tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/decentralisation-23118/articlesdécentralisation – The Conversation2023-12-18T18:59:22Ztag:theconversation.com,2011:article/2195242023-12-18T18:59:22Z2023-12-18T18:59:22ZComment l’amnistie des indépendantistes catalans embrase l’Espagne<p>Dès son annonce conjointe par le Parti socialiste (PSOE) et Junts, le parti indépendantiste catalan de Carles Puigdemont, le 9 novembre 2023, l’accord sur l’amnistie des dirigeants indépendantistes catalans poursuivis par la justice espagnole suscita des <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/espagne-apres-la-loi-damnistie-de-pedro-sanchez-la-colere-se-libere-a-droite-et-a-lextreme-droite-20231129_4WKD5DL6EBHGROJKSOTUMK4FQI/">manifestations de colère à Madrid</a>. Les premières eurent lieu le jour même, et elles se poursuivirent dans de nombreuses villes d’Espagne chaque dimanche depuis. La signature de l’accord a permis au leader socialiste Pedro Sanchez d’être <a href="https://www.la-croix.com/Pedro-Sanchez-passe-etre-reconduit-tete-Espagne-divisee-2023-11-16-1301290982">reconduit</a> au poste de président du gouvernement par le Congrès des députés de Madrid le 16 novembre 2023 à la majorité absolue.</p>
<p>Toutefois, les 7 voix sur 350 de Junts n’auraient pas suffi à compléter les 121 du PSOE et les 31 de son nouveau partenaire de coalition Sumar, situé à l’extrême gauche, pour atteindre les 176 voix requises. Pedro Sanchez a donc dû négocier pour obtenir l’appui de chaque parti périphérique d’Espagne : Junts et ERC en Catalogne, le PNV et Bildu au Pays basque, le BNG en Galice et Coalición Canaria aux Canaries. Seul le parti navarrais UPN a soutenu une nouvelle fois le PP conservateur. Pour rappel, le leader du PP Alberto Nuñez Feijóo, vainqueur des élections législatives anticipées du 23 juillet 2023, avait <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/29/espagne-echec-de-l-investiture-du-chef-de-la-droite-alberto-nunez-feijoo-pour-le-poste-de-premier-ministre_6191604_3210.html">manqué l’investiture fin septembre malgré l’appui de Vox (extrême droite)</a>.</p>
<p>Soutenir un parti d’envergure nationale afin d’obtenir en contrepartie des transferts de compétences et des financements pour sa Communauté autonome est habituel pour les partis régionaux d’Espagne. La décentralisation en Espagne a notamment <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/1687">progressé ainsi</a> une fois la <a href="https://www.boe.es/legislacion/documentos/ConstitucionFRANCES.pdf">Constitution de 1978</a> entrée en vigueur et l’état des autonomies généralisé à partir du <a href="https://www.cairn.info/les-nationalismes-dans-l-espagne-contemporaine--9782200280505-page-323.htm">référendum andalou de 1980</a>.</p>
<p>C’est en partie ce qu’a fait ERC, l’autre grand parti indépendantiste catalan, de centre gauche et qui préside la Catalogne depuis 2021, en négociant avec le PSOE pour parachever un transfert de compétences lancé en 2006, celui des <a href="http://transportrail.canalblog.com/archives/2021/12/11/39257943.html">lignes ferroviaires catalanes Rodalíes</a>, et obtenir le financement correspondant, et obtenir l’annulation de 15 milliards d’euros de dette de la Communauté autonome envers l’État. Mais ERC a aussi négocié l’amnistie des dirigeants indépendantistes poursuivis pour la <a href="https://www.liberation.fr/checknews/2017/10/02/le-referendum-sur-l-independance-de-la-catalogne-est-il-reellement-illegal-ou-bien-le-gouvernement-e_1652476/">consultation illégale sur l’indépendance du 9 novembre 2014</a> ou la <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2018-1-page-103.htm">tentative de sécession de l’automne 2017</a>.</p>
<p>Cette amnistie négociée par Junts et son bénéficiaire le plus connu, Carles Puigdemont, cristallise la colère de la droite et de l’extrême droite, et des doutes <a href="https://www.elcorreo.com/politica/sanchez-logra-bases-psoe-pactos-pese-dudas-20231104232854-ntrc.html">au sein des bases du PSOE</a> et du <a href="https://www.elconfidencial.com/espana/cataluna/2023-10-29/bases-psc-inquiera-amnistia-psc-proces_3757172/">Parti des socialistes de Catalogne</a> (PSC), qui lui est associé. Pour le comprendre, il faut analyser le contexte et le contenu de ce projet d’amnistie.</p>
<h2>Une synthèse des revendications indépendantistes</h2>
<p>Le contexte, d’abord : les négociations ont été menées non en Espagne, mais en Belgique, où <a href="https://theconversation.com/carles-puigdemont-a-perpignan-quand-lindependantisme-catalan-passe-la-frontiere-133985">Carles Puigdemont</a>, président catalan de janvier 2016 à fin octobre 2017, s’est réfugié avec une partie de son gouvernement pour fuir les poursuites engagées à son encontre par la justice espagnole pour tentative de sécession. Le fait que les discussions ne se soient pas tenues sur le territoire espagnol peut encore accentuer le sentiment de trahison qu’éprouvent les opposants à l’indépendance catalane.</p>
<p>Surtout, ces tractations se sont déroulées après deux scrutins – <a href="https://theconversation.com/espagne-le-coup-de-poker-de-pedro-sanchez-208154">l’un régional et local le 28 mai 2023</a>, l’autre législatif national le 23 juillet – remportés par le PP contre le PSOE de Pedro Sanchez. En outre, <a href="https://elpais.com/espana/elecciones/generales/congreso/09/">lors de ce dernier scrutin</a>, les partis indépendantistes catalans ont reculé en voix : ERC est arrivé quatrième en Catalogne, et Junts cinquième, derrière le PP catalan, troisième. C’est donc lorsque les indépendantistes perdaient des voix que Sanchez a sollicité leur appui, ce qui a décuplé leur importance politique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1722593271317221657"}"></div></p>
<p>Quant au contenu de <a href="https://www.lavanguardia.com/politica/20231110/9366764/acuerdo-psoe-junts.html">l’accord</a>, il réunit plusieurs revendications majeures de l’indépendantisme catalan. Le texte prévoit l’organisation d’un référendum d’autodétermination légal – ce qui n’a aucun précédent ni pour la Catalogne ni pour le Pays basque, qui possède pourtant, lui aussi, un <a href="https://books.openedition.org/demopolis/1982">mouvement indépendantiste important</a> ; l’autonomie fiscale totale pour la Catalogne, sur le modèle des provinces basques et de la Navarre, une demande qui était au cœur du programme électoral d’Artur Mas, prédécesseur de Carles Puigdemont, dès 2010 ; et une participation directe accrue de la Catalogne aux <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/2828">institutions européennes</a>.</p>
<p>S’y ajoute une médiation internationale pour négocier l’application de l’accord. Là aussi, c’est une revendication ancienne des indépendantistes catalans, pour cultiver leur image internationale et imposer l’idée que la question territoriale se résume en Espagne à la relation entre l’État et la Catalogne, à l’exclusion des seize autres autonomies. Ce médiateur est le <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20231203-espagne-premi%C3%A8re-r%C3%A9union-de-travail-entre-socialistes-et-ind%C3%A9pendantistes-catalans-puigdemont">diplomate salvadorien Francisco Galindo Velez</a>. Les réunions de travail sur l’accord ont commencé à Genève le 2 décembre 2023.</p>
<h2>L’idée d’amnistie rejetée plusieurs fois</h2>
<p>Quant à l’amnistie elle-même, Pedro Sanchez l’avait exclue plusieurs fois, y compris à la veille des élections législatives du 23 juillet 2023. Dans un <a href="https://www.ondavasca.com/pedro-sanchez-y-la-amnistia-un-volantazo-por-pura-necesidad/">entretien à la chaîne La Sexta</a>, il avait commenté ainsi cette revendication d’ERC et Junts :</p>
<blockquote>
<p>« Je comprends que nous sommes en campagne et qu’ils <em>les [indépendantistes]</em> doivent dire ces choses, mais l’indépendantisme demandait l’amnistie et un référendum d’autodétermination. Ils n’ont pas eu l’amnistie, et le référendum d’autodétermination n’a pas lieu et n’aura pas lieu. »</p>
</blockquote>
<p>Là encore, la revendication d’amnistie n’a rien d’une surprise. En novembre 2020, l’ancienne présidente du Parlement catalan Carme Forcadell, elle-même poursuivie, jugée et condamnée pour sa participation à la tentative de sécession de l’automne 2017, y voyait une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tzrT4n3g3mU">solution au conflit</a>. Le mois suivant, le Parlement catalan vota une <a href="https://www.elmundo.es/cataluna/2020/12/18/5fdce16f21efa01b098b468c.html">résolution sur l’amnistie</a> des personnes condamnées et réfugiées à l’étranger. Cette résolution ne put être soumise au Parlement espagnol. Enfin, les neuf indépendantistes, dont Carme Forcadell, graciés par Pedro Sanchez le 22 juin 2021 après leur condamnation dans le principal procès sur cette tentative de sécession, tenu du 12 février au 14 octobre 2019, demandèrent immédiatement l’amnistie.</p>
<p>Tout comme en <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/268783-quelle-est-la-difference-entre-une-grace-et-une-amnistie">droit français</a>, la grâce <a href="https://www.elmundo.es/como/2023/10/17/652e654ce4d4d8c9518b458c.html">diffère de l’amnistie</a> en Espagne, car elle s’applique individuellement à des personnes condamnées. L’amnistie, elle, possède une nature collective. Elle suppose l’oubli légal de délits, et met fin à la responsabilité de leurs auteurs. D’autres amnisties ont eu lieu en Espagne, dont celle du 15 octobre 1977, dans le contexte radicalement différent de la transition postfranquiste et avec un fort soutien populaire. Elle avait concerné les <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2012-3-page-559.htm">derniers prisonniers politiques du régime</a>, mais aussi ses fonctionnaires.</p>
<h2>309 indépendantistes concernés</h2>
<p>Le <a href="https://www.rtve.es/contenidos/documentos/leydeamnistia.pdf">projet de loi d’amnistie</a> enregistré et <a href="https://www.rtve.es/noticias/20231113/ley-amnistia-decada-proces-justifica-constitucion/2460742.shtml">dévoilé</a> le 13 novembre 2023 prévoit d’éliminer la « responsabilité pénale, administrative ou comptable » des personnes mises en cause pour le processus indépendantiste du 1<sup>er</sup> janvier 2012 au 13 novembre 2023. Cela inclut la consultation illégale sur l’indépendance du 9 novembre 2014 et la tentative de sécession de l’automne 2017.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cEIusqk5Ogo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>L’amnistie concernerait 309 responsables indépendantistes et 73 policiers déployés lors du référendum de 2017. Si sa conformité à la Constitution espagnole divise les juristes en Espagne, les <a href="https://www.libertaddigital.com/documentos/documento-de-la-denuncia-de-las-cuatro-asociaciones-de-jueces-al-pacto-de-sanchez-y-puigdemont-7067911.html">quatre associations de magistrats</a>, toutes sensibilités confondues, ont dénoncé comme contraire à la séparation des pouvoirs une autre mesure de l’accord PSOE-Junts : la formation dans la prochaine législature de commissions parlementaires pour déceler d’éventuelles situations de judiciarisation de la politique ou <a href="https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/lawfare-faux-concept-vrai-probleme-strategique"><em>lawfare</em></a>, donc de poursuites illégitimes de responsables politiques par des juges. Ce concept né des conservateurs américains dénonçant les entraves juridiques faites à l’armée américaine sert ici à délégitimer l’action d’un fort, l’Espagne, sur un faible, la Catalogne.</p>
<p>C’est au nom de la séparation des pouvoirs que des partis et associations opposés à l’indépendance catalane ont saisi le Parlement européen et le Commissaire européen à la Justice Didier Reynders sur le projet de loi d’amnistie. Celui-ci a obtenu du gouvernement de Pedro Sanchez le document avant sa publication, et maintenu que la crise catalane est une <a href="https://www.lasexta.com/noticias/internacional/comision-europea-vigilara-muy-cerca-desarrollo-ley-amnistia-espana_20231122655e2760533bd20001e66104.html">affaire interne à l’Espagne</a>.</p>
<p>Cela ne clôt pas forcément le volet européen de l’affaire. Jusqu’au 31 décembre 2023, l’Espagne assure la présidence semestrielle du Conseil de l’UE. Dans ce cadre, le gouvernement de Pedro Sanchez avait demandé le 17 août 2023 à ses partenaires européens d’<a href="https://theconversation.com/le-catalan-le-basque-et-le-galicien-futures-langues-officielles-de-lue-212223">ajouter le basque, le catalan et le galicien</a> aux 24 langues officielles de l’Union. Cette demande n’a pas encore abouti. Carles Puigdemont, député européen non inscrit, <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/CRE-9-2023-12-13-INT-3-072-0000_ES.html">rappela cette promesse non tenue à Pedro Sanchez</a> lors du débat au Parlement européen sur la présidence espagnole. D’autres États membres, Suède en tête, <a href="https://www.euractiv.fr/section/institutions/news/langues-officielles-europeennes-les-etats-membres-cherchent-a-contrer-la-precipitation-espagnole/">craignent son coût et une pluie de demandes similaires</a>. Toutefois, la Belgique, qui relaiera l’Espagne à la présidence semestrielle du Conseil de l’UE en janvier 2024, a assuré qu’elle <a href="https://www.lavanguardia.com/politica/20231212/9444512/belgica-compromete-seguir-analizando-peticion-oficialidad-catalan-ue.html">poursuivra l’examen de la demande</a>.</p>
<p>De son côté, le PSOE défend l’accord et la loi d’amnistie en faisant valoir le renoncement de Junts à la voie unilatérale pour obtenir l’indépendance, et son engagement à une législature stable. Mais l’accord PSOE-Junts conditionne cette stabilité « aux avancées et au respect des accords », <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/pyrenees-orientales/perpignan/espagne-un-accord-historique-entre-pedro-sanchez-et-les-independantistes-catalans-2870537.html">ce qu’a souligné Carles Puigdemont</a> dès le 9 novembre, et Pedro Sanchez, faute de majorité absolue, aura encore besoin de l’appui ponctuel d’ERC et Junts, en <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/les-independantismes-catalans-sont-ils-compatibles-3299678">rivalité constante</a>, ainsi que de celui des autres formations nationalistes ou régionalistes. Quant au renoncement à l’unilatéralisme, l’ANC, association indépendantiste majeure, y voit un <a href="https://assemblea.cat/manifest-pactes/">renoncement à l’indépendance</a>, donc une trahison. Reste donc, pour justifier l’amnistie, la volonté du PSOE de rester au pouvoir.</p>
<p>En outre, le PP, principal parti d’opposition, <a href="https://www.europapress.es/nacional/noticia-pp-prepara-conquista-senado-mayoria-absoluta-presidencia-capacidad-veto-20230813113250.html">dispose de la majorité absolue au Sénat</a>, situation inédite qui peut également compliquer la nouvelle législature de Pedro Sanchez. Alberto Nuñez Feijóo, le président du PP, s’en est déjà servi pour retarder l’examen du projet de loi d’amnistie par le Sénat. Au Congrès des Députés, le texte a pu être <a href="https://information.tv5monde.com/international/espagne-feu-vert-du-parlement-lexamen-du-projet-de-loi-damnistie-controverse-2682529">examiné en première lecture</a> le 12 décembre 2023.</p>
<h2>Comment interpréter les manifestations ?</h2>
<p>On aurait tort de ne voir dans les manifestations contre le projet d’amnistie que l’action de groupuscules d’extrême droite et néo-franquistes. Ils sont à l’origine des <a href="https://www.euractiv.fr/section/politique/news/echanges-tendus-entre-lespagne-et-la-commission-europeenne-sur-lamnistie-catalane/">violences contre des forces de l’ordre et des journalistes</a> lors des premiers rassemblements nocturnes à Madrid avant même l’annonce de l’accord PSOE-Junts. Occuper la rue leur permet d’exister faute de résultats aux élections. Mais les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/espagne/referendum-en-catalogne/espagne-des-dizaines-de-milliers-de-personnes-manifestent-a-madrid-contre-la-loi-d-amnistie-des-independantistes-catalans_6191847.html">grandes manifestations ultérieures</a> ont été convoquées par le PP et Vox.</p>
<p>Vox a trouvé dans l’opposition à l’indépendantisme catalan <a href="https://theconversation.com/espagne-radiographie-des-electeurs-du-parti-dextreme-droite-vox-110299">son principal carburant</a>. Il avait d’ailleurs obtenu ses premiers députés au Parlement andalou en 2018 après la tentative de sécession catalane. De surcroît, Vox a très vite investi les tribunaux pour attaquer ses adversaires politiques, dont des dirigeants indépendantistes catalans comme Carles Puigdemont ou son successeur Quim Torra. Les conditions qui firent de Vox le troisième parti d’Espagne en 2019 sont non seulement maintenues, mais accentuées. S’il a subi un « vote utile » au profit du PP aux législatives de 2023, Vox <a href="https://www.rtve.es/noticias/20230617/pp-extiende-poder-municipal-vox/2449729.shtml">gouverne en coalition avec lui</a> dans 140 villes dont Tolède, Valladolid, Burgos ou Ciudad Real et dans quatre Communautés autonomes – l’Aragon, Castille-et-Léon, la Communauté valencienne et l’Estrémadure – à la suite des élections régionales et locales de mai 2023.</p>
<h2>Quand le conflit Israël-Hamas s’invite dans la politique espagnole</h2>
<p>Le 30 novembre 2023, après son premier voyage officiel suivant sa ré-investiture, au Proche-Orient, Pedro Sanchez a provoqué une crise diplomatique entre l’Espagne et Israël en <a href="https://www.publico.es/politica/sanchez-pasa-prudencia-defender-pueblo-palestino-desata-mayor-crisis-diplomatica-israel.html">déclarant</a> sur TVE « douter sérieusement qu’Israël respecte le droit international humanitaire » dans son offensive sur Gaza après les attentats terroristes du Hamas du 7 octobre en Israël.</p>
<p>En réponse à ces propos, l’État hébreu a rappelé pour consultation son ambassadrice en Espagne. C’est la plus sérieuse crise diplomatique en 37 ans de relations entre Israël et l’Espagne. Mais dès le mois d’octobre, plusieurs tensions avaient émaillé ces relations. Elles résultaient de <a href="https://www.publico.es/politica/sanchez-pasa-prudencia-defender-pueblo-palestino-desata-mayor-crisis-diplomatica-israel.html">déclarations sur Israël</a> de ministres du parti Sumar dans le précédent gouvernement Sanchez. Le PP avait d’ailleurs <a href="https://www.euractiv.fr/section/institutions/news/hamas-israel-la-droite-espagnole-exige-une-clarification-du-gouvernement-juge-contradictoire/">pointé ses contradictions</a> sur le sujet. Les tensions avec Israël concernaient aussi les modalités d’une reconnaissance par l’Espagne d’un État palestinien.</p>
<p>Car Sumar, parti d’extrême gauche issu en partie du communisme espagnol, avait exigé pour former une coalition de gouvernement avec le PSOE que <a href="https://www.euractiv.fr/section/international/news/sumar-la-reconnaissance-de-la-palestine-comme-condition-entrer-dans-la-coalition-espagnole/">l’Espagne reconnaisse la Palestine « de manière unilatérale, inconditionnelle et urgente »</a>. L’Espagne venait alors d’approuver, le 15 octobre 2023, avec ses partenaires du Conseil européen, une <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/10/15/statement-agreed-by-the-27-members-of-the-european-council-on-the-situation-in-the-middle-east/">position commune sur la situation au Proche-Orient</a>. Finalement, <a href="https://elpais.com/espana/2023-10-24/psoe-y-sumar-alcanzan-un-acuerdo-de-gobierno-que-incluye-la-semana-laboral-de-375-horas.html">l’accord de coalition PSOE-Sumar</a> signé le 24 octobre 2023 prévoit que l’Espagne soutienne la reconnaissance de la Palestine comme État « selon la Résolution du Congrès des Députés du 18 novembre 2014 ». Or, ce texte reliait cette reconnaissance par l’Espagne à une position commune de l’Union européenne. Ce dossier pourrait donc à l’avenir empoisonner l’alliance passée entre le PSOE et Sumar et peut-être, contribuer à affecter la pérennité du gouvernement de Pedro Sanchez.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219524/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyril Trépier a bénéficié d'un contrat doctoral de l'Université Paris 8 Saint-Denis et d'une aide à la mobilité internationale de la région Ile-de-France pour sa thèse de géographie sur l'indépendantisme en Catalogne préparée en cotutelle entre l'Université Paris 8 Saint-Denis et l'Université de Barcelone, et soutenue le 5 décembre 2011 à l'Université Paris 8 Saint-Denis. Il n'a pas reçu de financement de recherche ultérieur. Cyril Trépier est membre du Forum des Professeurs (Foro de los Profesores), un groupe d'enseignants et autres professionnels de quinze pays basé en Espagne.</span></em></p>Grâce à sa promesse d’amnistier les indépendantistes catalans poursuivis, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a été reconduit. Mais la contestation engendrée par cet accord ne faiblit pas.Cyril Trépier, Chercheur, spécialiste de la Catalogne, enseignant à l'University de Cergy-Pontoise et à l'Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2009572023-03-15T15:18:10Z2023-03-15T15:18:10ZÀ l’aube d’une nouvelle ère pour Internet, voici ce qu’il faut savoir sur le Web3<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515266/original/file-20230314-3889-d2ewfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C3301%2C2187&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les termes Web3 et Web 3.0 sont souvent utilisés de façon interchangeable, mais il s’agit de concepts différents.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La croissance rapide des <a href="https://theconversation.com/cryptocurrencies-are-in-crisis-but-they-are-not-going-to-disappear-197777">cryptomonnaies</a> et des <a href="https://theconversation.com/what-are-nfts-and-why-are-people-paying-millions-for-them-157035">jetons non fongibles</a> a fait la une des journaux ces dernières années. Mais peu de gens comprennent comment ces applications en vogue se connectent entre elles dans le cadre d’un concept plus large, que certains présentent comme la prochaine itération d’Internet : le Web3.</p>
<p>De nombreuses idées fausses circulent autour de ce terme à la mode (et, à vrai dire, flou), et il existe une confusion entre les termes Web3 et Web 3.0. Voici ce qu’il faut savoir.</p>
<h2>Qu’est-ce que le Web3 ?</h2>
<p>Le Web3 étant encore en cours de développement, les <a href="https://www.wired.com/story/web3-paradise-crypto-arcade/">experts ne s’accordent pas</a> sur sa définition. En gros, on perçoit le Web3 comme un <a href="https://doi.org/10.1109/MIS.2022.3181504">« écosystème Web décentralisé »</a>, qui permet aux utilisateurs de contourner les gardiens d’Internet et de conserver la propriété de leurs données.</p>
<p>Cela serait rendu possible grâce à la <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/blockchain-definition-avantage-utilisation-application">chaîne de blocs</a>. Plutôt que de s’appuyer sur des serveurs uniques et des bases de données centralisées, le Web3 fonctionnerait à partir de registres publics où les données sont stockées sur des réseaux d’ordinateurs connectés entre eux.</p>
<p>Un Web3 décentralisé changerait fondamentalement le fonctionnement d’Internet – nous n’aurions plus besoin des institutions financières et des entreprises technologiques comme intermédiaires pour nos expériences en ligne.</p>
<p><a href="https://www.npr.org/2021/11/21/1056988346/web3-internet-jargon-or-future-vision">Voici ce qu’en dit</a> un journaliste économique :</p>
<blockquote>
<p>Dans un monde Web3, les gens contrôlent leurs données et naviguent entre médias sociaux, messagerie électronique et achats en ligne grâce à un unique compte personnalisé, créant ainsi un enregistrement public de toutes ces activités sur la chaîne de blocs. </p>
</blockquote>
<p>L’infrastructure Web3 basée sur la chaîne de blocs fournirait des possibilités intéressantes en inaugurant l’ère de l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.bushor.2022.10.005">« économie des jetons »</a>. L’économie des jetons permettrait aux utilisateurs de monétiser leurs données en leur proposant des jetons pour leurs interactions en ligne. Ces jetons pourraient offrir des bénéfices ou des avantages, notamment des parts dans des plates-formes de contenu ou des droits de vote dans des communautés en ligne.</p>
<p>Pour mieux comprendre le Web3, il est bon de revenir en arrière afin de voir comment Internet s’est développé pour devenir ce qu’il est aujourd’hui.</p>
<h2>Web 1.0 : Le Web en « lecture seule »</h2>
<p>On considère que c’est l’informaticien Tim Berners-Lee qui a inventé le World Wide Web, en 1989, en permettant aux gens de créer des <a href="https://ijcsit.com/docs/Volume%205/vol5issue06/ijcsit20140506265.pdf">liens hypertextes vers des pages statiques</a> d’information sur des sites Web accessibles au moyen de navigateurs.</p>
<p>Berners-Lee souhaite permettre aux chercheurs de différentes institutions de partager des informations. En 1991, il lance le <a href="http://info.cern.ch/hypertext/WWW/TheProject.html">premier site Web</a>, qui fournit des instructions sur l’utilisation d’Internet.</p>
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<img alt="Un homme d’âge moyen en costume est assis dans un fauteuil et parle dans un microphone" src="https://images.theconversation.com/files/511796/original/file-20230222-25-gh8wik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511796/original/file-20230222-25-gh8wik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511796/original/file-20230222-25-gh8wik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511796/original/file-20230222-25-gh8wik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511796/original/file-20230222-25-gh8wik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511796/original/file-20230222-25-gh8wik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511796/original/file-20230222-25-gh8wik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tim Berners-Lee, inventeur du Web, au Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Ottawa, en mai 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Justin Tang</span></span>
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<p>Ces sites Web rudimentaires « en lecture seule » sont gérés par des webmestres responsables de la mise à jour des utilisateurs et de la gestion de l’information. En 1992, il existe <a href="https://www.npr.org/2021/08/06/1025554426/a-look-back-at-the-very-first-website-ever-launched-30-years-later">10 sites Web</a>. En 1994, après l’entrée du Web dans le domaine public, on en compte 3 000.</p>
<p>Lorsque Google naît, en 1996, il y a deux millions de sites Web. L’année dernière, <a href="https://siteefy.com/how-many-websites-are-there/">on a dénombré 1,2 milliard de sites Web</a>, bien qu’on estime que seuls 17 % d’entre eux sont encore actifs.</p>
<h2>Le Web 2.0 : le Web social</h2>
<p>L’évolution majeure d’Internet suivante consiste à passer d’un « Web en lecture seule » à ce que nous connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire un « Web en lecture-écriture ». Les sites Web deviennent dynamiques et interactifs. Les gens se mettent à participer massivement à la création de contenu par le biais de services hébergés tels que Wikipedia, Blogger, Flickr et Tumblr.</p>
<p>Le concept du Web 2.0 s’impose après que Tim O’Reilly, éditeur d’ouvrages technologiques, <a href="https://www.oreilly.com/pub/a/web2/archive/what-is-web-20.html">popularise le terme en 2004</a>.</p>
<p>Plus tard, les plates-formes de médias sociaux comme Facebook, YouTube, Twitter et Instagram et la croissance des applications mobiles offrent une connectivité inégalée, mais par des plates-formes distinctes. Ces plates-formes sont perçues comme des <a href="https://alphalyr.fr/walled-gardens-cookieless-annonceurs/">jardins clos</a>, parce que leurs sociétés mères réglementent considérablement ce que les utilisateurs peuvent faire et que les services concurrents n’échangent pas d’informations entre eux.</p>
<p>Les entreprises technologiques telles qu’Amazon, Google et Apple sont profondément enracinées dans toutes les facettes de notre vie, qu’il s’agisse de la manière dont nous stockons et payons nos contenus ou des données personnelles que nous fournissons (<a href="https://www.pcmag.com/news/the-reckoning-is-coming-regulating-big-tech">parfois à notre insu</a>) pour utiliser leurs produits.</p>
<h2>Web3 ou Web 3.0</h2>
<p>Cela nous amène à la phase suivante d’Internet, dans laquelle beaucoup souhaitent reprendre le contrôle des données des mains des entités qui <a href="https://www.washingtonpost.com/technology/2021/03/24/online-moderation-tech-stack/">dominent aujourd’hui</a> la vie en ligne.</p>
<p>Si les termes Web3 et Web 3.0 sont souvent utilisés de manière interchangeable, il s’agit toutefois de concepts différents.</p>
<p>Le Web3 est l’évolution vers un Internet décentralisé fondé sur la chaîne de blocs. Le Web 3.0, quant à lui, renvoie à la vision originale de Berners-Lee d’un Internet constitué d’un ensemble de sites Web <a href="https://argo-editions.com/comprendre-le-web-3-0-et-les-dao-en-5-minutes/">connectés entre eux au niveau des données</a>.</p>
<p>La version actuelle d’Internet peut être considérée comme un gigantesque entrepôt de documents. Les ordinateurs sont capables de récupérer des informations pour nous lorsque nous le leur demandons, mais ils ne peuvent pas comprendre le sens profond de nos requêtes.</p>
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<img alt="Une main tenant un téléphone portable affichant un groupe d’icônes de plates-formes de médias sociaux" src="https://images.theconversation.com/files/512122/original/file-20230224-22-egvmi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512122/original/file-20230224-22-egvmi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512122/original/file-20230224-22-egvmi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512122/original/file-20230224-22-egvmi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512122/original/file-20230224-22-egvmi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512122/original/file-20230224-22-egvmi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512122/original/file-20230224-22-egvmi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans un monde Web 3.0, les utilisateurs seraient en mesure de relier des informations personnelles entre les plates-formes de médias sociaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>L’information est stockée en silo dans des serveurs distincts. Les progrès en programmation, en traitement du langage naturel, en apprentissage machine et en intelligence artificielle permettront aux ordinateurs de discerner et de traiter les informations d’une manière plus « humaine », ce qui se devrait se traduire par une découverte de contenu, un partage et une analyse des données plus efficaces. C’est ce qu’on appelle le « Web sémantique » ou Web « lecture-écriture-exécution ».</p>
<p>Dans le monde Web 3.0 de Berners-Lee, les informations seraient stockées dans des <a href="https://solidproject.org/about">bases de données appelées Solid Pods</a>, appartenant à des utilisateurs individuels. Cette approche, plus centralisée que celle du Web3 qui repose sur la chaîne de blocs, offrirait la possibilité de modifier les données plus rapidement, car elles ne seraient pas réparties entre plusieurs endroits.</p>
<p>Ce système permettrait, par exemple, de <a href="https://www.nexxworks.com/blog/web3-and-web-3-0-are-not-the-same-thing-heres-why">relier les profils de médias sociaux</a> d’un utilisateur, de sorte que la mise à jour des informations personnelles sur l’un d’entre eux entraînerait automatiquement la mise à jour des autres.</p>
<h2>L’avenir d’Internet</h2>
<p>Le Web3 et le Web 3.0 sont souvent confondus, car la nouvelle ère d’Internet comportera sans doute des <a href="https://medium.com/fluree/blockchain-meet-the-semantic-web-8f516233555a">éléments des deux</a> – des applications du Web sémantique, des données liées et une économie de la chaîne de blocs. Il est donc facile de comprendre pourquoi cet espace fait l’objet <a href="https://www.coindesk.com/web3/2022/12/16/crypto-winter-isnt-chilling-vcs-from-investing-in-web3-says-pitchbook-analyst/">d’investissements importants</a>.</p>
<p>Nous ne voyons toutefois que la partie émergée de l’iceberg pour ce qui est des questions logistiques et des incidences juridiques. Les gouvernements doivent élaborer de nouvelles réglementations pour tout ce qui concerne la taxation des ventes d’actifs numériques, la protection des consommateurs et les problèmes complexes de <a href="https://doi.org/10.3233/SW-180289">protection de la vie privée et de piratage</a> que pose l’économie des données liées.</p>
<p>Certains critiques affirment que le Web3, en particulier, n’est qu’un simple <a href="https://marker.medium.com/the-false-promise-of-web3-7e6c1a00d4be">changement d’image des cryptomonnaies</a> qui ne démocratisera pas Internet. S’il est clair que nous sommes au seuil d’une nouvelle ère pour Internet, tout le monde se demande ce qui se passera une fois que nous l’aurons franchi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200957/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrian Ma ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Web3 est devenu un terme générique pour désigner la prochaine itération d’Internet. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ?Adrian Ma, Assistant Professor, Journalism, Toronto Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926522022-10-25T16:19:16Z2022-10-25T16:19:16ZDécentralisation : la gouvernance des collectivités locales est-elle assez fiable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490039/original/file-20221017-25-w5v4ok.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=233%2C328%2C1520%2C1048&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juillet dernier, le Sénat a présenté un rapport préconisant d’élargir les compétences des régions, départements et communes (Ici, mairie de Serres-Castet, dans les Pyrénées-Atlantiques).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mairie_de_Serres-Castet.png">Marcel Roblin/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La cause semble entendue : il faut décentraliser la République ! C’est ainsi que Gérard Larcher, le président du Sénat, a déclaré <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/regions/le-senat-esquisse-une-nouvelle-etape-de-decentralisation-1220729">« Le temps de l’hypercentralisation est révolu »</a> le 2 juillet 2022 lors de la présentation d’un rapport regroupant 50 propositions « pour le plein exercice des libertés locales » élaboré par tous les groupes politiques du Sénat. C’est dire si la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decentralisation-23118">décentralisation</a> est appelée des vœux de tous les élus représentant les collectivités locales.</p>
<p>Pour le président du Sénat, la forte <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/06/29/au-second-tour-des-municipales-abstention-record-et-percee-ecologiste_6044563_823448.html">abstention des dernières élections municipales</a> relève d’un « mal plus profond et plus ancien » :</p>
<blockquote>
<p>« Nos compatriotes réclament moins de discours, moins de bureaucratie, plus de proximité […] Seul un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’État et les collectivités territoriales me semble permettre de restaurer la confiance et de donner un nouvel élan à notre pays […]. Nous voulons donner aux collectivités la pleine et entière responsabilité de compétences qu’elles nous paraissent pouvoir mieux exercer que l’État, parce qu’elles sont en proximité, parce que leur exercice pourra être plus souple et plus réactif. »</p>
</blockquote>
<p>L’idée est donc de donner aux collectivités de nouvelles compétences concernant l’emploi, la santé et l’écologie. Pourquoi pas ? Mais avant de valider un tel constat (qui reste à démontrer) et de telles demandes, il convient de s’interroger sur la gouvernance des collectivités locales. Dans quelle mesure cette gouvernance est-elle exemplaire ? Dans quelle mesure est-elle mieux à même que l’État d’assurer ces nouvelles missions et surtout dans quelle mesure est-elle est plus démocratique ?</p>
<h2>Une gouvernance bien différente des entreprises</h2>
<p>Bien sûr, les collectivités locales, et au premier chef les communes, sont en proximité avec la population. Mais si cela est vrai des communes, est-ce le cas des départements et de régions ? On peut en douter. Pour la plupart de nos concitoyens, les compétences des départements et des régions <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/departementales/elections-departementales-flou-dans-les-competences-des-departements-3203587">restent floues</a>. C’est d’ailleurs <a href="https://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/vie-politique-et-associative/participationvote/">pourquoi les électeurs votent davantage pour les municipales</a> que pour les élections régionales ou législatives.</p>
<p>Si les rapports en faveur de plus de décentralisation sont nombreux, rares sont ceux qui s’interrogent sur la gouvernance effective des collectivités locales. Alors que l’exécutif de l’État doit composer avec l’Assemblée nationale et le Sénat pour valider ses propositions de loi, rien de tel avec un exécutif régional, départemental ou municipal. Il leur suffit de faire approuver par leur majorité au sein de leurs conseils les délibérations qu’ils veulent faire appliquer.</p>
<p>Le cas des communes est particulièrement exemplaire. Le système électoral pour les communes a été construit afin de donner à la liste gagnante sortie des urnes une solide majorité de façon à assurer la stabilité de l’exécutif local. C’est ainsi que, dans les communes de plus de 1000 habitants, la liste gagnante obtient <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20204-municipales-quel-mode-de-scrutin-dans-les-communes-de-1000-hab-et-plus">50 % des sièges des conseillers municipaux</a> et que le reste des sièges est réparti au prorata des voix obtenues par toutes les listes. Concrètement, si au second tour de l’élection il ne reste que deux listes, la liste gagnante qui a obtenu, par exemple 60 % des voix, rafle 50 % des sièges plus 60 % des sièges restants, soit au total 80 % (50 % + 30 %). La minorité s’en sort avec 20 % alors qu’elle avait obtenu 40 % des suffrages. C’est donc une forte distorsion dans la représentativité des élus municipaux qui va s’instaurer.</p>
<p>Ainsi, tant que le maire a la confiance de sa majorité il va pouvoir faire voter toutes les délibérations qu’il souhaite, même un budget non sincère. L’opposition aura beau demander des débats contradictoires, faire des amendements et manifester rien ne changera : le maire aura gain de cause, et cela pendant six ans. Hormis ses électeurs en vue du prochain scrutin, il ne devra en outre de comptes à personne, sauf à la trésorerie et à la préfecture pour des aspects purement administratifs. Le seul risque réel pour le maire est donc de voir sa majorité se fracturer, aussi il est important pour lui de soigner sa cohésion.</p>
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<p>Au total, le maire va pouvoir diriger sa commune sans contre-pouvoir réel. On est ici bien loin de la gouvernance des entreprises privées avec leurs conseils d’administration, voire de surveillance, avec des représentants des actionnaires. En effet, ces derniers sont relativement indépendants car ils n’ont pas été élus sur la liste conduite par le PDG (comme pour le maire) et qu’ils ont également des comptes à rendre à leurs mandants.</p>
<h2>Le précédent des « emprunts toxiques »</h2>
<p>Ces dernières années, la gestion des 36 000 communes de France a connu quelques ratés spectaculaires. Le cas des « emprunts toxiques » est à cet égard exemplaire. Dans les années 2004-2008, plus de 850 collectivités locales ont souscrit à des emprunts qui se sont avérés être des emprunts toxiques. Or, non seulement les élus savaient ce qu’ils faisaient – contrairement à ce qu’ils ont affirmé régulièrement – mais <a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-certains-elus-locaux-savaient-ce-quils-faisaient-55924">plus les élus savaient, plus ils signaient</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-entre-ignorance-et-petits-calculs-57709">article</a> publié en 2016, nous montrions à partir de l’expérience de la métropole grenobloise comment les élus responsables avaient fourvoyé leurs collectivités avec de tels montages financiers. Comme de très nombreuses collectivités locales, la métropole grenobloise a pu sortir de la nasse des emprunts toxiques grâce à l’appui de l’État, via le Fonds de soutien (SFIL). Mais outre que cette sortie a été <a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-la-douloureuse-sortie-de-la-metropole-grenobloise-62053">très coûteuse financièrement</a>, elle a eu également un coût politique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-entre-ignorance-et-petits-calculs-57709">Emprunts toxiques : entre ignorance et petits calculs</a>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-la-douloureuse-sortie-de-la-metropole-grenobloise-62053">Emprunts toxiques : la douloureuse sortie de la Métropole grenobloise</a>
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<p>Autre exemple emblématique : la région Poitou-Charentes qui sous la présidence de Ségolène Royal a souscrit pour près de <a href="https://www.lepoint.fr/economie/emprunts-toxiques-5-5-milliards-aux-frais-des-contribuables-21-02-2017-2106276_28.php">200 millions d’euros d’emprunts devenus toxiques</a>, dont 47 millions à très haut risque, selon le cabinet EY. On pourrait malheureusement citer bien d’autres exemples de la mauvaise gestion financière de ces collectivités.</p>
<p>Si on peut comprendre les élus des collectivités demandant davantage de compétences et de responsabilités afin d’élargir leurs pouvoirs, on peut néanmoins s’interroger si « un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’État et les collectivités territoriales permettra de restaurer la confiance et de donner un nouvel élan à notre pays », pour reprendre les mots du président du Sénat. À tout le moins, si cela devait se faire il conviendrait de revoir sérieusement la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gouvernance-23847">gouvernance</a> des collectivités locales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192652/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cas des « emprunts toxiques » souscrits dans les années 2000 a révélé des modes de décision qui interrogent au moment où le Sénat veut lancer une nouvelle étape dans la décentralisation.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1883772022-08-18T17:36:02Z2022-08-18T17:36:02ZRetour au 90 km/h : tout ça pour ça ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/478086/original/file-20220808-2624-pwmph7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C799%2C589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Rappel de la vitesse maximale de 90 km/h sur la route départementale 907, commune de Bost dans l'Allier, en 2015. La limite de vitesse un temps rabaissée à 80 km/h refait débat en 2022.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:D_907_-_Rappel_vitesse_maximale_90_km_par_heure_2015-08-26.JPG">Tabl/trai/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Avec les grands chassés-croisés de l’été, la sécurité routière retrouve une actualité médiatique. Après la discussion rouverte en juillet sur la sanction des <a href="https://www.capital.fr/auto/les-petits-exces-de-vitesse-pourraient-ne-plus-etre-sanctionnes-par-un-retrait-de-points-des-2023-1441522">petits excès de vitesse</a> inférieurs à 5 km/h, le mois d’août réintroduit la question de la fin de la limitation des vitesses à 80 km/h sur les routes départementales.</p>
<p>De nouveaux départements rétablissent en effet une limite de vitesse à 90 km/h sur leurs routes, à <a href="https://www.20minutes.fr/societe/3333527-20220807-gain-temps-clarte-securite-pourquoi-revenir-90-kmh">l’exemple du Puy-de-Dôme</a>, de l’Ardèche ou bientôt de l’Yonne.</p>
<p>L’assouplissement de la règle s’opère dans le cadre de la Loi d’Orientation des Mobilités du 26 décembre 2019, qui permet de déroger à <a href="https://theconversation.com/baisse-des-limitations-de-vitesse-a-80-km-h-une-mesure-de-bon-sens-politique-89611">l’abaissement à 80 km/h décidé il y a quatre ans</a>. L’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation peut fixer, pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/h à celle prévue par le Code de la route. Le Président du conseil départemental, le maire ou le Président de l’établissement public de coopération intercommunale peuvent le faire sur la base d’une étude d’accidentalité et après avis de la commission départementale de la sécurité routière.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/baisse-des-limitations-de-vitesse-a-80-km-h-une-mesure-de-bon-sens-politique-89611">Baisse des limitations de vitesse à 80 km/h : une mesure de bon sens politique</a>
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<h2>La « sagesse » des exécutifs départementaux</h2>
<p>En juin 2019, <a href="https://theconversation.com/80-km-h-game-over-117943">au lendemain du renoncement du Premier ministre, Edouard Philippe</a>, quarante-huit Présidents de département se disent favorables au retour à 90 km/h. Mais, début 2020, 17 départements ont effectivement rétabli le 90 km/h sur certaines de leurs routes. Moins de 15 000 km de routes sur 400 000 sont alors repassées à 90 km/h. Parmi ceux qui renoncent, figurent quelques hérauts du combat mené contre l’abaissement des vitesses autorisés. Le Tarn, qui avait voté le retour à 90 km/h sur 600 km de voies dès juin 2019, recule. Dans la Nièvre, le cahier des charges et les règles de sécurisation routière sont jugées <a href="https://www.lejdc.fr/nevers-58000/actualites/retour-aux-90-km-h-ou-pas-des-trajets-a-deux-vitesses-entre-la-nievre-et-le-cher_13820448/">trop coûteuses</a>. D’autres présidents invoquent explicitement des motifs de sécurité routière, <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/loire-atlantique-divergences-de-vues-sur-le-maintien-des-80-km-h-6387310">à l’exemple de la Loire-Atlantique</a>.</p>
<p>Bien entendu, la crise Covid et le confinement ont créé une nouvelle conjoncture. Des départements, qui s’apprêtaient à relever les limitations de vitesse, diffèrent la mise en œuvre. Fin juin 2021, la possibilité de relèvement a été utilisée <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi7sNr347b5AhUa1IUKHWiTCJEQFnoECAQQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.liguedesconducteurs.org%2Fimages%2FPDF%2Fvitesse-infos-intox%2FRAPPORT-PARLEMENT-90.pdf&usg=AOvVaw1K-oDq1f_N6YyhKmmITpBG">dans 37 départements</a> et, mi-2022, dans <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/08/02/80-ou-90-km-h-la-carte-des-departements-francais-qui-sont-revenus-sur-les-limitations-de-vitesse_6136967_3224.html">quarante-cinq</a>. Il s’agit de la moitié des départements métropolitains pour 50 000 kms de voiries.</p>
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<p>D’un département à l’autre, les situations sont contrastées. Plusieurs de ceux qui ont saisi l’opportunité offerte l’on fait sur l’ensemble du réseau départemental (Corrèze, Cantal, Ardèche bientôt), d’autres sur les axes les plus structurants (Charente et Haute-Marne). Mais, globalement, le kilométrage de voies repassées à 90 km/h reste faible. <a href="https://www.liguedesconducteurs.org/actu-5/retrait-du-80-le-point-sur-les-41-departements-repasses-a-90-km-h">Il se situe le plus souvent entre 5 et 20 % de l’ensemble du réseau départemental</a>.</p>
<p>Ce sont néanmoins les voies qui accueillent le plus de trafic et qui relient les communes les plus importantes des départements. En Haute-Marne, 476 kms repassés à 90 km/h accueillent plus de 85 % du trafic.</p>
<p>Les « stratégies » et le calendrier diffèrent, mais n’était-ce pas ce que les élus des territoires demandaient dès le début de la controverse ? Dans la presse quotidienne, ces logiques du « cas par cas » sont justifiée par le « bon sens », « la responsabilité » des élus, les « demandes des usagers » etc.</p>
<p>Pendant plusieurs mois, la « responsabilité » juridique du décideur semble freiner le retour au 90 km/h. Sa responsabilité pénale pourrait être engagée, en cas d’accident sur une route passée de <a href="https://www.leparisien.fr/societe/retour-au-90-km-h-la-responsabilite-penale-des-elus-pourrait-etre-engagee-17-05-2019-8074068.php">80 à 90 km/h</a>.</p>
<p>Mais ce sont surtout les « conditions techniques », établies dans les <a href="https://www.securite-routiere-az.fr/actualite/a11-juillet-2019-recommandation-pour-deroger-au-80-km-h/">recommandations des experts du CNSR</a>, dès juillet 2019, qui rendent la dérogation compliquée. Les tronçons de relèvement de la vitesse doivent faire au moins dix kilomètres de long, être dépourvus d’arrêts de transport en commun, de croisements ou de fréquentation par les engins agricoles…</p>
<h2>Le retour du politique</h2>
<p>Dans les justifications du retour à 90 km/h, l’objectif de sécurité routière semble secondaire. Les élus départementaux et leurs représentants au Parlement ont fini par imposer l’idée du « parisianisme » de la mesure, vu dans l’allongement des temps de trajet, la perte de compétitivité économique et d’attractivité de leurs territoires. Ils ont rappelé <a href="http://www.senat.fr/rap/r20-313/r20-313_mono.html">l’absence de solutions de substitution à la voiture</a> et dénoncé les promesses non tenues de l’État, auquel ils attribuent la dégradation des infrastructures routières.</p>
<p>Ils insistent sur les spécificités de leurs territoires et particulièrement en zones rurales. Enfin, leurs messages au gouvernement ont peu changé depuis le début de la contestation : « les départements ne sont pas que des poseurs de goudron », « nous connaissons nos routes », <a href="https://www.la-croix.com/Journal/Le-80-reveille-defiance-France-rurale-2018-06-29-1100951062">« ce n’est pas un combat politique mais un combat pour la ruralité »</a> !</p>
<p>La dimension politique du combat mené est explicite. Les grands élus des territoires demandent au gouvernement de respecter les prérogatives des exécutifs départementaux. La décentralisation fait que <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transport-2021/2-reseaux-routiers">98 % du linéaire routier relève des collectivités territoriales</a> et que ce réseau accueille plus de 75 % des kilomètres parcourus. Pour certains, le combat est devenu <a href="https://theconversation.com/lautomobile-est-toujours-la-et-encore-pour-longtemps-169211">plus personnel</a>. Ils y ont investi leur crédibilité politique et leur légitimité de porte-parole des habitants. C’est le cas en Côte d’Or, en Haute-Marne ou en Seine-et-Marne. Le retour à 90 km/h reste un choix politique « conservateur ». Début 2021, 29 des 32 départements qui ont choisi le retour à 90 km/h ont une majorité de droite et de centre droit. En août 2022, 33 départements disposent d’une majorité de droite. Le choix n’est-il pas aussi partisan ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-casse-tete-de-la-dependance-automobile-en-zones-peu-denses-168902">Le casse-tête de la dépendance automobile en zones peu denses</a>
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<h2>Une expertise devenue inaudible</h2>
<p>La prise de parole des élus n’a pas fait disparaître l’expertise, dont le rôle a été central dans la décision gouvernementale d’abaisser les vitesses. Dès juillet 2019, à la demande du gouvernement, le <a href="https://www.securite-routiere-az.fr/actualite/a11-juillet-2019-recommandation-pour-deroger-au-80-km-h/">comité des experts du CNSR a donné des recommandations techniques</a> pour aider les exécutifs départementaux à prendre leur décision. Sans surprise, les élus les plus engagés les dénoncent comme trop contraignantes et inadaptées aux réalités locales. Les recommandations des experts leur offrent une <a href="https://www.yvelines.fr/2019/07/23/80-km-h-pierre-bedier-denonce-la-duplicite-du-gouvernement/">occasion supplémentaire de dénoncer la « duplicité » du gouvernement</a> d’Édouard Philippe.</p>
<p>L’expertise intervient aussi directement dans les départements, du fait du rôle dévolu à la commission départementale de sécurité routière. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000039666778">Son avis est requis</a>, mais il reste consultatif et les départements n’ont pas l’obligation de s’y conformer. <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haute-marne/haute-marne-retour-aux-90-kmh-routes-douleur-president-du-conseil-departemental-1771741.html">En Haute-Marne</a>, par exemple, la commission s’est déclarée opposée au retour au 90 km/h sur 14 des 15 routes proposées par l’exécutif départemental. Cela n’a en rien empêché le changement des panneaux.</p>
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<figcaption><span class="caption">Retour à 90 km/h en Côte d’Or, France 3.</span></figcaption>
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<p>Si l’intention gouvernementale est de faire émerger une décision fondée sur des données accidentologiques fiables, des élus y voient aussi une opportunité pour mettre tous les acteurs du département autour de la table. Cette étape sert à la consultation des partenaires de la sécurité routière tant réclamée au gouvernement. Elle permet même à des départements d’envisager de se doter de leurs propres outils de suivi de l’accidentalité, comme en témoignent des propositions de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/retour-90-kmh-cote-pourquoi-departement-cree-observatoire-securite-routiere-1791335.html">création d’observatoires départementaux de sécurité routière</a>.</p>
<p>Bref, la démarche offre <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-publique-de-securite-routiere">l’opportunité de remettre en cause le monopole d’expertise que détient l’appareil d’État</a> et de mieux associer les collectivités territoriales et les acteurs privés à la formulation de la politique de sécurité routière.</p>
<p>Enfin, en juillet 2020, le CEREMA a rendu publique l’évaluation <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/abaissement-vitesse-maximale-autorisee-80-kmh-rapport-final">commandée en 2018 par le Edouard Philippe, alors Premier ministre</a>. Dans son rapport, l’organisme d’État rappelle que la méthode d’évaluation a été décidée en concertation avec les « experts indépendants du CNSR » et soumise à l’avis d’« experts indépendants de divers pays ». L’évaluation s’avère d’ailleurs plutôt complète. Elle porte sur les vitesses pratiquées, l’accidentalité, l’acceptabilité et les effets économiques de la mesure. Cette évaluation « multi-angles » entend documenter scientifiquement la « clause de revoyure » octroyée par le gouvernement. Au regard de ce travail, tous les indicateurs semblent au vert <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/cinq-reussites-de-limitation-de-vitesse-a-80-km-heure/00095122">pour le 80 km/h</a>.</p>
<p>Les angles d’analyse choisis rendent cependant ces résultats politiquement peu utiles : la mobilisation contre le 80 km/h est ignorée, les résultats accidentologiques paraissent frustrants et le gain économique pour la société peu compréhensible pour les usagers et les élus. Psychologues, économètres et ingénieurs ne tiennent pas compte de l’action collective. La présentation des résultats intervient dans un contexte défavorable et à une période où les jeux sont faits. La question du 80 km/h intéresse moins et pas selon les angles choisis par les évaluateurs et le commanditaire.</p>
<h2>Le soufflé est retombé</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/80-km-h-pourquoi-tant-de-haine-98861">Le temps a apaisé les controverses</a> et séparé les combattants. Les arènes publiques se resserrent autour de l’espace médiatique et le système d’acteurs se réduit aux seuls groupes de pressions concernés et aux autorités publiques. La coalition des opposants au 80 km/h ne mobilise plus guère au-delà des lobbies pro-vitesse, des sites et des journalistes spécialisés. Dans l’autre camp, la coalition s’est fracturée.</p>
<p>L’exécutif s’est mis en retrait ; le dossier n’est plus porté politiquement. La stratégie est à l’apaisement, comme en témoigne une nouvelle signature, rassembleuse et bienveillante : <a href="https://www.securite-routiere.gouv.fr/actualites/nouveau-mot-dordre-pour-la-securite-routiere-de-tous-responsables-vivre-ensemble">« Vivre, ensemble »</a>. Elle est à l’opposé de la campagne de la LCVR lancée en septembre 2019, qui adresse aux élus, préfets et medias, des cartes départementales des accidents mortels.</p>
<p><a href="https://www.lejdd.fr/Societe/exclusif-les-partisans-des-80-kmh-ont-geolocalise-les-accidents-mortels-3917070">Bien que relayé par la presse généraliste</a>, le recours à la preuve scientifique a peu d’impact sur l’opinion publique et l’action des exécutifs départementaux, même lorsque la justice estime que le <a href="https://www.20minutes.fr/societe/3268191-20220411-herault-departement-maintient-vitesse-90-kmh-defenseurs-80-kmh-consternes">relèvement des vitesses est insuffisamment motivé</a>.</p>
<p>Les élus sont dans l’action et non plus dans le débat. Sur les plateaux télévisés, ils sont invités pour expliquer les modalités de retour au 90 km/h dans leur territoire d’élection, de manière dépassionnée et pragmatique. Tout ça pour ça ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/80-km-h-pourquoi-tant-de-haine-98861">80 km/h : pourquoi tant de haine ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/188377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Hamelin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La question de la fin de la limitation des vitesses à 80 km/h sur les routes départementales refait surface en France : pour quel résultat ?Fabrice Hamelin, Enseignant-Chercheur en science politique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1774102022-03-16T21:04:05Z2022-03-16T21:04:05ZPrise en charge des personnes âgées : quel rôle pour les départements ?<p>En France, on compte <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-06/L%E2%80%99aide%20et%20l%E2%80%99action%20sociales%20en%20France%20-%20Perte%20d%E2%80%99autonomie%2C%20handicap%2C%20protection%20de%20l%E2%80%99enfance%20et%20insertion%20-%20%C3%89dition%202020_1.pdf">entre 1,3 et 3,9 millions de personnes âgées en perte d’autonomie</a>.</p>
<p>De nos jours, la probabilité d’atteindre un âge élevé, où l’on ne peut parfois plus réaliser des activités essentielles à la vie quotidienne, est bien plus importante que par le passé. Si cette dynamique se poursuit malgré la crise du Covid-19, il faut s’attendre à une forte croissance de la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4196949">population âgée en perte d’autonomie</a>, et des coûts sociaux et économiques associés.</p>
<p>Quels seront les besoins ? Comment financer les services qui y répondront ? Les propositions politiques sur ces questions se font timides, notamment <a href="https://theconversation.com/presidentielle-2022-une-vraie-politique-du-vieillissement-reste-a-inventer-174975">parce qu’elles impliquent la mobilisation de ressources conséquentes</a>. Depuis l’<a href="https://theconversation.com/Ehpad-et-maltraitance-comment-sortir-de-la-crise-176045">affaire Orpéa</a>, les candidats à la présidentielle semblent <a href="https://www.liberation.fr/politique/elections/creation-de-postes-en-ehpad-revalorisation-des-salaires-les-candidats-se-mettent-a-louvrage-sur-le-grand-age-20220206_4HZNXRTMRVEIFPM3WI67YRIEOE/">investir un peu plus le sujet</a>.</p>
<h2>Une multitude d’acteurs et de financeurs</h2>
<p>La perte d’autonomie correspond à l’impossibilité totale ou partielle de réaliser seul un ensemble d’activités du quotidien. Différents dispositifs peuvent aider les personnes à accomplir, ou faire à leur place, ces activités : des aides techniques, des aménagements du logement, de l’aide humaine (professionnelle ou de l’entourage) ou un hébergement collectif.</p>
<p>Ces dispositifs ont un coût social et économique. Souvent oubliés, les coûts de l’aide de l’entourage, de la formation du personnel soignant, ou encore des investissements pour construire des établissements ou les rénover doivent être aussi pris en compte. Sur ce dernier point, une <a href="https://www.cnsa.fr/documentation/cnsa_-_situation_Ehpad_2017-2018_vf.pdf">étude de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)</a> indique que la moitié des Ehpad interrogés ont un parc immobilier vétuste et « le renouvellement des installations […] devient urgent ».</p>
<p>Ces éléments sont actuellement invisibilisés et constituent pourtant une charge qu’il faut provisionner, puisqu’elle se répercutera soit sur les coûts à la charge des personnes, soit sur les dépenses publiques.</p>
<p>Actuellement, le <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1032.pdf">« compte de la dépendance »</a>, correspond aux dépenses de prise en charge en établissement ou à domicile couvertes par les finances publiques (État, sécurité sociale, départements…) ou par les individus.</p>
<p>Ces dépenses représentent <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1032.pdf">30 milliards d’euros en 2014</a>, hors prise en charge non rémunérée par l’entourage. <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/dss50.pdf">La Sécurité sociale est le premier apporteur de ressources</a>, devant les ménages, les collectivités territoriales (principalement les départements) et l’État.</p>
<p>Alors même que <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527579">l’article 72 de la Constitution</a> et la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000804607?page=1&pageSize=10&query=Loi+relative+aux+libert%C3%A9s+et+responsabilit%C3%A9s+locales+&searchField=ALL&searchType=ALL&tab_selection=all&typePagination=DEFAULT">Loi relative aux libertés et responsabilités locales</a> définissent le département comme « chef de file » en matière d’action sociale, sa contribution n’est finalement que d’un quart des dépenses totales liées à la dépendance.</p>
<h2>Réalité budgétaire très contrainte</h2>
<p>Le département est pourtant responsable de l’évaluation des besoins des personnes âgées, du financement d’une partie des dépenses d’aide professionnelle à domicile et en établissement (partie dépendance) et de la gestion de l’offre à domicile et en établissement (avec les agences régionales de santé).</p>
<p>On fait donc face à une contradiction importante entre d’une part, la responsabilité et la liberté données aux départements sur la politique d’accompagnement des personnes âgées, et d’autre part, la réalité budgétaire très contrainte à laquelle ils font face.</p>
<p>Par ailleurs, les différences territoriales de prise en charge (financière et humaine) de la perte d’autonomie soulèvent des questions en termes d’équité de l’action publique à l’égard des personnes âgées dépendantes. L’aide professionnelle apparaît relativement plus <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/ressources-et-methodes/estimer-les-besoins-locaux-de-prise-en-charge-de-la-perte-dautonomie-des">spécialisée dans la prise en charge à domicile (par exemple dans le nord de la France et sur la diagonale Normandie-Lozère) ou plus spécialisée dans la prise en charge en établissement (par exemple en Bretagne, Centre-Val de Loire ou Sud de l’Auvergne)</a>.</p>
<p>La prise en charge financière n’est pas non plus complètement concordante avec les besoins de prise en charge. On note que la <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/les-disparites-dapa-domicile-entre-departements">proportion de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile par département n’est pas uniquement liée à la proportion de personnes âgées dépendantes qui y vivent</a>.</p>
<p>Le plus faible accès à cette allocation peut relever de choix départementaux relatifs à la répartition entre chaque poste de dépenses d’aide sociale. <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/finances-locales-departements">En la matière, les écarts sont significatifs : la part de dépenses d’APA dans l’ensemble des dépenses obligatoires d’aide sociale des départements varie de 6 % (Paris) à 32 % (Corse)</a>.</p>
<p>Régulièrement, la CNSA se voit enjointe de renforcer les <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/consultation-place-des-personnes-agees/concertation-grand-age-et-autonomie/article/rapport-de-la-concertation-grand-age-et-autonomie">« garanties d’équité entre les territoires »</a> dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Ces injonctions restent cependant relativement peu opératoires faute de l’existence d’une norme d’équité clairement explicitée.</p>
<h2>Les implications de la gestion décentralisée</h2>
<p>La première source de tension de la gestion décentralisée concerne le double rôle d’évaluateur et de financeur donné aux départements. Comment peut-on espérer, dans un système à budget limité, que les départements évaluent de façon neutre les besoins des personnes âgées dont les dépenses vont leur incomber ?</p>
<p>Il en résulte des <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2022/01/Note_IPP77_A__Carrere-1_compressed.pdf">écarts importants</a> entre la perte d’autonomie estimée par enquête et l’évaluation qui en est faite par les départements dans le cadre de l’APA. Pour tous les départements, la perte d’autonomie estimée par enquête est supérieure à celle évaluée par les départements. L’écart relatif est le plus élevé en Guadeloupe et le plus faible dans l’Hérault.</p>
<p>Ces écarts laissent penser que les départements sont incités à minimiser les besoins mesurés pour tenter de contenir leurs dépenses.</p>
<p>D’un autre côté, est-il souhaitable qu’ils évaluent les personnes et engagent les dépenses, sans prendre en compte le coût induit ?</p>
<p>Comme le rappelle la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-revenu-de-solidarite-active-rsa">Cour des comptes dans son récent rapport sur le revenu de solidarité active (RSA)</a>, « le principe “décideur = financeur” est au cœur du choix de la décentralisation », et « la situation dans laquelle l’État finance mais le département décide ne peut que générer un risque sérieux de dérive de la dépense et un contrôle structurellement faible de l’attribution à bon droit ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Truthseeker08/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La deuxième tension provient de la possibilité de substituer, pour certaines tâches, des professionnels du secteur médical (les infirmières) qui sont financés par l’Assurance maladie, à des professionnels du secteur médico-social (les aides-ménagères), qui sont financés par les départements.</p>
<p><a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/ressources-et-methodes/estimer-les-besoins-locaux-de-prise-en-charge-de-la-perte-dautonomie-des">Au-delà de la répartition domicile/établissement</a>, il peut exister des stratégies différentes de répartition entre <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/accompagnement-professionnel-de-la-dependance-des-personnes">secteurs médical et médico-social</a>.</p>
<p>Ces deux secteurs ne relevant pas de la même enveloppe budgétaire, l’incitation des départements à moins financer les besoins des personnes âgées et laisser le secteur médical (infirmières) prendre le relais peut être forte dans les départements les plus limités budgétairement.</p>
<p>Il en résulte un recours à l’aide très différent entre département, <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-12/VQS%202014.pdf">à domicile</a> comme en <a href="https://www.cairn.info/revue-population-2021-2-page-327.htm">établissement</a>, et ce même à besoins de prise en charge équivalents.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-population-2021-2-page-327.htm">Une analyse économétrique montre que si tous les départements étaient dotés de la même quantité d’offre</a>, ces différences de recours tendraient à disparaître.</p>
<p>Cela suggère que l’amélioration de la prise en charge doit passer par un élargissement des choix présentés aux individus. D’autant plus que l’abondance de l’offre est souvent associée à des coûts plus faibles.</p>
<p>Enfin, l’inégalité d’accès à l’offre de prise en charge conduit à des <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2022/01/Note_IPP77_A__Carrere-1_compressed.pdf">mobilités géographiques des personnes âgées lors de leur entrée en établissement</a> qui modifient le paysage de la perte d’autonomie en France.</p>
<p>Grâce au principe de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074069/LEGISCTA000006157559/">domicile de secours</a>, la charge financière des mobilités interdépartementales n’est pas répercutée sur les départements d’accueil des personnes âgées en établissement. Toutefois, ces mobilités, souvent difficiles pour les familles et pas toujours choisies, questionnent l’adéquation de l’offre aux besoins.</p>
<h2>L’aide à domicile, un secteur à repenser</h2>
<p>Enfin, une réflexion sur l’organisation économique du secteur de l’aide à domicile est nécessaire. Tout comme celui des établissements, il est partagé entre acteurs publics, privés et associatifs, parfois à la limite de la viabilité économique.</p>
<p>Il connaît des difficultés de recrutement importantes, ce qui fait du temps des aides à domicile qui y travaillent une ressource d’autant plus précieuse.</p>
<p>Or, une part importante de cette ressource est actuellement <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2021-1-page-45.htm">perdue en temps de trajets</a>. Faut-il favoriser la concentration des structures afin de faire des économies d’échelle ? Coordonner les acteurs privés ? Mettre en place un « service public de l’aide à domicile » ? Ou encore, <a href="https://lemag.seinesaintdenis.fr/Le-Departement-soutient-l-habitat-partage-et-solidaire">encourager l’habitat inclusif où les personnes âgées se regrouperaient</a> pour mutualiser les services ?</p>
<p>Même si l’on maintient le rôle du département dans l’évaluation des besoins et la gestion de l’offre de prise en charge pour y répondre au plus près, on ne peut plus faire l’impasse sur une réflexion nationale sur ces choix économiques, sociaux et politiques.</p>
<p>Les candidats à l’élection présidentielle devraient s’en saisir et faire des propositions concrètes, au lieu d’espérer repousser une fois encore le sujet, jusqu’au moment où <a href="https://blog.ipp.eu/2020/12/02/construire-1-000-Ehpad-dici-2030-ou-repenser-la-prise-en-charge-des-personnes-agees-dependantes/">il sera trop tard pour développer une offre à la mesure des besoins</a> des baby-boomers vieillissants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amélie Carrère est membre de l'Institut des politiques publiques (IPP). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Delphine Roy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les départements ont un rôle central dans l’évaluation des besoins et le financement des dépenses liées à la perte de dépendance.Amélie Carrère, Economiste, Institut National d'Études Démographiques (INED)Delphine Roy, Directrice du programme "Santé et autonomie" de l'IPP, Paris School of Economics – École d'économie de ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1748172022-01-17T19:32:17Z2022-01-17T19:32:17ZLes territoires oubliés de l’élection présidentielle<p>Le 3 juin 2014, le président de la République française François Hollande annonçait le lancement d’une réforme dont l’objectif était de <a href="https://theconversation.com/la-decentralisation-une-histoire-longue-minee-par-les-incoherences-130802">changer l’architecture territoriale de la République</a> : la fameuse loi NOTRe (loi portant nouvelle organisation territoriale de la République). L’ambition du Président était de <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-carte-des-regions-des-effets-de-transformation-inattendus-158997">simplifier et de clarifier l’organisation territoriale</a> de la France avec cette réforme, pour que chacun sache qui est en charge, qui finance et à partir de quelles ressources, en somme un vrai <a href="https://www.researchgate.net/publication/286732395_Big_Bang_Territorial_La_reforme_des_Regions_en_debat">big bang territorial !</a>. Six ans plus tard, où en est-on ? Quelle considération de la place des territoires dans le quinquennat d’Emmanuel Macron qui défend la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/01/16/reindustrialisation-macron-veut-celebrer-l-attractivite-dans-les-territoires_6109731_823448.html">ré-industrialisation et l’attractivité</a> de ces territoires ?</p>
<h2>Une rationalisation des dépenses budgétaires, vraiment ?</h2>
<p>L’argument le plus souvent avancé, et probablement le plus discuté aussi, porte sur la rationalisation des dépenses budgétaires publiques en passant de 22 à 13 régions. Le gouvernement justifie alors les économies budgétaires sur les collectivités locales en promettant de contenir la hausse de la fiscalité locale et de libérer des capacités d’investissement public.</p>
<p>Lors de la présentation du projet de loi le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/195347-declarations-de-m-andre-vallini-secretaire-detat-la-reforme-territo">14 juin 2015 devant le Sénat</a>, des chiffres ont été avancés par André Vallini, le secrétaire d’État à la Réforme territoriale, qui annonçait des économies d’environ 25 milliards d’euros, <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/431686/reforme-territoriale-la-fin-du-mythe-des-10-milliards-deuros-deconomies/">bientôt réduites à 15</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses régions françaises ont vu leur budget de fonctionnement augmenter. Selon une <a href="https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/regions-le-bilan-2015-2018-des-fusions">étude menée par l’Institut français pour la recherche sur les administrations publiques et les politiques</a> (Ifrap), les dépenses des treize nouvelles grandes régions ont augmenté de 2,6 milliards d’euros entre janvier 2016, date de leur création, et 2017. Par exemple, les dépenses de la région Grand Est ont augmenté de 14 %, ce qui représente 444 euros par habitant. Plusieurs facteurs expliquent ces hausses.</p>
<p>La fusion des régions a nécessité l’alignement des salaires des fonctionnaires des anciennes régions sur le salaire le plus favorable. Par exemple, le nivellement a coûté 10 millions euros à la région Normandie.</p>
<p>L’agrandissement des régions a aussi généré des coûts supplémentaires qui n’avaient pas été nécessairement anticipés. C’est le <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/occitanie-les-gaspillages-de-la-nouvelle-region-1345116">cas de la région Occitanie</a> : aucun des deux hémicycles ne peut accueillir les 150 élus du conseil régional : si celui situé à Toulouse pouvait faire l’objet de travaux d’aménagement à cette fin, pour un montant estimé à 7 millions d’euros par la collectivité, la configuration de celui de Montpellier exclut toute possibilité de redimensionnement substantiel.</p>
<p>La collectivité fait donc <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-09/20190924-rapport-Finances-publiques-locales-2019-fascicule2_0.pdf">appel à un prestataire</a> pour organiser ces sessions au parc des expositions de Montpellier, pour un coût unitaire initial de 140 000 euros, ramené à 98 000 euros.</p>
<h2>Les effets pervers de la fusion des régions et de la métropolisation</h2>
<p>La fusion des régions a agrandi leur taille. Il est évident que cette augmentation implique qu’une partie plus importante de la population est éloignée des centres de décision, notamment de la capitale régionale.</p>
<p>Cette distance pourrait conduire au sentiment d’un nouvel éloignement de l’État des territoires ruraux ou périphériques, considérés comme abandonnés. On peut ainsi s’attendre à une baisse de la qualité, voire à une absence ou une suppression des services de proximité, dans un contexte de réduction des coûts. Ce phénomène, déjà observé dans de nombreuses zones rurales, inquiète les élus, <a href="https://www.courrierdesmaires.fr/36697/lappel-du-18-juin-des-maires-ruraux-contre-la-reforme-territoriale/">qui se sont plusieurs fois mobilisés</a> contre les effets néfastes de la nouvelle loi. Du fait des réformes, certains ont notamment souligné l’affaiblissement considérable du rôle du maire et des élus du conseil municipal, avec un assèchement des ressources de la commune et un transfert des compétences à l’échelle intercommunale.</p>
<p>Par ailleurs, on a assisté à une véritable <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/loi-mapam-la-nouvelle-carte-des-competences-en-matiere-denvironnement-et-de-transports">métropolisation de la France</a> avec la mise en œuvre de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM » ou « loi MAPTAM ». Le « tout métropole » inquiète aujourd’hui toute une partie de la population qui se sent exclue des bénéfices potentiels qu’elle pourrait tirer des métropoles. Le <a href="https://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/2017/12/08/les-metropoles-ruissellent-moyen/">ruissellement des métropoles vers les territoires ruraux</a> est loin d’être une évidence.</p>
<h2>Le déclin de l’offre de services publics</h2>
<p>Le <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lacces-aux-services-publics-dans-les-territoires-ruraux">déclin de l’offre de services publics dans de nombreux territoires périphériques</a>, qui entraîne un sentiment de frustration et d’abandon de la part de l’État, est devenu une réalité. Un certain nombre de petites et moyennes villes rurales déclinent à mesure que le secteur agricole perd de son importance et que peu d’alternatives sont disponibles. Il est difficile pour ces territoires, qui souffrent d’un manque de connexions avec les grands centres productifs, de se réinventer et de réactiver une dynamique économique.</p>
<p>On peut rappeler que dans d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou l’Espagne, ces décisions de laisser de côté certains territoires ont pu conduire à la création d’une géographie du mécontentement posant des problèmes en termes de <a href="https://theconversation.com/les-mobilisations-contemporaines-contre-les-injustices-rehabilitent-la-radicalite-politique-168414">montée du populisme</a> et de <a href="https://theconversation.com/elections-presidentielles-labstention-revelatrice-de-territoires-negliges-par-les-politiques-publiques-163520">désintérêt croissant des citoyens vis-à-vis de la politique</a>.</p>
<p>En France, la crise des « gilets jaunes » a montré que les territoires oubliés comptent et que cette question doit être abordée. De manière générale dans les pays développés, la <a href="https://theconversation.com/le-gouvernement-macron-en-marche-vers-le-management-ou-vers-linnovation-publique-78117">recherche de performance des politiques publiques</a> a généré une diminution des services publics dans les territoires qui étaient déjà en difficulté. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’une partie de la population, qui ne bénéficie plus de ces services – ou dont la qualité s’est dégradée – ne croit plus au gouvernement et fait valoir ses revendications en manifestant ou en votant pour des partis des extrêmes.</p>
<h2>Quel salut pour les territoires oubliés ?</h2>
<p>La réforme semble bénéficier à certains types de territoires (les plus urbanisés) et en défavoriser d’autres (les zones rurales), et le <a href="http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2017-01-23-rapport_complet-metropoles-final.pdf">ruissellement territorial</a> annoncé n’est pas systématiquement au rendez-vous. Les outils comme la mise en place de <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/zone-revitalisation-rurale-zrr-avantages-impots">zones de revitalisation rurale</a> (ZRR), pourtant intéressants pour les territoires bénéficiaires, restent trop rares. Selon un <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2010/qSEQ10060951S.html">rapport du Sénat</a>, par exemple, en Lozère, les exonérations fiscales et sociales accordées ont ainsi permis de créer ou de maintenir de nombreux emplois – par exemple 222 ETP dans le secteur médico-social – et de réaliser un certain nombre d’investissements dans les établissements. Néanmoins, par manque de lisibilité, seules <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/les-zones-de-revitalisation-rurale-sur-la-sellette.2138869">2,3 % des communes en profitent</a>, alors que plus de 50 % d’entre elles pourraient y prétendre.</p>
<p>Par ailleurs les possibilité d’expérimentation des collectivités territoriales apparaissent également largement sous-utilisées, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01900692.2021.2018456">comme nous le montrons dans un article récent</a>, alors qu’elles pourraient donner naissance à des <a href="https://www.lemonde.fr/le-monde-evenements/article/2022/01/15/cynthia-fleury-concentrons-nous-sur-le-droit-d-experimentation-democratique_6109582_4333359.html">dynamiques locales intéressantes</a></p>
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<figcaption><span class="caption">Les épiceries solidaires (Andes, septembre 2021).</span></figcaption>
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<p>Pourtant tout n’est pas perdu, et de nombreuses initiatives provenant des territoires laissent à penser qu’un développement endogène, soutenu par les actions et initiatives des populations locales, est possible et peut conduire à la création et au succès de systèmes économiques locaux. Un nombre croissant d’exemples attestent d’une large capacité d’innovation et de créativité, y compris dans des territoires ruraux ou considérés comme périphériques, pas nécessairement liées à un haut niveau d’industrialisation ou de spécialisation productive. Ils révèlent la vitalité des territoires, qui démontrent leur dynamisme et leur capacité de renouvellement en mobilisant les forces locales.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/alimentaire-circuits-courts-une-durabilite-sous-conditions-146709">circuits courts</a> de proximité, en plein développement, en particulier depuis la crise du Covid, permettent de rapprocher les producteurs (souvent des agriculteurs) et les consommateurs, d’identifier l’origine des produits et d’éviter les intermédiaires industriels jugés trop coûteux ou dangereux pour la santé. S’y ajoute une dimension sociale inclusive, par la familiarité avec le producteur, les relations de collaboration dans la production, ou l’intégration et la recréation de liens sociaux, comme les sociétés coopératives, la création d’épiceries solidaires ou les lieux de distribution et de vente de produits.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-tiers-lieux-pour-aider-les-neo-paysans-a-se-lancer-132207">Des tiers-lieux pour aider les néo-paysans à se lancer</a>
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<h2>D’autres modes de collaboration</h2>
<p>Les tiers lieux, un phénomène constaté dans tous les territoires, se multiplient dans les zones rurales. Ces espaces de rencontre favorisent la mise en commun des connaissances et des savoir-faire, au bénéfice de la production de biens ou de l’invention de services locaux. La collaboration entre professionnels et amateurs ou profanes éclairés permet de mobiliser les énergies, de créer des chaînes de valeurs et de compétences, et de mettre en place de nouvelles idées, comme l’agroécologie par exemple. Elle est soutenue depuis mars 2021 par la politique des <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/sappuyer-sur-les-poles-territoriaux-de-cooperation-economique-pour-une-relance-durable">Pôles territoriaux de coopération économique</a> (PTCE).</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/economie-circulaire-gare-aux-solutions-trop-faciles-165495">économie circulaire</a>, promue de manière très volontariste par l’ADEME, contribue à la création de richesse dans les territoires. À l’opposé de l’économie linéaire, qui conduit à la production de produits et de déchets non recyclables, elle permet de créer une boucle vertueuse au niveau local. En particulier les déchets sont réutilisés dans la production ou transformés en énergie qui sert à la fabrication de nouveaux biens ou aux besoins des populations. La <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-territoires-doivent-semparer-de-la-bioeconomie-76243">méthanisation</a>, en croissance très forte ces dernières années en France, en est le meilleur exemple.</p>
<p>Alors, ces innovations seraient-elles finalement une opportunité pour les territoires perdus aux frontières des macro-régions et loin des pouvoirs publics ? Voire une opportunité à saisir pour les politiques ? Ou alors, est-ce qu’elles restent trop particulières ou modestes pour entraîner de véritables dynamiques territoriales ? Une chose est sûre, les candidats à l’élection présidentielle ne pourront pas faire sans ces territoires oubliés, qui ont su bien souvent se rappeler à leur attention, dans les urnes ou dans la rue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174817/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Réindustrialiser, rendre attractifs les territoires : ces promesses de campagne peuvent-elles résister à l’analyse poussée des différentes mesures de décentralisation ?Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieAndré Torre, Directeur de recherche en économie à INRAE, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1559152021-11-02T18:03:36Z2021-11-02T18:03:36ZDe la crise sanitaire à la réforme 3Ds : une opportunité pour la décentralisation ?<blockquote>
<p>« La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. »</p>
</blockquote>
<p>Cette tirade de <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/715829/francois-mitterrand-le-president-des-sous-prefectures/">François Mitterrand date de 1981</a>. Quarante ans plus tard, la crise sanitaire du Covid-19 a réveillé des tensions anciennes entre l’État et ses territoires, sera-t-elle <em>in fine</em> l’opportunité d’un nouvel acte de décentralisation ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">François Mitterrand, Gaston Defferre et Pierre Mauroy en 1971, les futurs artisans de la décentralisation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fondation Jean-Jaurès</span></span>
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<p>La tragédie de la crise sanitaire aurait dû être un moment d’union nationale, or elle a vu multiplier les incidents mettant aux prises pouvoir central et élus locaux. L’utilisation de la réquisition par la puissance publique en est une parfaite illustration. La réquisition est un outil utile en temps de crise. Elle permet à l’État et aux collectivités de s’approprier (temporairement) autant de biens que nécessaire pouvant permettre de mettre fin à une crise. À titre d’exemple, en avril 2019, la préfecture du Grand Est n’hésite pas à réquisitionner des <a href="https://www.europe1.fr/societe/coronavirus-la-requisition-des-masques-fait-grincer-des-dents-3960535">masques destinés au département des Bouches-du-Rhône</a></p>
<p>Ce cas fut l’un des rares à être médiatisé, mais dans ce contexte de crise sanitaire, il y a eu « une vague de <a href="http://www.revuedlf.com/droit-administratif/linteret-des-mesures-de-requisition-administrative-en-periode-de-crise-sanitaire-exceptionnelle/">réquisitions massives</a> » dont la plupart est passée inaperçue.</p>
<h2>Frictions entre État et collectivités territoriales</h2>
<p>Les réquisitions de l’État envers des collectivités locales s’expliquent par l’intérêt national, qui dans un État unitaire, l’emporte sur les intérêts locaux ; cependant la décentralisation suppose aussi la prise en compte des territoires dans l’adaptation de la politique centrale.</p>
<p>À la fin du premier confinement, les élus locaux sont priés de rouvrir les écoles en mettant en place des protocoles sanitaires pas toujours adaptés à la structure des bâtiments. Il en résulte une profonde inquiétude des maires concernant leur <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/edito-deconfinement-les-maires-ont-raison-de-sinquieter-mais-ils-auraient-tort-de-se-revolter-3965968">responsabilité juridique</a>. En mars 2021, cette problématique refait surface. Les élus locaux seraient responsables pénalement, alors qu’une grande partie de la décision leur échappe ? Le risque d’une rupture entre l’État et ses collectivités territoriales est alors réel.</p>
<h2>Inflexion réelle du gouvernement ou atavisme centralisateur ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/11654-declaration-de-politique-generale-de-m-jean-castex-premier-ministre-assemblee-nationale">discours gouvernemental</a> évolue toutefois au début de l’été pour prendre en compte ce malaise des maires. En juin, à l’occasion du remaniement gouvernemental, le nouveau premier ministre Jean Castex promet de placer les territoires au cœur de sa politique gouvernementale et illustre son propos en mettant en avant le <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/691287/face-a-la-reprise-jean-castex-place-le-couple-maire-prefet-en-pointe/">« couple maire/préfet »</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Cette confiance dans les territoires suppose que le droit à la différenciation soit consacré dans une loi organique. Elle passe également, comme l’a indiqué le président de la République, par une nouvelle étape de la décentralisation. Elle repose tout autant sur une évolution profonde de l’organisation interne de l’État. Je m’étais fait le défenseur, à l’occasion de la mission qui m’avait été confiée par le précédent gouvernement sur le déconfinement du couple “maire–préfet de département”. Notre intention est de rendre rapidement plus cohérente et efficace l’organisation territoriale de l’État, en particulier au niveau du département. »</p>
</blockquote>
<p>Le premier ministre mélange astucieusement les notions de décentralisation et déconcentration. Il évoque la première mais n’applique que la seconde. En effet la décentralisation permet aux élus locaux de s’administrer librement, alors que la déconcentration se fonde sur un système de délégation de l’autorité de l’État vers des échelons inférieurs. Pour résumer, la décentralisation offre davantage de marge de manœuvre aux élus locaux qui prennent leurs décisions au nom de leurs administrés et non au nom de l’État. Le maire est à ce titre un <a href="https://www.franceculture.fr/politique/le-maire-et-ses-pouvoirs-a-laune-du-covid-19">personnage ambigu</a> car il est à la fois à la tête d’une collectivité territoriale décentralisée, mais est aussi une autorité déconcentrée. À chaque fois qu’un maire prend un arrêté municipal par exemple sur le port obligatoire d’un masque, il agit en tant qu’agent déconcentré de l’État.</p>
<p>Une véritable décentralisation en matière de santé signifierait par exemple que les Agences Régionales de Santé soient placées sous l’autorité non plus du ministre de la Santé comme actuellement, mais des conseils régionaux.</p>
<h2>Les élus locaux critiques mais force de propositions</h2>
<p>Si les élus locaux ne peuvent mettre en place eux-mêmes des politiques locales différentes que celle voulue par l’État, ils peuvent néanmoins lui proposer publiquement des politiques alternatives.</p>
<p>En décembre 2020, le <a href="https://rmc.bfmtv.com/emission/comment-expliquer-le-retard-de-la-france-en-matiere-de-vaccins-contre-le-covid-19-2025977.html">retard</a> de la France dans la mise en place de la vaccination expose une nouvelle fois au grand public les divergences entre l’État et les collectivités : contrairement aux pays voisins, le gouvernement avait dans un premier temps refusé la mise en place de <a href="https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/pas-de-vaccinodrome-a-valentigney-qu-ils-assument-que-l-etat-n-a-pas-assez-de-doses-de-vaccin-dit-le-1611248167">« vaccinodromes »</a>. Toutefois, face aux initiatives nombreuses de maires qui mettent à disposition des salles et commandent le matériel médical nécessaire et interpellent les ARS pour disposer de doses de vaccins, le gouvernement est obligé de revoir sa <a href="https://www.20minutes.fr/sante/2950175-20210111-coronavirus-gouvernement-fait-volte-face-centres-vaccination">politique vaccinale</a>.</p>
<p>Un autre épisode démontre cet antagonisme entre État et collectivités lorsque, fin décembre 2020, les élus du Grand Est <a href="https://www.google.com/amp/s/mobile.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/coronavirus-des-elus-du-grand-est-plaident-pour-un-reconfinement-local_4236361.amp">appellent à un nouveau confinement</a> alors qu’à l’<a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/confinement-maires-du-sud-ouest-plaident-commerces-lettre-au-premier-ministre-1890054.html">ouest</a>, les élus demandent de rouvrir les commerces « non essentiels ».</p>
<p>En Île-de-France, Anne Hidalgo, la maire de Paris préconise à la fois un confinement de <a href="https://www.google.com/amp/s/www.leparisien.fr/amp/paris-75/covid-19-le-confinement-de-paris-imagine-par-anne-hidalgo-se-precise-26-02-2021-8426377.php">trois semaines</a> pour éradiquer le virus et ensuite une réouverture des commerces non essentiels.</p>
<p>Ces suggestions sont jugées sévèrement par le gouvernement qui considère que la remise en cause de ses décisions n’incitent pas à respecter les mesures sanitaires prises. Seulement, la prise de décision s’effectue bien en amont, sans consultation des chefs de partis ou des élus locaux, et dans l’opacité du <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/conseil-de-defense-est-ce-une-institution-opaque_4178541.html">« conseil de défense »</a>“.</p>
<p>En mars 2021, un <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-les-francais-saluent-l-action-des-maires-et-des-entreprises-mais-critiquent-gouvernement-et-opposition-selon-notre-sondage_4329017.html">sondage</a> affirme que les Français sont critiques envers l’action du gouvernement, ils plébiscitent celle des entreprises et des élus locaux.</p>
<h2>Le président siffle la fin du match</h2>
<p>A la fin du mois d’avril, Emmanuel Macron annonce un <a href="https://www.franceinter.fr/societe/voici-le-calendrier-du-deconfinement-annonce-par-emmanuel-macron">calendrier</a> du déconfinement. Cette communication verticale tranche après des mois de <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/revelations-emmanuel-macron-edouard-philippe-lhistoire-secrete-de-leur-divorce-4039330">tergiversations au sommet de l’État</a> sur les mesures à prendre, et de nombreux accrochages avec les collectivités, le tout répercuté par les médias.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Louis XIV en Jupiter vainqueur de la Fronde », huile sur toile attribuée à Charles Poerson, château de Versailles, vers 1654.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipédia</span></span>
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<p>Dans <a href="https://theconversation.com/de-louis-xvi-a-emmanuel-macron-lheritage-monarchique-de-la-v-republique-90324">l’esprit monarchique des institutions de la Vᵉ République</a>, le président a décidé chaque détail de la reprise. Un calendrier simple, accessible et qui répond à presque toutes les questions que chaque citoyen est en droit de se poser. Pour autant, c’est aussi une décision nationale qui s’applique à tout le territoire métropolitain sans possibilité d’être aménagé sur tel ou tel territoire.</p>
<p>Ce calendrier est plutôt <a href="https://www.lci.fr/politique/covid-19-coronavirus-pandemie-epidemie-les-francais-majoritairement-favorables-au-plan-de-deconfinement-selon-notre-sondage-2184818.html">bien accueilli</a> par la population et même par les élus locaux qui acceptent ce contrôle paternaliste de l’État. Cette recherche de cadre témoigne de la persistance du jacobinisme français dans les mentalités. Les mêmes élus qui avaient critiqué l’État incapable d’acheminer masques, tests et vaccins se réjouissent à présent de cette progressive <a href="https://www.europe1.fr/politique/deconfinement-jean-rottner-salue-un-calendrier-sage-et-raisonnable-4041836">sortie de crise</a>, la fronde des territoires a été vaincue.</p>
<p>Le 12 juillet, c’est encore une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/07/12/allocution-d-emmanuel-macron-passe-sanitaire-etendu-tests-pcr-payants-obligation-vaccinale-pour-les-soignants-le-resume_6088062_823448.html">allocution présidentielle</a> qui donne le la : passe sanitaire étendu, tests PCR payants, obligation vaccinale pour les soignants… Emmanuel Macron durcit la ligne du gouvernement et est rapidement récompensé par des <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/covid-19-67-des-francais-approuvent-le-passe-sanitaire-20210902">sondages très favorables</a> : en septembre 67 % des Français acceptent le passe sanitaire. Malgré cela, les manifestations chaque samedi dénotent une incompréhension d’une partie de la population envers ces restrictions sanitaires.</p>
<h2>Rapprocher la santé publique du citoyen</h2>
<p>Au plus fort de la crise sanitaire, la gouvernance des agences régionales de santé, avait fortement été remise en cause. La loi 3Ds, votée au sénat le 21 juillet propose de <a href="https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/decentralisation-le-senat-renforce-le-role-des-elus-locaux-dans-la-gouvernance">maigres progrès</a> pour rapprocher les décideurs des citoyens : par exemple un conseil d’administration paritaire coprésidé par le préfet et le président de région sera chargé de contrôler l’action des ARS.</p>
<p>Autre mesure symbolique, les sénateurs souhaitent que la <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/757440/decentralisation-ce-que-prevoit-desormais-le-projet-de-loi-3ds/">médecine scolaire</a> soit transférée au département après la fin de la crise sanitaire.</p>
<p>Il faudra en tout cas attendre décembre pour savoir si les députés partageront la vision des sénateurs sur la loi 3Ds, car la ministre Jacqueline Gourault vient d’annoncer le <a href="https://www.acteurspublics.fr/articles/lexamen-du-projet-de-loi-3ds-a-lassemblee-nationale-repousse-a-decembre">report de l’examen de la loi</a> à l’Assemblée nationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155915/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nedjoua Halil-Merad est membre de l'AFDD (association française des docteurs en droit). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Bagard et Sophie Le Coz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La crise sanitaire du Covid-19 a réveillé des tensions anciennes entre l’État et ses territoires, sera-t-elle in fine l’opportunité d’un nouvel acte de décentralisation ?Nedjoua Halil-Merad, Docteur en droit public - Élève avocate à l'ERAGE, Université de LorraineGuillaume Bagard, Docteur en droit, élève avocat et chercheur associé à l'Institut François Gény, Université de LorraineSophie Le Coz, Doctorante Sciences en Economiques (Finances locales, Histoire des communes, Histoire bancaire et financière) au BETA (UMR 7522) et ATER à l'UFR DEA de Metz, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1603192021-05-05T17:56:58Z2021-05-05T17:56:58ZÉcoles et Covid-19 : l’État se défausse-t-il sur les collectivités territoriales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/398715/original/file-20210504-20-m3yet3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C5%2C994%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La lutte contre l'épidémie de Covid-19 impose de nouvelles contraintes matérielles du côté des élèves comme des écoles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/backpack-full-school-supplies-mask-gel-1777515740">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En matière d’affaires scolaires, l’État essaierait-il d’échapper à ses responsabilités pour les faire peser sur les régions, villes et départements ? La question se pose face aux mesures matérielles envisagées pour faire face à l’épidémie de Covid-19.</p>
<p>Le 22 avril dernier, les collectivités territoriales <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2021/04/30/ecole-a-distance-capteurs-de-co2-les-relations-entre-l-etat-et-les-collectivites-a-l-epreuve-du-covid-19_6078677_1473685.html">ont été « encouragées »</a> par le ministre de l’Éducation nationale Jean‑Michel Blanquer à équiper les établissements scolaires en capteurs de CO<sub>2</sub> et purificateurs d’air, lors d’une conférence de presse commune avec le Premier ministre et ses homologues de la Santé et de l’Intérieur.</p>
<p>Un capteur de CO<sub>2</sub> vaut entre <a href="https://www.lavoixdunord.fr/992334/article/2021-04-27/les-capteurs-de-co2-une-vraie-solution-anti-covid-pour-les-ecoles">80 euros et 300 euros</a>, et il en faudrait un par salle de classe. Il y a un certain nombre de salles dans chacun des <a href="https://www.education.gouv.fr/les-chiffres-cles-du-systeme-educatif-6515">61510 établissements</a> de France, sans compter les réfectoires, les halls, les bibliothèques qu’il faudrait aussi logiquement équiper.</p>
<p>On voit l’ampleur du problème à résoudre non seulement pour ce qui concerne la production industrielle à mettre en place, mais aussi quant à sa dimension financière qui s’ajouterait aux efforts de plus en plus conséquents consentis de fait par les collectivités territoriales.</p>
<h2>Loi de décentralisation</h2>
<p>En 1980, à la veille de la loi de « décentralisation », la part des collectivités territoriales dans les dépenses intérieures d’éducation était de 14 %. Elle atteint actuellement 24 % selon les statistiques ministérielles.</p>
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<figcaption><span class="caption">Covid-19 : Amiens installe des capteurs de CO₂ dans une cantine scolaire (AFP, mai 2021).</span></figcaption>
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<p>On aurait pu croire que les principes de base de ce qui a été appelé « la décentralisation » avaient été dûment et solidement établis dans le cadre de la réforme institutionnelle mise en œuvre à partir de la loi du 2 mars 1982, initiée notamment par le ministre de l’Intérieur du gouvernement Mauroy, Gaston Defferre. Une nouvelle collectivité territoriale est alors créée : la région.</p>
<p>Il y a <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/education-enseignement-pedagogie/ecole-d-aujourd-hui-a-la-lumiere-de-l-histoire_9782738154866.php">transfert à l’ensemble des collectivités</a> (régions, départements et communes) de plus grandes responsabilités exercées plus librement : les procédures du contrôle a priori sont supprimées et les décisions prises sont immédiatement exécutoires. Les régions ont en charge les lycées ; les conseils généraux (appelés maintenant conseils départementaux), les collèges ; les communes, les écoles.</p>
<p>Chaque niveau de collectivités reçoit un même bloc de compétences : construction, reconstruction, extension, fonctionnement des établissements scolaires. Et une plus grande participation des collectivités territoriales aux décisions est instituée au sein des établissements scolaires et dans les conseils situés au niveau départemental ou académique.</p>
<p>L’État se réserve un certain nombre de compétences (et des pouvoirs importants) :</p>
<ul>
<li><p>les programmes et les horaires d’enseignement ;</p></li>
<li><p>les conditions d’obtention des diplômes et l’organisation des examens du second degré ;</p></li>
<li><p>le contrôle des enseignements scolaires par plusieurs corps d’inspection ;</p></li>
<li><p>la gestion et la rémunération des personnels enseignants et de certains personnels non enseignants notamment.</p></li>
</ul>
<p>La règle la plus générale est finalement celle des compétences partagées, dans la mesure où l’État conserve la responsabilité du service public d’enseignement (qui est inscrite dans le préambule de la Constitution : « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir d’État »).</p>
<p>En principe, les compétences respectives de l’État et des collectivités territoriales sont clairement délimitées, l’État faisant de la fixation des programmes et de la gestion pédagogique son domaine réservé. Mais des interférences sont possibles. Et aussi des extensions assez inattendues du rôle effectif des collectivités territoriales.</p>
<h2>Développement de l’enseignement supérieur</h2>
<p>Cette extension du rôle des collectivités commence très tôt et très fort avec le rôle qu’elles vont finalement assumer dans l’accélération du développement des enseignements supérieurs alors que ceux-ci ne faisaient pas du tout partie de leurs attributions définies par la loi de « décentralisation »…</p>
<p>Dès le mois de mai 1990, le gouvernement annonce son intention d’engager 16 milliards de francs entre 1991 et 1995 pour <a href="http://www.senat.fr/rap/r02-241/r02-24156.html">développer l’enseignement supérieur</a>, construire 1,5 million de mètres carrés de locaux supplémentaires, des milliers de places de bibliothèque universitaires, des locaux de recherche, des logements et restaurants universitaires. Et il sollicite une aide complémentaire des collectivités locales de l’ordre de 7 milliards de francs.</p>
<p>Au terme de longues négociations, menées de l’été 1990 au mois de janvier 1992, région par région, et entérinées par trois comités interministériels d’aménagement du territoire, ce sont finalement 16 milliards de francs (autant que l’État) que les régions, les départements et les villes (à part à peu près égales) apportent, portant l’enveloppe à 32 milliards de francs, un chiffre vraiment considérable.</p>
<p>Les collectivités territoriales y ont gagné la <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/172410-discours-de-m-lionel-jospin-ministre-de-leducation-nationale-de-la-je">délégation de maîtrise d’ouvrage</a> sur des équipements souvent prestigieux dont elles pourront se prévaloir. Elles ont pu peser de tout leur poids sur la future carte universitaire, en implantant des formations d’enseignement supérieur dans les villes moyennes (IUT, sections de techniciens supérieurs, antennes voire embryons d’universités).</p>
<p>Enfin, elles ont de fait été associées à la définition des filières et des formations nouvelles, en particulier en ce qui concerne les filières technologiques les mieux à même de servir de point d’appui au développement économique local.</p>
<p>On le voit, rien n’est simple dans la répartition effective des rôles de collectivités territoriales d’une part et de l’État d’autre part. Leurs intérêts peuvent diverger, même s’ils peuvent parfois se conjuguer. C’est le cas lorsque les efforts consentis par les collectivités territoriales peuvent les valoriser ainsi que leurs dirigeants, notamment lorsqu’il s’agit d’implanter de nouveaux établissements et d’innover. Mais c’est moins évident – tant s’en faut – lorsqu’il s’agit du strict fonctionnement ordinaire et/ou nécessaire.</p>
<p>On entre dans les campagnes électorales en vue du renouvellement des conseils départementaux et des conseils régionaux. On va voir si ce volet matériel de précaution va être ou non pris en compte, par qui, et de quelle manière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rien n’est simple dans la répartition effective des rôles des collectivités territoriales et de l’État. La question de l’équipement des établissements en capteurs de CO₂ le montre une nouvelle fois.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1595752021-05-04T17:40:50Z2021-05-04T17:40:50ZLa fusion des régions : nouveau flacon, même cru ?<p>La vie offre parfois des compensations aussi improbables qu’inattendues. Les habitants de Gruissan, Lézignan-Corbières ou Narbonne peuvent en témoigner. Après avoir passé un demi-siècle en périphérie de la région Languedoc-Roussillon les voici subitement téléportés en 2015 au centre de la nouvelle région Occitanie, <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2019-1.htm">produit de la fusion</a> entre Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.</p>
<p>Chaque semaine, des cars y amènent par centaines non pas des touristes, mais des fonctionnaires et des élus venus pour faire connaissance avec leurs homologues et leurs partenaires de l’ancienne région avec laquelle ils viennent de fusionner. Les restaurants ne désemplissent plus, les salles de congrès (ou ce qui en tient lieu dans ces lieux autrefois à l’écart des centres de décision) connaissent des taux de réservation invraisemblables.</p>
<p>Mais la vie est également décevante. Car les élus et agents de Mende, Figeac ou Tarbes doivent désormais partir la veille au soir pour assister à une réunion qui, se tenant à l’autre bout de la région, est désormais à plus de cinq heures de route.</p>
<p>Ils étaient déjà à l’extrémité d’une grande région, Languedoc-Roussillon ou Midi-Pyrénées, les voici à l’une des frontières d’une région immense, l’Occitanie.</p>
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<figcaption><span class="caption">La nouvelle grande région Occitanie, Région Midi-Pyrénées, 2015.</span></figcaption>
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<p>Bien avant la pandémie de la Covid-19, ils avaient appris à concentrer plusieurs rendez-vous dans un même déplacement et découvert tout l’intérêt (mais aussi les limites et les frustrations) des visioconférences et du covoiturage.</p>
<p>De fait, les fusions de régions sont aussi, comme aiment à le proclamer les élus qui les ont impulsées et les mettent en œuvre, une affaire d’hommes et de femmes. Elles impliquent des déplacements, de remettre en cause des routines de travail, d’inventer de nouvelles politiques adaptées à un territoire deux fois plus grand. Changer de repères, c’est fragiliser ses réseaux, sa légitimité. Fusionner, c’est donc aussi inventer une nouvelle façon de faire de la politique, dans un contexte souvent difficile, comme le montre un <a href="https://www.pug.fr/produit/1888/9782706149696/la-fusion-des-regions">ouvrage collectif</a> que nous avons coordonné.</p>
<h2>La région, maillon faible de l’action publique ?</h2>
<p>Pourtant, rien ne laissait présager une telle complexité. Sur la régionalisation à la française, les chercheurs tablaient plutôt sur la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/les_politiques_regionales_en_france-9782707170637">faiblesse intrinsèque du niveau régional</a>. En outre, les principales politiques des régions étant construites en partenariat avec l’État, on pouvait s’attendre à une forte homogénéité entre elles.</p>
<p>Prenons l’Occitanie. Elle résulte de la fusion de deux régions qu’on pensait d’autant plus similaires qu’elles étaient l’une et l’autre méridionales, longtemps dominées par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_r%C3%A9gion_Occitanie">parti socialiste</a>, plus marquées par le chômage que la moyenne nationale, mais en pointe en ce qui concerne les politiques culturelles ou l’investissement <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2019-1-page-89.html">dans la recherche</a>.</p>
<p>Or, cette proximité apparente ne résiste en rien à un regard plus attentif. Languedoc-Roussillon avait développé le spectacle vivant et institué le train (et le bus) à un euro et <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/montpellier/fin-ordinateurs-gratuits-tous-lyceens-du-languedoc-roussillon-1331999.html">l’ordinateur gratuit</a> pour tous les écoliers alors que Midi-Pyrénées valorisait le patrimoine et soumettait toutes les aides à des conditions de ressources.</p>
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<figcaption><span class="caption">A Toulouse, Airbus prend son envol, 2016.</span></figcaption>
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<p>En matière de recherche, Languedoc-Roussillon dispose de spécialités fortes en matière de biologie et de santé tandis que Midi-Pyrénées a davantage misé sur <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1285601">l’aéronautique et le spatial</a>.</p>
<p>Le premier résultat de cette fusion est pour le moins paradoxal : il nous montre à quel point les régions, qu’on croyait mimétiques, se distinguaient et développaient même des politiques parfois très opposées.</p>
<p>Pour la culture, par exemple, développer une politique fondée d’abord sur des filières (et ses agences régionales déléguées pour le spectacle, le cinéma, le livre) ou d’abord sur les territoires (et ses contrats et projets culturels « de territoire »), c’est évidemment totalement contradictoire, comme nous le montrons dans <a href="https://www.pug.fr/produit/1888/9782706149696/la-fusion-des-regions">notre chapitre</a> consacré à la culture.</p>
<p>D’un côté, le critère décisif est la localisation du projet. De l’autre, c’est sa place dans un secteur d’activité. Pour l’éducation, déployer l’ordinateur pour tous sans condition de ressource ou le faire selon les moyens des ménages, c’est un choix politique.</p>
<h2>Des différences au-delà des conseils régionaux</h2>
<p>Le second résultat, peut-être encore plus intrigant, réside dans le fait que les différences entre régions ne concernent pas que les conseils régionaux.</p>
<p>Le discours de l’État, a été, <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/carrieres_et_parcours_professionnel/OTE/seminaire-OTE-29fev2016-opt.pdf">dès fin 2015</a>, le suivant : les régions « politiques » mettront un peu de temps à fusionner, mais les directions régionales de l’État, elles, le feront dès le 1<sup>er</sup> janvier 2016, le doigt sur la couture du pantalon.</p>
<p>En réalité, la fusion ne s’est toujours pas clairement opérée cinq ans après. Les dispositifs des anciennes directions régionales Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon coexistent au sein d’une politique régionale de l’État qui est loin d’être harmonisée.</p>
<p>Prenons le dispositif <a href="https://www.toulouse.fr/web/education/reussite-educative">« Réussite éducative »</a>, destiné à lutter contre l’échec et le décrochage scolaires. Les deux rectorats (qui demeurent séparés) en ont développé des versions distinctes, car les populations scolaires de chaque ex-région sont différentes.</p>
<p>Celle de l’ex-Languedoc-Roussillon est frappée de <a href="https://occitanie.drjscs.gouv.fr/sites/occitanie.drjscs.gouv.fr/IMG/pdf/chiffres_cles_DRJSCS-2013.pdf">lourdes difficultés</a> repérables dans la faiblesse de son taux de scolarisation, un tissu d’accompagnement en formation professionnelle plus limité, des attentes éducatives moins évidentes chez les parents. Ces dispositifs demeurent non seulement différents, mais leur coordination à l’échelle de la nouvelle région est totalement superficielle. D’une certaine façon, c’est encore « chacun chez soi », comme si l’Occitanie n’existait pas.</p>
<p>La contingence régionale de l’État, qui fait que celui-ci applique des politiques et principes d’organisation différents d’un territoire à l’autre, a rendu la fusion plus complexe encore, et d’autant plus intéressante à étudier.</p>
<p>Il y a bien sûr une logique à fusionner des régions complémentaires plus que semblables, mais les cultures politiques elles-mêmes apparaissaient dissemblables.</p>
<h2>Des différences de cultures politiques palpables</h2>
<p>Dans tous les domaines, les Midi-Pyrénéens jouaient les bons élèves, soucieux d’établir des critères explicites et des programmes pluriannuels au risque parfois de paraître rigides, tandis que les Languedociens se vantaient d’un art et d’une dramatisation politiques qu’ils assimilaient non sans une certaine coquetterie à la <em>comedia del arte</em>.</p>
<p>On sait, par exemple, l’art de la provocation politique qu’entretenait l’ancien président <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Fr%C3%AAche">Georges Frêche</a>, et qui l’a durablement brouillé avec son propre parti avant sa mort en cours de mandat, fin 2010. À l’opposé, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Malvy">Martin Malvy</a>, son homologue de Midi-Pyrénées, faisait partie des socialistes influents au Parlement, au parti et dans les instances représentatives des collectivités territoriales.</p>
<p>Cela se traduisait dans des politiques propres, des routines et des normes de comportement qui ne se limitaient ni à des stéréotypes (le radicalisme « cassoulet » de Midi-Pyrénées) ni à des différences culturelles pittoresques. Ainsi, le penchant midi-pyrénéen pour le financement de contrats de territoires concrétise-t-il ce goût pour les compromis stables entre niveaux d’action. De l’autre côté, la préférence marquée pour des agences sectorielles traduit, en ex-Languedoc-Roussillon, une volonté de peser à des échelles différentes, sans se perdre dans les interdépendances.</p>
<p>Comment cette fusion inattendue s’est-elle donc déroulée ? Quels résultats a-t-elle produits ? Vérifie-t-elle les constats qu’on a souvent développé à propos des fusions, ces moments labiles ou des réformes improbables deviennent soudain (et brièvement) possibles ? Trois constats s’imposent.</p>
<h2>Conséquences logiques de l’harmonisation</h2>
<p>Le premier est évidemment l’absence d’économies d’échelles, en dépit de projections formulées par André Vallini, le ministre en charge de la réforme en 2015, qui indiquait que la fusion se traduirait par des économies <a href="https://www.lgdj-editions.fr/livres/politiques-de-la-fusion/9782275029580">d’environ 10 milliards d’euros</a>.</p>
<p>Mais les surcoûts engendrés ne sont pas tant imputables à des dérives de gestion qu’aux conséquences logiques de l’harmonisation : celle des rémunérations des agents ; de la généralisation de certaines politiques considérées comme avantageuses pour tout le monde, mais actives dans une seule des anciennes régions ; des investissements (navettes de transports, équipements de visioconférence, maintien ou création de nouveaux sites) directement liés à cette fusion.</p>
<p>La Cour des comptes <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-09/20190924-rapport-Finances-publiques-locales-2019-fascicule2_0.pdf">chiffre</a> le coût de l’harmonisation des traitements et indemnités des agents à environ 50 millions d’euros supplémentaires.</p>
<p>En quelque sorte, la fusion des régions s’apparente à la définition du mariage par Sacha Guitry : essayer de résoudre à deux des problèmes qu’on n’aurait pas eus tout seul.</p>
<p>Le deuxième constat, c’est l’intensité du travail à accomplir pour effectuer une telle opération. Cette intensité est liée en partie au fait qu’il ne s’agit pas que d’enjeux d’organisation. Il se greffe sur la fusion d’une collectivité des défis qui sont bien connus des spécialistes de la fusion : gestion des ressources humaines par de nombreuses rencontres entre homologues, en tentant de limiter les doublons de postes au maximum ; prise en compte de la nostalgie structurelle de l’ordre ancien pour rendre progressivement acceptable le nouveau, etc.</p>
<p>Mais il y en a d’autres, plus spécifiques à la fusion de corps politiques : l’acceptation de la domination par un·e « leader venu·e d’ailleurs », la justification d’un changement de modèle qui, en mettant le feu aux poudres, compromet la situation des élus. Derrière les fonctions opérationnelles des politiques publiques, il y a un enjeu de consentement politique toujours délicat à manier.</p>
<p>À ces contraintes s’en ajoute une de taille en Occitanie : en décembre 2015, c’est la même majorité – une coalition emmenée par le Parti socialiste – que celle qui gouvernait les deux anciennes régions qui l’emporte. Pas question de faire valoir une alternance politique pour trancher. L’héritage des deux anciennes régions doit être assumé.</p>
<h2>Une fusion bien effective</h2>
<p>Le dernier constat est que malgré ces difficultés – nombreuses et parfois inattendues – la fusion s’est bel et bien opérée. Elle aura mis beaucoup plus de temps que prévu pour être une réalité.</p>
<p>Certes, à l’aube d’un nouveau mandat, partout les politiques régionales sont encore très imprégnées de compromis entre les deux ou trois anciennes régions fusionnées. Pour voir naître une politique radicalement nouvelle, il aura fallu un mandat. Et les premiers pas de la campagne pour les élections régionales des 20 et 27 juin 2021 le montrent : il faut encore compter avec les susceptibilités et attachements liés aux anciennes régions.</p>
<p>Ainsi, le fait que toutes les têtes de listes actuellement connues pour les élections en Occitanie soient d’origine midi-pyrénéenne est particulièrement souligné… à l’Est de la région.</p>
<p>Enfin, la fusion est loin d’offrir aux régions cette dimension européenne qu’avait pourtant <a href="https://www.courrierdesmaires.fr/75130/les-coulisses-de-la-reforme-territoriale-racontes-par-francois-hollande/">affichée le président Hollande</a>.</p>
<p>La capacité européenne d’une région n’est pas que géographique. Elle est avant tout politique, et affaire de compétences et d’autonomie. L’Occitanie est plus grande que la Catalogne voisine. Mais son nouveau budget ne pèse que 10 % de celui de sa voisine espagnole qui, elle, <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2014-1.htm">compte vraiment</a> à l’échelle européenne.</p>
<p>Sans doute faudra-t-il revenir un jour sur ces aspects si l’on veut que le mélange des cépages donne naissance à un grand cru, et non simplement à un volume plus grand d’un breuvage substantiellement identique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159575/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les fusions de régions sont aussi une affaire d’hommes et de femmes. Elles impliquent ainsi d’inventer de nouvelles politiques pour répondre à des besoins sur des territoires toujours plus importants.Emmanuel Négrier, Directeur de recherche CNRS en science politique au CEPEL, Université de Montpellier, Université de MontpellierVincent Simoulin, sociologue, Directeur du CERTOP (Centre d’Etude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir), Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1431162020-08-31T19:24:55Z2020-08-31T19:24:55ZSénégal : un modèle d’assurance santé résilient en temps de Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/354887/original/file-20200826-16-1d75zoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C613%2C459&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cérémonie de remise de cartes aux bénéficiaires enrôlés dans l'Unité départementale d'assurance maladie par la mairie de NIoro </span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Dans sa volonté d’étendre la couverture sanitaire de sa population, le Sénégal s’est lancé ces dernières années dans <a href="https://www.ceped.org/IMG/pdf/wp40.pdf">plusieurs stratégies</a> de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32015580/">financement de la santé</a>, au risque d’une certaine <a href="https://www.who.int/bulletin/volumes/98/2/19-239665/en/">fragmentation</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/99956/119628/F1231146326/BEN-99956.pdf">plan stratégique de développement de la couverture maladie universelle 2013-2017</a> vise un objectif de couverture du risque maladie d’au moins 75 % de la population en 2021. Après les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X03002122">mutuelles communautaires</a> au niveau communal et la <a href="https://equityhealthj.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12939-019-1089-9">gratuité des soins</a> pour certaines personnes (personnes âgées, enfants de moins de 5 ans, indigents) ou certains services (césariennes, traitement VIH), le Sénégal a testé deux modèles d’extension de la couverture du risque maladie.</p>
<p>Le premier est la décentralisation de l’assurance maladie (DECAM) avec la création de mutuelles de santé au niveau communal. Le second est une <a href="https://www.itg.be/files/docs/shsop/shsop34.pdf">assurance maladie à grande échelle</a> professionnalisée avec, pour le moment, deux unités départementales d’assurance maladie (UDAM) à Koungheul et Foundiougne. De 2013 à 2017, la formulation et la mise en œuvre de ces deux unités ont été organisées par le ministère de la Santé et de l’Action sociale avec la Coopération technique belge (Enabel), à travers son Projet d’Appui à l’Offre et à la Demande de Soins (PAODES).</p>
<p>Le dispositif des UDAM est un modèle d’unités d’assurance à grande échelle :</p>
<ul>
<li><p>Une unité opérationnelle au niveau du département avec une gestion centralisée</p></li>
<li><p>Une professionnalisation de son organisation</p></li>
<li><p>Un financement associant la cotisation des populations et des subventions de l’État et/ou des partenaires</p></li>
<li><p>Les formations sanitaires fournissent les soins et les UDAM contrôlent la qualité des services</p></li>
<li><p>Un système de tarification forfaitaire transparent et uniforme</p></li>
<li><p>Une intégration des collectivités territoriales dans les instances de décision</p></li>
<li><p>Une représentation locale des populations issues des organisations communautaires de base par la mise en place d’antennes de collectivités territoriales</p></li>
</ul>
<h2>Des unités départementales efficaces dans un contexte de pandémie</h2>
<p>Les résultats des UDAM ont été capitalisés, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5728265/">Forum national</a> sur la couverture universelle en santé a été organisé et un <a href="https://www.itg.be/files/docs/shsop/shsop34.pdf">ouvrage collectif</a> a été publié.</p>
<p>Le soutien d’<a href="https://www.enabel.be/fr/publication/introducing-large-scale-health-insurance-rural-poor-senegal">Enabel (PAODES)</a> a pris fin en juin 2017. Depuis, les UDAM doivent s’organiser sans appui technique et financier international. Malgré ces défis, et contrairement aux mutuelles communautaires <a href="https://bmchealthservres.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12913-017-2419-5">qui ne se relèvent généralement</a> pas de l’arrêt des appuis, les UDAM ont su s’adapter. Leur viabilité financière est toujours appréciable et leurs indicateurs de performance n’ont pas chuté : ils ont même progressé si l’on évoque les taux de pénétration, soit la proportion de la population cible adhérente aux UDAM (Figure 1).</p>
<p><strong>Figure 1 : Évolution du taux de pénétration des deux UDAM</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les UDAM ont été en mesure de s’adapter, d’innover et de s’organiser pour déployer des stratégies de <a href="http://www.equitesante.org/wp-content/uploads/2015/07/1.-Pluye-Potvin-Denis-2004-EPP.pdf">pérennisation</a>. Les circonstances de ce contexte sont exceptionnelles à étudier car les recherches sur la pérennité des interventions de santé en Afrique sont rares et le <a href="https://globalizationandhealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12992-017-0307-8">succès du maintien des acquis encore plus</a> [21]. Cela fera l’objet d’une prochaine recherche.</p>
<p>Mais le Sénégal a été frappé début mars 2020 par la pandémie du SARS-CoV-2. La Figure 2 montre l’évolution des cas de la Covid-19 depuis le début de la pandémie. Fin août 2020, <a href="https://www.covid19afrique.com">plus de 13 000 cas ont été recensés</a>.</p>
<p><strong>Figure 2 : Évolution des cas de Covid-19 et des tests effectués au Sénégal</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p>Si le nombre de cas et de décès reste bien moindre qu’ailleurs et qu’un plateau semble atteint, les mesures prises par l’État pour endiguer la pandémie ont eu un impact sur le fonctionnement des UDAM. Alors que quelques études sur la <a href="https://u-paris.fr/hospicovid/">résilience</a> des systèmes d’assurance et des systèmes de santé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32199083/">ont démarré en Europe</a>, nous pensons utile de nous interroger sur celle des UDAM au Sénégal. Il s’agit d’une réflexion exploratoire afin de partager nos idées et de préparer une prochaine recherche empirique dans le cadre du programme de recherches <a href="https://www.unissahel.org">UNISSAHEL</a>.</p>
<h2>Défis et adaptation des activités des UDAM en contexte de pandémie</h2>
<p>Notre analyse a permis de mettre au jour au moins quatre défis importants auxquels les UDAM ont dû faire face pendant le début de la pandémie en organisant des solutions innovantes.</p>
<p><strong>Défi 1 : Participer de manière responsable à la lutte contre la pandémie</strong></p>
<p>Les UDAM se sont senties immédiatement et pleinement parties prenantes de la réponse sanitaire à la pandémie. Mais il ne s’agissait pas d’y répondre en faisant courir des risques démesurés à ses employés. Tous les agents ont été formés par les médecins-chefs des districts aux enjeux de santé publique de la maladie, tant au plan clinique que des gestes barrières. Les UDAM se sont aussi directement impliquées dans la riposte.</p>
<p>Ainsi, leurs directeurs sont membres du comité départemental de gestion de l’épidémie et des comités communaux multisectoriels de lutte. À Koungheul, le personnel technique de l’UDAM a accompagné les relais communautaires et le collectif d’étudiants de la commune dans leurs visites à domicile pour sensibiliser les populations aux gestes barrières. À Foundiougne, des volontaires de la Croix-Rouge sont venus pour soutenir l’UDAM dans l’organisation des dispositifs d’accueil sécuritaire (prise de température, lavage des mains, etc.) des bénéficiaires dans leurs locaux. Les UDAM ont appuyé financièrement le plan de riposte départemental en octroyant un budget de 550 000 F CFA à Foundiougne et 1 500 000 F CFA à Koungheul.</p>
<p><strong>Défi 2 : maintenir la collecte des cotisations</strong></p>
<p>Les UDAM vivent en grande partie des cotisations de leurs membres. Dans un contexte où les déplacements étaient restreints et les contacts entre personnes sujettes à distanciation physique, elles ont dû innover sans participer à la propagation du coronavirus. Pour le renouvellement des cotisations, les paiements électroniques ont été privilégiés et, lorsque cela était nécessaire, en subventionnant les frais d’envois des adhérents. Il a été conseillé aux nouveaux adhérents, l’envoie des photos et autres documents nécessaires par messagerie WhatsApp.</p>
<p>Les agents collecteurs se sont appuyés sur les points focaux des UDAM dans les villages pour optimiser la collecte des cotisations et réduire le nombre de déplacements nécessaires. À Foundiougne, afin d’éviter que les adhérents ayant plus de 10 bénéficiaires et qui n’avaient pas, dans les conditions économiques difficiles durant l’épidémie, la possibilité de tous les renouveler, ne fassent un choix sur les personnes à assurer, la stratégie adoptée pour l’UDAM consistait à leur demander de suivre l’ordre d’enrôlement de la famille inscrit dans le logiciel de gestion. Il s’agit d’une forme de contrainte tacite pour éviter que lors du renouvellement de la cotisation, le chef de ménage ne sélectionne que les personnes les plus malades au détriment des autres.</p>
<p><strong>Défi 3 : continuité de la prise en charge des bénéficiaires dans les formations sanitaires</strong></p>
<p>Durant la période où il était interdit de se déplacer entre communes, il n’a pas été possible de remettre les documents permettant aux indigents (familles bénéficiant de la bourse de sécurité familiale leur donnant droit à une cotisation gratuite subventionnée par l’État) de renouveler leur adhésion. Pour garantir la permanence de leur accès aux soins, une correspondance spécifique a été adressée à tous les médecins-chefs. De même, lorsqu’un patient adhérent d’une UDAM est référé, il doit d’abord venir chercher une lettre de prise en charge au siège départemental. Il a été devenu possible de demander cette lettre au niveau plus local du district.</p>
<p>Pour les personnes devant se rendre à l’hôpital, les UDAM ont innové en envoyant directement un courrier électronique de prise en charge. En outre, puisque le suivi des plaintes au niveau local a été réduit par la limitation des déplacements des agents de l’UDAM, c’est lors des réunions mensuelles de coordination au niveau du district et en la présence des infirmiers responsables des formations sanitaires que les difficultés rencontrées par les patients ont été abordées.</p>
<p><strong>Défi 4 : garantir le paiement des factures dans un contexte de retard de l’État</strong></p>
<p>Les UDAM continuent de subir les effets du retard de remboursement des subventions générales de l’État et des subventions ciblées pour les mutuelles de santé et des frais associés aux exemptions de paiement pour certaines catégories de personnes. À ce retard de près de deux années de paiement exacerbé en contexte de pandémie, s’ajoute la réduction du recours aux soins. En outre, dans le département de Koungheul, ce sont les postes de santé qui préfinançaient les évacuations sanitaires d’urgence au sein du district et l’UDAM les remboursait à la fin du mois. Or, dans ce contexte, l’UDAM éprouvait des difficultés à honorer ce remboursement mensuel. Cela a amené certaines structures à réclamer aux bénéficiaires de payer des frais d’évacuation alors que leur adhésion à l’UDAM leur donne droit gratuitement à ce service. Ainsi, l’UDAM s’est engagée à rembourser mensuellement les évacuations sanitaires d’urgence aux postes de santé afin d’éviter aux bénéficiaires de perdre cet acquis.</p>
<p>Alors que les UDAM ont été en mesure de faire face à l’arrêt du soutien de leur partenaire technique et financier mi-2017, l’arrivée de la pandémie en mars 2020 représente une nouvelle épreuve. Elles ont été capables d’innovations pour affronter les nouveaux défis que la pandémie a provoqués à l’échelle du pays mais aussi localement, dans leur routine organisationnelle.</p>
<p>Face à la <a href="https://www.unissahel.org/analyse-de-la-resilience">résilience</a> dont ont fait preuve les UDAM et leurs personnels, on est en droit de croire que la pandémie ne suffira pas à rompre cette dynamique en faveur de la couverture universelle en santé au Sénégal.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit avec Ndeye Bineta Mbow et Ibrahim Senghor, directrice et directeur des UDAM de Foundiougne et de Koungheul. Merci à F.-A. Roy, E. Bonnet et F.-B. Diongue Lopes pour les données et la figure 2 (https://www.covid19afrique.com).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valery Ridde a reçu des financements de nombreux organismes de recherche publics (ANR, IRSC, AFD, etc.) et il a été consultant pour Enabel afin de soutenir la capitalisation de cette expérience des UDAM. </span></em></p>La pandémie de la Covid-19 met en évidence la résilience du modèle de couverture sanitaire au Sénégal, même s’il reste quelques défis à relever.Valery Ridde, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1441512020-08-13T19:33:27Z2020-08-13T19:33:27ZDécentralisation : le rôle clé des acteurs locaux dans la gestion des risques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/352487/original/file-20200812-22-14m132k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C22%2C2991%2C1971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le contexte actuel est marqué par une volonté d’implication locale forte notamment au niveau des mairies.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/etretat-town-hall-commune-seinemaritime-600w-109202087.jpg">Kiev.Victor / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis une vingtaine d’années, aux côtés de phénomènes naturels adverses et de risques industriels majeurs, de nouvelles menaces sourdent, traduisant des risques multiformes, multidimensionnels, <a href="https://www.jstor.org/stable/23646357?seq=1">d’une complexité toujours grandissante</a>, souvent invisibles parfois imperceptibles, donc difficiles à identifier, appréhender, prévoir, circonscrire et <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14616700600645461">gérer</a>. La pandémie de Covid-19 en est une illustration.</p>
<p>Dans ce contexte, l’observation des attentes des citoyens vis-à-vis de la puissance publique et des comportements s’exprimant durant la crise sanitaire fait ressortir le rôle clé de la proximité et de la coopération pour parvenir à prendre la mesure des potentiels risques à venir et à les limiter, notamment dans les domaines environnementaux et sanitaires.</p>
<p>Pour reprendre les mots du président de la République Emmanuel Macron, le moment est venu de réfléchir à une « <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/06/25/comment-macron-dessine-sa-future-donne-territoriale_6044152_823448.html">nouvelle donne territoriale</a> », car « Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris » admettait-il le 14 juin dernier lors de son <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/06/25/comment-macron-dessine-sa-future-donne-territoriale_6044152_823448.html">allocution télévisée</a>.</p>
<p>L’adoption de la loi « <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/loi-engagement-et-proximite">Engagement et proximité</a> » en décembre 2019 et les concertations sur le <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/projet-de-loi-3d-decentralisation-differenciation-et-deconcentration">projet de loi « 3D »</a> (décentralisation, différenciation, déconcentration) démarrées en janvier dernier avaient déjà ouvert la voie au rééquilibrage des responsabilités entre échelon national et local.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1282685353904631808"}"></div></p>
<p>Dans un contexte caractérisé d’une part par l’expression d’une volonté d’implication locale forte – à la fois au niveau du rôle octroyé aux <a href="https://medias.amf.asso.fr/upload/files/Enquete%20AMF-CEVIPOF-2019-9%20PAP">acteurs de proximité</a> et aux membres de la société civile, comme en atteste l’organisation de la <a href="https://theconversation.com/convention-citoyenne-pour-le-climat-la-democratie-participative-vue-de-linterieur-141571">convention citoyenne pour le climat</a> – et, d’autre part, par le récent <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-03-avril-2020">retour en force de l’État</a>, la question du juste degré de décentralisation des politiques publiques est posée.</p>
<h2>A chaque échelon son rôle</h2>
<p>Les attentes des citoyens vis-à-vis d’un État « limité, contraint… mais nécessaire » selon les mots de l’économiste David Martimort (notes personnelles), se renouvellent et se renforcent avec les crises, s’orientant vers une demande pour <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Note1_Luc_ROUBAN_BaroV11bis.pdf">davantage de protection</a>, de proximité et d’implication de la puissance publique (les choix industriels dans les secteurs considérés comme stratégiques ont récemment été questionnés).</p>
<p>Les États restent soumis à diverses forces, des évolutions institutionnelles et organisationnelles internes liées à trois phénomènes : un processus de réforme territoriale d’une part, l’approfondissement de la construction européenne et ses implications en termes budgétaires, sectoriels, législatifs et réglementaires, d’autre part et, enfin, un mouvement de globalisation qui modifie l’équilibre économique et géopolitique mondial et induit de nombreux effets de débordement et de recomposition économique mais aussi sociale et sociétale.</p>
<p>Si l’État central constitue l’entité devant prendre en charge la prévention et la gestion des événements ayant une très faible probabilité de survenance mais aux coûts majeurs s’ils se matérialisent, l’échelon européen est indispensable pour pallier les échecs de marché et coordonner les capacités d’anticipation, de lutte contre des menaces communes et, au cœur de ces interactions multiples, l’échelon local demeure une pièce maîtresse.</p>
<p>Les collectivités territoriales restent en effet omniprésentes dans la gestion concrète des risques mais aussi en amont dans l’élaboration des politiques publiques pour <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000029946370&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20141222">prévenir leur réalisation</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250988687879483392"}"></div></p>
<p>Le niveau national élabore et arrête les grandes orientations devant être mises en œuvre sur l’ensemble du territoire, de façon homogène ou différenciée pour mieux correspondre aux conditions et aux besoins locaux. La déclinaison opérationnelle et l’adaptation de la stratégie nationale sont réalisées par les niveaux infranationaux.</p>
<h2>Une prime à la proximité</h2>
<p>Les avantages de la décentralisation s’expriment essentiellement en termes d’une acquisition plus aisée de l’information locale, d’une meilleure connaissance des besoins et des préférences des agents. Cette connaissance est nécessaire à l’efficience des politiques mises en œuvre mais particulièrement complexe à acquérir. Cette dimension revêt une acuité singulièrement forte dans le contexte de développement de risques sanitaires et environnementaux majeurs.</p>
<p>La perception, la représentation du risque et la compréhension des enjeux ne sont pas homogènes (voir par exemple <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s10640-016-0033-3.pdf">l’article</a> de l’économiste Nicolas Treich sur les comportements face au risque de catastrophe). Le philosophe René Descartes indiquait dans le « Discours de la méthode » en 1637 :</p>
<blockquote>
<p>« La diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. »</p>
</blockquote>
<p>Les perceptions divergentes <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2015-5-page-665.htm">d’un monde observé conjointement</a> relèvent de facteurs idéologiques, socioculturels, historiques, mais surtout de <a href="https://books.google.fr/books/about/Erreur_de_Descartes_L.html?id=gvss5LgdWGEC">mécanismes cognitifs et émotionnels</a>. Les sciences comportementales montrent que nous éprouvons davantage d’empathie pour les membres de notre groupe social, « ceux qui nous sont proches géographiquement, ethniquement, culturellement » selon l’économiste <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=JZ8LDAAAQBAJ">Jean Tirole</a> ; le degré auquel les individus se sentent concernés par un événement semblerait inversement proportionnel à la distance qui les en sépare (distance spatiale, temporelle, entre êtres vivants).</p>
<p>La proximité pourrait donc être un catalyseur de la prise de conscience des enjeux d’un phénomène donné et un moteur du consentement individuel à adopter un comportement collectivement responsable. Afin de nous accompagner dans cette voie, les <a href="https://books.openedition.org/editionsehess/1424?lang=fr">experts</a> d’une part, et les responsables politiques locaux d’autre part, jouent un rôle majeur.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/351942/original/file-20200810-22-q5brrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351942/original/file-20200810-22-q5brrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351942/original/file-20200810-22-q5brrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351942/original/file-20200810-22-q5brrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351942/original/file-20200810-22-q5brrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351942/original/file-20200810-22-q5brrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351942/original/file-20200810-22-q5brrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351942/original/file-20200810-22-q5brrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition des réponses à la question : « Diriez-vous que vous faites confiance à… ? (en pourcentage) ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/CEVIPOF_confiance_10ans_CHEURFA_CHANVRIL_2019.pdf">Enquête Cevipof « 2009-2019 : la crise de la confiance politique »</a></span>
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<p>Alors que la confiance accordée aux décideurs politiques apparaît relative, s’inscrivant dans un climat morose (pessimisme, méfiance, lassitude) et illustrant le constat d’« <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-contre-democratie-la-politique-a-l-age-de-la-defiance-pierre-rosanvallon/9782020884433">âge de la défiance</a> » posé par l’historien et sociologue Pierre Rosenvallon en 2006, une prime à la proximité apparaît.</p>
<p>L’<a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Enque%cc%82te%20Municipales%20CEVIPOF%20AMF_diffusion%208%20juillet.pdf">enquête Ipsos Cevipof AMF</a> indiquait en 2019 que les citoyens font confiance aux élus de proximité et que ce degré de confiance diminue à mesure que l’on s’éloigne de la base de la pyramide et que la taille de la juridiction augmente. De même, le crédit porté aux informations communiquées par les experts s’érode en <a href="https://psycnet.apa.org/record/2001-01329-000">l’absence de personnification</a> ou d’identification possible à ces derniers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351944/original/file-20200810-16-59ba61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351944/original/file-20200810-16-59ba61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351944/original/file-20200810-16-59ba61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351944/original/file-20200810-16-59ba61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351944/original/file-20200810-16-59ba61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351944/original/file-20200810-16-59ba61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351944/original/file-20200810-16-59ba61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Niveau de confiance dans les acteurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/CEVIPOF_confiance_10ans_CHEURFA_CHANVRIL_2019.pdf">Enquête Cevipof « 2009-2019 : la crise de la confiance politique »</a></span>
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<p>Un autre argument en faveur de la décentralisation relevant du rôle de la proximité est lié au concept d’« <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0176268002000988"><em>accountability</em></a> » qui désigne le fait pour le décideur public de rendre des comptes sur l’accomplissement des missions qui lui ont été confiées.</p>
<p>Les électeurs sont plus à même de surveiller, contrôler et sanctionner les élus locaux, s’ils ne sont pas satisfaits ou si les « contrats » ne sont pas respectés. L’acceptabilité des mesures publiques et la capacité à fournir des incitations efficaces aux citoyens sont de surcroît fortement corrélées à ce mécanisme.</p>
<p>En outre, des <a href="http://www.cae-eco.fr/Territoires-bien-etre-et-politiques-publiques">travaux récents menés par le Conseil d’analyse économique</a> ont montré que plusieurs composantes de la qualité de vie directement liées au territoire exerçaient un impact significatif sur le bien-être des individus.</p>
<h2>Une coopération nécessaire</h2>
<p>Si les avantages de la décentralisation sont patents, la centralisation, en revanche, permet de répondre à des soucis d’équité — notamment en prenant en compte les effets de débordement entre territoires qui seraient susceptibles d’affecter l’offre de bien public — facilite la réalisation d’économies d’échelle et peut maximiser la force de la réponse à des risques globaux.</p>
<p>Au-delà d’un réel arbitrage entre centralisation et décentralisation, c’est une gestion conjointe qui doit être menée par l’ensemble des niveaux d’intervention publique, basée sur la reconnaissance des apports de chaque échelon. Le degré d’interdépendance entre acteurs met en exergue non seulement les spécificités et le caractère indispensable de chaque échelon mais aussi la pertinence d’une coopération étendue et durable entre eux, et non d’un nouvel arbitrage entre centralisation et décentralisation, afin de bâtir une trajectoire soutenable et sûre.</p>
<p>L’environnement est l’un des domaines clés dans lesquels doivent s’exercer des formes de coopération adaptées entre territoires, entre acteurs privés et publics, mais aussi entre niveaux de décision publique.</p>
<p>Nos actes individuels ayant une <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=bmuVDwAAQBAJ">portée collective</a>, la préservation du bien commun nécessite que responsabilité privée et responsabilité collective se combinent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Lachet-Touya ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La gestion de la crise sanitaire a démontré la nécessité de privilégier une gestion partenariale par les différents échelons d’intervention publique.Florence Lachet-Touya, Maître de conférence en économie, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1421112020-07-09T17:01:29Z2020-07-09T17:01:29ZMunicipales 2020 : les Verts doivent transformer l’essai à l’échelle métropolitaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/346345/original/file-20200708-3970-ga5rn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C29%2C993%2C653&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le candidat Europe Ecologie Les Verts de la métropole de Lyon, Bruno Bernard après sa victoire, le 28 juin 2020.</span> <span class="attribution"><span class="source">JEFF PACHOUD / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Les élections municipales ne sont pas terminées ! Une nouvelle étape décisive va se jouer d’ici la mi-juillet, au sein des métropoles cette fois. Les conseillers métropolitains vont devoir élire les président·e·s et vice-président·e·s, former des majorités et s’accorder sur des programmes d’action pour les six années à venir.</p>
<p>Dans les villes qu’ils ont conquises, comme Bordeaux ou Strasbourg, ou conservées, comme Grenoble, les écologistes ne peuvent se contenter du contrôle des institutions municipales. La capacité d’action, les ressources, les compétences et l’expertise se trouvent ailleurs : au sein des métropoles. S’ils n’ont pas la main sur cette échelle ou s’ils échouent à construire des majorités claires porteuses de projets ambitieux avec leurs alliés de gauche, ils risquent de perdre le bénéfice de leur percée du 28 juin dernier.</p>
<h2>Un tournant historique</h2>
<p>À bien des égards, les succès des listes menées par les écologistes dans les grandes villes françaises constituent un tournant historique, même s’ils ont été obtenus sur fond de forte baisse de la participation.</p>
<p>Il faut remonter aux élections municipales de 1977 pour retrouver un tel tremblement de terre électoral. À l’époque, la razzia des listes d’Union de la gauche (Parti socialiste–Parti Communiste) sur les grandes villes avait été préparée par la montée en puissance des « nouvelles classes moyennes », elle-même engendrée par le développement de l’État-providence dans les <a href="https://www.metropolitiques.eu/La-gauche-la-droite-les-villes.html">années 1960 et 1970</a>.</p>
<p>Même si la faiblesse de la participation commande la prudence dans l’analyse, la percée écologiste de 2020 s’explique-t-elle aussi par les profondes transformations qui ont affecté les sociétés urbaines dans les dernières décennies : <a href="https://www.puf.com/content/Les_citoyens_qui_viennent">renouvellement générationnel</a>, marginalisation de la bourgeoisie traditionnelle liée au commerce à la petite industrie au profit de populations à <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/les-ideopoles-laboratoires-de-la-recomposition-de-l-electorat-socialiste">fort capital culturel</a>. Les changements électoraux du 28 juin sont la traduction de la montée en puissance des groupes socioprofessionnels pour qui l’expérience de la ville est à la fois source de gratifications symboliques et carburant vital pour l’activité professionnelle, qu’on les appelle « bobos » ou <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2009-4-page-315.htm">« classes créatives »</a>.</p>
<p>Ces groupes sont souvent à l’origine des processus de <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/gentrifications/">gentrification</a> qui, qu’on le veuille ou non, ne sont pas étrangers aux victoires des Verts dans les grandes villes.</p>
<h2>Conjurer le spectre de l’écogentrification</h2>
<p>Aujourd’hui, un certain nombre de voix, à droite mais <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/06/30/l-ecologie-municipale-ou-la-ville-face-a-son-histoire_1792880">pas uniquement</a> pointe le risque d’un enfermement des municipalités à dominante écologique sur l’échelle municipale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1277344504408834049"}"></div></p>
<p>On les soupçonne de vouloir mener des politiques – comme l’interdiction de la voiture ou le moratoire sur l’urbanisation – qui ne bénéficieront qu’aux habitants des villes-centres et pénaliseront tous ceux qui viennent tous les jours y travailler et que la cherté de l’immobilier a repoussés en périphérie.</p>
<p>À leur corps défendant, les municipalités vertes s’apprêteraient à orchestrer une sorte d’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2427.2009.00860.x">« écogentrification »</a>, à transformer les villes centres en « clubs » inaccessibles au nom de l’urgence climatique. De fait, on le sait, la piétonnisation, la « tramwayisation », voire le verdissement des villes participent du renchérissement de l’immobilier et peuvent avoir un <a href="https://journals.openedition.org/metropoles/3808">effet d’éviction des populations les plus pauvres</a>.</p>
<p>Mais celles et ceux qui se trouvent sur les listes conduites par les Verts le savent aussi. Ils ont donc fait l’effort de greffer d’ambitieuses mesures sociales et démocratiques sur le socle des propositions environnementales qui constituent le « fond de jeu » des écologistes. En matière de logement en particulier, certains candidats se sont notamment engagés pour un moratoire sur les expulsions locatives, comme à Strasbourg, ou encore sur l’encadrement des loyers, comme à Bordeaux.</p>
<h2>Penser et agir métropolitain</h2>
<p>Ainsi, l’ancrage de l’écologie politique à gauche, dont les alliances scellées à l’occasion des municipales sont le témoin, a permis aux Verts de s’affranchir d’un tropisme environnementaliste qui conduisait parfois les écologistes à perdre de vue les enjeux de justice sociale.</p>
<p>Mais il est un autre tropisme dont les Verts devront se défaire pour pouvoir déployer leur programme et le rendre plus socialement équitable : le tropisme municipal. Si les écolos veulent changer la ville, ils doivent penser et agir métropolitain.</p>
<p>La réduction de la place faite à l’automobile et le développement du réseau cyclable dans les villes-centres ne peuvent se faire qu’en garantissant un accès à celles-ci aux habitants des banlieues par le développement des transports collectifs ou des véloroutes. Le moratoire sur les programmes immobiliers dans les zones denses ne peut pas être synonyme d’arrêt pur et simple des constructions neuves, au risque de nourrir l’inflation immobilière et les effets d’éviction. Il faut donc trouver ailleurs dans les métropoles ou dans les villes moyennes des alentours des sites permettant de construire des logements dans le respect des objectifs environnementaux. Tout cela se pense et s’organise à l’échelle des métropoles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Love is in the RER » : les élus écologistes devront aussi rapidement prendre en compte les besoins des habitants des banlieues, comme en ici en région parisienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fjludo/6423966075/">Ludovic Etienne/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, pour se projeter à l’échelle métropolitaine, les Verts ne sont pas en position de force, sauf à Lyon qui dispose d’un système électoral spécifique et où les élections ont donné l’avantage aux écologistes et à leurs alliés à la fois dans la ville-centre et au <a href="https://www.lesechos.fr/elections/municipales/municipales-bruno-bernard-le-nouvel-homme-fort-du-grand-lyon-1219406">conseil métropolitain</a>.</p>
<p>À Bordeaux, le groupe écologiste ne peut compter que sur 29 sièges sur les 104 que compte l’assemblée métropolitaine. Ils sont donc dépendants de l’alliance avec le groupe PS fort de 32 élus.</p>
<p>À Grenoble, la situation est légèrement plus favorable pour le groupe EELV-LFI qui est le plus nombreux de l’assemblée. Mais avec 33 sièges sur 119, on est loin de la majorité absolue.</p>
<p>À Strasbourg, quatre communes enverront des délégués écologistes à l’assemblée de l’Eurométropole pour un total de 44 sièges sur 99. Ils constituent de loin le premier groupe mais dépendent là encore de l’appoint des socialistes, passablement affaiblis cependant avec seulement 9 conseillers, pour <a href="https://www.rue89strasbourg.com/majorite-ecologistes-eurometropole-maires-179295">constituer une majorité</a>.</p>
<p>Pour bénéficier d’une capacité d’action à l’échelle métropolitaine, les nouveaux maires écologistes devront s’allier à d’autres forces politiques. Lesquelles et selon quelles modalités, c’est là un enjeu dont on parle très peu et qui est pourtant aussi crucial que la victoire aux municipales. Les conseillers métropolitains écologistes et leurs alliés de gauche sont confrontés à un choix entre deux manières de constituer un pouvoir d’agir : la coalition entre maires ou la majorité métropolitaine.</p>
<h2>Petits arrangements entre maires</h2>
<p>La première formule est celle vers laquelle les pousseront probablement les barons socialistes locaux, mais aussi bien entendu, les élus de droite. Ici, l’idée est de fonder l’action intercommunale sur le consensus entre les maires.</p>
<p>C’est alors le bureau ou la conférence des maires qui est l’instance décisionnelle et non pas l’assemblée métropolitaine. La formule a l’avantage de ne pas léser les communes ; elle a l’inconvénient de déboucher sur des compromis qui permettent rarement la mise en œuvre d’orientations politiques ambitieuses en termes de mobilités, d’urbanisme ou d’habitat.</p>
<p>Le marchandage à huis clos entre maires prévaut –« à toi le prolongement d’une ligne de tram, à moi le financement pour une piscine »- au détriment de tout projet territorial d’ensemble. Le tout dans la plus totale <a href="https://croquant.atheles.org/savoiragir/lapolitiqueconfisquee">opacité démocratique</a>.</p>
<p>À Bordeaux, c’est cette formule qui a toujours prévalu depuis la création de la Communauté urbaine devenue métropole en 2015 et que l’on qualifie sobrement de « cogestion ».</p>
<p>Elle a débouché sur une incapacité de l’intercommunalité à contrôler la périurbanisation, à juguler l’explosion du trafic automobile, à rééquilibrer la distribution du logement social dans l’espace métropolitain et a doté l’agglomération d’un réseau de tramway dont les extensions ont toujours été davantage dictées par des <a href="https://journals.openedition.org/metropoles/7118">considérations politiques</a> que par des impératifs de mobilités.</p>
<p>C’est pourtant la formule qui a les faveurs d’un Alain Anziani, maire PS de Mérignac, partisan du développement de l’aéroport situé sur sa commune et du maintien de la navette Air France qui le relie à Orly, et candidat à la présidence de la métropole discrètement soutenu par les maires LR et LREM.</p>
<p>À Grenoble, c’est Christophe Ferrari qui incarne cette défense de la cogestion. Maire de la commune du Pont-de-Claix, ancien membre du parti socialiste, il préside Grenoble Métropole depuis 2014 à la tête d’un groupe baptisé « Agir pour un développement intercommunal et solidaire » (ADIS) qui fédère les maires de 25 communes, apparentés socialistes ou communistes ou dirigeant des <a href="https://www.francebleu.fr/infos/politique/metropole-de-grenoble-au-lendemain-du-deuxieme-tour-le-duel-ferrari-mongaburu-est-lance-1593452261">petites communes sans étiquette partisane</a>.</p>
<p>Ce groupe s’est clairement constitué pour contenir l’influence de la ville-centre, dirigé par une alliance EELV/FI avec à sa tête Eric Piolle. Aujourd’hui, Christophe Ferrari entend bien maintenir cet attelage malgré la progression des Verts dans la métropole.</p>
<h2>Faire le pari du jeu majoritaire à l’échelle métropolitaine</h2>
<p>La seconde formule impliquerait l’imposition d’un rapport de force majoritaire à l’échelle des métropoles. Ici, le programme d’action de l’intercommunalité serait le fruit d’un accord entre groupes capables de former une majorité – les Verts et le PS essentiellement – et aurait vocation à s’imposer aux communes dirigées par des équipes appartenant à l’opposition intercommunale – droite, centre et divers droite.</p>
<p>Le centre du pouvoir glisserait du bureau des maires vers le conseil métropolitain. Cette formule permettrait de mettre les puissantes technostructures métropolitaines au service d’un projet de territoire clairement affiché. Elle organiserait une certaine relégation du pouvoir municipal au second plan mais elle aurait le mérite de donner plus de visibilité à l’espace politique métropolitain, là où les compétences et les ressources d’action sont aujourd’hui concentrées.</p>
<p>Pour l’heure, cette seconde formule semble avoir les faveurs de <a href="https://www.20minutes.fr/bordeaux/2728063-20200227-municipales-2020-bordeaux-ecolos-veulent-fin-cogestion-metropole">Pierre Hurmic, nouveau maire EELV de Bordeaux mais aussi de Clément Rossignol Puech</a> de la métropole), maire écologiste réélu à Bègles. Toutefois, en s’affranchissant ainsi de la tradition de la « cogestion », ils risquent de se heurter à une coalition improbable entre notables socialistes ou de droite qui ne veulent ni d’un président écologiste à la métropole ni d’une formule majoritaire.</p>
<p>À Strasbourg, l’échec de la fusion entre les listes EELV et socialiste entre les deux tours s’explique par le refus de Jeanne Barseghian de reconduire la gestion intercommunale au consensus face à une Catherine Trautman voulant prendre la présidence de la métropole et reconduire la cogestion.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1280791886849093633"}"></div></p>
<p>À Grenoble, cette conception plus politisée de la gouvernance métropolitaine est portée par Yann Mongaburu, élu grenoblois, membre de l’équipe sortante d’Eric Piolle, et qui entend bien débaucher quelques-uns des maires du groupe ADIS pour constituer une majorité métropolitaine claire et faire voler en éclats les petits arrangements intercommunaux entre maires.</p>
<h2>Démocratiser les métropoles</h2>
<p>Les ambitions démocratiques que les Verts ont affichées lors de la campagne ne doivent pas les conduire à se rétracter sur les échelles du proche, des municipalités notamment. La mise en œuvre de leurs ambitions de changer la ville doit les conduire à se projeter au niveau métropolitain. C’est seulement à cette échelle que les enjeux de maîtrise de l’urbanisation, de logement, de mobilités, d’alimentation, de complémentarité ville-campagne et tant d’autres encore, peuvent être pris en charge.</p>
<p>Pour déployer leurs ambitions à ce niveau les Verts devront s’appuyer sur des majorités claires et idéologiquement cohérentes, porteuses de vrais projets de territoire. Ils devront pour cela pouvoir compter sur la capacité des élus socialistes à sortir des logiques de la cogestion et des marchandages occultes entre maires.</p>
<p>Ce serait une première étape vers la démocratisation des métropoles. La seconde sera l’élection au suffrage universel direct des conseils métropolitains. Mais sur ce point, les élus locaux n’ont pas la main et la balle est dans le camp du législateur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pinson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les écologistes ne construisent pas des majorités claires à l’échelle des métropoles, ils risquent de perdre le bénéfice de leur percée du 28 juin.Gilles Pinson, Professeur de science politique, Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1378002020-06-07T18:30:48Z2020-06-07T18:30:48ZTous au vert ? Scénario rétro-prospectif d’un exode urbain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338862/original/file-20200601-95049-tdtj45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=271%2C54%2C4361%2C2855&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le confinement a réveillé le fantasme d’une campagne idéalisée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-woman-sitting-on-grass-drinking-1161255400">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Dans le cadre du cinquième anniversaire de The Conversation France, nous vous invitons à réfléchir à l'opposition traditionnelle entre villes et campagnes… En attendant d’évoquer plus largement la question des différentes façons de vivre la ville lors de notre rencontre du 8 octobre prochain à Grenoble.</em></p>
<hr>
<p>Dès le début de la pandémie de Covid-19, la densité de population est apparue comme un facteur déterminant de la propagation du virus. Cette corrélation entre pandémie et densité est aujourd’hui remise en cause par les scientifiques, notamment au regard de la multifactorialité de l’épidémie. L’âge, la qualité des services de soin, le type de métier, le mode de cohabitation des ménages, les habitudes culturelles… sont autant d’éléments qui contribuent à accentuer ou non la pandémie.</p>
<p>Pour autant, les postures critiques vis-à-vis de la ville et de ce qu’elle nous révèle de nos modèles socio-économiques ne faiblissent pas. Si cette pensée radicale n’est pas nouvelle, elle réémerge en période de crise et nous invite à poser la question de l’urbain au regard de la propagation virale et de la distanciation sociale au moment du déconfinement, mais aussi en tant que reflet de la société.</p>
<p>Creuset de tous les maux, la ville est mise au banc des accusés et les disparités de densité révèlent d’autres inégalités, à la fois sociales, culturelles économiques.</p>
<p>Dans ce contexte, certains experts et décideurs s’enthousiasment autour de l’idée d’une possible revanche des campagnes. De nombreux auteurs et journalistes voient dans la migration massive des Franciliens vers leurs résidences secondaires pendant le confinement le signe annonciateur d’un futur exode urbain.</p>
<p>L’observation des dynamiques démographiques sur un temps long montre que les espaces ruraux, y compris loin des villes, se repeuplent en effet depuis les années 2000, ce qui participe à la revitalisation des campagnes, sans nécessairement affaiblir pour autant les villes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/339437/original/file-20200603-130961-1pndcve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339437/original/file-20200603-130961-1pndcve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339437/original/file-20200603-130961-1pndcve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339437/original/file-20200603-130961-1pndcve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339437/original/file-20200603-130961-1pndcve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339437/original/file-20200603-130961-1pndcve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339437/original/file-20200603-130961-1pndcve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339437/original/file-20200603-130961-1pndcve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Migrations résidentielles entre les grands pôles urbains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Magali Talandier</span></span>
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<p>Si aucune accélération du phénomène n’est enregistrée, on peut tout de même se demander à quoi ressemblerait cette France post-exode-urbain, qui se serait reconnectée à sa ruralité et aurait retrouvé une équidensité de peuplement. Quelles seraient les conséquences de cette dé-densification massive des villes ?</p>
<h2>Quand la France était « équidense »</h2>
<p>Cette géographie idéalisée a en réalité déjà existé. Elle correspond à la France de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, au tout début de la révolution industrielle. En 1876, la population française est répartie de façon beaucoup plus homogène dans l’espace qu’elle ne l’est aujourd’hui.</p>
<p>La France métropolitaine compte alors 38 millions d’habitants, une densité moyenne de 70 habitants au km<sup>2</sup> et plus de la moitié de la population habite dans ce que nous appellerions aujourd’hui le rural.</p>
<p>Cette répartition spatialement équitable traduit le fait que les hommes habitent au plus près de leur force de travail, laquelle est essentiellement liée à la terre. En 2017, la France métropolitaine recense plus de 64 millions d’habitants, une densité de 119 habitants au km<sup>2</sup> et moins d’un quart de la population vit dans une commune de moins de 2 000 habitants.</p>
<p>En 150 ans, la population a donc presque doublé, entre autres parce que l’espérance de vie est passée de 43 à 86 ans. Il est vrai que cette croissance démographique s’est fortement polarisée dans l’espace, puisque les trois quarts de la hausse de population enregistrée s’est concentrée sur seulement 5 % de la superficie du pays, ce qui nous conduit aux densités actuelles tant décriées.</p>
<p>Si l’on projette un scénario de dé-densification massive des espaces urbaines pour revenir à cette géographie en apparence plus égalitaire, quelles seraient les variations de population et les conséquences pour les territoires ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/339136/original/file-20200602-133875-23uely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339136/original/file-20200602-133875-23uely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339136/original/file-20200602-133875-23uely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339136/original/file-20200602-133875-23uely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339136/original/file-20200602-133875-23uely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339136/original/file-20200602-133875-23uely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339136/original/file-20200602-133875-23uely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339136/original/file-20200602-133875-23uely.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Densité de la population en 1876 et 2017. Il n’y pas de données disponibles pour la Corse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données Insee, calculs et cartographie de Magali Talandier</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Des populations qui tripleraient à la montagne</h2>
<p>À partir des données historiques disponibles, il est possible d’imaginer une France néo-rurale pour en tirer quelques leçons contemporaines. Pour cela, la population de 2017 est répartie entre les communes, au prorata du poids qu’elles occupaient en 1876.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/339134/original/file-20200602-133855-157kifz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339134/original/file-20200602-133855-157kifz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339134/original/file-20200602-133855-157kifz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339134/original/file-20200602-133855-157kifz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339134/original/file-20200602-133855-157kifz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339134/original/file-20200602-133855-157kifz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=645&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339134/original/file-20200602-133855-157kifz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=645&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339134/original/file-20200602-133855-157kifz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=645&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Variation de la population rétroprospective qu’il faudrait opérer pour retrouver la géographie de la fin du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données Insee, calculs et cartographie de Magali Talandier</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Retrouver la répartition de population du XIX<sup>e</sup> siècle impliquerait une réduction massive de la population urbaine, ville-centre et proche périphérie, au profit des campagnes et des montagnes. Le littoral méditerranéen et son arrière-pays proche, ainsi que les zones touristiques et attractives de la côte atlantique devraient aussi se dépeupler.</p>
<p>Sans la réalité des chiffres, on pourrait presque penser que le modèle est soutenable. Mais si l’on précise un peu les dynamiques observées, on se rend compte qu’il faudrait doubler la population rurale.</p>
<p>Pour retrouver la géographie du XIX<sup>e</sup> siècle, la ville de Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées passerait ainsi de 7 200 habitants à 16 100. Celle de Charolles, en Saône-et-Loire, de 2 700 à 6 200, et la commune de Murat, dans le Cantal, verrait sa population bondir de 1 880 habitants à près de 5 900.</p>
<p>Avec une surface moyenne des appartements située à 32 m<sup>2</sup> par personne en France, il faudrait construire plus de 130 000 m<sup>2</sup> à Murat, soit 1 900 logements de 70 m<sup>2</sup> ou bien encore près de 40 immeubles de 8 étages pour assurer cette transition néo-rurale.</p>
<p>Certains espaces de montagne verraient tripler leur population résidente, c’est le cas globalement des Pyrénées, ou dans une moindre mesure du Massif central. Les Alpes, en revanche, n’enregistreraient qu’une faible hausse de 15 % et le Jura resterait stable puisqu’il pèse, en 2017, un poids équivalent à celui de 1876.</p>
<h2>Des villes pas forcément moins denses</h2>
<p>À l’inverse, certaines villes apparaissent proportionnellement moins peuplées en 2017 qu’en 1876. La capitale française, par exemple, devrait accroître sa population de 54 % et atteindre ainsi les 3,3 millions d’habitants pour retrouver son poids dans la population française.</p>
<p>En 1876, 5,2 % de celle-ci vivait à Paris pour 3,2 % aujourd’hui. Bordeaux devrait voir sa population progresser de près de 50 % et dépasser les 370 000 habitants. Lyon, Lille et Saint-Étienne enregistreraient des hausses démographiques de 15 à 30 %.</p>
<p>Outre ces quelques exceptions, l’ensemble des villes françaises devraient globalement se dépeupler et se dédensifier. Les villes moyennes, qui ont enregistré les plus fortes progressions de population au cours des deux derniers siècles, pourraient donc subir aussi ces mouvements d’exode urbain. Si l’on se fonde sur la géographie du XIX<sup>e</sup> siècle, Romans-sur-Isère ou Albi perdraient plus de 10 000 habitants et Colmar plus de 30 000.</p>
<h2>Le risque d’une gentrification rurale</h2>
<p>À partir de ce scénario rétro-prospectif, il est possible de discuter des conséquences des aspirations ou des appels à la dé-densification massive des villes. Pour dédensifier sérieusement les villes, il faut songer à urbaniser les campagnes, artificialiser de nombreux espaces fragiles et protégés.</p>
<p>Pour garantir un accès à l’emploi, à la santé, à l’éducation dans un modèle d’habitat dispersé, il faut prévoir de développer les réseaux numériques, énergétiques, routiers afin d’assurer la connexion de ces espaces. Les déplacements motorisés augmenteraient, les prix dans ces espaces nouvellement convoités sans doute aussi, provoquant une forme de gentrification rurale, qui peut déjà s’exprimer dans les campagnes les plus attractives. Le corollaire de ce déménagement territorial pourrait même se traduire finalement par un nouvel engouement pour les villes.</p>
<p>Finalement, cette projection nous montre surtout à quel point ville et campagne sont profondément reliées et constituent en réalité les deux facettes d’un même modèle territorial. Si en ces temps anxiogènes, la ville repoussoir trouve son pendant dans la campagne refuge, cela ne remet pas en cause la nécessité de travailler à l’amélioration des interactions spatiales, plutôt que d’appeler à soutenir de nouvelles fractures.</p>
<h2>Au-delà de l’opposition entre ville et campagne</h2>
<p>Le rapport affectif que les Français entretiennent avec le monde rural est un ciment important pour la cohésion territoriale. L’attractivité retrouvée de certaines campagnes depuis 20 ans, n’a jusque-là pas remis en cause la dynamique urbaine dont nous avons aussi besoin.</p>
<p>L’urbanisation a bien sûr ses limites, mais il me semble que les enjeux pour l’action ne sont pas tant liés à la densité des villes, qu’à la qualité des espaces. Cela passe par une déminéralisation des espaces pour redonner une place à la nature, favoriser la biodiversité, réduire les îlots de chaleur.</p>
<p>Il y a également un enjeu très fort autour de la reconnexion des espaces fonctionnels de vie, de travail, de loisir pour réduire les mobilités et accroître le bien-être des populations. Sur ce dernier point, les villes moyennes ont une opportunité à saisir en offrant dans la proximité à la fois des ressources résidentielles, productives et récréatives.</p>
<p>Dans tous les cas, les approches clivantes de l’espace, opposant ville et campagne, centre et périphérie, ne nous font avancer. Au contraire, s’il doit y avoir un nouveau modèle de résilience à l’issue de la crise, c’est sur l’exceptionnel maillage de l’espace géographique de la France et sur le couple ville-campagne hérité de notre histoire, qu’il doit se construire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137800/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Magali Talandier a reçu des financements de CNRS-INSHS.</span></em></p>Avec le confinement, le rêve du retour à la campagne a émergé dans l’esprit de nombreux citadins. Mais à quoi ressemblerait une France dont la densité serait mieux répartie entre villes et campagne ?Magali Talandier, Professeure des universités en études urbaines, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1373152020-04-28T19:35:45Z2020-04-28T19:35:45ZLe coronavirus, révélateur des inégalités territoriales françaises<p>Dès les premiers signes de l’épidémie de Covid-19, les commentateurs ont relevé les différences d’exposition selon les régions en insistant dans un premier temps sur l’apparition du <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/08/coronavirus-la-france-sur-la-piste-de-son-patient-zero_6036012_3224.html">patient zéro</a>, puis sur les <a href="https://www.bfmtv.com/societe/carte-voici-les-departements-qui-ont-perdu-le-plus-de-population-pendant-le-confinement-1891857.html">mouvements de population</a>. Au-delà de ces aspects ponctuels, la concentration géographique de l’épidémie a amené à regarder du côté des <a href="https://theconversation.com/les-specificites-territoriales-grandes-oubliees-de-lanalyse-de-la-crise-136506">disparités entre les régions françaises</a>. C’est à ce besoin d’une approche socio-économique spatialisée que répond ce texte.</p>
<p>En effet, l’emploi du terme <em>clusters</em>, pour décrire les foyers d’infection, et le focus sur le Grand Est, les Hauts-de-France et l’Ile-de-France qui concentrent le plus grand nombre de cas conduisent à se demander de quels mécanismes répond la répartition spatiale de ce virus.</p>
<p>Certes, les facteurs individuels sont essentiels pour expliquer la probabilité de contracter la maladie et son issue. Cependant, l’importance des facteurs socioéconomiques locaux comme facteur explicatif de l’état de santé des populations et des taux de mortalité est démontrée par la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/ampleur-tendance-et-causes-des-inegalites-sociales-de-sante-et-de-mortalite-en-europe-une-revue-des-etudes-comparatives">littérature</a>.</p>
<p>Dès le début de l’épidémie, les mouvements des populations aisées des grandes métropoles, notamment Paris, vers leurs <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200402.OBS26960/edouard-philippe-tacle-les-francais-partis-en-confinement-dans-leur-maison-secondaire-de-province.html">résidences secondaires</a> localisées dans les départements de Normandie et de Bretagne et de Vendée ont été pointés comme facteurs de diffusion de l’épidémie.</p>
<p>Plusieurs articles de presse ont également mis l’accent sur la <a href="https://www.franceinter.fr/societe/pourquoi-la-lozere-est-le-departement-francais-le-moins-touche-par-le-covid-19">densité</a> comme facteur explicatif des taux élevés de coronavirus, en Ile de France notamment, et sur la situation des hôpitaux publics et de la médecine de ville.</p>
<p>Enfin, plus récemment, le rôle de la pauvreté a été souligné pour expliquer le non-respect du confinement, en <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/04/07/covid-19-que-disent-les-chiffres-de-la-mortalite-en-seine-saint-denis_1784484">Seine Saint-Denis</a> notamment.</p>
<p>Suivant cette logique, nous mobilisons trois grandes familles de variables locales pouvant potentiellement affecter le taux de malades et le taux de mortalité liés au Covid-19 : des déterminants économiques, des déterminants démographiques et des déterminants liés au cadre de vie.</p>
<h2>Géographie en temps de Covid-19</h2>
<p>La publication en ligne des données sur la répartition géographique du nombre de cas de Covid-19 nécessitant une hospitalisation et du nombre de décès liés à ce virus (ministère des Solidarités et de la Santé) ainsi que celles des décès quotidiens à l’hôpital (Insee) a permis de rapidement dresser le portrait des départements français. Les cartes suivantes rendent compte de l’hétérogénéité spatiale, très tôt décelée par le secteur médical, de la maladie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/330707/original/file-20200427-145525-1wmk61d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330707/original/file-20200427-145525-1wmk61d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330707/original/file-20200427-145525-1wmk61d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330707/original/file-20200427-145525-1wmk61d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330707/original/file-20200427-145525-1wmk61d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330707/original/file-20200427-145525-1wmk61d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330707/original/file-20200427-145525-1wmk61d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330707/original/file-20200427-145525-1wmk61d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1 : Taux d’hospitalisation pour le Covid-19 par département (par décile) (soit total des nouvelles hospitalisations enregistrées entre la semaine 9 et la semaine 15).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère des Solidarités et de la Santé. Calculs et cartographie des auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/330713/original/file-20200427-145566-11avog6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330713/original/file-20200427-145566-11avog6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330713/original/file-20200427-145566-11avog6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330713/original/file-20200427-145566-11avog6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330713/original/file-20200427-145566-11avog6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330713/original/file-20200427-145566-11avog6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330713/original/file-20200427-145566-11avog6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330713/original/file-20200427-145566-11avog6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Taux de décès dus au Covid-19 en milieu hospitalier par département (par décile) soit nombre de décès reportés entre la semaine 9 et la semaine 15.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère des Solidarités et de la Santé. Calculs et cartographie des auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/330715/original/file-20200427-145513-1cijvvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330715/original/file-20200427-145513-1cijvvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330715/original/file-20200427-145513-1cijvvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330715/original/file-20200427-145513-1cijvvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330715/original/file-20200427-145513-1cijvvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330715/original/file-20200427-145513-1cijvvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330715/original/file-20200427-145513-1cijvvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330715/original/file-20200427-145513-1cijvvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : Taux de surmortalité par département au 30 mars 2020 par rapport à la moyenne de 2018 et 2019 (par décile).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Insee ; calculs et cartographie des auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les départements les plus touchés, quel que soit l’indicateur retenu, sont ceux de la région Grand Est, des Hauts-de-France et de l’Ile-de-France. On note également de plus forts taux d’hospitalisation et de mortalité le long de la vallée du Rhône. En revanche, la moitié ouest du pays, et notamment le quart sud-ouest, apparaît relativement moins touchée par le Covid-19.</p>
<h2>Techniques d’analyse spatiale</h2>
<p>Nous avons cherché à identifier les facteurs socio-économiques locaux susceptibles d’expliquer la prévalence et la mortalité liée à la maladie. Pour ce faire, nous avons mobilisé des <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2004-1-page-151.htm">techniques d’analyse spatiale</a> permettant de repérer les groupes de départements particulièrement touchés ou épargnés et d’isoler les facteurs explicatifs pertinents une fois pris en compte ces effets de contagion liés à la proximité spatiale.</p>
<p>Elles nous ont permis de repérer les <em>clusters</em> ou groupes de départements dans lesquels les taux mesurés sont soit significativement supérieurs, soit significativement inférieurs à ce qui serait observé si la répartition des taux était le seul fruit du hasard.</p>
<p>Ainsi, les départements de l’est de la France et du bassin parisien forment un <em>cluster</em> caractérisé par des taux d’hospitalisation, de mortalité liée au Covid-19 et de surmortalité largement supérieurs à ceux des départements avoisinants tandis qu’un grand quart sud-ouest et une partie de la Bretagne des taux significativement plus faibles.</p>
<h2>Une dimension socio-économique locale marquée</h2>
<p>S’intéresser à la dimension socio-économique locale de l’épidémie permet d’en mieux comprendre les vecteurs de propagation. D’abord parce que les différences d’un territoire à l’autre en matière de santé ou de maladie sont de plus en plus souvent pointées par les <a href="https://cepr.org/active/publications/discussion_papers/dp.php?dpno=14519">experts</a> dans les analyses internationales et régionales.</p>
<p>Ensuite, car l’organisation du système de santé est territorialisée depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020879475&categorieLien=id">loi</a> portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), du 21 juillet 2009.</p>
<p>Afin de comprendre l’intensité du Covid-19 et ses conséquences sur la mortalité au sein de chaque département d’une part et sa diffusion spatiale de l’autre, nous avons modélisé les trois indicateurs en intégrant à nos analyses trois ensembles de variables :</p>
<ul>
<li><p>démographiques : la densité de population au km<sup>2</sup>, la part des ouvriers dans la population totale et le taux d’inactifs.</p></li>
<li><p>économique : l’écart interdécile de la distribution des revenus, c’est-à-dire l’écart entre les 10 % des revenus les plus faibles et les 10 % des revenus les plus élevés.</p></li>
<li><p>de cadre de vie : la part des résidences secondaires, le nombre de services d’urgences et une indicatrice distinguant les départements urbains et ruraux.</p></li>
</ul>
<h2>Le rôle de la densité et des populations non confinées</h2>
<p>Les résultats de l’estimation des déterminants du taux d’hospitalisation et de mortalité mettent en évidence le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/cplx.10003">rôle positif de la densité</a>, conforme à celui attendu. L’importance de la densité de population dans la propagation du Covid-19 a été fortement discutée dès le début de l’épidémie en <a href="https://blogs.worldbank.org/sustainablecities/urban-density-not-enemy-coronavirus-fight-evidence-china">Chine</a>.</p>
<p>Le rôle de cette variable est d’autant plus important qu’il est lié au <a href="https://www.liberation.fr/sciences/2020/04/09/discussions-scientifiques-autour-de-la-transmission-du-covid-19_1784719">nombre de reproduction de base</a> (connu sous l’abréviation R0) souvent estimé entre 2 et 4, reconnu comme très élevé par les <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/les-maths-pour-mieux-comprendre-le-covid-19_143171">épidémiologistes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330980/original/file-20200428-110748-hs721c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330980/original/file-20200428-110748-hs721c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330980/original/file-20200428-110748-hs721c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330980/original/file-20200428-110748-hs721c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330980/original/file-20200428-110748-hs721c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330980/original/file-20200428-110748-hs721c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330980/original/file-20200428-110748-hs721c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Travailleurs sur un chantier à Montpellier, le 27 avril 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pascal Guyot/AFP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le taux d’hospitalisation est également positivement et significativement corrélé à la part des ouvriers dans la population active qui va de 3,7 % à Paris à 14 % dans la Mayenne.</p>
<p>Cela confirme le risque d’exposition accru de cette catégorie sociale (conducteurs des systèmes de transport, livreurs, services de voirie et de nettoyage dans la fonction publique territoriale, réparations d’urgence dans les industries de réseaux, etc.) en raison des moindres possibilités de pratique du télétravail et de leur participation plus élevée aux plans de continuité d’activité mis en œuvre dès le début du confinement.</p>
<h2>Les inégalités sociales</h2>
<p>Les inégalités sociales approximées par l’écart interdécile des revenus influencent également de manière positive et significative le taux d’hospitalisation.</p>
<p>Enfin, le nombre de services d’urgences exerce une influence significative négative sur le taux d’hospitalisation, semblant ainsi confirmer qu’une bonne prise en charge médicale permet de réduire le risque d’évolution dangereuse de la maladie. Il n’a cependant pas été possible d’introduire le nombre de médecins pour 1 000 habitants en raison de la forte corrélation (0,87) entre cette variable et le nombre de services d’urgences.</p>
<p>Il est à noter que la part des résidences secondaires n’est pas significative. Elles avaient été soupçonnées d’avoir aggravé la propagation de l’épidémie au cours des jours ayant suivi l’annonce du confinement en attirant des ménages en provenance de la région parisienne, très touchée par l’épidémie. L’effet de diffusion entre les départements localisés à proximité les uns des autres est très largement confirmé par notre recherche.</p>
<p>L’estimation des taux de surmortalité qui ne sont pas exclusivement liés à l’épidémie, permet de capter les décès aux Ehpad et ceux des personnes non testées mais décédées du Covid-19.</p>
<p>Les résultats obtenus sont similaires aux précédents pour les variables démographiques et la variable économique. L’influence négative des services d’urgence disparait dès que l’ensemble des décès (environ 600 000 par an selon l’<a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mortalite-cause-deces/deces-sexe/">INED</a>) est pris en considération.</p>
<p>Leur répartition peut expliquer cette absence de résultats. En effet, en 2016, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3134763">59,2 % des décès ont eu lieu dans des établissements de santé</a> (hôpital ou clinique) si bien que pour nombre d’entre eux, les services d’urgences ne sont pas un point de passage contrairement à ce qui se produit pour le Covid-19.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/330719/original/file-20200427-145566-vopfho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330719/original/file-20200427-145566-vopfho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330719/original/file-20200427-145566-vopfho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330719/original/file-20200427-145566-vopfho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330719/original/file-20200427-145566-vopfho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330719/original/file-20200427-145566-vopfho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=226&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330719/original/file-20200427-145566-vopfho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=226&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330719/original/file-20200427-145566-vopfho.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=226&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li>Indique dans quelle mesure les effets de débordements interviennent d’un département à l’autre</li>
</ul>
<h2>Vers une régionalisation poussée des politiques de santé</h2>
<p>Les éléments liés au contexte économique, démographique et social interviennent comme facteurs explicatifs de la probabilité de contracter le Covid-19 et de ses conséquences. Les départements les plus denses, les plus inégalitaires ainsi que ceux dans lesquels la part d’ouvriers est la plus élevée sont aussi les plus vulnérables.</p>
<p>Ces caractéristiques soulignent la complémentarité entre les politiques de santé d’une part et les politiques sociales et de redistribution de l’autre. Le rôle des services d’urgence comme facteur de réduction des manifestations de l’épidémie va dans le même sens.</p>
<p>Il montre en effet qu’en présence d’inégalités, les services publics, en l’occurrence de santé, permettent de protéger les populations de la maladie et de réduire les décès. Dans cette épidémie, les départements ruraux sont relativement épargnés par rapport aux départements métropolitains qui présentent aussi des faiblesses au niveau de la prise en charge des malades. Rappelons à titre d’exemple qu’avec 66,5 généralistes pour 75 000 habitants, la Seine-Saint-Denis est le <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/lhopital-a-bout-de-souffle/00092369">plus grand désert médical</a> de France.</p>
<p>Ces conclusions vont dans le sens d’une régionalisation poussée de la mise en œuvre des politiques de santé.</p>
<p>Menées au plus près des territoires, ces dernières peuvent en effet être en mesure de mieux prendre en considération les effets de proximité géographique et socio-économiques qui prévalent au niveau de leur périmètre d’action et, ainsi, être mieux à même d’affecter les ressources humaines et financières.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte fait écho à notre <a href="https://economix.fr/pdf/dt/2020/WP_EcoX_2020-4.pdf">article</a> : « Covid-19 : analyse spatiale de l’influence des facteurs socio-économiques sur la prévalence et les conséquences de l’épidémie dans les départements français ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137315/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Portrait de la France durant la crise sanitaire : les disparités entre territoires doivent inciter les pouvoirs publics à jouer la carte de la régionalisation.Nadine Levratto, Directrice de Recherche au CNRS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresGiuseppe Arcuri, Maître de Conferences, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneMounir Amdaoud, Economiste, membre associé au laboratoire CEPN, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1369842020-04-28T19:34:47Z2020-04-28T19:34:47ZPourquoi la décentralisation n'est pas un remède miracle contre le Covid-19<p>Noah Feldman, professeur de droit à Harvard, estime que le fédéralisme est l’une, si ce n’est la principale <a href="https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2020-03-19/coronavirus-pandemic-shows-challenges-of-u-s-federalism">faiblesse des États-Unis face à la pandémie</a>. En Europe, le même sentiment semble s’être diffusé. En Suisse, Serge Gumy, le rédacteur en chef du journal <em>La Liberté</em>, conclut que dans cette situation <a href="https://www.laliberte.ch/dossiers/les-opinions-du-redacteur-en-chef-de-la-liberte/articles/l-union-nationale-a-quelques-fissures-557251">« le fédéralisme est décidément un remède périmé »</a>. De même en va-t-il dans les États régionaux fortement décentralisés (notons d’ailleurs que le degré <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/autonomie-collectivites-territoriales-une-comparaison-europeenne">d’autonomie des régions n’est pas directement corrélé à la forme unitaire ou fédérale de l’État</a>). En Italie, où la santé relève de la compétence des régions, un <a href="https://www.corriere.it/politica/20_aprile_12/coronavirus-gli-italiani-governatori-meglio-roma-sondaggio-sull-emergenza-96ceefb0-7c32-11ea-8e38-cc2efdc210dd.shtml">récent sondage</a> montre que 50 % des habitants pensent que la question devrait être gérée exclusivement (18 %) ou principalement (32 %) par le gouvernement, tandis que 35 % sont d’avis que ce rôle appartient aux régions, exclusivement (8 %) ou majoritairement (27 %).</p>
<p>En France, l’opinion publique semble sur la même ligne. Selon une <a href="https://www.opinion-way.com/fr/sondage-d-opinion/sondages-publies/opinionway-pour-le-printemps-de-l-economie-vague-4-avril-2020/download.html">enquête</a> réalisée au début de la crise, 57 % des Français jugent que la santé devrait être gérée au niveau national (contre 27 % qui considèrent qu’elle devrait l’être au niveau international et seulement 11 % qui donnent la préférence au niveau local). Rappelons à cet égard que l’une des raisons majeures de la pénurie de masques provient d’une décision de décentralisation prise et reconnue comme telle par Marisol Touraine sur recommandation d’un avis du <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/hfds/Documents/doctrine_de_protection_des_travailleurs_face_aux_maladies_hautement_pathogenes_a_transmission_respiratoire.pdf">Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale du 16 mai 2013</a>. Il s’agissait alors de s’appuyer non pas seulement sur les autorités déconcentrées de l’État, mais aussi sur les collectivités et les entreprises.</p>
<p>De manière étonnante, le débat sur la régionalisation de la santé semble pourtant se déployer en France en se fondant sur la simple comparaison avec le modèle allemand. Dans la continuité de la <a href="https://www.institut-rousseau.fr/decentralisation-et-organisation-territoriale-vers-un-retour-a-letat">note produite par l’Institut Rousseau</a>, nous proposons ici des éléments pour comprendre pourquoi un tel mouvement semble, au vu de la littérature scientifique, et de l’analyse de la crise ailleurs en Occident, relever d’un contresens dangereux. En attendant des données fiables sur l’évolution de pandémie dans chaque pays, deux aspects peuvent faire à ce stade l’objet d’une comparaison : la manière dont la décentralisation affecte l’organisation hospitalière ; et la coordination des États face à la crise.</p>
<h2>La crise hospitalière</h2>
<p><em>Une régionalisation qui profite aux territoires les plus riches</em></p>
<p>Tendanciellement, les études portant sur la décentralisation du système de santé montrent que celle-ci conduit à creuser les inégalités. Les régions les plus riches peuvent investir quand les régions les plus pauvres, de leur côté, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-88-470-5480-6_7">réduisent leurs budgets de santé et la qualité des soins</a> ou <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/hec.1272">actent le creusement d’inégalités</a>. L’une des forces de l’Allemagne dans cette crise réside dans le fait que ce sont justement les régions les plus riches qui ont été très majoritairement touchées. Le 25 avril, 20,6 % des cas en Allemagne étaient recensés en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (31 465), la région la plus riche du pays ; 26,6 % en Bavière (40 547), deuxième région la plus riche ; et 19,8 % (30 169) en Bade-Wurtemberg, troisième région la plus riche. En tout, 67 % des malades allemands se concentrent donc dans les trois Länder les plus riches du pays. Là où l’inégalité aurait handicapé l’Allemagne en touchant les Länder les plus pauvres, elle la sert en touchant les plus riches.</p>
<p>L’<a href="https://mpra.ub.uni-muenchen.de/68690/1/MPRA_paper_39126.pdf">exemple italien</a> montre que les régions les plus riches ont les moyens d’investir dans un système de santé plus efficace alors que celui des régions les plus pauvres se détériore. Le creusement des inégalités a également été observé en <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/hpm.795">Espagne</a>, où le secteur privé a essentiellement permis aux habitants les plus aisés de pallier les déficiences du système de santé des régions les plus pauvres. Devant un tel phénomène, même une péréquation efficace échoue à résorber les inégalités. Les régions les plus riches, dotées d’un meilleur système de santé, peuvent en effet attirer des patients des <a href="http://www.ijhpm.com/article_2998.html">régions pauvres prêts à dépenser davantage</a>. Ce phénomène conduit à <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/health-economics-policy-and-law/article/how-health-care-regionalisation-in-italy-is-widening-the-northsouth-gap/D0A7F631A7BCD988B2CAD1686C607578">encore accroître les disparités</a>. Le risque est également de voir se développer une concurrence entre régions pour les praticiens qui, <em>in fine</em>, seraient <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(06)69566-4/fulltext">attirés par les collectivités les plus riches</a>.</p>
<p>Les régions pauvres se voient dès lors confrontées à un dilemme. Elles peuvent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168851008002339?via%3Dihub">augmenter la fiscalité</a> ou faire le choix d’investissements dans les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/hopitaux-allemands-cherchent-malades-18-04-2020-2371908_24.php">services les plus rentables</a>, ou des activités <a href="https://www.longwoods.com/content/19514">non directement médicales</a>.</p>
<p><em>L’idéalisation paradoxale du système hospitalier allemand</em></p>
<p>Si le système allemand a si bien su absorber l’épidémie, c’est pour les mêmes raisons qui le faisaient apparaître fondamentalement dysfonctionnel quelques mois plus tôt. Un <a href="https://www.bertelsmann-stiftung.de/de/themen/aktuelle-meldungen/2019/juli/eine-bessere-versorgung-ist-nur-mit-halb-so-vielen-kliniken-moeglich">rapport de la fondation Bertelsmann</a> le jugeait alors en grande partie obsolète et dispendieux, conseillant de faire passer de 1 400 à 600 le nombre d’établissements hospitaliers. La proximité et la capacité d’accueil, calculées par ailleurs très différemment de la <a href="https://www.parisdepeches.fr/2-Societe/2048-France/14112-Mortalite_France_manquait_lits_reanimation.html">France en réanimation</a>, se paient en effet, selon l’étude, d’une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(08)70179-7/fulltext">baisse de la qualité des soins</a> et d’un manque de personnel. Ce qui est un vrai défaut lorsqu’il s’agit de soigner des pathologies exigeant un matériel de pointe et des spécialistes se transforme en atout lors du traitement d’une pandémie qui nécessite essentiellement des lits et des respirateurs.</p>
<p>Le cas allemand est à cet égard assez emblématique des forces et des faiblesses de la régionalisation en matière de santé. Celle-ci ne produit pas seulement des inégalités entre régions, mais également au sein des régions elles-mêmes. En effet, la région a souvent du mal à faire des choix clairs car la complexité des enjeux locaux et la multiplicité des acteurs rend très faible le contrôle démocratique local : les électeurs se sentent peu légitimes à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953600000058?via%3Dihub">sanctionner les majorités locales</a> sur ce fondement et n <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10198-013-0485-0">e se sentent pas plus satisfaits des politiques menées</a>. L’idée d’un contrôle démocratique, parce que décentralisé, de la politique de santé est battue en brèche par les études. Le seul vrai facteur d’appréciation est celui de l’ultra-proximité des soins, qui peut se payer alors d’une forte perte de qualité, ce qui est le cas en Allemagne.</p>
<h2>La gestion de l’épidémie</h2>
<p><em>La cohérence de la réponse</em></p>
<p>Le 8 mars, Jens Spahn, le ministre allemand de la Santé, recommandait des mesures de confinement. Le 12 mars, c’est le gouvernement suisse qui tentait d’imposer des mesures aux cantons. Dans les deux cas, l’application des mesures fut longue et difficile à faire accepter. La coordination fédérale helvétique a ainsi fait l’objet de critiques importantes dans une nation pourtant très attachée à l’échelle cantonale. Le fédéralisme suisse révélerait ainsi à la fois <a href="https://www.tdg.ch/editorial/geneve-periode-glaciation/story/16730354">sa lenteur</a> et <a href="https://www.tdg.ch/suisse/suisse-egaux-face-coronavirus/story/23249222">ses inégalités</a>.</p>
<p>En Allemagne, les difficultés ont également été nombreuses. Les Länder ont attendu plusieurs jours avant d’appliquer les recommandations fédérales et pris des mesures en ordre dispersé. De manière assez électoraliste, le 10 avril, le ministre-président du Schleswig-Holstein, Daniel Günther, a autorisé les réunions de dix personnes pour Pâques, au risque de relancer l’épidémie. Pour l’édile démocrate-chrétien, le jeu en valait la chandelle… qu’importe la révolte des médecins et des sociaux-démocrates de l’opposition. La pandémie n’a pas créé seulement des oppositions entre l’État fédéral et les entités fédérées, mais également entre ces dernières. Le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale a ainsi procédé à la fermeture unilatérale de ses frontières. Aux États-Unis, l’État de Rhode Island a imposé une quarantaine obligatoire à tous les citoyens américains venant de l’État de New York.</p>
<p>Dans les États régionaux, la gestion de la crise a été rendue également très difficile par la décentralisation. Elle l’a toutefois été moins en Espagne qu’en Italie.</p>
<p>En Espagne, c’est en effet l’État central qui a pris en main l’ensemble du système de santé, au risque de provoquer une crise politique avec les régionalistes basques et catalans dont le gouvernement dépend pourtant au Parlement. Il n’en va pas de même en Italie où la <em>clausola di supremazia</em> prévue par la révision avortée de 2016, qui devait permettre une prise en main par l’État des compétences régionales en cas de manquement, n’a pas été adoptée. C’est l’une des raisons majeures de la crise, <a href="https://www.open.online/2020/03/23/coronavirus-il-costituzionalista-ceccanti-serve-la-clausola-di-supremazia-in-emergenza-giusto-rivedere-le-competenze-regionali-intervista/">selon le professeur Ceccanti de l’Université de Rome</a>. La lenteur de réaction de la Lombardie a largement contribué à faire de cette région l’épicentre de la crise en Europe <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/12/roberto-saviano-la-faiblesse-c-est-de-se-croire-invincible_6036361_3232.html">sans que Rome ait la possibilité de réagir</a>, bien que le gouvernement central soit intervenu auprès des autorités lombardes. Les régions transalpines, comme certaines de leurs homologues françaises, réclament aujourd’hui la fin précoce du confinement. Dans cette configuration, il est clair que le système administratif français – qui permet au gouvernement de prendre des mesures de police administrative pour l’ensemble du territoire qui peuvent, si les circonstances locales l’exigent, être notamment renforcées par le maire, en coordination avec le préfet – se révèle <a href="http://caen.tribunal-administratif.fr/A-savoir/Communiques/Refere-liberte-commune-de-Lisieux">bien moins dysfonctionnel</a>.</p>
<p>En pratique, on a assisté à une centralisation de tous les États devant la crise. Après de premiers errements, le président du Conseil des ministres italien a réussi à centraliser le pouvoir de décision – bien moins, toutefois, qu’en Allemagne ; ce malgré les plaintes de certains Länder, notamment la Bavière. La loi relative à la protection contre les infections a été modifiée le 25 mars, imposant une lecture unique de la conduite à tenir par les Länder. L’<em>Infektionsschutzgesetz</em> permet au ministre de la Santé d’adopter « des dérogations aux dispositions de la présente loi par voie de décret sans l’accord du Bundesrat », soit la chambre représentant les Länder. Certes, la chancelière consulte les ministres-présidents des Länder, mais l’Allemagne fonctionne aujourd’hui dans sa gestion de crise de manière bien plus centralisée que nombre d’États unitaires européens.</p>
<p><em>La mutualisation des moyens</em></p>
<p>Précédemment dans ce papier a été abordée la question de la disproportion des moyens de santé entre régions riches et régions pauvres engendrée par la décentralisation. En période de pandémie, cette inégalité ne peut être qu’imparfaitement compensée par la solidarité régionale. Dans son édition du 8 avril, <em>La Respublica</em> <a href="https://rep.repubblica.it/pwa/generale/2020/04/08/news/coronavirus_piu_posti_in_terapia_intensiva_e_sanita_centralizzata_cosi_la_francia_affronta_l_emergenza-253481193/">s’indignait</a> ainsi que les patients et personnels soignants ne puissent être redéployés sur l’ensemble du territoire national comme c’est le cas en France.</p>
<p>Dans l’Hexagone, la polémique sur la réquisition de masques par l’État ne s’explique que si l’on comprend qu’il s’agit d’affecter en priorité ces derniers aux zones les plus touchées par la pandémie. La réallocation de moyens par l’État permet ainsi de compenser les disparités territoriales, qu’elles soient liées à l’équipement initial des régions ou au fait qu’elles se trouvent en première ligne dans la crise. L’absence de centralisation en la matière créée la confusion en Allemagne même, et empêche d’allouer les ressources contraintes selon un ordre de priorité clair. À défaut de vraie coordination fédérale aux États-Unis, six États de la côte Est ont ainsi décidé de mutualiser et de coordonner leur action. De même en va-t-il de trois États de la côte Ouest. Dans <em>The Atlantic</em>, l’éditorialiste Derek Thompson a décrit les effets de la pandémie aux États-Unis jusqu’à présent comme <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/03/america-isnt-failing-its-pandemic-testwashington-is/608026/">« une sorte de caricature grotesque du fédéralisme américain »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1253734302887575552"}"></div></p>
<p>La décentralisation ne représente donc pas, tant s’en faut, un avantage dans la crise. Les débats français sur ce sujet devraient encore faire l’étonnement et susciter le ricanement de nos voisins qui se débattent dans les difficultés qu’elle entraîne. Cela ne signifie pas que des dysfonctionnements administratifs importants n’ont pas marqué la crise en France. Il ne faudrait toutefois en caricaturer ni les échecs, ni d’ailleurs le <a href="http://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2020/04/21/le-systeme-sanitaire-francais-est-il-centralise/">degré de centralisation</a>. De fait, les États plus décentralisés ont généralement eu bien plus de difficultés à gérer la crise, et le contre-exemple allemand ne l’est pas vraiment tant il est vrai que dans cette crise ce sont justement ses faiblesses qui ont fait ses forces comme l’a montré cet article.</p>
<p>Par ailleurs, des malades plus jeunes <a href="https://www.tagesspiegel.de/politik/coronavirus-in-europa-letalitaet-in-deutschland-30-mal-niedriger-als-in-italien-wie-ist-das-moeglich/25626678.html">(47 ans en moyenne contre 63 en Italie)</a>, le dépistage massif dès janvier, le confinement décidé plus tôt, un <a href="https://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/Profils-Sant%C3%A9-Pays-2017-FRANCE-Briefing-Presse.pdf">plus grand investissement dans la santé</a> ont beaucoup fait pour que la situation demeure moins dramatique et, donc, plus facilement gérable outre-Rhin. La capacité de produire plus rapidement des tests a également joué en faveur de ce pays qui n’a jamais cru dans l’utopie d’une économie de services et été capable de conserver sur son sol national la production d’un certain nombre de biens stratégiques.</p>
<p>L’affaiblissement de notre modèle productif – 90 % de la pénicilline produite en Chine – ou un budget de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) divisé par dix depuis 2007, semblent bien plus expliquer nos difficultés que le manque de décentralisation. Mais le reconnaître impliquerait de remettre en cause certains choix que nombre d’élites politiques ont épousés. Plus de décentralisation apparaît comme une revendication plus confortable. Déjà au programme avant la crise, la décentralisation en devient une solution. L’appel à la décentralisation relève à la fois du réflexe pavlovien et du confort idéologique. « Ne cherchons pas tout de suite à trouver la confirmation de ce en quoi nous avions toujours cru », déclarait Emmanuel Macron dans son discours du 13 avril. Espérons qu’en cette matière comme en d’autres, ces mots soient entendus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La décentralisation est parfois présentée, dans les débats actuels, comme la panacée en matière d’organisation de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Cette idée doit toutefois être nuancée.Benjamin Morel, Maître de conférences et droit public à Paris 2 Panthéon-Assas, chercheur au CERSA et chercheur associé à l'Institut des sciences sociales du politique (ISP), École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayAlexis Fourmont, Maître de conférences, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneBenoît Vaillot, Professeur agrégé et doctorant en histoire, Institut Universitaire Européen, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1368612020-04-23T17:25:56Z2020-04-23T17:25:56ZLa crise du Covid-19, l’aube d’une nouvelle ère pour les territoires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/329413/original/file-20200421-82684-rztjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C77%2C1171%2C722&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mi-mars, près de 17% des Parisiens auraient fui la capitale.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gajus / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans un récent <a href="https://theconversation.com/2020-la-revanche-des-territoires-ruraux-131451">article</a>, du temps de l'avant-confinement, nous évoquions les difficultés croissantes vécues par les habitants des grandes métropoles, leur envie de ruralité… Mais surtout, nous évoquions les nombreux atouts liés à l'installation d'activités économiques « <a href="https://www.xerficanal.com/iqsog/emission/Anne-Albert-Cromarias-Le-territoire-une-question-strategique-pour-l-entreprise_3747335.html">là où les autres ne sont pas</a> », rappelant ainsi qu'il s'agit d'un principe fondamental, mais trop souvent oublié, de la réflexion stratégique …</p>
<p>Mi-mars, un mois plus tard donc, nous avons assisté à un véritable <a href="https://www.nouvelobs.com/confinement/20200327.OBS26656/17-des-parisiens-ont-fui-la-capitale-a-cause-du-covid-voici-ce-que-cela-dit-d-eux.html">exode</a> des habitants des grandes métropoles face à la menace du Covid-19. Notamment (mais pas seulement), 17% des Parisiens auraient ainsi fui la capitale, anticipant (plus ou moins) l'enfer présumé du confinement à venir dans la promiscuité et les difficultés d'une grande ville. </p>
<p>Les conséquences supposées (puis avérées) du confinement sur la vie quotidienne ont incité ces urbains à préférer des coins du territoire plus tranquilles, où l'on bénéficie d'air pur et de logements plus vastes, parfois de jardins ou de la nature environnante, où associer l'indispensable « distanciation sociale » et l'approvisionnement en denrées de première nécessité est plus aisé.</p>
<p>L'assaut des résidences secondaires s'est avéré <a href="https://immobilier.lefigaro.fr/article/coronavirus-le-confinement-dans-les-residences-secondaires-fait-debat_c505a128-69bb-11ea-a768-fcc2dce54077/">réel</a>, posant par ailleurs de vraies questions sur le plan sanitaire à l'origine d'un accueil parfois <a href="https://www.europe1.fr/societe/coronavirus-la-fuite-des-parisiens-a-la-campagne-agace-et-inquiete-les-habitants-des-regions-concernees-3956085">plus que réservé</a> des autochtones … </p>
<p>Cet exode met surtout en exergue, en lien avec notre propos, les atouts avérés, mais si peu encouragés, des territoires ruraux sur la grande ville.</p>
<h2>Le télétravail comme révélateur</h2>
<p>Cette longue période de confinement impose à nombre d'entre nous de lâcher prise sur le quotidien ou, à tout le moins, de le réinventer. Chacun voit ses habitudes chamboulées et l'organisation du travail est, pour presque tous, inédite.</p>
<p>Près de <a href="https://www.lci.fr/emploi/coronavirus-pandemie-covid-19-confinement-9-millions-de-salaries-au-chomage-partiel-et-70-d-offres-d-emplois-en-moins-en-mars-selon-muriel-penicaud-2151161.html">9 millions de travailleurs</a> français seraient aujourd'hui au chômage partiel, et environ <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement-le-teletravail-explose-mais-45-des-actifs-francais-ne-travaillent-plus_3905921.html">45% de la population active</a> ne travaillerait plus, si l'on rajoute les salariés en arrêt maladie (notamment pour garde d'enfants).</p>
<p>Pour ceux qui peuvent poursuivre leur activité, le télétravail prend un essor totalement <a href="https://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/ressources-humaines/tele-travail/0603012447402-teletravail-le-coronavirus-lui-donne-un-vrai-coup-d-envoi-336504.php">inenvisageable il y a seulement encore quelques semaines</a>. Il restait en effet <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_analyses_salaries_teletravail.pdf">relativement anecdotique</a> dans des entreprises encore frileuses à l'idée de devoir lâcher la pointeuse, et pas nécessairement revendiqué non plus par des salariés attachés au lien social procuré par la présence sur le lieu de travail. Aujourd'hui, 5,1 millions de personnes seraient concernées en France.</p>
<p>Cela ouvre des perspectives nouvelles dans une économie de la connaissance, fortement tertiaire et digitalisée. Certes, tout n'est pas rose, loin de là, et les difficultés à télétravailler sont <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/covid-19-un-teletravail-force-et-degrade">nombreuses</a>, surtout lorsque l'on a de <a href="https://theconversation.com/parents-teletravailleurs-comment-concilier-linconciliable-134120">jeunes enfants</a> ou que l'on ne dispose ni d'un matériel adapté ni d'un wifi adéquat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1243121242149879810"}"></div></p>
<p>Cependant, les entreprises s'aperçoivent que les collaborateurs, même à distance et malgré les <a href="https://www.lci.fr/emploi/44-de-salaries-en-detresse-psychologique-quand-le-teletravail-devient-une-souffrance-2151509.html">difficultés</a> et le stress du confinement qu'il ne faut en aucun cas négliger, peuvent aussi rester <a href="https://theconversation.com/la-crise-dement-une-nouvelle-fois-le-discours-sur-le-desengagement-des-francais-au-travail-136334">engagés et performants</a>. Quant aux managers, dans le même temps, ils découvrent une nouvelle facette à leur activité, nécessitant de privilégier la confiance, l'autonomie et la <a href="https://solutions.lesechos.fr/equipe-management/c/teletravail-et-management-bien-manager-son-equipe-a-distance-20567/">priorisation plus précise</a> des missions, dans leurs objectifs et leurs contenus. Autant d'éléments positifs que les experts du management appellent de leurs voeux depuis longtemps.</p>
<p>D'ailleurs, au-delà de la situation sanitaire actuelle, espérons-le exceptionnelle, un télétravail choisi, partiel, et bien organisé, peut présenter de nombreux avantages. À l'heure où l'urgence des enjeux climatiques et environnementaux devient criante, il peut générer des externalités positives : baisse significative des temps et des coûts de transports, des embouteillages et de la <a href="https://www.rtbf.be/info/societe/detail_le-teletravail-un-outil-de-lutte-contre-la-pollution-a-apprivoiser?id=10225227">pollution induite</a>, réduction du stress, optimisation du temps de travail et de l'utilisation des locaux de l'entreprise, etc. Et, avec le travail à domicile rendu possible, on peut choisir d'habiter un peu plus loin de la grande ville …</p>
<h2>Réhabiliter les territoires ruraux</h2>
<p>D'une façon générale, en cette période de crise sanitaire sans précédent, plus d'échappatoire. L'heure est à la remise en cause des fonctionnements obsolètes ou inefficaces qu'on ne questionne jamais tant les habitudes sont ancrées, par routine, par manque de temps, par mimétisme et parce que, au fond, c'est confortable.</p>
<p>On est loin, désormais, d'un raisonnement selon lequel « hors métropole, point de salut ». La crise du Covid-19 l'a non seulement annoncé, mais aussi prouvé. Nos modes de vie modernes, privilégiant un entassement des populations sur des surfaces toujours plus petites, sont peut-être même, pour partie, <a href="https://theconversation.com/la-metropolisation-coupable-ideale-de-la-pandemie-135226">l'une des raisons</a> de la pandémie actuelle. Mais plus sûrement, et de longue date, d'une large panoplie de problèmes sociaux.</p>
<p>Cette crise pourrait donc constituer le point de départ d'une politique d'aménagement du territoire et de développement des campagnes radicalement nouvelle et différente. Outre un travail accru de décentralisation, deux conditions préalables nous semblent néanmoins indispensables.</p>
<p>D'une part, et l'essor sans précédent du télétravail l'a bien montré, il s'agirait d’<a href="https://www.gouvernement.fr/accelerer-encore-la-couverture-en-tres-haut-debit-des-territoires-ruraux">accélérer le déploiement du haut débit</a> dans les territoires ruraux, pour mettre fin aux inégalités territoriales dans ce domaine aussi. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242850798926782464"}"></div></p>
<p>D'autre part, le crise pourrait inciter à organiser le désenclavement des territoires. Les infrastructures de transport « propres » en sont un élément clé, et doivent être réinvesties. Le train constitue probablement l'option la plus rationnelle, parce que moins coûteuse et surtout moins polluante, d'autant plus si le <a href="https://www.europe1.fr/technologies/le-train-a-hydrogene-bientot-en-france-dici-3-ou-4-ans-selon-le-pdg-dalstom-3950232">train à hydrogène</a> se développe enfin. </p>
<p>À condition, là aussi, de réduire drastiquement les inégalités territoriales qui restent très fortes, comme en atteste par exemple la carte isochrone de la SNCF mesurant les temps de trajet des principales villes françaises au départ de Paris. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"882305832570028033"}"></div></p>
<p>La crise sanitaire majeure que nous traversons est – aussi – le signe qu'il nous faut nous transformer. Et cette transformation, qui sera institutionnelle, économique, sociale, environnementale, ne peut passer que par une mutation radicale de notre rapport aux métropoles et aux territoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136861/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La ruée vers les résidences secondaires et la situation de télétravail subi pourraient constituer le point de départ d’un exode urbain durable.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche BSB, enseignant-chercheur en Stratégie et Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1308022020-03-23T18:47:04Z2020-03-23T18:47:04ZLa décentralisation, une histoire longue minée par les incohérences<p>La France peut-elle réellement adopter une décentralisation cohérente de son territoire ? Le 25 avril 2019, à l’occasion du Grand Débat national, le président de la République avait affirmé sa volonté d’ouvrir <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/un-nouvel-acte-de-decentralisation-et-un-nouveau-pacte-territorial%29">« un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire »</a>.</p>
<p>Deux textes, la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/268675-loi-du-27-decembre-2019-engagement-dans-la-vie-locale-loi-sur-les-maires">loi engagement et proximité</a> et le <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/projet-de-loi-3d-decentralisation-differenciation-et-deconcentration">projet de loi 3D</a>, ainsi que plusieurs rapports parlementaires (rapport <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/colter/l15b1687_rapport-information">Cazeneuve et Viala</a>, rapport <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2539_rapport-information">Questel et Schellenberger</a>) ont été annoncés ou adoptés depuis sans pour autant qu’une visibilité totale du contenu de la réforme ne soit apparue.</p>
<h2>Une vision gestionnaire de la décentralisation</h2>
<p>D’où vient ce besoin crucial de décentralisation en France ? L’idéal des libertés locales, en tant que liberté de s’organiser à l’échelon de proximité a été construit dès l’Ancien Régime autour de l’imaginaire collectif et de la commune érigeant celle-ci comme un bastion puissant et relativement indépendant porteur de sens et de solidarité. Une vision politique de la décentralisation s’est ainsi peu à peu forgée, dans laquelle les communes resteraient maîtresses des grandes orientations de la vie publique locale.</p>
<p>Le [rapport Guichard en 1976](https://www.senat.fr/rap/r99-447-1/r99-447-13.html](https://www.senat.fr/rap/r99-447-1/r99-447-13.html) fait un constat de sclérose du fonctionnement de l’État et d’un besoin de décentralisation. Ce texte a fait émerger l’idée de décentralisation et la création d’un terreau favorable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hubert Dubedout, maire de Grenoble dans les années 80, penseur de la décentralisation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b8/H._Dubedout0002.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Portée au début des années 80 par des hommes politiques comme Gaston Deferre (alors <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Defferre#Ministre">ministre de l’Intérieur</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert_Dubedout">Hubert Dubedout</a> (maire de Grenoble), la décentralisation se traduisait par la construction d’un espace public à l’échelon local.</p>
<p>Cette vision politique était corroborée par une mise en perspective du principe de <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1979/79104DC.htm">libre administration par le Conseil constitutionnel</a> et une valorisation de la clause générale de compétence. Cette dernière permet de prendre les décisions à l’échelon local sur toute question d’intérêt public local.</p>
<p>Ainsi, alors même que la décentralisation bénéficiait d’une aura positive et était présentée comme un élément de dynamique territoriale ayant amené du service à la population et la construction d’un certain nombre d’équipements (maisons de retraite, salles omnisports, terrains de tennis, salles de concert) la crise de 2008 allait marquer un tournant.</p>
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<h2>Un regard très critique de la classe politique</h2>
<p>D’un discours valorisant de la décentralisation, la classe politique de façon quasi unanime a changé de ton pointant les dérives et juxtapositions d’échelons de ces processus.</p>
<p>Le discours de Toulon du 25 septembre 2008 de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2009/03/06/reforme-des-collectivites-locales-nicolas-sarkozy-choisit-de-temporiser_1164467_823448.html">Nicolas Sarkozy</a>, et le <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/il-est-temps-de-decider-9782213644158">rapport Balladur</a> (<em>Il est temps de décider</em>, 2009) ont été particulièrement marquants, mettant en avant l’idée qu’il y a trop d’échelons, trop d’élus et que cela coûte trop cher.</p>
<p>La rationalisation des moyens et des structures est devenue le maître mot des réformes territoriales depuis, dans un contexte financier contraint et sous contrôle européen. Les lois qui se sont succédé, parfois loin de la logique de décentralisation – comme la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19610-la-loi-du-16-decembre-2010-de-reforme-des-collectivites">loi du 16 décembre 2010</a> de réforme des collectivités territoriales – sont venues dès lors essayer de rationaliser le paysage institutionnel, sans d’ailleurs y réussir.</p>
<p>Or l’édifice dans lequel l’ensemble des protagonistes a évolué semble vaciller depuis.</p>
<h2>Des attentes et des ambitions contraires</h2>
<p>L’État n’a ainsi pas abouti à une organisation rationnelle des structures et des compétences, en témoigne la juxtaposition toujours présente des échelons et des structures. Les élus locaux doivent composer avec des réformes imposées comme la <a href="http://www.leparisien.fr/politique/fusion-des-regions-le-bilan-severe-de-la-cour-des-comptes-25-09-2019-8159958.php">fusion des régions</a> ; les administrés peinent à se reconnaître dans des structures où les aspects techniques et technocratiques prennent le dessus sans questionner la base.</p>
<p>La fusion des intercommunalités et la constitution <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tablissement_public_de_coop%C3%A9ration_intercommunale">d’Établissements publics de coopération intercommunale XXL</a> (EPCI, partir de 50 communes) en constituent une bonne illustration.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des intercommunalités du département de la Loire, France. Composition au 1ᵉʳ janvier 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_intercommunalit%C3%A9s_de_la_Loire#/media/Fichier:42-Loire-intercos-2019.png">Roland45/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Chaque réforme, au lieu de simplifier, a au contraire complexifié le phénomène en y ajoutant de nouveaux éléments.</p>
<p>La création des <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20131-que-sont-les-poles-metropolitains-crees-par-la-loi-de-2010">pôles métropolitains en 2010</a> en constitue une bonne illustration. Cette création a elle-même été suivie en 2014 de celle des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux en milieu rural.</p>
<p>C’est aussi dans cette ligne que les réformes ont été effectuées sous la mandature de François Hollande. Elles ont été en grande partie imposées aux collectivités territoriales, peu concertées, comme la loi NOTRe adoptée le 7 août 2015 et portant sur la <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/loi-portant-sur-la-nouvelle-organisation-territoriale-de-la-republique-notre">nouvelle organisation du territoire</a>.</p>
<h2>Un bilan sévère de la loi NOTRe</h2>
<p>[Le rapport d’information](http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i2539.pdf](http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i2539.pdf) de l’Assemblée nationale publié le 21 janvier 2020 dresse un bilan sévère de cette loi.</p>
<p>Les titres et sous-titres des différents chapitres de ce rapport parlent d’eux-mêmes :</p>
<blockquote>
<p>« Une loi mal née qui n’a pas atteint ses objectifs »</p>
<p>« Un big bang territorial conduit à marche forcée »</p>
<p>« Une organisation territoriale plus complexe et une perte de proximité pour les citoyens »…</p>
</blockquote>
<p>Le constat semble sans appel tant sur la méthode que sur le fond. Les recompositions opérées n’ont pas permis de trouver une cohérence globale et ne se sont pas traduites par des économies. La fusion des régions par exemple s’est révélée coûteuse et n’a pas généré les <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-09/20190924-synthese-Finances-publiques-locales-2019-fascicule2_0.pdf">économies attendues</a>.</p>
<p>Il est ainsi pointé que la fusion des régions avec la création des grandes régions ou encore le développement d’<a href="https://www.lagazettedescommunes.com/645071/le-rapport-qui-rehabilite-les-intercommunalites-xxl">intercommunalités</a> ont été entrepris de façon dogmatique et sans que les économies annoncées ne soient au rendez-vous.</p>
<h2>Donner des gages aux élus locaux</h2>
<p>Afin de donner des gages aux élus locaux à la veille des élections municipales, un nouveau texte a été présenté alors même que se dessine en creux la <a href="https://www.cget.gouv.fr/actualites/edouard-philippe-et-jacqueline-gourault-presentent-le-projet-de-loi-3d">réforme dite 3D</a> : « décentralisation, déconcentration et différenciation » qui fait actuellement <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/projet-de-loi-3d-decentralisation-differenciation-et-deconcentration">l’objet de concertations</a> à travers le territoire. L’examen de la loi a été récemment ajourné à <a href="https://www.lagazetedescommunes.com/665857/loi-3d-jacqueline-gourault-annonce-un-examen-plutot-apres-lete/">« après l’été »</a> d’après la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.</p>
<p>Ce n’est donc pas une révision constitutionnelle que nous aurons mais un projet de loi suscitant des attentes qu’il ne faudra pas décevoir…</p>
<h2>Revaloriser la commune ?</h2>
<p>Il n’est pas sûr pour autant que le discours actuel de revalorisation de la commune, (par exemple avec des scissions d’<a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/cartographie-des-epci-a-fiscalite-propre">EPCI à fiscalité propre</a>, de mesures en faveur des petites communes, soit porteur de sens alors que la perspective globale semble quand même aller vers un renforcement de l’intercommunalité. On est ainsi soumis à des mouvements de composition, recompositions dont on peine à voir la cohérence globale.</p>
<p>Si depuis 2010 le législateur s’est attaché à mettre en place des moyens coercitifs de regroupement, revaloriser la commune comme idéal semble tout aussi discutable.</p>
<p>Par ailleurs, alors même que les <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/pourquoi-les-communes-se-regroupent-elles-1547573504">communes nouvelles</a> commencent à trouver leur place dans le paysage institutionnel, la revalorisation du statut des élus des petites communes pose question.</p>
<p>Pour autant, la création d’une commune nouvelle constitue très certainement une hypothèse d’étude intéressante pour pallier l’émiettement communal et faire face à des dépenses que ne peuvent plus assumer les plus petites communes.</p>
<h2>La différenciation en question</h2>
<p>La différenciation, qui vise à permettre une adaptation de la règle en fonction des réalités locales, au cœur du projet de loi 3D, même si ce dernier est évolutif, permet par exemple à certaines communes de délivrer des <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/606788/droit-a-la-differenciation-vers-une-nouvelle-etape-de-la-decentralisation/">cartes d’identité</a>. Dans d’autres cas, cela permet à un département d’élaborer un Schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou entre <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/inter-scot-des-territoires-en-devenir">départements</a>, une mesure aujourd’hui plébiscitée et valorisée par l’ensemble des acteurs que ce soit la classe politique, les élus locaux ou encore le gouvernement.</p>
<p>Certes, la prise en compte des spécificités territoriales existe déjà dans le texte constitutionnel (article 73, collectivité à statut particulier) ou dans les dispositifs prévus (Loi littoral, loi montagne, expérimentations…).</p>
<p>Mais le fait d’en permettre un exercice élargi semble susciter un engouement sans commune mesure avec les risques d’inégalités engendrés. Pourtant, au lieu de faire un véritable diagnostic de l’état des lieux de l’exercice des compétences, le gouvernement préfère donner des gages qui risquent d’être limités.</p>
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<figcaption><span class="caption">La loi littoral permet à certaines communes d’agir en fonction de leurs spécificités (ici en 2018 discussion autour de modifications de cette loi).</span></figcaption>
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<h2>Des écueils à prévoir</h2>
<p>La possibilité de différenciation restera ainsi encadrée au regard du principe d’égalité et elle évoluera dans un cadre constitutionnel inchangé comme l’a souligné le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/272705-jacqueline-gourault-06012020-decentralisation">discours de Mme Gourault</a> du 6 janvier 2020 à l’occasion de la première des concertations régionales avec les élus locaux à Arras.</p>
<p>La différenciation engendrera aussi une complexité juridique à tous les niveaux, qui pourrait se traduire par une perte de confiance dans les institutions et le développement de territoires à deux vitesses entre ceux qui auront les moyens de faire, ceux qui auront des spécificités suffisantes à faire valoir et les autres restant soumis au corpus général.</p>
<p>L’enjeu est bien réel dans la mesure où il s’agit à la fois de permettre à des collectivités de même rang de gérer des compétences différentes ou encore de maintenir notamment au-delà d’une expérimentation un dispositif dérogatoire.</p>
<p>Pour autant, comme l’a souligné le <a href="https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/differenciation-des-competences-des-collectivites-territoriales-relevant-d-une-meme-categorie-et-des-regles-relatives-a-l-exercice-de-ces-competences">Conseil d’État</a> dans un avis rendu le 7 décembre 2017, la différenciation de compétence doit demeurer limitée. Elle ne doit pas remettre en question les distinctions opérées par la Constitution entre les collectivités qui relèvent de l’article 72 et d’un principe d’identité législative et celles qui relèvent de l’article 73 et d’un principe d’adaptation législative (reconnu pour les départements et les régions d’outre-mer).</p>
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<figcaption><span class="caption">Cette nouvelle collectivité va se substituer aux deux départements alsaciens à partir de 2021.</span></figcaption>
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<p>Une différenciation ne peut être ainsi légitimée que par une différence de situation ou encore des considérations d’intérêt général en lien avec l’objet de la réglementation. Pour les collectivités de même rang, il faudra ainsi faire valoir la spécificité et les considérations d’intérêt général comme cela a été le cas, de façon limitée, pour la collectivité européenne d’Alsace.</p>
<p>Le véritable changement en droit des collectivités territoriales serait alors très certainement de revenir à des fondamentaux structurant la matière tels le principe de libre administration et l’autonomie financière. Cela permettrait de redonner du sens à des territoires porteurs de projets pour répondre aux besoins locaux sans ouvrir une boîte à outils administratifs qui risque de creuser les écarts entre les territoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martine Long est membre d'une structure de démocratie participative.
Membre du conseil de développement de Loire Angers </span></em></p>Les attentes et ambitions de la décentralisation en France présentent de nombreuses contradictions.Martine Long, Maitre de conférences (HDR) en droit public, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1332572020-03-23T18:47:03Z2020-03-23T18:47:03ZPourquoi la décentralisation à la française ne marche pas ?<p>Aux examens de la fonction publique, un texte ne peut être ignoré. Il s’agit de <em>Qu’est-ce qu’une Nation</em> <a href="http://www.iheal.univ-paris3.fr/sites/www.iheal.univ-paris3.fr/files/Renan_-_Qu_est-ce_qu_une_Nation.pdf">d’Ernest Renan</a>, considéré comme le texte fondateur de la conception de la Nation à la Française. On y apprend qu’une « province » doit avoir son mot à dire concernant la façon dont elle s’autogouverne. Cela contredit le centralisme français ? Non. Il s’agit d’une idée qu’on retrouve dans la constitution telle qu’elle est depuis 2003, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006527579&cidTexte=LEGITEXT000006071194&dateTexte=20030329">selon laquelle</a> « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».</p>
<p>Aujourd’hui, un <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2203_projet-loi">projet de loi constitutionnelle</a> enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale vise à répéter encore une fois le même principe avec d’autres mots : il souhaite introduire dans la constitution un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/22035-collectivites-locales-deputes-droit-differenciation">droit à la différenciation</a> entre collectivités territoriales.</p>
<h2>La France, l’un des pays les plus centralisé</h2>
<p>Pourtant, malgré la répétition inlassable de ce même principe, la France reste, avec le Royaume-Uni, un des grands pays européens les plus centralisé. Les indicateurs internationaux, tels que le <a href="https://www.arjanschakel.nl/index.php/regional-authority-index">Regional Authority Index</a> montrent que la France est l’une des grandes démocraties au monde qui s’est le moins décentralisée pendant ces trente dernières années.</p>
<p>La dotation générale de fonctionnement aux collectivités territoriales depuis 2012 a baissé d’environ <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/455909/baisse-des-dotations-une-si-longue-histoire">10 milliards d’euros</a>. Les élus locaux montrent par leurs actions et par leurs paroles un malaise à cause des nombreuses contraintes législatives et réglementaires. En témoigne <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Rapport%20Enquete%20maires%208_11_19-1.pdf">l’enquête du CEVIPOF auprès des maires de juillet 2019</a>.</p>
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<p>Sept maires sur dix estiment que l’État veut reprendre la main sur l’action des municipalités. Ces affirmations sont cohérentes avec le fait que, sur la période 2014-2018 qui correspond aux quatre premières années de leur mandat, <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/2018/08/09/01002-20180809ARTFIG00259-vague-inedite-de-demissions-chez-les-maires-de-france.php">1 021 maires ont démissionné</a>.</p>
<p>Cela constitue un record historique et c’est un chiffre presque deux fois plus élevé qu’au mandat précédent sur une période identique.</p>
<h2>Décalage de principes</h2>
<p>Comment se fait-il que nous n’y arrivions pas ? Le décalage entre des principes constitutionnels fortement décentralisateurs et une réalité toujours jacobine est lié à la façon dont la loi encadre ces principes.</p>
<p>En effet, si les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=8957B128FE76820527FE394B05D08200.tplgfr37s_2?idSectionTA=LEGISCTA000006095833&cidTexte=JORFTEXT000000571356&dateTexte=20030329">articles 72, 72-1 et 72-2</a> de notre Constitution accordent une grande liberté aux collectivités territoriales, ils ne font pas moins de 14 fois référence à la nécessité de se conformer aux conditions prévues par la loi.</p>
<p>Par exemple, l’alinéa 2 de l’article 72 précise que les collectivités s’administrent librement « dans les conditions prévues par la loi ». De même, l’alinéa 3 ouvre la possibilité aux collectivités de déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences, mais toujours « lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu ». Ce ne sont que deux exemples parmi les quatorze qui offrent des opportunités pour aller vers une plus forte décentralisation, mais qui ont besoin, pour cela, que la loi suive l’esprit du texte constitutionnel.</p>
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<h2>Un code des collectivités de 1583 pages</h2>
<p>C’est le code général des <a href="http://codes.droit.org/CodV3/collectivites_territoriales.pdf">collectivités territoriales</a> qui régule et encadre ces principes constitutionnels. La simple taille de ce document tel qu’on le trouve sur Internet (1583 pages) permet de comprendre l’ampleur du problème.</p>
<p>Ainsi, aujourd’hui, les collectivités territoriales s’administrent librement dans les limites définies dans 1583 pages plus annexes. Lorsque des compétences sont déléguées au niveau local – par exemple lors du transfert aux Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/gestion-des-milieux-aquatiques-et-prevention-des-inondations-gemapi">gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations</a> – elles sont accompagnées d’un ensemble d’instructions sur comment gérer cette compétence et comment la financer.</p>
<p>On pourrait penser que déléguer une compétence à une collectivité territoriale accroît la décentralisation. Mais cela n’est vrai que lorsqu’on délègue également la liberté de choisir comment la collectivité exerce, finance et transforme cette compétence. Autrement, les collectivités ne seront pas autonomes, mais de simples administrations soumises aux ordres du pouvoir central.</p>
<h2>Identifier les verrous stratégiques</h2>
<p>Pourtant la solution est selon nous, assez simple. Nous venons de la détailler dans un rapport en libre accès pour le think tank <a href="https://www.generationlibre.eu/le-pouvoir-aux-communes/">GénérationLibre</a>. Elle n’exige pas de bouleverser le code des collectivités territoriales et encore moins de modifier notre constitution.</p>
<p>Elle consiste simplement à identifier les verrous stratégiques qui permettent aux collectivités d’obtenir plus d’autonomie à leur initiative. Autrement dit, qui leur permettent de déroger au code général des collectivités territoriales lorsqu’elles souhaitent exercer des nouvelles compétences dont elles ne disposent pas aujourd’hui.</p>
<p>L’avantage de cette approche est que ces modifications ne produisent pas un changement sensible dans l’immédiat, dans la mesure où beaucoup de collectivités territoriales ne sont aujourd’hui pas prêtes à assumer un grand nombre de compétences supplémentaires, notamment en matière fiscale.</p>
<p>Elle produirait, en revanche, une évolution incrémentale des pratiques qui permet de rendre nos collectivités territoriales progressivement plus autonomes.</p>
<p>L’article qui nous concerne est le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000028528557&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20140129">L.1111-8-1</a> introduit par la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 – art. 1. Il porte sur les conditions qui régissent la délégation de compétences entre l’État et les collectivités territoriales.</p>
<p>Ce texte est basé sur deux principes : premièrement,</p>
<blockquote>
<p>« l’État <em>peut</em> déléguer par convention à une collectivité territoriale […] qui en fait la demande l’exercice de certaines de ses compétences ».</p>
</blockquote>
<p>Deuxièmement, ces compétences</p>
<blockquote>
<p>« <em>ne</em> peuvent habiliter les collectivités territoriales […] à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement ».</p>
</blockquote>
<h2>Plus de marges pour innover et expérimenter</h2>
<p>Ces principes peuvent être modifiés afin d’être plus conformes à l’esprit de notre constitution. Il s’agit premièrement de transformer le caractère facultatif de l’attribution de compétences par l’État en caractère obligatoire. Ainsi, l’État <em>doit</em> (et non <em>peut</em>) déléguer une compétence à une collectivité qui lui en fait la demande. Cette modification permet à chaque collectivité territoriale de choisir quelles compétences elle souhaite exercer.</p>
<p>Deuxièmement, les collectivités doivent pouvoir être habilitées à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement lorsqu’elles obtiennent une délégation des compétences. Sans cette deuxième condition, cette délégation de compétence se bornerait à une gestion administrative et ne permettrait pas aux collectivités d’innover et d’expérimenter comme notre constitution les encourage à le faire. Ainsi, il suffirait de supprimer le mot « ne » dans l’énonciation du second principe.</p>
<p>Une telle modification, accompagnée d’ajustements mineurs, permettrait aux collectivités de choisir les compétences qu’elles souhaitent exercer et la façon dont elles souhaitent le faire.</p>
<h2>Cette décentralisation est-elle vraiment souhaitable ?</h2>
<p>Devant un tel enjeu, c’est le moment de se demander sérieusement si la décentralisation est souhaitable.</p>
<p>Plus de 30 ans d’études sur cette question sont unanimes : oui, la décentralisation est souhaitable, du moins dans des pays avec un niveau de développement économique avancé comme la France. Elle produit plus de légitimité, car les décisions y sont prises au plus près des habitants. Cela est aussi vrai en France. Selon le sondage un <a href="https://www.amf.asso.fr/documents-enquete-juillet-2019les-attentes-franais-vis-vis-leurs-maires-proximite-reconduction/39532">sondage du Cevipof en 2019</a>, 71 % des Français font ainsi confiance au maire de leur commune, contre 49 % à leur conseiller régional et 40 % à leur député.</p>
<p>Plus généralement, la décentralisation fiscale produit un <a href="http://www.socialcapitalgateway.org/sites/socialcapitalgateway.org/files/data/paper/2017/03/20/rredistributionlighartetal2015-ngovernmentwetrust-theroleoffiscaldecentralizationejpe.pdf">accroissement de la confiance</a> dans les services publics, dans le parlement et dans les partis politiques.</p>
<p>En outre, d’un point de vue économique, la décentralisation est associée à une plus grande efficience et un plus grand développement. L’obstacle principal à surmonter repose sur l’économie d’échelle que les systèmes centralisateurs permettent. Le renoncement à cet avantage produit, cependant, la possibilité de mieux adapter l’économie d’un territoire à ses caractéristiques et de bénéficier davantage des retours d’expérience d’autres territoires.</p>
<p>Si les avantages produits par une économie d’échelle sont substantiels dans un pays pauvre, ils deviennent marginaux dans un pays riche, si bien que les <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/208190/1/IDB-WP-1037.pdf">pays développés et très décentralisés s’en sortent mieux économiquement</a>.</p>
<h2>Egalité réelle des territoires</h2>
<p>Pour finir, il y a la question de l’égalité entre territoires. Une idée répandue consiste à penser que la centralisation favorise l’égalité entre territoires. <a href="http://eprints.lse.ac.uk/33244/1/sercdp0025.pdf">Les analyses</a> qui comparent plusieurs pays riches du monde nous disent pourtant le contraire : la décentralisation favorise davantage l’égalité entre régions, à travers un mélange d’émulation et de solidarité.</p>
<p>À l’inverse, l’égalisation des règlements ne produit pas égalisation des conditions. Certains règlements pénalisent des territoires et en avantagent d’autres. De plus, la centralisation permet à une région (celle de la capitale) d’avoir un pouvoir disproportionné par rapport aux autres.</p>
<p>Ainsi, par exemple, l’Ile de France <a href="http://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Region-et-institutions/Portrait-de-la-region/Chiffres-cles/Les-chiffres-de-la-region-Ile-de-France/Economie/#titre">produit à elle seule 30 % des richesses de la France</a> ce qui est impensable dans un système décentralisé.</p>
<p>Donc, oui, comme nos chercheurs, nos constituants et nos élus le savent, la décentralisation est souhaitable. Il est temps de s’en occuper sérieusement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133257/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raul Magni-Berton (et ses co-auteures) a reçu un financement du think tank GeneratonLibre pour écrire le rapport cité dans cet article, qui a été reversé à l'association Institut de Recherche Territoire Démocratique (IRTD) pour ses recherches sur la promotion de la démocratie directe et l'autonomie locale. Raul Magni-Berton est par ailleurs membre des associations Dauphiné démocratique (qui promeut ces deux objectifs) et du Collectif Cortecs (qui promeut la pensée critique).</span></em></p>Malgré le vœu pieux de décentraliser les pouvoirs, la France reste l’un des grands pays européens les plus centralisés. Et si l’on modifiait un peu le code général des collectivités territoriales ?Raul Magni-Berton, Professeur de sciences politiques, Sciences Po Grenoble, UMR Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1314512020-02-11T19:37:12Z2020-02-11T19:37:12Z2020, la revanche des territoires ruraux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314485/original/file-20200210-109887-1iyyfth.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C922%2C559&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien que le phénomène de métropolisation reste largement encouragé par les pouvoirs publics, installer une entreprise dans un territoire rural présente de nombreux avantages.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/883190">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>« Galère ». C’est ce mot qui qualifie le plus sûrement la situation vécue chaque jour par des millions de Français ces deux derniers mois pour se déplacer dans les grandes villes, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/greve-des-transports-500-km-de-bouchons-en-ile-de-france-a-7h30_fr_5dede687e4b05d1e8a540701">notamment en région parisienne</a>.</p>
<p>De quoi donner l’envie de partir vivre à la campagne ? Sauf que l’envie est déjà là ! Nul besoin d’une telle période de grève des transports : selon une enquête IFOP d’avril 2019, 81 % des Français estiment que la vie à la campagne correspond <a href="https://www.ifop.com/publication/le-retour-a-la-campagne">au mode de vie idéal</a>.</p>
<p>Si la plupart d’entre nous ne vont pas plus loin que de formuler un vague souhait, nombre de nos concitoyens formulent des projets plus concrets, voire décident de changer de vie. Pour le meilleur ou pour le pire parfois, la vie fantasmée du retour à la nature pour un urbain pouvant s’avérer éloignée de la réalité du monde rural.</p>
<p>En témoignent les conflits entre habitants « historiques » et néo-ruraux quant au sort à réserver au coq du voisin, aux sonneries des cloches de l’église ou à la moissonneuse-batteuse devenus un peu trop bruyants : quand on décide de quitter les bruits assourdissants de la grande ville, ce n’est tout de même pas <a href="https://www.lepoint.fr/societe/coqs-canards-cloches-qui-en-veut-aux-bruits-de-la-campagne-05-09-2019-2333802_23.php">pour subir d’autres nuisances</a> !</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MqZtnCzGw6s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Laissez-moi chanter : un coq gagne son procès » (France 24, septembre 2019).</span></figcaption>
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<p>À ces exceptions (caricaturales) près, la tendance est claire. À l’heure du tout digital et d’une sensibilité massive de la société aux enjeux environnementaux, les grandes métropoles ont le plus grand mal à se réinventer.</p>
<h2>Des « villes-monde » en perdition</h2>
<p>Devenues synonymes de difficultés criantes liées aux transports, à la pollution, à la promiscuité et au bruit, aux coûts <a href="https://immobilier.lefigaro.fr/article/les-prix-immobiliers-vont-continuer-de-grimper-en-france-en-2020_a09e3af2-2e33-11ea-bef7-e339751595d8/">exorbitants des logements</a> et de la vie en général, à l’insécurité, à la désocialisation des plus fragiles, elles n’attirent guère plus que par nécessité, parce qu’on y trouve la majorité des emplois et des services publics (santé, éducation, etc.).</p>
<p>Quel paradoxe ! Des « villes-monde » qui continuent à se remplir inexorablement, dépassant la taille critique en termes de qualité de vie, et, de l’autre côté, des villes petites et moyennes et des campagnes qui se vident et s’appauvrissent… Tout cela à l’encontre des aspirations d’une large majorité de la population ?</p>
<p>Plus étonnant encore, le phénomène de métropolisation reste largement encouragé par les pouvoirs publics, <a href="https://youtu.be/NoWsSJUu1PM">notamment en France</a>, puisque la quasi-totalité de l’emploi et des financements publics sont prioritairement adressés aux grandes villes.</p>
<h2>Des campagnes économiquement avantageuses</h2>
<p>Nous étudions pour notre part depuis une dizaine d’années les exemples d’entreprises, d’entrepreneurs, qui n’en font soi-disant « qu’à leur tête » et qui refusent ce déterminisme et cette logique de concentration-centralisation. Forts de nos recherches, nous pensons qu’il est non seulement possible, mais même souhaitable et très pertinent économiquement de s’installer durablement sur des territoires « oubliés », là où les autres ne sont pas.</p>
<p>Et ce, contrairement aux idées reçues, mais aussi, contrairement à des approches théoriques qui enseignent qu’il est toujours préférable d’entreprendre là où il existe déjà une forte activité économique (notions de <a href="https://franceclusters.fr/les-clusters-francais/les-clusters-definition/?lang=fr#">clusters</a> et de <a href="https://www.europe-en-france.gouv.fr/fr/articles/strategies-regionales-de-specialisation-intelligente-bilan-et-perspectives">spécialisation intelligente</a>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NoWsSJUu1PM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« La métropolisation, nouvel opium des élites » avec Olivier Bouba-Olga (Forum urbain, octobre 2018).</span></figcaption>
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<p>Rappelons qu’une <a href="https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Philippe-Gattet-Comprendre-les-strategies-de-differenciation_3744292.html">stratégie performante</a> consiste essentiellement à faire différent, à détecter ce que les autres n’ont pas encore vu. Et ainsi répondre à des besoins non servis, ce qui est loin de manquer dans la plupart des petites communes dorénavant <a href="https://www.lexpress.fr/informations/sos-communes-en-detresse_633763.html">désertées par l’activité économique</a> et sociale publique et privée (alimentation, santé, culture, etc.).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1054545713856724992"}"></div></p>
<h2>L’offre comme levier de l’attractivité</h2>
<p>Or, à l’heure de la transformation digitale, du travail nomade et des « millenials » ultra connectés, il n’est plus nécessairement besoin, pour une entreprise, de s’implanter sur le lieu d’habitation de ses clients. Si vos produits sont bons, les clients viendront à vous ou passeront commande à distance.</p>
<p>Un exemple ? Nous avons rencontré Estelle Meunier, qui a choisi, en 2018, d’installer son entreprise artisanale d’art végétal « Destin d’une Brindille » dans le <a href="https://youtu.be/WNpW4kGmNVo">village viticole de Chambolle-Musigny</a>, en Bourgogne.</p>
<p>« Je suis sûre que plein de commerces basés en ville tourneraient beaucoup mieux à la campagne… Depuis que je venue ici, je fais 20 % de chiffre d’affaires en plus », nous dit-elle d’entrée. Le ton de l’entretien est donné… Mondialement connu pour ses vins prestigieux (dont le « Musigny » ou les « Amoureuses ») et sa proximité avec le célébrissime Clos-Vougeot, le village, éloigné des villes (Dijon à 20 km, Beaune à 26 km) et des gares, est charmant et typique mais peu touristique (deux restaurants en guise de commerces, pas d’œnotourisme, l’essentiel de la production étant vendu à des professionnels ou à l’export).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Entrepôt de compositions réalisées « Destin d’une brindille ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Estelle Meunier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue extérieur de l’atelier d’Estelle Meunier ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Estelle Meunier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<p>Estelle aurait pu faire d’autres choix. Après l’École des Fleuristes de Paris, dont elle sort major de promo Ile-de-France (devant 4 000 autres candidats), elle rejoint la boutique parisienne de l’avenue Kléber du MOF (meilleur ouvrier de France) Pierre Declercq en 1996. Mais le goût de l’indépendance la conduit à entreprendre, dans sa région natale d’abord (Pontarlier et Besançon) puis à Dijon.</p>
<p>Elle reçoit de nombreuses distinctions (dont le Mercure d’Or 2004 dans la catégorie « Innovation et Qualité »). Mais les capitales régionales ne lui réussissent pas pleinement. « Je n’ai pas réussi à rencontrer le public, une clientèle, j’étais dans des beaux lieux mais ça ne décollait pas », regrette-t-elle.</p>
<h2>Art de vivre</h2>
<p>Coup de cœur il y deux ans donc, en 2018, pour Chambolle-Musigny, où Estelle est accueillie à bras ouverts et est immédiatement « très soutenue » par la municipalité et les habitants. Ceux-ci comprennent la cohérence de son projet et de son travail, avec la dimension « art de vivre à la française » qui, autour du vin, fait l’histoire et la renommée de la commune : ils lui proposent de s’installer dans l’ancienne cure du village, en face de l’église. Un écrin en totale adéquation avec l’art végétal d’Estelle, dont chaque composition est unique :</p>
<blockquote>
<p>« Les gens viennent aussi dans un commerce pour l’expérience, pour passer un moment hors du temps. Ils choisissent la composition dans la boutique, sortent dans le jardin déguster un thé ou un verre de vin pendant que je prépare leur commande, puis partent se promener dans les vignes. »</p>
</blockquote>
<p>Résultat : « j’ai plus de Dijonnais aujourd’hui qui viennent que lorsque j’étais installée au centre de Dijon ». Et à l’heure du digital, nul besoin de se déplacer pour acheter les produits :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis hyperactive sur les réseaux sociaux. C’est ma “vitrine” de centre-ville ! Avant, on faisait les vitrines, maintenant, la vitrine, c’est ce que tu postes sur Instagram ou Facebook… À Noël, j’ai fait des commandes à distance aux quatre coins de la France. Ça m’a surprise, d’ailleurs, il faut que je m’organise. »</p>
</blockquote>
<p>Il faut dire que le succès est au rendez-vous, aidé par une médiatisation qui s’accélère. Après un ouvrage publié par les Éditions Marie-Claire, un passage dans l’émission <a href="https://dai.ly/x3kjdyw">« Silence ça pousse »</a>, Estelle anime dorénavant chaque mois une chronique en direct sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté.</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x3kjdyw" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p>Un autre exemple ? La localisation géographique des restaurants étoilés au <a href="https://guide.michelin.com/fr/fr/restaurants/3-etoiles-michelin?lat=48.89332882907796&lon=2.3434216125497436">prestigieux Guide Michelin</a> témoigne de l’alternative que sont les campagnes. Sans surprise, le tiers des triples étoilés (10 sur 29) sont situés dans la capitale, et plusieurs autres ont privilégié des sites touristiques réputés (Megève, Courchevel ou Monaco). Mais ces caractéristiques ne s’avèrent pas indispensables pour appartenir aux fleurons de la gastronomie française : attirés par une offre de très grande qualité et par l’idée de vivre une “expérience”, les clients n’hésitent pas à se déplacer en nombre chez Georges Blanc (à Vonnas, Ain), Michel Troisgros (Ouches, Loire), Régis et Jacques Marcon (Saint-Bonnet-le-Froid, Haute-Loire), à la Maison Lameloise (Chagny, Saône-et-Loire), ou à l’Auberge du Vieux-Puits (Fontjoncouse, Aude).</p>
<h2>Comprendre le territoire pour s’implanter</h2>
<p>Ainsi, entreprendre ou installer son entreprise dans un territoire rural ou (supposément) « défavorisé » présente de <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/management/entreprendre-a-la-campagne-pour-ou-contre-213234.php">nombreux avantages</a>. Parmi ceux-ci, celui de devoir repenser la stratégie de l’entreprise, en se basant sur sa propre capacité à créer de la valeur, et non à se reposer sur celles de ses voisins ou de son environnement.</p>
<p>Si les zones commerciales ont longtemps utilisé l’argument de la proximité géographique entre différentes enseignes pour créer du trafic, n’est-il pas plus pertinent d’attirer pour soi-même plutôt que par hasard, au gré des pérégrinations des consommateurs ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/acQp4mD5IB0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Le territoire : une question stratégique pour l’entreprise » avec Anne Albert-Cromarias (XerfiCanal, juin 2019).</span></figcaption>
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<p>Sur le plan organisationnel également, tout doit être repensé. Alors que la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/sante-au-travail/nouvelle-zelande-ils-travaillent-4-jours-et-sont-payes-5_3672259.html">semaine de quatre jours</a>, le <a href="https://www.lci.fr/open-space/bon-pour-la-sante-et-l-efficacite-le-teletravail-se-developpe-mais-les-freins-reels-ou-supposes-persistent-etude-malakoff-mederic-humanis-2113392.html">télétravail</a> à domicile ou dans des espaces de coworking semblent faire toujours plus leurs preuves, c’est à se demander si l’entreprise n’est pas devenue le pire endroit pour travailler de façon performante.</p>
<p>L’accès à Internet apparaît alors déterminant, la ruralité n’étant pas, en l’état, une fatalité comme en attestent certains « petits » pays comme l’Islande, qui malgré sa faible population et ses régions quasi désertiques dispose d’une <a href="http://www.slate.fr/story/109343/carte-france-probleme-internet">couverture Internet de grande qualité</a>.</p>
<p>Bien sûr, s’installer avec succès en milieu rural ou dans une petite commune ne se fait pas sans conditions. Pour l’entrepreneur, la stratégie de l’entreprise doit donc être élaborée en totale cohérence avec le territoire d’implantation. Les chaînes logistiques, le marketing, le recrutement et la fidélisation des collaborateurs doivent s’accorder avec les écosystèmes et cultures locales.</p>
<p>Pour les communes et les acteurs du développement local, il convient d’assurer un accueil de qualité pour l’entreprise et ses collaborateurs : mise à disposition de locaux ou surfaces adaptées, accompagnement pour l’obtention de financements ou d’aides, offre de logements ou de services.</p>
<p>Finis l’anonymat, l’épuisement professionnel (en grande partie dû aux temps de trajet toujours plus délirants) et les files d’attentes : place à la personnalisation, l’écoute et l’épanouissement personnel et professionnel. La grande force de la ruralité tient en sa capacité à faire exister les gens. Alors, 2020, année de la revanche pour les territoires ruraux ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131451/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le contexte n’a jamais été aussi propice au retour des populations et des entrepreneurs dans les zones rurales.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche BSB, enseignant-chercheur en Stratégie et Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1184152019-06-17T20:58:38Z2019-06-17T20:58:38ZEntre le local et l’Europe, la lente montée en puissance des régions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/279514/original/file-20190614-158936-tevni4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C429%2C3128%2C1975&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le Traité unique européen de 1992, les rapports entre l’Europe et les régions se sont densifiés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Brichuas/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les troubles sociaux qui secouent la France depuis plusieurs mois ont donné lieu à une série d’annonces de la part du président de la République Emmanuel Macron. Parmi celles-ci, il a notamment souhaité « ouvrir un <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/un-nouvel-acte-de-decentralisation-et-un-nouveau-pacte-territorial">nouvel acte de décentralisation</a> adapté à chaque territoire », lors de la conférence de presse du 25 avril dernier qui visait à clore la séquence du grand débat national. Les analystes politiques et économiques commencent à imaginer les contours que pourraient prendre un nouvel acte de décentralisation. Il pourrait par exemple être question de rapprochement entre les instances départementales et régionales au travers du projet de <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/618671/nouvel-acte-de-decentralisation-emmanuel-macron-entretient-le-flou/">conseiller territorial</a> qui siégerait dans les deux assemblées.</p>
<p>Nous souhaitons exposer ce qui mène à la régionalisation des politiques et la place qu’occupent les régions françaises, ces jeunes institutions qui <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/09/27/les-francais-connaissent-mal-le-role-de-leurs-regions_5192346_823448.html">peinent à être reconnues</a> au sein du paysage politico-administratif français. Elles constitueraient un <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1992_num_42_2_404297">échelon d’intervention pertinent</a> pour résoudre la crise du modèle français de politiques publiques, entre le local et l’Europe.</p>
<p>Nous proposons donc de revenir sur les étapes qui mènent à un approfondissement de la régionalisation des politiques publiques dans un mouvement entamé à la fois par l’État central mais, également supporté <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/pages-europe/pe000026-la-regionalisation-en-europe.-quelques-elements-de-reflexion-par-edith-lhomel">par l’Union européenne</a>. Nous allons donc proposer un retour qui expose ces deux dynamiques de régionalisation.</p>
<h2>L’Europe pour mettre fin aux guerres</h2>
<p>Le rêve d’une Europe unifiée n’est pas nouveau et les tentatives ou réflexions pour le réaliser ont été nombreuses. Elles ont été de plusieurs ordres : militaire, avec par exemple l’empire romain, carolingien, l’Europe napoléonienne, religieuse, l’idée de la « Christianistas » très défendue par <a href="https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/S0008423900019107">Pierre Dubois au XIIIᵉ siècle</a>, ou politique avec la création de la Société des Nations (SDN) après le premier conflit mondial.</p>
<p>Après la Seconde Guerre mondiale et devant l’échec de la Société des Nations à atteindre la paix, c’est sur le <a href="https://wwwfr.uni.lu/presse/communiques_de_presse/2008/6_fevrier_2008_rene_leboutte_histoire_economique_et_sociale_de_la_construction_europeenne">volet économique</a> que les nations européennes vont travailler pour unifier l’Europe avant de lui donner une dimension politique. L’Europe s’est donc construite sur le <a href="https://livre.fnac.com/a23894/Philippe-Mioche-De-l-idee-europeenne-a-l-Europe">charbon et l’acier</a> avec la <a href="https://www.cvce.eu/content/publication/2002/6/24/776cf2a2-2e39-4a44-b1f9-3aa4c51c0e6b/publishable_fr.pdf">CECA</a>, puis sur l’atome, avec la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA), avant de devenir la Communauté économique européenne (CEE), puis l’Union européenne (UE).</p>
<p>Très rapidement dans sa jeune histoire, l’Europe a cherché à régionaliser ses politiques, dans la lignée de la pensée défendue par l’écrivain suisse Denis de Rougemont en 1946 qui exprimait que pour « faire l’Europe, il faut d’abord <a href="https://books.openedition.org/iheid/1478?lang=fr">faire des Européens</a> ». En effet, les États-nations européens se trouvent dans une position où ils sont trop grands pour adresser les problèmes rencontrés au niveau local, mais également <a href="https://archive-ouverte.unige.ch/unige:113901/ATTACHMENT01">trop petits</a> pour lutter et traiter seuls face à l’émergence des superpuissances que constituent aujourd’hui la Chine, les États-Unis, mais également la Russie ou l’Inde.</p>
<h2>Multiplication des programmes régionaux</h2>
<p>L’UE, dès son institutionnalisation par le Traité unique européen (TUE) de 1992, et ses États membres se sont dits « résolus à poursuivre le processus créant une <a href="https://www.cvce.eu/content/publication/1997/10/13/5a6bfc79-757f-4d53-9379-ad23cc2cc911/publishable_fr.pdf">union sans cesse plus étroite</a> entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises le plus près possible des citoyens, conformément au principe de subsidiarité ». Ceci dans le but de concevoir des politiques ayant un effet plus important sur les territoires et avec les institutions locales qui sont celles disposant de la connaissance la plus fine des enjeux locaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279513/original/file-20190614-158941-17j0v39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279513/original/file-20190614-158941-17j0v39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279513/original/file-20190614-158941-17j0v39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279513/original/file-20190614-158941-17j0v39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279513/original/file-20190614-158941-17j0v39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279513/original/file-20190614-158941-17j0v39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279513/original/file-20190614-158941-17j0v39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Eurorégion Alpmed regroupe des structures administratives des deux côtés des Alpes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.europe-en-france.gouv.fr/Centre-de-ressources/Actualites/Une-Euroregion-qu-est-ce-que-c-est">Europe-en-france.gouv.fr</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les rapports entre l’Europe et les régions se sont alors densifiés, avec la création du <a href="https://www.researchgate.net/publication/232928937_Transformation_of_governance_The_European_commission%E2%80%99s_strategy_for_creating_a_%E2%80%99Europe_of_the_regions">Comité des régions en 1994</a>, mais également la création d’<a href="https://www.persee.fr/doc/coloc_0291-4700_1987_num_7_1_1020">agences de représentation des régions</a> à Bruxelles. Dans le même temps se sont développées de nombreuses <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2002-3-page-159.htm">collaborations interrégionales</a>, souvent <a href="http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part2/linstitutionnalisation-de-la-cooperation-transfrontaliere-en-europe?page=show">transfrontalières</a> à l’image des <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2018-4-page-8.htm">Eurorégions</a> à cheval sur plusieurs pays. Aujourd’hui encore, les programmes en faveur des régions <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2018-4-page-8.htm">se multiplient</a>, avec Interreg, ou encore les fonds Feder et Feader que gèrent les régions. Ces programmes s’inscrivent dans la stratégie européenne Horizon 2020 (prochainement Horizon Europe) qui demande aux régions de définir de plans de spécialisation de leur territoire.</p>
<p>Toutefois, l’Europe des régions n’a encore jamais vraiment décollé parce que les Européens restent encore plus attachés à leur nation qu’à l’Europe, et que les projets européens sont perçus comme vague ou sont invisibles. Cependant, sur de nombreuses questions c’est bien l’Europe qui dispose aujourd’hui des moyens réglementaires et financiers pour intervenir. Rappelons simplement que la loi européenne est supposée prévaloir sur les prérogatives nationales.</p>
<h2>La lente décentralisation française</h2>
<p>En parallèle, la France a initié un mouvement de décentralisation, qui depuis longtemps est <a href="https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1988_num_65_4_1444">préconisé par des intellectuels</a>, alors que le pays est plutôt empreint d’une tradition centralisatrice forte. Un processus qui a d’abord valu au Général de Gaulle de démissionner face à l’échec du référendum en 1969, avant de s’imposer en 1972 avec la <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-1981-9-page-3.htm?contenu=resume">création officielle des régions</a>. La loi Deferre en 1982 connue aujourd’hui comme étant l’Acte I de la décentralisation autorise l’intervention économique des collectivités locales.</p>
<p>La décentralisation s’est accompagnée d’une déconcentration des organes étatiques en région. Les directions régionales ont été placées sous l’autorité des ministères, afin de <a href="https://www.jstor.org/stable/40781330?seq=1#page_scan_tab_contents">contrebalancer le pouvoir</a> des nouvelles institutions régionales. Les compétences des régions sont toutefois renforcées en 2004 lors de l’Acte II de la décentralisation, qui reconnaît les régions dans la Constitution. Il faut attendre les réformes de 2007 avec la Réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) et la Révision générale des politiques publiques (RGPP) pour voir les institutions déconcentrées de l’État commencer à se réformer et à <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2010-4-page-1011.htm">réduire leur périmètre</a>.</p>
<p>Enfin, en 2014 et 2015, deux réformes sont adoptées, la loi Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), dont l’objectif est de clarifier les compétences des collectivités territoriales. Une loi suivie de près en 2015 par la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRE) qui ont pour objectif de simplifier le millefeuille territorial, rationaliser la dépense publique et réaliser des économies d’échelles. Ces réformes controversées ont été critiquées par les citoyens mais également la <a href="https://www.andre-torre.com/pdf/PDFpub308N1.pdf">communauté de la recherche</a>.</p>
<p>Les régions françaises ont atteint une taille critique, en termes de superficie et de population. Les dernières réformes les placent dans une position de pilote des politiques publiques régionales. Mais elles sont encore bien loin du budget des régions allemandes ou espagnoles, 5 à 10 fois inférieures, comme en témoigne un <a href="http://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/2015/10/31/les-nouvelles-grandes-regions-francaises-sont-toutes-petites/">billet d’Olivier Bouba-Olga</a>, professeur des Universités en aménagement de l’espace et urbanisme à l’Université de Poitiers.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/279518/original/file-20190614-158927-1x1jmej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279518/original/file-20190614-158927-1x1jmej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279518/original/file-20190614-158927-1x1jmej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279518/original/file-20190614-158927-1x1jmej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279518/original/file-20190614-158927-1x1jmej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279518/original/file-20190614-158927-1x1jmej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279518/original/file-20190614-158927-1x1jmej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279518/original/file-20190614-158927-1x1jmej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="http://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/2015/10/31/les-nouvelles-grandes-regions-francaises-sont-toutes-petites/">Olivier Bouba-Olga</a></span>
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<h2>Le futur des politiques publiques ?</h2>
<p>Nous avons assisté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à la naissance de deux échelons politiques, l’Europe et les Régions. L’Europe pour atteindre un objectif de paix et d’homogénéisation économique des territoires européens. Les régions comme institutions clefs pour appliquer des politiques ayant un effet de levier intéressant grâce à une connaissance plus fine des problématiques locales.</p>
<p>Toutefois, il semble que le débat est systématiquement ramené aux problématiques nationales. Lors des élections locales ou européennes, dont les enjeux sont d’adresser des problématiques locales ou supranationales, les observateurs et acteurs politiques appellent souvent les électeurs à venir voter par rapport à un contexte national et les analystes présentent souvent les résultats sur le plan national.</p>
<p>Il serait bon de donner les clefs pour comprendre la nouvelle organisation politique et économique en France et en Europe. Ceci pour considérer que si l’Europe doit nous protéger d’un nouveau déchirement, les réponses viendront aussi et surtout de la prise en compte des problématiques locales, par les institutions locales et régionales et non plus par le gouvernement central qui ne peut pas adresser la diversité et les spécificités des territoires dans leur intégralité. Si l’État conserve sa raison d’être, les territoires ont autant besoin que l’on respecte leur diversité et leurs spécificités par la conception de politiques au plus proche de ces derniers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118415/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Achard réalise une thèse CIFRE financée par la Région Nouvelle-Aquitaine et encadrée par les laboratoires d'économie des Universités de Poitiers et Bordeaux.</span></em></p>Bruxelles mise de plus en plus sur cet échelon au rôle pourtant mal connu des citoyens pour le développement économique.Antoine Achard, Analyste de la politique industrielle régionale et européenne, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1093192019-01-10T18:56:38Z2019-01-10T18:56:38ZL’Alsace, l’avenir de l’Europe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/253195/original/file-20190110-32130-139tlb9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C9%2C2029%2C1348&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fontaine de Janus à Strasbourg par Tomi Ungerer.</span> <span class="attribution"><span class="source">R.Woessner</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le 29 octobre 2018, le gouvernement français a lancé le processus de la création de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) <a href="http://www.departements.fr/wp-content/uploads/2018/11/conseil-departemental-bas-rhin-creation-alsace-declaration-commune.pdf">attendue pour 2021</a> qui fait de l’Alsace à nouveau une <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/2018/10/30/01002-20181030ARTFIG00161-reunifiee-l-alsace-va-devenir-la-collectivite-europeenne-d-alsace.php">collectivité</a> tout en restant au sein de la région Grand Est.</p>
<p>À un moment où Paris est à la peine avec ses territoires, et où l’Europe apparaît comme privée de sens pour ses citoyens, et si l’ex-région Alsace, fondue malgré elle dans la région Grand Est en 2016, apportait quelques solutions pour penser la place de la France dans l’Europe ?</p>
<h2>Délicats transferts de compétences</h2>
<p>Dans cette petite région ballottée entre la France et l’Allemagne jusqu’en 1945, germanique par sa culture vernaculaire mais francophile par conviction, la création de la <a href="https://theconversation.com/lalsace-divise-le-grand-est-106198">région Grand Est</a> avait fait ressurgir le malaise alsacien. Celui-ci était apparu après 1918, lorsque la France avait nié le particularisme culturel alsacien et fait surgir des mouvements autonomistes qui, dans les années 1930, avaient été fréquemment infiltrés <a href="https://www.museeprotestant.org/notice/la-reintegration-de-lalsace-lorraine-apres-1918/#Le-malaise-alsacien">par les nazis</a>.</p>
<p>La CEA pourra-t-elle supprimer ce malaise grâce à la fusion des deux départements et un transfert limité, encore mal défini, de compétences ?</p>
<p>Ni <a href="https://www.dna.fr/edition-de-strasbourg/2018/09/20/rottner-l-alsace-c-est-tout-petit-dans-le-monde">Jean Rottner</a>, président de la région Grand Est ni <a href="https://c.lalsace.fr/politique/2018/10/26/ne-pas-deshabiller-l-eurometropole-insiste-robert-herrmann-aupres-de-jacqueline-gourault">Robert Herrmann</a>, président de l’Eurométropole de Strasbourg ne souhaitent ce transfert à l’heure où l’affaiblissement institutionnel des départements au profit des régions et des métropoles devient une <a href="https://www.laprocure.com/atlas-alsace-enjeux-emergences-woessner-raymond/9782350305660.html">réalité</a> du fait des lois NOTRe (par exemple, le département n’a plus le droit de financer des hébergements touristiques) et MAPTAM (les métropoles deviennent les moteurs de la croissance et de l’attractivité des territoires).</p>
<h2>Des compétences spécifiques</h2>
<p>La CEA disposera néanmoins de <a href="https://www.apr-strasbourg.org/docutheques/note-sur-le-projet-de-collectivite-europeenne-dalsace/">compétences spécifiques</a> : la gestion de toutes les routes y compris l’A35 (sauf dans la traversée de Strasbourg) ; l’enseignement des dialectes alsaciens et de la langue allemande avec une restriction puisque « le recrutement, la formation et la titularisation des enseignants (…) relèvent de la compétence de l’État » ; elle « coordonnera la politique du tourisme » ; la CEA « sera chef de file de la coopération transfrontalière, dans le respect des compétences et avec l’accord des autres collectivités »</p>
<p>En outre, les plaques d’immatriculation des véhicules pourront mentionner le logo de la nouvelle collectivité, ce qui constitue un acquis identitaire ; les fédérations associatives (sport, culture, syndicalisme…) pourront s’organiser à l’échelle de la CEA, ce qui limitera maint déplacement ; et les statistiques alsaciennes reverront le jour au lieu d’être noyées dans celles du Grand Est, avec raison, car les données alsaciennes se distinguent pratiquement toujours de celles des ex Champagne-Ardenne et Lorraine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253196/original/file-20190110-32130-1fj9sxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253196/original/file-20190110-32130-1fj9sxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253196/original/file-20190110-32130-1fj9sxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253196/original/file-20190110-32130-1fj9sxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253196/original/file-20190110-32130-1fj9sxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253196/original/file-20190110-32130-1fj9sxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253196/original/file-20190110-32130-1fj9sxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">R. Woessnner</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une rupture avec la tradition jacobine</h2>
<p>Mais, selon le rapport du préfet Jean‑Luc Marx du Grand Est, la CEA engendre cependant un risque de « prolifération » avec d’autres demandes qui pourraient <a href="http://www.prefectures-regions.gouv.fr/grand-est/content/download/49149/325602/file/Rapport%20au%20Premier%20Ministre%20-%20Mission%20Alsace%20Grand%20Est%20-%20VF.pdf">« mettre à mal les principes fondamentaux de la république »</a>.</p>
<p>En effet, le texte instaurant la CEA s’inscrit en rupture avec la gouvernance traditionnelle de la France. D’une part, la « république une et indivisible » rechigne à accorder des droits spécifiques à telle ou telle collectivité, exception faite de l’outre-mer et peut-être de la Corse (où le président Macron avait été accueilli froidement car les élus corses auraient souhaité beaucoup plus de marges de manœuvre).</p>
<p>D’autre part, le fonctionnement de la France reste jacobin, malgré les lois de décentralisation qui n’accordent guère de moyens financiers aux différentes collectivités. Or, la Déclaration commune du 29 octobre 2018 annonce que « le principe de différenciation territoriale, inscrit dans le projet de loi de révision constitutionnelle, renforcera les libertés locales et répondra aux principes d’une décentralisation au service des territoires et d’une libre administration refondée ». Si ces mots seront suivis d’effets, il s’agirait d’un virage à 180°, non seulement du gouvernement Philippe, mais de ce qui a été mis en place depuis Bonaparte !</p>
<p>Ainsi, d <a href="http://eurodistrict.eu/sites/default/files/mediatheque/Les%20Eurodistricts%20dans%20le%20Rhin%20Sup%8Erieur_0.jpg">‘après le texte en vigueur</a> « le projet de collectivité européenne fera de l’Alsace le premier territoire transfrontalier intégré et européen grâce au développement de nouveaux modes de coopération transfrontalière, en lien avec l’Allemagne et la Suisse (…) avec les eurodistricts ».</p>
<p>Or, selon la constitution, c’est l’État central et le prédisent de la République qui ont autorité diplomatique. On irait donc vers un partage de cette autorité régalienne. Il existe un précédent avec les <a href="https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_A1_11.html">accords de Karlsruhe de 1996</a> qui permettent un certain nombre d’arrangements transfrontaliers mais, dans les faits, les préfets ont su depuis garder la main lors de la finalisation de ces projets. Mais si l’accord du 29 octobre 2018 prend effectivement corps, alors on pourra s’engager dans des constructions juridiques transfrontalières inédites.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/252929/original/file-20190108-32148-r4m8mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252929/original/file-20190108-32148-r4m8mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252929/original/file-20190108-32148-r4m8mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252929/original/file-20190108-32148-r4m8mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252929/original/file-20190108-32148-r4m8mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252929/original/file-20190108-32148-r4m8mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252929/original/file-20190108-32148-r4m8mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252929/original/file-20190108-32148-r4m8mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">R.Woessner</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une région laboratoire pour l’Europe ?</h2>
<p>Pour l’Union européenne, les régions transfrontalières constituent un <a href="https://www.amazon.fr/LEurope-entre-g%C3%A9opolitiques-g%C3%A9ographies-Agr%C3%A9gation/dp/2301000567">sujet fort</a> depuis la chute du bloc soviétique. Mais l’UE n’a pas encore trouvé les clés pour organiser une <em>multi level governance</em> (MLG) à l’échelle de ses <a href="http://testpolitics.pbworks.com/w/page/25794792/Multilevel%20Governance">« petites Europe »</a>.</p>
<p>L’idée est de remplacer des coupures nationales par des coutures régionales. Il faut alors s’organiser entre collectivités voisines avec la bienveillances des États nationaux, et un coup de pouce financier de l’Union européenne pour le montage de projets transfrontaliers via les <a href="http://www.fonds-europeens.public.lu/fr/programmes/interreg/interreg-europe-2014-2020/index.html">fonds Interreg</a>.</p>
<p>Or, il y a urgence pour elle d’agir face à la montée des nationalismes et <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-idees-claires/la-democrature-une-democratie-d-apparence">autres « démocratures »</a>.</p>
<p>La CEA pourrait devenir un laboratoire pour l’UE puisque de part et d’autre du Rhin existe une vie relationnelle intense que résume le nombre de travailleurs frontaliers en 2012 : 40 400 dans le Haut-Rhin, 22 000 dans le Bas-Rhin, soit 17 % du total national des travailleurs frontaliers et 6,7 % des actifs de l’Alsace selon les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908466">données de l’Insee</a>.</p>
<p>De nombreuses entreprises allemandes ou suisses sont implantées en Alsace, les premières plutôt dans le Bas-Rhin, les secondes plutôt dans le Haut-Rhin. Les flux de chalandises, les loisirs et le tourisme contribuent eux aussi à un encastrement trinational.</p>
<p>L’Euroairport de Mulhouse-Bâle est organisé par une convention bilatérale <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/A%8Eroport_international_de_B%89le-Mulhouse-Fribourg">franco-suisse depuis 1949</a>.</p>
<p>Des réalisations spectaculaires comme les tramways binationaux de Strasbourg-Kehl et de Bâle-Saint-Louis en 2017-2018 témoignent d’un travail de couture urbaine en partant de leurs zones portuaires avec la <a href="https://www.strasbourg.eu/zac-deux-rives">ZAC des Deux-Rives</a> à Strasbourg-Kehl et le projet Rheinhattan à <a href="https://bazonline.ch/basel/stadt/weg-frei-fuer-rheinhattan/story/26876076">Bâle-Huningue-Weil-am-Rhein</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252294/original/file-20190102-32124-balk3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252294/original/file-20190102-32124-balk3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252294/original/file-20190102-32124-balk3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252294/original/file-20190102-32124-balk3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252294/original/file-20190102-32124-balk3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252294/original/file-20190102-32124-balk3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252294/original/file-20190102-32124-balk3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rame Citadis quittant la station Kehl Rathaus.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ligne_D_tramway_de_Strasbourg_%C3%A0_Kehl.jpg?uselang=fr">Cik54/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais l’Euroairport <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/aeroport-bale-mulhouse-francais-et-suisses-mettent-un-point-final-a-leur-querelle-fiscale-1332026.html">a été récemment menacé</a> par les foudres de Bercy, qui voulait remplacer le régime fiscal suisse par le sien dans la partie suisse de l’aéroport, et par une remise en cause du droit du travail, avant que des accords pragmatiques ne s’imposent pour la poursuite de la prospérité de la plate-forme (6 500 emplois et 8,5 millions de passagers en 2018).</p>
<p>Plus récemment, suite à l’annonce de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/10/04/fermeture-de-la-centrale-de-fessenheim-le-gouvernement-presente-son-plan-de-reconversion_5364283_3234.html">fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim</a> annoncée pour 2020, le <a href="https://www.paysrhinbrisach.fr/actions-et-projets/transfrontalier/groupement-de-cooperation-transfrontaliere/">Groupement local de coopération transfrontalière</a> (GLCT) se préoccupe de son avenir. Ce GLCT était apparu pour faciliter l’employabilité des Français dans l’Allemagne voisine, où se trouve le Gewerbepark Breisgau (une zone d’activité implantée sur le site d’un ex-aéroport de l’OTAN). Encore fallait-il pouvoir s’y rendre au quotidien.</p>
<p>Avec un soutien des fonds européens <a href="https://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/informat/interreg_fr.pdf">Interreg II</a>), un pont à voie unique avait été ouvert dès 2006 entre Fessenheim et la [zone d’activités du Gewerbepark](http://fr.gewerbepark-breisgau.de/](http://fr.gewerbepark-breisgau.de/).</p>
<p>Comme le plein emploi est une réalité du <a href="https://www.connexion-emploi.com/fr/a/travailler-dans-le-bade-wurtemberg-nos-conseils-pour-trouver-un-emploi-ou-un-stage-a-stuttgart-fribourg-et-karlsruhe">côté badois</a>, il est tentant de vouloir transposer le droit allemand dans l’ensemble du GLCT afin d’offrir des conditions identiques aux entreprises de part et d’autre du Rhin. La balle est dans le camp de l’État français qui devrait alors faire le deuil d’une partie au moins de ses pouvoirs régaliens.</p>
<h2>Un projet qui ferait cadre</h2>
<p>Et si l’on inversait la problématique, avec un projet qui ferait le cadre ? Selon le président Macron, « nous ne devons pas nous perdre dans des débats institutionnels » (<a href="http://panoramapresse.haut-rhin.fr/imprimer/20181105/20181104/20181103"><em>L’Alsace</em>, 5 novembre 2018</a>). Le projet de la CEA risque effectivement d’absorber beaucoup d’énergie et de créer de fortes tensions entre les acteurs politiques.</p>
<p>Le président Macron avait d’ailleurs été pris au mot par Roland Mack, le dirigeant allemand d’Europapark, consacré meilleur parc de loisirs au monde pour la <a href="http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/europa-park-sacre-meilleur-parc-d-attractions-du-monde-10-09-2018-7883310.php">5ᵉ fois consécutive en 2018</a>. Mack a ainsi proposé de relier la France à son parc par un téléphérique au-dessus du Rhin en 2023, et cela <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/0600098226826-europa-park-veut-construire-un-telepherique-sur-le-rhin-2219878.php">aux frais de son entreprise</a>. Pragmatisme de chef d’entreprise… Sera-t-il suffisant pour convaincre de ce côté-ci du Rhin ?</p>
<hr>
<p><em>L’auteur vient de publier <a href="https://www.atlande.eu/home/639-atlas-de-l-alsace-enjeux-et-emergences.html">« Atlas de l’Alsace : enjeux et émergences »</a>, 2018, édition Atlande.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raymond Woessner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À un moment où Paris est à la peine avec ses territoires et où l’Europe apparaît comme privée de sens pour ses citoyens, et si l’ex-région Alsace apportait quelques solutions ?Raymond Woessner, Professeur de géographie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1086422018-12-14T01:21:39Z2018-12-14T01:21:39ZLes droits de l’homme commencent près de chez soi<p>1958 : dix ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Eleanor Roosevelt, coauteur de ce texte au côté de René Cassin notamment, s’interrogeait :</p>
<blockquote>
<p>« Où, après tout, commencent les droits de l’homme ? »</p>
</blockquote>
<p>Et elle répondait :</p>
<blockquote>
<p>« Dans les petites collectivités ; près de chez soi, en des lieux si proches et si petits qu’on ne peut les voir sur aucune carte du monde. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250299/original/file-20181212-110256-12cvugi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250299/original/file-20181212-110256-12cvugi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250299/original/file-20181212-110256-12cvugi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250299/original/file-20181212-110256-12cvugi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250299/original/file-20181212-110256-12cvugi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250299/original/file-20181212-110256-12cvugi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250299/original/file-20181212-110256-12cvugi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Eleanor Roosevelt lisant la Déclaration universelle des droits de l’homme (en 1949).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eleanor_Roosevelt_and_Human_Rights_Declaration.jpg">DR</a></span>
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</figure>
<p>C’est, bien en effet, dans sa commune, dans son quartier, dans son univers personnel que chaque femme, chaque homme, chaque enfant aspire à la protection de ses droits. Les droits de l’homme ne s’exercent pas dans le vide : ils n’ont de sens qu’au sein d’une collectivité et les individus qui les revendiquent sont toujours géographiquement situés.</p>
<h2>Les droits de l’homme ou les oubliés de la décentralisation</h2>
<p>2018 : 70 ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la question de la protection locale des droits de l’homme reste toujours non posée et donc méconnue, une <a href="https://rm.coe.int/0900001680746f4f">« terra incognita »</a> a-t-on dit. Si les droits de l’homme –</p>
<p>« fait idéologique et politique majeur » de ces dernières décennies, selon <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-2000-3-page-258.htm">Marcel Gauchet</a> – sont partout, ils ne sont peut-être pas là où l’on pourrait les attendre le plus, à savoir au niveau local.</p>
<p>Un examen des principales lois françaises relatives à la décentralisation révèle que la notion de « droits de l’homme » n’y est, pour ainsi dire, jamais employée. De nombreuses compétences ont pourtant été transférées aux collectivités territoriales.</p>
<h2>Les responsabilités des collectivités territoriales</h2>
<p>Or, lorsqu’un État délègue une partie de ses attributions à des autorités locales, il doit, conformément aux normes internationales des droits de l’homme, s’assurer que celles-ci respectent et font respecter leurs obligations en la matière. Il doit aussi leur donner les moyens de le faire.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250250/original/file-20181212-110264-1ay52pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250250/original/file-20181212-110264-1ay52pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250250/original/file-20181212-110264-1ay52pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250250/original/file-20181212-110264-1ay52pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250250/original/file-20181212-110264-1ay52pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250250/original/file-20181212-110264-1ay52pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250250/original/file-20181212-110264-1ay52pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">René Cassin, l’un des principaux artisans de la Déclaration universelle des droits de l’homme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Cette affirmation ne doit pas être source de malentendus : elle ne signifie pas qu’en décentralisant, l’État central se déleste sur les collectivités territoriales d’une partie de ces obligations en matière de droits de l’homme. Elle signifie seulement que les collectivités territoriales ont des obligations découlant des droits de l’homme et que ces obligations s’ajoutent à celles du gouvernement sans s’y substituer : si l’État central est le premier garant de ces droits, il n’en est pas le seul.</p>
<p>Les organes onusiens de contrôle des droits de l’homme le rappellent régulièrement : <a href="https://www.refworld.org/publisher,CERD,FRA,55c8815c4,0.html">dans son dernier rapport sur la France</a>, le Comité des Nations unies pour l’élimination des discriminations raciales s’est ainsi dit préoccupé par les manquements des collectivités territoriales françaises dans ce domaine et a demandé à la France de s’assurer que le transfert de compétences aux collectivités locales n’affecte pas la non-discrimination sur son territoire.</p>
<p>Dans le domaine social également, les collectivités territoriales ont d’importantes responsabilités : ce sont ainsi les départements qui, en fournissant des prestations financières, jouent un rôle-clé s’agissant du droit à un niveau de vie suffisant protégé à l’article 25 de la <a href="http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/">Déclaration</a> universelle des droits de l’homme.</p>
<h2>Comme Monsieur Jourdain…</h2>
<p>Toutefois, les élus locaux et agents des collectivités territoriales « font » bien souvent des droits de l’homme comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans en avoir conscience.</p>
<p>Ainsi du cas de ce département qui refusait de loger une mineure d’origine nigériane victime d’un réseau de prostitution : l’Aide sociale à l’enfance se disait submergée et renvoyait l’État à ses propres responsabilités en matière d’immigration. Ce faisant, les agents du service en cause étaient-ils conscients de porter atteinte aux droits de l’homme ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250253/original/file-20181212-110240-1br3rin.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250253/original/file-20181212-110240-1br3rin.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250253/original/file-20181212-110240-1br3rin.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250253/original/file-20181212-110240-1br3rin.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250253/original/file-20181212-110240-1br3rin.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250253/original/file-20181212-110240-1br3rin.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250253/original/file-20181212-110240-1br3rin.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un centre d'accueil de l’aide sociale à l’enfance (ici à Forges-les-Bains).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lionel Allorge/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
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<p>Certes, certaines collectivités territoriales font montre d’une aspiration à s’emparer de ces droits : plusieurs communes françaises, de toute taille (Angers, Bordeaux, Caudebec-lès–Elbeuf, Quimper, Perpignan, Rezé, Strasbourg…), ont ainsi signé la <a href="https://www.uclg-cisdp.org/fr/le-droit-a-la-ville/charte-europeenne">Charte européenne des droits de l’homme dans la ville</a>, texte rédigé par et pour les instances locales.</p>
<p>Ces « bonnes pratiques » sont-elles, toutefois, révélatrices d’une évolution générale au sein des collectivités territoriales et d’un souci accru de la part des élus locaux de protéger ces droits ? Et des actions sont-elles mises en œuvre dans le cadre local à cette fin ?</p>
<h2>Métropoles et régions <em>versus</em> petites communes</h2>
<p>C’est à ces questions que le <a href="https://droitsdelhommeglocal.wordpress.com/">projet GLOCAL</a>, financé par l’<a href="http://www.agence-nationale-recherche.fr/Projet-ANR-13-JSH1-0006">Agence nationale de la recherche</a> a cherché à répondre, son but étant de se pencher sur l’expérience quotidienne en France de la Déclaration universelle des droits de l’homme.</p>
<p>Dans le cadre de ce projet, une <a href="https://droitsdelhommeglocal.wordpress.com/2018/12/12/les-droits-de-lhomme-a-lepreuve-du-local/">enquête</a>, combinant des entretiens et un questionnaire (ayant obtenu 500 réponses complètes exploitables), a été menée auprès des élus locaux. 5 % des répondants seulement citent spontanément la Déclaration universelle des droits de l’homme comme texte de référence dans l’exercice de leur fonction.</p>
<p>Les résultats de cette enquête révèlent que les pratiques locales en faveur des droits de l’homme sont principalement fonction de la taille de la collectivité locale, de son poids démographique et de son statut : ainsi, c’est au sein des régions et des métropoles que les pratiques favorables aux droits de l’homme se font plus intenses, au contraire des petites communes. Dans les grandes collectivités territoriales, les droits de l’homme sont mobilisés lors des débats publics, voire dans les textes administratifs. Des informations sont proposées aux élus et aux agents et les dispositifs d’accès aux droits vont chercher, par exemple, à viser les minorités.</p>
<p>Par-delà les pratiques proprement dites, le regard que l’élu local porte lui-même sur les droits de l’homme est déterminé par sa propre trajectoire. Autrement dit, l’intérêt que celui-ci témoigne à ces droits est tributaire de son niveau de diplôme, de sa profession ou encore de ses engagements personnels (militants, associatifs ou religieux).</p>
<h2>Des « lointaines chimères » au « vœux pieux »</h2>
<p>Sur cette base et à la lumière de notre étude, il est possible de distinguer trois grandes catégories d’élus locaux.</p>
<ul>
<li><p>Une première catégorie d’entre eux, qui est majoritaire (48 % de nos répondants), envisage les droits de l’homme comme de « lointaines chimères ». Ces élus, bien souvent de petites communes et sans étiquette politique, expriment une relative distance à l’égard de ces droits. Peu enclins à recevoir des formations dans ce domaine, ils font montre d’une certaine défiance à l’idée que l’exécutif local puisse mobiliser ces droits.</p></li>
<li><p>Une deuxième catégorie d’élus (28 % environ de nos répondants) voit dans les droits de l’homme une « ligne d’horizon pour l’action ». Cette catégorie, qui regroupe principalement des représentants des grandes collectivités (régions, départements, métropole, communautés urbaines), s’approprie concrètement la culture juridique des droits de l’homme et cherche à développer des pratiques en leur faveur. Si les élus de cette catégorie sont souvent inscrits dans une collectivité de gauche, l’« attachement à l’esprit des droits de l’homme » n’est pas nécessairement associé à une majorité communiste ou socialiste, selon les termes d’une élue d’une métropole historiquement gouvernée par la droite lors d’un entretien.</p></li>
<li><p>Enfin, une troisième catégorie d’élus locaux (24 % environ de nos répondants) considèrent les droits de l’homme comme des « vœux pieux » : il s’agit souvent de représentants de petites communes, fréquemment à gauche et déclarant, bien souvent une pratique religieuse. Ces élus, particulièrement attachés aux droits sociaux, souhaiteraient une application renforcée des droits de l’homme dans le cadre local, mais insistent sur le manque de moyens et de financement dont ils disposent.</p></li>
</ul>
<p>C’est dire que la bonne volonté juridique des élus ne suffit pas à garantir une bonne mise en œuvre de ces droits. Penser l’action locale en termes de droits humains et lui donner les moyens de se concrétiser peut contribuer à une effectivité plus grande de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il faut désormais penser ce texte en gardant à l’esprit les mots d’<a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Une-nouvelle-region-du-monde">Édouard Glissant</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Agis dans ton lieu, pense avec le monde. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/108642/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Le Bris dirige le projet GLOCAL financé par l'Agence nationale de la recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Edouard Weill est membre du projet GLOCAL financé par l'Agence nationale de la recherche.</span></em></p>Si les droits de l’homme sont partout, ils ne sont peut-être pas là où l’on pourrait les attendre le plus : au niveau local.Catherine Le Bris, Chargée de recherche au CNRS, Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, Paris 1, Université Paris 1 Panthéon-SorbonnePierre-Édouard Weill, Maître de conférences en Sociologie, Université de Bretagne occidentale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1083532018-12-06T23:50:52Z2018-12-06T23:50:52Z« Gilets jaunes » : les maires face à l’émergence du citoyen consumériste<p>La révolte des « gilets jaunes » a fait l’objet de nombreux commentaires mettant en évidence la fracture territoriale qui opposerait les centres urbains aux espaces ruraux désertés par les services publics. La restructuration des bureaux de poste, la disparition des maternités, la fermeture des classes ou des écoles ont produit des surcoûts en temps et en argent pesant sur toutes les catégories populaires ou modestes observant avec colère leur déclassement social. Mais les gilets jaunes expriment également dans leurs revendications une demande de démocratie horizontale et une défiance profonde à l’égard des institutions républicaines comme de la démocratie représentative.</p>
<p>Cette crise pose donc directement la question de la décentralisation et de son évolution. Le problème, aujourd’hui, est que le seul garde-fou institutionnel qui permettait de contenir ou de canaliser cette colère populaire, à savoir l’échelon communal, est lui-même menacé par le désenchantement démocratique. À la crise des gilets jaunes répond celle qui secoue les maires des petites communes alors même que la solution de sortie de crise proposée par le gouvernement est précisément de renvoyer les débats aux arènes locales.</p>
<p>La crise des gilets jaunes se noue dans cette opposition entre l’expérience des pratiques quotidiennes – enracinées par définition dans le local – et une action publique dont les justifications macroéconomiques sont réelles (réduire les déficits, relancer l’économie dans le contexte de la mondialisation), mais ne parlent plus à un nombre croissant de citoyens qui ne veulent plus attendre les lendemains qui chantent.</p>
<p>Le point de contact précis où s’exerce la démocratie de proximité est constitué par les communes de moins de 500 habitants, rurales pour l’essentiel. Or c’est à ce niveau que les difficultés sont les plus grandes. On s’appuiera ici sur <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/les-maires-de-france">l’enquête que le Cevipof a menée</a> à l’automne 2018 auprès des maires pour le compte de l’Association des maires de France. Celle-ci repose sur les réponses des 4 657 maires (dont 2 147 de communes de moins de 500 habitants) au questionnaire envoyé à l’ensemble des 35 610 maires de France.</p>
<h2>Graphique 1 – L’échantillon de l’enquête</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Enquête Maires Cevipof -- AMF, 2018.</span></span>
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<h2>La crise des vocations</h2>
<p>La crise qui traverse les maires des petites communes s’est manifestée tout d’abord à la fin de l’été 2018 par l’annonce d’un taux inhabituel de démissions de maires élus en 2014. De nombreux témoignages se sont alors accumulés pour dénoncer une situation financière, mais aussi institutionnelle, devenue insupportable. L’enquête que l’on a menée confirme largement un état de crise de la démocratie de proximité qui ne touche pas toutes les communes mais seulement les plus petites d’entre elles, là où le contact entre le maire et les habitants est fréquent et inévitable.</p>
<p>Les maires des communes de moins de 500 habitants – qui constituent la moitié des communes françaises – présentent des caractéristiques sociales particulières qui les rapprochent fortement de leurs administrés. En effet, ils sont plus souvent originaires des classes populaires et des classes moyennes (69 %) que les maires des communes au-dessus de 3 500 habitants (41 %), sont bien plus souvent composés d’agriculteurs actifs ou à la retraite (13 % contre 4 %) et beaucoup moins de cadres du privé (13 % contre 23 %) ou de grands indépendants, patrons ou membres des professions libérales (5 % contre 15 %). À ce titre, on ne peut donc pas parler des maires ou des communes en général en s’appuyant sur des données moyennes qui cachent la réalité du terrain.</p>
<p>C’est bien dans les communes rurales que s’affirme la crise des vocations : 54 % de leurs maires souhaitent abandonner tout mandat local ou national en 2020. C’est sensiblement supérieur à ce que l’on observe dans les communes de plus de 3 500 habitants (29 %). Qui plus est, ce désir de départ concerne 48 % des maires des petites communes qui en sont à leur premier mandat et qui ont été élus en 2014 contre 57 % de ceux qui en sont à leur second mandat et 63 % de ceux qui en sont à leur troisième. Ce retrait de la vie politique ne vise donc pas seulement les plus âgés qui voudraient passer la main.</p>
<h2>Graphique 2 – Souhait des maires de quitter tout mandat selon la taille de la commune (%)</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Enquête Maires Cevipof -- AMF, 2018.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une grosse fatigue démocratique</h2>
<p>Pourquoi ces maires veulent-ils abandonner tout mandat ? La question des moyens financiers et de la dépossession de leur pouvoir de décision par les intercommunalités dont les compétences obligatoires ont été élargies notamment par la loi NOTRe de 2015 pèsent de manière générale sur les petites communes. Ces arguments ont été largement présents lors du congrès 2018 de l’Association des maires de France.</p>
<p>Mais le désarroi des maires des communes rurales ne peut être uniquement expliqué par des raisons institutionnelles ou économiques. Seuls 15 % des maires indiquent que la situation financière de leur commune est critique ou très critique. La volonté de départ n’est pas liée à la situation budgétaire de la commune, bien au contraire, puisque 53 % des maires dont la commune est en situation difficile veulent partir contre 59 % des maires dont la commune est en bonne condition financière.</p>
<p>Lorsqu’on examine les résultats en détail, on voit que les maires sur le départ évoquent surtout une grosse fatigue démocratique. Bien entendu, ils sont 35 % à invoquer l’absence de moyens financiers et 16 % le manque de personnel territorial. Ils sont également 19 % à se sentir inutiles contre 6 % dans les communes de plus de 3 500 habitants. Mais ils sont 68 % à mettre en avant le désir de se consacrer à leur vie privée et familiale et 51 % à dire qu’ils ont rempli leur devoir civique. Et 36 % d’entre eux évoquent un niveau d’exigence trop important de leurs administrés. Globalement, la charge de travail est devenue excessive. Interrogés sur l’intensité de leur engagement personnel depuis leur première élection, 68 % des maires disent qu’il est devenu beaucoup plus important. Mais cette proportion monte à 75 % pour ceux qui en sont à leur premier mandat.</p>
<p>Pour l’essentiel, le départ est motivé par l’idée qu’ils ont suffisamment contribué au bien commun et qu’il est temps de profiter de leur vie personnelle, dans un mouvement de retrait qui n’est pas dû à leur âge. Les plus jeunes (les moins de 57 ans) sont notamment les plus nombreux en proportion à évoquer le fait d’être confrontés à des exigences excessives de la part des administrés : 47 % contre 32 % pour ceux qui ont entre 65 et 70 ans, et 29 % pour les plus de 70 ans.</p>
<h2>L’émergence du citoyen consumériste</h2>
<p>L’environnement des maires des petites communes, lorsqu’ils évoquent leur métier, est dominé par trois facteurs : </p>
<ul>
<li><p>le risque juridique et pénal que leur fait courir leur fonction (86 % le dénoncent) ;</p></li>
<li><p>le fait que le niveau d’exigence des citoyens est trop élevé (73 % le mentionnent) </p></li>
<li><p>le fait que le mandat de maire est difficile à concilier avec une vie professionnelle parallèle alors même que les indemnités sont faibles (70 %).</p></li>
</ul>
<p>Si le dernier point soulève la question d’un éventuel statut des élus locaux, afin d’en diversifier les profils générationnels et sociaux, les deux premiers se répondent et renvoient tous deux à la montée en puissance d’un nouveau type de démocratie où les citoyens se font plus exigeants et plus prompts à engager des poursuites.</p>
<p>On est ici au cœur d’un changement qui voit évoluer le lien de citoyenneté conçu non plus comme une participation à un espace public ouvert où s’organisent des arbitrages complexes, mais comme un investissement fiscal exigeant une contrepartie claire et rapide dans le cadre d’une interaction directe avec les élus. </p>
<p>De nombreux maires font des commentaires fort significatifs sur cette évolution dans le cadre d’une question ouverte sur les motifs de leur insatisfaction qui montrent que la proximité n’est pas nécessairement synonyme de sérénité. Cela va du laconique :</p>
<blockquote>
<p>« subir les cons » (homme, 60 ans, agriculteur, deuxième mandat, commune de 60 habitants, Ardennes)</p>
</blockquote>
<p>à :</p>
<blockquote>
<p>« individualisme, égoïsme, dégradation de la notion de citoyen responsable » (homme, 66 ans, enseignant, premier mandat, commune de 105 habitants, Aude)</p>
</blockquote>
<p>en passant par :</p>
<blockquote>
<p>« Constater l’absence de participation de plus en plus d’habitants à la vie communale (scolaire, loisirs, festive). J’ai le sentiment que les habitants arrivés depuis quelques années ou récemment vivent en majorité dans leur bulle qu’ils ont posée dans la commune, en étant consommateurs de ce qu’ils trouvent ici ou là-bas, surtout là-bas, autant en matière de commerce que d’école ! tant que le carburant pour se déplacer ne coûtera pas une fortune. Ce sont les problématiques d’une petite commune rurale. » (homme, 66 ans, troisième mandat, cadre de la fonction publique, commune de 386 habitants, Côtes-d’Armor).</p>
</blockquote>
<h2>Entre le marteau des citoyens et l’enclume de l’État</h2>
<p>C’est donc pris entre le marteau des citoyens et l’enclume de l’État, qu’ils critiquent souvent pour son désintérêt ou son ignorance des questions de la ruralité, que les maires des petites communes vivent cette crise territoriale. </p>
<p>Celle-ci appelle à l’évidence une réflexion sur la décentralisation. Une décentralisation qui est devenue fonctionnelle et mise au service d’une division du travail entre l’État et les communes dans la recherche d’économies budgétaires. Mais le mal n’est pas seulement institutionnel, il est plus profond : il touche aussi la conception même du lien de citoyenneté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108353/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À la crise des « gilets jaunes » répond celle qui secoue les maires des petites communes alors même que la solution de sortie de crise du gouvernement est de renvoyer les débats aux arènes locales.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/833092017-09-05T19:39:55Z2017-09-05T19:39:55ZPolice de proximité : sortir du roman policier national<p>Le ministre de l’Intérieur annonce la constitution, fin 2017, d’une « police de la sécurité du quotidien » de 10 000 agents et visant à « construire avec les élus de terrain, avec la population et l’ensemble des acteurs les solutions de sécurité », sans donner guère plus de détails. Pourtant, la mise en place en France de polices urbaines de proximité, puisque qu’il s’agit de cela, constitue un chantier d’action publique crucial.</p>
<p>Si globalement les forces de police françaises jouissent d’une bonne popularité en général, le divorce est consommé dans la plupart des zones urbaines cumulant difficultés socioéconomiques et insécurité chronique, les deux étant évidemment liées. Sans parler de ségrégation, se pose la question d’une République assumée à deux vitesses. Rappelons alors quelques faits sur l’idée de police de proximité et sa mise en œuvre.</p>
<h2>La « PolProx » version nord-américaine</h2>
<p>Les stratégies et les dispositifs de police de proximité (SDPP) ont surtout été formalisés en Amérique du Nord dans les années 1980 sous le nom de <em>community policing</em> (<em>police communautaire</em> au Québec) (cf. les textes fondamentaux édités par Brodeur et Monjardet, notamment <a href="http://classiques.uqac.ca/contemporains/brodeur_jean_paul/connaitre_la_police/connaitre_la_police.html">ceux de Skogan, Goldstein</a>, les excellents travaux de <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2002-2-page-163.htm">Christian Mouhanna</a> pour la France) et <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/crimino/2003-v36-n1-crimino527/006556ar/resume/">d'autres encore</a>), et progressivement institutionnalisées là-bas dans les années 1990 (par exemple, la très incitative – un milliard de dollars d’aides par an – <em>section Community Oriented Policing Services</em> de la loi fédérale américaine <em>Violent Crime Control and Law Enforcement</em> de 1994).</p>
<p>Le principe de base est simple. Sur le plan légal, la police est un service public et doit donc être attentive aux besoins de sécurité exprimés par les citoyens quels qu’ils soient, où qu’ils habitent. En pratique, l’établissement par un service territorialisé de police de relations de confiance soutenues avec la population et ses leaders (proviseurs de collège, présidents d’association de commerçants, etc.) permet un traitement précoce et efficace des problèmes de sécurité, du vandalisme au terrorisme, et globalement une amélioration de la qualité de vie dans les zones concernées, <a href="http://classiques.uqac.ca/contemporains/brodeur_jean_paul/connaitre_la_police/connaitre_la_police.html">comme le montrent Wilson J.Q. & Kelling G. dans un article séminal</a></p>
<h2>Changement radical de posture</h2>
<p>Aujourd’hui, deux faits généraux méritent attention concernant les expériences nord-américaines en matière de stratégies et de dispositifs de police de proximité. Primo, les SDPP ne forment plus une mode, mais un modèle de police désormais installé dans de nombreuses polices locales, municipales ou de comtés, y compris dans des pays européens comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas.</p>
<p>Secundo, l’inscription durable des SDPP dans l’agenda politique d’un nombre croissant d’élus locaux a été déterminante pour leur diffusion et leur pérennisation. Car l’adoption de SDPP implique un changement assez radical de posture pour les organisations policières, lesquelles se montrent donc souvent réticentes à l’égard de cette perspective. Elles doivent en effet accepter :</p>
<ul>
<li><p>de ne plus détenir le monopole de la définition et, dans une moindre mesure, du traitement l’insécurité ;</p></li>
<li><p>de passer du temps à interagir avec les citoyens et rendre souvent compte de leur action au risque de se voir critiquer ;</p></li>
<li><p>d’organiser la consignation et l’usage des informations glanées lors des échanges avec les citoyens</p></li>
<li><p>de se comporter de façon exemplaire et respectueuse malgré l’asymétrie de force (par exemple, être courtois dans l’interaction même en cas d’infraction flagrante, porter sa ceinture de sécurité en voiture de service, etc.).</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, imaginer que des policiers nationaux français, recrutés et gérés par le ministère de l’Intérieur et agissant sous l’autorité d’un préfet et/ou d’un procureur, puissent s’engager dans des SDPP semble peu réaliste.</p>
<h2>Pourquoi PN et « PolProx » ne sont pas compatibles</h2>
<p>Toute l’histoire de la police nationale (PN), depuis sa création en 1941 par nationalisation définitive des polices municipales, indique une déterritorialisation structurelle. Contrairement aux polices nord-américaines de rang national, comme le FBI ou la Gendarmerie Royale du Canada, la PN n’a jamais été ramenée à la « raison d’État territorial » via une multitude de grosses polices locales.</p>
<p>En dépit des lois de décentralisation des années 1980 et 2000, qui ont fortement impacté l’immense majorité des administrations publiques d’État, la PN reste un service curieusement appelé « régalien ». Et ce malgré le fait que, depuis les années 1970, l’accès de classes moyennes à la propriété en zones périurbaines, l’apparition de ghettos et la montée de la petite délinquance et des violences urbaines (devenues un mode d’expression politique) ont engendré une demande exponentielle de protection de proximité, motivée par une insécurité réelle ou un simple sentiment d’insécurité. Pour ceux qui en ont eu les moyens, se tourner vers la sécurité privée (du coup, en fort développement) a constitué la seule solution. Pour les autres, ce processus social profond et aux effets dévastateurs a continué.</p>
<p>En miroir de la situation outre-Atlantique ou britannique, ou encore allemande ou espagnole, la PN et l’Intérieur ont toujours défendu coûte que coûte un roman national policier unitariste et stato-centré : une « police » doit être nationale et gouvernée par le haut pour être professionnelle et efficace. C’est le haut qui doit dire au local quand, comment et selon quelles procédures il doit s’adapter.</p>
<h2>Le rejet du « localisme »</h2>
<p>Cette croyance vient de loin : le processus d’étatisation des polices municipales amorcé dans l’entre-deux guerres <a href="http://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1994_num_35_3_4342">dans un contexte politique particulier de méfiance</a> et de dénigrement des métropoles (Bordeaux, Lyon, Marseille…) accusées de localisme et clientélisme. De là vient la constance des élites nationales policières d’après-guerre et de la plupart des ministres de l’Intérieur – enrôlés « premier flic de France » de façon corporatiste et peu républicaine (même si l’on doit cette expression à Georges Clémenceau) – à présenter l’échelon politique local comme incapable de cogérer la sécurité publique.</p>
<p>Cela relève d’une conviction institutionnalisée ou d’un cadrage cognitif, d’autant plus fort qu’il n’est presque jamais discuté. Les deux dernières véritables occurrences de débat datent de 1976 (le rapport Peyrefitte) et de 1982 (le rapport Bonnemaison) ! Depuis la République française a changé. La révision constitutionnelle de 2003 en a confirmé l’organisation décentralisée. Les territoires urbains ont changé aussi, certains ne bénéficiant plus d’un service public de police digne de ce nom.</p>
<p>Comble de tout, de plus en plus de policiers nationaux avouent ne plus pouvoir travailler en sécurité. Mais rien n’y fait : le roman policier unitariste et stato-centré demeure le seul cadre de référence. Cela confine à de la « dissonance cognitive » pour employer le concept de Léon Festinger analysant comment un groupe « s’arrange intellectuellement » pour ne rien changer à son fonctionnement alors que son environnement lui indique <a href="https://www.scienceshumaines.com/l-echec-d-une-prophetie_fr_12965.html">clairement qu’il est dans l’erreur</a> (ou <a href="https://www.goodreads.com/book/show/1658643.For_the_Sake_of_the_Children">Carol A. Heimer and Lisa R. Staffen</a>).</p>
<p>La lecture du roman perdure pourtant, structurant les <em>policy choices</em> de l’administration policière indépendamment des alternances politiques. Elle s’est une nouvelle fois exprimée au grand jour par le refus brutal de la police de proximité (la plus ambitieuse réforme policière des trente dernières années) officialisé en 2003 par la visite à Toulouse du ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy qui déclara en substance, devant un DDSP et des élus locaux stupéfaits, que la police n’était pas faite pour jouer au rugby avec des jeunes, mais pour arrêter des délinquants.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZVoKR9rOd0g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Nicolas Sarkozy n’a pourtant pas tué la dite « PolProx ». La tradition a juste conduit sa pensée. L’ancien ministre de l’Intérieur a simplement pris acte qu’elle n’était que nonchalamment expérimentée dans des circonscriptions politiquement sélectionnées du temps de son prédécesseur socialiste, Daniel Vaillant, lui-même réticent du fait de la pression d’une majorité de hiérarques de la PN (c’est sous J.P. Chevènement que le projet avait été lancé).</p>
<p>On pourrait ajouter d’autres expressions de ce dogmatisme stato-centré tenace : le démembrement en 2008 puis le rafistolage hâtif en 2014 des RG qui désorganisa profondément l’appareil du renseignement territorial a- ou pré-judiciaire français, ou la ténuité des relations entre la PN et des polices municipales (toujours déconsidérées dans la hiérarchie policière) avec des conventions de coordination ou des partenariats locaux de sécurité n’existant que sur le papier.</p>
<h2>L’heure de refermer la parenthèse ouverte en 1941</h2>
<p>Les polices municipales, en forte croissance depuis les années 1990 (on compte aujourd’hui près de 23 000 agents de PM), ont pu pallier tendanciellement, mais partiellement car clandestinement, les déficiences territoriales de la PN. Elles gèrent nombre de tâches considérées comme indues par la PN : stationnement, sorties écoles, gestion des manifestations sportives, voire petite délinquance ou « violences urbaines » officieusement… Elles ont, en outre, en charge la gestion de la vidéosurveillance, ce qui n’est pas rien.</p>
<p>L’ère des PM mal formées, sous-équipées, peu intercommunales et très politisées est presque derrière nous. Les nombreuses évolutions législatives incessantes depuis 1999 en attestent, de même que la vitalité des revendications corporatives de ces polices. On peut prendre pour exemple la constitution récente d’un corps des directeurs de Police municipale qui ne cessent de s’organiser en profession et de mettre en œuvre de véritables stratégies locales de sécurité. La vitalité des forums syndicaux et des réseaux d’échanges de bonnes pratiques montre que ces nouvelles élites des PM se sont émancipées de la PN et peuvent gérer intelligemment la sécurité publique communale.</p>
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<span class="caption">Cyclistes de la police municipale de Cannes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/5d/Cyclistes_de_la_police_municipale_de_Cannes.JPG/640px-Cyclistes_de_la_police_municipale_de_Cannes.JPG">Kevin. B</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La police, avec d’autres services publics, doit donc reprendre pied dans les territoires en s’ouvrant de façon persévérante aux besoins de tous leurs habitants. Plutôt que de placer des espoirs institutionnellement peu raisonnables dans les vagues projets de la PN et du ministère de l’Intérieur, refermons la parenthèse ouverte en 1941 et construisons de véritables polices municipales (PM) dotées de pouvoirs dits de police générale ou d’OPJ.</p>
<p>Travaillant sous l’autorité des maires, formées, gérées et contrôlées selon des standards explicites nationaux – afin d’éviter les classiques mais gérables dérives clientélistes et corporatistes –, il n’y a aucune raison qu’elles ne puissent pas opérer en bonne intelligence avec les différentes branches de la PN (les DDSP, les DRPJ ou la DGSI) car la synergie entre PolProx et renseignement territorial, quasi-nulle aujourd’hui, est aussi une piste sérieuse pour prévenir et lutter contre les radicalités politiques. Cela aussi, des expériences outre-Atlantique le <a href="http://m.slate.fr/story/140945/instaurer-de-vraies-polices-urbaines-territorialisees">montrent clairement</a>.</p>
<hr>
<p><em>Jérôme Ferret a récemment publié « Crisis social, Moviminetos y Sociedad en España, HOY, 2016 et analysé dans l’un des chapitres le radicalisme religieux en Catalogne.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83309/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Ferret a reçu des financements du CNRS INSHS pour mener une recherche comparative avec Vincent Spenlehauer sur l’action publique anti-terroriste (APAT) : organisation, conduite et réflexivité dans un pays exposé (la France). Il anime également le groupe Radicalités et Régulations <a href="http://radicalite.hypotheses.org/">http://radicalite.hypotheses.org/</a> à la MSHS Toulouse avec Pascal Marchand et David Vavassori.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Spenlehauer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La police nationale et l’Intérieur ont toujours défendu une conception en vertu de laquelle une police doit être nationale et gouvernée par le haut pour être professionnelle et efficace. Pas si sûr.Vincent Spenlehauer, Directeur du pôle de formation à l'action publique, École des Ponts ParisTech (ENPC)Jérôme Ferret, Maître de conférences en sociologie, Université Toulouse 1 CapitoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/763472017-04-27T20:27:27Z2017-04-27T20:27:27ZBaromètre de l’énergie : les conséquences de la décentralisation de l’électricité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167005/original/file-20170427-15086-lgamkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Solaire et bois</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/l-%C3%A9nergie-eco-%C3%A9nergie-solaire-bois-1322810/#">Antranias/pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Si le système d’électricité de la France <a href="https://theconversation.com/barometre-de-lenergie-la-decentralisation-en-question-76346">devient plus décentralisé</a>, à quoi ressemblera-t-il ? On peut espérer que la décentralisation renforcera le tissu social, mais les professionnels de l’énergie, interrogés dans le cadre du <a href="http://www.grenoble-em.com/barometre-du-marche-de-lenergie">7ᵉ baromètre du marché de l’énergie</a> semblent s’attendre à ce que les ménages et les entreprises choisissent plutôt un objectif d’autosuffisance.</p>
<p>Les citoyens pourraient déléguer l’entreprenariat collectif aux structures existantes telles que les municipalités. Autre moteur potentiel de la décentralisation, l’attention portée à la qualité environnementale de l’électricité. Les électrons ne seront plus seulement des électrons : leur valeur, du point de vue des clients, dépendra de la façon dont ils ont été produits et de leur origine. Les nouvelles entreprises pourraient exploiter cette <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Banalisation">« débanalisation »</a> de l’électricité pour créer de nouvelles propositions de valeur.</p>
<iframe id="datawrapper-chart-4L5hH" src="https://datawrapper.dwcdn.net/4L5hH/3/" frameborder="0" allowtransparency="true" allowfullscreen="allowfullscreen" webkitallowfullscreen="webkitallowfullscreen" mozallowfullscreen="mozallowfullscreen" oallowfullscreen="oallowfullscreen" msallowfullscreen="msallowfullscreen" width="100%" height="350"></iframe>
<p><em>Réponses à la question : Êtes-vous d’accord avec les déclarations suivantes ? (sélectionnez les trois avec lesquelles vous êtes le plus en accord). « Au cours des dix prochaines années, la décentralisation du système électrique en France sera associée à une augmentation substantielle… » Réponses d’une centaine de spécialistes sur les conséquences d’une décentralisation du système électrique en France. Source des données : <a href="http://www.grenoble-em.com/">Grenoble École de Management</a>.</em></p>
<p>Cependant, les attentes concernant les effets environnementaux de la décentralisation sont plus mitigées. Les conséquences de la décentralisation sur l’environnement peuvent être complexes. La substitution du nucléaire par des sources d’énergies renouvelables ne contribuera que peu à réduire les émissions de gaz à effet de serre. De plus, les productions à l’échelle industrielle du solaire et de l’éolien terrestre sont souvent confrontées à une forte résistance des habitants qui mettent en cause leur impact visuel sur le paysage, le bruit et les dommages causés à la faune et à la flore locales. En outre, les éoliennes, les panneaux solaires, les batteries sont autant d’éléments d’un système décentralisé qui nécessitent des métaux particuliers, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_rare">terres rares</a>. Or, leur exploitation, leur traitement et leur recyclage peuvent avoir des conséquences environnementales sérieuses : ces contraintes sont susceptibles d’alimenter l’innovation technologique pour minimiser leurs usages et maximiser leur recyclabilité.</p>
<p>En effet, les professionnels de l’énergie semblent convenir que les obstacles technologiques à la décentralisation exigent de l’innovation et l’inspirent. Mais disons aussi que les avantages sociaux de la décentralisation du système de l’électricité, en France, sont pour l’instant moins clairs.</p>
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<p><em>Réponses à la question : Êtes-vous d’accord avec les déclarations suivantes ? (sélectionnez les trois avec lesquelles vous êtes le plus en accord). « Au cours des dix prochaines années, la décentralisation du système électrique en France sera associée à une augmentation substantielle… » Réponses d’une centaine de spécialistes sur les conséquences d’une décentralisation du système électrique en France. Source des données : <a href="http://www.grenoble-em.com/">Grenoble École de Management</a>.</em></p>
<p>Le Baromètre du marché de l’énergie conduit par Grenoble École de Management interroge (de façon anonyme) une centaine de spécialistes sur ce que devraient être les priorités de la politique énergétique des cinq prochaines années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76347/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mark Olsthoorn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France s’achemine vers une décentralisation de son système de production et de distribution de l’électricité. Les experts dressent un panorama de ses conséquences.Mark Olsthoorn, Postdoctoral researcher in energy economics, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.