tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/enseignants-24310/articlesenseignants – The Conversation2024-03-20T15:58:30Ztag:theconversation.com,2011:article/2245322024-03-20T15:58:30Z2024-03-20T15:58:30ZRéforme du collège : mobiliser les enseignants, un art délicat ?<p>En prétendant opérer un <a href="https://www.education.gouv.fr/choc-des-savoirs-une-mobilisation-generale-pour-elever-le-niveau-de-notre-ecole-380226">« choc des savoirs »</a> grâce à quelques dispositifs pédagogiques imposés d’en haut, le ministère de l’Éducation ne risque-t-il pas de se couper un peu plus du monde enseignant, dont la collaboration est pourtant essentielle à la mise en place de toute réforme ?</p>
<p>La création de « groupes de niveau », annoncée par Gabriel Attal, reviendrait à différencier l’enseignement en français et en mathématiques dès la sixième, contre le principe de <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2001/03/14/73-des-enseignants-de-moins-de-35-ans-c-onsiderent-le-college-unique-comme-un-objectif-irrealiste_4183114_1819218.html">l’emblématique « collège unique »</a>. Les enseignants eux-mêmes n’y ayant jamais cru, <a href="https://www.cafepedagogique.net/2024/02/05/jean-paul-delahaye-avis-de-tempete-sur-le-college-unique/">cette remise en cause du collège unique</a> pourrait paraître réaliste.</p>
<p>Mais, entre <a href="https://www.idee-education.org/_files/ugd/ab9408_6e7e9ce9d04a4265b14e77e916d03fe9.pdf">désaveu des spécialistes</a>, <a href="https://www.snpden.net/notre-alerte-a-madame-la-ministre_hebdo3_25janvier2024/">fronde des chefs d’établissement</a> et grèves des professeurs, la ministre de l’Éducation <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/education-nicole-belloubet-introduit-de-la-souplesse-dans-la-mise-en-place-des-groupes-de-niveau-au-college_6409699.html">Nicole Belloubet a promis plus de souplesse dans la mise en place de la mesure</a>.</p>
<h2>Les enseignements de la réforme du collège de 2015</h2>
<p>Il n’est pas inutile, pour mesurer la complexité du problème, de tirer les enseignements <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10564934.2022.2163181">d’une enquête sociologique par entretiens</a> menée auprès d’un échantillon représentatif de professeurs de collège en 2016 et 2017, lorsqu’ils ont dû mettre en place la <a href="https://theconversation.com/sisyphe-a-lassaut-du-college-60393">dernière réforme en date</a>, décidée par Najat Vallaud-Belkacem au printemps 2015.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2020-2-page-201.htm">Cette réforme</a> ne prévoyait pas de remettre en question le collège unique mais d’y promouvoir l’interdisciplinarité, à travers des « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI), les savoirs méthodologiques, lors de temps dits d’« accompagnement personnalisé », l’évaluation par compétences (sans remettre en question la notation chiffrée) et l’enseignement d’une deuxième langue vivante dès la cinquième pour tous les élèves, supprimant de fait les classes « bilangues » (option qui associait l’anglais et l’allemand en sixième). La suppression de l’option latin au profit d’un EPI spécifique avait un temps été envisagée.</p>
<p>Massivement rejetée par le corps enseignant (un <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/06/09/01016-20150609ARTFIG00244-les-trois-quarts-des-professeurs-opposes-a-la-reforme-du-college.php">sondage réalisé en juin 2015</a> avançait le chiffre de 74 % d’opposants parmi les professeurs de collège), le projet a suscité grèves et manifestations, mais a été appliqué tel quel (à l’exception des concessions sur les langues anciennes) à la rentrée 2016, avant que l’ex-ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer ne le vide de son contenu dès 2017.</p>
<h2>Loin des débats médiatiques</h2>
<p>L’encadrement intellectuel, en 2015, du débat public, prend alors des formes bien connues : les personnalités prenant la parole dans les médias pour s’opposer à la réforme dénoncent <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/05/critiquer-najat-vallaud-belkacem-au-nom-de-l-egalite_4637059_3232.html">« les dérives pédagogistes »</a> ou <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2015-3-page-652.htm">« l’égalitarisme niveleur »</a>, tandis que ses défenseurs, à l’instar de la ministre Najat Vallaud-Belkacem, stigmatisent « la nostalgie élitiste » des opposants et plaident pour une école moins inégalitaire.</p>
<p>L’intersyndicale, qui mène l’opposition sur le terrain, développe un <a href="https://www.cgt.fr/actualites/reforme-des-colleges-plus-dautonomie-plus-de-concurrence">autre argumentaire</a> : cette réforme serait « fondée sur l’autonomie des établissements et la multiplication des hiérarchies intermédiaires sous l’autorité du chef d’établissement » et <a href="https://www.puf.com/changer-lecole-ou-la-sauver">« ne ferait qu’engendrer davantage d’inégalités entre les élèves »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Réforme des collèges : Le plan de Najat Vallaud Belkacem (Public Sénat, 2015).</span></figcaption>
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<p>Mais, mis en présence de ces éléments de langage lors de notre enquête, les enseignants interrogés se montrent extrêmement dubitatifs, seuls 32 % des 336 appréciations qu’ils formulent au total étant exprimées avec assurance. Ceux qui se disent solidaires de la protestation, notamment, proposent des interprétations très diverses (et souvent contradictoires) de ce que peut recouvrir « l’autonomie des établissements », au terme d’explications laborieuses et ponctuées de silences, quand ils ne confessent pas leur incompréhension. Une large majorité, d’ailleurs, en approuve finalement le principe.</p>
<p>Centrale dans le débat médiatique, la question des inégalités est unanimement considérée comme hors sujet : personne ne voit en quoi la réforme les aggraverait ou pourrait permettre de les combattre. Manifestement, le monde enseignant ne s’est pas approprié les termes de la polémique.</p>
<h2>Un inconfort professionnel et des inquiétudes variées</h2>
<p>Ces hésitations sont en fait à l’image de la tonalité générale des entretiens.</p>
<p>Les justifications avancées par la grosse moitié des enquêtés qui s’opposent à la réforme impressionnent par leur variété. Cela renvoie à la complexité de la réforme, qui, du sort de l’allemand ou du latin à la question de l’interdisciplinarité, soulève des enjeux multiples.</p>
<p>Cela tient aussi à l’absence manifeste de construction collective du problème, et ce malgré, à la date de l’enquête, une année de polémiques et d’actions. Dominent les inquiétudes sur les « heures » et les « postes » qui pourraient être « perdus » ou sur une hypothétique impossibilité de prendre en charge de façon spécifique les élèves les plus en difficulté. Les dispositifs concrets de la réforme ne sont que très rarement évoqués spontanément.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lechec-scolaire-histoire-et-invention-dune-notion-217943">L’échec scolaire : histoire et invention d’une notion</a>
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<p>Les entretiens ne se limitant pas à la question de cette réforme, chacun est invité à relier les conceptions qu’il exprime à son expérience quotidienne. Or la mise en cohérence au sein d’un même entretien est difficile. Face aux demandes de justification et aux éventuelles objections qui leur sont soumises, les trois quarts des professeurs interrogés se contredisent ou butent sur un impensé, qui touche au cœur de l’argumentation d’un tiers d’entre eux.</p>
<p>L’enjeu de l’hétérogénéité des classes, sujet de préoccupation le plus souvent mentionné, laisse ainsi dans l’expectative les deux tiers de ceux qui s’en inquiètent. On rejoint là les enseignements de la <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/education/resultats-de-talis-2013/examen-des-pratiques-pedagogiques-et-du-climat-en-classe_9789264214293-9-fr">dernière étude TALIS</a> réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au moment de notre enquête : les enseignants français sont ceux qui, interrogés sur le bien-fondé de certains préceptes pédagogiques, ont les avis les plus partagés.</p>
<p>Un petit quart de notre échantillon affiche toutefois une réelle assurance, à la différence de la majorité des enquêtés. Ils surmontent les objections et développent des réflexions d’une grande cohérence, témoignant d’une réelle prise de recul, au point d’y ajouter des marques de progressisme politique (relatifs aux services publics ou à la lutte contre les inégalités) plus fréquemment que les autres. Or ils ne se distinguent ni par des caractéristiques d’âge, de discipline d’enseignement ou de lieu d’exercice. Leur point commun est d’être les seuls de notre échantillon à approuver franchement, dès 2016… les principes et les propositions pédagogiques de la réforme du collège.</p>
<h2>La mise en question d’un pilotage descendant</h2>
<p>Les quelques enseignants de notre échantillon qui parlent de leur métier avec le plus d’assurance sont donc ceux qui soutiennent le contenu pédagogique de la réforme du collège… mais ils participent aussi à la dénonciation de ses modalités d’application, au point que certains d’entre eux ont rejoint les grèves du printemps 2015. On ne peut donc s’arrêter au simple constat d’une corrélation entre approbation de la réforme et capacité à mettre en cohérence valeurs affichées, conceptions du métier et pratique effective de celui-ci.</p>
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<figcaption><span class="caption">Grève contre la réforme du collège, les enseignants répondent à la ministre (SNES-FSU, 2015)</span></figcaption>
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<p>Ils se retrouvent en fait avec leurs collègues autour de la critique faisant de cette réforme une nouvelle injonction technocratique. Favorables ou non au principe des EPI, les uns et les autres déplorent unanimement leur rigidité et le fait que les activités interdisciplinaires déjà pratiquées dans leur établissement risquent de mal se couler dans leur moule. Pratiquant ou non l’évaluation par compétences, ils redoutent un alourdissement des procédures.</p>
<p>Le problème est au fond moins dans l’esprit de la réforme que dans le fait qu’elle ait déjà tout organisé dans les moindres détails, en ne prenant en compte que de façon très imparfaite ce qui a déjà été patiemment mis en place sur le terrain, qui se retrouve paradoxalement menacé par une politique allant pourtant dans le même sens.</p>
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<p>Niés dans leur autonomie professionnelle et leur capacité d’initiative par des projets affichant la prétention de maîtriser l’extrême complexité de l’acte pédagogique grâce à quelques directives organisationnelles, les enseignants interrogés se sentent renvoyés à un rôle d’exécutants.</p>
<p>Le malentendu n’est pas nouveau. Quoi qu’on pense des « groupes de niveau-matière » du <a href="https://www.cahiers-pedagogiques.com/l-ecole-unique-de-1914-a-nos-jours/">projet imaginé par Louis Legrand en 1983</a>, ou même de <a href="https://www.cafepedagogique.net/2006/10/23/le-systeme-b-a-ba-la-guerre-des-methodes/">l’interdiction périodique de la « méthode globale »</a> d’apprentissage de la lecture, les réactions que ces projets ont suscitées chez les enseignants se sont moins focalisées sur le problème pédagogique lui-même que sur le fait que le ministre, depuis son bureau, prétendait se mêler de ce qui se passait dans chaque classe.</p>
<p>L’affaire des « groupes de niveau » de Gabriel Attal est-elle si différente ? <a href="https://www.cafepedagogique.net/2024/01/30/groupes-de-niveau-revue-de-litterature-internationale/">La recherche a montré qu’un tel dispositif est généralement contre-productif</a>, mais il n’est pas impossible que dans certains établissements, la richesse d’un travail collectif prenant en compte la complexité des réalités locales ait pu donner lieu à des expériences réussies, qui incluraient, en cohérence avec d’autres dispositifs, la mise en place de groupes de travail relativement homogènes.</p>
<p>Croire qu’avec un slogan prononcé depuis la rue de Grenelle ou l’hôtel Matignon on pourrait généraliser cette réussite hypothétique relève d’attentes que la <a href="https://journals.openedition.org/rfp/4645">sociologie des organisations</a> et <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2015-4-page-185.htm">l’histoire des politiques éducatives</a> ont démenties depuis longtemps.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/creer-des-classes-de-niveau-atouts-ou-freins-a-la-reussite-des-eleves-217469">Créer des classes de niveau : atouts ou freins à la réussite des élèves ?</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Yann Forestier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment mobiliser les enseignants dans une réforme du collège ? Le débat autour des groupes de niveau montre combien la question est complexe. Une enquête sur la réforme de 2016 en éclaire les enjeux.Yann Forestier, Chercheur associé au Centre Amiénois de Recherche en Education et Formation (CAREF). Professeur agrégé d'histoire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2223372024-03-19T16:57:05Z2024-03-19T16:57:05ZInciter les filles à faire des maths : le rôle
essentiel des profs<p>En France comme en Belgique francophone, les femmes sont de nos jours <a href="https://www.ares-ac.be/fr/statistiques">plus nombreuses dans la population étudiante</a>, et davantage diplômées de l’enseignement supérieur que les hommes. Si on prend en compte <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-90566">l’ensemble des disciplines scientifiques</a>, la parité est quasi atteinte.</p>
<p>Mais, alors que les femmes sont largement majoritaires (60 % à 70 %) dans le domaine des sciences de la vie, de la santé, en médecine, en pharmacie, elles restent minoritaires (20 à 30 %) dans les domaines à forte composante mathématique, en particulier dans les formations d’ingénieurs et en informatique.</p>
<p>La situation n’a d’ailleurs guère évolué au cours de la dernière décennie. Pourquoi les jeunes femmes se détournent-elles des études en maths, sciences de l’ingénieur et technologie ?</p>
<h2>Le rôle charnière de l’enseignement secondaire dans l’orientation</h2>
<p>Un rapport récent consacré à la <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2021/01/democratisation-grandes-ecoles-depuis-milieu-annees-2000-ipp-janvier-2021.pdf">démocratisation des grandes écoles en France</a> montre qu’environ un tiers de la différence d’accès aux grandes écoles tient au fait que les filles sont surreprésentées dans les spécialisations littéraires ou économiques et sociales, qui conduisent moins aux grandes écoles que les filières scientifiques. Néanmoins, le suivi longitudinal de cohortes de collégiens et de bacheliers ne laisse aucun doute : les écarts de performances scolaires selon le genre ne contribuent aucunement à expliquer la sous-représentation des filles dans les grandes écoles et dans les formations qui y préparent.</p>
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<p>« L’analyse des différences de taux d’accès selon le genre indique au contraire que, compte tenu de leurs performances scolaires supérieures en moyenne à celles des garçons, les filles devraient en réalité accéder davantage aux grandes écoles que leurs homologues masculins »</p>
</blockquote>
<p>Les données issues de <a href="https://www.oecd.org/pisa-fr/OECD_PISA_2022_Resume-Volume-I_FR.pdf">l’enquête internationale PISA</a> mettent en évidence de faibles différences de performances en mathématiques selon le genre. Élément intéressant : à performances équivalentes avec les garçons à l’âge de 15 ans, les filles se sentent généralement moins confiantes dans leurs capacités en mathématiques, sont plus anxieuses, ont un intérêt moins prononcé pour cette discipline et en perçoivent moins l’utilité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les filles et les mathématiques (Franceinfo, 2013).</span></figcaption>
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<p>Or, selon les théories étudiant les <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/psychology/expectancy-value-theory">déterminants des aspirations scolaires et professionnelles</a>, ces composantes de la motivation jouent un rôle déterminant dans les choix d’orientation : un jeune choisit une orientation s’il pense avoir les capacités de réussir et s’il lui accorde de la valeur. Ainsi le manque de confiance dans leurs capacités pourrait conduire certaines filles à s’autosélectionner, et à ne pas envisager des études à forte composante mathématique, dont elles ne perçoivent par ailleurs pas toujours l’intérêt.</p>
<p>Les choix d’orientation sont l’aboutissement d’aspirations qui se construisent progressivement à l’école et en dehors de celle-ci. On peut à cet égard s’intéresser à ce que vivent les jeunes dans leur scolarité obligatoire pour mieux comprendre les disparités observées et identifier des leviers potentiels bénéfiques pour l’orientation des filles vers les mathématiques et les sciences et technologies.</p>
<h2>Des leviers pédagogiques pour favoriser l’orientation vers les mathématiques</h2>
<p>De manière générale, la motivation pour les mathématiques a tendance à diminuer tout au long de la scolarité avec un déclin particulièrement marqué dans l’enseignement secondaire. Par ailleurs, les attitudes envers les mathématiques sont elles-mêmes influencées par le contexte, au premier rang duquel figurent l’école et l’enseignement qui y est dispensé.</p>
<p>En particulier, les attitudes et les comportements des professeurs de mathématiques peuvent jouer un rôle majeur dans l’orientation future des élèves vers cette discipline. De nombreuses recherches ont mis en évidence que certains professeurs de mathématiques entretiennent, souvent inconsciemment, des attentes académiques moins élevées envers les filles, mais développent aussi des comportements différenciés envers les filles et les garçons. Ces comportements peuvent toucher aussi bien les aspects cognitifs (choix des tâches, des questions…) que socio-émotionnels (feedbacks positifs ou négatifs) de la relation maitre-élève.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-reforme-du-lycee-eloigne-les-filles-des-maths-et-des-sciences-224773">Comment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences</a>
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<p>C’est ce qu’éclaire une étude portant sur 1091 élèves de 5<sup>e</sup> secondaire (équivalent de la classe de première en France) et 777 élèves de 6<sup>e</sup> secondaire (équivalent de la terminale) en Belgique francophone. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2020-3-page-31.htm">Cette enquête à caractère quantitatif</a> a eu recours à différents modèles statistiques pour tenter d’identifier les variables motivationnelles et pédagogiques qui agissent le plus sur les <a href="https://journals.openedition.org/osp/13437">aspirations aux études et carrières mathématiques</a>.</p>
<h2>Motiver les élèves par des applications concrètes des maths</h2>
<p>Un premier facteur consiste à promouvoir un enseignement des mathématiques pertinent, qui permet aux jeunes de saisir l’utilité future de ce qu’ils apprennent. Concrètement, lorsque l’élève perçoit que son professeur pose des questions et propose des exercices ou des problèmes qui ont du sens, qu’il explique pourquoi certains points de matière sont importants, il est plus enclin à s’y orienter.</p>
<p>Les contenus mathématiques enseignés en fin de secondaire peuvent bien souvent paraitre formels et « purement mathématiques ». Le rôle de l’enseignant est d’élargir les perspectives des élèves en les aidant à développer une vision plus riche de l’utilisation des mathématiques et de leur importance dans la société actuelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maths-pour-les-garcons-le-francais-pour-les-filles-comment-les-stereotypes-de-genre-se-perpetuent-a-lecole-202392">Les maths pour les garçons, le français pour les filles ? Comment les stéréotypes de genre se perpétuent à l’école</a>
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<p>Le choix des contextes d’application des mathématiques n’est pas non plus anodin : en montrant aux élèves que cette discipline peut déboucher sur des applications concrètes, impliquer un travail d’équipe et jouer un rôle sociétal, on la rend plus attractive aux yeux des filles qui cherchent des carrières tournées vers l’humain (prônant la collaboration, l’altruisme), tout en déconstruisant l’image reçue selon laquelle les mathématiques sont déconnectées de ces valeurs.</p>
<h2>Inciter les élèves à relever des défis</h2>
<p>Les environnements d’apprentissage stimulants d’un point de vue cognitif, tant par les tâches proposées que par les interactions sociales, constituent aussi un atout pour favoriser l’orientation future des jeunes vers les mathématiques. Ce genre d’approche contribue à déconstruire l’image de la fameuse « bosse des maths ». Proposer à tous les élèves des tâches mathématiques ambitieuses en les aidant à persévérer, c’est envoyer le message positif qu’ils peuvent tous y arriver, y compris les filles.</p>
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<p>Enfin, l’étude met en évidence l’importance, pour les aspirations futures des filles, de développer une image positive de leurs propres compétences en mathématiques. À ce sujet, le professeur de mathématiques a un rôle important à jouer : s’il soutient les filles en soulignant leurs capacités, celles-ci gagnent en confiance et envisagent davantage une orientation vers des études à composante mathématique.</p>
<p>Leur confiance et leur intérêt pour le domaine seraient aussi particulièrement renforcés lorsqu’un soutien d’ordre pédagogique (avec des rétroactions régulières sur les apprentissages) leur est proposé plutôt qu’un soutien plus psychologique, qui se limite parfois à une simple bienveillance, voire à une forme de condescendance que les filles perçoivent très bien. Selon les comportements qu’ils adoptent en classe et le style d’interventions mis en œuvre, les enseignants peuvent aider les jeunes filles à surmonter leurs craintes ou réticences à entamer des études à forte composante mathématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Doriane Jaegers a reçu des financements du F.R.S.-FNRS (Fonds de la Recherche Scientifique en Belgique)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Lafontaine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En maths, à performances égales, les filles ont moins confiance en elles que les garçons, ce qui influence leurs choix d’orientation. Mais certains ajustements de pédagogie peuvent changer la donne.Doriane Jaegers, Docteure en sciences de l'éducation, Université de LiègeDominique Lafontaine, Professeure en sciences de l'éducation, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2237542024-03-10T16:47:36Z2024-03-10T16:47:36ZDémissions d’enseignants : une question qui reste taboue<p>Qui veut encore devenir prof ? La question alimente le débat public sur l’éducation. Alors que les médias mettent régulièrement en évidence les <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/education-il-manque-des-enseignants-partout_6042710.html">difficultés à recruter des enseignants</a>, un autre phénomène, tout aussi préoccupant, reste souvent sous-estimé : celui des démissions de personnels en poste dans l’Éducation nationale.</p>
<p>Bien que ces démissions restent à un niveau relativement modéré par rapport à l’effectif total d’enseignants en France, <a href="https://www.senat.fr/rap/l23-128-314/l23-128-3141.pdf">elles sont en constante augmentation</a> : leur nombre a été multiplié par quatre en l’espace de dix ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/declassement-manque-de-reconnaissance-ces-enseignants-qui-veulent-changer-de-metier-176293">Déclassement, manque de reconnaissance… ces enseignants qui veulent changer de métier</a>
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<p>Les raisons en sont multiples et diverses, allant de l’alourdissement de la charge de travail – en particulier des tâches bureaucratiques – à l’émergence de nouvelles responsabilités, telles que la différenciation pédagogique et <a href="https://theconversation.com/quel-regard-les-enseignants-portent-ils-sur-lecole-inclusive-170418">l’accueil des élèves en situation de handicap</a>. Ceci dans un contexte de contraintes financières et de pressions liées aux réformes de la nouvelle gestion publique comme l’ont montré la <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2019-1-page-119.htm?contenu=article">chercheuse Magali Danner et ses co-autrices</a>. Le manque de reconnaissance et de soutien ainsi que des <a href="https://theconversation.com/salaires-des-profs-un-travail-invisible-a-prendre-en-compte-177034">salaires</a> jugés insuffisants contribuent à cette tendance.</p>
<p>Au-delà des motifs de découragement et de démissions, que sait-on de ces démarches de transition professionnelle ? Comment l’institution réagit-elle ? Vers qui les enseignants se tournent-ils pour envisager ces changements ?</p>
<h2>Les obstacles aux démissions enseignantes</h2>
<p>On pourrait croire que la mise en place des ruptures conventionnelles dans le secteur à partir de 2020 a facilité la sortie du métier d’enseignant. Cependant, les premières données révèlent une réalité différente. <a href="https://paris.sgen-cfdt.fr/actu/rupture-conventionnelle-premier-bilan-pour-2020-au-sein-de-leducation-nationale-2/">Un premier bilan des syndicats</a> sur les ruptures conventionnelles de l’année 2020, indique que près de 80 % des demandes ont été refusées.</p>
<p>Celles qui ont été acceptées provenaient essentiellement de trois académies : Montpellier, Bordeaux et Aix-Marseille, réputées pour ne pas être en tension. Par conséquent, les enseignants travaillant dans les académies les plus déficitaires et aux conditions de travail réputées les plus difficiles ont moins de chances de voir leur demande de rupture conventionnelle acceptée, ce qui accentue les disparités entre les régions.</p>
<p>De la même manière, les démissions simples <a href="https://www.bfmtv.com/societe/education/ces-profs-qui-ne-parviennent-pas-a-quitter-l-enseignement_AN-202309170053.html">sont susceptibles d’être refusées par l’administration</a> en raison de la nécessité de service. <a href="https://www.europe1.fr/societe/education-nationale-pourquoi-les-profs-obtiennent-rarement-une-rupture-conventionnelle-4130032">Un motif qui sert souvent de justification à cette décision</a> – le nombre de demandes de démissions refusées chaque année n’est à ce jour pas connu.</p>
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<figcaption><span class="caption">Entre manque de considération, salaires bas et pression, de plus en plus d’enseignants décident de quitter le navire. (Le Parisien, 2022).</span></figcaption>
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<p>Les enseignants désirant quitter la profession se heurtent souvent au manque de ressources, tant en termes d’information que de soutien humain, au sein de l’Éducation nationale. Par exemple, les informations sur les démissions sur les sites officiels sont plutôt succinctes. De plus, selon les académies, il peut être difficile de se procurer les circulaires relatives à l’Indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) et les services des ressources humaines de proximité <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/education-nationale-on-ne-va-pas-dans-le-bon-sens-monsieur-le-prof-figure-des-reseaux-sociaux-jette-l-eponge-2769742.html">peuvent prendre plusieurs mois pour répondre à leurs demandes</a>.</p>
<p>Cette situation témoigne en partie de la position de l’institution sur la sortie du métier. La question demeure taboue, les responsables politiques tendant à minimiser le phénomène. L’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, avait avancé l’idée selon laquelle <a href="https://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ170800957&idtable=q335422%7Cq331133%7Cq324257%7Cq360452%7Cq417062%7Cq402127%7Cq324091%7Cq429087%7Cq324745%7Cq425052">l’évolution des démissions</a> serait peu significative et corrélée aux variations du nombre de postes ouverts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-devenir-enseignant-cest-accepter-un-declassement-social-212206">Quand devenir enseignant, c’est accepter un déclassement social</a>
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<p>Selon cette perspective, une hausse des recrutements dans l’Éducation nationale se traduirait par une augmentation proportionnelle des démissions. Cependant, dans les faits, rien ne prouve que cette affirmation soit exacte, car l’Éducation nationale peine aujourd’hui à recruter, et le <a href="https://journals.openedition.org/lectures/22587">« malaise enseignant »</a> est aujourd’hui bien documenté dans la littérature scientifique.</p>
<h2>Des groupes d’entraide sur les réseaux sociaux</h2>
<p>C’est probablement pour toutes ces raisons que les enseignants se tournent de plus en plus vers d’autres espaces, notamment des <a href="https://www.theses.fr/2023BORD0364">groupes d’entraide sur les réseaux sociaux et les forums</a>. L’un des plus importants, créé en 2015, compte plus de 33 000 membres début 2024 (nous n’indiquons pas son nom pour préserver l’anonymat de ses membres).</p>
<p>Ces groupes sont le lieu, notamment de :</p>
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<li><p>demandes d’aide concernant les aspects techniques du changement de métier, comme l’obtention d’une disponibilité, d’un détachement ou d’une rupture conventionnelle, d’information sur les concours permettant de changer de voie et leurs modalités, etc.</p></li>
<li><p><a href="https://www.quitterlenseignement.org/">retours d’expériences</a> de personnes ayant franchi le pas, décrivant comment elles ont vécu leur reconversion et quelles sont leurs conditions de travail actuelles ;</p></li>
<li><p>témoignages de difficultés rencontrées dans le métier, destinés à montrer à ceux qui les vivent qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation et à leur apporter du réconfort et des encouragements.</p></li>
</ul>
<p>En plus des échanges, <a href="https://pur-editions.fr/product/9786/en-quete-d-enseignants">ces groupes très actifs</a> partagent également une série de fichiers (dans un onglet dédié), tels que des CV, des exemples de lettres de démission, des documents juridiques (IDV, nécessité de service, etc.), des tableaux Excel permettant de calculer le montant des indemnités de départ en cas de rupture conventionnelle, des descriptions de postes concernant différents métiers, etc.</p>
<h2>L’apparition de prestataires de services…</h2>
<p>Parallèlement, un autre type de ressource émerge dans l’accompagnement des enseignants désireux de démissionner, apparu depuis le milieu des années 2000 : il s’agit de sites que nous qualifions de commerciaux car, contrairement aux groupes d’entraide, ils proposent des prestations de service moyennant un coût financier.</p>
<p>On en recense une vingtaine sur le Web, parmi lesquels une association se distingue, proposant un accompagnement personnalisé à la démission et à la reconversion. Elle fonctionne sur la base d’une cotisation unique assortie de prestations payantes (réinvestis dans l’association), telles que l’assistance pour lever la nécessité de service, ou l’aide à la création d’entreprise, et s’appuie sur un réseau étendu comprenant de hauts fonctionnaires, des hommes politiques, des chercheurs, des journalistes et d’anciens enseignants reconvertis.</p>
<p>D’autres <a href="https://www.prof-et-ensuite.fr/blog-prof/">prestataires</a> en ligne se concentrent principalement sur des services comme le bilan de compétences, largement reconnu comme une <a href="https://shs.hal.science/halshs-03243110/">étape essentielle</a> de la reconversion professionnelle. La durée du bilan de compétences est variable selon les besoins du bénéficiaire, mais ne dépasse généralement pas 24 heures, et son coût moyen varie entre 1 200 euros et 1 800 euros selon les prestataires recensés. Ou encore sur le coaching en outplacement, héritage, <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-de-psychosociologie-2022-2-page-171.htm">selon certains chercheurs</a>, « du nouvel esprit capitaliste ».</p>
<p>La présence croissante de ces prestataires indique le développement d’un véritable marché autour de la démission et de la reconversion enseignante.</p>
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<p>En définitive, le pilotage de la problématique de la démission enseignante semble avoir été laissé entre les mains d’acteurs extérieurs à l’institution, malgré des points de vue convergents avec certains d’entre eux sur la gestion de carrière des enseignants, en accord avec les récentes évolutions législatives (mise en place de la rupture conventionnelle et élargissement des possibilités de recrutement de contractuels). Voilà qui rappelle les propos de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye <a href="https://twitter.com/Ithyphallique/status/1594272414724145161">dans une interview en 2022</a>.</p>
<blockquote>
<p>« On n’entre plus dans le métier pour que ça se termine par un pot de retraite 40 ans plus tard » […] On veut pouvoir être enseignant 10 ans et puis faire autre chose. »</p>
</blockquote>
<p>L’augmentation des démissions enseignantes et l’apparition de nouveaux acteurs dans leur accompagnement remettent en question les normes établies concernant les entrées et sorties de la profession, et suscitent des interrogations sur la nature et l’efficacité de cet accompagnement. Comment concilier cette nouvelle flexibilité des trajectoires professionnelles avec la gestion de la carrière enseignante ? Ces questions exigent une réflexion approfondie sur les politiques éducatives et les pratiques de ressources humaines afin d’assurer un accompagnement tout au long de la carrière des enseignants, en réponse aux défis et aux évolutions du monde de l’éducation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223754/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Croizier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors qu’on parle souvent des difficultés à recruter des enseignants, un autre phénomène, tout aussi préoccupant, reste sous-estimé : celui des démissions de personnels de l’Éducation nationale.Camille Croizier, Docteure en Sciences de l'éducation, attachée temporaire d'enseignement et de recherche, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204322024-02-05T15:11:38Z2024-02-05T15:11:38ZÉcole inclusive : entre soignants et enseignants, une coordination à renforcer<p>Qu’ils soient en situation de handicap ou pas, tous les <a href="https://www.tousalecole.fr/content/besoins-educatifs-particuliers-identification">élèves</a> ayant des <a href="https://www.tousalecole.fr/content/besoins-educatifs-particuliers-identification">besoins particuliers</a> se trouvent au croisement de plusieurs environnements : l’école, la famille et, pour certains, les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux.</p>
<p>Pour garantir de bonnes conditions d’accès aux savoirs, il convient de créer des liens de <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/partenariat">partenariat</a> entre les acteurs internes et externes à l’école, ce qui favorise le partage d’expériences. Il s’agit de trouver un langage commun et de négocier une action conjointe pour mieux soutenir le projet scolaire des élèves.</p>
<p>En effet, de nombreux facteurs peuvent contribuer à entraver les apprentissages d’un élève tels que l’évolution de son état de santé, de sa situation familiale, sociale. Le statut des différents adultes (enseignant, parent, éducateur, soignants) va aussi impacter les interactions avec les élèves, chacun parlant de sa perspective propre.</p>
<h2>Une approche écologique pour comprendre les situations vécues par les élèves</h2>
<p>L’environnement dans lequel évolue chaque individu impacte son développement et ses manières d’agir. C’est ce que suppose la <a href="https://nospensees.fr/la-theorie-ecologique-de-bronfenbrenner/">théorie écologique du psychologue et chercheur Bronfenbrenner</a>. Ainsi, lorsqu’on veut favoriser l’accessibilité des savoirs à l’école, il faut d’abord s’intéresser aux <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-philosophie-2008-3-page-313.htm">contextes</a> dans lesquels apparaissent des <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-philosophie-2008-3-page-313.htm">situations</a> nécessitant des aménagements. Par exemple, la localisation de l’établissement scolaire peut être importante (zone rurale, urbaine, collège situé en réseau d’éducation prioritaire).</p>
<p>Cette démarche permet de mieux comprendre les spécificités des interactions entre les élèves et leur environnement. Chaque établissement scolaire s’inscrit aussi dans une histoire et, depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000509314/">loi du 10 juillet 1989</a>, dans un projet d’établissement. Tous ces éléments de contexte vont avoir un impact sur les échanges entre les enseignants et leurs élèves.</p>
<p>Enfin, une situation d’enseignement peut être comprise comme une représentation de la vie quotidienne d’un enseignant et d’un élève qui vont chacun adopter des comportements que l’autre va interpréter et qui vont influencer leurs manières d’être et d’agir dans la situation, nous dit le <a href="https://www.cairn.info/la-sociologie-de-erving-goffman--9782707142023-page-3.htm">sociologue Erwing Goffman</a>.</p>
<p>Ces interactions mettent en jeu ces acteurs et vont se dérouler au sein de <a href="https://www.philippeclauzard.fr/2018/11/focus-sur-les-situations-didactiques.html">situations didactiques</a> créées pour transmettre des connaissances et aider l’élève à apprendre. Une situation n’est donc pas figée puisqu’elle est appelée à se transformer comme le montre Benasayag avec la <a href="http://philo-analysis.over-blog.com/2019/09/notes-de-lecture-miguel-benasayag-le-mythe-de-l-individu-la-decouverte-1998.html">théorie de la situation</a> et s’inscrit donc dans une réalité concrète.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’intégration des enfants handicapés dans le système scolaire (Franceinfo/INA, 2019).</span></figcaption>
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<p>Un enseignant qui cherche à aménager ses pratiques pédagogiques va opérer une <a href="https://gil-conflit.over-blog.org/2020/01/william-isaac-thomas-1863-1947-ecole-de-chicago.html">définition de la situation</a> en pensant aux actions qu’il souhaite mener pour favoriser <a href="https://handicap.gouv.fr/accessibilite-universelle">l’accessibilité</a>.</p>
<p>Cette approche écologique de l’éducation inclusive nous amène à considérer que le développement d’un élève en situation de handicap dépend de facteurs liés à son environnement scolaire. Or, les élèves en situation de handicap se situent au croisement de plusieurs environnements comme leurs pairs mais avec des besoins supplémentaires, qui nécessitent d’interagir aussi avec l’environnement du <a href="http://cairn.info/revue-etudes-2010-12-page-631.htm">care</a>.</p>
<p>C’est pourquoi la question du partenariat entre les acteurs internes et externes à l’école se pose afin d’analyser les situations d’interaction entre un élève en situation de handicap et son enseignant et de répondre au plus près aux besoins d’aménagement tout en développant l’accessibilité à l’école.</p>
<h2>Agir ensemble, pour quels objectifs ?</h2>
<p>Les élèves avec des besoins particuliers interagissent avec plus ou moins d’environnements en fonction des situations. Lorsqu’ils sont à l’école, ils peuvent rencontrer des obstacles, qui peuvent s’expliquer en partie par des facteurs externes. C’est pourquoi il est nécessaire d’articuler les actions de chaque professionnel intervenant auprès d’eux avec celles des professionnels de l’école.</p>
<p>Cette manière de penser les situations vécues par les élèves à l’école a pour but d’éviter les malentendus et les obstacles liés notamment à l’utilisation du langage et à la culture des acteurs. « Le sens d’un mot ne dépend pas de sa signification mais de son usage » disait ainsi le philosophe <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/livres-expositions/wittgenstein-le-penseur-le-plus-singulier-du-XXe-si%C3%A8cle-1212300">Ludwig Wittgenstein</a>. Par exemple, l’interprétation du comportement d’un élève en classe dans une situation d’enseignement pourra être comprise de plusieurs manières en fonction des acteurs et implique un travail de partenariat.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Prenons l’exemple, de Lucas, 16 ans. Il prépare un CAP et bénéficie d’aménagements pédagogiques compte tenu de troubles du comportement dans certaines situations qui l’entravent dans ses apprentissages. En parallèle, il bénéficie d’un suivi dans un établissement spécialisé. La question s’est donc posée de savoir comment permettre à ce garçon de s’apaiser quand il est trop en tension.</p>
<p>Une rencontre entre les partenaires a alors permis d’évoquer le besoin de « sas » pour lui permettre de décompresser (autrement dit, un lieu identifié pour se récupérer). Ce terme est particulièrement intéressant car il dépasse les interprétations éducatives ou soignantes des adultes en lien avec lui pour être utilisé de manière transversale dans les espaces (de l’école, de la famille, du « care ») avec le même sens.</p>
<h2>Partenariats ou collaborations ?</h2>
<p>Le <a href="https://ien-bobigny2ash.circo.ac-creteil.fr/spip.php?article91">Pôle inclusif d’accompagnement localisé</a> (PIAL) pourrait aussi être un espace adapté pour mettre en œuvre un <a href="https://www.cafepedagogique.net/2022/08/17/dominique-momiron-que-faudrait-il-pour-que-lecole-soit-vraiment-inclusive/">partenariat inclusif</a> car il permet une collaboration entre des enseignants spécialisés, des AESH (Accompagnants d’elèves en situation de handicap) et des éducateurs spécialisés.</p>
<p>La Haute autorité de santé (HAS) encourage également la création de liens plus étroits entre les acteurs du soin et de l’éducation et l’école au sein de la communauté éducative afin de mettre en œuvre des <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-10/synthese_rbpp_parcours_scolaires_vd.pdf"><em>actions partagées</em></a> autour de plusieurs axes : aider l’enfant à être acteur de sa scolarité, impliquer les parents dans la scolarité de l’enfant. Ce partenariat peut prendre plusieurs formes et sa réussite implique un engagement de tous les acteurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lecole-inclusive-peut-elle-profiter-a-tous-les-eleves-129830">L’école inclusive peut-elle profiter à tous les élèves ?</a>
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<p>L’<a href="https://www.ac-reims.fr/qu-est-ce-qu-une-equipe-de-suivi-de-scolarisation-121604">Équipe de suivi de scolarisation</a> (ESS) est un autre exemple d’espace de travail entre partenaires. Elle regroupe toutes les personnes qui participent à la mise en œuvre du Projet personnalisé de scolarisation (PPS) d’un élève en situation de handicap : les parents, le professeur principal, la Conseillère principale d’éducation (CPE) mais aussi des acteurs externes à l’école en fonction des situations et des besoins, qui interviennent dans le champ social, médico-social ou sanitaire.</p>
<p>Mais faut-il parler davantage de partenariat ou de collaboration ? Deux approches sont possibles : distinguer ces deux notions en parlant de <a href="https://www.versunecoleinclusive.fr/wp-content/uploads/2016/02/Partenariat.pdf">« partenariat entre professionnels » et de « collaboration entre enseignants et parents »</a> ou considérer que ces deux notions se complètent dans la mise en œuvre de l’école inclusive. Mais un contexte d’école inclusive n’empêche pas forcément certaines limites (des contraintes organisationnelles qui s’imposent à l’école ou encore un manque de confiance et de l’incompréhension dans les relations parents/école).</p>
<p>Il est donc essentiel de développer un <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rse/2018-v44-n1-rse04136/1054160ar/">« agir ensemble »</a> car le partenariat est un élément clé au cœur du projet d’école inclusive. Il nécessite la mise en commun des expertises entre les différents acteurs ou la réalisation d’actions conjointes négociées.</p>
<p>Le développement de l’accessibilité à l’école est une réalité concrète impliquant de nombreux acteurs internes à l’école mais aussi externes comme des institutions sociales, médico-sociales et sanitaires. En effet, les besoins d’aménagements sont multiples et étroitement liés à des situations spécifiques. C’est pourquoi il est utile de penser le partenariat en prenant appui sur la <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-pensee-complexe-dedgar-morin-apporte-a-leducation-212999">pensée complexe promue par Edgar Morin</a>, c’est-à-dire « ce qui est tissé ensemble ».</p>
<p>Cette démarche implique de penser les contradictions et les complémentarités mais aussi de considérer que tous les acteurs (école, élèves, parents, professionnels du care) produisent l’école inclusive qui elle-même produit les acteurs. Enfin, un tel travail de liaison contribue à façonner des représentations d’une école véritablement inclusive tout en reconnaissant la place de chacun.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/accueil-et-pedagogie-ou-lecole-inclusive-en-est-elle-en-france-187733">Accueil et pédagogie : où l’école inclusive en est-elle en France ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/220432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Anjard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour mieux répondre aux besoins des élèves en situation de handicap, il importe de prendre en compte les recommandations de tous les professionnels qui l’accompagnent.Jean-Yves Anjard, Docteur en sciences de l'éducation et de la formation, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2220692024-02-01T14:57:28Z2024-02-01T14:57:28ZLa peur aide-t-elle à apprendre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/571586/original/file-20231030-25-tocxly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C998%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Confrontés à des situations qui les effraient, les enfants apprennent à se méfier des nouvelles expériences.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Beaucoup d’entre nous gardent un souvenir cuisant de jours où ils se sont fait disputer par un parent ou un enseignant. Les expériences auxquelles se mêle la peur s’impriment souvent dans notre mémoire. Il est essentiel en effet de se rappeler des situations douloureuses pour tenter de les éviter dans le futur. Il s’agit d’une réaction favorable à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10832548/">notre survie</a>.</p>
<p>Ce lien étroit entre peur et mémoire pourrait nous amener à penser que la peur favorise les apprentissages. La recherche montre cependant qu’elle peut avoir des <a href="https://www.nature.com/articles/s44159-023-00156-1">conséquences négatives à long terme</a> pour les enfants comme pour les adultes, et rendre l’apprentissage plus difficile.</p>
<p>Alors comment apprenons-nous et qu’apprenons-nous quand nous avons peur ? Voici les réponses que nous apporte la recherche.</p>
<h2>Comment la peur affecte les apprentissages des enfants</h2>
<p>La peur est conçue pour nous protéger contre les <a href="https://www.nature.com/articles/s44159-023-00156-1">dangers actuels et futurs</a>. Confrontés à des situations qui les effraient, les enfants apprennent à éviter de nouvelles expériences au lieu d’explorer, de s’engager et d’aborder l’inconnu avec curiosité.</p>
<p>Une exposition constante à la peur modifie la façon dont le cerveau réagit au monde extérieur. La peur déclenche une <a href="https://www.jstor.org/stable/40971979">réaction de stress dans le cerveau</a> et le met en état d’alerte ; elle nous rend hyperréactifs pour répondre de manière décisive aux menaces qui se présentent.</p>
<p>Cette attitude peut être bienvenue si vous vous retrouvez par exemple face à l’agressivité d’une personne inconnue. Mais elle n’a rien de productif dans un environnement d’étude comme l’école, où l’on nous demande justement d’être ouverts à de nouvelles expériences et de créer des solutions innovantes.</p>
<p>En fait, les zones du cerveau activées lorsque nous avons peur sont différentes de celles que nous utilisons lorsque nous réfléchissons attentivement <a href="https://www.annualreviews.org/doi/full/10.1146/annurev-psych-010814-015221">à la manière d’aborder un problème délicat</a>. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4774859/">Des recherches</a> ont montré que, lorsque nous sommes dans un état de peur, les parties les plus primitives du cerveau prennent le relais de l’activité du cortex préfrontal, le « centre de contrôle » du cerveau.</p>
<p>Cela signifie qu’il est très difficile de faire des prévisions, de prendre des décisions judicieuses et d’utiliser nos connaissances existantes si nous nous sentons menacés ou effrayés.</p>
<h2>La peur se transmet des adultes aux enfants</h2>
<p>Les adultes jouent un rôle essentiel dans la façon dont les enfants vont réagir à la peur. Leur comportement face à des situations inconnues sert de modèle aux plus jeunes. Ils créent également (ou pas) des environnements sûrs qui favorisent l’exploration des enfants.</p>
<p>La peur s’apprend facilement par l’intermédiaire des adultes qui comptent dans la vie de l’enfant. Des études ont ainsi montré que les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0005796701000134">tout-petits</a> et les <a href="https://psycnet.apa.org/record/2008-01363-018?doi=1">enfants d’âge scolaire</a> apprennent à éviter les nouvelles expériences si leurs parents communiquent ou montrent des signes de peur à cet égard.</p>
<p>Pensez, par exemple, à la façon dont un enfant peut apprendre à craindre les animaux en voyant les réactions de ses parents. Ou, par exemple, à la façon dont les avertissements constants comme <a href="https://theconversation.com/stand-back-and-avoid-saying-be-careful-how-to-help-your-child-take-risks-at-the-park-212969">« Fais attention ! »</a> peuvent finir par rendre un enfant trop anxieux pour prendre des risques pour jouer, grimper aux arbres…</p>
<p>Les comportements des adultes influencent également le degré de sécurité intérieure que ressentent les enfants et qui leur permet d’oser être eux-mêmes et d’explorer le monde en toute confiance.</p>
<p>Les études sur les comportements des parents montrent de manière systématique qu’une parentalité impliquant des agressions physiques et verbales est associée à de <a href="https://bmcpsychology.biomedcentral.com/articles/10.1186/s40359-023-01046-0">moins bonnes performances chez les enfants</a>, incluant des résultats scolaires insuffisants, des niveaux d’agression et d’anxiété plus élevés, des relations médiocres avec les pairs.</p>
<p>La <a href="https://ejop.psychopen.eu/index.php/ejop/article/view/2013">situation s’inverse totalement</a> lorsque les parents, tout en donnant des règles et des limites, sont <a href="https://ejop.psychopen.eu/index.php/ejop/article/view/2013">chaleureux et encouragent l’autonomie</a>.</p>
<p>Les enseignants peuvent jouer également un rôle essentiel dans le développement de réactions de peur. Les élèves sont plus susceptibles d’être motivés et d’avoir une scolarité qui marche si les enseignants sont <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-44922-001">« favorables à l’autonomie »</a>, ce qui implique d’être curieux et ouvert par rapport aux intérêts des élèves, de solliciter leur point de vue et leur proposer des choix, d’accepter toute une gamme d’émotions, de la frustration, la colère ou la réticence au jeu jusqu’à la joie et la curiosité.</p>
<h2>Les effets de la peur sur les apprentissages à l’âge adulte</h2>
<p>Parmi les personnes qui souffrent d’anxiété à l’âge adulte, nombreuses sont celles qui ont été exposées dans leur enfance à des environnements où elles se sont senties <a href="https://www.aztrauma.org/wp-content/uploads/2018/02/Adverse-learning-experiences-in-childhood-may-affect-the-ability-to-learn-through-the-lifespan.pdf">constamment menacées</a>.</p>
<p>Ces adultes peuvent finir par éviter d’assumer de nouvelles tâches, envisageant sans cesse de nouvelles questions et multipliant les points de vue. Ce sont là des compétences que les employeurs apprécient généralement.</p>
<p>Les environnements de travail qui créent de la peur peuvent également être contre-productifs et stressants.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/557631/original/file-20231106-21-9va95c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un patron qui fait régner la peur dans un open space" src="https://images.theconversation.com/files/557631/original/file-20231106-21-9va95c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557631/original/file-20231106-21-9va95c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557631/original/file-20231106-21-9va95c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557631/original/file-20231106-21-9va95c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557631/original/file-20231106-21-9va95c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557631/original/file-20231106-21-9va95c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557631/original/file-20231106-21-9va95c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les environnements de travail qui créent de la peur peuvent également être contre-productifs et stressants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/cropped-shot-unhappy-senior-boss-standing-452661235">Shutterstock</a></span>
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<p>La recherche suggère que lorsque les employés perçoivent leur environnement de travail comme dangereux, ils sont plus susceptibles de souffrir <a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/18/5/2294">d’épuisement professionnel, d’anxiété et de stress</a>. Les situations stressantes peuvent également interférer avec notre capacité à <a href="https://www.nature.com/articles/npjscilearn201611">transférer ce que nous savons à de nouvelles situations</a>.</p>
<p>Par ailleurs, les chercheurs affirment qu’une relation de confiance entre les employés et leurs supérieurs peut influencer la propension des travailleurs à révéler leur vulnérabilité et <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/smj.3051">à accepter des tâches</a> qui <a href="https://psycnet.apa.org/record/2005-15746-011">impliquent de l’incertitude</a>.</p>
<p>Les chercheurs ont également constaté que des relations positives au travail peuvent encourager la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.2189/asqu.2005.50.3.367">créativité</a>, ce qui rend les missions plus intéressantes et plus agréables.</p>
<h2>Qu’apprenons-nous quand nous avons peur ?</h2>
<p>La peur s’accompagne bel et bien d’apprentissages. La question est de savoir de quoi il s’agit.</p>
<p>Face aux menaces et à l’hostilité, nous apprenons à éviter les défis et à nous conformer aux règles extérieures au lieu de nous demander comment améliorer les systèmes. Nous protégeons nos sentiments et limitons nos pensées aux domaines qui nous semblent sûrs.</p>
<p>Est-ce le type d’apprentissage qui nous permet de grandir et d’évoluer ?</p>
<p>Plus que jamais, les enfants et les adultes doivent collaborer de manière créative pour résoudre des problèmes difficiles. Cela signifie qu’il faut être capable d’affronter l’incertitude et d’accepter de faire des erreurs ou d’échouer. Développer ces compétences nécessite des environnements sûrs et stimulants, et non des environnements familiaux, scolaires ou professionnels régis par la peur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deborah Pino Pasternak a reçu des financements de l'Australian Research Council.</span></em></p>Il existe un lien étroit entre peur et mémoire. Faut-il en déduire que cette émotion peut aider à apprendre ? La recherche nous montre au contraire qu’elle a des conséquences négatives à long terme.Deborah Pino Pasternak, Associate Professor in Early Childhood Education and Community, University of CanberraLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207332024-01-16T16:20:42Z2024-01-16T16:20:42ZUne école en « transition numérique », vraiment ?<p>Lorsqu’elle augmente brusquement, la fréquence d’utilisation de certains termes dans les discours politiques et institutionnels constitue une alerte significative pour identifier des prêts-à-penser et une invitation à les déconstruire.</p>
<p>Le numérique scolaire n’échappe pas à ces « buzzwords » et l’on se souvient pêle-mêle de l’enseignement assisté par ordinateur, de l’interactivité et de l’e-learning des années 1980. Puis, dans les années 2000, on a plutôt parlé de numérique, plus récemment de l’hybridation. Aujourd’hui, ce sont <a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">l’intelligence artificielle</a> et la réalité virtuelle qui sont sur le devant de la scène.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-pourquoi-le-numerique-doit-sapprendre-a-lecole-149801">Débat : Pourquoi le numérique doit s’apprendre à l’école</a>
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<p>Deux expressions ont acquis ces dernières années une place de choix dans le lexique des politiques publiques de l’éducation comme dans celui de tous les acteurs de l’éducation : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-numerique-27801">« transition numérique »</a> et « écosystèmes d’innovation », les deux étant souvent mobilisés conjointement. Ainsi, les institutions scolaires et universitaires seraient-elles engagées dans une transition numérique s’appuyant largement sur la dynamique d’écosystèmes le plus souvent territorialisés et favorables à l’innovation.</p>
<p>Bien que cette assertion puisse sembler évidente, elle mérite d’être confrontée d’une part à la littérature scientifique et d’autre part aux réalités de terrain. C’est à cette mise en perspective que les différents partenaires du <a href="https://techne.labo.univ-poitiers.fr/gtnum5-reve/">projet REVE</a>, soutenu par la direction du numérique pour l’éducation du ministère de l’Éducation nationale, ont travaillé entre janvier 2021 et décembre 2023. Et c’est en grande partie sur la base de leurs travaux que cet article a été rédigé.</p>
<h2>Transition numérique de l’école : fixer des objectifs clairs</h2>
<p>D’un point de vue conceptuel, la mobilisation de l’expression « transition numérique » est moins simple qu’il n’y paraît à la première lecture. Si l’on en reste à une définition classique, la transition est un processus, plus ou moins continu, qui caractérise l’évolution d’un système entre deux états stables.</p>
<p>Pourtant, s’agissant de l’évolution des institutions éducatives en lien avec le numérique, il semble aujourd’hui bien difficile d’identifier ce que pourrait ou devrait être l’état stable auquel parvenir, ni à quelle échéance, en encore moins la trajectoire pour y parvenir. Sans cet horizon, la transition change de nature.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JulbY2jSWXQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Interview de Claudio Cimelli, directeur du Numéri’Lab, sur la place de l’intelligence artificielle à l’école (Éducation France, 2018).</span></figcaption>
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<p>On peut formuler l’hypothèse que le recours au concept de transition témoigne alors davantage d’une idéologie latente qui légitime l’accroissement continu des usages et des enjeux du numérique dans les champs de l’éducation et de la formation, sans pour autant être en mesure de l’inscrire dans des transformations aux finalités explicites.</p>
<p>On peut aussi fléchir le concept de transition pour l’envisager soit de façon rétrospective où la transition permet d’appréhender le chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui, soit de façon prospective où le principe et le projet de changement font office d’horizon. On peut aussi y lire un souhait de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/resilience-22971">résilience</a>, la transition étant alors le processus permanent d’adaptation aux évolutions de contexte et à leurs contraintes.</p>
<p>Le principal enseignement de cette approche conceptuelle est sans doute qu’il convient de construire un horizon ou, a minima, une finalité à cette transition annoncée. Cela permettrait notamment aux acteurs de terrain, et en particulier aux enseignantes et enseignants, de donner du sens à leurs pratiques et d’inclure leurs choix pédagogiques dans une dynamique d’ensemble.</p>
<h2>Dans le numérique éducatif, des acteurs interdépendants, entre concurrence et coopération</h2>
<p>Le concept d’écosystème caractérise tout système stable constitué d’êtres vivants qui vivent en interaction dans un milieu spécifique (biotope). Il est souvent mobilisé de façon métaphorique pour désigner l’ensemble des organisations humaines agissant dans le même secteur d’activité ou un même environnement physique et partageant des infrastructures et des services, comme c’est le cas pour le numérique scolaire.</p>
<p>Ce concept est utile à l’analyse de ce qui se joue dans la transition numérique des institutions éducatives mais aussi à la conduite de cette transition. La cartographie des acteurs de l’écosystème (à ses différentes échelles territoriales) est importante. Elle permet de vérifier si toutes les compétences sont bien réunies, disponibles et mobilisées.</p>
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<figcaption><span class="caption">Edtech : un secteur comme les autres ? (Anne-Charlotte Monneret, directrice générale d’Edtech France, sur SQOOL TV, 2022)</span></figcaption>
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<p>Pour autant, c’est dans la dynamique des interactions entre les acteurs que tout se joue. On cite la collaboration et la coopération entre acteurs, souvent dans le cadre de projets au sein de partenariats privilégiés, comme un apport majeur à l’appropriation scolaire efficace des techniques numériques. La recherche scientifique montre pourtant que ces processus, souvent vertueux (pas systématiquement), ne s’enclenchent pas spontanément.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-lecole-apprendre-a-evaluer-linformation-dans-un-monde-numerique-215279">À l’école, apprendre à évaluer l’information dans un monde numérique</a>
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<p>On retrouve par ailleurs dans la sphère du numérique éducatif d’autres types d’interactions typiques des écosystèmes comme la symbiose, la compétition, la prédation ou le parasitisme dont la valeur peut être parfois positive et parfois négative. Chacun pourra trouver aisément des exemples…</p>
<p>Comme la transition, l’écosystème peut être considéré comme une métaphore opérante pour ce qui concerne le numérique scolaire. Elle rappelle aussi bien l’interdépendance des acteurs concernés que la nécessité d’en organiser les composantes et d’en soutenir la dynamique.</p>
<h2>Quatre conditions pour soutenir la dynamique des écosystèmes</h2>
<p>Dans le cadre du <a href="https://techne.labo.univ-poitiers.fr/wp-content/uploads/sites/63/2020/09/GTnum_Techne_REVE_portfolio_Dec2023.pdf">projet REVE</a>, plusieurs études de cas (des projets de terrain), deux enquêtes et de nombreux entretiens individuels et groupés avec tous les types d’acteurs du numérique scolaire (élèves, enseignants, cadres du système éducatif, cadres des collectivités territoriales, entrepreneurs du secteur EdTech…), confirment que les concepts de transitions et d’écosystèmes peuvent être mobilisés pour décrire et analyser les usages des techniques numériques à l’œuvre à l’école.</p>
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<p>Via l’analyse de l’expression que les acteurs de terrain proposent de leur expérience et de leurs attentes, ces travaux suggèrent des conditions qui pourraient permettre aux écosystèmes du numérique scolaire de favoriser les processus d’invention et d’innovation. Quatre apparaissent pratiquement systématiquement et répondent directement aux apports de l’analyse des concepts de transition et d’écosystème.</p>
<ul>
<li><p>Massivement citée, on retient en premier lieu l’aspiration de toutes et tous à <strong>plus de stabilité des politiques publiques</strong>, afin de pouvoir disposer du temps indispensable à la construction de projets et à l’installation de nouvelles pratiques.</p></li>
<li><p>Vient ensuite l’épineuse question de <strong>l’information</strong>. Beaucoup des enseignants rencontrés, par exemple, expriment leur méconnaissance – voire leur incompréhension – des attentes de l’institution quant aux usages qu’ils peuvent ou doivent faire des techniques numériques. Nombreux également sont les acteurs des écosystèmes qui ignorent l’existence des autres, leur rôle et leurs apports potentiels.</p></li>
<li><p>La connaissance de l’écosystème ne suffit pas, encore faut-il disposer des compétences qui permettront de l’activer, le plus souvent au travers de projets. Une formation de tous aux méthodes et outils de <strong>l’ingénierie de projet</strong> apparaît légitimement à beaucoup comme une nécessité, d’autant plus que bien des réalisations de terrain sont subordonnées au succès de réponses à des appels à projets compétitifs.</p></li>
</ul>
<p>Enfin, la transition numérique de l’école, faite par essence de changements, repose sur des initiatives des acteurs de l’écosystème. Cela suppose <strong>une définition claire du cadre d’action de chacun</strong> et du respect de ces prérogatives, avec une solidarité systémique face aux réussites comme aux échecs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220733/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour les travaux de recherche ayant permis la rédaction de cet article, l'unité de recherche Techné (UR-20297) au sein de laquelle travaille Jean-François Cerisier a reçu des financements du ministère de l'Éducation nationale. </span></em></p>On parle souvent de transition numérique de l’école. Mais les objectifs à atteindre sont-ils clairement définis ? Et qu’en est-il du cadre d’action de chacun ?Jean-François Cerisier, Professeur de sciences de l'information et de la communication, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204312024-01-14T16:24:10Z2024-01-14T16:24:10ZPourquoi apprend-on des comptines en maternelle ?<p>Mi-décembre, avant l’heure du déjeuner, dans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ecole-maternelle-56449">l’école maternelle</a> d’une ville moyenne de province, deux classes mixtes de moyenne et grande sections sont réunies avec leurs enseignantes dans le préau. Près d’une cinquantaine d’enfants de 4 ans et 5 ans répètent des chansons et comptines apprises pour la semaine suivante, en vue d’un spectacle qui sera donné pour l’ensemble de l’école, puis dans un second temps aux seuls parents de ces deux classes.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/noel-63210">Noël</a> est, sans surprise, la thématique des comptines et chansons retenues. Outre, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=i9TWQLl2zvQ"><em>L’as-tu vu ? L’as-tu vu, le petit bonhomme ?</em></a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=myUE0lovV1A"><em>Noël, c’est comme un rythme de jazz</em></a>, les enfants fredonnent aussi les paroles suivantes :</p>
<blockquote>
<p>« 1, 2, 3, Dans sa hotte en bois<br>
4, 5, 6, Tout plein de surprises<br>
7, 8, 9, Des jouets tout neufs<br>
10, 11, 12, De la joie pour tous »</p>
</blockquote>
<p>Ils chantent aussi : « 5 petits moutons qui couraient dans la neige, tout blancs, tout blanc, le joli manège, 5 petits moutons qui couraient dans la neige, y’en a un qui tombe, ça fait 4 petits moutons », paroles qui se déclinent successivement pour 4, 3, 2, 1, puis 1 petit mouton. Dernière comptine du jour :</p>
<blockquote>
<p>« N.N., voici venir les rennes<br>
O.O., nous aurons des cadeaux<br>
E.E., les enfants sont joyeux<br>
L.L., c’est le soir de Noel<br>
Noël, Noël, N.O.E.L, Noël, Noël, N.O.E.L »</p>
</blockquote>
<p>La très grande majorité des élèves chantent avec enthousiasme ; ils s’applaudissent à la fin de chaque morceau. Quelques-uns ont encore les airs et les paroles en tête l’après-midi… tout comme les chercheuses qui ont observé la scène, dans le cadre d’un projet de recherche franco-québécois sur la maternelle ! Sans que nous y prenions garde, les rythmes et les mélodies se sont aussi installés dans nos têtes et nous nous en ferons la remarque en quittant l’école en fin d’après-midi.</p>
<h2>Des rythmes qui aident à la mémorisation</h2>
<p>Pourquoi apprend-on des comptines en maternelle ? Issues des racines « compter » et « conter », celles-ci intègrent par définition des chansons mimées, des jeux de doigts et de courts chants. Comme le montre notre observation, elles peuvent alimenter les apprentissages au programme de <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-l-ecole-maternelle--9782130632658.htm">l’école maternelle</a>. Elles sont le vecteur d’apprentissages langagiers – sons, rimes, vocabulaire, etc. Ce que l’on appelle en maternelle la « comptine numérique », constituée de la suite du nom des chiffres, est l’objet par excellence de la comptine. Elle ne se confond pas, du reste, avec les apprentissages numériques, c’est-à-dire la discrimination d’un ordre ou d’une quantité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FwBcRfinOYQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’incroyable histoire de « Pirouette, Cacahuète » de Gabrielle Grandière (INA Officiel, 2012).</span></figcaption>
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<p>Ces comptines suscitent une large adhésion des enfants, un mode d’apprentissage par imprégnation, avec des rythmes propices à la mémorisation. Sans oublier, parfois, le plaisir d’énoncer une suite de syllabes qui sortent du langage ordinaire. Elles donnent aussi corps à un groupe d’enfants qui se donne à voir comme tel, chantant d’une seule voix, avec le plaisir partagé de la répétition.</p>
<p>Au-delà des apprentissages scolaires qu’elles peuvent véhiculer, il n’est pas rare qu’à travers ce plaisir vécu du groupe, les comptines soient utilisées par les enseignants comme moyen de reprise en main de la classe, outil de rassemblement et de recentrage quand elle a tendance à se disperser. Faciles à mémoriser, elles donnent également à bon compte, comme dans la chorale observée, une visibilité au travail réalisé dans la classe auprès des parents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chansons-pour-enfants-histoire-dun-repertoire-182532">Chansons pour enfants : histoire d’un répertoire</a>
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<p>Mais il n’y a pas qu’en maternelle que les comptines sont proposées aux jeunes enfants ; dans les crèches, en bibliothèque, etc., les comptines se jouent des frontières entre parole, rythme et jeu, entre langue française et d’autres langues. Là est recherché en tout premier lieu la musicalité des comptines, la complicité d’un partage entre petits et grands, une voie d’accès au langage. Dans l’ouvrage <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/3669/lire-en-chantant-des-albums-de-comptines"><em>Lire en chantant des albums de comptines</em></a>, <a href="https://theconversation.com/profiles/michel-manson-1226283/articles">Michel Manson</a>, montre bien comment au cours du XX<sup>e</sup> siècle les chansons pour enfants sont devenues des livres, marquant le passage du « folklore à l’album de comptines ».</p>
<h2>Un patrimoine culturel de l’enfance</h2>
<p>La tradition des comptines, avec celle des rondes et jeux traditionnels de l’enfance, est plus ancienne en maternelle. Il faut remonter au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, quand les écoles maternelles étaient encore des « salles d’asile », pour en comprendre l’usage. Indiquons ce qu’il doit en particulier à <a href="http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3325">Marie Pape-Carpantier</a>, directrice du premier cours normal de formation de son personnel, à qui l’on doit précisément ce nom d’école maternelle, bien avant qu’il ne soit officialisé en 1881. Avec elle s’ébauche une réappropriation institutionnelle de pratiques enfantines, en lieu et place de la discipline quasi militaire à laquelle les jeunes enfants étaient soumis dans les salles d’asile.</p>
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<img alt="Esquisses pour l’école maternelle de la rue Romainville, XIX<sup>e</sup> arrondissement de Paris"><p></p>
<p>Les folkloristes de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, puis les anthropologues au XX<sup>e</sup> siècle, donneront aux comptines, rondes et jeux de l’enfance, leurs lettres de noblesse. Au point où des recommandations officielles publiées en 1980 indiquent : « l’école maternelle en est devenue l’un des seuls “conservatoires” et c’est à elle que revient la transmission de ce patrimoine culturel ».</p>
<p>Parler de « transmission » ne veut pas dire que ce qui est enseigné reste immuable. Bien au contraire, ce « patrimoine culturel » s’enrichit des créations du XX<sup>e</sup> siècle, dont le nom des auteurs s’effacent vite, ou de ses traductions contemporaines, comme ce « 1, 2, 3, nous irons au bois », devenu à l’occasion de Noël « 1, 2, 3, dans sa hotte en bois ».</p>
<p>Ces « traditions enfantines » se révèlent particulièrement plastiques, remises souvent au goût du jour ou encore retravaillées pour répondre à la visée de tel ou tel apprentissage scolaire. C’est sans doute ce qui fait aussi perdurer leur « transmission », par delà les changements fréquents des programmes depuis les années 1980, outre aujourd’hui leur diffusion sur Internet qui les met à la portée de tous.</p>
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<p>Au final, on peut, semble-t-il, rapprocher l’enseignement des comptines de <a href="https://www.editions-retz.com/enrichir-sa-pedagogie/mes-connaissances-educatives/l-ecole-et-l-ecriture-obligatoire-9782725636658.html">l’apprentissage scolaire de l’écriture</a> analysé par Anne Marie Chartier. Il répond à des données à la fois pragmatiques, cognitives et relationnelles : une manière de répondre aux attentes de l’institution, mais aussi au souci de la gestion de la classe en lui donnant ici matière à vivre un collectif partagé.</p>
<p>En outre, il fait sens vers une culture enfantine, celle des cours de récréation en premier lieu, prolongeant le <a href="https://books.openedition.org/pur/24138">plaisir des formulettes transmises entre enfants</a>, des « amstramgram » et autres « plouf-plouf » analysés par Julie Delalande. C’est sans doute aussi dans leur hybridité, entre culture enfantine et culture scolaire, qu’il faut chercher les raisons de leur longévité à l’école maternelle.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-22-CE41-0013">Regards croisés sur les pratiques en maternelle en France et au Québec : penser la réussite des enfants du point de vue ses acteurs – PRAMATER</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascale Garnier a reçu des financements de l'ANR pour une recherche franco-québecoise sur l'école maternelle. </span></em></p>De « Pirouette, cacahuète » à « Ainsi font les petites marionnettes », les comptines se transmettent de génération en génération. Mais qu’apporte cette activité aux élèves de maternelle ?Pascale Garnier, docteur en sociologie, professeur en sciences de l’éducation, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2198632024-01-01T15:44:00Z2024-01-01T15:44:00ZUtiliser l’IA en classe : et si les enseignants regardaient du côté de l'art<p>L’intelligence artificielle (IA) porte en elle les germes d’<a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/mckinsey-digital/our-insights/the-economic-potential-of-generative-ai-the-next-productivity-frontier">impacts majeurs dans de nombreux secteurs de la société</a> au cours des prochaines décennies. Certains de ces effets pourraient être positifs, d’autres moins.</p>
<p><a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/jul/14/ai-artificial-intelligence-disrupt-education-creativity-critical-thinking">Quand ChatGPT est sorti</a>, la profession enseignante, fière de son intégrité et du standard élevé de ses normes éthiques, a craint que l’IA puisse élargir les possibilités de <a href="https://www.forbes.com/sites/rashishrivastava/2022/12/12/teachers-fear-chatgpt-will-make-cheating-easier-than-ever/?sh=415845d1eef9">tricherie</a> chez les étudiants. La question reste d’actualité.</p>
<p>Certains spécialistes de l’éducation ont fait pression pour que leurs établissements adoptent de nouvelles politiques, plaidant notamment pour le retour des examens en face à face. D’autres ont pensé que l’IA n’était qu’une mode, attendant qu’elle passe son chemin.</p>
<p>Bien sûr, l’IA ne risque pas de disparaître de nos horizons. En tant que membre du monde éducatif, je me suis demandé de quel côté ma profession pourrait trouver de précieuses leçons quant à l’adoption de cette technologie. L’un des modèles à prendre pour développer de nouvelles approches pourrait venir du monde de l’art. Voilà longtemps que les artistes explorent la rencontre entre technologie et créativité.</p>
<p>Le peintre David Hockney est l’un des artistes les plus célèbres à avoir adopté l’IA. En juin 2023, il a exposé une œuvre générée par IA sur la scène de la pyramide du festival de Glastonbury 2023. Intitulée <a href="https://www.theartnewspaper.com/2023/06/23/millions-to-see-david-hockneys-new-ai-work-on-glastonburys-pyramid-stage"><em>I lived In Bohemia, Bohemia Is A Tolerant Place</em></a>, l’œuvre a été développée sous la forme d’une vidéo d’une minute.</p>
<p>S’il ne s’agit que de sa première œuvre générée par l’IA, Hockney a déjà recours depuis de nombreuses années à diverses technologies analogiques et numériques. Il a notamment utilisé la photocopieuse Xerox, la Paintbox de Quantel et une station de travail graphique par ordinateur. Ces technologies ont contribué à ouvrir le potentiel sensoriel et créatif de son regard. Sa récente installation artistique immersive à Londres : <a href="https://www.nytimes.com/2023/02/22/arts/design/david-hockney-immersive-lightshow-london.html">David Hockney : Bigger & Closer</a>, atteste de sa réputation d’innovateur.</p>
<h2>De nouvelles expériences artistiques avec l’IA</h2>
<p>Hockney n’est pas le seul à s’être aventuré sur ce terrain. De nombreux artistes ont trouvé des moyens créatifs et innovants d’utiliser l’IA dans leur travail. Robbie Barrat est un artiste contemporain qui explore les croisements entre l’art et l’intelligence artificielle. Il est connu pour son travail sur les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seaux_antagonistes_g%C3%A9n%C3%A9ratifs">réseaux antagonistes génératifs</a>, un modèle où deux systèmes d’apprentissage automatique sont placés en compétition pour produire de meilleurs résultats. Ces réseaux ont été utilisés pour créer des visages artificiels réalistes et y sont si bien arrivés que les gens <a href="https://theconversation.com/deepfakes-faces-created-by-ai-now-look-more-real-than-genuine-photos-197521">ne peuvent souvent pas faire la différence entre un visage généré par l’IA et un vrai</a>.</p>
<p>Dans un projet, Barrat a entraîné un réseau antagoniste génératif sur un ensemble de données de peintures de nus classiques. Il a incorporé ses propres croquis et dessins numériques dans le réseau entraîné, générant des interprétations uniques et surréalistes de la forme humaine. En scannant ou en numérisant des croquis et en les introduisant dans le modèle d’IA, il a permis au système de produire de <a href="https://www.theverge.com/2018/10/23/18013190/ai-art-portrait-auction-christies-belamy-obvious-robbie-barrat-gans">nouvelles compositions</a>. Les œuvres d’art qui en résultent présentent une fusion de son style artistique et des modèles d’IA appris à partir des peintures classiques.</p>
<p>D’autres artistes ont intégré l’IA à la réalité augmentée (RA) et à la réalité virtuelle (RV) pour créer des expériences immersives et interactives.</p>
<p>Refik Anadol utilise par exemple des algorithmes pour traiter et interpréter de grandes quantités de données et les transformer en œuvres d’art spectaculaires. Il incorpore ces visuels générés par l’IA dans des expériences de réalité augmentée et de réalité virtuelle pour</p>
<p><a href="https://refikanadol.com/works/wdch-dreams/">créer des installations hypnotiques et interactives</a>.</p>
<h2>Une expertise humaine indispensable pour mettre à profit les technologies</h2>
<p>Bien entendu, tous les artistes ne sont pas aussi enthousiastes vis-à-vis de cette technologie. Nombre d’entre eux perçoivent les générateurs d’images tels que DALL-E et Midjourney comme une menace. Mais le fait que de grands artistes comme Hockney et Anadol aient utilisé l’IA pour se poser de nouveaux défis est un signal. Les enseignants devraient s’interroger sur la manière de se servir de l’IA pour leurs cours et leurs évaluations.</p>
<p>La réticence du secteur de l’éducation à adopter l’IA peut se comprendre dans la mesure où celle-ci est entourée de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666920X2300022X">mythes et d’idées fausses</a>. Il convient donc de tordre le cou à certaines de ces croyances.</p>
<p>La première est que l’IA nuirait aux expériences d’apprentissage. Certains éducateurs craignent que,si les étudiants s’appuient sur l’IA, leurs capacités de <a href="https://educationaltechnologyjournal.springeropen.com/articles/10.1186/s41239-021-00292-9">réflexion et de résolution de problèmes soient compromises</a>, de même que leur capacité à assimiler des informations de manière autonome. Cependant, la clé d’une intégration réussie de l’IA dans l’éducation est d’aider les élèves à comprendre que les outils intelligents ne remplacent pas l’expertise humaine et qu’il ne s’agit que d’outils permettant de <a href="https://www.timeshighereducation.com/campus/chatgpt-and-future-university-assessment">l’augmenter et de l’améliorer</a>.</p>
<p>Le deuxième mythe est que l’IA « isolerait » les apprenants. Si l’IA peut fournir un retour d’information et un soutien personnalisés, elle ne peut pas remplacer l’interaction humaine avec un enseignant ni l’apprentissage social et émotionnel qui l’accompagne.</p>
<p>Certains universitaires craignent qu’une dépendance excessive à l’égard de l’IA n’aboutisse à un sentiment de déconnexion entre les élèves et leurs encadrants. En fait, les enseignants peuvent utiliser les systèmes d’IA pour aider les élèves à apprendre de manière collaborative et à résoudre des problèmes collectivement.</p>
<p>Le troisième mythe est que l’IA <a href="https://hbsp.harvard.edu/inspiring-minds/chatgpt-and-ai-text-generators-should-academia-adapt-or-resist">étoufferait la créativité</a>. Or son introduction en tant que technologie <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9504190/">peut soutenir et renforcer la créativité dans les formations</a>. Par exemple, les <a href="https://hbr.org/2023/07/how-generative-ai-can-augment-human-creativity">outils d’IA générative peuvent être utilisés</a> pour promouvoir la pensée divergente, remettre en question les préjugés, aider à évaluer des idées, encourager à affiner sa pensée et faciliter la collaboration.</p>
<h2>Des compétences pour le monde du travail de demain</h2>
<p>La quatrième et dernière idée reçue est que l’IA encouragerait les apprenants à tricher lors des examens. Mais cette façon de voir les choses <a href="https://www.technologyreview.com/2023/04/06/1071059/chatgpt-change-not-destroy-education-openai/">ne capte qu’une toute petite partie de l’histoire</a>. En intégrant efficacement l’intelligence artificielle dans les évaluations, nous pouvons aider les élèves à la maîtriser, en leur donnant les <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2022/12/TTC-EC-CEA-AI-Report-12052022-1.pdf">compétences dont ils auront besoin dans la vie</a>.</p>
<p>Nous devrions concevoir des évaluations favorisant l’application des connaissances, des compétences et leur compréhension dans des contextes réels.</p>
<p>L’IA peut être utilisée comme un outil de collaboration, une source d’inspiration et un guide utile. Elle est étroitement liée aujourd’hui aux enjeux éducatifs dans la mesure où les apprenants devront être en mesure de <a href="https://hbr.org/2023/06/what-will-working-with-ai-really-require">collaborer avec l’IA</a> dans le <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2022/12/TTC-EC-CEA-AI-Report-12052022-1.pdf">monde du travail de demain</a>.</p>
<p>Les artistes ont rendu possible ce qui était auparavant inimaginable. Aujourd’hui, les professionnels de l’éducation peuvent faire de même, en <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10796-022-10308-y">donnant aux élèves les moyens de devenir des penseurs critiques</a> aptes à résoudre des problèmes avec créativité, prêts à affronter un avenir où l’IA sera monnaie courante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219863/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucy Gill-Simmen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les artistes ont adopté l’IA malgré les risques que la technologie fait peser sur leur travail, pourquoi les enseignants ne pourraient-ils s’inspirer de leur exemple ?Lucy Gill-Simmen, Vice-Dean for Education & Student Experience, Royal Holloway University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195292023-12-18T19:00:35Z2023-12-18T19:00:35ZBien-être des enseignants : après la pandémie, une éclaircie ? Tout dépend du pays<p>Au printemps 2020, la <a href="https://www.unesco.org/en/Covid-19/education-response">pandémie Covid-19 heurtait violemment les systèmes éducatifs partout dans le monde</a>. S’en sont suivis des mois d’alternance de confinements et de déconfinements, accompagnés de protocoles sanitaires plus ou moins stricts dans les écoles.</p>
<p>En 2021, la première édition du Baromètre international de la santé et du bien-être des personnels de l’éducation (<a href="https://www.educationsolidarite.org/nos-actions/barometre-international-de-la-sante-du-personnel-de-leducation/">I-BEST</a>) avait objectivé l’épuisement des enseignants, notamment en <a href="https://theconversation.com/la-crise-sanitaire-met-la-sante-du-personnel-enseignant-sous-haute-tension-171620">France, en Belgique et au Québec</a>.</p>
<p>Deux ans plus tard, en 2023, alors que la pandémie est passée au second plan des préoccupations, la deuxième édition du Baromètre offre une nouvelle photo de la situation dans ces trois territoires. Comment le ressenti des enseignants y a-t-il évolué en deux ans ?</p>
<h2>Suivre le bien-être des personnels de l’éducation dans le temps et l’espace</h2>
<p>Le Baromètre I-BEST est un dispositif de recueil de données statistiques permettant d’avoir une vision actualisée des conditions de travail et du ressenti des personnels de l’éducation au niveau des territoires. L’objectif est d’identifier des priorités d’amélioration au plus près du terrain, dans une finalité de promotion de la santé des personnels de ce secteur, pilier de la société.</p>
<p>Cette enquête internationale a été mise en place en 2021 par le <a href="https://www.educationsolidarite.org/">Réseau Éducation et Solidarité</a> et la Fondation d’entreprise pour la santé publique, avec l’appui de l’Internationale de l’Éducation et la <a href="https://chaireunesco-es.org/">Chaire Unesco « ÉducationS et Santé »</a>. Diffusée le plus largement possible auprès des personnels de l’éducation par des partenaires locaux, elle inclut une centaine de questions sur les conditions de travail, le ressenti professionnel, le bien-être et la santé, ainsi qu’un focus sur une thématique d’actualité.</p>
<p>La première édition d’I-BEST a eu lieu au printemps 2021 dans six pays ou régions à travers le monde : plus de 8 000 enseignants y avaient participé. La deuxième édition, entre février et juin 2023, a concerné non seulement les enseignants, mais aussi les personnels de soutien à l’enseignement : direction, administration, animation pédagogique… Cette fois, un peu plus de 26 000 personnels de l’éducation (des enseignants, pour la très grande majorité) ont participé, issus de onze territoires repartis sur quatre continents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseigner-en-france-en-espagne-au-royaume-uni-un-bien-etre-professionnel-qui-se-degrade-214778">Enseigner en France, en Espagne, au Royaume-Uni : un bien-être professionnel qui se dégrade ?</a>
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<p>La France, la Belgique francophone (simplement désignée « Belgique » dans la suite) et le Québec ont participé aux deux éditions d’I-BEST. Le nombre d’enseignants qui ont répondu au questionnaire a été respectivement en 2021 et 2023 : en France, 3 646 et 9 595 ; en Belgique, 1 268 et 937 ; au Québec : 2 349 et 1 751.</p>
<p>Parmi la centaine de questions du baromètre, une vingtaine d’indicateurs clés sur le travail et le bien-être ont été sélectionnés, par exemple la proportion d’enseignants ayant été victimes de violence au travail dans les 12 derniers mois, ou encore, la part des personnels qualifiant leur santé positivement.</p>
<h2>Santé au travail des enseignants : une évolution contrastée</h2>
<p>En France, tous les indicateurs étudiés restent stables ou évoluent dans le bon sens (Figure 1). En particulier, l’information parait mieux circuler d’un point de vue hiérarchique (+9 points), l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle s’améliore (+7 points) et les enseignants se déclarent plus enclin à choisir de nouveau leur métier si c’était à refaire (+10 points). Cependant, et alors que les niveaux des indicateurs étaient pour la plupart très préoccupants en 2021, nombre d’indicateurs restent encore largement perfectibles en valeur absolue en 2023.</p>
<p>En Belgique, en parallèle d’une banalisation de la violence (+10 points), d’un allongement des temps de trajets et d’une intensification des sources de stress au travail, les indicateurs de bien-être se dégradent tant généralement (-10 points de bien-être estimé et -4 points de santé perçue) que sur le plan psychologique (+5 points de symptomatologie dépressive) ou en termes de satisfaction professionnelle (-13 points). Cette dynamique globalement péjorative positionne le ressenti des enseignants de Belgique à des niveaux proches de ceux de la France, sauf en matière de formation, évolution de carrière et salaire où les chiffres restent meilleurs (Figure 1 et Figure 5).</p>
<p>Au Québec, si le ressenti s’améliore nettement vis-à-vis du stress au travail (-14 points), le climat relationnel a tendance à se tendre, avec un taux de personnels victimes de violence dans les 12 derniers mois qui bondit de 14 points pour s’établir à 41 %, et une satisfaction vis-à-vis de la valorisation par la direction et du travail en équipe qui diminue respectivement de 5 points et 7 points (Figure 1).</p>
<p>Lorsqu’on s’intéresse aux dynamiques par grandes catégories d’indicateurs, aucune tendance claire (unanime entre les territoires) ne se dessine en ce qui concerne le bien-être général des enseignants (Figure 2) ou plus spécifiquement leur bien-être professionnel (Figure 3) : pour ces aspects, les chiffres tendent à s’améliorer légèrement en France, à se dégrader en Belgique, alors qu’au Québec, c’est plus souvent le statu quo.</p>
<p>La dynamique des facteurs de stress ne suit pas non plus une règle systématique entre les territoires (Figure 4). Les facteurs investigués se renforcent en Belgique et se maintiennent ou s’atténuent au Québec (sauf pour le taux de violence au travail dans les 12 derniers mois qui bondit en Belgique mais aussi au Québec). En France, la tendance est plutôt à l’atténuation du stress par rapport à la situation observée en 2021.</p>
<p>En ce qui concerne les facteurs motivationnels – possibilités de formation et d’évolution professionnelle, salaire –, les évolutions sont quasi systématiquement positives dans les 3 territoires, et de fortes ampleurs (Figure 5). Ce tableau pointe vers un retour à la normale après le choc de la pandémie Covid-19 qui avait fortement désorganisé les systèmes éducatifs, y compris sur ces aspects. La première édition avait eu lieu 18 mois après le début de la pandémie, en plein cœur de crise sanitaire.</p>
<p>Par contraste, pour les facteurs organisationnels (circulation hiérarchique de l’information, travail en équipe, valorisation par la direction) (Figure 5), la situation apparaît relativement stable en France et en Belgique (à l’exception de la nette amélioration en France de la circulation de l’information hiérarchique), et se dégrade légèrement au Québec.</p>
<h2>De l’importance d’actualiser les données dans un monde mouvant</h2>
<p>I-BEST nous livre une image contrastée des évolutions 2021-2023 du bien-être professionnel et général des enseignants dans 3 territoires de l’occident francophone, pointant vers des problématiques locales spécifiques : globalement, ces deux dernières années, les indicateurs santé/travail des enseignants ont plutôt évolué favorablement en France, défavorablement en Belgique, et de manière mitigée au Québec.</p>
<p>Dans un monde impacté par des chocs majeurs touchant en particulier l’école – attentats terroristes, épidémies… – alors même qu’elle joue un rôle décisif d’amortisseur, il importe de suivre le moral des personnels, dans le temps et au plus près du terrain. I-BEST, par la diversité des territoires impliqués, participe à identifier de bonnes pratiques et cibler des voies d’améliorations prioritaires.</p>
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<p><em>Remerciement : Nathalie Billaudeau pour les statistiques et les figures ; Nathalie Billaudeau, Pascale Lapie-Legouis, Karim Ould-Kaci, Ange-Andréa Lopoa et Morgane Richard pour la relecture de l’article. Le Réseau Éducation et Solidarité et tous ses partenaires pour la mise en œuvre et la valorisation d’I-BEST</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219529/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noël Vercambre-Jacquot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le bien-être des enseignants s’améliore en France entre 2021 et 2023, il se détériore en Belgique tandis que la situation reste mitigée au Québec, nous dit le baromètre international I-BEST.Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Chercheur épidémiologiste, Fondation d'entreprise pour la santé publiqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2194662023-12-14T19:00:57Z2023-12-14T19:00:57ZMaths : la « méthode de Singapour », remède ou mirage ?<p>Mardi 5 décembre 2023, communiquant sur les <a href="https://www.education.gouv.fr/choc-des-savoirs-une-mobilisation-generale-pour-elever-le-niveau-de-notre-ecole-380226">résultats des élèves français à l’enquête internationale PISA</a>, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a proposé de réviser les programmes de primaire pour y adopter progressivement la méthode de Singapour, vue comme un remède au « niveau » jugé trop faible en mathématiques.</p>
<p>L’objectif d’améliorer les performances des élèves français en mathématiques peut-il vraiment être atteint à travers la diffusion de cette méthode ? Pourrait-il en fait se révéler indifférent, voire même contre-productif ?</p>
<h2>Peut-on vraiment parler de méthode de Singapour ?</h2>
<p>Ce qui est nommé Méthode de Singapour renvoie à la fois à une réalité géographique, celle d’une cité-État de 720 km<sup>2</sup>, avec 181 écoles primaires, et à un réalité éducative <a href="https://www.aia.com.sg/en/health-wellness/healthy-living-with-aia/parenting-tips-to-raise-successful-children-life-matters-aia-singapore">imposant une forte pression aux élèves</a>. Dès les années 80, le programme de mathématique de Singapour s’est centré autour de deux éléments : d’une part la résolution de problèmes ; d’autre part une approche résumée par le triptyque « Concret – Imagé – Abstrait » visant à accompagner le passage du concret vers l’abstrait via la manipulation de matériel ou la schématisation.</p>
<p>Au niveau des contenus, le <a href="https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/revues/grand-n/consultation/numero-102-grand-n/2-un-apercu-du-curriculum-de-mathematiques-a-singapour--461883.kjsp?RH=1550478380358">programme de mathématiques de Singapour</a> est en fait assez semblable à ceux des autres pays à travers le monde, mais sa particularité est de permettre une certaine flexibilité d’application, grâce à des suggestions proposées aux enseignants pour qu’ils l’adaptent dans leurs classes. Par ailleurs, les enseignants de Singapour sont hautement qualifiés et exercent dans des écoles très bien équipées en ressources pédagogiques.</p>
<p>Le programme de mathématiques de Singapour ne se revendique pas d’une méthode à proprement parler. A notre connaissance, aucune recherche ne donne d’informations précises sur <a href="https://www.copirelem.fr/wordpress/wp-content/uploads/2023/06/ACTES-TOULOUSE-Num-de2s51.pdf">l’étendue des prescriptions institutionnelles, sur les utilisations et les adaptations en classe</a>, et donc sur son efficacité.</p>
<p>Autrement dit, en l’état actuel des études, l’expression « Méthode de Singapour », exportée ou généralisée hors de Singapour, semble être davantage un fétiche verbal qu’une méthode évaluée selon les canons scientifiques.</p>
<h2>Se représenter un problème par des schémas</h2>
<p>Les publications institutionnelles du MENJ retiennent principalement deux éléments : l’approche « Concret-Imagé-Abstrait » et un outil, <a href="https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/medias/fichier/108n1_1686591188245-pdf">« le schéma en barres »</a>. Concernant cette approche, elle n’est pas étrangère aux enseignants français qui connaissent bien l’intérêt de passer par la manipulation pour aller vers l’abstraction. L’utilisation de cubes emboîtables pour travailler la numération décimale est, par exemple, assez répandue en France. Néanmoins, cette approche nécessite une grande expertise pour être mise en œuvre efficacement, ce qui est bien le cas à Singapour.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565781/original/file-20231214-19-yme2eg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Deux exemples de schémas en barres (Clivaz et Dindyal, 2023).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’utilisation de <a href="https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/medias/fichier/108n1_1686591188245-pdf">schémas barres</a> pour aider les élèves à se représenter un problème arithmétique peut être utile, mais elle ne doit pas <a href="https://publimath.univ-irem.fr/numerisation/PS/IPS19027/IPS19027.pdf">se substituer à la résolution de problèmes en elle-même</a> : il est contreproductif de l’imposer à tous les élèves et peut même s’avérer inapproprié pour les élèves ayant une autre représentation du problème. De plus, tous les problèmes de maths ne se prêtent à l’utilisation de cet outil, notamment s’il faut passer par plusieurs étapes de raisonnement.</p>
<p>Ainsi, si les principaux éléments retenus par le ministère de l’Éducation sont présents dans le programme mathématique de Singapour, d’autres comme la flexibilité dans l’application des recommandations, la qualification des enseignants et l’installation de bonnes conditions d’exercices semblent absents.</p>
<h2>Est-ce avec une « méthode » qu’on se forme ou qu’on enseigne ?</h2>
<p>Suite aux résultats du PISA 2022, le ministère de l’Éducation a indiqué tout à la fois sa volonté de co-financer des manuels pour les classes de CP et de CE1, et de diffuser progressivement la « méthode » de Singapour. Mais la question est-elle vraiment de <a href="https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2015/11/Manuels-scolaires.pdf">créer de nouvelles ressources, alors que celles-ci sont foisonnantes</a>, ou de labelliser des manuels ? L’enjeu n’est-il pas plutôt de développer les connaissances nécessaires aux enseignants pour mieux exploiter les moyens à disposition et pour se les approprier ?</p>
<p>Rappelons que certains manuels français existants proposent déjà des dispositifs d’apprentissage de type <a href="https://hal.science/hal-02912823v1">« Problème – compréhension – application »</a>, à l’aide de manipulations de matériel convoquant le jeu, et où le savoir à retenir est explicitement exposé aux élèves. D’ailleurs, l’enjeu n’est pas tant d’avoir recours à du matériel que de s’en servir pour <a href="https://hal.science/hal-02912901v1">problématiser des situations</a>. Pour cela, il faut laisser aux élèves une <a href="https://hal.science/hal-02913567v1">marge d’initiative</a> et la possibilité de se tromper, et non les cantonner à <a href="https://hal.science/hal-01741605">reproduire ce qui leur est montré</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">Maths à l’école : d’où vient le problème ?</a>
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<p>C’est la première fois que le ministère de l’Éducation promeut explicitement une méthode d’enseignement ainsi qu’une adaptation des programmes scolaires et la production de manuels pour la déployer. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006525569">La liberté pédagogique de l’enseignant</a> qui s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre sera donc naturellement impactée par l’imposition de cette méthode inscrite dans de nouveaux programmes.</p>
<p>Dans la lettre du ministre adressée aux enseignants, il est précisé que cette méthode, <a href="https://www.copirelem.fr/wordpress/wp-content/uploads/2023/06/ACTES-TOULOUSE-Num-de2s51.pdf">« construite à partir des meilleures inspirations internationales et appliquée par 70 pays, a fait ses preuves »</a>, mais quelles preuves le ministre évoque-t-il ?</p>
<p>Suffit-il d’exporter une méthode d’un pays à un autre pour obtenir les mêmes résultats ? Au Japon, dans la petite ile d’Okinawa, la population a la <a href="https://www.lunion.fr/id412122/article/2022-09-28/pour-vivre-100-ans-adoptez-le-regime-okinawa">plus longue espérance de vie</a> et ses habitants sont parmi les plus nombreux à dépasser les 100 ans. Ils adoptent un régime semi-végétarien, faible en matière grasse. L’importation de ce régime en France permettrait-elle d’augmenter significativement l’espérance de vie des Français ?</p>
<p>Par ailleurs, le programme de mathématiques de Singapour est accompagné d’une formation importante entretenue par une <a href="https://irem.univ-grenoble-alpes.fr/revues/grand-n/consultation/numero-102-grand-n/2-un-apercu-du-curriculum-de-mathematiques-a-singapour--461883.kjsp?RH=1550478380358">formation continue conséquente de 100h par an</a>. En France, la formation initiale des professeurs des écoles est préemptée par la préparation au concours de recrutement des enseignants et la formation continue réduite à 18h par an, partagée entre les deux disciplines principales que sont les Mathématiques et le Français.</p>
<p>La formation des enseignants est pour nous l’élément clé de la réussite des élèves français en mathématiques et c’est elle qu’il faut investir prioritairement. Il s’agit de considérer les enseignants comme des professionnels, donc leur permettre d’enrichir leurs connaissances et compétences afin qu’ils puissent choisir puis adapter les ressources mises à leur disposition pour exercer leur métier. La perspective d’un <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/11/10/recrutement-des-professeurs-le-ministere-devoile-ses-pistes/">déplacement du concours de recrutement des enseignants en fin de Licence</a> donne la possibilité de réorienter les masters Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation vers une formation initiale digne de ce nom, intégrant des dimensions professionnelles et scientifiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-maths-les-evaluations-de-primaire-favorisent-elles-les-inegalites-de-genre-211939">En maths, les évaluations de primaire favorisent-elles les inégalités de genre ?</a>
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<p>Au-delà de la formation, pour que l’enseignement des mathématiques atteigne ses objectifs de plus grande réussite pour tous, il faudrait aussi réaffirmer les objectifs de l’apprentissage des mathématiques non en termes de réussite à des évaluations nationales ou internationales, mais en termes de constructions de connaissances mathématiques ainsi que de démarches et de processus de raisonnements, à des fins citoyennes. Il s’agit aussi d’améliorer les conditions d’exercice en classe afin que chaque enseignant puisse déployer sa palette d’outils professionnels au service de la réussite de tous les élèves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Mounier est co-auteur de manuels scolaires, de la collection Haut Les Maths aux éditions Retz</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Sayac ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour lutter contre la baisse du niveau en maths, le ministre de l’Éducation a proposé de repenser les programmes en s’inspirant de la méthode de Singapour. Mais cette méthode existe-t-elle vraiment ?Nathalie Sayac, Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen NormandieEric Mounier, Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2163032023-12-06T17:44:04Z2023-12-06T17:44:04ZPasser au tableau : comment faire de ce rituel scolaire un moyen de réguler ses émotions ?<p>« C’est à qui le tour de passer au tableau ! », « Viens au tableau nous dire tout ce que tu racontes à ton camarade ! » ou encore « Qui souhaite venir au tableau ? »… Quels sont les élèves qui n’ont jamais entendu ce type d’exhortation au cours de leur scolarité ?</p>
<p>En France, l’installation de tableaux dans les classes est finalement assez récente, puisqu’elle date de l’instruction obligatoire chère à Jules Ferry (1882). Toutes les classes sont aujourd’hui dotées de cet artefact noir, blanc ou numérique. Il devient alors un support de transmission pour l’enseignant mais également une occasion d’expression – le plus souvent imposée – pour les élèves, qui sont invités à venir y résoudre des exercices, réciter des leçons, recopier des mots…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-classe-une-forme-scolaire-depassee-201029">La classe : une forme scolaire dépassée ?</a>
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<p>Rien d’étonnant donc à ce que ce rituel, pensé par l’institution comme l’occasion d’évaluer ou d’exposer une connaissance face aux autres, ait et continue à être vécu par certains élèves <a href="https://www.cairn.info/l-eleve-humilie--9782130593133.htm">« comme une sorte de passage à tabac »</a>, participant au processus de <a href="https://theconversation.com/violences-scolaires-ou-le-harcelement-commence-t-il-107074">harcèlement scolaire</a> dont on connaît désormais les funestes conséquences. Les humiliations subies <a href="https://theconversation.com/le-corps-a-lecole-une-dimension-oubliee-152562">lorsque le corps est mis en scène</a>, lorsqu’il est exposé aux moqueries, aux remarques déplacées des élèves et parfois des enseignants peuvent participer du harcèlement comme l’expliquait Kilian Vaysse, de l’Association contre les discriminations et le harcèlement, lors du colloque <a href="https://groupe-vyv.tv/embed/16h15_Table_ronde_harcelement_scolaire_soutenir_lebesoin_de_justice_desenfants2dtqf"><em>Enfant demain</em></a>.</p>
<p>Qui n’a en effet pas souhaité disparaître six pieds sous terre lorsqu’il se retrouve debout au tableau, face à plus d’une vingtaine de paires d’yeux qui le déshabillent littéralement – notamment quand il ne maîtrise pas totalement sa leçon. Qui n’a jamais vécu cette situation ? Et finalement que révèle ce temps de passage au tableau : la maitrise d’une connaissance (enseignée à l’école) ou bien une <a href="https://theconversation.com/les-emotions-une-cle-de-la-lutte-contre-le-harcelement-scolaire-122880">compétence émotionnelle</a> (moins enseignée à l’école) à restituer une connaissance ?</p>
<h2>Favoriser la coopération entre élèves</h2>
<p>Tout bien considéré, si la classe et l’école en général bouillonnent d’émotions, celles-ci font peu l’objet d’une réelle réflexion didactique. Tout se passe comme si ces émotions, les siennes et celles des autres, ne relevaient pas du périmètre de l’école. <a href="https://www.cairn.info/l-education-morale--9782130568599-page-141.htm">Émile Durkheim</a>, référence majeure du projet de l’école républicaine, ne préconisait-il pas d’arracher l’enfant à la famille jugée émotionnellement trop toxique au prétexte que « la morale qui y est pratiquée y est surtout affective. L’idée abstraite du devoir y joue un moindre rôle que la sympathie, que les mouvements spontanés du cœur. »</p>
<p>Pourtant, nombreux sont les travaux montrant <a href="https://journals.openedition.org/osp/748">l’intérêt de considérer les émotions</a>. Leur prise en compte se traduit en effet par un bien-être subjectif plus marqué et à une amélioration des <a href="https://site.nathan.fr/livres/comment-les-emotions-viennent-aux-enfants-et-pourquoi-apprendre-les-reguler-va-les-aider-toute-leur-vie-edouard-gentaz-9782092493199.html">performances scolaires</a>. Mais encore faut-il leur ouvrir la porte de la classe, et plus largement celle de l’école, pour que les élèves les apprivoisent et en fassent des compagnes plutôt que d’en être esclave.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ces-rituels-qui-organisent-la-vie-scolaire-une-importance-a-reconsiderer-169037">Ces rituels qui organisent la vie scolaire : une importance à reconsidérer ?</a>
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<p>C’est précisément ce à quoi nous nous sommes attachés avec les enseignants d’écoles primaire rencontrés dans le cadre d’une recherche-action. Concrètement, il s’agissait de <a href="https://www.cairn.info/cultiver-l-empathie-a-l-ecole--9782100778997.htm?contenu=presentation">transformer l’exercice du passage au tableau en un temps d’éducation aux compétences socio-émotionnelles</a>. Pour faire de cet exercice souvent individuel, angoissant, un moment de construction de soi, d’approvisionnement de ses émotions et d’apprentissage optimal, les enseignants ont, entre autres, expérimenté la récitation à plusieurs voix.</p>
<p>Par groupe de 3 ou 4, les élèves sont invités à réciter au tableau une poésie préalablement divisée par leurs soins en trois ou quatre parties. L’un d’entre eux entame la récitation et s’arrête soit lorsqu’il a terminé sa partie, lorsqu’il se sent en difficulté (une hésitation, un trou de mémoire, une perturbation liée au regard des élèves auditeurs…), ou bien quand il éprouve l’envie de passer le relais à l’un de ses camarades. Le deuxième, attentif à la situation (phrasé, mimiques, mouvement du corps…) prend alors la suite de la récitation avant de lui-même passer la main à un autre camarade.</p>
<p>L’enseignant propose plusieurs passages de façon à ce que chaque élève ait récité le texte dans son intégralité. À partir de ce design pédagogique, de très nombreuses variantes ont été proposées : récitation seule avec désignation d’un joker-souffleur avec ou sans contrainte d’intervention, libre choix de la répartition du texte, choix du lieu de récitation (à sa place, à côté de l’enseignant…), etc.</p>
<h2>Apprendre à se mettre en scène</h2>
<p>Le scénario pédagogique mis en œuvre dans cette recherche-action, permet, d’une part, de réduire le stress, préjudiciable aux apprentissages et, d’autre part, de libérer rapidement la participation des élèves et favorise leur entrée dans la tâche proposée.</p>
<p>Très vite, les élèves apprennent à s’organiser collectivement et s’inscrivent dans un <a href="https://theconversation.com/la-pedagogie-de-la-resonance-selon-hartmut-rosa-comment-lecole-connecte-les-eleves-au-monde-197732">processus de résonance</a> nécessaire à une coopération sans fard. Aux dires des enseignants, grâce à cet exercice collectif, ils ont moins d’appréhension dans leur prise de parole et sont plus attentifs à celle des autres. Au-delà d’un simple entraînement à la mémorisation, ils s’expriment désormais à l’oral avec plus d’aisance et – point essentiel – en tenant compte d’autrui.</p>
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<p>Ainsi pensé et expérimenté régulièrement, <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=article&no=33063">« le rituel du passage au tableau »</a> prend une tout autre tournure pour les élèves. De situation stressante, parfois terrifiante, il devient un temps de jeu, de mise en scène de soi plus confiante, un temps de développement de l’empathie envers ses camarades, de récitation et de développement des compétences socio-émotionnelles utiles tout au long de la vie pour naviguer sans heurts dans les mondes sociaux.</p>
<p>Parce que la vie sociale est souvent l’occasion de se mettre en scène sous le regard d’autrui dans le cadre d’une réunion de travail, d’un exposé, d’un événement familial ou amical… apprendre à ressentir, identifier et apprivoiser ses propres émotions et celles des autres devrait également faire partie des missions de l’école.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Omar Zanna ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Passer au tableau est souvent vécu par les élèves comme une épreuve exposant au jugement des autres. Mais ne peut-on pas faire de ce rituel une occasion d’apprendre à apprivoiser ses émotions ?Omar Zanna, Professeur des universités en sociologie, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186572023-11-29T14:37:21Z2023-11-29T14:37:21ZPourquoi le soutien aux syndicats est-il si fort ? C’est une question d’insatisfaction générale<p>Plus de 65 000 enseignantes et enseignants du Québec pourraient <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2023/11/26/greve-dans-le-secteur-public--on-va-tenir-le-siege-jusqua-noel-sil-le-faut">poursuivre leur grève jusqu’à Noël</a> si une entente n’est pas conclue, a déclaré leur syndicat dimanche. Cet avertissement survient dans un contexte de conflit de travail généralisé dans la province, <a href="https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2023-11-27/negos-a-18-7-on-a-une-entente.php#:%7E:text=Jeudi%2C%20570%20000%20des%20610,premier%20ministre%20Fran%C3%A7ois%20Legault%20jeudi.">où près de 570 000 personnes étaient en grève</a> la semaine dernière.</p>
<p>Ces actions collectives font suite à <a href="https://www.tf1info.fr/international/video-etats-unis-la-greve-historique-dans-le-secteur-de-l-automobile-ne-faiblit-pas-2271349.html">« l’été des grèves »</a>, où plusieurs actions syndicales ont été déclenchées, avec notamment les grèves des <a href="https://theconversation.com/actors-are-demanding-that-hollywood-catch-up-with-technological-changes-in-a-sequel-to-a-1960-strike-209829">scénaristes et des acteurs</a> à Hollywood, celle des <a href="https://theconversation.com/why-the-uaw-unions-tough-bargaining-strategy-is-working-214679">Travailleurs unis de l’automobile</a> et des grèves dans de <a href="https://www.rtbf.be/article/une-greve-chez-starbucks-en-raison-de-l-interdiction-de-decorations-pride-11217996">nombreux Starbucks</a>. </p>
<p>Au Canada, les <a href="https://theconversation.com/b-c-labour-dispute-its-time-for-an-industrial-inquiry-commission-into-ports-and-automation-210779">travailleurs portuaires de la Colombie-Britannique</a>, les employés du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2004945/greve-tvo-steve-paikin-agenda">télédiffuseur public de l’Ontario</a> et les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009929/greve-municipalite-saint-jean">employés municipaux de Saint-Jean</a> ont également mené des grèves.</p>
<p>Si les grèves semblent avoir gagné en popularité et en visibilité, c’est entre autres grâce au soutien record dont bénéficient les syndicats. <a href="https://news.gallup.com/poll/398303/approval-labor-unions-highest-point-1965.aspx">Selon un récent sondage Gallup</a>, 71 % des Américains appuient les syndicats, ce qui représente le taux le plus élevé depuis 1965. Un récent <a href="https://angusreid.org/unions-strike-labour-canada-ndp-conservatives-liberals/">sondage Angus Reid</a> révèle que trois Canadiens sur cinq estiment que les syndicats ont des incidences positives pour les travailleurs.</p>
<p>Pourquoi ce soutien est-il si fort aujourd’hui ? <a href="https://abcnews.go.com/Business/technologies-helping-shape-surge-worker-strikes-us/story?id=102994468">Certains avancent</a> que la détérioration des conditions de travail, le décalage des salaires par rapport à l’inflation et l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle dans tous les secteurs contribuent aux actions collectives.</p>
<p>Ceci ne constitue toutefois qu’une partie du tableau. La perception que les travailleurs ont de leurs conditions est plus importante encore. L’augmentation du soutien aux syndicats s’explique surtout par la hausse dans la population générale du sentiment de vivre des inégalités, et par les réactions émotionnelles négatives à l’égard de cette situation.</p>
<h2>Importance de la perception</h2>
<p>Des recherches montrent que le fait de reconnaître qu’on est désavantagé, associé à une réaction émotionnelle — en général la colère —, est un important indicateur de la participation à des actions collectives telles que manifestations, grèves ou adhésion à un syndicat. Cela est vrai indépendamment des <a href="https://www.doi.org/10.1177/1088868311430825">mesures objectives d’inégalité</a>, telles que la classe sociale, le revenu et l’éducation.</p>
<p>Une <a href="https://www.jstor.org/stable/27767155">étude réalisée en 1991</a> révèle que les sentiments des gens à l’égard de leur statut social influencent davantage l’appui aux syndicats que leur statut social objectif, qui est déterminé par des facteurs tels que le revenu et l’éducation. En d’autres termes, le soutien aux syndicats est une affaire de perception.</p>
<p>Cette perspective explique également pourquoi l’appui aux syndicats n’a pas augmenté lorsque les conditions de travail se sont dégradées. Ainsi, les années qui ont suivi la récession de 2008 ont été marquées par divers problèmes liés au travail, notamment un <a href="https://www.kansascityfed.org/Jackson%20Hole/documents/4547/2014vonWachter.pdf">taux de chômage élevé</a>, une <a href="https://u.demog.berkeley.edu/%7Ejrw/Biblio/Eprints/PRB/files/65.1unitedstates.pdf">baisse du salaire des ménages</a> et une <a href="https://knowledge.wharton.upenn.edu/podcast/knowledge-at-wharton-podcast/great-recession-american-dream/">hausse du nombre d’emplois temporaires et précaires</a>.</p>
<p>Malgré cela, le <a href="https://news.gallup.com/poll/398303/approval-labor-unions-highest-point-1965.aspx">soutien aux syndicats a atteint un plancher historique</a> aux États-Unis à cette époque. Bien qu’il n’existe pas de statistiques pour le Canada, des <a href="https://www.doi.org/10.18740/S4M887">données indiquent</a> que les syndicats y ont été tout aussi impopulaires après la Grande Récession.</p>
<h2>Le rôle de la pandémie de Covid-19</h2>
<p>La pandémie de Covid-19 a profondément modifié la façon dont nous percevons notre vie. Des études récentes indiquent que les gens sont aujourd’hui <a href="https://cepr.org/voxeu/columns/pandemics-make-us-more-averse-inequality">plus conscients des inégalités qui règnent dans la société</a> et qu’ils souhaitent davantage <a href="https://doi.org/10.1016%2Fj.jesp.2022.104400">agir pour y remédier</a> qu’à l’époque pré-Covid.</p>
<p>La prise de conscience des mécanismes injustes qui influencent nos comportements s’est avérée être une <a href="https://www.doi.org/10.1177/1088868311430825">condition préalable à la montée de la colère</a> qui motive l’action collective. En somme, plus nous percevons des injustices, <a href="https://www.doi.org/10.1080/00224545.1987.9713692">plus nous sommes susceptibles</a> de participer à une action collective.</p>
<p>L’apogée de la pandémie de Covid-19 a coïncidé avec plusieurs grèves syndicales révélatrices de cette tendance. Ainsi, la <a href="https://www.unifor.org/fr/nouvelles/toutes-les-nouvelles/les-travailleuses-et-travailleurs-chez-dominion-declenchent-une-0">grève de 2020 des travailleurs des épiceries Dominion à Terre-Neuve</a> a été provoquée par la prise de conscience des disparités entre les cadres supérieurs, qui ont gagné des millions pendant la pandémie, et les travailleurs de première ligne qui n’ont reçu que peu ou pas d’augmentations de salaire.</p>
<p>Bien que <a href="https://policyalternatives.ca/sites/default/files/uploads/publications/National%20Office/2022/01/Another%20year%20in%20paradise.pdf">ce fossé se soit creusé pendant des années</a>, la pandémie l’a amplifié. Les <a href="https://static1.squarespace.com/static/5f6cf5f31b4f4b396a560f8c/t/5f8f4630ee36ca09c2825fe6/1603225136576/summary_atof_f.pdf">déclarations des syndicats pendant les grèves</a> ont mis l’accent sur le fait que les problèmes des travailleurs ont été révélés par la pandémie et non créés par elle.</p>
<p>La pandémie a contribué à engendrer un environnement dans lequel les travailleurs se sentent lésés et en colère. Tant que la perception et la prise de conscience des inégalités n’auront pas changé, nous continuerons vraisemblablement à assister à une hausse du nombre de grèves et d’autres formes d’action collective.</p>
<h2>Que doivent faire les employeurs ?</h2>
<p>Les employeurs ont un rôle essentiel à jouer dans ce contexte. S’ils veulent éviter que les travailleurs ne se lancent dans une action collective, ils doivent leur offrir leur appui et répondre à leurs besoins. Des enjeux tels <a href="https://theconversation.com/how-businesses-can-best-help-employees-disconnect-from-work-174522">qu’équilibre entre vie professionnelle et vie privée</a>, <a href="https://theconversation.com/employers-need-to-prioritize-employee-mental-health-if-they-want-to-attract-new-talent-205738">soutien en santé mentale</a>, <a href="https://theconversation.com/diversity-in-the-workplace-isnt-enough-businesses-need-to-work-toward-inclusion-194136">diversité et inclusion</a> sont au premier plan des préoccupations des travailleurs.</p>
<p>Lorsque leurs besoins sont satisfaits, les travailleurs risquent moins de se sentir désavantagés au travail et d’éprouver du ressentiment. Une <a href="https://www.doi.org/10.2147/PRBM.S321689">récente étude</a> a montré que les personnes qui considèrent qu’elles obtiennent une juste rémunération pour des comportements positifs — comme coopérer avec les autres et arriver tôt — éprouvent moins de ressentiment à l’égard des gens qu’elles perçoivent comme plus favorisés.</p>
<p>En mettant en place une bonne communication avec les employés, en encourageant un leadership participatif et la coopération entre les travailleurs, on peut <a href="https://www.doi.org/10.1177/08863680122098298">réduire la colère</a> engendrée par les comparaisons négatives liées au travail.</p>
<p>Ces approches fonctionnent parce qu’elles offrent des solutions constructives aux problèmes des travailleurs. En conclusion, le lien entre la perception que les gens ont de leur vie et leur soutien aux syndicats démontre l’importance pour les employeurs de prendre en compte les besoins de leurs employés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218657/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nabhan Refaie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’augmentation du soutien aux syndicats peut s’expliquer par le fait que les gens prennent de plus en plus conscience de vivre des inégalités et de la colère qu’ils ressentent à ce sujet.Nabhan Refaie, PhD Candidate in Management (Organizational Behaviour), University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2174692023-11-21T16:55:53Z2023-11-21T16:55:53ZCréer des classes de niveau : atouts ou freins à la réussite des élèves ?<p>Comment faire travailler ensemble des élèves ayant des compétences scolaires et des problèmes d’apprentissage de natures variées ? Certains enseignants rapportent leurs difficultés à <a href="https://www.autonome-solidarite.fr/articles/lasl-devoile-les-premiers-resultats-de-letude-sur-le-climat-scolaire-2nd-degre/">gérer l’hétérogénéité de leurs classes</a>. C’est particulièrement le cas lorsque les difficultés scolaires de certains élèves se doublent de problèmes de comportement.</p>
<p>Constituer des classes de niveau est-il alors la solution ? En annonçant que <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/05/gabriel-attal-annonce-les-mesures-de-son-choc-des-savoirs-aux-enseignants_6203998_3224.html?random=1471988056">les élèves de 6ᵉ et de 5ᵉ seront répartie en trois groupes de niveaux pour l’enseignement des maths et du français</a> dès la rentrée 2024, le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a relancé des <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_2004_num_148_1_3258">débats sur la composition des classes</a> qui reviennent depuis plus d’un siècle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-eleves-interpretent-ils-les-ecarts-de-reussite-en-classe-151402">Comment les élèves interprètent-ils les écarts de réussite en classe ?</a>
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<p>Les promoteurs des classes de niveau centrent leurs arguments sur la meilleure adaptation des pratiques pédagogiques et l’efficacité qui en résulterait. Pour les autres, les classes hétérogènes seraient un facteur de cohésion sociale et de réduction des inégalités. Qu’en est-il réellement ? Quel impact la répartition des élèves a-t-elle sur l’enseignement, le climat scolaire et les apprentissages ?</p>
<h2>Composition de la classe : des effets sur le bien-être des élèves</h2>
<p>De nombreuses <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20140308">études internationales en économie de l’éducation</a> se sont centrées sur <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1997_num_38_4_4667">l’effet des pairs</a>. Ces recherches examinent l’influence des caractéristiques des autres élèves de la classe (notamment le niveau scolaire et le niveau social qui apparaissent très corrélés) sur les performances ou le bien-être d’un élève donné. Globalement, ces dernières montrent que la composition de la classe (hétérogène/homogène) n’influence pas (ou avec des effets très faibles) les résultats scolaires des élèves.</p>
<p>Par ailleurs, même s’il n’existe pas de consensus clair, ces études suggèrent que les élèves d’un niveau scolaire élevé bénéficieraient davantage des classes homogènes du point de vue de leurs performances scolaires alors que les élèves avec de faibles résultats scolaires profiteraient plus des classes hétérogènes.</p>
<p>En ce qui concerne le bien-être et les attitudes sociales, la littérature tend à montrer que les classes hétérogènes seraient plus propices à leur développement. En France, une récente enquête du CSEN (Comité scientifique de l’Éducation nationale) révèle que, si une <a href="https://www.ih2ef.gouv.fr/mixite-sociale-au-college-premiers-resultats-des-experimentations-menees-en-france">plus grande mixité sociale dans les collèges</a> n’a pas d’impact sur les résultats scolaires, elle provoque en revanche des effets positifs sur le plan du bien-être personnel et du bien-être social, pour les élèves de milieux favorisés comme des milieux défavorisés.</p>
<p>Ces études apportent des résultats précieux sur les effets de la composition de la classe. Toutefois elles occultent une pièce maîtresse des apprentissages et du fonctionnement de la classe : les pratiques pédagogiques des enseignants.</p>
<h2>Les classes de niveau changent-elles les façons d’enseigner ?</h2>
<p>Il est généralement admis que les classes de niveau, à travers les pratiques pédagogiques des enseignants, peuvent creuser les écarts entre les élèves scolarisés dans des classes de faible niveau par rapport à ceux inclus dans des classes d’un niveau élevé. En effet, les enseignants auraient tendance à baisser le niveau d’exigence et <a href="https://www.researchgate.net/publication/7869791_Teacher_Expectations_and_Self-Fulfilling_Prophecies_Knowns_and_Unknowns_Resolved_and_Unresolved_Controversies">à moins solliciter l’activité réflexive des élèves avec les classes perçues comme faibles</a>.</p>
<p>Par ailleurs, il a été montré que, plus les attentes des enseignants vis-à-vis de l’engagement et du niveau de leurs élèves sont élevées, plus leurs pratiques pédagogiques soutiennent la motivation et les apprentissages de leurs élèves.</p>
<p>D’autres études, plus rares, ont examiné les <a href="https://www.researchgate.net/publication/320406752_The_interplay_between_class_heterogeneity_and_teaching_quality_in_primary_school">effets de la composition de la classe sur les performances scolaires</a> en prenant en compte la qualité de l’enseignement mesurée à partir de trois catégories de pratiques pédagogiques :</p>
<ul>
<li><p>les stratégies d’enseignement (ajuster les situations d’apprentissage, solliciter des stratégies de recherche de solutions face à des problèmes, etc.) ;</p></li>
<li><p>le soutien émotionnel et social (encourager, être disponible pour les élèves en cas de difficultés, etc.) ;</p></li>
<li><p>la gestion de classe (mettre les élèves en activité, prévenir les comportements perturbateurs, etc.).</p></li>
</ul>
<p>Si les résultats obtenus à l’école primaire ne montrent pas d’effet de la composition de la classe sur la qualité de l’enseignement, en revanche ils révèlent que, plus la classe est hétérogène, plus la qualité de l’enseignement a un rôle important. Autrement dit, les pratiques pédagogiques des enseignants auraient plus de poids dans les apprentissages et les progrès des élèves lorsque la classe est hétérogène.</p>
<p>Par ailleurs, les premiers résultats d’une étude en cours auprès de 145 classes du second degré suggèrent que la perception de l’hétérogénéité de la classe par les enseignants entraîne des pratiques pédagogiques aux effets contradictoires sur l’engagement des élèves. Notamment, plus les enseignants perçoivent leurs classes comme hétérogènes, plus ils soutiennent le sentiment de compétence des élèves (notamment par une explicitation des attentes et un ajustement des situations d’apprentissage), mais moins ils sollicitent des stratégies cognitives de haut niveau et l’autonomie des élèves.</p>
<h2>La classe hétérogène, un défi pour les enseignants ?</h2>
<p>En définitive, même si la classe hétérogène n’influence pas les performances scolaires, elle des effets positifs sur le bien-être et les attitudes sociales des élèves. Par ailleurs, c’est dans ce type de classes que les pratiques pédagogiques des enseignants semblent jouer un rôle essentiel dans la réussite des élèves.</p>
<p>Toutefois, les réalités professionnelles révèlent également les difficultés rencontrées par les professeurs à gérer ce type de classe qui requiert de différencier et personnaliser leur enseignement alors même que les effectifs de chaque classe sont élevés. Dès lors plusieurs questions méritent d’être soulevées.</p>
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<p>Tout d’abord, au-delà de la comparaison entre classes de niveau ou classes hétérogènes, les futures recherches gagneront à affiner la mesure du degré d’hétérogénéité dans les classes (exemple : la proportion d’élèves de chaque niveau et écart entre les niveaux). En effet, il y a lieu de se demander s’il n’existe pas un degré d’hétérogénéité optimal favorable aux progrès des élèves et aux pratiques pédagogiques des enseignants.</p>
<p>Il apparaît également qu’une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_2001_num_135_1_2816_t1_0223_0000_2">organisation flexible de la classe</a> articulant classes hétérogènes et groupes de niveaux puisse faciliter la différenciation pédagogique et être bénéfique pour les élèves. Dans cette optique, les élèves qui appartiennent à une classe hétérogène peuvent rejoindre ponctuellement des groupes de niveau pour certains apprentissages.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/limiter-le-nombre-deleves-par-classe-une-cle-de-la-reussite-scolaire-116931">Limiter le nombre d’élèves par classe : une clé de la réussite scolaire ?</a>
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<p>Ce mode d’organisation est parfois adopté avec les collégiens sur certains apprentissages fondamentaux pour que les élèves puissent bénéficier de manière momentanée d’un enseignement ajusté à leurs besoins tout en maintenant la poursuite d’objectifs communs. C’est également le cas dans le premier degré, dans des classes à plusieurs niveaux dans lesquels des groupes de besoin sont mis en place ponctuellement. Dans cette perspective, une attention doit être portée à l’articulation entre les pratiques pédagogiques et les contenus disciplinaires dans les formations initiales et continues des enseignants pour les aider à développer des compétences professionnelles permettant une <a href="https://hal.science/hal-04250926">meilleure gestion de l’hétérogénéité</a>.</p>
<p>Enfin, il s’agit de réfléchir aux leviers qui permettent aux enseignants de mieux gérer les classes hétérogènes et qui sont efficaces pour faire progresser les élèves. Dans ce cadre, le coenseignement (deux enseignants pour une classe), même avec des effectifs de classes plus élevés, apparaît comme une piste prometteuse. En effet, il offre l’opportunité d’une plus grande flexibilité par le partage des tâches (pilotage de la classe, étayage, soutien émotionnel, etc.) qui facilite la différenciation et la gestion de l’hétérogénéité.</p>
<p>Toutefois, le coenseignement n’a pas des effets magiques mais implique une organisation particulière de la structure scolaire, un pilotage adapté et une formation de qualité des enseignants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217469/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amaël André a reçu des financements de la Caisse des dépôts dans le cadre de l'action "Territoires d'Innovation Pédagogique" du Programme d'Investissements d'Avenir (PIA3 "100% Inclusion, un Défi, un Territoire").</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Damien Tessier a reçu des financements de l'Université Grenoble Alpes et de l'Agence Nationale pour la Recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jonas Didisse a reçu des financements de la Caisse des dépôts dans le cadre de l'action "Territoires d'Innovation Pédagogique" du Programme d'Investissements d'Avenir (PIA3 "100% Inclusion, un Défi, un Territoire").</span></em></p>Il n’est pas toujours facile pour les enseignants de répondre aux besoins des élèves dans une classe hétérogène. Mais créer des groupes de niveau est-il une alternative souhaitable ?Amaël André, Professeur des universités, sciences de l’éducation, Université de Rouen NormandieDamien Tessier, Maître de conférences en STAPS, laboratoire Sens, sport en environnement social, Université Grenoble Alpes (UGA)Jonas Didisse, Docteur en économie de l'éducation, Ingénieur de Recherche "100% Inclusion, un Défi, un Territoire", Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2146842023-11-16T14:58:29Z2023-11-16T14:58:29ZOpposition massive à la réforme Drainville, qui donne des pouvoirs sans précédent au ministre de l'Éducation<p>L’opposition massive au <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1976853/projet-loi-bernard-drainville-education">projet de loi</a> déposé par le ministre québécois de l’Éducation, Bernard Drainville, offre un contexte inusité dans l’histoire récente de l’éducation.</p>
<p>Le <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/cce/mandats/Mandat-49733/index.html">Projet de loi nº 23</a> vise essentiellement à renforcer le pouvoir du ministre vis-à-vis des centres de services scolaires (CSS), via l’implantation de diverses mesures.</p>
<p>Cet article proposer de dresser un portrait – le plus objectif possible – de la position de divers acteurs du milieu scolaire et universitaire à l’égard des changements proposés par cette réforme. </p>
<p>Pour ce faire, nous proposons une analyse qualitative et quantitative des mémoires déposés par plusieurs acteurs au printemps 2023 dans le cadre des consultations particulières de la Commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale du Québec (ANQ), chargée de faire l’étude de ce projet de loi.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-reforme-drainville-renforce-lautorite-du-ministre-et-elimine-les-contre-pouvoirs-205550">La réforme Drainville renforce l’autorité du ministre et élimine les contre-pouvoirs</a>
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<h2>Contexte de la recherche</h2>
<p>Au total, <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CCE/mandats/Mandat-49309/memoires-deposes.html">41 acteurs ont déposé des mémoires lors de ces consultations</a>. Par « acteurs », nous entendons des organismes, groupes ou individus. Il s’agit en majorité d’acteurs scolaires ou universitaires, c’est-à-dire des acteurs touchés par l’activité éducative. </p>
<p>Parmi ces derniers, 40 prennent position à l’égard des <a href="https://theconversation.com/la-reforme-drainville-renforce-lautorite-du-ministre-et-elimine-les-contre-pouvoirs-205550">cinq changements proposés par le projet de loi nº 23</a> que nous considérons comme les plus importants, soit :</p>
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<li><p>le pouvoir du ministre d’orienter la formation continue du personnel enseignant ; </p></li>
<li><p>le pouvoir du ministre de nommer des directeurs généraux des CSS ;</p></li>
<li><p>l’abolition du Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE) ;</p></li>
<li><p>le démantèlement du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) ;</p></li>
<li><p>la création de l’Institut national d’excellence en éducation (INEE). </p></li>
</ul>
<h2>Résultats de notre analyse</h2>
<p><strong>1. Formation continue du personnel enseignant</strong></p>
<p>Une première analyse nous permet d’observer que les appuis en ce qui concerne le pouvoir accru du ministre à l’égard de la formation continue du personnel enseignant sont rares :</p>
<p>Près de la moitié des acteurs rejettent en bloc ce changement proposé par le Projet de loi nº 23, alors que l’autre moitié ne l’aborde pas. Un seul acteur appuie le changement, mais avec des réserves, soit l’Association des directions générales du Québec (ADGSQ), laquelle représente les directeurs généraux des CSS et des commissions scolaires du Québec. L’ADGSQ se montre en faveur d’un encadrement privilégiant des stratégies reconnues comme efficaces par la recherche.</p>
<p>Les acteurs opposés à ce changement (syndicats, universitaires, organismes publics – dont le protecteur du citoyen) défendent pour leur part l’importance de respecter l’autonomie professionnelle du personnel enseignant. </p>
<p><strong>2. Directeurs généraux des centres de services scolaires (CSS)</strong></p>
<p>La position des acteurs à l’égard du pouvoir du ministre de nommer les directeurs généraux des CSS est plus contrastée :</p>
<p>Parmi les acteurs abordant ce thème, 12 se montrent opposés et 4 l’appuient avec des réserves. Les groupes qui souscrivent à ce changement sont des associations représentant des cadres scolaires, alors que ceux qui s’y opposent représentent souvent des acteurs qui siègent actuellement sur un conseil d’administration de CSS, soit l’instance détenant ce pouvoir.</p>
<p><strong>3. Abolition du CAPFE</strong></p>
<p>Depuis sa création en 1992, le <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/education/organismes-lies/comite-dagrement-des-programmes-de-formation-a-lenseignement-capfe">CAPFE a comme mission</a> d’examiner et d’agréer les programmes de formation à l’enseignement, de recommander au ministre les programmes de formation à l’enseignement aux fins de l’obtention d’une autorisation d’enseigner et de donner son avis au ministre sur la définition des compétences attendues du personnel enseignant des ordres d’enseignement primaire et secondaire. </p>
<p>Le projet de loi n° 23 propose de rapatrier ces pouvoirs autour du ministre, lequel pourrait au passage consulter l’INEE pour prendre ses décisions.</p>
<p>L’analyse statistique nous permet de constater que l’abolition du CAPFE reçoit peu d’appuis :</p>
<p>En fait, un seul mémoire soutient cette abolition, soit celui de Maltais, professeur en financement et politiques d’éducation (UQAR), et Bendwell, enseignant de philosophie au Cégep de Saint-Laurent, et ce, sans réserve. Les acteurs s’y opposant souhaitent le maintien du CAPFE au nom des principes mêmes d’une bonne gouvernance.</p>
<p><strong>4. Abolition du CSE</strong></p>
<p>Le CSE est né au même moment que le ministère de l’Éducation, en 1964, dans le contexte de la Révolution tranquille. Il a pour fonction de conseiller les ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur sur toute question relative à l’éducation ou à l’enseignement supérieur en répondant à leurs demandes d’avis, mais aussi en effectuant de sa propre initiative des travaux portant sur tout thème qu’il juge pertinent. </p>
<p>Le projet de loi nº 23 propose de démanteler le CSE en confiant sa mission relative aux ordres préscolaire, primaire et secondaire à l’INEE, lequel est toutefois dépourvu du pouvoir d’initiative et des instances délibératives que possède le CSE.</p>
<p>Les appuis à l’égard de l’abolition du CSE sont clairsemés, eux aussi :</p>
<p>En fait, il s’agit de l’élément le plus contesté du projet de loi. Pour les défenseurs de l’organisme, l’intégrité du CSE est vitale, en raison de son rôle hautement démocratique et apolitique, de même que de ses travaux rigoureux, originaux, accessibles et éclairants. </p>
<p><strong>5. Création d’un INEE</strong></p>
<p>Le projet de création d’un INEE calqué sur le modèle de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESS) est discuté au Québec depuis près d’une décennie. Les principales missions de ce nouvel organisme seraient d’identifier les meilleures pratiques en enseignement et de favoriser leur mise en application dans les milieux.</p>
<p>L’analyse permet d’observer que la création d’un INEE est le changement le plus discuté dans les mémoires :</p>
<p>Un seul des 40 mémoires analysés ne traite pas de ce thème, soit celui de l’Union des municipalités du Québec, qui aborde surtout des changements législatifs apportés par le gouvernement à l’intérieur d’une législation précédente. Ce changement est aussi le seul – de tous ceux retenus ici – à rassembler plus d’appuis (n=30) que de rejets (n=9). </p>
<p>Il demeure que seuls deux acteurs adhèrent inconditionnellement au projet d’INEE contenu dans le Projet de loi nº 23. Les réserves les plus courantes concernent l’importance d’affirmer davantage l’indépendance de l’INEE à l’égard du ministre ou de revoir la composition de son conseil d’administration pour inclure des représentants d’autres groupes. </p>
<p>Enfin, neuf acteurs font pièce à ce changement en raison notamment du brassage de structures qui détourne des véritables enjeux du milieu scolaire. Ces opposants sont plutôt d’avis que le ministre gagnerait à réinvestir dans les structures en place. </p>
<p>Certains voient également dans cette entreprise une <a href="https://qesba.qc.ca/wp-content/uploads/2023/06/Memoire-ACSAQ-PL23.pdf">« centralisation accrue de l’autorité »</a>, voire une réponse « <a href="https://www.lafae.qc.ca/public/upload/memoire_pl23-2023.pdf">aux besoins (de contrôle) du ministre, pas [aux besoins] des élèves ainsi que des enseignantes et enseignants</a> ».</p>
<h2>Que faut-il retenir ?</h2>
<p>L’analyse des mémoires déposés à la Commission de la culture et de l’éducation de l’ANQ permet de constater le très peu d’appétit des acteurs du milieu scolaire et universitaire à l’égard des changements proposés par le Projet de loi nº 23. </p>
<p>En fait, seul le projet de création de l’INEE suscite plus d’appuis que de refus, mais avec d’importantes réserves et résistances. </p>
<p>Il importera donc d’observer au cours des prochaines semaines et des prochains mois si le ministre saura tenir compte de ces avis discordants et s’il modifiera de façon substantielle son projet de loi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214684/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Lemieux a reçu des financements du FRQSC et du CRSH pour des projets de recherche n'ayant pas de lien avec cette publication. Il a travaillé au Conseil supérieur de l'éducation en 2019. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Lefrançois a reçu des financements du CRSH et du FRQSC sans lien avec cette contribution. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Geneviève Sirois a reçu des financements du CRSH et du FRQSC pour des projets de recherche portant sur les pénuries d'enseignants et la formation des enseignants non-légalement qualifiés. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>ETHIER, Marc-André a reçu des financements du FRQSC, du FCI et du CRSH, mais cela ne concerne pas cet article.</span></em></p>Les acteurs des milieux scolaire et universitaire démontrent très peu d’appétit à l’égard des changements proposés par le projet de loi du ministre québécois de l’Éducation, Bernard Drainville.Olivier Lemieux, Professeur en administration et politiques de l'éducation, Université du Québec à Rimouski (UQAR)David Lefrançois, professeur en fondements de l'éducation, Université du Québec en Outaouais (UQO)Geneviève Sirois, Professeure en gestion scolaire, Université TÉLUQ Marc-André Éthier, Professeur en didactique de l'histoire, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158222023-10-25T16:00:35Z2023-10-25T16:00:35ZDébat : l’éducation peut-elle déjouer le déterminisme social ?<p>Les actes terroristes frappant les enseignants nous conduisent à affronter, entre autres, la question des fonctions et des pouvoirs de l’école. Contre le fanatisme barbare, que peut vraiment la pédagogie ? On attend des enseignants qu’ils soient un rempart contre l’obscurantisme. Mais cela est-il réaliste, quand l’école paraît incapable d’assumer sa mission première de transmission des savoirs, et d’assurer la réussite de tous les élèves ?</p>
<p>Le ministre de l’Éducation, qui souhaite remédier à cette baisse de niveau des élèves par un « choc des savoirs », vient d’affirmer récemment, dans une interview au journal <em>Le Monde</em>, que <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/05/gabriel-attal-nous-devons-engager-une-bataille-pour-le-niveau-de-notre-ecole_6192600_3224.html">« la pédagogie peut renverser la sociologie »</a>. L’éducation scolaire aurait-elle donc le pouvoir de contrecarrer le <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/10/10/la-pedagogie-peut-renverser-la-sociologie-professeur-une-mission-impossible/">jeu des déterminants sociaux de la réussite</a>, dont de très nombreuses études montrent pourtant la puissance ? L’espoir du ministre est-il fondé ?</p>
<h2>Des facteurs sociaux qui pèsent sur la réussite scolaire</h2>
<p>La sociologie de l’éducation montre que l’origine socio-économique des élèves paraît conditionner en grande partie les destins scolaires. Deux enseignements majeurs peuvent, à cet égard, être retenus des <a href="https://www.education.gouv.fr/pisa-programme-international-pour-le-suivi-des-acquis-des-eleves-41558">enquêtes PISA</a> (« Program for International Student Assessment », soit, en français, « Programme international pour le suivi des acquis des élèves »), menées tous les trois ans, depuis l’année 2000, sous l’égide de l’OCDE.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-lecture-le-niveau-des-eleves-baisse-t-il-vraiment-198432">Maths, lecture : le niveau des élèves baisse-t-il vraiment ?</a>
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<p>Tout d’abord, malgré les titres alarmants de la presse, il n’y a pas d’effondrement significatif des niveaux en France. La France est un élève moyen (médiocre ?), dont les résultats, mise à part une rupture, relative, en 2006, sont pratiquement stables, c’est ce qu’on peut constater par exemple en <a href="https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/44252/pisa-2018-stabilite-des-resultats-en-comprehension-de-l-ecrit-lea-chabanon-helene-durand-de-monestro">compréhension de l’écrit depuis 2009</a>.</p>
<p>Si, quelquefois, la France recule dans les classements – mais il faut tenir compte de l’effet « augmentation du nombre de pays d’enquête », de 32 pays en 2000, à 85 pays en 2023 –, les scores ne baissent pas significativement. Mais ils n’augmentent pas non plus.</p>
<p>Toutefois, et c’est le deuxième enseignement majeur, le poids des inégalités sociales ne décroît pas. On note même une tendance à l’accroissement des écarts de performances entre « bons » et « mauvais » élèves. <a href="https://www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa-2012-results.htm">En 2012</a>, 22,5 % des résultats des élèves en mathématiques sont imputables aux origines socio-économiques, contre 15 % en moyenne pour l’OCDE. <a href="https://www.oecd.org/pisa/pisa-2015-results-in-focus.pdf">En 2015</a>, le milieu socio-économique explique toujours plus de 20 % de la performance. Et 118 points séparent les résultats, selon la variable « milieu » (favorisé vs défavorisé).</p>
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<figcaption><span class="caption">Le système éducatif français aggrave les inégalités : que faire ? (Interview d’Eric Charbonnier sur Xerfi Canal, janvier 2020).</span></figcaption>
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<p><a href="https://www.oecd.org/pisa/data/">En 2018</a>, parmi les élèves très performants, 20 % appartiennent à des familles favorisées, contre 2 % à des familles défavorisées. Indéniablement, les inégalités de réussite scolaire sont fortement marquées socialement. Mais est-ce à dire que la pédagogie est impuissante ?</p>
<h2>Postuler l’éducabilité de tous</h2>
<p>Si les élèves issus de catégories défavorisées ont (statistiquement) plus de mal que les autres à réussir, la sociologie ne démontre pas qu’ils souffriraient, pour autant, d’un handicap insurmontable. Comme s’ils étaient touchés par une « moindre éducabilité » substantielle ! Il faut reconnaitre à ce sujet, comme les travaux de <a href="https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1989_num_41_1_1668">Guy Avanzini</a>, et de <a href="https://www.persee.fr/doc/refor_0988-1824_1991_num_10_1_1074_t1_0211_0000_2">Philippe Meirieu</a>, l’ont bien montré, que l’éducabilité de tous les élèves (leur capacité à se développer, et à réussir), n’est pas de l’ordre du résultat expérimental, mais du postulat.</p>
<p>Or ce postulat est une condition de possibilité de l’acte éducatif. Comme l’a établi avec force Avanzini, la <a href="https://eests.centredoc.fr/index.php?lvl=notice_display&id=88952">« croyance dans l’éducabilité »</a> est de l’ordre de l’acte de foi, du pari, ou du défi. Elle exprime une exigence éthique ; mais, plus encore, logique. Car il serait absurde d’essayer d’éduquer quelqu’un que l’on supposerait inéducable ! « Entreprendre l’éducation de quelqu’un sans le postuler éducable serait contradictoire ».</p>
<p>Ici donc, l’espoir, le désir, le souhait, qu’exprime la moindre action à volonté éducative, ont plus de poids que les constats de la sociologie. On n’est pas dans l’ordre des faits relevant de la preuve, mais dans l’ordre, antérieur, et en surplomb, du « ce sans quoi » une action n’a pas de sens. De ce point de vue, en tant qu’elle repose sur le postulat de l’éducabilité, la pédagogie prévaut sur la sociologie.</p>
<h2>Quel modèle pour penser les parcours scolaires ?</h2>
<p>Mais il ne suffit pas de croire en sa possibilité pour être assuré de produire une action efficace. Les obstacles pourraient être trop nombreux, voire insurmontables. Parmi ces obstacles, on pourra ranger le nombre et le poids des facteurs extrascolaires de la réussite, qu’il faudra prendre en compte dans la construction d’un modèle explicatif de la réussite et de l’échec scolaires.</p>
<p>Or, d’une part ces facteurs sont manifestement très nombreux ; et, d’autre part, se situent bien, pour la plupart, dans le champ économique et social. En effet, on peut évoquer, avec <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Reproduction-1952-1-1-0-1.html">Bourdieu et Passeron (1970)</a>, le poids de l’habitus (principe générateur et unificateur des conduites et des opinions forgé dans la prime enfance par inculcation d’un arbitraire culturel) ; la maîtrise du langage, tout d’abord oral, puis écrit, socialement conditionnée ; l’environnement familial, plus ou moins réceptif aux exigences scolaires ; la possibilité (ou non) de dépenses d’« enrichissement » (leçons particulières, voyages, colonies de vacances) ; etc.</p>
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<img alt="Personnes escaladant les barreaux d’une échelle" src="https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’enseignant postule que tous les élèves sont éducables et les aide selon leurs difficultés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/career-ladder-help-business-man-corporate-1745692139">Shutterstock</a></span>
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<p>À cet égard, est très significative la surréussite des enfants d’enseignants, <a href="https://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/2013/05/08/enfants-d-enseignants-ces-chouchous-de-l-ecole_3173567_1473688.html">ces « chouchous » de l’école</a>, dont les parents disposent d’un « capital temps » et d’un « capital culturel » significativement importants ; possèdent une maîtrise particulière des codes scolaires ; et peuvent installer une continuité de pratiques et de valeurs entre sphère familiale et sphère scolaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-heritiers-ce-que-bourdieu-et-passeron-nous-ont-appris-de-linegalite-des-chances-177185">« Les Héritiers » : ce que Bourdieu et Passeron nous ont appris de l’inégalité des chances</a>
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<p>Plus que l’identification des facteurs de réussite, qui s’inscrit dans une analyse statique de la réalité, s’impose alors le recours à un modèle dynamique du parcours scolaire. On peut proposer le modèle de la « spirale tourbillonnaire ». Chacun est engagé dans une spirale dont les « facteurs d’aspiration » sont nombreux : capital linguistique, capital culturel, énergie personnelle, envie de réussite, confiance en soi, rapport au travail scolaire, compétences et connaissances déjà construites, etc. Sans négliger ce facteur essentiel qu’est la réussite scolaire antérieure.</p>
<p>La réussite passée devient (et toujours plus) un facteur de réussite ultérieure. Ainsi s’installe une dynamique telle que certains restent jusqu’au bout au centre du tourbillon, qui les déposera à l’École Normale Supérieure rue d’Ulm, ou devant l’École Polytechnique. Tandis que les moins armés auront été, chemin faisant, expulsés du tourbillon à telle ou telle étape de leur parcours.</p>
<h2>Peut-on casser la spirale des inégalités ?</h2>
<p>Mais ne peut-on casser le jeu d’une spirale négative ? Car, l’affirmation que « l’ascenseur social ne fonctionne plus », d’une part repose sur l’illusion rétrospective qu’il a un jour correctement fonctionné, ce qui est loin d’être établi. Et, d’autre part, manifeste une méconnaissance de la réalité. Le travail récent d’Arnaud Lacheret sur les <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/les-integres/">réussites de la deuxième génération de l’immigration nord-africaine</a> tend à montrer qu’un regard trop focalisé sur les échecs et les discriminations (qui n’en restent pas moins réels !) laisse dans l’ombre les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/02/arnaud-lacheret-politiste-on-etudie-trop-peu-les-reussites-ordinaires-des-enfants-d-immigres_6192046_3232.html">« réussites ordinaires »</a> (tout aussi réelles !) de tous ceux qui ont pu s’intégrer.</p>
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<p>En définitive, la réussite n’est pas réservée à quelques-uns, et interdite aux autres. Si, manifestement, certains ont plus de chances que d’autres dans leur jeu, beaucoup d’autres ont pu s’inscrire dans une spirale positive. Grâce, en particulier, à la rencontre avec un(e) enseignant (e) ayant su repérer et déclencher le potentiel de développement d’un élève en l’éducabilité duquel il avait cru. De très nombreux témoignages en attestent. Il suffit de peu de choses pour transformer une spirale négative en spirale positive. La rencontre avec un enseignant ayant su les accrocher peut suffire…</p>
<p>C’est en ce sens que la pédagogie peut renverser la sociologie. Il ne faut donc pas penser la pédagogie contre la sociologie ; mais, plus largement, l’espoir d’être utile, contre le défaitisme fataliste. La pédagogie ne peut pas être à l’origine de toutes les réussites du monde. Mais elle peut, et doit, en prendre sa part.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215822/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« La pédagogie peut renverser la sociologie », a déclaré le ministre de l’Éducation Gabriel Attal dans une interview au Monde début octobre. Qu’en penser ?Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2159502023-10-19T20:38:07Z2023-10-19T20:38:07ZL’école de la République : un pilier dans la tourmente ?<p>Trois ans après <a href="https://theconversation.com/lettre-aux-enseignants-en-premiere-ligne-pour-defendre-les-valeurs-de-la-republique-148315">l’assassinat de Samuel Paty</a>, le terrorisme vient à nouveau de frapper l’école, qui devient ainsi clairement une cible spécifique du djihadisme. Mais si les <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2023/10/16/face-a-la-salafisation-des-esprits-l-ecole-est-la-ligne-de-front_6194776_3260.html">enseignants sont devenus une cible</a>, c’est qu’ils sont aussi un rempart. Un rempart contre l’obscurantisme qui caractérise et anime leurs agresseurs, et menace toute la société. Ils se trouvent ainsi de facto, sans l’avoir vraiment voulu, chargés d’une mission qui dépasse la simple (mais déjà assez difficile !) mission d’enseigner : celle d’être un pilier dans la tourmente, pour toute la nation française.</p>
<p>Il y a désormais un décalage entre ce que l’on attend de l’école, et ce que les enseignants sont habitués à y faire, en ayant été formés spécifiquement pour cela. Car ils doivent être plus que de simples enseignants, et cela n’est sans doute, pour eux, ni évident, ni facile.</p>
<p>Pour apprécier la charge que représente cette nouvelle tâche, et l’étendue du changement touchant le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/enseignants-24310">métier de professeur</a> (des écoles comme de collège ou de lycée), on peut l’appréhender à partir de trois attentes essentielles touchant désormais l’école.</p>
<h2>L’école, ce lieu où l’on est soumis au « choc du savoir »</h2>
<p>Ce décalage est déjà visible au niveau de la mission la plus traditionnelle de l’école, et qui perdure, en étant plus que jamais d’actualité : transmettre des savoirs. Mais, plus que d’un <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/05/gabriel-attal-nous-devons-engager-une-bataille-pour-le-niveau-de-notre-ecole_6192600_3224.html">« choc des savoirs »</a>, selon l’expression de Gabriel Attal, il lui faut être le lieu d’un choc du savoir ! Non pas accumuler des savoirs, mais d’abord comprendre ce qu’est le savoir, et le distingue d’une opinion. Car l’essentiel est de dépasser les opinions (s’en délivrer), pour accéder au savoir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/education-aux-medias-et-a-linformation-la-generalisation-et-apres-177372">Éducation aux médias et à l’information : la généralisation, et après ?</a>
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<p>C’est ce mouvement de <a href="https://editions.flammarion.com/traite-de-la-reforme-de-lentendement/9782080711717">« purification de l’entendement »</a>, pour parler comme Spinoza, qui compte, beaucoup plus que l’accès à tel ou tel savoir particulier. Telle est la « révolution copernicienne » qui est exigée de l’école pour devenir vraiment un rempart contre l’ignorance et l’obscurantisme : se centrer non sur les savoirs, mais sur la dynamique qui permet d’y accéder.</p>
<p>Le glissement est double. Il s’agit de porter un autre regard sur les disciplines scolaires. Et de vraiment ne laisser personne à l’écart. Du premier point de vue, les disciplines d’enseignement ne doivent plus être considérées comme des fins en soi, mais essentiellement comme des occasions de développer certaines capacités ou compétences fondamentales. Le professeur ne doit plus être au service d’une discipline, mais au service des élèves que cette discipline peut aider à grandir et à progresser en tant qu’êtres humains.</p>
<p>Il ne s’agit pas, par exemple, de former un mathématicien, ou un homme de lettres. Mais d’utiliser les mathématiques et les lettres pour armer l’élève d’outils cognitifs, qui le rendront capable d’innover, pour faire face à la variété de problèmes qu’il rencontrera dans le temps de crise, et d’incertitude, qui est désormais le nôtre.</p>
<p>Et quand se développent des <a href="https://theconversation.com/chatgpt-face-aux-artifices-de-lia-comment-leducation-aux-medias-peut-aider-les-eleves-207166">outils numériques par lesquels on pourrait craindre d’être dépassé</a>, il faut d’abord permettre à l’élève de se construire lui-même comme « outil pensant intelligent (smart) », capable de débusquer les contre-vérités, et d’imaginer des solutions aux problèmes rencontrés. La grande tâche de l’école est aujourd’hui de participer à cette construction.</p>
<p>C’est ce qui conduit à repenser les curricula (les programmes d’étude et de développement), en visant moins une pluralité de savoirs spécifiques (correspondant à des disciplines d’enseignement enseignées pour elles-mêmes), que ce que chaque discipline peut offrir comme méthodes de recherche, attitudes de travail, en matière de formation et de structuration de l’esprit.</p>
<p>Non pas la discipline pour elle-même, mais pour sa contribution à la sauvegarde et au développement des capacités cognitives. Il s’agit en somme de sauvegarder et de développer ce que Rousseau appelait la <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/file/index/docid/297311/filename/Adli_La_perfectibilite_chez_Rousseau.pdf">« perfectibilité »</a>, c’est-à-dire le pouvoir fondamental d’acquérir et de développer des pouvoirs (d’agir et de penser).</p>
<p>La seconde préoccupation (ne laisser personne à l’écart) devrait conduire à privilégier une <a href="https://theconversation.com/penser-lapres-pour-une-ecole-de-lessentiel-137005">« école du socle »</a>. C’est-à-dire une école centrée sur les fondamentaux, dans le sens évoqué ci-dessus, et accompagnant les élèves sur un temps suffisamment long : pas de différenciation, ou d’orientation importante, avant la fin du collège actuel. Tous les enfants et adolescents doivent être touchés par le mouvement de « réforme de l’entendement ».</p>
<h2>L’école comme lieu d’expérimentation concrète de la laïcité</h2>
<p>Bien plus que l’instauration d’un nouveau rapport au savoir, le deuxième changement risque d’être déstabilisant pour les enseignants. Il s’agit pour eux d’être les acteurs d’une véritable expérimentation concrète de la laïcité. Cela peut encore être saisi à deux niveaux.</p>
<p>Le premier est celui d’un enseignement de la laïcité. Ce travail incombe en grande partie aux professeurs d’histoire-géographie, à qui il appartient, depuis 2015, d’assurer un enseignement moral et civique (EMC) poursuivant trois finalités, précisées par le <a href="https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?pid_bo=38047">Bulletin officiel n° 30 du 26-7-2018 de l’Éducation nationale</a> : respecter autrui ; acquérir et partager les valeurs de la République ; construire une culture civique.</p>
<p>Le nouvel <a href="https://theconversation.com/quest-ce-que-lenseignement-moral-et-civique-148493">« enseignement moral et civique »</a> (EMC) inscrit dans la loi de refondation de l’école de 2013 a suscité d’importants débats, sur son opportunité, son sens, sa légitimité, et même sa possibilité. Les événements récents montrent qu’un tel enseignement est absolument nécessaire.</p>
<p>Tous les élèves doivent comprendre ce que signifie la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/la-cite-22058">laïcité</a>, et quel est le sens du principe qui la fonde : la distinction entre les lois, libre expression du peuple souverain, qui s’imposent à tous les citoyens, égaux en tant que tels ; et les convictions, religieuses ou autres, que chacun est libre d’adopter et de défendre, à la seule condition qu’elles n’entraînent pas d’actes contradictoires avec les lois de la République.</p>
<p>Mais les professeurs d’histoire-géographie ne doivent pas être laissés seuls sur les créneaux du rempart ! Il appartient à l’ensemble de la communauté éducative (au sein de l’établissement), de faire en quelque sorte expérimenter concrètement la laïcité. En rappelant, chaque fois que l’occasion en est donnée, en cours, comme dans la « vie scolaire », la nécessité du respect des opinions individuelles, et des personnes qui les expriment, mais toujours dans le cadre du respect premier et fondamental des lois de la République. Et en n’hésitant pas à assurer le rôle de garant et de gardien de la laïcité, en intervenant quand un acte mérite sanction.</p>
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<figcaption><span class="caption">France : atteintes à la laïcité, les professeurs en première ligne •(France 24, octobre 2023).</span></figcaption>
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<p>De ce point de vue, tous les acteurs de la communauté que constitue l’établissement, dont les professeurs, doivent accepter de jouer le rôle de représentants, et s’il le faut de gendarmes, de l’exigence laïque.</p>
<p>Il y a bien un combat à mener, mais finalement contre la haine, qui fait oublier que l’autre (le Palestinien, le juif, le chrétien, le Français…), est mon semblable, et mon égal. Quelqu’un envers qui j’ai des devoirs, qui ne sont que l’autre, et première, face de mes droits.</p>
<h2>L’école comme espace où l’on vit de façon protégée les temps de l’enfance et de l’adolescence</h2>
<p>L’école est aussi le lieu où l’on passe une partie essentielle des longues, et souvent heureuses, années de son enfance et de son adolescence. Années qu’on les passe au sein de groupes sociaux rassemblant des personnes d’à peu près le même âge, mais de convictions et de milieux relativement divers, et avec certaines desquelles on nouera des amitiés durables.</p>
<p>Ce lieu où se tissent des amitiés, où se construisent, et s’interpénètrent, des parcours de vie, se doit d’être un lieu protecteur. Or la menace djihadiste en fait un lieu où les enseignants, comme les élèves, deviennent des cibles particulièrement exposées au risque d’agression terroriste, et peuvent se sentir condamnés à vivre dans la peur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/face-aux-attaques-terroristes-comment-proteger-les-enseignants-215724">Face aux attaques terroristes, comment protéger les enseignants ?</a>
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<p>L’école se doit d’être un espace hautement sécurisé, qui met à l’abri de la peur. Mais sans devenir une forteresse coupée du reste de la société. En dehors de ce qui relève de l’action des forces de police, voire de l’armée, le souci de la sécurité peut d’ailleurs commencer à se manifester dans des actes tels que l’instauration de « places aux enfants », espaces libérés de la circulation automobile devant l’entrée des établissements. Ou dans une ferme politique de lutte contre le harcèlement, à laquelle tous les enseignants peuvent, et doivent, participer.</p>
<p>Car s’il faut craindre les agressions mortelles en provenance de l’extérieur, l’histoire récente montre que des agressions proprement scolaires, relevant du <a href="https://theconversation.com/ecole-exclure-les-eleves-harceleurs-est-ce-vraiment-la-solution-211950">harcèlement</a>, peuvent s’avérer, in fine, tout aussi mortelles. Tout doit être fait pour que les élèves puissent vivre en paix, à l’abri de toutes les agressions, d’où qu’elles viennent.</p>
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<p>Le combat pour la sécurité et la paix est ainsi un combat multiforme, et de tous les instants. Les enseignants sont, plus que jamais, invités à y participer. Et cela peut commencer par l’instauration d’une atmosphère de travail paisible, fondée sur le respect réciproque, au sein d’une classe où l’erreur n’est pas une faute, et où l’on peut apprendre sans avoir peur : ni la peur de se tromper ; ni la peur d’être moqué ou agressé par les autres ; ni la peur d’être victime d’un attentat.</p>
<p>Il est clair, toutefois, que les enseignants ne pourront vraiment s’investir dans ce triple nouveau rôle d’accompagnateur de la réforme de l’entendement, de représentant actif de la laïcité, et d’agent de la paix, qu’à une double condition. La première est qu’ils bénéficient d’une triple formation adéquate. La seconde, que la société leur manifeste (enfin) une reconnaissance à la hauteur de l’importance de leur rôle, et de leur engagement dans ce triple combat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les enseignants sont devenus une cible, c’est qu’ils sont aussi un rempart. Un rempart contre l’obscurantisme qui caractérise et anime leurs agresseurs, et menace toute la société.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157242023-10-16T17:03:10Z2023-10-16T17:03:10ZFace aux attaques terroristes, comment protéger les enseignants ?<p>Trois ans après la mort de <a href="https://theconversation.com/lettre-aux-enseignants-en-premiere-ligne-pour-defendre-les-valeurs-de-la-republique-148315">Samuel Paty</a>, professeur d’histoire-géographie tué à la sortie de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), l’assassinat ce vendredi 13 octobre 2023 de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/14/attaque-a-arras-la-france-en-urgence-attentat-apres-un-nouvel-assassinat-d-enseignant_6194319_3224.html">Dominique Bernard, professeur de français de la cité scolaire Gambetta-Carnot d’Arras</a> ouvre à nouveau la question des protections à assurer dans les établissements scolaires, en particulier pour les professeurs qui peuvent subir des agressions venant de l’extérieur mais doivent aussi faire face à des mises en cause inadmissibles en interne, en particulier pour ce qui concerne les enseignements en EPS, SVT ou histoire.</p>
<p>Peut-on vraiment « sanctuariser » les établissements et les enseignements ? Un certain nombre d’annonces qui ont été faites dans le passé apparaissent difficilement applicables ou laissent dans l’ombre certains aspects du problème pourtant bien réels.</p>
<h2>L’expérimentation des portiques à l’entrée des établissements</h2>
<p>Pour sécuriser l’entrée des établissements scolaires, on songe immédiatement aux annonces concernant la mise en place de portiques, évoquée depuis une quinzaine d’années. En mai 2009, en visite au collège de Fenouillet en Haute-Garonne où une enseignante avait été poignardée par un élève de cinquième après son refus de lui retirer une punition, le ministre de l’Éducation Xavier Darcos avait ainsi déclaré <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/15/des-portiques-de-detection-de-metaux-pourraient-etre-mis-en-place-a-l-entree-des-ecoles_1193777_3224.html">envisager l’installation de dispositifs de détection de métaux</a> devant certains établissements.</p>
<p>Un mois plus tôt, à la suite de <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/une-bande-armee-seme-la-panique-au-sein-d-un-lycee-11-03-2009-438054.php">l’intrusion d’une bande armée dans un lycée professionnel de Gagny en Seine-Saint-Denis</a> se soldant par une dizaine de blessés, Xavier Darcos s’était déjà prononcé pour l’implantation de caméras de surveillance dans les collèges et lycées. Cependant, ces nouveaux dispositifs sont à la charge des départements et des régions, et peu d’entre eux s’engagent alors dans cette voie.</p>
<p>À la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, lors de la campagne des élections régionales, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, futurs présidents des régions Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/portiques-de-securite-dans-les-lycees-une-heure-pour-faire-rentrer-1-000-eleves-2350348">avaient demandé l’installation de portiques de sécurité à l’entrée de tous les lycées</a>. Le plus engagé dans cette voie était Laurent Wauquiez qui avait annoncé que sa région doterait ses 320 lycées de portiques tels qu’on peut en trouver dans les aéroports, afin de contrer le « terrorisme, l’intrusion d’armes à feu et le trafic de drogues ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Expérimentation des portiques à l’entrée des établissements, retour au lycée Albert Londres de Cusset (journal <em>La Montagne</em>, 2016).</span></figcaption>
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<p>Le nouveau président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes avait décidé d’expérimenter cette mesure dans quinze établissements pilotes. Mais six mois après l’annonce, la région a dû faire marche arrière et a opté pour de simples tourniquets avec badge. Les conseils d’administration des établissements concernés ne se sont en effet pas prononcés pour les portiques mais plutôt pour des remises aux normes des clôtures, des réparations des grillages ou des caméras de surveillance. En mars 2017, alors que la fusillade dans un lycée de Grasse relance le débat, sur France Inter, Philippe Tournier, le secrétaire général du SNPDEN, syndicat majoritaire des chefs d’établissement <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WidnQLHCJuQ">rappelle les écueils logistiques à ce type de dispositifs</a> :</p>
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<p>« Le calcul a été fait par nos collègues, notamment dans la région Auvergne-Rhône-Alpes où le projet a existé. Pour un lycée d’un millier d’élèves, il fallait qu’ils arrivent une heure en avance pour passer les contrôles de sécurité alors qu’on lutte déjà pour que les élèves arrivent à l’heure normale. Ce n’est techniquement pas sérieux. »</p>
</blockquote>
<p>Mais Philippe Tournier revendique non moins nettement que les établissements scolaires soient dotés d’agents de sécurité : « cela existe dans les hôpitaux, dans les centres commerciaux, dans les mairies et même au ministère de l’Éducation nationale mais toujours pas dans les établissements scolaires. Nous ne demandons pas des gardes armés devant les établissements. Ce n’est absolument pas notre demande. Mais on dit que la sécurité est un métier ». Des équipes mobiles de sécurité sont alors chargées de lutter contre la violence scolaire mais elles ne représentent que 500 personnes pour 60 000 établissements. Le ministre de l’Éducation nationale. En octobre 2023, Gabiel Attal vient d’annoncer <a href="https://www.bfmtv.com/politique/attaque-au-couteau-a-arras-gabriel-attal-annonce-le-deploiement-de-pres-de-1000-personnels-de-prevention-et-de-securite-du-ministere-dans-les-ecoles-et-etablissements-scolaires_VN-202310130948.html">« le déploiement de 1 000 personnels de sécurité »</a> dans les établissements scolaires.</p>
<h2>Les signaux d’alerte au sein des collèges et lycées</h2>
<p>Les menaces qui pèsent sur les enseignants ne sont pas seulement extérieures, les mises en cause peuvent tout à fait venir de l’intérieur des établissements scolaires. Et, de ce point de vue, on doit prendre en compte le constat déjà alarmant dressé il y a une vingtaine d’années par l’inspecteur général Jean-Pierre Obin.</p>
<p>En juin 2004, ce rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, rédigé donc par Jean-Pierre Obin à l’issue d’inspections menées dans une soixantaine d’établissements scolaires dits « sensibles », est remis au ministre de l’Éducation nationale François Fillon. Son intitulé : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Obin"><em>Les signes et manifestations d’appartenances religieuses dans les établissements scolaires</em></a>. La question du port du voile y est présentée dans ce rapport comme « l’arbre qui cache la forêt » des détériorations de la vie scolaire et des contestations de certains enseignements, notamment en éducation physique et sportive, en sciences de la vie et de la Terre et en histoire. À l’évidence, ce qui est le plus alarmant était laissé dans l’ombre alors qu’on se focalise généralement sur des « signes extérieurs » tels que le port du voile.</p>
<p>Le rapport n’est pas rendu public par le ministère. Et pour cause : le ministre de l’Éducation nationale François Fillon ne rompt pas avec la tentation de mettre en avant ce qui est le plus visible. Il revendique ostensiblement d’avoir été moteur dans l’interdiction du port du voile par les élèves dans les établissements scolaires tout en se prononçant pour l’extension de cette interdiction à l’université. Près d’un an plus tard, en mars 2005, peu après sa publication sur le site de la Ligue de l’enseignement, le rapport est discrètement placé sur le site du ministère, sans qu’aucune autre initiative ne soit prise par le ministre François Fillon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/signes-religieux-a-lecole-une-longue-histoire-deja-212646">Signes religieux à l’école : une longue histoire déjà</a>
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<p>Les contestations des enseignements pointées par le rapport « Obin » n’ont pas cessé depuis, tant s’en faut. C’est ce qui explique sans doute qu’une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/DLR5L15N40765">proposition de loi</a>« visant à instaurer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner dans le cadre des programmes édictés par l’Éducation nationale et à protéger les enseignants et personnels éducatifs » a été déposée fin octobre 2020. Elle tient en un article unique : insérer après le deuxième alinéa de <a href="https://www.doctrine.fr/l/texts/codes/LEGITEXT000006070719/articles/LEGIARTI000006417223">l’article 131-1 du code pénal</a>, un nouvel alinéa disant que</p>
<blockquote>
<p>« Le fait de tenter d’entraver ou d’entraver par des pressions, menaces, insultes ou intimidations, l’exercice de la liberté d’enseigner selon les objectifs pédagogiques de l’Éducation nationale, déterminés par le Conseil supérieur des programmes, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »</p>
</blockquote>
<p>Cette proposition a été faite par le <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/01/03/une-loi-de-defense-laique-face-aux-mises-en-cause-de-reconquete/">sénateur de l’Oise, Olivier Paccaud</a>, professeur agrégé d’histoire-géographie, en compagnie d’une cinquantaine de sénateurs appartenant pour la plupart au groupe Les Républicains. Elle n’a pas abouti.</p>
<p>Elle avait pourtant eu un précédent il y a déjà plus d’un siècle. Fin janvier 1914, la Chambre des députés avait en effet voté u <a href="https://theconversation.com/debat-la-defense-des-enseignements-la-ques-oubliee-du-projet-de-loi-sur-les-principes-republicains-150574">ne série de dispositions afin d’« assurer la défense de l’école laïque »</a>. Il était acté que quiconque exerçant sur les parents une pression matérielle ou morale, les aurait déterminés à retirer leur enfant de l’école ou à empêcher celui-ci de participer aux exercices réglementaires de l’école, sera puni d’un emprisonnement de six jours à un mois et d’une amende de seize francs à deux cents francs or. Enfin, quiconque aurait entravé ou tenté d’entraver le fonctionnement régulier d’une école publique sera frappé des mêmes peines, lesquelles seront sensiblement aggravées s’il y a eu violence, injures ou menaces.</p>
<p>Il avait fallu cinq ans pour que la loi de 1914 soit votée. De 1910 à 1913, de nombreux projets de « défense laïque » s’étaient succédé mais n’étaient pas allés jusqu’au bout. La III<sup>e</sup> République avait elle aussi connu des tergiversations avant le passage à l’acte…</p>
<p>Il ne saurait pourtant être question d’occulter que certaines mises en cause effectives de certains enseignements ne sauraient être tolérées, même si cela arrive moins souvent que certains le pensent. Mais cela existe, et ce qui est intolérable ne doit pas être toléré. Cela appelle la possibilité de mesures coercitives effectives, afin notamment que ceux qui font front se sentent effectivement soutenus lorsque la limite est dépassée. Cela appelle une « défense laïque » renouvelée des enseignements et des enseignants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Trois ans après la mort de Samuel Paty, l’assassinat de Dominique Bernard, professeur de français à Arras, relance le débat sur les portiques de sécurité et protections des établissements scolaires.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147782023-10-10T21:20:33Z2023-10-10T21:20:33ZEnseigner en France, en Espagne, au Royaume-Uni : un bien-être professionnel qui se dégrade ?<p>Le Baromètre international de la santé et du bien-être des personnels de l’éducation (I-BEST) a pour objectif de mieux connaître les conditions de travail et le ressenti des personnels de l’éducation. Il a été mis en place en 2021 par le Réseau Éducation et Solidarité (RES) et la Fondation d’entreprise pour la santé publique (FESP), avec l’appui de l’Internationale de l’Éducation et la Chaire Unesco « ÉducationS et Santé », dans une finalité de promotion de la santé globale, et avec l’idée que l’équilibre physique et mental de ces professionnels est une condition essentielle d’une éducation de qualité.</p>
<p>En 2021, après 18 mois de pandémie, la <a href="https://www.educationsolidarite.org/nos-actions/barometre-international-de-la-sante-du-personnel-de-leducation/">première édition d’I-BEST</a> avait objectivé <a href="https://theconversation.com/la-crise-sanitaire-met-la-sante-du-personnel-enseignant-sous-haute-tension-171620">l’épuisement des enseignants à travers le monde</a>. Deux ans plus tard, la deuxième édition du Baromètre s’est élargie à 11 territoires repartis sur 4 continents et plus de 26 000 personnels de l’éducation ont répondu à l’enquête en ligne. Parmi eux, 9 595 enseignent en France, 2 723 en Espagne et 2 524 au Royaume-Uni, trois pays d’Europe géographiquement et économiquement proches, mais avec des cultures différentes, et dont la langue est un marqueur fort.</p>
<p>Au sortir de la crise Covid-19, alors que l’année scolaire 2022-2023 <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000381091">marque pour l’école dans son fonctionnement un certain retour à la normale</a>, qu’en est-il du ressenti des enseignants en Europe ? Selon les territoires, leurs ressentis sont-ils similaires, nuancés ou franchement contrastés ?</p>
<h2>Des enseignants qui travaillent 40h par semaine en moyenne</h2>
<p>Sept enseignants sur dix sont des femmes dans les échantillons français, espagnol et britannique, ce qui reflète la féminisation très large du secteur de l’éducation en Europe. Les profils des enseignants des trois pays sont également similaires en âge et niveau d’enseignement (Figure 1), tout comme leur cadre de travail, avec des distributions assez proches en ce qui concerne la taille de l’établissement, le caractère urbain-rural du quartier environnant, le niveau de sécurité perçue au quotidien ou encore les temps de trajet domicile-travail.</p>
<p>L’Espagne se distingue toutefois par des classes plus souvent petites (moins de 20 élèves) et par une relative insatisfaction vis-à-vis des locaux et des conditions matérielles.</p>
<p>Le temps de travail effectif par semaine apparait partout important, supérieur en moyenne à 40 heures hebdomadaires, et même 48 heures au Royaume-Uni. Parallèlement, les enseignants britanniques se révèlent moins satisfaits de l’autonomie dans leur travail et de leurs relations professionnelles tant en équipe qu’avec la hiérarchie. Les réponses en France vont aussi dans le sens d’une crispation avec la hiérarchie, alors que le travail en équipe y est jugé plus favorablement.</p>
<p>En ce qui concerne les possibilités de formation, d’évolutions et le salaire, des trois pays, l’insatisfaction est systématiquement la plus répandue en France (Figure 2).</p>
<p>Avec plus d’un quart des enseignants concernés, la proportion de personnels victimes de violence au travail dans les 12 derniers mois est partout préoccupante : 25 % en Espagne, 27 % au Royaume-Uni, et 35 % en France.</p>
<p>L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle est jugé un peu plus défavorablement en France et au Royaume-Uni qu’en Espagne : 6 enseignants sur 10 y sont insatisfaits de cet aspect contre 5 sur 10 en Espagne. Pourtant, une plus forte proportion d’enseignants espagnols sont amenés à apporter, en plus de leur travail, un soutien régulier à un proche : 7 sur 10 en Espagne, versus 1 sur 2 en France et au Royaume-Uni.</p>
<h2>Des indicateurs de santé au travail contrastés</h2>
<p>Les enseignants espagnols apparaissent un peu plus satisfaits globalement de leur travail que ceux de France ou du Royaume-Uni (Figure 3). Dans ces deux pays, moins d’un enseignant sur deux est « d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec l’affirmation « Dans l’ensemble, mon travail me donne satisfaction » contre plus de 7 sur 10 en Espagne. À noter que les enseignants en France déplorent quasi systématiquement une faible valorisation sociétale du métier : 97 % contre 86 % en Espagne et 84 % au Royaume-Uni.</p>
<p>Néanmoins, et faisant écho à la réserve des enseignants espagnols vis-à-vis de leurs conditions matérielles de travail, la proportion de ceux ayant été dans l’impossibilité de travailler à cause d’un problème de voix dans l’année écoulée est sensiblement plus élevée dans le pays : 41 % en Espagne, 26 % en France et 19 % au Royaume-Uni.</p>
<p>L’état de santé général des enseignants se maintient à un niveau favorable, avec un taux similaire dans les 3 pays de plus de 8 enseignants sur 10 qui le qualifient positivement. L’évaluation du bonheur, de la santé mentale et du sommeil est plus contrastée : ainsi les enseignants se situent sur une échelle de bonheur dans la vie plutôt positivement en Espagne (61 % de satisfaits), de manière intermédiaire au Royaume-Uni (53 %) et plus négativement en France (49 %).</p>
<p>La santé psychologique des enseignants apparait d’ailleurs fragilisée en France, et dans une moindre mesure au Royaume-Uni, avec près d’un personnel sur 2 qui y rapporte ressentir souvent, très souvent ou toujours des sentiments négatifs ; de même pour l’insatisfaction vis-à-vis du sommeil (Figure 4).</p>
<h2>Outils numériques : une bonne adhésion mais une pointe d’ambivalence</h2>
<p>Dans l’enseignement européen, la mise à disposition à titre professionnel d’outils numériques (ordinateur, tablette, connexion Internet…) apparait inégale selon les pays, les enseignants britanniques bénéficiant globalement de taux d’équipement meilleurs et la France de moins bon (Figure 5). En miroir, le taux d’utilisation systématique du matériel numérique personnel pour le travail va de 23 % au Royaume-Uni à 55 % en France.</p>
<p>Dans les trois pays, les outils numériques font partie du quotidien enseignant et l’adhésion est globalement bonne, puisque partout, au moins 8 enseignants sur 10 s’estiment à l’aise avec les outils numériques et considèrent qu’ils leur facilitent le travail. Cependant, tant en France qu’en Espagne et au Royaume-Uni, 4 enseignants sur 10 estiment que les outils numériques sont une source de stress. L’opinion est également partagée sur l’impact du numérique sur les relations avec les élèves et les familles : plus de 4 enseignants sur 10 dans les trois pays (même 6 sur 10 en France) expriment une réserve sur ce point.</p>
<h2>Des pistes d’amélioration différentes selon le pays</h2>
<p>I-BEST nous livre, en 2023, un tableau nuancé du bien-être professionnel et général des enseignants en France, au Royaume-Uni et en Espagne, mettant en lumière des marges de progression spécifiques au territoire.</p>
<p>Dans les trois pays, la lutte contre la violence à l’école et une meilleure valorisation du métier d’enseignant sont à renforcer. Mais aussi, l’accent gagnerait à être mis :</p>
<ul>
<li><p>en Espagne, sur les conditions matérielles d’enseignement, les possibilités d’évolution de carrière et la prévention des troubles de la voix ;</p></li>
<li><p>au Royaume-Uni, sur la charge de travail, les relations professionnelles, l’autonomie et l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle ;</p></li>
<li><p>et en France, sur les possibilités de formation et d’évolutions de carrière, le salaire, l’amélioration de la relation avec la hiérarchie, et toujours, l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle.</p></li>
</ul>
<p>Un meilleur accompagnement médical de la santé professionnelle est aussi une piste à considérer au Royaume-Uni et en France, alors que 95 % des enseignants de ces deux pays ne voient jamais la médecine du travail, contre 45 % en Espagne (dans ce pays, un tiers des enseignants bénéficie d’une consultation annuelle).</p>
<p>Étant donné les retombées sociétales majeures à court ou plus long-terme de la santé des enseignants, alors que le bien-être est indispensable au bien-faire, suivre les évolutions au plus près du terrain doit rester une priorité afin d’identifier de manière réactive les pistes d’amélioration.</p>
<hr>
<p><em>Remerciement : le Réseau Éducation et Solidarité et tous ses partenaires pour la mise en œuvre d’I-BEST ; Nathalie Billaudeau pour les statistiques et les figures ; Nathalie Billaudeau, Pascale Lapie-Legouis, Karim Ould-Kaci, Ange-Andréa Lopoa et Morgane Richard.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214778/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noël Vercambre-Jacquot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment les enseignants se sentent-ils dans leur métier alors que l’année scolaire 2022-2023 marque un certain retour à la normale ? Quelques éléments de réponse avec le baromètre I-BEST 2023.Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Chercheur épidémiologiste, Fondation d'entreprise pour la santé publiqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2105152023-10-03T16:37:04Z2023-10-03T16:37:04ZParler de la Shoah aux lycéens et contribuer à leur formation éthique<p>L’antisémitisme qui perdure, les tentatives négationnistes concernant les crimes contre l’humanité perpétrés durant la Seconde Guerre mondiale et la survenue de nouveaux crimes contre l’humanité montrent combien il est important d’aborder le sujet de la Shoah avec les nouvelles générations. Cependant, l’évolution des programmes scolaires et le renouvellement générationnel invitent à repenser le discours sur ces événements et à interroger les implications de la transmission de la Shoah dans la formation éthique du lycéen.</p>
<p>D’une part, à travers les cours d’histoire consacrés à la <a href="https://www.babelio.com/livres/Wieviorka-Histoire-totale-de-la-Seconde-Guerre-mondiale/1541437">Seconde Guerre mondiale</a>, l’élève découvre le regard scientifique de l’historien, fondé sur une solide connaissance factuelle et l’esprit critique. D’autre part, la Shoah soulève des questions transversales qui sont évoquées dans plusieurs matières à travers des œuvres comme <em>L’Album de la famille D</em>. de Christian Boltanski en cours d’art plastiques, <em>Different trains</em> de Steve Reich en cours de musique, le court-métrage <em>Spielzeugland</em> de Jochen Alexander Freydank en cours d’allemand, les incontournables récits de survivants en cours de français comme <em>La nuit</em> d’Élie Wiesel ou <em>Si c’est un homme</em> de Primo Levi, puis Daniel Mendelsohn : <em>Les disparus</em>, Déborah Lévi-Berthérat : <em>Sur la terre des vivants</em> ou Ivan Jablonka, <em>Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus</em> pour la littérature de la troisième génération.</p>
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<figcaption><span class="caption">75 ans de la libération d’Auschwitz : les survivants font visiter l’ancien camp à des lycéens (France 24, 2020).</span></figcaption>
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<p>D’une certaine manière, la question de l’humanité en tant que telle mène à la confrontation avec les <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2023/08/20/olivier-wieviorka-la-seconde-guerre-mondiale-a-contraint-chaque-individu-a-affronter-des-dilemmes-moraux-inedits_6185960_3260.html">dilemmes moraux</a> des contemporains de cette époque d’abord et des traces laissées chez leurs héritiers. L’objectif consiste à créer un dialogue entre les élèves lors d’une rencontre avec un récit sur la Shoah. La multiplication des récits permet de « heurter » leurs préjugés et de déclencher une réflexion propre lors d’un atelier qui doit être conçu de manière à permettre effectivement cette impulsion de <a href="https://www.babelio.com/livres/Sasseville-La-communaute-de-recherche-philosophique--Applica/748799">penser par et pour soi-même</a>.</p>
<p>Le sujet de ma thèse <a href="https://www.theses.fr/s260529"><em>Le rôle des émotions dans la transmission d’une mémoire collective et dans la construction du sujet éthique</em></a> se décline en deux axes, d’abord, celui d’être force de proposition d’une méthode qui définirait un cadre théorique pour cette transmission et ensuite, d’effectuer un retour critique sur l’expérience menée au lycée.</p>
<p>Adorno, philosophe de l’école de Francfort, réfléchissait après la guerre sur une éducation qui serait « un vaccin contre la dictature », autrement dit, il proposait à réfléchir à un espace propice à développer la capacité de combattre les tendances à nier l’humanité de certains groupes qui existent dans toutes les sociétés. Tout en tenant compte des pièges inhérents aux émotions, une démarche mémorielle est proposée aux lycéens sans instrumentaliser la Shoah. En effet, les ateliers mis en place dans le cadre d’une pédagogie de projet ou lors de voyages scolaires invitent les élèves à se saisir de ces questionnements. Voici quelques propositions d’ateliers qui ont en effet débouché sur un tel état d’esprit selon le retour d’expérience des participants.</p>
<h2>Rencontres directes ou littéraires</h2>
<p>Les ateliers cherchent à faire vivre aux jeunes l’expérience d’une rencontre pour qu’ils y fabriquent des souvenirs. Jusqu’à aujourd’hui, les rencontres des témoins directs étaient des moments privilégiés pour transmettre le vécu de la Shoah. L’élève attentif écoutait le récit du témoin se tenant devant lui. Comment remplacer ces rencontres inoubliables alors que les témoins disparaissent ? À <a href="https://www.babelio.com/livres/Barjonet-Lere-des-non-temoins/1424579">l’ère des non-témoins</a>, il est possible de retrouver leur voix dans la littérature, mais comment rendre cette rencontre effective, pour que les élèves fabriquent des souvenirs qui permettent de se rappeler de ces récits ?</p>
<p>La rencontre avec une mémoire vive suscite la compassion, la lecture d’un texte n’aboutit pas à cette même implication affective du lecteur. Alors, si la composante compassionnelle tend à diminuer, autre chose doit la remplacer.</p>
<p>La littérature peut-elle offrir une expérience vive du récit ? Comment et en quoi s’agit-il ici d’un changement de degré d’empathie qui revêt d’abord une <a href="https://hal.science/ijn_00353957">forme affective puis une forme cognitive</a> ? Le lecteur entre en dialogue avec un texte qui va raconter un monde différent du sien en heurtant parfois ses croyances, ainsi qu’en déclenchant une interrogation sur le bien-fondé de ses préjugés.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Par la lecture, une ouverture se crée dans deux sens, et vers la compréhension d’autrui et vers celle de soi-même. Cette rencontre déclenche un dialogue, ainsi, en reconstituant la question que pose le texte, le jeune emprunte une démarche d’interprétation et de compréhension menant à un sentiment de responsabilité envers l’autre. Ce dialogue devra <em>in fine</em> être intériorisé, mais lors des ateliers, il se vit en interaction sociale. Autrement dit, le travail de lecture cherche à créer une habitude de pensée qui serait analogue aux échanges vécus avec tous les participants pendant les ateliers autour d’un texte commun.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ivan Jablonka sur l’Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus (France 3 Pays de la Loire, 2013).</span></figcaption>
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<p>Voici un exemple d’atelier, inspiré de la démarche de <a href="https://www.babelio.com/livres/Manning-Pensee-en-acte-vingt-propositions-pour-la-recherch/1537998">« recherche-création »</a>, une méthode qui s’est peu à peu développée à partir de la pratique du travail en atelier artistique et qui a été formalisée au début des années 2000 et relayée en France par <a href="https://www.babelio.com/livres/Citton-Leconomie-de-lattention/648379">Yves Citton</a>, tout comme celle du <em>speed-booking</em>, pratiquée dans certaines <a href="https://hal.univ-lille.fr/hal-01820736/document">médiathèques innovantes</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/combattre-lantisemitisme-lenseignement-de-la-shoah-a-lere-de-twitter-et-tiktok-198542">Combattre l’antisémitisme : l’enseignement de la Shoah à l’ère de Twitter et TikTok</a>
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<p>L’atelier prend la forme d’un <em>speed dating</em> « conceptuel ». Pendant la préparation d’une séance de cinéma pour voir le film <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1U9tEw5Xzok">Simone, le voyage du siècle</a>, des extraits du texte de <a href="https://www.babelio.com/livres/Veil-Une-vie/36438">Simone Veil</a> ont été donnés à lire aux élèves. Selon les propositions de la méthode de « recherche-création », la lecture d’extraits de la même œuvre devient ainsi « une contrainte encapacitante », appelée ainsi parce que celle-ci favorise l’interaction tout en évitant un laissez-faire de celle-ci peu productif. </p>
<p>Par exemple, la consigne « d’en dire quelque chose qui doit être tout sauf achevé », invite à ne pas entrer dans l’échange lors du <em>speed dating</em> avec un commentaire achevé du passage lu, mais avec une ébauche qui aboutira à quelque chose de différent que si les uns et les autres agissaient seuls et en amont. Ce « quelque chose » peut prendre la forme d’un mot-clé, d’un passage marquant du texte ou d’une question. Ainsi, cette lecture devient une rencontre, ancrée dans un texte commun qui se termine par un compte rendu des échanges en dégageant les tendances observées dans le groupe (des questions semblables, des passages souvent cités, etc.). Les participants ont relaté avoir pris plaisir à ces échanges d’une complexité et d’une diversité stimulante.</p>
<h2>La rencontre des ascendants</h2>
<p>Inviter les élèves à se pencher sur leur histoire familiale leur permet de prendre conscience l’existence <a href="https://www.babelio.com/livres/Huston-Lespece-fabulatrice/66404">d’un récit intergénérationnel</a> et de prendre la responsabilité de la mémoire de certains membres de leur famille. Ce travail est proposé à tous les élèves, mais il ne peut pas être rendu obligatoire, certains élèves ayant des vécus familiaux traumatiques.</p>
<p>Cet atelier s’est inscrit dans les cours d’accompagnement personnalisé, afin de travailler la compétence d’expression orale en continu avec un intervenant de théâtre. Là encore, en accord avec l’intervenant, les « contraintes encapacitantes » ont été mises en place, c’est-à-dire, l’interdiction de présenter un travail achevé et l’ancrage dans une même démarche. C’est un travail périphérique à la transmission de la Shoah mais les retours des participants soulignent que l’importance subjective accordée à l’histoire familiale leur a permis de comprendre le concept de « descendant ».</p>
<p>L’atelier peut aussi avoir un point de départ littéraire, car les auteurs de la génération « des petits-enfants » des témoins directs proposent des <a href="https://www.europe-revue.net/produit/n-1125-1126-enqueter-sur-la-shoah-aujourdhui-janv-fev-2023/">récits d’enquête familiale</a>. En cours d’allemand, un grand choix de textes littéraire (par exemple <em>Sag es mir</em> de Vanessa Fogel) existe pour asseoir cette démarche sur un récit d’enquête familiale.</p>
<h2>La rencontre avec l’histoire locale</h2>
<p>Ici, il s’agit d’une inscription d’un nom dans l’espace public qui invite à une enquête. Ainsi, les jeunes se souviendront du déroulement de l’enquête. Déambuler dans les rues du lieu où l’on habite, tout en changeant de perspective, permet aux élèves d’aller sur les traces des disparus. Pour retrouver les noms des déportés de sa ville, on peut utiliser le <a href="https://stevemorse.org/france/">moteur de recherche mis en place par Serge Klarsfeld</a> pour <a href="https://stevemorse.org/france/">retrouver les déportés d’un département</a> et <a href="https://www.memorialdelashoah.org/pedagogie-et-formation/activites-pour-le-secondaire/ateliers-pedagogiques.html">d’autres</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Stolpersteine" src="https://images.theconversation.com/files/550633/original/file-20230927-17-b8y5lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550633/original/file-20230927-17-b8y5lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550633/original/file-20230927-17-b8y5lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550633/original/file-20230927-17-b8y5lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550633/original/file-20230927-17-b8y5lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550633/original/file-20230927-17-b8y5lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550633/original/file-20230927-17-b8y5lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Stolpersteine à Weiterswiller – Famille Samuel.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Stolpersteine_Weiterswiller_-_Famille_Samuel.jpg">FHd, via Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Souvent, des parcours de mémoire existent déjà localement : les <a href="https://eriac.hypotheses.org/1652">mémoriaux ou les pavés de mémoire</a>. Parfois, aucune inscription visible n’existe. Les destins des disparus peuvent dans ce cas être retrouvés et retracés lors d’une visite aux <em>Archives départementales</em>, afin de retrouver des documents témoignant de ces vies. Les jeunes s’emparent de ces biographies grâce au lien affectif qui préexiste avec leur lieu d’habitation. Les élèves affirment de se sentir concernés parce qu’ils y <a href="https://www.researchgate.net/profile/Mathieu-Nicole-2/publication/278780183_Habiter_une_affaire_d%E2%80%99affects_dialogue_et_confrontations/links/55c350d708aeb975673e7422/Habiter-une-affaire-daffects-dialogue-et-confrontations.pdf">« habitent »</a>. Ensuite, peu importe l’endroit, la discussion amène une compréhension du scandale de la déportation d’un lieu où l’on a choisi d’habiter.</p>
<p>Les différents ateliers de transmission de la Shoah permettent de prendre l’habitude de questionnements éthiques et de prendre position. Ainsi, une mémoire collective grâce à l’ancrage commun dans les œuvres littéraires se met en place, une mémoire qui permet aux lycéens de <a href="https://www.babelio.com/livres/Eustache-La-memoire-au-futur/1105312">s’engager dans l’avenir</a>, riche de leur expérience.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210515/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anke Bédoucha ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jusqu’à aujourd’hui, la rencontre de témoins directs était un espace privilégié pour transmettre le vécu de la Shoah. Alors que ceux-ci disparaissent, quelle démarche mémorielle proposer aux élèves ?Anke Bédoucha, Doctorante en philosophie, enseignante agrégée d'allemand, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138812023-10-02T18:20:55Z2023-10-02T18:20:55ZProtéger les élèves LGBT+ des discriminations : le rôle des professeurs documentalistes<p>Depuis la loi de refondation du 8 juillet 2013, la lutte contre les discriminations sexistes, homophobes et transphobes est au cœur des missions de l’école qui, au nom des valeurs d’égalité et de respect de l’autre dans sa diversité, se doit de veiller à la sécurité des élèves LGBT+. Ces derniers sont en effet des <a href="https://www.sos-homophobie.org/informer/rapport-annuel-lgbtiphobies">populations fragilisées</a>, courant le risque de se faire agresser au cours de leur scolarité. Une réalité sombrement illustrée en janvier 2023 par le <a href="https://www.ouest-france.fr/societe/lgbt/entretien-harcelement-homophobe-a-l-ecole-le-milieu-scolaire-pourrait-faire-beaucoup-plus-dc921c06-a2d7-11ed-8428-de9553521eb9">suicide du jeune Lucas</a>, 13 ans, harcelé au collège en raison de son homosexualité.</p>
<p>Les jeunes LGBT+ rencontrent en outre différentes barrières dans leur accès à l’information en <a href="https://publications-prairial.fr/balisages/index.php?id=979">bibliothèque publique ou scolaire</a>. Cela est dû à un manque d’ouvrages susceptibles de répondre à leurs <a href="https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00432302">besoins informationnels</a> (comprendre qui ils sont, accéder à des représentations positives) ou bien à des erreurs de catalogage qui invisibilisent des ressources pourtant présentes dans les collections. Il existe aussi des barrières psychologiques que ces jeunes s’imposent. Par peur d’être stigmatisés, ils s’interdisent de consulter ou d’emprunter certains documents.</p>
<p>Répondre aux besoins informationnels de tous les élèves, leur permettre de développer leur esprit critique et de gagner en estime de soi est aussi l’une des missions fondamentales de l’école et plus particulièrement des professeurs documentalistes.</p>
<p>Une étude financée par la <a href="https://cenhtor-msh-lorraine.cnrs.fr/s/prodoq/page/projet">MSH Lorraine</a> et conduite entre 2022 et 2023 auprès de professeurs documentalistes du Grand Est s’est intéressée à la manière dont ils développaient et transmettaient des savoirs en lien avec les « questions de genre ». Cela englobait des thématiques comme l’égalité entre les filles et les garçons, l’<a href="https://journals-openedition-org.bases-doc.univ-lorraine.fr/osp/4398">orientation des élèves</a>, les violences sexistes, sexuelles et LGBTphobes. Les données collectées ont permis de dégager des <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-04186049">résultats</a> sur la manière dont ces enseignants œuvrent pour le bien-être des élèves LGBT+.</p>
<h2>Le métier de professeur documentaliste</h2>
<p>Titulaires d’un CAPES de Documentation, les professeurs documentalistes poursuivent <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/17/Hebdo13/MENE1708402C.htm">trois missions</a>. En tant qu’enseignants, ils participent à la transmission d’une culture de l’information à tous les élèves. Ils inscrivent leurs actions dans le cadre de l’<a href="https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/education-aux-medias/">Éducation aux médias et à l’information</a> qui vise, entre autres, à permettre aux élèves de reconnaître et de dépasser les stéréotypes et les préjugés véhiculés par les médias, la télévision, la publicité ou par certains <a href="https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/discours-de-haine-sur-linternet/">discours sociaux</a> allant à l’encontre des valeurs démocratiques et républicaines.</p>
<p>En tant que gestionnaires du Centre de Documentation et d’Information (CDI), ils organisent, enrichissent et exploitent le fonds documentaire pour répondre aux besoins des élèves et des enseignants.</p>
<p>Ils sont aussi acteurs de l’ouverture de leur établissement sur son environnement éducatif, professionnel et culturel, ce qui passe par l’élaboration d’une politique d’accès à la culture et la création de partenariats avec le monde associatif, artistique…</p>
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<p>Si leur double métier est parfois un frein en termes de reconnaissance et d’<a href="https://doi-org.bases-doc.univ-lorraine.fr/10.3917/edagri.fabre.2011.01.0191">identité professionnelle</a>, il peut aussi être un atout pour répondre aux questions socialement vives qui pénètrent l’école.</p>
<p>Pourtant, sur le terrain, ils sont confrontés à de nombreuses difficultés qui leur donnent parfois l’impression de bricoler et de se battre contre des moulins à vent.</p>
<h2>Valoriser un fonds documentaire sans stigmatiser un public</h2>
<p>Les élèves LGBT+ ne sont pas toujours identifiés par les professeurs documentalistes, à l’exception de ceux qui s’assument ouvertement, font des suggestions pour l’acquisition de livres ou trouvent refuge au CDI pour fuir les brimades dont ils peuvent être victimes. Il s’agit donc la plupart du temps de répondre aux besoins informationnels d’un public supposé présent.</p>
<p>La volonté d’acquérir des ressources ne suffit pas à garantir la constitution d’un fonds pertinent. Certains documentalistes soulignent leur manque de connaissance de ce public qui est loin d’être homogène (les besoins d’un garçon cisgenre gay ne sont pas les mêmes que ceux d’une fille transgenre) et un manque de vocabulaire qui ne permet pas toujours de faire des recherches d’information efficaces ou de bien indexer les documents. Leurs propres représentations jouent également un rôle dans la constitution des collections.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’homophobie, ça suffit ! Louis nous parle de son expérience d’élève LGBT (Education France, mai 2019)</span></figcaption>
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<p>Se pose alors la question de valoriser un fonds sans stigmatiser un public. Comment choisir les bons mots clés, pallier les limites des thésaurus ? Comment proposer des histoires « positives » qui ne confortent pas les élèves dans l’idée qu’ils seront toujours isolés, harcelés, rejetés ?</p>
<p>À cela s’ajoute une réflexion quant au <a href="http://www.intercdi.org/les-bibliotheques-lieux-ressources-pour-les-publics-lgbt/">classement des ouvrages</a>. Par exemple, sortir d’un fonds de <em>manga</em> ceux dont l’intrigue rend compte d’une romance entre deux personnages du même sexe pour les intégrer à un fonds spécial peut être une source de stigmatisation. A contrario, ne pas signaler l’existence de telles intrigues et laisser les ouvrages au sein d’un fonds généraliste peut conduire à leur invisibilisation.</p>
<h2>Des questions qui cristallisent des résistances</h2>
<p>Qu’il s’agisse de la question LGBT+, de l’égalité fille-garçon ou encore des violences sexistes et sexuelles, les professeurs documentalistes sont confrontés à de nombreuses résistances.</p>
<p>Des élèves peuvent se montrer réfractaires à ces thématiques parce qu’ils suivent une dynamique de groupe, évitent de témoigner d’une ouverture d’esprit afin de ne pas se faire remarquer. Certains évoquent parfois des convictions politiques ou religieuses qui, bien qu’elles n’aient pas leur place à l’école, peuvent être un frein au bon déroulement d’une séance.</p>
<p>Les parents peuvent aussi émettre des réserves sur le déroulement d’activités, ce qui pousse parfois les enseignants à une forme d’<a href="https://uknowledge.uky.edu/slis_facpub/33/">autocensure</a> ou à des stratégies de contournement. Cela est d’autant plus vrai dans des établissements privés sous contrat avec l’État situés dans des territoires où des organisations catholiques traditionalistes <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/oise/compiegne/un-lycee-de-l-oise-censure-le-visionnage-de-films-sur-l-ivg-et-l-homosexualite-une-association-denonce-une-violence-symbolique-2746270.html">font pression pour que les questions de genre ne soient pas abordées à l’école</a>.</p>
<p>Les résistances peuvent venir d’autres membres de l’équipe éducative, par manque de temps ou d’intérêt, ou bien parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec ces questions <a href="http://books.openedition.org.bases-doc.univ-lorraine.fr/msha/1038">ou sont également enfermés dans des stéréotypes</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">A Pont-Audemer (27), un atelier de sensibilisation à l’homophobie mené dans un lycée (France 3 Normandie, 2021)</span></figcaption>
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<p>Enfin, en France, la majorité des professeurs documentalistes sont des femmes et certaines parmi celles que nous avons rencontrées affirment parfois ressentir, au sein d’équipes de direction, un sexisme ordinaire allant d’un manque de soutien dans l’organisation d’événements pourtant présentés comme prioritaires dans les textes officiels à une <a href="https://journals.openedition.org/rechercheformation/2135">dévalorisation</a> des actions qu’elles mettent en place.</p>
<h2>Hybrider les savoirs info-documentaires et les savoirs communautaires</h2>
<p>Les professeurs documentalistes, notamment celles et ceux qui s’engagent en tant que <a href="https://pedagogie.ac-reims.fr/index.php/prevention-et-lutte-contre-les-discriminations/l-egalite-des-filles-et-des-garcons/item/6009-referentes-et-referents-egalite-filles-garcons-et-lgbt">chargés de mission égalité</a> filles-garçons/LGBT, reconnaissent l’utilité des formations proposées par l’institution, car elles contribuent à définir le cadre institutionnel de la politique d’égalité et à mettre en œuvre des projets. Cependant, elles sont souvent trop courtes et trop peu nombreuses.</p>
<p>L’institution ne peut à elle seule apporter les connaissances et le soutien nécessaires, d’autant plus qu’elle formule souvent des injonctions paradoxales, reproduit le système de genre et favorise la <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-du_genre_en_education_pour_des_cles_de_comprehension_d_une_structure_du_social_sigolene_couchot_schiex-9782343188034-64272.html">persistance des inégalités sexuées</a>. C’est donc au sein d’autres sphères que ces enseignants s’informent sur l’histoire et la culture LGBT+ :</p>
<ul>
<li><p>des jeunes collègues, stagiaires ou assistants d’éducation, qui assument leur orientation sexuelle et/ou leur identité de genre, ou s’intéressent à ces questions ;</p></li>
<li><p>des élèves concernés qui s’impliquent dans des activités de prévention ou dans la vie du CDI ;</p></li>
<li><p>leur sphère privée (militantisme, enfant qui a fait un <em>coming out</em>) ;</p></li>
<li><p>les associations avec lesquelles ils collaborent dans le cadre d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=BkkGWmAU2m8">actions spécifiques</a>.</p></li>
</ul>
<p>La nécessité d’une collaboration plus étroite avec ce type d’associations pour acquérir des ressources appropriées aux besoins des élèves, utiliser un vocabulaire adéquat et se familiariser avec le <a href="https://bigtata.org/">« queersaurus »</a> a d’ailleurs été mentionnée au cours de notre enquête.</p>
<p>Un processus d’hybridation du savoir info-documentaire avec le savoir situé et communautaire (des personnes et associations concernées) semble se mettre en place, de même qu’un phénomène de transmission de connaissances ascendante (des enfants/élèves/stagiaires vers les enseignants en poste depuis plusieurs années). Cela favorise l’émergence d’un traitement documentaire pertinent et non stigmatisant et une meilleure prise en compte du public LGBT+ dans le panorama culturel des établissements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bérengère Stassin est membre d'Exaequo, une association rémoise agréée par l’Éducation nationale et spécialisée dans la prévention du harcèlement à caractère LGBTphobe</span></em></p>Ayant pour mission de répondre aux besoins informationnels des élèves, les professeurs documentalistes réfléchissent à une meilleure prise en compte du public LGBT+.Bérengère Stassin, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, membre du CREM, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122052023-09-21T16:29:43Z2023-09-21T16:29:43ZEnseignement : quelles stratégies pour durer dans le métier ?<p>Très régulièrement nous assistons à une frénésie de discours sociaux, politiques et médiatiques autour de sujets scolaires volontiers <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-clivant-195749">clivants</a> – l’uniforme en est un exemple – dont le point commun est de considérer l’école comme la cause et/ou la solution à de nombreux problèmes non pris en charge par ailleurs.</p>
<p>Souvent empreints d’urgence, de simplisme et invitant à la surenchère de réformes, ces discours s’accordent mal avec le temps long de l’apprentissage des élèves et la nécessaire sérénité de l’enseignement. Ils écrasent aussi toute possibilité de comprendre les difficultés selon différents facteurs et d’exprimer les réussites pourtant présentes dans les établissements.</p>
<p>Concernant les enseignants, le discours prégnant pointe un <a href="https://theconversation.com/declassement-manque-de-reconnaissance-ces-enseignants-qui-veulent-changer-de-metier-176293">métier dégradé et usant</a>. Trois causes principales sont identifiées par les acteurs et par la recherche :</p>
<ul>
<li><p>le sentiment d’échec à ne pas faire réussir tous les élèves aux profils de plus en plus hétérogènes ;</p></li>
<li><p>les incertitudes liées à l’évaluation de leur travail et à sa reconnaissance aussi bien à l’interne qu’à l’externe du système scolaire ;</p></li>
<li><p>la porosité entre la vie professionnelle et la vie personnelle, en raison d’une part invisible du travail en dehors des heures de classe.</p></li>
</ul>
<p>Aussi, depuis plusieurs années, la recherche en éducation, en particulier le <a href="https://ecp.univ-lyon2.fr/">laboratoire Éducation Cultures politiques</a>, a pour objectif, d’une part, de comprendre le travail enseignant comme une activité située, c’est-à-dire liée à des contextes et des prescriptions multiples (du local à l’international), et d’autre part, de l’étudier selon différentes temporalités et caractéristiques sociodémographiques – en se centrant par exemple sur les débuts ou les fins de carrière, les trajectoires de reconversion, ou encore la féminisation du métier.</p>
<h2>Routine, nouveaux objectifs et posture critique</h2>
<p>Les résultats montrent que les parcours d’enseignants sont rythmés par des alternances de dynamiques professionnelles (exploration, développement, remise en question, désengagement, réengagement, etc.) rendant caduque l’idée, pourtant fréquente, d’un groupe professionnel homogène.</p>
<p>Plus précisément, deux enquêtes – l’une intitulée <a href="https://journals.openedition.org/rechercheformation/5319"><em>Durer dans le métier d’enseignant</em></a>, l’autre centrée sur les <a href="https://ecp.univ-lyon2.fr/axe-1-professionnalite-activite-et-parcours/rapport-de-recherche-parcours-et-developpement-professionnel-des-enseignants-de-lycee-professionnel-en-fin-de-carriere">carrières en lycée professionnel</a> – établissent que les enseignants qui déclarent durer de façon satisfaisante selon eux, dans un métier jugé pourtant de plus en plus difficile, s’appuient sur cinq stratégies majeures, plus ou moins conscientisées.</p>
<p>D’abord ils ou elles cultivent une posture critique et réflexive vis-à-vis des prescriptions et à l’égard de leurs propres pratiques (l’articulation des deux éléments étant le point central), ce qui ne se traduit pas par un désengagement mais plutôt par une affirmation de valeurs, un gain d’autonomie et d’efficacité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-le-probleme-des-fins-de-carriere-dans-leducation-nationale-128559">Réforme des retraites : le problème des fins de carrière dans l’Education nationale</a>
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<p>Ensuite, ils ou elles agissent avec et contre la routine professionnelle, qui est à la fois une ressource nécessaire pour développer sa professionnalité mais aussi un empêchement dans la durée pour évoluer. Ils questionnent par exemple certains aspects de la forme scolaire traditionnelle comme la dimension magistrale des cours ou l’évaluation par les notes. Ils invitent aussi à revoir certaines organisations de travail locales sclérosées, en réaménageant les salles de classe et les emplois du temps pour favoriser la coopération et dépasser le cloisonnement disciplinaire.</p>
<p>Troisième stratégie : ils ou elles construisent des sources de reconnaissance multiples et régulières, autant symboliques que fonctionnelles (sur lesquelles nous revenons dans la dernière partie de cet article), souvent entre pairs choisis et/ou en dehors de la sphère professionnelle immédiate, mobilisant également en ces circonstances des ressources personnelles importantes (soutien familial, implications associatives, etc.).</p>
<p>Quatrième stratégie : ils ou elles mettent en place des stratégies de préservation de soi (souvent de façon transitoire, parfois durablement), par exemple en choisissant certains niveaux d’enseignements, en déclinant certaines responsabilités, en renforçant l’autonomie des élèves ou bien en ayant recours au temps partiel. Cela contribue à une réappropriation des temporalités de vie dans une visée d’équilibre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-face-a-la-penurie-denseignants-repenser-un-systeme-a-bout-de-souffle-189715">Débat : Face à la pénurie d’enseignants, repenser un système à bout de souffle</a>
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<p>Enfin, ils ou elles demeurent en quête de nouveaux objectifs c’est-à-dire que, ne se réfugiant pas dans un discours nostalgique sur l’école, ils n’hésitent pas à se mettre à l’épreuve pour expérimenter, pour faire évoluer certaines pratiques professionnelles au sein ou en dehors de classe. Cela peut également se traduire par un changement de poste ou de fonction, nécessitant parfois – nouveau défi – une reprise d’études ou la préparation d’un concours.</p>
<h2>Favoriser les espaces de discussion et de coopération</h2>
<p>Parmi les ressources évoquées, l’appartenance à des collectifs de travail choisis et/ou la coopération autour d’un projet ou dispositif commun (y compris dans le cadre de la formation continue institutionnelle) semblent décisives pour <a href="https://journals.openedition.org/edso/8330">se réassurer dans le métier, voire se développer</a>.</p>
<p>En ce sens, expliquer à autrui – un co-enseignant, un formateur ou un étudiant stagiaire – ses choix et ses interrogations pédagogiques est l’occasion d’une réflexivité et d’une reconquête de sens, au même titre que l’accompagnement d’un pair et de sa pratique. Des expériences personnelles significatives (difficultés scolaires de son propre enfant, première carrière en particulier pour les enseignants de la voie professionnelle scolaire, pratiques éducatives culturelles ou sportives, etc.) contribuent également à repenser son engagement et sa pratique de l’enseignement.</p>
<p>Pour qu’une dynamique vertueuse de développement professionnel s’enclenche, il faut que soient rendus possibles des espaces de discussion et d’élaboration sécurisés (au sens de bienveillants, avec un protocole précis, animés par des personnes formées). C’est, à cet endroit, un enjeu fort pour l’institution, les organisations professionnelles, les mouvements pédagogiques, la communauté scientifique. Cela permet de revisiter les expériences réussies ou difficiles, de traduire et d’adapter les prescriptions en situation, de faire circuler des savoirs de métier et des savoirs scientifiques.</p>
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<p>Cela passe assurément par le développement des compétences d’accompagnement, comme c’est le cas par exemple avec des dispositifs d’analyse de l’activité enseignante ou d’expérimentation guidée. Il est possible aussi de prendre appui, pour les différents acteurs, sur le vécu de la formation initiale, souvent décriée mais finalement en avance sur ces dimensions, se heurtant ensuite à une frilosité culturelle de l’institution et du groupe professionnel quant à ces pratiques.</p>
<p>Redonner du sens à l’enseignement passe par (re) faire parler le métier et le travail, afin de se départir de conceptions erronées (« l’enseignant seul dans sa classe », « une profession uniforme », etc.), pour que de ces délibérations (re) naissent une activité bien vivante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Bouchetal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pénurie de candidatures aux concours d’enseignants met sous les feux de l’actualité les difficultés du métier. Quelles sont les stratégies qui aident à y faire face et à durer dans le métier ?Thierry Bouchetal, Maître de conférences en Sciences de l’Education et de la Formation, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128172023-09-17T14:44:19Z2023-09-17T14:44:19Z« 30 minutes d'activité physique » à l’école : un dispositif contre la sédentarité à questionner<p>Le gouvernement place la rentrée scolaire <a href="https://www.education.gouv.fr/2023-2024-une-annee-olympique-et-paralympique-l-ecole-378668/https://eduscol.education.fr/3896/une-annee-olympique-et-paralympique-l-ecole">sous le signe de l’olympisme et du paralympisme</a>. Cette année 2022-2023 serait « l’occasion de renforcer tous les dispositifs favorisant la pratique physique et sportive des élèves », parmi lesquels les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » expérimentées à la rentrée 2020 puis généralisées à la rentrée 2022.</p>
<p>La mesure se veut emblématique du <a href="https://www.paris2024.org/fr/plan-heritage-durabilite/">projet « héritage social »</a>, adossé à l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) à Paris en 2024 consistant à faire de l’évènement un tremplin pour répondre à des problématiques sociales. Que pouvons-nous attendre de ces « 30 minutes d’activité physique quotidienne » qui ont vocation à être développées dans toutes les écoles élémentaires ?</p>
<p>Notre article s’appuie sur un <a href="https://www.theses.fr/s341767">travail de thèse en cours</a> lors duquel nous avons rencontré une quarantaine d’acteurs impliqués dans le déploiement du dispositif : des professeurs des écoles chargés de le mettre en œuvre aux décideurs olympiques et politiques l’ayant initié, en passant par une majorité d’acteurs intermédiaires des services décentralisés de l’Éducation nationale.</p>
<h2>Lutter contre la sédentarité</h2>
<p>La mesure des « 30 minutes d’activité physique quotidienne », portée à la fois par le comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques et le ministère de l’Éducation nationale et des Sports, a pour ambition de faire bouger les élèves en proie à une sédentarité croissante. La demande est de faire réaliser aux élèves un minimum de 30 minutes d’activité physique quotidienne les jours où ils n’ont pas de cours d’Éducation physique et sportive (EPS).</p>
<p>Le dispositif se distingue de la discipline scolaire qui vise des apprentissages concrets en termes de compétences motrices, méthodologiques et sociales. Cependant, cette dernière a toujours inclus dans ses finalités la santé des élèves. Elle est programmée 3 heures par semaine mais une majorité des enseignants fait face à de trop nombreuses difficultés, notamment en termes de formation, pour pouvoir l’enseigner à hauteur des <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/35974-promouvoir-lactivite-physique-et-sportive-pour-tous-et-tout-au-long-de">attentes institutionnelles</a>.</p>
<p>Les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » peuvent se concrétiser sous la forme de pauses actives entre des cours « théoriques », de séances d’apprentissage en mouvement, ou encore d’une incitation à l’activité physique sur les temps de récréation : une grande marge de liberté est laissée aux enseignants quant aux modalités de mise en œuvre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jeux-olympiques-et-paralympiques-2024-quelles-seront-vraiment-les-retombees-pour-paris-199924">Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?</a>
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<p>L’Organisation mondiale de la santé fixe le seuil d’activité physique d’intensité modérée à soutenue, préconisé pour les enfants de 5 à 17 ans, à 1 heure par jour. L’ambition présentée au travers du choix des « 30 minutes » pour l’école est de souligner la responsabilité partagée entre le système scolaire et les familles face au problème public et, dans une logique de continuité éducative, d’inciter les parents à se poser la question de la sédentarité de leurs enfants et à œuvrer pour la réalisation de la demi-heure restante.</p>
<h2>L’héritage de Paris 2024 « en jeu »</h2>
<p>Le dispositif est considéré par le COJOP comme l’un des plus emblématiques de <a href="https://www.revue-projet.com/articles/2023-06-collinet-schut-la-charge-des-heritages/11154">l’héritage des jeux</a>. L’objectif de mise à l’activité de la population française est un vrai défi quand une majorité des travaux de recherche montrent que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36513078/">l’influence de l’accueil d’un grand évènement</a> sur celle-ci s’avère non significative. Cependant, la promotion d’un dispositif concernant toutes les écoles d’un pays dans le cadre de l’accueil d’un méga-événement est inédite.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation du dispositif 30 minutes d’activité physique par jour à l’école sur le site du ministère de l’Éducation nationale.</span></figcaption>
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<p>Plusieurs outils sont développés pour accompagner les enseignantes et enseignants dans la mise en œuvre des « 30 minutes d’activité physique quotidienne ». Le <a href="https://eduscol.education.fr/2569/30-minutes-d-activite-physique-quotidienne">site web Génération 2024</a> recense un ensemble de fiches ressources allant des fiches pédagogiques conçues par les groupes de travail académiques, aux « poses sport et attitudes » des mascottes des Jeux, en passant par le <a href="https://generation.paris2024.org/30-dactivite-physique-quotidienne">hiit de Mc Fly et Carlito</a>. <a href="https://www.education.gouv.fr/media/120606/download">« L’équipe de France des 30APQ »</a> est constituée de sportifs et sportives de haut niveau s’engageant à se déplacer dans des classes pour évoquer les bénéfices d’une pratique sportive quotidienne pour le bien-être physique et mental.</p>
<p>Enfin, un kit de matériel sportif (chasubles, ballons, etc.), conçu en partenariat avec Décathlon, devrait être livré à toutes les écoles avant la fin de l’année scolaire. Un certain nombre d’établissements, s’étant déclarés engagés sur le dispositif lors de son expérimentation, en sont déjà dotés. Ce soutien, positivement reçu par les établissements qui ont parfois du mal à se doter en matériel sportif, soulève d’ores et déjà quelques problématiques logistiques.</p>
<p>Le fait que ces outils fassent appel à des sportifs ou aux célébrités de la jeune génération renvoie à des stratégies de communication. À travers cette volonté de démontrer le pouvoir de transformation sociale des Jeux, c’est la question de la <a href="https://doi.org/10.1051/sm/2019032">légitimité de leur accueil</a> qui est en jeu, sachant que l’évènement n’est pas sans provoquer des contestations citoyennes.</p>
<p>L’enjeu est d’autant plus fort pour les territoires au cœur de l’aventure Paris 2024. Ainsi, sous l’impulsion donnée par les acteurs intermédiaires : recteur, inspecteur académique et conseillers pédagogiques, nous pouvons observer un engouement particulier pour le dispositif dans l’académie de Créteil, qui est un de nos terrains d’étude. Celui-ci prend par exemple la forme de sessions de formation continue à destination des professeurs des écoles portant spécifiquement sur le dispositif.</p>
<h2>Un « mille-feuille » de dispositifs scolaires</h2>
<p>Si les acteurs éducatifs rencontrés dans nos enquêtes reconnaissent qu’il faut prendre en compte les problèmes de sédentarité, beaucoup questionnent la solution proposée. La critique principale porte sur l’accumulation des attentes institutionnelles. En effet, les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » viennent compléter un « mille-feuille » de dispositifs : « Savoir nager », <a href="https://theconversation.com/apprendre-a-nager-miser-sur-laisance-aquatique-pour-lutter-contre-les-noyades-186434">« Aisance aquatique »</a>, « Savoir rouler à vélo », les « éducation à » – <a href="https://theconversation.com/le-dessin-et-lart-ont-ils-leur-place-a-lecole-210303">éducation artistique et culturelle</a>, développement durable – pour n’en citer que quelques-uns.</p>
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<figcaption><span class="caption">30 minutes d’activité physique à l’école (<em>Le Mag de la Santé</em>, 2022).</span></figcaption>
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<p>« Quand tout est priorité, plus rien n’est priorité », témoigne un conseiller pédagogique. Les injonctions plurielles auxquelles font alors face les enseignants ne sont pas étrangères au <a href="https://www.cairn.info/revue-recherche-et-formation-2016-2-page-93.htm">mal-être au travail</a> qui touche cette profession. Par ailleurs, ces dernières années, les moyens humains et en formation pour accompagner l’enseignement de l’EPS ont été revus à la baisse, avec notamment la disparition provisoire de la formation continue en EPS du fait de la focale « maths-français » attendue sous le mandat de Jean Michel Blanquer.</p>
<p>Le Syndicat national de l’éducation physique (SNEP) questionne la création d’une nouvelle mesure qui prévaut sur la revalorisation de la discipline scolaire. Le déploiement du dispositif est en partie freiné par ces paradoxes qu’observent les conseillers pédagogiques départementaux en EPS. En charge de diffuser la commande ministérielle dans les écoles de leur département, certains investissent plus ou moins de temps pour son déploiement en fonction de leurs convictions relatives aux « 30 minutes d’activité physique quotidienne ».</p>
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<p>Le choix du format du dispositif peut également être questionné à l’aune des études scientifiques. En effet, dans une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36413822/">méta-analyse portant sur 24 types d’interventions en école primaire</a> à l’international, les chercheurs et chercheuses montrent qu’en moyenne cela ne participe pas à augmenter significativement le niveau d’activité physique des élèves. Lorsque des effets sont lisibles en termes de limitation de la sédentarité, ceux-ci restent minimes. Les préconisations s’orientent alors vers des interventions solidement conçues avec un suivi rigoureux dans le temps.</p>
<p>Interroger les transformations de comportements qu’impliquent les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » est nécessaire. Cette procédure était inexistante lors de la phase d’expérimentation. Une plate-forme recensait alors les écoles déclarant s’engager dans le dispositif, les résultats peu concluants ont servi de base pour communiquer sur les retombées du dispositif. L’année à venir sera aussi celle du déploiement de procédures dévaluation du dispositif qui manquaient rigoureusement jusqu’à aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212817/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’organisation des Jeux olympiques peut-elle être un levier pour lutter contre la sédentarité des élèves ? C’est dans cet esprit qu’a été lancé le dispositif « 30 minutes d’activité physique par jour ».Fanny Raingeaud, Doctorante sociologie/STAPS, Université Gustave EiffelCécile Collinet, Professeure de sociologie du sport, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122062023-09-12T21:51:23Z2023-09-12T21:51:23ZQuand devenir enseignant, c’est accepter un déclassement social<p>Peut-on encore rêver de devenir enseignant en 2023 ? Alors que les <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/infographies-rentree-scolaire-dans-quelles-disciplines-et-academies-manque-t-il-le-plus-d-enseignants_5974619.html">pénuries de candidats dans le second degré</a> sont un refrain de la rentrée depuis plusieurs années, le primaire, sauf en région parisienne, semble moins touché. Les masters de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (<a href="https://www.devenirenseignant.gouv.fr/apres-une-licence-3-le-master-meef-217">MEEF</a>) remplissent leurs filières et, au-delà de jeunes ayant toujours rêvé de devenir professeur des écoles, accueillent aussi des <a href="https://journals.openedition.org/rechercheformation/4977">professionnels en reconversion</a>.</p>
<p>Parfois même deviennent <a href="https://theconversation.com/fr/topics/enseignants-24310">enseignants</a>, après avoir occupé un autre emploi, des personnes ayant connu des emplois bien plus rémunérateurs, comme le montrent les travaux de la recherche sur les <a href="https://calenda.org/996040?lang=pt">carrières atypiques</a>. Devenir enseignant peut revenir dans certains cas à accepter un <a href="https://shs.hal.science/halshs-03928177">déclassement social</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nouveaux-profs-ces-enseignants-qui-viennent-du-monde-de-lentreprise-189190">Nouveaux profs : ces enseignants qui viennent du monde de l’entreprise</a>
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<p>Arrêtons-nous sur les choix de ces enseignants qui arrivent tardivement dans le métier. Quelles sont les conditions qui les permettent ? Comment ces enseignants reconvertis qui occupaient des postes à responsabilité vivent-ils leur nouvelle condition professionnelle ? À travers ces questions, il s’agit également d’éclairer certaines modalités de l’engagement dans l’Éducation nationale.</p>
<h2>Le sentiment de « passer à côté » de sa vie</h2>
<p>Prenons le cas de Romain, qui illustre bien la situation de ces très bons élèves dont l’orientation n’a pas été vraiment réfléchie : « On me disait que je pourrais faire une prépa, puis une école. […] L’idée, c’était qu’ingénieur, c’était mieux que prof. Et, de fait, c’était mieux payé ». Arrivé à un poste de directeur commercial dans une entreprise de produits pétrochimiques, il perçoit un « salaire fantastique ». « Mais je me disais : “À part le salaire, est-ce que j’ai toujours envie de rester là ?”, raconte-t-il ».</p>
<p>Même discours du côté de Ludovic, devenu enseignant après 15 ans comme directeur dans une entreprise pharmaceutique :</p>
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<p>« Je réussissais bien à l’école, j’avais un profil plutôt scientifique, j’ai fait des classes prépas, puis une école d’ingénieur. C’était quelque chose d’assez logique, je me suis jamais posé le temps de ce que vraiment j’avais envie de faire. »</p>
</blockquote>
<p>L’un comme l’autre a été rattrapé par le sentiment de « passer à côté de leur vie », comme nous le dira Ludovic et c’est après avoir fait leurs preuves dans un premier métier que l’enseignement est apparu comme une reconversion possible. Tentés par cette voie pendant leurs études, ils ne s’étaient pas autorisés à y aller, trouvant ce métier trop peu valorisé et rémunéré.</p>
<p>Aujourd’hui enseignante en CM2 dans une école en REP, après 18 ans comme contrôleuse technique dans le bâtiment, où elle dirigeait une équipe de cinq hommes, Christelle reconnaît que l’enseignement « était déjà une option » quand elle était jeune, mais que ses parents et profs lui avaient dit de « ne pas s’arrêter à ça ».</p>
<p>Ainsi, chez tous nos enquêtés, le métier d’enseignant n’apparait pas comme une voie d’orientation suffisamment légitime en sortant du lycée, parce qu’ils sont très bons élèves, soit qu’ils se sentent ainsi investis familialement de la charge de réaliser des études universitaires lorsqu’ils sont le ou la seule de la fratrie à faire des études supérieures, soit qu’ils s’inscrivent dans une fratrie où faire des études est la norme.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/declassement-manque-de-reconnaissance-ces-enseignants-qui-veulent-changer-de-metier-176293">Déclassement, manque de reconnaissance… ces enseignants qui veulent changer de métier</a>
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<p>Mais, au moment de faire les comptes de leur engagement dans leur premier métier, la condition enseignante est réévaluée au regard des contraintes ressenties jusqu’alors. Myriam évoque la volonté de rompre avec « la course éperdue au chiffre d’affaires » : « j’ai bossé en tant qu’ingénieure pendant 20 ans et puis au bout d’un moment, l’aspect humain de ma personnalité est venu me rappeler que c’était sympa de faire des calculs et des choses techniques mais que j’avais besoin de trouver une relation à l’autre, d’échanger des choses ».</p>
<h2>Perte de salaire mais niveau d’études reconnu</h2>
<p>Chez nos enquêtés, l’une des conditions de possibilité à l’engagement dans une carrière enseignante est le fait d’avoir préalablement réussi professionnellement dans une première carrière, d’avoir en quelque sorte déjà fait leurs preuves. Bénédicte l’affirme assez explicitement :</p>
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<p>« Quelque part, je suis contente d’avoir pu avoir dire qu’un jour, j’ai gagné mieux ma vie que mon compagnon. C’est quelque chose qui était important pour moi, et je pense que si j’avais pas vécu ça, j’aurais pas pu faire ce choix de devenir enseignante, ça m’aurait manqué en tant que femme, de prouver que je vaux mieux qu’un homme, enfin en tant que valeur monétaire salariale ! »</p>
</blockquote>
<p>Fabrice, ingénieur biomédical dans une grosse entreprise avant sa reconversion, assume : </p>
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<p>« Grosso modo, j’avais plus rien à prouver dans mon domaine et je voulais un boulot qui me permette de concilier la vie professionnelle et vie familiale – c’est ça la vraie raison. »</p>
</blockquote>
<p>Si cette reconversion est le résultat d’une quête de sens et de valeurs, ce métier offre aussi un certain nombre de caractéristiques soutenant la reconversion. La perte de salaire peut être justifiée pour soi, mais aussi revendiquée pour les autres au nom de valeurs décroissantes à l’instar de Romain, qui revendique « des convictions par rapport à l’écologie, l’environnement et même la décroissance. A quoi ça sert d’avoir une voiture à 50 000 euros si j’ai une voiture à 3 000 euros qui fait parfaitement l’affaire ? », remarque-t-il.</p>
<p>Devenir enseignant revient certes à diviser son salaire par deux ou trois mais ne conduit pas à perdre son niveau d’études. Comme l’explique Romain, « ce qui a facilité cette reconversion, je pense, c’est aussi qu’il faut bac +5 pour être professeur d’école ». Même s’il gagne moins qu’en tant qu’ingénieur, son bac +5 reste reconnu ». Notons que les <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/01/emmanuel-macron-veut-une-formation-des-l-apres-bac-pour-les-enseignants_6187438_3224.html">récentes déclarations du président Macron</a> voulant des concours enseignants recrutant à bac+3 vont à rebours des motivations affichées ici.</p>
<p>Pour autant, les récits de nos enquêtés montrent que leur reconversion ne va pas de soi pour leur entourage. « C’était inimaginable, c’était une folie » : c’est en ces termes que Romain décrit la réception par ses collègues de l’annonce de sa reconversion. Cette « folie » a trait notamment à la pente volontairement descendante de sa carrière, « alors même que du côté des patrons, tous les voyants étaient verts » puisqu’ils voulaient lui proposer de prendre en charge un nouveau secteur géographique en plus de ceux déjà gérés.</p>
<h2>Justifier sa reconversion auprès de son entourage</h2>
<p>Pour réhabiliter leur choix de ce métier, ces enseignants doivent démontrer qu’ils n’y viennent pas pour de mauvaises raisons. Il leur faut justifier un choix qui apparait comme improbable et, en conséquence, relativement incompris voire perçu avec méfiance. Comme l’explique Christelle : « j’ai divisé mon salaire par trois à peu près. Il y a une forme d’incompréhension : pourquoi est-ce qu’elle est venue ? Qu’est-ce qu’elle vient chercher dans l’éducation ? Pour qui elle se prend ? » Nombreux sont nos enquêtés à avoir rapporté de telles remises en question.</p>
<p>Une première parade consiste à romancer sa vocation pour l’enseignement. La faire remonter à l’enfance, mettre en scène les expériences de formation accumulées pendant ses études, voire même au sein de son premier métier. Manière de justifier qu’on vient à l’enseignement avec un peu d’expérience et surtout une solide appétence.</p>
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<p>Nos enquêtés n’hésitent pas également à valoriser toutes leurs autres expériences professionnelles comme des outils au service de leur pédagogie. Sabine a « dû remettre les pendules à l’heure » de sa propre mère qui avait « un peu de mal à digérer car elle m’avait payé des études à Paris, et je fais complètement autre chose… je lui ai dit que ce que j’avais appris n’était pas perdu, que je l’utilisais tous les jours et ne serais pas la même enseignante si je n’avais pas fait ce que j’ai fait comme études ! »</p>
<p>Nos enquêtés font de leur entrée tardive dans le métier une plus-value qui les distingue des autres enseignants. En promouvant leurs expériences tirées de l’entreprise en classe, nos enquêtés interrogent la définition du métier. Bénédicte a dit à ses filles de ne pas devenir professeurs des écoles à 22 ans » : « Vous devez aller voir ailleurs d’abord, ce n’est pas bon de ne jamais sortir de l’école ».</p>
<p>La valorisation des enseignants ayant eu d’autres expériences apparait comme un moyen de valoriser leur parcours de reconversion pour en faire un facteur de légitimité. Le fait d’être parent est aussi utilisé comme un faire-valoir. Ils aspirent ainsi à la reconnaissance qu’ils ne sont pas « partis de rien », comme le note Coralie : « Le fait d’avoir des expériences humaines différentes, c’est aussi une richesse par rapport aux relations avec des parents parfois » qui peut être revendiquée auprès des enfants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212206/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédérique Giraud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains professeurs des écoles se sont tournés vers l’enseignement après avoir exercé des responsabilités dans un autre secteur. Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Comment vivent-ils leur métier ?Frédérique Giraud, Maîtresse de conférences en sociologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2121442023-09-11T17:21:46Z2023-09-11T17:21:46ZApprendre à lire : quels défis cela représente-t-il pour les élèves de primaire ?<p>L’entrée à <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ecole-primaire-58480">l’école primaire</a> coïncide avec la découverte des savoirs fondamentaux qui vont structurer la vie et la personnalité des élèves. La lecture implique de passer par un apprentissage relativement long, sur plusieurs années, et plus ou moins difficile selon les élèves, ce qui représente un défi croissant dans une société caractérisée par un <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/acceleration-9782707154828">mouvement d’accélération</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-pedagogie-de-la-resonance-selon-hartmut-rosa-comment-lecole-connecte-les-eleves-au-monde-197732">La pédagogie de la résonance selon Hartmut Rosa : comment l’école connecte les élèves au monde</a>
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<p>L’apprentissage de la lecture peut se concevoir comme une fusée à deux étages. Le premier implique d’apprendre à décoder, c’est-à-dire à reconnaître chacun des mots. Le deuxième étage permet aux enfants de comprendre ce que signifient des ensembles de mots sous la forme de phrases et de textes.</p>
<p>Cette dichotomie entre décodage et compréhension n’est pas arbitraire, elle repose sur le « modèle simple de la lecture » <a href="https://citeseerx.ist.psu.edu/document?repid=rep1&type=pdf&doi=ee3c58058290e1ff077c96fa87f8fc8775d49b33">proposé dans les années 1980 par les chercheurs Gough et Tunmer</a>.</p>
<p>Décrivons ce qu’impliquent ces deux étapes d’un point de vue cognitif et penchons-nous sur quelques activités permettant d’en faciliter le déroulement ou l’acquisition.</p>
<h2>Décoder, ou apprendre à reconnaître des mots</h2>
<p>Une étape cruciale de l’apprentissage de la lecture consiste non seulement à apprendre à connaître puis reconnaître visuellement chaque lettre de l’alphabet comme ayant une identité propre mais surtout à associer sa forme à un son qui lui est propre. On appelle ce dernier processus « la conversion graphème (forme écrite)/phonème (forme sonore) ».</p>
<p><a href="https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_2003_num_103_4_29652">L’apprentissage en parallèle de l’écriture sous forme manuscrite</a> va permettre aux enfants de créer une représentation plus forte, plus durable et plus facilement mobilisable de ces lettres. À l’écriture s’ajoute la possibilité de manipuler des lettres sous forme d’objets réels se distinguant par leur couleur, leur texture ou leur poids, ce qui enrichira la représentation que se fait l’enfant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/in-extenso-pourquoi-apprend-on-encore-a-ecrire-a-la-main-154995">« In extenso » : Pourquoi apprend-on encore à écrire à la main ?</a>
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<p>Étant donné que le lien entre la forme écrite des lettres et le son correspondant est de nature arbitraire, la conversion graphème/phonème suppose un apprentissage complexe. Il s’accompagne notamment <a href="https://academic.oup.com/cercor/article/24/4/989/325113">d’un point de vue cérébral</a> du développement d’une partie d’un faisceau de fibres de substance blanche (une sorte d’autoroute cérébrale) reliant une aire occipito-temporale impliquée dans le traitement de la forme visuelle des lettres à une aire plus dorsale impliquée dans le traitement des sons.</p>
<p>Le processus de conversion graphème/phonème reposera sur les capacités à associer des représentations visuelles de lettres à des représentations sonores. C’est pour cette raison que, de façon en apparence paradoxale, la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-child-language/article/abs/nursery-rhymes-phonological-skills-andreading/53EE25F1E011C8090E659A8FABBB209E">capacité à discriminer et à manipuler les sons du langage</a>, ce que l’on appelle la « conscience phonologique », jouera un rôle important dans l’apprentissage de la lecture, une activité semblant de prime abord exclusivement visuelle.</p>
<p>Il existe différentes manières d’entraîner cette conscience phonologique et ce, dès la maternelle. On peut avoir recours par exemple à des comptines avec des rimes, des assonances ou des allitérations, faire des exercices impliquant de manipuler les sons des mots (reconnaître le premier son d’un mot, reconnaître un son commun à plusieurs mots, etc.).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lapprentissage-precoce-de-la-musique-un-atout-pour-devenir-un-bon-lecteur-161690">L’apprentissage précoce de la musique : un atout pour devenir un bon lecteur</a>
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<p>Il est aussi possible d’utiliser des images sur lesquelles sont représentés un animal ou un objet dont le nom commence par le son de la lettre (par exemple un serpent pour la lettre <em>S</em>). La possibilité de toucher des lettres avec un certain relief facilitera aussi <a href="https://journals.plos.org/plosone/article/file?id=10.1371/journal.pone.0004844&type=printable">l’apprentissage de la conversion graphème/phonème</a>.</p>
<p>Il s’agira ensuite d’apprendre à convertir des groupes de lettres de plus en plus importants en sons correspondants (« OU » en [u] par exemple) pour parvenir de façon ultime à décoder des mots entiers. <strong>Cette voie dite « graphophonologique »</strong> (ou « indirecte » car elle implique une conversion de l’information visuelle en information phonologique) permettra notamment de décoder des mots réguliers par exemple <em>lavabo</em>.</p>
<p><strong>Une autre voie, dite « orthographique »</strong> (ou « directe ») va se développer en parallèle et permettra de reconnaître des mots plutôt à partir de leur orthographe. Elle sera notamment très utile pour identifier des mots irréguliers comme le mot <em>femme</em>.</p>
<h2>Comprendre, ou activer des représentations mentales</h2>
<p>Une fois les capacités de décodage suffisamment développées et automatisées, l’élève va pouvoir commencer à lire des phrases et des textes de complexité croissante. Selon le <a href="https://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?repid=rep1&type=pdf&doi=10.1.1.117.7990">modèle cognitif de Construction-Intégration</a> proposé par Walter Kintsch et qui fait autorité par rapport à l’étude de la compréhension, les enfants vont apprendre à activer, pendant la lecture de phrases et de textes, deux formes de représentation mentale : <strong>la base de texte</strong> et <strong>le modèle de situation</strong>.</p>
<p><strong>La base de texte</strong> comprend : </p>
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<li><p>les éléments dits de « surface », c’est-à-dire les mots individuels (chaque mot a une forme écrite correspondant à une combinaison de lettres et une ou plusieurs significations) et la façon dont ces mots sont ordonnés dans chaque phrase selon une syntaxe particulière ;</p></li>
<li><p>et des propositions que l’on peut définir comme étant l’association entre un prédicat (verbe, adjectif ou adverbe) et un ou plusieurs arguments (en général, un nom ou un substantif) ; par exemple, la phrase « Le renard regarde la poule » contient une proposition qui associe le prédicat verbe « regarde » aux arguments « renard » et « poule ».</p></li>
</ul>
<p>La deuxième forme de représentation mentale, <strong>le modèle de situation</strong>, va émerger progressivement pendant la lecture à partir de l’interaction continue entre les informations du texte et les connaissances et souvenirs propres des élèves. Il s’agira ainsi d’apprendre à mobiliser ses connaissances et souvenirs pertinents pendant la lecture pour se représenter de façon personnelle et subjective ce qui est décrit dans un texte (un personnage, un paysage…).</p>
<p>Et ce n’est pas tout. Les élèves auront la possibilité de faire des inférences pendant la lecture d’un texte, c’est-à-dire d’activer des informations qui ne sont pas exprimées de façon explicite mais dont la production contribuera fortement à l’établissement, au maintien ou au rétablissement de la cohérence de la représentation mentale du texte lu.</p>
<p>Par exemple, la simple lecture de la phrase « Il déteste cette chanteuse et il a acheté un billet pour son concert » nécessite de faire une inférence pour rétablir la cohérence : le personnage peut acheter en fait un billet pour ce concert parce que ce serait un cadeau pour un ami qui adore cette chanteuse, même s’il ne l’apprécie pas lui-même.</p>
<p>Autrement dit, la lecture d’un texte implique d’activer une représentation comprenant différentes sortes d’informations (des propositions, des connaissances, des souvenirs) plus ou moins bien connectées entre elles. Il y aura une compréhension effective de ce texte seulement s’il y a cohérence, c’est-à-dire si les informations pertinentes sont connectées entre elles au sein du réseau activé.</p>
<p>Une bonne capacité de compréhension en lecture repose ainsi sur celle à bien décoder les mots individuels, à activer les propositions, les connaissances et les souvenirs pertinents et à faire de bonnes inférences quand cela est nécessaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aider-a-comprendre-les-histoires-ca-sapprend-aussi-159484">Aider à comprendre les histoires, ça s’apprend aussi !</a>
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<p>Dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053811911006525">étude publiée en 2011</a>, Jarrod Moss et ses collègues ont montré que l’apprentissage de l’utilisation combinée de cinq stratégies cognitives en plus d’une stratégie générale d’auto-explication permettait à des étudiants de mieux comprendre des textes documentaires qu’ils lisaient. Ces cinq stratégies étaient les suivantes :</p>
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<li><p><strong>Vérification de sa compréhension</strong> : évaluer sa propre compréhension pendant la lecture</p></li>
<li><p><strong>Paraphrase</strong> : reformuler le texte avec ses propres mots pour activer les connaissances sémantiques pertinentes</p></li>
<li><p><strong>Élaboration</strong> : faire des inférences élaboratives ou associatives pour faciliter la compréhension du texte en utilisant ses propres connaissances</p></li>
<li><p><strong>Rapprochement</strong> : créer des liens entre les phrases pour faciliter la compréhension des textes</p></li>
<li><p><strong>Prédiction</strong> : faire des inférences prédictives à la fin d’une phrase ou d’un paragraphe au sujet d’informations qui pourraient apparaître par la suite dans le texte</p></li>
</ul>
<p>Évidemment, il n’est pas souhaitable que les élèves apprennent à utiliser d’emblée autant de stratégies de façon combinée mais plutôt de prendre le temps pour qu’ils puissent apprendre à en utiliser certaines (les plus pertinentes) l’une après l’autre avant de commencer à envisager de les combiner.</p>
<p>Mais il n’est pas nécessaire d’attendre de savoir décoder les mots pour pouvoir commencer à les appliquer. En effet, les enfants pourront y être sensibilisés dès la maternelle à partir d’histoires qui leur seront lues par les enseignants ou, plus tôt, lors de <a href="https://theconversation.com/lire-des-histoires-aux-enfants-pourquoi-cest-important-196260">séances de lecture partagée</a> avec les parents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212144/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans une société où tout s’accélère, l’apprentissage de la lecture suppose toujours un long investissement, sur plusieurs années. Explications sur ce qui est en jeu, du décodage à la compréhension.Frédéric Bernard, Maître de conférences en neuropsychologie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2062162023-09-05T17:05:19Z2023-09-05T17:05:19ZComment aider les élèves à régler leurs conflits<p>Avec son bruit et son agitation, la cour de récréation peut ressembler au premier abord à un espace désorganisé. Il n’en est rien. L’émergence des <em>childhood studies</em> à la fin des années 1980 a mis en avant que, loin d’être un chaos, le monde enfantin dispose de ses propres modes de régulation, comparables à ceux d’une microsociété, et qu’il s’agit de les prendre au sérieux.</p>
<p>Dès lors, conflits et disputes entre enfants sont analysés comme un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1991-97356-000">mécanisme puissant de socialisation langagière et politique</a>. Un élément fondamental dans cette approche est alors la mise en avant d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2015-2-page-159.htm?ref=doi"><em>agency</em> enfantine</a>, au sens où les enfants sont conçus comme un groupe social certes minorisé, mais doté d’une capacité d’action. En est tirée la conséquence normative qu’il faudrait reconnaître des droits à ce groupe plutôt que de le surveiller d’aussi près que possible ; il n’est alors pas surprenant que les références à la <a href="https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/271821-droits-de-lenfant-5-questions-sur-la-convention-internationale-cide">Convention internationale des droits de l’enfant</a>, hui %20ratifi %C3 %A9e %20par %20196 %20 %C3 %89tats.), adoptée en 1989 par les Nations unies, soient aussi fréquentes dans cette littérature.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-enfants-choisissent-ils-leurs-amis-142319">Comment les enfants choisissent-ils leurs amis ?</a>
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<p>Toutefois, reconnaître que les enfants disposent de leurs propres modes de régulations ne règle pas la question des conflits enfantins. De nombreux chercheurs et chercheuses ont en effet montré que la <a href="https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2014-2-page-38.htm">cour de récréation</a> est également un espace de violence et de domination : des <a href="https://www.cairn.info/le-grande-ecole--9782130497318.htm">grands sur les petits</a>, des <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2011-3-page-79.htm">garçons sur les filles</a>…</p>
<p>Si répondre aux enjeux de violence par la répression et la surveillance témoigne d’un mépris du groupe enfantin, il ne s’agit donc pas de tomber dans une vision angélique d’enfants capables de s’autoréguler en toute égalité sans intervention des adultes. C’est autour de cette position que j’essaie de fonder empiriquement <a href="https://jeudenfants.hypotheses.org/">ma thèse consacrée aux conseils d’élèves</a>.</p>
<h2>Le dispositif des conseils d’élèves</h2>
<p>Le monde éducatif a, de longue date, mis en place des dispositifs visant une gestion par les enfants de leurs propres conflits, mais avec l’encadrement des adultes. Dès le début du XIX<sup>e</sup> siècle, les <a href="https://theconversation.com/apprendre-autrement-lexperience-de-la-classe-mutuelle-97326">écoles mutuelles</a> mettent en place des tribunaux d’enfants. Mais c’est surtout, au XX<sup>e</sup> siècle, la pédagogie de <a href="https://theconversation.com/apprendre-a-lecole-freinet-67615">Célestin et Élise Freinet</a> qui développe cette idée par l’implémentation de conseils de coopérative.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/S0-PXKGY_LE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Retour sur la pédagogie de Célestin Freinet (France Culture, 2020).</span></figcaption>
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<p>Durant ces conseils, les élèves et leurs enseignants réunis en assemblée ont l’occasion de débattre de propositions pour la classe, mais aussi (et surtout) de porter des critiques à leurs camarades et de traiter collectivement des conflits. <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb33016094m">L’objectif pour Freinet</a> n’est pas répressif, mais plutôt moral :</p>
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<p>« À l’issue de notre séance coopérative, nous n’avons jamais, comme on pourrait le croire, une liste de punis mais seulement des enfants heureux d’avoir discuté de ce qui leur tenait à cœur, de s’être déchargés parfois de leurs péchés, d’avoir éclairci et libéré leur conscience ».</p>
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<p>À la suite de Freinet, la pédagogie institutionnelle développe cette idée du conseil comme « rein » du groupe, ayant une fonction d’épuration des conflits. Inspiré de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/psychanalyse-27606">psychanalyse</a>, ce courant pédagogique voit dans ce dispositif (parmi d’autres « institutions ») des fonctions de thérapie collective. Il s’agit d’abord, en retirant l’enseignante ou l’enseignant comme instance personnalisée d’autorité, de limiter les phénomènes de transfert avec l’adulte.</p>
<p>Mais le conseil permet aussi, à travers l’usage du langage dans un dispositif institutionnalisé, la confrontation à l’autre et la sortie de l’égocentrisme : ce n’est pas en tant qu’individu singulier, mais en tant que membre du groupe que les enfants sont invités à intervenir. Là encore, « le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4801799k">conseil n’est pas nécessairement un tribunal</a>, et la recherche de la vérité importe moins que l’élimination des conflits perturbateurs. […] L’essentiel est peut-être moins ce qui est dit, que le fait que ce soit dit et entendu ».</p>
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<p>D’autres dispositifs de gestion des conflits ont vu le jour, comme la <a href="https://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/03/2/Ress_emc_conflits_messages_clairs_509032.pdf">technique des « messages clairs »</a>, inspirée de la communication non violente. Lors de celui-ci, les élèves « agresseurs et agresseuses » et « agressés » sont invités à verbaliser leur description des faits, leurs émotions et leurs besoins. Cet échange est supervisé par un médiateur ou une médiatrice, qui peut être un adulte ou un enfant dûment formé. Quoiqu’il en soit, tout ceci implique que l’enseignant renonce à arbitrer directement les conflits, tout en garantissant le cadre pour que les enfants le fassent eux-mêmes. Cette posture est assurément complexe à trouver.</p>
<h2>Réfléchir aux limites de l’autorégulation</h2>
<p>Il ne faut néanmoins pas croire que ces dispositifs abolissent complètement la violence des relations entre enfants. En effet, ils ne sont pas exempts de phénomènes de détournement et de manipulation. On peut assister à des accusations à répétition contre des élèves, à une volonté de vengeance ou de punition plutôt que d’intercompréhension.</p>
<p>Si ces dispositifs sont théoriquement fondés sur l’empathie et la communication non violente, ils peuvent donc aussi représenter une humiliation publique aux yeux de certaines et certains. Ce phénomène est renforcé par le fait que tous les enfants ne sont pas à égalité face à ces outils. En effet, ils impliquent une conception du langage et de l’autorité <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520271425/unequal-childhoods">tendanciellement plus fréquente dans les classes moyennes et supérieures</a>, face à laquelle les enfants de classe populaire peuvent se retrouver en difficulté.</p>
<p>Face à ces limites, la figure enseignante garde donc un rôle central. Un élément important est celui de la dépersonnalisation. En effet, on retrouve souvent dans le discours des enseignantes et enseignants l’idée de ne pas risquer de faire du conseil un tribunal. Cela implique qu’à partir d’une accusation d’un élève envers un autre, l’enseignant incite les enfants à monter en généralité. Il s’agit souvent de déporter l’attention de l’auteur ou l’autrice de l’acte répréhensible pour la <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb42291202f">diriger vers l’acte lui-même</a>, afin d’éviter d’étiqueter l’accusé comme « déviante » ou « déviant ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mixite-scolaire-que-peuvent-apporter-les-cours-de-recreation-non-genrees-183502">Mixité scolaire : que peuvent apporter les cours de récréation « non genrées » ?</a>
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<p>Le sujet central devient alors les modifications à apporter à la classe pour que le problème ne se reproduise pas. Si Maiwenn est excédée par Hamza qui pose toujours son classeur sur son bureau, n’est-ce pas qu’il y a un problème avec l’agencement des tables ? On rejoint ici un principe fondamental dans ces pédagogies, à savoir que les conflits entre élèves sont le signe d’un dysfonctionnement de l’organisation de la classe.</p>
<p>Ce genre de dispositif prend habituellement en charge de « petits » conflits du quotidien, et n’est peut-être pas à même de traiter des cas de violences plus graves tels que le <a href="https://theconversation.com/violences-scolaires-ou-le-harcelement-commence-t-il-107074">harcèlement scolaire</a>. Néanmoins, on sait que la dynamique de celui-ci repose en grande partie sur la <a href="https://www.cairn.info/le-harcelement-scolaire--9782715416253.htm">passivité des spectateurs et spectatrices</a> et la loi du silence. Dès lors, en habituant les enfants dès le plus jeune âge à traiter publiquement leurs problèmes de façon coopérative, et en contribuant à constituer une communauté d’enfants et d’adultes dans un meilleur climat scolaire, on peut espérer des effets positifs de ces outils y compris sur des enjeux plus graves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206216/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Duval-Valachs est financé pour sa thèse par un contrat doctoral de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.</span></em></p>Dans quelle mesure les enfants peuvent-ils gérer par eux-mêmes les petits conflits qui émaillent le quotidien scolaire ? Regard sur les conseils d’élèves mis en place dans certains établissements.Nicolas Duval-Valachs, Doctorant en sociologie (EHESS/Lyon-2), Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.