tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/elysee-20144/articlesElysée – The Conversation2022-02-09T09:07:19Ztag:theconversation.com,2011:article/1761892022-02-09T09:07:19Z2022-02-09T09:07:19Z« Moi, président·e » : Règle n°10, sortir du sexisme<iframe frameborder="0" width="100%" height="110px" style="overflow:hidden;" src="https://podcasts.ouest-france.fr/share/player_of/mode=broadcast&id=18141">Wikiradio Saooti</iframe>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><em>Au micro de Clea Chakraverty et de Fabrice Rousselot, les chercheurs de The Conversation France vous font entrer dans les coulisses de la campagne présidentielle et vous dévoilent les secrets qui permettent de décrocher la fonction suprême.</em></p>
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<p>Une présidente de la République française ? A priori on ne devrait même pas se poser la question. Pourtant, la réalité est implacable. Aucune femme n’a encore pris ses fonctions à l’Élysée. Si plusieurs candidates sont bel et bien présentes dans la campagne actuelle, on peut se demander si elles ont réellement une chance d’aller jusqu’au bout. Plus généralement, quelle est la place des femmes aujourd’hui en politique ?</p>
<p>Le mouvement #MeToo a fait bouger les lignes et nous oblige collectivement à nous intéresser à ce qu’il reste du sexisme en politique. Comment évaluer ce fameux « plafond de verre », notion apparue dans les années 1970 aux États-Unis ?</p>
<p>Pour évoquer ces sujets, nous recevons Réjane Sénac, politiste, directrice de recherche CNRS au CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, où elle enseigne.</p>
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<p><strong>À écouter aussi</strong></p>
<p><a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-1-la-jouer-people-167197">Règle n°1, la jouer people</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-2-hyper-president-e-tout-le-temps-167410">Règle n°2, hyper-président·e tout le temps</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-3-manier-la-rhetorique-168287">Règle n°3, manier la rhétorique</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-4-se-plier-aux-rituels-168298">Règle n°4, se plier aux rituels</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-5-surfer-sur-la-crise-170725">Règle n°5, surfer sur la crise</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-6-depasser-les-clivages-170598">Règle n°6, dépasser les clivages</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-7-lart-de-linjure-171140">Règle n°7, l’art de l’injure</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-8-bien-dans-son-habit-172805">Règle n°8, bien dans son habit</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-9-lobbys-a-tout-prix-173275">Règle n°9, lobbys à tout prix</a></p>
<p><strong>Références</strong></p>
<p><a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100141670"><em>Radicales et fluides. Les mobilisations contemporaines</em></a>, R. Sénac, Les Presses de Sciences Po, 2021</p>
<p><a href="https://theconversation.com/les-mobilisations-contemporaines-contre-les-injustices-rehabilitent-la-radicalite-politique-168414"><em>Les mobilisations contemporaines contre les injustices réhabilitent la radicalité politique</em></a>, R. Sénac, The Conversation, 2021</p>
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<p><em>Crédits, Animation et conception, Fabrice Rousselot. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni. Musique, « La Marseillaise », Oberkampf (1983). Photo d’illustration. Jean-Claude Coutausse. Archives, Brut, France Inter</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176189/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Réjane Sénac ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelle est la place des femmes en politique aujourd’hui ? Comment sortir des schémas sexistes ? Nous répondons dans notre podcast.Réjane Sénac, Politologue, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1674102021-10-06T17:06:25Z2021-10-06T17:06:25Z« Moi, président·e » : Règle n°2, hyper-président·e tout le temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/422101/original/file-20210920-27-dmpro2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un manifestant portant un masque d'Emmanuel Macron grimé en Jules César </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock/Gerard Bottino</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>« Moi, président·e »</strong>, le podcast qui vous donne les clés de l’Élysée.</em></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><em>Au micro de Clea Chakraverty et de Fabrice Rousselot, les chercheurs de The Conversation France vous font entrer dans les coulisses de la campagne présidentielle et vous dévoilent les secrets qui permettent de décrocher la fonction suprême.</em></p>
<p>Dans ce second épisode, il est question du pouvoir dans toute sa verticalité. Si la V<sup>e</sup> République est un régime parlementaire d’un point de vue juridique, le Président dispose d’un grande latitude dans ses prises décisions. Ainsi, bien souvent le Premier Ministre est choisi pour sa capacité à s’effacer au profit du chef de l’État. Dès lors, il est tentant pour le candidat fraîchement élu de prendre les décisions seul, loin de l’idéal démocratique. Une notion a même vu le jour pour illustrer ce phénomène : l’hyper-président.</p>
<p>Dans cet épisode, Delphine Dulong, professeure de sciences politiques (Paris 1 – CESSP), analyse ce phénomène de l’hyperprésidence et son impact en termes de gouvernance. Jusqu’à quel point peut-on incarner le pouvoir ?</p>
<p><strong>À écouter aussi</strong></p>
<p><a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-1-la-jouer-people-167197">Règle n°1 - La jouer people</a><br></p>
<p><a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-3-manier-la-rhetorique-168287">Règle n°3 - Manier la rhétorique</a><br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-4-se-plier-aux-rituels-168298">Règle n°4 - Se plier aux rituels</a><br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-5-surfer-sur-la-crise-170725">Règle n°5 - Surfer sur la crise </a><br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-6-depasser-les-clivages-170598">Règle n°6 - Dépasser les clivages</a><br> </p>
<p><strong>Références</strong></p>
<p><a href="https://www.decitre.fr/livres/premier-ministre-9782271137913.html"><em>Premier ministre un rôle politique intenable</em></a>, D. Dulong, édition Decitre (2021)</p>
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<p><em>Crédits, Animation et conception, Fabrice Rousselot. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni. Crédits musique : « La Marseillaise », Oberkampf (1983). Photo d’illustration, Jean-Claude Coutausse. Archives, BFM, INA.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour prendre et garder le pouvoir, faut-il privilégier la verticalité ? Pour l’hyper-président, la question ne se pose pas. Pour autant, est-ce une bonne stratégie ?Delphine Dulong, Professeure en science politique, CESSP, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneFabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1671972021-09-15T10:18:27Z2021-09-15T10:18:27Z« Moi, président·e » : Règle n°1, la jouer people<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/419549/original/file-20210906-25-6wsqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4500%2C3375&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une du magazine Gala mettant en scène le couple Macron</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock/Hadrian</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>« Moi, Président·e »</strong>, le podcast qui vous donne les clés de l’Élysée.</em></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><em>Au micro de Clea Chakraverty et de Fabrice Rousselot, les chercheurs de The Conversation France vous font entrer dans les coulisses de la campagne présidentielle et vous dévoilent les secrets qui permettent de décrocher la fonction suprême.</em></p>
<p>Dans ce premier épisode, Alexis Lévrier, historien des médias et de la presse (GRIPIC – Université de Reims Champagne-Ardenne) revient sur les relations tumultueuses entre le pouvoir politique et la presse <em>people</em>. Longtemps reléguée au second plan, derrière un journalisme plus prestigieux, la presse <em>people</em> occupe aujourd’hui une place centrale dans les stratégies des candidats. Instrumentaliser son intimité nécessite toutefois une véritable expertise.</p>
<p>Un bon candidat ou une bonne candidate, peut-il se passer de la presse <em>people</em> ? Un « président normal » peut-il susciter l’intérêt des électeurs ? Faut-il se plier aux règles des tabloïds ? Cette mise en scène est-elle un phénomène nouveau ? Plus généralement, comment utiliser la presse <em>people</em> à son avantage ?</p>
<p><strong>À écouter aussi</strong></p>
<p><a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-2-hyper-president-e-tout-le-temps-167410">Règle n°2 - Hyper-président·e tout le temps </a><br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-3-manier-la-rhetorique-168287">Règle n°3 - Manier la rhétorique</a><br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-4-se-plier-aux-rituels-168298">Règle n°4 - Se plier aux rituels</a><br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-5-surfer-sur-la-crise-170725">Règle n°5 - Surfer sur la crise </a><br>
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-6-depasser-les-clivages-170598">Règle n°6 - Dépasser les clivages</a><br> </p>
<p><strong>Références</strong></p>
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<li><p><a href="http://www.lespetitsmatins.fr/collections/jupiter-et-mercure-le-pouvoir-presidentiel-face-a-la-presse/"><em>Jupiter et Mercure. Le pouvoir présidentiel face à la presse</em></a> (essais), A. Lévrier, édition Les Petits Matins, 2021.</p></li>
<li><p><a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/la-femme-fatale-9782226179296"><em>La femme fatale</em></a>, R. Bacqué et A. Chemin, éditions Albin Michel, 2007.</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/la-resilience-du-journalisme-face-au-pouvoir-jupiterien-160264"><em>La résilience du journalisme face au pouvoir « jupitérien »</em></a>, A. Lévrier, The Conversation, 2021.</p></li>
<li><p><a href="https://cdn.theconversation.com/audio/2290/01-la-jouer-people-moi-president-e-1.mp3">« Moi, président·e » : Règle n°1, la jouer people</a>, fichier MP3.</p></li>
</ul>
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<p><strong>Crédits</strong></p>
<p><em>Animation et conception, Cléa Chakraverty. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni. Musique, « La Marseillaise », Oberkampf (1983). Photo d’illustration. Jean-Claude Coutausse. Archives, BFM, Europe 1, France TV, INA.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Accéder à la fonction de président·e de la République implique de savoir se mettre en scène. Mais jusqu’à quel point ? Réponse dans « Moi, président·e », le podcast qui vous donne les clés de l’Élysée.Alexis Lévrier, Historien de la presse, maître de conférences, chercheur associé au GRIPIC, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1588052021-04-21T19:53:25Z2021-04-21T19:53:25ZLa décision dans la crise sanitaire ou la logique du désordre<p>Qui décide et qu’est-ce que décider en temps de Covid ? Cette question est depuis quelques mois sur le devant de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/maintenant-on-sort-le-bazooka-ces-10jours-ou-le-premier-confinement-s-est-decide_4331723.html">scène médiatique et politique</a></p>
<p>Et de plus en plus nombreux sont les commentateurs et les acteurs du jeu politique qui relèvent et dénoncent une hyper-présidentialisation, une monarchie jupitérienne, signe d’une pathologie <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/14/la-ve-republique-et-ses-institutions-bousculees-par-la-crise-du-covid-19_6069887_823448.html">décisionnelle de la Vᵉ République</a>.</p>
<p>Certains éléments de la critique sont loin d’être inédits ; ainsi de la relégation du Parlement donnée comme consubstantielle au <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ps/2009-v28-n2-ps3407/038080ar/">régime établi en 1958</a> sur laquelle on ne reviendra pas sauf pour en rappeler les derniers épisodes en date, lorsque le 1<sup>er</sup> avril 2021, les députés sont appelés à ratifier les <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/assemblees/la-honte-dialogue-de-sourds-a-l-assemblee-sur-les-mesures-anti-covid_2148008.html">annonces présidentielles de la veille</a>, ou lorsque fin janvier 2021, ils mettent fin à <a href="https://www.la-croix.com/France/colere-deputes-dopposition-fin-mission-Covid-19-2021-01-28-1201137601">leur mission d’enquête</a> sur la gestion de la crise par l’exécutif.</p>
<h2>Une redéfinition radicale des rôles</h2>
<p>Mais d’autres éléments indiquent une redéfinition plus radicale des rôles et des hiérarchies décisionnelles. Il faut d’abord évoquer la réorganisation tout au long de la crise sanitaire de l’arène décisionnelle, de plus en plus structurée autour <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/emmanuel-macron-ou-la-mutation-dun-president-de-jupiter-a-minerve-1199650">du président de la République</a>.</p>
<p><a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/270309-evolution-des-institutions-rapports-pouvoirs-executif-et-legislatif">La fameuse dyarchie de l’exécutif</a> réputée faire toute l’originalité de la V<sup>e</sup> République semble au moins sur le plan symbolique rangée <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-idees-claires/lavenir-de-la-dyarchie">au rayon des accessoires</a>.</p>
<p>Le Premier ministre appelé à égrener derrière son pupitre les mesures opérationnelles de la gestion de crise, endosse visiblement à contrecœur des décisions élyséennes. Le remplacement d’Édouard Philippe, perçu par Emmanuel Macron comme un concurrent potentiel, par un haut fonctionnaire, élu local dépourvu d’ambitions politiques nationales, manifeste ce souci présidentiel, de protéger sa prééminence. Ce souci-là n’est pas vraiment inédit si l’on se souvient du remplacement de Jacques Chaban Delmas par Pierre Messmer ou de Jacques Chirac par Raymond Barre.</p>
<p>Les ministres voient également leur capacité à gouverner leur propre secteur régulièrement démentie. Pensons <a href="https://www.liberation.fr/politiques/2020/03/13/coronavirus-quand-blanquer-soutenait-que-le-gouvernement-n-avait-jamais-envisage-la-fermeture-totale_1781540/">au ministre de l’Éducation nationale</a> dont le rappel de l’impératif de maintien des écoles ouvertes est de suite balayé dans <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/274452-jean-michel-blanquer-13032020-epidemie-covid-19-ecoles">l’allocution présidentielle de mars 2020</a> ; pensons encore au ministre de la Santé qui, fort du soutien du Premier ministre et du Conseil scientifique, laisse entendre fin janvier que l’heure du confinement est proche et qui se voit pris de revers par la <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/coronavirus-castex-et-veran-fragilises-au-sein-de-l-executif-7800962913">« non-annonce » » présidentielle du 29 janvier</a>. Pensons enfin à la ministre de la Culture dont le soutien à des mesures d’ouverture dérogatoires pour son secteur <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/derogations-au-couvre-feu-castex-balaie-les-demandes-pour-la-culture_fr_5f895c5ec5b66ee9a5eecb83">reste sans écho</a>.</p>
<h2>La prééminence présidentielle sans cesse réactivée</h2>
<p>La prééminence présidentielle est ainsi régulièrement exposée, réactivée, mise en scène. L’exégèse incessante autour des déplacements du président de la République, autour de ses silences, autour de ses déclarations, passées ou à venir, montre combien, décriée ou louée, sa parole devient, dans ce jeu collectif, une parole de poids, que crédibilisent encore les énormes audiences télévisées de ses allocutions données à 20 h.</p>
<p>L’attention portée aux mots et formules employés, à une réflexion censée être dégagée des pesanteurs et des frilosités bureaucratiques, mais aussi le poids montant des rumeurs (<a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/covid-19-ce-que-pourrait-annoncer-emmanuel-macron-lors-de-son-allocution_2147920.html">ce que le président pourrait dire</a>) et des fuites (les colères du président sur l’incapacité des uns et des autres <a href="https://www.voici.fr/news-people/actu-people/vous-etes-gentils-mais-le-dernier-coup-de-colere-demmanuel-macron-en-conseil-de-defense-698610">par exemple</a>) sont autant de produits et de vecteurs de cette représentation d’une hauteur et d’une <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2017/05/BENILDE/57494">singularité présidentielle</a>.</p>
<h2>Un exercice solitaire du pouvoir ?</h2>
<p>Présider signifie-t-il exercer seul le pouvoir ? La réponse à cette question est plus complexe que ce que certains commentaires semblent le <a href="https://www.nouvelobs.com/edito/20210408.OBS42426/ce-covid-qui-exacerbe-l-exercice-solitaire-du-pouvoir.html">laisser penser</a>.</p>
<p><em>Le Monde</em> <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/13/deja-entierement-tourne-vers-la-presidentielle-de-2022-macron-se-veut-un-melange-de-turgot-bonaparte-et-de-gaulle_6076642_3232.html">écrit ainsi</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Déjà entièrement tourné vers la présidentielle de 2022, Macron se veut un mélange de Turgot, Bonaparte et de Gaulle. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres préconisent un besoin de <a href="https://www.20minutes.fr/politique/3013571-20210403-coronavirus-apres-crise-sanitaire-reflexion-institutions-ineluctable">réflexion sur l’exercice du pouvoir</a>.</p>
<p>Cet exercice du pouvoir est moins solitaire qu’informalisé, mis en désordre, appuyé sur des procédures peu réglées, sur l’appel intensif à des groupements extérieurs à l’État, à des cabinets de conseil, à des groupes ad hoc faiblement institués, aux compétences et aux capacités d’« influence » fluctuantes, fondé sur des réseaux interpersonnels, fondé surtout – et c’est sans doute le point essentiel – sur l’accréditation donnée par le <a href="http://lirelactu.fr/source/le-monde/4a7e838e-cf40-48fd-85e2-eb0541ee1b44">titulaire de l’Élysée</a>.</p>
<p>Cette prolifération organisationnelle est moins une pathologie qu’une des conditions de l’émancipation d’une autorité présidentielle, finalement moins solitaire que sans partenaire institué. On a pu y voir un des produits de la crise sanitaire mais il est possible que s’annonce là quelque chose comme un changement de régime, bouleversant, sans réforme constitutionnelle, l’architecture des sommets de l’État.</p>
<h2>Identifier les acteurs</h2>
<p>Depuis mars 2020, les circuits de commandement sont mis en débat, scrutés, décryptés dans les médias. C’est que, depuis cette date, les organigrammes officiels, les routines des procédures de la décision au sein de l’exécutif ne semblent d’aucun secours pour comprendre le cours de l’action publique. Sous la rubrique « Décryptages », <em>Le Monde</em>, dans sa livraison datée du 31 janvier – 1<sup>er</sup> février 2021, publie sous le titre <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/11/le-covid-19-et-la-machine-d-etat-radiographie-des-circuits-de-decision_6069625_823448.html">« Le Covid-19 et les rouages de la machine d’État »</a>, un schéma fort complexe qui tente de faire le point sur le processus d’action publique dans la crise sanitaire. L’ensemble occupe deux pages entières du journal.</p>
<p>Le tableau veut identifier les acteurs des décisions politiques (Président de la République, Premier ministre, Parlement, ministre de la Santé et, plus inattendu, Conseil de défense) ; le schéma localise les instances de contrôle de l’action de l’exécutif, traditionnelles (Commission d’enquête du Sénat de l’AN) ou plus inédites (la Mission d’évaluation de l’exécutif sur la gestion de crise, créée en juin 2020 sur demande d’Emmanuel Macron) ; il rappelle l’existence des instances de conseil proprement administratives comme la Haute autorité de santé créée en 2004 en même temps que le Haut conseil de la santé publique), instances désormais flanquées de créations nouvelles comme le fameux Conseil Scientifique, le Comité scientifique sur les vaccins ou le Comité analyse, recherche et expertise (CARE).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kZNr_DuuVRE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Confinement : les scientifiques alertent… Macron persiste, C dans l’air, 2 mars 2021.</span></figcaption>
</figure>
<p>Sont encore répertoriés les acteurs de la mise en œuvre (ARS, DGS, Santé publique France) et les acteurs de terrain (hôpitaux, laboratoires, pharmacies). Une machinerie complexe donc, très verticale, on l’a dit, mais surtout, une machinerie où se lit une sorte de désordre institutionnel.</p>
<h2>Une architecture inédite, brouillée</h2>
<p>Ce que le schéma suggère, c’est l’enchevêtrement d’une structure éprouvée et réglée avec une prolifération d’acteurs nouveaux, privés et publics, de conseillers spéciaux, de groupes ad hoc, émergeant puis s’effaçant, de conseils qui sont tout puis rien, (que l’on songe à ce <a href="http://concertation-vaccination.fr/">Conseil citoyen sur la vaccination</a> lancé le 16 janvier 2021, devenu <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/17/les-premiers-pas-difficiles-du-comite-citoyen-sur-les-vaccins-contre-le-covid-19_6073451_3244.html">fort discret par la suite</a> au gré du soutien présidentiel.</p>
<p>Ce que ce schéma laisse deviner, c’est le recouvrement des compétences, le doublement des structures administratives par des groupes sans identité collective, construits autour d’individus appelés au titre de leurs expériences et/ou de leur proximité aux décideurs. Ce que le schéma propose en creux, c’est la mise en place d’une architecture inédite, brouillée, redondante, qui court-circuite les structures administratives, les organisations professionnelles représentatives, les professions sanitaires, les centres d’expertise, les plans d’urgence auparavant discutés, expérimentés dans des exercices de simulation mobilisant des acteurs de terrain.</p>
<h2>La déstabilisation du processus décisionnel</h2>
<p>La profusion et la désorganisation des circuits décisionnels, le caractère discret, informel et interpersonnel des consultations et des négociations rendent ainsi possible la mise en scène d’un exercice solitaire du pouvoir, sans contrepoids institué, sans conseil stabilisé, sans expertise collectivement portée, <a href="https://www.cairn.info/le-regime-politique-de-la-ve-republique--9782707167088-page-63.htm">sans négociation formalisée</a>.</p>
<p>Ce mouvement de présidentialisation n’est pas nouveau. Depuis près de 15 ans se succèdent des crises d’une ampleur inédite, qu’elles soient financières, sécuritaires ou sanitaires, sur laquelle les autorités politiques nationales ont eu peu de prise, que ce soit en termes d’expertise ou de relais administratifs. La résistance des problèmes met à l’épreuve la croyance en la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/lesprit-public/face-au-virus-puissance-et-impuissance-du-politique">puissance de l’État</a>.</p>
<p>Se faire réélire devient une tâche ardue, jamais atteinte à ce jour (depuis Jacques Chirac). C’est ainsi qu’on peut comprendre les mobilisations des présidents de la République depuis Sarkozy pour mettre sous tension généralisée aussi bien l’administration centrale, les ministres, de Matignon, tous appelés désormais à s’engager sous la bannière de la réussite du projet élyséen.</p>
<h2>Quelles places pour le Premier ministre et les ministres ?</h2>
<p>Le Premier ministre devient, dans les formules si ce n’est dans les actes, ce « collaborateur » selon les mots de <a href="https://www.liberation.fr/france/2008/01/08/fillon-collaborateur-sarkozy-l-a-bien-dit_14810/">Nicolas Sarkozy</a> à propos de <a href="https://www.europe1.fr/politique/Fillon-les-cinq-ans-d-un-collaborateur-365778">François Fillon</a>.</p>
<p><a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/constitution-hollande-souhaite-la-suppression-du-poste-de-premier-ministre-133799">François Hollande</a> lui évoque même la suppression de ce poste. C’est enfin une mission d’« exécutant » qui doit rester dans le rang selon <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/macron-ma-vie-sans-premier-ministre-1220117">Emmanuel Macron</a>.</p>
<p>La charge présidentielle contre le Premier ministre n’est pas si surprenante : ce que découvrent les présidents de la République, c’est la puissance de frappe de Matignon, appuyée non seulement sur ses réseaux propres (dont le secrétaire général du gouvernement <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2019-3-page-565.htm">est la figure exemplaire</a>, mais aussi sur ses réseaux ministériels et administratifs et leur cortège d’experts, de partenaires et de clientèles sectoriels. Et c’est cette puissance de frappe que tentent d’annexer, de désamorcer ou de contourner certaines initiatives de l’Élysée.</p>
<p>Partout en Europe, la crise génère une concentration du pouvoir autour du pôle exécutif. Mais l’existence d’une concurrence entre Élysée et Matignon dans le cas français radicalise encore le processus.</p>
<p>La revendication élyséenne d’une puissance contrariée par les crises et le raccourcissement du mandat passe aujourd’hui par la mobilisation de l’ensemble de l’État autour du projet présidentiel, ce qui implique désorganisation, déstructuration de ce qui fait l’autonomie des institutions publiques, désormais appelées à s’inscrire dans cette verticalisation de la commande politique.</p>
<p>La crise Covid n’a fait qu’accélérer un processus de réforme de l’État déjà engagé sous la houlette de groupes situés dans certains cercles dirigeants, postés dans les ministères des Finances ou de l’Intérieur, dans quelques grandes inspections générales ministérielles ou dans les très grands corps, et qui visait l’autonomie sectorielle de ministères assimilés à des « silos » réfractaires à la réforme gestionnaire, ou encore celle d’administrations vues comme inefficaces et sources de dépenses inutiles, ou enfin celle de professionnels (universitaires, médecins, etc.) dénoncés comme des privilégiés repliés sur la défense de leur corporation.</p>
<p>On peut comprendre ainsi les attaques aussi récurrentes que paradoxales de l’ex-inspecteur des Finances Emmanuel Macron <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2019-3-page-565.htm">contre la bureaucratie, l’administration et même l’ENA</a>.</p>
<p>Bien loin d’une entreprise de démocratisation de l’État ou d’ouverture des élites, mais bien loin aussi de la simple mise en œuvre de convictions libérales, ces attaques sont liées à cette nouvelle position présidentielle.</p>
<p>Le chambardement des organigrammes administratifs sectoriels, le dérèglement des arènes décisionnelles, l’affaiblissement des réseaux de négociation, d’expertise et de consultation qui animent traditionnellement ces espaces décisionnels, la marginalisation des professions de service public qui les structurent, sont appelés à laisser le champ libre à des cabinets de conseil, à des groupements administratifs intersectoriels, à des agences, à des comités ad hoc, tous réputés <a href="https://journals.openedition.org/sdt/26940">plus souples</a>, plus transversaux, plus efficaces, et surtout, tous placés sous dépendance directe de la commande politique.</p>
<p>La crise sanitaire a sans doute troublé la trajectoire de la présidentialisation, elle l’a accélérée, elle en a amendé les contours, elle l’a adossée à cette mise en désordre des arènes décisionnelles mais elle n’en est probablement pas l’origine. Et cette réforme du régime, telle qu’elle s’engage depuis plus d’une décennie, semble loin de devoir conduire à sa démocratisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158805/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brigitte Gaiti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fameuse dyarchie de l’exécutif réputée faire toute l’originalité de la Vᵉ République semble au moins sur le plan symbolique rangée au rayon des accessoires : explication d’un glissement.Brigitte Gaiti, Professeure de science politique, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1377182020-05-05T20:04:52Z2020-05-05T20:04:52ZQuel est le meilleur message pour inciter les Français à se protéger du Covid-19 ?<p>Le gouvernement se prépare à annoncer demain les modalités de déconfinement à partir du 11 mai. Mais nos gouvernants savent-ils utiliser les bons arguments pour communiquer sur la crise auprès des Français ?</p>
<p>Devant le caractère inédit de la situation épidémique, ils ne peuvent s’appuyer sur aucune situation analogue précédente, ni aucune étude scientifique pour concevoir des messages pertinents. Or ces messages sont fondamentaux pour à la fois expliquer et faire respecter les mesures de protection qui, aujourd’hui, sont la principale arme pour sortir au plus vite de la crise planétaire majeure.</p>
<p>Quels seraient, dans ce contexte, les meilleurs messages de communication du Président de la République, et plus généralement des pouvoirs publics (gouvernement, organismes de santé publique…) pour inciter les citoyens à se protéger et à protéger les autres du Covid-19 ?</p>
<p>En collaboration avec dix autres chercheurs, nous avons réalisé une double étude scientifique pour tester les messages les plus efficaces et convaincants.</p>
<h2>Une expérimentation qui teste douze messages différents</h2>
<p>Selon un protocole scientifiquement rigoureux utilisant la méthodologie expérimentale avec groupe dit de « contrôle » sur près de 1 200 Français doublée d’entretiens en profondeur avec une <a href="http://www.imsic.fr/com-covid-19/">seconde population diversifiée</a>, nous avons testé l’efficacité de douze messages signés par le Président de la République, incluant différents types d’argumentations informant que « face à la pandémie du Covid-19, les Français doivent rester chez eux ».</p>
<p>Les résultats obtenus ont permis d’établir un classement des messages les plus efficaces. De manière surprenante, ils ont montré, en outre, que les femmes et les hommes réagissent différemment.</p>
<p>Ainsi, le message ayant le plus d’impact, tous sexes confondus, est un message très simple, épuré d’arguments, du type « Face à la pandémie du Covid-19 il faut rester chez vous ».</p>
<p>En ajoutant des arguments, on diminue son efficacité. Si ce message est le plus efficace chez les femmes, il n’arrive cependant qu’en 5<sup>e</sup> position chez les hommes. En termes d’efficacité, le message arrivant en 2<sup>e</sup> place met en avant un argument selon lequel rester chez soi permet de se protéger soi-même et protéger les autres. C’est celui utilisé par Santé publique France. Il arrive en 2<sup>e</sup> position chez les femmes et en 4<sup>e</sup> chez les hommes.</p>
<h2>L’entourage proche plutôt que la nation ou la guerre</h2>
<p>Le message arrivant 3<sup>e</sup> avance que c’est pour le bien de sa famille, de ses amis et de ses proches (ce message arrive en 2<sup>e</sup> position chez les hommes et en 4<sup>e</sup> chez les femmes). Le message arrivant en 4<sup>e</sup> position met en avant un ordre catégorique. Il arrive en tête chez les hommes alors qu’il n’est qu’en 6<sup>e</sup> position chez les femmes. Nous ne nous attendions pas à ce dernier résultat car des travaux précédents avaient conclu qu’il n’y avait pas de différence entre les sexes concernant les effets des messages comportant des <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-20306-5_14">ordres</a>.</p>
<p>Les personnes interrogées expliquent qu’en situation d’incertitude, elles ont besoin d’être guidées avec des consignes directives et claires, plus appréciées que les consignes qui seraient plus « souples », moins directives, mais imprécises.</p>
<p>Les quatre messages les moins efficaces, aussi bien chez les femmes que chez les hommes affirment que les Français sont « unis et tous ensemble » (9<sup>e</sup> position), sortiront plus forts de cette crise (10<sup>e</sup> position), que la nation est avec les Français et qu’elle sera reconnaissante (11<sup>e</sup> position), que chacun doit se comporter comme tous les autres Français (12<sup>e</sup> position).</p>
<p>En résumant, le message qui produit les meilleurs effets est très épuré, voire formulé sous forme d’ordre pour être efficace auprès des hommes. D’autre part, les messages faisant appel à protéger son entourage direct, sa famille et ses amis sont bien plus efficaces que ceux qui font appel au sentiment d’unité du collectif français ou de la nation.</p>
<p>Fortement rejetée par les hommes, la nation est une notion jugée trop abstraite dans une période où les gens ont besoin de concret. Est-ce un signe de notre société « individualiste » où chacun est centré sur soi ?</p>
<p>Nous favorisons plutôt l’hypothèse d’une société « micro sociale », où les personnes, au cours de cette crise, pensent avant tout aux petits groupes où ils vivent : la <a href="https://www.armand-colin.com/sociologie-de-la-famille-contemporaine-6e-ed-9782200618049">cellule familiale et les proches</a>. En effet, les gens interrogés ont plus peur pour leur famille et leurs amis que pour eux-mêmes et souhaitent avant tout les protéger. Ce serait même leur toute première motivation.</p>
<p>Ainsi, le message du Président Emmanuel Macron, avançant que « nous sommes en guerre contre le virus », arrive en 7<sup>e</sup> place sur 12. Même s’il a un peu plus d’effets positifs chez les personnes favorables au gouvernement que chez les non favorables, il s’affiche parmi les messages les moins efficaces sur les douze testés. Les entretiens en profondeur nous apprennent que le terme « guerre » n’aurait pas été perçu comme adapté à la situation épidémique.</p>
<h2>Les femmes et les hommes réagissent différemment</h2>
<p>Cette expérimentation apporte également d’autres enseignements intéressants. Premièrement, si les femmes ressentent davantage d’émotions négatives que les hommes face à l’ensemble des messages indiquant qu’il faut rester chez soi, les effets protecteurs de ces derniers sont plus marqués chez elles que chez les hommes.</p>
<p>De précédents travaux avaient déjà montré que les femmes sont globalement plus susceptibles d’être influencées que les hommes par des messages de <a href="https://psycnet.apa.org/record/1981-28008-001">communication médiatique</a>.</p>
<p>Comment l’expliquer ? Une première hypothèse avance une explication en termes de rôles sociaux et genrés. D’un côté, les hommes auraient tendance à refuser de changer facilement leur attitude et croyance. De l’autre, on apprend dès le plus jeune âge aux femmes à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0146167291173011">se conformer socialement</a>.</p>
<p>Elles auraient également, plus tard, un rôle d’harmonie à maintenir dans la famille en cherchant à protéger la cellule familiale des conflits.</p>
<p>Une seconde hypothèse concerne une plus grande sensibilité aux émotions lors de la réception des messages, les hommes étant globalement plus influencés par les communications sous forme d’ordre, ne mettant pas beaucoup d’affectif en <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=ZO1yAwAAQBAJ&oi=fnd&pg=PT156&dq=%22affect+and+persuasion%22+&ots=-it54iM0m0&sig=sR2ISMg1l99v-Wj_xvh7llYLQck&redir_esc=y#v=onepage&q=%22affect%20and%20persuasion%22&f=false">jeu</a>. Cette hypothèse serait à creuser, comme l’illustre le message incitant à l’empathie sociale, « les soignants vous aident, aidez-les à votre tour », plus impactant chez les femmes que chez les hommes.</p>
<h2>Le rôle du bord politique</h2>
<p>Deuxièmement, comme nous avons demandé à nos répondants s’ils étaient politiquement favorables ou non au gouvernement, nous avons été étonnés de constater que les effets dépendent également du bord politique : chez les personnes pro-gouvernement, le message le plus efficace est « les soignants vous aident, aidez-les à votre tour », alors que chez les individus non favorables, ce sont les messages faisant plutôt appel à la protection de ses proches et de sa famille.</p>
<p>La prévention étant aujourd’hui le seul moyen efficace pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, ces enjeux sont considérables. Par conséquent, il nous semble primordial de multiplier ce type d’études dans la mesure où les messages des pouvoirs publics incitant à se protéger du virus doivent se fonder sur des recherches démontrant les preuves de l’efficacité des différents arguments utilisés.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur l’étude scientifique « Com-Covid-19 » menée par un consortium de chercheurs des équipes IMSIC, LPS, InCIAM, Cretlog d’Aix-Marseille Université.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137718/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Courbet mène actuellement une mission d'expertise pour la Direction Générale de la Santé (Ministère de la Santé) sur la prévention des Accidents de la Vie Courante/Noyades et est expert pour Santé Publique France (comités liés à la Nutrition). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabien Girandola mène actuellement une mission d'expertise pour la Direction Générale de la Santé (Ministère de la Santé) sur la prévention des Accidents de la Vie Courante (AcVC) et une expertise collective pour l'Inserm sur la consommation d'alccol</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laure Jacquemier et Marie-Pierre Fourquet-Courbet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Selon les résultats d’une étude classant les messages des pouvoirs publics les plus efficaces pour inciter à se protéger du Covid-19, femmes et hommes ne sont pas sensibles aux mêmes arguments.Didier Courbet, Professeur et Chercheur en Sciences de la Communication, Aix-Marseille Université (AMU)Fabien Girandola, Professeur de Psychologie Sociale, Aix-Marseille Université (AMU)Laure Jacquemier, Associate professor, Aix-Marseille Université (AMU)Marie-Pierre Fourquet-Courbet, Professeure des Universités en Sciences de la Communication, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1280302019-12-02T19:50:32Z2019-12-02T19:50:32ZActe II : un « nouveau Macron » entre en scène<blockquote>
<p>« La crise des gilets jaunes a été d’une certaine manière très bonne pour moi. Parce que cela m’a rappelé qui je devais être. »</p>
</blockquote>
<p>Cette phrase d’Emmanuel Macron, recueillie par le magazine américain <em>Time</em> <a href="https://time.com/5680174/france-emmanuel-macron-transcript-interview/">dans un entretien paru le 19 septembre</a> synthétise et symbolise bien le message que le président français souhaite transmettre au moment de la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/11/28/enseignants-cheminots-avocats-qui-fera-greve-le-5-decembre_6020884_823448.html">mobilisation sociale</a>.</p>
<p>Soit, celui d’un acte II où le président se présente comme « transformé » par la crise, empathique, à la fois « à l’écoute » des Français, mais déterminé à assumer le « changement » voulu par ceux qui l’ont élu en 2017, affirme-t-il au magazine américain.</p>
<blockquote>
<p>« J’ai probablement donné l’impression que je voulais réformer contre le peuple. Et parfois mon impatience a été ressentie comme une impatience vis-à-vis des Français. Ce n’est pas le cas. […] Maintenant, je pense que je dois prendre plus de temps à expliquer où nous sommes et ce que nous voulons faire exactement. »</p>
</blockquote>
<p>Cette déclaration qui se veut réflexive est une manière pour Emmanuel Macron de retourner en argument rhétorique positif l’analyse des raisons pour lesquelles une partie du pays est rentrée en révolte. L’argument contient néanmoins une allusion clairement prospective vis-à-vis de la réforme des retraites et de la mobilisation sociale annoncée. Pour le Président, il s’agit d’indiquer que s’il est à l’écoute des préoccupations des Français, les réformes se dérouleront néanmoins, quitte à en modifier le rythme. La stratégie d’image de cet « acte II« est résumée ici dans toute son ambiguïté : maintenir une ligne directrice réformatrice sans apparaître « droit dans les bottes ».</p>
<h2>Réhabiliter l’image du président</h2>
<p>Cette interview au <em>Time</em> n’est pas la seule occasion qu’a saisie l’exécutif depuis plusieurs mois pour <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/11/27/retraites-avant-le-mur-du-5-decembre-macron-met-la-majorite-en-ordre-de-bataille_6020647_823448.html">communiquer activement</a> sur « l’acte II ».</p>
<p>Du « grand débat national » <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/reforme-des-retraites-syndicats-et-patronat-recus-a-matignon-pendant-deux-jours_2108860.html">aux syndicats reçus ces dernières heures</a> à propos de la réforme des retraites, toute la communication de l’Élysée et de Matignon vise à réhabiliter l’image d’Emmanuel Macron tout en évitant de perdre le message réformateur de départ.</p>
<p>Ce point est d’autant plus important que, comme nous l’avons montré dans des analyses régulières du <a href="https://www.bva-group.com/sondages/observatoire-de-politique-nationale-bva-orange-rtl-tribune-novembre-2019-2//">Baromètre de popularité du chef de l’État</a> réalisé par BVA, le socle qui continue de juger positivement Emmanuel Macron tient plus que tout à cette image du réformateur audacieux.</p>
<p>Les <a href="https://www.bva-group.com/news/emmanuel-macron-syndrome-tour-de-pise">derniers chiffrent du baromètre</a> indiquent ainsi que la popularité du Président semble, pour le moment encore, en suspens : avec 36 % de bonnes opinions (contre 37 % le mois dernier), sa popularité s’est stabilisée mais à un niveau relativement bas pour un mi-mandat. Les données de l’enquête montrent que cette apparente stabilité cache un phénomène plus inquiétant pour Emmanuel Macron : l’érosion de sa popularité, depuis quelques semaines, commence à contaminer son socle électoral de départ.</p>
<h2>Une scénarisation étudiée</h2>
<p>Dès lors, que penser de cette communication active à propos de « l’acte II » ? S’il ne faut jamais éliminer d’une analyse politique la sincérité réelle des acteurs, on peut également essayer de comprendre le formidable jeu de miroir que l’interview du <em>Time</em> a révélé.</p>
<p>Revenons ainsi à un important point concernant Emmanuel Macron. On le sait <a href="http://www.leparisien.fr/politique/macron-mis-en-scene-par-emmanuel-07-07-2019-8111370.php">féru d’art dramatique</a> et sa communication a toujours été fortement marquée par une <a href="https://theconversation.com/dans-loeil-demmanuel-macron-pouvoir-et-theatralite-80363">scénarisation étudiée</a>.</p>
<p>Il n’est d’ailleurs pas exagéré de dire qu’Emmanuel Macron attache beaucoup d’importance aux décors de sa scénographie présidentielle : de la soirée de son élection (à la Pyramide du Louvre) aux débats avec les élus locaux lors du lancement du grand débat national, en passant par la <a href="https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/12/18/delahousse-macron-une-interview-en-marchant_5231359_1655027.html">déambulation avec Laurent Delahousse</a> ou encore l’allocation dans la pénombre de l’Élysée, les mises en scène de la communication présidentielle ont été nombreuses. La référence à un « acte II » est d’ailleurs emblématique d’une référence dramaturgique. Emmanuel Macron n’est en fait ni le premier, ni sans doute le dernier, de nos présidents à utiliser cette mise en scène : le découpage en « actes« du mandat est une stratégie de communication classique pour donner une nouvelle impulsion au mandat présidentiel.</p>
<h2>La recherche d’un modèle</h2>
<p>Dans le cas d’Emmanuel Macron, cette scénographie semble marquée par la recherche d’un modèle. Comme si le Président recherchait à travers un kaléidoscope de scènes à baliser le champ d’un certain nombre de points de repères iconiques, fortement identifiables pour l’opinion à un « style Macron », toujours disruptif et casseur de codes.</p>
<p>A moins que cette communication n’ait eu un autre objectif : brouiller les pistes pour ne pouvoir cantonner Emmanuel Macron à un seul répertoire et lui permettre d’interpréter différents rôles, de changer de costume de scène pour interpréter différents registres de la communication politique et tenter de sortir de la scène en position toujours favorable.</p>
<p>Bien avant que n’éclate la grande crise de l’hiver 2018, on pouvait d’ailleurs s’interroger sur les bénéfices réels de cette scénographie très étudiée mais plurielle dans sa production d’images. Les « petites phrases » ont potentiellement contredit le message d’unité nationale souhaité par l’exécutif, accompagnées par ailleurs d’images iconiques trop abondantes et parfois surjouées.</p>
<p>Cette communication contradictoire est fortement associée à « l’acte I », joué dans la dynamique de la victoire et mise en scène par l’équipe de communication de la campagne électorale, notamment Sibeth Ndiaye, la jeune communicante, championne des petites phrases si peu appréciées des Français.</p>
<p>À cet égard, la <a href="https://www.liberation.fr/france/2018/06/15/pognon-de-dingue-un-coup-de-com-qui-ne-passe-pas_1659340">scène du « pognon de dingues »</a> restera comme un exemple paradigmatique de communication paradoxale : elle voulait produire un marqueur d’opinion disruptif sur le fond et la forme (Emmanuel Macron, en bras de chemise, osant briser le tabou du « modèle social français ») mais sera, au final, surtout perçue comme le marqueur d’une formidable distance entre le pouvoir et le peuple.</p>
<p>Il ne faut, bien sûr, pas négliger les réussites de cette communication théâtralisée : elle permit à Emmanuel Macron, sans expérience élective précédente et élu à 39 ans, d’imprimer sa marque dans l’opinion nationale et internationale et d’utiliser son capital d’image disruptive comme une ressource de son action. À la manière de Nicolas Sarkozy en 2007, au tout début de son mandat, Emmanuel Macron a su utiliser l’image d’un Président entièrement tournée vers sa mission réformatrice pour « sauver la France ».</p>
<h2>Où va « l’acte II » ?</h2>
<p>On peut prolonger cette métaphore théâtrale et scénographique pour analyser le début de « l’acte II » et tenter de répondre à une série de questions simples mais dont la réponse ne semble pas évidente : où va « l’acte II » ? Emmanuel Macron a-t-il changé ?</p>
<p>S’il est trop tôt pour répondre à ces questions, on peut néanmoins esquisser des débuts de réponse en réduisant la focale à la séquence qui va du « grand débat national » à l’annonce d’un « acte II ». Cette séquence comporte en elle une contradiction : écouter les Français, renouer le dialogue et comprendre leurs attentes, tout en maintenant le cap sur les réformes.</p>
<p>Derrière cette posture, une autre apparaît, plus problématique : Emmanuel Macron n’a pas profité de cette démarche d’écoute des Français pour remettre en question ses positions ou son diagnostic de départ. Il a tenté de faire preuve d’empathie envers les Français en développant l’idée que leur impatience et leur colère n’étaient en fait pas dirigées vers lui mais vers les problèmes non réglés par ces prédécesseurs.</p>
<p>La responsabilité présidentielle dans la crise n’a été envisagée par Emmanuel Macron qu’en termes de son impatience à vouloir « sauver la France » : un « premier de cordée » qui ne se serait pas assez retourné pour savoir qui suivait derrière. Ce non-dit a introduit un malentendu supplémentaire entre Emmnauel Macron et une partie des Français à l’issue du « grand débat national ». Si certains ont souligné le changement de style et l’audace, d’autres ont vu dans la séquence du « grand débat national » une preuve supplémentaire de la surdité du pouvoir.</p>
<h2>Accélérer la narration</h2>
<p>Ces non-dits et ces contradictions amènent à se poser la question de la place de « l’acte II » dans la construction narrative d’Emmnauel Macron. Cet « acte II » semble venir à point nommé dans le récit macroniste, moment de choix où survient l’« ellipse narrative ». Cette dernière, aussi appelée « ellipse temporelle » est <a href="https://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/ellipse.php">définie</a> comme suit :</p>
<blockquote>
<p>« Un procédé rhétorique ou littéraire qui consiste à omettre certains éléments logiquement nécessaires à l’intelligence du texte. Il s’agit en fait de passer sous silence certains événements afin d’accélérer la narration. »</p>
</blockquote>
<p>L’un des fondateurs de la narratologie, <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/figures-iii-gerard-genette/9782020020398">Gérard Genette</a>, la définit d’ailleurs comme « un segment nul de récit ».</p>
<p>En organisant et en pilotant lui-même un « grand débat national », <a href="https://www.liberation.fr/politiques/2019/09/17/macron-deroule-le-menu-regalien-de-son-acte-ii_1751765">puis en décrétant son « acte II »</a>, Emmanuel Macron n’a pas uniquement voulu donner la parole aux Français et sortir ainsi « par le haut » d’une grave crise.</p>
<p>Il a aussi tenté de reprendre la main dans l’aspect le plus essentiel du combat politique, la bataille narrative.</p>
<p>L’issue de cette bataille est incertaine pour lui. Si l’on voit bien que le plan consiste à substituer aux images terribles de la crise des Gilets jaunes une narration positive, soit le retour vers la bienveillance originellement mise en exergue par le message macronien, on voit moins bien de quelle manière cette nouvelle narration renoue avec le message de départ d’Emmanuel Macron.</p>
<p>Or malgré, l’artifice de l’ellipse narrative la réalité des préoccupations des Français, les inégalités et des injustices sociales sont toujours bien là.</p>
<p>Quel sens donner à cette mise en scène de « l’acte II » ? Et où se situe le centre de gravité politique de celui-ci ? L’enjeu pour l’exécutif semble avant tout celui de réinventer l’image d’Emmanuel Macron afin de le projeter en réformateur empathique et attentif aux Français. Un défi de taille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès a reçu des financements du CNRS et de l'Union européenne (programmes de recherche de l'Europe). Ces financements ne sont pas reçus à titre personnel mais vont à son laboratoire de recherche, gérés selon les règles en vigueur dans les UMR du CNRS. Il analyse régulièrement l'opinion publique et la politique en France dans les médias et collabore avec des instituts de sondage pour analyser les tendances de l'opinion publique.</span></em></p>Pour son acte II, le président se présente comme « transformé » par la crise, mais pourtant bien déterminé à assumer le « changement ». Analyse d’une mise en scène.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/632832019-09-26T10:26:03Z2019-09-26T10:26:03ZJacques Chirac, un « bulldozer » en politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/138235/original/image-20160919-11131-1j9jko7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jacques Chirac (ici en 2005) aura marqué la vie politique française d’après–Mai 68.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldeconomicforum/346655272/in/photolist-wCGx3-7bn24n-8qdc9-6jMHTN-wCGwX-JZzNH-dTsfd-dSUTJ-DWPjE-dBmhDC-8u3rbV-3ft5Gq-91QsRH-2vEEkx-b9bd1-b99rs-b99rt-b99ry-b99rw-b9bcX-4NkHt-7SQEQF-rqMfA2-57FtgM-aRpMXM-PQ83A-d8cAiW-2ZKvB2-9Hu228-9TAAEK-7tD1NL-6JASZR-8NrQTg-buH5at-DdDjw-7SQELc-GikFo-hVJtr-ikVb5-52Z3K-dftq4-7vZGW6-DLtXb-34xeYu-9p3uyw-kGzEy8-6NCBr-5mHwuc-gt7HiJ-mSssZ">World Economic Forum/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Jacques Chirac est mort. Sa famille l’a annoncé, jeudi 26 septembre, auprès de l’Agence France Presse. « Le président Jacques Chirac s’est éteint ce matin au milieu des siens. Paisiblement », a déclaré son gendre Frédéric Salat-Baroux, époux de Claude Chirac.</p>
<p>La santé de Jacques Chirac s’était dégradée depuis son départ de l’Élysée en 2007, conséquence notamment d’un accident vasculaire cérébral survenu en 2005, durant son second mandat de président de la République. Il avait été hospitalisé pour une infection pulmonaire en 2016.</p>
<h2>Une carrière de haut fonctionnaire engagé</h2>
<p>Né en 1932, petit-fils d’instituteurs de la Corrèze, Jacques Chirac est socialisé très jeune aux valeurs de la République et aura <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20091103.OBS6652/quand-jacques-chirac-se-raconte.html">quelques velléités d’engagement communiste</a>. Il fait de brillantes études : Institut d’études politiques de Paris, puis École Nationale d’Administration.</p>
<p>Une année sabbatique aux États-Unis pendant ses études à Sciences Po Paris, un mariage dans une famille de l’aristocratie parisienne, un service militaire volontaire en Algérie, un nationalisme républicain contribuent probablement à son évolution vers le gaullisme en 1958.</p>
<p>Sa carrière de haut fonctionnaire engagé va lui permettre une ascension politique très rapide, selon un modèle qu’on peut retrouver dans d’autres familles politiques. Il est, dès 1962, chargé de mission au cabinet du premier ministre, Georges Pompidou, dont il devient un ardent partisan, étant probablement plus pompidolien que gaulliste. Il est un collaborateur apprécié, baptisé par son patron <a href="https://www.franceculture.fr/politique/le-bulldozer-jacques-chirac-sest-eteint">« mon bulldozer »</a>.</p>
<p>Jacques Chirac est parachuté dans sa Corrèze natale pour les élections législatives de 1967, après avoir été élu conseiller municipal de Sainte Féréole en 1965. Il fait partie d’une génération de « jeunes loups » que les gaullistes lancent en politique pour assurer la relève des générations. Contre toute attente, il remporte ce fief du communisme rural, après une campagne très active, alors que le contexte national n’est pas favorable à son camp.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138253/original/image-20160919-11108-w8lkkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138253/original/image-20160919-11108-w8lkkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138253/original/image-20160919-11108-w8lkkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138253/original/image-20160919-11108-w8lkkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138253/original/image-20160919-11108-w8lkkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138253/original/image-20160919-11108-w8lkkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138253/original/image-20160919-11108-w8lkkb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jacques Chirac en famille, dans les années 70.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/retrorama/16689344213/in/photolist-rqMfA2-57FtgM-aRpMXM-PQ83A-d8cAiW-2ZKvB2-9Hu228-9TAAEK-7tD1NL-6JASZR-8NrQTg-buH5at-DdDjw-7SQELc-GikFo-hVJtr-ikVb5-52Z3K-dftq4-7vZGW6-DLtXb-34xeYu-9p3uyw-kGzEy8-6NCBr-5mHwuc-gt7HiJ-mSssZ-aU7i6-ebQHjA-33i2ka-4gV3pD-exfcJ-4Cr5iy-4Cr5kj-9rUL8c-4Vw7rV-eZhEN4-ebK7r8-nxszNC-GTHyo-bfQT2-4BKgUd-81N9Mk-3rAert-uspaG-38kmr-8JtECX-mmASup-nrULXF">Flashback/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>À 35 ans, le jeune député devient immédiatement secrétaire d’État à l’emploi, ce qui lui vaut de jouer un rôle actif auprès du premier ministre, Georges Pompidou, pendant la négociation des accords de Grenelle, en mai 1968. Il exerce ensuite plusieurs fonctions ministérielles, d’importance croissante, devenant ministre de l’Intérieur au début de 1974. Pendant la campagne présidentielle qui suit la mort de Georges Pompidou, il préfère appuyer la candidature du libéral Valéry Giscard d’Estaing plutôt que celle du gaulliste Jacques Chaban-Delmas.</p>
<h2>Premier ministre</h2>
<p>L’apport décisif de Jacques Chirac à la victoire giscardienne lui vaut d’être nommé premier ministre. Il défend – sans être toujours convaincu – les grandes réformes du début du septennat : majorité à 18 ans, <a href="https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01807/la-reforme-du-divorce-de-1975-l-introduction-du-divorce-par-consentement-mutuel.html">instauration du divorce par consentement mutuel</a>, <a href="https://www.lci.fr/sante/simone-veil-pantheon-il-a-ete-legalise-il-y-a-43-ans-apres-quels-sont-les-chiffres-de-l-avortement-en-france-ivg-2057209.html">légalisation de l’avortement</a>, <a href="http://www.slate.fr/story/158533/reforme-audiovisuel-public-ortf-francoise-nyssen-france-televisions-radio-france">réforme de l’audiovisuel</a>…</p>
<p>Mais ses rapports avec le président deviennent très vite conflictuels. Estimant ne pas avoir les moyens de mener la politique qu’il souhaiterait faire, il démissionne en 1976 et refond le parti gaulliste dans une stratégie de critique de la droite libérale au pouvoir, défendant alors un « véritable travaillisme à la française ». Il devient maire de Paris en 1977 après une bataille acharnée avec le candidat du pouvoir giscardien, ce qui lui donne des moyens très renforcés d’action politique. Il conservera ce mandat durant 22 ans jusqu’en 1995.</p>
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<p>Il mène sa première campagne présidentielle en 1981. Chirac s’oppose toujours au président sortant, mais avec une orientation idéologique très différente puisqu’il se convertit au néo-libéralisme.</p>
<p>Largement distancé par Valéry Giscard d’Estaing au premier tour, il ne l’appuie que très modérément au second. Environ 15 % de l’électorat gaulliste vote en fait pour François Mitterrand, qui l’emporte.</p>
<h2>Opposant en chef</h2>
<p>Jacques Chirac devient alors le leader de l’opposition au « pouvoir socialo-communiste », ce qui aboutit à une victoire de celle-ci aux législatives de 1986. Le RPR ayant davantage de députés que l’UDF, <a href="https://www.europe1.fr/emissions/Le-journal-d-il-y-a-trente-ans/le-journal-dil-y-a-30-ans-la-cohabitation-mitterrand-chirac-2703511">François Mitterrand choisit Jacques Chirac comme premier ministre</a>. « Cohabitant » avec un président socialiste, il exerce en fait la plus grande part du pouvoir, contrairement à son premier mandat de chef de gouvernement (1974-1976), où il était très contrôlé par Valéry Giscard d’Estaing. Il mène une politique économique libérale, avec notamment de nombreuses privatisations et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138511/original/image-20160920-12481-1yzoly0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138511/original/image-20160920-12481-1yzoly0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138511/original/image-20160920-12481-1yzoly0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138511/original/image-20160920-12481-1yzoly0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138511/original/image-20160920-12481-1yzoly0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138511/original/image-20160920-12481-1yzoly0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138511/original/image-20160920-12481-1yzoly0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Chirac conquérant version 1986.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
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<p>Mais après deux années de cohabitation, la popularité de Jacques Chirac s’est nettement dégradée alors que François Mitterrand s’est refait une santé en incarnant le rôle du président–chef de l’opposition. Ce dernier est donc facilement réélu, en mai 1988, pour un second mandat présidentiel, alors que Jacques Chirac fait des scores plutôt modestes (20 % des suffrages au premier tour, 46 % au second).</p>
<p>À nouveau dans l’opposition, Jacques Chirac doit faire face à des divisions internes à son parti, mais il en conserve le contrôle et prépare les législatives de 1993, très largement gagnées dans un contexte de désaveu de la gauche, après deux mandats présidentiels socialistes.</p>
<p>Jacques Chirac, tirant les leçons de ses deux expériences de premier ministre, qui n’avaient pas constitué les tremplins espérés vers la présidence de la République, laisse Édouard Balladur, un de ses très proches collaborateurs, qui avait été son ministre de l’Économie, des Finances et de la Privatisation lors de la première cohabitation, exercer cette fonction, se réservant pour l’élection présidentielle de 1995.</p>
<h2>À la troisième tentative</h2>
<p>Mais la forte popularité d’Édouard Balladur dans l’opinion le conduit à se présenter lui-même, ce qui génère une guerre fratricide étonnante.</p>
<p>Beaucoup au RPR considèrent le combat de Jacques Chirac perdu d’avance et lui conseillent de renoncer pour ne pas faire perdre son camp. Contre toute attente, là encore, après une campagne conduite autour d’un diagnostic – plutôt de gauche – sur la « fracture sociale » qu’il convient de combler, il parvient à renverser les pronostics sondagiers et à prendre l’avantage au premier tour – de peu – sur le premier ministre sortant (20,8 % contre 18,6 %). Il est assez facilement élu au second tour contre Lionel Jospin.</p>
<p>C’est donc <a href="http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=239">à sa troisième tentative</a>, après une campagne à rebondissements, qu’il atteint le sommet, manifestant ainsi une grande obstination dans ses combats pour l’exercice du pouvoir politique.</p>
<p>Mais l’exercice de la fonction suprême ne va pas être une promenade de santé. Son premier ministre, Alain Juppé, mène une politique de rigueur budgétaire et doit affronter dès l’automne 1995 un mouvement social très important contre sa réforme des retraites et de la Sécurité sociale.</p>
<p>En 1996, le président Chirac annonce la suspension du service militaire obligatoire et le lancement d’une politique de professionnalisation des armées.</p>
<p>La popularité de l’exécutif étant fortement effritée, Jacques Chirac crée la surprise en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale en avril 1997, un an avant le terme du mandat, estimant être alors en meilleure position pour conserver la majorité qu’en laissant s’écouler une année supplémentaire.</p>
<p>Ayant dissous en semblant vouloir poursuivre la même politique, Jacques Chirac perd son pari et doit, à son tour, accepter une cohabitation avec la gauche. Il est en fait privé d’une large partie de son pouvoir, exercé par le nouveau Premier ministre, Lionel Jospin, leader des socialistes, pendant les cinq dernières années de son premier mandat.</p>
<h2>Réélu avec 82 % des suffrages</h2>
<p>Il maintient – contre le souhait de certains de ses partisans – une stratégie de cordon sanitaire à l’égard du Front national, quel qu’en soit le prix électoral. Il doit faire face à des conflits de tendance internes au RPR et perd le contrôle de son parti. Chirac doit aussi accepter – sous la contrainte de Valéry Giscard d’Estaing et des socialistes – la réduction du mandat présidentiel à cinq ans avec une inversion du calendrier électoral, donc avec d’abord une élection présidentielle et en principe juste après, des législatives.</p>
<p>Il n’en reste pas moins très obstiné dans son combat en vue d’un second mandat. Il adopte une stratégie semblable à celle de François Mitterrand lors de la première cohabitation, attaquant son premier ministre sur sa politique, notamment sur son laxisme à l’égard des délinquants et proposant au contraire une approche sécuritaire.</p>
<p>Bénéficiant aussi de l’éclatement de l’UDF et de l’absence d’une autre candidature de poids à droite, ainsi que de la division que la gauche plurielle entre de nombreux prétendants, il devance – avec un score modeste pour un président sortant – Lionel Jospin lors du premier tour.</p>
<p>Opposé au second tour à Jean‑Marie Le Pen, il peut se dispenser de faire campagne et l’emporte avec <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/presidentielle-2002/resultats-elections/france.html">82 % des suffrages</a>, score totalement inédit dans une élection présidentielle française.</p>
<h2>Engagement pour l’environnement et politique anti-américaine</h2>
<p>Ce franc succès lui permet de refaire en large partie l’unité de la droite, avec le lancement de l’UMP, Union pour la majorité présidentielle, rebaptisée ensuite Union pour un mouvement populaire. Mais il perd rapidement le contrôle de la nouvelle formation, dont Nicolas Sarkozy prend la tête fin 2004. Devenu assez pro-européen au fil de l’exercice de ses mandats, il souhaite faire ratifier le projet de Constitution européenne par référendum, opération à haut risque, qu’il va perdre nettement en 2005.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138268/original/image-20160919-11090-1kwhkip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138268/original/image-20160919-11090-1kwhkip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138268/original/image-20160919-11090-1kwhkip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138268/original/image-20160919-11090-1kwhkip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138268/original/image-20160919-11090-1kwhkip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138268/original/image-20160919-11090-1kwhkip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138268/original/image-20160919-11090-1kwhkip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chirac s’adresse à la nation suites aux émeutes dans les banlieues (2005).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/humain/83939174/in/photolist-8qdc9-6jMHTN-wCGwX-JZzNH-dTsfd-dSUTJ-DWPjE-dBmhDC-8u3rbV-3ft5Gq-91QsRH-2vEEkx-b9bd1-b99rs-b99rt-b99ry-b99rw-b9bcX-4NkHt-7SQEQF-rqMfA2-57FtgM-aRpMXM-PQ83A-d8cAiW-2ZKvB2-9Hu228-9TAAEK-7tD1NL-6JASZR-8NrQTg-buH5at-DdDjw-7SQELc-GikFo-hVJtr-ikVb5-52Z3K-dftq4-7vZGW6-DLtXb-34xeYu-9p3uyw-kGzEy8-6NCBr-5mHwuc-gt7HiJ-mSssZ-aU7i6-ebQHjA">jalbertgagnier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Outre une politique de baisse de l’impôt sur le revenu, des mesures fortes pour renforcer la sécurité routière, lutter contre le cancer et mieux indemniser les handicapés, son quinquennat est marqué par un engagement important en faveur de l’environnement dont une charte est mise au point et constitutionnalisée.</p>
<p>Surtout, il se distingue par une politique nettement anti-américaine, <a href="https://www.liberation.fr/planete/2002/09/28/irak-chirac-dit-non-a-bush_416923">refusant d’associer la France à l’intervention militaire en Irak</a>. Il doit faire face, fin 2005, à un mouvement d’émeutes dans les banlieues sensibles et au printemps 2006 à un mouvement social contre le contrat de travail première embauche, qui génère une opposition des syndicats de salariés et des mouvements étudiants, aboutissant au retrait du projet.</p>
<p>Les rapports du président de la République et du premier ministre, Dominique de Villepin, avec Nicolas Sarkozy vont se tendre, les deux derniers aspirant à être le candidat de l’UMP à la présidentielle de 2007.</p>
<p>Ayant mis le parti à son service, Nicolas Sarkozy est très largement intronisé candidat en janvier 2007 mais Jacques Chirac laisse planer le doute quant à une possible troisième candidature jusque début mars. Il annonce ensuite son soutien au candidat que son parti s’est choisi, abandonnant la polémique et le combat politique actif.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138255/original/image-20160919-11100-1pbmfqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138255/original/image-20160919-11100-1pbmfqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138255/original/image-20160919-11100-1pbmfqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138255/original/image-20160919-11100-1pbmfqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138255/original/image-20160919-11100-1pbmfqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138255/original/image-20160919-11100-1pbmfqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138255/original/image-20160919-11100-1pbmfqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jacques Chirac (ici en 2011), un retraité de la politique très populaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bryanpelz/6466361407/in/photolist-aRpMXM-PQ83A-d8cAiW-2ZKvB2-9Hu228-9TAAEK-7tD1NL-6JASZR-8NrQTg-buH5at-DdDjw-7SQELc-GikFo-hVJtr-ikVb5-52Z3K-dftq4-7vZGW6-DLtXb-34xeYu-9p3uyw-kGzEy8-6NCBr-5mHwuc-gt7HiJ-mSssZ-aU7i6-ebQHjA-33i2ka-4gV3pD-exfcJ-4Cr5iy-4Cr5kj-9rUL8c-4Vw7rV-eZhEN4-ebK7r8-nxszNC-GTHyo-bfQT2-4BKgUd-81N9Mk-3rAert-uspaG-38kmr-8JtECX-mmASup-nrULXF-nPdsWy-nJmWpq">Bryan Pelz/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans sa retraite, Jacques Chirac va se consacrer à des actions en faveur de la prévention des conflits internationaux, du dialogue des cultures, des arts premiers et du développement durable. Il siège aussi au Conseil constitutionnel jusqu’en 2010.</p>
<p>Comme beaucoup d’hommes politiques de premier plan ayant quitté la difficile gestion des affaires publiques, il va retrouver une forte popularité dans l’opinion.</p>
<p>Il laisse le souvenir d’un homme au contact facile, aimant les bains de foule et le « cul des vaches », gardien des valeurs républicaines, défenseur de la tolérance face à l’altérité, très actif sur la scène internationale pour faire entendre la voix de la France et défendre un monde multipolaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/63283/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une ascension politique très rapide, un grand volontarisme pour arriver à la fonction suprême, une grande longévité dans la gestion des affaires publiques : retour sur le parcours de Jacques Chirac.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1092272018-12-24T17:01:39Z2018-12-24T17:01:39ZPetit conte de Noël aux Enfers<p><em>(La scène se passe au palais de l’Élysée)</em></p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> (<em>effondré sur son trône</em>)</p>
</blockquote>
<p>Homère m’a tué, son récit m’a trompé !</p>
<p>J’avais si fort rêvé en lisant l’Odyssée</p>
<p>De pouvoir m’installer sur les Champs Élysées…</p>
<p>Car c’est là disait-il que sont récompensés</p>
<p>Les vertueux humains en héros érigés.</p>
<p>La vie y est si douce, inquiétude épargnée.</p>
<p>Aux confins de la terre, au bord de l’océan,</p>
<p>Jamais de ces grands vents qui vous glacent les sangs,</p>
<p>Jamais neige ou blizzard, averse ou bien froidure</p>
<p>Ne vient à ton repos imposer son injure !</p>
<p>Une brise odorante, embaumée de jasmin</p>
<p>D’une rive inconnue amène le parfum !</p>
<blockquote>
<p><strong>Castagnerus</strong> (<em>la tête dans les mains</em>)</p>
</blockquote>
<p>Oh ! Terrible illusion qui fait voir des promesses</p>
<p>De superbes moissons quand le jaune se dresse</p>
<p>Accroché en épis à d’infâmes gilets !</p>
<p>Il faut être un urbain pour trouver le secret</p>
<p>De la sérénité dans le monde rural.</p>
<p>Ces gens sont déchaînés, forts d’un projet fatal.</p>
<p>Sous des fourches caudines ils vous veulent plier.</p>
<p>Quoi que vous leur donniez, espérant les calmer</p>
<p>Ils voudront toujours plus, et vous feront courber !</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(relevant la tête)</em></p>
</blockquote>
<p>A ne pas trop céder, j’ai pris beaucoup de soin</p>
<p>Et pareil au roseau, je plie mais ne romps point !</p>
<blockquote>
<p><strong>Castagnerus</strong> <em>(interloqué)</em></p>
</blockquote>
<p>Rond-point ! Grâce, pitié ! Évitez ce gros mot !</p>
<p>C’est pour ces sauvageons une sorte d’îlot,</p>
<p>Un infernal cerceau d’où jaillit l’invective.</p>
<p>L’injure et le mensonge en haine se ravivent !</p>
<p>Vous leur avez tendu, en homme charitable</p>
<p>Pour acheter cadeaux, une main secourable !</p>
<p>Rien n’apaise leur soif, ils vous veulent pendu</p>
<p>Sous lanterne ou gibet, en simple malotru.</p>
<blockquote>
<p><strong>Darminus</strong> <em>(qui vient d’entrer subrepticement)</em></p>
</blockquote>
<p>Du désir infini vous ouvrîtes la boîte</p>
<p>Et le danger surgit quand la prudence est coite !</p>
<p>Chacun voudra puiser dans le trésor public,</p>
<p>La pancarte à la main, en disant qu’on le nique.</p>
<p>D’abord notre police, ensuite l’hôpital,</p>
<p>Et puis nos fonctionnaires, on les traite si mal…</p>
<p>De deux années d’effort, on mange capital…</p>
<blockquote>
<p><strong>Un gilet jaune</strong> <em>(monté sur la fenêtre ouverte)</em></p>
</blockquote>
<p>Oui, oui, mort à la banque et au grand capital !</p>
<p>Aux élus fainéants prenons l’indemnité</p>
<p>Volée sur nos impôts sans l’avoir méritée !</p>
<p>Partageons le gâteau et doublons les retraites,</p>
<p>Qu’enfin de ce pays misère soit abstraite !</p>
<p>Que chacun d’entre nous voie son pouvoir d’achat</p>
<p>Fortement augmenté par l’aide de l’État.</p>
<p>Ce salaire mesquin réduit au minimum !</p>
<p>Comme en quatre-vingt-treize allons au maximum !</p>
<p>Et pour que ton propos s’appuie sur un vrai gage</p>
<p>Le peuple l’a voulu, Président tu dégages !</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(se levant et fermant la fenêtre)</em></p>
</blockquote>
<p>Que les temps sont changeants ! Onques la pensée folle</p>
<p>De roche élyséenne auprès du Capitole</p>
<p>Ne m’avait effleurée. Hier encor j’avais</p>
<p>Suscité l’espérance au cœur de nos Français !</p>
<p>Ils aimaient ma jeunesse, et ma fougue et l’audace</p>
<p>Dont ils espéraient bien qu’on briserait la glace</p>
<p>Qu’avait amoncelée au fil de tant d’années</p>
<p>De mes prédécesseurs l’impuissance agitée !</p>
<p>À brides abattues et grâce aux ordonnances</p>
<p>J’ai beaucoup réformé, sans répit ni latence,</p>
<p>Et rendu à l’État de sa magnificence ;</p>
<p>Adapté Brégançon en vue de natation,</p>
<p>Rénové la vaisselle utile aux réceptions.</p>
<p>Mais pour avoir été de dépense un peu chiche</p>
<p>Me voici donc taxé de Président des riches !</p>
<blockquote>
<p><strong>Darminus</strong> <em>(sursautant)</em></p>
</blockquote>
<p>Évitez le mot taxe, il est impopulaire.</p>
<p>Ils vont criant : « Taxés ! Jusqu’à la jugulaire ! »</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(écartant les bras)</em></p>
</blockquote>
<p>Je l’avais entendu, et contre mes désirs</p>
<p>J’ai dû lâcher la bonde et donner l’élixir</p>
<p>De la détaxation. En sus de quelques primes…</p>
<blockquote>
<p><strong>Darminus</strong> <em>(secouant la tête)</em></p>
</blockquote>
<p>Inutiles cadeaux, traités comme une frime.</p>
<p>Une dissolution eût été de saison</p>
<p>Puisqu’en démocratie ils voient la solution.</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(rageur)</em></p>
</blockquote>
<p>Mais avais-je le choix, sous intense pression ?</p>
<blockquote>
<p><strong>Darminus</strong> <em>(fataliste)</em></p>
</blockquote>
<p>Un groupe d’agités passant gilet citron</p>
<p>Et l’État, devant eux, de baisser pantalon !</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(désabusé)</em></p>
</blockquote>
<p>Mais face aux Sans-culotte, il faut bien s’adapter.</p>
<p>Pour apaiser le feu, dissipons la fumée…</p>
<p><em>(La porte s’ouvre, et dans un voile de brume s’avance l’ombre d’Anchise tenant par l’épaule celle d’Hulotius)</em></p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(allant à la rencontre des fantômes bras ouverts)</em></p>
</blockquote>
<p>Ainsi, mon noble Père, en cette nuit glacée</p>
<p>Vous venez au secours d’un fils infortuné,</p>
<p>Amenant avec vous un homme qui m’est cher,</p>
<p>Que je croyais parti aux confins de la terre !</p>
<blockquote>
<p><strong>Hulotius</strong> <em>(s’inclinant)</em></p>
</blockquote>
<p>C’était pour la sauver ! Vous m’aviez confié</p>
<p>Une tâche impossible en un pays drogué</p>
<p>Aux vapeurs de l’essence et de l’effet de serre !</p>
<p>On a beau s’affirmer démocrate sincère,</p>
<p>Il faut s’enfuir à point quand ça sent le roussi !</p>
<p><em>(Entre l’ombre de Collombo, essoufflé)</em></p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(inquiet)</em></p>
</blockquote>
<p>Toi aussi Collombo, te voici de retour,</p>
<p>Qui t’étais à Lyon réfugié dans ta tour !</p>
<p>L’heure est-elle si grave en ce froid crépuscule,</p>
<p>Pour que vous courriez tous dedans mon édicule ?</p>
<blockquote>
<p><strong>Collombo</strong> <em>(préoccupé)</em></p>
</blockquote>
<p>C’est qu’ils ont pris Montmartre ! En début de soirée</p>
<p>Une avant-garde armée a soudain occupé</p>
<p>Le parvis de l’église et dessus le pavé</p>
<p>Édifié une crèche en jaune bariolée !</p>
<p>Ils ont placé dedans en costumes d’époque</p>
<p>D’étranges personnages aux visages baroques.</p>
<p>En vierge on voit Marine, en orante installée</p>
<p>Souriant à Joseph dont on peut deviner</p>
<p>Qu’il doit à Mélenchon sa mine contrariée !</p>
<p>L’âne est en Ruffinus, Obono fait génisse,</p>
<p>Tandis que Guénolo en bon berger se glisse !</p>
<blockquote>
<p><strong>Hulotius</strong> <em>(agité)</em></p>
</blockquote>
<p>De place de Clichy et par la rue Lepic</p>
<p>Se hâte lentement la troupe famélique,</p>
<p>Faisant procession jusque dessus la butte.</p>
<p>Ils sont quelques dizaines à s’affirmer en lutte,</p>
<p>Et jurent qu’en dix ans ils seront un million !</p>
<p>Ils chantent pour s’aider, sinistre mélopée</p>
<p>Qu’ils croient ingénument à eux par Dieu donnée !</p>
<p>Afin d’agrémenter leur pauvre réveillon</p>
<p>Des passants complaisants leur offrent du saumon.</p>
<p>Mais ces illuminés préfèrent les quenelles</p>
<p>Pour fêter goulûment la soirée de Noël !</p>
<blockquote>
<p><strong>Castagnerus</strong> <em>(se frappant le front)</em></p>
</blockquote>
<p>Ah, j’entends à présent ce grave roulement</p>
<p>Qui monte de la rue allant en s’accroissant :</p>
<p>Ils tirent sur l’asphalte un groupe de canons</p>
<p>Afin de canarder l’hôtel de Matignon !</p>
<blockquote>
<p><strong>Collombo</strong> <em>(indigné)</em></p>
</blockquote>
<p>Qu’attend Castagnerus et que fait la police ?</p>
<p>Que la situation offre meilleurs auspices ?</p>
<p>Il faut se ressaisir et de la République</p>
<p>Faisons donner la garde et boutons cette clique</p>
<p>Hors des murs de Paris…</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(apaisant)</em></p>
</blockquote>
<p>N’y pensez même pas !</p>
<p>Ils se diraient l’objet d’un injuste tracas</p>
<p>Qu’un Lyonnais réservait à ces pauvres canuts</p>
<p>Qu’une classe égoïste abandonnait tous nus !</p>
<p>Et ils iraient tue-tête exiger du vieux monde</p>
<p>Qu’on tisse le linceul dans la même seconde !</p>
<p>Mais je crois disposer d’une meilleure idée…</p>
<p><em>(Tous s’approchent de lui fiévreusement)</em></p>
<blockquote>
<p><strong>Collombo</strong> <em>(extasié)</em></p>
</blockquote>
<p>Je vous retrouve enfin maître de vos pensées.</p>
<p>Voilà qui changera de la raideur d’usage</p>
<p>Dont l’ami des chevaux conduisant l’attelage</p>
<p>Corsetait nos projets. Et de la suffisance</p>
<p>Qu’une foule d’énarques expédiait en pitance !</p>
<p><em>(On entend un remue-ménage produit par la fuite précipitée de Kolerius caché derrière un fauteuil.)</em></p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(poursuivant)</em></p>
</blockquote>
<p>J’ai fait monter Cristo, avec pour tâche urgente</p>
<p>De peindre l’Élysée en couleur bien ardente,</p>
<p>Symbole de bonheur, le jaune bouton d’or.</p>
<p>Et puis de l’entourer pour orner ce trésor,</p>
<p>D’un large ruban vert habilement lacé !</p>
<blockquote>
<p><strong>Hulotius</strong> <em>(frappant dans ses mains)</em></p>
</blockquote>
<p>Oh ! Que l’idée est belle, que le château est beau !</p>
<p>En teinte naturelle il a tout du cadeau !</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(goguenard)</em></p>
</blockquote>
<p>Tel l’oiseau de Minerve, aurez-vous deviné</p>
<p>À quoi cette œuvre ouverte est enfin destinée ?</p>
<p>Je vais l’offrir au peuple à partir d’aujourd’hui.</p>
<p>Ce sera sa maison. Il y sera chez lui.</p>
<p>Et pour fêter la chose, dès cette sainte nuit,</p>
<p>Il pourra festoyer aux frais de la nation.</p>
<p><strong>Collombo</strong> <em>(perplexe)</em></p>
<p>Geste plus que parfait qui met en appétence.</p>
<p>Mais où logerez-vous la noble présidence</p>
<p>Qui survivre ne peut dedans l’itinérance ?</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(écartant les mains)</em></p>
</blockquote>
<p>J’irai d’un pas altier investir Matignon !</p>
<p>Car cette opération pour changer de maison</p>
<p>Sera belle occasion pour une révision.</p>
<p>Foin de premier ministre, aujourd’hui inutile.</p>
<p>Détour assez coûteux et bien souvent futile.</p>
<p>La crise l’a montré, en tant que de fusible</p>
<p>Dont j’avais tant besoin, il ne fut pas crédible.</p>
<p><em>(Bruissement ; les portes du grand salon s’ouvrent et font apparaître une énorme machine en forme de gigantesque caisse enregistreuse à l’ancienne)</em></p>
<blockquote>
<p><strong>Castagnerus</strong> <em>(étonné)</em></p>
</blockquote>
<p>Mais quel est cet engin doté d’un grand clavier</p>
<p>Sur lequel le désir vous vient de pianoter ?</p>
<blockquote>
<p><strong>Macronius</strong> <em>(triomphant)</em></p>
</blockquote>
<p>C’est la belle cerise ornant notre cadeau.</p>
<p>Le peuple l’attendait autant que les Rameaux.</p>
<p>Il pourra dès ce soir en user à son gré.</p>
<p>Cette grande machine ouvre une dimension</p>
<p>Jusque là inconnue ici des votations.</p>
<p>Une urne interactive où l’on peut fabriquer</p>
<p>Tous les referenda sans tabous de sujets.</p>
<p>Acquise votation, le tiroir joue un la</p>
<p>Donnant le résultat. Et s’il ne convient pas</p>
<p>On peut recommencer en frappant le clavier !</p>
<p><em>(Les murmures d’étonnement sont couverts par un puissant frémissement montant de l’avenue ; Collombo se précipite vers la fenêtre et l’ouvre brutalement)</em></p>
<p><strong>Collombo</strong> <em>(sautillant de joie)</em></p>
<p>Miracle, miracle ! Déjà la foule avance !</p>
<p>Je la vois s’approcher avec un pas de danse.</p>
<p>Le bruit de vos bienfaits a dû leur parvenir</p>
<p>Tant on voit de gaieté, tant on voit de sourires.</p>
<p>Ils allument un grand feu où tombent les gilets.</p>
<p>J’entends au gré du vent des bribes de chanson :</p>
<p>« Qu’il en soit assuré, de nouveau nous l’aimons !</p>
<p>Vive la boulangère et le gentil Macron ! »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Quand l'esprit de Noël invite à sourire de la rudesse des temps…Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1011632018-08-23T21:49:32Z2018-08-23T21:49:32ZAffaire Benalla : pour la démocratie, un été meurtrier ?<p>On pourrait croire que l’été en cours s’est donné pour mission de confirmer l’adage : petites causes, grands effets. Les faits concrets à l’origine de « l’affaire Benalla » ont provoqué une déflagration ébranlant le fonctionnement même de la démocratie parlementaire, et venant pour un bon moment saturer tout l’espace de la vie publique.</p>
<p>Quelle lecture peut-on faire de ce « moment » assez extraordinaire dans la vie de notre démocratie, où le pouvoir du Président, si ce n’est la Cinquième République tout entière, ont paru trembler sur leur base ?</p>
<h2>Du fait brut au fait médiatisé : « le regard qui tue »</h2>
<p>On pourrait dire que le fait essentiel de cet été « meurtrier » est qu’un événement banal soit (presque) devenu une affaire d’État. C’est pourquoi nous n’entrerons pas dans le détail des faits du 1<sup>er</sup> mai, avec le désir d’en établir la « vérité », à propos de laquelle se sont étripés gouvernement, opposition, et médias.</p>
<p>Car ce qui est remarquable est que des faits d’un premier niveau, se produisant sur le terrain événementiel concret, aient provoqué – à un deuxième niveau, celui du regard porté sur eux – une explosion politico-médiatique d’une intensité rarement atteinte.</p>
<p>Le regard porté sur le factuel, devenu l’objet d’une focalisation médiatique, en a changé la nature. Le fait, primitivement banal et insignifiant, devient, deux mois et demi plus tard, crucial et hautement significatif. Et, dans le même mouvement, il est jugé, et unanimement condamné. Le regard médiatique est ici, comme le dit la chanson, un regard qui tue.</p>
<p>C’est donc sur cette médiatisation qu’il convient de s’interroger. La question de son intérêt pour la vie démocratique, et finalement de sa légitimité, se trouve précisément au cœur des lectures que l’on pourra faire de cet épisode estival. Or il nous paraît possible de distinguer, a posteriori, deux grandes lectures.</p>
<h2>Première lecture possible : une médiatisation bienvenue, à l’origine d’une onde de choc salutaire</h2>
<p>C’est la lecture faite à la fois par l’opposition parlementaire, subitement réunie dans un véritable « cartel » anti-Macron, et par la plupart des médias, dont <em>Le Monde</em>, <a href="https://lemonde.fr/police-justice/article/2018/07/18/qui-est-alexandre-benalla-ce-proche-d-emmanuel-macron-auteur-de-violences-le-1er-mai_5333347_1653578.html?xtmc=benalla&xtcr=219">qui a révélé l’« affaire »</a>. Pour eux, cet épisode (à savoir la révélation de l’affaire et ses conséquences), constitue un moment aussi heureux qu’inattendu de réveil démocratique. Grâce à la vigilance de citoyens témoins (ceux qui ont enregistré la scène et en ont diffusé des vidéos), puis des médias (dont les investigations ont permis de connaître l’appartenance institutionnelle du pseudo-policier violent), il a été possible de contraindre l’exécutif à s’expliquer sur sa gestion des problèmes d’ordre public.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3LKiETDC6oU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Il a ainsi été mis en évidence que le pouvoir est nu. Qu’il peut avoir peur, et être tétanisé par les effets d’événements a priori superficiels. Qu’aucun pouvoir, même en apparence le mieux établi, n’est à l’abri d’erreurs pouvant lui être fatales. Qu’il peut être paralysé par ses erreurs d’appréciation, par des atermoiements coupables, par une communication catastrophique. Que l’agenda politique n’appartient pas au seul gouvernement. Bref : qu’un pouvoir n’est jamais à l’abri derrière le pouvoir dont il aurait tendance à se croire propriétaire ! Salutaire leçon pour lui.</p>
<p>Dans cette façon de voir les choses, cette leçon de modestie à l’intention des puissants est couronnée par deux autres effets positifs. En premier lieu, la valorisation du travail parlementaire, avec la mise sur pied de la commission d’enquête, exerçant pleinement les missions de contrôle et d’évaluation attribuées au Parlement par la Constitution. En second lieu, la démonstration concrète de la possibilité qu’ont des instances relevant de la « contre-démocratie » (Raffaele Simone, <em>Le Monde</em> des 29 et 30 juillet) de relever et de dénoncer les erreurs, excès et abus d’une « présidence monarchique » (Alexis Lévrier, <em>Le Monde</em> du 31 juillet 2018).</p>
<h2>Deuxième lecture possible : une médiatisation malsaine, à l’origine d’un moment sombre pour la démocratie parlementaire</h2>
<p>Mais, à cette vision d’une médiatisation bienvenue, s’oppose la vision d’une médiatisation regrettable et mal fondée. Sans surprise, cette seconde lecture est celle du parti dominant, et des partisans du Président. Pour eux, l’épisode de l’« affaire Benalla » constitue un triste et sombre moment pour la vie républicaine. Pour trois grandes raisons.</p>
<p>Tout d’abord, cet épisode a été marqué par le déchaînement de rancunes haineuses. Une opposition qui enrageait de son impuissance à contrer le travail de réforme du gouvernement a saisi avec une joie malsaine (illustration du concept de « pure joie » selon Mélenchon ?) l’occasion de soumettre ce gouvernement à l’inquisition. Animée par un désir irrépressible de vengeance, elle a voulu transformer une dérive individuelle en affaire d’État, pour atteindre le Président par le petit bout du comportement condamnable de l’un de ses collaborateurs. Ce qui a donné lieu à un déferlement de rumeurs, et à un déchaînement de fantasmes.</p>
<p>Loin de contribuer à une valorisation du travail parlementaire, les membres de l’opposition se sont alors, d’une part, livrés à un travail d’obstruction proche d’une opération de sabotage, conduite avec un cynisme impressionnant. Et, d’autre part, non contents de paralyser le travail législatif, se sont mués en procureurs, vite grisés par l’exercice de leur pouvoir d’investigation.</p>
<p>Enfin, tout cela a généré un moment de grande confusion dans le fonctionnement institutionnel. Confusion des rôles, et des missions. Le pouvoir législatif, tout comme (<a href="https://lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/07/25/les-questions-que-pose-le-discours-d-emmanuel-macron-sur-l-affaire-benalla_5335746_4355770.html?">ainsi que l’a fait observer Emmanuel Macron</a>) le « pouvoir médiatique », ont voulu devenir pouvoir judiciaire. Certes, selon l’article 24 de la Constitution : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du gouvernement ». Mais, d’une part, aucune des deux missions ne peut éclipser l’autre. Et, d’autre part, les commissions d’enquête ne peuvent contrôler que le gouvernement, et pas le Président de la République.</p>
<h2>Finalement, « faut-il pleurer, faut-il en rire ? »</h2>
<p>Est-il alors possible, et comment, de trancher entre ces deux lectures ? Chacun jugera. Je me contenterai de formuler quelques observations.</p>
<p>Il faut mettre au crédit de la première lecture le rappel de la nécessité pour le pouvoir de respecter à la lettre les règles présidant au fonctionnement de la vie institutionnelle (nominations, etc.) ; ainsi que le rappel de l’existence, pour les citoyens, comme pour les médias, d’un devoir de vigilance critique à l’égard des pouvoirs.</p>
<p>Mais il faut bien reconnaître aussi que, pendant cet épisode, l’opposition s’est distinguée en s’approchant du niveau zéro en matière d’opposition constructive. Plutôt que de consacrer ses forces à la recherche d’alternatives crédibles à la politique gouvernementale, elle a préféré saisir une occasion de malmener le président élu. Or la transformation de l’hémicycle en salle de spectacle n’est pas de nature à valoriser le travail de l’Assemblée. Et la paralysie du travail législatif ne peut en aucun cas être considérée comme un idéal de fonctionnement pour une assemblée législative !</p>
<p>Par ailleurs, il est toujours dangereux de s’enflammer à la moindre « révélation » des médias : la République n’était pas en danger, et l’« affaire Benalla » n’est en rien comparable au Watergate (<a href="https://lemonde.fr/idees/article/2018/07/30/georges-kiejman-que-l-on-cesse-d-evoquer-le-watergate-pour-l-affaire-benalla_5337417_3232.html?">Georges Kiejman, <em>Le Monde</em> du 31 juillet 2017</a>). Le bruit et la fureur empêchent de prêter attention à d’autres faits, qui, en l’occurrence, auraient permis de mieux comprendre, et de relativiser, les faits dénoncés (par exemple : le couple « interpellé » venait de « carafer » – mot que je propose sur le modèle de « caillasser » – et d’insulter les forces de l’ordre !).</p>
<h2>Du bon usage de la médiatisation en démocratie</h2>
<p>Ce qui est en jeu est alors le poids et l’usage de la médiatisation. Dans quelles conditions la médiatisation est-elle utile à la vie démocratique ? La République peut mourir d’une médiatisation incontrôlée et malveillante (voire : contrôlée à des fins malveillantes !). Les médias ne devraient pas avoir le désir d’instruire des procès plutôt que d’informer.</p>
<p>Les institutions ne devraient pas permettre qu’une médiatisation orientée et excessive vienne perturber, sinon empêcher, voire pervertir, leur jeu. Plutôt que d’une Sixième République, n’avons-nous pas besoin de garde-fous empêchant une irruption intempestive de la médiatisation venant détruire les conditions normales de fonctionnement de la vie démocratique ?</p>
<p>Car, enfin, la rancœur et la haine ne peuvent être considérées comme des moteurs appropriés de la vie démocratique. Pour éviter que l’été meurtrier ne débouche sur un automne sanglant, à la République des « affaires », de la flibuste, et de la haine, il conviendra toujours de préférer une République apaisée, pour ne pas dire fraternelle, caractérisée par le respect, des personnes comme des institutions. Puissions-nous écouter Spinoza :</p>
<blockquote>
<p>« Tout ce qui tend à réunir les hommes en société, en d’autres termes tout ce qui les fait vivre dans la concorde, est utile, et au contraire, tout ce qui introduit la discorde dans la cité est mauvais » (Éthique, IV, proposition 40)</p>
</blockquote>
<p>En politique, comme en toutes choses, « La haine ne peut jamais être bonne » (Éthique, IV, proposition 45)</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/101163/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelle lecture peut-on faire de ce « moment » assez extraordinaire dans la vie de notre démocratie, où le pouvoir du Président, si ce n’est la Cinquième République, ont paru trembler sur leur base ?Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/996932018-07-10T12:48:54Z2018-07-10T12:48:54ZEmmanuel Macron à Versailles : plus près des étoiles<p>On aurait tort de dater l’affirmation de la prééminence présidentielle sur les lignes d’action du gouvernement et de la majorité parlementaire, que le discours d’Emmanuel Macron devant le Congrès réuni lundi 9 juillet à Versailles traduisait parfaitement, de la présidence actuelle ou même de celle de Nicolas Sarkozy, que l’on qualifia alors d’« hyper-président ».</p>
<p>Si le quinquennat actuel a accentué la présidentialisation de nos institutions, c’est en fait tout l’édifice de la V<sup>e</sup> République, notamment depuis l’élection du président de la République au suffrage universel, qui est construit <a href="https://theconversation.com/de-la-division-du-travail-entre-le-president-et-le-premier-ministre-80553">sur cette prééminence</a>. Si la possibilité, pour le chef de l’État, de s’exprimer devant le Congrès réuni à Versailles, a renforcé la dimension symbolique de cette prééminence, c’est avant tout par la possibilité de venir physiquement en personne s’exprimer.</p>
<p>Avant la <a href="http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/election-presidentielle-2012/president-republique-quels-pouvoirs-depuis-reforme-2008.html">réforme constitutionnelle de 2008</a>, qui lui donna cette possibilité, le chef de l’État pouvait adresser aux Assemblées un message écrit lu par le président de l’Assemblée concernée. Ainsi, le 8 juillet 1981, juste avant le discours de politique générale de Pierre Mauroy, François Mitterrand adressa-t-il un message à l’Assemblée nationale dans lequel le lien entre le programme présidentiel et l’agenda de travail des députés nouvellement élus était exprimé de manière nette :</p>
<blockquote>
<p>« Le changement que j’ai proposé au pays pendant la campagne présidentielle, que les Françaises et les Français ont approuvé, que la majorité de l’Assemblée nationale a fait sienne, commande désormais nos démarches. J’attache à cette observation d’autant plus d’importance que le rôle du Parlement, voter la loi et contrôler l’exécutif, est appelé à s’élargir non seulement parce que le fait doit rejoindre le droit, mais aussi parce que j’attends des institutions, toutes les institutions, qu’elles participent à l’œuvre de redressement national. J’ai dit à plusieurs reprises que mes engagements constituaient la charte de l’action gouvernementale. J’ajouterai, puisque le suffrage universel s’est prononcé une deuxième fois, qu’ils sont devenus la charte de votre action législative. Vous les connaissez et je n’y reviens pas. »</p>
</blockquote>
<p>On retrouve bien ici la trame narrative que tous les Présidents de la République ont en fait livrée de leur action : leur élection vaut approbation de tout leur programme, elle fixe la feuille de route, commande l’action du premier ministre et du gouvernement qui, de son côté, procède à la mise en œuvre et au paramétrage des réformes.</p>
<p>Dans cet argumentaire, imparable au plan institutionnel, tout repose sur l’idée d’une élection-validation de tout le programme présidentiel. C’est bien cette trame qu’a utilisée hier Emmanuel Macron, revenant au début de son discours sur le lien entre son élection et son bilan d’un an : « Je n’ai rien oublié », a-t-il martelé afin de rappeler à tous – électeurs, parlementaires, gouvernement – que c’est bien de lui et sa campagne électorale que tout procède.</p>
<p>On peut se demander si Emmanuel Macron interprète cette partition classique de la V<sup>e</sup> République de manière différente de ses prédécesseurs et ce que son discours d’hier nous révèle de sa pensée et sa vision de son rôle.</p>
<h2>Le Président d’un château à l’autre</h2>
<p>Il est difficile de séparer le locuteur du rôle institutionnel qui lui fait franchir les grilles du Château de Versailles. Nulle surprise si le monarque républicain exerce ses pouvoirs en son lieu et son transport d’un château vers l’autre ne change rien de fondamental à l’ordre des choses : d’une certaine manière, on pourrait même soutenir l’idée d’un progrès du fonctionnement de nos institutions puisque c’est au grand jour que le Président vient affirmer sa dominance sur le Parlement.</p>
<p>Mais, dans le cas d’Emmanuel Macron, cette séquence institutionnelle et politique vient fortement en écho du style présidentiel qu’il veut nous montrer : <a href="https://theconversation.com/comment-photographier-un-president-jupiterien-78559">impérial, magistral, visionnaire</a>. Tout a été dit sur cette question depuis plus d’un an : on compare souvent Emmanuel Macron au fondateur de la V<sup>e</sup> République ou à Napoléon. Mais on utilisait déjà la métaphore du « Pont d’Arcole » pour Nicolas Sarkozy et l’on comparait François Mitterrand au Sphinx de Gizeh, énigmatique et tout-puissant.</p>
<p>Le discours prononcé à Versailles ne va pas, loin s’en faut, conduire à atténuer le magistère présidentiel de nos institutions. Interprété par Emmanuel Macron, il prend même un reflet flamboyant. Au-delà des éléments programmatiques et des lignes directrices de l’action publique annoncée, il nous donne à voir un Président qui se veut au-dessus des autres.</p>
<p>Un « performeur » : les respirations ou légères pauses de quelques secondes après l’énoncé des passages les plus longs et les plus denses du discours soulignaient que le Président se sentait accomplir une performance d’élocution. Ces courtes secondes étaient comme des moments de dialogue avec l’histoire de France : le Président donnait le sentiment de mesurer le caractère historique de son propos, de vouloir en faire partager la solennité avec les parlementaires.</p>
<p>On ressentait parfois un trouble : pourquoi une telle emphase ? Qu’est-ce qui se cache derrière l’exposé brillant, la capacité étourdissante à enchaîner les mots, les idées, les concepts ?</p>
<h2>Viser plus haut, plus loin, plus fort</h2>
<p>Le contenu également se situait dans un registre de performance : viser plus haut, plus loin, plus fort que tous les autres. Le « retour de l’héroïsme en politique », que le Président appelait de ses vœux, dans l’interview (de 15 pages) donnée au <em>Point</em>, en août 2017, est le retour du pouvoir magique que le Président attribue aux mots et aux prises de paroles : finis les « renoncements », finis « les petits arrangements » et le jeu « petit bras », comme l’on dit au tennis (que le Président pratique) !</p>
<p>La politique est de retour, mais une politique qui se pense et se veut inspirée par les plus hautes ambitions intellectuelles : aider la France à ouvrir les yeux sur le monde qui a changé et tourner le dos aux faux-semblants, aux illusions et aux hypocrisies d’une « société des statuts » et des rentes de situation. Le héros stendhalien est toujours prêt au combat contre le conservatisme, le vrai, pas celui des idéologies <a href="https://lemonde.fr/politique/article/2017/05/13/recit-de-la-semaine-ou-macron-a-tente-de-bousculer-le-monde-d-avant_5127157_823448.html">du « monde d’avant »</a>.</p>
<p>L’énergie et le volontarisme que se dégagent incontestablement du propos présidentiel (notamment dans ce type de circonstances où la solennité permet la dramaturgie) sont, à dire vrai, assez fascinants : nous sommes tous, analyses et observateurs de la vie politique, fascinés depuis plus d’un an…</p>
<p>Cette fascination est peut-être l’objectif visé par la communication présidentielle : définir totalement l’espace du débat public, tout cadrer, tout embrasser, tout réformer, tout refaire – de la toiture des relations internationales et européennes de la France à celui fragile des Français qui sont exposés aux dures réalités de l’économie ouverte et globalisée.</p>
<h2>Appétit réformateur</h2>
<p>Cet appétit réformateur sans limites s’est à nouveau affirmé devant le Congrès à Versailles, malgré la confession de départ sur le thème du Président qui doute, qui ne peut pas tout et qui ne réussit pas tout. Il y eut un moment où le propos sembla s’emballer : le nombre de chantiers à ouvrir, de problèmes et de défis à relever, de réformes et de catégories de Français concernés éloigna progressivement le propos de l’humilité revendiquée au départ.</p>
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<p>C’est là tout le paradoxe du propos présidentiel : il serait tout à fait désespérant que le Président nous explique que rien ne peut être fait, mais n’est-il pas troublant que tant de promesses et d’idéaux libérateurs puissent être mis en œuvre à l’échelle des trois ans et demi qui lui restent ? Qui ne serait pas d’accord avec l’objectif d’aider les plus démunis d’entre nous à échapper aux mécanismes socio-économiques qui brisent des vies ? Mais ces mécanismes ne parlent-ils pas des inégalités profondes du type de système économique dans lequel nous vivons, celles qui constituent les piliers d’une économie de marché qui segmente, trie, classe les individus ? Rien pour le moment, dans la vie réelle des Français, n’est venu inverser ou corriger fondamentalement les choses à cet égard.</p>
<p>On retrouve ici toute la difficulté pour Emmanuel Macron d’expliquer le changement de paradigme qu’il propose – <a href="http://www.lepoint.fr/politique/revolution-la-troisieme-voie-d-emmanuel-macron-24-11-2016-2085261_20.php">la « révolution » dont parle son livre-programme</a> – publié en 2016, alors même que les inégalités produites, résultats de « l’ancien monde », continuent largement de baliser le destin des Français.</p>
<h2>Refaire le match du second tour</h2>
<p>Le discours du 9 juillet croise plusieurs fois cette relative tension et contradiction : le début ne nous parle que du second tour de la présidentielle. Le premier tour, en quelque sorte, n’a pas eu lieu. En résumant son élection au clivage des « modernistes » contre les « conservateurs » et en repliant la temporalité de son élection sur le seul second tour, Emmanuel Macron souhaite tourner le dos aux « passions tristes », une expression qu’il n’a pas utilisée mais qui était largement présente de manière sous-jacente.</p>
<p>Interpellé avec force par Edwy Plenel lors de son entretien face au directeur de la rédaction de <em>Médiapart</em> et à Jean‑Jacques Bourdin, Emmanuel Macron avait réfuté l’argument de sa base électorale du premier tour tout en rappelant que les élections législatives avaient ratifié le choix majoritaire sur son programme. Là encore l’argument institutionnel est imparable ; mais l’argument politique n’en est pas moins préoccupant pour le chef de l’État. C’est effectivement bien dans les électorats qui ne se sont pas portés sur lui au premier tour et/ou dans les électorats qui l’ont rejoint au second tour que les <a href="https://theconversation.com/qui-est-satisfait-demmanuel-macron-96602">effets de déception</a> se font sentir aujourd’hui. Les électeurs commencent, en fait, de moins en moins à rejouer le match du second tour.</p>
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<p>Ultime paradoxe du verbe présidentiel, riche, dense et tout à sa cohérence : si tout repose sur l’affirmation d’une incurie radicale de ses prédécesseurs, il va devenir de plus en plus difficile au fur et à mesure de ces rendez-vous annuels de Versailles de tout expliquer par ce passé. Les éléments prospectifs d’une « nouvelle révolution française » et d’une « nouvelle abolition des privilèges » devront bien céder la place aux éléments rétrospectifs sur les résultats tangibles.</p>
<p>Mais, après tout, le discours politique héroïque puise son ressort dans un autre paradigme que celui de la causalité ; il est plus proche du discours mythologique, autoréférencé, à la fois cause et effet et qui n’a pas nécessairement besoin de validation empirique.</p>
<p>Il est fort possible que la structure narrative de ce discours ne change pas fondamentalement d’une année sur l’autre : <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/sky-is-the-limit-assure-emmanuel-macron-1164426">« The sky is the limit »</a>, se donnait comme horizon Emmanuel Macron dans un entretien au <em>Un</em> en 2016, un dialogue avec les étoiles, le firmament et le champ de tous les possibles, incroyable métaphore d’une volonté de pousser les murs et de refuser la cage de fer qui transforme l’or de la campagne électorale en plomb quelques années plus tard.</p>
<p>Rendez-vous dans un an, à Versailles ! Et avant, rendez-vous le 26 mai 2019 pour les élections européennes… Les étoiles, encore et toujours !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99693/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si tout repose sur l’affirmation d’une incurie radicale de ses prédécesseurs, il va devenir de plus en plus difficile au fil de ces rendez-vous annuels à Versailles de tout expliquer par le passé.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/966022018-05-15T21:04:28Z2018-05-15T21:04:28ZQui est satisfait d’Emmanuel Macron ?<p>L’élection présidentielle de 2017 a provoqué un choc important dans le paysage politique français, du moins sur l’organisation de l’offre partisane et sur le positionnement stratégique du PS comme des Républicains ou même du FN. Son impact auprès des électeurs est plus difficile à évaluer car plusieurs registres se superposent et brouillent la perception que l’on peut avoir des changements en cours.</p>
<p>À bien des égards, le renouveau promis en 2017 s’est traduit par l’exacerbation de tout ce que l’on reprochait au système de la V<sup>e</sup> République. <a href="https://theconversation.com/reformer-la-sncf-par-ordonnance-la-tentation-de-creon-92373">Les réformes du code du travail ou de la SNCF</a> sont conduites sans véritable négociation avec les syndicats, ce qui tourne le dos à une social-démocratie bien comprise et pourtant tant attendue. <a href="https://theconversation.com/la-suppression-de-lisf-est-elle-politiquement-defendable-85342">Les mesures libérales se succèdent</a> et viennent démentir les propositions de campagne visant à instaurer en France une « flexisécurité » à la scandinave. <a href="https://theconversation.com/reforme-constitutionnelle-le-macronisme-horizontal-en-campagne-et-vertical-au-pouvoir-93593">La réforme constitutionnelle</a>, loin de répondre aux aspirations vers une modernité faite d’horizontalité et de participation, cherche à réduire le pouvoir législatif et à concentrer encore plus la puissance verticale de l’exécutif.</p>
<p><a href="https://www.enef.fr/donn%C3%A9es-et-r%C3%A9sultats/">La vague 18 de l’enquête électorale française du Cevipof</a>, menée du 25 avril au 2 mai 2018, montre du reste que 55 % des 13 540 enquêtés considèrent qu’Emmannuel Macron et son gouvernement sont trop autoritaires et que 76 % d’entre eux estiment que leur politique économique ne profite qu’aux plus aisés. Qui, alors, est vraiment satisfait d’Emmanuel Macron et ce soutien est-il solide ?</p>
<h2>Le Président des cadres</h2>
<p>On a construit un indice de satisfaction à l’égard d’Emmanuel Macron reposant sur les réponses positives à trois questions :</p>
<ul>
<li><p>Êtes-vous, d’une manière générale, satisfait de l’action du président de la République ?</p></li>
<li><p>Un an après son élection, diriez-vous que le bilan d’Emmanuel Macron est positif ?</p></li>
<li><p>Diriez-vous que la politique menée depuis un an par Emmanuel Macron a amélioré la situation du pays ?</p></li>
</ul>
<p>Ces trois variables sont fortement liées sur le plan statistique et constituent bien une échelle mesurant une même dimension (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coefficient_alpha_de_Cronbach">alpha de Cronbach</a> = 0,689). On obtient donc un indice allant de 0 à 3. La première observation tient à ce que la moitié des enquêtés se situent au degré 0 de satisfaction, que 68 % ne dépassent pas le niveau 1 et que 18 % se situent au niveau 3 de l’indice. Pour simplifier la présentation de l’analyse, on peut dichotomiser cet indice entre ceux qui sont insatisfaits (niveaux 0 et 1) – qui représentent 68 % des enquêtés – et ceux qui sont satisfaits (niveaux 2 et 3) – qui en constituent 32 %.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/218850/original/file-20180514-100687-190nfvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/218850/original/file-20180514-100687-190nfvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/218850/original/file-20180514-100687-190nfvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/218850/original/file-20180514-100687-190nfvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/218850/original/file-20180514-100687-190nfvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/218850/original/file-20180514-100687-190nfvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/218850/original/file-20180514-100687-190nfvu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 1 : La position sur l’indice de satisfaction à l’égard de l’action d’Emmanuel Macron (%).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Luc Rouban, Enquête électorale française, vague 18, Cevipof.</span></span>
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<p>Quelles sont les caractéristiques sociales des uns et des autres ? On remarque tout d’abord que l’âge ne joue pas, sauf un peu dans la tranche des 65 ans et plus, dans laquelle on trouve 37 % de satisfaits. On retrouve ici la distinction entre actifs (32 % de satisfaits) et retraités (36 %).</p>
<p>En revanche, le niveau de diplôme a déjà bien plus d’effet statistique puisque l’on passe de 28 % de satisfaits pour les enquêtés de niveau BEPC ou CAP à 48 % pour ceux qui sont diplômés d’une grande école. Cette variabilité sociale se confirme avec l’étude des catégories socioprofessionnelles réunies, <a href="https://www.enef.fr/les-notes">selon les caractéristiques que l’on a retenues pour nos différents travaux</a>, en trois grandes « classes ». Le niveau de satisfaction passe ainsi de 28,4 % dans les classes populaires à 32,6 % dans les classes moyennes puis à 43,6 % dans les catégories supérieures.</p>
<p>Ces résultats sont confirmés par la répartition du niveau de satisfaction selon l’importance du patrimoine. Celui-ci a fait l’objet d’un indice, constitué de sept variables indiquant la possession de divers biens mobiliers ou immobiliers, que l’on a organisé en quartiles (les données sont divisées en quatre parts égales). Le niveau de satisfaction passe alors de 25 % dans le premier quartile à 44 % dans le dernier.</p>
<p>L’analyse détaillée par profession (voir le graphique 2 ci-dessous) montre que la proportion d’enquêtés satisfaits de l’action du président de la République passe de son point le plus bas de 20 % chez les chômeurs et les ouvriers spécialisés à son point le plus haut de 47 % chez les cadres du privé qui distancent d’ailleurs assez fortement les membres des professions libérales et les patrons d’entreprises de plus de 10 salariés (39 %) ou les artisans-commerçants (37 %).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/218851/original/file-20180514-100709-y28y59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/218851/original/file-20180514-100709-y28y59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/218851/original/file-20180514-100709-y28y59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/218851/original/file-20180514-100709-y28y59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/218851/original/file-20180514-100709-y28y59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/218851/original/file-20180514-100709-y28y59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/218851/original/file-20180514-100709-y28y59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 2 : La proportion de satisfaits à l’égard de l’action d’Emmanuel Macron par profession (%).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Luc Rouban, Enquête électorale française, vague 18, Cevipof.</span></span>
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<p>À niveau de qualification à peu près égal, on remarque des niveaux de satisfaction plus élevés dans le secteur privé que dans le secteur public. Les niveaux maximum de satisfaction sont atteints dans la fonction publique chez les cadres A de la fonction publique territoriale (36 %) et de l’État (34 %), bien avant ceux de l’hospitalière (29 %) qui est particulièrement sinistrée puisque c’est en son sein que l’on trouve également le niveau le plus bas de satisfaction : 22 % dans la catégorie C contre 26 % chez les agents de catégorie C de la territoriale.</p>
<p>L’analyse par secteurs ne montre pas beaucoup d’écarts à la moyenne et se cale sur le niveau de diplôme ou de qualification des enquêtés. C’est ainsi que la proportion de satisfaits est de 30 % en moyenne chez les policiers et militaires (N = 285) alors qu’elle est de 31,5 % dans l’ensemble du monde enseignant (N = 856), mais avec une progression liée à la situation professionnelle : 28 % chez les professeurs des écoles, 33 % chez les enseignants du second degré, et 39 % chez les enseignants du supérieur.</p>
<p>Le clivage social est donc très clair et se revêt parfois d’un cynisme assez révélateur. C’est ainsi que 43 % seulement des satisfaits pensent que la politique économique du gouvernement profite à tous les Français alors que 47 % d’entre eux estiment qu’elle profite avant tout aux catégories aisées. Du côté des insatisfaits, en revanche, la première affirmation ne recueille que 3 % de leurs évaluations alors que la seconde en recueille 90 %.</p>
<h2>Le macronisme reste politique</h2>
<p>Alors, assiste-t-on au renouveau de la lutte des classes ? La tentation est grande en effet de conclure à une lutte des riches contre les pauvres, <a href="https://theconversation.com/le-front-national-2002-2017-du-vote-de-classe-au-vote-de-classement-77303">ce qui n’est pas faux mais reste fortement réducteur</a>. En fait, le niveau de soutien et de satisfaction à l’égard de la politique d’Emmanuel Macron n’évolue pas de manière mécanique en fonction des seules variables socioprofessionnelles ou socioéconomiques. Il reste fondamentalement politique et dépend avant tout du niveau de libéralisme économique des enquêtés.</p>
<p>C’est ce que confirme clairement une <a href="https://fr.ryte.com/wiki/Analyse_de_r%C3%A9gression">analyse de régression</a>, qui permet de mesurer le poids explicatif relatif de chaque variable indépendante sur la variable dépendante (la satisfaction à l’égard d’E. Macron). Le niveau de libéralisme économique apprécié par un indice – il faut réduire le nombre des fonctionnaires, faire confiance aux entreprises, ne pas prendre aux riches pour donner aux pauvres dans un but de justice sociale – a le pouvoir discriminant le plus fort sur le niveau de satisfaction. Il arrive avant le niveau de satisfaction existentielle – avoir le sentiment d’avoir réussi dans la vie, d’avoir une situation meilleure que celle de ses parents, être satisfait de ses perspectives d’avenir – et le niveau de libéralisme culturel – ne pas rétablir la peine de mort, il n’y a pas trop d’immigrés, l’homosexualité est une manière acceptable de vivre sa sexualité.</p>
<p>Mais il surpasse de très loin les variables objectives « lourdes » que sont le niveau de diplôme, le niveau de patrimoine et la tranche d’âge. On peut donc observer que la proportion de satisfaits passe de 17 % au niveau 0 de l’indice de libéralisme économique à 53 % à son niveau maximum de 3.</p>
<h2>Le soutien à Emmanuel Macron reste fragile</h2>
<p>D’un point de vue politique, le soutien à Emmanuel Macron reste fragile. Les satisfaits ont voté pour lui au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 à hauteur de 47 % mais aussi à 27 % pour François Fillon, 10 % pour Marine Le Pen et même 7 % pour Jean‑Luc Mélenchon. Et 13 % d’entre eux ont tout de même voté pour Marine Le Pen au second tour.</p>
<p>Si l’on part d’une autre lecture qui s’appuie sur le niveau de libéralisme économique, on voit que les « vrais libéraux » qui se situent sur le niveau 3 de l’indice n’ont voté pour Emmanuel Macron qu’à hauteur de 18 % alors que 63 % d’entre eux lui préféraient François Fillon et 14 % Marine Le Pen. Au second tour, ils étaient 36 % à voter pour Marine Le Pen, car le niveau de libéralisme économique ne préjuge pas celui du libéralisme culturel. C’est ainsi que les vrais libéraux économiques sont anti-libéraux sur le plan culturel à hauteur de 65 %. Et les électeurs ne sont pas que des acteurs économiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/218852/original/file-20180514-100713-zoeh69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/218852/original/file-20180514-100713-zoeh69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/218852/original/file-20180514-100713-zoeh69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/218852/original/file-20180514-100713-zoeh69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/218852/original/file-20180514-100713-zoeh69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/218852/original/file-20180514-100713-zoeh69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/218852/original/file-20180514-100713-zoeh69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 3 – Le positionnement des enquêtés et d’Emmanuel Macron par ces derniers sur l’échelle gauche-droite (0 à gauche, 10 à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Luc Rouban, Enquête électorale française, vague 18, Cevipof.</span></span>
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</figure>
<p>Emmanuel Macron a donc rallié des électeurs qui ont été séduits par un libéralisme économique qu’il n’avait pas affiché avec autant de clarté lors de la campagne électorale. Mais il s’agit d’un soutien conjoncturel qui dépend désormais de deux facteurs. Le premier tient au recentrage éventuel de la politique économique et sociale afin d’augmenter la protection des salariés, ce qui fera fuir les libéraux. À ce titre, la réforme des retraites va s’avérer très problématique. Le second tient à ce que le <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-plus-proche-de-juppe-que-de-hollande-dans-les-urnes-virtuelles-60402">macronisme est d’essence libérale sur le terrain culturel</a>, s’adresse aux diplômés et prône la diversité alors que la proportion de libéraux culturels en France n’est que de 40 % aujourd’hui.</p>
<p>Même si Emmanuel Macron s’est « droitisé » dans la perception qu’en ont les enquêtés, puisqu’il est désormais classé à droite par 51 % d’entre eux, il demeure qu’il se heurte toujours à la <a href="https://theconversation.com/paysage-apres-la-bataille-presidentielle-la-gauche-et-la-droite-meme-pas-mortes-84191">fracture gauche-droite</a> sur le terrain des valeurs et qu’il n’est pas en mesure d’occuper l’espace politique de la droite. C’est en cela que le « et de gauche et de droite » ne pourra pas tenir longtemps dès qu’il faudra sortir du seul terrain économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96602/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Principal enseignement de la dernière enquête du CEVIPOF : plus on a adhéré aux valeurs du libéralisme économique, plus on apprécie la politique d’Emmanuel Macron.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/903242018-01-21T21:06:15Z2018-01-21T21:06:15ZDe Louis XVI à Emmanuel Macron, l’héritage monarchique de la Vᵉ République<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/202488/original/file-20180118-158550-suq1cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron à Versailles, le 3 juillet 2017, lorsqu'il a convoqué en Congrès le Parlement. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.sudouest.fr/2017/12/29/2017-emmanuel-macron-le-nouveau-monarque-republicain-4071764-710.php">Etienne Laurent/AFP</a>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort[…] » <a href="http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-macron-plus-royaliste-que-socialiste-07-07-2015-1943115_20.php">Emmanuel Macron</a></p>
</blockquote>
<p>Cette réflexion provient d’une interview donnée par Emmanuel Macron en 2015. Depuis lors, le candidat Macron s’est mué en un monarque républicain qui accueille Vladimir Poutine à Versailles au détour d’une exposition sur le Tsar Pierre le Grand. Les commentaires ont fusé sur le style présidentiel et la dimension symbolique de l’Ancien Régime. Pourtant derrière cette communication, il existe des réalités juridiques.</p>
<p>La V<sup>e</sup> République n’assume pas seulement une continuité culturelle avec l’Ancien Régime comme, par exemple, à travers l’utilisation des châteaux et hôtels particuliers au profit des hauts dignitaires de la République. La nature même du régime se fonde sur une ambiguïté institutionnelle permanente.</p>
<h2>Le droit de grâce</h2>
<p>Sous l’ancien régime, « toute justice vient du roi. » Les tribunaux comme les parlements qui jugent en appel n’exercent qu’une justice déléguée au nom du monarque, qui peut donc se saisir de toutes affaires judiciaires, c’est le pouvoir d’évocation. Le justiciable peut aussi se tourner vers le roi après épuisement de tous les autres recours, c’est son pouvoir de cassation.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/202487/original/file-20180118-158546-1qoauvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202487/original/file-20180118-158546-1qoauvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202487/original/file-20180118-158546-1qoauvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202487/original/file-20180118-158546-1qoauvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202487/original/file-20180118-158546-1qoauvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202487/original/file-20180118-158546-1qoauvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202487/original/file-20180118-158546-1qoauvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202487/original/file-20180118-158546-1qoauvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Saint Louis rendant la justice sous le chêne, G. Rouget, 1826.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p><a href="http://www.slate.fr/story/116193/hollande-gracie-jacqueline-sauvage-saint-louis">Le droit de Grâce</a> et les <a href="http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2011/05/21/01006-20110521ARTFIG00599-mythe-et-realites-des-lettres-de-cachet.php">lettres de cachet</a> s’inscrivent dans la même logique. Le roi peut aussi bien dispenser un de ses sujets d’exécuter une peine d’un de ses tribunaux, qu’il peut l’emprisonner arbitrairement.</p>
<p>Quand François Hollande <a href="http://www.sudouest.fr/2016/12/29/grace-de-jacqueline-sauvage-le-justice-ne-decolere-pas-contre-francois-hollande-3064591-4697.php">gracie Jacqueline Sauvage</a>, la décision provoque un tollé chez les magistrats. Ces derniers avaient auparavant rejeté la demande de libération conditionnelle de la requérante, mais cette sentence fut balayée d’un <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/12/29/qu-est-ce-que-la-grace-presidentielle_5055426_4355770.html">revers de main présidentiel</a>.</p>
<h2>La subordination du parquet à la Chancellerie</h2>
<p>En France, la justice n’est pas un pouvoir mais une autorité, c’est-à-dire que la légitimité appartient au pouvoir exécutif, qui daigne la transmettre à « l’autorité judiciaire ». Certes, la justice est réputée indépendante, mais c’est au Président – à travers l’article 64 de la Constitution – qu’il convient de garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire.</p>
<p>Lors de l’audience solennelle de <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20180115.OBS0630/discours-de-macron-chantiers-de-belloubet-le-gouvernement-lance-sa-reforme-de-la-justice.html">rentrée de la Cour de cassation</a>, Emmanuel Macron, fidèle à son fameux « en même temps », a déclaré souhaiter que le parquet soit à la fois le relais de la politique pénale du gouvernement, tout en prétendant garantir l’indépendance du ministère public. Ces deux exigences semblent contradictoires : si le parquet était véritablement indépendant du pouvoir exécutif, les magistrats seraient alors libres de porter la politique pénale qu’ils souhaiteraient dans le respect de la loi.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hFgYhJ-C5hQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>D’ailleurs, depuis l’Ancien Régime, la position du procureur demeure ambiguë. Comme le dit l’adage : « La plume est serve, mais la parole est libre ». En effet, si le parquet est subordonné au ministère de la Justice, il existe une <a href="http://www.ca-poitiers.justice.fr/ca/dynic/stdcont33p.php?Dtopic=11&idart=9&fpage=9&PHPSESSID=52878e66e5be757f1dea905cbd21cc81">exception</a> : lors des réquisitions à l’audience, où un magistrat du parquet reste libre de s’exprimer comme il l’entend, y compris en contradiction avec les pièces qu’il a précédemment versées à la procédure. <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2018/01/15/reforme-de-la-justice-macron-souhaite-que-le-parquet-reste-attache-a-la-garde-des-sceaux_5241961_823448.html">Contesté par les magistrats</a>, ce lien constitue un héritage régalien de plus au sein de la République.</p>
<h2>Le statut juridictionnel du Président</h2>
<p>Le Président ne peut être tenu responsable devant la justice ordinaire pour des actes commis durant son mandat. <a href="http://www.lepoint.fr/presidentielle/quel-est-le-statut-juridictionnel-du-president-et-du-candidat-01-03-2017-2108400_3121.php">Cette irresponsabilité</a> vaut aussi bien dans le domaine politique, pénal, civil qu’administratif. Seule exception prévue par la Constitution : « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat » et devant la Cour pénale internationale (CPI).</p>
<p>Cette irresponsabilité correspond également à un héritage régalien : en effet, le roi n’était pas lié par les lois ordinaires. Il possédait une « immunité législative », étant à l’origine des lois du royaume.</p>
<h2>Une monarchie encadrée par des droits fondamentaux</h2>
<p>Si le monarque n’était pas soumis aux lois ordinaires, il l’était en revanche aux <a href="https://www.cairn.info/les-constitutions-de-la-france--9782130546085.htm">lois fondamentales du royaume</a>. Son pouvoir étant de droit divin, la puissance du clergé, véritable contre-pouvoir, l’obligeait à respecter cette fondamentalisation du droit.</p>
<p>Pareillement, le Président ne peut aller à l’encontre des droits fondamentaux reconnus par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et accolée à la Constitution via son préambule. La <a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/conseil-constitutionnel-protecteur-droits-libertes-citoyens.html">décision</a> du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 consacre cette valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution.</p>
<h2>Les pleins pouvoirs</h2>
<p>Les constitutionnalistes préfèrent souvent utiliser le terme de <a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/pouvoirs-exceptionnels-du-president.html">« pouvoirs exceptionnels du président de la République »</a>. Pourtant, le terme de « pleins pouvoirs » qualifie mieux l’article 16 de la Constitution et sa nature monarchique.</p>
<p>L’idée de cette disposition est qu’en période de crise, le Président retrouve la « plénitude de ses pouvoirs ». Cela se traduit par un cumul des pouvoirs exécutifs et législatifs, à l’instar du roi sous l’ancien régime.</p>
<h2>Du lit de justice au 49-3</h2>
<p><a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20150217tribb876a9181/l-article-49-3-de-la-constitution-c-est-quoi.html">Le 49.3</a> est une disposition constitutionnelle qui permet à l’exécutif de faire adopter une loi sans que les parlementaires ne puissent l’amender, sauf à renverser le gouvernement. Durant le dernier quinquennat, son utilisation a été dénoncée comme <a href="https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=5&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwiUs6-v4-DYAhWDIMAKHRCUAI8QFghBMAQ&url=http%3A%2F%2Fwww.lemonde.fr%2Fles-decodeurs%2Farticle%2F2015%2F02%2F17%2Fle-recours-au-49-3-un-usage-repandu-sous-la-ve-republique_4578324_4355770.html&usg=AOvVaw1dCY26_LAghpJLfKGXaieT">« une sorte de coup d’État ».</a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/202490/original/file-20180118-158516-1mz6hqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202490/original/file-20180118-158516-1mz6hqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202490/original/file-20180118-158516-1mz6hqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202490/original/file-20180118-158516-1mz6hqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202490/original/file-20180118-158516-1mz6hqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202490/original/file-20180118-158516-1mz6hqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202490/original/file-20180118-158516-1mz6hqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202490/original/file-20180118-158516-1mz6hqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lit de justice tenu par Louis XV en la Grand’Chambre du Parlement de Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre Louis Dumesnil</span></span>
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<p>Cette pratique renvoie à une autre propre à l’Ancien Régime, le <a href="https://www.cairn.info/revue-parlements1-2011-1-page-59.htm">lit de justice</a>. Lorsque les parlementaires refusaient d’enregistrer un texte, le roi venait présider en personne la séance du Parlement. Suivant l’adage « adveniente principe, cessat magistratus » (« quand le Prince arrive, les magistrats se taisent »), ces derniers perdaient alors leur rôle de juge pour redevenir de simples conseillers et devaient adopter le texte tel quel, sans pouvoir faire usage de leur droit de remontrance.</p>
<h2>La dissolution</h2>
<p>L’article 12 de la Constitution de 1958 offre au Président le pouvoir discrétionnaire de dissoudre l’Assemblée nationale. Son utilisation à sens unique – l’Assemblée ne peut renverser que le gouvernement et non le Président – a souvent créé la polémique, rappelant plusieurs dissolutions des régimes antérieurs.</p>
<p>Le 12 avril 1771, Louis XV et son <a href="http://www.canalacademie.com/ida5119-Le-chancelier-de-Maupeou-une-reforme-de-la-justice-manquee.html">chancelier Maupeou</a> décident le renvoi et l’exil des Parlements, des institutions datant du Moyen âge qui exerçaient un pouvoir de justice délégué au nom du roi. Cette décision représente un acte fort de la monarchie, très décrié par la population. Si Louis XV avait affirmé lors de l’évènement : « Je ne changerai jamais », son successeur Louis XVI rappellera les <a href="https://www.cairn.info/revue-parlements1-2011-1-page-44.htm">Parlements</a> lors de son accession au trône.</p>
<p>En 1830, Charles X tentera d’utiliser par deux fois l’article 14 de la charte de 1814 qui permet la <a href="http://www.lepoint.fr/histoire/evenements/les-ordonnances-de-1830-un-abus-de-pouvoir-au-gout-de-revolution-15-08-2013-1714270_1616.php">dissolution</a> du Parlement, rejetant ainsi le verdict des urnes et la logique parlementaire. Cette décision sera un échec et provoquera la Révolution des trois Glorieuses qui aboutira à la Monarchie de Juillet. Il en résultera l’adage : « Dissolution ne vaut qu’une fois. »</p>
<p>Le 16 mai 1877, le Président Mac Mahon utilise son pouvoir de <a href="http://www.vie-publique.fr/questions/dissolution-assemblee-nationale-arme-presidentielle.html">dissolution</a> à l’encontre d’une chambre élue l’année précédente, l’opposition crie alors au coup d’État. Convoqués, les électeurs renforcent leur précédent vote ; et Gambetta appelle le Président à « se soumettre ou se démettre. »</p>
<h2>La question du régime : le véritable clivage gauche-droite</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/202486/original/file-20180118-158516-1n9hc7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202486/original/file-20180118-158516-1n9hc7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202486/original/file-20180118-158516-1n9hc7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202486/original/file-20180118-158516-1n9hc7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202486/original/file-20180118-158516-1n9hc7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202486/original/file-20180118-158516-1n9hc7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202486/original/file-20180118-158516-1n9hc7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202486/original/file-20180118-158516-1n9hc7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le procès de Louis XVI.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère de la Justice</span></span>
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</figure>
<p>La question du régime est historiquement à l’origine du clivage gauche-droite depuis le vote qui décida de l’exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793. Dans l’hémicycle, les partisans de la République se répartirent à gauche, tandis que ceux qui souhaitaient sauver la royauté vinrent à droite.</p>
<p>Pour la gauche, la légitimité du pouvoir est populaire, <a href="https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2007-4-page-463.html">comme le défend Jean‑Jacques Rousseau</a> dans le <em>Contrat social</em>. Concrètement, cela s’est souvent traduit par une instabilité parlementaire que dénonçait Charles de Gaulle en juin 1946 dans son discours de Bayeux, à l’origine de la V<sup>e</sup> République.</p>
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</figure>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2012-4-page-53.htm">Le général défendait l’ordre et un parlement rationalisé</a>. Ces idées correspondent à celles de la monarchie avec lesquelles renoue la V<sup>e</sup> République. Le rôle du Président a, depuis, été renforcé par l’élection au suffrage universel du président de la République, ainsi que le <a href="https://docassas.u-paris2.fr/nuxeo/site/esupversions/475fc2e2-87a9-4365-8462-2a55af034fda">passage au quinquennat</a> qui assure systématiquement la majorité au chef d’État nouvellement élu.</p>
<p>Ainsi, la V<sup>e</sup> n’est pas tout à fait « un régime parlementaire », sans être pas non plus un « régime présidentiel ». <a href="http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1974_num_39_2_1826_t1_0245_0000_1">Selon les mots célèbres du professeur de droit Maurice Duverger</a>, elle s’apparente plutôt à une « monarchie républicaine ».</p>
<p>La V<sup>e</sup> République, a dès sa création, fait l’objet de critiques : en 1964, François Mitterrand publiait à son encontre un véritable réquisitoire, <a href="http://www.mitterrand.org/Le-coup-d-Etat-permanent-465.html">« Le coup d’État permanent »</a>. Lors de la dernière présidentielle, <a href="http://www.rtl.fr/actu/politique/melenchon-hamon-valls-ces-candidats-qui-pronent-une-vie-republique-7786402403">Jean‑Luc Mélenchon et Benoît Hamon</a>, entre autres, militaient pour son abolition et la proclamation d’une VI<sup>e</sup> République,. A l’inverse, Emmanuel Macron reste attaché à V<sup>e</sup>, comme une permanence du clivage originel.</p>
<p><a href="http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-macron-plus-royaliste-que-socialiste-07-07-2015-1943115_20.php">Dans l’interview de 2015</a> précédemment cité, l’actuel locataire de l’Élysée estimait que « la Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! » Selon Emmanuel Macron, « ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction ».</p>
<p>À moins que la prochaine échéance présidentielle ne vienne lui rappeler la précarité d’un règne en République.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90324/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Bagard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Vᵉ République n’assume pas seulement une continuité culturelle avec l’ancien régime, la nature même du régime se fonde sur une ambiguïté institutionnelle permanente.Guillaume Bagard, Doctorant contractuel chargé d'enseignement en Droit, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/853762017-10-12T19:08:22Z2017-10-12T19:08:22ZEmmanuel Macron est-il un président anormal ?<p>Il y a un an, le 16 octobre 2016, afin de se différencier de François Hollande, Emmanuel Macron se définissait comme « jupitérien » dans une interview au <a href="https://www.challenges.fr/election-presidentielle-2017/interview-exclusive-d-emmanuel-macron-je-ne-crois-pas-au-president-normal_432886">magazine <em>Challenges</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« La France a besoin d’un Président jupitérien. Je ne crois pas au Président normal. Les Français n’attendent pas cela. »</p>
</blockquote>
<p>Qu’en est-il un an plus tard ? Macron est-il un Président anormal ?</p>
<h2>La stratégie de Jupiter</h2>
<p>Par sa référence à Jupiter, Emmanuel Macron renvoie intentionnellement à la mythologie gréco-romaine. Jupiter, ou Zeus pour les Grecs, est le maître des dieux, régnant depuis son palais, perché au sommet du mont Olympe. De là-haut, il veille sur le monde, tels un père et un sauveur. Voilà ce que Macron aspire à devenir. En un mot : un chef, dans le sens étymologique du terme qui provient du latin <em>caput</em> et veut dire « tête ». La tête, au sommet du corps social, qui pense et prend les décisions, supposées être les bonnes, pour l’ensemble des membres, vus comme inférieurs. Macron veut restaurer à son profit la hiérarchie et la verticalité du pouvoir.</p>
<p>Mais il ne suffit pas de se proclamer chef, encore faut-il parvenir à se hisser jusqu’au sommet.</p>
<p>Macron commence par créer « En Marche », en avril 2016, un <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/04/06/en-marche-emmanuel-macron-nouveau-parti-politique_n_9626420.html">parti structuré de manière très « jupitérienne »</a> : non un parti traditionnel, mais un mouvement formé autour du chef, ou plutôt « sous » lui ; un parti dont le nom reprend à dessein les initiales du leader, un édifice pyramidal créé uniquement pour servir son ambition de conquête du pouvoir.</p>
<p>Le deuxième acte de cette stratégie jupitérienne sera l’<a href="https://theconversation.com/francois-hollande-la-non-candidature-de-lelysee-69801">éviction de François Hollande</a>, qui est pourtant le mentor de Macron. C’est Hollande qui a permis la naissance politique de son successeur en lui offrant le ministère de l’Économie en 2014. Dans la mythologie grecque, Jupiter devient le roi des dieux après avoir mis à l’écart son géniteur, Saturne. Jupiter expulse son prédécesseur du haut de l’Olympe, en le jetant dans les profondeurs du monde souterrain ; Macron déclare sa candidature à l’élection présidentielle, bousculant sans ménagement Hollande, déjà moribond politiquement, mais qu’il va contribuer à enterrer définitivement.</p>
<p>Fait unique dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République, le Président sortant doit renoncer à se représenter pour échapper à une ultime humiliation. Macron-Jupiter a précipité la chute de son père en politique. Mais il n’a pas encore conquis son trône.</p>
<h2>Faire rêver ses électeurs</h2>
<p>La campagne du candidat ressemble à une vaste opération de séduction, facilitée par son âge – 39 ans à peine –, ce qui le rend assez crédible dans le rôle qu’il s’attribue de régénérateur de la vie politique française. Il va chercher à enchanter ses électeurs, au moyen de discours bien appris et parfaitement interprétés. Ainsi lance-t-il à son auditoire électrisé, lors d’un <a href="https://en-marche.fr/article/meeting-macron-lille-discours">meeting à Lille en janvier 2017</a> :</p>
<blockquote>
<p>Que ceux qui pensent que nous sommes des rêveurs soient rassurés, nous le sommes ! »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FQAo1BqYFfU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Bientôt la chance vient épauler l’efficacité théâtrale du discours : l’<a href="https://theconversation.com/francois-fillon-et-la-poule-mouillee-72858">affaire « Pénélope » neutralise François Fillon</a>, seul concurrent sérieux, ouvrant à Macron la voie jusqu’à l’Élysée. Un an et un mois après la création d’En Marche, Macron devient le huitième président de la V<sup>e</sup> République. Un exploit, et un exemple d’autoproduction ultrarapide pour un leader que personne n’attendait. En cela, Macron est comparable à Trump, lui aussi totalement inattendu et sans grande expérience politique avant son élection.</p>
<h2>Le charisme et l’image du chef</h2>
<p><a href="https://www.voaafrique.com/a/investiture-demmanuel-macron/3851068.html">Lorsqu'il accède au sommet de l'État, en mai 2017</a>, le nouveau Président se lance dans une stratégie postélectorale d’affirmation de son leadership. Ce qu’on appelle communément « charisme », cette qualité qui serait propre aux meneurs d’hommes, n’a rien de naturelle. Aucun chef n’est charismatique en lui-même ; il ne l’est que dans le regard de ceux qui l’admirent. Le charisme vient de l’extérieur, des militants, de l’opinion publique que le chef façonne comme le boulanger travaille la pâte à pain.</p>
<p>L’objectif du leader est de faire croire qu’il possède des qualités supérieures. Il y parvient notamment par la mise en scène de son pouvoir (au cours de cérémonies bien orchestrées) et par la maîtrise de son image (sculpture et peinture dans le passé, films et photos aujourd’hui).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189798/original/file-20171011-9801-1bpt0xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189798/original/file-20171011-9801-1bpt0xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=847&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189798/original/file-20171011-9801-1bpt0xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=847&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189798/original/file-20171011-9801-1bpt0xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=847&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189798/original/file-20171011-9801-1bpt0xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1065&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189798/original/file-20171011-9801-1bpt0xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1065&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189798/original/file-20171011-9801-1bpt0xq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1065&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photo officielle du huitième président de la Vᵉ République.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.elysee.fr/">Soizig de la Moissonnière (2017)</a></span>
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<p>Dans les mois suivant son élection, Macron va produire un <a href="https://theconversation.com/la-shirto-politique-ou-le-politique-a-lere-publicitaire-82662">nombre considérable d'images</a> : le Président en uniforme de pilote de chasse, le Président en tenue de la marine nationale, le Président jouant au foot ou au tennis…</p>
<p>Il se montre tout à la fois guerrier, sportif et soucieux de la défense du territoire. Une imagerie on ne peut plus traditionnelle, aussi ancienne que les chefs eux-mêmes, nés en Mésopotamie et en Égypte, il y a 5 000 ans.</p>
<p>Et puis, il y eut la <a href="https://theconversation.com/dans-loeil-demmanuel-macron-pouvoir-et-theatralite-80363">photo officielle</a>, à ne surtout pas rater. Macron figure au centre d’une composition parfaitement calculée ; au milieu du cadrage très serré, le corps du Président fait figure à la fois de pilier et de voûte. Symboliquement, Macron s’oppose encore à Hollande, dont les bras ballants semblaient préfigurer une présidence sans puissance.</p>
<h2>Ridicule ou majesté ?</h2>
<p>Macron s’affiche aussi aux côtés des autres leaders du moment, Poutine et <a href="https://theconversation.com/la-relation-franco-americaine-constantes-et-anicroches-81050">Trump</a>, invités en des lieux prestigieux et symboliques de la grandeur nationale : Versailles, les Champs-Élysées, les Invalides… Il parvient à s’emparer de tous les attributs du pouvoir, avec une rapidité et une efficacité aussi surprenantes que son élection.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189794/original/file-20171011-9754-1ibujru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189794/original/file-20171011-9754-1ibujru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189794/original/file-20171011-9754-1ibujru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189794/original/file-20171011-9754-1ibujru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189794/original/file-20171011-9754-1ibujru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189794/original/file-20171011-9754-1ibujru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189794/original/file-20171011-9754-1ibujru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1071&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Louis XIV, en costume de sacre, par Hyacinthe Rigaud (1701).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5f/Louis_XIV_of_France.jpg">Musée du Louvre/Wikimedia</a></span>
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<p>Même la <a href="https://theconversation.com/les-armees-un-ministere-sans-defense-81228">mise à l'écart du chef d'état-major des armées</a>, en juillet 2017, parfois présentée comme un faux pas, inscrit Macron dans la hiérarchie traditionnelle : l’armée est au service du pouvoir politique, non l’inverse. Un empereur romain n’aurait pas agi différemment, si ce n’est que la mise à l’écart aurait été plus brutale encore.</p>
<p>Mais le flot de représentations du nouveau Président énerve parfois : <a href="http://www.leparisien.fr/politique/emmanuel-macron-en-fait-il-trop-23-07-2017-7151385.php">n'en fait-il pas trop ?</a></p>
<p>Ne frise-t-il pas l’indécence ? En fait, il n’y a pas de grande différence entre le ridicule et la majesté, ni entre la démesure et le charisme, seulement une question de perception. À charge pour le chef de faire croire que le <a href="https://www.challenges.fr/politique/macron-en-top-gun-pourquoi-la-communication-de-macron-n-est-plus-si-drole_488845">costume du sacre n'est pas un déguisement</a>.</p>
<p>Il y a toujours eu quelques moqueurs pour trouver ridicule la perruque ou les chaussures à talons de Louis XIV, mais la majorité des hommes, comme l’écrivait Machiavel dans <em>Le Prince</em>, ne jugent que sur l’apparence.</p>
<h2>Les qualités exceptionnelles du chef</h2>
<p>Le numéro de <em>L’Express</em> du 4 au 10 octobre 2017 est en grande partie consacré à l’examen des qualités hors norme d’Emmanuel Macron. On y apprend que le président ne dort que quatre heures par nuit ; le reste du temps (soit 20 heures sur 24), il travaille ! Un scientifique explique que cette capacité n’est pas donnée à tout le monde, mais à seulement 1 % de la population. « Ils doivent cette particularité à leurs gènes », explique le professeur. Une sorte de storytelling laissant entendre que Macron était prédestiné à devenir chef ?</p>
<p>Quelques pages plus loin, le lecteur découvre les qualités, intellectuelles cette fois, de Macron, brillant jeune homme, repéré à 22 ans par le grand philosophe Paul Ricœur qui l’engage alors comme assistant. Des capacités exceptionnelles et un destin exceptionnel…</p>
<p>Le chef n’est pas vu comme un homme normal. On attend de lui une habileté et des qualités censées le distinguer des autres. Xénophon, chef militaire et penseur grec, écrivait, dans la <em>Cyropédie</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Un chef et un simple soldat ne sont pas affectés de la même façon par les mêmes fatigues. »</p>
</blockquote>
<p>Exactement ce que suggère l’éditorial de <em>L’Express</em> à propos du Président Macron.</p>
<hr>
<p><em>Christian-Georges Schwentzel a publié « La Fabrique des Chefs, d’Akhenaton à Donald Trump », <a href="http://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/christian-georges-schwentzel/la-fabrique-des-chefs-christian-georges-schwentzel/">éditions Vendémiaire</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85376/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il n’y a pas de grande différence entre le ridicule et la majesté, ni entre la démesure et le charisme, seulement une question de perception.Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/838822017-09-12T10:36:07Z2017-09-12T10:36:07ZMacron face à la rue : un Président ne devrait pas dire cela…<p>En indiquant, le 15 mai dernier lors de sa première conférence de presse avec Angela Merkel qu’il ne répondrait pas aux questions concernant la politique française lorsqu’il serait en déplacement à l’étranger (« Nous prendrons dorénavant la discipline à l’étranger de ne pas parler de politique française »), Emmanuel Macron souhaitait baliser le début de son mandat par une communication basée sur le retour de l’autorité présidentielle, la rareté de la parole et le magistère « jupitérien ». Mais depuis, plusieurs accrocs notables à cette déclaration se sont produits.</p>
<p>Après avoir livré, le 24 août dernier (depuis la Roumanie), ses réflexions sur les Français et les réformes, il a, le 8 septembre (depuis Athènes) exprimé sa « détermination absolue » à conduire ses réformes et à ne rien céder « ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes ». Face à la polémique qui s’est rapidement développée, la majorité présidentielle a serré les rangs et expliqué que le propos ne visait pas les Français mais ceux qui n’ont pas conduit, avant lui, les réformes que le nouveau Président juge nécessaires.</p>
<p>Cette communication, trop lourdement appuyée pour ne pas trahir l’opération de déminage, a été totalement ruinée le 10 septembre par de nouveaux propos présidentiels : revenant sur la polémique, le chef de l’État a déclaré « assumer » ses propos et ne rien regretter, précisant que le terme de « fainéant » vise « ceux et celles qui pensent que nous pouvons ne rien faire, que nous avons ce luxe, que nous pouvons rester assis » car « on ne peut pas faire avancer notre pays si on ne dit pas les choses en vérité. »</p>
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<p>Cette figure de style est assez fréquente chez Emmanuel Macron. Il s’agit de ce que les linguistes appellent une « antiparastase », procédé rhétorique qui consiste à en rajouter face à un reproche ou à une critique : il s’agit non seulement de ne pas nier, mais d’assumer ses propos quitte à aller jusqu’à l`exagération. En revendiquant haut et fort un propos qui suscite une polémique, le locuteur allume un contre-feu et se pare des habits de celui qui a le courage de ses idées.</p>
<h2>Les raisons du malaise</h2>
<p>On ne peut, néanmoins, qu’être perplexe face à tout cet épisode. Tout d’abord, on ne comprend pas très bien, si celui qui gouverne veut montrer tout son art politique dans la conduite des réformes, où est l’intérêt stratégique de créer de toutes pièces une telle polémique. Alors que l’exécutif pouvait se satisfaire de voir le front syndical en ordre dispersé face aux réformes dans le domaine du travail et d’entendre <a href="http://www.lepoint.fr/economie/mailly-nous-ne-sommes-plus-dans-le-meme-contexte-que-la-loi-travail-25-08-2017-2152213_28.php">Jean‑Claude Mailly</a> vanter l’esprit de dialogue qui avait prévalu, il vient de ruiner en large partie ce capital.</p>
<p>Le sentiment qui en ressort est que l’exécutif n’a tout simplement pas de considération et de respect pour ceux qui ne pensent pas comme lui : ce sont des « fainéants », des « cyniques » et des « extrêmes ». De même, à quoi bon avoir fait monter au créneau ceux qui se sont succédé sur les chaînes d’information pour expliquer que le Président ne visait que ses prédécesseurs, si c’est pour revenir de manière plus polémique encore sur les propos que ces « pompiers en service commandé » ont tenté d’euphémiser ?</p>
<p>Mettons que l’on prenne au sérieux l’argument selon lequel Emmanuel Macron ne visait effectivement que « ceux » qui ont trop retardé (à ses yeux) les indispensables réformes, en d’autres termes Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Les déclarations de l’actuel Président continuent, néanmoins, de susciter un certain malaise pour plusieurs raisons.</p>
<p>Il est tout d’abord peu commun, dans la tradition républicaine, de voir une institution ou une autorité (la présidence de la République), stigmatiser de manière peu flatteuse les détenteurs passés de cette même autorité. On peut, ensuite, se poser des questions vis-à-vis de l’hommage rendu par Emmanuel Macron à ses prédécesseurs, lors de sa prise de fonction :</p>
<blockquote>
<p>« Je songe […] à Nicolas Sarkozy ne comptant pas son énergie pour résoudre la crise financière qui avait si violemment frappé le monde et […] bien sûr à François Hollande faisant œuvre de précurseur avec l’accord de Paris sur le climat et protégeant les Français dans un monde frappé par le terrorisme. »</p>
</blockquote>
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<p>Enfin, le malaise que l’on ressent vient du fait que notre Président de la République actuel faisait partie des équipes au pouvoir depuis 2012 et qu’il a occupé alors des fonctions stratégiques de premier plan.</p>
<h2>Le mythe du « sauveur de la France »</h2>
<p>Pour essayer de dépasser la polémique en cours, créée par les propos présidentiels, on peut emprunter deux directions d’analyse. La première est celle du court terme et des ressorts de la communication politique. En tenant des propos empruntant cette tonalité, Emmanuel Macron cherche à mettre en scène sa « transgressivité ». Il s’agit de construire l’image d’un homme d’action qui vient « libérer » la France et la « réparer », comme l’a récemment déclaré Édouard Philippe. L’urgence et le caractère vital de cette mission justifie alors la brutalité du jugement sur « ceux » qui l’ont précédé.</p>
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<p>Loin de s’éloigner de la communication de style Sarkozy (les « cartes postales » adressées quotidiennement aux médias) ou de <a href="https://theconversation.com/merci-pour-cette-conversation-64304">style Hollande</a> (la proximité avec les journalistes et les confidences qu’on leur fait), cette communication vise à maintenir l’attention des médias qui reprenant en boucle le propos « transgressif » participant en creux à la construction du mythe du « sauveur de la France ». L’emphase théâtrale des propos présidentiels ajoute un effet de cohérence entre le fond et la forme : la main balaie ceux qui font obstacle à cette mission sacrée, le mépris affiché pour l’action de François Hollande rend crédible le propos puisqu’il s’agit de sauver la France et que cela impose de dire les choses « en vérité ».</p>
<h2>Le ressort classique de l’opposition binaire</h2>
<p>Une seconde direction d’analyse est celle du long terme et des ressorts anthropologiques de la politique. Il est, en effet, dans la nature même du langage politique que de renvoyer vers les ténèbres les « autres », ceux qui ne pensent pas comme vous. En stigmatisant ses prédécesseurs, Emmanuel Macron cherche à prolonger l’opposition fondamentale, à ses yeux, entre les « conservateurs », nécessairement nostalgiques d’un monde en voie de disparition, et les « progressistes », nécessairement tournés avec l’avenir, réformateurs et empêchés dans leur « marche » par les premiers.</p>
<p>Cette opposition binaire est caractéristique du langage politique et repose fondamentalement sur les mêmes codes symboliques que l’opposition entre la gauche et la droite. Le discours politique procède de manière presque universelle par des oppositions binaires, la plupart du temps évocatrices d’une dimension spatio-temporelle : la latéralisation avec la gauche et la droite, la verticalité avec le « haut » et le « bas » (« la France d’en bas »), le temps avec le « monde d’avant » et le « nouveau monde ». La force évocatrice de ces catégories tient à leur simplicité : elles réduisent l’univers complexe de la politique à des schémas d’interprétation simples, mémorisables et qui permettent l’identification entre le « nous » et le « eux », ceux du camp d’en face, les ennemis qui ne veulent pas comprendre que « nous » avons raison.</p>
<p>Ainsi, derrière le tumulte et le bruit de la communication de court terme, les ressorts fondamentaux de l’identification politique expriment leur force. En renvoyant vers un trou noir ses prédécesseurs, Emmanuel Macron veut perpétuer le clivage sur lequel il pense avoir gagné son pari politique et <a href="https://theconversation.com/le-discours-demmanuel-macron-construction-dun-storytelling-71847">empêcher le Phoenix gauche-droite de renaître de ses cendres</a>. Il force donc le trait, en rajoute, surjoue : il peut tout dire et se moque de l’effet que cela produit puisqu’il n’est que guidé par la mission sacrée de nous sauver. Il est, au sens biblique du terme, « élu »… Sa mission sacrée le conduit à nous ouvrir l’horizon que les forces du passé nous obstruaient par cynisme ou par fainéantise…</p>
<p>Ce type de schéma binaire trouve son origine dans des dimensions et principes anthropologiques de la politique : l’organisation sociale et la distribution du pouvoir est toujours le théâtre d’une série de luttes qui opposent, selon les époques et les sociétés, le « sacré » au « profane », le « noble » au « vil », le « masculin » au « féminin », le « eux » et le « nous ». Ce que recouvrent ces notions binaires est très souvent l’objet même de la lutte politique.</p>
<h2>Au risque de se brûler les ailes</h2>
<p>Si Emmanuel Macron cherche le point de passage entre l’écume des jours (les décisions à prendre tout de suite, comme les 5 euros sur les APL) et la Voie lactée (« sky is the limit », disait-il dans une interview de 2016), il peut peut-être la trouver. Il a déjà montré le talent dont il est capable. Mais il peut tout aussi bien se brûler les ailes…</p>
<p>Il prend en effet le risque d’alimenter la machine à produire de la défiance politique, dont nous mesurons année par année l’ampleur dans le Baromètre de la confiance politique réalisé par le CEVIPOF : en effet, si avant le 7 mai 2017 tout n’était que fainéantise, cynisme et extrémisme, dans quel scandale démocratique avons-nous alors vécu ?</p>
<p>Malgré les problèmes réels de gouvernance de la France depuis plusieurs décennies, on voit bien les limites de cette thèse et le dommage qu’elle peut produire <a href="https://theconversation.com/les-primo-votants-de-2017-entre-defiance-et-recomposition-politique-74804">sur l’image de la politique</a>, une partie de l’état-major de la nouvelle majorité et certains membres du gouvernement ayant participé à ce scandale. Dans leur vie antérieure, ces personnalités (élues ou même membres de gouvernements) ont voté la loi (dont la loi de finances, texte fondamental de la démocratie parlementaire) et ont mis en œuvre des politiques publiques : peuvent-elles expliquer, aujourd’hui, que tout cela n’était qu’une mascarade et qu’ils ne faisaient que servir passivement des maîtres « fainéants, cyniques, extrêmes » ?</p>
<h2>En finir avec les rêves de gosse</h2>
<p>Enfin, l’opposition binaire entre le « monde ancien » – faible-incompétent-incapable – et le « monde nouveau » – visionnaire-audacieux-efficace –, peut potentiellement approfondir des lignes de fractures dont le <a href="https://theconversation.com/la-presidentielle-2017-accelerateur-de-transition-77494">premier tour de la présidentielle a montré l’ampleur</a>. On s’éloignerait ainsi du rêve néo-giscardien de « deux Français sur trois » et de l’aspiration exprimée à dépasser les schémas politiques simplificateurs d’un monde devenu trop ouvert et complexe pour de telles oppositions.</p>
<p>Décidément, cette V<sup>e</sup> République qui consacre la <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-le-president-qui-se-veut-jupiterien-77815">toute-puissance du pouvoir présidentiel</a> ne nous permet pas de sortir des ornières habituelles de notre vie politique : rien n’a existé avant celui qui détient le pouvoir, rien n’existera après, tout n’existe que par lui. Nous retombons inexorablement dans la même histoire et la promesse du renouveau démocratique en ressort affaiblie.</p>
<p>Est-ce vraiment bon pour notre vie démocratique que d’expliquer aux électeurs de 2012, de 2007 ou de 2002 qu’ils ont été bernés par des « maîtres trompeurs » ? Il serait bon qu’un jour notre vie démocratique essaie d’en finir (enfin) avec ses rêves de gosse et de toute-puissance que nos institutions encouragent. Ils nous ont fait déjà tant de mal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si avant le 7 mai 2017 tout n’était que fainéantise, cynisme et extrémisme, dans quel scandale démocratique avons-nous vécu jusqu’alors ?Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/805532017-07-06T00:03:27Z2017-07-06T00:03:27ZDe la division du travail entre le président et le premier ministre<p>Comme on pouvait s’y attendre, l’intervention du chef de l’État au Congrès, le 3 juillet, n’a pas été une « humiliation » du premier ministre. Revenant à la division du travail entre les deux têtes de l’exécutif établie dès l’origine de la V<sup>e</sup> République, le Président a tracé les grands axes politiques de son quinquennat laissant au premier ministre et au gouvernement le soin de les mettre en œuvre. Rejetant à la fois « présidence normale » et « l’hyper-présidence », il a précisé clairement son rôle en ces termes :</p>
<blockquote>
<p>« Il ne s’agit pas ici pour moi de décliner l’action du gouvernement, comme certains se plaisent à le craindre ou à le souhaiter. C’est la tâche du premier ministre, (…) Le président de la République doit fixer le sens du quinquennat (…) Il revient au premier ministre qui dirige l’action du gouvernement de lui donner corps »</p>
</blockquote>
<p>Une déclaration qui fait écho, à la conférence de presse du général de Gaulle, le 31 janvier 1964.</p>
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<p>Conscient des reproches adressés à François Hollande pour n’avoir pas fixé de cap à sa politique ni d’en avoir donné les explications nécessaires, le Président Macron a préféré d’entrée de jeu tracer les grandes lignes de son quinquennat, laissant à Édouard Philippe le soin de les développer le lendemain, dans son discours de politique générale.</p>
<h2>Le Président des grands principes au Congrès</h2>
<p>Évoquant les circonstances de son élection et les attentes des Français, le Président a précisé ses conceptions du pouvoir et des institutions, sa vision de l’Europe et des grands défis contemporains, <a href="https://theconversation.com/task-force-anti-Daech-a-lelysee-une-bonne-idee-a-lepreuve-de-la-realite-78656">comme la lutte contre le terrorisme</a>. Il a surtout insisté sur le désir de changement exprimé par le pays et a confirmé sa volonté, en dépit des difficultés budgétaires et économiques, de mener à bien les réformes promises lors de sa campagne électorale.</p>
<p>Pour ce faire, tout en restant au niveau des principes généraux, Emmanuel Macron a décidé d’opérer de profonds changements en matière institutionnelle. On retiendra sa volonté (partagée par ses adversaires à l’élection présidentielle) de réduire le nombre des parlementaires et de refonder le rôle du Conseil économique social et environnemental.</p>
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<p>Il faut également noter sa volonté de restaurer les pouvoirs du Parlement, notamment dans sa fonction de contrôle et de production de la loi. D’où son désir de mettre un terme à l’inflation législative et d’en raccourcir les délais d’élaboration par son adoption en commission <a href="https://books.google.fr/books?id=Hr2aBAAAQBAJ&pg=PT24&lpg=PT24&dq=leggine+politique+en+Italie&source=bl&ots=2O3G2kMq1U&sig=vI3K9-dkXZH4eHzsWn0pBz_9pI0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjsqYaIn_LUAhUEBBoKHV7RAnUQ6AEIKjAB#v=onepage&q=leggine%20politique%20en%20Italie&f=false">(à l’image du système italien des <em>leggine</em>)</a>.</p>
<p>Marronnier des promesses présidentielles il a, à son tour, promis d’introduire <a href="https://theconversation.com/la-proportionnelle-derniere-etape-de-la-strategie-demmanuel-macron-79286">« une dose de proportionnelle »</a> pour les élections législatives et de renforcer le droit de pétition. Dans un souci de respect de l’État de droit, mais aussi d’efficacité, il a également prévu la levée de l’état d’urgence à l’automne, tout en annonçant la rédaction d’une loi antiterroriste. On retiendra, également, l’annonce d’une prochaine conférence prochaine des territoires.</p>
<h2>Un premier ministre qui redescend sur terre à l’Assemblée nationale</h2>
<p>Intervenant le lendemain de l’intervention présidentielle au Congrès, le premier ministre a fait une déclaration de politique générale très détaillée et beaucoup plus terre à terre. Tel un inventaire à la Prévert, sa déclaration faite sur un ton monocorde a énuméré une série de mesures.</p>
<p>Des mesures d’ordre économique et financier : une nécessaire baisse des dépenses publiques (« Sous le regard inquiet des Français, nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort » a-t-il déclaré) ; la suppression des charges salariales en échange d’une hausse de la CSG et du report de la réforme de l’ISF ; la suppression du RSI et la baisse de l’impôt sur les sociétés.</p>
<p>Édouard Philippe a également prévu de mesures de solidarité : revalorisation de l’allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse, augmentation de la prime d’activité versée aux travailleurs à revenus modestes. Pour la jeunesse, mise en place d’un <a href="https://theconversation.com/le-service-militaire-objet-de-fantasmes-politiques-75503">nouveau service national</a>, réforme du baccalauréat pour 2021 et meilleure intégration des lycées professionnels.</p>
<p>Concernant la justice, le premier ministre a annoncé une loi quinquennale de programmation des moyens, et ce dès 2018. S’y ajouteront pour lutter contre le terrorisme l’introduction dans le droit commun de mesures prises aujourd’hui du fait de l’état d’urgence. De plus, dès 2018 sera présentée une loi de programmation militaire qui portera l’effort de défense à 2 % du PIB d’ici 2025 et permettra à la France de se battre sur tous les fronts. Enfin la question de l’immigration donnera lieu à une réforme du droit d’asile.</p>
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<p>Mais le premier ministre a détaillé aussi un ensemble de mesures en matière de santé : augmentation du prix du paquet de cigarettes pour lutter contre le tabagisme, création d’un service sanitaire pour les étudiants des filières de santé, plan de lutte contre les déserts médicaux, obligation pour la petite enfance des vaccins jusqu’ici seulement recommandés, accès à des offres de soins sans aucun reste à charge pour les lunettes, les soins dentaires et les aides auditives, revalorisation dès 2018 de l’allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse, amélioration du congé maternité et des questions de garde d’enfant.</p>
<p>Du point de vue écologique, enfin, le premier ministre a annoncé que la convergence <a href="https://theconversation.com/bientot-la-fin-du-diesel-en-ville-71103">entre la fiscalité du diesel et de l’essence</a> serait réalisée « avant la fin de la mandature », en 2022, et qu’un plan de 50 milliards d’euros sera mis en œuvre pour la transition écologique.</p>
<h2>L’attentisme de l’opinion</h2>
<p>La déclaration de politique générale a été approuvée à une très large majorité par 370 voix pour, 67 voix contre (dont les Insoumis et les communistes) et 129 abstentions. Certes, la majorité LREM et le MoDem rejoints par 3 députés socialistes ont voté pour soutenir le premier ministre. Mais si le nombre des opposants a été très faible (67), en revanche les 129 abstentions appellent réflexion. En effet, malgré le discours amer de leur président de groupe, Christian Jacob, les trois quarts des Républicains se sont abstenus et la « droite constructive » s’est divisée : 12 députés sur 31 ont affirmé leur soutien au gouvernement, les 19 autres se sont abstenus.</p>
<p>Derrière la victoire apparemment éclatante de la déclaration de politique générale d’Édouard Philippe se font jour les interrogations et les réticences des membres des anciens partis encore hébétés par leur éprouvante défaite. Mais jusqu’à quand durera la discipline de la majorité actuelle qui doit son élection au Président Macron et joue donc, pour l’instant, le rôle des godillots des premiers temps de la V<sup>e</sup> République ?</p>
<p>Toutefois, l’exécutif en est bien conscient : le <a href="https://theconversation.com/des-elections-sans-electeurs-le-fleau-de-labstention-massive-79708">nombre des abstentions, des votes blancs et nuls</a> aux quatre tours des élections présidentielle et législatives témoigne de l’attentisme et du scepticisme d’une opinion publique, qui sous l’aiguillon des Insoumis et des communistes, pourrait un jour se manifester dans la rue dès que les promesses paraîtront impossibles à tenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bidegaray ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jusqu’à quand durera la discipline de la majorité actuelle qui doit son élection au Président Macron et joue donc, pour l’instant, le rôle des godillots des premiers temps de la Vᵉ République ?Christian Bidegaray, Professeur émérite de Sciences politiques, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/804812017-07-04T15:34:14Z2017-07-04T15:34:14ZEmmanuel Macron à Versailles: un trop-plein de mots qui annihile le débat ?<p>Si la mise en scène échappait au président de la République, le fait de s’adresser au Congrès à la veille du discours de politique générale d’Édouard Philippe relevait en revanche pleinement du choix du président de la République. Un choix dont on a pu comprendre, lundi 3 juillet, l’importance stratégique qu’il revêtait pour un Président dont tous les efforts tendent, depuis son élection, à incarner le <a href="https://theconversation.com/discours-au-congres-les-habits-neufs-du-president-macron-80378">rôle de « guide » du pays que la Constitution attribue au chef de l’État</a>.</p>
<p>S’il est bien vrai que le Président américain s’adresse également à son Congrès par un discours annuel sur « l’état de l’Union », les discours portent alors davantage sur les questions économiques que celui prononcé lundi par Emmanuel Macron. Il faut rappeler qu’il n’y a pas de premier ministre aux États-Unis.</p>
<p>Après le discours de politique générale à l’Assemblée nationale d’Édouard Philippe, ce 4 juillet, on en sait désormais davantage sur la répartition des rôles entre les deux têtes de l’exécutif : lequel des deux est le porteur des bonnes et mauvaises nouvelles, économiques, sociales, fiscales (Édouard Philippe), et où se situe le centre de gravité du « et de gauche et de droite ».</p>
<h2>Efficacité, représentativité, responsabilité</h2>
<p>Symboliquement, il était important pour Emmanuel Macron de montrer qu’il s’adressait aux Français, au-delà des parlementaires. Si les principales annonces, reprises du programme du candidat, ont touché aux questions institutionnelles, elles ont été mises en scène par trois mots-clefs qui sont au cœur du discours macroniste : efficacité, représentativité, responsabilité.</p>
<p>Entre les lignes, on pouvait décoder cette grille de lecture comme un jugement sévère sur la vie politique « d’avant », celle qui a brisé le cercle vertueux de la confiance entre les représentants et les représentés. Retrouvant les accents de sa campagne électorale, Emmanuel Macron a souhaité revenir longuement sur les conditions et le sens de son élection en se posant à nouveau en guide qui montre le chemin et qui appelle toute la diversité des opinions à se ranger derrière lui et, à travers lui, derrière « l’amour de la patrie ». Le discours a pris alors une tournure quasi-religieuse, un appel à la foi dans la société de confiance, de responsabilité et de liberté.</p>
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<p>Le Président a appelé à sortir du « déni de réalité, le refus de voir le réel en face, dans ses complexités et ses contraintes », thématique classique du discours réformiste-réformateur français. Adaptant une tonalité grave, il a parlé du « mandat du projet progressif qui nous est donné. Les Français nous ont confié le devoir d’aller de l’avant ». Là encore, on retrouvait <a href="https://theconversation.com/quest-ce-que-le-liberalisme-egalitaire-comprendre-la-philosophie-de-macron-76808">des éléments fondamentaux du « macronisme »</a>, qui renvoie ce « déni de réalité » à un projet politique conservateur par nature : une société rigide, inefficace, faite de « rentes de situation » et de perpétuation de privilèges non-mérités car ne devant rien à la « vraie égalité », celle des chances données à tous.</p>
<p>On a retrouvé là, très clairement, la structure narrative de base du macronisme et ses grands éléments fondamentaux : le temps, la fluidité (et la mobilité), la liberté, la confiance, la responsabilité. Le temps a occupé une place de choix dans cette intervention : le temps qui s’écoule, cet ennemi de la réforme (car « notre temps collectif est aujourd’hui trop lent »), cette dimension contre laquelle il faut mener le combat de la rapidité et de l’adaptation aux besoins et rythmes nouveaux de la société.</p>
<p>La fluidité et la mobilité, creuset du macronisme, ont également occupé une place importante car, dans cette vision, une société qui légifère plus simplement et plus rapidement devient plus mobile et adaptable. La politique et les institutions au service d’un retour vers les idées originelles de notre modèle démocratique et non au service des privilèges de la société des statuts acquis et des statuts transmis : tel est le message délivré si on veut le résumer à l’essentiel.</p>
<h2>Un drôle d’appel à la retenue</h2>
<p>On ne peut qu’accepter la sincérité de ce message et se réjouir de voir ainsi l’action du pouvoir exécutif mise en récit. La vision positive, optimiste et consensuelle de la posture présidentielle ne peut, en effet, que faire du bien. Mais l’analyse doit également faire valoir les interrogations soulevées par le message vis-à-vis de sa capacité à engager le débat démocratique contradictoire.</p>
<p>Parmi ces interrogations, le passage dans lequel le chef de l’État est revenu sur le climat des « affaires » arrive en premier. Si l’on peut comprendre que le garant des institutions soit dans son rôle en appelant à la concorde nationale, à la renaissance de la confiance et au respect de la présomption d’innocence, les termes employés et le contenu laissent perplexe : ne déborde-t-il pas de son rôle en déclarant « J’en appelle à la retenue, j’appelle à en finir avec cette recherche incessante du scandale, le viol permanent de la présomption d’innocence » ?</p>
<p>À qui s’adresse cet appel : aux médias et/ou au système judiciaire ? S’il s’adresse aux médias, on remarquera qu’Emmanuel Macron n’aurait peut-être pas gagné la présidentielle si le <em>Canard enchainé</em> n’avait pas fait preuve d’une grande persévérance dans des révélations qui déclencheront <em>ensuite</em> une action judiciaire à l’encontre de <a href="https://theconversation.com/francois-fillon-et-la-poule-mouillee-72858">François Fillon</a>… Si l’appel s’adresse au système judiciaire, c’est un peu problématique également.</p>
<h2>Style oratoire littéraire</h2>
<p>Une autre série d’interrogations vient de la forme de cette intervention : tout d’abord, un discours d’adresse aux parlementaires, sans débat, ne peut que renforcer le sentiment d’un diagnostic sans appel sur la France. Mais dans le cas d’Emmanuel Macron s’ajoute une donnée supplémentaire. Si le goût qu’a notre Président pour un style oratoire littéraire élaboré est globalement une qualité, la perfection qu’il recherche dans ce domaine entraîne un sentiment de doute : comme si le trop-plein de mots, de belles phrases aux contenus généraux venaient contredire le message.</p>
<p>Si Emmanuel Macron est bien le porteur d’une promesse de renouveau, il ne rompt pas (totalement) avec une solide tradition française, celle des discours de tribune où l’on livre un grand texte. C’est ainsi que va notre vie politique, qui semble mal s’accommoder d’une parole politique modeste et économe de ses concepts.</p>
<p>Mais le risque est alors de verser dans des propos qui sont, par nature, totalement irréfutables : ainsi, plusieurs passages du discours d’hier veulent accentuer le contraste entre le monde d’avant Emmanuel Macron et celui d’après. Au risque d’entretenir l’idée qu’avant tout n’était que mensonges, déni de réalité, irresponsabilité et inefficacité, sans d’ailleurs que cet avant ne soit daté… En somme, une figure de style d’un grand classicisme en matière de discours politique et qui peut mettre en danger celui qui la prononce si jamais son bilan n’est pas à la hauteur.</p>
<p>Il y a ici une contradiction qui apparaît régulièrement dans le discours macroniste, une construction intellectuelle dont la recherche de perfection sur le fond et la forme donne peu de prise et d’angle d’attaque à la critique. La suite du mandat d’Emmanuel Macron permettra de savoir si cette tension entre le <a href="https://theconversation.com/le-discours-demmanuel-macron-construction-dun-storytelling-71847">discours du renouvellement</a> et une structure narrative classique s’agrandit ou se résorbe.</p>
<p>À cet égard, son idée d’un gouvernement qui s’autoévalue est à mi-chemin : s’évaluer soi-même est une bonne chose, mais ne faudrait-il pas plutôt créer une agence totalement indépendante d’évaluation des politiques publiques, composées de spécialistes et chercheurs internationaux spécialistes de ces questions ?</p>
<h2>Construction intellectuelle à longue portée</h2>
<p>Face à un discours présidentiel qui commence à s’imposer comme une construction intellectuelle à longue portée, il va revenir à ceux qui voudront incarner les oppositions de trouver dans leurs rangs des leaders capables de porter une vision forte, alternative et tenant compte des données du « monde d’après Emmanuel Macron ».</p>
<p>Par ailleurs, ces oppositions ne feront pas l’économie d’un aggiornamento ou d’un travail intellectuel de fond, car le balancier qui semblait naturellement porter, d’une élection à l’autre, les battus d’hier vers le pouvoir s’est sans doute cassé le 7 mai 2017. Pour tenter de comprendre la complexité des sociétés européennes d’aujourd’hui, il leur faudra prendre en compte les avancées des sciences sociales et des « sciences de gouvernement ».</p>
<p>En revanche, la déclinaison du discours présidentiel en choix budgétaires et de politiques publiques, ce mardi 4 juillet, par le premier ministre Édouard Philippe va donner beaucoup plus prise au débat démocratique contradictoire dans les prochains jours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80481/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Notre vie politique s’accommode mal d’une parole politique modeste et économe de ses concepts. Le risque est grand alors de verser dans des propos qui sont, par nature, totalement irréfutables.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/803782017-07-02T20:57:39Z2017-07-02T20:57:39ZDiscours au Congrès : les habits neufs du Président Macron<p>Que penser de la décision du Président Macron d’intervenir devant le Congrès du Parlement ce lundi 3 juillet ? L’annonce de cette mesure ne devrait pas surprendre puisque durant sa campagne présidentielle il avait prévenu qu’il userait régulièrement de cette possibilité constitutionnelle pour « rendre compte de son action ». Il faut noter, cependant, qu’en intervenant dès maintenant le Président ne cherchera pas à faire le bilan des premières semaines du quinquennat mais à fixer un cap et des réformes à engager, comme le fait chaque année son homologue américain dans son discours sur l’état de l’Union ou la Reine dans son discours du trône au Royaume-Uni.</p>
<p>Rappelons qu’inspiré de l’exemple américain, l’<a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/constitution-de-1848-iie-republique.5106.html">article 52 de la Constitution de la deuxième République</a> (4 novembre 1848) prévoyait que le Président « présente, chaque année, par un message, à l’Assemblée nationale, l’exposé de l’état général des affaires de la République. » Dans cette optique, un discours devant le Congrès permet au Président seul et en majesté de prendre la parole sans contradiction possible et d’échapper aux questions sur les affaires qui ont entaché les débuts du quinquennat. Le recours au Congrès permet, en outre, de bénéficier d’une écoute nationale dont étaient privés les messages présidentiels lus au Parlement.</p>
<h2>Les messages au Parlement : un instrument aux effets limités</h2>
<p>Jusqu’à la <a href="http://www.senat.fr/role/fiche/reforme_constit_2008.html">révision constitutionnelle du 23 juillet 2008</a>, le président de la République ne pouvait se rendre au Parlement pour s’adresser aux représentants de la nation. Cette interdiction tirait son origine du <a href="http://lemonde.fr/politique/article/2009/06/22/adophe-thiers-et-le-ceremonial-chinois_1209794_823448.html">« cérémonial chinois »</a> instauré par la « loi de Broglie » du 13 mars 1873 qui interdisait quasiment de parole Adolphe Thiers, chef de l’État d’une troisième République balbutiante, dont l’ascendant sur les députés et le talent oratoire risquaient de faire basculer la chambre en faveur de la République.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/176505/original/file-20170702-17680-ha0i0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/176505/original/file-20170702-17680-ha0i0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/176505/original/file-20170702-17680-ha0i0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/176505/original/file-20170702-17680-ha0i0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/176505/original/file-20170702-17680-ha0i0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/176505/original/file-20170702-17680-ha0i0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/176505/original/file-20170702-17680-ha0i0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Président Valéry Giscard d Estaing (ici en 1978).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Val%C3%A9ry_Giscard_d%E2%80%99Estaing_1978(3).jpg">US government/Wikimedia</a></span>
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<p>La <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/constitution-de-1875-iiie-republique.5108.html">loi constitutionnelle du 16 juillet 1875</a> est allée plus loin encore en interdisant l’accès des assemblées parlementaires au chef de l’État qui ne pouvait communiquer avec les chambres que « par des messages qui sont lus à la tribune ». Les Constitutions de la IV<sup>e</sup> et de la V<sup>e</sup> Républiques ont consacré cette conception étroite de la séparation des pouvoirs. Ainsi le premier alinéa de l’article 18 de la Constitution de 1958 dispose-t-il que le chef de l’État « communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat ».</p>
<p>Acceptable en raison de l’effacement de la fonction présidentielle sous la III<sup>e</sup> et la IV<sup>e</sup> République, cette disposition semble totalement inadaptée du fait de l’orientation présidentialiste de nos institutions, du poids de l’information continue et du foisonnement des réseaux sociaux. Le comble de l’archaïsme n’a-t-il pas été atteint le 27 mai 1975, à l’occasion de la célébration du centième anniversaire du Sénat, quand il a fallu « déparlementariser » l’hémicycle en en retirant la tribune, pour que le Président Giscard d’Estaing puisse prononcer un discours dont le contenu n’a pas été reproduit dans le <em>Journal officiel</em> des débats du Sénat, afin de respecter les usages ? Aussi a-t-il paru nécessaire de dépasser cette conception obsolète de la séparation des pouvoirs, ce qui a été fait en 2008.</p>
<h2>Le Président Mitterrand grille la politesse à Pierre Mauroy</h2>
<p>Il serait pourtant erroné de dévaloriser <a href="http://www.senat.fr/evenement/archives/D46/">tous ces messages</a> qui ont jalonné la vie politique de la V<sup>e</sup> République : le Général de Gaulle y a recouru cinq fois, Georges Pompidou trois fois, Valéry Giscard d’Estaing une fois, François Mitterrand six fois, et Jacques Chirac trois fois. Jusqu’à Nicolas Sarkozy, tous les présidents de la République y ont eu recours pour marquer leur entrée en fonction et ils n’ont pas hésité parfois à griller la politesse à leur premier ministre comme va le faire Emmanuel Macron ce lundi 3 juillet. Georges Pompidou s’est adressé au Parlement dix jours seulement après son élection, Valéry Giscard d’Estaing trois jours après la sienne et François Mitterrand, en 1981, quelques heures avant que Pierre Mauroy ne prononce son discours de politique générale à l’Assemblée nationale.</p>
<p>Certains ont marqué un moment important de la vie politique du régime. Ce fut notamment le cas des messages du général de Gaulle mettant en œuvre l’article 16 (25 avril 1961), évoquant les accords d’Évian sur l’Algérie (20 mars 1962), traitant de l’élection du Président au suffrage universel direct (2 octobre 1962) ou saluant le renouvellement de l’Assemblée nationale après sa dissolution (11 décembre 1962).</p>
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<p>Il en est allé de même le 8 avril 1986 lorsque François Mitterrand a accepté la première cohabitation avec pour seule règle : « la Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution ». Mais plus encore, doit être retenue son adhésion au présidentialisme, quand Mitterrand déclara le 8 juillet 1981 :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai dit à plusieurs reprises que mes engagements constituaient la charte de l’action gouvernementale. J’ajouterai, puisque le suffrage universel s’est prononcé une deuxième fois, qu’ils sont devenus la charte de votre action législative. »</p>
</blockquote>
<p>Comment ne pas voir dans cette déclaration les fondements de la toute-puissance présidentielle ? Élu sur ses 110 propositions, le Président nomme un gouvernement qui doit en faire son programme gouvernemental, que la majorité législative alignée sur la majorité présidentielle traduira en arsenal législatif. Le quinquennat et l’inversion du calendrier n’ont fait qu’institutionnaliser et renforcer cette lecture présidentialiste des institutions et que certains dénoncent aujourd’hui en évoquant le spectre du pouvoir absolu et le retour à l’hyper présidentialisme.</p>
<h2>Un instrument plus efficace : le discours présidentiel devant le Congrès</h2>
<p>Conscients du faible écho des messages présidentiels, le général de Gaulle et Valéry Giscard d’Estaing avaient souhaité y remédier avant de renoncer devant les oppositions soulevées par cette réforme. Il a fallu attendre la révision du 23 juillet 2008 suscitée par Nicolas Sarkozy, pour que soit ajouté un deuxième alinéa à l’article 18 selon lequel le Président « peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote. »</p>
<p>Loin d’une intervention du Président devant l’une ou l’autre chambre suivie d’un débat non sanctionné par un vote, comme l’avait envisagé le <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/074000697/index.shtml">rapport du Comité Balladur</a>, la réforme est restée bien timide. La déclaration présidentielle ne peut se faire que devant le Congrès. Elle n’est suivie d’un débat qu’en l’absence du Président. Présentée comme un moyen de renforcer les pouvoirs du Parlement cette réforme d’apparence bénigne a aussitôt entraîné des critiques, voire l’hostilité d’un certain nombre de parlementaires qui craignaient déjà que le Président ne domine et ne court-circuite son premier ministre.</p>
<p>Rien d’étonnant si la première application du nouvel article 18, le 22 juin 2009, ne fut pas concluante. Nicolas Sarkozy avait convoqué les parlementaires à Versailles pour leur faire part des réformes nécessitées par une crise économique « sans précédent » : retraites, construction de prisons, problème de la burqa. Mais le Congrès boycotté par les Verts et les communistes vit le Parti socialiste refuser de prendre part au débat qui suivit le discours du Président.</p>
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<p>Le second recours au Congrès par François Hollande, le 16 novembre 2015, n’a guère été plus convaincant. Trois jours après les attentats du Bataclan et Saint-Denis, et soucieux de renforcer « l’unité nationale » le Président a notamment indiqué qu’il souhaiter une révision de la Constitution pour constitutionnaliser l’état d’urgence et étendre la <a href="https://theconversation.com/la-decheance-de-la-nationalite-au-risque-de-linegalite-entre-francais-49184">déchéance de nationalité aux bi-nationaux nés Français</a> et « condamnés pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la nation ». Or malgré les applaudissements et une Marseillaise entonnée par l’ensemble des Parlementaires debout, cette belle unanimité n’a pas duré et les mesures envisagées ont été la cause d’une profonde déchirure de la majorité avant d’être abandonnées.</p>
<p>Que penser alors du recours au Congrès par Emmanuel Macron ?</p>
<h2>Après la présidence normale, le choix du présidentialisme</h2>
<p>Comme en 2009, plusieurs élus ont décidé de boycotter la réunion du Congrès. Tel est le cas de la France insoumise et de certains UDI. Il est amusant de voir aujourd’hui, à droite Bernard Accoyer ou Jean‑Christophe Lagarde reprendre à leur compte les arguments des élus de gauche qui s’opposaient à la réunion du Congrès de 2009 et d’invoquer à leur tour la cherté et l’inutilité d’un déplacement à Versailles.</p>
<p>Or voici que de surcroît le Président a choisi de s’exprimer le 3 juillet, un jour avant le discours de politique générale du premier ministre, décision qualifiée par la plupart des commentateurs d’humiliation d’Édouard Philippe : Olivier Faure, président du groupe PS à l’Assemblée nationale y voit ainsi « une humiliation totale d’Édouard Philippe relégué dans le rôle de répétiteur. » Jean Christophe Lagarde (UDI), membre du groupe des « constructifs », un « rabaissement », et Chloé Morin directrice de l’observatoire de l’opinion à la fondation Jean Jaurès « une humiliation terrible pour le chef du gouvernement ».</p>
<p>Derrière les postures et les récriminations il faut tenter de comprendre. Certes, l’intervention du Président un jour avant le discours de politique générale du chef du gouvernement peut surprendre. Faut-il y voir une mauvaise manière du chef de l’État à l’égard de son premier ministre (ce qui n’a guère de sens en ce début de quinquennat), ou plus précisément un retour aux fondamentaux de la V<sup>e</sup> République établis dès 1964 par le général de Gaulle et avalisés jusqu’en 2012 par ses successeurs de droite comme de gauche ?</p>
<p>À l’opposé de la « présidence normale » de son prédécesseur, le Président Macron souhaite renouer avec la conception présidentialiste des institutions. Dans cette optique le recours annuel à la convocation du Congrès ne peut que renforcer la prééminence présidentielle même si l’Élysée se défend de toute volonté de rabaisser le premier ministre. Il est logique d’imaginer que les deux « dyarques » se sont accordés sur la répartition des rôles, l’un mettant en œuvre les grandes orientations qu’aura tracées l’autre la veille.</p>
<p>Ce qui inquiète les opposants, c’est que face à la montée en puissance de Jupiter toutes les grandes figures des « partis de naguère » aient été éliminées, les oppositions balkanisées et le Président renforcé au Palais Bourbon par une majorité hétéroclite et hégémonique, et ce dans un climat d’attentisme voire de défiance de l’opinion. C’est donc l’hétérogénéité de la majorité législative et l’absence de tout contre-pouvoir qui peuvent inquiéter une opinion. Celle-ci se demande combien de temps pourra durer une expérience qui risque de se heurter à la rue pour faire passer ses réformes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bidegaray ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’opposé de la « présidence normale » de son prédécesseur, le président Macron souhaite renouer avec la conception présidentialiste des institutions voulue par le général de Gaulle.Christian Bidegaray, Professeur émérite de Sciences politiques, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/786562017-06-04T19:38:01Z2017-06-04T19:38:01ZTask force anti-Daech à l’Élysée : une bonne idée à l’épreuve de la réalité<p>Le candidat à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron, avait promis de lutter implacablement contre le terrorisme en annonçant, s’il était élu, la création d’« une <a href="https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/securite">cellule spéciale du renseignement anti-Daech, permanente, de 50 à 100 agents, associant les principaux services de renseignement</a> ».</p>
<p>L’attentat ignoble de Manchester du 22 mai 2017 a remis cette proposition en perspective en pressant le président de la République de tenir ses engagements. C’est donc tout naturellement qu’Emmanuel Macron a alors annoncé la création pour ce mois d’une task force anti-Daech, avant même la nouvelle attaque sanglante commise à Londres le samedi 3 juin.</p>
<p>Mais si cette prise en main de la lutte contre le terrorisme par le président de la République témoigne de sa ferme volonté de protéger les Français, sa mise en œuvre pourrait se révéler difficile.</p>
<h2>Domaine réservé</h2>
<p>Sur le plan technique, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021533568&categorieLien=id">décret n° 2009-1657 du 24 décembre 2009 relatif au Conseil de défense et de sécurité nationale et au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale</a> confie au président de la République l’animation dudit Conseil de défense et de sécurité nationale. Sa formation plénière comprend le premier ministre, les ministres de la Défense, de l’Intérieur, de l’Économie, du Budget et des Affaires étrangères. Il existe d’autres formations dites restreintes et spécialisées.</p>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_national_du_renseignement">Le Conseil national du Renseignement</a> constitue l’une des formations spécialisées du Conseil de défense et de sécurité nationale. Cette instance détermine les orientations stratégiques et les objectifs en matière de renseignement. Outre la composition plénière du Conseil de défense et de sécurité nationale, la formation spécialisée selon l’ordre du jour invite les directeurs spécialisés des services de renseignement ainsi que le coordonnateur national du renseignement (CNR).</p>
<p>C’est également ce décret qui créé un Coordonnateur national du renseignement dont la mission est de veiller à la mise en application des décisions prises par le Conseil. Ce coordonnateur placé sous l’autorité du secrétaire général de l’Élysée veille à la bonne coopération entre les services de renseignement.</p>
<p>Ce conseil ne peut fonctionner sans le concours du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) placé sous l’autorité du premier ministre.</p>
<p>Cette articulation en matière de défense et de sécurité nationale entre le président de la République et son premier ministre repose sur un équilibre déjà bien fragile lorsque la majorité parlementaire est acquise au Président. On parle alors de domaine réservé au même titre que les affaires militaires et étrangères.</p>
<h2>Des outils puissants déjà existants</h2>
<p>En matière de collecte de renseignements, il existe six services de renseignement dits de premier cercle : DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), DRM (direction du renseignement militaire), DRSD (Direction du renseignement et de la sécurité de la défense), DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), DNRED (Direction nationale de recherche et des enquêtes douanières) et Tracfin.</p>
<p>Il convient également de compter des services du second cercle : SCRT (Service central du renseignement territorial), SDAO (Sous-direction anticipation opérationnelle), DRPPP (Direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris) et BCRP (Bureau central du renseignement pénitentiaire).</p>
<p>Il faut encore ajouter l’UCLAT (Unité de coordination et de lutte antiterroriste) et l’EMOPT (État-major opérationnel de prévention du terrorisme).</p>
<p>Le président Macron semble donc déjà disposer d’outils puissants pour lutter contre les menaces terroristes. Toutefois, les critiques contre le SGDSN et le Coordonnateur national du renseignement ont la vie longue. Il est en effet reproché au Secrétariat son manque de réflexion opérationnelle et d’anticipation. Au second, il est reproché son manque de résultat probant en matière de coordination des services de renseignement.</p>
<p>Que viendrait faire, alors, une task force anti-Daech dans cette nouvelle architecture ?</p>
<h2>Une difficulté fonctionnelle</h2>
<p>Si la formulation est malheureuse (Daech n’est pas la seule organisation terroriste opérant sur le continent), aucune piste de réflexion n’a filtré de cette déclaration présidentielle. Mais le programme d’Emmanuel Macron évoque une <a href="http://www.liberation.fr/france/2017/05/24/renseignement-l-elysee-tient-a-sa-task-force_1572059">cellule spéciale du renseignement anti-Daech</a> – permanente – de 50 à 100 agents (…) placée auprès du président de la République. De même, il mentionne la création d’un état-major permanent qui permettra de planifier des opérations de sécurité intérieure avec les services et états-majors des ministères l’Intérieur et de la Défense, le cas échéant avec la participation des ministères des Transports, de la Santé et de l’Industrie.</p>
<p>Cette ambition se heurte à deux difficultés. La première est fonctionnelle et la seconde juridique.</p>
<p>Sur le plan fonctionnel d’abord. Cette task force pourrait concurrencer le travail du Coordonnateur national du renseignement en charge de la collecte pour le Président des mêmes renseignements.</p>
<p>Aussi, cette cellule anti-Daech assez pléthorique n’apporterait, <em>a priori</em>, rien de plus que le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale alors même que le Conseil dispose d’une vocation plus large que la lutte contre le terrorisme comme l’évaluation des menaces, le contrôle des exportations de matériel de guerre, le suivi des questions de sécurité internationale ou encore les questions relatives à la cyberdéfense.</p>
<p>La mise en perspective indispensable du SGDSN et le besoin de toiletter la fonction du Coordonnateur national du renseignement donne quelques possibilités au président Macron. Cette idée semble donc intéressante, mais à condition de renforcer la capacité de réflexion de cette structure en axant, par exemple, le travail des Instituts d’études de la Défense et de la Sécurité nationale sur le processus de radicalisation ou encore sur les modes de communication des individus radicalisés. Cette réflexion devra être inclusive et prospective.</p>
<p>Par ailleurs, il paraît indispensable de renforcer le travail de renseignement en puisant, notamment, des informations auprès de nos alliés américains, russes, marocains… Cela pourrait prendre la forme d’une entente avec les États-Unis pour intégrer l’alliance des services de renseignement des <a href="http://www.rfi.fr/ameriques/20131102-etats-unis-nsa-alliance-five-eyes">« 5 Yeux »</a>. Cela permettrait à la France de jouer un rôle plus important en Europe en matière de lutte contre le terrorisme – ce qui serait normal compte tenu du lourd tribut qu’elle a payé ces dernières années.</p>
<h2>L’impératif de la séparation des pouvoirs</h2>
<p>Mais c’est surtout sur le plan juridique que le président devra se prémunir de toute immixtion. Cette cellule se veut selon les termes employés, le bras armé du président. Cela sous-entend que le président souhaite prendre le contrôle opérationnel de la lutte contre le terrorisme. Cette volonté si elle est louable paraît irréaliste pour plusieurs raisons.</p>
<p>D’abord, la lutte contre le terrorisme est d’ordinaire – lorsqu’un attentat a été commis – confiée à l’autorité judiciaire qui pilote les investigations avec l’appui de la police judiciaire placé sous son contrôle. On imagine mal, le Président ordonné par talkie-walkie aux commandos des forces spéciales de décoller en hélicoptère depuis la cour de l’Élysée pour appréhender un suspect. Cette métaphore rappelle la tentative désespérée du président Jimmy Carter tentant de faire libérer des citoyens américains pris en otage par des étudiants iraniens. L’échec de cette mission commando héliportée lui aura coûté sa présidence.</p>
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<p>Plus sérieusement, le président de la République tire ses pouvoirs de la Constitution de 1958 qui dans son article 64 lui impose de garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire.</p>
<p>Par ailleurs, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 impose une séparation des pouvoirs entre l’autorité judiciaire et le pouvoir exécutif. On voit mal le procureur de la République ou les juges écartés de la conduite des investigations ou plus cocasses encore, les juges se rendant à l’Élysée pour rendre compte d’une enquête au président.</p>
<p>Cette nécessaire séparation entre ces deux institutions ne doit cependant pas décourager le président dans sa volonté de restructurer la communauté du renseignement.</p>
<h2>Force et faiblesse du facteur humain</h2>
<p>En définitive, la création d’une cellule anti-Daech ne fait sens que si la réflexion est profonde et l’engagement affirmé. Le Président pourrait orienter sa stratégie vers la fusion de certains services, notamment au sien d’un même ministère et la mise en place de groupes thématiques de réflexion composés de fonctionnaires, militaires et personnalités de la société civile. Il reviendrait au SGDSN, après toilettage, de coordonner ce <em>think tank</em> pour le compte du Président.</p>
<p>Cette idée n’est pas nouvelle. En effet, il existe une structure dite de Conseil de la stratégie et de la prospective du ministère de l’Intérieur dont l’objectif est d’offrir au ministre une réflexion aboutie en matière de sécurité.</p>
<p>Ensuite, il paraît indispensable de mieux structurer les services pour faciliter la circulation de l’information. En effet, selon le rapport de la Délégation parlementaire au renseignement, certaines structures échangent peu ou pas de renseignement. <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cdef/09-10/c0910020.asp">Le député Guy Tessier évoquait ainsi en janvier 2010</a>, lors d’une audition de la Commission de la défense nationale et des forces armées l’éventualité d’une guerre des polices. Le coordonnateur national du renseignement de l’époque, Bernard Bajolet, répondait par la négative en insistant tout de même sur la fragilité du dispositif. Selon lui, le facteur humain est une force comme une faiblesse. Les bons exemples tiennent davantage aux liens informels qui peuvent exister entre certains chefs de service que de procédures internes clairement établies.</p>
<p>La création, en juin 2015, de la <a href="http://www.la-croix.com/Journal/Emmanuel-Macron-lance-task-force-anti-Daech-2017-05-25-1100850188">cellule interagences « Allat »</a> est une première réponse mais insuffisante en raison des informations disponibles.</p>
<h2>La nécessité d’une stratégie globale</h2>
<p>C’est la raison pour laquelle le choix d’un nouveau Coordonnateur sous la responsabilité directe du Président pour coordonner réellement l’activité des services de renseignement serait une réponse adaptée à la situation. Cette initiative serait particulièrement utile à l’heure où la communauté accueille un nouveau service de renseignement, le Bureau central du renseignement pénitentiaire.</p>
<p>Il faudra préciser ou fusionner l’UCLAT considérée comme structure « de <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-enq/r3922-t2.asp">rencontre, non opérationnelle</a> » et l’EMOPT (État-major opérationnel de prévention du terrorisme) inconnu de certains hauts fonctionnaires en charge de la lutte contre le terrorisme. En effet, ces deux structures sont réputées être trop complémentaires pour rester indépendantes.</p>
<p>Cela passera, aussi, par la mise en place d’un système d’information interagences pour partager les informations collectées. Cette plateforme technique devrait permettre de résoudre les difficultés relationnelles qui existent, encore, entre certains services. En revanche, il faudra préciser les règles d’utilisation du fichier en lien avec la nature de l’enquête (administrative ou judiciaire).</p>
<p>Enfin, le Président devra privilégier l’approche systémique pour mieux comprendre le <a href="https://theconversation.com/radicalisation-deradicalisation-que-savons-nous-au-juste-78495">processus de radicalisation</a> qu’il soit en milieu ouvert comme fermé. Après tout le renseignement, même s’il est utilisé de manière préventive ne permettra pas de stopper la menace. Cela engage, par conséquent, le président de la République à déployer une stratégie globale pour ne pas traiter le problème du terrorisme uniquement par le prisme sécuritaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Driss Aït Youssef ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si cette prise en main de la lutte contre le terrorisme par le président de la République témoigne de sa ferme volonté de protéger les Français, sa mise en œuvre pourrait se révéler difficile.Driss Aït Youssef, Docteur en droit, chargé de cours, président de l'Institut Léonard de Vinci, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/698512016-12-06T05:24:51Z2016-12-06T05:24:51ZL’étrange malédiction des Présidents majoritaires sous la Vᵉ République<p>Les nombreuses <a href="https://theconversation.com/francois-hollande-la-non-candidature-de-lelysee-69801">pistes de réflexion</a> et <a href="https://theconversation.com/sortie-de-secours-pour-francois-hollande-69843">tentatives de justification</a>
relatives à la décision du président de la République de ne pas se présenter à nouveau à l’élection présidentielle, exprimée le 1<sup>er</sup> décembre 2016, ont toutes leur part de vérité mais elles omettent une dimension essentielle : la malédiction frappant le président de la République majoritaire sous la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Si l’alternance caractérisant la vie politique française depuis la fin de la période gaullienne est très souvent mise en avant, elle dissimule en arrière-plan l’un de ses aspects les moins connus : l’impossibilité pour un président de la République élu au suffrage universel direct et soutenu par une majorité parlementaire, ou <em>a minima</em> de députés, d’être réélu.</p>
<p>Cette réalité institutionnelle, par son caractère systématique, en fait l’un d’un des secrets les mieux gardés de la République, comme si sa connaissance pouvait en accentuer le caractère inéluctable au point de la rendre irréversible, voire en dérégler l’implacable ordonnancement, motif d’espoir pour l’opposant.</p>
<p>Si le résultat d’une pratique électorale, aussi soutenue soit-elle, n’a pas pour effet de lui conférer l’airain de la règle de constitutionnelle, une rapide évocation du passé éclaire ce paradoxe, donne corps à la malédiction présidentielle et aide à comprendre l’avenir, au-delà du présent de l’annonce du 1<sup>er</sup> décembre 2016.</p>
<h2>Stabilité ministérielle, instabilité parlementaire</h2>
<p>Le paradoxe résulte de l’image de stabilité que véhicule la V<sup>e</sup> République, donnée en héritage par ses fondateurs en réaction à l’instabilité des régimes parlementaires précédents. Le paradoxe naît de l’apparence dès lors que l’on écarte la figure présidentielle, dans la mesure où la <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/composition-des-gouvernements-de-la-veme-republique-1959-2014/">formation des gouvernements</a> est changeante et très souvent occultée par le maintien du même Premier ministre. Ainsi de 2007 à 2012 la France a-t-elle connu trois gouvernements différents sous la direction de l’exclusif François Fillon.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/148622/original/image-20161205-19388-1vrjl0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/148622/original/image-20161205-19388-1vrjl0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/148622/original/image-20161205-19388-1vrjl0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/148622/original/image-20161205-19388-1vrjl0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/148622/original/image-20161205-19388-1vrjl0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/148622/original/image-20161205-19388-1vrjl0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/148622/original/image-20161205-19388-1vrjl0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">François Fillon (ici en 2010), symbole de la stabilité ministérielle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Fran%C3%A7ois_Fillon_2010.jpg">Marie-Lan Nguyen/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Mais surtout, cette stabilité ministérielle se paie au prix fort : celui d’une instabilité parlementaire. En effet, les deux républiques parlementaires précédentes sont certes caractérisées par ce qu’Edgard Faure avait pu qualifier en son temps de « gouvernement à secousses », consécutif à de <a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/veme-republique/1958/quels-etaient-problemes-fonctionnement-institutions-avant-1958.html">multiples combinaisons ministérielles</a>, lissées au demeurant par la permanence du personnel ministériel. Mais le renouvellement de la Chambre des députés, puis de l’Assemblée nationale, lors d’élections législatives échappait à la brutalité des alternances que nous connaissons. Le multipartisme éclaté et l’absence de fracture idéologique, entre l’adhésion à la République et la montée en puissance du Parti communiste, faisaient alors office d’amortisseur politique.</p>
<p>D’une certaine manière il est possible de soutenir que la relative stabilité gouvernementale depuis 1958 est le reflet inversé de la relative stabilité des majorités parlementaires des III<sup>e</sup> et IV<sup>e</sup> Républiques.</p>
<h2>Alternance douce ou dure</h2>
<p>L’autre prix à payer de cette stabilité gouvernementale tient dans l’instabilité présidentielle, causée par de systématiques alternances – qu’elle soient douces ou dures.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/148623/original/image-20161205-19388-1nhebyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/148623/original/image-20161205-19388-1nhebyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/148623/original/image-20161205-19388-1nhebyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/148623/original/image-20161205-19388-1nhebyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/148623/original/image-20161205-19388-1nhebyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/148623/original/image-20161205-19388-1nhebyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/148623/original/image-20161205-19388-1nhebyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nicolas Sarkozy au Forum économique de Davos en 2011.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Nicolas_Sarkozy_-_World_Economic_Forum_Annual_Meeting_2011_3.jpg">Wolrd Economic Forum/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’alternance douce est celle qui a lieu au sein d’un même camp, toujours à droite, conférant à celle-ci une domination politique sur le temps long : l’élection en 1974 du démocrate européen Valéry Giscard d’Estaing brise la lignée gaulliste, celle du libéral atlantiste Nicolas Sarkozy passe par une rupture avec le néogaullisme chiraquien.</p>
<p>Quant à l’alternance dure, elle se produit à chaque changement de camp, en 1981, de droite à gauche en 1995, de gauche à droite en 2012 de droite à gauche, et possiblement en 2017.</p>
<h2>Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable</h2>
<p>Réunies, ses deux formes d’alternance éclairent la malédiction présidentielle : jamais président élu et achevant son mandat avec une majorité parlementaire n’a été réélu. Bien qu’ayant effectué deux mandats, le général de Gaulle n’a été élu au suffrage universel direct qu’une seule fois en 1965, même si – de façon inédite à ce jour – il est le seul à avoir conforté sa majorité parlementaire à la faveur d’une dissolution, en 1968.</p>
<p>Quand en 1981, Valéry Giscard d’Estaing se présente pour un second mandat, en dépit d’une division au sein de la droite, son action est soutenue par une majorité parlementaire. Résultat : il est battu. Un cas de figure comparable s’applique à Nicolas Sarkozy en 2012. En d’autres termes, les seuls présidents de la République réélus ne l’ont été que face – ou grâce – à une majorité parlementaire hostile, à l’issue d’une période de cohabitation : François Mitterrand en 1988 et Jacques Chirac en 2002.</p>
<p>Faut-il déduire de ce qui précède qu’une période de cohabitation est un gage de réussite pour un président de la République en quête d’une réélection ?</p>
<h2>La République du quinquennat unique</h2>
<p>Sans aller jusque-là, la perte d’une majorité législative en cours de mandat pour un président, à la suite en particulier d’une dissolution, constitue moins une incapacité définitive d’agir que la perspective d’un avenir politique. En tout état de cause, formulée sous un angle opposé prend corps cette malédiction présidentielle d’une impossibilité de réélection en période de fait majoritaire.</p>
<p>Malédiction à l’emprise partagée puisqu’elle n’épargne pas le premier ministre, alors véritable chef de l’exécutif, appuyé par une majorité parlementaire contre le président de la République : ce ce fut le cas pour Jacques Chirac en 1988, Édouard Balladur en 1995 et Lionel Jospin en 2002.</p>
<p>D’évidence, le quinquennat a été pensé, conçu et réalisé pour assurer – suivant la plus grande probabilité possible – une concordance entre la majorité née de l’élection présidentielle et celle procédant des élections législatives. En conséquence, assuré de diriger le pays pendant cinq années, l’élu présidentiel est tout aussi assuré, à ce jour, d’être dans l’impossibilité de continuer à le faire.</p>
<p>De fait, la révision constitutionnelle de 2002 a instauré le quinquennat unique. L’éviction de la cohabitation a pour prix l’exclusion d’une réélection.</p>
<h2>Culbuto plus que Phénix</h2>
<p>Trop fin connaisseur de la pratique politique et institutionnelle, François Hollande non seulement n’est pas ignorant de cette malédiction, mais il a dû au surplus en prendre toute la mesure électorale au moment de forger sa décision, nonobstant les obstacles divers, variés et nombreux pavant la voie d’une candidature apparus ces derniers mois. De sorte qu’il est le premier à en tirer les conséquences en préférant s’y soustraire par un choix conduisant au même résultat : l’impossibilité d’une réélection.</p>
<p>Il est même tentant d’approfondir le rapport logique entre malédiction et décision de non-candidature pour y voir l’illustration d’une grandeur là où il y avait, au-delà des contingences politiques, la certitude d’une défaite inscrite dans la pratique de la V<sup>e</sup> République et l’espérance d’une future réélection précisément débarrassée d’une dirimante position majoritaire.</p>
<p>Ainsi la maxime hollandienne pourrait être : « Obérer sans risque un impossible présent pour ne pas insulter l’avenir ».</p>
<p>Si la chose advenait, sans doute faudrait-il écarter la figure antique de Phénix au bénéfice de celle d’un contemporain Culbuto.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69851/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Blanc ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jamais un président élu achevant son mandat avec une majorité parlementaire n’a été réélu. Une étrange malédiction qui éclaire aussi la non-candidature de François Hollande.Didier Blanc, Professeur des Universités, Université de la RéunionLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/698432016-12-02T19:00:17Z2016-12-02T19:00:17ZSortie de secours pour François Hollande<blockquote>
<p>« Il te peut en tombant écraser sous sa chute. »</p>
</blockquote>
<p>Corneille, <em>Cinna</em></p>
<p>Décidément, il n’est pas donné à tous d’aller à Corinthe. François Hollande a courageusement bu la coupe de vin amer qui était tiré sur la table de l’Élysée. Certes, de confidences débordantes en attitudes incertaines, il avait largement contribué à construire le piège qui s’est refermé sur lui : sans être de sa chute l’unique auteur, il n’en reste pas moins qu’il s’était imposé une situation en forme d’impasse. Il n’avait plus d’autre choix que de se retirer ou d’aller au combat en évitant la case des primaires partisanes : telles que celles-ci se dessinaient, elles allaient à l’inverse de la possibilité d’un rassemblement autour du président sortant.</p>
<p>Après hésitation, et malgré les pressions du cercle de ses amis, il a dû en passer par les fourches caudines des sondages accablants. Il l’a fait avec une élégance tragique qui n’est pas sans rappeler le final des drames antiques. Ceux-ci, après le dernier chant, se terminaient par un <em>exode</em> généralement dit par l’auteur, qui demandait l’indulgence du public et énonçait le dénouement. Avant de conclure par la formule : <em>« Plaudite cives ! »</em></p>
<p>Alors, applaudissons. Il faut souvent plus de courage pour affronter la réalité que pour la nier. Nul doute que ce retrait autorisera, le calme revenu, une réévaluation de son bilan personnel. Pour l’heure, son départ annoncé, hors scrutin de désaveu, élargit la brèche ouverte dans le fonctionnement politique et institutionnel. Et, dans le camp de la droite, on gagnerait à ne pas crier trop vite victoire ou trop fort à la déliquescence du pouvoir.</p>
<p>D’abord, François Hollande reste pleinement Président jusqu’au mois de mai : loin de nuire à l’exercice de sa fonction, le fait d’être dégagé de toute campagne électorale garantit sa totale disponibilité et sa hauteur de vue par rapport au débat électoral. Ensuite, l’évènement pourrait bien être annonciateur de profonds bouleversements aux conséquences inattendues.</p>
<h2>Nouvelle donne</h2>
<p>Il y a, bien sûr, l’horizon dégagé pour cette écrasante majorité de Français qui ne voulaient pas d’un remake de l’élection de 2012. Peu de temps après l’éviction de Nicolas Sarkozy, voici François Hollande qui se retire du paysage électoral. Certes, la disparition de leur face-à-face ne fait pas disparaître la question de la triangulation des forces avec un FN toujours menaçant. Mais elle laisse augurer un renouvellement des candidats en même temps qu’elle permet de modifier les termes de leur confrontation.</p>
<p>Car l’observation des comportements politiques met en évidence une nouvelle tectonique des plaques de la droite et de la gauche. L’une et l’autre sont affectées par l’érosion de leurs frontières respectives, et traversées de cassures plus ou moins profondes, plus ou moins irrémédiables. Le durcissement vers la droite, s’il rassure une partie de l’électorat conservateur, en frustre une autre part en même temps qu’il laisse centre et centre-droit orphelins d’expression. À gauche, les fractures sont multiples et profondes, suivant des lignes parallèles plus que convergentes. Même soulagée du problème du sortant, les antagonismes cristallisés dans des candidatures préposées jettent une ombre sur la possibilité d’un véritable rassemblement. Cette même ombre portée qui a poussé François Hollande au retrait.</p>
<p>Le double affaiblissement, périphérique et interne, des deux vieux blocs rend incertaine leur capacité à capitaliser les forces centrifuges. C’est tout un cortège d’icebergs détachés des banquises qui flottent et s’entrechoquent sur une mer agitée, au gré de vents dont la direction varie d’un moment sur l’autre. Voilà qui revient à poser que les primaires, quel qu’en soit le résultat, ne permettront pas de trancher clairement ni de l’offre politique finale, ni encore moins de ses équilibres fermement prévisibles. Elles ne peuvent refermer l’éventail. Tout au plus en rigidifier certaines parts.</p>
<h2>Médiatisation contre médiation</h2>
<p>D’autant que le retrait de François Hollande constitue le dernier événement en date d’une chaîne qui confirme un phénomène lourd : l’affaiblissement des partis de gouvernement, que traduit leur difficulté à assumer leur rôle de médiation dans la production de l’offre politique et dans l’organisation de la confrontation électorale. Le déroulement des primaires et ses répliques spectaculaires pourraient bien signaler une rupture profonde dans le fonctionnement politique. Dans un mouvement qui n’affecte bien sûr pas que la France, mais qui prend chez nous un relief particulier du fait de nos traditions, on assiste à une dévitalisation des appareils partisans.</p>
<p>On les savait de plus en plus incapables d’arrêter une position commune sur les axes fondamentaux ou de parvenir à des synthèses admises par tous. Il leur restait la désignation de leur candidat à l’élection-mère, la présidentielle. Voici qu’elle leur échappe à son tour. Comme en témoignent les primaires, la construction des candidatures s’opère largement en dehors d’eux, dans le cadre de l’arène médiatique.</p>
<p>Beaucoup plus que les débats programmatiques, toujours limités par la procédure même, ce sont les sondages qui, par l’écho que leur donnent les électeurs, fabriquent les candidats et les non-candidats, quitte d’ailleurs à se tromper dans la dernière ligne droite : mais la foi dans les sondages avait préalablement balisé le champ de la compétition réelle. Ainsi, le contrôle de LR n’a pas suffi à Nicolas Sarkozy pour s’imposer. Pas plus que la garantie de soutien de l’appareil du PS n’a pu assurer à François Hollande la probabilité d’un succès.</p>
<p>Il y a dans cette substitution de la médiatisation à la médiation la racine d’une dévitalisation des partis. Avec toutefois une question qui risque de peser lourd dans les mois qui viennent : l’attribution des investitures aux élections législatives reste, pour l’heure, entre les mains des responsables partisans. Sans mise en cohérence avec le nouveau cours, le danger est patent d’une distorsion entre les modes de désignation des candidats à la députation et les regroupements qui se seront opérés derrière les candidats.</p>
<h2>Mehr licht</h2>
<p>En se retirant avec noblesse de la compétition électorale, au nom de l’intérêt supérieur de la France, François Hollande se donne, en surplomb du débat, une stature présidentielle et arbitrale. Il offre simultanément une issue de secours à ceux de ses partisans qui pensent pouvoir sauver la vieille maison des outrages de la division. Voilà plus de lumière pour le débat qui va s’ouvrir à gauche. Mais si l’éclairage définit bien la scène, il n’en détermine pas les acteurs, et encore moins leur capacité d’action.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le retrait de l'actuel président de la course présidentielle pourrait bien être annonciateur de profonds bouleversements politiques aux conséquences inattendues.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/698012016-12-02T10:46:20Z2016-12-02T10:46:20ZFrançois Hollande, la non-candidature de l’Élysée<p>On évoque souvent la « dramaturgie » de la politique et notamment celle de l’élection présidentielle au suffrage direct. Cette élection, par la dimension de personnalisation qu’elle contient, favorise sans aucun doute l’expression de la dimension dramatique de la politique. Entre drame cornélien et tragédie antique, notre vie politique des deux ou trois dernières décennies a rendu plusieurs fois visible cette dimension.</p>
<p>Deux exemples marquant de cette dramaturgie pouvaient retenir jusqu’à présent l’attention. On pense au fameux « Au revoir » de Valéry Giscard d’Estaing, le 19 mai 1981, deux jours avant qu’il ne quitte l’Élysée suite à sa défaite face à François Mitterrand, prononcé à l’issue d’un discours à la tonalité dramatisante et après lequel le président se lève, laisse sa chaise vide, se dirige métaphoriquement vers la sortie tandis que retentit La Marseillaise.</p>
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<p>Et il y a le « coup de tonnerre » du 21 avril 2002 et l’annonce de son retrait de la vie politique par Lionel Jospin, qui déclare « assumer pleinement la responsabilité de cet échec et en tirer les conclusions », tandis que retentissent dans la salle des cris de déception et de douleur et que le candidat s’exprime sur fond d’un panneau rouge, devant un pupitre marqué de son slogan de campagne « Présider autrement ».</p>
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<p>Si les discours de ceux qui perdent les élections comportent toujours, comme pour Nicolas Sarkozy au soir du 6 mai 2012, une forte charge émotionnelle qui rappelle que la politique c’est un lien qui unit par les croyances, les valeurs et les affects les représentants et les représentés, les deux exemples précédents appartiennent à une catégorie à part : celle des évènements marqueurs associés à des images et des symboles qui restent longtemps dans la mémoire collective du pays.</p>
<p>En annonçant au soir du 1<sup>er</sup> décembre 2016 qu’il ne se représenterait pas aux suffrages des Français pour l’élection présidentielle de 2017, François Hollande vient de créer l’un de ces évènements marqueurs alors même qu’il a choisi pour le faire un registre de sobriété et de solennité.</p>
<h2>Une rupture majeure</h2>
<p>Les causes profondes et les causes de court terme de cette décision sont déjà bien connues. En premier lieu, François Hollande ne semblait plus disposer dans l’opinion publique et au sein de la gauche du ressort nécessaire pour capitaliser sur son bilan et aurait dû en <a href="https://theconversation.com/le-piege-de-buridan-vol-au-dessus-dun-nid-de-primaires-69510">passer par une primaire</a>qui aurait mis le président en exercice dans une posture impossible à tenir, le faisant « descendre dans l’arène ».</p>
<p>Il faut mentionner, par ailleurs, la situation créée ces dernières semaines par la publication du livre (au titre terrible : <em>Un président ne devrait pas dire ça…</em>) des journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme et les <a href="http://www.bfmtv.com/politique/un-president-ne-devrait-pas-dire-ca-a-cree-les-conditions-de-l-empechement-de-hollande-pour-ses-auteurs-1065977.html">réactions qu’elle suscita au sein de la gauche et même du gouvernement.</a>
Le paroxysme de la crise fut atteint au cours du week-end dernier lorsque le premier ministre donna une <a href="http://www.lejdd.fr/Politique/EXCLUSIF-Manuel-Valls-Je-prendrai-ma-decision-en-conscience-827608">interview au <em>JDD</em></a> dans laquelle il manifestait clairement son souhait d’être candidat à la présidentielle.</p>
<p>Les lectures et les analyses que l’on peut faire de la décision de François Hollande sont très nombreuses et concernent des dimensions multiples de la vie politique française et de ses tendances récentes. Mais l’on peut déjà dire qu’il s’agit d’une décision qui « fera date » : il y aura bien dans notre vie politique un avant et un après 1<sup>er</sup> décembre 2016. En renonçant à se présenter, François Hollande introduit une rupture majeure dont on ne mesure pas encore tous les effets mais qui pèsera lourd sur les épaules des prochains présidents qui ne manqueront pas de connaître à leur tour l’impopularité et les divisions de leur camp.</p>
<h2>Les paradoxes de la démocratie contemporaine</h2>
<p>Sa décision révèle toute une série de paradoxes de nos démocraties contemporaines : les dirigeants politiques sont soumis aux injonctions contradictoires de la démocratie d’opinion (être populaires dans les sondages), de la transparence et de « l’accountability » (rendre des comptes) et des attentes de leurs électorats. Et ces attentes peuvent être elles-mêmes contradictoires.</p>
<p>Au-delà de toutes les dimensions dont cette décision est le produit tout autant que le reflet, et de ce qu’elle traduit des échecs relatifs ou pas de François Hollande, il faut souligner son caractère inédit et assez exemplaire. Et même en remercier François Hollande même si sa décision sonne comme un aveu d’échec politique aussi.</p>
<h2>La défense de l’intérêt général</h2>
<p>Si l’on observe les choses sous l’angle de la qualité du processus démocratique, on peut tout d’abord observer que non seulement François Hollande a utilisé pour annoncer sa décision un registre hyperminimaliste si on le compare aux précédents cas cités plus haut, mais qu’il a donné aux électeurs un contre-exemple de ce que ces derniers ne cessent de reprocher à leurs dirigeants : leur tendance à s’auto-excuser, à ne pas rendre compte, à re-candidater même si les résultats ne sont pas au rendez-vous. </p>
<p>L’enquête que nous réalisons au CEVIPOF toutes les années depuis 2009, le <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/">Baromètre de la confiance politique</a>, montre à quel point le discrédit des hommes politiques et la défiance politique sont devenus des données structurelles de la vie démocratique française. Dans le même temps, nos données montrent une attente vis-à-vis d’hommes politiques empathiques, non-centrés sur eux-mêmes et leur seule carrière et défendant l’intérêt général.</p>
<p>En prenant la décision de ne pas se présenter à la présidentielle de 2017, on peut espérer que François Hollande a introduit une brèche dans la spirale de négativité politique qui s’exprime depuis que, au milieu des années 1990, les hommes politiques ont donné le sentiment de ne plus avoir de prise sur les bouleversements liés à la globalisation des échanges économiques. Il aura poussé jusqu’à son terme le portrait en opposé qu’il a voulu donner de lui-même par rapport à son grand rival de la même génération, Nicolas Sarkozy.</p>
<h2>« Ambitieux pour son pays, humble pour soi-même »</h2>
<p>Alors même que l’on peut, sans doute à juste titre, lui reprocher des promesses non-tenues, des erreurs et une « inversion de la courbe du chômage » qui n’est là qu’en pointillé en toute fin de mandat, on peut également relire ou réécouter le fameux <a href="https://www.youtube.com/watch?v=up62HaC6cFI">discours du Bourget</a>. Il contient déjà une longue anaphore, sur le mode de « présider la République c’est… ». Parmi les phrases clefs de cette anaphore, on trouve cela :</p>
<blockquote>
<p>« Présider la République enfin, c’est donner le meilleur de soi-même, sans jamais attendre en retour récompense ni même reconnaissance. C’est être ambitieux pour son pays et humble pour soi-même. C’est se donner pleinement, entièrement à la cause que l’on a choisie, la seule cause qui vaille : servir la France. Présider la République, c’est mettre toute la puissance de l’Etat au service des citoyens. C’est donner l’exemple, y compris dans son comportement et pour sa propre rémunération. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/up62HaC6cFI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le prochain président, quel qu’il (ou elle) soit, ne pourra faire comme si le 1<sup>er</sup> décembre 2016 n’avait pas compté. La présidentielle de 2017 est décidément une élection qui porte à leur sommet les nombreuses tensions que connaît le système politique de la V<sup>e</sup> république depuis quelques temps : des dirigeants de partis battus dans leurs primaires (<a href="https://theconversation.com/la-chute-de-la-maison-duflot-68457">Cécile Duflot</a> et Nicolas Sarkozy), un candidat de droite sélectionné à l’issue d’une primaire fortement participative mais dont la <a href="https://theconversation.com/la-droitisation-des-valeurs-de-la-droite-francaise-69379">sociologie est celle d’une France « d’en haut »</a>, un président sortant qui ne peut se représenter, une tripartition de l’espace idéologique (gauche, droite, FN) et un <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-heraut-de-la-mondialisation-heureuse-64268">jeune candidat porté à un mouvement politique hors sol</a> et d’un nouveau genre. De tout cela sortira un ensemble de questions que le nouveau Président n’aura pas intérêt à éluder.</p>
<p><em>Last but not least</em> : dans son annonce de non-candidature, François Hollande a apporté sa dot dans la corbeille du futur candidat qui sera désigné par le primaire de la gauche : il a fortement cadré la future campagne électorale présidentielle sur la question de la défense du « modèle social français » et a ainsi, tout en se mettant hors champ, balisé la route. Les semaines qui arrivent – et surtout après la primaire de la fin janvier – montreront si ce balisage est ou pas opérant, et si l’affrontement gauche-droite sur cette question structure la présidentielle 2017.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69801/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En renonçant à se présenter, François Hollande introduit une rupture majeure qui pèsera lourd sur les épaules des prochains présidents de la Vᵉ République.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/673572016-10-20T20:48:05Z2016-10-20T20:48:05ZFausses confidences et vrai naufrage<blockquote>
<p>« Il faut pardonner aux rois leur médiocrité, ils ne se sont pas choisis ! »<br>Ernest Renan, à propos de Louis-Philippe.</p>
</blockquote>
<p>Pénétrant observateur du phénomène du pouvoir dans sa plénitude anthropologique, Georges Balandier notait : « Accéder au pouvoir, c’est mourir comme homme pour renaître comme détenteur de la charge suprême. » Mystérieuse alchimie produite par le passage du statut de simple sujet ou citoyen à celui de détenteur de l’autorité souveraine. Transubstantialisation nécessaire pour créer la distance entre l’homme privé et l’homme public au service de l’intérêt général.</p>
<p>Ce processus induit que le chef, élu ou non, s’entoure d’un espace de silence afin d'instaurer un minimum de distance entre le <em>dire</em> et le <em>faire</em>. L’exercice du pouvoir impose inévitablement l’existence d’un halo protecteur, cette <em>part d’ombre</em> qu’Edwy Plenel dépeignait de manière critique chez Mitterrand : homme de pouvoir consommé, ce dernier poussait certes un peu loin le bouchon de l’obscurité entretenue, mais il n’ignorait rien des exigences de la charge de l’État. En faire fi équivaut à parodier Molière, quand il décrit le bourgeois qui se veut gentilhomme.</p>
<h2>Transparence et insignifiance</h2>
<p>À n’en point douter, avec <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20161012.OBS9710/un-president-ne-devrait-pas-dire-ca-ce-qu-il-faut-retenir-des-confidences-de-hollande.html"><em>Un président ne devrait pas dire ça</em></a>, nous assistons à un double naufrage. Passons rapidement sur celui de la conception du métier de journaliste qu’illustrent les deux auteurs, travestissant le travail d’investigation en vide-grenier médiocre : 797 pages d’une espèce de <em>verbatim</em> dévergondé, où l’on apprend pêle-mêle que François Hollande descendait les poubelles triées par Ségolène Royal, qu’il éteint le soir les lumières de l’Élysée…</p>
<p>Certes, les journalistes pensent se justifier en plaidant le consentement du Président, prévenu qu’ils préparaient un livre. Cela excuse-t-il leur absence de sélection de ce qu’en conscience, ils doivent retranscrire ou pas ? Que, sous le prétexte de ne pas avoir été invités à sortir pendant une conversation téléphonique hautement politique, ils n’éteignent pas leur magnéto pour se mettre en <em>off</em> ? Il est dommage que le titre <a href="http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/0211223005367-ca-na-aucun-sens-les-bonnes-feuilles-du-nouveau-livre-sur-hollande-2022541.php"><em>Ça n’a aucun sens</em></a> fût déjà pris par Elsa Freyssinet pour un précédent ouvrage de la même eau : il aurait parfaitement convenu à cette entreprise de destruction de la frontière entre la transparence et l’insignifiance. En politique et en information, tout comme en art, l’exactitude ne suffit pas à rendre compte de la vérité.</p>
<p>Encore ces deux compères ne font-ils que céder à l’air du temps, qui en aplatissant tous les reliefs, en écrasant toutes les distances entre le public et le privé, en banalisant tous les propos, contribuent à accélérer la décomposition du politique, processus bien en vogue dans la presse et dans l’édition aujourd’hui.</p>
<h2>Anormale normalité</h2>
<p>Quoi qu’il en soit, la responsabilité du président de la République dans cette entreprise de dissolution apparaît accablante : elle est directe et lourde. Il y avait des précédents à ces confidences sur l’oreillette : outre l’ouvrage précédemment cité, Antonin André et Karim Rissouli avaient publié <em><a href="http://www.europe1.fr/politique/conversations-privees-avec-francois-hollande-on-voulait-savoir-comment-lhomme-normal-encaisse-lexercice-du-pouvoir-2826409">Conversations privées avec le Président</a></em>. Nous ne sommes donc pas en présence d’un accident de parcours, d’un moment de relâchement, mais d’un projet mûrement calculé dans le temps. Sourd à toute obligation de réserve, François Hollande parle aux journalistes, sans retenue et avec gourmandise : à le lire, on l’imagine se délecter de sa propre parole.</p>
<p>Aurait-il l’imprudence de croire aux vertus de la communication telle qu’il la fait ? Aurait-il la naïveté de penser qu’il suffit de dire ce qu’on est pour expliquer ce qu’on fait ? Aurait-il si peu de considération pour sa fonction et envers ceux qui l’ont désigné pour l’exercer, qu’il estime utile de livrer en pâture quelques anecdotes dont la banalité met cruellement en évidence la complexité des problèmes à traiter ? C’est ignorer superbement cette mise en garde de Corneille dans <em>Pompée</em> : « Il détruit son pouvoir quand il le communique. »</p>
<p>D’une certaine manière, nous étions prévenus. L’élu de 2012 avait déclaré qu’il voulait être un Président <em>normal</em>. Certes, mais sur le moment, on pouvait penser qu’il s’agissait pour lui de se démarquer de son prédécesseur et de son mode agité d’omni-présidence ; qu’il voulait simplement être un Président <em>remarquablement</em> normal. Pouvait-on imaginer qu’en lieu et place d’une gouvernance apaisée, on assisterait à un pareil flux de télélysée-réalité ? Qu’il jouerait au jeu des confidences dans son propre bureau, tout en acceptant de recevoir des communications exigeant, sinon le secret, au moins la discrétion ? La simplicité souhaitée d’un homme d’État peut conduire à renoncer à un apparat désuet et coûteux, mais dans l’exercice de ses fonctions, il n’en demeure pas moins tenu par des formes protectrices de celles-ci.</p>
<h2>Être et paraître</h2>
<p>Peut-être cet événement éclaire-t-il une part du mystère de la personnalité du Président. Il y a du marivaudage dans cette intrigue, qui rappelle étrangement <em>Les fausses confidences</em>. On connaît le génie de Marivaux pour nous placer sur la frontière fragile entre l’apparence et la réalité, entre le vrai caché et le faux exprimé. Loin de révéler, la parole peut cacher : elle s’avère un masque dissimulant le visage réel. Le discours ne ment pas, à proprement parler : il travestit le cri du cœur en faux-semblant. Par amour d’Amarinte, dans le rôle de Marianne, François Hollande ne cherche-t-il pas avant tout à contourner par une vraie-fausse communication la coalition de ses détracteurs ? Qui manipule qui dans cette conversation débridée ?</p>
<p>Toutefois, la dialectique de l’être et du paraître ne parvient jamais à s’accomplir pleinement, même dans les jeux de l’amour. <em>A fortiori</em>, dans les jeux de pouvoir où seul trompe qui peut, les masquent finissent toujours par tomber. D’autant plus aisément quand les miroirs sont faussés et deviennent déformants. Nos institutions donnent en effet une définition et un statut au Président de la République : celui d’un arbitre, garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, de la continuité de l’État et de l’intégrité nationale. On sait que la réalité de la V<sup>e</sup> République renvoie une tout autre image : celle d’un Président démiurge, omniprésent, dictant sa volonté aux ministres, transformant son premier ministre en chef d’état-major et le Parlement en Chambre d’enregistrement. Un regard sur le quinquennat écoulé illustre les dangers de la distorsion.</p>
<p>François Hollande n’aura été vraiment Président que lorsqu’il a été un vrai Président, c’est-à-dire quand il a assumé son seul statut constitutionnel. Face aux malheurs et aux attentats, il a su trouver le ton et l’attitude qui convenaient, à l’exception du peu glorieux épisode de la déchéance de nationalité. Que ne s’en est-il tenu à ce rôle ?</p>
<p>À s’avancer sur tous les terrains, à se poser en concepteur et en oracle de toutes les décisions politiques, il s’est perdu dans des marécages dont il ne connaissait pas les passages. De contradictions en impasses, d’engagements oubliés en actions à contresens, son bilan est devenu illisible. Loin de l’éclairer et de lui redonner de la cohérence, la débauche de confidences dont il surcharge les tables des libraires ne fait que rajouter à la confusion. En banalisant la fonction dans ses moindres ressorts, elle fait de ce président un homme trop normal pour en assumer la pleine complexité et la part de sacré.</p>
<h2><em>Verba volant scripta manent</em></h2>
<p>L’ambivalence peut rapidement se réduire à une équivoque. Il y a un télescopage troublant entre deux parutions simultanées : le même jour sortent, dans <em>L’Obs</em> une interview-fleuve dans laquelle François Hollande déclare « Je suis prêt » ; en librairie, <em>Un Président ne devrait pas dire ça</em>. Le message de la première n’a rien de subliminal : il pose une volonté de poursuivre son action, donc de se présenter à la prochaine élection présidentielle. La portée du second est radicalement inverse : en forme de libre propos, dans des mémoires d’un nouveau genre stockés au fil de l’eau sur l’ordinateur de journalistes, il livre son témoignage sur sa présidence qui s'achève.</p>
<p>Une manière de clôture du projet, à quelques mois de la fin du mandat. On dit d’une porte qu’elle doit être ouverte ou fermée. Cette surprenante coïncidence tendrait à essayer de prouver qu’une porte peut être ouverte <em>et</em> fermée ! Et c’est peut-être ainsi qu’il faut lire cet étrange message : comme une incertitude de plus dans la fermeté d’intention du Président.</p>
<p>On trouve, en revanche, moins d’hésitation dans le propos critique de l’action d’autrui. Répondant aux questions des journalistes au sujet de l’attitude des parlementaires sur les réformes, François Hollande invoque la célèbre formule de Marx ironisant sur le « crétinisme parlementaire ». Le procès s’avère d’autant plus injuste qu’il fait l’impasse sur le manque de respect chronique des Présidents vis-à-vis de la liberté des élus. Situation qui amènerait peut-être Marx, s’il vivait aujourd’hui, à élargir sa cible.</p>
<p>De ces ambivalences, il reste que l’on s’égare dans ce tourbillon où les paroles ne se contentent plus de voler, mais perdurent sous la plume de journalistes mal inspirés. Tandis que le sens de l’État se disperse dans le vent de la déliquescence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
On se perd dans ce tourbillon où les paroles ne se contentent plus de voler, mais restent sous la plume des journalistes. Tandis que le sens de l’État se disperse dans le vent de la déliquescence.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/643042016-08-24T04:44:20Z2016-08-24T04:44:20ZMerci pour cette « conversation »<p>La lecture de livre <em>Conversations privées</em> du Président Hollande avec les journalistes Antonin André et Karim Rissouli provoque un sentiment contradictoire. D’une part, il s’agit d’un témoignage direct du chef de l’État sur son action et sur les moments les plus forts ou les plus critiques de son mandat. La narration que François Hollande fait de sa propre action, la relative liberté de ton avec laquelle il traite les sujets et parle de ses ministres, collaborateurs ou adversaires, donnent à ce livre un caractère à part et souvent intéressant.</p>
<p>La place importante faite aux verbatims des entretiens (conversations « privées » souligne en italique la page de couverture, jouant ainsi sur le voyeurisme supposé du lecteur) donne par ailleurs à ce livre un caractère utile pour l’analyse politique : il est toujours intéressant de savoir quels mots les acteurs politiques mettent sur leur action, quelles séquences ils privilégient et de quelle manière ils analysent leur propre comportement dans ces situations. Le livre offre un envers du décor du pouvoir exécutif à la fois saisissant et parfois décontenançant.</p>
<p>Mais ce livre relève d’un genre qui n’avait jusqu’à présent pas été adopté par les <a href="https://theconversation.com/le-repentir-de-fausses-confidences-dans-la-dramaturgie-politique-55735">prédécesseurs de François Hollande</a> : si plusieurs présidents avaient, <em>en cours de mandat</em>, publié des ouvrages il s’agissait jusqu’à présent d’ouvrages historiques (le troisième tome des <em>Mémoires de guerre</em> du Général de Gaulle est publié en 1959), de réflexion politique (<em>Démocratie française</em> de Valéry Giscard d’Estaing est publié en 1976), de recueils de chroniques publiées avant leur entrée à l’Élysée (par exemple, <em>Politique II</em> de François Mitterrand) ou de livres à portée plus générale et fortement marqués par le rapport à l’histoire et au monde de leurs auteurs, notamment sous la plume de François Mitterrand (<em>Réflexions sur la politique extérieure de la France : introduction à vingt-cinq discours</em> (1981-1985), publié en 1986 ; <em>Mémoire à deux voix</em> (avec Elie Wiesel), en 1995 ; <em>De l’Allemagne, de la France</em>, en 1996 ; <em>Mémoires interrompus</em>, recueil d’entretiens avec Georges-Marc Benamou, la même année).</p>
<h2>Discours en miroir</h2>
<p>Les <em>Conversations privées</em> avec le président Hollande relèvent d’un genre à part, proche du livre-entretien, ce type de livre où l’homme politique répond à des questions dans un style proche de la conversation : il est écrit par deux journalistes qui relatent leurs entretiens avec le Président et les pages alternent les observations et annotations de leur part et les verbatims présidentiels, parfois substantiels et relativement longs.</p>
<p>La forme de l’ouvrage est également surprenante : il ne s’agit ni d’un récit structuré des politiques et des actions de l’exécutif, ni d’une réflexion politique sur le problème pourtant fondamental de l’écart entre les attentes de 2012 et les réalisations quatre ans plus tard, ni d’un livre-programme (sans doute à venir). Il présente une série de séquences qui n’ont pas d’ordre chronologique, parfois pas d’ordre thématique : ainsi, on passe en quelques pages des réactions du Président face à la <a href="http://www.francetvinfo.fr/politique/valerie-trierweiler/atterre-catastrophe-francois-hollande-sous-le-choc-apres-la-sortie-du-livre-de-valerie-trierweiler_685113.html">sortie de l’ouvrage de Valérie Trierweiler</a> à la gestion du cas Leonarda.</p>
<p>On reste parfois sur sa faim quant à l’analyse politique que proposent les deux journalistes. L’observation de la communication présidentielle de crise (affaire Cahuzac, crise grecque, départ des écologistes ou d’Arnaud Montebourg, Benoit Hamon, Aurélie Filipetti ou Christiane Taubira) aurait également mérité d’autres témoignages et observations. Le livre n’est pas, à cet égard, le compte-rendu d’une enquête sur la communication ou les mécanismes de la décision à l’Élysée sous François Hollande et ne prétend d’ailleurs pas l’être.</p>
<p>Son contenu révèle ainsi les <a href="http://www.europe1.fr/politique/conversations-privees-avec-francois-hollande-on-voulait-savoir-comment-lhomme-normal-encaisse-lexercice-du-pouvoir-2826409">limites inhérentes à une série d’entretiens</a>, même nombreux et réguliers, qui ne permettent pas d’aller au-delà d’un discours en miroir de celui qui « converse ». On peut néanmoins apprécier la discrétion ou le minimalisme de l’analyse politique qui n’impose pas de grille de lecture, laissant au lecteur le soin se faire son propre avis sur François Hollande et la narration qu’il fait des principaux épisodes de son mandat.</p>
<h2>Manque de chance</h2>
<p>Le contenu et la structure du livre témoignent, à plus d’un titre, des rapports que François Hollande aura entretenus, durant son mandat, avec les journalistes ; les auteurs du livre ne cachent d’ailleurs pas le sentiment que leur donne au début de leur aventure le Président : ils notent que celui-ci éprouve « une forme de soulagement à nous retrouver pour partager ne serait-ce qu’une partie de ce qu’il endure dans une période sombre » (hiver 2013/2014).</p>
<p>De nombreux passages sont savoureux quant au style de communication et de gestion des « petites phrases » et annonces politiques par François Hollande. Ainsi, lorsque le président, voulant soutenir Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, <a href="http://www.liberation.fr/societe/2013/09/24/pour-valls-seule-une-minorite-de-roms-veulent-s-integrer-en-france_934265">pour ses propos sur les Roms</a> et face aux vives réactions de Cécile Duflot, incite des journalistes à rentrer avec lui dans son avion en indiquant qu’il reste des places (facturés 980 euros néanmoins…).</p>
<p>Plus fondamentalement encore, le livre donne à voir un Président spectateur de sa propre action et des difficultés qui l’accompagnent. Il ne se dégage pas l’impression d’un Président qui se tient à un agenda politique balisant son quinquennat, avec une vision et un « cap » (terme pourtant cher à François Hollande). Cet ouvrage nous donne surtout à voir une série de réactions au moment des grandes crises politiques avec un François Hollande pragmatique, tactique sur lequel les événements glissent (comme le départ de Cécile Duflot auquel l’un des passages les plus longs du livre est consacré).</p>
<p>Seule l’exceptionnelle situation des attentats terroristes semble le révéler à lui-même comme président de la République, le faire Président. L’écrivain et psychanalyste Michel Schneider n’a pas été tendre avec cette posture dans la lecture qu’il en a faite pour <em>Le Point</em> ; son cinglant commentaire peut apparaître dur, mais on ne peut s’empêcher de ressentir avec lui le malaise de voir notre chef de l’État commenter son action de manière un peu narcissique, distribuant les bons et les mauvais points sans donner le sentiment de s’interroger sur ses propres responsabilités.</p>
<p>Si les <a href="http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/hollande-autoportrait-d-un-president-en-exercice-19-08-2016-2062321_1897.php">extraits qui sont parus dans la presse</a> ne résument pas tout le livre, ils sont parfois cruels dans leur expression pour un pouvoir obligé de s’en prendre au manque de chance pour la non-inversion de la courbe du chômage, ce gimmick qui aura marqué tout le quinquennat de François Hollande.</p>
<h2>Le pouvoir et l’impuissance</h2>
<p>Au-delà des commentaires globalement assez négatifs qui ont accompagné la parution de ce livre, on peut faire deux dernières observations conclusives : tout d’abord, François Hollande gère avec une très grande minutie sa progressive entrée en campagne présidentielle pour 2017. Toutes ces dernières interviews balisent progressivement l’espace qu’il entend occuper : le Président qui protège, qui a trouvé dans sa gestion des attentats et crimes terroristes le tempo de sa fonction de garant de l’unité nationale et qui, au nom de celle-ci, ne peut laisser la droite venir casser le modèle social français et le Front national dresser les Français les uns contre les autres en raison de leurs origines ou religions.</p>
<p>La seconde remarque conclusive concerne nos hommes politiques en général et pas seulement François Hollande : les verbatims présidentiels que les « conversations privées » de celui-ci nous livrent sont un éloquent témoignage du désarroi et du décalage de nos représentants avec un monde qu’ils ne comprennent plus. La mondialisation de toutes les sphères de nos sociétés (économiques et financières, culturelles et sociétales), le basculement des dynamiques économiques, démographiques et même politiques de l’Ouest vers l’Est et le Sud de la planète, l’ampleur des tensions et des conflits liés à cette « grande transformation », réduisent de plus en plus nos hommes politiques au rôle de commentateurs de leur action et les enferment dans une posture compassionnelle.</p>
<p>Mais cette posture continue de s’accompagner du mythe du « changement c’est maintenant ». Le paradoxe de l’action politique aujourd’hui, c’est le contraste de plus en plus prononcé entre la promesse sans cesse renouvelée d’un pouvoir aux commandes et qui commande la réalité et la reconnaissance quelques mois ou années plus tard de l’impuissance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/135202/original/image-20160823-30246-1knrigv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/135202/original/image-20160823-30246-1knrigv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/135202/original/image-20160823-30246-1knrigv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/135202/original/image-20160823-30246-1knrigv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/135202/original/image-20160823-30246-1knrigv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/135202/original/image-20160823-30246-1knrigv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/135202/original/image-20160823-30246-1knrigv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Obama et Hollande, deux adeptes du « changement pour le changement ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/franceintheus/14383167535/in/photolist-nUZuBa-tZBcNQ-eNoks5-ePgGxw-eNoky1-ugNLC3-nz3XwS-GucsUH-fEYLv6-bXiciE-eJzjQF-bXic9S-nRpf21-eJzi5g-nz3Ka5-fEYTPc-nRot6Q-eQ67sT-ePayrz-eQ6cCv-fEYY6D-eP9YMS-HW8Afj-ePWuNC-eQ67uP-ePWuVf-nRwTRt-ePX3nJ-nTk67p-ePWuxf-ePaC5c-iepckE-ePK4Pn-nRyekX-ePWuCJ-ePWuRL-ePX3kb-ePK4Mx-AHPs2G-eNYxkM-ePaBSp-eJzjia-DqLtJR-eNbWzF-eP3Mvc-p5pDCM-ePm7Pu-nzH6vR-c1MJ1m-o3bn4b">French Embassy in the U.S./Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p><a href="http://www.lesinrocks.com/2013/04/28/actualite/christian-salmon-lhomme-politique-est-peut-etre-en-train-de-disparaitre-11388596/">Comme l’a fort bien analysé Christian Salmon</a>, on assiste aujourd’hui à un « paradoxe du volontarisme impuissant ». Pour l’auteur de la <a href="http://www.fayard.fr/la-ceremonie-cannibale-9782213677552">cérémonie cannibale, de la performance politique</a></p>
<blockquote>
<p>« l’<em>Homo politicus</em> fait sans arrêt appel au volontarisme et au potentiel des individus. Il a recours à la rhétorique de la rupture et du changement. Il rejette l’expérience passée pour affirmer sa foi vide en un avenir hypostasié, mais sans projets, sans vision. Le changement se suffit à lui-même. “Le changement, c’est maintenant” “Yes we can !"… C’est l’apologie du changement pour le changement ».</p>
</blockquote>
<p>Il faudra agir sur deux leviers pour (essayer) d’en sortir : une profonde réforme démocratique et une profonde réforme de notre culture politique nationale, réformes dont l’objectif partagé serait de renouveler les pratiques, les personnes et les modalités d’exercice des mandats électifs. Et ne pas oublier que l’une des fonctions essentielles de la politique est de produire un discours et de le matérialiser en actions, permettant ainsi aux citoyens de voir le chemin, de trouver de l’espoir et de décoder l’univers complexe et lointain qu’est sinon la politique pour eux.</p>
<p>Il est à craindre que la longue « conversation » qu’aura entretenue François Hollande avec les médias et les journalistes n’ait pas suffi à remplir cette fonction essentielle du politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/64304/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès a reçu des financements du CNRS, de Sciences Po, de l'Agence nationale de la Recherche (ANR) et de la Commission européenne (financements de contrats de recherche européens). </span></em></p>Les « conversations privées » du président parues dans un livre sont un éloquent témoignage du désarroi et du décalage de nos représentants avec un monde qu’ils ne comprennent plus.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/626632016-07-20T04:38:13Z2016-07-20T04:38:13ZNice : la communication politique en temps de crise<p>La démocratie va de pair avec un sens de responsabilité et un souci de transparence. Tout élu doit rendre des comptes à son public. Ce devoir est d’autant plus attendu et exigé en temps de crise par une population anxieuse. L’expression non-verbale (expression du visage, gestes) compte tout autant que ce qui est dit.</p>
<p>On se souvient du visage hébété de George Bush quand il avait appris les <a href="http://www.dailymail.co.uk/news/article-2020215/President-Bush-explains-blank-face-told-9-11-attacks.html">attentats du 11 septembre</a>. Il l’avait expliqué comme une tentative de projeter le calme pour ne pas perturber les enfants devant lesquels il se trouvait, même si sa réaction à son for intérieur était de la colère.</p>
<p>Quand un pays en est crise sécuritaire, secoué par des attentats terroristes à plusieurs reprises, le chef de cet État peut-il tout dire, par média interposé, à propos des mesures qu’il va prendre pour combattre le terrorisme à l’extérieur et l’intérieur du pays pour assurer la <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-lors-de-la-reception-en-l-honneur-des-armees-4/">sécurité de la nation ?</a></p>
<h2>Bilan politique annuel</h2>
<p>Le projet ou le bilan annuel fait par des responsables politiques qui rythment la vie politique de la Grande-Bretagne ou des États-Unis prennent une forme de discours solennel – le discours du trône, préparé par le Premier ministre et lu par la reine devant les deux chambres réunies au royaume uni ou discours sur l’état de la nation (préparé avec l’aide du <a href="http://www.nytimes.com/2015/01/20/us/politics/cody-keenan-obamas-hemingway-draws-on-friends-empathy-and-a-little-whisky-for-state-of-the-union.html?rref=collection%2Ftimestopic%2FFavreau%2C%20Jonathan&action=click&contentCollection=timestopics&region=stream&module=stream_unit&version=latest&contentPlacement=5&pgtype=collection&_r=1">rédacteur des discours</a>) prononcé par le président devant le congrès aux États-Unis. Il n’y a pas de droit de réponse.</p>
<p>En France, cet exercice de bilan politique est moins solennel car il prend une forme médiatique (Nicolas Sarkozy avait suspendu la tradition entre 2008 et 2012 ; François Hollande l’avait reprise pour délivrer un message à la nation, la plume du président français est <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/histoires-politiques/histoires-politiques-02-novembre-2015">Guillaume Bachelay</a>) et plus dialogique, le président répondant aux questions des journalistes assis autour de la même table.</p>
<p>Cette mise à l’épreuve médiatique de l’action politique est immédiatement commentée par les responsables aussi bien de la majorité que de l’opposition. La comparaison de cet exercice faite avec le « grand oral » des concours de la fonction publique donne l’idée de la légitimité républicaine et du poids politique dont revêtent les paroles du dirigeant.</p>
<p>À la veille du 14 juillet 2016, la communication du président de la République a été parasitée par plusieurs événements : les manifestations contre la loi travail rejetée par une partie de sa propre formation politique, le Brexit, le meeting d’Emmanuel Macron à la mutualité, la tribune de <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/07/11/31001-20160711ARTFIG00225-francois-fillon-dernier-14-juillet-du-quinquennat-avant-depot-de-bilan.php">François Fillon dans <em>Le Figaro</em></a> fustigeant la politique étrangère de la France et le rapport rendu par la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-enq/r3922-t1.asp">lutter contre le terrorisme</a>. Elle avait pointé du doigt la faille du système des renseignements. Le jugement du tribunal administratif de Nîmes avait d’ailleurs enfoncé le clou en rendant l’état en partie responsable de la <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/07/12/l-etat-en-partie-responsable-de-la-mort-d-un-soldat-tue-par-merah_1465799">mort du soldat Abel Chennouf</a>.</p>
<h2>Un pays qui gagne, un président à la hauteur</h2>
<p>C’est dans ce contexte que François Hollande devait défendre son bilan afin de se positionner en tant que candidat crédible de la gauche lors des élections présidentielles de 2017. Tout au long de l’interview à l’Élysée, le président donnait l’impression qu’il était plus détendu et plus sûr de lui-même au bout de quatre ans d’exercice du mandat présidentiel.</p>
<p>Il avait pris une posture de celui qui n’a pas baissé les bras devant les difficultés de tout ordre et a égrené les résultats obtenus : la France est un grand pays. Elle a su se redresser et retrouver la croissance, le COP 21 et l’Euro ont eu lieu sans incident. Après le Tour de France, l’état d’urgence allait être levé le 26 juillet (suite à la tuerie de Nice, l’état d’urgence a été prolongé de trois mois) assurait-il, mais avec le système de Vigipirate maintenu à son maximum et le dispositif sentinelle graduellement allégé. En revanche, le système de renseignements allait être renforcé.</p>
<h2>Le lion contre le moucheron, la fable de la politique de sécurité</h2>
<p>Dans la mesure où le président de la République avait désigné le camp adverse comme l’ennemi de la démocratie, il devait conforter ceux qui, en France, au nom des droits de l’homme, protestent contre le prolongement de l’état d’urgence. Mais la maison France est fragile, avait-il prévenu.</p>
<p>Pour renforcer l’image de la France qui émerge plus forte de ses épreuves, il avait décidé que l’attitude de la France à l’égard des terroristes qui ont pour base la Syrie et l’Iraq serait celle d’une « plus grande fermeté ». Il avait signalé la présence des conseillers militaires français pour appuyer les Irakiens pour la prise de Mossoul tout en précisant qu’il n’y aura pas d’opération au sol. En passant, il avait utilisé le vocabulaire militaire de frappe : frapper fort l’état islamique qui commence à fléchir et à se retirer.</p>
<h2>Dire moins, agir plus, privilégier la communication latérale</h2>
<p>Les journaux français rapportant les propos de François Hollande ne se sont pas attardés sur cette séquence, préférant faire du buzz autour de la place d’Emmanuel Macron dans le gouvernement ou le salaire du coiffeur de François Hollande à l’Élysée.</p>
<p>C’est oublier ce que visent les terroristes : un rôle central dans le théâtre politique du monde. Le 14 juillet étant le jour de la fête nationale, on pouvait anticiper qu’ils essaieraient de trouver une brèche pour gâcher la fête. Le caractère d’« irruption » de leur acte est conforme à leur modus operandi. La chronologie des attentats de Bruxelles et au Bangladesh montrent qu’il n’y a pas de répit dans la violence. Disloquer la temporalité des sociétés établies à travers la destruction des biens et des personnes semble être la tactique principale des terroristes pour se faire voir et entendre.</p>
<p>On ne peut pas faire abstraction de l’ennemi même quand on s’adresse à un public national dans sa langue maternelle. Parler au peuple français sachant que l’adversaire invisible et protéiforme de la nation, qui occupe en plus le terrain médiatique à travers la propagande djihadiste, écoute ce qui se dit plus attentivement que les concitoyens demande de la vigilance et de la prudence. Toute trace de triomphalisme serait aperçue par l’adversaire comme une humiliation et une provocation. La lutte contre le terrorisme n’est pas comparable à une compétition sportive. Les buts atteints, aussi impressionnants soient-ils, ne signifient pas toujours une victoire acquise.</p>
<p>Malheureusement, le public, les responsables politiques de tous bords et les journalistes ne veulent pas accepter que dans ces circonstances, il vaut mieux laisser les responsables politiques se taire et agir sans attendre qu’ils soient omniprésents dans les médias pour des commentaires à chaud afin de créer une proximité avec les personnes traumatisées. Pour que ce devoir de réserve – qui concerne tout le monde en temps de crise – soit accepté, il faut qu’il y ait un pacte de confiance liant le président avec le peuple. François Hollande a essayé de créer les conditions de ce pacte en utilisant la métaphore simple et intime de la maison. La polysémie du terme (demeure, foyer, dynastie, entreprise) a quelque peu brouillé le message.</p>
<h2>Nouvelle éthique et esthétique de la communication politique</h2>
<p>Si l’on ne peut pas tout dire, que dire alors sans langue de bois ? C’est là où réside toute la difficulté de la <a href="http://www.check4downloadbooks.com/edition-literacy/oscar-g-luengo">communication politique en temps de crise.</a> Laisser parler des actes plutôt que de parler des actions entreprises contre l’ennemi est peut-être la meilleure solution. Contrairement à Bush, l’administration Obama n’avait pas beaucoup communiqué sur la traque de Ben Laden.</p>
<p>Le message à faire passer est qu’en temps de crise l’efficacité de l’action d’attaque ou de défense gagne à ne pas être divulguée. Ni l’héroïsme hérité des Grecs, ni la ruse machiavélique, ni le camouflage emprunté aux militaires ne semblent adéquats en l’espèce. Une communication politique sobre qui contraste avec l’esthétique du sang imposée par les terroristes et l’esthétique du spectaculaire à laquelle ont recours les médias et qui se distingue de la composition promotionnelle trouvera certainement un écho parmi les citoyens.</p>
<p>Les réseaux sociaux jouent un rôle immédiat d’avertissement et de soutien, voire de dénonciation, en temps de crise. Face à la force subversive du terrorisme, les médias traditionnels qui agissent d’habitude comme contre-pouvoir de la démocratie à travers un journalisme d’investigation (l’enquête indépendante sur les profils, les trajectoires et les motivations des terroristes, l’infiltration du camp adverse, l’interrogation des politiques et des reportages sur les victimes), bien qu’ils soient parfois tentés de verser dans le <a href="http://www.gmj.uottawa.ca/1301/v6i1_serrano%20vazquez.pdf">journalisme d’accompagnement</a> (l’incrustation dans le <a href="https://www.amazon.com/Reporting-War-Journalism-Stuart-Allan/dp/0415339987">véhicule de l’armée</a> ou de la police) sont obligés d’inventer un journalisme de vérité réfléchie évitant l’écueil de la propagande et la bataille commerciale pour le scoop.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geetha Ganapathy-Doré a reçu des financements de la région Ile de France, de l'Université Paris 13 et de l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense pour le compte de la Société d'activités et de recherches sur le monde indien, association qu'elle préside.</span></em></p>Analyse des derniers épisodes de la communication présidentielle à la lumière de ce que doit être aujourd’hui une communication responsable et honnête. Notamment en période de crise.Geetha Ganapathy-Doré, Maîtresse de conférences HDR en anglais, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/549422016-02-19T05:44:41Z2016-02-19T05:44:41ZSens dessus dessous, ou la très étrange partie de billard du remaniement<p>Il y a du Pangloss dans ce Président-là. Du château de l’Élysée transformé en Thunder-ten-tronk, il ponctue son récit d’affirmations optimistes, quitte à les voir immédiatement démenties par les événements. Les calamités peuvent pleuvoir sur lui ? Il ne changera rien à son attitude ni à son propos. Tout ne va peut-être pas au mieux dans le meilleur des mondes possibles ? Mais tout va cependant le mieux possible dans un monde qui n’est pas très bon. Emmuré vivant dans ses certitudes et ses convictions, il ira jusqu’au bout. Il n’aura pas changé de cap, c’est le cap qui l’a changé. Ce qu’un esprit chagrin prendra pour de l’incohérence n’est en fait qu’une incompréhension du véritable enchaînement des causes et des effets, que notre homme n’hésite pas à inverser, de son verbe bref et de sa phrase courte.</p>
<h2>Absolue cocasserie</h2>
<p>Cette manière d’être explique sans doute la cocasserie de certaines de ses décisions. Le cocasse absolu étant atteint avec le dernier remaniement ministériel, véritable partie de snooker politique. À quinze mois de l’échéance présidentielle c’était, sauf catastrophe majeure, la dernière occasion de remodeler l’équipe gouvernementale pour la ligne finale. Démarche logique, ambition légitime, susceptibles pour le Chef de l’État et d’intégrer les dernières évolutions électorales et d’affermir son autorité autour de lui.</p>
<p>Le Président aura beau affirmer sur les écrans de TV la « grande cohérence » de l’équipage : elle ne transparaît pas évidemment. Un sondage effectué au lendemain de l’annonce des nominations nouvelles indique que <a href="http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Remaniement-7-Francais-sur-10-pas-convaincus-912601">73 % des personnes interrogées se déclarent insatisfaites du remaniement !</a> Si l’objectif avait été de répondre aux attentes et aux inquiétudes des Français, le démenti serait cuisant. Mais tout porte à croire que la raison d’agir n’était pas là.</p>
<p>D’abord, il faut mesurer que ce remaniement sans changement de gouvernement est l’œuvre du seul Président : le premier ministre a été tenu soigneusement à l’écart des calculs présidentiels et de ses arbitrages. Le monarchisme présidentiel a une fois de plus imposé sa loi. De quoi s’est-il agi ? Dans cette période déclarée de guerre contre le terrorisme et contre le chômage, on pouvait s’attendre à un « gouvernement de combat ». <a href="https://theconversation.com/ou-est-passee-la-gauche-les-deux-lecons-dun-remaniement-en-trompe-l-il-54678">On en est loin.</a> Le genre exige un resserrement des troupes : voilà les effectifs sensiblement augmentés, au prix d’une fragmentation en <a href="http://www.gouvernement.fr/composition-du-gouvernement">secrétariats d’État aux noms improbables.</a> </p>
<h2>Le clonage pour principe</h2>
<p>Le combat appelle également le renfort de personnalités dotées d’un poids politique certain : or apparaissent, pour l’essentiel, des têtes inconnues des électeurs et du grand public. La ministre de la Culture se voit-elle écartée pour pouvoir mettre à sa place une personnalité plus politique ? Lui succède Audrey Azoulay, une technicienne, énarque de la même promotion, plus connaisseuse de cinéma (et d’actrices), mais moins férue en numérique. Deux exceptions, dira-t-on, à ce clonage de l’appareil gouvernemental : aux Affaires étrangères et à la Décentralisation : encore s’agit-il de « remplacer » deux politiques majeurs. Succède à Laurent Fabius (parti vers le Conseil constitutionnel) le premier ministre prédécesseur immédiat de l’actuel, Jean-Marc Ayrault, écarté pour cause d’impopularité. Aux Collectivités territoriales, départ impromptu de Marylise Lebranchu, militante socialiste expérimentée, sur les épaules de laquelle avait reposé toute la loi NOTRe, et qu’on remplace par un homme qui a combattu cette réforme avec virulence…</p>
<p>S’agit-il de renforcer la cohérence idéologique de l’équipe ? Il suffit, pour en démordre, de se remémorer l’<a href="http://www.ladepeche.fr/article/2015/12/28/2245989-decheance-de-nationalite-jean-marc-ayrault-tacle-manuel-valls.html">hostilité affirmée de Jean-Marc Ayrault à la déchéance de nationalité</a>, hostilité bruyamment rappelée le 25 janvier par Emmanuelle Cosse. Et même, le 10 février, le grand trouble de conscience sur cette question exprimé par Emmanuel Macron : on avait vu son prédécesseur expédié pour moins que cela. Alors que l’on salue le départ par respect du non-cumul d’une ministre devenue vice-présidente de Région, ne maintient-on pas, à contre-sens des engagements, un Président breton ministre de la Défense ?</p>
<p>Alors, s’agirait-il de garantir la continuité des politiques engagées ? Là non plus, le compte n’y est pas. Ne voit-on pas, pour la première fois, une <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/02/17/fleur-pellerin-eviction-gouvernement-francois-hollande-milieu-parisien-politique_n_9250612.html">ministre de la Culture évincée</a> au moment où elle se rendait au Sénat pour défendre son projet de loi sur la liberté de la création artistique en discussion depuis sept mois au Parlement et déjà adopté par l’Assemblée nationale ? En plein combat pour le redressement économique, ne rétrograde-t-on pas à la treizième place protocolaire le ministre en charge de ce département névralgique ? Ne charge-t-on pas d’appliquer la réforme de la décentralisation l’un de ses adversaires résolus ? Ne place-t-on pas au Logement une écologiste (Emmanuelle Cosse) qui n’a cessé de critiquer le détricotage gouvernemental de la loi élaborée par une autre écologiste ?</p>
<h2>Perceval ou Perrichon</h2>
<p>Décidément, tout semble ici contrefait. Mais le cœur présidentiel à ses raisons que la raison gouvernementale ignore. Plus qu’à un cabinet ministériel, cela ressemble à un cabinet de curiosités. Le sens du dessus prend place dessous l’objectif unique de la préparation de l’échéance présidentielle. L’attelage de Matignon laisse rêveur, avec en second un ancien Premier aux orientations pour le moins divergentes du chef de file, composé d’éléments hétérogènes.</p>
<p>Le président Hollande a joué des bandes pour écarter du jeu les boules qui pouvaient le gêner dans son futur tir. Un navire écologiste en dérive, privé de son capitaine, un PRG attaché au piquet socialiste, une Ségolène Royal comblée d’une grande présidence réparatrice (celle de la COP21), un Valls enfermé dans la cabine de pilotage, un Macron embastillé à Bercy, une droite embourbée dans le chemin creux des primaires, un Grouchy sinistrovolubile (Mélenchon) faisant cavalier seul sur sa gauche, voilà qui dégage l’horizon électoral. Et qui lui laisse espérer cette victoire par défaut qu’il pense être en situation de mériter.</p>
<p>Spectacle navrant que celui de ce pouvoir qui randonne. Il permet au moins de mieux comprendre le goût affirmé des Français pour des <a href="https://theconversation.com/le-lieu-geometrique-de-la-gauche-54711">primaires non partisanes</a>. Seule illusion qu’on leur laisse de pouvoir échapper au cauchemar d’un remake électoral aux relents amers. Tout cela incite à méditer cette maxime de La Rochefoucauld : « Il est aussi facile de se tromper soi-même sans s’en apercevoir qu’il est difficile de tromper les autres sans qu’ils s’en aperçoivent ». À trop vouloir se parer de l’armure chevaleresque d’un Perceval poursuivant la quête du Graal du redressement, on risque de se trouver revêtu des habits bourgeois d’un Monsieur Perrichon.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54942/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Ce remaniement sans changement de gouvernement est l’œuvre du seul Président qui, en lieu et place d’un cabinet de combat, se prépare pour l’échéance de 2017.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.