincus que leur enfant a des besoins particuliers et des qualités mal appréhendées par les maîtres.</p>
<p>Ces parents, en général bien plus diplômés que l’ensemble de la population, sont à l’aise avec la culture psychologique, et se sentent en <a href="https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/non-votre-enfant-nest-pas-hpi-vous-etes-juste-riche/">droit de contester l’institution scolaire</a>. Armés d’un test de QI délivrant le verdict de « haut potentiel », ils n’hésitent pas à exercer des pressions pour amener les enseignants à se plier à leurs souhaits, concrètement, à obtenir pour leur enfant un saut de classe ou des aménagements de scolarité.</p>
<p>Aujourd’hui, certains parents défendent véritablement, non sans moyens matériels, car il faut payer pour faire tester son enfant, une <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2011-2-page-179.htm">« cause » de l’intelligence</a> (selon la formule de Wilfried Lignier), fondée sur l’usage scolaire du diagnostic psychologique. Il s’agit de fait, grâce à cette ressource présentée comme indiscutable d’un QI élevé, d’une stratégie de distinction, justifiée par le caractère crucial de la réussite scolaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reussite-scolaire-faut-il-croire-au-don-pour-les-langues-etrangeres-207247">Réussite scolaire : faut-il croire au don pour les langues étrangères ?</a>
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<p>On défend ainsi la nécessité d’une prise en charge spécifique de ces enfants en arguant <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/la-societe-ne-voit-pas-leur-souffrance-pourquoi-la-scolarisation-des-enfants-precoces-releve-souvent-du-parcours-du-combattant_2934209.html">du fait que ces « surdoués » peuvent se retrouver en souffrance</a>, même si en réalité l’immense majorité des élèves ainsi étiquetés connaitra des <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/psycho/enfants-hpi-de-la-legende-noire-des-surdoues-aux-idees-recues-on-demele-le-vrai-du-faux-27e2af2e-9002-11ed-8732-c929ccc6462c">scolarités excellentes</a>. Ces stratégies de parents pour qui l’institution devrait être à leur service s’inscrivent dans la droite ligne de l’individualisation croissante des parcours scolaires.</p>
<h2>Qu’est-ce que les QI mesurent au juste ?</h2>
<p>Il reste qu’au-delà de cette quête du testing, on ne sait pas trop ce qui est mesuré. <a href="https://presse.inserm.fr/canal-detox/le-qi-une-mesure-fiable-de-lintelligence-vraiment/">Les tests de QI</a> entendent donner de l’intelligence d’une personne une mesure unique, épousant la conception commune d’une intelligence qui caractériserait chacun, au même titre que les traits physiques, chacun en ayant plus ou moins.</p>
<p>Le premier test d’intelligence construit en 1905 par le <a href="https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/histoire-neurosciences/alfred-binet-ou-les-premices-du-qi-1347.php">psychologue Alfred Binet</a> visait avant tout à détecter les enfants incapables de suivre l’enseignement normal, par des exercices variés recouvrant ce qui est en fait une « intelligence de l’écolier ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5xAkm-o65cE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Diagnostics HPI : haute arnaque potentielle (Libération, juin 2022)</span></figcaption>
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<p>Aujourd’hui, les tests d’intelligence sont toujours construits par rapport à ce qu’exige l’école : des capacités verbales, visuo-spatiales, le raisonnement, la mémoire, la vitesse… Le plus utilisé d’entre eux, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wechsler_Intelligence_Scale_for_Children">WISC</a>, permet de situer les enfants parmi leur groupe d’âge, autour d’un score moyen défini par convention à 100, la majorité se situant entre 70 et 130, seuls les HPI dépassant la borne supérieure. Le score est donc un classement entre enfants, par rapport aux capacités exigées aujourd’hui par l’école telle qu’elle est.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-eleves-interpretent-ils-les-ecarts-de-reussite-en-classe-151402">Comment les élèves interprètent-ils les écarts de réussite en classe ?</a>
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<p>D’aucuns soulignent que nombre de qualités comme la créativité ou l’empathie échappent totalement à cette mesure, qui est aussi étroite que la définition du mérite scolaire lui-même. Mais l’école doit classer, et elle le fait sur la base de critères faciles à mesurer ! Les tests « fabriquent » donc une mesure très dépendante de l’école, au risque d’entériner un fantastique gaspillage de talents et d’enfoncer pour la vie certains enfants au vu de <a href="https://www.uga-editions.com/menu-principal/actualites-nouveautes/a-paraitre/l-intelligence-ca-s-apprend--1320285.kjsp">performances qui s’avèrent pourtant très flexibles dans le temps</a> et selon les pratiques pédagogiques des enseignants.</p>
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<p>Même si les débats sont récurrents sur l’explication de ce « plus ou moins » – ces différences interindividuelles sont-elles innées ou acquises ?-, le score obtenu au test de QI évoque irrésistiblement l’idée de don, renvoyant à l’ordre de la nature. Avec des incidences politiques évidentes : mesurer l’intelligence a pour finalité, dans la pratique, d’affecter les personnes là où serait leur place « naturelle », du moins dans le parcours scolaire adéquat.</p>
<p>Alors que les enjeux autour de la notion de haut potentiel prennent aujourd’hui une importance sociale sans commune mesure avec le caractère souvent fragile des instruments et des travaux sur lesquels ils s’appuient, il est important de <a href="https://journals.openedition.org/insaniyat/2560">relancer le débat sur la mesure de l’intelligence et ce qu’on en fait</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222829/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Duru-Bellat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La notion de haut potentiel est en vogue et prend aujourd’hui une importance sociale sans commune mesure avec la fragilité des instruments et des travaux sur lesquels elle s’appuie.Marie Duru-Bellat, Professeure des universités émérite en sociologie, Centre de recherche sur les inégalités sociales (CRIS), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177092024-03-11T16:11:57Z2024-03-11T16:11:57Z« L’école, c’était mieux avant ! » : les enjeux d’un leitmotiv politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580180/original/file-20240306-16-3u4ddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1022%2C722&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une affiche de publicité des années 1920 autour de la rentrée des classes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/rentree-des-classes-vetements-trousseaux-articles-pour-pensions#infos-principales">Henri Genevrier (dit Grand'Aigle), via Wikimedia Commons - Musée Carnavalet</a></span></figcaption></figure><p>On ne parle plus, dans les médias, de « retour » de l’uniforme pour <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/16/derriere-la-solution-du-port-de-l-uniforme-a-l-ecole-de-rares-etudes-scientifiques-et-une-absence-de-consensus_6216874_3224.html">qualifier l’expérience lancée par Gabriel Attal</a>. Chacun commence à savoir que, dans les écoles publiques de France métropolitaine, les <a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">écoliers n’ont jamais été astreints au port de l’uniforme</a>, ni même de la blouse.</p>
<p>Il reste que cette initiative, au milieu d’autres éléments de langage et de marqueurs symboliques, sur le « retour » aux fondamentaux ou la « restauration » de la discipline, semble faire système, <a href="https://theconversation.com/luniforme-a-lecole-reflet-du-clivage-entre-la-droite-et-la-gauche-213298">contribuant à dessiner un modèle scolaire ancien</a>, érigé aujourd’hui en référence du débat public. L’historien Claude Lelièvre rappelle régulièrement à quel point <a href="https://www.cahiers-pedagogiques.com/lecole-daujourdhui-a-la-lumiere-de-lhistoire/">l’image de l’école passée est un pur fantasme</a> et n’a guère de fondements historiques. Pourtant, ce qu’on aime à présenter comme « la tradition de notre école » s’est pour de bon imposé comme un repère positif.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lecole-en-panne-de-projet-politique-212040">L’école, en panne de projet politique ?</a>
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<p>Il n’en a pas toujours été ainsi. <a href="https://journals.openedition.org/rhc/6639">En menant une étude systématique de la presse nationale d’information générale</a>, on voit que cette école traditionnelle n’était mentionnée dans les années 1960 que comme un repoussoir. <a href="https://www.cairn.info/refus-et-refuses-d-ecole--9782706145605-page-61.htm">Son progressif retour en grâce</a>, à partir de 1968, est en fait une illustration très éclairante des limites de nos débats éducatifs.</p>
<h2>Un modèle scolaire bien peu défini</h2>
<p>Si, dans les années 1960, la dénonciation délibérément provocatrice du « faux prestige des humanités classiques » ou de rites comme le baccalauréat (qualifié de « mort en sursis » par le vice-recteur de l’Université de Paris lui-même, dans son allocution solennelle de rentrée de 1961) paraît si consensuelle, c’est peut-être parce que <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/2730">cette école-repoussoir</a> est, hier comme aujourd’hui, bien peu définie par ceux qui la condamnent. C’est Raymond Aron qui, dans les colonnes du <em>Figaro</em> du 4 juin 1965, le dit le mieux :</p>
<blockquote>
<p>« Les porte-parole officiels commencent tous leurs discours par les formules aujourd’hui à la mode et, en un sens, incontestables : “les structures craquent de toutes parts… L’enseignement doit suivre son époque… il faut adapter méthodes et programmes” […] Qui ne souscrirait à de tels propos, dont la vérité s’impose avec d’autant plus d’évidence que la portée en est plus équivoque ? En quoi consiste l’"adaptation" ? Quelles sont “les structures qui craquent” ? »</p>
</blockquote>
<p>Mais l’ambivalence joue aussi dans l’autre sens. En 1984, il suffit à Jean-Pierre Chevènement, devenu ministre de l’Éducation, de faire allusion, dans la lettre qu’il envoie pour la rentrée à tous les enseignants, à « la tradition de notre école, (qui) est l’une des plus belles qui soient », pour que la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1984/09/06/un-ministre-simple-et-pratique_3020418_1819218.html">presse glose à loisir</a>. Alors enfiévré par la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1984/10/11/vues-et-revues-quand-l-education-redevient-nationale_3136550_1819218.html">publication de petits livres au ton vengeur</a> accusant les « réformes » ou le « pédagogisme » d’avoir dénaturé une école passée désormais parée de toutes les vertus, le débat éducatif embraye facilement.</p>
<p>Un mot suffit ainsi à activer tout un univers de représentations qu’à partir de ce moment, on qualifie de « républicain » alors qu’il était jusqu’ici cantonné au monde conservateur. Il n’est pas jusqu’au nom de Jules Ferry, rarement cité avant 1983, qui ne reprenne du service, mais dorénavant pour exalter les mérites d’une école de la discipline et de la verticalité, donc <a href="https://centrehenriaigueperse.wordpress.com/2022/02/05/claude-lelievre-lecole-republicaine-ou-lhistoire-manipulee/">bien loin de la vérité historique</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">1960 : Pour ou contre l’uniforme au lycée ? (Archive INA, 2018).</span></figcaption>
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<p>L’organisation en 2004 de la <a href="https://www.liberation.fr/societe/2004/09/01/les-evidences-de-fillon-agacent-les-enseignants_490953/">conférence de presse de rentrée de François Fillon</a> dans un des musées de l’école qui se sont multipliés entre-temps vient ainsi fort logiquement illustrer l’enracinement d’un discours devenu banal : « (je suis) porteur d’une vision finalement assez simple de l’éducation : […] il faut restaurer l’autorité des maîtres d’hier » (<em>Le Figaro Magazine</em>, 11 septembre 2004.).</p>
<h2>L’école de Jules Ferry, otage de priorités politiciennes</h2>
<p>On le devine, cette référence à l’école d’autrefois, à laquelle on peut faire dire beaucoup de choses, sert des préoccupations plus politiques que pédagogiques.</p>
<p>Les anathèmes consensuels des années 1960 apparaissent comme un moyen d’éviter le vrai débat, à savoir ce qu’il faudrait faire face à ce que Louis Cros a appelé, dans un <a href="https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1962_num_17_3_10199">livre qui a fait date</a>, « l’explosion scolaire ». La <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-culture-de-masse-et-societe-de-classes-le-gout-de-lalterite-172438">massification</a> à l’œuvre, qui multiplie en dix ans les effectifs du collège par deux, ne suscite pas la réflexion qui aurait permis de lui trouver une réponse institutionnelle à la hauteur, et la dénonciation des archaïsmes semble être le seul moyen de mettre tout le monde d’accord.</p>
<p>Sous l’effet de l’ébranlement provoqué par les événements de Mai-68, la stabilité, face aux <a href="https://journals.openedition.org/histoirepolitique/4863">craintes de déstabilisation</a>, devient brutalement une valeur désirable. On voit le ministre Olivier Guichard se féliciter publiquement en 1970 qu’il n’y ait pas cette année-là de réforme du baccalauréat, comme si l’absence de changement était devenue une vertu (<em>Le Nouvel Observateur</em>, 15 juin 1970), tandis qu’en 1973, le premier ministre, Pierre Messmer, se retrouve contraint de revenir sur ses propos lorsqu’il suggère que la disparition de cet examen « ne serait pas une catastrophe nationale ».</p>
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<p>La charge de la preuve s’est inversée : ce n’est plus désormais la défense du <em>statu quo</em> qui doit être justifiée, mais la volonté de réforme en profondeur qui est perçue comme un projet déraisonnable. Alors que la très sélecte association des Anciens des collèges et lycées se félicitait dans <em>Le Figaro</em> du 18 mai 1959, que « l’enseignement secondaire de papa (soit) mort », le même journal publie le 12 février 1980 une tribune de Guy Bayet, président de la Société des agrégés, sous le titre « Vive le bac de papa ! », illustrant le renversement du consensus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-repenser-lautorite-a-lecole-209541">Pourquoi repenser l’autorité à l’école</a>
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<p>En 1984, l’invention du « républicanisme » par Chevènement joue sur une demande d’ordre, et se diffusera avec succès au cours des années suivantes aux thèmes de la sécurité et de l’immigration.</p>
<p>Deux décennies plus tard, c’est à la droite que l’école traditionnelle fournit une base de refondation idéologique. Le référentiel libéral, auquel elle a longtemps lié son destin, a alors perdu de son efficience politique. De la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 à la fondation du parti Les Républicains en 2015, l’école devient un appui majeur d’un discours fondé désormais sur l’ordre et la tradition.</p>
<h2>La célébration du passé éclaire-t-elle sur l’avenir ?</h2>
<p>Pour que cette célébration de ce qu’on imagine être l’école d’autrefois aide à répondre aux questions que nous pose l’école d’aujourd’hui, il faudrait au moins que les mérites de celle-ci soient rigoureusement établis et non pas simplement fantasmés.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="Portrait de Jules Ferry" src="https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=832&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=832&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=832&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1046&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1046&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1046&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jules Ferry.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jules_Ferry_-_photo_Franck.jpg">Franck, via Wikimedia</a></span>
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<p>Ce qui a fait, en définitive, la <a href="https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1993_num_57_1_2649">réussite bien réelle de l’école de Jules Ferry</a>, c’est sa capacité à ouvrir la société paysanne et ouvrière sur la modernité et sur l’extérieur bien plus que les coups de règle sur les doigts et l’apprentissage par cœur des listes de départements. Et c’est le consensus établi autour de ce projet cohérent qui a permis de susciter une dynamique à même de mettre à mal le modèle clérical jusque-là dominant. L’évocation de ce qui ressemble aujourd’hui surtout à une photo sépia peut-elle suffire à relancer un mouvement comparable ?</p>
<p>Quel fut, au fond, le vrai moteur de cette réinvention couronnée de succès d’une école qui n’a pas vraiment existé ? On pourrait fort bien la mettre au rang des <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1957/05/06/mythologies_2336212_1819218.html">« mythologies » de Roland Barthes</a>, qui nous rappelle fort opportunément que la fonction de ces mythes est avant tout d’essentialiser une structure sociale qui bénéficie à ceux qui les entretiennent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/blanquer-lire-ecrire-compter-et-les-savoirs-fondamentaux-111676">Blanquer, « lire, écrire, compter » et les « savoirs fondamentaux »</a>
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<p>Dans les médias, entre 1983 et 2015, la réduction du débat scolaire au <a href="https://journals.openedition.org/ries/3993">retour cyclique de la confrontation entre ceux qui veulent changer l’école et ceux qui veulent la « sauver »</a> a fini par faire de ce modèle ancien, jamais vraiment décrit, une référence obligée, d’autant mieux naturalisée que, n’étant pas mise en débat, elle est généralement sous-entendue.</p>
<p>S’impose ainsi une confusion entre cette école mythique, le savoir et la République, comme si la remise en cause de l’une menaçait les deux autres. Confusion qui se fait au profit exclusif des <a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2016-1-page-117.htm">personnalités médiatiques et intellectuelles qu’on a appelées « ceux qui aiment l’école »</a> : ayant construit leur identité sur leur maîtrise de l’école à l’ancienne, ils ont continuellement attiré l’attention sur cette question en assurant l’encadrement intellectuel du débat dans la presse et l’édition.</p>
<p>« Ceux qui aiment l’école » se rassurent ainsi sur leur positionnement dans le champ intellectuel tandis que, dans le champ politique, des conservateurs, assumés ou non, peuvent qualifier de « républicain » leur tropisme nostalgique. Il va de soi que, ce faisant, on relègue au second plan l’enjeu de l’invention d’une école capable de faire face aux défis des inégalités sociales, de l’explosion des cultures médiatiques ou de l’internationalisation des savoirs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217709/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Forestier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Du retour aux fondamentaux à la « restauration » de la discipline, l’école d’autrefois est régulièrement érigée en modèle dans le débat public. Cela n’a pas toujours été le cas.Yann Forestier, Chercheur associé au Centre Amiénois de Recherche en Education et Formation (CAREF). Professeur agrégé d'histoire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2237542024-03-10T16:47:36Z2024-03-10T16:47:36ZDémissions d’enseignants : une question qui reste taboue<p>Qui veut encore devenir prof ? La question alimente le débat public sur l’éducation. Alors que les médias mettent régulièrement en évidence les <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/education-il-manque-des-enseignants-partout_6042710.html">difficultés à recruter des enseignants</a>, un autre phénomène, tout aussi préoccupant, reste souvent sous-estimé : celui des démissions de personnels en poste dans l’Éducation nationale.</p>
<p>Bien que ces démissions restent à un niveau relativement modéré par rapport à l’effectif total d’enseignants en France, <a href="https://www.senat.fr/rap/l23-128-314/l23-128-3141.pdf">elles sont en constante augmentation</a> : leur nombre a été multiplié par quatre en l’espace de dix ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/declassement-manque-de-reconnaissance-ces-enseignants-qui-veulent-changer-de-metier-176293">Déclassement, manque de reconnaissance… ces enseignants qui veulent changer de métier</a>
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<p>Les raisons en sont multiples et diverses, allant de l’alourdissement de la charge de travail – en particulier des tâches bureaucratiques – à l’émergence de nouvelles responsabilités, telles que la différenciation pédagogique et <a href="https://theconversation.com/quel-regard-les-enseignants-portent-ils-sur-lecole-inclusive-170418">l’accueil des élèves en situation de handicap</a>. Ceci dans un contexte de contraintes financières et de pressions liées aux réformes de la nouvelle gestion publique comme l’ont montré la <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2019-1-page-119.htm?contenu=article">chercheuse Magali Danner et ses co-autrices</a>. Le manque de reconnaissance et de soutien ainsi que des <a href="https://theconversation.com/salaires-des-profs-un-travail-invisible-a-prendre-en-compte-177034">salaires</a> jugés insuffisants contribuent à cette tendance.</p>
<p>Au-delà des motifs de découragement et de démissions, que sait-on de ces démarches de transition professionnelle ? Comment l’institution réagit-elle ? Vers qui les enseignants se tournent-ils pour envisager ces changements ?</p>
<h2>Les obstacles aux démissions enseignantes</h2>
<p>On pourrait croire que la mise en place des ruptures conventionnelles dans le secteur à partir de 2020 a facilité la sortie du métier d’enseignant. Cependant, les premières données révèlent une réalité différente. <a href="https://paris.sgen-cfdt.fr/actu/rupture-conventionnelle-premier-bilan-pour-2020-au-sein-de-leducation-nationale-2/">Un premier bilan des syndicats</a> sur les ruptures conventionnelles de l’année 2020, indique que près de 80 % des demandes ont été refusées.</p>
<p>Celles qui ont été acceptées provenaient essentiellement de trois académies : Montpellier, Bordeaux et Aix-Marseille, réputées pour ne pas être en tension. Par conséquent, les enseignants travaillant dans les académies les plus déficitaires et aux conditions de travail réputées les plus difficiles ont moins de chances de voir leur demande de rupture conventionnelle acceptée, ce qui accentue les disparités entre les régions.</p>
<p>De la même manière, les démissions simples <a href="https://www.bfmtv.com/societe/education/ces-profs-qui-ne-parviennent-pas-a-quitter-l-enseignement_AN-202309170053.html">sont susceptibles d’être refusées par l’administration</a> en raison de la nécessité de service. <a href="https://www.europe1.fr/societe/education-nationale-pourquoi-les-profs-obtiennent-rarement-une-rupture-conventionnelle-4130032">Un motif qui sert souvent de justification à cette décision</a> – le nombre de demandes de démissions refusées chaque année n’est à ce jour pas connu.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HN7nEDrqekg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Entre manque de considération, salaires bas et pression, de plus en plus d’enseignants décident de quitter le navire. (Le Parisien, 2022).</span></figcaption>
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<p>Les enseignants désirant quitter la profession se heurtent souvent au manque de ressources, tant en termes d’information que de soutien humain, au sein de l’Éducation nationale. Par exemple, les informations sur les démissions sur les sites officiels sont plutôt succinctes. De plus, selon les académies, il peut être difficile de se procurer les circulaires relatives à l’Indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) et les services des ressources humaines de proximité <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/education-nationale-on-ne-va-pas-dans-le-bon-sens-monsieur-le-prof-figure-des-reseaux-sociaux-jette-l-eponge-2769742.html">peuvent prendre plusieurs mois pour répondre à leurs demandes</a>.</p>
<p>Cette situation témoigne en partie de la position de l’institution sur la sortie du métier. La question demeure taboue, les responsables politiques tendant à minimiser le phénomène. L’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, avait avancé l’idée selon laquelle <a href="https://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ170800957&idtable=q335422%7Cq331133%7Cq324257%7Cq360452%7Cq417062%7Cq402127%7Cq324091%7Cq429087%7Cq324745%7Cq425052">l’évolution des démissions</a> serait peu significative et corrélée aux variations du nombre de postes ouverts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-devenir-enseignant-cest-accepter-un-declassement-social-212206">Quand devenir enseignant, c’est accepter un déclassement social</a>
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<p>Selon cette perspective, une hausse des recrutements dans l’Éducation nationale se traduirait par une augmentation proportionnelle des démissions. Cependant, dans les faits, rien ne prouve que cette affirmation soit exacte, car l’Éducation nationale peine aujourd’hui à recruter, et le <a href="https://journals.openedition.org/lectures/22587">« malaise enseignant »</a> est aujourd’hui bien documenté dans la littérature scientifique.</p>
<h2>Des groupes d’entraide sur les réseaux sociaux</h2>
<p>C’est probablement pour toutes ces raisons que les enseignants se tournent de plus en plus vers d’autres espaces, notamment des <a href="https://www.theses.fr/2023BORD0364">groupes d’entraide sur les réseaux sociaux et les forums</a>. L’un des plus importants, créé en 2015, compte plus de 33 000 membres début 2024 (nous n’indiquons pas son nom pour préserver l’anonymat de ses membres).</p>
<p>Ces groupes sont le lieu, notamment de :</p>
<ul>
<li><p>demandes d’aide concernant les aspects techniques du changement de métier, comme l’obtention d’une disponibilité, d’un détachement ou d’une rupture conventionnelle, d’information sur les concours permettant de changer de voie et leurs modalités, etc.</p></li>
<li><p><a href="https://www.quitterlenseignement.org/">retours d’expériences</a> de personnes ayant franchi le pas, décrivant comment elles ont vécu leur reconversion et quelles sont leurs conditions de travail actuelles ;</p></li>
<li><p>témoignages de difficultés rencontrées dans le métier, destinés à montrer à ceux qui les vivent qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation et à leur apporter du réconfort et des encouragements.</p></li>
</ul>
<p>En plus des échanges, <a href="https://pur-editions.fr/product/9786/en-quete-d-enseignants">ces groupes très actifs</a> partagent également une série de fichiers (dans un onglet dédié), tels que des CV, des exemples de lettres de démission, des documents juridiques (IDV, nécessité de service, etc.), des tableaux Excel permettant de calculer le montant des indemnités de départ en cas de rupture conventionnelle, des descriptions de postes concernant différents métiers, etc.</p>
<h2>L’apparition de prestataires de services…</h2>
<p>Parallèlement, un autre type de ressource émerge dans l’accompagnement des enseignants désireux de démissionner, apparu depuis le milieu des années 2000 : il s’agit de sites que nous qualifions de commerciaux car, contrairement aux groupes d’entraide, ils proposent des prestations de service moyennant un coût financier.</p>
<p>On en recense une vingtaine sur le Web, parmi lesquels une association se distingue, proposant un accompagnement personnalisé à la démission et à la reconversion. Elle fonctionne sur la base d’une cotisation unique assortie de prestations payantes (réinvestis dans l’association), telles que l’assistance pour lever la nécessité de service, ou l’aide à la création d’entreprise, et s’appuie sur un réseau étendu comprenant de hauts fonctionnaires, des hommes politiques, des chercheurs, des journalistes et d’anciens enseignants reconvertis.</p>
<p>D’autres <a href="https://www.prof-et-ensuite.fr/blog-prof/">prestataires</a> en ligne se concentrent principalement sur des services comme le bilan de compétences, largement reconnu comme une <a href="https://shs.hal.science/halshs-03243110/">étape essentielle</a> de la reconversion professionnelle. La durée du bilan de compétences est variable selon les besoins du bénéficiaire, mais ne dépasse généralement pas 24 heures, et son coût moyen varie entre 1 200 euros et 1 800 euros selon les prestataires recensés. Ou encore sur le coaching en outplacement, héritage, <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-de-psychosociologie-2022-2-page-171.htm">selon certains chercheurs</a>, « du nouvel esprit capitaliste ».</p>
<p>La présence croissante de ces prestataires indique le développement d’un véritable marché autour de la démission et de la reconversion enseignante.</p>
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<p>En définitive, le pilotage de la problématique de la démission enseignante semble avoir été laissé entre les mains d’acteurs extérieurs à l’institution, malgré des points de vue convergents avec certains d’entre eux sur la gestion de carrière des enseignants, en accord avec les récentes évolutions législatives (mise en place de la rupture conventionnelle et élargissement des possibilités de recrutement de contractuels). Voilà qui rappelle les propos de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye <a href="https://twitter.com/Ithyphallique/status/1594272414724145161">dans une interview en 2022</a>.</p>
<blockquote>
<p>« On n’entre plus dans le métier pour que ça se termine par un pot de retraite 40 ans plus tard » […] On veut pouvoir être enseignant 10 ans et puis faire autre chose. »</p>
</blockquote>
<p>L’augmentation des démissions enseignantes et l’apparition de nouveaux acteurs dans leur accompagnement remettent en question les normes établies concernant les entrées et sorties de la profession, et suscitent des interrogations sur la nature et l’efficacité de cet accompagnement. Comment concilier cette nouvelle flexibilité des trajectoires professionnelles avec la gestion de la carrière enseignante ? Ces questions exigent une réflexion approfondie sur les politiques éducatives et les pratiques de ressources humaines afin d’assurer un accompagnement tout au long de la carrière des enseignants, en réponse aux défis et aux évolutions du monde de l’éducation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223754/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Croizier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors qu’on parle souvent des difficultés à recruter des enseignants, un autre phénomène, tout aussi préoccupant, reste sous-estimé : celui des démissions de personnels de l’Éducation nationale.Camille Croizier, Docteure en Sciences de l'éducation, attachée temporaire d'enseignement et de recherche, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247732024-03-07T16:19:17Z2024-03-07T16:19:17ZComment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences<p>Le discours public met aujourd’hui l’accent sur la promotion des femmes dans les métiers scientifiques et techniques. Favoriser leur accès à ces voies prestigieuses est présenté comme un enjeu majeur, pour l’économie du pays comme pour l’égalité entre les femmes et les hommes.</p>
<p>Dans ce contexte, les effets de la <a href="https://www.ouest-france.fr/bac/bac-fin-des-series-un-grand-oral-et-du-controle-continu-partir-de-2021-5565067">réforme du lycée instaurée en 2019</a> posent question. Celle-ci qui a mis fin au système des séries générales de baccalauréat (voie scientifique, voie littéraire, voie économique) offrant une plus grande latitude dans la composition des programmes de première et terminale, à partir d’un socle commun et d’enseignements de spécialité. Cependant, cette organisation modulaire s’est accompagnée d’une chute massive des inscriptions dans les disciplines scientifiques au lycée, <a href="https://collectif-maths-sciences.fr/2022/10/04/reforme-du-lycee-vers-des-sciences-sans-filles-1-2/">qui touche particulièrement les filles</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>Alors que la place des femmes a été déclarée <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/grande-cause-du-quinquennat-budget-consacre-legalite-entre-les-femmes-et-les-hommes">grande cause du quinquennat 2017-2022</a> et que les enjeux autour des sciences revêtent une dimension internationale, on observe en France un retournement d’ampleur inédite sur l’égalité d’accès aux sciences au lycée général, en contradiction avec les intentions affichées. C’est ce qui ressort quand on reconstruit les évolutions des effectifs des bacheliers et bachelières depuis 60 ans.</p>
<h2>Les sciences au baccalauréat, un enjeu de la Vᵉ République</h2>
<p>Le nombre d’élèves en formation scientifique est crucial au regard des compétences techniques et scientifiques nécessaires aux transitions environnementales, sociales et économiques du pays. La plupart des acteurs économiques <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-ecoles-d-ingenieurs-mobilisees-face-a-la-penurie-de-talents-dans-l-industrie.N2188593">font état de leurs difficultés à recruter</a> et demandent d’augmenter rapidement le nombre de personnes formées à un niveau Bac+5 dans ces domaines.</p>
<p>Analyser la situation actuelle nécessite de prendre en compte les profondes modifications du contexte scolaire de la V<sup>e</sup> République. Jusqu’au début des années 1960, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/baccalaureat-23150">baccalauréat</a> ne concerne qu’une petite partie de la population, surtout issue de la classe bourgeoise urbaine. Guidées par les différents plans de développement économique et social, les politiques éducatives d’alors vont <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-culture-de-masse-et-societe-de-classes-le-gout-de-lalterite-172438">ouvrir largement l’accès aux études secondaires et supérieures</a>.</p>
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<p><a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1965/09/10/les-changements-seront-tres-limites-en-1965-bull-classe-de-seconde-litteraire-sans-latin-bull-mathematiques-facultatives-pour-les-philosophes_3146226_1819218.html">La réforme Fouchet de 1965 du lycée général</a> supprime la sélection pour entrer en terminale et créé de nouvelles séries, dans lesquelles les volumes horaires de sciences et de mathématiques augmentent. On assiste à partir de la fin des années 1960 à une <a href="https://books.openedition.org/purh/1561">massification rapide de l’accès au bac général</a> : si celui-ci <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_ES_08-les_evolutions_de_l_enseignement_superieur_depuis_50_ans_croissance_et_diversification.php">ne concerne que 11 % d’une classe d’âge en 1962, cette part s’élève à 18 % en 1975</a> et à près de 44 % en 2022.</p>
<h2>Le poids des sciences dans le bac général</h2>
<p>Dans l’étude que nous avons menée, on qualifie de bac « sciences » les cursus en terminale générale incluant au moins 12h hebdomadaires de sciences, dont 5h30 de mathématiques. Avant 1994, cela équivaut aux séries C, D et E puis, entre 1994 et 2019, à la série S et, depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000037208167">réforme de 2019</a> aux doublettes de spécialités maths/sciences (soit numérique et sciences informatiques (NSI), soit physique-chimie (PC), soit sciences de l’ingénieur (SI) ou encore sciences de la vie et de la terre (SVT)). Les parcours sans spécialité maths en terminale ne seront pas comptabilisés.</p>
<p>Nous reconstituons à partir des <a href="https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/notes-dinformation.aspx">archives des données publiques</a> l’évolution des effectifs du bac sciences depuis 1962 pour la filière générale.</p>
<p>Après une forte croissance jusqu’en 2020, l’effectif chute de près de moitié depuis la réforme : il revient au niveau de 1988. Les bacheliers généraux étant moins nombreux en 1988, le poids relatif des sciences dans le bac général en 2022 est donc très inférieur à celui de 1988, comme nous l’illustrons ci-dessous :</p>
<p>Alors que le bac sciences constituait environ la moitié des bacs généraux entre 1962 et 2020, sa part chute à 27 % depuis la réforme. Même en comptabilisant l’ensemble des parcours sciences n’incluant que 3h de maths en option, cette part reste inférieure à 38 % en 2022.</p>
<p>Cette rupture marque une réduction inédite de la formation scientifique au lycée. Affirmer <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/discours-de-frederique-vidal-la-commission-culture-education-et-communication-du-senat-sur-la-lpr-45569">« l’importance vitale de la science pour notre pays »</a> et « en même temps » en réduire à ce point l’accès est paradoxal. Comment expliquer ce hiatus de la politique publique ? L’analyse de la composition des élèves concernés, en particulier selon le genre, permet d’en donner un éclairage.</p>
<h2>Filles et garçons : un inégal rapport aux sciences</h2>
<p>Créé en 1808 pour les garçons de l’élite bourgeoise auxquels les lycées sont alors réservés, le <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/10047-napoleon-cree-le-baccalaureat-premier-grade-universitaire">baccalauréat est la porte d’accès aux études supérieures</a>. Il ne deviendra accessible qu’en 1925 aux filles qui peuvent dès lors suivre les mêmes études que les garçons. Leur progression régulière dans les études secondaires aboutit à partir de 1968 à leur domination en nombre au baccalauréat général. Elles constituent actuellement environ 57 % de l’ensemble des bacheliers généraux, proportion stable depuis plusieurs décennies mais inégalement répartie selon les parcours.</p>
<p>Dans les parcours scientifiques, traditionnellement masculins, l’évolution des filles et des garçons montre leur progression régulière, avec un retard des filles sur les garçons qui se réduit peu à peu jusqu’en 2020. L’écart est alors le plus faible jamais atteint, signe d’un progrès notable pour l’égalité d’accès aux sciences entre les filles et les garçons :</p>
<p>Depuis la réforme de 2019, les effectifs scientifiques s’effondrent : la baisse est de 30 % pour les garçons et de 60 % pour les filles.</p>
<p>On représente sur le graphique ci-dessous l’évolution de la part du bac sciences selon le genre : il montre une relative stabilité entre 1962 et 2020 pour les filles et les garçons, avec une augmentation progressive de la part des bachelières scientifiques entre 1986 et 2020 :</p>
<p>La réforme de 2019 marque une rupture avec une baisse inédite du taux d’accès au bac sciences en 2022 tant pour les filles que les garçons, pour lesquels ce recul est moins marqué : les inégalités de genre se sont nettement aggravées depuis la réforme. C’est ce que montre ce graphique comparant la proportion des bacs sciences entre les garçons et les filles :</p>
<p>Si l’avantage a toujours été aux garçons, on constate un lent progrès vers l’égalité depuis 1986 et jusqu’en 2020. Après la réforme, en 2022, un garçon a 2,3 fois plus de chances qu’une fille d’avoir un bac « sciences », c’est l’inégalité la plus forte observée au cours de toute la V<sup>e</sup> République.</p>
<h2>Un recul inédit de l’égalité face aux sciences au lycée</h2>
<p>Le XX<sup>e</sup> siècle a permis l’ascension scolaire des filles <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047727?sommaire=6047805">qui sont désormais plus nombreuses que les garçons dans les études supérieures</a>. Pour autant, leur <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6960132">égalité économique ou sociale est loin d’être atteinte</a> encore aujourd’hui. Rappelons que, dans la société française, le droit d’une femme à ouvrir un compte bancaire ou à travailler sans l’accord d’un tuteur a moins de 60 ans. Autrement dit, le rôle de la femme tel qu’il est défini dans la société du XX<sup>e</sup> siècle limite son ascension sociale.</p>
<p>Un meilleur équilibre dans les <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus075.pdf">orientations vers les débouchés professionnels les mieux rémunérés</a>, dont celles vers les très masculines sciences et techniques, représente donc un enjeu de justice sociale. Le retour en arrière consécutif à la réforme de 2019 sur les progrès réalisés en ce sens au lycée général durant la V<sup>e</sup> République, nous place dans une situation sans précédent dans l’histoire contemporaine.</p>
<p>Une telle organisation au lycée n’aboutit finalement qu’à préserver une élite masculine dominante dans les parcours scientifiques au détriment de son accès à tous, dont les femmes.</p>
<p>Si la question du rapport des femmes aux sciences ne saurait se réduire à celle du bac, cette réforme, fondée sur un choix de « spécialités » sans garantir de socle de connaissances solides en mathématiques et en sciences, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-si-peu-de-filles-en-mathematiques-222028">contraint leur orientation et devenir professionnel, diminuant fortement les chances d’une promotion sociale et économique</a>.</p>
<p>Dans la longue succession des réformes du lycée, celle de 2019 est unique par son impact massif sur l’affaiblissement des filières scientifiques et la parité. Le gouvernement en mesure-t-il la portée ? Cette étude montre que l’effet des multiples discours concernant l’égalité face aux sciences est négligeable par rapport à l’effet d’un changement de structure du système.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mélanie Guenais est vice-présidente de la Société Mathématique de France et coordinatrice du Collectif Maths&Sciences. </span></em></p>Depuis la réforme du lycée de 2019, la proportion de filles suivant des cours de maths et de sciences jusqu’au baccalauréat a chuté. Le point sur une situation inédite.Mélanie Guenais, Maîtresse de conférences en mathématiques, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244562024-03-06T16:13:38Z2024-03-06T16:13:38ZFaut-il avoir peur des écrans ? Retour sur une annonce présidentielle<p>Lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le président de la République Emmanuel Macron dénonçait les dangers de la surexposition des jeunes enfants aux <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/01/16/conference-de-presse-du-president-emmanuel-macron">« écrans qui, trop souvent, enferment là où ils devraient libérer »</a>.</p>
<p>Il annonçait la création d’un groupe d’experts dont les analyses et les propositions sont attendues fin mars. Objectif : prendre des mesures pour réguler les pratiques numériques juvéniles « à la maison comme en classe, parce qu’il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties ».</p>
<p>Si ces préoccupations sont partagées depuis longtemps par tous les acteurs de l’éducation, le vocabulaire employé par le chef de l’État, son constat de situation, le comité qu’il a mis en place et les pistes d’action qu’il a évoquées méritent un décryptage.</p>
<h2>Dépasser la polarisation des opinions</h2>
<p>Il est évident depuis plusieurs dizaines d’années que les techniques numériques transforment la plupart des activités humaines. Pourtant, beaucoup semblent découvrir que ce mouvement affecte tout autant nos comportements, croyances, valeurs, coutumes et imaginaires.</p>
<p>Fortement empreints d’une idéologie qui subordonne le progrès social à une croissance économique dépendante de l’innovation technique, les discours en faveur du numérique ont longtemps balayé analyses critiques, réserves et craintes. Il en va autrement aujourd’hui, alors que <a href="https://e-enfance.org/etude-association-e-enfance-3018-caisse-depargne-sur-le-cyberharcelement-des-8-18-ans/">67 % des enfants de 8 à 10 ans disposent déjà de comptes sur un ou plusieurs réseaux sociaux</a>, que 20 % d’entre eux déclarent avoir été confrontés à une situation de cyberharcèlement et que 83 % des parents reconnaissent ne pas savoir ce que leurs enfants font sur Internet.</p>
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<figcaption><span class="caption">Réseaux sociaux, tous accros ? (Décod’actu, Lumini, 2018).</span></figcaption>
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<p>Toute une jeunesse se transforme sous nos yeux. On peut affirmer sans exagérer qu’une véritable panique morale s’empare du discours des élites et sature l’espace public. Elle invisibilise nombre de pratiques, d’analyses, d’arguments, de points de vue et confisque la parole de certains acteurs. Celle des plus jeunes en particulier. Certaines de leurs pratiques numériques nourrissent légitimement les craintes des adultes alors que d’autres présentent un intérêt culturel, éducatif ou social indéniable.</p>
<p>Cette radicalisation des postures laisse malheureusement peu de place au débat et à la controverse. Pourtant, la recherche scientifique, dans sa diversité et sa pluridisciplinarité, attire l’attention sur la complexité d’un tableau tout en nuances où l’usage du numérique se révèle autant émancipateur qu’aliénant. Dans ce contexte, l’enjeu n’est pas seulement d’échapper aux risques du numérique mais aussi de pouvoir en réaliser les promesses.</p>
<h2>« Danger des écrans » : une formulation inadaptée</h2>
<p>À la fin des années 90, évoquant la télévision et les jeux vidéo, Monique Brachet-Lehur interpellait déjà les parents dans un ouvrage au titre provocateur : <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/les-ecrans-devorent-ils-vos-enfants--9782307589099/"><em>Les écrans dévorent-ils vos enfants ?</em></a>. Les risques d’addiction, de désocialisation, de sédentarisation, d’exposition à la violence et à la pornographie étaient alors opposés aux arguments enthousiastes de ceux pour qui la télévision était potentiellement l’instrument d’une démocratisation du savoir et d’un nouveau rapport au monde. Une « école parallèle » comme le théorisaient <a href="https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1967_num_10_1_1147">Georges Friedmann</a> et <a href="https://www.persee.fr/doc/memor_1626-1429_2006_num_18_1_1189_t17_0091_0000_2">Louis Porcher</a>.</p>
<p>À l’époque déjà, la référence insistante aux « écrans » divisait car cette essentialisation masque les autres dimensions des pratiques télévisuelles d’hier et numériques d’aujourd’hui. Pierre Chambat et Alain Ehrenberg déconstruisaient d’ailleurs en 1988 la <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-1988-5-page-107.htm?contenu=resume">« supposée fascination des écrans »</a>. Ils montraient combien ce stéréotype se nourrit d’une confusion entre l’écran (le support), l’image (le contenu) et le spectacle (la pratique). Si fascination il y a, et si l’écran y joue un rôle, c’est bien l’activité qu’il contribue à instrumenter qui doit être interrogée.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les enfants accrocs à la télé… dès les années 70 (Franceinfo INA).</span></figcaption>
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<p>Incriminer les écrans équivaut en quelque sorte à redouter la nocivité du papier ou celle de la langue quand c’est le texte et l’usage qui en est fait qui méritent d’être questionnés. On peut bien sûr attribuer aux écrans certains risques sanitaires, indépendamment des contenus qu’ils médiatisent, mais convenons que l’essentiel est ailleurs !</p>
<h2>Temporalité des activités numériques : durées, instants et fréquences</h2>
<p>Différentes études considèrent le temps d’utilisation des équipements comme principal indicateur des pratiques numériques. Nous sommes d’ailleurs tous invités à prendre connaissance de cette métrique de nos activités numériques lorsque nos smartphones notifient nos « temps d’écran ».</p>
<p>En dépit des limites déjà énoncées de cette synecdoque qui confond l’écran (la partie) avec la pratique numérique (le tout), la temporalité des usages constitue l’un des éléments descriptifs des pratiques numériques et des risques potentiellement associés. Pour lui donner du sens, il convient de ne pas se limiter à des valeurs moyennes de durées.</p>
<p>Ainsi <a href="https://www.elfe-france.fr/">l’étude pluridisciplinaire ELFE</a> (Étude longitudinale française depuis l’enfance) qui porte sur une cohorte d’environ 18000 enfants français nés en 2011 montre que le « temps d’écran » quotidien moyen des enfants de 5 ans et demi, tous types d’écrans confondus, était d’environ 1h30 en 2017 et qu’il dépassait 4h pour près de 5 % d’entre eux. Une autre enquête, <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/les-plus-petits-passent-6-heures-par-semaine-sur-internet-autant-que-sur-la-television-1394549">réalisée par Ipsos en 2022</a> indique un temps moyen d’écran quotidien de 3h30 pour les enfants de 7 ans à 12 ans à douze ans et de plus de 5 heures pour les 13-19 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ces-ecrans-qui-retardent-le-coucher-des-enfants-et-adolescents-196415">Ces écrans qui retardent le coucher des enfants et adolescents</a>
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<p>Ces valeurs nous impressionnent. Pour autant, la durée quotidienne d’utilisation d’un smartphone dit intrinsèquement peu des dangers encourus. La temporalité des activités numériques se caractérise aussi par un positionnement temporel précis (horodatage) et une fréquence (nombre d’utilisations par unité de temps). Ainsi, durées, instants et fréquences ont-ils des implications spécifiques et des effets combinés.</p>
<p>Si l’allongement des durées moyennes d’utilisation, les horaires inappropriés (durant la nuit, les repas, le temps scolaire…) et les fréquences élevées inquiètent, c’est en raison des activités dont elles témoignent mais aussi de celles qu’elles sont susceptibles de remplacer : se distraire au lieu d’étudier, veiller au lieu de dormir, s’engager dans des activités individuelles au lieu de s’investir dans des pratiques sociales… La question du temps est donc tout autant qualitative que quantitative.</p>
<h2>Usages et mésusages</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/pour-mieux-gerer-le-temps-decran-distinguer-bonnes-et-mauvaises-pratiques-169565">mésusages numériques</a> sont assez bien connus, décrits et analysés. Il est possible de dresser un inventaire, sans doute incomplet et discutable, mais éloquent des dangers qu’ils induisent : manipulation, harcèlement, radicalisation, dépendance, déréalisation, exposition de la vie privée, troubles de l’identité, troubles du sommeil, déficits attentionnels, <a href="https://theconversation.com/dans-la-vraie-vie-aussi-jaimerais-bien-porter-un-filtre-les-reseaux-sociaux-vus-par-les-8-12-ans-151790">dégradation de l’estime de soi</a>, réduction de <a href="https://theconversation.com/enseigner-lempathie-aux-enfants-204155">l’empathie</a>, altération de la perception de la violence, troubles du comportement, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a>, altération de la perception du corps, difficultés de construction des relations amoureuses ou sexuelles…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sur-les-ecrans-aider-les-enfants-a-devenir-des-consommateurs-avertis-174004">Sur les écrans, aider les enfants à devenir des consommateurs avertis</a>
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<p>Longue liste, très hétérogène, dont l’étendue et la profondeur croissent à l’aune de la prégnance du numérique dans notre société. Comme le souligne justement le président de la République, il est urgent de s’en occuper sérieusement. Pour autant, il est tout aussi essentiel de prendre connaissance des pratiques numériques effectives des jeunes et d’en reconnaître la valeur et les vertus. Favoriser les pratiques vertueuses (qui ne sont pas celles des adultes ou celles dont ils rêvent pour leurs enfants) est tout aussi important.</p>
<p>De nombreux travaux de recherche documentent et analysent les pratiques des jeunes. Notons <a href="https://cfeditions.com/grandir-informes/">ceux d’Anne Cordier</a> ou de <a href="https://emi.enssib.fr/interview-carine-aillerie">Carine Aillerie</a> sur les pratiques informationnelles ; ceux de <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-4-page-9.htm">Dominique Pasquier</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2015-2-page-23.htm">Pascal Plantard</a>, ou de <a href="http://www.inatheque.fr/publications-evenements/publications-2022/l-adolescence-au-c-ur-de-l-conomie-num-rique-sophie-jehel.html">Sophie Jehel</a> sur la sociabilité des adolescents et l’apport des réseaux sociaux à leur construction identitaire ; ceux aussi de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/16914">Sylvie Octobre</a> sur le renouvellement des pratiques culturelles. Entre bien d’autres !</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/64Z0NrMnfsA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les « jeunes » ont ils arrêté de s’informer ? Non, répond Anne Cordier, enseignante-chercheuse (<em>Ouest-France</em>, 2023)</span></figcaption>
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<p>Notons que la plupart de ces recherches partagent une approche compréhensive et qu’elles ne projettent pas systématiquement les normes et les valeurs des adultes sur les pratiques des jeunes.</p>
<h2>Régulation, autorégulation, ce que (ne) peut (pas) l’État</h2>
<p>Comment contribuer à diminuer les risques et maximiser les opportunités ? Les « leviers » disponibles sont bien connus mais pas toujours aisés à actionner. Il y a d’abord tout le volet légal avec des dispositions nationales qui s’inscrivent souvent dans des démarches européennes.</p>
<p>Même si l’espace européen est bien plus protecteur que la plupart des autres régions du monde, on observe combien le lobbying joue efficacement contre la régulation. Rappelons ici l’exemple du cheminement décevant de la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/283359-loi-studer-2-mars-2022-controle-parental-sur-internet-par-defaut">loi Studer</a>, votée le 2 mars 2022, sur l’installation obligatoire et l’activation automatique d’un système de contrôle parental sur les équipements numériques des mineurs. Loi dont les décrets d’application sont venus amoindrir la portée du projet initial, pourtant salué de toutes parts.</p>
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<p>Ainsi, comme le soulignent plusieurs avis de la CNIL, l’inscription de <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-rend-son-avis-sur-les-decrets-relatifs-au-controle-parental">ce contrôle parental</a> au Code des postes et communications électroniques est imprécise et peu exigeante : le contrôle du temps d’utilisation et de la vérification d’âge n’est pas obligatoire, les obligations concernant le filtrage de la navigation Internet sont minimales et conditionnées par leur faisabilité technique.</p>
<p>L’autre levier est constitué de tout ce qui peut favoriser l’autorégulation des usages, autrement dit <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-et-le-collectif-educnum-appellent-les-pouvoirs-publics-developper-leducation-au-numerique">l’éducation au numérique</a>, aux médias et à l’information, en lien avec une éducation au comportement éthique et responsable. Cela suppose de penser plus largement les places et rôles respectifs des parents et de l’école.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-les-enfants-comprennent-du-monde-numerique-214295">Ce que les enfants comprennent du monde numérique</a>
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<p>Cela suppose des dispositifs et ressources d’accompagnement à l’e-parentalité. Cela suppose également une institutionnalisation plus importante et plus exigeante de <a href="https://theconversation.com/education-aux-medias-et-a-linformation-la-generalisation-et-apres-177372">l’éducation au numérique et à l’information</a>, donnant encore plus d’ampleur au travail engagé depuis longtemps par des services de l’État comme le <a href="https://www.clemi.fr/">CLEMI</a>. Tout ceci suppose enfin une démarche collégiale et un débat citoyen pour construire un véritable projet éducatif équilibré.</p>
<p>Pour ce faire, le principe de la constitution du groupe d’experts annoncée le 16 janvier est positif. Cependant, il est regrettable que la présence de la recherche soit aussi faible et que les jeunes, les familles et les associations dont l’expérience de terrain est si précieuse n’y participent pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour les travaux de recherche qui ont permis la rédaction de cet article, l'unité de recherche Techné où travaille Jean-François Cerisier, a reçu des financements de collectivités territoriales (Région Nouvelle-Aquitaine, Grand-Poitiers), de l'État (MENJ, SGPI), de la Fondation MAIF et de la Banque des territoires .</span></em></p>En janvier dernier, le président de la République s’est élevé contre les dangers des écrans et a mis en place un comité d’experts pour réfléchir à la régulation des usages numériques. Qu’en attendre ?Jean-François Cerisier, Professeur de sciences de l'information et de la communication, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231092024-03-05T16:01:10Z2024-03-05T16:01:10ZLes scientifiques héroïnes de fiction influencent-elles les choix d’orientation des adolescentes ?<p>Les filles n’auraient-elles que peu d’intérêt pour les sciences ? C’est ce que pourrait laisser penser <a href="https://www.education.gouv.fr/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-l-enseignement-superieur-edition-2023-357695">leur sous-représentation persistante dans les filières et professions dédiées à ces disciplines</a>. Pourtant, les <a href="https://www.autrement.com/la-bosse-des-maths-nexiste-pas/9782746755734">recherches</a> en sociologie montrent que ce n’est pas faute de goût ou d’aptitudes qu’elles sont <a href="https://www-cairn-info.srvext.uco.fr/revue-francaise-de-pedagogie-2021-3-page-109.htm">relativement absentes de ces domaines</a>.</p>
<p>Une explication se situerait plutôt du côté des normes sociales qui influencent les filles dans leurs choix. Si la famille et l’école jouent un rôle important dans l’incorporation de ces normes, la culture, par les représentations et les modèles qu’elle véhicule, contribue à structurer le rapport que les adolescentes ont aux sciences et à influencer leurs choix d’orientation. C’est ce que montrent les résultats de l’<a href="https://www.lecturejeunesse.org/wp-content/uploads/2023/09/LJ_Filles-et-Sciences.pdf">enquête initiée et encadrée par l’association Lecture Jeunesse</a>, soutenue par le ministère de la Culture.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/miss-france-ambassadrice-des-maths-aupres-des-filles-220298">Miss France, ambassadrice des maths auprès des filles ?</a>
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<p>En enquêtant auprès de 45 lycéennes amatrices de mathématiques, nous avons cherché à répondre aux questions suivantes : quels contenus culturels les filles qui aiment les sciences consomment-elles ? Quel rapport ont-elles à ces contenus et comment ceux-ci façonnent leurs représentations des sciences ? Existe-t-il des <em>role models</em> féminins, réels ou fictifs, qui inspirent et encouragent ces filles à s’engager dans des voies scientifiques ?</p>
<p>Dans le cadre de cette recherche, le terme « science » désigne l’ensemble des disciplines relevant des sciences formelles, de la matière et de la vie, par opposition aux sciences humaines et sociales. L’enquête examine l’ensemble des supports culturels (contenus écrits et audiovisuels, musées, jeux, pratiques amateurs, etc.) qui diffusent les sciences, ensemble désigné sous le terme de culture scientifique.</p>
<h2>Les loisirs scientifiques, une pratique minoritaire chez les adolescentes</h2>
<p>La culture scientifique des lycéennes est peu développée : sur les 45 filles interrogées, seules neuf déclarent avoir des loisirs scientifiques réguliers. L’influence de l’origine sociale sur ces activités est notable : les filles issues des milieux favorisés les plus dotées en capital économique et culturel sont plus susceptibles d’avoir des loisirs scientifiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-si-peu-de-filles-en-mathematiques-222028">Pourquoi si peu de filles en mathématiques ?</a>
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<p>L’étude révèle en outre que, si goût des lettres et goût des sciences ne sont pas incompatibles, les lectures d’ouvrages scientifiques demeurent rares. En effet, alors que les trois-quarts des filles disent aimer lire et y consacrer du temps, seulement cinq d’entre elles lisent des ouvrages de sciences. Les lectures scientifiques sont donc minoritaires, même chez les grandes lectrices.</p>
<p>Invitées à chercher les sciences dans tous les livres, films ou séries qu’elles connaissent, les filles identifient quelques titres (films de science-fiction, biopics de scientifique, séries, <em>animes</em>, etc.) qu’elles associent à la thématique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques exemples de titres que les filles associent aux science.</span>
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<p>Les adolescentes sont néanmoins peu attachées à ces contenus qu’elles ne regardent qu’occasionnellement. Elles ne les envisagent pas comme des supports d’apprentissage des sciences, ce qui contraste avec l’usage didactique qu’en font les garçons qui, comme l’a montré le chercheur David Peyron, <a href="https://davidpeyron.wordpress.com/textes-et-extraits/science-fiction-et-etudes-scientifiques-comment-les-amateurs-justifient-ils-les-liens-entre-pratiques-culturelles-et-etudes-menees/">perçoivent « le monde imaginaire comme lieu d’expérimentation des savoirs »</a>.</p>
<p>Enfin, lorsque les adolescentes apprécient ces contenus, c’est rarement en raison de leur dimension scientifique. <em>Les figures de l’ombre</em>, qui relate l’histoire de trois femmes ingénieures afro-américaines travaillant pour la NASA, est par exemple le « film préféré » de l’une des adolescentes interrogées. Or, cette dernière précise bien que son intérêt pour le film n’est pas dû à sa dimension scientifique :</p>
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<p>« Je pense que ça me plait aussi beaucoup parce qu’il y a un rapport avec la société : c’est des femmes noires, c’est un combat… c’est pas juste des sciences. J’pense qu’un film ou un livre juste sur les sciences… je ne sais pas si ça me suffirait. »</p>
</blockquote>
<h2>La mise à distance des loisirs scientifiques alimente un sentiment d’incompétence en sciences</h2>
<p>Pour la plupart des adolescentes, tout ce qui touche aux sciences relève du travail scolaire et n’est pas perçu comme une source possible de divertissement. Certaines filles rejettent même avec véhémence l’idée d’avoir une passion extrascolaire pour les sciences.</p>
<p>À travers ce rejet se joue une mise à distance de la figure repoussoir du <em>geek</em> « qui aime les maths, les mangas et les jeux vidéo » et qui consacre son temps libre aux sciences. Pour les filles, situer les sciences hors du champ des loisirs revient ainsi à rejeter l’assignation au masculin qui accompagne l’investissement des sciences.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Echange issu des entretiens qualitatifs menés dans le cadre de l’enquête de Lecture Jeunesse.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette mise à distance empêche la naissance d’un sentiment de familiarité avec les sciences qui nourrit la confiance en soi dans ces disciplines. Par ailleurs, la culture scientifique est un attendu implicite des filières académiques puis des milieux professionnels scientifiques. La méconnaissance de certaines références culturelles scientifiques est perçue comme un manquement et exclut les filles des dynamiques de groupe dans ces environnements.</p>
<p>Au bout de compte, cela alimente chez les filles le sentiment que leur travail ne fera jamais le poids contre la culture accumulée des garçons, et conduit en parallèle leurs camarades et collègues masculins à les juger incompétentes.</p>
<h2>Investir le pouvoir incluant de la culture à travers les « role models » féminins</h2>
<p>À travers les mécanismes d’identification qu’ils permettent, les objets culturels ont le pouvoir d’inspirer les jeunes filles en leur proposant des modèles féminins. Or, dans son état actuel, la culture scientifique est excluante : les femmes y sont invisibilisées ou représentées de façon stéréotypée.</p>
<p>Les rares représentations de femmes scientifiques sont en outre souvent contreproductives. Figures trop impressionnantes pour susciter l’identification, femmes dotées d’un don inné pour les sciences ou ayant dû faire face à l’adversité pour suivre leur vocation : les représentations féminines dans l’offre culturelle contemporaine véhiculent l’idée que les femmes scientifiques ne peuvent pas être des femmes ordinaires et heureuses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemples de figures féminines contreproductives.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La création de modèles de proximité est donc fondamentale : les adolescentes ont besoin de rencontrer des femmes scientifiques ordinaires et accessibles. Le rôle majeur que peut jouer la fiction est encore insuffisamment investi : les modèles féminins efficaces pour donner aux filles l’envie de s’engager vers les sciences sont encore à inventer.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par Clémence Perronnet, Lydie Laroque et Aurore Mantel (de l’association <a href="https://www.lecturejeunesse.org/">Lecture Jeunesse</a>).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clémence Perronnet a reçu pour cette étude une bourse de La Chaire Femmes et Sciences, Paris-Dauphine PSL Université (en partenariat avec la Fondation L’Oréal, La Poste, Generali France, Safran et Talan).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lydie Laroque est membre du laboratoire EMA et du comité scientifique de Lecture Jeunesse</span></em></p>Existe-t-il des « role models » féminins, réels ou fictifs, qui inspirent et encouragent ces filles à s’engager dans des voies scientifiques ?Clémence Perronnet, Chercheuse en sociologie à l'Agence Phare rattachée au Centre Max Weber (UMR 5283), ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244542024-03-04T16:55:16Z2024-03-04T16:55:16ZDiriger un établissement scolaire à l’ère post-Covid : des risques psychosociaux qui persistent<p>Au printemps 2023, alors que la pandémie Covid-19 passait à l’arrière-plan des préoccupations mondiales, le <a href="https://www.educationsolidarite.org/barometre-i-best-2023/">Baromètre I-BEST</a> (International barometer of education staff) s’est penché sur le vécu professionnel et le bien-être des personnels de l’éducation à travers le monde. Parmi les 26 000 participants issus de quatre continents, près d’un millier étaient des chefs d’établissements scolaires, essentiellement en France, en Espagne et en Argentine.</p>
<p>Les personnels de direction des écoles, des collèges ou des lycées assurent au quotidien les missions administratives et pédagogiques indispensables au bon fonctionnement de la structure placée sous leur responsabilité, rendant ainsi l’environnement propice à l’apprentissage des élèves qui la fréquentent. Ces professionnels doivent faire face à des <a href="https://www.aderae.ca/wp-content/uploads/2017/12/Revue_ERAdE_Vol1_No1_Pelletier.pdf">contraintes spécifiques</a> : charge importante de travail et horaires irréguliers, omniprésence de problèmes notamment d’ordre relationnel, isolement lié à la position, etc.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseigner-en-france-en-espagne-au-royaume-uni-un-bien-etre-professionnel-qui-se-degrade-214778">Enseigner en France, en Espagne, au Royaume-Uni : un bien-être professionnel qui se dégrade ?</a>
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<p>La pandémie Covid-19, en plaçant les personnels de direction en première ligne dans l’organisation aussi bien des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/24/nos-ecoles-continuent-de-tourner-le-quotidien-des-chefs-d-etablissement-pendant-le-confinement_6034173_3224.html">périodes d’école à la maison</a> que de retour sur site, a encore renforcé les défis du métier. Mais alors, en 2023, quels sont les facteurs de <a href="https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%208002">risques psychosociaux</a> auxquels sont soumis ces personnels et comment vont-ils au décours de la crise sanitaire ?</p>
<h2>Des risques psychosociaux bien présents</h2>
<p>Les personnels de direction des établissements d’enseignement qui ont participé au baromètre I-BEST 2023 exerçaient presque tous dans l’enseignement public. Dans l’échantillon français, 80 % y exerçaient dans le premier degré. Dans les échantillons espagnol et argentin, les personnels de direction du second degré (cheffes et chefs d’établissement) étaient un peu plus représentés : 51 % et 35 % des échantillons respectivement.</p>
<p>Au regard des sex-ratios des échantillons de répondants, le métier de personnel de direction des établissements d’enseignement dans ces 3 pays apparaît largement féminisé avec plus de deux tiers de femmes, et même près de 9 sur 10 en Argentine. On remarque tout de même que la présence masculine augmente avec le niveau d’enseignement.</p>
<p>Constat partagé par les personnels de direction des trois pays enquêtés : le volume de travail est important et le stress omniprésent. Au moins deux tiers des personnels de direction qualifient d’assez ou de très stressant leur métier (respectivement 86 % en France, 78 % en Espagne et 67 % en Argentine) et ce ressenti est significativement moins favorable que celui de leurs collègues enseignants (73 % des enseignants en France, 65 % en Espagne et 46 % en Argentine).</p>
<p>En moyenne, un personnel de direction travaille plus de 40 heures par semaine, de l’ordre d’une cinquantaine d’heures hebdomadaire en France dans le second degré par exemple. D’ailleurs, le sentiment de déséquilibre vie professionnelle/personnelle est largement répandu pour ces personnels (Figure 1).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Si les facteurs d’intensité du travail sont bien présents dans le métier, les personnels de direction semblent a contrario bénéficier d’une bonne autonomie de travail, avec une très large majorité des répondants qui la qualifie de « bonne » ou du moins de « relative ». En France tout de même, 1 personnel de direction sur 6 considère avoir peu ou pas d’autonomie au travail et la fréquence de cette opinion négative contraste défavorablement avec celle de leurs collègues enseignants (Figure 1).</p>
<p>Plus préoccupant : l’exposition des personnels de direction des établissements d’enseignement à la violence professionnelle. En France, 1 personnel de direction sur 2 a été victime de violence au travail dans les 12 derniers mois, là où 1 enseignant sur 3 déclarait déjà avoir été victime. Pour les personnels de direction en Espagne et Argentine, la violence au travail semble moins courante qu’en France, et à peu près aussi fréquente que celle rapportée par les personnels enseignants de ces pays, mais reste non négligeable : 18 % de personnels de direction victimes dans l’année écoulée en Espagne et 26 % en Argentine (Figure 1).</p>
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<p>Toutefois, lorsqu’elles sont considérées « en général », les relations qu’entretiennent les personnels de direction avec les différents membres de la communauté éducative sont évaluées très positivement, et cette opinion tend à être meilleure que celle exprimée par leurs collègues enseignants. Ainsi, le taux de satisfaction des personnels de direction est presque de 100 % concernant la relation avec les élèves et dépasse 90 % pour la relation avec les parents et les autres membres du personnel respectivement. La relation avec la ligne hiérarchique prête à un peu plus de réserve, en particulier en France. Les personnels de direction apparaissent y plébisciter un meilleur soutien de la part des supérieurs, y compris sur les questions de qualité de vie au travail.</p>
<h2>Selon le pays, un bien-être contrasté</h2>
<p>Concernant les aspects motivationnels tels que les possibilités de formation, les opportunités de carrière et le niveau de salaire, l’avis des personnels de direction apparaît assez favorable en Argentine, intermédiaire en Espagne et plus négatif en France (Figure 3). Comparés aux enseignants, les personnels de direction semblent un peu plus satisfaits de leurs opportunités de carrière et de leur salaire.</p>
<p>Si, dans les trois pays, une grande majorité des personnels de direction considèrent que leur métier n’est pas valorisé dans la société (93 % en France, 81 % en Espagne, 71 % en Argentine), cette opinion négative des personnels de direction reste toutefois légèrement moins répandue que parmi leurs collègues enseignants.</p>
<p>Qu’en est-il globalement de la satisfaction au travail des personnels de direction ? En Espagne et en Argentine, elle se maintient, avec plus de 7 personnels de direction sur 10 qui choisiraient le métier si c’était à refaire. En France, avec seulement la moitié des personnels qui choisiraient de nouveau ce métier, la satisfaction apparaît entamée.</p>
<p>En cohérence, les indicateurs de bien-être généraux des personnels de direction indiquent une situation préoccupante en France, intermédiaire en Espagne et plus favorable en Argentine, que l’on s’intéresse au bien-être subjectif, ou encore à la santé mentale.</p>
<p>Notamment, le bien-être subjectif des personnels de direction apparait particulièrement fragilisé en France, avec au moins un personnel sur 2 qui se situe sur la partie inférieure d’une échelle à 8 degrés (Figure 4). La santé psychologique est non seulement préoccupante en France, mais aussi en Espagne, avec plus de 4 personnels de direction sur 10 qui ressentent souvent, très souvent ou toujours, des sentiments négatifs tels que l’anxiété ou la dépression dans ces deux pays (Figure 4).</p>
<p>Au final, dans trois pays aux conjonctures, cultures et systèmes éducatifs divers, les personnels de direction apparaissent exposés à des risques psychosociaux significatifs. Le bien-être subjectif des personnels de direction est néanmoins plus contrasté selon le pays. En décrivant ces situations à partir de données récentes, I-BEST contribue à identifier des voies d’améliorations tenant compte de la réalité du terrain. En particulier, les facteurs et organisations dans les pays où les indicateurs de bien-être sont les plus favorables représentent autant de <a href="https://www.cnesco.fr/le-bien-etre-a-lecole/">pistes à considérer</a> pour les pays où de fortes marges de progression existent.</p>
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<p><em>Remerciement : le Réseau Éducation et Solidarité et tous ses partenaires pour la mise en œuvre d’I-BEST ; Nathalie Billaudeau pour les statistiques et les figures ; Nathalie Billaudeau, Pascale Lapie-Legouis, Karim Ould-Kaci, Ange-Andréa Lopoa et Morgane Richard pour la relecture de l’article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noël Vercambre-Jacquot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En première ligne pendant la pandémie de Covid, les personnels de direction ont vu les défis de leur métier se renforcer. Le baromètre I-BEST a évalué leur bien-être aujourd’hui.Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Chercheur épidémiologiste, Fondation d'entreprise pour la santé publiqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2215192024-03-03T15:56:34Z2024-03-03T15:56:34Z« L’envers des mots » : Illectronisme<p>La crise sanitaire du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/Covid-19-82467">Covid-19</a> a fait ressortir certaines carences profondes au sein de la société française, mettant particulièrement en avant deux enjeux critiques : les défaillances de notre système de santé et l’exclusion numérique touchant une partie de la population. L’essor sans précédent du télétravail, de <a href="https://theconversation.com/Covid-19-ce-que-la-continuite-pedagogique-nous-apprend-de-lecole-138340">l’éducation en ligne</a> et des procédures administratives dématérialisées a mis en évidence l’incapacité de nombreux individus à s’équiper ou à maîtriser les outils numériques nécessaires.</p>
<p>Ce déficit de compétences et d’accès numériques a engendré des disparités dans l’utilisation de services éducatifs, professionnels et essentiels. Certaines familles, en particulier celles issues de milieux défavorisés, ont rencontré des difficultés significatives pour accéder aux ressources éducatives et juridiques en ligne, mettant en lumière l’impératif d’adopter une politique nationale visant à assurer l’inclusion numérique universelle et à pallier cette vulnérabilité spécifique. Cette forme de précarité est connue sous le nom d’illectronisme.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-numerisation-des-administrations-produit-tensions-et-exclusion-207049">La numérisation des administrations produit tensions et exclusion</a>
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<p>Ce concept trouve ses racines dans une notion plus ancienne, celle de <a href="https://hal.science/hal-01084077/document">fracture numérique</a>. Née au début des années 1990, elle se concentrait initialement sur la disparité d’accès aux technologies, soulignant une fragmentation principalement basée sur des critères matériels et géographiques. Toutefois, avec le temps, cette notion s’est enrichie pour englober non seulement l’accès aux outils numériques, mais aussi la capacité à les utiliser efficacement : prendre en main le clavier et la souris, naviguer sur Internet, etc. Cette dimension est devenue centrale dans la compréhension de l’illectronisme.</p>
<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2022-1-page-33.htm">l’illectronisme englobe un ensemble complexe de difficultés et de carences dans le domaine numérique</a>. Il concerne les situations où les individus font face à des obstacles, non seulement dans l’utilisation des technologies, mais aussi dans leur compréhension de l’architecture globale du système. Cela inclut des défis liés à la manipulation d’interfaces numériques, comme la maîtrise du bureau ou du navigateur.</p>
<p>Au-delà des compétences techniques, ce concept révèle également un manque d’acculturation au référentiel numérique. Cela se traduit par une méconnaissance et une incompréhension des symboles, des codes et des éléments de langage – comme l’icône wifi, le symbole hashtags ou les émoticônes – qui constituent le tissu de la culture numérique. Cette dimension est tout aussi importante, car elle influence la manière dont les individus perçoivent et interagissent avec le monde numérique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-images-acces-usages-intelligence-artificielle-les-trois-fractures-numeriques-171191">En images : accès, usages, intelligence artificielle, les trois fractures numériques</a>
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<p>Cependant, définir l’illectronisme dans sa globalité est complexe. Au vu de la grande diversité des compétences numériques et des inégalités en œuvre dans les usages, cette notion souffre d’un déficit théorique. <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/definition/illectronisme">Le Robert définit l’illectronisme</a> comme l’« état d’une personne qui ne maîtrise pas l’usage des ressources électroniques ». Résumer ce concept en une non-maîtrise des usages électroniques revient à considérer ce problème comme binaire et stipule que les personnes sont, ou ne sont pas, en situation d’illectronisme.</p>
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<p>Dans un contexte de numérisation croissante où les démarches administratives, la recherche d’emploi et l’accès au soin se font de plus en plus en ligne, l’illectronisme soulève des questions cruciales d’inclusion sociale et économique. Son émergence en tant que problème public reflète une prise de conscience collective de son impact sur l’équité et l’accessibilité dans une société toujours plus connectée.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-flow-195489"><em>« L’envers des mots » : Flow</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-agisme-215353"><em>« L’envers des mots » : Âgisme</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/221519/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Jarousseau est membre de l'association Emmaüs Connect. Il a reçu des financements de l'ANRT. </span></em></p>Né de la fracture numérique, l’illectronisme s’étend au-delà de l’accès matériel, englobant défis d’utilisation et compréhension des technologies.Guillaume Jarousseau, Doctorant au Centre d'analyse et de recherche interdisciplinaires sur les médias (CARISM), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224422024-02-29T16:25:31Z2024-02-29T16:25:31ZPourquoi lire des histoires aux bébés prématurés ?<p>Aux États-Unis, de plus en plus de services de néonatologie mettent en place des programmes de lecture destinés aux bébés prématurés et à leurs parents. Leurs noms : « Goslings », <a href="https://www.babieswithbooks.org/">« Babies with Books »</a>, <a href="https://album50.hypotheses.org/3523">« Reach Out and Read »</a>, « Little Readers », « Bookworm »…</p>
<p>Les initiatives françaises sont plus rares, mais se développent à leur tour. Au <a href="https://www.linkedin.com/posts/chu-nantes_livres-lecture-maternit%C3%A9-activity-7069933010892021760-2r_2/">Centre hospitalier universitaire de Nantes</a> par exemple, une petite bibliothèque d’albums est à la disposition des parents de prématurés. <a href="https://album50.hypotheses.org/7597">À Amiens</a>, ce sont les psychiatres de liaison qui viennent lire des histoires aux bébés. Ailleurs, des bénévoles ou des salariés d’associations se relaient. <a href="https://www.touraine-actualites.fr/actualites-departementales/solidarites/actualites-solidarites/lisons-aux-nourrissons-lire-pour-entourer-des-bebes-fragiles.html">À Tours</a>, un petit groupe réunissant bibliothécaires, lectrice salariée et chercheuse vient chaque semaine partager des histoires dans le service.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lecture-comment-choisir-un-album-qui-peut-vraiment-plaire-aux-enfants-140965">Lecture : comment choisir un album qui peut vraiment plaire aux enfants</a>
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<p>L’idée peut paraître d’abord saugrenue, aux parents comme aux soignants : pourquoi lire aux bébés des récits qu’ils sont bien trop petits pour comprendre ? Cependant, la mise en place de ces programmes repose sur des motivations rationnelles. Elles s’appuient sur l’importance des <a href="https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2013-2-page-34.htm">soins dits « de développement »</a>, qui recouvrent tout ce qui, au sein de ces services de grande technicité, ne sert pas prioritairement à faire survivre l’enfant mais l’engage dans son développement ultérieur.</p>
<h2>Faire entendre au bébé la voix de ses parents dans un univers médical</h2>
<p>Un bébé qui naît avec beaucoup d’avance peut être conduit à passer de longues semaines dans un service hospitalier dans lequel le bruit, la lumière, un excès ou un défaut de stimulation peuvent gêner son développement. De là, le risque qu’il manifeste des difficultés directement liées à ses conditions d’hospitalisation.</p>
<p>Pour prévenir ces problèmes, les soins de développement s’intéressent à tout son environnement : sa position dans son incubateur, son environnement sensoriel (lumière, sons), son soutien affectif. <a href="https://album50.hypotheses.org/7350">Des études extrêmement rigoureuses</a> ont ainsi montré que la présence des parents est bénéfique au développement du bébé, et qu’il faut tout faire pour encourager cette présence.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En découvrant l’effet des nuisances sonores sur le bébé prématuré, on a aussi pris conscience du soutien que pouvait apporter la <a href="https://album50.hypotheses.org/7380">musique</a>, surtout si elle est chantée par les parents. Ce faisant, c’est l’importance fondamentale de la <a href="https://www.theses.fr/2013PA100199">voix des parents</a>, et en particulier de la mère, qui a intéressé les chercheurs : on incite désormais fortement les parents à parler et <a href="https://www.cairn.info/revue-contraste-2010-2-page-103.htm">chanter à leur bébé</a>. C’est dans ce cadre que sont apparues les premières manifestations d’intérêt pour la lecture en néonatologie : le support du livre apparaissait comme un vecteur naturel pour la voix des parents.</p>
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<figcaption><span class="caption">Accueil et parcours d’un bébé prématuré (CHU de Nantes, 2015).</span></figcaption>
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<p>Les programmes de lecture introduisent dans l’environnement très technique des services de néonatologie les objets « ordinaires » de la puériculture qui n’y ont que peu de place habituellement. Pour les parents, l’arrivée d’albums colorés ou tendres dans une chambre dominée par les écrans de contrôle et les appareils de soutien vital est un appel à l’univers de l’enfance et pas vers la médecine.</p>
<p>Ces livres multicolores rappellent que le bébé va sortir de son incubateur, qu’il sera un être avec lequel les interactions seront plaisantes. La présence des albums aide les parents à se projeter, alors que l’anxiété autour de la santé du bébé au jour le jour produit une sidération qui arrête le temps.</p>
<h2>Instaurer un échange par la musicalité des textes et les couleurs des albums</h2>
<p>Par ailleurs la <a href="https://theconversation.com/lire-un-texte-a-haute-voix-aide-t-il-a-le-comprendre-172632">lecture à haute voix</a>, proposée aux bébés lors de leurs brefs moments d’éveil calme, accompagne les parents dans la construction de leur lien à leur enfant. La musicalité des textes sollicite ses compétences auditives : le rythme d’une comptine, la variation d’intensité de la voix lisante tranchent sur l’environnement sonore pauvre de l’unité néonatale, et il n’est pas rare qu’à cette écoute, le <a href="https://album50.hypotheses.org/7597">bébé ouvre un œil, arrête un mouvement, tourne la tête</a>. Les parents s’émerveillent : « il entend ! », « il réagit ! »</p>
<p>Les bébés prématurés ont une perception visuelle encore à parfaire, mais les formes simples et les couleurs éclatantes des livres pour les tout-petits sont adaptées à leurs capacités : voilà un bébé qui fixe intensément l’objet livre, qui suit du regard le personnage sur la page, qui tourne la tête pour ne pas en perdre une miette. Les parents alors constatent : « il est attentif ! », « il regarde ! »</p>
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<figcaption><span class="caption">Le chant pour apaiser les bébés prématurés (Sud-Ouest, 2020)</span></figcaption>
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<p><a href="https://link.springer.com/epdf/10.1007/s10583-023-09564-6?sharing_token=bbZYTsJBfaizGZiV40dRuPe4RwlQNchNByi7wbcMAY7dWuySfZpA-rSojuFfLOX-hlXg0ni8Wz55Na6alYvDlCEDuRjdOzJJOzCkwS2i_Ci95ke87u-5ggh8at4MsDJE9FrKUrrxd_LPI6QeWYBCKcvTaPS9fiqh1UUMXeaTar8%3D">Les albums pour tout-petits</a> sont construits autour de structures narratives élémentaires, souvent avec une chute fortement marquée, qui fait parfois réagir les bébés : l’un ouvre subitement les yeux, l’autre s’étire, un autre encore vocalise. Les parents sont intrigués, ravis : « il s’intéresse ! » Soudain, ce bébé qu’ils percevaient surtout par le prisme de ses incapacités (il ne respire ni ne mange encore tout seul), devient un enfant plein de compétences, qu’ils peuvent admirer et encourager.</p>
<p>Si les premières lectures peuvent être faites par des intervenants (soignants, ou extérieurs au milieu médical), laisser les livres dans les chambres permet ensuite aux parents de reprendre seuls les albums, dans des moments d’intimité, et les partager à leur tour avec leur bébé. <a href="https://album50.hypotheses.org/5495">Ces parents à qui l’équipe soignante conseille de « parler » à leur bébé</a> sont parfois à court de sujets de conversation, à court de mots : les albums leur « prêtent » alors ces mots qui leur manquent.</p>
<p>Quand ils ont à choisir, les parents sélectionnent souvent des <a href="https://album50.hypotheses.org/6505#Etlesb%C3%A9b%C3%A9s">albums à la thématique tendre</a>, dont le titre, à la première ou à la deuxième personne, en fait leur « porte-parole » : <em>Devine combien je t’aime</em>, <em>Je serai toujours là pour toi</em>, <em>À quoi rêves-tu bébé ?</em> Par l’intermédiaire du livre, la voix des parents porte jusqu’au bébé les mots qu’ils n’ont pas trouvés seuls, mais qui traduisent leur émotion.</p>
<h2>Par la lecture, sortir de la sidération et se projeter vers l’avenir</h2>
<p>Faire la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/histoires-les-adultes-feraient-bien-de-redecouvrir-le-plaisir-de-la-lecture-a-haute-voix">lecture à haute voix</a> à des parents, bouleversés par une naissance prématurée ou une information médicale inquiétante, peut leur permettre de vivre un moment d’évasion en harmonie avec leur bébé. Écrasés par la responsabilité, parfois la culpabilité qui va avec la maladie d’un enfant, voilà qu’on leur accorde un moment pour eux, de pur plaisir. Ils reçoivent la lecture d’une histoire, un instant recueillis autour de leur enfant, uniquement occupés du plaisir de la langue et des images, et de la joie de voir leur bébé s’éveiller. Ce moment, pourtant très bref, <a href="https://www.cairn.info/lire-a-haute-voix-des-livres-aux-tout-petits--9782749206790-page-111.htm">restera inscrit dans leur mémoire émotionnelle</a> de cette naissance bouleversée.</p>
<p>Le partage de lecture s’attache alors durablement à un souvenir de plaisir, de détente, d’émotion. On peut supposer que cela facilite la pratique familiale de la lecture, si favorable au développement du langage et à la littératie, cet ensemble de familiarisations précoces qui permettent ultérieurement l’entrée dans l’écrit. Ces bébés, que leur naissance prématurée expose davantage aux retards de langage et aux difficultés d’apprentissage, bénéficieront d’autant plus de ces expositions familiales aux livres et aux lectures, dont la <a href="https://album50.hypotheses.org/6179">littérature scientifique</a> a démontré qu’elles étaient déterminantes pour l’ensemble du développement cognitif.</p>
<p>Implanter des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27777407/">programmes de lectures d’albums pour enfants dans un service de néonatologie</a> ne tombe pas sous le sens, mais a montré son intérêt. Même les soignants reconnaissent que le climat change dans les chambres, et que les histoires lues aux bébés qu’ils et elles soignent leur permettent de voir leurs petits patients sous un autre jour. La présence des livres aide les <a href="https://www.cairn.info/le-debut-de-la-vie-d-un-grand-premature--9782749207476-page-205.htm">parents</a> à sortir de leur sidération et à <a href="https://www.cairn.info/revue-contraste-2015-1-page-65.htm?ref=doi">se projeter vers l’avenir</a>.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/comment-la-lecture-enrichit-leducation-des-enfants-116309">partage d’une lecture avec la famille</a> permet aux parents à regarder leur enfant sous l’angle de ses aptitudes. Les livres, laissés dans les chambres pendant la durée de l’hospitalisation, soutiennent le déclenchement de la parole adressée au bébé, très favorable à son soutien. Et l’expérience positive, en termes d’évasion, de plaisir et de symbiose, représentée par une lecture offerte et partagée en famille, permet d’associer durablement lecture et plaisir, ce qui augure favorablement des pratiques de littératie familiale ultérieures, prédictives de développement langagier et cognitif harmonieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Boulaire est membre de l'association Livre passerelle.</span></em></p>Aux États-Unis mais aussi en France, de plus en plus de services de néonatologie mettent en place des programmes de lecture destinés aux bébés prématurés et à leurs parents. Qu’en dit la recherche ?Cécile Boulaire, Maîtresse de conférences en littérature pour la jeunesse, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2236612024-02-28T15:34:42Z2024-02-28T15:34:42ZLe français facile à lire et à comprendre (FALC), une démarche inclusive qui questionne le rapport à la langue<p>Si la notion de langue maternelle semble évidente, elle est nettement plus discutée dans la <a href="https://journals.openedition.org/dhfles/8683">recherche en linguistique</a>. Pour en donner une définition globale, la psycholinguistique s’intéresse à la façon dont les langues sont acquises et concrètement <a href="https://www.cairn.info/les-regulations-du-discours--9782130377696-page-13.htm">mises en œuvre dans des tâches de communication</a>. La sociolinguistique explore quant à elle la manière <a href="https://books.openedition.org/pufc/36905">dont ces mêmes langues sont articulées sur l’environnement social</a> dans lequel elles sont utilisées.</p>
<p>Parmi les acquis de ces recherches, on retiendra la reconnaissance d’une complexité insoupçonnée de la notion et celle de ses limites. Complexité car les critères de définition ne sont pas simples à donner : <a href="https://www.cairn.info/revue-ela-2003-2-page-137.htm">langue parlée par les parents</a> ? Langue de socialisation, en particulier en termes de scolarisation ? Langue dite d’appartenance, avec toute la complexité qui accompagne aussi la <a href="https://books.openedition.org/pupvd/299">notion d’identité</a> ? Langue légale – par exemple ce français dont l’article 2 de la Constitution nous dit qu’il est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000571356/">« la langue de la République »</a> ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-les-enjeux-de-lecole-inclusive-avec-disney-et-pixar-151125">Comprendre les enjeux de l’école inclusive avec Disney et Pixar</a>
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<p>La notion de langue maternelle a des limites ensuite car, dans le monde actuel, la langue n’est plus envisagée comme un système monolithique de mots et de règles de grammaire. Les phénomènes de migration, les échanges scolaires, universitaires, professionnels à l’échelle internationale font que, contrairement à un mythe très franco-français qui associe une <a href="https://www.raco.cat/index.php/Estudis/article/download/8261/304008">langue à une nation</a>, la plupart des locuteurs dans le monde sont intrinsèquement <a href="https://theconversation.com/pourquoi-autoriser-le-melange-des-langues-a-lecole-182919">plurilingues</a>.</p>
<p>La notion de plurilinguisme est aujourd’hui aussi appliquée au locuteur « apparemment monolingue » à travers ce que l’on appelle le plurilinguisme interne ; celui-ci <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2004-2-page-11.htm">« se réfère aux stratifications internes dans un même système linguistique »</a>, c’est-à-dire les différents variétés et registres dont nous disposons pour répondre à nos besoins linguistiques. <a href="http://glottopol.univ-rouen.fr/numero_34.html">Ce peut être une langue régionale, un dialecte</a> mais aussi une variété de groupe, comme le <a href="https://www.cairn.info/plurilinguisme-entreprises-economie-et-societe--9782953729979-page-205.htm">langage des jeunes</a> – ou une variété fonctionnelle – le <a href="https://theses.hal.science/tel-00944009">langage contraint des contrôleurs aériens et pilotes d’avion</a> par exemple.</p>
<p>Parmi les variétés émergentes qui viennent bouleverser notre représentation de la langue maternelle figurent aussi les langues dites simplifiées. Évoquons le cas du « français facile à lire et à comprendre » (FALC).</p>
<h2>Communication sans barrière et inclusion</h2>
<p>Le « français facile à lire et à comprendre » s’inscrit de plain-pied dans la problématique de ce qu’on appelle la <a href="https://hilpub.uni-hildesheim.de/entities/publication/fca32f57-ccf9-479a-9e44-b40ec9539e8e/details">communication sans barrière</a> et, en particulier, de <a href="https://www.frank-timme.de/de/programm/produkt/translation-mediation_and_accessibility_for_linguistic_minorities">l’accessibilité linguistique</a>.</p>
<p>Même si les normes varient souvent d’une langue à l’autre, on peut définir la communication sans barrière comme une forme de communication qui considère que la communication dite « standard » peut présenter des obstacles linguistiques, cognitifs, typographiques pour différentes personnes. Elle part donc des besoins spécifiques des publics, par exemple les personnes présentant des déficiences cognitives, les personnes âgées, celles dont le français n’est pas la langue première, etc.</p>
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<img alt="Des livres et des e-books" src="https://images.theconversation.com/files/578028/original/file-20240226-16-vw7e0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578028/original/file-20240226-16-vw7e0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578028/original/file-20240226-16-vw7e0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578028/original/file-20240226-16-vw7e0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578028/original/file-20240226-16-vw7e0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578028/original/file-20240226-16-vw7e0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578028/original/file-20240226-16-vw7e0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le français facile à lire et à comprendre (FALC) s’inscrit de plain-pied dans la problématique de ce qu’on appelle la communication sans barrière.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/ebook-reader-books-vector-illustration-elements-64565146">Shutterstock</a></span>
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<p>Cette communication sans barrière regroupe ainsi des dispositifs comme l’audiodescription, la langue des signes, les sous-titres pour sourds et malentendants, l’utilisation du braille, mais aussi tout dispositif en ligne garantissant l’accessibilité numérique. Par ailleurs, elle s’inscrit dans un cadre légal bien reconnu. Depuis la signature de la <a href="https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-rights-persons-disabilities">Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées</a>, l’offre en matière de communication dite « accessible » n’a cessé de croître.</p>
<p>La <a href="https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=1202">loi européenne de 2019 sur l’accessibilité</a> vient par ailleurs apporter un cadre formel à ce secteur longtemps « invisible ». La publication d’une <a href="https://www.iso.org/obp/ui/fr/#iso:std:iso:24495:-1:ed-1:v1:fr">nouvelle norme ISO pour le langage clair</a> en juin 2023 en livre une preuve récente.</p>
<p>À l’échelle internationale, le périmètre de la communication sans barrière s’élargit à l’heure actuelle. On reconsidère aujourd’hui le focus initial qui portait sur le handicap – et pouvait être stigmatisant – pour situer cette communication par rapport aux besoins individuels d’une information directement compréhensible et utilisable. Cette évolution vers un <a href="https://hal.science/hal-01698182/">modèle d’accessibilité dite « universelle »</a> transparaît aussi bien dans des travaux scientifiques que dans des documents officiels.</p>
<p>Au niveau européen, c’est <a href="https://www.inclusion-europe.eu/">Inclusion Europe</a> qui fédère les initiatives favorisant la diffusion des langues simplifiées, à partir d’une liste de principes partagés. Même si la recherche française reste balbutiante sur le sujet par rapport à son avancement dans d’autres États européens, elle commence à travailler la question <a href="https://www.frank-timme.de/de/programm/produkt/handbook_of_easy_languages_in_europe">d’un point de vue linguistique et cognitif</a>.</p>
<h2>L’accessibilité en France et le FALC</h2>
<p>En France, la loi du 11 février 2005 définit un droit d’accès à l’information pour les personnes en situation de handicap et a donné lieu à la mise en place d’un Comité interministériel du handicap, à une conférence nationale du handicap, puis à une délégation interministérielle à l’accessibilité installée fin 2022. L’acte législatif européen de 2019 a donné lieu à une <a href="https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1484&langId=fr">stratégie relative aux droits des personnes handicapées 2021-2030</a> mais aussi à une nouvelle impulsion pour améliorer et standardiser les dispositifs d’accessibilité en France.</p>
<p>En revanche, les normes européennes proposées concernent notamment l’accès à différents types d’environnement (physique ou numérique) sans adresser directement la question du FALC. Côté français, on peut faire le même constat concernant le Référentiel général de l’amélioration de l’accessibilité (RGAA) consacré à la communication numérique. Même si des ministères et d’autres instances officielles promeuvent le FALC en application du droit à l’information, le cadre légal ne prescrit pas directement les normes à appliquer.</p>
<p>Pour se faire une idée plus précise du <a href="https://www.inclusion-europe.eu/wp-content/uploads/2017/06/FR_Information_for_all.pdf">fonctionnement de cette variété de français</a>, on peut retenir trois grands domaines d’intervention.</p>
<ul>
<li><p>D'abord, ce qui concerne la mise en page, le formatage et la typographie : éviter les fonds, choisir des polices de caractères de taille adéquate, éviter l’italique, etc.</p></li>
<li><p>Ensuite, ce qui concerne l’organisation de l’information à transmettre : la présentation des contenus doit être pensée dans un ordre « logique », chaque phrase contient une seule information, pas d’information superflue, etc.</p></li>
<li><p>Enfin, ce qui concerne le fonctionnement de la langue elle-même : éviter certaines structures syntaxiques comme le passif, s’adresser directement au locuteur, etc.</p></li>
</ul>
<p>Les règles d’usage pour le FALC en France découlent d’une collaboration établie en 2009 entre Inclusion Europe, qui publie des <a href="https://www.inclusion-europe.eu/easy-to-read-standards-guidelines/">normes pour et dans plusieurs langues européennes</a> et les associations <a href="https://www.unapei.org/">Unapei</a> et <a href="https://nous-aussi.fr/">Nous aussi</a>. Les guides diffusés par ces organismes soulignent la nécessité de réfléchir au public visé et au contexte d’utilisation et d’impliquer impérativement des personnes handicapées intellectuelles dans la préparation des textes.</p>
<p>Les guides précisent également que les documents FALC peuvent avoir vocation à être utilisés par d’autres publics, dont des personnes ayant des difficultés à lire ou dont le français n’est pas la langue maternelle.</p>
<p>Les démarches inclusives nous amènent donc à interroger notre rapport à la langue, aux langues et aux répertoires dont nous disposons pour communiquer. Pour aller au bout de notre démonstration, on pourrait aussi se demander si une variété comme le FALC constituerait une langue maternelle pour certains groupes de locuteurs, mais cette question nous remet devant le débat sur le plurilinguisme interne déjà évoqué.</p>
<p>C’est un enjeu de pratique, bien sûr, mais aussi et surtout de <a href="https://hal.science/halshs-03877025v1">recherche</a> et de <a href="https://blog.u-bourgogne.fr/mastert2m/2024/01/17/t2m-et-ta2m-ouverture-dun-nouveau-parcours-traduction-et-accessibilite-multimedia-a-la-rentree-2024-accompagnee-dune-mise-a-jour-de-la-formation-t2m/">formation</a>. Traduire ou rédiger en FALC ne peut s’improviser ni se faire sur une base strictement intuitive non validée scientifiquement, et encore moins sans réflexion préalable sur la langue et son traitement cognitif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223661/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Gautier a reçu des financements du Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté, de l'ANR et de la Commission Européenne pour divers projets de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Will Noonan a reçu des financements du Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté pour divers projets d'innovation pédagogique et de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce que le français facile à lire et à comprendre ? En quoi transforme-t-il le rapport qu’on entretient avec une langue maternelle ?Laurent Gautier, Professeur des Universités en linguistique allemande et appliquée, Université de Bourgogne – UBFCWill Noonan, Maître de conférences : études anglophones et traduction, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2229142024-02-27T16:16:42Z2024-02-27T16:16:42ZStages de troisième : sont-ils utiles aux collégiens ?<p>Dès cette année, au mois de juin, les élèves de seconde générale et technologique devront réaliser un <a href="https://www.education.gouv.fr/reussir-au-lycee/un-stage-en-juin-pour-les-eleves-de-seconde-generale-et-technologique-380196">stage d’observation en milieu professionnel d’une durée de deux semaines</a>. Le conseil supérieur de l’éducation s’est pourtant prononcé contre ce texte, <a href="https://www.snes.edu/article/le-conseil-superieur-de-leducation-cse-contre-les-stages-en-seconde/">par 58 voix contre et seulement 8 voix pour</a>.</p>
<p>Les arguments contre la mesure étaient néanmoins d’ordres différents : si certains représentants des employeurs soulignaient la difficulté pratique d’accueillir en même temps les quelque 500 000 élèves de seconde, les syndicats d’enseignants pointaient avant tout les risques d’inégalités, et une partie d’entre eux interrogeaient également le rôle de l’école.</p>
<p>Pour mettre en perspectives ces débats, il n’est pas inutile de s’intéresser à une mesure similaire : depuis 2005, <a href="https://eduscol.education.fr/623/sequence-d-observation-en-milieu-professionnel-pour-les-eleves-de-3e">tous les élèves de troisième</a> doivent effectuer un stage d’une semaine dans l’objectif de « développer les connaissances des élèves sur l’environnement technologique, économique et professionnel et notamment dans le cadre de l’éducation à l’orientation ».</p>
<p>Quels enseignements ces immersions nous apportent-elles sur l’intérêt d’une prise de contact précoce avec le monde de l’entreprise ? Qu’en est-il des inégalités redoutées par les enseignants ?</p>
<h2>Des réseaux de recherche inégaux selon l’origine sociale</h2>
<p>Si l’on dispose aujourd’hui d’un recul de près de 20 ans sur ces stages de troisième, peu d’études se sont penchées sur cette mesure. Citons néanmoins deux enquêtes réalisées respectivement par <a href="https://drive.google.com/file/d/1xTaq5pHBlJyvO7IPwLQtjyUpvWzWVl-u/view">l’Association de la fondation étudiante pour la ville</a> (AFEV) et par <a href="https://injep.fr/publication/inegalites-dans-lacces-aux-stages-a-lapprentissage-et-a-lenseignement-professionnel%E2%80%89-des-formations-empechees%E2%80%89/">l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire</a> (INJEP) en 2018, ainsi qu’une étude plus ancienne, réalisée entre 2013 et 2014 par les <a href="https://www.cci.fr/sites/g/files/mwbcuj1451/files/2021-06/2012_09%20-%20Les%20CCI%20de%20France%20s%27engagent%20aupre%CC%80s%20des%20jeunes%20-2.pdf">Chambres de commerce et d’industrie</a> (CCI).</p>
<p>Sans surprise, les élèves issus des couches supérieures peuvent compter sur la force des liens faibles et profiter du réseau plus étendu de leurs parents, facilitant la recherche de stage. Alors même qu’ils sont les moins concernés par une spécialisation précoce de leur parcours scolaire, ils sont plus nombreux que les enfants d’origine populaire à déclarer effectuer un stage en lien avec leur projet d’orientation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577288/original/file-20240222-18-huxm3j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577288/original/file-20240222-18-huxm3j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=184&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577288/original/file-20240222-18-huxm3j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=184&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577288/original/file-20240222-18-huxm3j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=184&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577288/original/file-20240222-18-huxm3j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=232&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577288/original/file-20240222-18-huxm3j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=232&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577288/original/file-20240222-18-huxm3j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=232&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des élèves inégaux face à la recherche de stage (INJEP, 2018).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">Des élèves inégaux face à la recherche de stage (INJEP, 2018).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Néanmoins, les quelques données quantitatives disponibles ne renseignent ni sur la nature des stages effectués ni sur ce qu’ils apportent effectivement aux élèves. <a href="https://www.theses.fr/s299967">Dans le cadre d’un travail de recherche sur l’orientation</a>, j’ai suivi une cohorte de 28 élèves durant toute leur scolarité au lycée, en réalisant avec chacun d’entre eux un entretien chaque année scolaire. Lorsqu’ils étaient en seconde, j’ai ainsi pu les interroger sur le stage qu’ils avaient effectué l’année précédente et recueillir des informations sur leur perception de ces immersions en entreprise.</p>
<p>Malgré l’épidémie de Covid – les élèves en question étaient en troisième en 2020-2021 et, dans certains établissements scolaires, les stages ont été annulés ou rendus facultatifs – la majorité des élèves participant à l’enquête a pu effectuer un stage.</p>
<p>Si la <a href="https://www.la-croix.com/Famille/stages-3e-pourront-ils-avoir-lieu-malgre-Covid-2020-10-10-1201118716">recherche de stage a pu être d’autant plus compliquée</a>, certaines entreprises comme les hôpitaux ou les crèches n’accueillant plus d’élèves de troisième dans ce cadre de leur stage, l’enquête confirme l’importance du réseau familial. À noter : les élèves issus des couches moyennes semblent davantage enclins à compenser un moindre capital social par une plus forte propension à candidater par eux-mêmes auprès des employeurs. L’enquête met en outre en lumière les différences notables quant à la nature des stages effectués.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/577292/original/file-20240222-24-sscki6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577292/original/file-20240222-24-sscki6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577292/original/file-20240222-24-sscki6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577292/original/file-20240222-24-sscki6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577292/original/file-20240222-24-sscki6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577292/original/file-20240222-24-sscki6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577292/original/file-20240222-24-sscki6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577292/original/file-20240222-24-sscki6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lieux de stage en fonction de l’origine sociale des élèves.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Surtout, les données recueillies montrent que les élèves sont inégalement préparés à la réalisation même de ce stage, de sorte que les apports de ce dernier ne sont pas les mêmes. Si ce stage est présenté dans les textes officiels comme une mesure destinée à aider les élèves à s’orienter, seule une petite moitié des élèves a effectué un stage en lien avec son projet d’orientation.</p>
<h2>Confirmer un projet d’orientation ou réfléchir sur le monde du travail ?</h2>
<p>Les élèves qui ont réalisé un stage en lien avec leur projet d’orientation sont principalement des élèves d’origine assez populaire, ayant poursuivi dans la voie professionnelle. Le stage leur apparaît comme une confirmation de l’orientation envisagée ou constitue, plus rarement, une découverte, donnant au projet le statut d’objectif en cours de réalisation.</p>
<p>Pour quelques élèves issus de milieux plus aisés, le stage vient confirmer un projet dont la réalisation est d’autant plus floue et incertaine qu’ils ont poursuivi leur scolarité dans la voie générale, de sorte qu’ils avaient encore le temps d’en changer.</p>
<p>Reste que, quelle que soit la nature du stage, et, quel que soit le lien entre ce dernier et leur projet d’orientation, la principale inégalité entre les élèves réside sans doute dans leur manière même à appréhender l’activité qu’ils ont l’opportunité d’observer. Invités à parler de leur stage, les élèves issus des catégories populaires ont du mal à décrire ce qu’ils ont observé et partagent avant tout leur ressenti et leur goût ou leur dégoût pour l’activité en question.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-trajectoires-scolaires-des-jeunes-des-quartiers-populaires-entre-parcours-dobstacles-et-aspirations-a-la-reussite-192042">Les trajectoires scolaires des jeunes des quartiers populaires, entre parcours d’obstacles et aspirations à la réussite</a>
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<p>L’entretien réalisé avec Zoé est à cet égard assez illustratif. Fille d’un chauffeur de taxi et d’une assistante d’exploitation, elle a effectué son stage dans l’entreprise dans laquelle travaille sa mère, sur proposition de cette dernière.</p>
<blockquote>
<p>Enquêteur : « Tu me dis que tu as beaucoup aimé ton stage. »<br>
Zoé : « Oui. »<br>
Enquêteur : « Qu’est-ce que tu as aimé ? »<br>
Zoé : « Oh je sais pas. Franchement je sais pas ce que j’ai aimé, mais j’ai beaucoup aimé enfin ce qu’elle disait… je sais pas je me voyais bien faire ça en fait. »<br> Enquêteur : « Ouais. Et elle faisait… est-ce que tu saurais dire ce qu’elle faisait ? »<br>
Zoé : « Bah elle faisait, bah déjà des papiers. En fait c’était la gestion bah des… des personnes de l’entreprise. Et j’aime bien faire ça en fait. Elle faisait les fiches de paye. Elle faisait plein de trucs en fait. Et j’aime bien faire ça. »</p>
</blockquote>
<p>Seuls quelques élèves, issus de milieux plutôt aisés sont en mesure de décrire plus finement l’activité observée, par exemple en termes de gestes et de postures professionnelles, et d’expliquer ce qui s’y joue, du point de vue de la qualité des produits, des rapports avec les clients ou encore des rapports de pouvoir au sein même de l’organisation productive, et des conséquences que cela peut avoir sur le travail lui-même. Pour ces élèves, le stage est alors l’occasion d’un exercice de réflexion, éventuellement critique, sur le monde du travail, confrontant leurs observations à leurs représentations initiales.</p>
<p>C’est notamment le cas de Théo, dont les deux parents sont enseignants, et qui, par défaut, a effectué son stage au service urbanisme de la commune dans laquelle il réside. Durant l’entretien, il évoque des éléments qu’il a appréciés, comme le lien avec la géographie, ou encore la complémentarité entre le travail réalisé dans le bureau et les vérifications effectuées sur le terrain, ainsi que des points négatifs, tels que le stress généré dans l’équipe par les délais de traitement des dossiers, ou encore le caractère irrationnel de certaines demandes venants des usagers, auxquelles il est néanmoins obligatoire d’apporter une réponse.</p>
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<p>Sauf pour une minorité d’élèves, l’horizon professionnel est encore trop lointain pour qu’un stage précoce puisse constituer une aide directe l’élaboration d’un projet. En définitive, c’est l’objectif même du dispositif qui mériterait d’être interrogé : dans une société où le travail se donne de moins en moins à voir, pourquoi ne pas envisager ce stage comme l’occasion d’une réflexion sur ce que travailler veut dire, sur les évolutions du travail, sur ses conflits, sur sa place à la fois à l’échelle d’une personne et de la société ?</p>
<p>Une telle perspective suppose d’avoir du temps pour préparer les élèves en amont, et leur donner des outils, aussi bien théoriques que pratiques. Mais les professeurs principaux, désormais chargés d’informer et d’accompagner les élèves dans l’élaboration de leur projet d’orientation, ne disposent généralement ni de temps spécifiques à y consacrer, ni de <a href="https://publications-prairial.fr/diversite/index.php?id=3796">formation en la matière</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222914/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>À côté de ses activités professionnelles, Erwan Lehoux est engagé à la Fédération syndicale unitaire. Il est membre, notamment, du SNES, et participe aux travaux de l'Institut de recherches de la FSU. Il est également directeur de publication de Carnets rouges, revue du réseau école du PCF. Il n'a reçu aucun financement particulier dans le cadre de la présente recherche. Il ne travaille ni ne conseille ni ne possède de parts dans une organisation qui pourrait tirer profit de cet article.</span></em></p>Sauf pour une minorité d’élèves, l’horizon professionnel est encore trop lointain pour qu’un stage précoce constitue une aide directe à l'élaboration d'un projet. Qu’en attendre alors ?Erwan Lehoux, Chargé de cours à l'université de Rouen, doctorant au CIRCEFT-ESCOL (Paris-8) et membre associé au Dysolab, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2234972024-02-25T16:26:14Z2024-02-25T16:26:14ZRechercher un logement : les étudiants face aux inégalités<p>Si la crise du logement étudiant fait régulièrement la « une » des médias, on manque cruellement de statistiques pour établir un diagnostic complet de la situation en France. Les données que commencent à produire les <a href="https://www.aurh.fr/observatoires-et-etudes/otle-lhsm">observatoires territoriaux du logement étudiant</a> (OTLE) nous offrent peu à peu les bases d’une compréhension plus précise des enjeux, tout comme les enquêtes menées par d’autres organismes tels que <a href="https://www.ove-national.education.fr/">l’Observatoire de la vie étudiante</a>, <a href="https://afev.org/actualites/le-logement-etudiant-autrement">l’AFEV</a> ou la <a href="https://www.fondation-abbe-pierre.fr/">Fondation Abbé Pierre</a>.</p>
<p>Se pencher sur un territoire où il y a peu de tension au niveau du marché du locatif, comme c’est le cas du Havre, permet de mettre en lumière d’autres aspects de la recherche de logement. Quels sont les critères privilégiés par les jeunes pour vivre en sécurité et avec plénitude leur vie étudiante ?</p>
<p>Plusieurs enquêtes qualitatives menées par les étudiants du <a href="https://www.univ-lehavre.fr/fr/formations/master-urbanisme-amenagement-parcours-halis/">master HALIS</a> – Habitat, logement, ingénierie sociale d’Université Le Havre Normandie – nous aident à répondre à cette question et à aller au-delà des questions d’accessibilité.</p>
<h2>La pyramide de l’accès au logement</h2>
<p>Le Havre est un territoire où le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter, attirant notamment de plus en plus d’étudiants étrangers. Ainsi lors de la rentrée 2021-2022, <a href="https://actu.fr/normandie/le-havre_76351/au-havre-100-des-logements-etudiants-sont-occupes-des-jeunes-toujours-sans-solution_45340382.html">sur 13 650 étudiants, 10 % venaient d’autres pays que la France, représentant 110 nationalités</a>, ce qui s’explique par une offre diversifiée de formations portés par plusieurs structures (Université le Havre Normandie, École de Management de Normandie, École Nationale Supérieure Maritime, École Supérieure d’Art et Design Le Havre Rouen, Institut de Formation d’Éducateurs de Normandie, etc.).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-pandemie-aggrave-le-mal-etre-des-etudiants-155500">Comment la pandémie aggrave le mal-être des étudiants</a>
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<p>Même dans les territoires sans tension résidentielle particulière, la recherche d’un appartement ou d’une chambre tient d’un parcours du combattant où les inégalités sociales se cristallisent. Certains étudiants effectuent ces recherches seuls, sans accompagnement, sans garant et avec peu de moyens, alors que d’autres sont aidés par leurs familles. Les sites proposent parfois des annonces qui ciblent une population étudiante sans réseau et/ou étrangère à laquelle ils proposent des logements dégradés. Illan, 23 ans, remarque :</p>
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<p>« C’est beaucoup de démarches, beaucoup de paperasse, beaucoup de documents à remplir. C’est ça qui est trop pesant, trop stressant, c’est maintenant que je comprends pourquoi la majorité préfère rester chez leurs parents. »</p>
</blockquote>
<p>Katia, 22 ans, en master, ajoute :</p>
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<p>« Financièrement c’était un peu compliqué dans ma tête au début. Je devais racheter des meubles, payer à nouveau les ouvertures de compteurs, la caution, le loyer d’avance… Ça fait pas mal d’argent à avancer sachant qu’on perd les APL le 1<sup>er</sup> mois. »</p>
</blockquote>
<h2>Trouver un garant</h2>
<p>Une fois le logement trouvé, il s’agit pour les étudiants étrangers, européens ou français sans garant de trouver une solution. Une grande partie des propriétaires n’acceptent pas la <a href="https://groupe.actionlogement.fr/un-million-de-garanties-visale-attribuees">garantie Visale</a>, seuls 1 million de ménages sont logés en France grâce à ce dispositif. Certaines associations (CHLAJ76, Association partageons un Havre…) aident les jeunes quitte à parfois les loger chez l’habitant de façon provisoire. D’autres permettent de repérer les <a href="https://www.ahloet.fr/">logements de qualité labellisés</a>.</p>
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<p>En ce qui concerne les logements du CROUS, les résidences les moins chères privilégieront les étudiants à plus faible revenu, souvent étrangers. A l’autre extrême, les résidences privées accueillent les plus favorisés. Ainsi dans les territoires en tension locative, il peut arriver qu’on vous demande de payer dès juillet pour une rentrée en septembre avec des tarifs très élevés, de l’ordre de 1 000 euros pour 18 m<sup>2</sup> en région parisienne. Ces résidences modernes se sont adaptées à cette jeunesse qui aime moins la solitude que par le passé, en développant des espaces collectifs.</p>
<p>Une nouvelle problématique est la mobilité des alternants. Certains jonglent entre leur logement et un lit chez des amis ou de longs trajets au quotidien. Plusieurs dispositifs existent (<a href="https://www.actionlogement.fr/l-avance-loca-pass">Avance loca pass</a>, <a href="https://www.actionlogement.fr/financement-mobilite">Mobili jeunes</a>) mais comportent des limites notamment en termes de visibilité. L’alternance oblige parfois à avoir deux logements, ce qui demande un taux d’effort trop important aux apprentis, notamment parce que les APL ne peuvent être attribuées à logements pour une même personne.</p>
<p>La sécurisation des parcours est aussi à repenser. Les jeunes qui sont en échec professionnel ou dans leur formation se voient obligés de retourner vivre chez leurs parents puisqu’ils se retrouvent sans filet.</p>
<h2>Construire un chez-soi</h2>
<p>Les jeunes des premiers cycles retournent souvent chez leurs parents, considérant qu’ils retournent chez eux. Ils vont progressivement s’approprier leur logement étudiant. Il est important pour eux de s’y sentir bien. Pour cela ils ajoutent des touches personnelles. Feriel, étudiante en master de 23 ans, raconte : </p>
<blockquote>
<p>« J’ai installé ma télé, j’ai posé une grande peluche à côté de mon lit, j’ai accroché un rideau qui sépare mon lit et la grande pièce de vie. J’ai posé des photos partout sur les murs, sur mon frigo. »</p>
</blockquote>
<p>Florence, étudiante en licence de 21 ans, montre l’importance d’être chez elle :</p>
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<p>« En sécurité, car c’est très important. J’étais dans une zone très agréable à vivre donc ce qui fait que, même dans mon studio, j’étais très bien, j’étais dans mon élément comme on peut dire chez moi, dans mon logement, j’avais un sentiment de bien-être. »</p>
</blockquote>
<p>Les étudiants souhaitent habiter un quartier près de leur lieu de formation pour économiser les frais de transport et parfois de nourriture. La sécurité du quartier est recherchée, de jour comme de nuit. Or certains étudiants ne connaissent pas forcément le territoire au moment de la signature du bail, et se retrouvent dans des quartiers au sein desquels ils ne sont pas rassurés la nuit. </p>
<p>La ville du Havre adapte les transports pour favoriser la mobilité nocturne. <a href="https://www.transports-lia.fr/fr/transport-a-la-demande-lia-de-nuit/75">Le service Lia</a> de nuit permet un transport à la demande du lundi au dimanche toute l’année entre tous les arrêts des communes desservies par ce service. Katia, 22 ans en master, précise :</p>
<blockquote>
<p>« Mon quartier est assez riche en opportunités. Déjà j’ai le tram à 5 min à pied, la plage et le square St-Roch à même pas 10 min à pied chacun, et je suis entourée de tous types de commerces et activités. »</p>
</blockquote>
<p>L’ensemble de ces éléments invitent à penser la problématique du logement étudiant de façon globale. Au-delà de l’accès au logement, il s’agit pour les jeunes d’habiter son quartier et de vivre sa vie d’étudiant ou d’étudiante.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par Sandra Gaviria, professeure de sociologie, et Kisito Friday Dziwonou, étudiant en master HALIS à l’Université Le Havre-Normandie</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandra Gaviria ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand on parle de logements étudiants, on s’arrête souvent sur leur pénurie. Mais, pour un jeune, chercher une location recoupe d’autres enjeux au-delà de ces questions d’accessibilité.Sandra Gaviria, Professeure de sociologie, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235742024-02-22T15:41:14Z2024-02-22T15:41:14ZAider les enfants à jouer avec leur chien en toute sécurité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575578/original/file-20240213-28-rl6h25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C37%2C5034%2C3328&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si les chiens sont souvent enthousiastes à l'idée de jouer avec des enfants, ils peuvent aussi s'en lasser.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dog-ball-running-child-playing-catch-596137544">alexei_tm/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Nombreuses sont les familles qui possèdent un chien, et la <a href="https://www.mdpi.com/2076-2615/13/6/1072">popularité de ces animaux</a> n’a rien d’étonnant : des recherches montrent que leur présence peut améliorer <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08927936.2016.1152721?casa_token=0RjI6Y1Cr5sAAAAA:6StzU9JXuiAK3V1BpK-ym6L2wHfLg65_sKZ-zjfGA7D0IQ-d26jD1vZf4jF0IEqL0Mf39wl5o76Neg">notre bien-être</a> et favoriser le <a href="https://www.nature.com/articles/s41390-020-1007-2">développement des enfants</a>.</p>
<p>Mais l’on observe aussi, malheureusement, que les enfants représentent la majorité des patients <a href="https://bmjpaedsopen.bmj.com/content/4/1/e000726">admis à l’hôpital pour cause de morsures</a>. Très souvent, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1558787817301168">c’est par un chien qu’ils connaissent</a> qu’ils ont été mordus. Et de nombreuses morsures se produisent alors même qu’un <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2017.00130/full">parent ou un éducateur</a> se trouvait auprès d’eux.</p>
<p>Du <em>Peter Pan</em> de J.M. Barrie créant en 1904 le personnage de <a href="https://peterpan.fandom.com/wiki/Nana">Nana</a> jusqu’aux téléfilms actuels, les chiens sont fréquemment représentés comme des membres incontournables de la famille. Mais intéressons-nous au long-métrage <a href="https://www.imdb.com/title/tt5113040/"><em>The Secret Life of Pets 2</em></a>. Celui-ci s’ouvre sur la plainte de Max, un charismatique terrier expliquant ne pas aimer les enfants et se félicitant de ne pas vivre « entassé » parmi eux. Mais voilà qu’arrive le jeune Liam, et le chien dit ne plus se sentir en sécurité dans sa propre maison.</p>
<p>Même si la fâcheuse situation de Max prête à rire, il est tout à fait vrai que les enfants peuvent rendre la vie des chiens difficile et inconfortable. Et pour éviter les morsures, il faut aussi comprendre comment les choses se passent de leur point de vue.</p>
<h2>Fixer des règles de jeu</h2>
<p>Jouer en toute sécurité avec un chien signifie ne pas crier et ne pas être brutal. Le jeu d’aller chercher, par exemple, peut être formidable, mais faites attention si votre chien « garde » ses jouets préférés en ne les abandonnant pas ou en les faisant craquer. Vous et vos enfants devriez <a href="https://www.dogstrust.org.uk/dog-advice/training/basics/leave-training">apprendre à votre chien</a> à s’éloigner en échangeant des jouets contre des friandises. Lancer immédiatement un deuxième jouet dès qu’il rapporte le premier peut également l’inciter à ne pas garder le premier jouet.</p>
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<img alt="Femme tenant un enfant et serrant la patte d’un chien" src="https://images.theconversation.com/files/574919/original/file-20240212-30-nubo36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574919/original/file-20240212-30-nubo36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574919/original/file-20240212-30-nubo36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574919/original/file-20240212-30-nubo36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574919/original/file-20240212-30-nubo36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574919/original/file-20240212-30-nubo36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574919/original/file-20240212-30-nubo36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La surveillance parentale est essentielle lors des rencontres entre les animaux et les enfants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/beautiful-woman-little-girl-dog-outdoors-29925649">Alena Ozerova/Shutterstock</a></span>
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<p>Pendant le jeu, les quatre pattes de l’animal <a href="https://www.dogstrust.org.uk/dog-advice/training/outdoors/jumping-up-training">doivent être posées sur le sol</a>. Si votre chien se montre trop excité, qu’il commence par exemple à sauter ou à <a href="https://www.dogstrust.org.uk/dog-advice/training/unwanted-behaviours/stop-your-dog-chewing-mouthing">mordre</a>, il est préférable de demander à votre enfant de prendre du recul et de faire une petite pause dans le jeu, plutôt que de crier ou de punir votre chien.</p>
<p>Mais cela ne signifie pas qu’il faille décourager les enfants de jouer avec leur chien. Le jeu est un domaine dans lequel les enfants sont généralement plus doués <a href="https://psychcentral.com/blog/the-importance-of-play-for-adults">que les adultes</a>. Les parents que j’ai interrogés <a href="https://www.cabidigitallibrary.org/doi/full/10.1079/hai.2023.0042">dans le cadre de mes recherches</a> ont déclaré que leurs enfants ne se lassaient pas de lancer une balle ou de jouer à la corde. Quant aux chiens, jouer est pour eux un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0376635714002289?casa_token=Am6cWW7sVq4AAAAA:MkFoAt2uCcZ0-PYiPHQ-ToZCvISguCm7yvWSTx3Z06WmYWSiiOt-ZY-gHwbL9LlQO8iuNCCQtN8">comportement naturel</a>.</p>
<h2>Comprendre le comportement des chiens</h2>
<p>Alors que les enfants du monde entier aiment serrer des peluches dans leurs bras, il convient de rappeler que le câlin est un <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/full/10.1086/715754">comportement essentiellement humain</a>.</p>
<p>Des recherches ont montré que certains chiens peuvent apprendre à tolérer les câlins, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2752/175303712x13316289505468?casa_token=a1Z8-vDAitUAAAAA:4uFCEi_Pq2jI0eoNJ_mup7gU66tWjQW6oVen-hgGeaUiaOWrvCkedVZKAFA_fUPrJczVyu1h2SQjQg">certains les apprécient même</a>. Mais ce n’est pas quelque chose d’inné et les recherches montrent que de nombreux chiens <a href="https://www.mdpi.com/2076-2615/9/10/792">ne réagissent pas à l’ocytocine</a> (l’hormone produite notamment par les caresses).</p>
<p>Un contact physique étroit est l’une des <a href="https://www.cabidigitallibrary.org/doi/full/10.1079/hai.2023.0042">causes fréquentes</a> des réactions d’agressivité d’un chien vis-à-vis d’un enfant. Il faut donc décourager les plus jeunes de mettre leurs bras autour du cou de leur chien, de se pencher sur lui ou de le prendre dans leurs bras, au profit d’autres démonstrations d’affection laissant plus de liberté à l’animal.</p>
<p>Il est impossible d’autoriser des chiens à se comporter comme ils le veulent à longueur de temps, ils doivent respecter nos règles en tant que propriétaires humains. Néanmoins, les chiens vivant avec des enfants peuvent réagir de manière agressive si les enfants <a href="https://www.cabidigitallibrary.org/doi/full/10.1079/hai.2023.0042">restreignent leur liberté de mouvement</a>, en les empêchant de bouger par des câlins ou en les interrompant lorsqu’ils sont en train de se reposer, de manger ou de jouer seuls.</p>
<p>Le simple fait d’encourager les enfants à demander au chien de vers eux lorsqu’ils sont assis, plutôt que de s’approcher eux-mêmes du chien, peut faire la différence. Rappelez également aux enfants de ne pas suivre l’animal s’il s’éloigne d’eux. <a href="https://www.cabidigitallibrary.org/doi/full/10.1079/hai.2023.0042">Dans l’étude que j’ai menée récemment</a>, les parents ont également constaté que leurs chiens étaient plus enclins à s’éloigner des enfants la nuit ou lorsqu’ils étaient fatigués.</p>
<h2>L’importance de l’accompagnement parental</h2>
<p>Les chiens ne peuvent pas parler. Imaginez qu’ils le puissent. Peut-être serions-nous alors mieux à même de comprendre leurs besoins. Au lieu de cela, ils se servent principalement de leur corps pour communiquer.</p>
<p>Les recherches ont montré que les jeunes enfants ne sont <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08927936.2019.1598656">généralement pas capables</a> de reconnaître le langage corporel ou les expressions faciales des chiens. Mon étude de 2023 sur les familles britanniques a montré que, même s’ils pouvaient reconnaître que leur chien manifestait du mécontentement, cela n’incitait pas l’enfant à <a href="https://www.cabidigitallibrary.org/doi/full/10.1079/hai.2023.0042">arrêter</a> de le solliciter. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08927936.2016.1228750?casa_token=Q7kmHelju5YAAAAA:xo3Iez6cAIp3piNnWSgTzxGK9dxtI_qg1zQWd7DtYkUELGbFi-bpe_6DBuAOnaL8fOzl5Ha3_jOt5Q">Une étude de 2016 a montré</a> que les parents ne relevaient pas la plupart du temps les signes courants d’anxiété chez le chien, tels le fait de se lécher la truffe, d’avoir les yeux écarquillés, de bâiller sans raison de fatigue apparente ou de s’éloigner de l’enfant.</p>
<p>Si votre enfant peut apprendre à repérer comment les chiens manifestent certaines émotions, c’est déjà un bon point. Mais ne vous attendez pas à ce que cela soit la solution à tous les problèmes. Le fait que les chiens aient aussi des émotions signifie qu’il est toujours possible qu’une interaction ne se passe pas bien. Pour aider votre chien et vos enfants à devenir les meilleurs amis du monde, une surveillance vigilante s’impose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223574/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anna Baatz a reçu un financement du Dogs Trust Canine Welfare Grants.</span></em></p>On pense souvent que la présence d’un chien de compagnie fait du bien aux enfants. Mais à quelles conditions est-ce réciproque ?Anna Baatz, PhD Candidate and Associate Lecturer in human-animal interactions, University of SalfordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189792024-02-20T14:41:12Z2024-02-20T14:41:12ZComment les lycéens se représentent l’avenir en temps de crise<p>L’adolescence a longtemps été perçue comme une période d’irresponsabilité, où l’important était surtout de « prendre du bon temps » et de profiter de l’instant présent. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, tant s’en faut. L’avenir est une préoccupation majeure, aussi bien pour les parents que pour les jeunes.</p>
<p>Plus de <a href="https://journals.openedition.org/revss/9981">80 % des lycéennes et lycéens que nous avons enquêtés</a> dans un établissement de 3 000 élèves de l’ouest de la France, socialement mixte, dans le cadre de la chaire <a href="https://www.ehesp.fr/recherche/organisation-de-la-recherche/les-chaires/chaire-enfance-bien-etre-et-parentalite/">« Enfance, bien-être et parentalité »</a> y réfléchissent au moins une fois par mois, et environ un tiers d’entre eux le font quotidiennement.</p>
<p>Si leur avenir scolaire et professionnel arrive très largement en tête de leurs préoccupations, le devenir du monde et de la société occupe une place non négligeable dans les réflexions des adolescents. L’écologie, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-sociales-53084">inégalités sociales</a> et les situations politiques nationales et internationales suscitent davantage leur intérêt et leur attention que l’avenir de leurs proches et des relations entretenues avec eux.</p>
<p>Toutefois, cette capacité à se projeter dans l’avenir n’est pas uniformément répartie dans la société. Elle est marquée par de fortes différenciations sociales : les filles et les élèves des classes supérieures sont plus enclins que les garçons et les élèves de classes populaires à s’inquiéter de leur propre avenir et de l’avenir en général.</p>
<p>Non seulement les premiers sont bien plus nombreux que les seconds à avoir des projets d’études et des projets professionnels, mais ils et elles sont également plus susceptibles de se détacher d’une vision individualiste du futur pour se questionner sur le monde de demain, et plus particulièrement sur son versant écologique.</p>
<h2>Chez les lycéens et les lycéennes, des visions de l’avenir assez contrastées</h2>
<p>Lorsqu’on leur demande à quoi leur fait penser le terme « avenir », trois mots ressortent particulièrement : le travail (64 %), l’indépendance (64 %) et le <a href="https://theconversation.com/face-au-rechauffement-climatique-passer-de-leco-anxiete-a-leco-colere-184670">réchauffement climatique</a> (40 %). Si la prégnance des mots « travail » et « réchauffement climatique » ne fait que renforcer le constat déjà établi sur l’importance de leur avenir professionnel et de leurs questionnements sur la situation écologique à venir, le recours fréquent au mot « indépendance » met en lumière un autre élément du rapport à l’avenir des jeunes : la centralité du <a href="https://theconversation.com/comment-la-pandemie-redessine-les-chemins-des-jeunes-vers-lautonomie-158096">processus d’autonomisation</a> induit par le passage de l’adolescence à la jeunesse, puis à l’âge adulte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-pandemie-redessine-les-chemins-des-jeunes-vers-lautonomie-158096">Comment la pandémie redessine les chemins des jeunes vers l’autonomie</a>
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<p>Le futur est, pour une grande partie de ces jeunes, le signe d’un détachement (tant attendu) du contrôle des adultes et des parents. L’analyse des mots que les adolescents associent à l’avenir permet de mettre en lumière quatre visions du futur, structurées par une double opposition : d’un côté, entre un rapport positif et un rapport négatif à l’avenir ; de l’autre, entre un rapport individuel et un rapport collectif au futur.</p>
<p><strong>L’avenir comme horizon incertain</strong></p>
<p>Dans la première vision, qui rassemble 45 % des enquêtés, les termes qui reviennent le plus souvent sont : « incertitude », « ailleurs » et « peur », tandis que « joie » et « liberté » font partie des mots les moins employés. Les adolescentes et adolescents de ce groupe ont une perception plus individualiste de l’avenir : s’ils sont parmi les plus nombreux à se questionner quotidiennement sur leur propre avenir, et plus précisément sur leur avenir scolaire, ils sont également les moins susceptibles de s’inquiéter de l’avenir de leur famille et de la société en général.</p>
<p><strong>L’avenir comme situation de crise(s)</strong></p>
<p>La deuxième vision, regroupant 10 % des jeunes, a également une tonalité négative et inquiète mais appliquée à une dimension plus globale et collective. Les mots les plus fréquemment utilisés sont « catastrophes sociales », « crise économique », et « réchauffement climatique ». Les termes liés à connotation plus individuelle tels que « peur », « liberté », « joie » sont peu mobilisés. Les lycéens de ce groupe apparaissent autant, voire bien plus inquiets et concernés par l’avenir de la société dans son ensemble que par leur propre futur.</p>
<p><strong>L’avenir comme période de liberté</strong></p>
<p>La troisième vision, qui réunit 30 % des enquêtés, contraste nettement avec les précédentes en ce qu’elle est largement positive. Les mots associés au futur sont « liberté » et « indépendance ». Il y a peu de traces de « peur », d’« incertitude » ou d’« inquiétude » dans les réponses. Les adolescentes et adolescents de ce groupe semblent confiants. La situation sociale et écologique à venir comme leur devenir professionnel les préoccupent peu. Seul leur futur amoureux et amical est l’objet de questionnement quotidien – sans doute parce qu’il sera au centre de leur vie (étudiante à venir).</p>
<p><strong>L’avenir comme entrée dans un monde adulte (idéalisé)</strong></p>
<p>La dernière vision, qui caractérise 15 % des personnes interrogées, est également positive, mais se place, contrairement à la précédente, sous le signe d’une réalisation familiale et professionnelle plutôt que personnelle. Ce sont les termes « famille », « joie » et « travail » qui sont les plus employés, très loin devant « indépendance » ou « liberté ». Si les jeunes de ce groupe souhaitent travailler rapidement (la plupart ont une idée précise du métier qu’ils entendent exercer), c’est pour pouvoir fonder une famille ou venir en aide à leurs parents ou à leurs frères et sœurs. Ce n’est pas pour profiter d’une période de liberté. Ce qui compte c’est l’avenir des gens qui comptent pour eux.</p>
<h2>L’influence des styles d’éducation familiale</h2>
<p>Ces quatre visions de l’avenir ne se retrouvent pas de façon aléatoire dans la société. Elles dépendent des conditions d’existence des adolescentes et adolescents mais aussi et peut-être surtout des styles d’éducation familiale reçue, et notamment du niveau d’implication des pères et des mères dans les différents domaines de la vie de leurs enfants.</p>
<p><strong>Le style éducatif centré sur la réussite scolaire</strong></p>
<p>Les adolescents qui ont une vision incertaine de l’avenir se distinguent par le fait d’avoir des parents très impliqués dans leur vie scolaire et qui contrôlent constamment la vie sociale et amoureuse de leurs enfants, afin de les rendre plus enclins à s’investir pleinement, voire uniquement dans le domaine scolaire.</p>
<p>Dans ces familles de classes moyennes, la réussite scolaire est fondamentale et occupe une large part des discussions parents-enfants dans la mesure où de fortes rétributions matérielles et symboliques sont attendues de l’école et de l’investissement scolaire, d’autant plus que leurs enfants sont majoritairement en Terminale, où se posent clairement les questions d’orientation.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la politique</strong></p>
<p>Les lycéennes et lycéens qui perçoivent l’avenir comme une période de crise viennent de familles très politisées, qui accordent plus de place à l’autonomie des jeunes et où les enjeux scolaires semblent moins importants, d’une part du fait de bons résultats scolaires des enfants et d’autre part en raison d’une moindre pression à s’orienter puisqu’ils et elles sont encore en classe de Seconde ou de Première.</p>
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<p>Les parents de ces adolescents privilégient les discussions autour de sujets économiques, politiques, écologiques et sociaux, avec une attention particulière aux inégalités sociales. Il n’est donc pas surprenant de retrouver chez ces jeunes un rapport de confrontation au monde avec une forte volonté d’agir contre les injustices.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la négociation et l’autonomie</strong></p>
<p>Les lycéennes et lycéens qui conçoivent l’avenir comme une période de liberté ont eu une éducation très libérale, basée sur la négociation et l’apprentissage de l’auto-contrainte, avec une sociabilité amicale fortement valorisée. Dans ces familles plutôt issues de classes supérieures, il est important que les enfants, et notamment les garçons, soient autonomes dès leur plus jeune âge et apprennent à bien gérer et à bien contrôler le(ur) temps, dans la mesure où il s’agit de compétences jugées nécessaires pour accéder aux positions dominantes qu’ils devront occuper plus tard.</p>
<p>Mais il semble également primordial pour ces parents que leurs enfants valorisent leurs relations sociales, une sociabilité (mondaine) dans le but de créer et d’entretenir un capital social utile à l’âge adulte.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la réalisation des aspirations personnelles</strong></p>
<p>Enfin, les jeunes qui se représentent l’avenir comme une entrée dans un monde adulte idéalisé se distinguent par le fait d’avoir reçu une éducation familiale centrée sur la réalisation des aspirations personnelles. Dans ces familles appartenant aux classes populaires stables, les relations parents-enfants sont chaleureuses et se caractérisent par un fort niveau de connivence et par un soutien important des premiers à l’égard de la vie scolaire et quotidienne des seconds.</p>
<p>Si la réussite scolaire importe, elle n’est pas une fin en soi. Le but de la forte implication morale et matérielle des parents est que leur enfant puisse être heureux dans ce qu’il entreprend. Il n’est donc pas surprenant que le futur brossé par ces jeunes ressemble beaucoup à la situation familiale vécue avec leurs parents. Les niveaux de bien-être qu’elles et ils perçoivent et ressentent eux-mêmes en tant qu’enfants semblent contribuer à la volonté de reproduire cette situation pour leurs futurs enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">Comment les jeunes s’engagent</a>
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<p>Le rapport à l’avenir des jeunes est donc loin d’être homogène et défaitiste, malgré les situations de crises économiques, écologiques ou sanitaires. En fonction de leurs conditions de vie et des styles d’éducation familiale reçue, les adolescents n’ont, d’une part, pas les mêmes dispositions à se projeter dans l’avenir et, d’autre part, pas les mêmes représentations de l’avenir et de ce qui compte ou comptera dans le futur (étude, famille, travail, etc.).</p>
<p>Aussi intéressants soient ces résultats, il convient toutefois de rappeler que les tendances repérées ici mériteraient d’être corroborées par d’autres enquêtes dans la mesure où il s’agit d’une enquête exploratoire dans laquelle les filles et les classes supérieures sont légèrement surreprésentées.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par Kevin Diter, Marine Lecœur and Claude Martin. Ces recherches sur l'avenir des lycéennes et lycéens ont aussi fait l'objet d'un <a href="https://soundcloud.com/inspe-lille-hdf/sets">podcast avec l'INSPE Lille Hauts-de-France</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218979/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Diter a reçu des financements de la caisse nationale d'allocation familiale (CNAF) et du ministère de la Culture pour des projets de recherche portant sur la construction des émotions et du sens de la justice chez les enfants. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claude Martin a reçu des financements de l'ANR dans le cadre de son activité de chercheur au CNRS. </span></em></p>La manière dont les lycéennes et lycéens envisagent l’avenir est loin d’être uniforme. Et le style d’éducation qu’ils reçoivent contribue à modeler leur vision du futur.Kevin Diter, Maître de conférences en sociologie, Université de LilleClaude Martin, Sociologue, Directeur de recherche émérite au CNRS, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206122024-02-18T15:48:08Z2024-02-18T15:48:08Z« L’envers des mots » : Résilience<p>De plus en plus fréquent dans les discours médiatiques et le langage courant, le terme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971"><em>résilience</em></a> aurait été utilisé pour la première fois par <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9298804/">Emmy Werner</a>. Cette psychologue du développement se pencha dans les années 1980-1990 sur les conséquences à long terme du stress survenu au cours des périodes prénatales et périnatales, à partir d’une recherche longitudinale sur 698 personnes de l’île de Kauaï à Hawaii, de leur naissance à l’âge adulte.</p>
<p>Dans cette recherche, ce qui a étonné l’auteure fut qu’un tiers des enfants à risque n’avaient pas connu de problèmes particuliers pendant leur enfance et étaient devenus des adultes heureux et compétents. En outre, bon nombre des enfants ayant connu des problèmes ont été capables de rebondir à l’adolescence et à l’âge adulte. C’est pour qualifier ces sujets « vulnérables, mais invincibles » qu’Emmy Werner a utilisé le mot « résilience ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/psychologie-le-coping-ou-comment-nous-faisons-face-aux-stress-intenses-178833">Psychologie : le « coping », ou comment nous faisons face aux stress intenses</a>
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<p>La définition de la résilience proposée en 2001 par la Fondation de l’Enfance et par le <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2001-10-page-321.htm">groupe de travail dirigé par Michel Manciaux</a> envisage cette notion comme « … la capacité d’une personne, d’un groupe, à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères ».</p>
<p>Pour la professeure en psychologie <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay?vid=33UDL_INST:UDL&docid=alma991004344399705596">Marie Anaut</a>, la résilience implique « l’adaptation face au danger, le développement normal en dépit des risques et le ressaisissement de soi après un traumatisme ». Retenons également la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychanalyse/vilains-petits-canards_9782738109446.php">définition de Boris Cyrulnik</a> pour qui la résilience est « la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comportent normalement le risque grave d’une issue négative ».</p>
<p>L’importance de la résilience a surtout été mise en évidence dans la littérature relative au développement de l’enfant et de l’adolescent. Elle est souvent définie en fonction des facteurs de protection liés à l’individu lui-même et à son environnement. Des facteurs de résilience ont été relevés chez les personnes décrites comme ayant des ressources personnelles (estime de soi, la <a href="https://theconversation.com/aider-un-enfant-a-prendre-confiance-en-lui-les-conseils-de-trois-grands-philosophes-158590">confiance en soi</a>, l’autodiscipline, le courage et l’optimisme face à l’adversité) ou encore possédant des capacités cognitives supérieures à la moyenne, un sentiment de compétence, un lieu de contrôle interne, le sens de l’humour, de l’empathie et des compétences sociales.</p>
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<p>D’autres facteurs contribueraient à la protection des individus : l’adaptabilité au changement, l’autonomie, l’indépendance, les habiletés à résoudre les problèmes, la capacité à donner du sens à l’événement et la religion. Le contexte familial semble également jouer un rôle. Le fait d’avoir des parents chaleureux, de bénéficier de leur soutien, l’absence de conflits, la structuration de la vie de famille sont des facteurs propices à une bonne résilience.</p>
<p>Notons enfin que le soutien social des pairs, des professionnels, de la famille élargie, de professeurs et de voisins est également à prendre en compte. Il prend diverses formes comme le fait de bénéficier d’une présence réconfortante, de conseils ou d’informations susceptibles de constituer une aide pour mieux comprendre les événements ou les épreuves auxquels il faut faire face.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-stress-de-lenfance-menacent-ils-notre-coeur-dadulte-158716">Les stress de l’enfance menacent-ils notre cœur d’adulte ?</a>
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<p>La position qui domine actuellement la littérature consiste à aborder la résilience en termes de processus. Celle-ci est alors envisagée dans une perspective développementale, c’est-à-dire qu’elle est fonction du stade de développement dans lequel se trouve le sujet, ce qui conduit à des différences de réactions suivant l’âge, l’évolution, la construction psychique, l’entourage du sujet. Ce n’est pas une qualité « fixe » ou un trait de personnalité de l’individu, elle peut être soumise à des variations conséquentes selon les circonstances. Ainsi, la résilience ne se révèle pas dans le quotidien de la vie, mais dans l’épreuve qui seule est susceptible de mobiliser cette ressource, qu’il convient d’aller puiser au plus profond de soi.</p>
<p>Ainsi, pour mobiliser les processus de résilience, les individus doivent être confrontés à des événements aversifs ou traumatisants, comportant de la violence, une effraction physique ou psychique (par exemple, la perte d’un proche, un accident, une maladie…). Il peut aussi s’agir également d’une accumulation d’événements aversifs ou de carences graves et répétées, comme des négligences affectives.</p>
<p>Les processus de résilience peuvent être mis en œuvre dans des situations variées qui contribuent à rompre l’équilibre de l’individu adapté à son environnement. Certaines expériences suscitant des émotions fortes et négatives (comme la peur, la confusion, la défiance, etc.) pourraient constituer des risques pour le bien-être et l’équilibre mental de l’individu. Ainsi, une grande variété de situations est susceptible de mobiliser les processus de résilience, si tant est tant qu’elle soit alors mobilisable.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446"><em>« L’envers des mots » : Technoférence</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/220612/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyril Tarquinio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La résilience, cette capacité à « se projeter dans l’avenir en dépit d’événements déstabilisants », est en vogue. Mais est-ce une qualité « fixe » qu’un individu possède ou pas ? Peut-elle se développer ?Cyril Tarquinio, Professeur de psychologie clinique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179432024-02-14T14:32:22Z2024-02-14T14:32:22ZL’échec scolaire : histoire et invention d’une notion<p>L’école française est réputée, du moins dans une partie non négligeable des représentations publiques et politiques, être enferrée dans une crise multiforme. À la faveur de ces constats, l’attention s’est focalisée sur « l’échec scolaire », les « décrocheurs » et les résultats moyens des élèves français dans les classements internationaux (PISA).</p>
<p>Ce contexte de compétition scolaire accrue se traduit, aux yeux de plusieurs observateurs, par une injonction toujours plus pressante à <a href="https://www.cairn.info/a-l-ecole-des-competences--9782707175410.htm">fabriquer des élèves et un système éducatif performants</a>. Une telle évolution semble relever du paradoxe pour une institution censée être le socle du modèle républicain et de ses valeurs.</p>
<p>En effet, en France, comme dans de nombreux autres pays, c’est dans les années 1960-1970 – soit au moment où sont perçus les premiers effets des politiques de massification scolaire – que les thèmes de <a href="https://www.pug.fr/produit/1751/9782706145605/refus-et-refuses-d-ecole">l’échec scolaire</a> et de la crise sont mis sur le devant de la scène éducative, médiatique et politique. Que signifie ce changement historique ?</p>
<h2>Avant les années 1950, un échec scolaire fréquent mais invisible</h2>
<p><a href="https://www-cairn-info.merlin.u-picardie.fr/l-echec-scolaire--9782130483618.htm">La notion d’échec scolaire est relativement récente</a>. L’expression apparaît en effet dans les années 1960. Est-ce à dire qu’il est absent des expériences scolaires d’avant-1945 ? Assurément, non. En réalité, la question ne se pose pas exactement en ces termes avant le milieu du XX<sup>e</sup> siècle, mais renvoie à différentes situations dans un système d’enseignement qui reste organisé selon une division et une ségrégation en deux « ordres » (primaire et secondaire) fondées sur l’appartenance sociale.</p>
<p>Dans l’enseignement secondaire (composé de lycées d’État et de collèges municipaux qui ont leurs propres classes élémentaires), les échecs de certains enfants issus de milieux aisés sont considérés comme « paradoxaux » dans une <a href="https://www.persee.fr/doc/diver_0335-0894_1996_num_104_1_7053">population scolaire normalement destinée à des études longues</a>, comme l’a montré dès 1985 Viviane Isambert-Jamati, et à non des scolarités courtes, caractéristiques des jeunes des milieux populaires.</p>
<p>En effet, « l’école du peuple », gratuite (1881), ne permet qu’aux élèves ayant un bon niveau scolaire d’obtenir le fameux certificat d’études (une minorité d’élèves : moins d’un tiers à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle) et de poursuivre leurs études au-delà de l’obligation scolaire, dans les établissements de l’enseignement primaire supérieur. Les autres, c’est-à-dire la plupart des enfants issus de milieux ouvriers et paysans, rejoignent l’usine ou la ferme à l’âge de 13 ans.</p>
<p>Ces sorties du système scolaire ne sont cependant pas perçues comme un échec dans les classes populaires : elles ne posaient pas problème, elles étaient légitimes pédagogiquement, socialement, politiquement et culturellement, résume <a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2008-2-page-229.htm">Jean Houssaye</a>. Tout au plus pouvaient-elles être vécues comme des ambitions déçues.</p>
<p>D’autre part, le modèle scolaire républicain généralise la pratique du redoublement dans l’enseignement primaire. Ainsi, en 1888, seulement 30 % des élèves réalisent le cursus prévu sans redoubler ! Son usage, d’abord massif puis atténué, a pour effet une <a href="https://books.openedition.org/pur/50117">répartition inégale des effectifs</a> et des classes où l’âge des élèves est très variable.</p>
<p>Une part non négligeable de ces élèves en difficulté pratiquent « l’école buissonnière ». L’absentéisme se maintient à des niveaux élevés. Il peut par exemple atteindre <a href="https://books.openedition.org/pur/50117">20 % dans les cours élémentaires des quartiers ouvriers de Paris et sa banlieue</a>. De plus, une partie des enfants de 6 à 13 ans ne sont inscrits dans aucun établissement scolaire. Mais le sort de ces enfants intéresse peu…</p>
<h2>La psychologie de l’enfance s’empare du sujet</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-5-page-14.htm?ref=doi">La situation des élèves « en retard »</a> préoccupe en revanche les milieux politiques, pédagogiques et médicaux, mais tardivement. Pour les désigner est employée une multitude de catégories aux contours flous : « retardés », « cancres », « arriérés », « débiles », « idiots », « crétins », « inadaptés », « déficients »… Des recherches médicales tentent d’en expliquer les causes et donnent lieu à la publication de multiples <a href="https://sante.gouv.fr/fichiers/numerisations/CCHP_TOME2_1873_T.pdf">rapports</a>.</p>
<p>Au tournant du siècle, la psychologie de l’enfance naissante cherche également à évaluer, mesurer ces retards et imaginer les structures capables de prendre en charge les « enfants anormaux » selon l’expression du moment, qui englobe par ailleurs les cas d’élèves présentant un handicap.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/intelligent-vraiment-une-breve-histoire-des-tests-de-qi-49518">Intelligent, vraiment ? Une brève histoire des tests de QI</a>
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<p><a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/test_de_Binet-Simon/183418">Alfred Binet et Théodore Simon</a> mettent ainsi au point un outil permettant de repérer les enfants susceptibles de rencontrer les plus grandes difficultés scolaires : il s’agit d’une échelle psychométrique (dite d’intelligence) qui a pour but un diagnostic « d’arriération » en comparant les performances de l’enfant à celles de sa classe d’âge (vulgarisé plus tard sous le sigle « QI »). Ils sont par ailleurs membres de la commission interministérielle (1904-1905) chargée d’étudier l’application de l’obligation scolaire aux enfants anormaux.</p>
<p>Cette obligation débouche sur la loi du 15 avril 1909 créant des écoles et des classes de perfectionnement pour les enfants dits arriérés, qui sont la <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1992_num_100_1_2509_t1_0140_0000_2">préfiguration de l’éducation spécialisée</a>.</p>
<h2>Dans les années 1960, l’échec scolaire devient un problème social et politique</h2>
<p>Pourquoi des enfants réussissent-ils globalement moins que d’autres à l’école ? Dans les années 1960, la <a href="https://theconversation.com/les-heritiers-ce-que-bourdieu-et-passeron-nous-ont-appris-de-linegalite-des-chances-177185">sociologie française de l’éducation</a> répond à cette question en montrant le rôle de l’école et de la culture scolaire dans la reproduction du modèle des catégories socialement favorisées et donc des inégalités sociales. Comme le rappelle l’historien <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/4206">Jean-François Condette</a> :</p>
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<p>« l’échec scolaire n’est longtemps vu qu’en terme individualiste et clinique, comme l’échec d’un enfant dans sa scolarité pour des raisons personnelles [mais] la question devient, à partir des années 1960, pour certains psychologues et sociologues et un certain nombre de cadres de l’Éducation nationale, un problème social concernant le mauvais fonctionnement du système scolaire. »</p>
</blockquote>
<p>Celui-ci est alors en pleine transformation : les réformes de 1959 et 1963 prolongent la scolarité obligatoire à 16 ans et jettent les bases du collège unique (1975), tandis que le discours public insiste sur le rôle primordial de la scolarisation dans le développement économique et technique futur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/estime-de-soi-et-difficultes-scolaires-un-cercle-vicieux-161384">Estime de soi et difficultés scolaires, un cercle vicieux ?</a>
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<p>L’émergence de la notion d’échec scolaire est en effet concomitante de la croissance des effectifs dans le premier cycle du second degré (massification) et de son ouverture à un public plus large sociologiquement (démocratisation), à un moment où la statistique fournit une grille de lecture de ces processus.</p>
<p>À partir de 1957, le service statistique du ministère de l’Éducation nationale s’intéresse par exemple au milieu social des collégiens (recours à la classification par CSP de l’Insee construite pour le recensement de 1954) et croise cet indicateur avec d’autres variables : le niveau scolaire et l’âge notamment. Le retard scolaire devient donc mesurable.</p>
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<p>C’est alors que naît l’échec scolaire comme problème public, à partir du moment où l’entrée en classe de 6<sup>e</sup> et la poursuite d’études au collège deviennent la norme. L’entrée en scène des sociologues (comme <a href="https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1963_num_18_1_10410">Alain Girard</a>) permet de mettre en avant l’influence du milieu social sur l’échec scolaire (ou plutôt la réussite qui devient désormais la finalité des scolarisations) mais aussi le fait que d’excellents élèves ne poursuivent pas d’études.</p>
<p>Le poids des inégalités territoriales est alors largement sous-estimé bien que les études ministérielles mettent au jour des variations départementales dans l’accès aux études prolongées et des départements en « retard » ou scolairement « sous-développés ».</p>
<p>La notion d’échec scolaire s’étend ensuite à d’autres niveaux du système scolaire, à mesure de la massification du lycée dans les années 1980 puis dans l’enseignement supérieur massifié dans les années 1990-2000 dans le contexte de la montée du chômage et de la peur de l’exclusion sociale. L’abandon de l’école en cours de cursus et les sorties sans diplôme du système scolaire <a href="https://journals.openedition.org/lectures/242">deviennent alors un problème public et institutionnel</a>.</p>
<h2>Vers la mise en place de politiques publiques</h2>
<p>Il est aussi devenu une catégorie de l’action publique selon <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-dynamiques-2015-1-page-34.htm">Pierre-Yves Bernard</a> : l’institution scolaire prend en charge, par diverses politiques (dont l’éducation prioritaire) et de multiples <a href="https://eduscol.education.fr/1613/prise-en-charge-des-jeunes-en-situation-de-decrochage-scolaire">dispositifs</a> ou structures (comme les micro-lycées) les jeunes en <a href="https://www.education.gouv.fr/la-lutte-contre-le-decrochage-scolaire-7214">situation de décrochage scolaire</a>, parce qu’elle pose à moyen terme la question de leur insertion professionnelle et sociale.</p>
<p>Si l’échec puis le décrochage scolaire sont révélateurs de l’importance prise par le diplôme et la qualification, la massification a eu pour première conséquence une certaine dévalorisation des diplômes dans la mesure où le bénéfice retiré de leur obtention diminue. C’est le cas du baccalauréat en particulier.</p>
<p>Deuxièmement, la démocratisation a pour effet pervers de déplacer les inégalités et les échecs scolaires au lieu de les supprimer, comme l’a montré l’historien <a href="https://www.cairn.info/l-enseignement-s-est-il-democratise--9782130444176.htm">Antoine Prost</a>. Ainsi, dans les années 1960,pour les « mauvais » élèves qui demeuraient auparavant dans les classes de fin d’études primaires (après le cours moyen) sont créées des classes de 6<sup>e</sup> de transition puis des classes de 4<sup>e</sup> pratiques confiées à des instituteurs spécialisés. Après la mise en place du collège unique, les classes préprofessionnelles de niveau (CPPN) remplacent les classes pratiques et accueillent des élèves en échec scolaire se destinant à l’apprentissage ou l’enseignement professionnel dans des filières socialement dévalorisées.</p>
<p>L’histoire de ces élèves en échec scolaire n’est donc pas seulement l’histoire de ceux qui décrochent de l’école. Elle est aussi celle de l’école qui marginalise certains types d’élèves : les <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/livre-france/20221029-les-d%C3%A9croch%C3%A9s-de-rachid-zerrouki">« décrochés »</a> (SEGPA), <a href="https://www.cairn.info/refus-et-refuses-d-ecole--9782706145605.htm">« refusés »</a> d’école ou <a href="https://www.cairn.info/ameliorer-l-ecole--9782130555599-page-37.htm">« vaincus de la compétition scolaire »</a>.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://www.persee.fr/doc/diver_0335-0894_1996_num_104_1_7051">l’échec scolaire est très variable selon le moment historique où il est considéré</a>. La large diffusion de la notion est moins un symptôme d’une crise de l’école qu’un reflet des attentes grandissantes de l’école vis-à-vis des élèves et de la société vis-à-vis de son école (dont les finalités ont changé). Elle tient finalement à un improbable lien de cause à effet : plus le niveau d’études et de qualification d’une population augmente, plus l’échec scolaire progresse…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Cahon a reçu des financements de la région Hauts-de-France et du Fonds européen de développement régional (FEDER) dans le cadre d'une recherche collective intitulée « Picardie-REUssite-éducatiVE » (PREUVE, 2015-2019).
</span></em></p>Si l’échec scolaire est une réalité de longue date, sa prise en considération est assez récente. Retour sur l’histoire d’une notion qui interroge les liens entre la société et son école.Julien Cahon, Professeur des universités, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.