tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/danger-46028/articlesdanger – The Conversation2020-04-06T18:27:51Ztag:theconversation.com,2011:article/1331902020-04-06T18:27:51Z2020-04-06T18:27:51ZRisques industriels : ce que l’accident de Lubrizol nous a appris<p>Jeudi 26 septembre 2019 : un gigantesque incendie se déclare à Rouen au petit matin, sur les sites de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lubrizol-77087">Lubrizol</a>, une usine de produits chimiques classée Seveso seuil haut, et de Normandie-Logistique, une entreprise de transport.</p>
<p>Quelques mois plus tard, le 12 février 2020, la mission d’information de l’Assemblée nationale chargée d’analyser l’accident – qui n’aura occasionné aucune victime directe – <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/inceindu/l15b2689_rapport-information">rend son rapport</a>.</p>
<p>Synthèse des nombreuses propositions égrenées par les scientifiques et experts au fil des 35 auditions de cette mission d’information, la nature même de ce rapport illustre une nouvelle fois la résistance politique à la mise en œuvre des connaissances scientifiques dans le domaine des risques.</p>
<p>Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, illustre de manière idoine ce décalage, en réaffirmant que le gouvernement et les services de l’État</p>
<blockquote>
<p>« tirons tous les enseignements de cet accident et prenons les mesures qui s’imposent pour répondre aux enjeux de sécurité et de prévention des risques industriels et garantir la sécurité des Français ».</p>
</blockquote>
<p>Que le politique attende de voir la crise ou la catastrophe pour s’emparer des enjeux liés aux risques naturels et technologiques constitue un motif sérieux d’inquiétude pour les populations… et de découragement pour les scientifiques qui alertent notamment depuis des décennies sur les <a href="https://www.ipcc.ch/">risques liés au changement climatique</a>.</p>
<h2>L’enquête de 2018</h2>
<p>Mais revenons plus précisément au risque industriel dans l’agglomération rouennaise.</p>
<p>Une <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/34020">enquête menée en 2018</a> – soit un an avant l’incendie des sites Lubrizol et Normandie-Logistique – montrait que plus de 60 % des personnes interrogées ne connaissaient pas l’existence d’un risque industriel dans l’agglomération. Sans surprise, les populations non résidentes et les touristes constituaient l’essentiel des moins informés. Ne pas être la cible des rares campagnes d’information et ne pas connaître le tissu industriel local est un verrou pour accéder à une culture du risque territorialisé.</p>
<p>Dans cette même enquête, 70 % des personnes interrogées ignoraient la signification du signal d’alerte émis par les sirènes et 60 % ne connaissaient pas les consignes à suivre en cas d’accident industriel. Les comportements réflexes qui pouvaient suivre en cas d’alerte étaient donc variés – de l’indifférence à la fuite en passant par l’attente d’informations complémentaires.</p>
<p>Pour les 20 % des personnes interrogées déclarant rechercher un abri pour se protéger, l’entreprise ne semblait pas aisée. Plus de la moitié des responsables d’établissements susceptibles de recevoir et de mettre à l’abri des personnes (administration, banque, commerce) déclarait qu’ils ne laisseraient entrer personne en cas d’alerte.</p>
<p>Enfin, et contrairement à une idée reçue, la confiance aux autorités était élevée : près de 82 % des 712 personnes interrogées déclaraient qu’elles accepteraient de suivre un ordre de confinement immédiat s’il était donné par les services de l’État, via des haut-parleurs ou des SMS.</p>
<p>Ces données alarmantes pour Rouen ne constituaient cependant qu’une étude de plus démontrant les lacunes de l’information préventive des populations et des moyens d’alerte et de communication en cas d’accident industriel en France. Elle laissait entendre également la (trop ?) grande confiance accordée aux services de l’État et aux industriels pour garantir le contrôle et la sécurité des sites.</p>
<h2>Installer une « culture du risque »</h2>
<p>Suite à l’incendie de septembre 2019 à Rouen, le rapport de la mission d’information propose « d’installer une culture du risque durable en France » et de « mieux alerter et informer les populations lors de la survenance d’un accident ». Deux autres objectifs, que nous n’abordons pas ici, portent sur le renforcement du contrôle des sites industriels et la relance de l’attractivité de la métropole rouennaise dont l’image a été « noircie », notamment en encourageant l’ouverture d’un casino…</p>
<p>« Installer une culture du risque » : cela commence par la prise de conscience des risques industriels auxquels les populations sont exposées, via des campagnes d’information. La mission parlementaire propose donc une refonte du site Internet <a href="https://www.georisques.gouv.fr/">Géorisques</a> et l’évolution des documents d’information sur les risques, notamment le document d’information communal sur les risques majeurs (<a href="https://www.georisques.gouv.fr/glossaire/document-dinformation-communal-sur-les-risques-majeurs-dicrim-0">DICRIM</a>).</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation du portail Géorisques. (BrgmTV, 2015).</span></figcaption>
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<p>Si de tels instruments doivent en effet être améliorés – car jugés <a href="https://scanr.enseignementsup-recherche.gouv.fr/publication/these2018AIXM0207">peu efficaces et sous-utilisés</a> –, ce sont surtout les modalités de leur diffusion qui doivent être repensées pour toucher le plus grand nombre. Rendre obligatoire la présence de liens vers ces documents sur les pages Internet des établissements (offices du tourisme, universités, mairies, agences immobilières, etc.) qui font la promotion des territoires serait par exemple un début.</p>
<p>La connaissance des consignes à suivre en cas de déclenchement de l’alerte et l’adoption des bons réflexes est un second élément de la culture du risque. La commission propose pour cela de « réaliser une fois par an un exercice de grande ampleur de risque naturel ou technologique sous la forme de “journée à la japonaise” dans un département ».</p>
<p>On connaît les difficultés à mobiliser les personnes pour ce type d’exercice à l’échelle d’un bâtiment ou les populations à l’échelle d’un quartier en France, la question se pose de sa faisabilité à l’échelle d’un département, échelle d’ailleurs questionnable car elle sous-entend que toute gestion de crise serait de la seule compétence du préfet. Parler de territoires à risques permettrait de ne pas sous-estimer d’emblée le rôle des communes dans de tels exercices.</p>
<p>Pour engager une telle démarche avec la population, des premiers exercices avec des populations cibles seraient certainement efficaces, chez les jeunes ou responsables de sécurité des établissements recevant du public, par exemple. Dans cet ordre d’idée, la mission d’information parlementaire propose ainsi d’« aborder le sujet de la culture du risque dans le cadre du service national universel ».</p>
<p>Pour être efficace, cette proposition devra cependant aller plus loin qu’un diaporama qui aborde les enjeux liés aux risques. L’organisation d’exercices de crise adaptés aux territoires qui accueillent ces journées serait une plus grande ambition. Ces exercices pourraient parfaitement s’adapter au format des journées citoyennes, qui offrent l’avantage de réunir au même endroit et au même moment des jeunes d’horizons géographiques et sociaux différents.</p>
<p>Des exercices sous la forme de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/serious-games-25456"><em>serious game</em></a> qui nécessitent une connaissance du territoire, la maîtrise de règles, l’entraide, l’empathie et l’ambition éventuelle de constituer une réserve citoyenne de sécurité seraient un excellent format. Cette réserve disséminée sur le territoire participerait alors plus volontairement à des exercices « à la japonaise » et pourrait en cas d’alerte informer et assister les personnes pour les mettre à l’abri notamment.</p>
<h2>Une multitude d’outils</h2>
<p>Une fois informées sur les risques et éduquées aux consignes, il convient d’alerter et d’informer les populations quand la crise survient.</p>
<p>La technologie de la diffusion cellulaire (<em>cell broadcast</em>) explorée dans le cadre du système d’alerte et d’information des populations (SAIP) puis <a href="http://www.senat.fr/rap/r16-595/r16-595_mono.html">abandonnée faute d’ambition budgétaire</a> fait son retour.</p>
<p>Cette technologie permet de transmettre des messages sur les téléphones des personnes présentes dans une zone géographique exposée à un danger et via les antennes relais. La commission précise, et c’est une bonne chose, que l’alerte et la transmission de consignes doit être multicanale : délaisser un système (la sirène) pour un autre (<em>cell broadcast</em>) conduirait à prendre le risque de ne pas atteindre toutes les personnes en situation de danger. Poursuivre l’utilisation des sirènes, développer l’emploi de haut-parleurs dans les rues piétonnes, utiliser le <em>cell broadcast</em>, les panneaux d’affichage lumineux sur le réseau routier et la radio via le RDS (comme Info trafic, par exemple) sont autant d’outils à développer.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vidéo de présentation du système d’alerte IPAWS aux États-Unis. (911ThinkSign/Youtube, 2013).</span></figcaption>
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<p>La question du rôle des fournisseurs d’itinéraires (Waze, Google Maps, etc.) doit également être posée. Un accident industriel peut en effet survenir alors que des dizaines de milliers d’automobilistes sont en déplacements.</p>
<p>Quels seraient les itinéraires proposés par les algorithmes à partir des seules données de trafic ? Pourraient-ils proposer des itinéraires en direction d’une zone de danger car moins empruntés ? Face à une menace de responsabilité, les opérateurs ne seraient-ils pas tentés d’interrompre leurs systèmes, laissant les utilisateurs dans une « obscurité cartographique ».</p>
<h2>Mettre en œuvre les recommandations</h2>
<p>La mission d’information a également fait des propositions concernant l’analyse en direct pendant la crise des réseaux sociaux afin d’identifier les fausses informations et pouvoir ainsi en limiter leurs impacts. Ce champ de recherche est d’ores et déjà mature en France avec le courant des médias sociaux en gestion d’urgence (MSGU) et l’une de ses principales associations, <a href="https://www.visov.org/">Visov</a>.</p>
<p>Recommandée également, la création d’une cellule de communication de crise au sein de l’État. Cette cellule serait mobilisable en cas d’accident technologique pour assister le préfet et ses services dans la communication de crise. Dans ce domaine, le <a href="https://centredecrise.be/fr">Centre de crise multirisque de Belgique</a> est certainement un exemple à suivre.</p>
<p>La mémoire des catastrophes s’efface avec le temps. Les propositions de la mission d’information sur l’accident de Lubrizol nécessiteront des moyens financiers et humains pour leurs réalisations concrètes. Il revient maintenant aux politiques de prendre les engagements pour que ses mesures soient prises et à tous de rester vigilants pour qu’elles ne perdent pas, année après année, leurs moyens de mise en œuvre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133190/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Daudé a reçu des financements de l’Agence nationale de la recherche, projet ESCAPE (anr.fr/Projet-ANR-16-CE39-0011).</span></em></p>À la suite du gigantesque incendie qui a touché l’agglomération rouennaise en 2019, on peut tirer de multiples leçons pour une meilleure prévention et gestion des risques industriels en France.Éric Daudé, Directeur de recherche CNRS, géographe, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1278662019-11-28T19:23:56Z2019-11-28T19:23:56ZRisques et dangers alimentaires : la grande confusion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304265/original/file-20191128-178101-1ibfhrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C20%2C4600%2C3036&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tous les aliments ne sont pas forcément bons à manger.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/vf4O1OwtPnk">Maria Tenev / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Devant les informations récentes qui nous parviennent des médias (incendie de la société Lubrizol, <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/oise/beauvais/deces-nolan-10-ans-contamine-2011-bacterie-ecoli-cagnotte-ete-lancee-aider-famille-1723411.html">décès du petit garçon</a> dans l’Oise atteint par la bactérie <em>Escherichia coli</em>, <a href="https://www.lci.fr/police/cross-scolaire-la-mysterieuse-intoxication-de-seize-collegiens-2134132.html">élèves malades</a> après un cross scolaire, je vous propose d’expliquer le plus simplement possible dans cet article la différence entre un risque et un danger dans le domaine de l’alimentaire qui sont souvent confondus et qui perturbent la compréhension des consommateurs sur les informations qui sont diffusées par les réseaux sociaux et les médias.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1179788321880465408"}"></div></p>
<p>La définition du danger est relativement simple. Le risque est plus difficile à appréhender car c’est la probabilité d’être en présence d’un danger. Si le danger n’est pas présent, le risque est de zéro et si le danger est très présent, le risque est proportionnel à la quantité du danger.</p>
<p>En alimentation, vous allez être confrontés à des dangers chimiques (pesticides, certains additifs, toxines, hormones…), biologiques (bactéries pathogènes, moisissures toxinogènes, virus, prions…), des métaux lourds (mercure, plomb, cadmium, cuivre, souffre…). Ces corps étrangers présentent un risque pour les consommateurs et deviendront un danger dès qu’ils seront présents à des quantités suffisantes pour provoquer chez le consommateur soit une attaque violente dite aiguë (toxine, métaux, virus) comme dans le cas d’une intoxination avec la toxine botulique, soit une attaque chronique de type cancer.</p>
<h2>Où sont les molécules toxiques ?</h2>
<p>Ces toxiques sont souvent en quantité très faible dans l’aliment et sont gérés par des normes strictes et acceptées mondialement par les experts du Codex alimentarius. <a href="http://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/fr/">Le codex Alimentarius</a> est un programme commun de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui consiste à produire un recueil de normes, directives et recommandations relatives à la production et la transformation agroalimentaires qui ont pour objet la sécurité sanitaire des aliments. Les experts considèrent que la norme assure une sécurité importante pour le consommateur. Les valeurs des normes sanitaires pour les toxiques alimentaires tournent autour du microgramme (µg) par kilo d’aliment. Cette quantité est extrêmement faible (1 millionième de gramme) mais les équipements analytiques permettent de les quantifier. Dans un but pédagogique, j’ai calculé ce que représente un µg/kilo en temps pour une conférence chez des amis juristes. Le µg/kilo représente en temps une seconde sur 32 ans. Il est rare dans la vie de tous les jours d’être aussi précis dans ses activités.</p>
<p><a href="https://www.20minutes.fr/societe/2623943-20191009-incendie-usine-lubrizol-rouen-signifient-taux-eleves-dioxines-retrouves-airsource">Le journal 20 minutes</a> annonçait le 10 octobre que les taux de dioxines (interdites en consommation) sur des sols rouennais dépassaient de 4 fois la norme. L’Organisation mondiale de la santé préconise une dose maximale admissible de 10 pg/jour/kg de poids corporel (soit un millionième de millionième de gramme/jour/kg) qui est un seuil de précaution pour une exposition quotidienne au cours de la vie entière. Ça ne fait pas beaucoup et quatre fois plus non plus ! A ces doses, il est extrêmement difficile d’estimer le réel danger.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1182285165776773121"}"></div></p>
<h2>Quelles différences entre risques et dangers ?</h2>
<p>Je donne maintenant quelques exemples pour éclairer la compréhension des termes risque et danger. En Europe, les agences sanitaires travaillent sur le calcul du risque donc sur une présence de danger éventuel alors qu’en Afrique où je travaille souvent, le danger alimentaire est très présent. Lorsqu’un consommateur européen entend parler de risque, il comprend danger alors que le danger n’est peut-être pas là.</p>
<p>Les pesticides regroupent les herbicides dont le célèbre Rondup (Monsato, devenu Bayer Européen récemment), les fongicides (anti-moisissures) et les insecticides. Cela représente environ 500 molécules autorisées par l’Europe dont certaines sont dangereuses pour la santé en particulier pour les agriculteurs qui les manipulent en grosse quantité.</p>
<p>Pour le consommateur, les quantités trouvées sur les aliments en Europe sont <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/efsajournal/pub/5743,lienhtml">très faibles</a>, généralement inférieures à 5 µg/kg pour 95,9 % des aliments en agriculture conventionnelle et bio.</p>
<p>On peut lire dans ce rapport que 96,2 % des 84 657 échantillons analysés respectaient les limites légales. 50,7 % étaient exempts de résidus quantifiables alors que 45,5 % des échantillons analysés contenaient des résidus quantifiés ne dépassant pas les niveaux maximaux de résidus (LMR). L’évaluation des risques alimentaires aigus et chroniques a montré que la probabilité pour les citoyens européens d’être exposés à des concentrations de résidus de pesticides pouvant entraîner des effets néfastes sur la santé était donc faible.</p>
<p>Ce risque est difficile à estimer car il relève de la toxicologie des traces moléculaires dont la toxicité sur l’homme est quasi impossible à calculer avec les méthodes actuelles. Dans les pays les moins regardant, des pesticides interdits circulent encore. D’autres pesticides sont utilisés sur des cibles non prévues.</p>
<p>Devant l’augmentation forte des anti-biorésistances en particulier chez certaines bactéries pathogènes, <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_05_1687">l’UE a interdit l’usage des antibiotiques</a> en alimentation animale en 2005 alors que ces antibiotiques sont encore autorisés ans la plupart des autres pays du monde dont certains ont des accords commerciaux avec l’Europe (Asie du Sud-est, USA, Mercosur). En Europe les antibiotiques restent autorisés pour soigner les maladies animales en conventionnel et Bio. Le danger est donc d’obtenir des antibiorésistances chez les bactéries pathogènes. Le risque est très mal contrôlé car il n’existe pas à ce jour de norme sanitaire sur l’antibiorésistance et le contrôle ne se fait que sur les teneurs en antibiotiques.</p>
<p>Les mycotoxines sont des toxines produites par certaines moisissures dont certaines sont cancérigènes. Elles sont très présentes dans les milieux humides et chauds où elles peuvent atteindre des quantités extrêmement fortes. En Europe, certaines moisissures toxinogènes sont présentes mais les quantités de mycotoxines mesurées sont <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-mycotoxines">généralement inférieures aux seuils</a> que les experts considèrent comme dangereux pour la santé. Le danger est donc identifié en Europe mais le risque est dur à calculer et peut être considéré comme faible. Il va dépendre de l’utilisation de fongicides chimiques dont le sulfate de cuivre est très connu en agriculture biologique. Le grand public n’est pas encore sensibilisé à ce danger qui peut <a href="http://www.fia.usv.ro/fiajournal/index.php/FENS/article/view/578">tuer des familles entières</a> de façon aiguë en Afrique et plus insidieusement par le cancer.</p>
<p>Les bactéries pathogènes qui peuvent être mortelles sont naturelles et se trouvent partout en particulier sur le sol mais aussi dans les intestins des animaux. Personne ne peut échapper à ce danger et leur quantification dans l’aliment frais est quasi impossible avant sa mise sur le marché compte tenu de la vitesse des flux des aliments dans le monde. Seuls des mesures d’hygiène stricte et des procédés maîtrisés peuvent éviter leur présence.</p>
<p>Le danger va donc dépendre à la fois de la charge initiale en bactéries mais aussi du processus (stérilisation, chaîne du froid) et de la mise sur le marché et surtout du comportement du consommateur. Quelques accidents sont encore dus à une mauvaise formation des consommateurs.</p>
<p>Certains éléments minéraux (plomb, arsenic, mercure, cuivre) peuvent se trouver naturellement dans l’aliment ou proviennent du procédé de fabrication. Ils sont toxiques et représentent un danger qu’il faut absolument éviter dans l’alimentation. Certains poissons âgés contiennent des taux de métaux lourds importants car ils accumulent ces métaux dans leurs viscères. Le risque n’est pas facile à estimer car il va dépendre du contenu de l’aliment mais aussi de la quantité consommée.</p>
<p>La consommation en forte quantité de sucre augmente le risque d’obésité et donc de mortalité due à des maladies métaboliques. Nous avons ici un exemple de danger faible et d’un risque élevé.</p>
<p>Il est intéressant de constater que dans nos pays, le risque fait plus peur aux gens que le danger car le risque est souvent mal compris et mal expliqué alors que le danger est maîtrisé par les professionnels.</p>
<p>En Europe, les experts se réunissent environ tous les mois pour estimer le risque de certains produits comme les OGM, les nouveaux aliments, ou encore les additifs qui ne pourront être mis sur le marché qu’après un avis positif des agences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127866/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Montet est membre expert de l'Anses </span></em></p>D’une légère incommodité à une hospitalisation voire un décès, notre alimentation peut présenter des risques et des dangers. Comment bien définir ces deux notions avec différents exemples concrets ?Didier Montet, Chercheur-expert en sûreté des aliments, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1249032019-10-17T18:58:02Z2019-10-17T18:58:02ZBonnes feuilles : « L’entreprise au XXIᵉ siècle, un monde de cannibales en costume »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295958/original/file-20191008-128686-wmo6hw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=124%2C29%2C874%2C574&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon le sociologue David Courpasson, l'entreprise est devenue un lieu où tout le monde mange tout le monde. </span> <span class="attribution"><span class="source">Tetiana Kovbasovska / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Trente ans d’enquête terrain dans de multiples lieux de travail ont conduit le sociologue David Courpasson a cette conclusion glaçante : les bureaux et les ateliers sont devenus des univers où tout le monde mange tout le monde, et même où les salariés se dévorent eux-mêmes. Comment expliquer autrement le carnage social à l’œuvre depuis des décennies ? De l’usine à la start-up, cette tendance ne s’est jamais enrayée, entre ceux qui travaillent à vendre des produits dangereux et ceux qui participent à l’uberisation d’une partie de la force de travail. Pire : tout le monde se tait, trouve les raisons de son indifférence et continue sa route. Mais au bout, beaucoup s’effondrent même si une minorité tente encore de retisser quelques fragiles liens de solidarité, comme le souligne David Courpasson dans son livre « Cannibales en costume. Enquête sur les travailleurs du XXI<sup>e</sup> siècle » (François Bourin Éditeur) dont nous vous proposons ici quelques extraits.</em></p>
<hr>
<h2>« Quelqu’un doit bien le faire »</h2>
<p>Écoutons donc attentivement les récits des gens au travail. Ils nous feront sans doute accepter l’idée que Paul, le guerrier des années 1980, soit un proche de Georges, le pharmacien des années 2010, que leurs vies, si elles sont évidemment dissemblables, portent des stigmates identiques de leur expérience du travail, à trente années d’écart. Accepter l’idée que, si l’usine anthropophage d’hier nous engloutissait pour nous recracher avec un salaire de misère, celle d’aujourd’hui nous absorbe de sa bienveillance, de ses compliments sur notre potentiel, nous rappelle jour après jour combien nous sommes importants, combien nous devons venir au travail de notre plein gré, authentiquement motivés et engagés. Elle nous entraîne dans une vague tonique qui promeut les expérimentations téméraires (agir avant de réfléchir !) et l’engagement sacrificiel (tout donner, ne rien lâcher…). Parce qu’elle veut notre individu en entier, <a href="https://www.academia.edu/28526647/Cederstr%C3%B6m_Carl_and_Peter_Fleming._Dead_Man_Working._Winchester_UK_and_Washington_Zero_Books_2012._76_pp._14.95_paperback_">pas seulement son corps</a>.</p>
<h2>« C’est hyper rentable »</h2>
<p>Au milieu de notre entretien, Georges me dira presque brutalement : « Vous comprenez, je me dis, je suis un cannibale, un cannibale habillé en costume… Mon boulot, au fond, est franchement dégueulasse… » Je vais alors tenter de comprendre ce qu’il y a de si dégueulasse dans la fabrique de médicaments. Il explique avec sobriété son quotidien, ses tâches, et c’est effectivement à première vue d’une grande simplicité, le travail normal d’un ingénieur de production. Mais la violence des propos de Georges est d’emblée palpable : les corps des pauvres gens, au loin, qui se retrouvent sous perfusion deux fois par semaine, dans des centres de collecte à peine salubres, sont des objets, ni plus, ni moins.</p>
<p>Voilà de quoi il souhaite parler : « On est là pour recueillir et nettoyer en quelque sorte les matières reçues chaque jour, pour en faire une substance utilisable pour la fabrication de médicaments et traitements. L’usine ne fait rien d’autre, on nettoie ce qui vient de ces centres de prélèvement ». Je lui demande alors des précisions, même s’il veut couper court à la description du job : le « nettoyage » du plasma n’est-il pas fait avant ? « Non, nous, de toute façon, on regarde ces substances comme a priori suspectes, c’est comme ça qu’on garantit le maximum de pureté dans le produit qui servira ensuite, c’est une question éthique, et médicale évidemment, on ne fabrique pas des médicaments avec des substances humaines dont on n’est pas sûr ».</p>
<p>Pourquoi ne seraient-elles pas sûres ? « Ce qu’il y a, c’est que c’est du plasma dit low-cost dans notre jargon, il nous coûte bien moins cher que s’il était collecté ici, avec des donneurs bénévoles, parce que, bon, les centres sont de vraies usines à prélèvement, c’est industriel, ils tournent quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre, donc c’est hyper rentable ». Je réitère ma question : d’où vient cette exigence de sûreté voire de pureté sur laquelle il insiste tant ? Georges mûrit sa réponse : « Soyons clairs, les gens, là-bas, ne sont pas forcément en super forme, cela peut avoir des répercussions sur la qualité de ce qu’ils vendent. Les gens remplissent des questionnaires avant de donner le plasma, mais ils peuvent mentir, sur leurs antécédents, sur leur consommation de drogues ou d’alcool… Ce sont des endroits peu sûrs sur le plan social vous comprenez ».</p>
<h2>« Il faut faire mieux, pas de son mieux »</h2>
<p>Quelque chose me semble peut-être encore plus grave, à bien y réfléchir : chaque matin, pour certains, constitue l’horizon d’une autre angoisse, celle de la perfection. Être parfaite, c’est ainsi l’obsession de Charline, directrice d’agence bancaire. Je la rencontre en 2008 ; elle me reçoit dans un petit bureau à peine à l’écart d’un guichet bruyant : « J’ai trente-sept ans, il faut que je me dépêche si je veux un jour devenir patronne du secteur, c’est un objectif premier effectivement, on en pense ce qu’on en veut, mais pour moi ça compte, donc je me dois d’être parfaite. » Je sursaute sans y paraître : ça veut dire quoi, parfaite ? « OK, je sais, on dit la perfection n’est pas de ce monde, ce que je veux dire, c’est plus que faire de son mieux, faire de son mieux ça ne suffit pas, tout le monde fait de son mieux, il ne faut pas faire de son mieux, il faut faire mieux, c’est différent ! »</p>
<p>Son rire claque dans le bureau. D’accord, mais mieux que quoi, que qui ? Et mieux, ce n’est pas toujours parfait, non ? lui dis-je, tentant d’adopter le faux détachement de mon interlocutrice, en riant aussi un peu à cette question, que je trouve idiote quand je la relis… « Moi, je vois la perfection dans l’œil du DG, voilà tout, et dans la note, enfin le pourcentage de ma prime, si je n’ai pas 100 % je pleure, mais si d’autres ont 100 % je pleure aussi, encore plus, vous comprenez ? »</p>
<h2>« Il faut qu’il y ait du sang qui coule »</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/295959/original/file-20191008-128644-1f7l9ec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295959/original/file-20191008-128644-1f7l9ec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295959/original/file-20191008-128644-1f7l9ec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295959/original/file-20191008-128644-1f7l9ec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295959/original/file-20191008-128644-1f7l9ec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295959/original/file-20191008-128644-1f7l9ec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295959/original/file-20191008-128644-1f7l9ec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295959/original/file-20191008-128644-1f7l9ec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On serait donc prêt à tout et n’importe quoi pour gonfler ses ratios personnels, car la valeur d’un travailleur se mesurerait au nombre de ses nouveaux clients et au volume de son portefeuille, comme dans l’usine de Paul elle pouvait se mesurer à la profondeur des cicatrices creusées par les risques du métier. Dans des entreprises dites high-tech, taillées par la modernité individualiste et qu’on appelle Google, Apple, ou dans toute autre spécifiée par une culture de la créativité et de l’énergie décuplées, au service de l’hystérie technophile actuelle, des gens parlent en effet, avec réserve et en hésitant souvent, de la façon dont la liberté qu’on leur donne de « faire ce qu’ils veulent » pourrait bien être un piège quotidien qui détruit les rapports humains, tout en multipliant les chances de perfectionner des produits au prestige invraisemblable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Courpasson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans son dernier livre, le sociologue David Courpasson dépeint un monde du travail où les salariés sont condamnés à manger les autres sous peine d’être eux-mêmes mangés. Extraits.David Courpasson, Professeur de sociologie, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1199812019-07-09T18:44:21Z2019-07-09T18:44:21ZToxicité du paracétamol sur le foie : message d’alerte désormais obligatoire sur les boîtes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283309/original/file-20190709-44472-1wi6q7h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C116%2C6000%2C3871&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Tout le monde connaît le <a href="http://www.societechimiquedefrance.fr/paracetamol.html">paracétamol</a>, et pour cause : il s’agit du médicament le plus vendu en France. Plus de 200 spécialités pharmaceutiques en contiennent, qu’elles soient à visée antidouleur ou dédiées à la lutte contre la fièvre, à destination des adultes ou des enfants.</p>
<p>Ce que l’on sait moins, c’est que le paracétamol est aussi la première cause de greffe de foie d’origine médicamenteuse. Ce risque est rare, mais il est grave, puisque potentiellement fatal.</p>
<p>En raison de l’importance de l’usage de cette molécule, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient de demander aux laboratoires concernés de modifier les boîtes de médicaments contenant du paracétamol <a href="https://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Paracetamol-et-risque-pour-le-foie-un-message-d-alerte-ajoute-sur-les-boites-de-medicament-Communique">pour y faire figurer des messages d’alerte</a>.</p>
<p>Un avertissement à destination des patients comme du personnel soignant.</p>
<h2>Premier médicament consommé par les Français</h2>
<p>En 2018, une étude de l’ANSM rapportait que les ventes de paracétamol seul, dans ses formes pour adultes, avaient <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29514410">augmenté de 140 % entre 2004 et 2015</a>. Les ventes de formes associant du paracétamol à du tramadol ou de la codéine ont aussi augmentée respectivement de 62 % et 42 % sur cette période.</p>
<p>D’après l’<a href="http://www.ofma.fr">Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA)</a>, en 2018, plus d’un Français sur deux a reçu au moins une ordonnance remboursée d’une spécialité pharmaceutique de paracétamol seul. Avec un âge moyen de 42 ans, ces délivrances concernaient des femmes dans 56 % des cas.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/283165/original/file-20190708-51253-ey6iyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283165/original/file-20190708-51253-ey6iyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283165/original/file-20190708-51253-ey6iyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283165/original/file-20190708-51253-ey6iyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283165/original/file-20190708-51253-ey6iyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283165/original/file-20190708-51253-ey6iyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283165/original/file-20190708-51253-ey6iyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283165/original/file-20190708-51253-ey6iyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">image paracetamol.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OFMA</span></span>
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</figure>
<p>On constate par ailleurs que le nombre d’ordonnances de paracétamol délivrées augmente avec l’âge des patients, de 2 délivrances annuelles chez les 25-44 ans à plus de cinq délivrances chez les plus de 85 ans.</p>
<p>Le paracétamol est aussi très prescrit chez les enfants, 20 % des prescriptions concernant les moins de 14 ans. Il est probablement très utilisé dans le traitement de la fièvre occasionnée par les diverses infections infantiles. 78 % de ces prescriptions sont rédigées par des médecins de ville en exercice libéral. Les trois premières spécialités médicales impliquées sont les médecins généralistes (89,5 % des prescriptions), les chirurgiens-dentistes (3 %) et les pédiatres (2,7 %).</p>
<h2>Attention au paracétamol « caché », source de surdosage</h2>
<p>Malgré cette utilisation très répandue, le centre de pharmacovigilance de Nancy a montré que <a href="http://www.ofma.fr/seulement-14-de-patients-connaissent-le-risque-de-toxicite-hepatique-du-paracetamol/">seul 14 % des patients connaissent le risque de toxicité hépatique du paracétamol</a>.</p>
<p>Par ailleurs, des patients ignorent parfois certaines consommations de paracétamol. Il peut en effet arriver qu’ils méconnaissent la présence de paracétamol dans des médicaments portant un nom commercial (ou dit « de fantaisie »), par exemple le Doliprane, le Dafalgan ou l’Efferalgan, lesquels sont disponibles en automédication ou sur ordonnance.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/283164/original/file-20190708-51305-3sgpar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283164/original/file-20190708-51305-3sgpar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283164/original/file-20190708-51305-3sgpar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283164/original/file-20190708-51305-3sgpar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283164/original/file-20190708-51305-3sgpar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283164/original/file-20190708-51305-3sgpar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283164/original/file-20190708-51305-3sgpar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283164/original/file-20190708-51305-3sgpar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le paracétamol est présent dans de nombreuses préparations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OFMA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Soit parce qu’ils bénéficient de la prescription de spécialités pharmaceutiques comprenant plusieurs substances dont du paracétamol à visée antalgique par exemple dans des antidouleurs comprenant de la codéine (Codoliprane, Dafalgan Codéiné, Klipal…), du tramadol (Ixprim, Zaldiar…) ou de la poudre d’opium (Lamaline, Izalgi).</p>
<p>Cette méconnaissance se traduit par un risque d’association de médicaments contenant du paracétamol et donc un risque de surdosage non intentionnel. Or les conséquences peuvent être dramatiques.</p>
<h2>Un message d’alerte obligatoire sur les boîtes de paracétamol</h2>
<p>Un surdosage avéré ou une suspicion de <a href="https://www.centreantipoisons.be/professionnels-de-la-sant/articles-pour-professionnels-de-la-sant/traitement-des-intoxications-au">surdosage en paracétamol est une urgence médicale</a>. Souvent asymtomatique dans les premières heures, il peut évoluer vers une défaillance de multiples organes et tissus comme les reins, le cerveau en plus du foie.</p>
<p>Il nécessite une hospitalisation pour mettre en œuvre un traitement par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ac%C3%A9tylcyst%C3%A9ine">N-acétyl-cystéine</a> qui neutralise la toxicité du produit de dégradation du paracétamol fabriqué en trop grande quantité. En l’absence de traitement ou d’une prise en charge trop tardive, la destruction du foie est irréversible en quelques jours et peut engager le pronostic vital si aucune greffe de foie n’est envisageable.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Message alerte toxicité hépatique du paracétamol.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ANSM</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Afin de déterminer le message d’alerte le plus approprié à faire figurer sur les boîtes, pour prévenir de ce risque hépatique en cas de surdosage, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait lancé en septembre 2018 une <a href="https://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Paracetamol-l-ANSM-lance-une-consultation-publique-pour-sensibiliser-les-patients-et-les-professionnels-de-sante-au-risque-de-toxicite-pour-le-foie-en-cas-de-mesusage-Point-d-Information">consultation publique</a>. Près de 2 300 personnes y ont participé à la consultation de l’ANSM, dont 75 % de particuliers. 97 % des personnes se sont ainsi déclarées favorables à l’ajout d’un message d’alerte sur le risque hépatique sur la face avant des boîtes. <strong>« Surdosage = danger »</strong> est le message retenu par 85 % des participants.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/283367/original/file-20190709-44487-k1n6ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283367/original/file-20190709-44487-k1n6ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283367/original/file-20190709-44487-k1n6ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283367/original/file-20190709-44487-k1n6ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283367/original/file-20190709-44487-k1n6ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283367/original/file-20190709-44487-k1n6ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283367/original/file-20190709-44487-k1n6ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283367/original/file-20190709-44487-k1n6ok.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Message alerte toxicité hépatique paracétamol 2.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ANSM</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Suite à ces travaux, qui confirment la nécessité de mieux informer les patients sur les risques liés au surdosage en paracétamol, les laboratoires devront modifier les boîtes de médicaments contenant du paracétamol <a href="https://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Paracetamol-et-risque-pour-le-foie-un-message-d-alerte-ajoute-sur-les-boites-de-medicament-Communique">afin d’y apposer ce message d’alerte</a>. Ils auront 9 mois pour le faire.</p>
<h2>Les règles essentielles de bon usage du paracétamol</h2>
<p>Contre les douleurs aiguës légères à modérées, ou contre la fièvre, le paracétamol reste malgré tout le médicament à utiliser en première intention, y compris pendant la grossesse.</p>
<p>En automédication, pour limiter les risques d’effet indésirable, les <a href="https://theconversation.com/comment-faire-bon-usage-des-medicaments-antidouleurs-106834">règles essentielles de bon usage du paracétamol</a> sont simples :</p>
<ul>
<li><p>commencer avec une prise de 500 mg,</p></li>
<li><p>espacer les prises d’au moins 4 à 6 h,</p></li>
<li><p>ne jamais dépasser 3 grammes par jour,</p></li>
<li><p>ne pas allonger la durée de traitement en automédication au-delà de 5 jours.</p></li>
</ul>
<p>L’absence d’effet contre la douleur ou la fièvre ne doit pas aboutir à une augmentation de la dose par prise ou quotidienne, ni au rapprochement des prises. En cas d’inefficacité constatée dans les trois premiers jours de traitement, il faut consulter un médecin, un dentiste ou un pédiatre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/283163/original/file-20190708-51284-lud743.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283163/original/file-20190708-51284-lud743.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283163/original/file-20190708-51284-lud743.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283163/original/file-20190708-51284-lud743.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283163/original/file-20190708-51284-lud743.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283163/original/file-20190708-51284-lud743.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283163/original/file-20190708-51284-lud743.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283163/original/file-20190708-51284-lud743.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">bon usage paracetamol.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OFMA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, comme le rappelle le <a href="https://www.rfcrpv.fr/paracetamol-medicament-a-mieux-connaitre/">réseau des centres de pharmacovigilance</a>, certaines personnes ont un risque plus important de faire des effets indésirables ou un surdosage involontaire. C’est par exemple le cas des personnes âgées, des personnes dénutries ou déshydratées, des personnes ayant une maladie du foie ou consommant de l’alcool régulièrement, ainsi que des personnes ayant une insuffisance rénale sévère. Chez ces patients, l’intervalle entre deux prises doit être allongé et la dose journalière diminuée.</p>
<p>Ce message d’alerte sur le risque de surdosage étant indiqué sur les boîtes de médicaments contenant du paracétamol, seul ou en association, il faudra encourager les patients lors de leur délivrance en pharmacie de ne pas les déconditionner en jetant les boîtes et les notices associées.</p>
<p>Enfin, les parents doivent être vigilants à ne pas mélanger la pipette utilisée pour administrer les solutions buvables de paracétamol avec celles d’autres médicaments comme l’ibuprofène ou avec celle de certains antibiotiques, afin d’éviter tout risque de mauvais dosage.</p>
<figure>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/119981/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Authier est médecin psychiatre, professeur de pharmacologie médicale. Il est directeur de l'Observatoire Français des Médicaments Antalgiques, administrateur de la Fondation Analgesia et membre du collège scientifique de l'OFDT. </span></em></p>Le paracétamol est très consommé dans notre pays. Pourtant, comme tout médicament, son utilisation doit faire l’objet de précautions. Dans certains cas, il peut causer des problèmes hépatiques graves.Nicolas Authier, Médecin psychiatre, professeur des universités-praticien hospitalier, U1107 Inserm/UCA, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/871192017-11-14T20:29:27Z2017-11-14T20:29:27ZLes dangers du web pour les jeunes : fake news ou vrais risques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193968/original/file-20171109-27108-152cxmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur internet, le risque de se retrouver en contact avec un inconnu qui serait un prédateur sexuel n'est pas le plus important. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/nBBtjGXHtwM">clem onojeghuo/unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la deuxième édition du <a href="http://www.sorbonne-paris-cite.fr/festival-des-idees">Festival des idées</a>, qui a pour thème « L’amour du risque ». L’événement, organisé par USPC, se tient du 14 au 18 novembre 2017. The Conversation France est partenaire de la journée du 16 novembre intitulée « La journée du risque » qui se déroule à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).</em></p>
<hr>
<p>Une classe de seconde. Les pupitres sont disposés en cercle. Les élèves, légèrement hébétés, évoquent la situation suivante : une amie aurait été filmée à son insu lors d’un acte sexuel, et sa vidéo circule sur le web.</p>
<blockquote>
<p>– Adrien : Déjà, je lui dis : « Ne te suicide même pas ». Parce que les jeunes, ils peuvent trop se suicider.<br>
– Margot : Si moi ça m’arrive, je vais être traumatisée donc je me suicide.<br>
– Romane : Moi je me suicide, c’est clair. Parce qu’après, tous les gens vont parler de moi. (<em>Les prénoms ont été changés</em>)</p>
</blockquote>
<p>L’anecdote ne rassurera aucun parent ou adulte. Il reste que dans une enquête récente <a href="https://www.centre-hubertine-auclert.fr/outil/etude-le-cybersexisme-chez-les-adolescent-e-s-12-15-ans-etude-sociologique-dans-les">menée auprès de collégien·ne·s et de lycéen.ne.s de la région Île-de-France</a>, le suicide était sur toutes les lèvres, même s’il n’était abordé, de près ou de loin, par aucun.e des chercheur·e·s menant les entretiens. Les élèves évoquaient spontanément le désespoir susceptible d’être engendré chez leurs pairs, surtout chez les filles, aux prises avec des situations délicates sur Internet, principalement à caractère sexuel, où leur réputation viendrait à être entachée de façon grave.</p>
<h2>Quels dangers d’Internet ?</h2>
<p>Malgré cette omniprésence du suicide dans les discours des jeunes, celui-ci ne fait pas partie des « grands risques » associés à leurs cyberpratiques. Dans la mouture 2014 de l’enquête <a href="https://lsedesignunit.com/EUKidsOnline/html5/index.html?page=1&noflash">European Union Kids Online</a>, menée auprès de 10 000 jeunes de 33 pays, 17 % des jeunes de 9 à 16 ans rapportent avoir été dérangés ou perturbés par quelque chose sur le web au cours de la dernière année.</p>
<p>Quels sont alors ces grands risques associés au cyberespace pour les jeunes ? À en croire les médias et les institutions publiques, ces dangers seraient d’au moins quatre ordres : exposition à du contenu non désiré (pornographie, violences), contact par une personne inconnue (<em>stranger danger</em>), addiction aux outils numériques et cyber-harcèlement. Ainsi, l’exposition des jeunes à la pornographie est perçue comme problématique, qu’elle soit non désirée ou consommée volontairement. Dans une <a href="http://www.ifop.com/media/poll/3698-1-study_file.pdf">enquête récente</a> auprès d’un échantillon représentatif d’adolescent·e·s français.es, 55 % des garçons et 44 % des filles ayant déjà eu un rapport sexuel considèrent que la pornographie a influencé leur apprentissage de la sexualité, plusieurs affirmant avoir déjà « essayé de reproduire des scènes ou des pratiques » vues dans des vidéos pornos.</p>
<p>Ceci dit, en dépit de ce que soulignent les médias de masse, la prise de risque principale pour les jeunes n’est ni l’exposition à des <a href="http://www.huffingtonpost.fr/tina-karr/dangers-pornographie-enfants_b_4037324.html">contenus sexuels non désirés</a>, ni d’être approché par un <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/l-enquete-de-l-obs/20130329.OBS6181/comment-les-enqueteurs-traquent-les-pedophiles-sur-Internet.html">prédateur sexuel inconnu</a>, ni de développer des <a href="http://www.huffingtonpost.fr/laurent-schmitt/addiction-Internet_b_4344040.html">comportements addictifs aux outils numériques</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193973/original/file-20171109-27169-1hyhyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193973/original/file-20171109-27169-1hyhyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193973/original/file-20171109-27169-1hyhyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193973/original/file-20171109-27169-1hyhyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193973/original/file-20171109-27169-1hyhyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193973/original/file-20171109-27169-1hyhyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193973/original/file-20171109-27169-1hyhyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Il ne sert à rien d’interdire les portables ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/zuQDqLFavI4">Tamarcus Brown/Unsplash</a></span>
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<p>Il s’agirait, <a href="http://www.huffingtonpost.co.uk/2012/12/11/young-girls-bullying-slut-shaming_n_2277224.html">selon la sociologue Jessica Ringrose</a>, de la pression sexuelle exercée de la part des pairs et arbitrée sur le web. « Le harcèlement sexuel a toujours existé, mais les doubles standards sexuels se manifestent sous de nouveaux jours avec les outils numériques », explique la chercheuse qui s’intéresse à la régulation sexuelle des filles et à l’émergence d’un cyberactivisme féministe. « Il ne sert à rien d’interdire les portables ou de limiter l’accès au web. Ce qu’il faut, c’est une meilleure éducation à la sexualité, une éducation centrée sur l’égalité des sexes ».</p>
<h2>Pourquoi naviguer malgré les risques ?</h2>
<p>À force d’ancrer les usages numériques dans le champ des risques à la santé publique, on en viendrait à oublier que les réseaux sociaux et les outils numériques présentent également leur lot d’opportunités. En effet, pour peu que l’on s’intéresse aux pratiques quotidiennes des adolescent·e·s, force est de constater qu’elles sont beaucoup plus nuancées que le laissent entendre ces <a href="http://www.injep.fr/sites/default/files/documents/rapport-2017-04-rl-socialisation-numerique.pdf">discours publics sur la prise de risque</a>. Dans les faits, toutefois, le cyberespace présente une plus-value non contestable pour des adolescent·e·s qui cherchent à se constituer leur propre identité, à être reconnu·e·s par leurs pairs et à prendre leurs distances par rapport à leur famille.</p>
<p>Hormis l’aspect divertissement (vidéos, jeux) et le soutien au travail scolaire, les pratiques numériques contribuent en effet à l’alimentation d’une sociabilité juvénile numérique. La participation au monde virtuel nécessite de mettre en scène sa propre personne, c’est-à-dire de se présenter à son avantage en fonction de <a href="https://theconversation.com/ni-putes-ni-prudes-et-surtout-pas-pedes-attentes-de-genre-chez-les-adolescent-e-s-66793">critères souvent fortement genrés</a>. La production de photos ou de vidéos permet ainsi à un individu de prouver qu’elle ou il possède bien le dernier gadget technologique, a bien fréquenté telle personne ou réussi telle prouesse valorisée par ses pairs. L’enjeu est donc d’attirer l’attention sur soi, d’obtenir des retours de la part d’un public, <a href="http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=COMMU_093_0173">souvent sous la forme de <em>likes</em></a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/193969/original/file-20171109-27111-17s948b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193969/original/file-20171109-27111-17s948b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193969/original/file-20171109-27111-17s948b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193969/original/file-20171109-27111-17s948b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193969/original/file-20171109-27111-17s948b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193969/original/file-20171109-27111-17s948b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193969/original/file-20171109-27111-17s948b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193969/original/file-20171109-27111-17s948b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans la socialité juvénile numérique, l’enjeu est d’attirer l’attention sur soi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/UGX2qdjdKkw">Luke Porter/Unsplash</a></span>
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<p>L’analyse microsociologique des échanges entre adolescent·e·s sur les réseaux sociaux suggère qu’elles et ils accordent une valeur sociale aux liens intimes entretenus avec certains pairs privilégiés. Les travaux de la sociologue de la communication Claire Balleys, notamment, suggèrent que la mise en scène de ces liens sociaux se fait souvent autour d’un partage réciproque d’intimité. Ici, la prise de risque (par exemple, en confiant un secret) n’est pas seulement un mal nécessaire, mais la preuve patente de la confiance qu’<a href="http://reset.revues.org/547">on accorde à certaines personnes</a>. Dans ce contexte, la sociabilité numérique est à comprendre non seulement comme le prolongement d’une sociabilité en présentiel, mais bien comme une manière de la renforcer. Cela se produit par le partage d’expériences similaires (<a href="https://theconversation.com/balancetonporc-ou-comment-les-reseaux-sociaux-nous-forcent-a-devenir-temoins-86119">#balancetonporc</a>), la diffusion d’informations privilégiées (secrets, rumeurs), le maintien du lien à distance ou encore la facilitation des rassemblements en présentiel. On comprend dès lors aisément à quel point le jeu semble en valoir la chandelle, et à quel point les avantages constatés quotidiennement justifient la prise de risques occasionnels et potentiels comme le ternissement de la réputation, l’exposition à des images choquantes ou la sollicitation occasionnelle par un quidam.</p>
<h2>Quelles stratégies pour contourner les risques ?</h2>
<p>Dans la plupart des enquêtes, les jeunes sont nombreux à rapporter avoir mis en place une stratégie pour minimiser les risques auxquels ils se retrouvent exposés. Leurs stratégies diffèrent en fonction des <a href="http://eprints.lse.ac.uk/56972/1/EU_Kids_Online_Report_Online_Problematic_Situations_for_Children_June2014.pdf">situations problématiques vécues ou appréhendées</a>. Des mesures d’ordre technique peuvent être prises, soit de manière préventive, soit après avoir vécu un évènement désagréable. On choisit de modifier les paramètres de sécurité, d’installer des filtres ou de rapporter les utilisateurs problématiques aux instances décisionnelles du réseau social où ils sévissent. On décide de trier les demandes d’amitié ou de bloquer certains contacts. On préconise certaines plateformes au détriment d’autres en fonction de la possibilité d’y être anonyme, on falsifie les informations personnelles données ou on efface les <em>tags</em> nous identifiant dans des photos peu flatteuses. On opte pour des choix de photos de profil neutres et non-intimes.</p>
<p>Au-delà de ces ajustements, les jeunes rapportent préconiser d’autres stratégies pour éviter des situations dangereuses sans toutefois mettre en péril leur position sociale, puisque c’est là tout l’enjeu. Les adolescentes interrogées <a href="https://www.academia.edu/3581896/Ringrose_J._Harvey_L_Gill_R._and_Livingstone_S._2013_Teen_girls_sexual_double_standards_and_sexting_Gendered_value_in_digital_image_exchange_Feminist_Theory">dans une étude britannique</a> font preuve d’une grande créativité pour gérer leur réputation tout en ménageant les sensibilités des garçons à qui elles refusent d’envoyer une photo intime. Certaines évitent de dire non pour ne pas avoir l’air prudes, mais répondent que c’est une meilleure amie qui détient la photo désirée. D’autres déplorent ne pas avoir assez de crédits pour envoyer la photo par SMS, ou envoient celle d’un chat (au lieu de la photo de « chatte » réclamée…). D’autres encore choisissent de mettre elles-mêmes en ligne les photos demandées, pour être les actrices de leur production comme de leur diffusion.</p>
<p>Les efforts de prévention des risques dépendent évidemment de la manière dont on se représente ceux-ci. Il paraît vain, par exemple, de répéter aux filles d’arrêter d’envoyer des photos de leur corps, comme le suggèrent <a href="https://www.behance.net/gallery/2360530/PSA-Campaign-for-Sexting-%28Cyberbullying%29">certaines campagnes sur la sécurité numérique</a>. C’est ne pas comprendre que ce sont les dynamiques de pouvoir entre pairs qui permettent que les parties du corps des filles (comme les photos de poitrines) soient perçues comme des commodités à forte valeur. Il est inefficace de conseiller aux jeunes de faire preuve de la plus grande vigilance face aux personnes qui prennent contact avec eux si le « danger » principal, dans les faits, provient de leurs proches.</p>
<p>Et si on acceptait qu’en matière de prise de risque en ligne, les intuitions des adolescent·e·s et leur connaissance des réseaux sociaux valent mieux que les injonctions des adultes ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabrielle Richard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Exposition à du contenu non désiré, contact avec des inconnus, addiction, cyber-harcèlement : quels sont les vrais risques associés à Internet pour les jeunes ?Gabrielle Richard, Sociologue du genre, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.