tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/agro-alimentaire-20445/articlesagro-alimentaire – The Conversation2024-03-05T16:02:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2250412024-03-05T16:02:23Z2024-03-05T16:02:23ZDes prix plancher au secours de l’agriculture : ne peut-on pas trouver meilleure idée ?<p>La visite du président Macron au salon de l’agriculture 2024, tout <a href="https://www.bfmtv.com/politique/reconquete/marion-marechal-aspergee-de-biere-au-salon-de-l-agriculture-va-continuer-a-mouiller-la-chemise_AN-202403010144.html">comme celle d’autres personnalités politiques</a>, a été <a href="https://www.youtube.com/watch?v=McEmx_9sO9A">relativement houleuse</a>. Plusieurs débordements ont été signalés avant qu’il ne puisse visiter les hangars de la Porte de Versailles dans un climat tendu et en étant régulièrement pris à partie.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’est intervenue la déclaration surprise de la volonté du gouvernement et du président d’aller vers la mise en place de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/agriculture-les-prix-planchers-d-emmanuel-macron-une-proposition-qui-divise-le-monde-agricole-991500.html">prix planchers dans le secteur agricole</a>. Les contours du dispositif sont encore flous : il s’agirait, à gros traits, de faire en sorte que les distributeurs ne puissent pas acheter aux producteurs les fruits de leur récolte ou de leur élevage en-deçà d’un certain prix. En théorie, la loi Égalim garantit aujourd’hui des prix qui ne peuvent descendre en dessous des coûts de production.</p>
<p>Le premier ministre, fin janvier 2024, en plein crise agricole, avait esquissé la mise en place <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/discours-de-politique-generale-le-premier-ministre-na-rien-compris-a-ce-que-demandent-les-agriculteurs-sur-les-barrages">d’une « exception agricole</a>, qui permettrait aux productions agricoles nationales de bénéficier de mesures de sauvegarde ou de protection (à l’image de ce qui fût fait <a href="https://www.csa.fr/Cles-de-l-audiovisuel/Connaitre/Histoire-de-l-audiovisuel/Qu-appelle-t-on-l-exception-culturelle">pour le cinéma au travers de l’exception culturelle</a>). Celle-ci est réclamée depuis longtemps par les syndicats, au motif que l’agriculture n’est <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/26/puisque-l-alimentation-n-est-pas-une-marchandise-comme-les-autres-etendons-les-principes-de-la-securite-sociale-a-l-alimentation_6191050_3232.html">« pas une activité économique comme les autres »</a>. S’agit-il de couper l’herbe sous le pied au Rassemblement national qui depuis plusieurs années <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-edito-politique/edito-prix-planchers-pesticides-europe-les-raison-des-contorsions-du-rassemblement-national_6355366.html">milite pour ce type de mécanismes</a> ?</p>
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<p>À quelques mois des élections européennes, chaque thématique semble être l’objet d’un bras de fer entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. L’agriculture n’y échappe pas. Certains médias affirment d’ailleurs qu’il y aurait une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/01/entre-le-rn-et-la-coordination-rurale-une-proximite-ideologique-et-des-accointances-locales_6219533_823448.html">affinité entre certains syndicats et le programme défendu par Jordan Bardella</a>.</p>
<p>Ce qui paraît certain est que la mise en place de cette idée de prix planchers ne va pas de soi. Elle paraît même <a href="https://www.lopinion.fr/economie/prix-plancher-un-peu-de-culture-economique-la-chronique-demmanuel-combe">largement discutable</a>, tant au regard de la théorie économique que des réalités de terrain. Des alternatives semblent sans doute préférables.</p>
<h2>Pas de cavaliers seuls ?</h2>
<p>Premier point qui peut conduire à remettre cette idée en question : les prix planchers ne semblent <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-europeens-traiter-lorigine-des-maux-pour-eviter-la-polarisation-224420">pas avoir de sens au sein d’un marché commun européen</a>. L’Europe a abandonné depuis les années 2000 la politique de quotas et <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-une-reponse-politique-mal-ciblee-223947">a cessé de vouloir piloter les volumes produits et indirectement les prix</a>. Cela a presque automatiquement généré une <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">élévation de la concurrence intra-européenne</a> et mondiale, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/sucre-le-triste-bilan-de-la-fin-des-quotas-europeens-140391">qui s’est traduite par de fréquentes crises de surproduction</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753805095169388785"}"></div></p>
<p>Chaque acteur et chaque pays n’ont en effet aucun intérêt propre à se limiter pour atteindre un hypothétique équilibre de marché. C’est ce qu’a bien montré la théorie économique des jeux : sur certains marchés <a href="https://www.persee.fr/doc/ecoap_0013-0494_2001_num_54_1_1756">peuvent se produire des déséquilibres et des actions non coopératives qui aboutissent à des situations sous-optimales</a>. Ici, des surplus de production amènent une baisse généralisée des prix. À quoi bon instaurer des prix planchers quand chaque pays peut décider de faire « cavalier seul » ?</p>
<p>Une des conditions fortes des prix planchers serait ainsi que les règles du jeu soient exactement les mêmes pour tous. En économie, l’un des principes de base des <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">théories de la concurrence</a> <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">pure et parfaite</a> consiste à avoir des acteurs qui se comportent de la même façon et qui tous ont le même poids. Aucun acteur ne peut déstabiliser seul un marché et donc tout le monde joue à armes égales.</p>
<h2>Le défi de l’hétérogénéité</h2>
<p>Or, cela ne correspond pas à la réalité des marchés et des filières agricoles. D’une part, il existe des acteurs <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/negociations-commerciales-et-prix-des-matieres-premieres-agricoles-la-france-a-cote-de-la-pac-905654.html">qui « font » le marché, en pesant plusieurs milliards d’euros</a>. En général les <a href="https://theconversation.com/les-producteurs-principaux-perdants-de-la-repartition-des-gains-de-productivite-de-lagriculture-depuis-1959-222780">producteurs sont les grands perdants de ces rapports de force</a>.</p>
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<p>D’autre part, parce que plusieurs pays n’ont pas intérêt et ne mettront jamais en place les prix planchers à l’échelle européenne et encore moins mondiale. Les pays en mesure de proposer des prix bas se priveraient en effet d’une demande qui leur est acquise. Certains produits agricoles sont des commodités, aux caractéristiques identiques ou très proches, et pour lesquelles le prix devient donc le facteur unique de décision des agents économiques.</p>
<p>L’idée de prix plancher ne serait ainsi pertinente qu’à condition d’avoir des produits agricoles qui se différencient autrement que par le prix. Cela justifierait l’existence d’un prix minimal au regard des caractéristiques supérieures du produit ou de sa qualité essentielle.</p>
<p>Par ailleurs, le concept même de prix plancher repose sur une hypothèse forte et très restrictive : que les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/27/quatre-questions-sur-les-prix-planchers-des-produits-agricoles_6218908_4355770.html">couts des différents exploitants agricoles soient assez homogènes,</a> quelle que soit leur zone de production. Or les conditions locales, climatiques ou la simple topographie sont nettement différentes selon la région de production. Dans la filière laitière, les coûts de production varient du simple au double. Dans ce cas, sur quel niveau de coût s’aligner et donc quel niveau de prix plancher ?</p>
<h2>Une inspiration américaine ?</h2>
<p>La notion de prix plancher soulève d’ailleurs des enjeux juridiques : elle peut conduire plusieurs acteurs à s’entendre de fait sur des prix. Or, les ententes sont <a href="https://www.lopinion.fr/economie/agriculture-les-prix-planchers-suscitent-une-montagne-dinterrogations">interdites du point de vue du droit de la concurrence</a>. Cela incite les principaux acteurs sur le marché, peu nombreux dans la grande distribution, à s’accorder sur des niveaux d’achats et des prix et les conséquences peuvent s’avérer à terme contre-productives. En effet, les distributeurs peuvent être plus incités encore à avoir des prix d’achat quasi identiques, le prix plancher donnant un signal. Dans ce cas, le mécanisme stimulant de la concurrence du côté de la demande qui peut pousser les prix d’achat vers le haut peut se gripper (le producteur vendrait en théorie au plus offrant).</p>
<p>Outre le droit européen, il faudra aussi composer avec les accords de libre-échange qui comportent des allègements, si ce n’est des suppressions, de contraintes douanières ou fiscales. Cela va bien évidemment à l’encontre des velléités protectionnistes ou même de <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">souveraineté nationale</a>. L’idée est de permettre d’échanger des <a href="https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/mercosur-poulets-bresiliens-contre-voitures-allemandes-ou-en-est-l-accord-de-libre-echange-entre-l-europe-et-l-amerique-du-sud-18373445.php">productions agricoles étrangères contre d’autres types de produits comme le fait par exemple l’Allemagne</a>. Dans le cas français, ce sont bien nos productions agricoles qui risquent de pâtir de cette concurrence directe des produits importés.</p>
<p>Dans cette approche fondée sur la théorie des avantages comparatifs, chaque pays essaie de favoriser la performance de ses productions nationales disposant d’avantages relatifs. Tout l’enjeu pour les produits agricoles consiste à introduire des <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/agriculture-quest-ce-que-les-clauses-miroirs-que-demandent-les-agriculteurs">clauses miroirs</a> pour que les pays importés soient soumis aux mêmes règles et contraintes que les produits nationaux, notamment en matière environnementale. Cela induit sinon une distorsion majeure de concurrence. En introduisant des prix planchers qui ne s’appliqueraient qu’aux productions nationales, on risque de rendre encore moins compétitifs sur notre sol nos produits agricoles et on renforcerait l’avantage comparatif du poulet ukrainien ou du sucre brésilien, par exemple.</p>
<p>Plusieurs experts rappellent l’existence d’autres dispositifs qui représentent une alternative plus pertinente. Un des dispositifs les plus aboutis existe dans le pays roi du marché et de la libre concurrence, à savoir les États-Unis. Les Américains ont mis en place depuis plusieurs années, au travers du <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-nouveau-farm-bill-americain-un-renforcement-des-assurances-agricoles-subventionnees-et-des"><em>Farm Bill</em></a>, différents mécanismes permettant de compléter les prix offerts sur le marché. Des aides sont versées, sauf quand les prix deviennent plus rémunérateurs pour les paysans ou franchissent certains seuils. C’est une façon de « préserver » le revenu des agriculteurs américains, de limiter les effets de la volatilité et d’offrir un peu de prévisibilité et de stabilité. Un juste équilibre, sans doute, pour un secteur qui fait face à <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-quels-defis-pour-demain-224685">venir d’immenses défis</a>, tant <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-crise-agricole-revele-des-contradictions-entre-objectifs-socio-ecologiques-et-competitivite-222293">techniques</a> et économiques <a href="https://theconversation.com/revoir-notre-vision-de-la-nature-pour-reconcilier-biodiversite-et-agriculture-223927">qu’environnementaux</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si, au lieu d’instaurer un système de prix plancher dans l’agriculture, on s’inspirait de dispositifs américains, plus pertinents sans doute pour garantir un minimum de stabilité aux producteurs ?Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2130302023-10-20T15:24:49Z2023-10-20T15:24:49ZNutri-score : son efficacité est prouvée, sauf en cas de conflit d’intérêts<p>Le logo Nutri-score, apposé sur la face avant des emballages des aliments, est un outil de santé publique destiné à mieux informer les consommateurs sur la composition nutritionnelle des aliments afin d’orienter leurs choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle et donc plus favorables à la santé.</p>
<p>Il vise aussi à inciter les industriels à reformuler les aliments qu’ils produisent pour en améliorer la qualité nutritionnelle.</p>
<p>Depuis sa création en 2014, le Nutri-score fait l’objet de diverses critiques de la part de nombreux industriels ainsi que de structures du secteur agricole, qui s’opposent fortement à son déploiement. Ces acteurs mettent notamment en avant que certaines études scientifiques démontreraient des analyses négatives sur sa construction, mais aussi sur son efficacité.</p>
<p>Nous avons décidé d’étudier ces allégations. Pour cela, nous avons analysé toutes les études scientifiques menées depuis 8 ans sur le Nutri-score. Publiées dans la très sérieuse revue <em>BMJ Global Health</em>, les conclusions de nos travaux indiquent que, dans la très grande majorité des cas, les <a href="https://gh.bmj.com/content/8/5/e011720">résultats des études portant sur le Nutri-score sont positifs</a>.</p>
<p>Ils révèlent surtout qu’une étude portant sur le Nutri-score a 21 fois plus de chances d’aboutir à des résultats défavorables pour ce logo nutritionnel si les auteurs déclarent un conflit d’intérêts, ou si l’étude est financée par l’industrie alimentaire…</p>
<h2>83 % des études publiées depuis 2014 sont favorables au Nutri-score</h2>
<p>La première étape de notre travail a consisté à effectuer une recherche systématique dans la base de données bibliographique de référence Pubmed afin d’identifier les articles scientifiques sur le Nutri-score (ou sa version initiale le logo 5 couleurs, aussi appelé « logo 5C ») publiés dans des revues à comité de lecture.</p>
<p>Au total, 149 articles correspondant à ces critères ont été publiés depuis 2014. Parmi eux, 125 publications concernaient des articles originaux présentant des résultats spécifiques d’analyses testant les caractéristiques et les performances du Nutri-score, évalué en tant que tel ou en comparaison à d’autres logos nutritionnels (existants ou soutenus par des groupes privés). 24 articles n’étaient pas des articles originaux, mais correspondaient à des revues générales incluant des articles de synthèse, des revues narratives, des articles conceptuels et divers textes portant sur le contexte de déploiement du Nutri-score.</p>
<p>Sur les 125 articles originaux, 15 ne portaient pas sur l’efficacité du Nutri-score, celui-ci n’étant utilisé que pour décrire certaines caractéristiques spécifiques des aliments ou pour évaluer de façon factuelle les conditions de son déploiement (évolution de son adoption par les industriels, rôle des lobbys, etc.).</p>
<p>Finalement, sur les 134 articles originaux et revues générales qui jugent, avec différents critères, les performances de Nutri-score, 111 sont considérés comme ayant des conclusions positives pour le Nutri-score, tant sur sa construction que sur son utilisation et son impact. Autrement dit, 83 % des études menées depuis 2014 ont abouti à des conclusions en faveur du Nutri-score.</p>
<p>À l’inverse, 17 % de travaux soit ne présentaient pas de résultats clairement favorables au Nutri-score, soit présentaient des résultats franchement défavorables (concluant que ce logo n’est pas efficace, a des effets moins favorables que d’autres logos, ou critiquant l’algorithme qui sous-tend le Nutri-score).</p>
<p>La phase suivante de notre analyse a consisté à étudier l’impact des conflits d’intérêts sur les résultats des différentes publications portant sur le Nutri-score.</p>
<h2>Impact des conflits d’intérêt économiques</h2>
<p>La présence de conflits d’intérêts et de financement privés pouvant représenter un conflit d’intérêts a été identifiée à partir des déclarations indiquées par les auteurs dans les publications que nous avons analysées.</p>
<p>Sur les 149 articles publiés, 11 (7 articles originaux et 4 revues générales) avaient déclaré des conflits d’intérêts des auteurs et/ou des financements privés.</p>
<p>Parmi les 111 études considérées comme favorables au Nutri-score, deux présentent un conflit d’intérêts ou un financement privé, soit 1,8 %. À l’inverse, 9 études sur les 23 considérées comme non favorables présentent un conflit d’intérêts ou un financement privé, soit 39,1 %.</p>
<p>La probabilité qu’un article ne soit pas favorable pour le Nutri-score est donc 21 fois plus forte si les auteurs déclarent un conflit d’intérêts ou s’il a fait l’objet de financements privés présentant un conflit d’intérêts.</p>
<p>En outre, les principales structures privées impliquées dans le financement (ou les conflits d’intérêts) des études défavorables au Nutri-score sont connues comme étant des opposants actifs au Nutri-score.</p>
<p>Enfin, soulignons que même après exclusion des 38 articles publiés par l’équipe de recherche universitaire qui a développé le Nutri-score (sans conflit d’intérêts), ainsi que les 35 articles qu’elle a publiés en association avec différentes équipes de recherche universitaire (également sans conflits d’intérêts), la probabilité de retrouver des résultats défavorables au Nutri-score est encore 7 fois plus élevée que pour les articles déclarant un conflit d’intérêts ou qui sont financés par le secteur privé.</p>
<h2>Le problème des biais de financement</h2>
<p>Ces travaux indiquent une nouvelle fois que certaines études impliquant des acteurs industriels de l’agroalimentaire vont en général dans le sens des positions ou défenses des intérêts des financeurs. Ce biais de financement avait déjà été décrit dans plusieurs travaux antérieurs.</p>
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<p>Ainsi, en 2020, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7743938/pdf/pone.0243144.pdf">étude</a> analysant les publications de l’année 2018 dans 10 revues de nutrition et diététique a montré que plus de la moitié (55 %) des articles dans lequel l’industrie agroalimentaire est impliquée aboutissent à des résultats favorables à ses intérêts, contre seulement 9,7 % des articles publiés sans implication de l’industrie alimentaire dans leur financement.</p>
<h2>Le Nutri-score, un outil de santé publique scientifiquement validé</h2>
<p>Pour conclure, rappelons que les scientifiques et professionnels de santé, notamment au travers des sociétés savantes scientifiques et comités d’experts en France et en Europe, ainsi que de nombreuses institutions de recherche et de santé publique (comme le <a href="https://www.iarc.who.int/">Centre International de Recherche contre le Cancer</a> de l’Organisation mondiale de la santé) considèrent que le Nutri-score s’appuie sur des travaux scientifiques suffisamment robustes – tant dans sa construction que dans la démonstration de son efficacité et de son utilité en termes de santé publique – pour justifier qu’il soit rendu obligatoire en Europe.</p>
<p>Notre analyse de la littérature scientifique sur le Nutri-score soutient fortement qu’il s’agit d’un outil de santé publique que l’on peut considérer comme validé scientifiquement.</p>
<p>Elle plaide également pour la prise en compte des conflits d’intérêts et des financements industriels, qui apparaissent comme un élément majeur pour juger de la qualité intrinsèque d’une publication. En particulier lorsqu’il s’agit de juger de la pertinence et des performances d’un outil de santé publique comme le Nutri-score, qui est fortement combattu par un certain nombre d’acteurs économiques…</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Besançon est directeur général de l'ONG Santé Diabète. Association qui reçoit des financements publics. L'association a une politique stricte "zéro conflit d’intérêt" ce qui fait que l'association ne reçoit aucun financement de l'industrie pharmaceutique et agroalimentaire</span></em></p>Le Nutri-score, qui vise à mieux informer les consommateurs, est régulièrement attaqué. De nouveaux travaux démontrent que les études qui lui sont défavorables font souvent l’objet de conflits d’intérêts.Stéphane Besançon, Associate Professor in Global Health at the Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) / CEO NGO Santé Diabète, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128272023-09-20T16:12:52Z2023-09-20T16:12:52ZL’étrange affaire des céréales dans l’alimentation canine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546756/original/file-20230906-22-pw1jay.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4324%2C2885&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chiens digèrent-ils bien le blé ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Sara Hoummady</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>S’il est un « procès » qui passionne les réseaux sociaux et les communautés cynophiles depuis quelques années c’est bien celui des céréales dans l’alimentation canine et notamment dans la composition des croquettes et les <a href="https://www.france.tv/documentaires/science-sante/280341-quelles-croquettes-pour-nos-betes.html">reportages se multiplient sur le sujet</a>.</p>
<p>Les chefs d’accusation sont nombreux : leur présence provoquerait ballonnements, gaz, diarrhées, diabète, obésité, intolérances au gluten et présence de mycotoxines (toxines produites par des champignons microscopiques). En quelques années, le marché des aliments secs pour chiens s’est remarquablement adapté à cette peur des céréales. De nombreuses marques affirment avoir éliminé les céréales de leur formulation et leurs mérites vantés sur les réseaux sociaux. Mais les céréales de leur alimentation sont-elles vraiment néfastes pour nos chiens domestiques ?</p>
<h2>Coupables présumées à la barre : les céréales !</h2>
<p>Derrière la notion de céréale résident plusieurs notions qui sont bien souvent confuses pour le consommateur : glucides, gluten, mycotoxines…</p>
<p>Une céréale est une plante herbacée cultivée principalement pour la valeur nutritive de ses grains. Il s’agit quasi exclusivement de plantes de la famille des Poacées plus communément nommées Graminées. Les plus connues, et aussi les plus cultivées dans le monde sont le blé, le maïs, le riz ou l’orge. Un grain de blé contient en moyenne <a href="https://espace-pain.info/botanique-du-ble/">70 % d’amidon</a> (glucide complexe). Le gluten quant à lui désigne un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28244676/">ensemble de protéines</a> contenues dans les graines des céréales du groupe des Poacées.</p>
<h2>Chef d’accusation n°1 : ne pas respecter le régime « naturel » du chien</h2>
<p>Le 1<sup>er</sup> méfait reproché aux aliments contenant des céréales est de ne pas respecter le régime alimentaire naturel du chien. Pour comprendre plus précisément à quoi correspondrait le régime « naturel » du chien, deux approches peuvent être envisagées : s’intéresser au chien préhistorique ou aux chiens libres (individus d’espèces domestiquées qui n’ont peu ou pas de dépendance à l’humain).</p>
<p>La découverte de restes de canidés dans des tombes de différents sites du nord-est de la péninsule ibérique, datant d’entre la fin du III<sup>e</sup> et le II<sup>e</sup> millénaire avant J.-C. dans un contexte d’âge du bronze précoce-moyen, a pu mettre en évidence que l’alimentation des chiens était <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12520-019-00781-z_">assez similaire</a> à celle des humains et <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10963-021-09153-9">contenaient des céréales dans certains cas</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/549375/original/file-20230920-27-exoc5e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Chien libre dans un village chinois" src="https://images.theconversation.com/files/549375/original/file-20230920-27-exoc5e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549375/original/file-20230920-27-exoc5e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549375/original/file-20230920-27-exoc5e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549375/original/file-20230920-27-exoc5e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549375/original/file-20230920-27-exoc5e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549375/original/file-20230920-27-exoc5e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549375/original/file-20230920-27-exoc5e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chien libre dans un village chinois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sara Hoummady</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’alimentation des chiens libres, de son côté, est aussi majoritairement <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5981278/">basée sur les déchets humains</a>, avec majoritairement des céréales et des selles humaines.</p>
<p>Les données se rejoignent donc : l’alimentation historique du chien depuis la préhistoire est donc constituée de restes d’alimentation humaine (dont des fèces) contenant dans certain cas, des céréales et, ce qui est bien différent de l’image d’Épinal que l’on se fait du régime « naturel » du chien (souvent représenté comme chassant, comme un loup dans la nature).</p>
<h2>Chef d’accusation n°2 : forcer les chiens à manger de l’amidon qu’ils ne digèrent pas</h2>
<p>Contrairement aux idées reçues, le chien possède un peu <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5568211/">d’alpha-amylase salivaire</a> (une enzyme qui permet d’initier le processus de dégradation de l’amidon) et des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10461997/">capacités de digestion de l’amidon</a>. Lors de la domestication, <a href="https://www.nature.com/articles/nature11837">certains gènes</a> jouant un rôle essentiel pour la digestion de l’amidon ont été sélectionnés. Au fil du temps et de la sélection associée à la création de races, le nombre de copies du gène codant la fabrication des enzymes de digestion de l’amidon a augmenté en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4749313/">fonction des habitudes alimentaires des races</a>. Le chien est donc capable de digérer l’amidon, même si toutes les races ne sont pas forcément égales.</p>
<p>Bien que le chien puisse survivre sans « amidon », sa présence reste nécessaire dans certaines conditions physiologiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022316623238006">comme la gestation</a> et la lactation.</p>
<h2>Chef d’accusation n°3 : rendre malades les chiens avec du gluten</h2>
<p>La consommation des produits dérivés du gluten peut entraîner des réactions dont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28244676/">trois catégories peuvent être identifiées</a> : Les réactions allergiques, auto-immunes et autres réactions.</p>
<p>Chez le chien, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1373930/">relation entre gluten et maladie intestinale</a> est étudiée chez le Setter irlandais depuis environ 20 ans, mais à l’heure actuelle, la relation entre gluten et problèmes digestifs chez cette race n’est pas clairement établie. Chez le Border Terrier, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26500168/">association entre gluten et dyskinésie paroxystique</a> (tremblements involontaires épisodiques) a pu être relevée. À l’heure actuelle, ce sont donc les deux seuls rapports de pathologies qui pourraient être associées à la présence de gluten.</p>
<p>Dans ce cadre, un régime d’éviction pourra être envisagé pour tester la sensibilité du chien.</p>
<h2>Chef d’accusation n°4 : intoxiquer les chiens avec des mycotoxines</h2>
<p>Les mycotoxines sont des toxines produites par des champignons microscopiques lors de la croissance de la plante, son stockage, son transport ou encore ses transformations. Ces dernières peuvent être présentes dans les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17390876/">différents organes de la plante</a> dont les grains, les fruits mais aussi tubercules.</p>
<p>La plus fréquente en alimentation animale est l’alfatoxine B1, présente notamment dans les grains de blé. Chez l’humain comme l’animal, les mycotoxines peuvent être à l’origine de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0147651323004529">divers problèmes de santé</a> (toxicité pour le foie, les reins…). Néanmoins, des méthodes de contrôle sont mises en place à la récolte et l’industrie agroalimentaire utilise par ailleurs des méthodes de détoxification. En général, les moisissures ne se développent pas sur des aliments convenablement séchés et conservés, de sorte qu’un séchage efficace et le maintien en état déshydraté ou un entreposage correct sont des <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mycotoxins">mesures efficaces</a> contre les moisissures et la production de mycotoxines.</p>
<p>Le taux total en aflatoxine <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1828051X.2022.2117105">serait en général supérieur</a> pour les aliments pour chiens dits « économiques » comparés à ceux de la classe « premium ». Cette différence peut en partie s’expliquer entre autres par l’utilisation de produits à moindres coûts ayant des conditions de stockages moins contrôlés.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1828051X.2022.2117105">La source de nutriments d’origine animale</a> constitue aussi un facteur à prendre en considération, avec des variations des taux en fonction de la source des protéines animales.</p>
<h2>Les aliments sans céréales sont-ils plus sains ?</h2>
<p>Les aliments sans céréales ne sont pas toujours dépourvus d’amidon mais les protéagineux présentent des taux plus faibles en glucides que les céréales. C’est pour cette raison qu’elles intéressent l’industrie de l’alimentation animale. Ces plantes riches en protéines sont des plantes appartenant au groupe de Fabacées, telles que le pois, la féverole, la lentille ou le haricot.</p>
<p>Les graines de protéagineux contiennent un taux élevé de protéines de l’ordre de 20 à 35 %. <a href="https://www.terresunivia.fr/produitsdebouches/alimentation-animale/proteagineux">La graine de pois</a> contient par exemple 21 % de protéines mais aussi 45 % d’amidon.</p>
<p>L’amidon dans les aliments pour chien à basse teneur en glucide est souvent remplacé par des matières grasses. Cela peut ne pas être adapté à la situation de l’animal, notamment en cas de surpoids, d’obésité ou d’insuffisance rénale. Par ailleurs, un aliment sans céréale n’est pas forcément moins riche en glucides lorsque les compositions sont comparées.</p>
<p>Enfin, des <a href="https://www.fda.gov/animal-veterinary/outbreaks-and-advisories/fda-investigation-potential-link-between-certain-diets-and-canine-dilated-cardiomyopathy">études récentes</a> ont rapporté des cas de maladies cardiaques (cardiomyopathie dilatée) chez des chiens consommant des aliments sans céréales, riches en légumineuses, et ce sans que cela soit lié à des races à risque de cette pathologie. Si actuellement, l’association entre aliment sans céréales et cardiomyopathie dilatée n’est pas encore claire, la prudence s’impose, notamment pour les aliments à base de pois comme le suggère une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10212094/">très récente étude</a>.</p>
<h2>Verdict : les céréales sont innocentes</h2>
<p>Les accusations concernant les céréales ne sont pas aussi évidentes qu’elles y paraissent : le chien consomme des céréales depuis sa domestication, il a parfaitement développé les enzymes pour digérer l’amidon, le gluten n’est un problème que pour quelques individus de races peu répandues et les mycotoxines sont retrouvées dans tous les aliments mais leur quantité est très réglementée au moment des récoltes de grains et par l’industrie.</p>
<p>Finalement, choisir un aliment sans céréales, pour des chiens en bonne santé sans situation médicale particulière ne se justifie pas scientifiquement actuellement. L’accusé est donc déclaré : innocent !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hoummady Sara a reçu des financements de MP Labo lors de son Ph.D sur le vieillissement chez le chien, a travaillé dans l'industrie du petfood (il y a trois ans).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillemette Garry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faut-il donner des céréales, comme du blé ou du riz, à manger aux chiens ? Leur présence dans les croquettes provoquerait des désagréments gastriques. Que dit la science ?Sara Hoummady, DMV, PhD, Associate professor in ethology and animal nutrition, UniLaSalleGuillemette Garry, Enseignante chercheur, Dr en biologie option phytopathologie, UniLaSalleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1978332023-01-18T18:10:24Z2023-01-18T18:10:24ZAlimentation saine : attention, vos sens vous jouent des tours à l’achat…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504443/original/file-20230113-24-hyb1r7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=61%2C5%2C1137%2C688&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les points de vente, l’environnement sonore et lumineux exerce une forte influence sur l’acheteur.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/free-download.php?image=le-marche&id=274623">Publicdomainpictures.net/Mohamed Mahmoud Hassan</a></span></figcaption></figure><p>Chaque année, au Nouvel An, de nombreuses personnes prennent de nouvelles résolutions, dont la plus importante est d’adopter un <a href="https://www.statista.com/chart/29019/most-common-new-years-resolutions-us/">mode de vie plus sain</a>, avec plus d’exercice et une alimentation plus saine. C’est, cependant, plus facile à dire qu’à faire : nous prenons environ 200 décisions alimentaires par jour et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0013916506295573">moins de 15 % d’entre elles sont prises consciemment</a>. En effet, la majorité de nos décisions alimentaires, prises de manière inconsciente, est influencée par des facteurs comme la couleur, la forme ou le poids de l’emballage, le prix du produit, mais aussi des facteurs environnementaux tels que la température, le volume sonore, les éclairages, etc.</p>
<p>Nos préférences et la façon dont nous percevons les aliments dépendent donc fortement de nos cinq sens ; ce que nous voyons, sentons, entendons, ressentons et goûtons influence nos choix alimentaires. Ces sens peuvent nous amener à faire des choix alimentaires erronés, ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé à long terme.</p>
<p>Des recherches ont montré que <a href="https://foodinsight.org/2022-food-and-health-survey/">80 % des consommateurs ne savent pas</a> comment prendre des décisions en matière d’<a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/alimentation-saine-115979">alimentation saine</a>, notamment en raison d’une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0743915618824332">mauvaise compréhension des données nutritionnelles</a>. Ces informations, comme le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nutri-score-103046">Nutri-score</a>, n’ont donc pour le moment qu’un <a href="https://myscp.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1016/j.jcps.2010.06.008">impact marginal</a> sur les choix alimentaires. Les consommateurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1057740814000291">se fient davantage à leurs intuitions</a>, qui sont influencées par leurs perceptions sensorielles.</p>
<h2>Nous mangeons avec nos yeux !</h2>
<p>Lorsque vous vous trouvez devant le rayon pour choisir votre déjeuner, la première chose que vous ferez sera de regarder les différentes options disponibles. Ce n’est un secret pour personne, l’emballage va fortement influencer votre choix. Par exemple, les consommateurs croient que les aliments emballés en bleu/vert/marron, couleurs associées à la sécurité et à la nature, sont <a href="http://www.mmaglobal.org/publications/MMJ/MMJ-Issues/2015-Fall/MMJ-2015-Fall-Vol25-Issue2-Huang-Lu-pp71-87.pdf">plus sains que ceux emballés en rouge</a>. De même, les aliments dont l’emballage est <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/688221">plus clair</a> et avec <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435916300379?via%3Dihub">peu de couleurs</a> sont perçus meilleurs pour la santé. Les consommateurs pensent également que les aliments dont l’emballage présente une <a href="https://myscp.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jcpy.1126">surface mate</a> sont plus sains que ceux dont l’emballage présente une surface brillante.</p>
<p>Outre la couleur et la brillance, les individus ont tendance à estimer que les aliments contenus dans des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296321007384?via%3Dihub">emballages fins sont plus sains</a> que les aliments contenus dans des emballages de forme large. Les matériaux ont également leur importance : les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0950329316301203">emballages en carton</a> donnent l’impression que les produits sont plus naturels que ceux emballés dans du plastique. D’autres éléments, comme une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/002224299806200405">étiquette « bio »</a> ou encore un <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/43/6/992/2743659?redirectedFrom=fulltext">prix élevé</a>, peuvent également interprétés comme des signaux indiquant un produit sain.</p>
<p>Imaginez qu’une alimentation saine figure en tête de votre liste de résolutions du Nouvel An et que vous vous rendez à l’épicerie : il y aura donc dans ce cas de fortes chances pour que vous optiez pour un déjeuner « bio », plutôt cher et emballé dans un carton vert/marron clair et mat. Ces choix seront d’autant plus probables si l’éclairage de l’épicerie est vif. En effet, une luminosité réduite, tant dans les restaurants que dans les points de vente, est a contrario <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1509/jmr.14.0115">associée une alimentation moins saine</a>.</p>
<h2>Envie de pizza…</h2>
<p>Les distributeurs utilisent souvent les odeurs ambiantes dans leur espace de vente pour inciter à l’achat, notamment dans le cadre d’achats alimentaires. En effet, une brève exposition (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0022243718820585">moins de 30 secondes</a>) à une odeur de biscuit ou de pizza encourage le consommateur à acheter ces produits peu sains. En revanche, cette odeur peut devenir pénible sur une durée plus longue. Par conséquent, selon le temps que vous mettez à choisir votre déjeuner, l’odeur ambiante va influencer votre choix final.</p>
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<p>L’ambiance sonore constitue également un élément important. C’est pourquoi de nombreux magasins sélectionnent soigneusement la musique qu’ils diffusent dans leurs locaux. Par exemple, une musique au tempo plus élevé incite à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.2466/pms.1992.75.2.362">boire</a> et à <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/BF03329832">manger plus rapidement</a>. Le volume de la musique joue aussi un rôle important. En effet, une musique à faible volume augmente le sentiment de relaxation, ce qui se traduit par une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11747-018-0583-8">augmentation des ventes d’aliments sains</a>.</p>
<p>Si vous souhaitez faire des choix alimentaires plus sains, il sera donc préférable d’aller à l’épicerie lorsqu’il y a peu de monde et moins de bruit qu’aux heures de pointe. Vous pouvez également brancher votre propre casque antibruit et écouter de la musique à faible volume.</p>
<h2>La guimauve plus que le chocolat</h2>
<p>Le fait de toucher ces produits peut également influencer votre choix. La <a href="https://myscp.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jcpy.1249">sensation du poids de l’aliment</a> peut orienter votre perception des ses bienfaits ou méfaits en termes de santé. Ainsi, un consommateur estimera, même à tort, qu’un produit léger comme de la guimauve est plus sain qu’un aliment plus lourd comme du chocolat.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-grande-confusion-du-consommateur-face-a-la-mention-light-sur-les-aliments-161034">La grande confusion du consommateur face à la mention « light » sur les aliments</a>
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<p>De plus, une salade de pâtes peut être mangée froide plutôt que chaude, car la <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/47/4/523/5815985?redirectedFrom=fulltext">température des aliments joue un rôle</a> : les consommateurs pensent en effet que les aliments chauds sont plus riches en calories, ce qui les incite à choisir des aliments froids lorsqu’ils veulent manger sainement.</p>
<p>Enfin, le goût peut tromper notre perception. En effet, il existe une croyance générale selon laquelle les aliments <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1509/jmkg.70.4.170">moins savoureux sont plus sains</a>. Par conséquent, une fois que vous avez choisi votre déjeuner sain, il se peut que vous le trouviez moins savoureux qu’il ne l’est réellement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-pense-t-on-que-les-produits-bio-sont-moins-bons-112979">Pourquoi pense-t-on que les produits bio sont « moins bons » ?</a>
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<h2>Commandez en ligne</h2>
<p>Comment déjouer ces biais ? Une première solution consiste à faire ses courses en ligne. L’impact sensoriel des produits présentés (que vous ne pouvez ni toucher ni sentir) diminuent, ce qui réduit le désir des consommateurs de rechercher une gratification instantanée et les incite à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1509/jmr.14.0490">acheter moins de produits alimentaires malsains</a>.</p>
<p>Un autre levier pour vous aider à prendre des décisions plus saines en matière d’alimentation consiste à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1509/jmr.14.0234">commander à l’avance</a> vos repas. On améliore ainsi la maîtrise de ses décisions, moins impulsives, ce qui favorise des décisions alimentaires plus saines. Cependant, faites attention à l’interface que vous utilisez pour commander, car vous êtes moins susceptible de retenir des options saines <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1509/jmr.14.0563">lorsque vous utilisez des interfaces tactiles</a> (un smartphone ou une tablette) que des interfaces non tactiles (un ordinateur de bureau avec une souris) ou lorsque vous exprimez votre commande en parlant (en utilisant Siri/Alexa) <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/42/4/535/2572189">plutôt que manuellement</a> (par exemple, en cliquant sur la souris).</p>
<p>Pour résumer, si vous voulez prendre des décisions alimentaires plus saines, il pourrait être bénéfique de faire vos choix alimentaires à l’avance, en ligne, de préférence sur un ordinateur de bureau en utilisant votre souris et en écoutant un peu de musique à faible volume, le tout dans un environnement lumineux. Vous n’avez plus d’excuses pour ne pas tenir vos bonnes résolutions !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197833/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nico Heuvinck ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon différents travaux de recherche, privilégier les courses en ligne ou faire ses achats dans des lieux calmes et lumineux permet au consommateur d’éviter les décisions erronées…Nico Heuvinck, Professor in Marketing & Academic Director of the MSc in Digital Marketing & CRM, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1934092022-11-03T19:39:33Z2022-11-03T19:39:33ZAlimentation : altruiste, « healthy », décomplexé… à quel profil de consommateur correspondez-vous ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/492109/original/file-20221027-36977-1o5aie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C13%2C1165%2C823&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Créer un produit idéal qui prendrait en compte l’ensemble des perceptions des consommateurs semble plus qu’illusoire.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/faim-manger-biscuit-biscuit-salé-413685/">Ryan McGuire/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 3 octobre 2022, le groupe brésilien JBS, producteur de bœuf, poulet et porc a annoncé la <a href="https://www.lafranceagricole.fr/actualites/article/768015/le-geant-de-la-viande-jbs-ferme-sa-filiale-de-substituts-vegans">fermeture de sa filiale américaine</a> dédiée aux alternatives à la viande, deux ans après le lancement de ses premiers substituts. La firme brésilienne a indiqué se concentrer sur les marchés brésiliens et européens qui semblent plus réceptifs aux produits alternatifs à la viande.</p>
<p>Comprendre ce qui guide les préférences et les choix alimentaires des consommateurs est ainsi crucial pour les entreprises du secteur agroalimentaire. Or, ces choix résultent d’un <a href="https://www.jstor.org/stable/40971298">processus complexe</a> basé sur plusieurs facteurs tels les propriétés intrinsèques et extrinsèques du produit, les croyances et connaissances du consommateur ou encore le contexte de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-consommateur-responsable-souffre-encore-dune-image-trop-negative-191474">Le consommateur responsable souffre encore d’une image trop négative</a>
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<p>Parmi les facteurs explicatifs des choix alimentaires, dans <a href="https://www.cairn.info/revue-decisions-marketing-2022-3-page-53.htm">notre recherche</a>, nous nous sommes intéressées à la prise en compte des conséquences de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alimentation-21911">alimentation</a> pour savoir : 1/dans quelle mesure les consommateurs anticipent-ils certaines conséquences lorsqu’ils font un choix alimentaire ; et 2/quelles sont ces conséquences et peut-on les classifier pour en dresser une typologie de consommateurs ?</p>
<h2>Considération des conséquences futures</h2>
<p>Lorsqu’un individu agit, le fait-il en tenant compte des conséquences futures que pourrait engendrer son action ou bien, au contraire, prend-il uniquement en considération les conséquences immédiates ? Selon la littérature, chaque individu aurait tendance à se préoccuper des conséquences futures de ses actions <a href="https://psycnet.apa.org/record/1994-29658-001">à des degrés divers</a>. La <em>Consideration of Future Consequences</em> (CFC) serait une variable relativement stable, une disposition psychologique pouvant néanmoins évoluer selon <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2010-5-page-351.htm">l’environnement de vie de l’individu</a>.</p>
<p>Des mesures spécifiques de CFC ont été développées au fil des années mais, les <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-02182-001">mesures existantes</a> ne permettent pas de savoir de quelle(s) conséquence(s) il est question. Deux consommateurs peuvent obtenir un score identique et prendre en compte des conséquences complètement différentes : l’un pensera à des conséquences sur sa santé et l’autre sera motivé par des conséquences sur l’environnement.</p>
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<p>Il n’est donc pas pertinent dans une logique <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> de s’adresser à eux de la même manière, c’est-à-dire avec les mêmes arguments. Il apparaît donc utile de savoir de quelles conséquences il est question lorsque l’on parle des conséquences futures de son alimentation. Nous avons mené une <a href="https://www.cairn.info/revue-decisions-marketing-2022-3-page-53.htm">étude qualitative</a> pour analyser cela plus en profondeur.</p>
<h2>« On est devenu toxique »</h2>
<p>Dans notre étude, 28 participants aux profils variés en termes sociodémographiques et de comportements alimentaires ont été interrogés. Les conséquences évoquées par les participants se regroupent dans deux catégories : <em>les conséquences sur les autres</em> et <em>sur soi</em>.</p>
<p><iframe id="GOGuG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GOGuG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans la catégorie <strong>« conséquences sur les autres »</strong>, les conséquences sur l’environnement sont le plus souvent citées :</p>
<blockquote>
<p>« Aujourd’hui on puise dans les réserves de la planète, on est devenu toxique pour la planète, on produit mal, on extrait mal ».</p>
</blockquote>
<p>Cela illustre à quel point les consommateurs sont sensibilisés et sensibles à la question de l’impact environnemental de leurs choix alimentaires. S’en suivent les conséquences sur la condition animale :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne pense pas qu’un être sur cette Terre mérite de ne pas voir le soleil, vive dans 3m<sup>2</sup>, se fasse décapiter »</p>
</blockquote>
<p>Vient ensuite l’enjeu du lien social et des relations humaines, renvoyant ainsi à la notion de « commensalité » (l’acte de manger ensemble) de l’alimentation mais en tant que conséquence des choix alimentaires. Dans une moindre mesure, les participants ont également évoqué les conséquences de leur alimentation sur les conditions économiques du pays, l’emploi en soulignant notamment le caractère complexe des choix liés aux canaux de distribution sur l’emploi. Enfin, des conséquences sur les conditions de vie des producteurs ont été citées.</p>
<p>Au sein de la catégorie <strong>« conséquences sur soi »</strong>, les conséquences sur la santé physique sont les plus récurrentes :</p>
<blockquote>
<p>« Les pommes que tu achètes au supermarché, tu la poses trois mois sur la table et elle ne bouge pas. En revanche, tu la prends chez ton maraîcher, une semaine après c’est foutu. En fait, on allonge l’espérance de vie de la pomme en raccourcissant la nôtre ».</p>
</blockquote>
<p>Viennent ensuite les conséquences sur l’esthétique, le poids, la peau, sur la santé mentale, le bien-être et, pour finir, sur le pouvoir d’achat :</p>
<blockquote>
<p>« Mon mode de consommation est purement budgétaire, ma première raison c’est bien le côté budgétaire ».</p>
</blockquote>
<h2>Six profils de consommateurs</h2>
<p>Sur la base de cette étude, nous avons mené une analyse typologique qui révèle six profils distincts de consommateurs :</p>
<p><strong>– Les peu concernés.</strong> Ce groupe s’exprime peu sur le sujet et apparaît peu impliqué dans l’alimentation. Ils semblent faire leurs choix alimentaires à l’instant <em>t</em>, prendre en compte les conséquences immédiates de l’alimentation, principalement la nécessité de combler leur faim. Ainsi, ils considèrent peu de conséquences futures lorsqu’ils font un choix alimentaire.</p>
<p><strong>– Les altruistes.</strong> Leur point commun est la prise en compte des conséquences sur les animaux mais, celle-ci peut aboutir à différents comportements. Certains déclarent que c’est ce qui les a poussés à devenir végétariens ou végétaliens. D’autres parlent d’une récente prise de conscience à la cause animale (ils diminuent leur consommation de viande ou font attention à la viande consommée). La notion d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/ethique-20383">éthique</a> envers les producteurs apparaît également chez certains, qui sont sensibles à leurs conditions de travail.</p>
<p><strong>– Les éducateurs alimentaires</strong>. Ce petit groupe déclare se préoccuper des conséquences sur les autres, tels que sur l’économie du pays, l’emploi ou l’environnement. Ils souhaitent exercer une influence sur leur entourage en donnant le bon exemple pour leurs enfants afin de ne pas reproduire le même schéma d’éducation alimentaire que leurs parents.</p>
<p><strong>– Les « healthy »</strong>. Ils s’intéressent à la nutrition essentiellement en raison de ses effets sur leur corps. L’esthétique est la conséquence la plus importante et celle prise en compte au quotidien dans leurs choix alimentaires. Dans un second temps, ils s’intéressent aussi aux conséquences sur les autres, comme s’ils recherchaient à travers l’alimentation un bien-être personnel puis collectif, un mode de vie sain pour soi, puis pour les autres.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nutri-score-nova-bio-comment-mieux-informer-sur-les-effets-sante-des-aliments-171980">Nutri-score, NOVA, bio… Comment mieux informer sur les effets « santé » des aliments ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p><strong>– Les anxieux</strong>. Ils évoquent s’intéresser à beaucoup de conséquences et les prendre en compte dans leurs choix alimentaires. Il s’agit essentiellement de conséquences sur leur santé physique, parfois en raison de problèmes de santé. Concernant les conséquences sur les autres, ils évoquent quasiment toutes les conséquences, à l’exception de celles sur les animaux.</p>
<p><strong>– Les décomplexés.</strong> Ils s’expriment beaucoup, mais davantage pour déclarer les conséquences qu’ils ne prennent pas en compte et ce, de manière décomplexée. Ils affirment aimer manger, aimer le côté convivial de l’alimentation, mais déclarent ne pas toujours se préoccuper de ce qu’ils mangent ou des conséquences. Ils justifient cela par un besoin de décompression, de profiter de la vie, de ne pas se prendre la tête avec le contenu de leur assiette. Faire attention à leur alimentation au quotidien leur semble difficile et démesuré.</p>
<p>Ainsi, il semble illusoire pour des chefs de produits ou de marques de vouloir créer un produit idéal qui prendrait en compte toutes les conséquences et mettrait, en ce sens, tout le monde d’accord.</p>
<p>Notre recherche montre qu’elles s’avèrent nombreuses et parfois contradictoires (difficile de concilier l’amélioration des conditions de vie des producteurs et de son propre pouvoir d’achat, par exemple) mais surtout, que les consommateurs eux-mêmes se distinguent selon celles qu’ils priorisent. Et vous, à quel profil de consommateur correspondez-vous ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193409/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurie Balbo est membre de l'Association Française du Marketing (AFM). Ce projet de recherche a fait l'objet d'un financement "Soutien à la Recherche" de l'Université de Montpellier.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andréa Gourmelen est membre de l'association française du marketing (AFM).
Ce projet de recherche a fait l'objet d'un financement "Soutien à la Recherche" de l'Université de Montpellier</span></em></p>La considération des conséquences futures de son alimentation varie beaucoup d’un individu à l’autre, souligne une étude.Laurie Balbo, Professeure Associée en Marketing _ Directrice du Programme MSc in Marketing Management, Grenoble École de Management (GEM)Andréa Gourmelen, Maître de conférences en sciences de gestion (marketing), Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914702022-10-16T15:33:48Z2022-10-16T15:33:48ZLes vins d’appellation vont-ils disparaître ou renaître avec le changement climatique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488983/original/file-20221010-19-n883qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C798%2C518&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vignoble de l'appellation Cabrières, en Languedoc.
Une petite appellation touchée par le changement climatique ou cohabitent une cave coopérative dynamique (L'estabel) et l'un des entrepreneurs les plus connus du vin, Gérard Bertrand, qui investit dans la viticulture bio et biodynamique.</span> <span class="attribution"><span class="source">INRAE</span></span></figcaption></figure><p>En France, plus de 90 % de la production des vins est signalée par des « appellations », c’est-à-dire des indications géographiques, <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/reseau-qualite/3281-chiffres-cles-siqo-2020/file">AOP ou IGP</a>, qui garantissent que la qualité ou certaines caractéristiques de ces vins sont liées à leurs origines géographiques, et, dans le cas des AOP, <a href="https://agriculture.gouv.fr/aocaop-igp-tout-savoir-sur-les-signes-officiels-de-lorigine">à un terroir et des savoir-faire locaux reconnus</a>.</p>
<p>Mais le changement climatique vient remettre en cause ces liens construits historiquement, inscrits dans des cahiers des charges et garantis par <a href="https://www.inao.gouv.fr/">l’INAO</a>. Les vins d’appellation sont-ils voués à disparaître ou peuvent-ils survivre au changement climatique, et alors à quelles conditions ?</p>
<p>Cette question est étudiée depuis 2012 à travers le projet <a href="https://www.inrae.fr/actualites/laccave-dix-ans-recherche-partenariat-ladaptation-viticulture-au-changement-climatique">INRAE LACCAVE</a> dont les résultats viennent d’être présentés en juillet 2022 dans deux colloques internationaux : <a href="https://gi2021.sciencesconf.org/data/Presentation_FR.pdf">Perspective mondiale des IG</a> et <a href="https://terclim2022.symposium.inrae.fr/">TERCLIM</a>.</p>
<h2>Le changement climatique menace les vins d’appellation</h2>
<p>L’augmentation de la température moyenne, les modifications de la pluviométrie et la variabilité croissante du climat modifient en effet rapidement les conditions de production du vin dans tous les vignobles français.</p>
<p><a href="https://www6.inrae.fr/laccave/Actualites2/Plaquette-La-vigne-le-vin-et-le-changement-climatique">Les stades de développement de la vigne sont partout plus précoces</a>, depuis l’éclosion des bourgeons qui deviennent plus vulnérables au gel au sortir de l’hiver, jusqu’aux vendanges qui ont maintenant en moyenne plus de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-agriculture-et-foret">3 semaines d’avance par rapport aux années 1980</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les stress hydriques sont aussi plus prononcés, en particulier en zone méditerranéenne, ce qui <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02633121/document">limite les rendements et modifie les processus de maturation des raisins</a>. Les raisins deviennent plus sucrés, leurs acides se dégradent plus rapidement, la composition en précurseurs d’arômes change… En conséquence la qualité des vins se modifie dans tous les vignobles. Ils sont plus alcoolisés, avec par exemple en Languedoc <a href="https://www.vignevin-occitanie.com/wp-content/uploads/2018/11/Leviers-dadaptation-au-changement-climatique-Van-Leeuwen.pdf">près de 14° en moyenne depuis 2015, contre 11° dans les années 1980</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489387/original/file-20221012-20-sr3wch.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Banyuls est le vignoble le plus au sud de la France, avec des rendements en baisse, mais qui se maintient grâce à l’oenotourisme. Replanter les vignes plus en altitude est une alternative face au changement climatique, mais il faut pour cela gérer collectivement l’évolution du paysage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INRAE</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les vins ont aussi moins d’acidité, des profils aromatiques nouveaux, par exemple des <a href="https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/planete/vin-quimporte-le-climat-pourvu-quon-ait-livresse/vins-du-rechauffement-climatique-des-fruits-frais-aux-fruits-cuits/">goûts plus marqués de « fruits cuits »</a> pour certains cépages rouges… Ces évolutions ne sont pas forcément négatives, surtout pour les vignobles plus septentrionaux, mais ils s’accélèrent et expriment un décalage progressif avec des profils qui avaient été identifiés et codifiés dans les cahiers des charges des appellations, avant les années 1980.</p>
<p>Le changement climatique a aussi d’autres impacts sans doute plus préoccupants. La variabilité climatique croissante accentue les effets de millésime, pouvant déstabiliser la gestion des qualités de chaque appellation. Surtout, les risques économiques augmentent avec les vagues de chaleur, qui peuvent brûler les raisins comme en <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/vignes-brulees-canicule-viticulteurs-herault-gard-inquiets-leur-avenir-1693108.html">2019 dans l’Hérault et le Gard</a>, avec la grêle ou les pluies violentes qui détruisent les récoltes ou les parcelles (phénomène d’érosion accru).</p>
<p>La pression des maladies et ravageurs peut également devenir plus forte en cas d’année chaude et humide, comme en <a href="https://www.mon-viti.com/node/25000/activer">2018 dans le midi</a>. Plus globalement, ce sont les écosystèmes et paysages qui sont touchés, avec des risques d’incendies plus fréquents et plus importants, comme en 2022, ce qui affecte directement les vignes (<a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/pyrenees-orientales/perpignan/pyrenees-orientales-du-vin-fume-apres-les-incendies-du-vignoble-2608904.html">destructions, goût de fumée</a>…), mais aussi l’image et l’attractivité touristique des vignobles d’appellation.</p>
<p>Le changement climatique remet donc en cause les qualités des vins, leurs variabilités et leurs liens aux territoires, en menaçant la rentabilité des entreprises, en modifiant l’image et l’attractivité des terroirs viticoles… Le système actuel des vins d’Appellation serait-il condamné ?</p>
<h2>Les stratégies d’adaptation peuvent aussi remettre en cause les vins d’appellation</h2>
<p>Les leviers d’adaptation au changement climatique sont heureusement nombreux, expérimentés à la fois par les viticulteurs et la recherche. Mais ils peuvent aussi déstabiliser les vignobles et vins d’appellation !</p>
<p>Une première solution est de planter des cépages plus tardifs, résistants à la sécheresse, aux hautes températures et aux maladies, ou produisant moins de sucre et conservant l’acidité… Dans plusieurs vignobles, <a href="https://www6.bordeaux-aquitaine.inrae.fr/egfv/Ressources/Dispositifs-experimentaux/Parcelle-VITADAPT">comme à Bordeaux</a>, sont ainsi testés des cépages venant de régions plus chaudes, des cépages anciens qui avaient été délaissés ou, au contraire, de nouvelles variétés créées par la recherche, comme celles du <a href="https://observatoire-cepages-resistants.fr/">réseau Oscar</a>… mais les impacts sur le goût et l’identité des vins d’appellation posent question. Une autre option est de modifier les pratiques agronomiques, en particulier la <a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/6001c92d3af20b4afec0aa16/La%20gestion%20du%20sol.html">gestion du sol</a> par l’ajout de matière organique ou un « paillage » pour mieux conserver l’eau, mais aussi la taille, la <a href="https://www.vineas.net/fr/2/114/innos.html">conduite du feuillage ou la plantation d’arbres</a> pour gagner en fraîcheur et protéger les raisins.</p>
<p><a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/5fcfb86cd5ee2d7b9c9b83d7/Irrigating%20the%20vineyards.html">L’irrigation</a> est également mise en avant mais elle fait l’objet de <a href="https://reporterre.net/Les-vignes-industrielles-bientot-dependantes-de-l-irrigation">nombreux débats</a> car elle peut modifier l’enracinement des vignes et ses liens au terroir. Des pratiques œnologiques comme la <a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/602aa8a868a64b1aa6e48bb5/Gestion%20de%20degr%C3%A9%20d%E2%80%99alcool.html">désalcoolisation par membrane</a> ou <a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/602aa96368a64b1aa6e48bfb/Gestion%20de%20l%E2%80%99acidit%C3%A9.html">l’ajustement de l’acidité</a> peuvent corriger les impacts du changement climatique sur la qualité du vin, mais elles présentent pour les vins d’appellation un risque d’industrialisation et de standardisation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489390/original/file-20221012-25-xze0yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vignoble irrigué en goutte goutte dans l’Aude. L’irrigation est une solution possible face au changement climatique, mais elle ne peut se généraliser et doit se faire sous conditions de pratiques économes, agroécologiques et en se préoccupant de la durabilité des ressources en eau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INRAE</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’adaptation ne repose pas que sur des solutions techniques. La relocalisation des plantations est une autre option déjà engagée, au sein d’une même zone de production (parcelles avec exposition, altitude ou sol différents) ou dans de nouvelles régions qui deviennent suffisamment chaudes, comme en <a href="https://vigneronsbretons.bzh/2020/09/16/revue-de-presse-interview-de-herve-quenol-membre-du-ca-de-l-arvb/">Bretagne</a>, <a href="https://www.linfodurable.fr/environnement/rechauffement-climatique-la-vigne-sinstalle-dans-les-hauts-de-france-20704">Haut de France</a>, Nord de l’Europe… Des « pionniers viticulteurs » s’y lancent, sont médiatisés, prennent des risques. Le changement climatique modifie ainsi les concurrences entre régions et remet en cause la « carte des vins » sur laquelle se sont calés historiquement les vignobles d’appellation.</p>
<p>Enfin l’adaptation passe aussi par le développement de nouvelles institutions et relations de R&D pour favoriser les partages de connaissance, et par de nouveaux services d’alerte, de conseil, et, bien sûr, d’assurance dans la ligne de la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/285954-ordonnance-29-juillet-2022-reforme-regime-assurance-recolte-agriculture">réforme du régime de l’assurance récolte</a> prévue pour 2023. Plus globalement, ce sont des révisions stratégiques qui sont en cause, combinant les solutions précédentes à différentes échelles d’action, et pouvant aussi viser une diversification des activités, une meilleure prise en compte des <a href="https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/planete/vin-quimporte-le-climat-pourvu-quon-ait-livresse/les-consommateurs-se-detournent-des-vins-du-rechauffement-climatique/">perceptions des consommateurs au regard des évolutions de la qualité</a>, mais aussi de leurs attentes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, avant tout liés <a href="https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/itineraires_24_bat_0711.pdf">à la logistique du vin et aux bouteilles</a>, le conditionnement clé des vins d’appellation.</p>
<h2>Une voie reste possible : la cogestion adaptative des vins et terroirs viticoles</h2>
<p>Le changement climatique place donc les vins d’appellation entre deux impasses : une voie conservatrice, qui ne retiendrait que des adaptations compatibles avec les cahiers des charges actuels (certaines pratiques agronomiques, les assurances…), mais incapables de répondre à l’intensité du changement climatique ; une voie d’innovation radicale fondée sur les seules promesses technologiques (créations variétales, irrigation, œnologie corrective, relocalisation massive) qui entraîneraient une artificialisation de la viticulture, réduisant ses liens au terroir, le fondement des appellations.</p>
<p>Les travaux de LACCAVE suggèrent qu’une autre voie reste possible, souhaitée par une large majorité de viticulteurs et amorcée par de premiers changements politiques et réglementaires.</p>
<p>En partant d’une <a href="https://www.vineas.net/medias/b867b10c-e815-4ec4-a9cd-a45cac672073.pdf">prospective pour la viticulture française en 2050</a>, les forums que nous avons organisés dans les sept principales régions viticoles françaises montrent en effet une volonté générale d’aller vers une <a href="https://www.vineas.net/fr/7_114/60215db7a3d6610c0fe3681b/Prospective%20et%20strat%C3%A9gie%20nationale%20en%20France.html">stratégie de type « innover pour rester</a> » maintenant un ancrage territorial du vin.</p>
<p>Il s’agit de passer d’une vision « conservatrice » d’un vin d’appellation (où terroir, pratiques et qualité seraient considérés comme « immuables ») à une définition « procédurale », garantissant que les viticulteurs adoptent une démarche de valorisation et différenciation des produits fondée sur une gestion adaptative des ressources territoriales. Dans ce cas, l’innovation est possible pour les vins d’appellation, privilégiant des « solutions fondées sur les ressources locales » respectant des délibérations locales et plus ouvertes aux autres acteurs utilisant ces ressources.</p>
<p>Cette troisième voie reste soumise à une série de conditions : i) un réchauffement climatique le plus modéré possible, proche des objectifs de la COP21, qui limiterait les impacts sur les vins et offrirait plus de marges de manœuvre pour l’adaptation ; ii) le maintien d’une reconnaissance par les consommateurs et pouvoirs publics d’une qualité liée à l’origine, associée à la production de biens publics ; iii) des procédures plus faciles de révision des cahiers des charges, poursuivant l’évolution engagée par l’INAO autorisant depuis 2018 l’introduction de <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-93539-les-cepages-a-fin-dadaptation-interessent-le-vignoble-champenois.html">nouveaux cépages « à des fin d’adaptation</a> » ou une <a href="https://www.pleinchamp.com/actualite/actualites-generales%7Evigne-l-inao-entrouvre-les-vannes-de-l-irrigation">irrigation d’appoint « à des fins qualitatives »</a> ; iv) le développement d’actions d’atténuation, inscrites dans les cahiers des charges et pouvant aller jusqu’à un système local de <a href="https://www.vignevin.com/article/lengagement-de-la-filiere-vin-vers-la-neutralite-carbone/">compensation carbone</a> favorisant un oenotourisme et des exportations responsables ; v) Le développement de recherches participatives et d’une nouvelle « ingénierie des terroirs », associant compétences de diagnostic, de simulation climatique et de gestion adaptative de projets locaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international, et dont TheConversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191470/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Touzard a reçu des financements de INRAE, ANR, Union Européenne, Région Occitanie (projets de recherche ou expertise). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Ollat a reçu des financements de INRAE, Région Nouvelle Aquitaine, Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux. </span></em></p>L’adaptation des vins d’appellation au changement climatique fait face à deux impasses : une voie conservatrice et une voie d’innovation radicale. Comment y remédier ?Jean-Marc Touzard, Directeur de Recherche, économie de l'innovation, InraeNathalie Ollat, Ingénieur de recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1784882022-08-03T17:41:25Z2022-08-03T17:41:25ZL’oenologie, une discipline en constante évolution<p>Cet article aurait aussi bien pu s’intituler : « Comment Louis Pasteur a inventé l’oenologie ». Mais si dès 1856 Louis Pasteur a révélé que des micro-organismes sont à l’origine de la fermentation alcoolique, il n’a en réalité pas inventé l’oenologie. Avant le début du XIX<sup>e</sup> siècle, la production du vin était encore empirique et basée sur l’observation et ce n’est qu’avec l’essor des sciences que naîtra l’ambition de « gouverner le vin ».</p>
<p>Le terme « oenologie » est utilisé pour la première fois en 1636, mais il ne prend un caractère scientifique qu’en 1807. Dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1510039h.image"><em>L’art de faire le vin</em></a>, Chaptal décrit l’oenologie comme la « science qui s’occupe de la fabrication et la conservation du vin ». L’oenologie quitte le champ de l’agronomie pour celui de la chimie.</p>
<h2>Le vin médecin</h2>
<p>Le vin est l’objet d’étude de nombreux hommes de sciences, comme le montre très bien l’historienne <a href="https://www.cairn.info/les-metiers-de-la-vigne-et-du-vin--9782706144042.htm">Sénia Fedoul</a>. L’oenologie se construit comme science en devenir grâce à des pharmaciens (qui procèdent à l’analyse des vins et au dosage des produits oenologiques), des chimistes et des médecins. Jusqu’au début du XX<sup>e</sup> siècle, le corps médical dans sa grande majorité attribue au vin des <a href="http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1754">vertus sanitaires</a>. Chez certains spécialistes, selon sa quantité, son origine ou sa typologie, un vin guérira tel ou tel symptôme. Le <em>Projet de codex oenothérapique</em> du Dr Eylaud publié en 1935 illustre très clairement le mouvement. Au XIX<sup>e</sup> siècle quoi qu’il en soit, à cause du développement incontrôlé des bactéries, la consommation d’eau reste souvent plus dangereuse que celle du vin. Ce qui explique que Pasteur déclarait encore en 1866 : « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons ».</p>
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<p>Les travaux de <a href="https://www.decitre.fr/ebooks/pasteur-et-ses-decouvertes-9782092609156_9782092609156_1.html">Pasteur</a>, commandés par Napoléon III, étaient liés à des enjeux économiques nationaux. En trouvant une solution à la conservation des vins, l’Empire serait à même de satisfaire les exigences du négoce en termes de qualité. Assurer la stabilité des vins durant leur voyage constituerait un avantage décisif sur les concurrents à l’export dans le cadre des accords de libre-échange signés dans les années 1860.</p>
<h2>Le vin peut fermenter deux fois sans se transformer en vinaigre</h2>
<p>Revenons à la fermentation et à l’importante découverte de Pasteur : en plaçant les vignes sous des serres, il observe que la fermentation alcoolique ne démarre pas. Il en déduit l’importance des levures naturellement présentes sur la peau des baies dans le processus de fermentation alcoolique. La fermentation alcoolique est la transformation des sucres en alcool, elle démarre dès que la pulpe du raisin est en contact avec la partie externe de la peau des grains.</p>
<p>Pasteur découvre également dès le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle l’existence de ferments lactiques auxquels il attribue la responsabilité de maladies dans le vin. Pour lui, les levures font le vin et les bactéries l’endommagent.</p>
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<p>Cette idée que les micro-organismes qui transforment l’acide malique naturellement présent dans le vin en acide lactique sont préjudiciables au vin va donc perdurer. Elle perpétuera une perception négative du phénomène jusqu’au milieu de XX<sup>e</sup> siècle en dépit de nombreux travaux constatant la fermentation malolactique.</p>
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<p>Selon l’œnologue Michèle Guilloux-Benatier, un changement de perspective s’opère pour la première fois avec Louis Ferré en 1928. Le directeur de la Station œnologique de Beaune estime que la fermentation malolactique « conduit le plus souvent à une amélioration de la qualité des vins rouges ». Mais les idées de Pasteur ont la vie dure et il faudra attendre les travaux des Bordelais <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/wp-content/uploads/2019/12/1995-192-dec-p19-ribereau-gayon.pdf">Ribéreau-Gayon</a> et Peynaud en 1937 et 1944 pour que s’opère un changement de paradigme. L’existence générale et normale d’une diminution de l’acidité des vins par les bactéries est ainsi mise en évidence et prend un caractère définitivement positif. Pour eux « Sans fermentation malolactique, il n’y aurait pas de grand vin rouge de Bordeaux ». Cette désacidification biologique du vin sous l’action de bactéries est aujourd’hui utilisée très largement pour conférer aux vins souplesse, rondeur et stabilité microbiologique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chai.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span>
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<h2>Du décryptage de l’activité fermentaire des levures à l’oenologie contemporaine</h2>
<p>Avant la Seconde Guerre mondiale, un premier mouvement s’opère en lien avec la densification des réglementations. L’oenologie analytique pratiquée par les chimistes – les laboratoires de la répression des fraudes en particulier – pour détecter le malversations et les produits non marchands conduit les scientifiques à contrôler davantage la qualité des productions avant leur mise en marché. Le quasi-monopole des négociants dans les activités de production, d’élevage et de vente des vins est dans l’entre deux guerres remis en question par l’émergence de nouveaux opérateurs : les vignerons et les coopératives commencent eux aussi à produire et commercialiser leurs vins.</p>
<p>Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la relation directe entre les vignerons et les consommateurs est encore limitée et l’asymétrie d’information prévaut sur le marché du vin. La volonté des pouvoirs publics de développer les vins d’Apellation d’Origine Controlée (AOC) et les Vins Délimités de Qualité Supérieure (VDQS) combinée à l’essor des nouveaux opérateurs provoque un rapprochement entre le monde de la production et les oenologues. Puisqu’il s’agit de respecter les contraintes normatives caractérisant la qualité des vins (acidité, volatile, degré alcoolique…) les scientifiques multiplient les formations et entrent même progressivement dans le chais.</p>
<p>Au milieu du vingtième siècle, l’industrialisation croissante entraîne des changements scientifiques et techniques, ainsi qu’une augmentation de la compétitivité et de l’internationalisation de l’industrie alimentaire. Ce phénomène conduit au développement ou à la création d’organisations capables de prescrire et d’uniformiser les normes de plus en plus nombreuses imposées aux production alimentaires.</p>
<p>La fondation de l’organisation internationale de normalisation (ISO) en 1947 et le renforcement des actions de l’Office International du Vin (OIV) sont emblématiques de ce processus de standardisation. Il favorise le développement des sciences sensorielles basée sur des techniques d’évaluation standardisées. Les premiers praticiens de l’analyse descriptive (brasseurs, parfumeurs et mais aussi les oenologues américains) commencent à développer l’analyse descriptive en utilisant une méthodologie quantitative. Lors de la création du diplôme national d’oenologue (DNO) en 1955, professeurs et élèves pratiquent encore essentiellement une oenologie analytique de laboratoire très centrée sur les défauts des vins. Mais les transformation sociales, économiques et techniques entraînent une évolution rapide de la science oenologique et de ses applications.</p>
<h2>De l’oenologie de laboratoire à l’oenologie conseil</h2>
<p>Les années 1970 constituent un tournant pour l’agriculture française, avec le renforcement des réglementations normatives et le passage d’une économie de l’offre à une économie de la demande. Les premières associations de consommateurs, apparues dans les années 1950, à l’instar de l’<a href="https://www.quechoisir.org/combat-ufc-que-choisir-premiere-association-de-consommateurs-de-france-t3075/">Union Fédérale des Consommateurs</a> prennent de l’ampleur. Leur émergence, couplée à la montée en puissance du service de répression des fraudes et la multiplication des supermarchés poussent les producteurs à normaliser la qualité de leurs produits. Pour répondre à la demande du marché les producteurs doivent se spécialiser davantage et naît le besoin d’une oenologie de conseil.</p>
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<p>Depuis Pasteur, l’oenologie de laboratoire permet grâce aux analyses effectuées d’adapter les actions des viticulteurs et des négociants dans les chais. Dans les années 1970, l’oenologue <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782710306825-oenologue-dans-le-si%C3%A8cle-emile-peynaud-michel-guillard/">Emile Peynaud</a> sera l’un des premiers à se déplacer directement chez ses clients pour suivre la vinification. Mais il ne se contente pas de quitter son laboratoire, devenant un oenologue de terrain, il accompagne également les domaines pour lesquels il travaille, devenant du même coup un des premiers <em>flying winemakers</em> (oenologue conseil) de sa génération. Il souligne notamment l’importance de la <a href="https://www.larvf.com/,vins-maturite-phenolique-du-raisin-vendanges-tanins-meteo-refractometre,13200,4245501.asp">maturité phénolique</a> et du contrôle de la température lors de la fermentation sur la qualité des vins. Les noms de Château Margaux, Château Leoville Las Cases, Château Lagrange ou Château Pontet-Canet vous sont familiers ? Ils ont tous été ses clients.</p>
<h2>L’avenir de l’oenologie</h2>
<p>Depuis ses débuts, l’oenologie est une discipline dont le périmètre n’a cessé d’évoluer. Le passage d’une oenologie empirique puis analytique de laboratoire à une oenologie de conseil et d’intervention reflète les évolutions de la filière. On observe une structuration de la filière autour de l’oenologie. Il est aujourd’hui pratiquement indispensable de justifier d’un diplôme viticole pour reprendre une exploitation (des cours d’oenologie y sont nécessairement dispensés). La quasi-totalité des domaines viticoles font aujourd’hui appel <a href="https://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1362&lang=en#ftn5">à des oenologues</a> pour la production de leurs cuvées. Certains oenologues conseils agissent eux-mêmes comme un signal de qualité pour les marques qui les emploient. Ces dernières n’hésitent pas à mettre en avant des noms d’oenologues français comme Michel Rolland (qui conseille pas moins de 240 domaines dans 14 pays différents) ou <a href="https://www.derenoncourtconsultants.com/fr/">Stéphane Derenoncourt</a> (qui conseille 147 domaines dans 17 pays).</p>
<p>L’avenir de l’oenologie réside peut-être partiellement dans le développement de l’oenologue comme marque et élément clef du système de représentation de valeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le passage d’une oenologie empirique puis analytique – de laboratoire – à une oenologie de conseil et d’intervention reflète les évolutions de la filière.Magalie Dubois, Doctorante en Economie du vin, Burgundy School of Business Claude Chapuis, Professeur en viticulture et culture à la School of Wine & Spirits Business, Burgundy School of Business Olivier Jacquet, Historien de la vigne et du vin, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1685972021-09-23T20:20:08Z2021-09-23T20:20:08ZLes micro-organismes peuvent-ils nous aider à mieux nourrir la population mondiale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/422926/original/file-20210923-27-1qdptyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C5180%2C3749&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Présents dans l’immense majorité des environnements, les micro-organismes peuvent améliorer l’efficacité de la production alimentaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/contaminated-food-concept-tainted-meal-poisoning-1422733514">Shutterstock / Giovanni Cancemi</a></span></figcaption></figure><p>Au cours du XXI<sup>e</sup> siècle, nous allons devoir relever un triple défi en matière de production alimentaire : nourrir une population toujours plus importante, tout en <a href="http://www.fao.org/3/ca2079en/CA2079EN.pdf">minimisant l’impact sur l’environnement</a> et en garantissant aux consommateurs la sécurité et la qualité des aliments qui arrivent sur leurs tables.</p>
<p>Il faudra pour cela accroître l’efficacité de la production. Pour y parvenir, des travaux de recherche ont révélé des alliés inattendus qui pourraient nous apporter leur aide : les micro-organismes. Voyons comment.</p>
<h2>Microbiomes et chaînes alimentaires</h2>
<p>Bactéries, archées, champignons, algues, virus… Dans tout environnement, différents micro-organismes coexistent, interagissant entre eux et avec leur environnement. Ils forment de ce fait des communautés microbiennes qui contrôlent de nombreux processus environnementaux fondamentaux (cycles du carbone, de l’azote, etc.). La compréhension de la façon dont ces communautés s’organisent peut nous aider à contrôler et à améliorer les processus les plus pertinents pour l’être humain.</p>
<p>Pour cette raison, l’étude des microbiomes suscite un intérêt scientifique important. Ces travaux s’appuient sur les nouvelles technologies de séquençage, lesquelles permettent d’identifier rapidement et de façon automatisée les micro-organismes présents dans les environnements d’intérêt ainsi que de leurs fonctions.
Ils fournissent les informations nécessaires pour comprendre les processus mis en œuvre par ces communautés en vue de tirer parti de leur potentiel biotechnologique.</p>
<p>Petite précision : on parle de microbiote pour désigner l’ensemble des micro-organismes <a href="https://www.eufic.org/fr/production-alimentaire/article/quest-ce-que-le-microbiome-et-pourquoi-est-il-important/">qui cohabitent en un même endroit</a>. Le terme microbiome a de son côté une <a href="https://microbiomejournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s40168-020-00875-0">dimension « écosystémique »</a> tenant compte des interactions entre eux, de leurs dynamiques, des conditions environnementales qui les entourent, etc.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/423051/original/file-20210923-17-womgel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423051/original/file-20210923-17-womgel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423051/original/file-20210923-17-womgel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423051/original/file-20210923-17-womgel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423051/original/file-20210923-17-womgel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423051/original/file-20210923-17-womgel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423051/original/file-20210923-17-womgel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423051/original/file-20210923-17-womgel.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Si l’attention se concentre souvent sur les micro-organismes qui vivent dans notre organisme (comme ceux qui forment le microbiote intestinal), les microbiomes qui existent dans l’environnement sont eux aussi importants pour notre bien-être, qu’il soit individuel ou collectif. C’est en particulier le cas des microbiomes associés à la chaîne agroalimentaire, de la production primaire au consommateur. On les trouve dans les sols, les plantes, les animaux, les industries de transformation et, dans une moindre mesure, dans le produit final.</p>
<p>Comprendre leur organisation et leurs fonctions peut aider à relever certains des défis auxquels est confrontée la production alimentaire.</p>
<h2>Microbiomes et traçabilité des aliments</h2>
<p>La surveillance des microbiomes dans les environnements de production alimentaire permet d’identifier les incidents à un stade précoce. C’est par exemple le cas des contaminations qui risquent de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214799320301405">compromettre la qualité et la sécurité des produits</a>.</p>
<p>Par ailleurs, étant donné que le type de micro-organismes présents dans certaines matières premières ou produits est conditionné par leur origine et leur environnement de transformation, le microbiome pourrait permettre de vérifier l’origine et l’authenticité de certains aliments.</p>
<p>Des scientifiques ont par exemple montré qu’il est possible de <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0184615">différencier l’origine de certains cépages</a> utilisés dans la production de vin ou de <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-00549-2">produits à base de levain</a> de celle d’autres cépages dont le processus de production est différent. Ces demandes pourraient être particulièrement pertinentes pour surveiller les produits bénéficiant d’une appellation d’origine protégée.</p>
<h2>Augmenter la valeur ajoutée des aliments grâce aux microbiomes</h2>
<p>Des micro-organismes peuvent également être utilisés pour contribuer à améliorer la qualité et la sécurité de la production alimentaire. On peut ainsi envisager d’utiliser comme <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32542314/">biopréservateurs et agents de biocontrôle</a> ceux qui sont capables d’inhiber la croissance d’autres micro-organismes, indésirables.</p>
<p>Ces biopréservateurs peuvent non seulement limiter les risques de contamination dans les chaînes de production de l’industrie alimentaire, mais aussi prévenir les maladies dans les cultures, le bétail et l’aquaculture. Ils peuvent également prolonger la durée de conservation des denrées.</p>
<p>Leur utilisation réduit l’impact économique et environnemental des maladies ou des contaminations, et rationalise l’emploi des désinfectants et des additifs alimentaires. Elle contribue à améliorer l’efficacité des systèmes de production, un impératif pour répondre à la demande alimentaire d’une population mondiale en croissance.</p>
<p>Parmi les micro-organismes intéressants, ceux utilisés pour produire des aliments fermentés comme la bière, le fromage, le yaourt, le kéfir ou les olives, entre autres, <a href="https://redbal.net/">méritent une mention spéciale</a>.</p>
<p>Traditionnellement, la fermentation visait uniquement à modifier les propriétés organoleptiques des aliments et à prolonger leur durée de conservation. Aujourd’hui, nous pouvons déterminer quelles sont les combinaisons de micro-organismes les plus optimales pour chaque processus de fermentation, en étudiant la façon dont ils se comportent au sein de communautés microbiennes complexes.</p>
<p>L’objectif est d’identifier des micro-organismes à la fois robustes et inoffensifs, capables de conférer au produit final les propriétés qui nous intéressent, que ce soit au point de vue organoleptique, nutritionnel, voire de la santé. En effet, les aliments fermentés contiennent un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32542314/">grand nombre de micro-organismes vivants</a>, dont certains peuvent être des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24912386/">probiotiques</a>, autrement dit apporter des bénéfices pour la santé une fois consommés.</p>
<h2>Des micro-organismes pour réduire les déchets alimentaires</h2>
<p>Accroître l’efficacité de la production alimentaire passe également par la réduction du volume de déchets générés tout au long de la chaîne de production. Là encore, les micro-organismes ont un rôle à jouer.</p>
<p>Comprendre comment les micro-organismes de notre microbiote intestinal métabolisent les composés présents dans certains déchets alimentaires peut aider à concevoir de nouveaux aliments sains à partir desdits déchets. L’inclusion de différents processus de fermentation dans les étapes de traitement des sous-produits de la chaîne de production alimentaire constitue également une option intéressante pour produire de nouveaux aliments.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/421575/original/file-20210916-27-1iy08tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/421575/original/file-20210916-27-1iy08tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/421575/original/file-20210916-27-1iy08tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/421575/original/file-20210916-27-1iy08tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/421575/original/file-20210916-27-1iy08tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/421575/original/file-20210916-27-1iy08tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/421575/original/file-20210916-27-1iy08tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/421575/original/file-20210916-27-1iy08tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les micro-organismes utilisés pour produire de la bière, du fromage, du yaourt et du kéfir peuvent augmenter la valeur ajoutée des aliments.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/cabrales-cheese-handmade-bread-red-wine-256391629">Aidart/Shutterstock</a></span>
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<p>Certains sous-produits de l’industrie agroalimentaire contiennent en effet des ingrédients aux propriétés nutritionnelles intéressantes, bénéfiques à la santé, qui peuvent être valorisés. C’est par exemple le cas du lactosérum, riche en protéines. Certaines recherches se sont penchées sur la possibilité de l’utiliser pour fabriquer des <a href="http://valorizaciondesuero.es/">aliments à haute valeur ajoutée</a>. Les résidus provenant de la transformation des céréales, des fruits et des légumes, sont quant à eux riches en polyphénols et en fibres, des composés qui peuvent avoir une influence positive sur <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2020.581997/full">notre microbiote intestinal et notre santé</a>.</p>
<h2>L’alimentation du futur passera-t-elle par les micro-organismes ?</h2>
<p>Les micro-organismes ont souvent mauvaise réputation dans l’opinion générale. Considérés comme des ennemis, ils sont perçus comme synonymes d’infection et de contaminations. Pourtant, certains d’entre eux <a href="https://www.nature.com/articles/s41564-020-00857-w">ouvrent d’innombrables perspectives biotechnologiques</a>. À tel point qu’ils pourraient contribuer à apporter des réponses aux grands défis mondiaux, notamment ceux liés aux systèmes alimentaires.</p>
<p>Comprendre les capacités de certains micro-organismes et des microbiomes associés aux systèmes alimentaires peut aider à restructurer ces derniers pour produire des aliments sûrs et de qualité de manière durable, qui nourrissent et protègent la santé d’une population mondiale en croissance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lorena Ruiz García reçoit des fonds de recherche par l'intermédiaire du ministère des sciences, de l'innovation et des universités.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abelardo Margolles reçoit ou a reçu des fonds de différents organismes de financement : plans régionaux de R&D de la Principauté des Asturies, plans de recherche de l'État, Programme H2020 et autres programmes de recherche de l'Union Européenne et du CSIC. Abelardo Margolles a reçu des fonds de plusieurs entreprises pour le développement de contrats de recherche. Abelardo Margolles détient des actions de la société technologique MicroViable Therapeutics (<a href="http://www.microviable.com">www.microviable.com</a>).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carlos Sabater Sánchez reçoit des fonds du Ministère de la Science et de l'Innovation (MICINN) - Ayudas para contratos Juan de la Cierva-formación 2019 (référence du contrat : FJC2019-042125-I).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patricia Ruas Madiedo reçoit des fonds des Plans nationaux et régionaux de recherche et de développement, par le biais d'un concours.</span></em></p>Les micro-organismes pourraient diminuer le risque de contamination des produits alimentaires, corroborer leur origine, leur authenticité, améliorer leur valeur ajoutée ou même réduire les déchets.Lorena Ruiz García, Investigadora, Microbología, Alimentos y Salud, Instituto de Productos Lácteos de Asturias (IPLA - CSIC) Abelardo Margolles Barros, Instituto de Productos Lácteos de Asturias (IPLA - CSIC) Carlos Sabater Sánchez, Postdoctoral research fellow, Instituto de Productos Lácteos de Asturias (IPLA - CSIC) Patricia Ruas Madiedo, Investigadora Científica, Instituto de Productos Lácteos de Asturias (IPLA - CSIC) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1620702021-07-02T13:32:05Z2021-07-02T13:32:05ZComment la viande s’est végétalisée<p>La surconsommation de viande est aujourd’hui considérée comme un problème public majeur par de nombreux <a href="https://science.sciencemag.org/content/361/6399/eaam5324">scientifiques</a> et <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-02409-7">organisations internationales</a>.</p>
<p>La consommation moyenne globale de viande par personne aurait en effet <a href="https://www.theguardian.com/environment/2018/jul/19/rising-global-meat-consumption-will-devastate-environment">doublé en 50 ans</a>, un rapport de la FAO estimant même que cette consommation augmenterait de <a href="http://www.fao.org/3/ap106e/ap106e.pdf">76 % d’ici 2050</a>.</p>
<p>Cet essor, notamment dans les pays émergents <a href="https://science.sciencemag.org/content/361/6399/eaam5324">comme en Chine et Asie de l’Est</a>, exerce une pression importante sur les ressources naturelles ; c’est ce que soulignent des rapports de la <a href="http://www.fao.org/3/a0701e/a0701e00.htm">FAO</a>, du <a href="https://www.ipcc.ch/srccl/">GIEC</a> ou des <a href="https://science.sciencemag.org/content/361/6399/eaam5324/tab-article-info">études scientifiques</a>.</p>
<h2>Pollution, antibiorésistance et questionnement éthique</h2>
<p>L’élevage s’est intensifié et industrialisé : en France, par exemple, on a pu observer une réduction du nombre d’exploitations malgré une augmentation de la production ; dans un <a href="https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2020/06/Rapport-industrialisation-de-l%C3%A9levage-en-France.pdf">récent rapport</a> l’ONG Greenpeace rappelle ainsi que 1 % des exploitations françaises produit aujourd’hui les deux tiers des porcs, poulets et œufs.</p>
<p>L’élevage génère d’autre part une importante pollution : l’azote et le phosphore présents dans les déjections animales <a href="https://www.nature.com/articles/nature01014">dégradent les eaux de surface et souterraines</a>, nuisant aux écosystèmes aquatiques et à la santé humaine. En France, Greenpeace a dénoncé le lien entre <a href="https://www.greenpeace.fr/bretagne-les-algues-vertes-proliferent-letat-laisse-faire/">prolifération des algues vertes et industrialisation de l’élevage breton</a>.</p>
<p>L’élevage serait également responsable de fortes émissions de gaz à effets de serre – la FAO estime cette part à <a href="http://www.fao.org/gleam/results/en/">14,5 % des émissions de GES</a> globales – et aurait des impacts négatifs sur les habitats naturels ; en constituant notamment un <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/08/30/la-foret-amazonienne-brulee-par-l-industrie-de-l-elevage_5504493_3232.html">facteur clé de la déforestation</a> et en occupant de manière préoccupante les surfaces émergées.</p>
<p>Toujours selon la FAO, <a href="http://www.fao.org/3/a0701e/a0701e00.htm">70 % des terres agricoles mondiales</a> seraient aujourd’hui affectées à la production de nourriture pour les animaux d’élevage, soit 30 % des terres émergées.</p>
<p>Au-delà de ces impacts environnementaux, il faut aussi mentionner des problématiques de santé publique, l’élevage intensif ayant par exemple une part de responsabilité dans l’accélération du phénomène de <a href="https://theconversation.com/porcelet-bacteries-et-antibioresistance-un-trio-dangereux-pour-la-sante-humaine-104723">résistance aux antibiotiques</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1052096162877100032"}"></div></p>
<p>Par sa participation à la déforestation, l’élevage serait également responsable d’une fragmentation des habitats et d’une augmentation des contacts entre humains, animaux sauvages et pathogènes, <a href="https://theconversation.com/zootopique-des-hommes-malades-des-animaux-1-5-158990">développant le risque de zoonoses</a>.</p>
<p>Mentionnons enfin la dimension éthique de cette consommation de viande et du sort réservé aux animaux d’élevage, qui s’invitent régulièrement dans le débat, alimenté par les actions d’associations de défense de la cause animale comme L214.</p>
<h2>Proposer des alternatives</h2>
<p>Face à ces multiples constats, un nouveau marché se développe : celui des protéines dites « alternatives ».</p>
<p>Ces protéines sont principalement d’origine végétale, on les retrouve notamment dans les légumineuses, mais aussi dans les céréales et fruits oléagineux.</p>
<p>Ces alternatives pourront également, dans le futur, provenir de l’agriculture cellulaire et de la viande dite « cultivée ».</p>
<p>Nous allons voir, en <a href="http://www.theses.fr/s197081">nous basant sur nos travaux</a>, comment cette nouvelle offre a été construite pour les viandes végétales, en étudiant les représentations et la réception par les consommateurs.</p>
<h2>De la viande élaborée avec des plantes</h2>
<p>Les « viandes végétales » se basent sur la transformation de légumineuses, notamment du pois protéagineux et du soja. Elles peuvent également être développées à partir de champignons : la <a href="https://fr.quorn.be/mycoprotein">marque Quorn commercialise par exemple ses substituts de viande à base de mycoprotéine, produite à partir de <em>Fusarium venenatum</em></a>. Le produit est ensuite transformé et aromatisé.</p>
<p>Par leur imitation de la viande – tant sur le goût que l’apparence et la texture –, ces produits permettraient de la remplacer partiellement, tout en ne modifiant ni la structure des repas, ni les habitudes de cuisine des consommateurs. Elles permettent ainsi de corriger l’image d’une alimentation végétale et végétarienne considérée comme insipide, trop radicale et politique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-leghemoglobine-cet-ingredient-qui-fait-passer-le-steak-vegetal-pour-de-la-viande-rouge-116240">La léghémoglobine, cet ingrédient qui fait passer le steak végétal pour de la viande rouge</a>
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<p>Si les légumineuses, riches en protéines, peuvent à elles seules constituer des substituts à fort potentiel pour <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01685940">élever l’apport en protéines végétales</a> dans l’alimentation, elles pâtissent néanmoins d’une image assez négative ; délaissées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale au profit des pâtes et de la viande, elles sont considérées <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-francais-ont-delaisse-les-legumes-secs-62757">comme étant difficiles à digérer, compliquées et chronophages à cuisiner</a>.</p>
<h2>Un secteur dynamique</h2>
<p>Ces alternatives végétales étaient autrefois uniquement distribuées en magasins spécialisés, par des marques peu connues du grand public. Elles sont désormais de plus en plus visibles, grâce à l’investissement de grands groupes comme Carrefour, Herta ou Fleury Michon.</p>
<p>Grâce à leur légitimité sur le marché originel de la viande, ces entreprises visent une clientèle plus large et consommatrice de viande. Xerfi estimait ainsi en 2019 le chiffre d’affaires en France de la vente de produits végétariens et végans à <a href="https://www.lsa-conso.fr/les-substituts-vegetaux-a-l-offensive-dossier,370343">400 millions d’euros et prévoyait une croissance de 3 % par an</a>.</p>
<p>Barclays estime de son côté le marché de la viande alternative à <a href="https://www.investmentbank.barclays.com/our-insights/carving-up-the-alternative-meat-market.html">140 billions de dollars d’ici 2029</a>. La banque d’investissement estimait ainsi que la viande végétale occuperait d’ici à 2029 10 % du marché global de la viande… contre 1 % aujourd’hui.</p>
<h2>Les start-up pas en reste</h2>
<p>En complément des acteurs historiques (comme Cereal ou Quorn), des grandes marques de distributeurs et d’entreprises spécialisées dans les produits carnés, des start-up se lancent également sur ce marché, ouvrant des lignes de production en France, à l’image des <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comment-les-nouveaux-fermiers-promettent-de-la-viande-vegetale-made-in-france.N1007384">Nouveaux Fermiers</a> ou d’<a href="https://www.hari-co.com/">Hari&Co</a>.</p>
<p>Elles sont à l’origine d’un <a href="https://www.brefeco.com/actualite/rse/harico-veut-creer-une-filiere-de-legumineuses-bio-en-rhone-alpes">soutien aux systèmes de cultures végétales</a>, pour sécuriser un approvisionnement en légumineuses <a href="https://www.hari-co.com/blog/harico-et-le-projet-les-champs-bio/">encore timide</a>.</p>
<h2>Un nouvel horizon pour les légumineuses</h2>
<p>Contrairement à ce qui a pu être affirmé dans certains débats publics, ces produits ne viennent pas se construire <a href="https://theconversation.com/la-revolution-des-assiettes-va-t-elle-se-faire-sans-les-agriculteurs-152099">« contre les agriculteurs »</a> ; ils pourraient bien leur proposer des solutions en les accompagnant dans une transition agricole plus durable tout en leur offrant de nouveaux débouchés économiques.</p>
<p>Avec la prise de conscience d’une nécessaire diminution de la consommation de viande, le développement du marché des légumineuses pourrait en effet être favorisé.</p>
<p>Leur culture possède des atouts <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2017-1-page-53.htm?contenu=article">agro-environnementaux non négligeables</a> ; elle permet, par exemple, de fixer l’azote atmosphérique et donc réduire l’usage d’engrais azotés pour les cultures suivantes. De tels atouts <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-francais-ont-delaisse-les-legumes-secs-62757">pourraient être davantage valorisés</a>, notamment grâce à l’instauration de paiements pour services environnementaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"824612731961675777"}"></div></p>
<p>Ces produits doivent toutefois gagner en légitimité auprès des consommateurs, en France notamment, où la question de l’alimentation végétale génère de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/21/a-lyon-le-menu-vegetarien-des-ecologistes-dans-les-cantines-n-est-pas-au-gout-du-gouvernement_6070738_823448.html">forts débats politiques</a> et où <a href="https://theconversation.com/regards-croises-sur-lhumanite-carnivore-92526">l’alimentation carnée reste centrale</a>.</p>
<h2>La tactique des noms</h2>
<p>Les dimensions climatique et environnementale s’avèrent essentielles dans la communication des entreprises sur ces nouveaux produits.</p>
<p>Concernant la question du bien-être animal, par exemple, <a href="http://www.theses.fr/s197081">nous avons étudié</a> comment ces entreprises encouraient le risque d’être targuées d’idéologie en vantant l’absence de produits d’origine animale dans leur production ; les vifs débats autour des noms donnés à ces aliments en témoignent : entre « viande végétale », « fausse viande » ou « viande végane », chaque dénomination aura une influence sur le choix des consommateurs.</p>
<p>Cette dynamique complexe pourrait à long terme questionner la légitimité de ces produits.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"999128335371390976"}"></div></p>
<h2>La culpabilité des mangeurs de viande</h2>
<p>Ces aspects de représentations sont essentiels : dans leurs travaux sur la symbolique de la viande, les socio-anthropologues comme Jean‑Pierre Poulain ou Noëllie Vialles mettent en avant la centralité de la question de l’animal, et surtout de sa mort.</p>
<p>Cette mort – contestée par de nombreux philosophes depuis l’Antiquité, on pense ici à Plutarque – apparaît incontournable lorsqu’on étudie la viande et les viandes dites « végétales ».</p>
<p>La socio-anthropologie de l’alimentation montre que cette mort est source de <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/3021 ?lang=fr">forte culpabilité pour le mangeur.</a> Autrefois légitimée dans le cadre de sacrifices, la mort animale est désormais soustraite aux consommateurs, par une mise en <a href="https://theconversation.com/regards-croises-sur-lhumanite-carnivore-92526">distanciation du processus d’abattage et une esthétisation des produits carnés</a>.</p>
<p>Pour l’anthropologue Noëlie Vialles, cette culpabilité se gère par un comportement dit « sarcophage » : les consommateurs feraient tout pour éviter de faire le lien entre viande et provenance animale. La viande est ainsi vidée de sa substance symbolique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1060725140919648256"}"></div></p>
<p>Mais les actions d’organisations de défense animale bousculent désormais cette posture, avec par exemple ala diffusion de <a href="https://www.l214.com/enquetes/videos/">vidéos tournées dans les abattoirs</a>. En soulignant d’autre part les nombreuses <a href="https://www.laplage.fr/catalogue/les-cerveaux-de-la-ferme/">capacités cognitives des animaux de ferme</a>, elles viennent lutter contre les représentations négatives vis-à-vis de ces êtres vivants en mobilisant une approche scientifique.</p>
<p>Ce sont ces consommateurs qui peuvent constituer la cible principale de ce nouveau marché des viandes alternatives, en remplaçant l’origine animale de la viande par une origine végétale (on peut en consommer sans culpabilité).</p>
<p>À l’instar de la viande cultivée en laboratoire, les « viandes végétales » participeraient ainsi à cette même <a href="https://www.lesinrocks.com/livres/viande-artificielle-pourra-t-sauver-animaux-56500-18-02-2017/">« ruse » de substitution</a>.</p>
<h2>Une nécessité de transparence nutritionnelle</h2>
<p>Reste un enjeu majeur pour ce nouveau marché, qui porte sur la nécessité d’une transparence nutritionnelle, environnementale et sanitaire.</p>
<p><a href="http://www.theses.fr/s197081">Notre recherche</a> rappelle la volonté croissante des consommateurs de s’affranchir des produits industrialisés, suremballés et non issus de l’agriculture biologique. Pour ces derniers, si la « viande végétale » peut faire office de facilitateur de transition, elle ne peut représenter une solution sur le long terme.</p>
<p>Une forte attention doit donc être portée aux qualités nutritionnelles et environnementales de ces produits, <a href="https://www.60millions-mag.com/2021/03/04/steaks-ou-nuggets-vegetaux-trop-de-produits-transformes-18372">régulièrement attaqués</a>. Il faudrait ainsi limiter la trop grande transformation, éviter certaines techniques (comme le <em>cracking</em>, qui consiste à décomposer à l’extrême les légumineuses) afin de limiter la dégradation des micronutriments.</p>
<p>Une réduction des prix serait également souhaitable, afin d’augmenter l’acceptation de ces produits, certains étant parfois plus chers que leurs équivalents « carnés ». Enfin, d’autres innovations pourront être développées dans le domaine des substituts : il n’existe par exemple à ce jour que très peu de substituts à viande de porc, <a href="https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/62489/document/STA-VIA-Consommation %20des %20produits %20carn %C3 %A9s %20en %202018.pdf">l’une des plus consommées par les Français</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162070/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucie Wiart a reçu des financements de l’Ademe, la Région Hauts de France et l’université de Lille pour son travail de thèse. Elle a également reçu un prix de la Fondation Louis Bonduelle ainsi que de l’Association for Consumer Research & de la Sheth Foundation pour ce travail. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nil Özçaglar-Toulouse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La consommation de viande, qui connaît une croissance au niveau mondial, soulève nombre de questions environnementales et éthiques, boostant les offres alternatives.Lucie Wiart, Docteure en sciences de gestion, Sciences Po LilleNil Özçaglar-Toulouse, professeure des universités, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1620222021-06-10T21:58:46Z2021-06-10T21:58:46ZLobbying et alimentation : les « aliments traditionnels », le nouvel argument des anti-Nutri-score<p>Proposé en 2014 par des chercheurs académiques indépendants spécialisés en Nutrition et santé publique (dont les auteurs de cet article), le <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/325207/php-3-4-712-725-eng.pdf">Nutri-score</a> est un logo d’information nutritionnelle à cinq couleurs destiné à aider les consommateurs à juger, d’un simple coup d’œil, la qualité nutritionnelle des aliments au moment de leur acte d’achat pour les orienter vers des choix alimentaires plus favorables à la santé.</p>
<p>Depuis, le Nutri-score a fait l’objet de très nombreuses <a href="https://worldnutritionjournal.org/index.php/wn/article/view/579">attaques de lobbies de l’industrie agroalimentaire</a> visant à empêcher son déploiement, certains de ses membres étant peut enclins à communiquer de façon transparente sur la qualité nutritionnelle de leurs produits.</p>
<p>Si ce logo est désormais officiellement adopté par plusieurs pays européens, ses opposants restent très actifs, et la majorité des grandes multinationales continue à s’y opposer. Alors que la Commission européenne a programmé pour 2022 sa stratégie <a href="https://ec.europa.eu/food/farm2fork_en">« Farm to Fork »</a>, dont l’objectif est de « rendre les systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l’environnement », les adversaires du Nutri-score espèrent faire en sorte qu’il ne soit pas adopté comme logo unique et obligatoire.</p>
<p>Depuis quelques mois, on observe donc, dans plusieurs pays (Italie, Espagne et plus récemment en France) l’émergence de nouvelles actions de lobbying anti-Nutri-score. La nouveauté est que des acteurs économiques et politiques qui ne s’étaient pas – ou peu – manifestés jusqu’alors s’y associent désormais. C’est notamment le cas des secteurs de production agricole exploitant l’image des « aliments traditionnels ». Penchons-nous sur leurs arguments.</p>
<h2>Une guerre d’attrition</h2>
<p>Pendant 4 ans, de grands groupes de pression agroalimentaires ont développé toutes les stratégies possibles pour essayer de bloquer ou, au moins, retarder l’application du Nutri-score. Elles l’ont d’abord condamné en le déclarant stigmatisant, réducteur, simpliste, faux, incomplet… Elles ont ensuite proposé des alternatives pour le concurrencer. Elles ont fait monter au créneau des politiques, au moment des votes parlementaires.</p>
<p>Elles ont également nié ou mis en doute les résultats des <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/nutrition/nutri-score/etudes-et-rapports-scientifiques/">études scientifiques</a> qui démontrent l’efficacité du Nutri-score, et surtout sa supériorité par rapport aux autres formats graphiques existants.</p>
<p>Les différents acteurs sociétaux (scientifiques, professionnels de santé, associations de consommateurs et de patients…) se sont alors mobilisés pour rappeler l’intérêt de ce logo et <a href="https://www.ligue-cancer.net/article/43777_oui-au-nutri-score-non-aux-menaces-de-brouillage-de-certains-industriels">exiger sa mise en place</a>.</p>
<p>Le Nutri-score a finalement été adopté en France, par un arrêté interministériel, en octobre 2017, ainsi que par la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Espagne, les Pays-Bas et la Suisse (son affichage repose sur une base volontaire, car du fait de la réglementation européenne, aucun État membre ne peut imposer un étiquetage nutritionnel au niveau national). Si aucune entreprise ne s’était prononcée en sa faveur en 2017, aujourd’hui plus de <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score">600 entreprises</a> se sont engagées à afficher Nutri-score.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xdINR_2s9YI?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Malgré cette évolution plutôt favorable, la majorité des grands groupes agroalimentaires internationaux (Coca-Cola, Mars, Ferrero, Mondelez, Lactalis, Unilever, Kraft…) et de nombreuses marques nationales continuent encore à s’y opposer. Ils sont désormais rejoints par d’autres acteurs, mobilisés par la crainte que le Nutri-score puisse devenir obligatoire au niveau européen. Un mouvement renforcé par l’attitude de certains politiques, qui utilisent le patriotisme alimentaire à des fins électorales.</p>
<h2>Le Nutri-score ne fait que rendre lisible des informations déjà existantes</h2>
<p>Les secteurs de production agricole qui s’opposent aujourd’hui à la généralisation du Nutri-score considèrent que leurs produits ne sont pas bien classés, ou pas suffisamment bien classés, et considèrent donc que ce logo « pénaliserait » de façon injuste leurs produits.</p>
<p>Au nombre des secteurs concernés figurent ceux des charcuteries et des fromages, dont il est vrai qu’une grande partie se trouve classée D et E, en raison de leur teneur élevée en acides gras saturés et en sel, ainsi que de leur forte densité calorique. Seuls certains fromages et certaines charcuteries moins grasses et moins salées sont classés C, voire B pour certains jambons blancs à teneur réduite en sel.</p>
<p>Il ne s’agit cependant pas d’une pénalisation intentionnelle ou nouvelle : le classement est opéré en toute transparence et objectivité sur la base des données de composition de ces produits. Le Nutri-score ne fait que traduire de façon synthétique les informations de l’étiquette nutritionnelle obligatoire qui existait avant lui, mais était peu compréhensible pour des non-initiés. Il remplit donc totalement son rôle d’information sur la composition nutritionnelle globale de ces aliments.</p>
<p>Il informe clairement les consommateurs sur le fait que ces produits peuvent faire partie d’une alimentation équilibrée, mais à condition d’être consommés en quantité modérée et avec une fréquence limitée. En cela, le Nutri-score est en totale cohérence avec les recommandations nutritionnelles concernant les charcuteries et les fromages qui poussent à limiter leur consommation.</p>
<h2>Non, le Nutri-score ne s’oppose pas à l’alimentation méditerranéenne</h2>
<p>En Espagne et en Italie, les secteurs agricoles relayés par des personnalités politiques locales ont pris l’habitude, pour discréditer Nutri-score, de l’accuser de s’opposer à l’alimentation méditerranéenne, sous prétexte qu’il classe en D ou E les charcuteries et les fromages qu’ils présentent comme des piliers de l’Alimentation méditerranéenne, ce qui est faux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-regime-mediterraneen-ideal-pour-maigrir-152577">Le régime méditerranéen : idéal pour maigrir ?</a>
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<p>Le régime méditerranéen est en effet caractérisé par une consommation importante de fruits, légumes, légumineuses et céréales complètes, une consommation modérée de poisson et de produits laitiers (dont le fromage), peu de viande rouge et de charcuteries, et ses matières grasses sont essentiellement apportées par l’huile d’olive.</p>
<p>Or le Nutri-score classe plus favorablement tous les aliments qui sont pauvres en gras, sucre ou sel, et riches en fibres, fruits et légumes, légumineuses et fruits secs à coque. Autrement dit, les éléments principaux de l’alimentation méditerranéenne.</p>
<p>En outre, il classe l’huile d’olive dans la meilleure catégorie possible pour les matières grasses ajoutées. Ce qui élimine d’office un autre argument souvent utilisé par ses opposants, notamment en Espagne et en Italie : le fait que le Nutri-score pénaliserait l’huile d’olive en lui attribuant un C. Au contraire : ce classement correspond à la meilleure classe possible pour une matière grasse ajoutée, notamment par rapport aux autres huiles végétales qui sont plutôt classées en D ou en E (seules les huiles de colza et de noix sont également classées C).</p>
<p>Aucune huile n’est classée A ou B, du fait de leur composition, il s’agit d’un produit composé à 100 % de matière grasse. Il est donc clair que ce classement est en réalité favorable à l’huile d’olive, dont les scientifiques reconnaissent son intérêt.</p>
<p>Son positionnement dans le Nutri-score est en parfaite cohérence avec les recommandations de santé publique et le modèle de l’alimentation méditerranéenne qui invitent les consommateurs à privilégier l’huile d’olive dans leurs choix d’achat de matière grasse ajoutée, notamment dans les pays où elle fait partie de la culture culinaire. Tout en insistant sur l’importance d’éviter les excès de matières grasses au global, quelles qu’elles soient…</p>
<h2>« Aliment traditionnel » ne rime pas forcément avec « qualité nutritionnelle »</h2>
<p>Progressivement, les lobbys agricoles ont élargi leur stratégie en laissant entendre qu’en fait, le Nutri-score pénaliserait, d’une façon générale, les aliments dits traditionnels. De ce fait, il ne serait pas acceptable pour ces aliments considérés comme faisant partie d’un patrimoine culinaire national ou régional.</p>
<p>Cette tentative d’opposer Nutri-score à un modèle alimentaire traditionnel (en l’occurrence un modèle soutenu par tous les nutritionnistes, dont ceux qui ont développé Nutri-score) correspond à une stratégie de désinformation. Ces faux arguments ont malheureusement été récupérés par des personnalités politiques qui les ont exploités pour renforcer un argumentaire de « patriotisme alimentaire ».</p>
<p>Les lobbys cherchent de cette façon à entretenir une confusion dans l’esprit du public, en mettant en avant le fait que les charcuteries et les fromages font partie du paysage culinaire et gastronomique d’une région ou d’un pays. Ils mettent notamment en avant l’existence des labels de qualité (AOC/AOP, Indication géographique protégée – IGP, bio, Label rouge…) attribués à certains de ces aliments traditionnels.</p>
<p>Cependant, ces labels de qualité ne font que garantir la provenance d’un produit alimentaire, le fait qu’il a été transformé et élaboré dans une zone géographique déterminée, selon un savoir-faire reconnu, qu’il respecte un cahier des charges spécifique, ou encore qu’il présente des qualités sensorielles et des conditions de production supérieures par rapport à d’autres produits similaires.</p>
<p>S’ils sont utiles pour le consommateur, ces labels n’intègrent pas la notion de « qualité nutritionnelle ». Même avec un label AOP, un label rouge, une IGP, ou le fait d’être bio, les charcuteries ou les fromages riches en acides gras et en sel et caloriques restent riches en acides gras et en sel et caloriques !</p>
<p>Ces aliments, comme tous les autres, doivent donc également jouer le jeu de la transparence nutritionnelle. Ils ne peuvent être exemptés de l’affichage du Nutri-score, qui doit venir en complément des labels reflétant d’autres qualités des produits.</p>
<h2>L’instrumentalisation politique du Nutri-score</h2>
<p>À côté de ce lobbying porté par des industriels et divers secteurs agricoles, on assiste également, dans divers pays, à un lobbying actif de personnalités politiques. Ce lobbying politique revêt plusieurs dimensions.</p>
<p>On retrouve le lobbying « classique » porté par les ministres de l’Agriculture qui, par leur proximité avec les acteurs économiques, ont souvent tendance à s’aligner sur leurs positions. Ainsi, le <a href="https://giovanimpresa.coldiretti.it/notizie/attualita/pub/nutriscore-patuanelli-sistema-che-attacca-export-da-461mld/">ministre italien de l’Agriculture</a>, reprend dans sa communication les éléments de langage utilisés par Federalimentare (l’association qui représente l’industrie agroalimentaire italienne, dont le puissant groupe Ferrero) et par les associations agricoles Coldiretti et Confagricoltura, membres importants de la COPA-COGECA, le lobby des agriculteurs européens : soi-disant risques pour les exportations italiennes, problèmes de concurrence au sein de l’Union européenne, défense des produits traditionnels italiens (Prosciutto, Parmesan, Gorgonzola…) qu’ils considèrent injustement attaqués par Nutri-score et, bien sûr, fake news concernant l’alimentation méditerranéenne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etiquetage-nutritionnel-la-guerre-du-parmesan-et-du-prosciutto-116905">Étiquetage nutritionnel : « La guerre du parmesan et du prosciutto »</a>
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<p>La défense des produits « Made in Italy » est également un argument largement utilisé par les partis politiques populistes (comme la <a href="https://www.inews24.it/2019/12/05/nutri-score-made-in-italy-salvini/">Lega</a>) et d’extrême droite (comme les <a href="https://www.secoloditalia.it/2021/03/meloni-il-nutriscore-e-una-follia-contro-il-made-in-italy-bloccarlo-sia-una-priorita-di-tutti-i-partiti-video/">Fratelli d’Italia</a>). Ces partis font appel au patriotisme culinaire, à l’orgueil alimentaire national, à la défense des valeurs traditionnelles italiennes et nourrissent des théories complotistes sur le rôle de l’Europe, celui de la France… À aucun moment, dans leurs arguments, ils n’évoquent la santé des consommateurs et notamment les grands enjeux de santé publique auxquels l’Italie est confrontée.</p>
<p>Face à ces affirmations inexactes, d’éminents <a href="https://www.scienzainrete.it/articolo/nutri-score-perch%C3%A9-non-dobbiamo-averne-paura/2019-12-13">scientifiques italiens</a> se sont mobilisés pour dénoncer l’instrumentalisation du Nutri-score à des fins politiques.</p>
<p>Ce type d’argumentaire se retrouve également dans le discours d’hommes politiques espagnols qui eux aussi dénoncent Nutri-score de façon démagogique (pour les mêmes raisons électoralistes), essayant d’apparaître comme les défenseurs des produits locaux et des intérêts économiques des régions où ils sont élus ou candidats. Comme ses homologues en Italie, le parti d’extrême droite</p>
<p><a href="https://www.vozpopuli.com/espana/vox-nutriscore-jamon.html">Vox</a> fait de la bataille contre Nutri-score un élément de sa stratégie. Leurs arguments faux et démagogiques sont maintenant également repris par les mouvements conservateurs, notamment le <a href="https://sevilla.abc.es/andalucia/sevi-partido-popular-defiende-calidad-nutricional-jamon-bellota-y-pide-certifique-nutriscore-202102191942_noticia.html">Partido Popular (PP)</a> et le parti libéral <a href="https://www.laverdad.es/murcia/ciudadanos-pide-etiquetado-20210228002727-ntvo.html">Ciudadanos</a>.</p>
<p>Dans la même ligne, en France, où le Nutri-score est officiellement adopté depuis 2017, on a vu récemment des personnalités politiques se positionner, à l’approche des élections régionales, en défenseur de produits de la région où ils sont candidats et là où les filières locales de production considèrent (à tort) que leurs produits sont mal classés par Nutri-score…</p>
<p>Ils n’hésitent pas à interpeller le ministre de l’Agriculture pour proposer de sortir du Nutri-score « leurs » <a href="https://terres-et-territoires.com/cest-tout-frais/nutriscore-xavier-bertrand-demande-lexemption-pour-les-fromages-dappellations">fromages locaux</a>), voire exempter du Nutri-score tous les produits ayant une appellation d’origine, ce qui n’est pas cohérent du point de vue de la santé publique.</p>
<h2>Proposer des alternatives au Nutri-score</h2>
<p>Pour bloquer ou au moins retarder l’étiquetage nutritionnel, les lobbys ont depuis longtemps tenté de brouiller les pistes en proposant des « alternatives ». Ces tentatives ont débuté avant même l’ouverture de l’examen du règlement sur l’information des consommateurs, en 2008. Il s’agissait d’anticiper la mise en place d’un système potentiellement gênant.</p>
<p>Dès 2005, les industriels, distributeurs et leurs représentants (Food and Drink Europe, à l’époque nommé CIIA) ont donc proposé un modèle d’étiquetage volontaire (GDA, <em>guideline daily amount</em>, renommé « Reference Intakes » en 2014). Si ce système fournit des renseignements sur la teneur en nutriments des aliments, il est complexe et ne permet pas de comparaisons directes entre les produits. De plus, il utilise la référence à des portions fixées par les industriels eux-mêmes. Non seulement cet étiquetage incompréhensible a-t-il été rejeté par les consommateurs, mais de plus de nombreuses études scientifiques ont démontré son inutilité.</p>
<p>De la même façon, on a même vu, en mars 2017 six grandes multinationales agroalimentaires (Coca-Cola, Pepsi, Nestlé, Mars, Unilever, Mondelez) s’associer pour proposer leur propre modèle de logo nutritionnel (« Evolved Nutrition Label »). Basé sur un système de portions, il indique les quantités et les apports journaliers en énergie et nutriments. Il bénéficie, on pouvait s’y attendre, à leurs produits. Sous la pression des associations de consommateurs et grâce aux travaux scientifiques démontrant l’inefficacité du logo et ses <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/10/9/1268">effets contre-productifs</a>, le « Big 6 » a retiré son système en novembre 2018.</p>
<p>Plus récemment c’est le gouvernement italien qui a proposé son alternative au Nutri-score : le système des batteries Nutrinform. Ce logo fournit une information par nutriment, dont le principe et la représentation graphique sont très proches du logo des GDA/RIs. Bien que rejeté par les associations de consommateurs et les structures de santé publique, ce logo est soutenu en Italie par les lobbys représentant à la fois les industriels agroalimentaires (Federalimentare), et les secteurs agricoles (Coldiretti et Confagricoltura) et par divers hommes politiques, dont le ministre de l’Agriculture.</p>
<p>Divers lobbys espagnols, notamment des politiciens et organisations agricoles soutiennent également ce système qui laisse en outre la possibilité aux produits d’appellation d’origine de ne pas mettre le logo…</p>
<p>Toutes les études indépendantes montrent pourtant que ces <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/nutrition/nutri-score/etudes-et-rapports-scientifiques/article/etudes-sur-la-validation-du-format-graphique-du-nutri-score-en-france">logos descriptifs</a> [alternatifs] sont plus difficiles à comprendre et à interpréter par les consommateurs. En outre, ils ne permettent pas de faire des comparaisons entre les aliments. Ils n’ont pas d’impact positif sur les comportements d’achat des consommateurs.</p>
<p>À l’inverse, le Nutri-score a fait l’objet de plus de <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/nutrition/nutri-score/etudes-et-rapports-scientifiques/article/etudes-sur-la-validation-du-format-graphique-du-nutri-score-en-france">45 études scientifiques</a> publiées dans des revues internationales à comité de lecture. Celles-ci démontrent son efficacité, sa pertinence et son utilité pour les consommateurs et pour la santé publique. C’est aussi le logo qui a obtenu les meilleures performances par rapport à d’autres logos existants ou soutenus par des groupes de pression.</p>
<h2>Des stratégies visant à empêcher l’adoption d’un label obligatoire</h2>
<p>Les stratégies des lobbies sont toujours les mêmes : jeter le doute sur Nutri-score au travers de fausses affirmations, entretenir de la confusion, nier les données scientifiques qui les dérangent, proposer des alternatives à leur avantage… Elles visent à bloquer le processus décisionnel de mise en place d’un label nutritionnel harmonisé et obligatoire à travers l’Europe et surtout à empêcher le Nutri-score d’être choisi.</p>
<p>Dans ce combat opposant santé publique et intérêts économiques, <a href="https://nutriscore.blog/2021/03/16/un-appel-des-scientifiques-europeens-pour-la-mise-en-oeuvre-du-nutri-score-en-europe-un-logo-nutritionnel-simple-et-transparent-reposant-sur-des-bases-scientifique-solides-destine-a-aider-les-consom/">400 scientifiques européens et 30 associations</a> représentant des centaines d’experts ont décidé de se mobiliser pour rappeler que seules les données scientifiques doivent guider les décisions politiques dans le domaine de la santé publique. Il s’agit de rappeler que le choix d’un logo nutritionnel efficace pour l’Europe ne doit répondre qu’à cette seule exigence, et ne pas être dicté par les intérêts de certains opérateurs économiques ou des États membres qui les défendent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162022/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chantal Julia a reçu des financements de l'Université Sorbonne Paris Nord et de l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris (salaire). Elle a bénéficié de financement de projets du Ministère de la Santé, de l'Institut National du Cancer, de Santé Publique France concernant des projets de recherche portant sur le Nutri-score. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Touvier a reçu des financements de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Inserm (salaire), et, concernant les projets de recherche sur le NutriScore: de la Fondation pour la Recherche Médicale, FRM (ARF201809007046) et de l'Institut National du Cancer, INCa (No 2017-1-PL SHS-01-INSERM ADR 5-1).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pilar Galan et Serge Hercberg ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Malgré des données scientifiques démontrant son intérêt et son efficacité ainsi que la forte demande des associations de consommateurs, les lobbys continuent à se mobiliser contre le Nutri-score.Serge Hercberg, Professeur Emérite de Nutrition Université Sorbonne Paris Nord (Paris 13) - Praticien Hospitalier Département de Santé Publique, Hôpital Avicenne (AP-HP), Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm,Inra,Cnam, Université Sorbonne Paris NordChantal Julia, Maitre de Conférence Université Paris 13, Praticien Hospitalier, Hôpital Avicenne (AP-HP), Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm,Inra,Cnam, Université Sorbonne Paris NordMathilde Touvier, Directrice de l'Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm,Inra,Cnam, Université Sorbonne Paris Nord, InsermPilar Galan, Médecin nutritionniste, Directrice de Recherche INRAe, Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm, Université de Paris, Université Sorbonne Paris Nord, Cnam, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1610632021-06-09T18:46:39Z2021-06-09T18:46:39ZComment la crise du Covid a fragilisé les systèmes alimentaires en Afrique subsaharienne<p>Depuis plus d’une année maintenant, nous sommes nourris d’informations anxiogènes sur le Covid et ses diverses conséquences sanitaires, économiques, sociales ou psychologiques. Une relative bonne nouvelle est toutefois passée assez inaperçue : jusqu’ici, la pandémie a peu touché l’Afrique, à l’exception du nord et de l’extrême sud du continent, elle n’a pas été aussi meurtrière qu’ailleurs dans le monde. Au 3 juin 2021, le bilan pour le continent s’élevait à <a href="https://africacdc.org/covid-19/">132 000 morts et 4,8 millions de cas diagnostiqués</a>.</p>
<p>Pour autant, de nombreuses organisations d’aide humanitaire ou de développement alertent sur l’aggravation de la situation alimentaire et nutritionnelle dans les pays d’Afrique au sud du Sahara, une aggravation due en bonne partie à l’épidémie. Le <a href="http://www.fightfoodcrises.net/grfc-2021/en/">dernier rapport</a> du réseau mondial contre les crises alimentaires met en exergue le nombre croissant de personnes en situation de crise, d’urgence ou de famine, en particulier sur le continent africain qui comptait, en 2020, presque 100 millions de personnes dans ce cas, contre 60 millions en 2016.</p>
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<p>Qu’en est-il exactement ? Dans quelle mesure cette dégradation est-elle due aux divers effets de la pandémie de Covid-19 ? Il n’est pas facile de répondre avec précision car il existe une multitude de causes explicatives qui agissent à différents niveaux (pauvreté, faiblesse des politiques publiques en faveur des systèmes alimentaires, multiples conflits…). Nos observations et celles de nos partenaires et collègues sur différents terrains africains (voir le <a href="https://www.cahiersagricultures.fr/fr/component/toc/?task=topic&id=1336">numéro spécial de <em>Cahiers Agricultures</em></a> sur la question, nous incitent à penser que le Covid a un rôle secondaire mais néanmoins aggravant de situations fragiles, qu’il ralentit la croissance et la demande et affecte relativement peu la production agricole, qui se maintient grâce à des producteurs habitués à gérer de multiples risques.</p>
<p>En mars 2020, les gouvernements des pays africains prennent rapidement des mesures pour limiter la propagation du virus – fermeture des frontières, restriction des déplacements, couvre-feu, limitation des rassemblements, veille sanitaire aux frontières… – et mobilisent, avec leurs partenaires internationaux, des fonds pour établir des stratégies de prévention et de soins.</p>
<p>Après quelques mois de peur et d’incertitude, voire de repli chez soi, « au village » quand ce fut possible, la vie a progressivement repris son cours comme avant ou quasi dans les grandes villes du continent, que ce soit à Abidjan, à Dakar, à Yaoundé, à Sikasso ou à Bobo Dioulasso. L’épidémie n’a pas flambé pour l’instant en Afrique subsaharienne. Les comportements des populations ont un peu changé – moins de contacts sociaux, de grandes réunions de famille, limitation des déplacements professionnels dans les administrations et les entreprises aux niveaux national et international – mais pas outre mesure. Les habitants circulent, souvent sans masque, et vaquent à leurs occupations habituelles.</p>
<h2>Début 2020, les mesures anti-Covid déstabilisent les filières de produits périssables</h2>
<p>Reprenons : à partir de mars 2020, des mesures de restriction assez fermes sont mises en place. Les commerçants de denrées périssables sont touchés de plein fouet : ils ne peuvent plus écouler leurs produits vers les villes (où les restaurants et, dans certains cas, les marchés ont été fermés) et, souvent, ils ne peuvent plus passer les frontières terrestres sous-régionales, qui ont été fermées pour empêcher le virus de se propager.</p>
<p>Or le commerce transfrontalier est d’une grande importance dans toute l’Afrique de l’ouest et du centre. De plus, les autorités demandent que les bus ou camions qui transportent marchandises et personnes soient moins chargés (de gens). Cette mesure entraîne une augmentation du nombre de contrôles routiers, ce qui accroît le coût du transport par unité de marchandise, ce qui à son tour ralentit et limite encore plus la possibilité d’écouler ces précieux produits vers les marchés urbains.</p>
<p>Les producteurs de tomates du Cameroun ne peuvent plus ni vendre dans les grandes villes du pays ni exporter vers le Gabon. Les producteurs de pomme de terre de Guinée sont également coincés avec des stocks qu’ils ne peuvent pas conserver et qu’ils perdent. Les filières laitières naissantes sont également touchées sur tout le continent et à <a href="https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/2020/science/covid-securite-alimentaire-a-madagascar-la-filiere-lait-est-a-l-arret">Madagascar</a>, et les producteurs de ces produits ultra frais totalement sinistrés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1300570557516328965"}"></div></p>
<p>De fait, les petites et micro-entreprises du secteur informel fortement pourvoyeuses d’emplois liés à la transformation et au négoce des produits périssables ont dû réduire leurs activités, ne pas renouveler de nombreux emplois, et se sont souvent endettées.</p>
<h2>Résistance des exploitations agricoles et des marchés des intrants</h2>
<p>Pour autant, les exploitations agricoles en Afrique sont en grande majorité des exploitations familiales habituées à gérer de multiples risques (risques climatiques, risques de santé humaine, végétale ou animale, risques de marché) sans recours à aucune forme d’assurance formelle. Pour cette raison, elles sont très diversifiées, et pour la plupart, habituées à cultiver des produits alimentaires de base (céréales, racines et tubercules, bananes et plantains) en association avec différents légumes ou légumineuses (pois, haricots) pour couvrir a minima les besoins alimentaires de la famille.</p>
<p>De plus, le début de la pandémie correspond au début de la saison des pluies et au début de la saison agricole. Les paysans ont lancé les cultures comme à leur habitude. Dans certaines familles, le retour des étudiants ou des grands enfants qui étaient en ville au moment du confinement a même, parfois, été une aubaine car ils ont participé aux travaux des champs qui sont toujours en manque de bras.</p>
<p>Enfin, les producteurs africains utilisent pour ces cultures alimentaires de base peu de semences améliorées issues des marchés, peu d’engrais de synthèse et peu de produits phytosanitaires. Résultat : la production agricole à vocation alimentaire de l’année 2020 n’a pas été fondamentalement perturbée par le Covid (peu de gens ont été malades) ou par les restrictions liées à la pandémie (grâce à la relative autonomie et à la <a href="https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/2020/science/covid-19-securite-alimentaire-l-agriculture-africaine-resiliente-face-a-la-crise">résilience des producteurs</a>.</p>
<p>En ce qui concerne les grandes cultures d’exportation (cacao, coton, café, banane), qui sont cultivées avec plus d’intrants chimiques (produits phytosanitaires, engrais chimiques), il n’y a pas eu non plus en 2020 de choc particulier lié au Covid.</p>
<p>Les circuits d’importation et de distribution des intrants (engrais, pesticides de synthèse) n’ont été perturbés que sur de courtes périodes et ont été préservés tout au long de la crise (les bateaux, les ports ont continué à fonctionner), de même que les circuits d’exportation.</p>
<h2>Amplification de l’insécurité alimentaire</h2>
<p>Néanmoins, les problèmes d’insécurité alimentaire et nutritionnelle perdurent et s’amplifient même de façon dramatique dans plusieurs régions d’Afrique… mais les causes sont rarement liées à un manque de capacité de production ou au Covid.</p>
<p>Le dernier rapport du réseau mondial contre les crises alimentaires, cité plus haut, montre que les conflits et les déplacements des populations sont la principale cause des crises alimentaires en Afrique de l’Ouest et Centrale, où la population en crise alimentaire a doublé, passant de 12,7 millions en 2019 à 24,5 millions en 2020, et la situation devrait empirer en 2021.</p>
<p>Ces conflits et les déplacements de populations fragilisent l’ensemble des territoires, parfois sur de longues distances car les réfugiés vont en ville pour trouver de l’aide familiale et du travail.</p>
<p>Enfin, une grande partie des ressources des États sont affectées au maintien de la paix, c’est-à-dire à l’armée et aux forces spéciales, et pas au développement. La pandémie de 2020 et la nécessité de mobiliser des ressources de l’État pour la protection de la santé a également réduit les ressources disponibles pour le développement agricole ou la protection sociale.</p>
<p>La plupart des pays ont connu une récession économique. L’Afrique subsaharienne a enregistré en 2020 une chute de 1,9 % du PIB <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2021/04/14/pr21108-sub-saharan-africa-navigating-a-long-pandemic">d’après le Fonds monétaire international</a>, alors que les prévisions étaient plutôt à la hausse du PIB. Si l’on rapporte ces chiffres à ceux de la population, la baisse du PIB par habitant est encore plus importante (-4,5 %), et selon le FMI encore, la capacité de récupération budgétaire de ces États aux ressources limitées entravera le retour à la croissance pendant encore de nombreuses années, et plus que dans les autres pays.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1352302203222937605"}"></div></p>
<p>La somme de ces crises (ralentissement économique mondial, restriction des déplacements internes et transfrontaliers, diverses mesures de précaution contre la diffusion du Covid) a entraîné un ralentissement de la croissance nationale qui se traduit par une diminution de l’offre d’emplois et une baisse des revenus. Ce phénomène affecte en premier lieu les populations urbaines mais, aussi, par ricochet, les populations rurales qui ne trouvent plus de débouchés.</p>
<p>Les filières de vente de produits alimentaires de qualité (produits frais, maraîchers ou laitiers) des campagnes vers les villes, qui permettent en temps normal de dégager des revenus monétaires intéressants pour les producteurs et les intermédiaires, sont très ralenties. Les revenus des ruraux et leur consommation de produits transformés achetés sur les marchés sont en baisse. Cela se traduit par une dégradation de l’équilibre alimentaire pour des populations déjà fragiles. En effet, ce sont les populations rurales qui souffrent le plus de sous-alimentation et les marchés permettent d’accéder à des produits variés venant d’autres régions ou d’autres pays, le plus souvent d’Afrique. Quand ces marchés tournent au ralenti, la situation alimentaire et nutritionnelle se fragilise.</p>
<h2>Revaloriser l’agriculture et l’ensemble des acteurs des filières alimentaires</h2>
<p>L’observation des agriculteurs et des acteurs des filières alimentaires en Afrique met en évidence leur grande capacité de résilience face à de multiples chocs, mais cette résilience se fait au prix d’une fragilisation croissante des ménages agricoles et des ménages qui dépendent des multiples activités de commerce et de transformation. Cette capacité de « résilience » ou de grande résistance, si elle permet d’éviter le pire, n’est pourtant pas forcément salutaire pour les pays et les peuples. En effet, elle est souvent synonyme, dans les faits, d’un abandon quasi total de la part des politiques.</p>
<p>Les agriculteurs et agricultrices ainsi que les millions d’acteurs et actrices des filières alimentaires sont souvent peu prises en considération par les hommes politiques. Ils sont insuffisamment associés à la définition des politiques qui les concernent directement. Ce qui se reflète dans les budgets consacrés à des systèmes alimentaires trop souvent sacrifiés.</p>
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161063/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Syndhia Mathe est membre de l'International Institute of Tropical Agriculture (IITA). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ludovic Temple, Precillia Tata Ngome et Sandrine Dury ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les mesures prises en Afrique subsaharienne pour endiguer la propagation du Covid-19 ont eu des effets négatifs sur la sécurité alimentaire des populations les plus fragiles.Sandrine Dury, Docteur en économie du développement agricole et agro-alimentaire, spécialiste de l'alimentation et des systèmes alimentaires, CiradLudovic Temple, Chercheur, CiradPrecillia Tata Ngome, Senior Socioeconomic Researcher, Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD)Syndhia Mathe, Chercheuse au Centre de coopération Internationale de Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et à l'International Institute of Tropical Agriculture (IITA), CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1597672021-05-12T14:50:40Z2021-05-12T14:50:40ZComment les nanotechnologies pourraient provoquer d’énormes changements en agriculture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/400325/original/file-20210512-19-119zj0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C4%2C2982%2C1985&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les nanotechnologies peuvent améliorer l’efficacité de l’agriculture sans nécessiter de nouveaux équipements.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La science est faite de grandes idées qui changent le monde. Mais parfois, ce sont des objets minuscules qui entraînent les plus grosses transformations.</p>
<p>Les nanotechnologies peuvent sembler relever de la science-fiction, mais elles existent depuis plusieurs décennies. Les approches nanotechnologiques ont trouvé des applications concrètes dans de nombreux domaines, que ce soit pour des <a href="https://sustainable-nano.com/2018/11/28/nano-textiles/">matériaux composites dans l’industrie du textile</a> ou en <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2017.01014/full">agriculture</a>.</p>
<p>L’agriculture est une des plus vieilles inventions humaines et les nanotechnologies y apportent des innovations qui pourraient améliorer considérablement l’efficacité de notre approvisionnement alimentaire et réduire l’impact environnemental de sa production.</p>
<p>L’agriculture entraîne un coût que les principaux intéressés ne connaissent que trop bien. Elle requiert des quantités importantes d’eau, de terre et de carburant. Les engrais et les pesticides sont nécessaires pour obtenir des rendements élevés, mais leur utilisation a des effets néfastes sur l’environnement, même si des <a href="https://ici.tou.tv/planete-verte-reinventer-l-agriculture">agriculteurs tentent</a> d’en diminuer l’impact à l’aide de <a href="https://theconversation.com/voici-trois-innovations-en-agriculture-qui-vont-revolutionner-notre-alimentation-tout-en-aidant-la-planete-155680">nouvelles technologies</a>.</p>
<h2>Des objets minuscules</h2>
<p>La nanotechnologie est la science des objets de quelques nanomètres – des milliardièmes de mètre – de diamètre. À cette taille, les objets acquièrent des propriétés uniques. Ainsi, la surface d’un essaim de particules nanométriques est immense par rapport à celle d’un seul gros objet de même masse.</p>
<p>En faisant varier la taille et les autres caractéristiques des objets nanométriques, nous avons une capacité inégalée de créer des surfaces de précision aux propriétés définies sur mesure.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OLa8DQkKlyU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un aperçu de la science des nanotechnologies.</span></figcaption>
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<h2>Utilisation des particules</h2>
<p>La méthode pour appliquer des produits chimiques consiste à dissoudre les ingrédients actifs dans de l’eau, puis à pulvériser le mélange sur les cultures. Comme les ingrédients <a href="https://edis.ifas.ufl.edu/pi285">ne se mélangent pas facilement</a>, le processus est peu efficace et nécessite de grandes quantités d’eau.</p>
<p>Pour renforcer l’efficacité des engrais et des pesticides et en diminuer l’impact environnemental, les agriculteurs ont besoin que les produits atteignent les plants et soient absorbés exactement là où ils sont nécessaires – dans les racines ou les feuilles, par exemple. Idéalement, ils utiliseraient juste ce qu’il faut de produits chimiques pour améliorer le rendement et protéger leurs cultures des attaques ou des maladies, ce qui éviterait le gaspillage.</p>
<p>Les systèmes nanométriques sur mesure ont recours à la chimie de précision pour assurer une distribution très efficace des engrais et des pesticides. Les ingrédients actifs sont encapsulés d’une manière semblable à ce qui se passe avec <a href="https://www.nature.com/articles/s41578-020-00269-6">l’administration ciblée de médicaments</a>. La technique d’encapsulation peut également servir à augmenter la dissolution dans l’eau, réduisant ainsi la quantité de produits nécessaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/396663/original/file-20210422-24-8n3pl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Rangée de betteraves à sucre" src="https://images.theconversation.com/files/396663/original/file-20210422-24-8n3pl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396663/original/file-20210422-24-8n3pl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396663/original/file-20210422-24-8n3pl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396663/original/file-20210422-24-8n3pl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396663/original/file-20210422-24-8n3pl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396663/original/file-20210422-24-8n3pl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396663/original/file-20210422-24-8n3pl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les nanotechnologies peuvent servir à distribuer des pesticides avec précision. Les nanopaquets de Vive Crop Protection ont été appliqués sur des betteraves à sucre, des pommes de terre et du maïs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Applications actuelles</h2>
<p>La société pharmaceutique Starpharma s’est lancée dans cette entreprise il y a quelques années en créant une division chargée d’appliquer ses innovations nanotechnologiques au secteur agricole. L’entreprise a depuis <a href="https://m.canadianinsider.com/agrium-announces-acquisition-of-starpharma-s-agrochemical-polymer-technology-business">vendu son activité agrochimique</a>.</p>
<p>Psigryph est une autre <a href="https://cou.ca/articles/food-security-project-at-university-of-guelph-going-global/">entreprise innovante</a> dans le domaine des nanotechnologies en agriculture. Sa technologie utilise des nanostructures biodégradables dérivées de l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304423810001329?via%3Dihub">extrait de cerises de Montmorency</a> pour administrer des molécules bioactives à travers les membranes cellulaires des plantes, des animaux et des humains.</p>
<p>Dans mon laboratoire, nous travaillons depuis des années en nanosciences, et je suis fière de voir que notre compréhension de <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/cjc-2017-0444">l’encapsulation de polymères à l’échelle nanométrique</a> trouve des applications en agriculture. Un de nos anciens étudiants, Darren Anderson, est PDG de Vive Crop Protection, qui a été nommée parmi les meilleures entreprises en croissance du Canada. On y suspend des pesticides chimiques et biologiques dans des « nanopaquets » – des sortes de capsules de polymères incroyablement petites – pour qu’ils atteignent facilement leur cible. Les ingrédients peuvent être contrôlés et dirigés avec précision lorsqu’ils sont appliqués sur les cultures.</p>
<h2>Et l’équipement ?</h2>
<p>L’un des avantages de ces innovations nanotechnologiques est qu’elles ne nécessitent aucun nouvel équipement, ce qui constitue un gros atout dans le secteur agricole qui connaît des difficultés sur le plan financier. Il suffit aux agriculteurs de mélanger les produits avec moins d’eau et de carburant pour obtenir un gain d’efficacité.</p>
<p>Parmi les autres usages agricoles des nanotechnologies, citons les <a href="https://www.nature.com/articles/s41565-019-0471-5">produits de santé animale</a>, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780128157817225316?via%3Dihub">matériaux d’emballage alimentaire</a> et les <a href="https://www.azonano.com/article.aspx?ArticleID=5647">nanobiocapteurs qui servent à détecter les agents pathogènes, les toxines et les métaux lourds</a> dans le sol. Il ne serait pas surprenant de voir l’utilisation de ces nouvelles applications généralisée dans un avenir proche.</p>
<p>Le gain de productivité qu’offrent les nouvelles technologies est essentiel pour les agriculteurs et très important pour le reste d’entre nous, car la population de la terre continue de croître et les effets des changements climatiques deviennent de plus en plus manifestes. Les agriculteurs devront faire plus avec moins.</p>
<p>Et quelques milliardièmes de mètre, c’est moins, cela ne fait aucun doute. Grâce à la nanotechnologie, l’agriculture mondiale est sur le point de réaliser de grandes choses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159767/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>M Cynthia Goh a été cofondatrice de Vive Crop Protection mais ne participe pas activement à l'entreprise. Elle reçoit des fonds du CRSNG Canada et du Centre d'innovation de l'Ontario.</span></em></p>La nanotechnologie, qui aborde les matériaux à l’échelle des atomes et des molécules, a de nombreuses applications pour la production alimentaire. Elles pourraient révolutionner le secteur agricole.M Cynthia Goh, Professor, Chemistry, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1579012021-04-12T20:33:13Z2021-04-12T20:33:13ZLes micro-algues, des oméga-3 à cultiver<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/394517/original/file-20210412-13-zs1oqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1642%2C1060&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des microalgues appartenant au genre Pavlova.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CSIRO_ScienceImage_7604_Microalgae.jpg">CSIRO / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Indispensables à notre organisme, les oméga-3 nous sont apportés par l’alimentation. Habituellement, on les puise dans des noix, des huiles végétales et surtout des poissons gras.</p>
<p>Depuis quelques années, cependant, les recherches ont mis en avant leur présence à des taux élevés dans des algues microscopiques. De là est venue l’idée de les cultiver pour les intégrer à nos apports alimentaires. Dans cette perspective, le rendement des microalgues est particulièrement intéressant. Il est en effet plusieurs dizaines de fois supérieur à celui des cultures d’oléagineux traditionnelles.</p>
<h2>Les oméga-3, des composés aux rôles variés</h2>
<p>Unités de base des lipides, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_gras">acides gras</a> dont font partie les oméga-3 nous sont donc <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-lipides">apportés par l’alimentation</a> : l’huile de foie de morue constitue l’une des meilleures sources.</p>
<p>Ces acides gras sont dits « saturés » ou « insaturés », selon la nature des liaisons chimiques de leur chaîne carbonée. Les premiers ont la particularité d’avoir des atomes de carbone qui sont liés chacun au maximum d’atomes d’hydrogène possible, tandis que les seconds se caractérisent par la présence de doubles liaisons carbone-carbone.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/acides-gras-trans-limites-par-lue-que-se-passe-t-il-au-niveau-moleculaire-pour-quils-soient-nocifs-157791">Acides gras « trans » limités par l’UE : que se passe-t-il au niveau moléculaire pour qu’ils soient nocifs ?</a>
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<p>Par ailleurs, on parle d’acides gras mono-insaturés s’il n’y a qu’une seule double liaison, et de polyinsaturés quand il y en a plusieurs. Et l’on y distingue différentes familles selon la position de la première double liaison (repérée en partant du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thyle">groupe méthyle</a>, soit CH<sub>3</sub>) : c’est de là que viennent les noms d’acides gras oméga-3, ou 6, ou 7, ou 9.</p>
<p>Principaux constituants de la membrane cellulaire, les acides gras dont font partie les oméga-3 limitent le passage de l’eau et contrôlent de nombreuses fonctions cellulaires : absorption ou sécrétion d’ions et de petites molécules, protection contre le milieu extérieur, communication avec les cellules voisines, etc.</p>
<p>On peut aussi en tirer de l’énergie s’ils sont mis en réserve : on les retrouve ainsi dans les cellules du tissu adipeux chez les animaux, et dans un ensemble de membranes biologiques essentielles chez les végétaux – comme celles constituant les thylacoïdes, l’endroit où se produit la réaction lumineuse de la photosynthèse, au sein des chloroplastes, les « usines à photosynthèse » des plantes.</p>
<p>Enfin, au-delà des besoins physiologiques, certains acides gras <a href="http://www.theses.fr/2014LEMA1033">pourraient diminuer le risque d’agrégation plaquettaire</a>.</p>
<p>Leur rôle – en particulier celui des <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-acides-gras-om%C3%A9ga-3">oméga-3</a> – est par ailleurs évoqué dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, mais aussi dans celle du diabète, de l’obésité, des cancers…</p>
<h2>La piste des microalgues</h2>
<p>Présents à des taux conséquents dans certaines huiles végétales (noix, colza, soja, lin, etc.), les oméga-3 se trouvent aussi en abondance dans la chair de sardines, thons, harengs, maquereaux et autres poissons bleus. Et pour cause : ces animaux se situent au sommet d’une chaîne alimentaire dont la base est constituée de microalgues, qui synthétisent des oméga-3 en grandes quantités.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La microalgue Odontella aurita.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Odontella_aurita_cells.jpg">Richard A. Ingebrigtsen,University de Tromsø/ Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Au sein de l’équipe MMS (Mer, Molécules, Santé), notre laboratoire s’est intéressé à l’une de ces microalgues : une diatomée portant le nom d’<em>Odontella aurita</em>. Présente en milieu naturel dans la zone côtière, elle est cultivée depuis plusieurs années dans la baie de Bourgneuf, dans des bassins ouverts.</p>
<p>Après avoir déterminé ses <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-014-0252-3">conditions optimales de culture, pour favoriser la production d’oméga-3</a> et plus particulièrement celle de l’EPA (acide écosapentanéoïque), nous avons mis en évidence ses <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3543224/">effets bénéfiques sur des rats obèses</a>, à travers une réduction de la glycémie et des taux de lipides plasmatiques. Des études comparatives ont ensuite été menées avec des <a href="https://aocs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1007/s11745-016-4177-2">huiles de poisson</a> et de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0899900718305938?via%3Dihub">l’huile d’argan</a>, pour en explorer l’<a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01295306/">effet sur l’agrégation plaquettaire</a> et les <a href="https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/full_html/2015/04/ocl150006/ocl150006.html">maladies cardio-vasculaires</a>.</p>
<p>D’autres cultures de microalgues sont aujourd’hui pratiquées. Citons notamment <em>Pavlova lutheri</em>, à la fois riche en oméga-3 de type EPA et DHA (acide docosahexaénoïque), et très utilisée en écloserie. Ou encore une espèce abondamment produite aux États-Unis, très riche en DHA : <em>Cryptochodinium cohnii</em>. Enfin, ajoutons que dans la région de Bordeaux, une entreprise a mis sur le marché une première huile algale – la « DHA350 » (350 mg d’oméga-3 de type DHA par gramme d’huile), tout en annonçant la production prochaine d’une seconde huile algale, la DHA550, encore plus riche en oméga-3.</p>
<h2>Intéressantes à plus d’un titre</h2>
<p>Étant données leurs teneurs élevées en oméga-3, et en particulier en DHA et en EPA, les microalgues se révèlent particulièrement intéressantes s’agissant de leur rendement : pour une même unité de surface, il peut s’avérer 30 fois supérieur à celui de cultures traditionnelles d’oléagineux.</p>
<p>D’un autre côté, les microalgues pourraient avantageusement remplacer les huiles de poisson riches en oméga-3 que l’on utilise actuellement comme compléments alimentaires (huile de saumon ou de thon en gélules). Ces dernières, en effet, ne sont pas dépourvues d’odeurs et sont par ailleurs instables. Sans compter que les stocks de poissons tendent à s’épuiser, tout en étant potentiellement contaminés par divers polluants comme les métaux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/omega-3-ce-quil-faut-manger-ce-quil-faut-savoir-104117">Oméga-3 : ce qu’il faut manger, ce qu’il faut savoir</a>
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<p>On le voit, les huiles de microalgues riches en acides gras polyinsaturés et obtenues dans des conditions bien contrôlées sont promises à un riche avenir. D’autant qu’elles ne présentent pas seulement un intérêt nutritionnel…</p>
<h2>Les autres applications des microalgues</h2>
<p>En aquaculture, des microalgues (<em>Isochrysis galbana</em>, <em>Pavlova lutheri</em>…) sont d’ores et déjà cultivées pour nourrir les juvéniles de bivalves (huîtres, coquilles saint Jacques, palourdes, etc.) dans les écloseries. On les retrouve également dans un certain nombre de produits cosmétiques.</p>
<p>Mais l’espoir principal en ce qui concerne les microalgues réside dans la production de biocarburants renouvelables à partir de leurs lipides. Bien des arguments plaident en faveur de ces biocarburants. D’abord, une faible emprise au sol (ou sur les ressources en eau), car les surfaces nécessaires à leur culture sont limitées. Ensuite, l’absence de concurrence avec les productions agricoles, et la possibilité de recycler le dioxyde de carbone rejeté par les usines et les centrales thermiques, à travers la photosynthèse.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une stagiaire du National Renewable Energy Laboratory prélève des échantillons d’algues cultivées dans des bassins ouverts, dans la serre du Field Test Laboratory Building.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/37916456@N02/48980450728">Département de l’Énergie/Gouvernement des États-Unis</a></span>
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<p>Toutefois, si l’on est actuellement capable de produire du biodiesel de microalgues à petite échelle, il reste encore à optimiser les procédés pour lancer des programmes de production à grande échelle. Pour l’heure, la production de biocarburants à partir de microalgues n’est toutefois pas rentable, eu égard au prix du baril de pétrole brut. Dans les faits, une dizaine d’années sera sans doute nécessaire pour aboutir à des productions rentables et suffisantes pour alimenter le parc automobile. Et le développement des véhicules électriques risque bien de retarder voire de bloquer ce genre de projets.</p>
<p>Reste qu’il ne s’agit pas de négliger la production, à partir de microalgues, d’oméga-3 à usages multiples et à haute valeur ajoutée…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gérard Tremblin a reçu des financements de l’Europe </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Brigitte Veidl ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Riches en oméga-3, des acides gras essentiels, les micro-algues peuvent avantageusement remplacer les sources habituelles (huiles végétales, poissons bleus). Plusieurs sont aujourd’hui à l’étude.Gérard Tremblin, Professeur émérite de biologie végétale, Le Mans UniversitéBrigitte Veidl, ingénieure d'études, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1579052021-03-29T17:32:17Z2021-03-29T17:32:17ZDanone, ou l’ultime paradoxe de la société « à mission »<p>Avec ce qu’il convient désormais d’appeler l’affaire « Danone », serions-nous en train de vivre le premier crash test du nouveau statut juridique de société « à mission » ? Rappelons que ce statut prévu par la <a href="https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-croissance-transformation-entreprises">loi Pacte</a> (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), entrée en vigueur mi-2019 et qui peut être présenté rapidement comme un moyen de se libérer de l’obsession de la création de valeur pour l’actionnaire, est d’abord conçu comme une « poison pill » (pilule empoisonnée) pour empêcher des prises de contrôle… hostiles.</p>
<p>Le paradoxe dans le cas de Danone – dont pourrait être symptomatique <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/15/danone-les-ferments-de-l-eviction-de-faber_6073176_3234.html">l’éviction du PDG</a> sous la pression de fonds activistes américains récemment entrés au capital et estimant les performances commerciales et financières ainsi que l’évolution du cours de bourse décevantes – réside dans le fait que ce statut d’entreprise à mission, vu comme une sorte de pilule du lendemain pour empêcher les rapports non désirés, pourrait bien accélérer des projets en germe depuis déjà longtemps.</p>
<h2>Une OPA manquée en 1968</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/391721/original/file-20210325-13-1xavdsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391721/original/file-20210325-13-1xavdsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391721/original/file-20210325-13-1xavdsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391721/original/file-20210325-13-1xavdsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391721/original/file-20210325-13-1xavdsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391721/original/file-20210325-13-1xavdsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391721/original/file-20210325-13-1xavdsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391721/original/file-20210325-13-1xavdsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Antoine Riboud, fondateur et président de Danone (1918-2002).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://u.afp.com/UYGZ">Philippe Bouchon/AFP</a></span>
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</figure>
<p>Pour bien comprendre l’affaire, rapide rappel sur l’histoire de Danone. Au milieu des années 1960, BSN (Boussois-Souchon-Neuvesel) n’est pas encore Danone. L’entreprise est spécialisée dans le verre d’emballage et le verre plat. <a href="https://www.lesechos.fr/2015/08/bsn-saint-gobain-lopa-qui-ebranla-le-capitalisme-francais-1107912">L’offre publique d’achat (OPA) lancée en décembre 1968</a> sur l’honorable et historique maison Saint-Gobain par Antoine Riboud fera grand bruit : c’est une première en France et le chiffre d’affaires du très respectable producteur de verre et matériaux est alors 7 fois plus important que celui de BSN !</p>
<p>L’objectif d’atteindre une taille critique mondiale dans l’emballage et le verre échoue avec l’OPA, mais la question de la taille critique restera un problème et un leitmotiv constant dans les activités et stratégies ultérieures du groupe.</p>
<p>Après cet échec, changement de pied avec une idée de génie : dans le développement de l’agroalimentaire d’alors, Antoine Riboud, président de BSN, pressent que le conditionnement va jouer un rôle déterminant. D’où l’idée d’associer au contenant, le verre et le plastique, le contenu. L’entreprise, à l’époque de sa plus large diversification en 1990 sous la conduite de ce même Antoine Riboud, constituera ainsi cinq branches – produits frais, épicerie et biscuiterie, brasserie, champagne et eaux minérales, emballage.</p>
<p>Le groupe n’était internationalisé qu’à hauteur d’un tiers, surtout en Europe, et gérait un important portefeuille de marques, articulant contenant-contenu. La gestion sociale se voulait « avant-gardiste » selon le fameux <a href="https://go-management.fr/wp-content/uploads/2016/07/Discours-dAntoine-Riboud-aux-Assises-nationales-du-CNPF-le-25-octobre-1972-%c3%a0-Marseille.pdf">double projet</a> économique et social lancé par le provocateur Antoine Riboud aux assises du Conseil national du patronat français (CNPF, devenu le Medef) à Marseille en 1972. La culture d’entreprise était centrée sur ce PDG charismatique, des processus organisationnels et des relations humaines fluides.</p>
<h2>Consolidation de l’entreprise</h2>
<p>Toujours proie potentielle d’une OPA en raison de son capital dispersé, le PDG de BSN mit en place la limitation des droits de vote, des « poison pills » imaginatives, comme les obligations à bons de souscription d’actions (OBSA), susceptibles d’être mobilisées en cas de tentative de prise de contrôle. L’entreprise s’est ainsi consolidée par une croissance organique poussée par une forte sensibilité aux besoins des marchés et une stratégie financière affectionnant l’autofinancement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1146651100629667840"}"></div></p>
<p>En 1996, Franck Riboud est nommé PDG – désignation qui confirme alors la robustesse de la gouvernance mise en place par son père – et BSN puis Groupe Gervais-Danone devient en 2009 tout simplement… Danone. Sur la période, une stratégie assumée de positionnement sur les produits « sains » est menée à vive allure, qui conduit à se désengager du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2005/07/05/avec-mumm-un-retour-au-premier-plan-en-champagne_669553_3234.html">champagne</a> dans les années 1990, de la <a href="https://www.lesechos.fr/2000/03/le-groupe-danone-se-desengage-de-la-biere-en-europe-740242">bière</a> (dont Kronenbourg) en 2000, puis de la <a href="https://www.lefigaro.fr/societes-francaises/2007/10/29/04010-20071029ARTFIG00197-danone-se-separe-des-biscuits-lu.php">biscuiterie</a> (notamment la marque Lu, jouissant pourtant d’une immense notoriété spontanée) en 2007.</p>
<p>Le changement de paradigme est radical. Le groupe adopte dès lors tous les atours du « style » stratégico-organisationnel, largement promu et valorisé par l’industrie financière : recentrage assumé sur le <em>core business</em> (cœur de métier) et développement de marques mondiales et globales ; cessions et désinvestissements (profitables à court terme) des activités jugées non stratégiques (si le groupe ne peut espérer y occuper une position de leader) ; extension géographique vers les marchés émergents (et notamment la Chine…) des deux activités phares : les produits laitiers frais et les eaux minérales.</p>
<p>Totalement focalisé depuis dix ans sur ce qui sera décrit plus tard comme sa « <a href="https://www.danone.com/fr/about-danone/sustainable-value-creation/our-mission.html">raison d’être</a> » (« apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre »), l’évolution stratégique se traduit sur le plan du financement : les rachats d’actions systématiques, en particulier, soutiennent le cours, et les dividendes sont réglés en numéraire.</p>
<p>Avec Emmanuel Faber, c’est d’ailleurs l’ancien directeur financier qui succède en 2014 à Franck Riboud à la direction générale, ce dernier restant quelque temps président avant que le premier ne cumule les deux fonctions… La complémentarité des deux hommes, aux compétences et aux personnalités très contrastées, offrait à n’en pas douter un potentiel supérieur. Emmanuel Faber, aujourd’hui évincé donc, est remplacé par Gilles Schnepp, l’ancien PDG du groupe industriel Legrand.</p>
<h2>L’attaque vient souvent « d’ailleurs »</h2>
<p>Ce bref « retour vers le futur » reste utile pour rappeler qu’un statut de société « à mission » ne signifie pas la poursuite d’un projet d’entreprise qui serait ainsi dégagé de la contrainte de maximisation de création de valeur pour l’actionnaire.</p>
<p>Assurément, quand on n’a d’autres choix pour maintenir son indépendance que de complaire aux attentes des marchés, une bonne vieille logique darwinienne s’applique : celle qui fait que les PDG jugés insuffisamment performants sont remplacés et/ou leurs entreprises prises d’assaut. De tels anciens groupes diversifiés puis recentrés deviennent en effet des proies potentielles particulièrement tentantes, puisque l’essentiel du travail de restructuration a été fait.</p>
<p>Restent alors les seules vraies questions qui comptent aujourd’hui pour l’avenir de Danone : l’entreprise peut-elle rester indépendante ? D’où viendraient les éventuels prédateurs et qui seraient-ils ? Le statut de société à mission paraît-il susceptible de la prémunir de leurs assauts ?</p>
<p>Il est bien sûr impossible de répondre à ce stade à ces trois questions, mais on peut déjà se risquer à verser quelques éléments au débat.</p>
<p>D’abord, l’indépendance du groupe est, aujourd’hui plus encore qu’hier, fragilisée pour les raisons que l’on sait (crise sanitaire, résultats inférieurs aux principaux concurrents, cours de bourse déprimés…) ; c’est d’ailleurs aussi la raison de l’éviction d’Emmanuel Faber. L’avenir dira si les « évolutions organisationnelles », avec le plan « <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/covid-danone-va-supprimer-jusqua-2000-postes-administratifs-dont-400-a-500-en-france-1267328">local first</a> » de restructuration et d’allégement, permettent ici de redresser durablement la barre. Élaboré sans doute pour donner des gages jugés insuffisants par certains actionnaires, ce plan pourrait bien être remisé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1369212541549879296"}"></div></p>
<p>Ensuite, les éventuels prédateurs ne se bornent pas aux champions les mieux installés du secteur (on se souvient des rumeurs de <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoire-de-folles-rumeurs/histoire-de-folles-rumeurs-danone-rachetee-par-pepsi_3542535.html">rachat de Danone par PepsiCo</a>, il y a quinze ans). L’Union européenne joue en effet le rôle pointilleux plus que stratégique de gardien du temps du seul droit de la concurrence, rendant de fait difficile la constitution de champions européens capables de rivaliser avec des groupes soutenus, eux, par les puissances politiques nationales (Chine, États-Unis, etc.).</p>
<p>Le recentrage sur les cœurs de métier, pratiqué jusqu’ici avec zèle par les dirigeants du CAC 40, pourrait ainsi céder la place à de nouvelles diversifications que nombre de groupes étrangers (notamment asiatiques) ont d’ailleurs toujours conservées et qui consacrent le retour en force des conglomérats (le groupe Tata en Inde, par exemple). C’est pourquoi l’attaque vient souvent « d’ailleurs », ainsi que nous l’exposions dès 2002 dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2002-5-page-57.htm">article de la <em>Revue française de gestion</em></a> qui traitait précisément du cas Danone et qui résonne curieusement 20 ans après.</p>
<p>C’est précisément avec cette idée que la « mission », juridiquement opposable, a aussi été pensée comme arme de dissuasion. C’est sans doute ce qu’avait en tête le patron de Danone en 2020, lorsque le changement de statut juridique a été adopté.</p>
<p>Et c’est là qu’il convient de souligner un dernier point absent des très nombreux commentaires de l’« affaire Danone » : que se passerait-il si, en cas de tentative d’OPA, les missions de la proie comme du prédateur paraissaient soudainement compatibles ? On peut ici faire l’hypothèse que la mission pourrait alors agir comme une manière de provoquer un accouchement en gestation, ou à tout le moins un engendrement inédit rendu possible par les circonstances.</p>
<p>À la lumière de ces trois points, et avec la prudence qui s’impose, on rappellera que la stratégie d’entreprise est comme l’Histoire : intrinsèquement faite de paradoxes. Dans le cas présent, Gilles Schnepp, le nouveau président de Danone est également <a href="https://www.saint-gobain.com/fr/groupe/gouvernance/conseil-d-administration-et-comites">administrateur indépendant</a> de la compagnie de Saint-Gobain depuis 2009, et entre « apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre » et « Making the world a better home » (« Faire du monde un meilleur foyer », la <a href="https://www.saint-gobain.com/fr/le-groupe/notre-raison-detre">raison d’être</a> de Saint-Gobain), les synergies de la « mission » et de la « raison » – surtout énoncées de manière aussi large ! – sont fortes.</p>
<p>Ouvriraient-elles alors la porte à l’une ironie de ces histoires de l’Histoire dont le capitalisme « à la française » a le secret, avec une possible « revanche » de Saint-Gobain cinq décennies plus tard ?</p>
<p>C’est en tout cas ce type d’hypothèse qu’invite à instruire la recherche en stratégie et management, par-delà les débats sans fin sur la « financiarisation » vs le « projet économique et social » ou l’incompatibilité par nature entre objectifs de court et de long terme. On notera que seul le regard de longue-vue, mais à hauteur des organisations – qui fait la singularité des sciences de gestion et du management, entendues sur ces thèmes comme une science morale et politique des temps présents – permet d’oser les esquisser, fût-ce de façon apparemment iconoclaste.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient Laurent Faibis, président du l’institut d’études économiques privé <a href="https://www.xerfi.com/qui-sommes-nous">Xerfi</a>, rédacteur en chef de <a href="https://www.xerficanal.com">Xerfi Canal</a> et membre invité du conseil de rédaction de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion.htm">Revue française de gestion</a> (RFG) pour ses conseils et commentaires qui ont permis d’améliorer très sensiblement les versions antérieures de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157905/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce statut devait permettre au géant alimentaire de mieux se protéger d’une éventuelle OPA. Une stratégie qui semble s’être retournée contre Emmanuel Faber, récemment évincé de la présidence.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayAlain-Charles Martinet, Professeur émérite en Sciences de Gestion, Management stratégique, Université Jean-Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1565442021-03-08T19:40:36Z2021-03-08T19:40:36ZDanone, une illustration des fragilités du statut d’entreprise à mission<p>Le dimanche 14 mars, le conseil d'administration du géant français de l’agroalimentaire Danone a acté <a href="https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/danone-change-de-patron-en-quete-de-meilleurs-profits-cab1faca7729dddeeb5ea3fc8827866e">l’éviction avec effet immédiat</a> de son PDG, Emmanuel Faber. Gilles Schnepp, ex-patron du fabricant de matériel électrique Legrand, lui succèdera à la présidence. Quand à la direction générale, elle sera assurée par le duo intérimaire en attendant de trouver un nouveau directeur général « d'envergure internationale ».</p>
<p>Cette décision, réclamée par des fonds activistes récemment entrés au capital qui reprochaient une trop faible performance du cours boursier, semble aujourd’hui révéler les fragilités du statut d’« entreprise à mission » dont Danone fut la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/danone-veut-devenir-la-premiere-entreprise-a-mission-cotee-en-bourse-20200520">première entreprise cotée à se doter</a>, en mai 2020.</p>
<p>Le cas Danone fait en effet ressortir les impasses et les angles morts de la <a href="https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-croissance-transformation-entreprises">loi Pacte</a>, promulguée en 2019, qui officialise ce statut d’entreprise à mission et prévoit que l’entreprise puisse également se doter d’une « raison d’être », validée en assemblée générale par les actionnaires.</p>
<p>Ces dispositifs permettent à une entreprise d’affirmer son engagement dans la poursuite d’objectifs qui ne sont pas exclusivement centrés sur une performance économique et financière et visent à répondre aux grands défis qui traversent nos sociétés (mobilité durable, transition alimentaire, énergie propre, etc.). Ils ouvrent la voie vers un capitalisme responsable.</p>
<h2>La menace des fonds activistes</h2>
<p>Comme l’ont très bien montré les chercheurs Rodolphe Durand, Mark Desjardine et Emilio Marti, les <a href="https://www.hec.edu/sites/default/files/2020-06/HEC%20Paris%20-%20les%20fonds%20sp%C3%A9culatifs%20activistes%20-%20Rodolphe%20DURAND.pdf">fonds spéculatifs activistes compromettent</a> la responsabilité sociale des entreprises. Ces fonds interprètent les engagements en faveur de la responsabilité sociale et du développement durable comme des dépenses inutiles qui se font au détriment d’une maximisation des bénéfices pour les actionnaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1331826497225682944"}"></div></p>
<p>Les chercheurs montrent également qu’une entreprise cotée qui s’engage sur le chemin de la RSE a deux fois plus de chance d’être ciblée par un fonds activiste. Telle une proie sans défense, les fonds activistes se jettent sur l’entreprise responsable en demandant des changements de stratégie et de gouvernance.</p>
<p>C’est exactement ce qui vient d’arriver à Danone.</p>
<p>Il y a à peine trois mois, les fonds activistes qui ont poussé Emmanuel Faber vers la sortie étaient absents du capital de Danone. Ils n’étaient pas actionnaires. À l’approche de l’assemblée générale, ils sont progressivement montés dans le capital en mettant la pression sur le PDG et le conseil d’administration en mobilisant savamment la presse et les réseaux sociaux. Dans quelques mois, ils auront sans doute déserté pour se concentrer sur une nouvelle cible.</p>
<h2>Mieux protéger les entreprises à mission</h2>
<p>Le cas Danone confirme que, malgré la loi Pacte, certains actionnaires peuvent toujours grandement déstabiliser le projet de durabilité et compromettre les projets des dirigeants comme nous l’avions souligné dans un <a href="https://www.researchgate.net/publication/339028498_La_raison_d%27etre_de_l%27entreprise">essai</a> consacré à la raison d’être de l’entreprise. Trois propositions sont susceptibles de mieux protéger les entreprises à mission cotées.</p>
<p>Tout d’abord, abaisser les seuils de déclaration. Quand un actionnaire franchit un certain niveau dans le capital d’une entreprise cotée (5 % aujourd’hui), il doit faire une déclaration pour indiquer sa présence. Ce seuil doit être abaissé à 1,5 % pour que les dirigeants et le conseil d’administration prennent très tôt la mesure du danger qui les guette avec l’arrivée de fonds activistes.</p>
<p>La deuxième proposition consiste à rendre le droit de vote proportionnel au temps passé. Un fonds activiste présent dans le capital pour quelques semaines a actuellement les mêmes droits de vote qu’un actionnaire engagé depuis plusieurs années dans l’entreprise. On pourrait stipuler que les nouveaux actionnaires d’une entreprise à mission obtiendront la « citoyenneté actionnariale » au bout d’un certain temps. Dans le cas de Danone, les fonds, entrés en début d’année (et qui, étant donné leur mode de fonctionnement habituel, auront probablement déserté dans quelques mois), n’auraient ainsi pas pu contrarier les équipes de Danone dans la poursuite d’objectifs non financiers.</p>
<p>Il s’agit enfin de changer nos critères d’évaluation de la performance. Les ambitions d’une entreprise à mission doivent faire l’objet d’une évaluation d’ensemble avec d’autres indicateurs que le cours de bourse ou le rendement du capital, comme c’est le cas aujourd’hui. De nouvelles normes d’évaluations plus larges doivent s’imposer et en particulier de nouvelles <a href="https://www.cairn.info/comptabilite-financiere--9782100774968-page-288.html">normes comptables</a>.</p>
<h2>Un nouveau chapitre législatif ?</h2>
<p>Le cas Danone pointe certaines lacunes de la loi Pacte et un nouveau chapitre législatif doit s’ouvrir si nous ne voulons pas que les entreprises à mission et la raison d’être ne constituent la dernière ruse d’un capitalisme qui semble à bout de souffle.</p>
<p>Si nous m’aménageons pas la loi Pacte, il y a toutes les chances pour que Danone soit la première et la dernière entreprise cotée à mission.</p>
<p>En effet, cette loi a laissé en friche la question des droits et devoirs des actionnaires. Or, nous savons, comme le dit très justement le chercheur Pierre-Yves Gomez, qu’il ne peut pas y avoir d’entreprises responsables <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-8-page-369.htm">sans actionnaires responsables</a>.</p>
<p>L’ouverture d’une nouvelle réflexion législative devient donc urgente, d’autant plus que, comme le montre le <a href="https://www.entreprisesamission.com/2021/01/21/barometre-de-lobservatoire-des-societes-a-mission/">premier baromètre des entreprises à mission</a>, on observe un réel engouement pour cette nouvelle conception de l’entreprise. Les enjeux de « citoyenneté actionnariale » devraient donc devenir de plus en plus essentiels dans les toutes prochaines années.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/388054/original/file-20210305-17-dz8s5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388054/original/file-20210305-17-dz8s5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388054/original/file-20210305-17-dz8s5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=865&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388054/original/file-20210305-17-dz8s5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=865&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388054/original/file-20210305-17-dz8s5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=865&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388054/original/file-20210305-17-dz8s5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1087&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388054/original/file-20210305-17-dz8s5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1087&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388054/original/file-20210305-17-dz8s5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1087&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Bertrand Valiorgue est l’auteur de l’essai « <a href="http://pubp.univ-bpclermont.fr/public/Fiche_produit.php?titre=La%20raison%20d%E2%80%99%C3%AAtre%20de%20l%E2%80%99entreprise">La raison d’être de l’entreprise</a> » publié aux Presses universitaires Blaise Pascal (PUBP) en mars 2020</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156544/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’éviction du PDG du groupe français sous la pression de fonds activistes révèle la nécessité de mieux protéger les entreprises qui s’engagent à viser des objectifs autres que financiers.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1564332021-03-05T14:22:19Z2021-03-05T14:22:19Z« Buttergate » : rien ne prouve que le beurre soit plus dur à cause de l’huile de palme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/387908/original/file-20210304-22-1i4m48p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=42%2C0%2C4743%2C3152&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un débat sur la consistance du beurre met l’accent sur l’alimentation des bovins.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La controverse qui sévit ces jours-ci au sujet de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1772839/beurre-buttergate-huile-de-palme-lait-industrie">la consistance du beurre et de l’alimentation des vaches</a> est en train de faire école sur l’attention des médias et le fardeau de la preuve sur laquelle ils s’appuient. Des commentaires anecdotiques sur la consistance du beurre dans les médias ont donné lieu à un débat parfois houleux que certains ont appelé le « Buttergate ».</p>
<p>En paraphrasant Jonathan Swift, auteur anglo-irlandais, <a href="https://quoteinvestigator.com/2014/07/13/truth/">« le mensonge vole, et la réflexion ne le suit qu’en boitant »</a>. L’Association des producteurs laitiers du Canada a annoncé la formation d’un comité chargé d’étudier les problèmes posés par l’utilisation d’aliments pour bovins contenant des additifs à base d’huile de palme, <a href="https://producteurslaitiersducanada.ca/fr/les-producteurs-laitiers-du-canada-recommandent-denvisager-de-remplacer-les-supplements-de-palme">mais s’est peu après empressée de demander aux éleveurs de les éviter</a>.</p>
<p>Parti du constat d’un changement dans la consistance du beurre, la conversation a rapidement viré à un débat sur le bien-fondé de l’ajout d’un produit controversé, l’huile de palme, dans l’alimentation animale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1357746758919483393"}"></div></p>
<h2>La prépondérance de la preuve</h2>
<p>On concède généralement aux universitaires et autres experts un certain crédit : on suppose que leurs opinions reposent sur des données et une analyse rigoureuse lorsqu’ils interviennent dans le débat public. Pour mériter cette confiance, il faut être clair quant au fondement de ses déclarations : quels sont l’échantillon et la qualité de la preuve ? Quelle est la part faite à l’opinion par rapport aux preuves ayant au moins transité par le tamis des pairs et la publication dans une revue scientifique ?</p>
<p><a href="https://www.theglobeandmail.com/life/food-and-wine/article-is-your-butter-not-as-soft-as-it-used-to-be-the-pandemic-and-our-urge/">Le beurre à température de la pièce est-il plus dur qu’il ne l’était</a> ? C’est ce qui a fait décoller cette controverse. Bien que cette question ait « fondu » pour faire place à l’usage de dérivés d’huile de palme, il est révélateur de suivre l’histoire depuis ses débuts.</p>
<p>Considérons l’écart de valeur entre une réponse donnée sur les réseaux sociaux et un sondage formel mené auprès d’un échantillon représentatif de la population. Ce n’est pas difficile de voir qu’on obtiendrait des points de vue fort différents selon que l’on demande : « Suis-je le seul à penser que le beurre est plus dur ? » plutôt que : « Veuillez indiquer votre degré de satisfaction par rapport à la consistance du beurre, de pas du tout satisfait à très satisfait », en ajoutant l’option « pas d’avis ».</p>
<p>Si nous voulions savoir si le beurre est dur ou plus dur qu’il ne l’était, <a href="https://www.ctvnews.ca/business/dairy-farmers-lobby-asks-members-to-stop-using-palm-as-it-investigates-buttergate-1.5323703">il faudrait être capable de le mesurer</a>. Ce n’est pas difficile à faire, sauf que cela n’a pas été fait. Ce qui aurait pu suffire pour clore le débat.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/387025/original/file-20210301-13-141xyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/387025/original/file-20210301-13-141xyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/387025/original/file-20210301-13-141xyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/387025/original/file-20210301-13-141xyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/387025/original/file-20210301-13-141xyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/387025/original/file-20210301-13-141xyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/387025/original/file-20210301-13-141xyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/387025/original/file-20210301-13-141xyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pour savoir si oui ou non la consistance du beurre a changée, il faudrait pouvoir en mesurer la consistance sur une longue durée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Dans ce cas, constat a été fait que certains éleveurs ajoutent de temps en temps à la nourriture de certaines de leurs vaches de petites quantités d’additifs à base d’huile de palme (de l’ordre de 1 % de la diète d’une vache). La teneur en matières grasses du beurre étant de 80 %, et ces matières grasses provenant du lait, on a spéculé sur le lien qui pourrait exister entre les additifs et la consistance du beurre. Sur cela, nous disposons de quelques données. Mais nous naviguons également en eaux troubles.</p>
<p>La terminologie prête parfois à confusion : le lait de vache — tout comme le lait maternel — contient de l’acide palmitique, en proportion de 30 % à 35 % des diverses matières grasses du lait de vache, et ce, qu’elles aient ingéré ou non de la nourriture à base de dérivés d’huile de palme.</p>
<h2>Les régimes alimentaires chez la vache</h2>
<p>L’alimentation première des vaches canadiennes provient soit de la ferme où elles sont élevées ou encore de provenance locale : l’alimentation de base contient du maïs et du fourrage ensilé, du maïs en grains et un peu de tourteaux de soja.</p>
<p>Les producteurs laitiers suivent ces régimes sur la base <a href="https://www.merckvetmanual.com/management-and-nutrition/nutrition-dairy-cattle/nutritional-requirements-of-dairy-cattle">d’analyses détaillées et régulièrement mises à jour</a> et dont les <a href="https://producteurslaitiersducanada.ca/fr/lait-au-canada/lexcellence-laitiere/alimentation-vaches-laitieres-canadiennes">formules sont élaborées par nutritionnistes professionnels</a>. Des vétérinaires assurent le suivi préventif routinier, hebdomadaire ou aux deux semaines.</p>
<p>On ajoute parfois des suppléments à base de graisse végétale (un pour cent environ) <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780128170526000094?via%3Dihub">pour compenser la perte d’énergie qui peut se produire en début de lactation</a>, ou encore afin de stimuler l’énergie des vaches durant les périodes de chaleurs estivales. C’est une pratique qui perdure <a href="https://www.journalofdairyscience.org/article/S0022-0302(17)31048-2/fulltext">depuis des décennies</a> afin de répondre à la variabilité saisonnière de la demande en matière grasse.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/X55YvgyPgm0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Adam Lock,expert en alimentation des vaches laitières et sur son impact sur les matières grasses du lait, a écrit un briefing et un résumé sur l’état des connaissances en la matière.</span></figcaption>
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<p>L’ajout d’un supplément alimentaire à la nourriture des vaches laitières augmentera dans de faibles proportions la quantité d’acide palmitique contenu dans leur lait. Il n’existe aucune preuve de dangerosité de cette pratique, que ce soit pour les vaches ou les humains qui en consomment le lait.</p>
<p>On ne donne pas d’huile de palme en tant que telle aux vaches, mais des suppléments d’acide palmitique, en provenance soit d’huile de palme, soit de ses produits dérivés lors du processus d’extraction. Il n’y a aucune preuve qu’il y ait eu un quelconque changement dans le recours à l’acide palmitique. De fait, les données probantes dont nous disposons sur la composition en acides gras des vaches québécoises indiquent que le contenu d’acide palmitique dans le lait n’a pas changé l’an dernier, et les données disponibles pour 2018 enregistrent un <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2021-02-24/vaches-nourries-a-l-huile-de-palme/les-transformateurs-laitiers-condamnent-la-pratique.php">écart de moins de 1 %</a> entre les troupeaux nourris avec des gras supplémentaires comparés à ceux qui n’en ont pas mangé — 33 contre 33,5 %.</p>
<p>Nous disposons de peu de données, à savoir si ou comment le régime alimentaire des vaches pourrait avoir un effet sur les caractéristiques des produits laitiers. Davantage d’études sont nécessaires, et <a href="https://www.lebulletin.com/elevage/non-le-gras-ajoute-a-la-ration-des-vaches-vaches-laitieres-ne-rend-pas-le-beurre-plus-dur-111519">elles sont en cours dans plusieurs domaines</a>. Mais sur la base de nos connaissances à l’heure actuelle, il est peu probable que les suppléments à base d’huile de palme puissent avoir un effet quelconque sur le beurre.</p>
<h2>Prendre des décisions éclairées</h2>
<p>Toutes les décisions ne sont pas et ne devraient pas être prises sur une base strictement scientifique. Nous sommes fréquemment amenés à décider sans avoir en main de preuves irréfutables, et à prendre en compte nos valeurs tout autant que des données objectives. Il faut tenir compte du contexte. On trouve de l’huile de palme et ses dérivés dans beaucoup d’aliments : il suffit de lire les étiquettes des pâtisseries, des barres de granola et des tartinades aux noisettes dans notre garde-manger, de la margarine dans notre frigidaire, ainsi que des produits cosmétiques et des biocarburants.</p>
<p>Nous avons des inquiétudes sur l’impact environnemental de la production d’huile de palme. Tout comme pour le café, le cacao, et l’industrie forestière, il existe des <a href="https://www.wwf.fr/champs-daction/alimentation/matieres-premieres-agricoles/huile-palme">normes internationales</a> sur la production responsable d’huile de palme.</p>
<p>Les gens et l’industrie peuvent bien prendre des décisions basées sur leurs valeurs, mais ils devraient tout de même se renseigner sur les preuves scientifiques disponibles. Sinon, nous risquons de pédaler dans le beurre, peu importe qu’il soit dur ou mou.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156433/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stephen LeBlanc est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Fonds d'excellence en recherche Canada First et le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario. Au cours des cinq dernières années, il a reçu des fonds de recherche de Landus Coopertive (une société de nutrition animale) et d'Elanco Animal Health Canada. Il a reçu des fonds de recherche des Producteurs laitiers de l'Ontario en 2013, et des Producteurs laitiers du Canada de 2012 à 2016.</span></em></p>Une récente controverse sur la consistance du beurre démontre le besoin de preuves plutôt que de données anecdotiques.Stephen LeBlanc, Professor, Veterinary Population Medicine, University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1559842021-02-25T18:00:59Z2021-02-25T18:00:59ZPourquoi une alimentation saine et sa production locale devraient faire partie de la réponse à la Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/386407/original/file-20210225-19-jzosvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1198%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fruits et légumes sur un marché au Kenya. L'OMS préconise la consommation de fruits et légumes frais, de céréales complètes, de haricots, de poisson et de graisses insaturées.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Lorsqu'une pandémie survient, parmi les questions qu'on se pose dès le départ il y a l'impact qu'elle aura sur la santé publique, l'économie et la société. D'autres questions clés touchent les priorités de réponse des gouvernements et des ménages.</p>
<p>L'alimentation est au cœur de ces deux séries de questions. D'une part, l'accès à une alimentation suffisante et nutritive est menacé. D'autre part, se concentrer sur la nourriture offre des options prometteuses de réponse à la pandémie.</p>
<p>Les rapports de divers pays soulignent les <a href="https://www.worldbank.org/en/topic/agriculture/brief/food-security-and-covid-19">préoccupations</a> concernant l'impact de la Covid-19 et des mesures de riposte à la pandémie sur les approvisionnements alimentaires, que ce soit en raison de pénuries, de hausse des prix ou d'un manque de fonds. Même dans les pays riches, l'inquiétude face à d'éventuelles pénuries a conduit à une <a href="https://www.businessinsider.com/expert-how-to-stockpile-healthy-food-14-day-coronavirus-quarantine-2020-2">accumulation</a> de stocks, tandis que les pertes d'emplois à grande échelle laissent de nombreuses personnes inquiètes quant à leur <a href="https://www.ucdavis.edu/food/news/is-food-supply-strong-enough-to-weather-covid-19-pandemic">capacité à se nourrir</a>.</p>
<p>Dans certains pays en développement, le spectre de la faim se profile. En juillet 2020, <a href="https://www.oxfam.org/en/research/hunger-virus-how-covid-19-fuelling-hunger-hungry-world">Oxfam</a> a rapporté que la Covid-19 aggravait la faim dans les zones à risque actuelles, tout en créant de nouveaux « hotspots ». Le rapport a également suggéré que la pandémie pourrait porter le « coup de grâce » à beaucoup de gens. Ceux engagés dans <a href="https://theconversation.com/how-to-ensure-poor-people-in-africas-cities-can-still-get-food-during-lockdowns-136297">l'économie informelle</a> sont parmi les plus touchés, en particulier les personnes vivant dans les zones urbaines qui consacrent la majeure partie de leur revenu quotidien à l'achat de nourriture.</p>
<p>Un <a href="https://docs.wfp.org/api/documents/bb06a3493e85496587739785abfe5b28/download">rapport</a> récent du Programme alimentaire mondial (PAM) a suggéré que la Covid-19 aggrave l'insécurité alimentaire mondiale, car l'impact économique de la pandémie s'ajoute aux problèmes de sécurité alimentaire préexistants. Selon les estimations, 272 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire en raison des effets aggravants de la pandémie. Dans un entretien ultérieur, le directeur du PAM a fait part de <a href="https://www.wionews.com/world/world-food-programme-warns-2021-will-bring-catastrophic-humanitarian-crisis-347960">ses craintes</a> que des millions de personnes « marchent vers la famine » citant la pandémie comme une cause clé.</p>
<p>Au cours de ces dernières années, nous avons mené des recherches dans les pays du sud sur la sécurité alimentaire, l'agriculture, la santé publique et l'environnement. Cette expérience nous amène à croire que se concentrer sur l'alimentation permettrait de réduire les risques encourus par les ménages et les pays, même dans une situation de pandémie où l'accès à la nourriture est clairement menacé.</p>
<h2>Changement alimentaire comme option de réponse</h2>
<p>Les changements alimentaires pourraient offrir des possibilités d'améliorer la capacité des gens à faire face à la Covid-19, car le potentiel de la nutrition à renforcer la résistance immunitaire aux virus est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7230749/pdf/nutrients-12-01181.pdf">bien établi</a>. Une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7161532/">revue</a> d'essais cliniques a souligné le potentiel de la nutrition pour prévenir ou gérer les infections virales et a conseillé de l'utiliser pour limiter l'impact de la Covid-19. Un autre nouvel <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7230749/pdf/nutrients-12-01181.pdf">article de synthèse</a> a fait écho à cet appel.</p>
<p>L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a cherché à exploiter ce potentiel en publiant des <a href="http://www.emro.who.int/nutrition/nutrition-infocus/nutrition-advice-for-adults-during-the-covid-19-outbreak.html">directives diététiques</a> pour la pandémie de Covid-19. Celles-ci soulignent l'importance de manger certains aliments, tels que fruits et légumes frais, céréales complètes, haricots, poissons et graisses insaturées. Elles recommandent également de réduire la consommation d'autres aliments, tels que les aliments transformés, le sel, le sucre, et les graisses saturées comme celles que l'on trouve dans les viandes grasses ou le beurre.</p>
<p>Il y a deux ans, la <em>Commission</em> <em>Lancet</em>– un groupe d'experts de haut niveau venant de 16 pays – a <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)33179-9/fulltext">recommandé</a> un régime similaire qu'elle a appelé le « régime sain de référence ».</p>
<p>Ce <a href="https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140-6736(18)31788-4.pdf">régime</a> a été conçu sur la base d'une analyse rigoureuse des preuves disponibles et comme moyen de résoudre les problèmes actuels de mauvaise nutrition et de production agricole non durable. Cette analyse a suggéré que des changements dans le régime alimentaire et la production pourraient créer des résultats « gagnant-gagnant » pour la santé humaine et planétaire.</p>
<p>Les changements alimentaires suggérés par l'OMS et la <em>Commission</em> <em>Lancet</em> exigeraient des changements majeurs dans les habitudes alimentaires dans la plupart des pays, soulevant la question de l'accessibilité de leurs aliments cibles. Fait inquiétant, une <a href="https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(19)30447-4/fulltext">étude</a> sur cette question suggère qu'un tel régime pourrait être inabordable pour une grande partie de la population pauvre du monde. Une solution potentielle serait d'améliorer l'accès à une alimentation saine en favorisant la production locale des aliments cibles.</p>
<h2>Repenser les systèmes agricoles</h2>
<p>Covid-19 crée une <a href="https://theconversation.com/covid-19-recovery-is-a-chance-to-improve-the-african-food-system-139134">occasion</a> de repenser les systèmes agricoles pour fournir à la fois une gamme d'aliments sains et une production résiliente et durable. La pandémie laisse place à de tels changements, entre les dépenses d'urgence qu'elle nécessite et la reconnaissance qu'elle apporte au besoin de changement.</p>
<p>Les changements susceptibles de contribuer à la fois à la santé et à la durabilité comprennent des systèmes agricoles diversifiés et intégrés aussi bien qu’ une utilisation réduite des produits agrochimiques. Les gouvernements pourraient encourager un tel changement à travers des subventions intelligentes pour orienter la production vers des pratiques durables et des aliments sains. Cela pourrait également aider à garantir que ces aliments soient disponibles et abordables.</p>
<p>Une approche prometteuse est la tendance croissante de production alimentaire dans les zones urbaines et semi-urbaines en tant que stratégie d'adaptation. Cela s'est <a href="https://reliefweb.int/report/world/practical-lessons-recovery-covid-19-pandemic-principles-recovery">avéré</a> avoir d'énormes avantages potentiels en tant que source de nourriture pour les communautés touchées par la pandémie, tout en apportant également d'autres avantages importants tels que la création d'emplois pour les pauvres et la réduction des kilomètres alimentaires.</p>
<p>La politique peut créer un environnement propice à la diffusion de telles pratiques.</p>
<p>Certaines questions pertinentes sur la manière dont les aliments sont produits ne sont pas abordées dans les conseils de l'OMS ou de la <em>Commission</em> <em>Lancet</em>. Celles-ci incluent :</p>
<p>(a) Les aliments produits à l'aide de technologies telles que les organismes génétiquement modifiés et les hormones de croissance <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0162243915598381">présentent-ils des risques</a> pour la santé ?</p>
<p>(b) Les aliments biologiques offrent-ils des alternatives plus saines ?</p>
<p>(&#99) Des pratiques de production plus naturelles <a href="https://unfccc.int/news/un-ecological-damage-putting-millions-of-lives-at-risk">promettent-elles</a> plus de durabilité et une plus grande résilience au changement climatique ?</p>
<p>Ces questions méritent une plus grande attention, surtout à la lumière des preuves croissantes des effets néfastes de l'agriculture conventionnelle intensive, par exemple sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0006320718313636">populations d'insectes</a>.</p>
<h2>La nourriture et la résilience aux pandémies</h2>
<p>L'autorisation formelle de plusieurs vaccins a fait naître l'espoir que la pandémie de Covid-19 puisse être arrêtée. Pourtant, le processus de vaccination <a href="https://www.bbc.co.uk/news/resources/idt-b6360f40-84f9-469b-b6a3-a4568e161c4f">prendra du temps</a>. Notamment, le chef de l'agence humanitaire des Nations unies <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/dec/23/delayed-covid-vaccines-for-poor-countries-will-leave-europe-vulnerable-for-years">a prédit</a> que divers pays pauvres ne feraient pas de progrès majeurs en matière de vaccination avant l'an 2022. Parallèlement, l'émergence récente de variants mutants soulève des questions difficiles, notamment de savoir si <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/dec/23/covid-mutating-eliminate-virus-eradicate-variants">l'efficacité des vaccins</a> pourrait être compromise.</p>
<p>Compte tenu de cette réalité, un bon fonctionnement du système immunitaire est essentiel. Les politiques favorisant une alimentation saine sont donc une priorité. Pour l'instant, cependant, l'insécurité alimentaire reste tragiquement un problème pour beaucoup, et l'accès à des aliments sains est un problème particulier. Des programmes visant à favoriser la production locale d'aliments nutritifs sont donc également nécessaires. Toute initiative sur l'alimentation ou la production locale pourrait avoir une pertinence au-delà de la pandémie de Covid-19 en renforçant la santé et la résilience des communautés.</p>
<p>De telles mesures seraient particulièrement pertinentes pour l'Afrique subsaharienne, où l'insécurité alimentaire reste une menace majeure, les cas de Covid-19 <a href="https://reliefweb.int/report/world/covid-19-vaccines-alone-will-not-end-pandemic-warns-ifrc">continuent</a> d'augmenter et l'accès aux soins de santé est limité.</p>
<p>L'amélioration de l'alimentation et la production locale représentent des options de réponses prometteuses à la pandémie de Covid-19. Les données disponibles suggèrent que ces mesures pourraient améliorer la santé et le bien-être des populations tout en renforçant leur résilience aux pandémies. Ces mesures, qui méritent plus d'attention, pourraient donc compléter les mesures de santé publique telles que la distanciation sociale et les mesures médicales comme la vaccination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La Covid-19 aggrave l'insécurité alimentaire mondiale, car l'impact économique de la pandémie s'ajoute aux défis existants.Jules Siedenburg, Research fellow, School of International Development, University of East AngliaJohn Paul Cauchi, PhD Candidate in Public Health, Queensland University of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1508482020-11-25T20:43:55Z2020-11-25T20:43:55ZDanone : le statut d’entreprise responsable ne signifie pas s’affranchir de l’exigence des actionnaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/371250/original/file-20201125-20-1u4mvqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=41%2C55%2C946%2C610&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’entreprise a pour ambition de devenir à terme une «&nbsp;B. Corp&nbsp;» à 100&nbsp;%, une certification traduisant sa volonté de créer de la valeur en la partageant notamment avec les salariés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ricochet64 / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La nouvelle est tombée le 23 novembre 2020 : entre 1 500 et 2 000 postes seront supprimés chez le groupe agroalimentaire Danone, dont <a href="https://www.lepoint.fr/economie/covid-19-danone-va-supprimer-jusqu-a-2-000-postes-dont-400-a-500-en-france-23-11-2020-2402192_28.php">près de 400 en France</a>. L’annonce faite par son PDG, Emmanuel Faber, est tombée comme un couperet. Elle s’inscrit dans un plan d’adaptation tracé par le patron du groupe d’agroalimentaire français, soucieux de renouer avec la croissance et la rentabilité.</p>
<p>M. Faber a réitéré son objectif d’une croissance des ventes de 3 % à 5 % à moyen terme, mais a dopé son ambition en termes de marge opérationnelle, évoquant désormais une marge comprise entre 15 % et 20 %. Un premier palier a été fixé pour 2022, avec le passage de la barre des 15 %. </p>
<p>En 2020, la rentabilité est attendue à 14 %, alors qu’elle était initialement prévue à 16 %. Pour atteindre ce nouvel objectif, le propriétaire des marques Evian, Vittel, Activia ou Blédina promet de se restructurer. Une telle augmentation de la marge opérationnelle ne se fera pas sans douleur que ce soit pour les salariés comme pour les sous-traitants.</p>
<h2>La première « entreprise à mission » cotée</h2>
<p>Naturellement, une telle annonce tranche avec les objectifs « sociaux, sociétaux et environnementaux » introduits dans les statuts de l'entreprise en juin dernier après un <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Danone-devenu-entreprise-mission-2020-06-27-1201102151">plébiscite des actionnaires</a>. Le groupe était alors devenu la première société française cotée à se doter du statut d’ « entreprise à mission » comme le permet la loi Pacte promulguée un an auparavant. </p>
<p>L'annonce du plan de suppression d'emplois tranche également avec le projet du PDG de transformer Danone en une « B. Corp » à 100% à terme. Cette certification, délivrée à quelque 3 500 sociétés dans le monde par un organisme sans but lucratif localisé aux États-Unis, traduit en effet la volonté de l'entreprise de créer de la valeur en la partageant avec tous, notamment ses salariés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1276910298629312517"}"></div></p>
<p>Selon la communication de Danone : </p>
<blockquote>
<p>« Notre ambition de devenir une B Corp exprime notre engagement de longue date à créer durablement de la valeur et la partager avec tous, en ligne avec notre double projet économique et social. Aujourd'hui, les grandes entreprises et leurs marques doivent rendre compte des intérêts qu'elles servent réellement. La certification B Corp est une marque d’authenticité pour les entreprises qui ont des standards élevés de performance sociale et environnementale ».</p>
</blockquote>
<p>Aujourd’hui, 27 entités de Danone ont obtenu la certification B Corp. En conséquence, plus de 45 % des ventes mondiales Danone sont désormais couvertes par la certification B Corp, ce qui représente une avancée significative vers l'ambition de Danone de devenir l'une des premières multinationales certifiées. Mais est-ce que cela met Danone à l’abri de l’exigence de rentabilité des actionnaires ? Visiblement non.</p>
<p>Selon Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière (FO), Danone se comporterait en réalité comme n'importe quelle entreprise capitaliste et ne ferait pas mieux que Brigestone : le fabricant de pneumatiques japonais avait annoncé le 12 novembre la <a href="https://www.20minutes.fr/lille/2906931-20201112-bridgestone-direction-ferme-site-bethune">fermeture de son site de Béthune</a> (Pas-de-Calais) qui emploie 863 personnes.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/syndicats/plan-deconomies-chez-danone-le-gouvernement-doit-interdire-les-licenciements-secs-alors-qu-on-debourse-des-aides-publiques-a-coups-de-milliards-estime-yves-veyrier_4192989.html">interview</a> accordée à Franceinfo, Yves Veyrier s'était étonné que le géant agroalimentaire français soit en difficulté quand il a « versé plus d'un milliard d'euros de dividendes aux actionnaires ». Selon lui, « les entreprises font tout pour favoriser la rentabilité de l'entreprise et Danone est encore plus clair. Il s'agit de rassurer les actionnaires. Il est temps qu'on mette fin à ces attitudes d'entreprises ».</p>
<p>Difficile de ne pas entendre ce que dit le secrétaire général de F0. Danone se retrouve bien entre l’enclume des marchés et sa volonté d’être une entreprise socialement responsable. Mais in fine, le PDG a tranché : il faut rassurer les actionnaires en améliorant sa performance économique et financière. Et cela contrairment de ce qu’il écrivait en 1992 dans son <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48153529.texteImage">livre</a> <em>Main basse sur la cité : Éthique et entreprise</em> : « Pourra-t-on établir un devoir au regard de la performance ? Non, bien sûr, puisque la performance est un sens vide ». </p>
<h2>Moins rentable que ses pairs</h2>
<p>Comme nous le mentionnons dans un précédent article « Et Danone changea de modèle… et transforma ses salariés en actionnaires » en juin 2018, aucun actionnaire connu ne dispose de plus de 10 % du capital et, avec un flottant de plus de 60 %, Danone est une société « opéable », c'est-à-dire particulièrement exposée à un rachat éventuel ; c’est dire si le management doit prendre au sérieux les exigences des actionnaires. À noter que malgré la politique sociale affichée, l’actionnariat salariés reste peu développé : les salariés n’ayant que 1,3 % du capital de leur société. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1008567034668552193"}"></div></p>
<p>En plus de cette dispersion de l’actionnariat, la faiblesse des performances financières de l’entreprise ont conforté ce statut de société opéable de Danone dans les conditions de marché actuelles. L'amélioration de la rentabilité opérationnelle de l’entreprise apparaît dès lors comme une arme de protection contre un éventuel rachat.</p>
<p>Le tableau ci-dessous permet de voir la comparaison faite en 2017 par le hedge fund Third Point en matière de rentabilité globale (<em>Total Shareholder Return</em> : TSR) pour l’actionnaire sur les périodes de 5 et 10 ans des concurrents de Danone.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/371252/original/file-20201125-21-bwyii9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Third Point Public." src="https://images.theconversation.com/files/371252/original/file-20201125-21-bwyii9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371252/original/file-20201125-21-bwyii9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=119&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371252/original/file-20201125-21-bwyii9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=119&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371252/original/file-20201125-21-bwyii9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=119&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371252/original/file-20201125-21-bwyii9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=149&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371252/original/file-20201125-21-bwyii9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=149&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371252/original/file-20201125-21-bwyii9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=149&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Note : le TSR prend en compte les dividendes versés et la plus-value de l’action.</span>
<span class="attribution"><span class="source">www.thirdpointpublic.com</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon le hedge fund, si Danone sous-performe à long terme par rapport à ses concurrents, c’est notamment du fait d’une croissance et des marges insuffisantes. La feuille de route apparaît donc clairement.</p>
<p>La performance boursière du titre Danone sur l’année écoulée reste également insuffisante par rapport à l’indice des biens de consommation ; preuve que la contre-performance du groupe agroalimentaire ne s’explique pas que par la crise sanitaire liée au Covid-19. Alors que sur les 12 derniers mois l’indice des biens de consommation a progressé de 12,8 %, l’action Danone a perdu 30,7 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/371253/original/file-20201125-15-lm3va1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371253/original/file-20201125-15-lm3va1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371253/original/file-20201125-15-lm3va1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371253/original/file-20201125-15-lm3va1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371253/original/file-20201125-15-lm3va1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371253/original/file-20201125-15-lm3va1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371253/original/file-20201125-15-lm3va1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371253/original/file-20201125-15-lm3va1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution du cours de Danone par rapport à l’indice des biens de consommation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boursorama</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En un an, le cours de bourse a chuté de 75 euros à un peu plus de 52 euros. Il était temps de réagir pour rassurer les actionnaires. Cependant, le plan dévoilé par le PDG n'a pas convaincu les marchés. À la suite de l’annonce, le titre continuait de baisser, affichant un recul de 2,6 % dans un marché faiblement orienté à la hausse. </p>
<p>Parmi les critiques, on note celles de la banque UBS qui conseillait de vendre, déplorant qu'il faille « attendre le deuxième semestre 2021 pour retrouver la croissance profitable » promise par Emmanuel Faber. </p>
<p>Certains chercheurs se sont interrogés sur le fait que la gouvernance des entreprises privées était <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-00643704">davantage actionnariale que partenariale</a>. Pour eux, l’explication se trouverait dans une insuffisance du droit des sociétés qui donnerait toujours la primauté aux actionnaires. Ainsi, le statut de B Corp serait une réponse à cette insuffisance. Le cas Danone montre bien que ce n’est pas le cas. </p>
<p>Dans un <a href="https://ideas.repec.org/a/dij/revfcs/v14y2011iq4p7-19..html">article</a> publié en 2011, nous expliquions pourquoi, malgré les critiques, la gouvernance actionnariale reste la référence. Enfin, dans une <a href="https://journals.openedition.org/fcs/1904">recherche</a> plus récente, nous montrions l’impact des actionnaires activistes sur les performances à court, moyen et long terme des entreprises européennes. De facto, et sans intervention manifeste des actionnaires activistes, le patron de Danone a intégré dans son projet de restructuration la demande des investisseurs.</p>
<p>Comme nous l’écrivions à l’époque du changement de modèle de Danone en juin 2018, le fait que Danone devienne une B Corp n’a pas fondamentalement changé l’équation financière auquel toute société cotée et non contrôlée doit résoudre. On concluait en écrivant : « L’avenir nous dira comment Emanuel Faber va pouvoir concilier les exigences des consommateurs et des marchés financiers avec sa volonté de faire en sorte que le but final d’une entreprise est social et sociétal ». Le 23 novembre 2020, nous avons eu la réponse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150848/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le groupe agroalimentaire, dont une partie des activités est certifiée « B Corp », a annoncé vouloir supprimer jusqu’à 2 000 emplois dans le monde pour améliorer sa rentabilité.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1467102020-10-12T18:37:01Z2020-10-12T18:37:01ZLyon : le confinement, une parenthèse propice aux innovations sociales dans l’alimentation ?<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>S’il est encore difficile d’affirmer qu’une modification durable dans la structuration des activités agroalimentaires et des comportements des consommateurs a été enclenchée avec le confinement, cette situation inédite, bien que malheureuse, a permis de voir émerger un certain nombre d’initiatives. Les acteurs du territoire, professionnels comme particuliers, ont dû et su agir à leur échelle pour contrer la vulnérabilité du secteur.</p>
<p>Prenant des formes variées, comme nous avons pu l’observer lors de nos travaux menés dans le cadre du <a href="https://socialinnovationstrategy.eu/">projet ASIS</a>, ces initiatives observées à Lyon et ses alentours illustrent tout à fait le concept d’<a href="https://doi.org/10.3917/inno.038.0015">innovation sociale</a>, tel que défini par les chercheurs Nadine Richez-Battesti, Francesca Petrella, Delphine Vallade, à savoir « le processus par lequel des acteurs s’organisent pour apporter des réponses nouvelles à des besoins sociaux peu ou mal satisfaits ».</p>
<p>La crise sanitaire que nous traversons représente ainsi une opportunité critique pour saisir la capacité des acteurs à s’organiser dans la contrainte, à répondre à une problématique sociale immédiate et cruciale et à déclencher des processus d’innovation sociale.</p>
<h2>Plans d’adaptation</h2>
<p>En première ligne de l’approvisionnement de fruits et légumes en circuit court, les distributeurs de produits locaux ont vu fortement leur activité impactée. Beaucoup ont d’ailleurs été submergés par les demandes de nouveaux consommateurs, comme Alter-Conso, qui distribue des paniers de produits locaux, bio ou issus de l’agriculture paysanne et qui a dû faire face à une augmentation sans précédent de son activité. Mais continuer une activité de distribution alors que les mesures sanitaires s’intensifient n’est pas simple.</p>
<p>Samuel Hévin, salarié de la coopérative, explique :</p>
<blockquote>
<p>« Au départ, on se dit qu’on va tout arrêter mais rapidement, que ça n’est pas possible… Les paysans avec qui on travaille, qu’est-ce qu’ils font faire de leur came ? Et les consommateurs, ils vont aller où ? On se positionne comme une alternative à la grande distribution et si on arrête, ils vont y retourner et on n’a pas envie de ça. »</p>
</blockquote>
<p>En 24 heures, différents plans d’action sont échafaudés pour être parés à toutes les éventualités. La structure a su remettre en cause une organisation du travail pourtant bien huilée. Une leçon d’adaptation efficiente qui prouve la capacité de résilience de cet acteur local de l’alimentation.</p>
<p>L’épicerie Scarole & Marcellin, quant à elle, a dû adapter ses pratiques de distribution au cours du confinement après avoir réalisé la complexité de la situation. Pour concilier une équipe en sous-effectif, une demande croissante et des précautions sanitaires toujours plus exigeantes, c’est un système de commande à distance et de drive qui a été favorisé :</p>
<blockquote>
<p>« On arrivait à faire 60 paniers par jour mais, c’était trop peu par rapport à la demande. On savait qu’on allait se priver d’une partie de la clientèle mais on n’arrivait plus à faire face ! »</p>
</blockquote>
<p>Les acteurs traditionnels de la distribution alimentation en circuits courts ont répondu au risque de manque de débouchés des producteurs, puisant dans leur capacité interne d’adaptation. D’autres initiatives ont été organisées, cette fois par des acteurs n’appartenant pas au champ de l’alimentation ou de l’agriculture, mais mobilisant les outils numériques, technologiques et collaboratifs.</p>
<h2>Au cœur des initiatives, les réseaux sociaux</h2>
<p>Parmi les solutions, le groupe Facebook <a href="https://www.facebook.com/groups/marchessolidaires69">Marchés Solidaires #69</a> a fait preuve de grande réactivité. À la suite de l’exemple donné à Montpellier, un groupe de Lyonnais a ouvert un groupe pour en faire un espace de rencontre entre producteurs en recherche de débouchés et consommateurs à la recherche de produits locaux.</p>
<p>Zoé Frézouls, une citoyenne lyonnaise, précise :</p>
<blockquote>
<p>« Le 25 mars, donc c’est allé vite, on a lancé le projet des Marchés Solidaires à Lyon. On a eu 2 000 membres en 24 heures, donc on a doublé le score de Montpellier. Et finalement, sur le groupe de Lyon, à la mi-mai, on était 12 800, donc en un mois et demi ! »</p>
</blockquote>
<p>Ce groupe à destination des maraîchers et producteurs commercialisant sur les marchés de plein vent, mais a été conçu sans que les initiateurs·trices ne disposent de réseau dans le domaine, comme en témoigne Zoé :</p>
<p>« Moi j’ai recensé des producteurs. Je leur ai envoyé un mail pour voir s’ils avaient des alternatives, si ça marchait pour eux ou s’il falltriceait qu’on les aide. Le but c’était qu’ils arrivent à poursuivre leur activité ».</p>
<p>Sur le groupe, se côtoient virtuellement producteurs et consommateurs, et les propositions d’action sont nombreuses : commandes de paniers, propriétaires de locaux qui profitent de leur fermeture pour accueillir des distributions, relais d’annonces Facebook, de groupes WhatsApp, initiatives de quartier et même parfois distribution « sauvage » dans la rue pour ceux qui n’ont pas d’autre choix…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/359374/original/file-20200922-24-1bhdcao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359374/original/file-20200922-24-1bhdcao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359374/original/file-20200922-24-1bhdcao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359374/original/file-20200922-24-1bhdcao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359374/original/file-20200922-24-1bhdcao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359374/original/file-20200922-24-1bhdcao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359374/original/file-20200922-24-1bhdcao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359374/original/file-20200922-24-1bhdcao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le groupe Facebook Marchés Solidaires #69.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/groups/marchessolidaires69">Capture d’écran</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le groupe permet visibilité et débouchés assurés. Les consommateurs formulent également leurs demandes : certains recherchent un produit particulier dans leur quartier, d’autres leur producteur habituel… Au bilan, les initiateurs·trices ont donc surtout facilité la rencontre entre l’offre et la demande.</p>
<h2>Quand le groupe fait la force</h2>
<p>Dès le début du confinement, la jeune association lyonnaise BelleBouffe a établi une carte en ligne et participative qui permet d’identifier les points de rencontre où il est possible de consommer local, bio et raisonné dans la métropole de Lyon.</p>
<p>Marie-Amandine Vermillon, co-fondatrice de l’association, précise pourquoi ils ont eu l’idée d’agir :</p>
<blockquote>
<p>« On commençait à voir émerger des choses où les gens se passaient des informations à propos des producteurs. On s’est dit, là, il faut un truc qui centralise tout ça parce que dans le flux continu des réseaux sociaux où tu perds l’information en moins de deux, ça va pas le faire ».</p>
</blockquote>
<p>La première étape est plutôt artisanale : un tableur collaboratif permet à tout internaute d’ajouter une référence. Le succès est immédiat et la mise en place d’un outil plus complet devient nécessaire, BelleBouffe s’allie alors avec l’association Zéro Déchet Lyon pour aller plus loin. Ainsi est née l’initiative de la plate-forme <a href="https://cartecovid19.bellebouffe.com/">Manger local à Lyon durant le Covid</a>.</p>
<p>En moins de deux mois, ce sont près de 50 000 internautes qui consultent la carte, 650 solutions qui y sont référencées et de nombreux témoignages qui mettent en avant l’impact positif de cet outil sur les pratiques…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/359372/original/file-20200922-24-11yu8l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359372/original/file-20200922-24-11yu8l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359372/original/file-20200922-24-11yu8l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359372/original/file-20200922-24-11yu8l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359372/original/file-20200922-24-11yu8l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359372/original/file-20200922-24-11yu8l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=354&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359372/original/file-20200922-24-11yu8l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=354&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359372/original/file-20200922-24-11yu8l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=354&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte participative de l’association BelleBouffe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cartecovid19.bellebouffe.com/">Capture d’écran</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Avec BelleBouffe, Marie-Amandine Vermillon et Martin Cahen, autre co-fondateur, veulent promouvoir à plus long terme la transparence alimentaire :</p>
<blockquote>
<p>« On veut utiliser le numérique pour voir à quel point ça peut être un levier pour la transition alimentaire et pour orienter nos actions. Notre objectif, c’était vraiment de faire en sorte que les données soient sous licence ODB (open database), donc sous format ouvert qui puisse être réapproprié par d’autres. Ces données, ce sont des communs qui permettent d’accéder à une ressource vitale : une alimentation de qualité ».</p>
</blockquote>
<p>Avec une démarche collaborative qui se veut la plus exhaustive possible et qui vit grâce à l’implication des bénéficiaires, BelleBouffe et sa carte ont permis de réagir rapidement grâce à la force du collectif et d’un outil construit par et pour tous.</p>
<h2>Une difficile institutionnalisation</h2>
<p>L’approvisionnement de biens alimentaires rendu complexe par la crise sanitaire a favorisé le développement d’innovations sociales qui ont émergé en réponse à une demande sociale apparue de façon immédiate et brutale. Elles se sont donc déployées dans l’urgence et avec des ressources limitées.</p>
<p>Sans être nullement représentatives, nous en avons pointé certaines aux caractéristiques singulières : capacité des acteurs traditionnels de la distribution en circuits courts à maintenir leurs activités sous contraintes au moyen d’une forte flexibilité organisationnelle interne, inventivité de réseaux de citoyens et de nouvelles associations ancrées dans le champ de l’environnement, capacité à mobiliser les réseaux sociaux et les technologies du numérique.</p>
<p>Après quelques mois de cette parenthèse confinée, on constate à présent un déclin voire un abandon de ces nouvelles pratiques. Les acteurs de la distribution semblent avoir retrouvé un nombre raisonnable de consommateurs, les outils de communication déployés sont moins utilisés. Si nous avons constaté une capacité à répondre à un besoin urgent, caractéristique des premières étapes d’un processus d’innovation sociale, la phase de l’institutionnalisation de ces nouvelles pratiques semble plus difficile à atteindre.</p>
<p>Cela confirme d’une part la complexité et la centralité de la fonction d’intermédiation dans l’organisation des systèmes alimentaires localisés qui est évidemment accentuée en période critique. Les agriculteurs inscrits dans ce type de réseau semblent d’ailleurs avoir bien mieux réussi à traverser la période.</p>
<p>D’autre part, à propos du processus d’innovation sociale, le cas extrême du confinement montre qu’il importe bien de distinguer les situations de demande sociale forte (apparue en urgence) et les situations de non-satisfaction durable de besoins sociaux qui, si elles sont critiques en période extrême, demeurent quand la situation se rétablit.</p>
<p>Reste encore de la place pour des processus d’innovation sociale répondant aux besoins ardents de justice alimentaire de certains territoires. Le besoin est tout aussi urgent, extrême et nécessaire.</p>
<hr>
<p><em>Pauline Remaud, chargée de mission ASIS, laboratoire Coactis, a co-rédigé cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146710/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'Université Lyon 2 et le laboratoire COACTIS ont bénéficié de financements dans le cadre du programme Interreg de l'UE et du projet ASIS (<a href="https://socialinnovationstrategy.eu/">https://socialinnovationstrategy.eu/</a>) qui ont permis la réalisation de cette enquête. </span></em></p>Comme ailleurs en France, la question se pose de savoir si les initiatives pour assurer la continuité alimentaire au printemps dernier se pérenniseront.Emilie Lanciano, Professeure des Universités, chercheure au laboratoire Coactis, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1408692020-06-23T20:50:23Z2020-06-23T20:50:23ZLes aliments « ultratransformés » sont aussi très mauvais pour la planète<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343520/original/file-20200623-188882-1ph5wks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La malbouffe s’accompagne d’une gigantesque production de déchets. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le concept d’aliments ultratransformés, devenu familier depuis son introduction par Carlos Monteiro (chercheur en nutrition et santé publique à l’université de Sao Paulo) en 2009-2010, a depuis fait l’objet de nombreux articles montrant <a href="http://www.fao.org/3/ca5644en/ca5644en.pdf">leur impact négatif sur la santé des consommateurs</a>. En bref, les aliments ultratransformés sont caractérisés par la <a href="https://theconversation.com/aliments-ultratransformes-de-quoi-parle-t-on-117065">présence d’ingrédients et/ou additifs « cosmétiques »</a> (purifiés et/ou de synthèse) pour modifier – souvent exacerber – goût, couleur, arôme et texture].</p>
<p>Mais il faut aussi souligner l’impact plus global de la production et de la consommation de ces produits. Si la durabilité des systèmes alimentaires est menacée aujourd’hui par un <a href="http://www.fao.org/3/ca6640en/ca6640en.pdf">excès de calories d’origine animale</a>, elle l’est également, et c’est bien moins connu, par les calories ultratransformées. C’est déjà le cas dans les pays occidentaux et, de plus en plus, dans les pays émergents où les aliments d’origine animale et ultratransformées sont en constante augmentation.</p>
<p>Comparée aux pays en développement ou émergents, la consommation d’aliments ultratransformés (AUT) est plus élevée dans les pays occidentaux <a href="https://iris.paho.org/bitstream/handle/10665.2/7699/9789275118641_eng.pdf">(respectivement <100kg contre 200-300kg/an)</a> ; mais le taux de croissance des ventes dans les pays émergents s’avère élevé : <a href="https://iris.paho.org/bitstream/handle/10665.2/7699/9789275118641_eng.pdf">70-100 %</a> quand la croissance mondiale est de 44 % pour la période 2000-2013. Avec 29,2 %, les pays d’Asie et du Pacifique possèdent la part de marché la plus élevée pour les AUT. En France, la consommation quotidienne de calories ultratransformées <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/public-health-nutrition/article/contribution-of-ultraprocessed-foods-in-the-diet-of-adults-from-the-french-nutrinetsante-study/DAD2E5364AEC9B6424644403258F9A1A">s’approche des 40 %</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/voVN7yJhMB4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le professeur Carlos Monteiro sur l’évolution de l’offre alimentaire. (FAO, 2019).</span></figcaption>
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<p>Rappelons ici que la dernière transition nutritionnelle a commencé dans les années 1950, après la Seconde Guerre mondiale pour culminer dans les années 1980 avec l’avènement du marketing, des grandes multinationales agroalimentaires et de l’hypertechnologie appliquée à nos aliments. Cette transition, largement ignorée, est cependant cruciale : elle marque le passage des « vrais » aux « faux » aliments, ces AUT aux matrices artificialisées ; l’avènement des AUT est concomitant de <a href="https://academic.oup.com/advances/article/9/6/655/5094771">l’explosion mondiale des maladies chroniques</a> – qui se sont progressivement substituées aux maladies infectieuses et de carence – et de la baisse puis la stagnation de l’espérance de vie en bonne santé.</p>
<p>La substitution progressive des aliments traditionnels par les AUT a été accompagnée d’une prévalence croissante de surpoids, d’obésité, de diabète de type 2 et de stéatose hépatique (ou « maladie des sodas »). Aujourd’hui, près de <a href="https://www.researchgate.net/publication/335924650_Ultra-processed_foods_A_new_holistic_paradigm">35 études épidémiologiques</a>, réalisées depuis 2010, confirment et complètent ces observations.</p>
<h2>Faibles coûts, élévages intensifs, pollutions</h2>
<p>Pour assurer un faible coût et cibler une consommation massive et standardisée à l’échelle mondiale – on pense aux hamburgers et nuggets des fast foods –, les calories animales des AUT conduisent à des élevages intensifs ; les animaux y sont élevés dans des conditions extrêmes, non respectueuses de leurs besoins et bien-être fondamentaux. En France, par exemple, <a href="https://www.boell.de/sites/default/files/latlasdelavivande_2.pdf">82 % des animaux sont élevés de manière intensive</a>, notamment les poulets, les lapins et les porcs (plus de 90 %).</p>
<p>La consommation et la production excessive d’AUT (dont les ingrédients sont majoritairement issus de monocultures intensives) ainsi que le suremballage associé à ces produits représentent une autre menace pour l’environnement avec la pollution (plastique, pesticides…), la déforestation (pour fournir le soja à l’alimentation animale) et les émissions de gaz à effet de serre qu’ils engendrent.</p>
<p>Il est intéressant à ce titre de reprendre les <a href="https://www.paho.org/hq/dmdocuments/2015/dietary-guides-brazil-eng.pdf">recommandations alimentaires brésiliennes de 2014</a> évoquant les AUT :</p>
<blockquote>
<p>« Des huiles, du sucre et d’autres matières premières bon marché pour les AUT créent des monocultures et des exploitations agricoles qui produisent pour l’exportation et non pour la consommation locale. L’agriculture intensive des matières premières dépend des pesticides et de l’utilisation intensive d’engrais et d’eau. La fabrication et la distribution de la plupart des AUT impliquent de longs trajets de transport, et donc une utilisation excessive d’énergie non renouvelable et d’eau, et l’émission de polluants. Tout cela se traduit par une dégradation et une pollution de l’environnement, une perte de biodiversité et un drainage et une perte d’eau, d’énergie et d’autres ressources naturelles. La production et la consommation entraînent également la création de grandes quantités de déchets et d’ordures, déversées dans des décharges dégoûtantes et dangereuses. Dans l’ensemble, les AUT constituent une menace sérieuse pour la survie durable de la planète. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, le procédé du « cracking » est extrêmement énergivore : il s’agit d’isoler certains ingrédients (sirop de glucose-fructose, huiles raffinées, isolats de protéines…) à partir des aliments bruts – soja, pois, blé, maïs, riz, pommes de terre, lait, œufs et viandes en tête –, de les distribuer ensuite à l’échelle planétaire pour qu’ils puissent être recombinés en AUT, se substituant à la nourriture locale, elle, peu transformée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fnk2EFXOgn4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le cracking alimentaire. (Science & Vie, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une concurrence déloyale</h2>
<p>En raison de leur prix très bas, de leur palatabilité exacerbée et de leur forte attractivité – grâce à une démarche commerciale ciblée, notamment vers les plus jeunes –, les aliments ultra-transformés se substituent aux aliments locaux et traditionnels, tout particulièrement dans les pays émergents et en développement.</p>
<p>Une situation qui met en danger les petits agriculteurs, souvent contraints de « mettre la clé sous la porte » et de se déplacer vers les zones urbaines, <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2005-3-page-487.htm">alimentant les bidonvilles</a> : ce fut le cas pour les <a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/comment-lue-exporte-sa-crise-du-lait-vers-lafrique/">petits producteurs laitiers d’Afrique subsaharienne</a>, concurrencés de façon déloyale par les poudres de lait dégraissées excédentaires de l’Europe, vendues à des coûts dérisoires ; ou encore, les snacks sucrés, salés ou gras (chips, sodas, barres chocolatées) qui remplacent la « street food », plus traditionnelle et produite localement.</p>
<p>Comme l’a souligné la chercheuse Jessica L. Johnston dans une <a href="https://academic.oup.com/advances/article/5/4/418/4568624">analyse publiée en 2014</a>, cette situation est imputable aux subventions gouvernementales aux agriculteurs actuellement en vigueur aux États-Unis et dans certaines parties de l’Europe ; celles-ci « permettent aux pays développés de produire de grandes quantités d’aliments de base et ultra-transformés bon marché ». L’offre de ces aliments moins sains <a href="https://www.thechicagocouncil.org/publication/bringing-agriculture-table-how-agriculture-and-food-policy-can-play-role-preventing">faussent les marchés locaux</a> et dépriment la demande d’options alimentaires locales, plus chères, et souvent plus saines.</p>
<p>Évoquons enfin la dimension sociale, car ce sont les plus pauvres et les moins instruits qui consomment le plus d’AUT. Aux États-Unis, les aliments ultra-transformés sont près de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6558394/pdf/fnut-06-00070.pdf">62 % moins chers</a> que les aliments frais, non ou peu transformés. Par ailleurs, comme indiqué dans le guide brésilien alimentaire évoqué plus haut, la praticité, caractéristique des AUT, favorise la prise de repas dans des <a href="https://www.paho.org/hq/dmdocuments/2015/dietary-guides-brazil-eng.pdf">conditions plutôt isolées</a>, affectant les interactions sociales traditionnellement liées au partage des repas à base de vrais aliments.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/W08GyEGWTjs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La moitié de la population mondiale sera obèse dans 10 ans (Brut, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les alternatives existent !</h2>
<p>En plus de la praticité des AUT, il faut revenir sur la stratégie de commercialisation conduite par les grandes entreprises agro-alimentaires : celle-ci aboutit à une identité propre et mondialisée, comme pour les sodas ou les hamburgers, s’appuyant sur des promotions et slogans « agressifs » se déclinant en fonction des pays visés.</p>
<p>Cette identité créée repose sur une standardisation, fidélisant les consommateurs d’un même pays ou voyageant d’un pays à un autre, en leur assurant la constance des propriétés organoleptiques, les écartant ainsi potentiellement d’autres aliments traditionnels aux goûts moins standardisés. Avec, comme résultat, un éloignement de la culture et des traditions culinaires constaté notamment chez les plus jeunes.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alimentation-protegez-votre-sante-et-la-planete-grace-a-la-regle-des-3v-117033">Alimentation : protégez votre santé (et la planète) grâce à la règle des « 3V »</a>
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<p>N’oublions cependant pas un aspect positif de la normalisation des aliments introduite par les industries agro-alimentaires : elle permet un nécessaire et strict contrôle toxicologique et hygiénique, et une sécurité sanitaire permettant l’accès au marché mondial… mais qui s’est trop souvent faite au détriment du potentiel santé des aliments.</p>
<p>S’affranchissant de l’approche actuelle trop réductionniste sur les nutriments, nous avons développé la <a href="https://theconversation.com/alimentation-protegez-votre-sante-et-la-planete-grace-a-la-regle-des-3v-117033">règle des « 3V-BLS »</a> – végétal, vrai, varié, si possible bio, local et de saison – pour fournir des leviers d’action simples et holistiques afin de prévenir la dégradation des systèmes alimentaires due à l’excès de calories animales et ultra-transformées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Fardet a reçu des financements de MOM en 2018. Il est membre du comité scientifique de Siga et expert pour Wuji & Co. Il est aussi membre des associations GREFFE, MiamNutrition et Holistic Care.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Edmond Rock ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la durabilité des systèmes alimentaires est menacée aujourd’hui par un excès de calories d’origine animale, elle l’est également, et c’est bien moins connu, par les calories ultratransformées.Anthony Fardet, Chargé de recherche, UMR 1019 - Unité de Nutrition humaine, Université de Clermont-Auvergne, InraeEdmond Rock, Directeur de recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1404472020-06-14T17:12:17Z2020-06-14T17:12:17ZCrise alimentaire : cinq pistes pour fluidifier les approvisionnements en Afrique<p>Plus de 10 ans après la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/toc/15740862/2008/39/s1">crise alimentaire de 2007-2008</a>, la pandémie actuelle et son impact potentiel sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle posent les <a href="http://www.fao.org/2019-ncov/q-and-a/fr/">mêmes questions</a>, avec en filigrane quelques idées reçues utiles à déconstruire à nouveau en ce 15 juin, journée mondiale contre la faim : les circuits alimentaires vont-ils être rompus ? La crise va-t-elle priver l’Afrique de riz ? Est-ce bien là la preuve qu’il faut relocaliser la production pour sécuriser les approvisionnements ou est-ce une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/24/isabelle-mejean-la-relocalisation-est-une-fausse-bonne-idee_6040611_3234.html">fausse bonne idée</a> ?</p>
<p>En pleine crise du Covid-19, la nourriture à prix abordable ne manque pas, comme le martèle <a href="http://www.fao.org/africa/news/detail-news/es/c/1272643/">l’économiste en chef</a> de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).</p>
<p>Par ailleurs, les erreurs qui avaient aggravé la crise alimentaire en 2008 n’ont pas été reproduites : de nombreux gouvernements ont mis en place des <a href="https://blogs.worldbank.org/africacan/covid-19-africa-how-can-social-safety-nets-help-mitigate-social-and-economic-impacts">transferts monétaires</a> pour soutenir les plus pauvres ; et les restrictions d’exportations restent <a href="https://www.ifpri.org/project/covid-19-food-trade-policy-tracker">très limitées</a> par rapport à celles qui avaient prévalu en 2008.</p>
<p>Offre alimentaire disponible, commerce international <a href="https://www.ifpri.org/blog/covid-19-trade-restrictions-are-worst-possible-response-safeguard-food-security">maintenu</a>, demande soutenue par les gouvernements… n’y a-t-il donc aucun risque d’insécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique en ces temps perturbés par la pandémie ? Certes non.</p>
<p>Mais au-delà de la hausse de la pauvreté, les risques résident surtout dans les défauts d’approvisionnements alimentaires et dans une potentielle inadéquation des politiques publiques nationales pour y remédier. Notre analyse nous permet de présenter cinq pistes pour contrer les idées reçues et garantir une meilleure qualité des échanges au sein du continent.</p>
<h2>Des risques colossaux persistent</h2>
<p>Les <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01168312">travaux de recherche</a> post-2008 ont réaffirmé que les crises alimentaires ne sont pas toujours liées à des chutes de production, mais aussi à la pauvreté des consommateurs ou à des barrières commerciales.</p>
<p>Des travaux de cartographies permettent d’identifier les pays et zones du continent actuellement les plus à risque concernant l’<a href="https://fews.net/">insécurité alimentaire</a> (Soudan, Soudan du Sud, Éthiopie, Somalie, Mauritanie… ).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cartographie de l’insécurité alimentaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fews.net/">Fews.net/</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui, c’est avant tout le manque d’argent pour acheter de la nourriture qui fragilise la situation des <a href="http://www.fao.org/3/ca5162fr/ca5162fr.pdf">820 millions</a> de personnes sous-alimentées dans le monde.</p>
<p>Des milliers de personnes ont perdu leur emploi du fait des mesures visant à limiter la propagation du virus. Que ce soit dans le secteur formel ou <a href="https://ideas4development.org/covid-19-soutenir-le-secteur-informel/">informel</a>, du vendeur de bananes au détail aux gros exportateurs de roses et de thé kenyans, les pertes économiques <a href="https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/multimedia/video/institutional-videos/WCMS_744031/lang--en/index.htm">et d’emplois</a> sont énormes.</p>
<p>Les consommateurs urbains, déjà particulièrement vulnérables à l’insécurité alimentaire, sont fortement affectés, sans pouvoir, pour la plupart, s’exiler à la campagne et retrouver une parcelle agricole. Les transferts monétaires des États ne suffiront pas et ceux envoyés par la diaspora sont fortement <a href="https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/2020/06/COVID19-pandemic-impact-on-remittance-flows-sayeh.htm">touchés par la crise</a>.</p>
<p>Ce qui fait défaut ensuite, c’est l’infrastructure logistique pour acheminer les denrées alimentaires du port, ou du champ, jusqu’aux consommateurs : les circuits d’échanges internationaux <a href="https://www.economist.com/leaders/2020/05/09/the-global-food-supply-chain-is-passing-a-severe-test">ne sont pas rompus</a>, mais les circuits d’approvisionnement et de distribution nationaux et <a href="https://arii.uneca.org/fr-FR">intra-africains</a>, eux, sont beaucoup moins robustes et résilients (Soudan, Angola, République démocratique du Congo…).</p>
<p><a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/6610">Cette fragilité</a> est connue depuis longtemps, mais la crise amplifie les <a href="https://www.ifpri.org/node/23344">problèmes aux frontières</a> et les <a href="https://www.trademarkea.com/safe-trade-emergency-facility-programme-briefs/">délais d’acheminement</a> une fois sur les corridors intra-africains.</p>
<h2>Fluidifier les échanges</h2>
<p>Selon la Banque mondiale, l’alimentation reste aujourd’hui le <a href="http://datatopics.worldbank.org/consumption/">premier poste de dépense</a> des ménages africains. Y améliorer l’accès est donc crucial pour la sécurité alimentaire et la santé, mais aussi pour la lutte contre la pauvreté.</p>
<p>L’économie alimentaire est aussi la première source d’emplois en Afrique. Elle va <a href="http://www.worldbank.org/en/topic/food-system-jobs">bien au-delà</a> des seules activités de production agricole. On estime en effet qu’elle représentera un <a href="https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2013/03/04/africas-food-markets-could-create-one-trillion-dollar-opportunity-2030">marché de mille milliards de dollars</a> d’ici à 2030.</p>
<p>Or, sans possibilité de commercer de façon fluide, il n’y aura pas d’accès aux marchés pour les producteurs, pas d’économie d’agglomération ni d’économies d’échelle, pas de diversification des activités dans le secteur ni de compétitivité des économies et des villes africaines.</p>
<p>On le voit actuellement : c’est en partie à cause des <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---africa/---ro-abidjan/documents/briefingnote/wcms_741864.pdf">difficultés de circulation</a> des transporteurs et des commerçants, des couvre-feux, des congestions aux frontières et des interdictions de déplacements que les opportunités économiques et les emplois disparaissent.</p>
<p>La crise actuelle jette une lumière crue sur la nécessité d’améliorer les circuits d’approvisionnements. Au niveau continental, c’est l’affaire de la zone de libre-échange africaine, prévue pour le 1<sup>er</sup> janvier 2021. Mais au niveau national, c’est l’affaire des <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/lafd-et-lalimentation-des-villes">gouvernements et des villes</a>.</p>
<p>Or, ce domaine a été largement négligé dans les dernières décennies. <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/systemes-agroalimentaires-afrique">L’ouvrage collectif</a> édité par l’Agence française de développement et la Banque mondiale, qui repose sur un travail analytique de Toulouse School of Economics et des <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/les-systemes-de-distribution-alimentaire-dans-les-pays-dafrique-mediterraneenne-et-subsaharienne">analyses de terrain</a> effectuées notamment par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), propose cinq pistes pour y remédier.</p>
<h2>Agir sans déstabiliser</h2>
<p>Premièrement, il devient crucial de comprendre les facteurs qui motivent les producteurs à desservir tel ou tel marché, et les consommateurs à se rendre à tel ou tel point de vente. Ces facteurs sont centraux pour comprendre les forces d’attraction (centripètes) ou de dispersion (centrifuges) qu’exerce la ville sur les zones de production agricole. Dans le cas contraire, les politiques publiques pourraient avoir un effet contraire à celui recherché.</p>
<p>Prenons l’exemple d’une amélioration des conditions d’accès des consommateurs à un marché en subventionnant le transport public par exemple. Cela pourrait augmenter les prix sur ce marché si l’afflux de consommateurs n’est pas suivi d’une augmentation de l’offre.</p>
<p>Autre exemple : l’investissement dans la réduction de la périssabilité des produits (chaîne du froid, usines de première transformation des produits) pourrait faire fuir les consommateurs si cela entraîne une hausse des prix qu’ils ne sont pas prêts à supporter.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">S’éloigner des villes ou s’en rapprocher ? Forces à l’œuvre pour la production agricole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Deuxièmement, il convient d’identifier les pertes de compétitivité des produits sur toute la chaîne : au-delà de la production, les producteurs sont-ils en mesure de mettre en commun leurs récoltes pour bénéficier d’<a href="https://econpapers.repec.org/article/oupajagec/v_3a87_3ay_3a2005_3ai_3a3_3ap_3a717-734.htm">économies d’échelle dans le transport</a> ? Peut-on favoriser la transformation alimentaire pour limiter ces pertes post-récolte ? Faut-il plutôt améliorer les conditions de stockage et la chaîne du froid ? Cela dépend aussi des préférences des consommateurs.</p>
<p>Troisièmement, les infrastructures légères comme <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/app.2.3.46">l’accès à l’information</a> et la confiance dans les contrats de vente, de crédit, de qualité restent primordiales.</p>
<p>Sans un diagnostic précis, les politiques publiques risquent de déstabiliser les systèmes de confiance interpersonnelle, les réseaux de distribution familiaux, ou la gestion du crédit entre fournisseurs et acheteurs. Par exemple, la qualité attribuée à un produit par les consommateurs repose souvent sur la réputation des vendeurs. Mettre en place des labels qualité doit prendre en compte ces habitudes.</p>
<p>Quatrièmement, l’intervention politique reste souvent freinée par la diversité des acteurs impliqués dans le secteur de l’alimentation, avec des mandats flous et des moyens limités. Leur prise en compte s’avère pourtant essentielle sous peine d’échec des tentatives de régulation et d’amélioration de la gouvernance.</p>
<p>Enfin, et peut-être faut-il commencer par là, il s’agit de lutter contre certaines <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/repenser-lalimentation-dans-les-villes-du-sud">idées reçues</a> sur l’alimentation des villes africaines. En effet, une vision fragmentée de la filière agroalimentaire implique des politiques publiques concentrées soit en amont, soit en aval.</p>
<p>Or, seule une prise en compte de la filière dans sa globalité et sa complexité permettra le déploiement de projets et politiques publiques plus « systémiques » à même de résoudre les enjeux alimentaires dans les villes d’Afrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140447/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëlle Balineau est salariée de l'Agence française de développement</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicole Madariaga est salariée de l'Agence française de développement.</span></em></p>Au-delà de la pauvreté, le continent souffre de la mauvaise circulation des denrées due aux défaillances des circuits commerciaux nationaux et intra-africains.Gaëlle Balineau, Économiste du développement, Agence française de développement (AFD)Nicole Madariaga, Economiste du développement, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1375052020-05-04T19:41:36Z2020-05-04T19:41:36ZConsommation : les intentions d’aujourd’hui ne seront pas forcément les comportements de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/331474/original/file-20200429-51474-w1swgi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C26%2C5955%2C3961&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entre ruée sur les supermarchés et engouement pour le drive ou les circuits courts, le confinement a provoqué des changements de consommation notables.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/4z0-2mQE7io">Martijn Baudoin / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>La date du déconfinement, fixée au 11 mai, approche. C’est le moment d’engager une réflexion quant à l’évolution des comportements de consommation observée ces dernières semaines au niveau des commerces essentiels. Huit semaines de confinement contribueront-elles à rendre les consommateurs plus responsables et pourront-elles impacter durablement leurs comportements d’achats alimentaires ?</p>
<p>Les Français continueront-ils à privilégier ou fréquenter plus souvent les magasins de proximité et circuits courts, pour respectivement 22 % et 14 % des consommateurs (selon une <a href="https://mobeye-app.com/blog/covid-19-habitudes-achat/">étude</a> menée par l’institut d’études <a href="https://mobeye-app.com/">Mobeye</a>) ?</p>
<p>On peut estimer que les consommateurs continueront à acheter plus souvent et en plus grande quantité des produits bio et/ou des produits locaux (comme l’envisagent respectivement 17 % et 21 % des consommateurs selon une <a href="https://www.lsa-conso.fr/ces-changements-de-consommation-a-prevoir-apres-le-11-mai-etudes,347164">étude</a> menée par l’entreprise <a href="https://corporate.bonial.com/fr/entreprise">Bonial</a>). Par ailleurs, les Français plaident aujourd’hui, pour <a href="https://www.lsa-conso.fr/consommation-que-va-t-il-se-passer-apres-le-confinement,346389">38 % d’entre eux</a>, en faveur d’un retour de la production en France.</p>
<p>Depuis le début de la crise sanitaire et du confinement, les circuits d’approvisionnement des Français et leurs paniers d’achat ont changé, comme le récapitule le tableau ci-dessous :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/331329/original/file-20200429-51495-1dq1u1e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/331329/original/file-20200429-51495-1dq1u1e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/331329/original/file-20200429-51495-1dq1u1e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/331329/original/file-20200429-51495-1dq1u1e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/331329/original/file-20200429-51495-1dq1u1e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/331329/original/file-20200429-51495-1dq1u1e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/331329/original/file-20200429-51495-1dq1u1e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/331329/original/file-20200429-51495-1dq1u1e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ces perspectives seront-elles durables ? Il convient en effet de les relativiser en tenant compte des profils des consommateurs, notamment de leur sensibilité à la consommation socialement responsable (CSR) et de leur sensibilité aux prix. La <a href="https://www.editions-ems.fr/revues/decisions-marketing/articlerevue/172-mieux-connaitre-le-consommateur-socialement-responsable.html">CSR</a> regroupe tous les comportements de consommation pour lesquels l’individu prend en compte les conséquences publiques de sa consommation privée et utilise son pouvoir d’achat pour induire des changements dans la société.</p>
<p>L’achat de produits locaux et/ou bio et le soutien aux petits commerces font partie intégrante de cette logique. <a href="https://www.editions-ems.fr/revues/decisions-marketing/articlerevue/1890-mieux-comprendre-l%E2%80%99image-du-consommateur-responsable-de-la-personne-id%C3%A9ale-aux-st%C3%A9r%C3%A9otypes-n%C3%A9gatifs.html">Les prix</a> des produits responsables sont toutefois généralement plus chers.</p>
<p>Il en est de même des prix des circuits de proximité ou courts comparativement à ceux des grandes surfaces et du drive. Il peut ainsi exister un <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-organisation-responsable-2017-1-page-17.htm">écart</a> entre les intentions comportementales déclarées des consommateurs et leurs comportements responsables effectifs – un des freins majeurs étant effectivement le prix et la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/002224379303000208">sensibilité</a> des consommateurs aux prix qui représente le degré avec lequel ils font des efforts pour trouver des prix bas.</p>
<h2>Le retour des contraintes antérieures</h2>
<p>L’approche croisée de ces deux concepts laisse ainsi apparaître moins une tendance univoque que plusieurs segments de consommateurs aux problématiques quotidiennes bien différentes.</p>
<p>Pour ceux qui avaient déjà adopté des comportements de consommation responsables et qui resteront peu ou moins sensibles au prix, l’expérience vécue contribuera probablement à légitimer plus encore ou à renforcer leurs comportements antérieurs (fréquentation de circuits de proximité ou courts, achats de produits biologiques et/ou locaux).</p>
<p>Il n’est par contre pas sûr que les convertis de circonstance puissent les reproduire durablement même s’ils adhérent (désormais) à leurs valeurs sous-jacentes (respect de l’environnement, soutien aux petits producteurs, qualité des produits, etc.).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1253309074726420480"}"></div></p>
<p>Dès leur déconfinement, la plupart d’entre eux seront à nouveau confrontés à leurs contraintes d’emplois du temps (vies privées et professionnelles), qui favorisent les achats groupés en grandes surfaces, et/ou à des contraintes <a href="https://www.lsa-conso.fr/xxx,345740">financières</a>, qui limiteront leurs comportements d’achat responsables. Il en sera de même pour les consommateurs qui ont choisi, ou ont été contraints, de continuer à fréquenter les hyper et supermarchés pendant la crise.</p>
<h2>Craintes sur le pouvoir d’achat</h2>
<p>Le confinement a en effet exacerbé la sensibilité aux prix des consommateurs qui, pour beaucoup, ont eu l’impression que cette période a impacté à la hausse leurs dépenses. Dans les faits, ils ont effectivement acheté plus de produits pour stocker (avec une hausse du <a href="https://www.iriworldwide.com/IRI/media/IRI-Clients/International/fr/IRI_VISION_ACTUALITE-S14-2020-PGC-PFT_FINAL.pdf">panier moyen</a> de 89 % pour un trafic en baisse de 48 %) et faire face aussi à une augmentation des repas pris à domicile dans un contexte de fermeture des établissements scolaires, restaurants et de télétravail ou de chômage partiel.</p>
<p>De surcroît, ils ont été contraints parfois d’acheter des produits plus qualitatifs que d’habitude dans des rayons de grandes surfaces dévalisés, ou dans des circuits de proximité ou courts. Ils n’ont pas pu en également bénéficier de promotions prix stoppées dès le début du confinement.</p>
<p>Sur le plan de la perception, les prix ont augmenté pendant le confinement selon les consommateurs, même si ce n’est objectivement pas le cas : <a href="https://www.lineaires.com/la-distribution/covid-19-la-peur-du-lendemain-fait-ressurgir-le-critere-prix?sso=1587558802">55 % le pensent</a> alors que les panélistes pointent une <a href="https://www.lsa-conso.fr/toujours-pas-d-inflation-sur-les-pgc-selon-iri,346974">stabilisation globale</a>, hormis pour certains produits tels les fruits et légumes (<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/coronavirus-pourquoi-le-prix-des-fruits-et-legumes-a-augmente-1197143#utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=sr_industrie-20200422">hausse moyenne de 9 %</a>), en raison d’un référencement plus important de produits nationaux et locaux pour assurer les approvisionnements et soutenir les filières.</p>
<p>Enfin, beaucoup de Français ont peur de l’impact de la pandémie sur leur pouvoir d’achat (perte d’emploi partielle ou totale) (56 % anticipent une <a href="https://www.lsa-conso.fr/coronavirus-les-francais-vont-continuer-a-retreindre-leurs-achats,346789">baisse de leurs revenus</a>) et sont <a href="https://www.lsa-conso.fr/coronavirus-les-francais-sont-plus-pessimistes-que-le-reste-du-monde,344830">très pessimistes</a> sur la reprise économique.</p>
<hr>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trois-arguments-qui-laissent-penser-quil-ny-aura-pas-dinflation-apres-la-crise-136278">Trois arguments qui laissent penser qu’il n’y aura pas d’inflation après la crise</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans ce contexte, les enseignes de la grande distribution communiquent actuellement sur le <a href="https://www.lineaires.com/la-distribution/qui-bloque-les-prix-de-ses-mdd-et-jusqu-a-quand?sso=1588142574">gel des prix</a> des produits de marques nationales ou de marques de distributeurs (MDD). Cela sera-t-il suffisant pour rassurer les consommateurs dont les contenus et montants des paniers d’achats ont changés, brouillant ainsi leurs repères et les <a href="https://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2018-2-page-47.htm">images-prix</a> qu’ils ont des enseignes ?</p>
<p>Ne devront-elles pas continuer aussi à s’adapter à la diversité des profils de leur clientèle pour permettre aux plus sensibles aux prix de maîtriser leurs dépenses, tout en accompagnant ceux qui le pourront économiquement vers des achats plus « responsables » ?</p>
<h2>La carte de la RSE et de la proximité</h2>
<p>Les prix et les <a href="https://www.lsa-conso.fr/coronavirus-comment-continuer-et-valoriser-les-promotions,345330">promotions</a>, les <a href="https://www.lsa-conso.fr/les-vraies-raisons-du-rebond-du-bio-pendant-la-crise-du-coronavirus,347204">offres de MDD</a> engagées notamment dans le bio ou le « made en France », ou encore leurs actions concertées de soutien réel aux producteurs locaux, régionaux et/ou nationaux, pourront être des leviers importants. Il leur faut toutefois au préalable continuer de rassurer les clients sur les mesures sanitaires mises en place durablement dans <a href="https://www.lsa-conso.fr/trafic-magasin-et-mesures-sanitaires-les-deux-preoccupations-du-deconfinement-etude,346939">leurs magasins physiques</a> et leurs <a href="https://www.lineaires.com/la-distribution/covid-19-les-drives-rassurent-sur-la-securite-sanitaire?sso=1587535233">drives</a>. Certains consommateurs ont encore peur, à l’heure actuelle, de <a href="https://www.lsa-conso.fr/etude-comment-les-francais-vont-ils-se-comporter-apres-le-deconfinement,347049">toucher</a> les produits en magasins.</p>
<p>Carrefour teste par exemple des <a href="https://www.lsa-conso.fr/carrefour-belgique-adapte-son-sas-de-desinfection-a-l-hypermarche,347109">portiques désinfectants</a> à l’entrée de ses magasins.</p>
<p>Quant aux acteurs des circuits de proximité et courts, il conviendrait peut-être qu’ils rappellent à leurs clients convaincus, solidaires, ou opportunistes les moins sensibles au prix, de ne pas oublier leurs engagements et de continuer à les soutenir dans leurs actes d’achat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247644751773474817"}"></div></p>
<p>Ces différentes actions constituent autant d’opportunités pour les commerçants de valoriser leur <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJRDM-12-2018-0262/full/html">image RSE</a> (responsabilité sociétale de l’entreprise) sur les volets respect des salariés et de la santé des consommateurs notamment. Elles leur permettraient aussi de répondre aux attentes des consommateurs à la recherche de <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2009-1-page-121.htm">proximité</a>, qui, conceptuellement et dans le contexte actuel, peut prendre différentes formes :</p>
<ul>
<li><p>Proximité d’accès : facilité et praticité, dont accès à des commerces au plus près de chez soi,</p></li>
<li><p>Proximité fonctionnelle : efficacité pour faire ses courses,</p></li>
<li><p>Proximité relationnelle : interrelations avec le personnel de vente,</p></li>
<li><p>Proximité identitaire : adhésion aux valeurs du commerçant, perçu comme un acteur social,</p></li>
<li><p>Proximité de processus : fonctionnement du magasin garant de la qualité des produits ou du service, dont la mise en place de mesures sanitaires rassurantes.</p></li>
</ul>
<p>La valorisation de leurs engagements et actions en matière de RSE et de proximité pourraient permettre aux acteurs de la distribution alimentaire de renforcer les <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2012-3-page-16.htm">relations avec leurs clients</a>, clef majeure de leur <a href="https://www.association-etienne-thil.com/wp-content/uploads/2018/01/2008-Corporate-Social-Responsibility-of-Retail-Companies.pdf">fidélisation</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137505/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les craintes sur le pouvoir d’achat pourraient notamment démentir les intentions des Français qui souhaiteraient désormais privilégier les circuits courts, le bio ou les produits locaux.Cindy Lombart, Professeure de marketing, AudenciaBlandine Labbé-Pinlon, Professeur de Marketing, AudenciaDidier Louis, Maître de conférences, techniques de commercialisation, IUT de Saint-Nazaire, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1371672020-04-26T18:53:34Z2020-04-26T18:53:34ZCrise : les plans des grandes entreprises françaises risquent de durcir la spirale dépressive<p>Au niveau macroéconomique, les prévisions sont sombres et le premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé une <a href="https://www.lefigaro.fr/economie/coronavirus-la-croissance-sera-negative-de-8-en-2020-selon-philippe-20200419">baisse de 8 % du PIB français en 2020</a> en raison de la pandémie et des mesures de confinement. Une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/14/coronavirus-le-fmi-predit-une-recession-mondiale-historique-avec-un-recul-de-la-croissance-estime-a-3-en-2020_6036559_3234.html">recul de la croissance mondiale de 3 %</a> est anticipée par le FMI, dont 7,5 % pour la zone euro, 5,9 % pour les États-Unis et une maigre hausse de 1,2 % seulement pour la Chine.</p>
<p>Notre propos est d’adopter une posture micro-économique en appréciant l’impact de la crise sur les grandes entreprises françaises sur la base de la publication des résultats du premier trimestre 2020 (toujours en cours) et des mesures d’urgence annoncées par celles-ci pour y faire face.</p>
<p>Certes, le confinement français n’a démarré que le 17 mars, soit à la fin de la période trimestrielle janvier-mars, mais d’une part certaines d’entre elles sont fortement implantées en Chine où le confinement a démarré dès janvier et, d’autre part, les comportements des consommateurs ont commencé a évolué au cours du trimestre du fait de pratiques de réduction des dépenses et d’un engouement pour le stockage de denrées de base.</p>
<h2>Une crise qui ne fait que commencer</h2>
<p>Le graphique ci-dessous montre que les entreprises sont déjà très majoritairement impactées négativement par la crise du coronavirus, alors même que celle-ci n’est encore que très partiellement prise en compte. Certaines d’entre elles s’en sortent bien – et sans surprise –, comme celles des secteurs de la santé (humaine, bioMérieux et Ipsen, mais aussi animale, Virbac), de l’agroalimentaire (Danone), des solutions de paiement pour les salariés (Edenred) et du divertissement (Vivendi).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/330283/original/file-20200424-126808-1omwoyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330283/original/file-20200424-126808-1omwoyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330283/original/file-20200424-126808-1omwoyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330283/original/file-20200424-126808-1omwoyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330283/original/file-20200424-126808-1omwoyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330283/original/file-20200424-126808-1omwoyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330283/original/file-20200424-126808-1omwoyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330283/original/file-20200424-126808-1omwoyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Communiqué des sociétés chiffre d’affaires premier trimestre 2020. Les variations retenues dans la plupart des cas sont hors variations de change et changements de périmètre (croissance organique) pour apprécier plus finement l’impact de la crise</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela remet en lumière la <a href="https://theconversation.com/comment-le-coronavirus-rehabilite-la-pyramide-des-besoins-de-maslow-132779">pyramide des besoins de Maslow</a> où les besoins physiologiques sont prioritaires avec une actualisation par le divertissement et les services de paiement digitaux en cette période de confinement.</p>
<p>Plus surprenant, Technip, fournisseur des secteurs pétroliers et gaziers, est pour l’instant relativement épargné, mais la prise de nouvelles commandes est en chute libre (-66 %). D’autres secteurs sont touchés de façon modérée, certaines activités de ces entreprises prospérant tandis que d’autres souffrent comme Atos (services numériques) ou la Française des jeux (jeux d’argent), ou encore partiellement épargnés par la crise comme Publicis (communication).</p>
<p>À l’autre extrême, des sociétés sont durement touchées comme GL events (événementiel), le secteur automobile (Faurecia, PSA, Renault), le luxe (Hermès, Kering, LVMH et dans une moindre mesure L’Oréal dont la gamme relève également des produits de consommation courante), l’hôtellerie (Accor) et les produits de consommation courante non essentiels (Damartex dans le textile, Pernod-Ricard dans les boissons alcoolisées, Bic dans les stylos, rasoirs et briquets, etc.).</p>
<p>On note également que certaines entreprises annoncent une augmentation spectaculaire de leur activité en e-commerce (Kering, +21, 1 %, L’Oréal, +52,6 %, Schneider Electric, +25 %).</p>
<p>L’impact de la crise est d’autant plus fort que ces entreprises réalisent une forte part de leur activité en Asie et en particulier en Chine touchée en premier par la pandémie.</p>
<p>Par exemple, Schneider Electric (solutions énergétiques) a enregistré une baisse de 6,4 % de son chiffre d’affaires total, mais de 19,3 % en Asie-Pacifique (vs -2,8 % en Europe de l’Ouest et +0,6 % en Amérique du Nord), Kering une baisse totale de 16,4 % pour 30 % en Asie-Pacifique (vs. -14 % en Europe de l’Ouest et -7 % en Amérique du Nord).</p>
<p>Compte tenu du déplacement de la pandémie d’Asie vers l’Europe puis les États-Unis, cela montre que les mois à venir seront encore plus durs pour l’ensemble des entreprises et que nous n’en sommes qu’au début de la contraction de l’activité, même si la reprise progressive en Asie permettra de la compenser partiellement.</p>
<h2>Réductions massives des dépenses</h2>
<p>La lecture des plans d’actions présentées par les entreprises pour faire face à la réduction de l’activité est instructive : elle permet de dégager des lignes de force qui, si elles ne sont pas originales du point de vue de la gestion financière, restent instructives et semblent dans certains cas lourdes de conséquences.</p>
<p>En premier lieu, les entreprises engagent des plans de réduction des dépenses. Cela prend la forme classique de plans d’économies concernant les charges de sous-traitance, de conseil, le gel des embauches et des salaires (il n’est pas <a href="https://www.lefigaro.fr/social/pourquoi-un-tsunami-de-licenciements-est-inevitable-20200422">encore</a> question de licenciements), le recours parfois et partiellement au chômage partiel, même si les grandes entreprises ont souvent <a href="https://www.lci.fr/emploi/chomage-partiel-coronavirus-annulation-des-dividendes-les-grandes-entreprises-francaises-font-des-choix-differents-loreal-hermes-2149836.html">renoncé à y recourir</a>…</p>
<p>Par exemple, Publicis annonce un plan d’économie de 500 millions d’euros, tandis qu’Edenred évoque 100 millions. Cela comprend également une réduction des dépenses d’investissement. Ainsi, Faurecia va les réduire de 30 % (685 millions d’euros), Bic de 20 à 30 millions d’euros, Accor de 60 millions et Atos pour 400 millions.</p>
<p>Ces plans de réduction des dépenses, s’ils sont totalement légitimes du point de vue des entreprises concernées, constituent toutefois un sujet d’inquiétude majeur, car ils peuvent enclencher un cercle vicieux dépressif sur l’ensemble de l’économie, avec en première ligne les fournisseurs (dont beaucoup de PME) de ces grandes entreprises. Le risque de passer d’une récession à une réelle dépression économique est donc bien réel. Comme l’exprimait le président des États-Unis Harry Truman, « La récession c’est quand votre voisin perd son emploi ; la dépression c’est quand vous perdez le vôtre ».</p>
<p>De façon plus anecdotique, mais relevant de l’exemplarité, l’Afep (Association françaises des entreprises privées, qui réunit 113 grandes entreprises françaises) a demandé à ses adhérents de <a href="https://afep.com/wp-content/uploads/2020/03/Communiqu%C3%A9-de-presse-Afep_29-mars-2020-1.pdf">réduire la rémunération de leurs dirigeants</a> de 25 % si elles recouraient au chômage partiel. Et de fait, de nombreuses entreprises (comme Publicis ou LVMH) ont mis en œuvre cette recommandation pour des réductions de 20 à 30 %, même parfois en l’absence de recours au chômage partiel.</p>
<p>En deuxième lieu, il est souvent mentionné la volonté de renforcer la gestion du besoin en fonds de roulement des entreprises : c’est-à-dire réduire les stocks, surveiller les délais de paiement de clients (les réduire), et utiliser (augmenter) les délais de paiement aux fournisseurs, ce qui pourrait encore durcir la spirale dépressive.</p>
<p>En dernier lieu, les entreprises cherchent à garantir leur liquidité dans cette période de sous-activité où les dépenses courent sans que le chiffre d’affaires ne rentre. Pour ce faire, de nombreuses entreprises ont annoncé réduire (comme Edenred ou Technip) voire supprimer (comme Accor ou Renault) la distribution de dividendes.</p>
<h2>« C’est le client qui paie les salaires »</h2>
<p>De surcroît, des entreprises ont fait appel à l’endettement via de nouvelles obligations (comme Pernod-Ricard pour 1,5 milliard d’euros), de nouvelles dettes bancaires (comme Faurecia pour 800 millions d’euros), des lignes de crédit existantes non tirées (comme Publicis pour 2 milliards d’euros), voire comme Fnac-Darty obtenu un prêt bancaire garanti par l’État (à hauteur de 500 millions d’euros).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1251895730400145410"}"></div></p>
<p>Si ces mesures sont de nature à renforcer la position de liquidité des entreprises, il convient de souligner que cela se traduit par une augmentation de leur endettement et qu’il faudra un jour le rembourser. Sinon, le problème aura simplement été repoussé dans le temps.</p>
<p>La forte sous-activité enregistrée apparaît donc d’autant plus inquiétante que nous n’en sommes qu’au début de l’observation du phénomène. Les mesures mises en œuvre restent pour l’instant supportables, mais pourraient entraîner une dépression généralisée si elles perdurent, avec le cortège de chômeurs et les drames sociaux qui s’y attacheraient.</p>
<p>Ce n’est que par un retour à un niveau d’activité raisonnable que la crise économique pourra être surmontée. Comme le disait Henry Ford, « ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, c’est le client ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réduction des dépenses, allongement des délais de paiement, appel à l’endettement… Autant de mesures aux conséquences lourdes qui pourraient enclencher un cercle vicieux.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1340612020-04-15T17:08:33Z2020-04-15T17:08:33ZRéforme de la PAC : les enseignements de l’expérience brésilienne<p>Alors qu’une <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/reforme-de-la-pac-le-risque-d-une-politique-agricole-moins-europeenne-6577068">nouvelle réforme de la politique agricole commune</a> (PAC) se dessine, s’intéresser à d’autres réalités agricoles peut se révéler instructif.</p>
<p>À l’approche du 17 avril, journée internationale des luttes paysannes du nord comme du sud, leurs points de convergence et leurs originalités ailleurs dans le monde peuvent sinon nous guider, du moins nous aider à mieux situer les défis de la cohabitation entre petite paysannerie d’un côté, agro-industrie et urbanisation de l’autre.</p>
<p>Créée en 1962, la PAC repose encore aujourd’hui sur les principes du marché unique, de la préférence communautaire et de la solidarité financière. Les États ainsi que les acteurs du marché et de la société civile planchent présentement à une nouvelle mouture qui orientera l’action agricole de l’Union européenne jusqu’en 2027.</p>
<p>Pour l’instant, elle bénéficie largement à l’agro-industrie conventionnelle et ne laisse qu’une faible portion de son aide à l’appui d’une transition <a href="https://www.fondation-nature-homme.org/magazine/la-prochaine-reforme-de-la-politique-agricole-commune-pac-fortement-critiquee-par-des">écologique devenue socialement et écologiquement nécessaire</a>.</p>
<p>En principe, la PAC repose sur deux « piliers » : le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), qui sert essentiellement d’appui à la stabilité des marchés et dont les fonds vont principalement aux grandes entreprises, et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) qui bénéficie de <a href="https://theconversation.com/reforme-de-la-pac-le-grand-bond-en-arriere-98217">ressources nettement plus faibles</a>.</p>
<h2>L’accès à la terre en jeu</h2>
<p>Les critiques reprochent notamment à la PAC, y compris dans la nouvelle mouture qui se dessine, de <a href="https://confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?mc=31">défavoriser l’agriculture paysanne</a>, les installations de petite taille et les petites exploitations, au profit des méga-installations. À travers l’accès à la terre pour les petits exploitants se joue la vitalité et la diversité des espaces ruraux.</p>
<p>Cet enjeu est généralisé dans le contexte d’un agrobusiness globalisé. En Amérique latine, bien avant l’industrialisation des pratiques agricoles, l’accès à la terre – extrêmement concentrée entre les mains de quelques grands propriétaires terriens – constituait une demande récurrente de la paysannerie face au <em>latifundio</em>.</p>
<p>C’est ce qui déboucha, à partir des années 1960, sur le soutien à la réforme agraire dans plusieurs pays de la région, consistant en une redistribution des terres des grands domaines vers les plus petits agriculteurs. Au Brésil, les <a href="https://cpdoc.fgv.br/producao/dossies/Jango/artigos/NaPresidenciaRepublica/A_questao_agraria_no_governo_Jango">premiers instruments légaux robustes</a> en ce sens ont vu le jour en 1964 sous le nom de « Statut de la terre ». Mais cette avancée est restée lettre morte pendant deux décennies.</p>
<h2>L’émergence du Mouvement des Sans Terre</h2>
<p>À l’issue de la dictature militaire (1964-1985), le monde paysan brésilien fonde dans la redémocratisation du pays ses espoirs de réforme.</p>
<p>C’est dans ces circonstances que le mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) voit le jour en 1984 et que le Premier plan national de réforme agraire (PNRA) est promulgué en 1985. Le résultat en est décevant, l’État <a href="https://books.openedition.org/iheal/2880">ne modifiant pas sensiblement</a> sa politique de soutien à l’agro-industrie. Malgré cela, la réforme agraire a persisté dans l’agenda politique brésilien grâce à l’action du MST et la décennie qui suivit vit environ <a href="https://scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0103-40141997000300004">250 000 paysans en bénéficier</a>.</p>
<p>Sa mise en place se heurte néanmoins à des forces contraires puissantes. Le 17 avril 1996, 19 paysans sans terre qui participaient à une grande marche vers Belém sont assassinés par la police militaire de l’état du Pará. L’événement, dit massacre de Eldorado do Carajás, devient non seulement un symbole des luttes paysannes dans le monde, mais la vague d’indignation qu’il soulève contribue fortement à légitimer la lutte du MST.</p>
<p>Si bien que le gouvernement brésilien, jusqu’alors plutôt rétif à la réforme, institue le Ministère extraordinaire de la politique foncière, qui devient en 1999 le Ministère du développement agraire. Celui-ci développe par la suite plusieurs actions innovatrices en faveur de l’agriculture familiale brésilienne, avant d’être supprimé par le gouvernement de Michel Temer (2016-2018).</p>
<h2>Le choix d’une orientation plus durable</h2>
<p>Au cours de ses premières années d’existence, le MST propose un modèle productiviste pour les zones reformées. Il fonde sa stratégie sur la création de coopératives de production agricoles où se déploie la division du travail inhérente à la logique industrielle. Il favorise également l’utilisation d’intrants, de pesticides, et mesure son succès par le volume produit destiné aux circuits longs de commercialisation.</p>
<p>En raison des échecs des expériences productivistes et dans une grande mesure de son adhésion au <a href="https://viacampesina.org/fr/">mouvement international de la Via Campesina</a>, le MST tend désormais à réorienter son modèle vers l’agroécologie et la souveraineté alimentaire. Dans ce contexte, l’échelle locale, les circuits courts de commercialisation, les rythmes saisonniers, la connaissance agroalimentaire traditionnelle et le bien-être des travailleurs sont aujourd’hui privilégiés.</p>
<p>La réflexion du MST autour de la durabilité a introduit de nouvelles stratégies. Une partie du mouvement s’est peu à peu rapproché du monde urbain. Une dynamique qui s’inscrit dans un contexte d’étalement de l’urbanisation, notamment dans l’état de São Paulo, où les villes s’étendent et grignotent les espaces agricoles.</p>
<h2>Le paysan mieux reconnu</h2>
<p>Vers le milieu des années 2000, on voit donc au Brésil deux tendances parallèles : au sein du MST, d’une part, s’expriment certaines insatisfactions. Elles déplorent que le productivisme fasse abstraction des impacts environnementaux qui n’affectent pas directement les rendements, mais aussi la conception d’un paysan uniquement considéré pour sa force de production, dans une perspective marxiste.</p>
<p>De plus en plus émergera une ambition de reconnaître les paysans comme des <a href="https://scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0103-20032013000400002">sujets pleins et entiers</a> et non comme de simples travailleurs automates. Cela implique de leur permettre de dégager, au-delà des moyens de subsistance, toutes les ressources nécessaires pour assurer la reproduction de leurs groupes sociaux, de leurs pratiques et valeurs.</p>
<p>D’autre part, on observe un monde urbain où des groupes citoyens sont de plus en plus demandeurs d’aliments sains, libres de produits chimiques et produits localement. Cette tendance est alimentée par l’ère Lula des années 2000, qui lance de nouveaux dispositifs d’appui à l’agriculture familiale.</p>
<p>Deux dispositifs peuvent être soulignés à cet égard : le Programme d’acquisition d’aliments (PAA) et la loi de 2009 du Programme national d’approvisionnement des cantines scolaires qui <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/14824">permettent à l’agriculture familiale</a> d’accéder aux marchés publics.</p>
<h2>L’exemple de l’assentamento Milton Santos</h2>
<p>Au croisement de ces deux tendances, une partie du MST propose la mise en place de Communes de la terre (Comunas da terra), qui misent justement sur l’agroécologie et l’établissement de familles agricoles sans terre près des centres urbains afin d’y écouler la production à travers des circuits courts alimentaires.</p>
<p>Un bon exemple est celui de l’assentamento Milton Santos, situé à environ 120 km au nord-ouest de São Paulo, dans les municipalités d’Americana et Cosmópolis. En 2005, grâce à l’intervention de l’Institut National de la Colonisation et de la Réforme agraire (INCRA), 140 familles viennent y occuper une terre publique jusque-là exploitée illégalement par une compagnie productrice de canne à sucre.</p>
<p>Les huit années suivantes sont le cadre de luttes parfois violentes qui conduisent finalement en 2013, avec l’aide de nombreux acteurs comme l’Université de São Paulo, l’Embrapa environnement, une institution de recherche agricole publique, et des syndicats urbains locaux, à l’assurance juridique pour les assentados de pouvoir légitimement résider sur ces terres et les cultiver.</p>
<p>Aujourd’hui, les 68 familles qui y demeurent toujours pratiquent l’agroécologie et axent leur gouvernance sur l’horizontalité et la recherche du consensus. Ils ont créé en 2015 une coopérative afin d’écouler leur production auprès de groupes d’achat citoyens des villes voisines.</p>
<p>La proximité à la ville recèle des opportunités mais également des défis. La ville d’Americana continue de s’étendre. La rareté des terres constructibles vient changer la façon dont les élus et les planificateurs perçoivent l’espace agricole de Milton Santos. On ignore si le nouveau plan directeur de la ville permettra à l’assentamento de déployer son modèle dans la durée.</p>
<h2>Sous Bolsonaro, la réforme agraire paralysée</h2>
<p>L’agribusiness brésilien représente un secteur économique vital pour ce pays <a href="https://fao.org/3/CA1796EN/ca1796en.pdf">troisième exportateur de denrées au monde</a>. Jouissant des faveurs du pouvoir, il est au centre de la stratégie de Bolsonaro, qui vise à orienter encore davantage la production vers les exportations. Au cours de sa campagne, il avait déjà <a href="https://noticias.uol.com.br/politica/eleicoes/2018/noticias/agencia-estado/2018/07/14/no-para-bolsonaro-defende-pm-por-massacre-em-carajas.htm">publiquement défendu</a> l’action des militaires ayant tiré sur la foule de Carájas.</p>
<p>Au pouvoir, il a nommé secrétaire des enjeux fonciers Luiz Antonio Nabhan Garcia, davantage un <a href="https://theintercept.com/2019/02/19/milicias-nabhan-garcia/">commandant de milice qu’un politicien</a>, qui milite depuis longtemps contre la réforme agraire. Celui-ci a paralysé les projets liés à la poursuite de la réforme agraire et à l’appui aux familles de petits agriculteurs.</p>
<p>Il a fallu 20 ans pour que la réforme agraire devienne un instrument dont se saisissent les mouvements sociaux brésiliens, même si elle est à nouveau bloquée par le gouvernement d’extrême droite. En Europe, la PAC en aura quant à elle bientôt 60. Il n’y a pas eu de massacre de Carájas de ce côté de l’Atlantique pour éperonner les réformes agraires. Il n’y a pas des centaines de milliers de paysans à la recherche de terres à cultiver.</p>
<p>Pour autant, ici aussi les paysans se mobilisent, épuisés autant par les <a href="https://theconversation.com/des-millions-deuros-daides-agricoles-detournes-decryptage-dun-scandale-europeen-129490">scandales de fonds détournés</a> que par les iniquités ressenties vis-à-vis de la distribution des subventions et la déliquescence des espaces ruraux. Reste à savoir quelle importance la nouvelle PAC accordera à ces mouvements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134061/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Mathieu Le Bel a reçu un financement du programme de recherche pour et sur le développement régional (PSDR4) dans le cadre du programme USUS sur le foncier agricole ainsi que de la direction des relation internationales de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture - Irstea.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paulo Eduardo Moruzzi Marques a reçu, dans le cadre de ses activités au sein de l´USP, une bourse de productivité en recherche du Conselho Nacional de Desenvolvimento Científico e Tecnológico (CNPq) et un appui de la Coordenação de Aperfeiçoamento de Pessoal de Nível Superior (CAPES) pour réaliser en 2020 un séjour scientifique en France. </span></em></p>Alors que se dessinent les contours de la nouvelle PAC, retour sur la réforme agraire brésilienne, aujourd’hui paralysée par le gouvernement de Bolsonaro.Pierre-Mathieu Le Bel, Géographe, chercheur accueil haut niveau en développement territorial, InraePaulo Eduardo Moruzzi Marques, Enseignant-chercheur dans le domaine de la sociologie sur les questions agroalimentaires, Universidade de São Paulo (USP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1323232020-03-10T18:44:49Z2020-03-10T18:44:49ZQuand les humanitaires se mêlent d’économie…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318069/original/file-20200302-18299-1viw4hr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C7%2C4866%2C3657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Travailleuses du secteur agro-alimentaire à Ouagadougou</span> <span class="attribution"><span class="source">Roberta Rubino</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Ces dernières années, dans le souci de contribuer à un développement durable et autonome des pays du Sud, les organisations humanitaires ont manifesté une attention croissante envers le secteur privé, notamment dans le secteur de la transformation agroalimentaire. </p>
<h2>Du mythe du pauvre entrepreneur à l’économie de la survie</h2>
<p>L’intérêt des acteurs de l’aide internationale pour le domaine économique n’est pas complètement inédit. Dans les années 1980-1990, face à l’échec de l’ouverture libérale et à l’énormité de ses coûts sociaux, la « lutte contre la pauvreté » devient un objectif consensuel pour les acteurs de la coopération internationale. La priorité reconnue aux besoins financiers des populations les plus pauvres favorisera l’essor de la microfinance et d’autres activités liées à l’idée du <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2007-1-page-329.htm">« pauvre entrepreneur »</a>. Dans ce contexte, les programmes de développement évoluent en une sorte d’« économicisation du besoin » et de <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_7/b_fdi_03_05/010021471.pdf">« financiarisation de l’aide »</a>. En supposant qu’il est possible de combattre la pauvreté à travers des activités productrices de revenus monétaires, ces projets convergent autour de l’idée qu’il suffirait de doter les pauvres « en capital » pour assurer leur développement. Dans ce cadre, les activités génératrices de revenus (AGR) font leur apparition ; elles seront destinées à toucher de manière transversale tous les domaines de l’aide.</p>
<p>L’<a href="https://www.fondation-croix-rouge.fr/recherches-soutenues/roberta-rubino/">enquête ethnographique</a> que nous avons conduite entre septembre 2017 et juin 2018 autour de la transformation agroalimentaire dans la ville de Ouagadougou, avec le soutien de la Fondation de la Croix-Rouge française, montre certaines limites de ce modèle.</p>
<p>L’étude a révélé que les stratégies destinées à valoriser ces activités traditionnelles finissent pour cristalliser le secteur informel en un véritable système économique parallèle : l’économie de la survie. L’économie de la survie se différencie du secteur informel et de toutes les autres formes spontanées d’art de la débrouille, puisqu’elle se structure et se développe dans un environnement socioculturel bien précis qui est celui de l’aide internationale.</p>
<h2>Les acteurs locaux de la transformation agroalimentaire</h2>
<p>Les foires alimentaires sont devenues des événements assez fréquents dans la ville de Ouagadougou. Organisées par des ONG ou par les acteurs publics, elles sont destinées à exposer et à promouvoir la consommation des produits agroalimentaires de la tradition ouagalaise. Il s’agit, pour la plupart, de produits d’une variété assez limitée, transformés avec des techniques artisanales par des groupements de femmes sélectionnées dans le cadre d’un projet d’une ONG ou d’une association, selon des critères ethniques, géographiques et sexuels (« les femmes peuls », « les femmes de Koudougou », etc.).</p>
<p>Pour notre enquête, 19 de ces entreprises ont été étudiées, dont 9 artisanales et 10 semi-industrielles. Les méthodes mobilisées ont été celles classiques de l’anthropologie : entretiens de type qualitatif et observation en situation.</p>
<p>Cependant, pour l’étude des activités de production, c’est la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00380133/">méthode des itinéraires</a> qui a été privilégiée. Cette méthode de type ethnographique et microsocial a permis de retracer les itinéraires de vie de ces unités de production et d’observer les activités dans le détail, de répertorier les obstacles et les facilités et de saisir toutes sortes de contraintes matérielles, sociales et symboliques.</p>
<p>L’histoire de Madame T. est assez emblématique des enjeux et des limites des programmes d’aide voués à la promotion de ces microactivités, souvent qualifiées de microentreprises. Madame T. est très connue dans le milieu de la transformation agroalimentaire ouagalaise. C’est une femme forte et énergétique qui a dépassé la cinquantaine depuis déjà quelques années.</p>
<p>L’âge et le sexe des promotrices de ces microactivités ne sont pas des éléments anodins. Dans la plupart de ces programmes d’aide internationale, la transformation agroalimentaire est devenue un secteur « genré », réservé aux femmes, dans le prolongement d’une tradition sexuelle du travail qui veut que les hommes soient producteurs et les femmes transformatrices. En tant que détentrices d’un savoir-faire traditionnel, les femmes les plus âgées, comme Madame T., sont devenues les cibles principales de ces projets qui, en voulant respecter la tradition, finissent par la reproduire.</p>
<p>Ces mini-unités de transformation artisanale se caractérisent aussi par le fait que le lieu de production coïncide avec la cour familiale, avec tous les problèmes d’espace et d’hygiène que cela implique. Le rythme de production est discontinu, ce qui détermine une forte variabilité dans le nombre d’employées. En ce qui concerne les recettes gagnées avec l’unité, elles ne sont pas employées en tant que « capital » pour des investissements dans l’activité, mais en tant que revenus pour satisfaire les besoins fondamentaux de la famille : scolarité des enfants, soins de santé, vêtements, cérémonies et, assez souvent, émigration d’un ou plusieurs membres de la famille.</p>
<h2>Un savoir-faire rudimentaire</h2>
<p>Ainsi, les techniques de travail de transformation demeurent rudimentaires. La plupart des tâches sont exécutées à la main ou avec du petit matériel que l’on retrouve dans la plupart des foyers de Ouagadougou : bassins en plastique, casseroles, pilons en bois…</p>
<p>Les conséquences les plus importantes de ce faible niveau technologique et de la rusticité du savoir-faire employé sont, d’un côté, l’absence d’innovation et, de l’autre, la multiplication exponentielle de ces activités qui se reproduisent suivant une sorte de mitose cellulaire. Cette segmentation de l’offre entraîne une segmentation de la demande : les marchés sont envahis par des produits homogènes.</p>
<p>Néanmoins, cette situation est aussi le résultat d’un modèle d’aide spécifique et de l’idée implicite de solidarité qu’il véhicule. Les entretiens ont permis de révéler que, dans le cadre de ces projets, les femmes sont encouragées à partager entre elles leur savoir-faire et leur marché. Comme déclare un agent d’une ONG qui appuie ce genre de projet, l’objectif serait de garder ces mini-unités « au même niveau » ; mais, en réalité, ces unités restent immobilisées à un stade proto-industriel où il n’y a ni progression ni régression. Cette observation est confirmée par le fait que, parmi les mini-activités de l’échantillon analysé, aucun passage d’échelle à des niveaux semi-industriels n’a été constaté.</p>
<h2>Les limites de l’économie de la survie</h2>
<p>Une autre conséquence, non moins importante, est la totale déconnexion entre les prix des produits et leur coût de production. Les produits arrivent sur le marché avec des prix de vente extrêmement bas qui ne semblent répondre à aucun autre principe sinon à la « fonction sociale » de l’économie de l’humanitaire, puisqu’ils permettent aux biens alimentaires de rester accessibles dans un pays où le pouvoir d’achat demeure extrêmement limité. Cependant, l’observation de certaines filières montre que l’expansion des AGR s’accompagne de la contraction des activités semi-industrielles qui, dans l’impossibilité de rester compétitives sur le marché, et à défaut d’appuis spécifiques, finissent soit par entrer dans l’économie de la survie soit par disparaître.</p>
<p>Cela participe à renforcer l’hypothèse de l’existence d’un « système économique de la survie » qui fonctionne selon des règles et des principes particuliers. Les données de terrain, la reconstruction des relations sociales et de pouvoir et donc de légitimité, et enfin l’analyse des conditions matérielles d’existence de ces unités montrent que malgré leur déplacement en ville, ces activités continuent à fonctionner selon un <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/Age-de-pierre-age-d-abondance">« mode de production domestique »</a>.</p>
<p>L’analyse du système d’appui et de l’origine des financements montre qu’il ne s’agit en aucun cas de « survivances » ou de quelconques vestiges du passé, mais d’un système contemporain, entretenu par les acteurs de l’aide internationale. Ce système, calqué sur les caractéristiques de modes de production traditionnels ou « informels », a fini par générer les « économies de la survie ». Comme le marché informel, ces économies fonctionnent au-delà de l’État. Néanmoins, ce ne sont pas les pouvoirs traditionnels, mais les ONG et les acteurs de l’aide qui structurent, organisent et légitiment ces économies.</p>
<p>Cependant, les effets ne sont pas seulement d’ordre économique mais aussi politique et social. Si d’un côté, l’économie humanitaire reproduit des modes de production domestique, de l’autre elle finit par renforcer un ordre politico-social spécifique puisque à chaque mode de production correspond un ordre social et politique spécifique.</p>
<h2>Aucun changement social en vue</h2>
<p>En fait, au sein de ces unités nous retrouvons des comportements traditionnels qui, avec l’économie humanitaire, se reproduisent – par exemple la division sexuée du travail ou la transmission verticale des savoirs dont les plus âgées restent les dépositaires tout en gardant leur pouvoir. De surcroît, si l’on considère que les pratiques de circulation du profit de ces unités sont destinées à satisfaire les besoins du ménage, on remarquera qu’elles n’ont aucune possibilité de soutenir des structures sociales (école, hôpitaux, etc.) qui dépassent le cadre familial.</p>
<p>C’est pourquoi ces activités ne génèrent aucun changement social, y compris en ce qui concerne la condition des femmes, dont l’autonomie économique ne s’accompagne pas d’une émancipation sociale et politique. Les femmes promotrices restent encastrées avec leurs recettes dans une trame de relations sociales traditionnelles qui continuent à les défavoriser. Bien que certaines d’entre elles aient pu créer de petits espaces d’autonomie à travers leurs activités, ces espaces restent circonscrits à une sphère individuelle qui ne devient jamais collective, à défaut de véritables changements sociopolitiques.</p>
<p>Les AGR ont été pensées pour assurer des revenus monétaires aux familles mais elles sont inadaptées pour répondre aux exigences alimentaires des villes. De plus, elles ne peuvent pas entraîner un passage d’échelle automatique entre la famille traditionnelle et la société puisque ces deux formes sociales révèlent de deux systèmes sociopolitiques et économiques différents.</p>
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<p><em>Roberta Rubino est soutenue par la Fondation Croix-Rouge française, dédiée à l’action humanitaire et sociale. Elle accompagne les chercheurs depuis la conception de leur projet de recherche jusqu’à la mise en valeur de leurs travaux, et la promotion de leurs idées.</em></p>
<p><em>Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la <a href="https://www.fondation-croix-rouge.fr/">Fondation Croix-Rouge française</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132323/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roberta Rubino a reçu des financements de la Fondation Croix-Rouge française pour cette étude.</span></em></p>Le soutien accordé par les acteurs de l’aide humanitaire aux petits entrepreneurs des pays pauvres n’est pas sans effets négatifs, comme le montre cette enquête réalisée au Burkina Faso.Roberta Rubino, Post-doctorante Anthropologue, UMR 201, Développement & Sociétés, IRD/IEDES,, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.