tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/canada-20444/articlesCanada – The Conversation2024-03-20T13:26:53Ztag:theconversation.com,2011:article/2256302024-03-20T13:26:53Z2024-03-20T13:26:53ZBrian Mulroney a été l’artisan d’une réconciliation entre le Canada et la Francophonie<p>L’Organisation internationale de la <a href="https://www.francophonie.org/">Francophonie</a>, communément appelée Francophonie, représente les pays et régions francophones du monde entier.</p>
<p>Malgré les <a href="https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-01-03/ou-va-l-organisation-internationale-de-la-francophoniert_2020.pdf">critiques persistantes</a> sur sa nature bureaucratique, les origines de la Francophonie remontent à la création de la <a href="https://www.francophonie.org/sites/default/files/2019-09/acct-textes-fondamentaux-1970-convention-et-charte-3.pdf">première agence multilatérale francophone</a> au Niger, en mars 1970. Cette organisation est née d’un <a href="https://doi.org/10.16993/bau">débat politique et d’un consensus</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.francophonie.org/sites/default/files/2020-02/passepo">Francophonie</a>, qui célèbre le 20 mars le 26<sup>e</sup> anniversaire de la <a href="https://www.un.org/fr/chronique-onu/celebrer-la-langue-fran%C3%A7aise-une-langue-internationale-au-service-de-peuples-connect%C3%A9s">Journée de la langue française</a>, aussi appelée <a href="https://www.francophonie.org/journee-internationale-de-la-francophonie-2024-3077">Journée internationale de la francophonie</a>, devait à l’origine se limiter à un rôle de promotion culturelle et linguistique et éviter tout conflit diplomatique. </p>
<p>À la suite du fameux « Vive le Québec libre » <a href="https://www.charles-de-gaulle.org/wp-content/uploads/2017/03/Discours-de-Montreal.pdf">du général Charles de Gaulle sur le Québec, en 1967</a>, le gouvernement de Pierre Trudeau s’est montré hostile à la présence d’une délégation québécoise autonome lors des <a href="https://doi.org/10.7202/700449ar">rencontres internationales de la Francophonie</a>.</p>
<p>Bien que le président centriste français Valery Giscard d’Estaing se soit engagé dans un <a href="https://books.openedition.org/pum/16738">rapprochement avec le Canada</a>, les relations diplomatiques entre la France, la Francophonie et le gouvernement canadien sont restées glaciales jusqu’à ce que feu Brian Mulroney devienne premier ministre.</p>
<h2>Une transition politique en France et au Canada</h2>
<p>L’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en France en 1981 a eu pour objectif de donner à la Francophonie un rôle géopolitique plus affirmé.</p>
<p>Au Canada, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Brian_Mulroney">Brian Mulroney</a> remporte en 1983 la direction du Parti progressiste-conservateur et devient député fédéral après avoir remporté une élection partielle en <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2053610/heritage-mulroney-acadie-francophonie-minoritaire">Nouvelle-Écosse</a>. Un an plus tard, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1280906/brian-mulroney-politique-federale-archives">il devient premier ministre à la suite d’une victoire écrasante</a>.</p>
<p>Mulroney venait de Baie-Comeau, une ville minière de la Côte-Nord du Québec. Ses racines à la fois anglophones et québécoises, ainsi que sa reconnaissance de la spécificité du Québec, ouvriront la voie à l’amélioration des relations entre le Canada, le Québec et la France. Son mandat de premier ministre marquera ainsi un tournant dans l’approche du Canada à l’égard de la Francophonie et de ses relations avec la France. </p>
<p>Dans sa biographie publiée en 2007 <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ps/2009-v28-n1-ps2957/001732ar.pdf"><em>Mémoires</em></a>, Mulroney témoigne de son <a href="https://plus.lapresse.ca/screens/aa9aea68-323b-4cac-addc-24868b8702c0%7C_0.html">respect pour Mitterrand</a>, car ce dernier a souhaité réparer les dommages causés par De Gaulle dans les relations entre la France et le Canada. Mulroney tient à souligner également dans cet ouvrage que, pour sa part, il a voulu rejeter l’héritage de Trudeau, qui avait choisi une stratégie de confrontation entre le Canada et le Québec. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1710904190501900456"}"></div></p>
<p>En novembre 1984, Mitterrand envoie son premier ministre <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/la-ve-republique/les-presidents-de-l-assemblee-nationale-depuis-1958/laurent-fabius">Laurent Fabius</a> au Canada pour renforcer les liens entre le Canada et la France.</p>
<p>Afin de balayer l’héritage gaulliste, Fabius lance dans son discours à la Chambre des communes un <a href="https://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/la-presse/200810/18/01-30599-de-versailles-a-quebec.php">« Vive le Canada ! »</a>. Cette stratégie sera <a href="https://www.universalis.fr/evenement/25-29-mai-1987-france-canada-visite-d-etat-du-president-francois-mitterrand-au-canada/">reprise</a> par Mitterrand dans le but de rééquilibrer les relations entre les deux pays.</p>
<h2>Le Sommet de Versailles</h2>
<p>Le premier sommet de la Francophonie a eu lieu à <a href="https://www.universalis.fr/evenement/17-19-fevrier-1986-premiers-etats-generaux-de-la-francophonie/">Versailles en 1986</a> et le Canada y a joué un rôle important. Dans les années 1970, l’organisation avait pris soin d’éviter de provoquer de nouvelles tensions entre le Québec et le Canada, mais l’élection de Mulroney était un signal clair pour aller de l’avant avec l’organisation multilatérale. </p>
<p>Pour Mulroney, la participation du Canada au premier sommet de la Francophonie symbolise la reconnaissance mondiale du multiculturalisme du pays. C’est pourquoi il s’était évertué à convaincre les provinces du Québec et du <a href="https://onfr.tfo.org/brian-mulroney-etait-monte-front-pour-droits-des-minorites-francophones/">Nouveau-Brunswick</a> de participer au sommet. </p>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucien_Bouchard">Lucien Bouchard</a>, ambassadeur du Canada en France à l’époque, jouera un rôle actif dans les coulisses du premier sommet afin de rapprocher la France et le Canada. Dans ses <em>Mémoires</em>, Mulroney rend effectivement hommage au travail acharné de Bouchard <a href="https://www.ledevoir.com/monde/425014/petit-precis-de-la-francophonie">dans la préparation du sommet</a>. </p>
<p>De nombreux experts estiment que le <a href="https://doi.org/10.17045/sthlmuni.12993554.v1">sommet de Versailles</a> a renforcé l’impact géopolitique des institutions de la Francophonie.</p>
<p>Les chefs d’État et de gouvernement réunis à Versailles en 1986 ont accepté la proposition de Mulroney d’accueillir un <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/291">deuxième sommet au Québec</a> </p>
<p>Pour Mulroney, il était normal que le Québec joue un rôle de premier plan dans le monde francophone. </p>
<h2>Le Sommet de Québec</h2>
<p>Le deuxième sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Québec en 1987, a également été l’occasion de resserrer les liens entre la province et le reste du Canada.</p>
<p>Mulroney a entretenu des relations amicales avec <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/robert-bourassa">Robert Bourassa</a>, le premier ministre du Québec de l’époque, bien qu’il ait précisé que, même si la province de Québec avait des liens étroits avec les nations francophones, seul le premier ministre canadien pouvait parler au nom du Canada lors des sommets de la Francophonie.</p>
<p>L’année 1987 a été importante pour le leadership international de Mulroney, puisqu’il a également accueilli le sommet du Commonwealth <a href="https://doi.org/10.1080/00358538808453848">à Vancouver</a>. Il a notamment utilisé ses talents de diplomate au cours de ce sommet pour condamner de nouveau le régime de l’apartheid en <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/lettres/808421/brian-mulroney-apartheid">l’Afrique du Sud</a>.</p>
<p>Pour Mulroney, la Francophonie et le Commonwealth étaient des <a href="https://archive.org/details/brianmulroneylho0000gend">arènes</a>, des lieux de débat, qui pouvaient facilement servir à transmettre des messages diplomatiques forts au monde.</p>
<p>Alors que Mulroney se prépare pour le Sommet de la Francophonie de Québec, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_du_lac_Meech">l’Accord du lac Meech</a> reconnaît la province comme une <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/accord-du-lac-meech">société distincte</a>. Bien que l’accord ne soit jamais entré en vigueur, il confirmait l’engagement de Mulroney en faveur de la réconciliation entre le Canada français et le Canada anglais.</p>
<p>Reconnaître la spécificité du Québec et jouer un rôle actif dans les institutions de la Francophonie faisaient effectivement partie du même programme de Mulroney.</p>
<h2>Fier d’être Canadien et francophile</h2>
<p>Lors des sommets ultérieurs de la Francophonie, les déclarations du Canada seront souvent adoptées par les autres nations francophones. C’est ainsi qu’au sommet de Dakar en 1989, le Canada a demandé et obtenu l’effacement d’une <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/05/26/le-sommet-francophone-de-dakar-m-francois-mitterrand-annonce-l-annulation-de-la-dette-publique-de-trente-cinq-pays-pauvres_4147210_1819218.html">partie de la dette publique des pays africains membres de la Francophonie</a>.</p>
<p>L’ancien journaliste et premier secrétaire général de l’Agence de coopération culturelle et technique de la Francophonie, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marc_L%C3%A9ger_%C3%A9crivain">Jean-Marc Léger</a>, est considéré à juste titre comme l’un des artisans de la création de la Francophonie, aux côtés de <a href="https://doi.org/10.17045/sthlmuni.12942311.v1">ses fondateurs</a> <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9opold_S%C3%A9dar_Senghor">Léopold Sédar Senghor</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hamani_Diori">Hamani Diori</a>, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Norodom_Sihanouk">prince Norodom Sihanouk</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Habib_Bourguiba">Habib Bourguiba</a>. </p>
<p>Mulroney devrait sans aucun doute être ajouté à cette liste. Le défunt premier ministre a contribué à transformer l’organisation en l’entité géopolitique importante qu’elle est aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225630/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Premat a reçu un financement de la Coopération nordique et balte avec la bourse éducative Nordplus, années 2020-2022. Avec l'aide de cette subvention, il a créé un cours d'introduction sur les études canadiennes.</span></em></p>Les relations diplomatiques entre la France, la Francophonie et le gouvernement canadien sont restées glaciales jusqu’à ce que feu Brian Mulroney devienne premier ministre.Christophe Premat, Associate Professor in French Studies (cultural studies), head of the Centre for Canadian Studies, Stockholm UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260932024-03-20T13:26:40Z2024-03-20T13:26:40ZTikTok représente-t-il une menace pour la sécurité des Canadiens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582615/original/file-20240315-30-xv5fae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C5472%2C3571&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">TikTok ne représente pas plus une menace pour la démocratie que les autres plateformes de médias sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la Chambre des représentants a adopté le 13 mars une proposition de loi qui prévoit <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/point-du-jour/segments/entrevue/485186/tiktok-application-mobile-renseignement-informations-privees-risque">l’interdiction de TikTok aux États-Unis</a>, les inquiétudes concernant les menaces que TikTok fait peser sur la vie privée et la liberté des personnes ont de nouveau été soulevées. </p>
<p>De son côté, le gouvernement fédéral du Canada a révélé qu’il avait commencé à enquêter il y a plusieurs mois pour déterminer si le contrôle étranger de l’application <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057224/ottawa-canada-tiktok-securite-nationale">constituait une menace pour la sécurité nationale</a>. </p>
<p>Les représentants du gouvernement canadien considèrent que TikTok représente une menace pour les Canadiens de deux manières : en violant leur vie privée par la collecte d’un grand nombre de données ; en sabotant la démocratie par le biais de la désinformation et de la manipulation.</p>
<p>Ces menaces sont-elles théoriques ou réelles ? Existe-t-il des preuves étayant les craintes que le gouvernement chinois exerce un contrôle sur <a href="https://www.bloomberg.com/profile/company/1774397D:CH">ByteDance Ltd</a>, l’entreprise basée à Pékin qui possède TikTok ?</p>
<p>Il y a de bonnes raisons de penser que TikTok peut constituer une menace pour notre vie privée, mais pas pour notre démocratie. La plate-forme collecte peut-être trop de données, mais les craintes que la Chine utilise TikTok pour nous désinformer ou nous manipuler à des fins politiques sont injustifiées. </p>
<p>La Chine n’a pas besoin de contrôler TikTok pour influencer nos élections. Elle peut le faire assez facilement sans cette application. Les efforts actuels du Canada pour minimiser la menace que TikTok représente pour la sécurité nationale ne neutraliseront pas la menace que les médias sociaux font peser sur la démocratie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Radio-Canada se penche sur l’interdiction potentielle de TikTok.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les préoccupations en matière de protection de la vie privée sont bien réelles</h2>
<p>Mais TikTok représente une menace pour notre vie privée. Les régulateurs européens ont notamment <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">infligé des amendes à TikTok pour avoir collecté des données</a> auprès d’utilisateurs trop jeunes pour donner un consentement valable. Ils ont aussi condamné l’application pour avoir utilisé les données privées à mauvais escient et pour avoir « incité » les utilisateurs, par le biais de leurs paramètres par défaut, à adopter un comportement portant atteinte à la vie privée des personnes. </p>
<p>Des recours collectifs au Canada et aux États-Unis ont présenté un <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">argumentaire similaire</a>.</p>
<p>Les experts en cybersécurité ont <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">mis en garde contre le caractère invasif de l’application</a>, car elle suit la localisation de l’utilisateur, les messages qu’il reçoit et les réseaux auxquels il accède. Les autorisations sont enfouies dans les paramètres de l’application, mais la <a href="https://www.forbes.com/sites/emilsayegh/2022/11/09/tiktok-users-are-bleeding-data/">plupart des utilisateurs ne sont pas au courant de leur existence</a> ou ne prennent pas la peine de les vérifier.</p>
<p>Fin mars, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et ses trois homologues provinciaux devraient <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/nouvelles-du-commissariat/nouvelles-et-annonces/2023/an_230223/">présenter un rapport d’enquête</a> sur la manière dont TikTok recueille et utilise nos données. La Commission recommandera très probablement de suivre l’exemple de l’Europe en adoptant une législation exigeant une plus grande transparence des données collectées par TikTok et des restrictions supplémentaires quant à leur utilisation.</p>
<h2>Craintes d’ingérence de la Chine</h2>
<p>Le 1<sup>er</sup> mars, le gouvernement fédéral a publié une nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/innovation-sciences-developpement-economique/nouvelles/2024/03/le-canada-resserre-les-lignes-directrices-sur-les-investissements-etrangers-dans-le-secteur-des-medias-numeriques-interactifs.html">politique selon laquelle les plates-formes étrangères</a>, comme TikTok, feraient l’objet d’un « examen approfondi » en vertu des pouvoirs conférés par la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/I-21.8/index.html">loi sur l’investissement au Canada</a>. En vertu de cette loi, le gouvernement peut imposer des conditions aux investisseurs ou entreprises étrangers lorsqu’il existe des « motifs raisonnables de croire » que leur présence au Canada « pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ».</p>
<p>Les ministres ont été <a href="https://www.canadianlawyermag.com/practice-areas/crossborder/federal-government-issues-additional-directions-for-interactive-digital-media/384566">clairs et directs quant à leurs préoccupations</a> : « des acteurs hostiles soutenus ou influencés par l’État pourraient tenter de tirer parti des investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs pour diffuser de la désinformation et manipuler l’information ».</p>
<p><a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">Vingt-six pour cent des Canadiens utilisent désormais TikTok</a>. La filiale canadienne de TikTok pourrait-elle prendre des mesures pour empêcher le gouvernement chinois de se livrer à la désinformation ou à la manipulation ?</p>
<h2>Pourquoi les inquiétudes sont injustifiées</h2>
<p>En février, la direction du renseignement national des États-Unis a publié une <a href="https://www.dni.gov/files/ODNI/documents/assessments/ATA-2024-Unclassified-Report.pdf">évaluation des menaces</a>, révélant que des comptes TikTok gérés par un « organe de propagande » du gouvernement chinois « ont ciblé des candidats des deux partis politiques pendant le cycle électoral américain de mi-mandat en 2022 ».</p>
<p>Cependant, comme l’a fait remarquer un commentateur dans le <em>New York Times</em>, le rapport du renseignement national ne dit pas <a href="https://www.nytimes.com/2024/03/14/opinion/tiktok-ban-house-vote.html">si les algorithmes de TikTok ont favorisé ces comptes malveillants</a>. La Chine a peut-être utilisé TikTok pour désinformer et manipuler, mais elle n’avait pas besoin de le faire en dirigeant ByteDance.</p>
<p>Une étude réalisée en 2021 par le Citizen Lab de l’université de Toronto a examiné en profondeur le code de TikTok et ses capacités de collecte de données. Ses conclusions confirment que <a href="https://citizenlab.ca/2021/03/tiktok-vs-douyin-security-privacy-analysis/">TikTok n’est pas plus invasif</a> que Facebook, Instagram ou d’autres plates-formes de médias sociaux. </p>
<p>L’étude a révélé que TikTok et sa version chinoise, Douyin, « ne semblent pas présenter de comportements ouvertement malveillants similaires à ceux que l’on trouve dans les logiciels malveillants ». Bien que Douyin contienne « des caractéristiques qui posent des problèmes de confidentialité et de sécurité, telles que le chargement de code dynamique et la censure des recherches côté serveur », l’étude révèle que « TikTok ne contient pas ces caractéristiques ».</p>
<p>Cela ne signifie pas que la Chine n’est pas en mesure d’ordonner à ByteDance de faire des choses qui pourraient nuire aux Canadiens. Mais cela confirme l’idée que la Chine n’a pas besoin de mobiliser ByteDance pour le faire ; un agent du gouvernement chinois (ou toute autre personne) peut facilement le faire en se faisant passer pour un utilisateur ordinaire.</p>
<p>En bref, les craintes d’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes et américaines peuvent être justifiées. Mais tout comme la Russie a pu utiliser de faux comptes sur Facebook pour interférer dans <a href="https://www.intelligence.senate.gov/sites/default/files/documents/Report_Volume2.pdf">l’élection présidentielle américaine de 2016</a>, la Chine peut nous désinformer et nous manipuler en utilisant n’importe quel autre des médias sociaux, contre nous. </p>
<p>Cela met en évidence la véritable menace qui pèse sur notre démocratie : les médias sociaux que nous ne pouvons pas contrôler.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226093/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Diab ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Environ le quart des Canadiens utilisent TikTok. Réglementer l’application au Canada est-il la meilleure approche pour éviter toute influence politique extérieure ?Robert Diab, Professor, Faculty of Law, Thompson Rivers UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247162024-03-12T14:06:48Z2024-03-12T14:06:48ZVoici comment les données d’audience façonnent le journalisme canadien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580776/original/file-20240308-18-9gbysh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4091%2C2733&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La façon dont les journalistes considèrent leur audience dans les salles de rédaction a beaucoup évolué. Ce changement est largement dû aux données d'audience.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les grands groupes médiatiques <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2024-02-08/bce-elimine-4800-emplois-vend-des-stations-de-radio-et-ecorche-ottawa.php">suppriment des emplois, réduisent leur programmation</a>, et des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2010982/medias-metro-cession-actifs-annonce">publications mettent fin à leurs activités</a>. Face aux défis de <a href="https://www.cem.ulaval.ca/publications/dnr-2023-canada-fr/">l’évitement des nouvelles et de la baisse de confiance</a> à l’égard du journalisme, c’est devenu une question de survie pour les journalistes que de trouver des moyens d’attirer, d’intéresser et de fidéliser leur public.</p>
<p>La manière dont ils considèrent leur public dans les salles de rédaction a beaucoup évolué. Ce changement est dû en grande partie aux <a href="https://j-source.ca/heres-how-metrics-and-analytics-are-changing-newsroom-practice/">données d’audience</a>, de plus en plus abondantes.</p>
<p>En effet, les journalistes reçoivent presque constamment des rétroactions sur le contenu qu’ils créent. Qu’ils travaillent en ligne, à la télévision, à la radio ou dans la presse traditionnelle, ils fournissent des informations à de multiples plates-formes. Ils sont donc exposés chaque jour à des données quantitatives (mesures du comportement de l’audience sur les sites web et les médias sociaux) et qualitatives (commentaires sur les médias sociaux).</p>
<p>Comme nous l’a dit un journaliste de télévision :</p>
<blockquote>
<p>On sait exactement jusqu’où quelqu’un fait défiler une page, combien de secondes il passe sur une page, quel appareil il utilise. Nous en savons tellement sur notre public, tout comme Google en sait sur le sien.</p>
</blockquote>
<p>Mais quel est l’impact de toutes ces données sur la façon dont les journalistes perçoivent leur public et le contenu qu’ils publient ? C’est ce nous explorons dans un <a href="https://doi.org/10.1080/17512786.2024.2310712">article récemment publié</a> sur le journalisme orienté vers l’auditoire.</p>
<h2>Le journalisme orienté vers l’auditoire</h2>
<p>Il implique trois rôles spécifiques :</p>
<ul>
<li><p>un rôle d’infodivertissement — utilisation de stratégies narratives et d’un style s’alignant sur des médias plus axés sur le divertissement ; </p></li>
<li><p>un rôle civique — contenus visant l’éducation des citoyens à leurs droits ou la défense de leurs revendications ; </p></li>
<li><p>un rôle de service — promotion de produits ou aide à la résolution de problèmes de la vie quotidienne.</p></li>
</ul>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="site web du Toronto Star" src="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Trouver des moyens d’attirer, d’intéresser et de fidéliser un public est devenu une question de survie pour les professionnels de l’information.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons <a href="https://j-source.ca/a-global-study-on-pandemic-era-news-explores-the-gap-between-journalists-ideals-and-realities/">analysé plus de 3 700 articles</a> publiés en 2020, réalisé une enquête par questionnaire à 133 journalistes en 2020 et 2021, et interviewé 13 journalistes au cours de la même période. Les médias à l’étude sont TVA, CBC/Radio-Canada, <em>La Presse</em>, le <em>Toronto Star</em>, <em>Globe and Mail</em>, <em>National Post</em>, CTV, Global News et <em>HuffPost Canada</em>. Ayant nous-mêmes travaillé dans des salles de rédaction, nous avons pu contextualiser nos résultats en fonction de nos propres expériences.</p>
<p>Nous avons constaté que les données d’audience ont un impact important sur les pratiques des médias d’information canadiens. Au sein du défunt <a href="https://theconversation.com/bottom-up-audience-driven-and-shut-down-how-huffpost-canada-left-itsan-media-175805"><em>HuffPost Canada</em></a>, par exemple, l’audience était segmentée en types ou profils de lecteurs sur la base des données d’audience. Comme l’a expliqué un rédacteur en chef, « nous faisons X, Y et Z pour ce type d’article et pour ce type de personne ». En fait, la manière de rédiger un article était adaptée au profil de son destinataire.</p>
<p>Les journalistes sont également conscients de l’importance des données d’audience d’un point de vue commercial. Comme l’a fait remarquer l’un d’eux :</p>
<blockquote>
<p>Il s’agit d’algorithmes que je ne comprends pas tout à fait, mais qui aident nos experts à déterminer comment personnaliser l’expérience de l’utilisateur lorsqu’il se rend sur le site web. Il vous montre donc des choses qui vous intéressent, de la même manière que Facebook et Twitter, ce qui maintient l’intérêt des gens pour votre site web, ce qui signifie plus d’abonnés, ce qui signifie que je peux conserver mon emploi rémunéré.</p>
</blockquote>
<p>Les réponses à notre enquête confirment l’importance des données d’audience dans la sélection, le développement et la promotion des sujets, ainsi que dans la mesure de leur valeur. <a href="https://doi.org/10.1177/1464884913504259">D’autres études</a> ont montré que les journalistes peuvent minimiser <a href="https://doi.org/10.1177/1464884915595474">l’importance des données</a> dans leurs décisions éditoriales, de sorte que l’impact pourrait être encore plus important que ce que nous avons mesuré.</p>
<h2>Infodivertissement et sensationnalisme</h2>
<p>On déplore souvent que l’omniprésence des données dans les salles de rédaction favorise le clickbait ou les articles à sensation qui stimulent le trafic au détriment de reportages sur des enjeux plus importants — et <a href="https://doi.org/10.1080/21670811.2018.1504626">c’est parfois le cas</a>. </p>
<p>Le sensationnalisme fait partie de notre catégorie d’infodivertissement. Cependant, notre analyse de contenu a révélé qu’une grande partie de ce qui est qualifié d’infodivertissement dans le journalisme canadien implique des qualificatifs descriptifs et la présence de détails pertinents et personnels sur le sujet traité. Si cela est fait de manière appropriée, cela peut donner plus de nuances et de contexte à un article.</p>
<p>En outre, au Canada, l’infodivertissement est souvent associé à la partie « éducative » du rôle civique. Par exemple, un rédacteur en chef nous a expliqué qu’il cherchait à trouver l’aspect « plus amusant » (infotainment) d’un article qui peut constituer un « point d’entrée » pour informer le public sur des sujets tels que les règles parlementaires.</p>
<p>En outre, les rôles civiques et de service sont souvent combinés : par exemple, des informations pertinentes à la vie quotidienne peuvent aussi influencer la compréhension des processus politiques ou éclairer le public sur les droits des citoyens.</p>
<p>Près de 80 % des articles que nous avons sélectionnés comportaient au moins un rôle orienté vers le public, et près de 40 % en comportaient plus d’un. Cela prouve bien que les publics sont au centre des préoccupations dans les salles de rédaction. </p>
<p>Nos conversations ont également révélé que même si les rédactions ne sont pas toujours en mesure <a href="https://slate.com/technology/2021/03/imagined-audiences-journalism-analytics-intuition.html">d’interpréter avec précision</a> les attentes du public, elles consacrent beaucoup de temps et de ressources à essayer de le faire.</p>
<h2>L’importance des médias sociaux</h2>
<p>La plupart des journalistes avec lesquels nous nous sommes entretenus utilisent les médias sociaux, parce qu’ils les considèrent comme un outil important pour atteindre le public, trouver des sources et promouvoir leur travail. Plus de 78 % des journalistes interrogés reconnaissent qu’il s’agit d’un outil important pour entrer en contact avec le public.</p>
<p>Cependant, les journalistes ont également noté les inconvénients des médias sociaux, notamment en ce qui concerne la polarisation politique. Un journaliste de la presse écrite a déclaré : </p>
<blockquote>
<p>S’ils permettent de trouver un public, ce dont nous avons absolument besoin, ils ont aussi créé un forum où l’on peut attaquer les journalistes et la presse libre.</p>
</blockquote>
<p>Cet environnement hostile a poussé une autre journaliste à faire attention à son choix de mots afin de toucher un public plus large :</p>
<blockquote>
<p>Je fais délibérément des efforts pour essayer d’atteindre les gens qui essaient de m’ignorer. En fait, c’est le public cible que vous visez lorsque vous écrivez. Vous évitez donc d’utiliser inutilement des termes qui sont tournés en dérision, non pas parce que nous ne méritons pas d’utiliser ces termes… mais parce que ce que vous essayez de faire, c’est d’atteindre ces personnes.</p>
</blockquote>
<p>Même si les gens ne font pas confiance à l’information ou à un certain média, la recherche montre qu’ils peuvent reconnaître et apprécier le <a href="https://doi.org/10.4324/9781003257998">journalisme de qualité</a>. </p>
<p>Les journalistes canadiens doivent trouver des moyens de comprendre et d’atteindre un public qui ne veut pas toujours les écouter. Ils s’efforcent de le faire. Il reste à voir si cela fonctionne et quel impact durable auront leurs efforts sur les normes journalistiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224716/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicole Blanchett a reçu des financements de Mitacs, du Centre d'études sur les médias, du Journalism Research Centre de la Toronto Metropolitan University, de la Creative School de la Toronto Metropolitan University, de la Toronto Metropolitan University et du CRSH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les travaux de Colette Brin sont financés en partie par le ministère de la Culture et des Communications du gouvernement du Québec et le Fonds de recherche du Québec - Société et culture. L'édition canadienne du Digital News Report est financée par Patrimoine canadien par l'intermédiaire de Médias d'info Canada. La professeure Brin est directrice du Centre d'études sur les médias, entité de recherche indépendante à but non lucratif hébergée à l'Université Laval en partenariat avec l'Université de Montréal et l'Université du Québec à Montréal. Elle est également présidente du Conseil consultatif indépendant sur l'admissibilité aux mesures fiscales pour le journalisme, en collaboration avec l'Agence du revenu du Canada. </span></em></p>Une nouvelle étude sur le journalisme canadien examine l’impact des données d’audience sur l’information dans les médias et la perception qu’ont les journalistes de leur public.Nicole Blanchett, Associate Professor, Journalism, Toronto Metropolitan UniversityColette Brin, Professor and Director, Centre d'études sur les médias, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2250382024-03-06T16:09:48Z2024-03-06T16:09:48ZVoici ce que la faillite de Lynx Air nous dit sur la situation de l’industrie aérienne canadienne<p>Lynx Air <a href="https://globalnews.ca/news/10319776/lynx-air-shutdown-low-cost-airline-failures/">est la dernière d’une longue série de compagnies aériennes</a> à bas prix à faire faillite au Canada. Le transporteur a cessé ses activités le 26 février, quatre jours après avoir annoncé s’être placé <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2024-02-24/en-defaut-de-paiement-a-montreal-trudeau/lynx-air-ne-payait-plus-les-aeroports.php">sous la protection de ses créanciers</a>.</p>
<p>Ce scénario n’est pas nouveau dans l’aviation commerciale canadienne : le pays a vu son lot de faillites de transporteurs à bas prix en raison d’une mauvaise santé financière.</p>
<p>Au cours des 30 dernières années, des compagnies telles que <a href="https://www.cbc.ca/news/business/canada-3000-timeline-1.298111">Canada 3000</a>, <a href="https://simpleflying.com/nationair-canada-what-happened/">Nationair</a>, <a href="https://www.travelweekly.com/Travel-News/Airline-News/Greyhound-Air-to-Shut-Down">Greyhound Air</a>, <a href="https://www.ctvnews.ca/business/remember-roots-airline-a-list-of-canadian-discount-airlines-that-have-left-the-skies-1.6785045">Roots Air</a> et <a href="https://www.lesaffaires.com/secteurs/aeronautique-et-aerospatiale/skyservice-airlines-fait-faillite/512504">SkyService</a> ont succombé à des difficultés financières et ont disparu de la scène du transport à rabais canadien.</p>
<p>La fin de Lynx nous offre l’occasion de faire le point sur la situation du transport aérien commercial au Canada et d’identifier les défis et les possibilités qui s’offrent pour maintenir, voire améliorer, la durabilité du secteur.</p>
<h2>Pourquoi Lynx a-t-il échoué ?</h2>
<p>Pendant plusieurs semaines, au début de l’année, les <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/2024-02-14/transporteurs-aeriens-a-bas-couts/flair-airlines-et-lynx-air-envisagent-un-mariage.php">spéculations allaient bon train sur une fusion imminente entre Flair Airlines et Lynx</a>. Cela aurait signifié que les voyageurs à la recherche de bas prix seraient devant un avenir incertain, avec la disparition d’un transporteur.</p>
<p>Aucun des deux transporteurs n’a reconnu publiquement l’existence d’un tel accord, se contentant de déclarer qu’ils <a href="https://www.aerotime.aero/articles/ynx-air-flair-airlines-merger-talks">ne feraient pas de commentaires sur ces spéculations</a>.</p>
<p>Les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2052654/lynx-dette-flair-creanciers">difficultés financières de Lynx</a> — une société privée qui n’est pas tenue de rendre publics ses résultats d’exploitation financiers — ont été citées comme le principal facteur à l’origine de la situation actuelle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Comptoirs d’enregistrement de Flair Airlines" src="https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579031/original/file-20240229-20-2lth77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comptoirs d’enregistrement de Flair Airlines à l’aéroport international d’Edmonton en mars 2020. Au début de l’année 2024, il a été question d’une fusion entre Flair et Lynx.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>On s’attendrait à ce que l’entreprise susceptible d’acquérir Lynx soit en mesure de répondre à toutes les questions financières liées à la fusion. Mais Flair semblait avoir ses propres problèmes, qu’il s’agisse de la <a href="https://www.thestar.com/business/ceo-says-flair-has-resolved-foreign-ownership-issue-mostly-amid-regulatory-probe/article_2643890f-051d-5f4f-8627-a147681560f4.html">gouvernance d’entreprise</a> ou de ses <a href="https://www.ledevoir.com/economie/806202/flair-airlines-doit-67m-impots-impayes-ottawa">finances</a>.</p>
<p>La fusion n’a pas été conclue, de nombreuses allégations contenues dans les documents judiciaires de Lynx faisant état de la <a href="https://globalnews.ca/news/10321582/lynx-air-debt-flair-airlines-purchase/">nécessité de rembourser la dette d’un de ses actionnaires</a>.</p>
<p>En bref, il s’agissait de deux compagnies aériennes fragiles sur le plan financier qui tentaient de fusionner, sans qu’aucune d’elles ne dispose de la solidité nécessaire. Lynx a préparé rapidement son dépôt de bilan.</p>
<h2>Pourquoi les compagnies aériennes n’ont-elles pas tiré de leçons de tous ces échecs ?</h2>
<p>Les entrepreneurs qui lancent des compagnies aériennes à bas prix sont convaincus que le succès de leur compagnie repose sur leur capacité à attirer un grand nombre de passagers. Elles visent à hausser la demande et à <a href="https://aeroxplorer.com/articles/a-quick-reference-guide-to-starting-your-own-airline.php">maintenir leur position concurrentielle sur les marchés qu’elles desservent</a>.</p>
<p>La plupart de ces compagnies aériennes à vocation entrepreneuriale ont pour point commun d’utiliser la tarification comme une <a href="https://www.cnn.com/travel/article/airline-pricing-secrets/index.html">tactique de base pour stimuler et conquérir le marché</a>.</p>
<p>Pendant une bonne partie de l’année 2022 et au début de 2023, <a href="https://globalnews.ca/news/8973662/how-to-find-cheaper-flights-canada-airfare/">Lynx et Flair ont été les leaders en matière de prix en Amérique du Nord, parfois avec des écarts importants</a>. Ces deux compagnies se sont principalement fait concurrence en introduisant de nouveaux services partout au Canada et aux États-Unis, permettant ainsi aux Canadiens de <a href="https://www.theglobeandmail.com/investing/personal-finance/household-finances/article-price-of-flights-fall-2022-travel/">réaliser des économies sur les tarifs aériens et engendrant de la demande</a>.</p>
<p>Cette concurrence basée sur le prix n’a toutefois pas généré suffisamment de recettes pour assurer une rentabilité, même minime. Le duopole de compagnies aériennes établies au Canada — Air Canada et WestJet — n’a pas réagi activement à cette guerre de prix, car ces compagnies <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1836052/passagers-voyages-departs-pandemie-tourisme">étaient occupées à reconstituer leur capacité à la suite des licenciements liés à Covid</a>.</p>
<p>À l’automne 2023, après l’assimilation de Swoop et de Sunwing à WestJet, Air Canada et WestJet ont pris un certain nombre de mesures tarifaires. Elles ont proposé des liaisons concurrentielles avec celles de Flair et de Lynx, ce qui a permis de <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/article-airlines-ramp-up-growth-plans-amid-increased-competition-setting-stage/">réduire l’écart de prix entre les transporteurs canadiens</a>.</p>
<p>Le compte à rebours a alors commencé pour les transporteurs à bas prix. Lynx a manqué de temps et d’argent en février 2024 et le temps de Flair est probablement compté.</p>
<h2>Le duopole est-il à blâmer ?</h2>
<p>Les décisions tarifaires prises à l’automne 2023 semblent indiquer des initiatives visant à diminuer l’attrait des transporteurs au rabais, en particulier pour les clients de WestJet et d’Air Canada.</p>
<p>Malgré le succès des programmes de récompense pour grands voyageurs et l’inclusion d’éléments de voyage considérés comme secondaires dans les offres des transporteurs à bas prix, la <a href="https://globalnews.ca/news/8983216/canada-recession-inflation-leger-poll/">crainte d’une récession a réduit de façon importante la demande de transport aérien</a> au Canada. Des décisions tarifaires s’en sont suivies.</p>
<p>L’attrait tarifaire des compagnies aériennes à bas prix s’est rapidement dissipé et les a contraints à diminuer davantage les tarifs pour <a href="https://globalnews.ca/news/10282017/flair-airlines-2024-travel-forecast/">conserver leur position sur le marché</a>.</p>
<p>Le gouvernement canadien a maintenu son point de vue quant au fait que le marché du transport aérien devait être libre de toute surveillance gouvernementale et que les voyageurs étaient les mieux placés pour <a href="https://globalnews.ca/news/9409483/poilievre-conservatives-safety-inflation-travel/">juger de la capacité de survie des transporteurs</a>.</p>
<h2>Changer de voie</h2>
<p>Le moment est peut-être venu d’envisager un nouveau modèle pour gérer le comportement tarifaire des compagnies aériennes qui fixent des prix inférieurs au niveau de rentabilité. Il convient également de se pencher sur les pratiques de WestJet et d’Air Canada, qui ont adopté des mesures tarifaires agressives destinées à compromettre la viabilité des transporteurs à bas prix.</p>
<p>Un grand nombre de modifications à apporter au modèle canadien de transport aérien commercial ont été proposées, en particulier celles qui visent la création d’une agence de l’aviation civile similaire à la <a href="https://www.faa.gov/about">Federal Aviation Administration aux États-Unis</a> et à la <a href="https://www.gov.uk/government/organisations/civil-aviation-authority">Civil Aviation Authority au Royaume-Uni</a>. Cela permettrait de séparer la surveillance commerciale des mesures de réglementation, qui sont actuellement toutes deux administrées par Transports Canada.</p>
<p>Une autre possibilité consisterait à instaurer une réglementation des tarifs aériens qui établirait un prix plancher pour les transporteurs à bas prix, ainsi que des limites de prix pour les grands transporteurs qui sont en concurrence avec les transporteurs à bas prix. Ces derniers pourraient ainsi disposer d’une marge de manœuvre pour proposer des tarifs sans être menacés par des mesures agressives.</p>
<p>Il est important de tirer des leçons de l’échec des transporteurs à bas prix, de tenir compte de l’angoisse ressentie par les voyageurs et le personnel des compagnies aériennes et de prendre les mesures qui s’imposent pour modifier la situation. La réputation du marché canadien du transport aérien mérite qu’on se penche là-dessus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225038/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Gradek ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fermeture de Lynx est un moment opportun pour faire le point sur l’état du transport aérien commercial au Canada et pour identifier les défis et les possibilités qui s’offrent.John Gradek, Faculty Lecturer and Academic Program Co-ordinator, Supply Network and Aviation Management, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2249192024-03-03T15:34:49Z2024-03-03T15:34:49ZBrian Mulroney, champion du libre-échange, a rapproché le Canada des États-Unis<p>Brian Mulroney — le 18<sup>e</sup> premier ministre du Canada, <a href="https://twitter.com/C_Mulroney/status/1763337379165934039">décédé le 29 février 2024 à l’âge de 84 ans</a> — restera dans les mémoires pour plusieurs raisons. Mais la décision la plus importante qu’il a prise au cours de ses deux mandats a été d’unir l’avenir du Canada à celui des États-Unis.</p>
<p>Contrairement au premier ministre libéral Pierre Trudeau, <a href="https://www.snopes.com/fact-check/did-trudeau-say-worse-things-better-men/">qui a entretenu des relations difficiles avec plusieurs présidents américains</a> dans les années 1960, 1970 et 1980, Brian Mulroney était un américanophile inconditionnel.</p>
<p>Après tout, il avait grandi à <a href="https://www.tourismebaiecomeau.com/histoire?lang=en">Baie-Comeau</a>, au Québec, une ville fondée par un riche industriel américain — Robert Rutherford McCormick — pour produire du papier journal bon marché pour les journaux de New York et de Chicago. Mulroney se souvient qu’enfant, il chantait parfois pour McCormick afin d’obtenir de petites récompenses monétaires.</p>
<p>## Négociation de l’accord de libre-échange </p>
<p>L’admiration de Mulroney pour le capitalisme américain était évidente à travers sa politique. Un an après avoir été <a href="https://www.cbc.ca/archives/brian-mulroney-wins-stunning-landslide-victory-in-1984-1.4675926">élu avec une large majorité en 1984</a>, Mulroney a déclaré qu’il voulait négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis. </p>
<p>Peu après, Mulroney a accueilli le président américain de l’époque, Ronald Reagan, pour ce qui a été appelé le <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2015/03/17/il-y-a-30-ans-a-quebec-le-sommet-des-irlandais">« Sommet des Irlandais »</a> ou « Shamrock Summit » (Sommet du trèfle) dans la ville de Québec. Les deux dirigeants, tous deux fiers de leur héritage irlandais, étaient montés sur scène et s’étaient lancés dans une interprétation de la célèbre chanson <em>When Irish Eyes Are Smiling</em>.</p>
<p>Bien que certains Canadiens aient pu grimacer à la vue des deux hommes chantant ensemble, la relation étroite entre Mulroney et Reagan a été un atout politique pour le leader progressiste-conservateur.</p>
<h2>Une deuxième majorité</h2>
<p>Mulroney et Reagan signent l’accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada le 2 janvier 1988. Brian Mulroney fera campagne sur cet accord lors des élections générales canadiennes du mois de novembre de la même année et remportera une deuxième majorité consécutive.</p>
<p>Certains médias internationaux ont surnommé Mulroney <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2015/03/17/il-y-a-30-ans-a-quebec-le-sommet-des-irlandais">« le père du libre-échange nord-américain »</a> dans les articles consacrés à son décès.</p>
<p>Les années Mulroney ont marqué la fin d’un règne de deux décennies des libéraux sous Lester Pearson, Pierre Trudeau et John Turner. Mulroney oriente désormais la politique canadienne vers la droite en négociant l’accord de libre-échange. D’autres politiques controversées — la <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/societe-detat">privatisation des sociétés d’État</a> comme Air Canada et Petro-Canada, et l’introduction de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxe_sur_les_produits_et_services">la taxe sur les produits et services (TPS)</a> — n’ont pas été annulées lorsque les libéraux sont revenus au pouvoir sous Jean Chrétien en 1993 et allaient perdurer.</p>
<p>Mulroney, plus que tout autre premier ministre moderne, a cherché à réparer les actions de son prédécesseur Trudeau en matière de réforme constitutionnelle.</p>
<p>Investissant un énorme capital politique dans l’<a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/accord-du-lac-meech#:%7E:text=Il%20en%20r%C3%A9sulte%20l%27accord,accord%20s%27effondre%20en%201990.">Accord du lac Meech</a>, puis dans l’<a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/accord-de-charlottetown">Accord de Charlottetown</a>, Mulroney a tenté d’accroître les compétences des provinces, de réformer le Sénat et de reconnaître le Québec en tant que société distincte. Il a voulu modifier en profondeur la Constitution et corriger ce qui n’a pas été fait, ou mal fait selon lui, lors du rapatriement de la Constitution en 1982 et de l’introduction de la Charte des droits et libertés.</p>
<h2>Échec des réformes constitutionnelles</h2>
<p>Après des batailles acharnées dans tout le pays, les deux accords n’ont pas atteint le seuil d’appui nécessaire à la ratification de la Constitution. Leurs échecs — qui avaient suscité des attentes au Québec — a plutôt ravivé le séparatisme québécois et <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1721810/bloc-quebecois-histoire-parti-politique-federal-archives">conduit à la création et la montée du Bloc Québécois</a>.</p>
<p>L’échec des accords est une leçon que les premiers ministres suivants — Jean Chrétien, Stephen Harper et Justin Trudeau — n’ont jamais oubliée. Aucun d’eux n’a osé ne serait-ce que faire allusion à une quelconque réforme constitutionnelle.</p>
<p>Lorsqu’il était au pouvoir, Mulroney dirigeait le Parti progressiste-conservateur. Après son retrait de la vie politique, Mulroney ne s’est jamais senti à l’aise au sein du Parti conservateur du Canada rebaptisé, né de la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1138376/alliance-canadienne-parti-progressiste-conservateur-mackay-harper-archives">fusion du Parti progressiste-conservateur et de l’Alliance canadienne</a> en 2003.</p>
<p>Lors de l’un de ses derniers grands événements publics en juin 2023, Brian Mulroney s’est assis sur la scène avec Justin Trudeau à l’Université St. Francis Xavier, l’institution de Nouvelle-Écosse dont M. Mulroney est diplômé. Mulroney <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/brian-mulroney-defends-trudeau-parliament-gossip-trash-1.6882315">a fait l’éloge du premier ministre actuel</a>, à tel point que Trudeau a déclaré : « C’est… embarrassant quand vous parlez de moi en des termes aussi élogieux ».</p>
<p>L’héritage de Mulroney laisse néanmoins perplexe. Il a été un homme politique charismatique qui a mené son parti à deux gouvernements majoritaires. Il a aussi été un premier ministre qui a apporté des changements majeurs et durables à l’économie canadienne ainsi qu’un chef d’entreprise prospère avant et après ses années de politique.</p>
<p>Mais il a aussi été un premier ministre qui n’a pas réussi à mettre en place les réformes constitutionnelles qui semblaient à sa portée et un dirigeant qui a déclenché des perturbations politiques dans sa province d’origine. Ces bouleversements ont d’ailleurs encore un impact sur le paysage politique canadien des décennies après son départ.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224919/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Klassen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le décès de l’ancien premier ministre canadien Brian Mulroney donnera lieu à un vaste examen de son héritage. Une de ses politiques durables est le libre-échange avec les États-Unis.Thomas Klassen, Professor, School of Public Policy and Administration, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241102024-02-29T15:36:28Z2024-02-29T15:36:28ZRéchauffement planétaire : l’hiver canadien n’est plus ce qu’il était<p>Au terme d’un autre hiver particulièrement doux, la population canadienne constate une fois de plus à quel point le réchauffement planétaire a transformé le climat hivernal du pays.</p>
<p>D’un océan à l’autre, les températures clémentes sont venues bousculer les activités hivernales. De la <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/regional/2024-02-11/carnaval-de-quebec/le-palais-de-bonhomme-ferme.php">fonte des châteaux de glace au Carnaval de Québec</a> à l’insuffisance du couvert neigeux dans les <a href="https://www.journaldemontreal.com/2024/01/29/faute-de-neige-une-station-de-ski-nouvrira-pas-de-la-saison">stations de ski de l’Ouest canadien</a>, aucune région du pays ne semble échapper au phénomène.</p>
<p>Toutefois, le changement le plus universellement perceptible sera probablement la <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/7/1/014028">précarité de la saison du patinage sur glace</a>.</p>
<p>Pour la deuxième année consécutive, la <a href="https://ccn-ncc.gc.ca/endroits/patinoire-du-canal-rideau">patinoire du canal Rideau à Ottawa</a> était fermée en plein cœur de la saison du patinage. En 2022-2023, elle est restée fermée tout l’hiver pour la première fois de son histoire. Cette année, un tronçon a été brièvement accessible en janvier, mais la persistance des températures douces en a forcé la fermeture après seulement quatre jours. À Montréal, <a href="https://www.patinermontreal.ca/f/paysagee/patin-libre/sports-dequipe">moins de 40 % des patinoires extérieures municipales étaient ouvertes</a> à la mi-février. Le fameux étang du parc Lafontaine n’a pas été ouvert au patinage de la saison.</p>
<p>Rien qui incite à l’optimisme, donc. Cette nouvelle réalité témoigne de notre inaction devant la crise climatique, dont la disparition graduelle du patinage extérieur est en voie de devenir la plus récente manifestation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-sport-et-lactivite-physique-seront-bouleverses-par-le-changement-climatique-voici-comment-attenuer-ses-effets-167935">Le sport et l’activité physique seront bouleversés par le changement climatique. Voici comment atténuer ses effets</a>
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<h2>Sur une glace mince</h2>
<p>Il y a plus de 10 ans, notre groupe de recherche publiait <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/7/1/014028">sa première analyse</a> de l’effet des hivers de plus en plus doux sur le patinage extérieur au Canada : dès 2005, on observait que la saison de patinage commençait de plus en plus tard et durait de moins en moins longtemps, et ce, un peu partout au pays.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/s89qXYP1DqE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un reportage de CBC sur la gestion de la patinoire du canal Rideau en 2023.</span></figcaption>
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<p>Même son de cloche dans <a href="https://www.rinkwatch.org">certaines publications subséquentes du projet RinkWatch</a>, qui ont fait état du <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12878">raccourcissement de la saison et de la détérioration de la qualité de la glace</a> au fil des ans dans de nombreuses villes canadiennes.</p>
<p>À Ottawa, le nombre de jours de <a href="https://rideaucanalskateway.com/fr">patinage sur le canal Rideau</a> diminue depuis 20 ans. Au cours de cette période, la saison de patinage type s’est écourtée et a été amputée de près de 40 %, une tendance directement liée à la hausse des températures hivernales.</p>
<h2>Avancer dans la mauvaise direction</h2>
<p>Les progrès dans l’atténuation des risques climatiques restent beaucoup trop lents.</p>
<p>Les émissions mondiales de CO2 ont atteint un <a href="https://globalcarbonbudget.org/fossil-co2-emissions-at-record-high-in-2023/">sommet inégalé en 2023</a>, et les températures moyennes <a href="https://berkeleyearth.org">dépassent maintenant de 1,3 °C celles de l’ère préindustrielle</a>. À ce rythme, nous franchirons le seuil de 1,5 °C — la limite inférieure de la fourchette cible de température établie dans le cadre de l’Accord de Paris — dans <a href="https://climateclock.net">moins de sept ans</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12878">article de 2012</a>, nous avons avancé que, d’ici la moitié du siècle, il pourrait ne plus y avoir de journées propices à l’arrosage des patinoires dans la plupart des régions du sud du Canada. Dans une <a href="https://doi.org/10.1088/2515-7620/ab8ca8">analyse plus récente des patinoires extérieures de Montréal</a>, nous avons émis l’hypothèse qu’il sera impossible d’y pratiquer le patinage dès 2070.</p>
<p>En rétrospective, ces prévisions, comme d’autres du même ordre, étaient peut-être trop optimistes. Dans une <a href="https://doi.org/10.1038/nclimate2465">étude concernant les jours de patinage sur le canal Rideau publiée en 2015</a>, les auteurs parlaient du patinage extérieur comme d’une activité en déclin, mais qui persisterait jusqu’à la fin du siècle, même si les émissions de CO<sub>2</sub> restent élevées. Vu les deux dernières saisons, force est de constater que les choses se sont dégradées beaucoup plus rapidement que prévu.</p>
<p>En 2023, les températures ont été les plus élevées jamais enregistrées à l’échelle mondiale. C’était aussi le cas en décembre 2023 et en janvier 2024. Depuis 1950, les hivers canadiens ont gagné plus de 3 °C, une <a href="https://ressources-naturelles.canada.ca/changements-climatiques/en-quoi-consiste-ladaptation/10026">hausse environ trois fois plus rapide que le réchauffement planétaire sur la même période</a>.</p>
<p>Il faut au moins trois journées très froides de suite pour créer la base de glace d’une patinoire extérieure, suivies d’une période de froid assez longue pour que la surface reste en bon état. Déjà que les patinoires tolèrent mal des températures supérieures au point de congélation, quand la pluie se met de la partie, le résultat est souvent catastrophique.</p>
<p>Il suffit de quelques degrés de plus en janvier et en février pour rendre une patinoire hors d’usage. Comme les hivers se réchauffent, les municipalités auront de plus en plus de mal à justifier les ressources consacrées à la préparation et à l’entretien des patinoires extérieures.</p>
<h2>Une transition brutale vers une nouvelle réalité changeante</h2>
<p>Plus les années passent sans que nous arrivions à atténuer véritablement les effets des changements climatiques, plus il est difficile d’imaginer la présence de nombreuses patinoires extérieures sans le recours à la réfrigération artificielle. Si les autres activités hivernales subissent aussi les contrecoups des conditions de neige capricieuses, le patinage extérieur risque d’être la première victime du réchauffement climatique.</p>
<p>C’est bien connu, Wayne Gretzky <a href="https://gretzky.com/bio.php">a appris à patiner et à jouer au hockey dans les années 1960 à Brantford, en Ontario, sur une patinoire extérieure aménagée par son père</a>. Or, elle est maintenant presque révolue l’époque où on pouvait année après année s’adonner au patinage extérieur dans le sud de l’Ontario. Et, en raison du réchauffement planétaire, il devient de plus en plus utopique de penser que les jeunes d’aujourd’hui et de demain pourront encore suivre les traces de « La Merveille ».</p>
<p>Cette réalité est une injustice pour bon nombre de ces jeunes, mais aussi une menace à l’existence même d’une activité emblématique de l’hiver canadien.</p>
<p>Pour préserver ce qu’il reste de la culture du patinage hivernal au Canada, nous devons redoubler d’efforts afin de réduire nos émissions de CO<sub>2</sub> et de stabiliser les températures à l’échelle mondiale, faute de quoi les images qu’évoquent les paroles de la chanson « River » de Joni Mitchell, <a href="https://genius.com/Joni-mitchell-river-lyrics">« une rivière où je pourrais filer, patins aux pieds »</a>, relèveront bientôt de la fiction ou du folklore.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224110/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>H. Damon Matthews est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mitchell Dickau est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p>Le réchauffement climatique affecte une pierre angulaire de la culture canadienne : le patinage en plein air.H. Damon Matthews, Professor and Climate Scientist, Department of Geography, Planning and Environment, Concordia UniversityMitchell Dickau, PhD Candidate, Geography, Planning, and Environment Department, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166832024-02-28T15:03:18Z2024-02-28T15:03:18ZSelon l’ONU, les personnes ayant une déficience intellectuelle sont exploitées au Canada<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563030/original/file-20231201-23-6d3hsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C995%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est très difficile, voire impossible, de savoir exactement combien de personnes ayant une déficience intellectuelle sont dans des plateaux de travail au Canada.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le Canada a <a href="https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2023/09/canada-anchor-fight-against-contemporary-forms-slavery-human-rights-un">récemment été blâmé par Tomoya Obokata, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage</a>. En cause ? Les manquements de ses programmes d’immigration économique. </p>
<p>Toutefois, cela n’était pas le seul reproche que le Rapporteur spécial avait à formuler : les <a href="https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/issues/slavery/sr/statements/eom-statement-canada-sr-slavery-2023-09-06.pdf">conditions dans lesquelles travaillent des personnes ayant une déficience intellectuelle</a> ont également attiré son attention. </p>
<p>En tant que chercheur sur les questions touchant la sécurité financière et l’emploi des personnes en situation de handicap, et personne travaillant dans le domaine des politiques publiques, je vous propose un éclairage sur une pratique controversée, mais encore répandue au Canada : les plateaux de travail.</p>
<h2>Que sont les plateaux de travail ?</h2>
<p>Relativement inconnus du grand public, les plateaux de travail en déficience intellectuelle sont un <a href="https://link.springer.com/book/10.1057/9781137540317">legs historique de la ségrégation et de l’exploitation qu’ont connues ces personnes</a>, partout en Amérique du Nord. Contrairement à l’institutionnalisation, qui a relativement reculé, les plateaux de travail sont encore bien en vie, malgré les appels répétés à leur fermeture tant <a href="https://inclusioncanada.ca/wp-content/uploads/2020/12/English-Position-Employment.pdf">au Canada</a> <a href="https://www.sqdi.ca/wp-content/uploads/2022/09/Orientations_et_Demandes_SQDI_2022_FR_WEB.pdf">qu’au Québec</a>. </p>
<p>Les plateaux de travail sont <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">généralement caractérisés</a> comme étant des programmes dans lesquels :</p>
<p>– des personnes ayant un handicap (particulièrement celles ayant une déficience intellectuelle) sont rassemblées, sans être mélangées avec des personnes n’étant pas en situation de handicap ; </p>
<p>– ces personnes fournissent une forme de travail sans être rémunérées ou en recevant un montant forfaitaire (quelques dollars par jour) ;</p>
<p>– les différentes lois et normes du travail ne s’appliquent pas, incluant les normes sur le salaire minimum. </p>
<p>Historiquement, l’objectif de ces programmes était <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-11700-001">avant tout de former des personnes très éloignées du milieu de travail</a> dans un contexte plus propice. Le raisonnement était que si l’on amenait ces personnes à effectuer des tâches répétitives dans un environnement non compétitif et plus « protégé » du reste de la société, elles finiraient par développer des aptitudes de travail pour peut-être éventuellement intégrer le marché régulier de l’emploi. </p>
<p>Toutefois, loin de favoriser l’inclusion en emploi, la participation qui était à la base temporaire devient bien souvent permanente, ce qui soulève des questions éthiques, politiques et sociales sur la pratique. </p>
<h2>Des programmes utilisés partout au Canada</h2>
<p><a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">Dans un rapport de recherche publié en 2022</a>, l’Institut de recherche et de développement sur l’inclusion et la société dressait l’état de la situation entourant les plateaux de travail au Canada. Toutes les provinces étudiées (Ontario, Colombie-Britannique, Nouvelle-Écosse, Québec, Territoires du Nord-Ouest) avaient des plateaux de travail dans lesquels des personnes fournissaient une prestation de travail sans recevoir de juste compensation. </p>
<p>Pire, dans bien des cas, la <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Appendix-EN.pdf">participation de ces personnes aux plateaux de travail pouvait se compter en années</a>, voire en dizaines d’années. Loin d’une mesure temporaire, les plateaux de travail sont devenus à la fois une source de financement <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">pour des organismes qui reçoivent des subventions gouvernementales</a>, mais aussi une forme de répit pour des familles qui manquent cruellement de services. </p>
<p>Il est très difficile, voire impossible, de savoir exactement combien de personnes ayant une déficience intellectuelle sont dans des plateaux de travail au Canada (les statistiques étant difficiles à trouver, ou tout simplement inexistantes). Toutefois, comme le Québec publie des données financières et démographiques à jour, il est possible d’étudier le cas de cette province.</p>
<h2>Le cas du Québec</h2>
<p>Le Québec a divisé ses programmes d’employabilité pour les personnes en situation de handicap entre le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). En théorie, le MSSS s’occupe des personnes en situation de handicap jugées « plus loin du marché du travail », alors que le MESSS s’occupe des personnes étant plus prêtes à l’emploi. </p>
<p>Cependant, dans les faits, ce que les organismes communautaires sur le terrain rapportent, et ce que la recherche en cours semble faire émerger (données préliminaires), est qu’un nombre important de personnes qui devraient se trouver dans les services du MESS finissent dans des plateaux de travail. <a href="https://www.vgq.qc.ca/Fichiers/Publications/rapport-cdd/167/cdd_tome-novembre2020_ch03_web.pdf">Le rapport du Vérificateur général du Québec sur l’employabilité des jeunes en situation de handicap</a> dresse un portrait de la situation.</p>
<p>Ultimement, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec continue de financer très largement les plateaux de travail dans la province. </p>
<p><iframe id="kMsNn" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kMsNn/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Entre 2013-2014 et 2020-2021, ce ne sont pas moins de 165M$ de fonds publics qui ont été investis dans ces programmes.</p>
<p>Une autre raison pouvant expliquer la prévalence des plateaux de travail au Québec est le fait que les prestataires du Programme de solidarité sociale <a href="https://theconversation.com/au-quebec-comme-ailleurs-au-canada-les-programmes-dassistance-sociale-sont-des-trappes-a-pauvrete-211968">n’ont pas de droit de travailler pour plus que 200$ par mois</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-quebec-comme-ailleurs-au-canada-les-programmes-dassistance-sociale-sont-des-trappes-a-pauvrete-211968">Au Québec, comme ailleurs au Canada, les programmes d’assistance sociale sont des « trappes à pauvreté »</a>
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<p>En effet, le fait que le chèque d’assistance sociale soit coupé dollar pour dollar passé cette limite est souvent évoqué comme justification pour ne pas payer les personnes participant aux plateaux de travail.</p>
<h2>Quelles pistes pour le futur des plateaux de travail au Canada ?</h2>
<p>Quelles sont donc les pistes pour s’assurer que les droits des personnes participant à des plateaux de travail soient respectés ?</p>
<p>Plusieurs organisations plaident pour un meilleur encadrement des plateaux de travail. Un premier pas serait d’avoir des <a href="https://www.sqdi.ca/wp-content/uploads/2022/09/Orientations_et_Demandes_SQDI_2022_FR_WEB.pdf">objectifs clairs de formation et une durée de participation limitée dans le temps</a>, afin de s’assurer que ces programmes répondent réellement à un besoin de développement de compétences professionnelles et sociales.</p>
<p>De plus, les <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">législations provinciales et territoriales devraient être mises à jour</a> afin de garantir que toutes les personnes en situation de handicap bénéficient des mêmes droits que le reste de la population. </p>
<p>Par ailleurs, à terme, les gouvernements devraient <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">rediriger les fonds publics</a> utilisés pour les plateaux vers des programmes d’embauche inclusive (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=ocSrgOhQPv4">comme cela a été fait au Nouveau-Brunswick, par exemple</a>) et vers des activités stimulantes pour les adultes en situation de handicap partout au Canada. Les organisations communautaires qui donnent du répit aux familles et créent ces espaces de socialisation et d’apprentissage devraient également recevoir un juste financement, afin de ne pas générer davantage de drames humains <a href="https://engagezvousaca.org/accueil/les-revendications/">pour des organismes déjà largement sous-financés</a>.</p>
<p>D’autres mesures sont cruciales, comme s’assurer que les programmes d’assistance sociale autorisent les prestataires à travailler, ne serait-ce qu’à temps partiel. Le nouveau Programme de revenu de base entré en vigueur en 2023 au Québec est un bon exemple de changement positif en la matière, puisqu’il <a href="https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/aide-sociale-et-solidarite-sociale/programme-revenu-base">permet aux prestataires de travailler à temps partiel</a>. D’autres provinces, comme la <a href="https://www2.gov.bc.ca/gov/content/family-social-supports/services-for-people-with-disabilities/disability-assistance/on-disability-assistance/annual-earnings-exemption">Colombie-Britannique</a> et <a href="https://ottawa.ctvnews.ca/odsp-earning-exemption-increases-but-it-s-not-as-beneficial-as-it-seems-advocates-1.6255430">l’Ontario</a>, ont également commencé à rendre les règles de leurs programmes plus flexibles, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.</p>
<p>Autre aspect important : il faut s’assurer de la mise en place d’une réelle transition planifiée entre l’école et la vie active des jeunes adultes en situation de handicap. Les provinces ayant travaillé sur ce dernier point, comme le Nouveau-Brunswick, <a href="https://www.abilitynb.ca/wp-content/uploads/2020/11/Tacit-Elements-Ability-NB-Employment-and-Disability-Final-Copy-UPDATE-CASE-1.pdf">ont démontré qu’une transition bien réalisée peut être grandement bénéfique pour l’ensemble de la population</a>. Et bien que le Québec ait <a href="https://www.education.gouv.qc.ca/references/tx-solrtyperecherchepublicationtx-solrpublicationnouveaute/resultats-de-la-recherche/detail/article/transition-de-lecole-vers-la-vie-active-teva/">son propre programme de transition école-vie active (TEVA)</a>, le programme se limite encore à des « guides » dont la mise en place reste largement laissée à la bonne volonté des directions d’école, notamment <a href="https://www.ophq.gouv.qc.ca/fileadmin/centre_documentaire/Etudes__analyses_et_rapports/Finances_par_l_Office/RAP_Chantal_Desmarais_teva_jeunes-handicapes.pdf">faute d’une « structure interministérielle clairement définie »</a> et d’obligations claires.</p>
<h2>Le Canada doit respecter ses obligations internationales</h2>
<p>La situation est telle que de plus en plus d’organisations au Canada (dont <a href="https://inclusioncanada.ca/">Inclusion Canada</a> et People First of Canada, les deux plus grandes organisations représentant les personnes ayant une déficience intellectuelle au Canada), qualifient la participation de personnes ayant une déficience intellectuelle dans les plateaux de travail comme étant de <a href="http://invisibleinstitutions.com/invisible-institutions-podcast-episode-2">« l’exploitation »</a>.</p>
<p>Si l’on en croit les différentes organisations de défense des droits, le Canada violerait donc ses obligations internationales. En effet, la <a href="https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-rights-persons-disabilities">Convention relative aux droits des personnes handicapées</a> proscrit explicitement l’exploitation des personnes en situation de handicap (art. 16), et fait plutôt la promotion du droit à l’emploi et au travail sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs et travailleuses (art. 27).</p>
<p>Il est plus que temps que le terme « travail » ne soit plus synonyme d’« exploitation » pour les personnes ayant une déficience intellectuelle partout au pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216683/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Ragot est étudiant au doctorat en travail social à l'Université McGill et analyste sénior aux politiques publiques à la Société québécoise de la déficience intellectuelle. </span></em></p>Au Québec et au Canada, les personnes ayant une déficience intellectuelle sont encore souvent exploitées – via les plateaux de travail – selon l’ONU et les organisations de défense des droits.Samuel Ragot, PhD Candidate - Candidat au doctorat, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2184832024-02-21T15:53:21Z2024-02-21T15:53:21ZQuand « du coup » devient « fait que » : comment se font les transferts linguistiques entre les Français et les Québécois<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577097/original/file-20240221-22-ju29e8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C0%2C6000%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La présence grandissante de personnes originaires de France au Québec, notamment à Montréal, influence le français parlé par l'ensemble des communautés.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Une importante vague d’immigration de Français et de Françaises a été enregistrée au cours des quinze dernières années au Québec. Ils seraient <a href="https://quebec.consulfrance.org/La-communaute-francaise-au-Quebec">environ 65 000 selon les dernières estimations, à Montréal seulement</a>, et le double dans l’ensemble du Québec.</p>
<p>Plusieurs facteurs expliquent leur choix de s’installer au Québec : une vie en Amérique du Nord sans barrière linguistique, de nombreuses opportunités professionnelles, des logements plus abordables, du moins jusqu’à récemment, et une sécurité accrue pour les femmes.</p>
<p>Le gouvernement québécois déploie par ailleurs d’importantes ressources pour les attirer : missions de recrutement de main-d’œuvre en France, partenariats entre la France et le Québec (prix des études réduit, assurance santé gratuite, etc.).</p>
<p>Ils et elles bénéficient donc d’une immigration facilitée. En plus, ce groupe maîtrise la langue officielle de la province. Leur intégration est-elle pour autant facile ? Pas forcément. Car <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rs/2012-v53-n2-rs0287/1012405ar/">il s’agit d’une « minorité audible »</a>. Une <a href="https://www.shs-conferences.org/articles/shsconf/pdf/2020/06/shsconf_cmlf2020_02002.pdf">étude sociolinguistique récente</a>, réalisée dans la ville de Québec, suggère que l’accent français n’est pas optimal pour créer des liens amicaux avec des Québécoises et des Québécois. Plusieurs <a href="https://www.exemplaire.com.ulaval.ca/actualites/prendre-laccent-quebecois-pour-mieux-sintegrer-le-cas-des-cousins-francais-immigrants">adopteraient ainsi des éléments du français québécois pour s’intégrer</a>.</p>
<p>Mais comment évolue le parler des personnes originaires de France au fil du temps ? Comment s’influencent les français québécois et français ? Dans quelle mesure les Français et Françaises adoptent-ils l’accent, les expressions ? Quels sont les facteurs linguistiques, sociaux et cognitifs qui favorisent ou défavorisent l’usage de différentes formes ?</p>
<p>Ce phénomène a attiré l’attention de la linguiste que je suis. Et à ma grande surprise, aucune étude linguistique n’avait été réalisée sur le sujet. C’est ainsi que j’ai décidé d’explorer les pratiques langagières de la communauté française de Montréal dans le cadre de mon doctorat, avec la collaboration de Julie Auger, sociolinguiste et spécialiste du français québécois, et de Simone Falk, experte en linguistique expérimentale et en neurolinguistique. </p>
<h2>Deux groupes tests</h2>
<p>Notre équipe a réalisé des entrevues enregistrées auprès de 35 Françaises et Français. Certaines personnes avaient vécu à Montréal pendant plus de huit ans tandis que d’autres étaient fraîchement arrivées. Ces dernières ont été interviewées une fois par an pendant leurs trois premières années à Montréal.</p>
<p>Le profil des personnes recrutées varie en ce qui concerne l’âge et le genre, mais aussi de la région d’origine. La plupart sont issues de la région parisienne, ou de régions du nord et de l’ouest de la France. Ces derniers partagent des traits avec le français québécois, par exemple, avec des mots comme <em>asteure</em> et des éléments de prononciation comme <em>oé</em> dans <em>croire</em>. Nous prédisions qu’ils et elles auraient davantage tendance à assimiler certains traits du français québécois que les Parisiennes et les Parisiens.</p>
<p>Chaque participant et participante a d’abord conversé une heure avec une enquêtrice québécoise, puis une heure avec une enquêtrice française. Cela nous permet de vérifier s’il y a une modification dans leur façon de parler selon l’origine des personnes en présence. </p>
<p>Nous avons posé des questions sur leur histoire sociolinguistique, les raisons qui les ont amenés à Montréal, leur réseau social, leurs projets d’avenir ainsi que leurs attitudes envers le Québec, les gens qui y vivent et le français québécois. Le but était de favoriser des conversations naturelles et de recueillir des informations individuelles qui pourraient expliquer les changements linguistiques observés au sein de la communauté.</p>
<p>Dans un cadre expérimental, nous leur avons aussi fait évaluer et répéter des phrases en français québécois. L’idée était de tester leur capacité de perception et de production de formes linguistiques québécoises. Nous cherchions aussi à comprendre quels traits du français québécois « sautent aux oreilles » des Françaises et des Français, et lesquels passent inaperçus.</p>
<h2>« Fait que » versus « du coup »</h2>
<p>Nos enregistrements sont en cours de transcription. Malgré tout, nous avons pu commencer à analyser le parler de huit participants : quatre personnes établies à Montréal depuis plus de huit ans, en couple avec un Québécois ou une Québécoise, et quatre nouvellement arrivées. Nous nous sommes concentrées sur des traits linguistiques précis qui distinguent le français de France du français québécois.</p>
<p>D’abord, nous avons observé comment ces individus prononcent le <em>a</em> à la fin des mots, par exemple dans <em>Canada</em>, <em>pas</em>, <em>doctorat</em>, etc. Ce son a tendance à être produit à l’avant de la bouche en France (<em>a</em> antérieur) et à l’arrière de la bouche au Québec (<em>a</em> postérieur).</p>
<p>Ensuite, nous avons examiné l’usage de <em>alors</em>, <em>donc</em>, <em>fait que</em> et <em>du coup</em>. Ces termes sont utilisés dans des contextes similaires : ils peuvent marquer la conséquence ou encore ponctuer le discours. Si <em>alors</em> et <em>donc</em> sont neutres, les autres formes sont marquées géographiquement. <em>Du coup</em> est un stéréotype du français de France tandis que <em>fait que</em> est propre au français québécois.</p>
<p>Enfin, nous avons exploré l’emploi du mot <em>tsé</em>, une <a href="https://www.je-parle-quebecois.com">spécificité linguistique québécoise qui sert à ponctuer les phrases</a>. En réalité, il est utilisé des deux côtés de l’Atlantique, mais pas dans la même mesure. <em>Tsé</em> est plus fréquent au Québec qu’en France.</p>
<h2>Un parler hybride</h2>
<p>Dans les études menées, deux facteurs se sont avérés significatifs : la durée de séjour et l’enquêtrice en présence. Ainsi, les quatre individus installés à Montréal depuis longtemps ont employé beaucoup plus les traits linguistiques locaux étudiés (<em>a</em> postérieurs final, <em>fait que</em> et <em>tsé</em>) que les quatre fraîchement débarqués. On observe également une tendance claire à l’ajustement envers l’interlocutrice, non seulement chez les personnes bien établies à Montréal, mais aussi chez celles qui viennent de s’installer.</p>
<p>On a donc de l’adaptation linguistique. Cela ne veut pas pour autant dire que nos participantes et participants parlent exactement comme les locaux. Après tout, il s’agit de personnes arrivées au Québec à l’âge adulte. Or, comme pour les langues secondes, plus on est exposé tard à une seconde variété de sa langue maternelle, plus il est difficile de l’acquérir.</p>
<p>Qu’est-ce qui caractérise le parler des Françaises et Français bien établis à Montréal ? En quoi se distingue-t-il de celui des Québécoises et Québécois ? </p>
<p>Quelques constats se dégagent de nos premières analyses. D’abord, la fréquence d’usage des traits québécois est loin d’atteindre celle des locaux. En plus, la prononciation de certaines formes québécoises adoptées peut être erronée. Un exemple typique : le mot <em>piastre</em> qui devient <em>pièce</em>. Sans surprise, on remarque aussi un maintien de formes françaises comme le fameux <em>du coup</em>.</p>
<p>C’est donc un parler hybride qui se développe chez ces individus mobiles, de sorte qu’ils peuvent être perçus comme étrangers dans leur société d’accueil, mais aussi dans leur pays d’origine. Nombre des personnes interviewées ayant résidé à Montréal pendant longtemps ont déclaré : « on me dit que j’ai un accent québécois en France alors qu’on sait immédiatement que je viens de France ici ».</p>
<h2>Une influence à deux sens</h2>
<p>Ce n’est pas seulement le parler des Françaises et Français qui évolue. Cette population grandissante semble également exercer une influence sur les pratiques langagières des locutrices et locuteurs du français québécois.</p>
<p>Nombre d’anecdotes me sont parvenues. Plusieurs personnes participantes ont rapporté s’être étonnées d’entendre <em>putain</em> et <em>du coup</em> sortir spontanément de la bouche de Québécois et de Québécoises.</p>
<p>On me parle aussi souvent de l’influence des médias français, notamment du rap et de YouTube, sur le parler de la jeunesse québécoise. Des enfants qui grandissent à Montréal se mettent à utiliser de l’argot français que leurs parents québécois ne comprennent pas (p. ex. <em>daron</em> ‘père’, <em>avoir la flemme</em> ‘être paresseux’). </p>
<p>Dans son <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/balados/10788/ainsi-soit-chill/728930/mot-inversion-francais-jeunes">balado diffusé sur Radio-Canada</a>, l’auteur-compositeur-interprète québécois Jerôme 50 mentionne l’adoption de verlan par certains groupes montréalais qui ne viennent pas de la France (p. ex. <em>truc de ouf</em> ‘truc de fou’, <em>fonsdé</em> ‘défonsé’). </p>
<p>Ainsi, chaque communauté enrichit son répertoire linguistique au contact de l’autre. Cette influence mutuelle laissera sans doute une empreinte durable sur la manière dont le français est parlé à Montréal. Il convient de s’en réjouir, car l’évolution du français montréalais témoigne de la vitalité de cette variété.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218483/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nadège Fournier a reçu des financements de FRQSC et UdeM. </span></em></p>Les communautés françaises et québécoises enrichissent leur répertoire linguistique au contact de l’autre. Cela laissera sans doute une empreinte durable sur le français parlé au Québec.Nadège Fournier, Candidate au doctorat en linguistique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2236292024-02-16T16:22:02Z2024-02-16T16:22:02ZScandale ArriveCan : comment éviter un tel dérapage à l’avenir ?<p>Le plus récent rapport de la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, a eu l'effet d'une bombe: l'application ArriveCan, qui devait coûter 80 000 dollars, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2048787/couts-arrivecan-hausse-rapport-verificatrice">a été mise à jour 177 fois, entraînant une facture qui s'élève à au moins 59,5 millions de dollars</a>. L'entreprise derrière ce scandale, GC Stratégies, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2024-02-14/contrats-federaux/258-millions-pour-l-entreprise-derriere-arrivecan.php">a reçu depuis moins de 10 ans plusieurs millions de dollars en contrats fédéraux</a>. </p>
<p>Karen Hogan a mentionné que bien qu'il ait été justifiable d'assouplir certaines normes pour une réaction rapide du gouvernement fédéral face à la pandémie, la dérogation à l'exigence de documentation adéquate pour l'attribution des contrats liés à la création de l'application soulève des questions. ArriveCan collectait des informations concernant la santé et les coordonnées des personnes en déplacement à l'extérieur du pays durant la pandémie de COVID-19. </p>
<p>Son rapport dévoile une gestion éhontée des fonds publics par l’Agence des services frontaliers du Canada.</p>
<p>Comment cela a-t-il pu arriver ? En tant que spécialiste en certification du secteur public, je vais examiner les divers facteurs qui se sont combinés pour créer cette situation extrême.</p>
<h2>Des mesures exceptionnelles pour une situation inédite</h2>
<p>La pandémie, exceptionnelle et inédite, a bouleversé profondément nos vies quotidiennes et a redéfini notre perception de la normalité à l'échelle mondiale. </p>
<p>Elle a conduit les gouvernements à prendre des mesures tout aussi exceptionnelles, souvent sans précédent.</p>
<p>Ainsi, entre 2020 et 2023, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/organisation/mandat/a-propos-agence/lois-reglements/liste-lois-reglements.html#">des décrets d'urgence ont été établis en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine</a>, dans le but de protéger la santé publique au Canada. </p>
<p>Les décrets émis dans le cadre de la réponse du Canada à la pandémie <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/conformite-application-loi/covid19-arrete-urgence-drogues-instruments-medicaux-aliments-speciales/note.html">ont notamment facilité l'acquisition rapide d’équipement de protection individuelle</a>, reflétant une réponse gouvernementale adaptée à l'urgence sanitaire. Cependant, ces mesures ont également engendré des dérives, notamment avec la création de l’application ArriveCAN.</p>
<h2>Des conflits d’intérêts</h2>
<p>Dans le cas d’ArriveCan, la vérificatrice générale a noté plusieurs situations qui semblent démontrer l’apparence d’un conflit d’intérêts. </p>
<p>Elle indique notamment dans son rapport les manquements au niveau du processus d'octroi du contrat. De plus, elle souligne que des employés de l'Agence ont participé à des dîners et à d'autres événements organisés par des fournisseurs. Cependant, il n'existe pas de documentation prouvant que ces employés ont informé leur superviseur de ces interactions, comme l'exige le code de conduite de l'Agence.</p>
<p>Il est important de noter que les entités gouvernementales doivent respecter des normes élevées d'intégrité et d'équité dans leurs processus d'approvisionnement. Par conséquent, même si la législation ne mentionne pas explicitement l'interdiction pour une entité gouvernementale qui établit les critères d'un appel d'offres de soumissionner, il est probable que de telles actions seraient considérées comme un conflit d'intérêts et contraires aux principes d'équité et de transparence. </p>
<p>En effet, tout fournisseur qui désire transiger avec une entité liée au gouvernement, et en particulier le Gouvernement du Canada, doit respecter en tout temps <a href="https://www.tbs-sct.canada.ca/pol/doc-fra.aspx?id=32627">la Directive sur les conflits d’intérêts</a> et adhérer <a href="https://www.tbs-sct.canada.ca/pol/doc-fra.aspx?id=25049">au code de valeurs et d’éthique du secteur public</a>.</p>
<h2>Préparation de l’appel d’offres et soumission</h2>
<p>La vérificatrice générale a constaté que la société qui a reçu le contrat, GC Stratégies, était aussi impliquée dans la définition des critères utilisés pour évaluer et sélectionner l'entreprise. Cela représente une violation des principes d’équité et de transparence mis de l’avant par Services publics et Approvisionnement Canada, tout en plaçant l'entreprise dans une position de conflit d'intérêts.</p>
<p>Les appels d’offres liés à des instances gouvernementales doivent respecter certaines règles et lois <a href="https://www.mccarthy.ca/en/insights/articles/deep-dive-canadas-public-procurement-law-2-part-series">qui imposent des obligations de transparence et de non-discrimination dans les appels d’offres publics</a>. Les principes fondamentaux du cadre légal des appels d'offres au Canada mettent l'accent sur l'ouverture, l'équité et la transparence des processus d'approvisionnement. Cela signifie que <a href="https://achatsetventes.gc.ca/pour-le-gouvernement/acheter-pour-le-gouvernement-du-canada/les-regles-et-processus-d-approvisionnement">tout processus d'appel d'offres doit être ouvert</a> (tout le monde peut soumissionner), équitable (les soumissionnaires et les candidats potentiels sont traités de manière égale), et transparent (les règles sont connues de tous).</p>
<p>Cela n'a vraisemblablement pas été le cas pour ArriveCan.</p>
<h2>Un manque d'imputabilité</h2>
<p>Un autre élément clé réside dans la gestion du projet, où les responsabilités de chacun doivent être clairement établies. La vérificatrice générale a noté de grandes lacunes à ce niveau, précisant même qu’il n’y avait aucun accord officiel établi dans le but de préciser les rôles et responsabilités de chacune dans la création et la gestion du projet d’ArriveCan. </p>
<p>Or, la <a href="https://www.tbs-sct.canada.ca/pol/doc-fra.aspx?id=32594&section=html">Directive sur la gestion de projets et programmes du Gouvernement du Canada</a> stipule en toute lettre la nécessité d’attribuer les diverses responsabilités d’un projet afin d’en assurer l’imputabilité. Cette notion fait d’ailleurs partie du <a href="https://www.pmi.org/-/media/pmi/documents/public/pdf/ethics/pmi-code-of-ethics.pdf?sc_lang_temp=en">Code d’éthique et de conduite professionnelle du Project Management Institute</a>, l’entité qui régit les gestionnaires de projets. </p>
<p>Ces déficiences en matière d'imputabilité et de responsabilité ont ainsi entraîné une reddition de comptes inefficace, comme l’a souligné la vérificatrice générale dans son rapport.</p>
<h2>Un incident exceptionnel, mais pas isolé</h2>
<p>Bien que le cas de l'application ArriveCAN soit surprenant pour les contribuables canadiens, avec des coûts passant de 80 000 $ à près de 59,5 millions $, ce n'est pas un incident isolé dans l'histoire des projets gouvernementaux canadiens. </p>
<p>Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scandale_des_commandites">scandale des commandites</a> est un exemple éloquent. Entre 1997 à 2003, des fonds publics ont été utilisés pour financer des campagnes de relations publiques visant à contrer les efforts de souveraineté d’un parti politique provincial (le Parti québécois), sans une supervision adéquate des dépenses ou de l'efficacité de ces campagnes.</p>
<p>À une échelle plus locale, on peut citer l'exemple du projet pilote de Formule E, à Montréal, en juillet 2017, avec la tenue de courses de véhicules électriques dans ses rues. <a href="https://bvgmtl.ca/wp-content/uploads/2021/03/RA2017_FR-section4_9-1.pdf">Dans son rapport concernant l'événement</a>, la vérificatrice générale de la Ville de Montréal révélait, à travers les conclusions de son audit, que le projet souffrait d'une gestion inefficace, d'une attribution imprécise des rôles et responsabilités, et d'une reddition de comptes inadéquate. Plusieurs commentateurs ont alors estimé que l'affaire a coûté en partie la réélection du maire d'alors, Denis Coderre. </p>
<h2>Des solutions pour éviter de tels scandales</h2>
<p>Ainsi, l'affaire ArriveCAN n’est que l’exemple le plus récent de scandale impliquant l'utilisation outrancière de fonds publics. Cela souligne l'importance cruciale d'une gouvernance transparente et d'une gestion rigoureuse des fonds publics pour préserver la confiance des citoyens et l'intégrité des institutions. </p>
<p>Ainsi, les entités gouvernementales et paragouvernementales devraient implanter des contrôles visant à s'assurer de respecter les diverses politiques et directives gouvernementales auxquelles elles sont assujetties. </p>
<p>Par ailleurs, il faudrait instaurer des comités composés de membres externes à l'organisation, qui évalueraient les divers projets tout en garantissant une gestion appropriée et une reddition de comptes efficace et ponctuelle. Cela ferait en sorte que les décisions et les actions de l'organisation seraient soumises à un examen impartial et approfondi, favorisant ainsi une transparence accrue et une meilleure responsabilisation des acteurs impliqués. </p>
<p>Ces mesures, bien que sommaires, contribueraient néanmoins à renforcer l'imputabilité des différentes parties prenantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223629/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lecompte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les dépassements de coûts de l’application ArriveCan sont exceptionnels, mais le scandale n’est pas unique dans l’histoire. Des solutions existent pour éviter l’utilisation outrancière de fonds publics.Annie Lecompte, Associate professor, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201112024-02-06T18:35:33Z2024-02-06T18:35:33ZQuébec interdit aux villes de s’entendre avec Ottawa sans son autorisation, notamment en matière de transport et de logement. Un exemple à suivre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572237/original/file-20240130-15-owgadi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3731%2C2482&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Québec et Ottawa ont longuement négocié avant de conclure une entente pour débloquer 900 millions de dollars provenant du Fonds pour accélérer la construction de logements, ce qui a occasionné des délais supplémentaires, en pleine crise du logement.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les provinces canadiennes devraient-elles suivre l’exemple du Québec et interdire aux villes de signer des ententes directement avec le gouvernement fédéral, <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/premiers-carbon-tax-federal-housing-policy-1.7020068">comme le suggèrent certains premiers ministres</a> ? </p>
<p>Cette question m’a été posée lors <a href="https://canurb.org/initiatives/citytalk-canada/">d’une conférence organisée par l’Institut urbain du Canada (IUC)</a>. J’y étais invitée en ma qualité de professeure en administration municipale et régionale à l’École nationale d’administration publique et spécialiste des politiques visant l’intégration des transports et de l’aménagement du territoire.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/M-30">Loi sur le ministère du conseil exécutif</a>, appelée communément « M-30 », il est interdit à un organisme municipal québécois de conclure une entente avec un autre gouvernement au Canada, sans l’autorisation préalable du gouvernement du Québec. Cette disposition, adoptée en 1984 par l’Assemblée nationale du Québec, alors que le Parti québécois de René Lévesque formait le gouvernement, visait à faire respecter la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_constitutionnelle_de_1867">Loi constitutionnelle de 1867</a> qui stipule que les institutions municipales relèvent exclusivement des provinces. En imposant la nécessité de conclure une entente au préalable entre Québec et Ottawa, M-30 tente d’empêcher l’ingérence du fédéral dans ce champ de compétence provinciale.</p>
<p>Ma réponse spontanée à cette question a été catégorique : « Absolument pas. Cette situation ne fait que des perdants. Le Québec devrait opter soit pour l’indépendance, soit accepter le jeu du fédéralisme canadien, même s’il est dysfonctionnel, en permettant aux municipalités de recevoir directement les fonds d’Ottawa, malgré que cela puisse empiéter sur ses compétences ». <a href="https://canurb.org/fr/team/mary-rowe/">Mary Rowe</a>, la présidente et directrice générale de l’IUC, qui animait la conférence, a répondu avec humour que cette position pourrait m’exclure de plusieurs invitations à dîner…</p>
<h2>Le bilan peu reluisant du Québec</h2>
<p>Ma réponse était teintée d’une certaine frustration face au fait que Québec et Ottawa ont longuement négocié avant de conclure une entente pour débloquer 900 millions de dollars provenant du <a href="https://www.cmhc-schl.gc.ca/professionnels/financement-de-projets-et-financement-hypothecaire/programmes-de-financement/toutes-les-opportunites-de-financement/fonds-pour-accelerer-la-construction-de-logements">Fonds pour accélérer la construction de logements</a>. L’<a href="https://www.pm.gc.ca/fr/nouvelles/communiques/2023/11/09/canada-et-quebec-annoncent-la-conclusion-dune-importante-entente">entente</a>, qui permettra aux villes québécoises de bénéficier de la contribution fédérale via la Société d’habitation du Québec, est intervenue en octobre 2023, alors que d’autres villes canadiennes ont pu profiter du FALC dès le mois de juin 2023. Bien que le délai puisse paraître court, il est considérable pour les personnes en attente d’un logement.</p>
<p>Par ailleurs, cette entente en matière de construction accélérée de logement est assortie de l’engagement du gouvernement du Québec à investir autant qu’Ottawa — <a href="https://www.ledevoir.com/politique/800136/pas-conditions-quebec-entente-ottawa-logement">ce seront donc 1,8 G$ qui serviront à résoudre la crise du logement</a>. Les premiers ministres des autres provinces sont-ils prêts à en faire autant ? La question se pose. </p>
<p>Ma patience est également mise à l’épreuve par le bilan peu reluisant du Québec (et le mot est faible) en <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2035123/transport-commun-routes-investissements">matière de gouvernance, de planification et d’investissements dans les infrastructures de transports collectifs</a>. Ce retard ne date pas d’hier. Alors que d’autres provinces canadiennes investissaient dans le développement d’infrastructures lourdes en transport collectif grâce au programme fédéral <a href="https://www.infrastructure.gc.ca/prog/bcf-fcc-fra.html">Fonds Chantiers Canada</a>, le gouvernement du Québec a plutôt choisi de <a href="https://www.transitquebec.org/2012/02/developpement-des-infrastructures-quebec-doit-se-servir-du-fonds-chantiers-canada-pour-financer-les-transports-collectifs/">privilégier son réseau routier</a>. </p>
<p>Dans ce contexte, le régime québécois de planification des transports pourrait bénéficier d’exigences fédérales en matière de planification des infrastructures à l’échelle métropolitaine, à l’instar des États-Unis où les agglomérations urbaines de plus de 50 000 habitants <a href="https://www.transit.dot.gov/regulations-and-guidance/transportation-planning/metropolitan-planning-organization-mpo">doivent répondre à plusieurs critères pour recevoir des fonds du gouvernement</a>. </p>
<p>Jusqu’à maintenant, aucun ministre des Infrastructures fédéral n’a osé imposer de telles exigences de planification et de priorisation aux grandes régions métropolitaines du Canada, puisqu’elles sont sous la juridiction exclusive des provinces.</p>
<h2>Des villes plus autonomes</h2>
<p>La protection jalouse de ses compétences a permis au Québec de se développer de manière unique, avec des institutions, des infrastructures et des programmes qui lui sont propres, comme les Centres de la petite enfance, le régime d’assurance médicaments, le réseau de l’Université du Québec, les cégeps, la Caisse de dépôt et placement du Québec et Hydro-Québec.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des enfants tenant une corde déambulent sur un trottoir, en compagnie de deux adultes" src="https://images.theconversation.com/files/572238/original/file-20240130-29-3r2a3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572238/original/file-20240130-29-3r2a3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572238/original/file-20240130-29-3r2a3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572238/original/file-20240130-29-3r2a3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572238/original/file-20240130-29-3r2a3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572238/original/file-20240130-29-3r2a3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572238/original/file-20240130-29-3r2a3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des enfants d’un CPE montréalais déambulent dans la rue. La protection jalouse de ses compétences a permis au Québec de se développer de manière unique, avec des institutions, des infrastructures et des programmes qui lui sont propres, comme les Centres de la petite enfance.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>En matière d’affaires municipales, on pourrait même avancer que le Québec est la province où les villes ont le plus d’autonomie et de reconnaissance depuis l’adoption récente de la <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-39-43-1.html">Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives</a> qui leur offre davantage de latitude et de possibilités en matière de financement, notamment avec l’octroi d’une part de la croissance d’un point de la taxe de vente du Québec (TVQ). </p>
<p>À cela s’ajoutent les dispositions de la <a href="https://www.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/lois_et_reglements/LoisAnnuelles/fr/2017/2017C13F.PDF">Loi</a> visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs en termes de taxation et de redevances. Les villes québécoises ont ainsi la possibilité de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/capa.12521">diversifier leurs sources de revenus et de répondre à certains objectifs de politique publique, notamment via l’écofiscalité</a>. </p>
<p>En somme, une plus grande autonomie vient avec de plus grandes responsabilités et avec une certaine obligation d’efficacité et de performance, qu’elle soit sociale ou environnementale, sans quoi l’ingérence du fédéral pourrait paraître légitime, comme dans certaines provinces dirigées par des gouvernements qui peinent à reconnaître la crise du logement. Le gouvernement du Québec aurait-il investi 900 millions de dollars, n’eût été l’initiative du gouvernement du Canada ?</p>
<h2>Les bons — et mauvais côtés de l’autonomie des provinces</h2>
<p>Le Québec a fait le choix de rester dans le Canada, bien que l’histoire aurait pu être différente <a href="https://www.gallimardmontreal.com/catalogue/livre/les-secrets-d-option-canada-lester-normand-philpot-robin-9782895492238">si la Loi québécoise des consultations populaires avait été respectée par le camp du NON</a> lors du dernier référendum sur la souveraineté, en 1995. Dans ce contexte, un front commun des provinces pour une décentralisation accrue pourrait renforcer la position du Québec et sa capacité d’autodétermination, quoique ce qu’on a appelé <a href="https://lactualite.com/politique/nuit-des-longs-couteaux-la-vraie-histoire/">« la Nuit des longs couteaux »</a> (la conférence entre premiers ministres provinciaux et Ottawa en 1981) a prouvé le contraire. </p>
<p>Au final, le degré de succès de l’autonomie des provinces dépendra des valeurs portées par les gouvernements fédéral et provinciaux élus, et de la réelle capacité d’action des gouvernements provinciaux. Si l’ingérence fédérale peut être perçue comme salvatrice lorsque les gouvernements provinciaux faillent à la tâche, comme dans le cas du logement et du transport collectif, par exemple, elle peut représenter une menace au bon fonctionnement des programmes ou à l’atteinte de cibles environnementales, comme la possibilité pour le gouvernement fédéral d’abolir la taxe carbone.</p>
<p>La même analyse peut être appliquée aux interventions du gouvernement fédéral dans ses propres champs de compétences, comme la gestion de la frontière et des permis de travail, qui ont des conséquences sur les objectifs politiques des provinces. </p>
<p>Actuellement, avec le <a href="https://www.ledevoir.com/politique/quebec/803290/pq-devance-nouveau-caq-sondage">Parti Québécois en tête dans les sondages au Québec</a> et le <a href="https://abacusdata.ca/conservatives-lead-by-19-abacus-data-poll/">Parti conservateur en avance au Canada</a>, le moment semble propice pour rouvrir cette conversation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220111/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Tremblay-Racicot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’interdiction aux villes québécoises de signer des ententes directement avec le gouvernement fédéral a nui au développement du transport collectif, ainsi qu’à la construction de logements.Fanny Tremblay-Racicot, Professeure agrégée, administration municipale et régionale, École nationale d'administration publique (ENAP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157562024-01-16T14:07:19Z2024-01-16T14:07:19ZComment créer une nouvelle université, au XXIᵉ siècle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558123/original/file-20231107-21-ras0om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C991%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le lieu nommé « université » peut se définir comme un établissement d’enseignement supérieur formellement autorisé à émettre des diplômes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Si on créait une université aujourd’hui, comment s’y prendrait-on ?</p>
<p>Il arrive fréquemment que des gestionnaires ou des professeurs d’université peinent à mettre en place un projet au sein de leur institution. Ils expliquent alors cette difficulté par les contraintes imposées par l’administration, les conventions collectives, les règles en place, les traditions ou les usages. </p>
<p>Tel projet serait-il plus facile à réaliser si on repartait de zéro en créant une toute nouvelle université ? Peut-être, mais comment crée-t-on une université au XXI<sup>e</sup> siècle ? </p>
<p>Voici la grande question qui a hanté mes jours (et mes nuits) des quatre dernières années. J’ai récemment complété une <a href="https://depot-e.uqtr.ca/id/eprint/10732/1/eprint10732.pdf">thèse</a> sur les enjeux de communication et de gestion entourant la création d’une université à partir de zéro – un phénomène rare. Nous avons eu la chance d’assister à un tel événement avec la fondation en 2017 de <a href="https://uof.ca/">l’Université de l’Ontario français (UOF)</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/luniversite-de-lontario-francais-voici-ce-quelle-pourrait-devenir-110072">L'Université de l'Ontario français: voici ce qu'elle pourrait devenir</a>
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<p>J’ai ainsi pu décomposer les étapes de création de cette nouvelle institution, et réfléchir à la fois à la mise en place de composantes de l’université idéale, à l’influence des facteurs externes ainsi qu’à la façon dont les différentes communautés discutent d’un tel projet. </p>
<p>Dans un premier temps, j’ai analysé l’expérience vécue par les fondateurs de l’UOF et les publications médiatiques sur l’histoire de cette création. Dans un deuxième temps, j’ai rencontré des experts de l’enseignement supérieur (chercheurs et dirigeants d’universités) pour discuter de la question de la naissance d’une université. J’ai ainsi vite constaté que de me pencher sur ce moment important m’en apprenait beaucoup sur les tensions vécues par l’université au XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’une université ?</h2>
<p>Le lieu nommé « université » peut se définir comme un <a href="https://www.cairn.info/revue-politiques-et-gestion-de-l-enseignement-superieur-2005-2-page-9.htm">établissement d’enseignement supérieur formellement autorisé à émettre des diplômes</a>. </p>
<p>La notion d’université, quant à elle, peut être définie de plusieurs façons. En 1895, le philosophe Hastings Rashdall l’associe à la racine latine « universitas », qui sous-tend l’idée d’une organisation corporative, d’une communauté. </p>
<p>Cet espace d’entraide, de défense d’intérêt commun, réunit, dès son origine, l’ensemble des étudiants et des professeurs ayant la mission commune d’explorer, de partager, de questionner les connaissances humaines. J’ai trouvé instructif d’observer comment l’UOF, université nouvelle, a tenté d’actualiser une telle notion. Pour développer la <a href="https://theconversation.com/luniversite-de-lontario-francais-voici-ce-quelle-pourrait-devenir-110072">signature pédagogique</a> de cette institution, ses fondateurs ont pris en compte les compétences requises par le marché du travail et la société à notre époque, ainsi que les pratiques innovatrices en enseignement supérieur. Cette signature pédagogique s’appuie ainsi sur quatre approches : la transdisciplinarité, l’apprentissage inductif, l’apprentissage expérientiel et les compétences.</p>
<p>La création de l’UOF constitue également l’aboutissement d’une <a href="https://histoireengagee.ca/quelle-universite-pour-quelle-societe-petite-histoire-du-debat-intellectuel-entourant-la-question-universitaire-franco-ontarienne/">revendication de longue date</a> émanant d’une partie de la communauté franco-ontarienne. Une année après sa fondation en 2017, le gouvernement progressiste-conservateur stoppe le financement de l’UOF. Aussitôt, la communauté franco-ontarienne se mobilise pour contester cette décision. Ce mouvement populaire contribue à la volte-face du gouvernement ontarien. En 2020, ce dernier conclut une entente avec le gouvernement fédéral afin de financer les huit premières années d’existence de l’UOF. </p>
<h2>Une page avec peu d’espace de création</h2>
<p>Un constat a rapidement émergé de mes recherches : la création d’une nouvelle université ne se déroule pas sur une page complètement blanche. L’UOF a été créée selon des échéanciers serrés, en négociant avec les différents gouvernements en place et en luttant pour sa survie au sein d’un système d’enseignement supérieur parfois hostile, ainsi que dans un contexte social et historique mouvementé. À toutes les étapes de la création de l’institution, l’équipe fondatrice a dû composer avec la dynamique politique et avec les rapports de force entre les parties prenantes : représentants des collectivités francophones, des établissements d’enseignement supérieur, des ministères, des élus. </p>
<p>L’université rêvée est rapidement rattrapée par la réalité. </p>
<p>Pour les nombreux experts de l’enseignement supérieur rencontrés, la création d’une université passe nécessairement par la mise en place de composantes liées à sa mission soit : l’enseignement, la recherche et les services aux collectivités. </p>
<p>La nouvelle université, comme les universités établies, est soumise à un cadre normatif assez contraignant. L’institution s’inscrit également au sein d’une communauté qui lui soumet de nombreuses attentes (formation, développement économique). Elle évolue, de plus, dans un système d’enseignement supérieur qui lui impose une concurrence féroce. </p>
<p>Les rapports entre les différents groupes d’intérêt, à l’intérieur et à l’extérieur de l’université, façonnent alors ce qu’elle peut devenir. Quelle part de création demeure donc pour l’université ? </p>
<h2>Fortes pressions, faible cohésion</h2>
<p>Pour l’UOF, les attentes des différents acteurs concernés par le projet (communautés francophones de la province, associations franco-ontariennes, gouvernements, organisations issues des milieux politiques et économiques, administrateurs de l’UOF) étaient nombreuses et parfois contradictoires, tant au niveau du lieu de fondation (Toronto ou ailleurs en Ontario) que de l’offre de formation (programmation traditionnelle ou innovante). De plus, ces acteurs n’ont eu que très peu de temps pour discuter ensemble de ce projet. </p>
<p>Un deuxième constat émerge ainsi de l’analyse du discours des experts sur la question : la communauté universitaire à notre époque peine à se rassembler autour d’un projet commun. Ce projet tend à se réduire à un compromis, fragile et insatisfaisant pour la plupart des acteurs. </p>
<p>Dès sa création, et tout au long de son existence, il apparaît donc que la communauté universitaire est fragilisée par les tensions qui l’assaillent. L’institution doit composer avec des tensions inhérentes à la réalité universitaire multiséculaire (son mode de gouvernance par les pairs, l’équilibre à trouver entre recherche et enseignement ou entre recherche fondamentale et appliquée, notamment). Ces tensions s’additionnent à celles, plus nombreuses, que subit l’université à notre époque (mentionnons seulement les attentes du gouvernement en place et celles des milieux socio-économiques sur les types de formation ou de développement de la recherche, notamment). </p>
<p>Ces tensions sont intégrées dans les structures internes et sont alimentées par les universitaires eux-mêmes. Le gouvernement, les partenaires de la communauté externe, les différents types d’étudiants, de professeurs, de cadres et d’employés, les syndicats et les associations : tous ont et expriment des attentes multiples, complexes et souvent contradictoires. Les lieux de rencontre pour discuter d’éventuelles voies de passage ou d’un projet commun, autant aux niveaux institutionnel, communautaire ou public, ne semblent pas toujours efficaces. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C14%2C2389%2C1253&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="façade de l’UOF" src="https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C14%2C2389%2C1253&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558075/original/file-20231107-20-a16ngw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La création de l’Université de l’Ontario français constitue l’aboutissement d’une revendication de longue date émanant d’une partie de la communauté franco-ontarienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(https://uontario.ca)</span></span>
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<h2>L’utopie de la corporation universitaire</h2>
<p>J’ai pu observer, en rencontrant les fondateurs de l’UOF ainsi que les experts de l’enseignement supérieur, que la corporation universitaire est encore aujourd’hui considérée comme une utopie. <em>Corporari</em>, en latin, signifie « se former en corps ». Cela évoque l’idée d’une organisation idéale constituée de plusieurs acteurs partageant un but commun. </p>
<p>L’université est donc représentée comme un corps, où professeurs, étudiants et artisans, issus de la communauté interne et externe à l’université, partagent une même compréhension de la raison d’être de l’institution. Les turbulences rapides vécues par les universités dans les dernières décennies, couplées aux tensions qu’elles vivent déjà, ont toutefois réduit la capacité de la communauté universitaire à « faire corps ». </p>
<p>À l’évidence, l’université ne se crée ni ne se développe en vase clos. Comme nous l’avons vu dans le cas de l’UOF, l’université est à la fois influencée par la société qui l’accueille (actuellement marquée par la montée de l’individualisme, par la fragmentation des communautés et par la fragilisation du lien social) et contributive au développement de cette dernière. </p>
<p>Elle reste une de ces institutions qui peuvent, selon moi, être précurseures d’une façon nouvelle de concevoir le vivre-ensemble. </p>
<p>Mais cela passe nécessairement par l’apaisement de certaines tensions. Et par une communauté universitaire qui prend le temps nécessaire pour se rassembler en une corporation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215756/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-René Lord ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment crée-t-on une université au XXIᵉ siècle ? Comment cette expérience se déroule-t-elle ? Et que nous apprend l’analyse de ce phénomène ?François-René Lord, Professeur subsitut en communication , Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207272024-01-11T14:27:15Z2024-01-11T14:27:15ZIsraël devant la Cour internationale de justice : celle-ci est-elle devenue un substitut à un Conseil de sécurité dysfonctionnel ?<p>Le 29 décembre, l’Afrique du Sud a déposé devant la <a href="https://www.icj-cij.org/fr/accueil">Cour internationale de justice</a> (CIJ), une <a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20231228-app-01-00-en.pdf">Requête introductive d’instance</a> contre l’État d’Israël. </p>
<p>La Requête stipule que ses actions dans la bande de Gaza, initiées au nom de son droit à la légitime défense, dans la foulée des attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023, revêtaient « un caractère génocidaire ».</p>
<p>La CIJ a tenu des audiences publiques sur la requête le 11 et 12 janvier à La Haye. </p>
<p>Le fait que <a href="https://theconversation.com/south-africas-genocide-case-against-israel-expert-sets-out-what-to-expect-from-the-international-court-of-justice-220692">l’Afrique du Sud ait choisi de déposer sa requête devant la CIJ</a> n’est pas anodin. En effet, non seulement le bureau du procureur de la <a href="https://www.icc-cpi.int/fr">Cour pénale internationale</a>, qui enquête sur la situation en Palestine depuis plusieurs années, <a href="https://theconversation.com/la-guerre-a-gaza-la-cour-penale-internationale-et-la-lutte-contre-limpunite-219523">n’aboutit pas à des résultats concrets</a>, mais le Conseil de sécurité, l’organe qui devrait être le principal garant du maintien de la paix et de la sécurité internationale, apparaît foncièrement <a href="https://theconversation.com/gaza-war-deadlock-in-the-security-council-shows-that-the-un-is-no-longer-fit-for-purpose-219772">dysfonctionnel</a>. </p>
<p>À l’inverse, la CIJ en est venue à jouer un rôle de plus en plus diligent. <a href="https://www.ejiltalk.org/provisional-but-not-always-pointless-compliance-with-icj-provisional-measures/">Au cours des 10 dernières années</a>, la Cour a ainsi prononcé plus d’ordonnances (11) que durant ses cinquante premières années d’existence (10).</p>
<p>Mes travaux sur la <a href="https://www.pulaval.com/livres/de-la-responsabilite-de-proteger-les-populations-menacees-l-emploi-de-la-force-et-la-possibilite-de-la-justice">responsabilité de protéger</a> et sur le <a href="https://www.cairn.info/annuaire-francais-de-relations--9782376510550-page-95.htm">droit de la guerre</a> m’ont conduit à porter une attention particulière aux modes alternatifs de règlement des différends, notamment par l’intermédiaire des tribunaux internationaux. Deux organes sont fréquemment mentionnés : la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale (CPI).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des personnes sont assises de chaque côté dans une vaste pièce" src="https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Cour internationale de justice lors d’une audience.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(UN Photo/CIJ-ICJ/Frank van Beek)</span></span>
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<h2>Des compétences différentes</h2>
<p>La CIJ est le principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations unies (ONU). Elle dispose d’une compétence universelle sur les différends d’ordre juridique pouvant survenir entre États. </p>
<p>De son côté, la CPI tire sa compétence d’un traité entré en vigueur en 2002, et dont Israël n’est pas signataire. Ses responsabilités sont d’enquêter et de poursuivre des personnes physiques pour crimes graves de droit international (crimes contre l’humanité, crimes de guerre, génocides et crimes d’agression).</p>
<p>Alors que la CIJ doit être sollicitée par un État avant de pouvoir se saisir d’un contentieux, comme c’est le cas avec la démarche engagée par l’Afrique du Sud, la CPI dispose de l’autorité pour ouvrir une enquête et éventuellement déposer une accusation contre un individu.</p>
<h2>Avant Israël, la Russie</h2>
<p>Dans sa requête contre Israël, l’Afrique du Sud avance que les actions de l’État hébreu (et son défaut de prendre des mesures pour contrecarrer les incitations « directes et publiques » à commettre de telles actions) témoigneraient « de l’intention spécifique… d’entraîner la destruction d’une partie substantielle de la population palestinienne en tant que partie d’un groupe national, racial et ethnique plus large de Palestiniens dans la Bande de Gaza ». </p>
<p>De ce fait, avance l’Afrique du Sud, Israël contreviendrait aux « obligations » lui incombant en vertu de la <a href="https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-prevention-and-punishment-crime-genocide">Convention pour la prévention et la Répression du Crime de Génocide</a>, dont elle est signataire. </p>
<p>La question que la CIJ est appelée à trancher consiste uniquement, selon l’Afrique du Sud, à déterminer si les actions qui sont identifiées dans la Requête sont ou non « susceptibles de relever des dispositions » de la Convention. La Cour n’a pas à se prononcer sur le fond à ce stade. Le cas échéant, cela pourrait prendre des années. </p>
<p>On se rappellera qu’une <a href="https://icj-cij.org/sites/default/files/case-related/182/182-20220227-APP-01-00-FR.pdf">Requête</a> similaire avait également été déposée par l’Ukraine contre la Russie dans la foulée de l’« opération militaire spéciale » initiée par cette dernière le 24 février 2022. </p>
<p>La Russie était alors accusée d’avoir mensongèrement allégué « que des actes de génocide avaient été commis dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de Donetsk » afin de lui permettre de justifier une intervention armée. L’Ukraine affirmait que cette intervention avait engendré « des violations graves et généralisées des droits de la personne de la population ukrainienne ». Dès le 16 mars 2022, la CIJ rendait son <a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/182/182-20220316-ord-01-00-fr.pdf">Ordonnance</a> et intimait à la Russie de « suspendre immédiatement les opérations militaires ».</p>
<h2>Les limites de la CIJ</h2>
<p>Dans le cas de la requête de l’Afrique du Sud, une ordonnance de la CIJ pourrait suivre au cours des prochaines semaines étant donné l’urgence de la situation.</p>
<p>Or, il ne faut pas faire preuve de trop d’optimisme. Car même dans le cas où la Cour indiquerait comme mesure conservatoire la suspension immédiate des opérations militaires, comme elle l’a fait dans le cas de l’Ukraine, et même si cette ordonnance avait bel et bien un « caractère obligatoire », comme l’a avancé la Cour en 2001 dans une autre <a href="https://icj-cij.org/sites/default/files/case-related/104/104-20010627-JUD-01-00-FR.pdf">affaire</a>, cela ne signifierait pas que la situation sur le terrain soit appelée à changer. </p>
<p>Malgré leur caractère obligatoire, les mesures d’exécution sont souvent difficiles à mettre en œuvre dans des situations hautement sensibles et controversées.</p>
<h2>Le nouveau rôle des pays tiers</h2>
<p>Ce qui est relativement nouveau, c’est que la Cour internationale de justice accepte désormais d’entendre des requêtes, telle celle parrainée par l’Afrique du Sud, présentées par un État partie à un traité ou une convention, qui allèguent un manquement à ses obligations <em>erga omnes partes</em>. De telles obligations reposent en effet sur les valeurs que les États partagent en commun et que tout État a donc un intérêt à faire respecter, sans égard au fait d’avoir ou non soi-même subi les conséquences d’un manquement.</p>
<p>Ainsi, en 2019, la Gambie a déposé une <a href="https://icj-cij.org/sites/default/files/case-related/178/178-20191111-APP-01-00-FR.pdf">Requête</a> contre le Myanmar, concernant ses actions envers les membres de la communauté rohingya. C’est aussi sur cette base d’obligations <em>erga omnes partes</em> que le Canada et les Pays-Bas ont déposé en juin 2023 une <a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/188/188-20230608-req-01-00-fr.pdf">Requête</a> contre la Syrie l’accusant de contrevenir à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.</p>
<p>La reconnaissance par la CIJ de telles obligations <em>erga omnes partes</em> revendiquées par un État n’étant pas directement impliqué apparaît comme une innovation majeure. Elle permet, à défaut d’empêcher en amont qu’un État ne contrevienne à ses obligations, de lui rappeler en aval et publiquement ses obligations. </p>
<h2>Assumer un rôle émergent en maintien de la paix</h2>
<p>Au-delà de la question qu’aura à trancher la Cour, le plus important reste le rôle que les États semblent désormais vouloir lui faire jouer en lui soumettant de telles requêtes. La CIJ a compétence en matière de règlement pacifique des différends et, par extension, elle a un rôle à jouer dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Mais si ses ordonnances ne sont pas suivies d’effets, sont-elles seulement destinées à marquer les esprits, ce qui contribuerait à politiser la justice internationale ?</p>
<p>S’il est certes douteux qu’une ordonnance incite un État à mettre un terme à sa conduite et à ses activités sur le terrain, la procédure elle-même demeure toutefois importante. Elle peut permettre de documenter une situation et d’établir les faits d’une manière telle qu’il pourrait être plus difficile d’en faire abstraction par la suite. </p>
<p>Ainsi, dans le cas de la Syrie, l’<a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/188/188-20231116-ord-01-00-fr.pdf">Ordonnance</a> rendue par la Cour la sommait de prendre « toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir les actes de torture et autres… traitements cruels, inhumains ou dégradants », et lui intimait de « prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation de tous les éléments de preuve relatifs aux allégations ». Ces éléments pourraient ultérieurement être utilisés dans le cadre de procédures judiciaires ou afin de justifier des réparations.</p>
<p>À cet égard, la Cour pourrait également faciliter la création et l’accès au terrain d’une mission visant à établir les faits et à documenter les circonstances. Il s’agit là d’un aspect important du règlement des différends qui peut contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationale. </p>
<p>Le défi pour la Cour consistera à assumer ce rôle émergent en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale et à naviguer à travers ces questions d’interprétation qui demeurent éminemment politiques. Les décisions que les juges ont à prendre seront capitales pour le futur d’un ordre international qui apparaît pour le moment bien désordonné.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220727/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Thibault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Cour internationale de justice élargit de plus en plus son mandat, palliant au dysfonctionnement du Conseil de sécurité, qui devrait être le principal garant du maintien de la paix dans le monde.Jean-François Thibault, Professeur en relations internationales, École des hautes études publiques, Université de MonctonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201312023-12-21T14:28:23Z2023-12-21T14:28:23ZLa faim justifie les moyens – quand l’ours polaire s’attaque à l’oie des neiges<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566997/original/file-20231220-19-d2je5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C989%2C745&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les adaptations que les ours devront déployer pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques sont multiples et imprévisibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>C’est durant l’hiver que les ours polaires (<em>Ursus maritimus</em>) constituent leurs <a href="https://doi.org/10.1086/physzool.69.2.30164186">réserves de graisses</a>. La chasse intensive de phoques – une ressource <a href="https://doi.org/10.1139/z75-117">riche en gras</a> – leur permet d’emmagasiner assez d’énergie pour traverser l’été.</p>
<p>Avec le réchauffement du climat, les opportunités de chasse sur la banquise <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2656.12685">diminuent</a>. Et les experts estiment qu’il n’y a pas assez de nourriture sur la terre ferme pour compenser la <a href="https://doi.org/10.1890/140202">diminution des réserves énergétiques chez les ours</a>.</p>
<p>Face à ces changements, certains individus profitent des colonies <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2013.3128">d’oiseaux nicheurs et de leurs œufs</a>, l’une des rares ressources faciles à obtenir sur la terre ferme, pour combler en partie leurs déficits énergétiques. Les adaptations que les ours devront déployer pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques sont multiples et imprévisibles.</p>
<p>Étudiant-chercheur en écologie, je profitais d’un court séjour au nord de l’île de Baffin, au Nunavut, pour travailler sur la petite faune de l’île Bylot. Le temps d’un après-midi, un ours polaire en a décidé autrement. Nous vous livrons ici ses prouesses, qui ont mené à l’observation d’un comportement inédit.</p>
<h2>L’observation inusitée – l’ours polaire en eau douce</h2>
<p>Nous sommes le 8 août 2021. À 80 km de la communauté inuite de Mittimatalik, le camp de recherche de l’île Bylot fourmille d’activité.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/as-2023-0029">Établi depuis 30 ans</a>, il est situé en plein cœur de l’aire d’élevage de la plus grande colonie connue d’oie des neiges (<em>Anser caerulescens caerulescens</em>). Aujourd’hui, les scientifiques de différents horizons parcourent le fond de la vallée Quarliktuvik – généralement plat – pour étudier le sol, l’eau, les plantes et la faune.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Bylot Island main research station TimMoser x" src="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le camp de recherche de l’île Bylot.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Tim Moser)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En sortant d’un ravin, l’un des rares reliefs des environs, je balaie la vallée de mes jumelles. Deux paires de jambes retiennent mon attention au loin. Les brumes de chaleur brouillent l’image, mais ce que je considérais être des collègues marchant côte à côte prend soudainement la forme floue – mais caractéristique – d’un ours polaire. Bien que tous aient l’équipement nécessaire – vaporisateurs chasse-ours, cartouches anti-ours et parfois même un fusil – je retourne <em>presto</em> au camp après avoir alerté le groupe par radio.</p>
<p>Plusieurs collègues se sont regroupés sur une petite colline pour garder à l’œil le nouveau venu. En effet, le temps que je parcoure le kilomètre me séparant du camp, <em>nanuk</em> en avait fait trois dans sa direction et s’affairait autour d’un étang occupé par des oies. À cette période de l’année, <a href="https://doi.org/10.1111/jav.00982">celles-ci sont en mues</a> – donc incapables de voler – et s’attroupent près des étangs pour échapper au <a href="https://doi.org/10.14430/arctic604">renard arctique (<em>Vulpes lagopus</em>)</a>, qui dédaigne de se jeter à l’eau. Avec un ours dans les parages, les activités sur le terrain cessent et nous profitons de cet après-midi radieux pour observer le roi de la banquise.</p>
<p>Fidèles à leur habitude, les oies se sont réfugiées dans l’étang le plus proche à la vue du danger. Elles pataugent suffisamment rapidement pour maintenir l’ours, qui nage à la surface, à une bonne distance.</p>
<p>Celui-ci utilise alors une technique inédite : il plonge sous l’eau, disparaît aux yeux des oies qui cessent de fuir, et sort sous l’une d’elle.</p>
<p>Ma collègue Mathilde Poirier consigne ce comportement dans son carnet :</p>
<blockquote>
<p>13h45 – 14h00 : l’ours nage dans le lac […], effectue 4 plongées pour essayer d’attraper une oie. Réussi à sa 4<sup>e</sup> tentative (attrape l’oie par en dessous, lors d’une plongée).</p>
</blockquote>
<p>Au cours de l’après-midi, l’ours utilise cette technique deux autres fois, avec un échec et une réussite.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nous avons observé une technique de chasse inédite chez un ours polaire : il plonge sous l’eau, disparaît aux yeux des oies qui cessent de fuir, puis sort sous l’une d’elle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Madeleine-Zoé Corbeil-Robitaille)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quels bénéfices les ours peuvent-ils tirer de ce comportement ?</h2>
<p>Deux mois plus tard, de retour l’Université Laval, cette observation nous fascine toujours. Nulle part dans la littérature scientifique ne fait-on mention d’un tel comportement. Au mieux, on y rapporte des <a href="https://doi.org/10.33265/polar.v41.8176">attaques sur des guillemots dans l’océan</a>, près des côtes, un environnement fort différent des étangs calmes et peu profond où nous avons observé les attaques.</p>
<p>Étant au fait des <a href="https://doi.org/10.1890/140202">défis énergétiques</a> auxquels font face les ours durant l’été, notre groupe de recherche a voulu répondre à la question suivante : est-ce que cette technique de chasse permettrait à l’ours polaire de bénéficier de la consommation d’oie des neiges ?</p>
<p>L’information consignée sur le terrain, soit le temps nagé par l’ours et son succès de chasse, nous permettait justement d’y répondre. En combinant nos observations avec des <a href="https://doi.org/10.1007/s00300-017-2209-x">estimations du coût énergétique</a> de la nage chez l’ours et <a href="https://doi.org/10.1093/conphys/cow045">l’énergie contenue dans une oie des neiges</a>, nous avons pu modéliser l’efficacité énergétique de la technique.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/AS-2023-0036">Ces calculs révèlent</a> que cette technique de chasse pourrait permettre aux ours d’acquérir plus d’énergie qu’ils n’en dépensent, particulièrement pour les ours de petite taille, et s’ils arrivent rapidement à attraper l’oie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="ours polaire" src="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ours en question s’affairait autour d’un étang occupé par des oies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Yannick Seyer)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Un apport énergétique qui est loin d’être suffisant</h2>
<p>Cet apport énergétique aurait toutefois une portée très limitée.</p>
<p>Tout d’abord, une oie fournit relativement peu d’énergie – environ 200 fois moins qu’un <a href="https://doi.org/10.1139/z75-117">phoque annelé de 45 kilogrammes</a>.</p>
<p>De plus, elles sont rarement disponibles comme proies : elles perdent la capacité de voler seulement 3 ou 4 semaines chaque été et leurs colonies sont situés à <a href="http://dx.doi.org/10.1002/jwmg.879">quelques endroits</a> seulement dans l’arctique.</p>
<p>La chasse d’oies pourrait donc bénéficier ponctuellement à certains ours, mais ne permettra pas, à l’échelle de la population, d’alléger les déficits énergétiques causés par la fonte de la banquise.</p>
<p>Bien que notre observation souligne l’éventail comportemental que peuvent déployer les ours pour exploiter les ressources terrestres, ce type d’interaction entre l’oie des neiges et l’ours polaire ne devrait pas avoir d’impact sur les populations des deux espèces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220131/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Bolduc a reçu des financements du PFSN et de l'Association canadienne pour le trappage sans cruauté. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Matthieu Weiss-Blais a reçu des financements de CRSNG, FRQNT, PFSN. </span></em></p>Des chercheurs ont fait une observation fascinante : un ours polaire a employé une technique de chasse en plongée, encore jamais rapportée, pour capturer de grandes oies des neiges en mue.David Bolduc, Étudiant au doctorat en écologie animale, Université LavalMatthieu Weiss-Blais, Étudiant la maîtrise en biologie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195292023-12-18T19:00:35Z2023-12-18T19:00:35ZBien-être des enseignants : après la pandémie, une éclaircie ? Tout dépend du pays<p>Au printemps 2020, la <a href="https://www.unesco.org/en/Covid-19/education-response">pandémie Covid-19 heurtait violemment les systèmes éducatifs partout dans le monde</a>. S’en sont suivis des mois d’alternance de confinements et de déconfinements, accompagnés de protocoles sanitaires plus ou moins stricts dans les écoles.</p>
<p>En 2021, la première édition du Baromètre international de la santé et du bien-être des personnels de l’éducation (<a href="https://www.educationsolidarite.org/nos-actions/barometre-international-de-la-sante-du-personnel-de-leducation/">I-BEST</a>) avait objectivé l’épuisement des enseignants, notamment en <a href="https://theconversation.com/la-crise-sanitaire-met-la-sante-du-personnel-enseignant-sous-haute-tension-171620">France, en Belgique et au Québec</a>.</p>
<p>Deux ans plus tard, en 2023, alors que la pandémie est passée au second plan des préoccupations, la deuxième édition du Baromètre offre une nouvelle photo de la situation dans ces trois territoires. Comment le ressenti des enseignants y a-t-il évolué en deux ans ?</p>
<h2>Suivre le bien-être des personnels de l’éducation dans le temps et l’espace</h2>
<p>Le Baromètre I-BEST est un dispositif de recueil de données statistiques permettant d’avoir une vision actualisée des conditions de travail et du ressenti des personnels de l’éducation au niveau des territoires. L’objectif est d’identifier des priorités d’amélioration au plus près du terrain, dans une finalité de promotion de la santé des personnels de ce secteur, pilier de la société.</p>
<p>Cette enquête internationale a été mise en place en 2021 par le <a href="https://www.educationsolidarite.org/">Réseau Éducation et Solidarité</a> et la Fondation d’entreprise pour la santé publique, avec l’appui de l’Internationale de l’Éducation et la <a href="https://chaireunesco-es.org/">Chaire Unesco « ÉducationS et Santé »</a>. Diffusée le plus largement possible auprès des personnels de l’éducation par des partenaires locaux, elle inclut une centaine de questions sur les conditions de travail, le ressenti professionnel, le bien-être et la santé, ainsi qu’un focus sur une thématique d’actualité.</p>
<p>La première édition d’I-BEST a eu lieu au printemps 2021 dans six pays ou régions à travers le monde : plus de 8 000 enseignants y avaient participé. La deuxième édition, entre février et juin 2023, a concerné non seulement les enseignants, mais aussi les personnels de soutien à l’enseignement : direction, administration, animation pédagogique… Cette fois, un peu plus de 26 000 personnels de l’éducation (des enseignants, pour la très grande majorité) ont participé, issus de onze territoires repartis sur quatre continents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseigner-en-france-en-espagne-au-royaume-uni-un-bien-etre-professionnel-qui-se-degrade-214778">Enseigner en France, en Espagne, au Royaume-Uni : un bien-être professionnel qui se dégrade ?</a>
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<p>La France, la Belgique francophone (simplement désignée « Belgique » dans la suite) et le Québec ont participé aux deux éditions d’I-BEST. Le nombre d’enseignants qui ont répondu au questionnaire a été respectivement en 2021 et 2023 : en France, 3 646 et 9 595 ; en Belgique, 1 268 et 937 ; au Québec : 2 349 et 1 751.</p>
<p>Parmi la centaine de questions du baromètre, une vingtaine d’indicateurs clés sur le travail et le bien-être ont été sélectionnés, par exemple la proportion d’enseignants ayant été victimes de violence au travail dans les 12 derniers mois, ou encore, la part des personnels qualifiant leur santé positivement.</p>
<h2>Santé au travail des enseignants : une évolution contrastée</h2>
<p>En France, tous les indicateurs étudiés restent stables ou évoluent dans le bon sens (Figure 1). En particulier, l’information parait mieux circuler d’un point de vue hiérarchique (+9 points), l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle s’améliore (+7 points) et les enseignants se déclarent plus enclin à choisir de nouveau leur métier si c’était à refaire (+10 points). Cependant, et alors que les niveaux des indicateurs étaient pour la plupart très préoccupants en 2021, nombre d’indicateurs restent encore largement perfectibles en valeur absolue en 2023.</p>
<p>En Belgique, en parallèle d’une banalisation de la violence (+10 points), d’un allongement des temps de trajets et d’une intensification des sources de stress au travail, les indicateurs de bien-être se dégradent tant généralement (-10 points de bien-être estimé et -4 points de santé perçue) que sur le plan psychologique (+5 points de symptomatologie dépressive) ou en termes de satisfaction professionnelle (-13 points). Cette dynamique globalement péjorative positionne le ressenti des enseignants de Belgique à des niveaux proches de ceux de la France, sauf en matière de formation, évolution de carrière et salaire où les chiffres restent meilleurs (Figure 1 et Figure 5).</p>
<p>Au Québec, si le ressenti s’améliore nettement vis-à-vis du stress au travail (-14 points), le climat relationnel a tendance à se tendre, avec un taux de personnels victimes de violence dans les 12 derniers mois qui bondit de 14 points pour s’établir à 41 %, et une satisfaction vis-à-vis de la valorisation par la direction et du travail en équipe qui diminue respectivement de 5 points et 7 points (Figure 1).</p>
<p>Lorsqu’on s’intéresse aux dynamiques par grandes catégories d’indicateurs, aucune tendance claire (unanime entre les territoires) ne se dessine en ce qui concerne le bien-être général des enseignants (Figure 2) ou plus spécifiquement leur bien-être professionnel (Figure 3) : pour ces aspects, les chiffres tendent à s’améliorer légèrement en France, à se dégrader en Belgique, alors qu’au Québec, c’est plus souvent le statu quo.</p>
<p>La dynamique des facteurs de stress ne suit pas non plus une règle systématique entre les territoires (Figure 4). Les facteurs investigués se renforcent en Belgique et se maintiennent ou s’atténuent au Québec (sauf pour le taux de violence au travail dans les 12 derniers mois qui bondit en Belgique mais aussi au Québec). En France, la tendance est plutôt à l’atténuation du stress par rapport à la situation observée en 2021.</p>
<p>En ce qui concerne les facteurs motivationnels – possibilités de formation et d’évolution professionnelle, salaire –, les évolutions sont quasi systématiquement positives dans les 3 territoires, et de fortes ampleurs (Figure 5). Ce tableau pointe vers un retour à la normale après le choc de la pandémie Covid-19 qui avait fortement désorganisé les systèmes éducatifs, y compris sur ces aspects. La première édition avait eu lieu 18 mois après le début de la pandémie, en plein cœur de crise sanitaire.</p>
<p>Par contraste, pour les facteurs organisationnels (circulation hiérarchique de l’information, travail en équipe, valorisation par la direction) (Figure 5), la situation apparaît relativement stable en France et en Belgique (à l’exception de la nette amélioration en France de la circulation de l’information hiérarchique), et se dégrade légèrement au Québec.</p>
<h2>De l’importance d’actualiser les données dans un monde mouvant</h2>
<p>I-BEST nous livre une image contrastée des évolutions 2021-2023 du bien-être professionnel et général des enseignants dans 3 territoires de l’occident francophone, pointant vers des problématiques locales spécifiques : globalement, ces deux dernières années, les indicateurs santé/travail des enseignants ont plutôt évolué favorablement en France, défavorablement en Belgique, et de manière mitigée au Québec.</p>
<p>Dans un monde impacté par des chocs majeurs touchant en particulier l’école – attentats terroristes, épidémies… – alors même qu’elle joue un rôle décisif d’amortisseur, il importe de suivre le moral des personnels, dans le temps et au plus près du terrain. I-BEST, par la diversité des territoires impliqués, participe à identifier de bonnes pratiques et cibler des voies d’améliorations prioritaires.</p>
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<p><em>Remerciement : Nathalie Billaudeau pour les statistiques et les figures ; Nathalie Billaudeau, Pascale Lapie-Legouis, Karim Ould-Kaci, Ange-Andréa Lopoa et Morgane Richard pour la relecture de l’article. Le Réseau Éducation et Solidarité et tous ses partenaires pour la mise en œuvre et la valorisation d’I-BEST</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219529/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noël Vercambre-Jacquot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le bien-être des enseignants s’améliore en France entre 2021 et 2023, il se détériore en Belgique tandis que la situation reste mitigée au Québec, nous dit le baromètre international I-BEST.Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Chercheur épidémiologiste, Fondation d'entreprise pour la santé publiqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2185702023-12-12T16:15:39Z2023-12-12T16:15:39ZProjet Montréal continue d’augmenter le budget de son service de police. Voici pourquoi<p>En novembre, Projet Montréal a présenté son budget pour 2024. Certains auront une impression de déjà-vu. Comme l’an dernier, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) s’apprête à dépasser son budget d’au moins <a href="http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/COMMISSIONS_PERM_V2_FR/MEDIA/DOCUMENTS/PR%C9SENTATION_SPVM_BUDGET2024_20231110.PDF">36,9 millions de dollars</a>. </p>
<p>Une fois de plus, Projet Montréal se contente de couvrir les dépenses extraordinaires du SPVM et d’augmenter son budget pour l’année à venir — tout en demandant à la Société de transport de Montréal (STM) de combler son déficit budgétaire en réduisant ses dépenses en 2024.</p>
<p>Mes recherches portent sur les politiques de sécurité publique dans les villes canadiennes. J’ai ainsi suivi l’évolution des budgets des dix plus grandes polices urbaines du Canada au cours des cinq dernières années. Les résultats de cette recherche, j’espère, permettront de placer le débat budgétaire actuel à Montréal dans un contexte plus large.</p>
<h2>De plus en plus d’argent pour la police</h2>
<p>Les largesses de Projet Montréal à l’égard de la police n’est pas nouvelle. Au cours des cinq dernières années, le SPVM a dépassé son budget de <a href="https://theconversation.com/canadian-cities-continue-to-over-invest-in-policing-217344">35,7 millions de dollars par année</a>. Au total, ce sont 178,6 millions de dollars que le SPVM s’est octroyé — une somme que la Ville aurait pu consacrer à d’autres priorités.</p>
<p>Aucune autre grande ville du Canada ne permet de tels dépassements budgétaires. Celle qui s’en rapproche le plus est Vancouver, qui tolère que son service de police excède son budget de <a href="https://theconversation.com/canadian-cities-continue-to-over-invest-in-policing-217344">2,5 millions de dollars par année</a> — soit 15 fois moins.</p>
<p>Projet Montréal a également octroyé des augmentations budgétaires sans précédent au SPVM. La majoration de 45 millions de dollars du budget du SPVM en 2022 était la plus importante de l’histoire de la Ville, jusqu’à ce que l’augmentation de 60 millions de dollars pour 2023 établisse un nouveau record. Il s’agit là aussi d’un cas unique au Canada. Depuis 2020, <a href="https://theconversation.com/canadian-cities-continue-to-over-invest-in-policing-217344">Montréal a injecté plus d’argent frais dans la police que n’importe quelle autre grande ville canadienne</a> — 35 millions de dollars de plus que Toronto, la deuxième ville la plus dépensière.</p>
<p>En octroyant au SPVM une nouvelle augmentation dans le budget municipal 2024, une somme de 35 millions de dollars, Projet Montréal continue à agir comme la division de collecte de fonds de la police.</p>
<h2>Le transport en commun, le grand perdant</h2>
<p>Ces dépenses sont difficiles à défendre, et Projet Montréal a fait très peu d’efforts pour les justifier. </p>
<p>De son côté, le SPVM fournit des excuses. Au cours des trois dernières années, il évaluait que le service <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2023-11-27/spvm/deux-fois-plus-de-temps-supplementaire-que-prevu-en-2023.php">manquait d’effectifs et devait recourir aux heures supplémentaires</a> (beaucoup plus coûteuses) pour combler le manque de ressources. Pourtant, Montréal est la ville qui compte déjà le <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2020001/article/00015-fra.htm">plus de policiers par habitant au Canada</a>. D’autres services de police (notamment celui de Toronto) accumulent <a href="https://theconversation.com/canadian-cities-continue-to-over-invest-in-policing-217344">plus d’heures supplémentaires, tout en respectant leur budget</a>.</p>
<p>Il est par ailleurs encore plus difficile d’expliquer comment le SPVM n’a pas réussi à embaucher les 124 policiers supplémentaires en 2023 — l’estimation la plus optimiste est une <a href="https://www.journaldemontreal.com/2023/12/04/spvm-enfin-une-annee-ou-le-recrutement-fonctionne">augmentation de 80 à 90 policiers</a> — mais qu’il a quand même dépassé son budget et veut maintenant une autre augmentation pour embaucher 107 policiers de plus.</p>
<p>Il est peut-être ironique que Projet Montréal prétende prioriser le transport en commun — la « ligne rose » étant l’une de ses principales promesses lors de l’élection de 2017 — alors que l’administration municipale force la STM à réduire ses dépenses et ses effectifs, tout en redistribuant au SPVM les économies ainsi réalisées. </p>
<p>En 2023, la STM a été forcée de <a href="https://montrealgazette.com/news/local-news/montreal-budget-stm-finances">réaliser 51,6 millions de dollars d’économies</a>, alors que le SPVM a été autorisé à augmenter ses dépenses de 65 millions de dollars. Au cours de la prochaine année, la STM sera forcée de <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2023-11-15/transport-collectif/la-stm-devra-supprimer-120-postes-pour-eviter-le-pire.php">réduire ses dépenses d’encore 50 millions de dollars</a>, alors que le SPVM sera autorisé à augmenter ses dépenses de 35 millions de dollars. Résultat : <a href="https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/803010/transport-collectif-bus-bondes-usagers-insatisfaits-repentigny">250 effectifs de moins pour le STM</a> et 107 de plus pour le SPVM.</p>
<h2>Des alternatives à la police</h2>
<p>On pourrait rétorquer que la sécurité publique est une dépense essentielle, car des vies sont littéralement en jeu. Mais la sécurité publique n’est pas qu’une question de police. Ce qui distingue Montréal des autres grandes villes dans son approche est son incapacité de considérer comment les investissements dans d’autres services et programmes peuvent mieux prévenir la violence, mieux répondre à certaines catégories d’appels au 911 et, en fin de compte, donner moins de travail à la police. </p>
<p>À Toronto, par exemple, le <a href="https://www.toronto.ca/wp-content/uploads/2023/01/8e71-Toronto-Community-Crisis-Service-Jan-2023-Evaluation-Reportaccessible.pdf">Community Crisis Service</a> a été lancé en 2022 comme réponse non policière aux appels d’urgence impliquant la santé mentale. Ce service fait appel à des professionnels de la santé, qui relèvent généralement de la compétence des provinces, mais est <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/toronto-community-crisis-service-report-expansion-city-council-committee-1.7007108">financé par la Ville</a> au motif qu’il permet de réduire le recours à la police. Montréal pourrait bien suivre l’exemple de Toronto, ce que le <a href="https://www.ledevoir.com/politique/montreal/772079/fady-dagher-promet-un-equilibre-entre-la-repression-et-la-prevention?">directeur du SPVM, Fady Dagher, semble soutenir</a>.</p>
<p>Fady Dagher soutient aussi, par ailleurs, les demandes de la communauté de <a href="https://journalmetro.com/actualites/montreal/3115353/le-spvm-voudrait-reduire-sa-presence-dans-les-ecoles/">retirer les policiers « socio-communautaires » des écoles</a>, où leur présence cause un sentiment d’insécurité à de nombreux élèves. La Ville pourrait saisir cette opportunité et réaffecter l’argent actuellement alloué aux « socio-comms » à des professionnels mieux outillés à répondre aux besoins des élèves. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait les écoles de Toronto, d’Hamilton, d’Ottawa et de Vancouver.</p>
<p>Parmi les nombreuses questions que nous devrions poser pendant cette saison budgétaire, est celle de savoir si Projet Montréal croit que le SPVM devrait avoir un plus grand rôle dans la ville — ou si on pourrait finalement mettre un terme à son sur financement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218570/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ted Rutland a reçu des financements de Conseil de recherches en sciences humaines.</span></em></p>Le Service de police de la Ville de Montréal s’apprête à dépasser son budget encore une fois cette année. Aucune autre grande ville du Canada ne permet de tels dépassements budgétaires.Ted Rutland, Associate professor, Geography, Planning and Environment, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2190832023-12-05T16:25:04Z2023-12-05T16:25:04ZLe conflit israélo-palestinien met à l’épreuve le multiculturalisme canadien<p>Dans l’imaginaire collectif et la représentation sociale que l’on se fait du Canada, le pays est généralement perçu comme ouvert et accueillant envers la diversité ethnoculturelle et religieuse. </p>
<p>L’immigration est considérée comme une <a href="https://journals.library.ualberta.ca/af/index.php/af/article/view/29376">richesse au Canada</a> et le multiculturalisme s’est érigé au fil des décennies en une valeur à protéger et à chérir, comme en fait foi <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/221026/dq221026b-fra.htm">l’Enquête sociale générale de 2020</a>, où 92 % de la population l’endossait. <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-18.7/page-1.html">La <em>Loi sur le multiculturalisme canadien</em></a> stipule que celui-ci « est une caractéristique fondamentale de l’identité et du patrimoine canadiens et constitue une ressource inestimable pour l’avenir du pays ». </p>
<p>Cependant, depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre, les nombreuses manifestions qui s’en sont suivies, tant en faveur que contre Israël ou en soutien à la Palestine, ont révélé des tensions liées à l’immigration. Les crimes haineux sont aussi en hausse : à Toronto seulement, on rapporte une <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/hate-crime-rise-israel-gaza-1.7001288">augmentation de 132 % depuis le début du conflit</a>.</p>
<p>Il devient ainsi impératif de s’interroger sur les risques éventuels de conflits au sein des différentes communautés canadiennes. Cela est particulièrement préoccupant pour celles qui font face simultanément au racisme et aux répercussions des conflits en cours dans leurs pays d’origine. Par exemple, le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2012985/tensions-inquietude-sikhs-hindous-khalistan">conflit historique entre hindous et sikhs</a> suscite des inquiétudes parmi les sikhs du Canada, notamment lorsqu’un de leurs leaders a été assassiné en Colombie-Britannique.</p>
<p>En tant que sociologue, spécialisé dans l’éducation inclusive, j’ai rapidement constaté que le racisme et les discriminations représentent des problématiques significatives dans notre société. Récemment, j’ai rédigé un article intitulé : <a href="https://journals.openedition.org/trema/6042#:%7E:text=L%E2%80%99%C3%A9ducation%20inclusive%20englobe%20et,n%C3%A9gliger%20pour%20autant%20le%20tout">« Penser l’éducation inclusive dans un contexte de discriminations et de diversité au Canada »</a> afin d’expliquer, entre autres, les limites du multiculturalisme canadien dans la lutte contre les discriminations. Conformément à la perspective <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Paugam">du sociologue français Serge Paugam</a>, qui voit le rôle du sociologue inclure une prise de parole <a href="https://www.puf.com/content/La_pratique_de_la_sociologie">« pour lutter contre toutes les formes de domination »</a>, j’analyserai comment ce multiculturalisme est mis à mal par le conflit entre Israël et la Palestine.</p>
<h2>Augmentation des crimes haineux</h2>
<p>Les statistiques sur les crimes haineux démontrent que des tensions existent bel et bien, malgré les résultats de l’Enquête de 2020. Ainsi, de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230322/cg-a004-fra.htm">2019 à 2021</a>, la communauté juive a été le groupe le plus fréquemment visé par des crimes haineux, et les signalements à la police ont connu une augmentation significative. En 2019, 306 crimes antisémites ont été signalés à l’échelle nationale. Un an plus tard, ce chiffre a atteint 331 et en 2021, il a augmenté de manière significative pour atteindre 492. <a href="https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/victim/rr16-rd16/p1.html">Une nouvelle hausse a été enregistrée en 2022, avec 502 incidents déclarés</a>. </p>
<p>Les communautés musulmanes ont également été fortement touchées par des crimes haineux : en 2019, 182 incidents ont été signalés. En 2020, ce nombre a diminué à 84, pour augmenter cependant en 2021, atteignant 144. Enfin, les catholiques ont également été la cible d’actes haineux, avec une augmentation importante des signalements : en 2019, 51 cas ont été recensés, contre 43 en 2020, et 155 en 2021.</p>
<p>Il semble que l’Ontario, la province qui accueille le plus grand nombre d’immigrantes et d’immigrants au Canada, soit celle aux prises avec les pourcentages de crimes haineux les plus élevés par habitant. Selon les données de Statistique Canada de 2021, Ottawa est la ville affichant le taux le plus élevé de ces crimes. <a href="https://twitter.com/DavidVermette/status/1584537161743106048">Parmi les 10 premières villes canadiennes les plus touchées par le phénomène, on recense plus de huit villes ontariennes</a>.</p>
<h2>Un basculement de l’opinion publique</h2>
<p>Pour le dire sans ambages, le multiculturalisme n’est pas perçu par toutes et tous comme une richesse et cette perception est exacerbée par le conflit en cours entre deux des communautés les plus discriminées au pays. Tout cela se déroule dans un contexte où les capacités d’accueil des populations immigrantes sont remises en question.</p>
<p>Selon un <a href="https://www.thestar.com/news/canada/there-s-going-to-be-friction-two-thirds-of-canadians-say-immigration-target-is-too/article_7740ecbd-0aed-5d36-b5da-b67bda4a13c5.html">sondage d’Abacus publié le 29 novembre</a>, plus de 67 % de la population estime qu’il y aura des tensions entre les communautés, principalement en raison du seuil d'immigration jugé excessif du gouvernement fédéral. Celui-ci vise toujours à accueillir <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2023209/immigration-immigrants-seuil-ottawa-federal">plus de 500 000 immigrants par an au cours des prochaines années</a>. Cela dit, Ottawa a rejeté l’<em>Initiative du siècle</em>, dirigée par un ancien dirigeant de la firme McKinsey, qui suggérait que la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1978949/demographie-immigration-cibles-canada">population du Canada devrait atteindre 100 millions d’ici à 2100</a>. </p>
<p>Selon un <a href="https://nationalpost.com/opinion/canada-diversity-poll">autre sondage</a>, plus de 78 % des Canadiennes et Canadiens expriment leur préoccupation quant à l’impact du conflit entre Israël et la Palestine au pays. En ce qui concerne les manifestations pro-Palestine, plus des trois quarts des gens sondés sont d’avis que le gouvernement devrait expulser du pays les personnes non citoyennes coupables de discours haineux ou de soutien au Hamas. </p>
<p>Ces chiffres témoignent d’un basculement important dans l’opinion publique concernant la valeur du multiculturalisme. Il ne s’agit plus seulement de sensibiliser les citoyennes et citoyens à la richesse de la diversité ethnoculturelle et religieuse du pays, mais aussi d’accompagner les différentes communautés qui vivent ou qui veulent immigrer au Canada. <a href="https://nationalpost.com/opinion/canada-diversity-poll">Selon le même sondage</a>, plus de la moitié affirment que le gouvernement canadien devrait en faire davantage pour s’assurer que les nouveaux arrivants acceptent les valeurs canadiennes, et plus de 55 % pensent que la politique d’immigration du Canada devrait les encourager à adopter ces valeurs, notamment en abandonnant toute croyance incompatible avec le Canada.</p>
<h2>Un monde de plus en plus complexe</h2>
<p>Le conflit israélo-palestinien semble avoir ébranlé les fondements du multiculturalisme. </p>
<p>Il est frappant de constater à quel point, en si peu de temps, une valeur jugée fondamentale, soutenue par plus de 92 % de la population en 2020, peut être autant remise en question trois années plus tard. En revanche, il est important de rappeler que les crimes haineux existaient avant ce conflit, et ils indiquaient déjà que le multiculturalisme n’était pas tant respecté comme « valeur canadienne ». </p>
<p>Le sociologue Edgar Morin affirme que <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/introduction-a-la-pensee-complexe-edgar-morin-9782020668378.html">« la diversité crée la complexité et la complexité crée la richesse »</a>. Certes, le multiculturalisme canadien mise à juste titre sur la richesse de la diversité, mais il est appelé à se renouveler dans une société et un monde de plus en plus complexes. </p>
<p>Parfois, le multiculturalisme canadien donne l’impression que les communautés vivent <em>côte à côte</em>, dans la tolérance de l’Autre, sans pour autant coconstruire une société d’appartenance pour toutes et tous. Il ne faudrait pas laisser la situation sociale se détériorer, car on ne souhaite pas vivre <em>face à face</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219083/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian J. Y. Bergeron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les crimes haineux existent depuis plusieurs années au Canada, mais le récent conflit entre Israël et le Hamas les a exacerbés, remettant en cause le multiculturalisme canadien.Christian J. Y. Bergeron, Professeur en sociologie de l’éducation, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187832023-12-04T16:33:53Z2023-12-04T16:33:53ZEn quête de transparence : la réglementation canadienne sur les pesticides a besoin d’une refonte. Voici pourquoi<p><a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2021/08/le-gouvernement-du-canada-suspend-sa-decision-au-sujet-du-glyphosate-pendant-quil-renforce-la-capacite-et-la-transparence-du-processus-dexamen-des-.html">En 2021, Santé Canada a annoncé le gel de la modification des limites maximales de résidus (LMR)</a> – soit le maximum autorisé de résidus de pesticides en vertu de la loi canadienne. Cette décision fait suite à un tollé général important découlant de l’<a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/public/consultations/limites-maximales-residus-proposees/2021/glyphosate/document.html">augmentation proposée de la LMR pour le glyphosate</a>, l’herbicide le plus largement utilisé au Canada.</p>
<p>Cette année, trois ministères (dont Santé Canada) ont accepté de <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2023/06/le-gouvernement-du-canada-donne-suite-aux-engagements-federaux-en-matiere-de-pesticides.html">lever le gel de la modification des LMR</a> pour procéder aux ajustements des limites de résidus moins complexes. Par le fait même, ils ont lancé un programme de <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/directions-generales-agences/agence-reglementation-lutte-antiparasitaire/transformation/comment-nous-transformons.html">transformation</a> au sein de l’<a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/directions-generales-agences/agence-reglementation-lutte-antiparasitaire.html">Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA)</a>.</p>
<p>Cette décision visait à accroître la transparence, à moderniser leurs pratiques commerciales, à améliorer l’accès aux informations liées à la prise de décision en matière de pesticides et à accroître l’utilisation de données du monde réel et de conseils indépendants.</p>
<p>Cependant, la confiance envers l’ARLA demeure un enjeu ; <a href="https://publications.gc.ca/collections/collection_2023/sc-hc/H114-39-2023-eng.pdf">seulement 60 % des Canadiens croient que le système de réglementation suit le rythme des progrès scientifiques</a> en matière d’évaluation des pesticides. Une pression supplémentaire qui érode la confiance des Canadiens envers la science.</p>
<h2>Défis et controverses</h2>
<p>Malgré les inquiétudes persistantes concernant les risques pour la santé humaine et environnementale, l’utilisation mondiale de pesticides <a href="https://www.fao.org/faostat/fr/#data/RP/visualize">a augmenté au cours des 30 dernières années</a>.</p>
<p>Au Canada, le recours accru aux pesticides est largement lié à l’intensification de l’agriculture dans les principales régions agricoles des <a href="https://doi.org/10.3389/fenvs.2020.556452">Prairies canadiennes, du sud de l’Ontario et du Québec</a>.</p>
<p>Faire progresser la réglementation des pesticides pour répondre aux besoins du secteur agricole canadien, tout en protégeant la santé humaine et environnementale, constitue un défi croissant.</p>
<p>Il existe <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/rapports-publications/pesticides-lutte-antiparasitaire/plans-rapports/rapport-annuel-2020-2021.html">plus de 600 ingrédients actifs dans plus de 7 600 produits pesticides homologués</a> – un nombre impressionnant, qui continue d’augmenter.</p>
<p>De 2011 à 2021, l’ARLA a homologué entre 7 et 27 nouveaux ingrédients actifs annuellement. Entre-temps, il n’a interdit que <a href="https://doi.org/10.3390/toxics11020121">32 des 531 ingrédients actifs de pesticides qui sont proscrits et réglementés dans 168 autres pays</a>.</p>
<p>Cet afflux de substances exerce une pression supplémentaire sur l’agence, qui doit examiner les volumes de données scientifiques produites à la fois par le titulaire d’homologation (le fabricant du pesticide) et par des scientifiques indépendants. Et ce, tout en évaluant en permanence la liste croissante de produits existants quant à leur sécurité pour les humains et leurs risques pour la santé environnementale.</p>
<p>Certaines décisions d’homologation de pesticides, y compris les homologations conditionnelles, ont été très controversées, soulignant le manque de transparence ou la perception de parti pris de l’industrie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6i2sJwxw5Uc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une exploration des liens entre l’utilisation des pesticides et les maladies humaines, produite par les documentaires de la Deutsche Welle.</span></figcaption>
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<p>Dans le cas du glyphosate, les ventes au Canada ont dépassé près de 470 millions de kilogrammes entre 2007 et 2018. Les inquiétudes du public concernant les risques pour la santé humaine et les utilisations réglementées ont même donné lieu à des <a href="https://www.ctvnews.ca/health/advocates-thrilled-as-court-orders-health-canada-to-reassess-glyphosate-decision-1.5772134">contestations juridiques</a>.</p>
<p>De surcroît, la décision proposée en 2018 d’éliminer progressivement trois <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/agriculteurs-utilisateurs-commerciaux/insecticides-classe-ndonicotinoides.html">insecticides néonicotinoïdes</a> neuroactifs les plus largement utilisés, les plus persistants et les plus toxiques dans l’environnement, a été <a href="https://www.nationalobserver.com/2021/04/08/news/feds-wont-ban-pesticides-deadly-bees-bugs-ecosystems">annulée en 2021</a>. Les citoyens et les scientifiques ont dû chercher des réponses pour savoir si l’influence de l’industrie avait provoqué cette <a href="https://www.wildernesscommittee.org/news/federal-pesticide-regulator-flip-flops-proposed-neonics-ban-after-years-delay">volte-face</a>.</p>
<h2>De nouveaux rôles</h2>
<p>L’année dernière, dans le cadre de son programme de transformation, Santé Canada avait pour objectif de renforcer ses processus d’examen des pesticides en établissant un <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires.html">comité consultatif scientifique indépendant</a>.</p>
<p>Composé actuellement de huit experts universitaires, dont les antécédents ont été examinés pour identifier les conflits d’intérêts, le comité a été chargé de fournir des conseils objectifs et fondés sur la science pour éclairer les décisions réglementaires sur les produits antiparasitaires. Nous sommes quatre d’entre eux.</p>
<p>Depuis sa création en juillet 2022, le comité s’est réuni cinq fois avec l’ARLA de Santé Canada dans le cadre d’un <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires/reunions.html">forum public</a>.</p>
<p>Le comité a été chargé de fournir des commentaires sur diverses questions telles que la communication des LMR, l’utilisation de sources de données indépendantes, la création de bases de données en libre accès sur la toxicité et l’accès aux données des titulaires d’homologation utilisées dans la prise de décision.</p>
<p>En découle un premier signe positif : l’ARLA a répondu aux <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires/rapports-consultatifs.html">conseils et aux recommandations du comité</a>, ce qui devrait renforcer la confiance du public et garantir que la prise de décisions fondées sur des données scientifiques est au cœur de ses processus.</p>
<h2>Informer les nouvelles politiques</h2>
<p>Le Canada aurait dû établir depuis longtemps un <a href="https://canadacommons.ca/artifacts/1191021/a-canada-wide-framework-for-water-quality-monitoring/1744148/">programme coordonné de surveillance de l’eau</a> pour mesurer systématiquement les niveaux de pesticides à l’échelle nationale.</p>
<p>Le comité fournit des conseils scientifiques externes sur la nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/public/proteger-votre-sante-environnement/programmes-initiatives/surveillance-pesticides-eau/programme-pilote.html">initiative pilote du cadre de surveillance des eaux</a>.</p>
<p>Les experts du comité donnent leur avis sur les orientations concernant la sélection des sites, la fréquence de surveillance des différents types d’eaux de surface et les mesures analytiques des composés utilisés actuellement et de leurs produits de dégradation.</p>
<p>L’objectif est de garantir que ces données indispensables sur la qualité de l’eau soient rigoureuses et utilisables pour les futures évaluations des risques et la recherche scientifique indépendante.</p>
<p>Depuis peu, l’ARLA a la responsabilité supplémentaire d’améliorer les objectifs plus larges du Canada en matière de biodiversité et de protection de l’environnement en alignant ses travaux réglementaires sur le <a href="https://www.cbd.int/article/cop15-final-text-kunming-montreal-gbf-221222">Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal de 2022 – qui vise à réduire les risques liés aux pesticides d’au moins 50 % d’ici 2030</a>. Et ce, parallèlement à la promulgation du <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2023/06/projet-de-loi-s-5--loi-sur-le-renforcement-de-la-protection-de-lenvironnement-pour-un-canada-en-sante.html">Projet de loi S-5, mettant à jour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999</a> afin de tenir compte de l’exposition cumulative aux pesticides dans les évaluations des risques. Le comité élabore actuellement des recommandations pour éclairer les approches permettant de répondre au mieux à ces initiatives politiques importantes.</p>
<h2>Vers une gestion des pesticides plus transparente</h2>
<p>La progression vers une réglementation des pesticides plus transparente et plus solide sur le plan scientifique au Canada est attendue depuis longtemps. Et est essentielle.</p>
<p>Il est urgent de mettre davantage l’accent sur la transparence et la communication des données scientifiques qui sous-tendent le processus décisionnel en matière de réglementation des pesticides. Le manque d’accès aux données et aux informations utilisées dans l’évaluation des risques mine la confiance du public.</p>
<p>Dans la même optique, la dépendance excessive à l’égard des études confidentielles fournies par l’industrie, une application limitée des données provenant de scientifiques indépendants, un manque de données accessibles au public sur les ventes, l’utilisation et la surveillance environnementale des pesticides à base d’ingrédients actifs, exacerbent le scepticisme.</p>
<p>À mesure que l’ARLA évolue vers une plus grande transparence et réaffirme son processus décisionnel fondé sur des données probantes en matière de réglementation des pesticides, l’avis des chercheurs scientifiques indépendants qui font partie du comité jouera un rôle essentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218783/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie S. Langlois reçoit du financement du programme des Chaires de recherche du Canada (CRC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), d'Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), du Ministère de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques, Faune et Parcs du Québec (MELCCFP), entre autres. La Prof. Langlois est la coprésidente du Comité consultatif scientifique (CCS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christy Morrissey reçoit actuellement un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de la Fondation canadienne pour l'innovation, d'Environnement et Changement climatique Canada, de Mitacs, du ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan et de la Fondation Molson. Elle est membre du Comité consultatif scientifique (CCS) de l'ARLA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le Prof. Eric Liberda reçoit un financement des IRSC et de Services aux Autochtones Canada pour mener des recherches sur les pesticides et l'exposition aux métaux/métalloïdes. Il est membre de la Société de toxicologie et de la Société de toxicologie du Canada. Le Prof. Liberda est le coprésident du Comité consultatif scientifique (CCS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sean Prager reçoit du financement du CRSNG, de la Fondation canadienne pour l'innovation, de Génome Canada, du ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan, de plusieurs bureaux de commercialisation et d'ONG. Il est affilié au Comité consultatif scientifique (CCS) de l'ARLA.</span></em></p>Le Canada aurait dû se doter depuis longtemps d’une réglementation sur les pesticides qui soit scientifiquement fondée, solide et transparente. Un comité consultatif scientifique nouvellement créé vise à répondre à ce besoin.Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Christy Morrissey, Professor in Biology and Ecotoxicology, Toxicology Centre, University of SaskatchewanEric Liberda, Professor, School of Occupational and Public Health, Toronto Metropolitan UniversitySean Prager, Associate Professor and Entomologist, University of SaskatchewanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2176452023-12-01T14:17:39Z2023-12-01T14:17:39ZCOP28 : la crise climatique est aussi un enjeu de santé publique<p>Le sommet sur les changements climatiques (COP28) a débuté jeudi dernier aux Émirats arabes unis et se poursuit jusqu’au 12 décembre. Avant même son lancement, ce sommet a fait l’objet de nombreuses critiques. Pourquoi ? Notamment parce que <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/802652/environnement-elephant-petrolier-salle-cop28">son organisation a été confiée à un PDG d’une compagnie pétrolière</a>. </p>
<p>Néanmoins, le calendrier dévoilé nous donne plusieurs raisons d’entrevoir une lueur d’espoir. L’une d’entre elles provient du fait qu’une journée (le 3 décembre) sera consacrée à des discussions quant aux effets des changements climatiques sur la santé. Une première mondiale. </p>
<p>Mais pourquoi devrions-nous donc nous intéresser à la dimension santé du problème ? </p>
<p>Doctorante en science politique à l’Université de Montréal, mes travaux portent sur la construction sociale des problèmes publics. Je m’intéresse notamment aux effets de cadrage de la crise climatique et leur rôle dans l’apport de changements de politique publique.</p>
<h2>Quels effets sur notre santé ?</h2>
<p>Si les liens entre santé et environnement ne sont pas nouveaux, les liens entre santé et changements climatiques relèvent quant à eux d’un phénomène plus récent. </p>
<p>Dans les années 80, on parlait déjà de supposés <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1524-4725.1988.tb03589.x">problèmes dermatologiques causés par le trou dans la couche d’ozone</a>. </p>
<p>Le lien avec les changements climatiques s’est toutefois fait plus tard, à la fin des années 2010. C’est à ce moment que le prestigieux journal médical <em>The Lancet</em> a publié un <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)60935-1/fulltext">rapport</a> indiquant que le réchauffement climatique constituait « la plus grande menace sanitaire mondiale du XXI<sup>e</sup> siècle ».</p>
<p>D’après ce même rapport, on souligne que le réchauffement climatique entraîne une intensification et une multiplication des évènements météorologiques extrêmes, lesquels peuvent être en retour dangereux pour notre santé. </p>
<p>Les inondations peuvent entraîner l’apparition de maladies transmises par l’eau, telles que le choléra ou la malaria. </p>
<p>Les sécheresses, en réduisant la productivité agricole, mènent quant à elles à de graves cas de malnutrition et de déshydratation. </p>
<p>Les vagues de chaleur ainsi que les feux de forêt endommagent notre système cardiorespiratoire et entraînent un ralentissement du rythme de travail ainsi que de la pratique de loisirs en extérieur. </p>
<p>Plus généralement, la hausse des températures nous expose davantage à des maladies transmises par des rongeurs ou à transmission vectorielle, comme la maladie de Lyme ou la dengue, car elle permet à certaines espèces animales d’étendre leur zone d’habitat dans des latitudes plus au nord du globe. </p>
<p>Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces risques sont inégalement répartis sur les territoires et peuvent se superposer les uns avec les autres. De telles expériences ont aussi des conséquences sur le plan psychologique, en entraînant notamment l’apparition du syndrome de stress post-traumatique.</p>
<h2>Parler de santé : une opération de communication efficace ?</h2>
<p>Depuis leur apparition sur l’agenda public et politique, les changements climatiques ont été essentiellement définis comme un problème environnemental ou économique. Or, la <a href="https://psycnet.apa.org/record/1982-30300-001">façon dont on cadre un problème détermine souvent les solutions</a> mises sur la table pour y répondre. </p>
<p>Aujourd’hui, on constate que les cadrages dominants montrent des signes d’essoufflement. À ce sujet, le <a href="https://www.ulaval.ca/developpement-durable/actualites/4e-editions-du-barometre-de-laction-climatique">Baromètre de l’action climatique</a> (constats du Groupe de recherche sur la communication marketing climatique de l’Université Laval) indique par exemple qu’un écart persiste entre les intentions de la population québécoise à en faire plus pour la crise climatique et sa prise d’actions concrètes. La mise en place de politiques climatiques efficaces soulève également encore des controverses et l’on constate la <a href="https://www.ouranos.ca/fr/projets-publications/communiquer-et-favoriser-engagement">présence d’une fatigue informationnelle sur l’enjeu</a>.</p>
<p>Plusieurs études, dont <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12889-023-15105-z">certaines réalisées au Canada</a>, montrent que le cadrage santé pourrait aider à contourner cette problématique. </p>
<p>La population étant déjà familière avec ces risques sanitaires dans d’autres contextes, <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-10-299">elle se sentirait plus concernée par la crise climatique</a> que lorsqu’elle est confrontée à une image d’un ours polaire sur une banquise qui fond. </p>
<p>Parler des cobénéfices santé – comme celui de prendre le vélo pour aller travailler parce que c’est bon pour la santé et la planète – permettrait aussi un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-012-0513-6">discours plus optimiste</a>. </p>
<p>De plus, des experts montrent que le cadrage santé rejoint une plus grande proportion de la population, <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-10-299">y compris les personnes considérées comme climatosceptiques</a>. </p>
<h2>Quels objectifs santé à la COP28 ?</h2>
<p>D’une part, les discussions du 3 décembre auront pour but d’élaborer des stratégies de financement pour décarboniser les systèmes de santé à travers le monde. À titre d’exemple, un <a href="https://aspq.org/app/uploads/2023/11/dunsky_decarbonation-sante_rapport_21-novembre-2023.pdf">récent rapport de l’Association pour la Santé publique du Québec</a> indique que le réseau de la santé est responsable de 3,6 % des émissions de gaz à effet de serre de la province (en particulier en raison du chauffage de l’air et de l’eau chaude sanitaire, de l’usage de gaz médicaux, mais aussi des transports de patients par ambulances, navettes et avions). On nous dit qu’il faudrait investir près de 3,8 milliards de dollars d’ici 2040 pour atteindre l’objectif zéro-émission dans le secteur. De ce fait, il existe une réelle nécessité de rendre les systèmes de santé moins énergivores. </p>
<p>D’autre part, on peut s’attendre à ce que les acteurs présents à la COP28 insistent pour une plus grande reconnaissance des effets des changements climatiques sur la santé afin que ceux-ci soient davantage pris en considération dans les plans gouvernementaux d’adaptation et autres initiatives. En 2021, un <a href="https://www.who.int/publications/i/item/9789240038509">sondage de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)</a> montrait que seulement 52 % des pays répondants possédaient un plan d’adaptation en santé et que 25 % étaient en train d’en développer un. </p>
<p>Le Canada, quant à lui, faisait partie des 23 % restants n’ayant aucun plan.</p>
<p>Cependant, il se pourrait bien que le vent soit en train de tourner, tant au niveau national qu’international. </p>
<p>Au pays, le <a href="https://www.canada.ca/en/public-health/corporate/publications/chief-public-health-officer-reports-state-public-health-canada/state-public-health-canada-2022/report.html">rapport 2022 de l’administratrice en chef de la Santé publique du Canada</a> était par exemple dédié aux effets des changements climatiques.</p>
<p>De plus, les <a href="https://natural-resources.canada.ca/simply-science/canadas-record-breaking-wildfires-2023-fiery-wake-call/25303">feux de forêt sans précédent</a> durant l’été 2023 et la toxicité dans l’air qui s’en est suivie, ont possiblement engendré un changement de mentalité.</p>
<p>Dans les dernières années, les <a href="https://www.thelancet.com/countdown-health-climate">rapports du <em>Lancet Countdown</em></a> dénotent une hausse de la visibilité de l’enjeu dans les médias ainsi qu’une présence plus récurrente dans les débats à l’Assemblée générale des Nations unies. </p>
<p>Le fait que la COP28 fasse de la santé une de ses thématiques centrales est, somme toute, un pas dans la bonne direction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217645/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alizée Pillod est affiliée au Centre d'Études et de Recherches Internationales de l'UdeM (CERIUM), au Centre de recherche sur les Politiques et le Développement Social (CPDS) et au Centre pour l'Étude de la citoyenneté démocratique (CECD). Ses recherches sont subventionnées par les Fonds de Recherche du Québec (FRQ). Alizée a aussi obtenu la Bourse départementale de recrutement en politiques publiques (2021) ainsi que la Bourse d'excellence Rosdev (2023). Elle a également été la coordonnatrice pour un projet financé par Ouranos et le MELCCFP sur la communication climatique en contexte pandémique.</span></em></p>Le 3 décembre, la COP28 aura une journée consacrée aux discussions sur les effets des changements climatiques sur la santé, soit une première mondiale. En quoi est-ce important ? À quoi s’attendre ?Alizée Pillod, Doctorante en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183052023-11-29T14:37:28Z2023-11-29T14:37:28ZUne alimentation culturellement adaptée pourrait paver la voie à la sécurité alimentaire dans l’Arctique canadien<p><a href="https://cdn.dal.ca/content/dam/dalhousie/pdf/sites/agri-food/30083%20Food%20Price%20Report%20FR%20-%20Digital.pdf">Avec l’augmentation du prix du panier d’épicerie</a>, la sécurité alimentaire devient une préoccupation de plus en plus importante pour les Canadiens. Cependant, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/75-006-x/2023001/article/00013-fra.pdf">tout le monde n’est pas logé à la même enseigne</a> face à l’augmentation des coûts.</p>
<p>Dans l’Inuit Nunangat – le territoire des Inuits du nord canadien –, la situation est alarmante. En 2017, dans l’une des nations les plus riches du monde, <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">76 % de la population inuite a été confrontée à l’insécurité alimentaire</a>, une statistique sombre qui a probablement empiré en raison du contexte actuel du prix des aliments.</p>
<p>La question omniprésente de l’insécurité alimentaire chez les Inuits, qui est <a href="https://doi.org/10.1017/S1368980020000117">étroitement liée à des effets néfastes sur la nutrition et la santé mentale</a>, constitue l’une des crises de santé publique les plus persistantes et les plus graves auxquelles est confrontée une partie de la population canadienne. </p>
<p>Mais il existe des solutions. Des solutions qui incluent des systèmes alimentaires culturellement adaptés qui garantissent l’accès à des aliments abordables, nutritifs, sûrs et prisés. En outre, de nouvelles pistes de recherche axées sur les déterminants de la santé propre aux Inuits peuvent inspirer des mesures qui leur sont spécifiques pour prévenir l’apparition de maladies associées à l’alimentation et à l’insécurité alimentaire. </p>
<p>Le programme interdisciplinaire <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/accueil">Sentinelle Nord</a> de l’Université Laval a récemment regroupé les connaissances de ses équipes de recherche pour offrir de nouvelles perspectives sur les <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/compendium-de-recherche/sante-metabolique">liens entre la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé métabolique</a>. L’intégration des connaissances de différentes disciplines est primordiale pour aborder les problèmes complexes tels que celui de l’insécurité alimentaire dans le Nord.</p>
<h2>Les enjeux de la sécurité alimentaire dans l’Arctique</h2>
<p>La sécurité alimentaire dans l’Arctique revêt plusieurs aspects et est liée à l’accès, à la disponibilité, à la sécurité et à la qualité des aliments traditionnels (aliments récoltés, chassés, pêchés et cueillis sur terre, dans les rivières, les lacs et la mer) et des aliments achetés en magasin.</p>
<p>Au cœur de cette complexité se trouvent les dynamiques économiques qui pèsent sur les communautés arctiques. La pauvreté monétaire, amplifiée par le coût élevé de la vie dans l’Arctique, est <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">l’un des principaux facteurs d’insécurité alimentaire chez les Inuits</a>. Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2018.08.006">revenu individuel médian des Inuits (de 15 ans et plus) dans le nord du Canada</a> représente les deux tiers de celui de l’ensemble des Canadiens. Parallèlement, les prix des aliments achetés en magasin, ainsi que ceux d’autres biens et services, peuvent être deux à plusieurs fois plus élevés que dans d’autres régions du pays en raison des coûts de transport. </p>
<p>À ces contraintes économiques s’ajoutent les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">forces implacables du changement climatique, qui transforment fondamentalement les systèmes alimentaires de subsistance dans le Nord</a>. </p>
<p>Avec le recul de la glace marine, le dégel du pergélisol et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, l’accès aux territoires de chasse et de pêche traditionnels devient de plus en plus difficile. De surcroît, l’abondance et la répartition des espèces animales et végétales, dont les communautés dépendent depuis des générations, se modifient. </p>
<p>Mais le changement climatique n’est pas le seul sujet de préoccupation.</p>
<p>L’Arctique, malgré sa situation géographique éloignée, n’est pas à l’abri des polluants mondiaux. Les contaminants provenant des zones plus méridionales atteignent en effet la région, transportés par les courants atmosphériques et océaniques. Parmi ceux-ci, notons par exemple les <a href="https://theconversation.com/canada-takes-first-step-to-regulate-toxic-forever-chemicals-but-is-it-enough-207288">« polluants éternels »</a>, un groupe de composés chimiques qui se décomposent très lentement et s’accumulent dans les aliments traditionnels dont les communautés dépendent pour leur subsistance. </p>
<p>Si les avantages nutritionnels et culturels de ces aliments restent importants, l’exposition aux contaminants environnementaux est très préoccupante pour la santé et le bien-être des Inuits.</p>
<p>Ces transformations écologiques mettent en péril à la fois l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et les traditions mêmes qui sont à la base de l’identité culturelle des peuples autochtones de l’Arctique.</p>
<h2>L’importance de l’alimentation traditionnelle</h2>
<p>Les aliments prélevés sur le territoire contribuent de manière substantielle à la nutrition, à la santé et à la sécurité alimentaire des communautés inuites. </p>
<p>Le régime alimentaire traditionnel des Inuits se distingue par sa richesse en acides gras oméga-3, due en grande partie à la consommation élevée de poisson et d’aliments d’origine marine. Une <a href="https://doi.org/10.1080/19490976.2022.2120344">recherche récente</a> a établi un lien entre la consommation d’huile de poisson et la prolifération d’<em>Akkermansia muciniphila</em>, une bactérie intestinale dont on vante les mérites dans la lutte contre les maladies métaboliques telles que l’obésité, le diabète de type 2 et les affections cardiovasculaires.</p>
<p>Outre les ressources marines, l’Arctique offre une abondance de <a href="https://doi.org/10.1016/j.tem.2019.04.002">baies, riches en polyphénols bénéfiques pour la santé</a>. Ces <a href="https://doi.org/10.1002/9781119545958">composés agissent comme des antioxydants</a> essentiels pour neutraliser les molécules susceptibles d’endommager les cellules, de favoriser le vieillissement et de contribuer à diverses maladies. </p>
<p>Une autre recherche sur les <a href="https://doi.org/10.1007/s00125-017-4520-z">extraits polyphénoliques</a> de la chicouté, de la busserole alpine et de l’airelle rouge a révélé que ces trois baies présentent des effets bénéfiques sur la résistance à l’insuline, ainsi que sur les taux d’insuline chez un modèle murin. Ces résultats suggèrent que la consommation régulière de ces baies arctiques pourrait constituer une stratégie culturellement adaptée pour lutter contre l’inflammation et les troubles métaboliques associés.</p>
<p>En plus d’être de riches sources de nutriments essentiels, les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">aliments traditionnels sont profondément ancrés dans le tissu social inuit, améliorant le bien-être mental et émotionnel, favorisant les liens communautaires et fortifiant l’héritage culturel</a>. Le processus de collecte, de préparation et de partage des aliments traditionnels est également lié à l’activité physique, à la santé mentale et au mieux-être. </p>
<p>Pourtant, malgré le rôle intégral de l’alimentation traditionnelle, de multiples facteurs – depuis les effets durables de la colonisation et du changement climatique jusqu’aux enjeux socio-économiques et aux préoccupations liées aux contaminants environnementaux – <a href="https://nrbhss.ca/sites/default/files/health_surveys/Food_Security_report_en.pdf">ont accéléré la transition vers une dépendance à l’égard des aliments du commerce</a>.</p>
<p>Alors que les <a href="https://doi.org/10.17269/s41997-022-00724-7">habitudes alimentaires occidentales gagnent du terrain</a> dans l’Arctique canadien, les <a href="https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4395401">problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète et les maladies cardiométaboliques sont en augmentation</a>. L’élaboration d’approches personnalisées tenant compte des modes de vie, de la génétique et des traditions alimentaires propres aux Inuits est essentielle pour mettre en place des stratégies ciblées visant à atténuer et à prévenir ces problèmes de santé de plus en plus fréquents. </p>
<h2>Des systèmes alimentaires culturellement adaptés</h2>
<p>En réponse aux enjeux pressants de l’insécurité alimentaire, les communautés autochtones du nord du Canada ont mis en place divers programmes. </p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12872">programmes alimentaires communautaires destinés à remédier à l’insécurité alimentaire sévère sont courants</a>. Mais pour garantir la résilience, c’est l’ensemble du système qui doit être revu – les politiques gouvernementales, les programmes et les investissements monétaires. </p>
<p>Des programmes qui encouragent les jeunes à acquérir des connaissances et des compétences en matière de récolte d’aliments traditionnels, qui améliorent les infrastructures et le stockage des denrées alimentaires dans les communautés et qui permettent de fournir des aliments traditionnels dans un cadre institutionnel ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Ainsi, une <a href="https://nunatsiaq.com/stories/article/city-of-iqaluit-provides-funding-boost-for-healthy-food/">allocation de la ville</a> permettra à près de 50 enfants d’une garderie d’Iqaluit de recevoir deux repas par jour pendant un an, des repas qui comprennent des aliments traditionnels.</p>
<p>Ces initiatives renforcent non seulement la sécurité alimentaire, mais défendent également la souveraineté alimentaire par le biais d’efforts menés et dirigés par les communautés.</p>
<p>Le parcours pour résoudre l’insécurité alimentaire est complexe et il n’existe pas de solution unique. Les projets qui intègrent les connaissances et les compétences locales à des recherches fondées sur des données probantes ont le potentiel de tracer une voie durable vers l’avenir. Il est essentiel de mobiliser ces travaux pour informer et façonner les politiques, afin de s’assurer que les progrès réalisés ne sont pas simplement des solutions temporaires, mais qu’ils s’inscrivent dans une stratégie globale visant à assurer une sécurité alimentaire durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218305/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tiff-Annie Kenny reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche (IRSC), du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, d'ArcticNet, du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS), de Génome Canada et du ministère des Relations avec les Autochtones et des Affaires du Nord de la Couronne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascale Ropars ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’insécurité alimentaire est un problème particulièrement ressenti par les Inuits du nord du Canada. La solution pourrait passer par des systèmes alimentaires culturellement adaptés.Pascale Ropars, Researcher, Sentinel North, Université LavalTiff-Annie Kenny, Assistant professor, Département de médecine sociale et préventive, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166822023-10-31T17:53:48Z2023-10-31T17:53:48ZLes révélations sur les origines de Buffy Sainte-Marie ont un impact dévastateur sur les communautés autochtones du Canada<p>Ce texte ne cherche pas à savoir si Buffy Sainte-Marie — légende de la musique, militante, membre de sa communauté et tante adorée — possède des origines autochtones. Il cherche plutôt à saisir les profondes incidences sur les Autochtones d’un reportage de la CBC mettant en doute l’ascendance de la chanteuse, et comment cela illustre ce que la réconciliation n’est pas.</p>
<p>Tout d’abord, permettez-moi de me situer. Cela vous aidera à comprendre pourquoi ce texte n’est sans doute pas ce que vous vous attendiez à lire — comme la plupart des Autochtones, j’ai encore besoin de temps pour digérer la nouvelle concernant Buffy —, mais les non-Autochtones doivent connaître les répercussions de cette histoire.</p>
<p>Je suis une <a href="https://www.creedictionary.com/search/index.php?q=iskwew&scope=1&cwr=13433">Iskwew</a> bispirituelle. Je suis la petite-fille d’une survivante des pensionnats autochtones et j’ai moi-même <a href="https://www.eaglefeathernews.com/news/campbell-journeyed-from-60s-scoop-to-top-indigenous-university-advocate">vécu la rafle des années 60</a>. J’ai toujours su que j’étais autochtone, mais je n’ai pas toujours su d’où je venais ni qui me reconnaissait.</p>
<p>Il y a une trentaine d’années, j’ai commencé à chercher qui j’étais. En 25 ans, j’ai réussi à retrouver ma mère biologique, des membres de ma famille proche et élargie, ainsi que mes six frères et sœurs encore en vie, dispersés dans plusieurs provinces.</p>
<h2>Recherche de mes identités</h2>
<p>Je suis une Crie-Métisse. Selon les systèmes coloniaux de citoyenneté, j’ai l’ascendance nécessaire pour être membre de la nation métisse de la Saskatchewan.</p>
<p>Grâce à un <a href="https://www.afn.ca/wp-content/uploads/2020/01/16-19-02-06-AFN-Fact-Sheet-Bill-C-31-Bill-C-3-final-revised_FR.pdf">amendement de 1985 à la Loi sur les Indiens, le projet de loi C-31</a>, ma grand-mère — qui avait perdu son statut d’Indienne parce qu’elle avait épousé un Autochtone non inscrit — a pu recouvrer son statut en vertu de l’article 6 (1) de la Loi. Ainsi, ma mère biologique et ses sept enfants, moi y compris, peuvent s’inscrire en vertu de l’article 6 (2) de la loi.</p>
<p>La loi ne permet pas de détenir à la fois le statut de Métis et celui d’Indien. Nous devons donc faire un choix. Je suis inscrite au registre des Indiens et membre de la Première Nation crie de Montreal Lake, la nation de ma grand-mère.</p>
<p>Mon histoire n’est qu’une parmi des centaines de milliers d’histoires d’Autochtones de partout au Canada. Comme leur récit, le mien est complexe et déroutant. Il peut être déclencheur et traumatisant. Il est porteur de joie et de douleur.</p>
<p>Permettez-moi maintenant de vous dire ce que la réconciliation n’est pas. Elle ne consiste pas à faire du sensationnalisme ni à se montrer insensible à l’égard du vécu des Autochtones du Canada. Si en découvrant certaines vérités, vous souhaitez les faire connaître et que cela cause du tort aux peuples autochtones, vous devez vous demander si vous cherchez à être un <a href="https://gallery.mailchimp.com/86d28ccd43d4be0cfc11c71a1/files/84889180-9bf0-46f2-8de0-dc932e485013/FR_Ally_email.pdf">véritable allié</a> ou si vous prétendez l’être pour faire avancer vos objectifs personnels.</p>
<h2>Jeter le doute sur une idole</h2>
<p>Le 27 octobre, CBC News a publié un <a href="https://www.cbc.ca/newsinteractives/features/buffy-sainte-marie">long article d’enquête</a> sous le titre sensationnaliste « Who is the real Buffy Sainte-Marie ? » (Qui est la vraie Buffy Sainte-Marie ?) L’article s’appuyait sur un documentaire intitulé <a href="https://www.cbc.ca/player/play/2277416003540">« Making an Icon »</a>, réalisé pour l’émission <em>Fifth Estate</em>, qui mettait en doute l’ascendance autochtone revendiquée par Buffy Sainte-Marie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eMsqCWNCUc4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un documentaire de l’émission <em>Fifth Estate</em> de la CBC remet en question l’identité autochtone revendiquée par Buffy Sainte-Marie.</span></figcaption>
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<p>Très peu d’Autochtones ont connu une célébrité de l’ampleur de celle de Buffy Sainte-Marie. De ce fait, elle a été une source d’inspiration pour des générations d’Autochtones.</p>
<p>Sa renommée et son succès ont permis à beaucoup d’entre nous de croire que nos objectifs et nos aspirations étaient réalisables à une époque où des Autochtones comme nous étaient très peu en vue. Au cours de la carrière de la chanteuse, de nombreux peuples, communautés et familles autochtones ont noué des relations avec elle — en particulier les <a href="https://piapotnation.com/">membres de la Première Nation de Piapot, en Saskatchewan</a>.</p>
<h2>Pas d’avertissement et manque de sensibilité</h2>
<p>Soudain, la nouvelle est sortie, et tout ce que nous croyions à son sujet a été remis en question. Il n’y a eu aucun avertissement et on n’a pas tenu compte de l’impact que cela aurait sur les peuples autochtones. Ce n’est pas ainsi que l’on procède à la réconciliation.</p>
<p>Il est question du rôle des médias dans les appels à l’action pour la vérité et la réconciliation. <a href="https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1524505692599/1557513408573">L’appel à l’action 84 (iii)</a> demande directement à Radio-Canada/CBC — le radiodiffuseur public national du Canada — de soutenir la réconciliation en veillant à ce que sa couverture prenne en considération « l’histoire et les séquelles des pensionnats ainsi que le processus de réconciliation ».</p>
<p>Depuis que cette histoire a éclaté, j’ai vu passer sur mes réseaux sociaux des manifestations de douleur, de traumatisme, de souffrance ainsi que des sentiments de trahison et d’incrédulité.</p>
<p>Je demande à CBC : Comment soutenez-vous les peuples autochtones lorsque leurs familles et leurs communautés sont confrontées aux répercussions de votre histoire ? En quoi cela s’inscrit-il dans la réconciliation ?</p>
<p>L’appel à l’action 86 de la Commission de vérité et réconciliation demande à ce qu’on inclue le droit autochtone dans les programmes de journalisme canadiens. Le fait que le reportage de la CBC ne reconnaisse pas l’importance et la signification des pratiques traditionnelles d’adoption des Premières Nations est honteux, et l’impact de cette omission est déshonorant.</p>
<p>Une partie importante du reportage de la CBC met en doute l’explication donnée par la chanteuse sur ses racines autochtones, à savoir qu’elle est née d’une mère de la Première Nation crie de Piapot, en Saskatchewan, mais qu’elle a ensuite été adoptée par un couple d’Américains.</p>
<h2>Adoption et reconnaissance</h2>
<p>Des années plus tard, elle a rencontré Emile Piapot et Clara Starblanket de la Première Nation de Piapot, qui l’ont adoptée selon les pratiques autochtones traditionnelles. On ignore si le couple, aujourd’hui décédé, connaissait les véritables origines de Buffy, mais cela n’enlève rien au fait que Buffy a été reconnue par eux, leur famille et de nombreuses personnes au sein de la communauté.</p>
<p>Ira Lavallee, chef par intérim de la Première Nation de Piapot, a déclaré à la CBC : « En ce qui concerne Buffy, nous ne pouvons choisir les aspects de notre culture auxquels nous adhérons… Une famille de notre communauté l’a adoptée. Peu importe les origines de Buffy, cette adoption est légitime dans notre culture. »</p>
<p>La CBC n’a pas tenu compte des répercussions que son histoire aurait sur la famille adoptive de Buffy. Buffy demeure la fille et la sœur de quelqu’un. Elle est une cousine et, pour beaucoup de personnes, une tante adorée – un rôle matriarcal important pour les peuples autochtones.</p>
<p>Où est la responsabilité de la CBC d’assurer la santé, le bien-être et le soutien des membres de la communauté pendant qu’ils doivent affronter le traumatisme lié à ce reportage ?</p>
<p>La réconciliation ne consiste pas à exploiter un traumatisme déclenché chez des Autochtones. Mais la réconciliation peut reposer sur la manière dont on réagit lorsqu’un préjudice a été causé. Les non-Autochtones devraient laisser aux dirigeants autochtones et aux membres de la communauté le temps de digérer la nouvelle, de se soutenir mutuellement et de se rassembler, plutôt que de les forcer à réagir au beau milieu de la tourmente.</p>
<p>Le reportage de la CBC a eu un effet dévastateur et aura un impact à long terme, et ce, de multiples façons, ici en Saskatchewan et sur toutes les terres autochtones.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216682/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lori Campbell ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le reportage de la CBC sur l’ascendance de la chanteuse emblématique Buffy Sainte-Marie a des répercussions profondes et multiples sur les terres indigènes du Canada.Lori Campbell, Associate Vice President (Indigenous Engagement), University of ReginaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2164042023-10-26T17:56:42Z2023-10-26T17:56:42ZCinq ans plus tard, quel bilan pour la légalisation du cannabis au Canada ?<p>Avant que le <a href="https://theconversation.com/topics/canada-20444">Canada</a> ne légalise le <a href="https://theconversation.com/topics/cannabis-30937">cannabis</a> récréatif en octobre 2018, ses effets potentiels faisaient, comme cela est toujours le cas ailleurs dans le monde, l’objet de <a href="https://www.euractiv.fr/section/sante/news/cannabis-lallemagne-legalise-la-france-penalise/">nombreux débats</a>. </p>
<p>Aux États-Unis, le gouverneur du Nebraska, Pete Ricketts, a déclaré que le cannabis était une <a href="https://www.usatoday.com/story/news/politics/2021/03/12/nebraska-gov-pete-ricketts-legal-marijuana-kill-your-kids/4663466001">« drogue dangereuse »</a> qui tuerait les enfants. L’homme politique allemand Markus Söder a exprimé des <a href="https://www.spiegel.de/panorama/gesellschaft/cannabis-legalisierung-bayern-plant-zentrale-kontrolleinheit-a-284e3aeb-63eb-4fb2-87cc-95f142707717">préoccupations similaires</a> alors que le gouvernement s’est accordé au mois d’août autour d’un <a href="https://fr.euronews.com/next/2023/08/22/le-cannabis-bientot-legal-en-allemagne-comment-se-positionne-le-reste-de-leurope-sur-la-co">projet de loi</a> qui ferait de l’Allemagne le deuxième pays de l’Union européenne à légaliser la possession de cannabis. Le candidat à la présidence du Kenya, George Wajackoyah, a même proposé la légalisation et la commercialisation du cannabis comme moyen d’<a href="https://africacheck.org/fact-checks/reports/ganjanomics-fact-checking-kenyan-presidential-candidate-george-wajackoyahs">éliminer la dette publique</a> de son pays.</p>
<p>En France le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a émis au mois de janvier dernier un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/288005-cannabis-recreatif-le-cese-favorable-une-legalisation-encadree">avis favorable</a> quant à sa légalisation. Une <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/legalisation-du-cannabis-la-moins-mauvaise-des-solutions-pour-le-senateur-devinaz-auteur-dune-proposition-de-loi">proposition de loi</a> sur le sujet a été déposée au Sénat au mois de juin par le député socialiste Gilbert-Luc Devinaz.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1558120647523540992"}"></div></p>
<p>Certains prédisent une <a href="https://www.thestar.com/business/real_estate/2018/08/09/cannabis-gold-rush-will-boost-retail-in-canada-riocan-says.html">« ruée vers l’or »</a> grâce à la légalisation d’un nouveau marché, tandis que d’autres craignent des <a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.170555">« tragédies »</a> en matière de santé publique. Mes <a href="https://brocku.ca/goodman/faculty-research/faculty-directory/michael-armstrong/">recherches</a> se sont depuis penchés ses effets réels au Canada. Elles mettent en évidence que certaines tendances étaient déjà à l’œuvre avant la légalisation et se sont simplement poursuivies par la suite. D’autres changements ne sont en revanche pas intervenus comme prévu.</p>
<h2>Une consommation déjà en hausse</h2>
<p>Nombreux sont ceux qui craignaient que la légalisation du cannabis n’entraîne une augmentation considérable de la consommation, avec pour conséquence des <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/wherry-marijuana-trudeau-1.4069815">« hordes d’adolescents défoncés »</a>. Pour les opposants à la légalisation, toute augmentation de la consommation prouverait l’<a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.181287">échec de la mesure</a>.</p>
<p>Au Canada, le pourcentage d’adultes consommant du cannabis augmentait déjà avant 2018. Sans surprise, le mouvement s’est poursuivi après la légalisation. Selon des <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/services/canadian-alcohol-drugs-survey/2019-summary.html">enquêtes gouvernementales</a>, le taux de consommation était de 9 % en 2011, de 15 % en 2017 et de 20 % en 2019. La légalisation a donné un coup de fouet qui va au-delà de la tendance actuelle. Mais il se peut que cela soit en partie dû au fait que les gens parlent plus ouvertement de leur consommation de cannabis.</p>
<p>Par ailleurs, la consommation de cannabis des adolescents n’a pratiquement pas évolué après 2018. Cela suggère que les adolescents qui voulaient du cannabis pouvaient déjà en acheter facilement auprès de revendeurs.</p>
<h2>Conséquences néfastes sur les enfants</h2>
<p>Les effets sur la santé avaient également été une préoccupation importante lorsque le Canada débattait de la légalisation du cannabis. Stephen Harper, Premier ministre entre 2006 et 2015, affirmait que le cannabis était <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/stephen-harper-pot-marijuana-1.3255727">« infiniment pire »</a> que le tabac. Son successeur, Justin Trudeau, a au contraire déclaré que la légalisation serait <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/c-24.5/page-1.html">« protectrice »</a>.</p>
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<p>Dans les faits, le nombre de visites d’adultes à l’hôpital liées au cannabis était, lui aussi, <a href="https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.5/6.07">déjà en augmentation avant 2018</a> et <a href="https://doi.org/10.1111/add.16152">a continué de croître par la suite</a>. Par rapport au début de 2011, le taux dans l’Ontario, par exemple, était environ trois fois plus élevé en 2018 et cinq fois plus élevé en 2021. La croissance après 2018 était, une fois de plus, en <a href="https://doi.org/10.1111/add.15834">partie liée à la légalisation</a> et en partie une tendance qui se poursuivait.</p>
<p>Certains effets sur la santé ont toutefois été plus graves. Le nombre de <a href="https://theconversation.com/legalizing-cannabis-led-to-increased-cannabis-poisonings-in-canadian-children-it-could-get-a-whole-lot-worse-191938">visites d’enfants à l’hôpital</a> dues à une consommation accidentelle de cannabis a augmenté de manière significative. Chez les enfants de moins de 10 ans, le nombre de visites aux urgences a été multiplié par neuf et le nombre d’hospitalisations par six.</p>
<h2>Et sur la route ?</h2>
<p>Les forces de l’ordre craignaient en outre que la légalisation du cannabis n’entraîne une <a href="https://cacp.ca/index.html?asst_id=1332">augmentation de la conduite</a> sous l’emprise de stupéfiants. Les policiers se sont de plus plaints de ne pas disposer de l’équipement nécessaire pour détecter la consommation.</p>
<p>Les recherches visant à déterminer si la légalisation a effectivement <a href="https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2023.31551">entraîné</a> ou <a href="https://doi.org/10.1111/add.16188">non</a> une augmentation de la conduite sous l’influence du cannabis ne sont pas concluantes. Malheureusement, les rapports gouvernementaux ne précisent pas toujours quelles substances sont à l’origine de l’affaiblissement des facultés des conducteurs.</p>
<p>Cependant, nous savons que la conduite sous l’influence de drogues – toute substance à l’exception de l’alcool – a <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/cv.action?pid=3510017701">augmenté avant et après 2018</a>. Par rapport à 2011, les arrestations pour conduite sous l’emprise de drogues ont pratiquement doublé en 2017 et quadruplé en 2020. Le nombre de blessés dans les accidents de la route impliquant du cannabis n’a, lui, cessé d’<a href="https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2023.31551">augmenter</a>. Par rapport à 2011, dans l’Ontario, ils étaient environ deux fois plus nombreux en 2017 et trois fois plus en 2020.</p>
<h2>Un gain de temps pour les forces de l’ordre ?</h2>
<p>La légalisation a également suscité des inquiétudes en matière de criminalité et de justice sociale. Le gouvernement fédéral s’attendait à ce que la légalisation <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/c-24.5/page-1.html">réduise le temps</a> que la police consacre à la lutte contre les trafics de cannabis. Les partisans de la légalisation espéraient également voir diminuer le nombre d’arrestations parmi les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8315217/">groupes marginalisés</a>.</p>
<p>La baisse du <a href="https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2023.109892">nombre d’arrestations provoquées par la légalisation</a> n’a, en fait, pas été très importante. Les arrestations pour possession illégale de cannabis avaient <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/cv.action?pid=3510017701">déjà diminué</a> au Canada bien avant la légalisation. En 2018, le taux d’arrestation était déjà inférieur de 71 % à son niveau de 2011. Les arrestations pour des infractions liées à la distribution illégale de cannabis, comme la culture et le trafic, ont chuté de 67 % entre 2011 et 2018. Cette tendance s’est largement poursuivie après 2018.</p>
<h2>Un marché qui s’équilibre</h2>
<p>Les entreprises espéraient que la légalisation entraînerait une <a href="https://thetyee.ca/News/2015/05/19/Stephen-Harper-Marijuana-Politics/">ruée vers l’or</a>. Des <a href="https://thetyee.ca/News/2015/05/19/Stephen-Harper-Marijuana-Politics/">investisseurs étrangers</a> ont ainsi aidé à financer les entreprises canadiennes de cannabis. Les gouvernements ont également débattu de la manière de répartir les nouvelles <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/finance-ministers-pot-tax-1.4442540">recettes fiscales</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1681027749605957632"}"></div></p>
<p>Après la légalisation, le commerce du cannabis a connu un certain essor. Alors que la plupart des provinces n’avaient <a href="https://theconversation.com/scarce-retail-weed-shops-means-most-canadians-still-use-black-market-pot-113503">pas assez de magasins</a> dans les premiers temps pour répondre à la demande, il y en a aujourd’hui plus de 3 600 au Canada. Les ventes ont bondi de 42 millions de dollars en octobre 2018 à 446 millions de dollars en juillet 2023. Ces valeurs sont désormais <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230224/dq230224a-eng.htm">à peine deux fois moins importantes que les ventes de bière</a>.</p>
<p>Cependant, certaines régions ont désormais <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/commentary/article-too-many-marijuana-shops-too-much-pot-production-the-industrys/">trop de magasins</a> de cannabis et de <a href="https://www.cbc.ca/listen/live-radio/1-63-the-current/clip/16001923-the-challenges-facing-struggling-cannabis-business-owners">nombreuses entreprises luttent pour se maintenir à flot</a>. En conséquence, certaines sociétés et leurs actionnaires ont réalisé de <a href="https://www.wsj.com/articles/legal-marijuana-canadian-cannabis-pot-stocks-11665678274">grosses pertes</a>. Seules les <a href="https://mjbizdaily.com/most-profitable-cannabis-businesses-in-canada-are-owned-by-government/">agences publiques</a> semblent être constamment rentables.</p>
<h2>Des leçons pour ailleurs</h2>
<p>En somme, trois leçons peuvent être tirées de l’expérience canadienne. La première est que la recherche sur la légalisation du cannabis doit tenir compte des tendances existantes. Elle ne peut pas s’appuyer sur de simples comparaisons avant/après. Les gouvernements peuvent y contribuer en publiant <a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.202041">davantage de données</a> sur le cannabis.</p>
<p>La deuxième leçon est que les décideurs publics dans les États qui ont légalisé le cannabis devraient moins se préoccuper de savoir si la légalisation a causé des problèmes spécifiques mais plutôt s’attacher à les résoudre. La troisième leçon concerne les autres pays qui envisagent la mesure. Les décideurs politiques devraient examiner leurs propres tendances avant de légaliser, car les résultats ultérieurs ne seront peut-être pas aussi différents qu’ils l’espèrent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael J. Armstrong ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les tendances statistiques observées depuis la légalisation du cannabis au Canada en octobre 2018 étaient pour certaines déjà en cours auparavant.Michael J. Armstrong, Associate Professor, Operations Research, Brock UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143282023-10-08T17:15:09Z2023-10-08T17:15:09Z« PSPP », l’étoile montante de la politique québecoise<p>Lundi 2 octobre, au Québec, une élection législative partielle, dans la circonscription de Jean-Talon, a vu une <a href="https://www.ledevoir.com/politique/quebec/799195/election-partielle-jean-talon-resultats">nette victoire du Parti québécois</a> (PQ), favorable à l’indépendance. Ce scrutin a constitué un test pour l’étoile montante du paysage politique québécois, <a href="https://www.noovo.info/nouvelle/cest-un-vote-qui-est-un-avertissement-tres-serieux-a-la-caq-dit-pspp.html">Paul Saint-Pierre Plamondon, dit « PSPP »</a>, chef du PQ depuis 2020 et député à l’Assemblée nationale du Québec depuis 2022. Dans le présent article, j’applique la matrice de la réussite, un de <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/le-nouvel-heroisme/">mes objets de recherche depuis une dizaine d’années</a>, au cas PSPP.</p>
<p>PSPP ne dispose encore que d’un poids modeste, puisque son parti – qui est présent uniquement sur la scène politique québécoise, l’indépendance du Québec étant défendue au niveau fédéral par une autre formation, le Bloc québécois – avait jusqu’ici trois députés à l’Assemblée nationale du Québec, qui en compte 125. Avec l’élection de Pascal Paradis dans la circonscription de Jean-Talon, il en aligne désormais quatre. Bien loin de la majorité. Cependant, d’après les critères de la <em>matrice de la réussite</em>, son potentiel est remarquable. PSPP sature déjà tous les critères qui forgent l’image du « héros-leader » dans nos sociétés contemporaines, sujet sur lequel j’ai publié des articles de recherche au <a href="https://journals.openedition.org/communication/4854">Québec</a> et aux <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-016-3063-4">États-Unis</a>, ainsi qu’un livre en <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/le-nouvel-heroisme/">France</a>.</p>
<p>J’examine successivement ces sept critères de la <em>matrice de la réussite</em>. Je les aborde, pour les six premiers, par paires de critères en tension entre eux : être (1) dans le cadre et (2) faire voler le cadre en éclats ; (3) dans la coopération et (4) dans la compétition ; (5) un grand acteur habile à jouer sur les signes extérieurs et (6) fortement branché sur son intériorité, son authenticité. Le septième critère, qualifions-le de « méta », au-delà des six autres, est (7) de montrer une aisance au milieu des paradoxes et de savoir leur donner du sens.</p>
<h2>1. Être dans le cadre, solide sur ses objectifs</h2>
<p>PSPP défend une <em>mission</em>. C’est le service minimum du leadership : avoir un projet clair, partageable avec les autres. Rien de très original, mais encore faut-il y parvenir, ce qui n’est pas toujours évident quand le paysage est complexe, ce qui est le cas ici. Pour PSPP, l’objectif est le renouveau du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_mouvement_ind%C3%A9pendantiste_qu%C3%A9b%C3%A9cois">mouvement indépendantiste au Québec</a> et son aboutissement à un État québécois indépendant.</p>
<p>Il l’énonce vers le milieu des années 2010, justifiant son action par l’idée qu’« à moyen terme, la question de l’indépendance du Québec reviendrait en force ». La proposition est de « faire de l’indépendance la locomotive du parti ».</p>
<p>La mission est de <a href="https://www.journaldequebec.com/2020/08/23/rebatir-le-camp-du-oui--la-survie-du-quebec-passe-par-lindependance"><em>Rebâtir le camp du oui</em></a>, titre de son livre paru en 2020 : un « oui » à l’indépendance clairement assumé. L’enjeu est « l’accession à l’indépendance », plus encore que la « prise de pouvoir » qui, dit-il en 2020, n’est qu’un « enjeu complémentaire ».</p>
<p>La franchise de l’énoncé programmatique fait partie de la stratégie : « parler sans détour de la cause qui nous anime » est le registre privilégié. Il recommande à son camp d’« être transparent quant à ce qu’on pense véritablement ».</p>
<h2>2. Faire voler les cadres en éclats, oser nager à contre-courant</h2>
<p>PSPP se distingue par une aptitude forte à la <em>divergence</em>. C’est une autre clé du leadership cherchant à s’affirmer : se faire remarquer en innovant par rapport à la norme.</p>
<p>Plusieurs aspects de sa personnalité et de ses initiatives alimentent ce récit de manière éclatante. Il y a le coup le plus visible, qui restera en mémoire : <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1923814/paul-st-pierre-plamondon-pq-refus-serment-roi-demande">il refuse de prêter allégeance au roi d’Angleterre</a> au moment de son accession au Parlement en 2022. Il restera le premier député de l’histoire québécoise, et canadienne, à ne pas prêter serment au roi.</p>
<p>La règle est pourtant sans ambiguïté : selon la constitution, si vous ne prêtez pas serment, vous n’avez pas le droit de siéger. Avec les deux autres députés du PQ, il doit, physiquement, rebrousser chemin devant la porte d’entrée du Parlement, gardée par une huissière. La provocation est magistrale. À noter que, en décembre 2022, suite à cet épisode, l’Assemblée nationale a <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1940108/assemblee-nationale-abolition-serment-roi-deputes-pq">aboli l’obligation pour les députés québécois de prêter serment au roi</a>.</p>
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<h2>3. Privilégier la coopération, construire avec les autres</h2>
<p>PSPP se signale par une recherche constante d’<em>entente</em>. Pas de polémique inutile, pas de stratégie de la controverse, pas de scandale : l’inverse d’un Trump.</p>
<p>Même lors de l’épisode de la non-prestation de serment au Parlement, politesse et mesure guident les députés concernés. C’est d’autant plus remarquable qu’ils pourraient facilement faire de cet événement et, plus généralement, de leur action pour l’indépendance du Québec, un cheval de bataille qu’ils évoqueraient à hauts cris.</p>
<p>Or, sans arrogance et sans esclandre, PSPP maintient le cap de la coopération, à l’œuvre par exemple lorsqu’il salue les autres partis que le sien, ouvrant sans doute la voie à de futures coalitions : « Bravo aux autres chefs de s’être tenus debout pour leurs convictions. » Il répète à l’envi qu’il fait primer le commun sur les différences, bien que, par ailleurs, on l’a vu avec le critère (2) précédent, il est engagé dans une stratégie de la différenciation : il faut bien voir – je ne le rappellerai jamais assez – que c’est en jonglant avec des critères en tension entre eux, dans un <em>équilibre précaire</em>, que le profil de réussite se parachève.</p>
<h2>4. Ne pas avoir peur du rapport de forces</h2>
<p>Pour autant, PSPP ne rechigne pas à la <em>compétition</em>. Les sujets de discorde sont mis sur la table sans ambages, notamment la difficile <a href="https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-04-17/cohabitation-cote-a-cote-ou-anglicisation-coast-to-coast.php">cohabitation entre le français et l’anglais</a>, avec, à l’horizon, ni plus ni moins qu’une question de « survie linguistique et culturelle » pour le Québec francophone.</p>
<p>Placer le débat sur le terrain de la survie veut dire, très explicitement, que la compétition est <em>à mort</em>. La coopération, oui – cf. le critère (3) ci-dessus – mais sans aucun angélisme. PSPP et le PQ ne se censurent pas pour qualifier le problème, avançant des arguments juridiques, culturels, éthiques, organisationnels, donc complexes et intriqués. Le point décisif est que, pour eux, le pronostic vital est engagé, ce dont ils auront à convaincre, dans le futur, de nouveaux électeurs et électrices pour progresser.</p>
<p>Remarquons que le registre de la lutte à mort, de la lutte tragique, est présent. Par exemple, PSPP défend l’idée que, entre le niveau fédéral canadien et le niveau provincial québécois, « il y a un gouvernement de trop », ou qu’« une véritable gouvernance environnementaliste implique de pouvoir se détacher des choix polluants du Canada. Cela implique donc que le Québec devienne un pays ». Sur cette base, il n’est pas étonnant que les campagnes se déroulent avec « énormément de pression ».</p>
<h2>5. Être un grand acteur, habile à jouer sur les signes extérieurs</h2>
<p>PSPP, comme tout leader politique aujourd’hui dans nos sociétés démocratiques, doit assumer, en public, une dimension de <em>rôle</em>. Il est à l’aise dans les médias, et passe très bien à la télévision et à la radio. Il a d’ailleurs lui-même animé une émission de radio et tenu des chroniques à la télévision pendant des années.</p>
<p>Le leader du PQ sait, et théorise en professionnel, que « la politique est une question d’images autant que d’idées, et celui ou celle qui incarne un mouvement politique joue pour beaucoup »… et « joue beaucoup », pourrait-on ajouter en se référant à <a href="https://www.cairn.info/la-sociologie--9782912601858-page-79.htm">Erving Goffman</a>, le grand sociologue de la mise en scène de soi qui a montré que la moindre de nos interactions en société a une dimension théâtrale.</p>
<p>Autour de PSPP, tout un imaginaire est en train de se bâtir à partir de narrations (<em>storytelling</em>) et de symboles qui frappent. Avec ses deux autres collègues élus du PQ au Parlement, ils étaient <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2022-10-21/assermentation-du-pq/les-trois-mousquetaires-sentent-qu-ils-ont-des-bases-solides.php">« les trois mousquetaires »</a>. Ils seront désormais, le destin le voulait, « les quatre mousquetaires », ce qui colle bien à leur image de rebelles, fortes têtes, et en même temps courageux pour servir des causes qui les dépassent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1665010529440505857"}"></div></p>
<h2>6. Être une personne complète, avec son corps, ses sentiments et ses émotions</h2>
<p>PSPP est au contact de son <em>intériorité</em>. Ce point est essentiel à articuler avec le point (5). Aujourd’hui, pas de grand acteur sans implication forte de l’intériorité. Pas de signe extérieur efficace qui ne soit rendu crédible par une dose d’énergie intérieure. En même temps qu’il se montre très pointu pour maîtriser les signes extérieurs, l’acteur moderne est branché sur sa sensibilité, ses émotions, ses mouvements intérieurs. Le jeu doit être vivant, juste, authentique, personnel. Le public doit y croire : c’est la leçon d’un siècle d’école russo-américaine du jeu d’acteur, via <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070707058-le-travail-a-l-actors-studio-strasberg-l/">l’Actors Studio</a>, Stanislavski et Strasberg en référents de la Méthode – contre, soit dit en passant, l’école française (Diderot et le <a href="https://editions.flammarion.com/paradoxe-sur-le-comedien/9782080711311">paradoxe sur le comédien</a>).</p>
<p>La pure extériorité, non seulement ne suffit pas, mais se retourne contre l’émetteur aussitôt que le public sent le conventionnel, la recette mécanique, la désincarnation, le faux. Les registres varient : mettre ses tripes à l’air, se noyer dans l’introspection, annoncer une confidence, une valeur intime, ne pas tricher avec ce qu’on est, avoir des imperfections qui échappent, distiller la vérité de sa propre vie…</p>
<p>Pour PSPP, un registre qui lui échappe fréquemment est d’être ému aux larmes, comme, par exemple, un <a href="https://www.noovo.info/video/paul-st-pierre-plamondon-est-emu-devant-ses-militants.html">jour d’élection où il attend, devant les caméras, les résultats</a>. Il a sa fille dans ses bras, la berce. Il commence à parler devant un petit groupe, et, d’un seul coup, il s’interrompt, il a un début de sanglot, il enfouit son visage contre l’épaule de sa fille, les larmes emplissent ses yeux. Dans le public, le signe est interprété bizarrement par deux personnes qui partent d’un rire sonore. PSPP confie, de manière presque inaudible, comme pour s’excuser, ou donner la clé de son hoquet : « Je suis émotif, mais… », pause, puis il se reprend et continue son discours.</p>
<h2>7. « Paul Saint-Pierre Paradoxal ». Montrer une aisance au milieu des injonctions en tension et savoir leur donner du sens</h2>
<p>PSPP sait naviguer parmi les <em>paradoxes</em>. Ce septième critère de réussite est « méta », car il englobe les critères précédents. Il condamne au funambulisme, dans un équilibre précaire entre plusieurs sources de contradictions. Un journaliste ne s’y trompe pas qui décerne à PSPP le surnom de <a href="https://www.journaldequebec.com/2020/10/15/paul-st-pierre-paradoxal">« Paul Saint-Pierre Paradoxal »</a>.</p>
<p>Comme pour tout paradoxe, soit la contradiction vous brise et le dilemme vous épuise ; soit vous en sortez par le haut, vous vous adressez à un spectre plus large de la réalité et en tirez votre énergie. Plusieurs paradoxes sont particulièrement actifs dans le cas de PSPP. Je n’évoquerai ici que celui qui tourne autour de la dialectique ordre/désordre, sur l’axe <em>mission/divergence</em> de la <em>matrice de la réussite</em>. Le désordre est difficile à évacuer d’un projet de sécession qui s’assume. L’aventure de l’indépendance peut attirer pour les opportunités qu’elle crée, mais elle peut aussi faire peur. L’ordre, PSPP le revendique fortement. Dans son livre, il détaille le budget de sa première année au pouvoir et sa feuille de route des 100 premiers jours, afin de répondre à « la stratégie de la peur économique » souvent opposée au projet souverainiste par ses adversaires.</p>
<p>Avec cette capacité à marcher en <em>équilibre</em> sur un chemin de crête, PSPP semble disposer des capacités nécessaires pour rassembler. S’il peut faire progresser le « camp du oui » en incluant des sensibilités divergentes, mises en dialogue, rien ne permet encore, évidemment, de prédire la victoire ultime : l’histoire du « Québec libre » reste à écrire. Mais l’élection de Pascal Paradis à Jean-Talon est peut-être le signe qu’une dynamique s’est enclenchée…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214328/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Fournout ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le leader du Parti québecois coche toutes les cases de la « matrice de la réussite », un concept développé pour évaluer les chances de succès des personnalités politiques.Olivier Fournout, Maître de conférence HDR, département Sciences économiques et sociales, chercheur à l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation (CNRS), Télécom Paris – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134182023-10-04T13:37:12Z2023-10-04T13:37:12ZComprendre le rôle du couvert de neige en forêt pour mieux prédire le risque d’inondation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550430/original/file-20230926-17-3adew2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C5%2C3914%2C2964&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une connaissance accrue des interactions entre le couvert de neige et la forêt aideront à améliorer les modèles hydrologiques et ainsi assurer la protection du public face aux inondations.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Benjamin Bouchard)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Un couvert de neige tapisse la forêt boréale du Québec pendant plus de six mois par année. Bien qu’il soit essentiel pour l’équilibre de nos écosystèmes, il peut cependant représenter une véritable épée de Damoclès pour les populations en aval des bassins versants forestiers.</p>
<p>Les inondations majeures du printemps 2023 dans la région de Charlevoix en sont un bon exemple. </p>
<p>L’hiver dernier, le bassin versant de la rivière du Gouffre, <a href="https://charlevoixmontmorency.ca/l-obv-cm/territoire/">recouvert à près de 75 % de forêts</a>, a accumulé pendant tout l’hiver une quantité importante de neige. Combinée à un événement de pluie extrêmement intense, la fonte de ce couvert de neige a contribué à faire sortir la rivière de son lit, causant des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2023-05-03/baie-saint-paul/inondes-en-un-temps-record.php">inondations sans précédent à Baie-Saint-Paul</a>.</p>
<p>Dans le cadre de mon doctorat à l’Université Laval, en collaboration avec <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/">Sentinelle Nord</a>, je m’intéresse à l’impact des propriétés du couvert de neige sur l’hydrologie des bassins versants en forêt boréale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
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<h2>La pluie comme vecteur d’énergie</h2>
<p>Comme nous l’avons vu au printemps 2023, les épisodes de pluie en présence d’un couvert de neige peuvent mener à une augmentation soudaine du niveau d’eau des rivières. Une raison expliquant ce phénomène est que l’eau de pluie transfère de la chaleur vers la neige. </p>
<p>Un échange de chaleur survient entre la pluie et la neige lorsque leur température est différente. La neige se réchauffe alors, et la pluie se refroidit. Une fois que la neige a atteint une température de 0 °C, toute chaleur additionnelle provenant de la pluie provoque de la fonte.</p>
<p>Ainsi, un couvert de neige près de 0 °C, fréquent au printemps, et une forte pluie à température élevée sont des conditions propices à ce que l’eau de fonte et l’eau de pluie contribuent à augmenter le débit ainsi la probabilité d’une inondation. Ceci ne peut toutefois survenir que si l’eau ainsi produite peut s’écouler facilement dans le couvert de neige. </p>
<p>Au contraire, un couvert de neige froid combiné à une faible pluie à basse température peut mener au gel de l’eau de pluie dans la neige. Cette eau restera donc piégée dans la neige et ne présentera pas un risque d’inondation. </p>
<p>Après tout, les échanges de chaleur vont dans les deux sens !</p>
<h2>Le couvert de neige, un milieu à la structure complexe</h2>
<p>Le couvert de neige est un milieu poreux loin d’avoir des propriétés physiques uniformes. Celui-ci correspond plutôt à un empilement de couches de neige qui représentent l’historique des événements météorologiques de l’hiver. L’eau de pluie doit percoler à travers toutes les couches de neige pour se rendre au sol, et éventuellement atteindre le cours d’eau.</p>
<p>Certaines couches limitent l’écoulement d’eau dans la neige, comme les couches de grains fins ou les couches de glace. En revanche, les couches de grains grossiers facilitent l’écoulement en raison de la présence de pores plus gros. Ils permettent ainsi à l’eau de pluie et de fonte d’atteindre rapidement le sol.</p>
<h2>Le rôle de la forêt</h2>
<p>La structure du couvert neigeux influence le risque d’inondation. Mais quel est l’effet de la forêt sur la structure de la neige ? </p>
<p>En interceptant une partie des précipitations solides, les arbres limitent l’accumulation de neige au sol, ce qui contribue à la <a href="https://doi.org/10.1029/JC088iC09p05475">croissance des grains et des pores du couvert neigeux au sol</a> par flux de vapeur d’eau. De plus, la décharge de neige interceptée par les arbres sous forme solide ou liquide <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2019.01.052">augmente l’hétérogénéité du couvert neigeux</a>. Ces processus favorisent un écoulement rapide de l’eau dans le couvert de neige se formant sous les arbres.</p>
<h2>Partout pareil ?</h2>
<p>Or, la couverture forestière est loin d’être uniforme en forêt boréale. Elle s’apparente davantage à une végétation clairsemée avec des zones dépourvues d’arbres que l’on nomme trouées. Dans ces trouées, la structure du couvert neigeux est fortement contrastée à ce que l’on retrouve sous les arbres.</p>
<p>Une accumulation de neige plus importante dans les trouées favorise le tassement des couches de neige et la formation de grains fins. De plus, des cycles journaliers de regel en surface mènent à la formation de couches de glace peu perméables. </p>
<p>Le couvert neigeux dans les trouées est donc moins favorable <a href="https://doi.org/10.1002/hyp.14681">que celui sous les arbres</a> à la percolation d’eau vers le sol.</p>
<p>Mais cela signifie-t-il pour autant que la présence de trouées réduit le risque d’inondations ? Pas tout à fait.</p>
<h2>La neige fond plus vite dans les trouées</h2>
<p>La structure du couvert de neige est un facteur parmi d’autres qui influent sur les inondations. Un sol gelé, qui limite l’infiltration, ainsi qu’une fonte rapide de la neige, contribuent également à augmenter le risque d’inondation. </p>
<p>Dans les forêts boréales du Québec, bien que le sol ne gèle pas dans les trouées en raison du caractère isolant du couvert de neige, le <a href="https://doi.org/10.5194/hess-2023-191">taux de fonte y est largement supérieur</a> car le rayonnement solaire y est plus fort que sous les arbres, particulièrement au printemps. </p>
<p>Malgré qu’il y ait davantage de neige qui s’accumule dans les trouées, celle-ci prendrait donc moins de temps à fondre et atteindrait le cours d’eau plus rapidement que celle sous les arbres, ce qui augmente le débit de crue et donc… le risque d’inondation.</p>
<p>Un couvert neigeux plus épais dans les trouées, et des couches de neige plus perméables sous les arbres ont donc contribué à ce que la rivière du Gouffre inonde Baie-Saint-Paul lors de la pluie extrême du printemps 2023.</p>
<p>Les épisodes de pluie comme celui-ci <a href="https://www.ouranos.ca/fr/precipitations-changements-projetes">continueront d’augmenter en fréquence avec le réchauffement climatique</a>. Une connaissance accrue des interactions entre le couvert de neige et la forêt aideront à améliorer les modèles hydrologiques et ainsi assurer la protection du public face aux inondations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213418/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Bouchard a reçu des financements du Fonds de recherche Nature et technologie du Québec (FRQNT), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) ainsi que de Sentinelle Nord.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Daniel Nadeau a reçu des financements d'Environnement et Changement Climatique Canada, ainsi que du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie du Canada. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florent Domine a reçu des financements du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et Génie du Canada</span></em></p>Mieux comprendre les interactions entre la forêt boréale et la neige permet d’améliorer les modèles hydrologiques assurant ainsi une gestion optimale de la ressource.Benjamin Bouchard, Étudiant-chercheur au doctorat en génie des eaux, Université LavalDaniel Nadeau, Professeur titulaire en hydrologie des régions froides, Université LavalFlorent Domine, Professeur, chimie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141842023-10-03T14:55:01Z2023-10-03T14:55:01ZManifs anti-trans : le parti conservateur pourrait tirer profit de la fracture sociale<p>La polarisation des débats sur les enjeux liés au genre et à la sexualité a donné lieu, la semaine dernière, à des manifestations et des contre-manifestations houleuses dans les villes du pays. </p>
<p>La coalition <a href="https://millionmarch4children.squarespace.com/educational-material">One Million March 4 Children</a>, à l’origine des mobilisations, a dans sa mire un ensemble de composantes des programmes d’éducation à la sexualité dans les écoles, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tudes_de_genre">notamment la théorie du genre</a>. Elle <a href="https://millionmarch4children.squarespace.com/supporters">réunit des organisations de camionneurs, de droite radicale et différentes organisations religieuses</a>. </p>
<p>Porté par divers mouvements conservateurs, la <a href="https://theconversation.com/from-america-to-ontario-the-political-impact-of-the-christian-right-107400">présence des groupes chrétiens</a> à ces manifestations n’était pas surprenante. La forte présence de communautés immigrantes, notamment musulmanes, en a toutefois étonné plusieurs. Durant cette semaine-là, une association musulmane et le chroniqueur conservateur <a href="https://www.journaldemontreal.com/2023/09/23/justin-trudeau-haineux-en-chef-du-canada-devrait-cesser-dinsulter-les-canadiens-qui-ne-pensent-pas-comme-lui">Mathieu Bock-Côté</a>, aux spectres idéologiques opposés, ont tous deux dénoncé <a href="https://www.journaldemontreal.com/2023/09/26/identite-de-genre-lassociation-musulmane-denonce-les-propos-de-trudeau">l’appel à la tolérance du premier ministre Trudeau</a> dans des termes à peu près identiques. </p>
<p>Tant les politiques libertariennes en matière fiscale que très conservatrices en matière sociale ont le vent en poupe. Et il n’y a aucune raison qu’elles n’intéressent pas les membres de la diversité religieuse.</p>
<p>Alors que le Parti populaire (PPC) de Maxime Bernier fait des questions liées au genre son cheval de bataille, Pierre Poilievre s’est montré plus prudent à sauter dans la mêlée. Il a demandé à ses députés d’en faire autant. Mais son parti pourrait tirer profit de cette polarisation. Trois éléments semblent aller dans ce sens. </p>
<p>D’abord, le vote chrétien évangéliste sur les valeurs morales est déjà largement acquis au PCC. Deuxièmement, contrairement à plusieurs formations de droite populiste européenne, le PCC a peu de marge de manœuvre en matière de discours hostile à l’immigration. Un parti qui veut gagner les élections fédérales ne peut se mettre les communautés issues de l’immigration à dos. Puis, la recherche d’une ligne de fracture au sein des communautés immigrantes selon l’axe conservateur/libéral en matière de sexualité et de genre peut modifier l’équilibre des forces politiques à plus long terme. </p>
<p>Respectivement professeur de sociologie à l’UQAM et doctorant en science politique à l’Université de Montréal, nos recherches portent sur le nationalisme, le populisme et les conflits politiques au Québec et au Canada. </p>
<h2>La politisation des enjeux trans par la droite conservatrice</h2>
<p>Si la politisation des questions liées à la sexualité par la droite religieuse n’est pas nouvelle, les débats sur le genre et l’inclusion des personnes trans a récemment pris une importance accrue. </p>
<p>La droite américaine en fait un élément de sa critique du libéralisme depuis des années. <a href="https://www.hilltimes.com/story/2023/07/17/how-the-political-right-are-contesting-pride-month-in-canada/392313/">La récupération de ces enjeux est toutefois plus récente au Canada</a>. Le PPC de Maxime Bernier a inscrit son opposition à « l’idéologie du genre » à son programme. </p>
<p>Plus récemment, des projets de loi proposés par les gouvernements conservateurs du Nouveau-Brunswick et de <a href="https://theconversation.com/saskatchewan-naming-and-pronoun-policy-the-best-interests-of-children-must-guide-provincial-parental-consent-rules-212431">la Saskatchewan</a>, qui visent à obliger les directions d’écoles à avertir les parents d’une demande de changement de prénom ou de genre exprimée par leur enfant, <a href="https://policyoptions.irpp.org/fr/magazines/juillet-2023/poilievre-trans-republicains/">ont également suscité de vifs débats</a>. Ils opposent les « droits parentaux » aux droits des enfants trans de vivre en sécurité. Au Québec, l’utilisation de prénoms neutres et la <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2023-09-12/blocs-sanitaires-dans-les-ecoles/drainville-exige-le-maintien-de-toilettes-non-mixtes.php">question des toilettes mixtes</a> s’ajoutent à cette liste des enjeux qui activent cette polarisation.</p>
<h2>Les valeurs conservatrices des minorités culturelles : une route vers la victoire ?</h2>
<p>Le PCC a obtenu des résultats en deçà de ses attentes aux trois dernières élections. Or, l’usure du pouvoir libéral, l’inflation et les difficultés d’accès à la propriété sont des thèmes permettant au parti de faire des gains chez les jeunes, particulièrement les hommes. </p>
<p>Aux dernières élections, le défi du PCC était de concilier le conservatisme social espéré par sa base, avec une plate-forme acceptable pour l’électorat centriste. Andrew Scheer et Erin O’Toole ont trébuché sur ce problème. </p>
<p>La majorité conservatrice de Stephen Harper en 2011 reposait sur la capture de circonscriptions à forte proportion immigrante, notamment à Mississauga, Brampton, Richmond Hill et Vaughan, dans la région de Toronto. Or, ces circonscriptions ne faisaient pas partie de la <a href="https://policyoptions.irpp.org/magazines/the-winner/the-emerging-conservative-coalition/">stratégie initiale de Harper</a>, mais la difficulté de rallier les nationalistes québécois l’a forcé à la réévaluer. Harper s’était alors tourné vers les minorités culturelles en banlieue de Toronto. Elles partageaient, outre les valeurs conservatrices, un attachement à la religion et à la libre entreprise. Harper a également introduit des <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/income-splitting-what-it-is-and-who-benefits-1.2818396">mesures fiscales favorables aux familles, majoritairement patriarcales</a>, qui valorisent le travail d’un seul parent et où un époux a des revenus beaucoup plus élevés que l’autre. </p>
<p>Aujourd’hui en avance dans les sondages, le PCC pourrait faire des gains aux dépens des libéraux à Markham, Vaughan, Richmond Hill, Whitby et Pickering-Uxbridge, dans certaines circonscriptions de Toronto, à Oakville et jusqu’aux banlieues de Hamilton. Le PCC pourrait aussi reprendre des circonscriptions dans le Grand Vancouver qu’il avait perdu aux mains des libéraux lors des dernières élections. </p>
<h2>La stratégie probable du PCC</h2>
<p>La politisation des enjeux liés au genre et à la sexualité est probablement perçue comme une opportunité par Poilievre de renouveler son électorat à l’approche de la prochaine élection. Pour y arriver, il est peu probable qu’il s’engage, à l’instar du Parti populaire, à limiter les droits des enfants transgenres ou à s’immiscer dans les champs de compétences des provinces. </p>
<p>Le PCC se contentera probablement de mobiliser des sifflets à chien dénonçant les « wokes » et d’appuyer les gouvernements provinciaux et les communautés religieuses dénonçant les programmes d’éducation sexuelle. </p>
<p>C’est ce que Poilievre a fait en août lors d’un rassemblement de la communauté pakistanaise de Toronto. Dans un <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/poilievre-lgbtq-pronouns-schools-1.6950029">discours prononcé dans le cadre des célébrations pour le Jour de l’Indépendance du Pakistan</a>, il s’est porté à la défense de la liberté de religion et du droit des parents de « transmettre leurs enseignements traditionnels à leurs enfants » et de les « élever avec leurs propres valeurs ». Plus tôt cet été, il s’était <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1991601/pierre-poilievre-plitique-713-taxe-carbone">opposé à ce que le gouvernement fédéral se mêle des débats au Nouveau-Brunswick</a>. </p>
<p>Le PCC pourrait bénéficier d’un <a href="https://angusreid.org/canada-culture-wars-gender-and-trans-issues/">appui</a> de la population sur ces enjeux. Même si les pratiques reliées aux transitions de genre <a href="https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/ados-transgenres/la-verite-sur-les-transitions-medicales/2023-09-25/ados-transgenres/la-verite-sur-les-transitions-medicales.php">sont rarissimes</a>, elles suscitent l’ire des milieux conservateurs. </p>
<p>D’autres positions conservatrices, comme la <a href="https://nationalpost.com/news/local-news/poilievre-blames-wave-of-violence-in-alberta-on-prime-minister-justin-trudeau-and-ndp/wcm/d6805980-8a25-43ba-93be-fe44bd2d5b89">critique de la décriminalisation des drogues en Colombie-Britannique et du « wokisme » libéral en matière de criminalité</a>, pourraient aussi faire mouche. Ainsi, une stratégie axée sur le conservatisme fiscal, la loi et l’ordre, la famille traditionnelle et les valeurs conservatrices en matière de sexualité pourrait être très rentable pour le PCC. </p>
<h2>Quels dilemmes pour les partis d’opposition ?</h2>
<p>Cette stratégie du PCC remet également en question les stratégies du PLC et du NPD. Se présentant à la fois comme les défenseurs des communautés religieuses ou ethniques, des minorités sexuelles et de genre, mais aussi comme des critiques de la loi 21 du Québec sur la laïcité, ces partis ont entretenu des clientèles qui se retrouvent aux antipodes de cette polarisation sociale. </p>
<p>Cette évolution était prévisible. L’importante présence de certaines communautés culturelles dans les mobilisations anti-LGBTQ+ fait éclater l’idée simpliste véhiculée par la gauche identitaire selon laquelle la « diversité » serait nécessairement libérale et progressiste, parce que minoritaire. </p>
<p>Les communautés issues de l’immigration sont hétérogènes et leurs relations aux <a href="https://angusreid.org/canada-religion-interfaith-holy-week/">questions de liberté de conscience et d’expression</a> varient grandement. Mais leurs institutions communautaires, parfois religieuses et patriarcales, ne cadrent pas toujours avec l’orientation des libéraux et du NPD en matière de citoyenneté et diversité sexuelle.</p>
<p>Les réactions du milieu nationaliste québécois ont été équivoques sur ces questions. Le Bloc Québécois a manqué une occasion de prendre position en faveur des droits des minorités sexuelles avant ceux des parents à être indignés. Il a privilégié l’autonomie des provinces plutôt qu’une position de fond qui aurait été cohérente avec celle de Québec sur les dossiers de la liberté académique et de laïcité. </p>
<p>Le PCC pourrait cependant être confronté à l’éventualité où une province utilise la clause dérogatoire pour adopter une loi en lien avec les « droits parentaux », <a href="https://lactualite.com/actualites/une-injonction-est-accordee-sur-la-politique-sur-le-genre-a-lecole-en-saskatchewan/">utilisation récemment confirmée par Scott Moe en Saskatchewan</a>. Il serait délicat pour Poilievre de défendre l’utilisation de la clause dérogatoire dans les provinces conservatrices, mais de s’y opposer pour les lois du Québec sur la laïcité et la langue. </p>
<p>Une fenêtre semble ainsi s’ouvrir pour Poilievre et le PCC. L’usure du pouvoir, les cafouillages libéraux à répétition et les défis économiques y contribuent certainement. Cela dit, la croissance des communautés ethniques et religieuses et l’appui grandissant des jeunes au conservatisme s’inscrivent dans des changements sociaux et démographiques plus larges qui pourraient bousculer la donne politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214184/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le PCC de Pierre Poilièvre pourrait faire des gains en ralliant la droite libertarienne, les chrétiens évangélistes et les communautés immigrantes, notamment musulmanes, sur les enjeux de sexualité.Frédérick Guillaume Dufour, Professeur en sociologie politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)François Tanguay, Doctorant, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143162023-09-26T16:45:06Z2023-09-26T16:45:06ZAssassinat, indépendantisme sikh, terrorisme… Voici pourquoi la relation entre l’Inde et le Canada est sous tension<p>La déclaration du premier ministre canadien, Justin Trudeau, à la Chambre des communes, le 18 septembre dernier, en a surpris plusieurs, tant au pays que sur la scène internationale : le Service de renseignement de sécurité du Canada (SCRS) soupçonne que des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2011272/justin-trudeau-inde-assassinat-sikh">agents du gouvernement indien soient derrière le meurtre du citoyen canadien d’origine indienne et pendjabi, Hardeep Singh Nijjar</a>, le 18 juin à Surrey, en Colombie-Britannique. </p>
<p>Depuis la déclaration de Justin Trudeau, les médias indiens ne cessent de présenter le Canada (et son premier ministre) comme un pays offrant refuge au terrorisme khalistani.</p>
<p>Cette crise binationale a de multiples répercussions, tant <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/22/le-canada-s-enfonce-dans-la-crise-diplomatique-avec-l-inde-au-risque-de-s-isoler-sur-la-scene-internationale_6190408_3210.html">diplomatiques</a> qu’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2012491/impact-tensions-canada-inde-inquietudes-investisseurs">économiques</a> et <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2012739/canada-inde-torontois">sociales</a>. Ses enjeux dépassent cette accusation d’assassinat commandité. Pour mieux comprendre les forces en présence, je vous propose, comme directeur du Centre d’études et de recherches sur l’Inde, l’Asie du Sud et sa diaspora à l’UQAM, un petit retour dans l’histoire récente du sous-continent indien et ses répercussions au Canada. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-crise-agricole-en-inde-provoque-un-imbroglio-politique-avec-le-canada-152596">La crise agricole en Inde provoque un imbroglio politique avec le Canada</a>
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<h2>Le Khalistan rêvé</h2>
<p>La décolonisation du sous-continent indien en 1947 a permis la création de deux nouveaux états-nations : l’Inde et le Pakistan. Cette partition a conduit à l’une des plus massive et tragique migrations humaines de l’histoire contemporaine, avec 10 millions de personnes déplacées et près d’un million de victimes. </p>
<p>Le Pendjab, grenier à blé de l’Asie du Sud, a été divisé entre le Pakistan (musulman) et l’Inde (majoritairement hindoue). Cette partition a laissé un goût amer aux Pendjabis, majoritairement d’allégeance sikhe — le sikhisme est cette nouvelle religion, instaurée au XVI<sup>e</sup> siècle et combinant plusieurs éléments de l’hindouisme et de l’islam. C’est ainsi qu’est né un mouvement de revendication pour la création d’un pays indépendant, niché au Pendjab, entre l’Inde et le Pakistan : le Khalistan.</p>
<p>Dans les années 1980, les conflits entre l’armée indienne et différentes factions militantes pour la création du Khalistan se sont accrus. En 1984, Indira Gandhi, première ministre de l’Inde à l’époque, a donné le feu vert à l’armée indienne pour envahir le Temple d’Or à Amritsar, lieu central de la foi sikhe. La communauté, en Inde et de par le monde, en a été profondément choquée. Dans les semaines qui ont suivi, Indira Gandhi a été assassinée par ses deux gardes du corps — sikhs — et un pogrom anti-sikh s’en est suivi dans l’ensemble de l’Inde : 3 000 d’entre eux ont été brutalement assassinés à Delhi, et entre 8 000 et 20 000 autres dans l’ensemble du pays. </p>
<p>Depuis, le désir de la création d’un état khalistani indépendant demeure présent chez la grande majorité de sikhs/Pendjabis, que ceux-ci vivent en Inde ou à l’étranger. Il importe cependant de noter que, comme dans toute communauté, des divisions importantes sont présentes au sein de leur communauté : alors que la majorité soutient le mouvement khalistani, elle rejette la violence pour l’atteinte de leur objectif.</p>
<h2>Une relation fragile et tendue</h2>
<p>Les premiers Indiens qui arrivent au Canada (une ancienne colonie britannique) sont d’allégeance sikhe, de langue pendjabi, et près de 5 000 d’entre eux s’installent en Colombie-Britannique au tout début du XX<sup>e</sup> siècle. Mais ce n’est qu’après 1971 que s’entame une immigration continue depuis l’Inde, et encore plus dans les années 80, alors que les tensions communautaires entre sikhs et hindous sont fortes en Inde. Plusieurs sikhs pendjabis sont alors accueillis par le Canada en tant que réfugiés politiques. </p>
<p>Forte de 771 790 membres lors du dernier recensement en 2021, la communauté sikhe canadienne est la plus grande hors de l’Inde. Le Canada compte 828 195 citoyens d’allégeance hindoue, portant ainsi le ratio sikh/hindou à prêt de 50/50, alors qu’en Inde, les sikhs ne représentent qu’à peine 3 % de la population.</p>
<p>Bien que l’Inde soit centrale à la <a href="https://www.international.gc.ca/campaign-campagne/indo-pacific-pacifique/index.aspx?lang=fra#:%7E:text=La%20strat%C3%A9gie%20pour%20l%27Indo,pays%20et%20%C3%A0%20l%27%C3%A9tranger.">Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique</a> adoptée en 2022, les relations bilatérales entre les deux pays battent de l’aile depuis plusieurs années. </p>
<p>D’une part, il faut rappeler <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Air_India_182">l’explosion du vol Air India 182</a> en partance de Toronto vers New Delhi en 1985 : cet attentat à la bombe est la pire attaque terroriste dans l’histoire du Canada et, avant le 11 septembre 2001, dans l’histoire de l’aviation civile internationale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lattentat-terroriste-le-plus-meurtrier-au-canada-a-tue-82-enfants-qui-se-souvient-deux-119211">L'attentat terroriste le plus meurtrier au Canada a tué 82 enfants... Qui se souvient d'eux?</a>
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<p>L’implication directe du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Babbar_Khalsa">Babbar Khalsa</a>, un groupe extrémiste sikh basé en Colombie-Britannique, a été confirmée. Le groupe a été classé comme organisation terroriste par le Canada dans les mois qui ont suivi. Un des inculpés a été reconnu coupable d’homicide involontaire, et un autre individu, suspecté d’être l’une des têtes dirigeantes du complot, a été tué par les autorités policières indiennes le 14 octobre 1992, en Inde. </p>
<p>L’Inde reproche toujours au Canada de ne pas avoir mené à fond l’enquête et le processus judiciaire dans cette affaire. </p>
<p>D’autre part, soulignons que les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pokhran-II#:%7E:text=Pokharan%2DII%20est%20le%20nom,%C3%A9t%C3%A9%20men%C3%A9e%20en%20mai%201974.">cinq essais nucléaires indiens en 1998 (Pokharan II)</a> ont été possibles grâce à l’utilisation d’uranium canadien mis à la disposition de l’Inde pour utilisation uniquement civile. Le premier ministre canadien de l’époque, Jean Chrétien, avait lui-même négocié, 22 ans plus tôt en tant que ministre de l’Industrie, cette entente avec l’Inde. </p>
<p>De part et d’autre, la confiance entre les deux pays est fragile.</p>
<h2>Un citoyen d’intérêt</h2>
<p>Le bras de fer qui oppose présentement le Canada et l’Inde repose donc sur le fait que l’Inde aurait orchestré l’assassinat d’Hardeep Singh Nijjar.</p>
<p>Originaire de Jalandhar, au Pendjab, Nijjar a émigré vers le Canada en 1996. Selon le gouvernement indien, il serait membre du Babbar Khalsa international et aurait participé à l’attentat à la bombe de Ludhiana, au Pendjab, en 2007. En 2020, le gouvernement indien ajoute officiellement son nom à sa liste de « terroristes actifs ». </p>
<p>Nijjar a été l’un des organisateurs d’un référendum sur l’indépendance du Khalistan à Brampton, en Ontario, en septembre 2022 — activité tout à fait légale au Canada, mais qui ne serait aucunement tolérée en territoire indien. </p>
<p>En novembre dernier, l’Inde dépose au Canada une demande formelle d’extradition pour Nijjar. Il est assassiné sept mois plus tard. Rappelons ici qu’un processus d’extradition, peu importe le pays, est complexe, exige l’intervention d’Interpol, et prend plusieurs mois, voire des années.</p>
<h2>Un conflit indien… au Canada</h2>
<p>De prime abord, le conflit actuel en est un entre deux nations. Mais si l’on regarde de plus près, on s’aperçoit qu’il s’agit davantage d’un conflit intranational indien qui s’exporte, inévitablement, dans les pays où s’est établie une population d’origine indienne. Mais ce conflit interne évolue dans un contexte canadien, où règne une Charte des droits et libertés qui protège la liberté d’expression. </p>
<p>Au Canada, on peut parler d’indépendance de la Catalogne, de l’Écosse, du Québec et du Khalistan. La liberté d’expression y est garantie, tant qu’elle n’incite pas à la violence. En Inde, cependant, on ne peut parler publiquement d’indépendance (khalistanie, kashmiri ou de certaines provinces du nord-est) sans craindre l’emprisonnement. De plus, le parti actuellement au pouvoir œuvre depuis plus de neuf ans à présenter la majorité hindoue comme étant opprimée par les diverses revendications des minorités religieuses et culturelles. </p>
<p>À cet égard, il est intéressant de noter que lors de la <a href="https://theconversation.com/la-crise-agricole-en-inde-provoque-un-imbroglio-politique-avec-le-canada-152596">grève agricole qui avait immobilisé New Delhi pendant près de neuf mois</a> en 2020-2021, protestation qui a mobilisé les fermiers de l’ensemble de l’Inde et de toute allégeance religieuse, le gouvernement, afin de manipuler l’opinion publique hindoue, affirmait que ces manifestations étaient orchestrées par les mouvements terroristes khalistanis.</p>
<p>Les propos du premier ministre Trudeau, <a href="https://www.lesoleil.com/2020/12/04/trudeau-persiste-et-signe-dans-sa-defense-des-agriculteurs-indiens-8eb3453ca4225a9741fafa93e6857506/">qui affirmait alors que le Canada défendrait toujours le droit de manifester sans violence</a>, avaient été présentés dans les médias indiens comme un support inconditionnel envers les mouvements d’indépendance terroristes khalistanis. </p>
<p><a href="https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/pblc-rprt-trrrsm-thrt-cnd-2018/index-en.aspx">Des mouvements radicaux sikhs sont présents au Canada, tout comme le sont certaines tendances extrémistes hindoues</a>, tel le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rashtriya_Swayamsevak_Sangh">Rashtriya Swayamsevak Sangh</a> (RSS). Il importe de souligner, d’une part, que la <a href="https://www.tsas.ca/wp-content/uploads/2023/03/Jhinjar_KnightREsearchBriefV2.pdf">grande majorité des Canadiens d’allégeance hindous ou sikhe ne sont pas radicaux</a> et, d’autre part, que le <a href="https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/pblc-rprt-trrrsm-thrt-cnd-2018/index-en.aspx">SCRS est fort conscient de la présence de factions plus radicales sur son territoire</a>.</p>
<h2>Cap sur une troisième élection majoritaire</h2>
<p>L’Inde est présentement courtisée par les puissances « occidentales » afin de faire contrepoids à la présence chinoise dans l’Indo-Pacifique. Le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad), cette alliance stratégique entre les États-Unis, l’Australie, le Japon et l’Inde, en est un bon exemple. Malgré le déclin de la démocratie en Inde, peu de pays osent critiquer son gouvernement. </p>
<p>Cela dit, le Canada ne pouvait passer sous silence l’implication potentielle de l’Inde dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar sur son territoire national. Justin Trudeau aurait discuté de la situation avec son homologue indien lors de la rencontre du G20 en Inde et, une fois de retour au pays, a présenté celle-ci aux citoyens canadiens.</p>
<p>Nous sommes à l’aube des élections fédérales indiennes. En avril et mai 2024, près d’un milliard d’électeurs et d’électrices auront le privilège d’exprimer leur voix. La stratégie électorale du BJP, actuellement au pouvoir, est d’accentuer le clivage entre hindous et les membres des autres minorités religieuses. Il s’agit d’attiser, chez la majorité, le sentiment d’être opprimés au sein de leur propre nation, tout comme le seraient les hindous ailleurs dans le monde. L’Inde vient ainsi de mettre en garde ses citoyens (hindous) sur le territoire canadien <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1918000/avertissement-delhi-crimes-toronto">contre d’éventuels « actes haineux »</a> à leur endroit, lire plutôt des représailles émanant de groupes terroristes khalistanis. </p>
<p>Les médias indiens — contrôlés majoritairement par les conglomérats <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/OXAN-DB276482/full/html">Adani</a> et <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/OXAN-DB272755/full/html">Ambani</a>, tous deux très proches de Narendra Modi — collaborent activement à cette stratégie politique. Il va sans dire que le BJP a tout intérêt à maintenir et construire son discours sur le Canada comme terre d’asile pour les terroristes khalistanis, présentant ainsi un premier ministre indien bombant le torse et défendant les intérêts des <a href="https://academic.oup.com/jaar/article/90/4/805/7205783">« pauvres hindous persécutés », en Inde, comme au Canada</a>. </p>
<p>Pour le BJP, les relations indo-canadiennes pèsent peu comparativement à une élection majoritaire au printemps prochain, menant ainsi à un troisième mandat de cinq ans pendant lequel le BJP et son organisation paramilitaire, le RSS, pourraient installer encore plus profondément leur nationalisme ethnoreligieux (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hindutva"><em>hindutvā</em></a>).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214316/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Boisvert a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, du Gouvernement du Québec (Ministère des relations internationales et de la Francophonie), du Gouvernement du Canada (Affaires Mondiales Canada) et de l'Institut indo-canadien Shastri. </span></em></p>Les relations entre l’Inde et le Canada sont teintées par la présence dans ce pays d’importantes communautés sikhes et hindoues, qui y transposent leurs aspirations, tensions et frustrations.Mathieu Boisvert, Directeur, Centre d'études et de recherches sur l'Inde, l'Asie du Sud et sa diaspora et professeur au Département de sciences des religions, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.