tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/erasmus-35539/articlesErasmus – The Conversation2023-04-13T17:49:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2027712023-04-13T17:49:58Z2023-04-13T17:49:58ZCe qu’Érasme, patron d’Erasmus, a apporté à la pensée de l’éducation<p>Après deux années très perturbées par la crise du Covid-19, la <a href="https://injep.fr/publication/reprise-de-la-mobilite-internationale-des-jeunes-en-2022/">mobilité internationale des jeunes</a> repart à la hausse. Parmi les dispositifs les plus prisés par les étudiants qui souhaitent passer une partie de leur cursus à l’étranger se trouve <a href="https://info.erasmusplus.fr/">Erasmus +</a>.</p>
<p>Pourquoi Érasme a-t-il été choisi comme figure tutélaire de ce programme qui, en 2022, a fêté ses 35 ans ? En quoi l’ouverture culturelle qu’il permet fait-elle écho à la pensée du célèbre humaniste ? De manière très factuelle, s’il a donné son nom à un <a href="https://theconversation.com/partir-avec-erasmus-a-lecole-de-la-difference-98968">programme facilitant la circulation des étudiants et des enseignants à travers l’Union européenne</a>, c’est sans doute d’abord parce que <a href="https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1996_num_76_3_5413_t1_0364_0000_2">ce savant hollandais mena une vie itinérante</a>, au cours de laquelle il se constitua un vaste réseau de correspondants et d’amis, du nord au sud du continent.</p>
<p>Né à Rotterdam en 1467 ou 1469, l’auteur de l’<a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251448596/eloge-de-la-folie"><em>Eloge de la folie</em></a> vécut par la suite dans l’actuelle Belgique, en France, en Angleterre, en Italie, en Allemagne, dans l’actuelle Suisse où il mourut en 1536. Bien qu’il n’allât jamais en <a href="https://www.jstor.org/stable/20679305">Espagne, son influence y fut grande</a>. Il ne manquait pas non plus d’admirateurs ni d’amis en Pologne et en Hongrie.</p>
<p>Les voyages d’Érasme n’étaient pas récréatifs : manquant souvent d’argent, il avait besoin du soutien de riches bienfaiteurs, susceptibles de l’accueillir et de lui offrir les conditions d’une vie, sinon toujours confortable, du moins libérée des soucis matériels, de sorte qu’il pût se consacrer à ses travaux d’édition et d’écriture.</p>
<p>Les voyages lui étaient en outre nécessaires pour des raisons scientifiques : se rendre à Oxford, à Paris, à Louvain, à Venise ou à Bâle lui permettait d’accéder à des bibliothèques, à des manuscrits, de rencontrer d’autres savants, des éditeurs…</p>
<p>Enfin, dans le contexte des fortes tensions religieuses du début du XVI<sup>e</sup> siècle, Érasme se sentit parfois obligé de quitter une ville pour préserver sa liberté et sa sécurité, comme en 1521 lorsqu’il quitta Louvain, ou en 1529 lorsqu’il préféra partir (temporairement) de Bâle : dans un cas comme dans l’autre, il refusa de céder aux pressions de ceux – catholiques à Louvain, protestants à Bâle – qui souhaitaient le voir prendre parti fermement pour leur cause, contre l’autre camp.</p>
<h2>Un humanisme indissociable d’une réflexion sur l’éducation</h2>
<p>Outre la dimension européenne de la vie d’Érasme, c’est son statut d’« humaniste » qui permet de comprendre pourquoi le programme européen de mobilité académique a été placé sous son patronage. Le mot « humanisme » se prête aux contresens, mais son emploi est inévitable dès qu’il est question d’Érasme. En tout état de cause, le terme lui est postérieur.</p>
<p>Attesté en français au XVIII<sup>e</sup> siècle, au sens d’amour de l’humanité, le mot acquiert au XIX<sup>e</sup> siècle, d’abord en allemand, puis dans les autres langues européennes, le sens plus technique que nous lui connaissons aujourd’hui en histoire des idées, celui qui renvoie au mouvement de remise à l’honneur des auteurs grecs et latins de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/antiquite-21981">Antiquité</a> chez les lettrés européens des XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprendre-a-grandir-un-combat-a-mener-avec-susan-neiman-167066">Apprendre à « grandir », un combat à mener avec Susan Neiman</a>
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<p>Tardif, le mot « humanisme » s’appuie toutefois sur des expressions attestées chez les auteurs des XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles : <em>studia humanitatis</em> ou <em>litterae humaniores</em>, c’est-à-dire « études d’humanité » ou « lettres plus humaines », au sens actif de l’adjectif, à savoir « les lettres qui rendent plus humain » – ou encore, dans un esprit comparable, <em>bonae litterae</em>, les « bonnes lettres », non pas seulement au sens esthétique de « belles-lettres », mais aussi et plus encore au sens moral et éducatif de « lettres qui rendent bon, meilleur ».</p>
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<img alt="Enluminure dans un ouvrage de 1518 ou 1519 de Guillaume Budé" src="https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maître anonyme, enluminure de dédicace, dans Guillaume Budé, L’Institution du prince, (Paris, BnF, Bibliothèque de l’Arsenal, vers 1518-1519).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Biblioth%C3%A8que_de_l%E2%80%99Arsenal,_MS-5103,_fol1v_-_Bud%C3%A9_%C3%A0_l%27%C5%93uvre_pour_le_roi.jpg">Wikimedia Commons</a></span>
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<p>L’humanisme repose en effet sur une pensée et une pratique de l’éducation, et, de manière indissociable, sur une certaine anthropologie. Par son œuvre immense, Érasme occupe une place de premier plan dans l’histoire de l’éducation – place paradoxale toutefois, car <a href="https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1996_num_76_3_5413_t1_0364_0000_2">Érasme fut davantage un théoricien qu’un praticien de l’éducation</a> : il n’accepta des fonctions d’enseignement que pour gagner sa vie, et dès qu’il eut la possibilité de s’en libérer pour se consacrer à l’étude et à l’écriture, il en profita.</p>
<p>Exigeant et impatient, <a href="https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1990_num_68_4_5787_t1_0995_0000_2">Érasme</a> semble avoir difficilement supporté les limites de ses élèves. Dépourvu d’intérêt pour les questions institutionnelles et matérielles, il n’était pas non plus homme à se lancer dans un grand projet de créations d’écoles ou de centres d’enseignement : s’il participa à la fondation du Collège trilingue de Louvain en 1517, c’est en tant qu’homme de réseaux, pour y attirer les meilleurs professeurs, sans se destiner à y enseigner lui-même.</p>
<h2>Une confiance dans les capacités d’apprentissage des jeunes</h2>
<p>Théoricien de l’éducation, Érasme entendait d’abord proposer des programmes d’études pour enfants, adolescents, jeunes gens, ainsi que quelques principes simples, mais forts. Deux de ses ouvrages parmi les plus connus sont explicitement et principalement consacrés à l’éducation des enfants :</p>
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<li><p>le <em>Plan des études</em> (<em>De ratione studii</em>, 1512) qui préconise de manière exigeante la lecture assidue et progressive des auteurs grecs et latins, seul moyen de parvenir à l’aisance dans ces deux langues qui sont pour Érasme les véhicules du savoir ;</p></li>
<li><p>le <em>Discours sur la nécessité de donner très tôt aux enfants une éducation libérale</em> (<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6474407m"><em>Declamatio de pueris statim ac liberaliter instituendis</em></a>, 1529), où il importe de ne pas se méprendre sur le sens du mot « libérale » : il s’agit de dispenser une éducation qui rende libre, apte à penser par soi-même, de même que les <em>bonae litterae</em> rendent bon, et que les <em>littterae humaniores</em> rendent plus humain.</p></li>
</ul>
<p>Plus qu’un programme d’études, le <em>De pueris</em> propose, sous forme d’un discours adressé à un prince allemand adolescent, une véritable anthropologie pédagogique : à la différence des arbres, <em>homines non nascuntur, sed finguntur</em>, c’est-à-dire <a href="https://www.mollat.com/livres/443664/erasme-eloge-de-la-folie-adages-colloques">« on ne naît pas humain, mais l’on est façonné tel »</a>, par l’éducation.</p>
<p>Érasme insiste sur l’extrême réceptivité de l’enfant, sur les grandes capacités de sa mémoire, sur ses facultés d’apprentissage toujours en éveil. Sans doute y a-t-il une part d’idéalisme dans cette généralisation, mais l’essentiel est dans cette conviction que l’enfant est capable de recevoir le meilleur du savoir humain et, par ce savoir, de devenir lui-même meilleur, plus pleinement humain, et libre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quoi-les-premiers-livres-pour-enfants-ressemblaient-ils-140922">À quoi les premiers livres pour enfants ressemblaient-ils ?</a>
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<p>Il est clair que la vision érasmienne de l’éducation s’applique à une élite. Même si le <em>De ratione studii</em> s’inscrit dans le cadre d’une classe, l’idéal d’Érasme demeure une éducation personnalisée, fondée sur une relation exigeante entre le précepteur et son élève. Le <em>De pueris</em> s’adresse à un jeune prince lui-même bénéficiaire des leçons de l’humaniste allemand Conrad Heresbach.</p>
<p>En 1516, à l’attention du jeune Charles de Habsbourg, futur Charles Quint, Érasme publia <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251346106/l-education-du-prince-chretien">l’<em>Éducation du prince chrétien</em></a> pour promouvoir au plus haut niveau ses idées sur le lien entre savoir et vertu, et plus encore son rejet de toute guerre. L’on est loin, évidemment, d’un programme de type scolaire, pour un enseignement de masse.</p>
<p>Quant à la formation intellectuelle des jeunes filles, à la différence de son contemporain espagnol <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-l_education_de_la_femme_chretienne_jean_louis_vives-9782296128439-32220.html">Juan Luis Vives, auteur d’une <em>Éducation de la femme chrétienne</em> (1523)</a>, Érasme n’y accorda pas une attention très appuyée : chez lui, l’éducation féminine reste essentiellement morale et pratique, et cette question demeure intimement liée aux problèmes plus généraux du mariage chrétien, comme le montre tel ou tel des <em>Colloques</em> (par exemple <em>La Femme qui se plaint du mariage</em>) ou l’<em>Institution du mariage chrétien</em> (1526). Quoique très admiratif de la science de Margaret More, fille de son ami <a href="https://www.librairie-sciencespo.fr/ebook/9791021000094-thomas-more-bernard-cottret/?select_langue=gb">Thomas More</a>, Érasme considérait comme exceptionnelles les femmes d’un tel niveau de culture, et ne chercha pas à promouvoir une éducation d’élite pour les femmes.</p>
<h2>Un ancrage théologique</h2>
<p>Au-delà des ouvrages consacrés explicitement aux questions d’éducation, c’est une large partie de l’œuvre d’Érasme qui peut être considérée comme éducative. L’énorme collection des <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251444802/adages"><em>Adages</em></a> et le recueil des <em>Colloques</em>, œuvres qu’Érasme reprit tout au long de sa vie, sont destinés à fournir aux élèves des modèles de commentaire littéraire, d’argumentation et de réflexion morale pour les premiers, des exemples de <a href="https://theconversation.com/humanites-dans-le-texte-les-anciens-eclairent-les-debats-contemporains-129840">discussion latine</a>, à forte teneur morale également mais non sans hardiesse intellectuelle, sur les sujets les plus variés et dans un style souvent enjoué, pour les seconds.</p>
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<p>La pensée pédagogique d’Érasme et l’anthropologie qui lui est sous-jacente sont inséparables de sa vision chrétienne du monde. La foi d’Érasme ne se prête pas aux réductions simplificatrices : volontiers critique et irrévérencieux, Érasme – qui était chanoine régulier, certes exclaustré, et prêtre – demeura, à l’heure de la Réforme protestante, fidèle à l’Église catholique.</p>
<p>C’est sur la question théologique de la liberté humaine (thème décidément essentiel chez Érasme) qu’il <a href="https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1982_num_13_2_1911_t1_0226_0000_3">s’opposa fermement à Martin Luther</a> lors d’une querelle par ouvrages interposés en 1524-1526. Érasme défendit le « libre arbitre » contre l’anthropologie pessimiste de <a href="https://gallica.bnf.fr/conseils/content/martin-luther">Luther</a>, chez qui la nature humaine est si envahie par le péché qu’il ne subsiste aucun libre arbitre, mais bien plutôt un « serf arbitre ».</p>
<p>Chez Érasme, la promotion du savoir n’a de sens que comme condition du progrès de la vertu, du perfectionnement de l’être humain, créé à l’image de Dieu, doué de raison et de liberté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Gilbert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qui était Érasme, le penseur humaniste qui a donné son nom au célèbre programme européen d’échanges ? Quels enseignements a-t-il légués aux pédagogues d’aujourd’hui ?David Gilbert, Directeur du département d'histoire de l'Église, faculté de théologie, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1685942022-01-02T17:24:03Z2022-01-02T17:24:03ZDébat : Et si nous et nos sociétés entrions dans nos « secondes vies » ?<p>Confucius disait que nous avons deux vies et que la seconde commence quand on comprend que nous n’en avons qu’une. Et si c’était vrai non seulement de chacune et chacun d’entre nous mais aussi de nos institutions, de notre démocratie, de notre espèce même ?</p>
<p>Et si nous n’étions pas invulnérables ? C’est l’une des grandes leçons du Covid-19. Accepter notre vulnérabilité constitue le premier pas vers la prise de conscience, collective, qu’éduquer à la compassion, transmettre nos expériences de solidarité sont essentiels. C’est également un moment opportun, pour la décision publique, de considérer le sujet du soin et de l’attention à l’autre, du « care », comme prioritaire.</p>
<p>Les écarts entre les gagnants et les perdants <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/07/revenus-education-sante-genre-climat-la-pandemie-de-covid-19-a-exacerbe-un-peu-plus-encore-les-inegalites-mondiales_6104984_3234.html">ne cessent de se creuser</a>, et la pandémie a aggravé le phénomène. La foi dans la méritocratie en serait-elle responsable ? Cet idéal, associé au fonctionnement régulier des institutions démocratiques, à la croyance dans l’autonomie et la liberté d’action et de décision des citoyennes et citoyens, est en réalité fortement inégalitaire, conduisant les sociétés occidentales à ce que le philosophe américain Michael Sandel a nommé une véritable <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/20/dans-la-tyrannie-du-merite-la-meritocratie-mere-d-une-nouvelle-noblesse-de-robe_6077458_3232.html">« tyrannie du mérite »</a>.</p>
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<p>Au final tout le monde perd à ce que cette illusion perdure, même les gagnants, parce que, pris dans une compétition perpétuelle, ils ont rompu avec l’idée de prendre soin, y compris d’eux-mêmes. Le sentiment d’une légitime supériorité nourrit la conviction de mérite. Aux États-Unis, en France et ailleurs, les élites sont très largement issues d’une <a href="https://theconversation.com/democratiser-les-grandes-ecoles-pourquoi-ca-coince-154247">reproduction sociale</a> où le poids de l’héritage, en termes financiers ou de parcours, est considérable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488">Le mérite est-il encore un idéal démocratique ?</a>
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<p>À de nombreux égards, la méritocratie a remplacé l’aristocratie et cette logique finit par nourrir le mécontentement, le découragement, voire le ressentiment et la frustration, qui conduisent à la colère, à la violence et au populisme..</p>
<h2>Pour une éthique de l’humilité</h2>
<p>Afin de se recentrer sur le bien commun, il est essentiel de passer de la compétition à la coopération, de réduire les <a href="https://theconversation.com/la-covid-accelerateur-des-inegalites-de-revenus-et-de-patrimoine-en-france-168493">inégalités</a> et de rompre avec une logique d’exploitation des autres et de la planète. L’éthique de l’humilité <a href="https://journals.openedition.org/lectures/49139">que Sandel appelle de ses vœux</a> est davantage favorable au bien commun. Le contexte actuel nous y invite plus que jamais. Notre vulnérabilité collective, nous la pressentions. Longtemps marginaux, les travaux et discours sur la <a href="https://theconversation.com/une-cartographie-interactive-des-zones-du-monde-a-proteger-en-priorite-126641">fragilité de l’écosystème terrestre</a> et de la biosphère avaient, dès avant la pandémie, gagné de larges couches de l’opinion. Le Covid-19 a amplifié le phénomène : c’est en cela que nous changeons, si ce n’est de monde, du moins d’époque.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-faire-pour-que-la-transition-energie-climat-devienne-enfin-laffaire-de-tous-160519">Que faire pour que la transition énergie-climat devienne enfin l’affaire de tous ?</a>
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<p>Nous en avons pris conscience, à toutes les échelles : individuelle voire intime avec les effets des restrictions de nos vies sociales et affective, et même collective et globale à travers les multiples effets de la crise sanitaire sur l’organisation de nos écosystèmes, de nos économies, des espaces que nous habitons. Nous avons surexploité la planète, épuisé la biodiversité et le retour de bâton est proportionnel au sentiment de toute-puissance qui nous a mus pendant des décennies.</p>
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<figcaption><span class="caption">Cynthia Fleury : L’éthique du care ? (Chaire de Philosophie à l’Hôpital, 2018).</span></figcaption>
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<p>Une grande ligne de partage politique et géopolitique est, dès lors, mise au jour. Le choix que nous devons, ensemble, opérer, est simple. Beaucoup, déjà, parmi les « méritants », s’affolent : la peur d’une perte des repères cache mal la crainte de voir disparaître des privilèges et de s’effriter des entre-soi de sociabilité, de pensée, de pouvoir. Et cependant, ce qui est révolutionnaire, c’est de mettre du care dans chacune de nos activités et de reconnaître son caractère irremplaçable. C’est être davantage dans la compassion à titre individuel, autrement dit dans la compréhension des émotions de l’autre, mais c’est aussi et, surtout, rompre avec les logiques structurelles de domination.</p>
<p>Comme l’a souligné la philosophe Sandra Laugier, qui avait dès 2005 codirigé un ouvrage intitulé <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/01/le-souci-de-l-autre-un-retour-de-l-ethique-du-care_6038332_3232.html"><em>Le Souci des autres, éthique et politique du care</em></a> :</p>
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<p>« Le fait que des individus s’occupent d’autres, s’en soucient et ainsi veillent au fonctionnement ordinaire du monde, tout cela va de soi en temps normal, on ne le voit pas. Il y a quelque chose extrêmement nouveau dans le fait de prêter attention aux personnes dont on tenait pour acquis qu’elles étaient là pour servir, et dont la fonction apparaît aujourd’hui comme centrale dans le fonctionnement de nos sociétés »</p>
</blockquote>
<p>C’est donc un projet politique dans lequel tout le monde a à gagner, à long terme, parce que nous sommes tous affectés. Tous, nous sommes nés on ne peut plus vulnérables, et nous le restons.</p>
<p>La lutte contre la pandémie rend ainsi plus urgente et sensible la prise de conscience de nos interdépendances. Quand nous échouons à mener une (géo)politique équitable de diffusion des vaccins et des traitements, nous en payons le prix collectivement. Des poches de virus subsisteront et, tôt ou tard, nous reviendront comme en boomerang.</p>
<p>Nous sommes également dépendants des autres espèces (biodiversité) et des facteurs physico-chimiques de notre environnement (ozone, climat, pollution dans les villes, etc.). Nous sommes tous embarqués sur le même navire, et, à l’échelle de l’univers, c’est un bien frêle esquif.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-changements-environnementaux-font-emerger-de-nouvelles-maladies-130967">Comment les changements environnementaux font émerger de nouvelles maladies</a>
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<p>Ce sont donc de nouveaux récits, de nouvelles règles, de nouvelles lois que nous devons rédiger, destinées à protéger les mécanismes par lesquels nous prenons soin les uns des autres et de la planète, en tant qu’individus et en tant que sociétés. Inévitablement, cela nous conduit à repenser, à refonder le projet des Lumières : vise-t-il la satisfaction des intérêts de quelques-uns ou bien du plus grand monde ? Si l’on regarde les effets autant, voire plus que les intentions, il est clair que le compte n’y est pas.</p>
<h2>De nouvelles Lumières, plus inclusives</h2>
<p>Les grandes crises mondiales accroissent la nécessité d’un dialogue international, interculturel et intergénérationnel. Il y a encore loin de la prise de conscience aux actes. Et cependant, les exemples, à travers le monde, de la mise en pratique de ces maximes sont nombreux dont nous pouvons nous inspirer. L’<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Ubuntu_philosophy">« Ubuntu »</a>, par exemple, est une notion issue de l’Afrique méridionale qui renvoie à cette idée de gratitude, de « care » et d’interdépendance. Elle dit en substance : « je suis ce que je suis grâce à vous » ou « je suis par ce que (parce que) nous sommes ». Une autre manière de le formuler pourrait être : « il faut tout un village pour élever un enfant ». La transmission est donc un levier majeur de cette nouvelle manière d’appréhender le réel.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-pour-faire-face-aux-crises-developpons-des-communautes-apprenantes-136066">Débat : Pour faire face aux crises, développons des « communautés apprenantes »</a>
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<p>Mais ces sujets sont absents des programmes de notre méritocratie où les jeunes sont en compétition les uns avec les autres pour les savoirs d’hier. Et, cependant, nous pouvons les former à coopérer entre eux pour relever les défis d’aujourd’hui et inventer le monde de demain. On pourrait, de notre côté, les inviter à discuter de nos vulnérabilités ou de nos différences de point de vue sur une même réalité (par exemple en leur demandant de dessiner un objet puis de reconnaître que le dessin des autres, pour différent qu’il soit, représente bien la même chose).</p>
<p>Et si nous invitions les jeunes (et les moins jeunes) à jouer à des jeux et participer à des activités (en famille, à l’école, dans nos associations, nos universités, nos organisations) où l’on ne gagne que si tout le monde gagne ? Et si nous organisions des Olympiades de l’engagement où l’on reconnaîtrait leur capacité à contribuer au bien commun ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Sandra Laugier : « il faut reconnaître nos dépendances, comme un trait de la condition humaine » (France Inter, 2020).</span></figcaption>
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<p>Alors que va s’ouvrir l’année européenne de la jeunesse, nous pourrions inviter à compléter le <a href="https://info.erasmusplus.fr/">programme Erasmus</a> qui <a href="https://theconversation.com/fr/topics/erasmus-35539">favorise la rencontre</a> entre jeunes de différentes nationalités. Et si nous favorisions la rencontre de « l’étranger », tout ce qui tend à nous le rendre familier, permet de promouvoir la tolérance et le vivre ensemble ? Et si nous prenions conscience que nous appartenons à des communautés emboitées et même à une très grande famille qui inclut tous les êtres vivants et que nous devons apprendre à prendre soin de chaque membre de ces communautés ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-competition-a-t-elle-une-vertu-educative-166586">La compétition a-t-elle une vertu éducative ?</a>
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<p>Faire preuve de compassion est non seulement bon pour ceux qui en bénéficient mais aussi pour ceux qui contribuent à apaiser la souffrance des autres. Cette approche individuelle se double d’un enjeu politique, collectif : il s’agit de contribuer à définir de vrais projets de société.</p>
<p>Les pays qui ont le mieux résisté aux premières vagues de la crise du Covid sont dirigés par des femmes qui, par leur expérience, ont su dire <a href="https://theconversation.com/nous-ne-sommes-pas-en-guerre-nous-sommes-en-care-137619">« nous sommes en care »</a>, alors que bien des hommes se sont crus en guerre. Des politiques qui, comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacinda_Ardern">Jacinda Ardern</a> en Nouvelle-Zélande, prennent soin des plus vulnérables contribuent à apaiser les maux de nos sociétés sont aussi largement réélues. Et si nous nous en inspirions en cette année électorale ?</p>
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<p><em>Le prochain livre de François Taddéi, <a href="https://calmann-levy.fr/livre/apprendre-au-XXIe-si%C3%A8cle-9782702163429">« Et si nous ? Comment relever ensemble les défis du XXIᵉ siècle »</a> paraîtra aux éditions Calmann-Lévy, en janvier 2022</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168594/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Taddei ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si nous n’étions pas invulnérables ? C’est l’une des grandes leçons du Covid-19. et le premier pas vers la prise de conscience, collective, qu’éduquer à la compassion est essentiel.François Taddei, Chercheur Inserm, directeur, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1525752020-12-29T21:40:12Z2020-12-29T21:40:12ZFin des séjours Erasmus au Royaume-Uni : les étudiants vont-ils payer le prix du Brexit ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376746/original/file-20201229-15-1faa8f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C994%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Royaume-Uni parie sur sa capacité à maintenir son excellence et son influence mondiale par ses propres moyens.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’annonce par le Royaume-Uni du <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/12/27/sortir-d-erasmus-le-drole-de-calcul-de-londres_1809737">retrait</a> du programme de mobilité <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/brexit-l-absence-d-accord-sur-le-programme-erasmus-est-un-echec-mais-un-echec-pour-les-britanniques-selon-michel-barnier_4237203.html">Erasmus+</a> a été accueillie avec <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/brexit-la-fin-du-programme-erasmus-est-assez-violent-et-prive-le-royaume-uni-de-talents-selon-la-directrice-de-l-agence-erasmus-france_4233089.html">consternation</a> et émotion dans tous les pays de l’Union européenne. </p>
<p>Parmi les diverses conséquences du Brexit, cette décision a sans doute une portée symbolique plus forte que d’autres tant, dans l’imaginaire collectif, le Royaume-Uni est indissociable des séjours linguistiques et d’études à l’étranger.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1342127658541395970"}"></div></p>
<p>Beaucoup de commentateurs ont exprimé de <a href="https://www.sudouest.fr/2020/12/26/le-royaume-uni-j-oublie-le-brexit-modifie-les-plans-des-etudiants-erasmus-8230442-4803.php">l’inquiétude</a> quant à l’avenir de la mobilité étudiante, dont on dit qu’elle sera plus chère et plus compliquée vers les universités britanniques. </p>
<p>Le Premier ministre Boris Johnson justifie sa décision par le besoin de réaliser une économie budgétaire en supprimant le coût d’adhésion à un dispositif dont les étudiants britanniques bénéficient peu.</p>
<p>Pourtant, les représentants du monde académique anglais tirent depuis des mois la sonnette d’alarme quant à l’impact économique de la baisse anticipée du nombre d’étudiants européens inscrits, qui serait de 57 % dès la première année selon le think tank <a href="https://www.hepi.ac.uk/2020/06/23/response-to-the-announcement-on-fees-and-loans-for-eu-students-in-england-from-2021/">HEPI</a>. Le manque à gagner net pour le pays s’estimerait, d’après le groupement d’intérêt <a href="https://www.universitiesuk.ac.uk/news/Pages/Losing-study-abroad-scheme-would-blow-a-hole-in-UK-economic-prospects.aspx">University UK</a>, à 243 millions de livres sterling par an.</p>
<h2>Vers une destination de niche</h2>
<p>Ces estimations se fondent sur l’hypothèse que l’arrêt des bourses Erasmus + donnera un coup d’arrêt de la mobilité vers les universités du Royaume-Uni. En effet, Erasmus – devenu Erasmus+ en 2014 – est un dispositif <a href="https://generation.erasmusplus.fr/wp-content/uploads/ERASMUS2017.pdf">créé en 1987</a> précisément pour encourager la circulation des étudiants dans l’espace européen.</p>
<p>En trente-trois ans d’existence, ce programme s’est élargi géographiquement, passant des 11 pays fondateurs (dont le Royaume-Uni) à 34 membres en 2020, incluant des pays qui, comme la Turquie ou l’Islande, ne font pas partie de l’Union.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/K_SwqgdS_1Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En 2017, Erasmus fête ses 30 ans.</span></figcaption>
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<p>Erasmus a également étendu son objet au-delà des séjours d’études (d’une durée comprise entre 6 mois et un an) pour inclure les stages, les apprentissages, les échanges de personnel universitaire. Doté d’un budget annuel de 3 milliards d’euros (chiffre 2019), soit près de 1,5 % du budget de l’Union européenne, le dispositif repose sur l’attribution de bourses aux individus et aux universités, ainsi que sur un mécanisme de validation des crédits, reconnus dans le cadre du diplôme dans le pays d’origine.</p>
<p>Plus récemment Erasmus+ a servi à promouvoir l’enseignement et la recherche sur des sujets liés à l’UE, mais aussi à soutenir les doubles diplômes et les formations européennes intégrées dans le cadre de partenariats stratégiques, visant à faire de l’espace économique européen une zone d’attraction des talents du monde entier.</p>
<p>On pourrait se demander si, au lieu de s’arrêter, <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2014/09/11/etudier-a-l-etranger-coute-toujours-plus-cher_4485855_4401467.html">cette mobilité</a> ne changera pas simplement de <a href="https://theconversation.com/etudiants-le-programme-erasmus-a-t-il-democratise-les-sejours-a-letranger-110955">bénéficiaires</a>. Aux étudiants boursiers Erasmus se substitueront autant d’étudiants <a href="https://www.leparisien.fr/international/brexit-les-jeunes-europeens-devront-payer-plus-cher-pour-etudier-en-angleterre-23-06-2020-8340804.php">autofinancés</a>, qu’ils soient en provenance de la zone Erasmus + ou plus largement du reste du monde.</p>
<p>De fait, quand on regarde de près la mobilité actuelle, il est légitime de se demander si la fin de la mobilité Erasmus sera réellement la catastrophe annoncée pour l’industrie de l’enseignement supérieur britannique. En nombres absolus, selon les <a href="http://uis.unesco.org/fr/uis-student-flow">données de l’Unesco</a>, les quatre premiers pays d’origine de ses étudiants internationaux sont la Chine, l’Inde, les États-Unis et Hongkong, loin devant les pays de l’Union européenne. Sa mobilité entrante dépend donc relativement peu de sa participation à Erasmus.</p>
<p>Quant à la mobilité sortante, les étudiants britanniques ont la particularité – commune à beaucoup de pays anglophones – d’être peu nombreux à partir à l’étranger pour leurs études. Les étudiants en mobilité représentent 0,7 % du total de la population étudiante. Le taux net de flux des étudiants en mobilité, c’est-à-dire le rapport entre le nombre des étudiants entrants et sortants, est de 16,74%, l’un des plus élevés de la zone Europe, indiquant par là le fort déséquilibre entre les deux flux (par comparaison ce taux est de 4,9 pour la France).</p>
<p>De plus, lorsqu’ils partent, les étudiants britanniques choisissent massivement une destination hors périmètre Erasmus, à savoir les États-Unis qui accueillent à eux seuls plus de 10.000 étudiants britanniques par an, soit un gros tiers de la mobilité sortante. En cumulé, les pays membres de l’UE en accueillent 17.000 par an.</p>
<h2>Un « soft power » menacé ?</h2>
<p>Alors, que change vraiment cette décision de « sortie » d’Erasmus ? Outre les aspects symboliques déjà évoqués, elle est porteuse d’un fort message politique adressé aux autres pays européens. Renoncer à Erasmus c’est <a href="https://www.europe1.fr/international/fin-derasmus-au-royaume-uni-cest-labandon-du-socle-culturel-commun-europeen-4014758">renoncer au projet</a> de ses fondateurs, à savoir la création d’une identité commune et partagée, au service de la construction européenne et de la vision de paix des origines.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1032841399186726912"}"></div></p>
<p>Paradoxalement, le grand perdant de ce choix de retrait d’Erasmus pourrait être le Royaume-Uni lui-même, plus que les étudiants européens qui se tourneront vers d’autres destinations anglophones – notamment l’Irlande et l’Irlande du Nord – ou continueront d’aller au Royaume-Uni s’ils en ont les moyens.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etudiants-le-programme-erasmus-a-t-il-democratise-les-sejours-a-letranger-110955">Etudiants : le programme Erasmus a-t-il démocratisé les séjours à l’étranger ?</a>
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<p>Sans bénéficier du programme Erasmus, une année d’études <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/09/20/etudiants-internationaux-le-royaume-uni-bientot-supplante-par-l-australie_5357995_4401467.html">au Royaume-Uni</a> coûte en moyenne entre 10 000 € et 20 000 €, pour certaines filières encore plus, auxquels s’ajoutent les frais de visa, de logement, de couverture médicale. D’autres bourses existent mais elles sont sélectives et réservées aux meilleurs candidats et qui ont déjà un excellent niveau d’anglais certifié par un test tel que l’IELTS. Le pays, qui en 2019 a accueilli près de 143 000 étudiants en provenance de l’Union européenne, pourrait vouloir devenir une destination de niche, réservée aux plus fortunés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"991316319558553600"}"></div></p>
<p>En se privant du <a href="https://www.rfi.fr/en/international/20201225-as-uk-pulls-out-of-erasmus-what-study-abroad-options-remain-post-brexit">flux entrant</a> des boursiers Erasmus+, le Royaume-Uni risque à long terme de perdre l’un de moteurs les plus puissants de son soft power. Boris Johnson l’a souvent rappelé : son pays est un contributeur net d’Erasmus (tout comme l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, les pays scandinaves, les Pays-Bas, la Belgique ou l’Autriche). A la différence de l’Italie ou de la France, il accueille donc plus d’étudiants qu’il n’en envoie, signe du succès et de la capacité d’attraction de ses universités.</p>
<p>Ouverte à tous les étudiants du supérieur, à partir de la 2<sup>e</sup> année jusqu’au doctorat inclus, la mobilité Erasmus intervient généralement au cours du premier cycle d’études. Constituant souvent le première étape d’un parcours international, elle influence les choix ultérieurs. Ainsi, depuis plus de trente ans, de nombreux étudiants ayant goûté au système éducatif d’outre-Manche grâce à Erasmus y reviennent ensuite à leur frais ou avec d’autres bourses pour poursuivre les études en master ou doctorat.</p>
<p>L’influence des établissements britanniques risque de pâtir aussi de l’arrêt de la mobilité des personnels enseignants et administratifs, et surtout de leur éloignement progressif des divers <a href="https://agence.erasmusplus.fr/en/fiches-pratiques/consortium-erasmus/">consortiums</a>, coalitions et groupements d’universités européennes qui se constituent de plus en plus nombreux pour bénéficier des financements de recherche européens.</p>
<p>Le Royaume-Uni parie sur sa capacité à maintenir son excellence et son influence mondiale par ses propres moyens, suivant sans doute le modèle des États-Unis. Avec un financement public qui se réduit constamment depuis le début des années 2000 (<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0738059317301748?casa_token=iqXTYE1LoecAAAAA:Z9Z-anCi0g6-6z9AL5b4QSSuRmaG5BH0k89TEL5uS9Rm90DWy5HU_O4ljSvc96vcjYli1ISA">Marginson, 2018</a>), le pays ne dispose toutefois pas du même potentiel offert par la philanthropie privée qui permet aujourd’hui aux grandes universités américaines d’entretenir leur prééminence par des bourses, des chaires, des postdocs et des programmes de recherche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152575/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Partir hors Erasmus a un coût que ne pourront pas se permettre tous les étudiants européens. Mais le retrait britannique ne pourrait-il pas nuire aussi à l’influence des universités britanniques ?Alessia Lefébure, Directrice des études, sociologue des organisations, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1498602020-11-19T23:29:24Z2020-11-19T23:29:24ZLa fin de l’« Auberge espagnole » : comment réinventer les mobilités étudiantes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369868/original/file-20201117-17-7ecoqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C2%2C997%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grâce à la visioconférence, les étudiants peuvent commencer à participer à certains cours de leur future université d'accueil et préparer leur départ.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La crise sanitaire liée à la Covid-19 a conduit à la paralysie de la mobilité internationale en 2020. Les étudiants désireux de réaliser un semestre d’études, un stage ou une année de césure à l’étranger en ont été les victimes. Et l’on peut penser que cette crise aura un impact sur la mobilité de ces jeunes de manière durable car de nouvelles réticences peuvent apparaître (chez les étudiants et/ou leurs parents) et de nouvelles vagues de pandémie ne peuvent être exclues.</p>
<p>Pour conserver <a href="https://theconversation.com/ce-que-les-etudiants-apprennent-en-partant-a-letranger-119892">ce que les étudiants apprennent</a> en partant à l’étranger des solutions alternatives voient le jour, mixant mobilité hybride et internationalisation à la maison. Ces nouvelles formes de mobilité, loin d’être des pis-aller, présentent deux avantages importants : elles permettent une meilleure préparation au séjour à l’étranger tout en favorisant l’inclusion des étudiants vulnérables.</p>
<h2>Activités préparatoires</h2>
<p>Que l’on parle de mobilité hybride ou d’internationalisation à la maison, il faut comprendre que les étudiants vont réaliser un certain nombre de cours depuis leur université d’origine. Dans le premier cas, les activités sont proposées à distance, par visioconférence par exemple, par l’université qui les accueillera plus tard dans le cadre d’un échange. Dans le deuxième cas, les activités sont proposées par leur université d’origine.</p>
<p>Dans les deux cas, les étudiants s’engagent dans un processus de développement de <a href="https://www.mccc.edu/%7Elyncha/documents/Deardorff-identificationandassessmentofinterculturalcompetenceasanoutcomeofInternationalizat.pdf">compétences transversales interculturelles</a>, valorisées par le <a href="https://research-repository.griffith.edu.au/bitstream/handle/10072/67634/102124_1.pdf;jsessionid=26D8A5213A337A52DCCED43345EE1388?sequence=1">marché du travail</a>, comme l’ouverture d’esprit, la capacité à monter des projets avec des équipes internationales ou la capacité à s’adapter.</p>
<p>Les <a href="https://agence.erasmusplus.fr/2020/11/04/rentree-2020-les-nouvelles-mobilites-hybrides-mixant-activites-virtuelles-et-mobilite-physique/">mobilités hybrides</a> « associent des activités virtuelles en lien avec la mobilité, comme l’apprentissage à distance organisé par l’établissement d’accueil, avec une mobilité physique à l’étranger ». Concrètement, les étudiants pourront suivre des cours proposés par leur université d’accueil, sans quitter leur pays, avant le départ.</p>
<p>Les universités désireuses d’accueillir des étudiants étrangers se sont engagées dans un processus de redéfinition de leur offre de cours pour ce public. Le temps de présence des étudiants, à l’étranger, sera quant à lui raccourci.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1317729376289484801"}"></div></p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/312862761_Redefining_Internationalization_at_Home">L’internationalisation à la maison</a> consiste à mobiliser des approches pédagogiques diversifiées dans l’université d’origine afin de sensibiliser les étudiants à l’interaction avec des cultures variées. Elles peuvent prendre la forme d’un projet réalisé entre étudiants internationaux et étudiants locaux, ou d’un cours dispensé par un professeur étranger avec une approche pédagogique à laquelle les étudiants ne sont pas habitués.</p>
<p>Ces activités existent déjà dans de nombreux établissements, mais jusqu’ici on les identifiait rarement comme complémentaires à la mobilité physique.</p>
<p>Que les activités préparatoires à la mobilité soient le fait de l’université d’accueil ou de l’université d’origine, l’étudiant va être mis en relation avec une culture étrangère. Dans le cas de la mobilité hybride, les cours suivis à distance familiariseront l’étudiant avec une culture pédagogique différente.</p>
<p>Dans le cas des activités d’internationalisation à la maison, la gestion de situations interculturelles est favorisée grâce à l’interaction entre acteurs (étudiants, enseignants) de culture différente. Et ces deux types de préparation peuvent également être combinés lorsque deux enseignants, dans deux établissements partenaires, organisent un <a href="https://info.erasmusplus.fr/erasmus/113-erasmus-virtual-exchange.html">projet virtuel</a> faisant travailler ensemble leurs étudiants respectifs.</p>
<h2>Inclusion des étudiants vulnérables</h2>
<p>Par ailleurs, ces alternatives à la mobilité traditionnelle favorisent l’inclusion des étudiants vulnérables dans un projet international. Selon un <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-09/20190916-rapport-mobilite-internationale-etudiants_0.pdf">rapport</a> de la Cour des comptes, en 2016, « le nombre d’étudiants en mobilité diplômante ne représentait que 4,3 % du total des étudiants susceptibles d’effectuer une mobilité ». Même si les chiffres montrent une tendance constante à la hausse de la mobilité internationale des étudiants ces dernières années, la mobilité à l’étranger reste une <a href="https://doi.org/10.3917/cact.044.0009">pratique confidentielle</a> et sélective, réservée à une minorité d’étudiants.</p>
<p><a href="https://agence.erasmusplus.fr/publications/observatoire-erasmus-13-les-declencheurs-de-la-mobilite-chez-les-publics-vulnerables/">Les obstacles</a> au départ persistent et sont nombreux : ils sont financiers (un séjour à l’étranger est coûteux), liés à la situation personnelle de l’étudiant (les étudiants sont des parents, ils travaillent), mais ils sont aussi psychologiques comme la peur d’être discriminé en raison de ses origines ou simplement la peur de quitter son environnement familial et de se retrouver dans un contexte totalement inconnu.</p>
<p>Pour ces étudiants vulnérables, qualifiés également d’immobiles, les mobilités hybrides et les dispositifs d’internationalisation à la maison peuvent constituer une voie vers l’internationalisation de leur curriculum.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1182055266822578179"}"></div></p>
<p>Les expériences de mobilité à l’étranger constituent des occasions formidables pour un étudiant de développer une sensibilité interculturelle propice à l’apprentissage de compétences transversales valorisées par les employeurs. La crise sanitaire a bouleversé les pratiques. <a href="https://www.researchgate.net/publication/275909837_SVE_mobilite_et_construction_de_soi">Envisager la mobilité</a> comme « un déplacement à la fois du corps et de l’esprit » ouvre quelques perspectives.</p>
<p>À côté des traditionnelles mobilités physiques qui permettent le déplacement du corps, des pratiques pédagogiques peuvent favoriser le processus de déplacement de l’esprit et de préparation au départ et à la rencontre interculturelle.</p>
<p>En cela, la mobilité hybride et l’internationalisation à la maison vont révolutionner la manière d’aborder l’internationalisation des étudiants, en valorisant de manière originale l’acquisition de compétences transversales par des méthodes pédagogiques innovantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécilia Brassier-Rodrigues a reçu des financements du programme Learn’In Auvergne (I-Site Clermont).</span></em></p>Si la pandémie freine les échanges internationaux des étudiants, elle est l’occasion de réfléchir à une meilleure intégration et valorisation de ces expériences dans la formation des étudiants.Cécilia Brassier-Rodrigues, Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication, Directrice du département Information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1198922019-10-09T18:51:02Z2019-10-09T18:51:02ZCe que les étudiants apprennent en partant à l’étranger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295770/original/file-20191007-121101-1fywsgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C998%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les séjours à l'étranger sont des atouts pour l'employabilité des jeunes, à condition de les valoriser.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/376986877?src=Ezrtgt-0urUqMmPDUsUYGA-1-36&size=medium_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Initié <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2007-5-page-58.htm">au XVIIIᵉ siècle</a> par de jeunes aristocrates, le voyage de formation en Europe s’est démocratisé ces dernières années grâce aux programmes de mobilité universitaire. En tête des pays participant aux échanges Erasmus, la France a par exemple vu ses effectifs d’étudiants sortants augmenter de 37 % entre 2010 et 2015 (<a href="https://ressources.campusfrance.org/publi_institu/etude_prospect/chiffres_cles/fr/chiffres_cles_2018_fr.pdf">Campus France, 2017</a>).</p>
<p>Malgré la popularité de ces expériences interculturelles, les <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-of-international-mobility-2015-1-page-45.htm">compétences</a> qu’elles permettent d’acquérir ne sont <a href="https://doi.org/10.3917/jim.004.0091">pas encore valorisées</a> autant qu’elles le devraient sur le marché de l’emploi. Un semestre d’étude ou un stage à l’étranger ne sont pas seulement l’occasion de progresser dans les langues de Shakespeare, Goethe ou Cervantes. Ce sont aussi des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1028315313497589">tremplins</a> vers de nouvelles formes de savoir-être.</p>
<h2>Apprendre à s’adapter</h2>
<p>Faire preuve de curiosité, connaître ses forces et ses limites, apprendre à aborder le changement et nouer des relations avec les autres, voilà quelques-unes des compétences transversales que développent les jeunes de 18 à 30 ans lorsqu’ils voyagent, d’après l’<a href="https://www.aki-mobility.org/en/project/">AKI European Project</a>.</p>
<p>Ce référentiel, résultant d’un projet européen financé par l’Agence Erasmus + Jeunesse, les regroupe en cinq grands domaines : l’ouverture d’esprit, l’adaptation au changement, le sens des relations interpersonnelles, le sens des responsabilités, la confiance en soi</p>
<p>Les champs d’apprentissage mis en avant par l’AKI (Acquis pour la mobilité internationale) recoupent les compétences nécessaires pour « entrer, demeurer et progresser dans le monde du travail », identifiées par le <a href="https://www.conferenceboard.ca/edu/employability-skills-fr.aspx">Conference Board du Canada_</a>. Celles-ci se répartissent en trois catégories : les compétences de base, les compétences personnelles en gestion et les compétences pour le travail d’équipe.</p>
<p>On y met l’accent sur les compétences liées au savoir-être et au savoir-apprendre toute la vie. Parmi elles : communiquer, réfléchir et résoudre des problèmes, démontrer des attitudes et des comportements positifs, être responsable, être souple, apprendre constamment, travailler avec d’autres, participer aux projets et aux tâches, etc.</p>
<h2>Découverte de soi</h2>
<p>Attention à ne pas se tromper : l’acquisition des compétences et leur transfert d’un contexte à un autre relèvent de processus complexes. Avoir étudié à l’étranger ne veut donc pas dire que ces capacités à communiquer sont acquises de manière définitive.</p>
<p>En revanche, la mobilité favorise la progression de l’étudiant dans certaines d’entre elles, notamment les compétences transversales. Le fait d’avoir fait un échange universitaire peut ainsi révéler au recruteur la capacité d’adaptation d’un jeune face à un nouvel environnement de travail.</p>
<p>Le passage de l’université à l’entreprise matérialise, à une autre échelle, le <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2008-4-page-44.htm?contenu=resume">passage</a> d’une culture à une autre. Au final, la mobilité internationale devrait permettre aux jeunes d’envisager positivement leur employabilité initiale, mais encore faut-il qu’ils soient capables de la valoriser aux yeux des recruteurs.</p>
<p>En choisissant de partir faire ses études ou un stage à l’étranger, l’étudiant s’engage dans un processus de découverte personnelle, qui l’amènera par confrontation à une culture différente à mieux analyser la sienne et à mieux se connaître (<a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2008-4-page-68.htm">Pleyers & Guillaume, 2008</a>). Néanmoins, la pratique réflexive que ce processus induit n’est pas spontanée. Elle suppose</p>
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<p>« une mise à distance et un regard critique sur son propre fonctionnement, mais aussi une analyse tant individuelle que collective des actions et décisions prises en cours d’action » (<a href="https://sites.google.com/site/sciencescroisees/articles-2/numero-7-8-soin-de-l-ame/perspectives-professionnelles">Lafortune, 2011</a>).</p>
</blockquote>
<h2>Des compétences à valoriser</h2>
<p>Pour que les étudiants soient capables d’identifier les progrès qu’ils ont faits, puis de les valoriser sur leur CV, il faut donc les aider à déployer cette attitude réflexive.</p>
<p>Or, le plus souvent, le suivi proposé aux étudiants reste limité : les informations mises à leur disposition concernent principalement les aspects pratiques de la mobilité. Ils peuvent par exemple se renseigner auprès du service des relations internationales de leur établissement, auprès du Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ), de chaque Conseil Régional ou des structures d’éducation non formelle.</p>
<p>Pour aider les étudiants à prendre conscience de ce qui se joue lors de ces immersions interculturelles et à le mettre à profit face à des recruteurs, il faut donc instaurer un dialogue à long terme autour de ces expériences. C’est ce que tente le projet <a href="https://cap2025.fr/prepamobie-preparation-a-la-mobilite-internationale-des-etudiants-156737.kjsp">Prepamobie</a>, que nous déployons à partir de la rentrée 2019 à l’Université Clermont Auvergne.</p>
<p>Financé par le programme Learn’In Auvergne dans le cadre de l’I-Site Clermont, le dispositif s’appuie sur un cours en ligne, qui compare entre autres les cultures pédagogiques, afin de mieux appréhender la diversité de fonctionnement des cours en Europe. Prepamobie couvre les trois temps de la mobilité : la préparation, le quotidien dans l’université ou l’entreprise d’accueil, mais aussi le retour, étape tout aussi importante pour la consolidation des compétences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécilia Brassier-Rodrigues a reçu des financements du programme Learn'In Auvergne (I-Site Clermont).</span></em></p>Si l’on associe souvent les séjours à l’étranger avec des progrès linguistiques, ces expériences développent bien d’autres compétences transversales. Le point à l’occasion des 35 ans d'Eramus.Cécilia Brassier-Rodrigues, Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication, Directrice du département Information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1200192019-07-08T18:30:59Z2019-07-08T18:30:59ZL’université invitée au G7 : quelle contribution au débat des démocraties ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283072/original/file-20190708-51297-1h27afk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C2%2C997%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le groupe des universités est le dernier-né de ces « groupes d’engagement » qui représentent la société civile au sommet du G7.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/422301409?src=DwTj_l1b4ylKn5CuPeoX1A-1-2&studio=1&size=medium_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Représentée par une quarantaine d’établissements, réunis <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/u7-l-alliance-des-presidents-d-universite-du-g7-veut-peser-sur-les-affaires-du-monde.html">sous le nom d’U7</a>, l’Université participe les 9 et 10 juillet 2019 aux travaux du « groupe des Sept », ou G7, présidés cette année par la France. Ce fait inédit est significatif à deux égards :</p>
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<li><p>Il confirme la volonté du G7 de se présenter, un peu contre vents et marées, comme le forum des démocraties dans un monde en pleine transformation politique.</p></li>
<li><p>Et il souligne le rôle singulier de l’Université dans la globalisation des sociétés, dont elle subit, mais aussi amplifie, les tendances diverses.</p></li>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xJNwW29YRfU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Lancement de l’alliance U7 en juin 2019.</span></figcaption>
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<p>Impliquer l’Université dans le dialogue des démocraties, tel que le conçoit le G7, n’est donc pas anodin. Car au-delà de la question de la responsabilité sociale des universités, régulièrement évoquée dans des contextes nationaux, l’hypothèse posée ici est leur capacité d’être des acteurs politiques à part entière sur la scène internationale.</p>
<h2>Socle de valeurs communes</h2>
<p>La présence de la société civile au sommet du G7 n’est pas en soi une nouveauté. Constitués en « groupes d’engagement », les syndicats sous le sigle L7 (Labour 7), les entreprises du B7 (Business 7) ou encore les ONGs du C7 (Civil 7) y participent depuis plusieurs années. <a href="https://newsroom.sciencespo.fr/plus-de-45-universites-internationales-creent-lalliance-u7/">Le U7</a>, le groupe des universités, est le dernier né d’une constellation qui augmente progressivement. Depuis que le G7 n’est plus le G8, c’est-à-dire depuis que la Russie en a été exclue – après avoir envahi la Crimée en 2014 –, l’idée de faire du sommet annuel une forme de rencontre citoyenne s’est précisée.</p>
<p>Parallèlement, l’identité démocratique du groupe des Sept s’est affirmée. Le président Barak Obama a commencé par évoquer l’intérêt d’une concertation entre <a href="http://en.rfi.fr/economy/20160526-g7-better-without-russia">« like-minded countries »</a>, des pays partageant des vues similaires. En 2018, le <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/06/10/g7-communique">communiqué du G7</a> était plus explicite : ses membres étaient guidés par des « valeurs communes de liberté, de démocratie, d’état de droit et de respect des droits de l’homme », y lisait-on dès les premières lignes.</p>
<p>Le G7 prétend donc à un rôle normatif qui le distingue du G20. L’hétérogénéité de situations dans le groupe des Vingt (pays laïcs et religieux, démocraties et régimes autoritaires) peut expliquer cette différence. Le paradoxe, bien sûr, est que le positionnement du G7 sur le terrain des valeurs communes s’affirme alors que ses membres ne sont plus autant des « like-minded countries » qu’auparavant.</p>
<p>Lors du dernier G7, au Québec, le président Donald Trump réclama le retour de la Russie au G7, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=n3Oy_5UWz1w">se désolidarisa</a> du communiqué final, et, pressé d’aller embrasser le dictateur nord-coréen Kim Jong‑un à Singapour, partit avant la fin du sommet… La présidence française compte cependant maintenir l’idée de dialogue des démocraties, voire la renforcer en invitant cette année l’Australie, l’Afrique du Sud, le Chili et l’Inde.</p>
<p>Cependant, au-delà du minimum démocratique que sont des élections libres, il y a entre, par exemple, une Angela Merkel et un Narendra Modi, des divergences qui vont bien plus loin qu’une simple question de style et qui touchent, précisément, aux valeurs et tout particulièrement celles qui protègent la société civile.</p>
<p>L’Élysée fait donc le pari qu’en dépit de ces disparités, il existe entre l’Atlantique et les rives américaines du Pacifique, une communauté de nations ayant des visions du monde suffisamment similaires, ou tout au moins des intérêts suffisamment proches, pour agir dans le même sens.</p>
<h2>Défi des inégalités</h2>
<p>Une des traditions du G7 requiert du pays hôte de définir un thème directeur pour les débats du sommet. La France a choisi <a href="https://www.education.gouv.fr/cid139396/2019-presidence-francaise-du-g7-consacre-a-la-lutte-contre-les-inegalites.html">« la lutte contre les inégalités »</a>, une annonce faite en décembre dernier, sur fond de révolte des gilets jaunes. La question des inégalités peut se décliner de manière quasi-infinie, comme l’atteste la liste des sujets mis en avant par l’équipe française : inégalité d’accès aux soins de santé, aux ressources vitales, à l’éducation, au numérique, inégalité homme-femme, et encore plus généralement inégalité de destin.</p>
<p>Alors que les voix des « oubliés » ou des « déclassés » de la mondialisation se font entendre à travers le monde, l’Université représentée au G7 apparaît comme un des lieux où se jouent certaines de ces inégalités de destin, et où la cristallisation des divergences de fortune est potentiellement forte. Car l’Université en question, le U7, est composé d’établissements qualifiés d’universités de rang mondial (« world-class universities »), celles-là même qui sont au cœur de la
mondialisation de l’enseignement supérieur.</p>
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<a href="https://theconversation.com/debat-derriere-la-crise-des-gilets-jaunes-lechec-de-luniversite-de-masse-108188">Débat : Derrière la crise des « gilets jaunes », l’échec de l’université de masse ?</a>
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<p>D’après les estimations de l’Unesco, le nombre des « étudiants internationaux » dans le monde – c’est-à-dire la population qui se déplace à l’étranger pour étudier à l’université – est passé de 2 millions en 2000 à plus de 5 millions en 2017. Six pays accueillent la moitié d’entre eux : les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, la France, l’Allemagne et la Russie.</p>
<p>Leurs pays d’origine sont principalement la Chine et l’Inde (respectivement 30 % et 20 % des étudiants internationaux aux États-Unis, eux-mêmes constituant de loin la première destination), ainsi que la Corée du Sud, le Nigeria, et l’Allemagne et la France qui sont à la fois « exportatrices » et « importatrices » d’étudiants.</p>
<p>Ces données recouvrent une myriade de réalités plus ou moins contrastées, à l’image de la mondialisation, heureuse et malheureuse. Dans l’absolu, la spectaculaire croissance de la mobilité étudiante est synonyme de progrès social à l’échelle mondiale. En particulier la présence des étudiants chinois et indiens, à peine visibles 20 ans plus tôt, illustre l’ouverture de l’accès à ce bien commun qu’est l’éducation.</p>
<h2>Questionner les pratiques</h2>
<p>Néanmoins, de cette internationalisation de l’enseignement supérieur sont exclus des pans entiers de l’humanité ; nombre de pays du Sud, certains territoires dans les sociétés du Nord ou dans les économies émergentes telles le Brésil et l’Inde dont développement est très inégal.</p>
<p>L’Université dispose d’outils pour rectifier en partie ces inégalités et les établissements dits de « rang mondial » les utilisent régulièrement. Mais l’intérêt de l’U7 pourrait être d’avoir une influence normative plus systémique, en proposant des politiques favorisant une internationalisation plus inclusive.</p>
<p>Face à la pléthore d’alliances et de conférences d’universités devisant de l’état du monde, on pourrait penser que l’U7 sera une énième congrégation de ce type. Cela ne devrait pas être le cas si le groupe parvient à remplir son premier objectif : ne pas se contenter d’observer le monde mais réfléchir à sa propre position dans ce monde.</p>
<p>En écho au thème du G7 – le problème des inégalités –, les universités de l’U7 pourraient être amenées à aborder des questions fondamentales sur leurs pratiques, la finalité de leurs activités, les citoyens qu’elles forment et les visions sociétales qu’elles véhiculent, tout cela sur fond de concurrence sans précédent entre établissements.</p>
<p>Bâtir « La bonne Université » (<a href="https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ1113441.pdf">Raewyn Connell</a>), contribuant à l’élaboration de sociétés plus équitables, plus tolérantes et respectueuses de la planète, est l’objectif qu’on discerne à l’horizon du communiqué de lancement de l’U7. Le défi, immense et nécessaire, est en phase avec l’air du temps qui exige sans doute d’invoquer un slogan d’autrefois : « soyons réalistes, demandons l’impossible ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karoline Postel-Vinay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une quarantaine d’établissements du supérieur participent les 9 et 10 juillet 2019 aux travaux du G7. Une première qui marque l’entrée de l’université sur la scène politique internationale.Karoline Postel-Vinay, Directrice de recherche, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1109552019-06-19T21:55:48Z2019-06-19T21:55:48ZEtudiants : le programme Erasmus a-t-il démocratisé les séjours à l’étranger ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/279833/original/file-20190617-118530-1trbcwb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C2%2C985%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 32 ans, Erasmus a permis à 4,4 millions d'étudiants d'effectuer une mobilité intra-européenne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 21 mars 2019, le rapport annuel de l’agence européenne Erasmus+ a présenté le bilan du célèbre programme européen d’échanges étudiants en faisant apparaître une augmentation du nombre de bénéficiaires (+33 % entre 2014 et 2017 pour la mobilité sortante depuis la France) ainsi qu’une « démocratisation » sociale du dispositif, désormais ouvert aux étudiants en formation professionnelle et en stage.</p>
<p>Si, depuis la création d’Erasmus, le nombre de candidats n’a cessé d’augmenter, l’Union européenne affiche de façon de plus en plus volontariste l’objectif de permettre à un plus grand nombre encore de jeunes de bénéficier d’une mobilité internationale au cours de leur formation. En mai dernier, la Commission européenne a proposé d’ajouter au budget de l’UE 2019 une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros pour Erasmus+.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/erasmus-30-ans-de-succes-et-ensuite-72311">Erasmus : 30 ans de succès, et ensuite ?</a>
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<p>En France, l’augmentation des bourses de mobilité Erasmus figurait dans le programme de quasiment toutes les listes créditées de plus de 5 % d’intentions de vote aux élections européennes du 26 mai 2019 : La France insoumise, Républicains, LREM, Parti socialiste et Place publique. Pourquoi cette mobilité intra-européenne demeure-t-elle si importante et consensuelle ?</p>
<h2>Objectif politique</h2>
<p>Erasmus est le nom d’un programme d’aide à la mobilité étudiante mis en place par la Commission européenne en 1987. C’est à la fois l’acronyme de son nom officiel (« European Community Action Schema for the Mobility of University Students ») et l’hommage à une grande figure de l’humanisme européen du XVI<sup>e</sup> siècle, Érasme de Rotterdam, qui, par son ouverture d’esprit, sa maîtrise des langues et des savoirs, ses innombrables voyages d’étude fut surnommé <a href="http://www.bnfa.fr/livre?biblionumber=12445">« le précepteur de l’Europe »</a>.</p>
<p>À l’époque de la création du programme, l’objectif est éminemment politique. Il s’agit, par un système de bourses et par un mécanisme d’équivalences entre les cursus, d’encourager les étudiants d’un pays membre de l’UE à partir effectuer un séjour dans une université d’un autre pays membre. Objectif : la constitution d’une identité commune européenne.</p>
<p>À l’instar d’Érasme, les fondateurs du programme comptent sur les vertus de la rencontre inter-culturelle et du décentrage pour renforcer les liens et les capacités de dialogue entre jeunes européens, conjurant ainsi intolérance et conflits. Initialement limité à 11 pays participants (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) et progressivement élargi aux universités de 34 pays, ce programme a permis en 32 ans à <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/erasmus-en-dix-chiffres.html">4,4 millions d’étudiants</a> d’effectuer une mobilité intra-européenne.</p>
<p>Ce nombre ne représente toutefois qu’un très faible pourcentage du groupe cible (environ 1 % de la population étudiante). Car, en dépit de son immense popularité, Erasmus s’est révélé décevant par rapport aux objectifs attendus. De nombreuses études réalisées auprès des bénéficiaires du programme en ont démontré le caractère élitiste.</p>
<h2>Outil de distinction</h2>
<p>Erasmus est certes formellement ouvert à tous, l’attribution de bourses, devant lever les freins économiques. Les recherches conduites par la sociologue Magali Ballatore auprès des étudiants de trois universités (Bristol, Turin et Aix-Marseille) ont pourtant mis en évidence que des obstacles persistent lorsque les parents sont issus des catégories socio-professionnelles les moins favorisées et les moins éduquées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faire-un-sejour-erasmus-et-apres-104619">Faire un séjour Erasmus… Et après ?</a>
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<p>Les inégalités socio-économiques entraînent en effet dès le plus jeune âge de fortes inégalités dans le parcours scolaire. L’exposition linguistique, l’acquisition de compétences que <a href="https://www.puf.com/content/Erasmus_et_la_mobilit%C3%A9_des_jeunes_Europ%C3%A9ens">Magali Ballatore</a> appelle « migratoires », expliquant ainsi la sur-représentation parmi les étudiants Eramsus des jeunes issus de milieux aisés et éduqués. S’y ajoutent les inégalités d’accès à certaines filières en fonction de leur prestige, de leur classement et de la réputation du système éducatif du pays visé.</p>
<p>Ainsi, la mobilité Erasmus, pensée et conçue pour tous, peut paradoxalement renforcer les clivages socio-culturels lorsqu’elle est l’instrument de stratégies de <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2009-3-page-73.htm">distinction des élites</a>. Pour les jeunes déjà dotés d’un important capital socio-culturel, l’expérience Erasmus contribue avant tout à renforcer ce qui est de l’ordre du savoir-être dans un contexte international, puisque l’acquisition des connaissances académiques ou linguistiques a déjà eu lieu.</p>
<p>Dans la ligne de ces recherches, une <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2019-1-page-45.htm">étude récente</a> conduite dans les grandes écoles d’ingénieurs françaises, à partir des enquêtes annuelles sur la mobilité internationale effectuées par la Conférence des grandes écoles (CGE), a confirmé que les inégalités d’origine conditionnent les opportunités internationales des élèves-ingénieurs.</p>
<p>Puisque l’expérience internationale est devenue une ressource essentielle et distinctive dans tous les secteurs d’activité, la compétition pour les séjours les plus valorisants (longs, diplômants, auprès des universités les plus prestigieuses) se joue au profit des élèves issus de milieux favorisés, leur donnant ainsi un atout supplémentaire lors de l’accès au marché du travail.</p>
<h2>Compétitivité européenne</h2>
<p>Le discours sur la nécessaire démocratisation de la mobilité émerge et s’impose progressivement avec le passage d’Erasmus à Erasmus+ en 2014, symboliquement marqué par l’ouverture du programme à la formation professionnelle, aux stages et aux personnels enseignants et administratifs des universités.</p>
<p>C’est un changement qui s’inscrit dans le contexte actuel européen, caractérisé par un fort mécontentent social, la <a href="https://www.presses.ehesp.fr/produit/lindividu-contre-collectif/">perte de confiance des populations dans leurs institutions</a>, la déconnexion entre les élites administrativo-politiques et les électeurs, le besoin de « démocratisation » de toutes les politiques publiques.</p>
<p>Mais le changement de nom va de pair avec un changement d’objectif car le paysage de l’enseignement supérieur a sensiblement évolué en trente ans. Le but initial qui était de forger une culture et une identité européenne par l’augmentation de la circulation des étudiants entre pays membres semble aujourd’hui secondaire.</p>
<p>La mobilité est progressivement entrée dans les mœurs de la jeunesse européenne et toutes les universités du monde offrent aujourd’hui des opportunités de séjour à l’étranger, souvent indépendantes des bourses Erasmus.</p>
<p>L’enjeu du XXI<sup>e</sup> siècle pour les établissements de l’espace européen est le renforcement de leur attractivité face à la compétitivité d’autres zones. En dépit d’un contexte géopolitique mondial peu propice à la mobilité internationale (politiques d’immigration restrictive, résurgence de mouvements populistes protectionnistes, multiplication d’actes terroristes dans tous les pays) les États-Unis continuent d’être la <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid136251/-bienvenue-en-france-la-strategie-d-attractivite-pour-les-etudiants-internationaux.html">première destination</a> des flux d’étudiants internationaux.</p>
<p>Profitant d’une croissance économique soutenue au cours des trente dernières années et d’une démographie favorable, la zone Asie a réussi à assurer, par des investissements massifs dans l’éducation et la recherche, l’<a href="https://newbooksnetwork.com/rajika-bhandari-and-alessia-lefebure-asia-the-next-higher-education-superpower-2015/">émergence d’universités de rang mondial</a> et à développer une importante mobilité intra-régionale, privant ainsi l’Europe d’un vivier potentiel de candidats.</p>
<p>L’université est devenue en quelques décennies la pierre angulaire de l’économie de la connaissance et de l’innovation. Pour maintenir sa place dans l’économie mondiale, l’UE a besoin de renforcer leur compétitivité internationale, à la fois pour attirer les talents étrangers et pour endiguer la fuite des jeunes européens vers les autres régions du monde.</p>
<p>C’est pour cela qu’Erasmus+ est étroitement articulé avec <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid29647/horizon-2020.html">Horizon 2020</a>, le programme de l’UE pour la recherche et l’innovation. Ensemble, ils cherchent avant tout à attirer, retenir, mais aussi accroître, par une mobilité intra-européenne renforcée et élargie, l’employabilité des jeunes européens en leur permettant d’acquérir des compétences précieuses à l’ère de la mondialisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110955/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si, depuis la création d’Erasmus, le nombre de candidats n’a cessé d’augmenter, l’Union européenne insiste sur l’ouverture sociale nécessaire du programme. Qu’en est-il concrètement ?Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1171342019-05-16T19:30:51Z2019-05-16T19:30:51ZSéjours à l’étranger : le meilleur moyen d’apprendre une langue ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/274391/original/file-20190514-60545-ks3ow1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=94%2C2%2C904%2C645&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On ne peut pas apprendre une deuxième langue comme sa langue maternelle, de manière adaptative, sans effort conscient.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>L’acquisition d’une langue étrangère fait l’objet de multiples clichés. Dans leur ouvrage sur <a href="https://www.editions-retz.com/pedagogie/domaines-transversaux/l-apprentissage-des-langues-9782725635187.html">« L’apprentissage des langues »</a>, publié par les éditions Retz dans la collection « Mythes et réalités », Stéphanie Roussel et Daniel Gaonac’h passent en revue un certain nombre de ces idées reçues. En voici un extrait.</em></p>
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<p>« S’immerger dans la langue », « s’en imprégner », « plonger dans un bain linguistique », autant d’expressions qui peuvent laisser penser qu’un séjour à l’étranger est la solution miracle pour apprendre une deuxième langue.</p>
<p>Ici, on a bien envie de citer l’auteur du blog <a href="https://www.mondelangues.fr/">« Le monde des langues »</a> : « le problème avec ce mythe, c’est qu’il vous pousse à croire qu’une fois en immersion dans le pays, il se passera quelque chose de magique qui vous fera automatiquement apprendre la langue en quelques mois, sans le moindre effort. La réalité est un peu plus nuancée ». Et certains chercheurs, notamment <a href="http://www.septentrion.com/livre/?GCOI=27574100502750">Adami et Leclercq</a>, filent même la métaphore immersive pour mieux en montrer les limites :</p>
<blockquote>
<p>« … tout individu plongé dans ce bain subit logiquement le même trempage, mais pour ce qui concerne la capacité à nager c’est autre chose. Or c’est là précisément que se situe le problème : si la société d’accueil est un grand bain, ce n’est en tous les cas pas une piscine olympique, mais un littoral découpé, avec ses trous d’eau, ses courants et ses marées où il n’est pas facile d’apprendre à nager ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi les chercheurs ont-ils largement étudié l’effet du séjour à l’étranger sur l’apprentissage d’une deuxième langue. Et s’ils s’accordent de manière générale sur le bénéfice qu’en tirent les apprenants, ils reconnaissent des variations interindividuelles parfois assez significatives. Les recherches du domaine portent alors sur deux grands aspects :</p>
<ul>
<li><p>les bénéfices d’un séjour immersif (quels que soient sa nature et son but) sur les apprentissages linguistiques (et les autres)</p></li>
<li><p>les différents facteurs, aussi appelés « prédicteurs », qui peuvent influencer la réussite du séjour à l’étranger sur le plan de l’apprentissage de la langue.</p></li>
</ul>
<h2>Deux malentendus</h2>
<p>Avant de rendre compte des travaux qui examinent la nature des progrès linguistiques des apprenants et les facteurs qui influencent ces gains, nous souhaitons brièvement éclaircir deux malentendus qui nous semblent brouiller les représentations autour de l’immersion linguistique dans l’imaginaire collectif.</p>
<p>Le premier concerne la croyance, souvent inavouée, que l’on peut apprendre une deuxième langue comme sa langue maternelle (L1), de manière adaptative, sans effort conscient. La L1 apprise dans l’enfance appartient cependant à une catégorie de connaissances que les chercheurs ont appelées <a href="https://www.researchgate.net/publication/232580422_The_Origin_of_Mind_Evolution_of_Brain_Cognition_and_General_Intelligence">« primaires »</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.researchgate.net/publication/287497567_Working_Memory_Long-term_Memory_and_Instructional_Design">connaissances primaires</a> ne nécessitent pour être apprises ni effort, ni conscience, ni motivation particulière. Il en va tout autrement des connaissances dites « secondaires » (la lecture, l’écriture, les mathématiques, etc.), dont fait partie la deuxième langue lorsqu’elle est apprise en milieu scolaire, à l’âge adulte ou tardivement dans l’enfance.</p>
<p>Ces connaissances exigent de l’individu qu’il soit attentif, motivé et qu’il contrôle consciemment ses processus d’apprentissage. Nous ne contestons pas le fait qu’en L2 nombre d’acquisitions puissent se faire de manière implicite et inconsciente. Mais la place des apprentissages incidents et implicites est, en L2, bien plus restreinte que celle qu’ils occupent pour l’apprentissage de la langue maternelle.</p>
<p>L’exposition à la langue et les interactions avec des locuteurs, natifs ou non, si elles sont nécessaires à l’acquisition d’une deuxième langue, ne peuvent suffire.</p>
<p>Le deuxième malentendu qui règne autour de l’immersion concerne l’objectif, inavoué mais latent, d’atteindre un certain niveau de bilinguisme. Ce malentendu est notamment dû à une définition très restrictive du concept de bilinguisme, dont il faut chercher à se défaire. Dans son dernier ouvrage de synthèse, <em>Parler plusieurs langues : Le monde des bilingues</em>, <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2015-3-page-166.htm">François Grosjean</a> rappelle que, dans les années 30, la conception d’un bilinguisme forcément équilibré entre deux langues était partagée par les linguistes et les neurolinguistes.</p>
<p>L’auteur montre cependant que cette conception s’est assouplie au fil des années, car elle excluait un grand nombre d’individus qui ne pouvaient cependant pas être « classés » dans la catégorie « monolingues ». Après avoir expliqué que le bilinguisme pouvait également s’appliquer aux locuteurs capables de produire des énoncés significatifs dans deux langues ou maîtrisant au moins une compétence linguistique (lire, écrire, parler) dans deux langues, il adopte la définition suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Le bilinguisme est l’utilisation régulière de deux ou plusieurs langues ou dialectes dans la vie de tous les jours. »</p>
</blockquote>
<p>Le cadre européen commun de référence pour les langues (<a href="http://eduscol.education.fr/cid45678/cadre-europeen-commun-de-reference-cecrl.html">CECRL</a>) met davantage l’accent sur une compétence communicative « plurilingue » à laquelle on reconnaît le mérite de « sortir de la dichotomie d’apparence équilibrée qu’instaure le couple habituel langue maternelle/deuxième langue en insistant sur un plurilinguisme dont le bilinguisme n’est qu’un cas particulier ».</p>
<p>Pour chacun des six niveaux établis par le CECRL (A1, A2, B1, B2, C1, C2), des descripteurs indiquent ce qu’il faut savoir faire dans chaque compétence langagière (lire, écrire, s’exprimer oralement en continu, prendre part à une conversation). Par exemple un utilisateur de niveau B2 devra être capable de « communiquer avec un degré de spontanéité et d’aisance » lors d’une conversation avec un locuteur natif. Cette dernière définition nous paraît être un objectif bien plus raisonnable que le bilinguisme équilibré lorsqu’il est question de séjour à l’étranger.</p>
<h2>Les bénéfices linguistiques d’un séjour immersif</h2>
<p>« Les chercheurs ont tenté d’évaluer empiriquement “le mythe populaire”, selon lequel la meilleure manière d’apprendre une L2 serait de passer du temps à l’étranger. » (Serrano, Lians et Tragant, 2016, notre traduction) Et ils ont bien montré que cette croyance était généralement vraie.</p>
<p><a href="https://benjamins.com/catalog/lllt.37">Kinginger</a>, dans l’introduction de son ouvrage consacré à l’acquisition de la L2 en pays étranger, note que ce contexte permet par exemple aux apprenants de prendre conscience des registres et des styles, d’utiliser plus de formules idiomatiques et d’actes de langage (<em>speech acts</em>) lors de leurs conversations.</p>
<p>La fluidité dans l’expression orale est l’un des premiers aspects dont les chercheurs (<a href="https://www.researchgate.net/publication/31295482_The_Development_of_Fluency_in_Advanced_Learners_of_French">Towell, Hawkins & Bazergui</a>, 1996 ; <a href="https://eric.ed.gov/?id=EJ933948">Llanes</a>, 2011 ; <a href="https://sllc.umd.edu/sla/rdk">DeKeyser</a>, 2014) ont souligné l’amélioration, avec la compréhension de l’oral. Dans la première étude citée, les productions d’étudiants anglophones apprenant le français ont été examinées avant et après un séjour de six mois en France. Les données montrent que le séjour en France favorise la fluidité de la production, sans atteindre cependant celle d’un natif, et que l’amélioration constatée tient à un accroissement de la longueur et de la complexité des unités produites.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/309274256_Second_Language_Acquisition_in_a_Study_Abroad_Context_Findings_and_Research_Directions">Segalowitz et Freed</a> montrent également qu’après un séjour à l’étranger, 22 anglophones ont pu améliorer la rapidité de leur débit, le nombre de mots par phrase et réduire le nombre de marques d’hésitation. <a href="https://arro.anglia.ac.uk/292464/">D’autres études</a> montrent un accroissement du répertoire lexical après un <a href="https://eric.ed.gov/?id=EJ878387">séjour</a> à l’étranger.</p>
<p>Cependant, certains aspects de la langue ne semblent pas bénéficier particulièrement du séjour à l’étranger. <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/studies-in-second-language-acquisition/article/effects-of-learning-contexts-on-morphosyntactic-and-lexical-development/555727833FCCE32FFF829ACCE6193C26">Collentine</a> a comparé deux groupes d’étudiants anglophones après respectivement un séjour d’un semestre en Espagne et des cours d’espagnol dans le pays. Les résultats indiquent que les cours de langue pris dans le pays contribuent davantage au développement des compétences grammaticales que le séjour à l’étranger, même si le groupe d’étudiants partis à l’étranger montre de plus grandes habiletés narratives et une richesse sémantique plus dense.</p>
<h2>Les facteurs qui favorisent les gains linguistiques</h2>
<p>Les travaux scientifiques se sont également intéressés aux facteurs qui influencent la réussite d’un séjour à l’étranger, pour tenter de mettre en évidence des « prédicteurs » du bénéfice linguistique d’un séjour. Parmi ces facteurs on peut citer : la <a href="https://eric.ed.gov/?id=EJ933948">longueur du séjour</a>, l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/263367504_Age_Effects_in_a_Study_Abroad_Context_Children_and_Adults_Studying_Abroad_and_at_Home">utilisation</a>, aussi bien d’un point de vue quantitatif que qualitatif, de la L2 pendant le séjour, le développement des réseaux de socialisation, aussi appelés « communautés de pratique », la sensibilité interculturelle, la personnalité de l’apprenant, son âge ou son sexe.</p>
<p>Baker-Smemoe, Dewey, Bown et Martinsen <a href="https://www.researchgate.net/publication/264900890_Variables_Affecting_L2_Gains_During_Study_Abroad">ont mesuré</a> sept de ces variables avant, pendant et après un séjour à l’étranger de plus de 100 apprenants. Pour analyser les données, les participants ont été répartis après le séjour en deux groupes appelés « gagnants » (gainers) et « non-gagnants » (non-gainers).</p>
<p>Les chercheurs ont ainsi pu examiner les différences entre ces deux groupes et les différentes variables qui influençaient et donc prédisaient le mieux le bénéfice linguistique d’un séjour immersif. L’étude est très détaillée et nous en résumons ainsi les grandes lignes. La majorité des participants a progressé dans la maîtrise de la langue (57 vs 45).</p>
<p>Les trois variables qui ont l’effet le plus significatif sur les apprentissages linguistiques sont les suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Le niveau en L2 avant le départ. Les auteurs relèvent que le séjour a été bénéfique surtout pour les étudiants ayant un niveau « intermédiaire moyen », et moins pour les étudiants « intermédiaires avancés ». Notons qu’aucun des participants n’était complètement débutant en L2.</p></li>
<li><p>La sensibilité interculturelle, c’est-à-dire la conscience des différences culturelles (codes de politesse par exemple) et la capacité à les accepter pour s’engager sans angoisse dans une interaction avec des natifs.</p></li>
<li><p>La constitution d’un réseau de socialisation. De manière contre-intuitive, les chercheurs montrent qu’au fil du séjour, la taille de ce réseau diminue chez les « gagnants ». En effet, la qualité et l’engagement émotionnel des apprenants dans leurs relations sociales, leur intensité et leur caractère durable, semblent plus importants que le nombre de personnes avec lesquelles les apprenants échangent.</p></li>
</ul>
<p>Un autre résultat contre-intuitif nous semble intéressant. Les chercheurs montrent en effet l’importance de la compétence des amis sur place dans la langue maternelle des apprenants (ici l’anglais, qui n’est pas la L1 de ces amis). Cela laisse tout d’abord songeur, car on considère communément que l’enjeu principal est l’utilisation de la deuxième langue et non de la langue maternelle. Les auteurs montrent ici que le recours à la langue maternelle de l’apprenant est dans certains cas nécessaire pour que celui-ci soit introduit par des amis dans des communautés de pratique, dans lesquelles il pourra interagir et progresser en L2.</p>
<p>Dans cette étude, les chercheurs ne trouvent pas d’effet significatif de l’âge, de la personnalité, du sexe, ni, de manière très surprenante, de l’utilisation de la L2, alors que d’autres études avaient montré l’influence de ces facteurs. Concernant l’âge, <a href="https://www.researchgate.net/publication/263367504_Age_Effects_in_a_Study_Abroad_Context_Children_and_Adults_Studying_Abroad_and_at_Home">Llanes et Muñoz</a> montrent un bénéfice du séjour à l’étranger pour les jeunes apprenants comparés à des adultes dans le même contexte.</p>
<p>À propos de la personnalité, <a href="http://consortiacademia.org/10-5861ijrsll-2012-v1i1-42/">Zafar et Meenaski</a> étudient la relation entre l’extraversion, la prise de risque et le niveau en L2. Concernant le sexe des participants, certaines études ont également montré qu’il pouvait influencer l’apprentissage de la langue, dans la mesure où les femmes et les hommes peuvent, dans certains pays, avoir des accès plus ou moins faciles aux communautés de pratique (<a href="https://benjamins.com/catalog/lllt.37.11bro">Brown</a>, 2013 ; <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9780230549241">Kinginger</a>, 2008 ; <a href="https://eric.ed.gov/?id=ED545838">Trentman</a>, 2012).</p>
<p>Pour conclure, nous rejoignons <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/studies-in-second-language-acquisition/article/context-contact-and-cognition-in-oral-fluency-acquisition-learning-spanish-in-at-home-and-study-abroad-contexts/606E2621A66FA1ADFD190A7B9157B9C9">Segalowitz et Freed</a> sur le fait qu’une combinaison de plusieurs variables explique mieux la réussite linguistique d’un séjour à l’étranger que chacune d’elles prise isolément.</p>
<p>Osons cependant une explication tout à fait personnelle : il est possible que seules la quantité et la qualité de L2 utilisée et rencontrée par l’apprenant aient un effet direct sur l’apprentissage… toutes les autres variables ayant un effet modérateur. C’est très clair pour le réseau social ou pour la sensibilité culturelle : il est possible qu’en réalité ces deux variables impliquent l’utilisation d’une certaine quantité ou d’un certain type de langue et modèrent ainsi l’effet de l’usage de la langue sur l’apprentissage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>S’ils s’accordent généralement sur le bénéfice qu’en tirent les apprenants, les chercheurs reconnaissent des variations parfois assez significatives dans l’impact de ces séjours sur les individus.Stéphanie Roussel, Maître de conférences en Etudes germaniques, Université de BordeauxDaniel Gaonac'h, Professeur émérite de psychologie cognitive, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1149602019-04-10T16:51:11Z2019-04-10T16:51:11ZEurope : quelle image dans les manuels scolaires allemands et anglais ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/268426/original/file-20190409-2927-rtgwhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C998%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les manuels scolaires anglais, l'Europe serait présentée sous un angle politique, plutôt qu'économique et culturel.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/european-union-flag-against-parliament-brussels-253692781?src=uj5zAPz67n_hkA7NdF77rA-1-2">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En matière d’opinions sur l’Europe, il est bien connu que les choses sont très différentes en Allemagne et en Angleterre. <a href="https://www.pewglobal.org/2017/06/15/post-brexit-europeans-more-favorable-toward-eu/">Les études</a> menées après le vote du Brexit montrent que 68 % des Allemands sont favorables à l’Union européenne (UE), et que seulement 11 % soutiendraient un retrait de leur pays. À titre de comparaison, 54 % des personnes interrogées au Royaume-Uni sont favorables à l’UE.</p>
<p>De même, lors de la campagne électorale de 2017 en Allemagne, <a href="https://www.politico.eu/article/united-states-of-europe-germans-french-most-in-favor-poll/">près d’un tiers</a> des Allemands ont soutenu l’idée portée par Martin Schulz de fonder des « États-Unis d’Europe » d’ici 2025. En Grande-Bretagne, ce soutien n’était que de 10 %. Et il semble que ces différences soient aussi profondes que la manière dont on enseigne l’Europe aux enfants dans le cadre scolaire – comme l’indiquent les résultats de <a href="https://www.york.ac.uk/education/research/cresj/news/2019/research-education-eu/">nos dernières recherches</a>.</p>
<p>Nous avons analysé le traitement de l’Union européenne dans un échantillon de manuels de sciences sociales et politiques en Allemagne et en Angleterre. Et nous avons constaté que la manière dont l’Europe est représentée dans certains manuels anglais et allemands diffère considérablement. Dans les livres anglais, la place de l’Europe est moindre et l’approche qui en est faite est plus critique que dans les manuels allemands.</p>
<p>Dans les manuels anglais, l’Europe était présentée de manière quasi exclusive sous un angle politique – en mettant l’accent sur le fait que l’Europe est un sujet controversé. Dans l’un des ouvrages par exemple, bien qu’il y ait des références à la <a href="https://www.echr.coe.int/Documents/Convention_ENG.pdf">Convention européenne</a> des droits de l’homme, à la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi qu’une brève mention de l’espace économique européen, la majeure partie de cette place restreinte accordée à l’Europe se focalise sur l’Union européenne – et les « différents points de vue sur l’adhésion à l’UE ».</p>
<p>Dans les livres allemands, le traitement est très différent : l’Europe est abordée sous un spectre plus large et positif, intégrant les questions de politique et d’identité. Les manuels allemands renvoyaient aussi à des références à l’Europe comme « notre foyer historique, culturel et intellectuel », « communauté de valeurs » et comme un lieu où « les ennemis sont devenus amis ».</p>
<h2>Politique, culture et économie</h2>
<p>Nous nous sommes penchés sur quatre manuels anglais et neuf manuels allemands. Dans l’ensemble, nous avons constaté que les manuels allemands évoquaient l’Europe avec bien plus de détails et sous un angle beaucoup plus positif que leurs équivalents anglais.</p>
<p>Il nous est apparu que, dans les manuels allemands, l’Europe est non seulement plus présente mais bénéficie aussi d’éclairages plus variés. Les deux séries de manuels mettent l’accent sur le fonctionnement politique de l’UE, mais les manuels allemands s’intéressent aussi à ses dimensions économiques et culturelles. Et un certain nombre d’entre eux consacraient même des chapitres distincts à l’Europe politique et à l’Europe comme entité culturelle. Contrairement aux livres anglais, certains documents allemands attestaient aussi de loyautés anticipées à l’égard de l’Europe.</p>
<p>Le projet s’est appuyé sur des recherches antérieures, en particulier les travaux menés par l’une des équipes auprès de 2 000 jeunes issus de <a href="https://www.mdpi.com/2075-4698/8/3/70/htm">29 pays européens</a>. Le but était de voir comment, dans l’espace européen, les jeunes construisent leurs identités politiques – ce qui, selon nous, dépasse souvent les frontières de l’État et de la nation.</p>
<p>Même si les manuels reflètent largement le climat politique dominant de chaque pays, ils ne se font pas nécessairement l’écho des opinions des jeunes. En Allemagne ou en Angleterre, ceux-ci partagent des <a href="https://dbk.gesis.org/dbksearch/gdesc2.asp?no=0008">points de vue</a> assez similaires <a href="http://www.palgrave.com/la/book/9783319908748">à propos de l’Europe</a>. Ils sont attachés à certaines valeurs (aussi bien générales qu’européennes) et, bien que les jeunes n’embrassent pas l’identité et la loyauté européennes sans se poser de questions, il y a parmi les deux groupes – et particulièrement chez les Allemands – le sentiment d’être européens. Cela n’apparaît pas dans les manuels anglais.</p>
<h2>Activités pédagogiques</h2>
<p>L’éventail d’activités proposé dans les manuels allemands est aussi plus large que celui qu’on trouve dans les manuels anglais. En revanche, les manuels allemands s’appuient sur un sentiment d’identité européenne en favorisant les interactions entre les étudiants, y compris à travers un travail plus poussé de plaidoyer, de représentation, d’action informée et responsable.</p>
<p>Les manuels anglais, quant à eux, ont recours à de brefs exercices de lecture individuels pour faire la part des arguments « pour » ou « contre » l’adhésion à l’Europe. L’un des livres fournit par exemple une liste « des bénéfices et des coûts » de l’appartenance européenne et demande ensuite aux étudiants de « les résumer sous forme de diapositives ou graphiques ».</p>
<p>Cela renvoie au contexte politique de l’Angleterre, où le débat sur l’Europe ne dépend par de la dynamique d’un engagement mais d’une évaluation équilibrée des avantages et des inconvénients d’une adhésion. En ce sens, nous avons découvert que la nature des activités éducatives proposées aux enseignants et aux étudiants dans notre échantillon de manuels tend à refléter les récits nationaux.</p>
<p>Dans les deux pays, l’éducation a pour enjeu de socialiser les jeunes et leur permettre de trouver leur place dans un récit national déjà établi. Cela peut sembler plus facile à justifier en Allemagne où la concordance entre les points de vue des jeunes et le contenu des ressources pédagogiques (d’après les conclusions de notre étude) est plus forte. Mais dans les deux cas, la question se pose de savoir dans quelle mesure les écoles sont le miroir de la société et engagées dans la promotion des opinions établies.</p>
<p>Il semble donc que, dans les deux pays, la question la plus controversée du XXI<sup>e</sup> siècle – l’Union européenne – soit simplement présentée comme un reflet du récit national actuel pour les générations futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114960/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alistair Ross est membre du Parti travailliste.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Beatrice Szczepek Reed, Eleanor Brown, Geraldine Bengsch et Ian Davies ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les manuels allemands évoquent l’Europe avec bien plus de détails et sous un angle beaucoup plus positif que les manuels anglais.Ian Davies, Professor in the Department of Education, University of YorkAlistair Ross, Emeritus Professor in the Institute for Policy Studies in Education, London Metropolitan UniversityBeatrice Szczepek Reed, Professor of Language Education, King's College LondonEleanor Brown, Lecturer in the Department of Education, University of YorkGeraldine Bengsch, German Tutor, University of YorkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1130712019-03-20T20:51:49Z2019-03-20T20:51:49ZAu-delà d’Erasmus, repenser le Grand Tour universitaire du XXIᵉ siècle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263132/original/file-20190311-86699-1gwk6u3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le séjour d'études à l'étranger est désormais une étape incontournable des cursus universitaires.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/young-woman-backpack-carry-on-luggage-784307452">Anglestudio/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Au XVII<sup>e</sup> siècle, rares et riches étaient les privilégiés anglais qui, accompagnés d’un tuteur, sortaient de leur île à 20 ans pour se rendre notamment en France et en Italie, à la recherche d’un contact avec la culture, la langue, l’art et les coutumes continentales européennes. Cette expérience, qui durait en moyenne deux ans, fut appelée le « Grand Tour ».</p>
<p>Certains contemporains critiquèrent durement cette pratique, comme l’économiste Adam Smith en personne qui alla jusqu’à l’attribuer à la mauvaise formation dispensée par les universités de référence (Oxford, Cambridge). Pour d’autres, voyager hors des frontières de l’Angleterre relevait d’une thérapie médicinale ou d’une nécessité extrême (et point du plaisir d’apprendre, bien entendu). Ils étaient quelques-uns à craindre que ces voyages favorisent des conversions du protestantisme au catholicisme.</p>
<p>Toutefois, comme en attestent des fragments de lettres de l’époque, l’historien de l’Université d’Exeter, Jeremy Black, dans son livre <a href="https://books.google.es/books/about/The_British_Abroad.html?id=XHB2QgAACAAJ&redir_esc=y"><em>The British Abroad : The Grand Tour in the 18th Century</em></a> souligne que certains se félicitaient de ces décisions de partir à l’étranger et y voyaient une façon d’accélérer l’évolution personnelle ainsi que la maturité intellectuelle de l’individu.</p>
<h2>Sillonner le globe</h2>
<p>En Europe, à cette époque, le commerce maritime favorisa un élan de curiosité chez de nombreux voyageurs qui entreposèrent chez eux des raretés inimaginables dans des salons ou cabinets dénommés « wunderkammern » en allemand et « mirabilia » en latin. C’étaient des pièces dont les objets invitaient au rêve : dessins, plans, manuscrits, instruments de musique, fossiles, armures et squelettes d’animaux.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, avec le niveau d’éducation croissant de la bourgeoisie européenne, on vit diminuer la distance qui séparait celle-ci de l’aristocratie en matière de voyages culturels, comme le relève l’ethnologue européen de l’Université de Lund (Suède), Orvar Löfgren, dans son livre <a href="https://books.google.es/books/about/On_Holiday.html?id=pal80sUev7cC&redir_esc=y">On holiday. A history of vacationing</a>.</p>
<p>Ces voyageurs n’eurent alors de cesse de sillonner tout le globe terrestre. Ils initièrent l’habitude mondaine et romantique de le représenter de façon picturale, littéraire et musicale. Ils donnèrent à leur tour forme, fond et prestige à l’observation directe, en tant qu’explorateurs autodidactes (Ernest Shackleton et Roald Amundsen), ou chercheurs empiristes de toutes les faune, flore et paysages possibles – le cas de Charles Darwin en est une claire illustration).</p>
<p>Nous laisserons intentionnellement de côté le XX<sup>e</sup> siècle européen en raison de sa connexion, du point de vue des voyages, à un tourisme plus national dans les pays du Sud et plus international dans ceux du Nord, un tourisme dominé en tout état de cause par le travail et le loisir ou le divertissement en tant que motivations <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Tourism_statistics/es">premières</a> et d’une <a href="https://www.e-unwto.org/doi/pdf/10.18111/9789284419470">durée/nombre</a> de nuitées faible.</p>
<h2>Privilégier la qualité à la quantité</h2>
<p>Si l’on transposait au XXI<sup>e</sup> siècle les idéaux des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, on parviendrait automatiquement au « student journey » de ce type : des expériences de vie stimulantes, hors d’Europe (dès la première année d’études), dans des pays à très forte influence présente et future tels que la Chine, la Russie, le Japon, Israël, l’Inde, l’Indonésie, l’Afrique du Sud, le Mexique ou le Brésil, entre autres.</p>
<p>Ce mouvement contribuerait à ouvrir considérablement l’esprit des étudiants européens. Ils cesseraient de se soucier de rentabiliser leurs séjours conventionnels en allongeant leur cursus. À l’inverse, ils se concentreraient sur l’envie de participer à l’évolution du monde, dans le contexte volatile et incertain d’aujourd’hui.</p>
<p>Ils façonneraient très vraisemblablement leur perspective critique en comparant leurs valeurs, styles et principes à ceux d’autres jeunes vivant hors d’Europe. Ils s’exposeraient à une diversité linguistique, culturelle, artistique, solidaire et entrepreneuriale.</p>
<p>Se vanter de la quantité de séjours consommés ou de « miles » accumulés auprès d’une compagnie aérienne, avant de s’enorgueillir de la qualité des expériences vécues, représenterait une perte réelle pour le système éducatif, l’individu et la société dans son ensemble.</p>
<p>Il serait réducteur, pour les universités européennes, de diriger les jeunes vers des séjours dans des universités aux atmosphères semblables à celles des pays d’origine dont ils pourraient revenir sans avoir forcément appris la langue locale ni <a href="https://www.timeshighereducation.com/news/erasmus-students-only-learn-english-year-abroad">assimilé</a> la culture du pays choisi.</p>
<p>À l’inverse, il conviendrait de s’ajuster avec plus de conviction au ressentir d’une Génération Z qui a des aspirations, des motivations, des <a href="https://www.theguardian.com/higher-education-network/2017/jul/10/generation-z-starting-university-higher-education-ready">ambitions éducatives</a> et des désirs d’expériences moins formels et plus sociaux que ceux propres au tourisme <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Interrail">Inter Raíl</a> d’une époque bien révolue.</p>
<h2>Expérience initiatique</h2>
<p>Si nous persévérions dans cette attitude, nous continuerions à encourager les étudiants européens à donner la priorité à l’apprentissage de matières identiques dans des facultés très semblables aux leurs (avec à la clé la garantie de l’équivalence de leur diplôme) et à donner moins de poids au choix du pays de destination.</p>
<p>On ne contribuerait pas à créer des opportunités de travail uniques, sources d’évolution et bien rémunérées si les enseignements reçus pendant la période de mobilité ont été identiques à ceux que les étudiants auraient obtenus en restant chez eux.</p>
<p>Alors que l’on assiste à la recomposition d’un nouvel ordre mondial, le défi de la refondation de l’internationalisation éducative passe en grande partie par l’existence d’universités capables de l’intérioriser et de le rendre opérationnel. Nous avons besoin d’un schéma de travail plus dynamique, ouvert, hybride et relationnel.</p>
<p>John Dewey avait affirmé, il y a déjà un siècle, dans son ouvrage <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Democracy_and_Education">Democracy and Education</a>, que l’éducation n’est pas une antichambre de la vie mais qu’elle est la vie en soi, pour ce qu’elle représente d’enrichissement et de signification personnelle. Pour Dewey, dans la théorie, et pour les universités européennes, dans la pratique, les immersions internationales devraient s’associer intrinsèquement à une expérience de vie.</p>
<p>C’est de cela que découle la clé du nouveau paradigme : il y a tout intérêt à ce que le séjour universitaire ait la résonance la plus forte possible. Marcher « pour de vrai » ne consiste pas exclusivement à suivre des sentiers bien balisés. Il convient de se perdre de temps en temps, et de marcher, comme l’évoquait <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Henry_David_Thoreau">Henry David Thoreau</a> dans son essai <em>Une promenade en hiver</em>, en étant capable de voir, comprendre et apprendre au-delà de l’évidence, du commun et du fréquent.</p>
<p>Voyager ce n’est pas revenir chez soi presque comme on en est parti, avec simplement plus de souvenirs dans nos valises. Voyager c’est fixer des priorités et apprendre à regarder le monde d’une autre façon, en mettant notre âme dans les lieux que l’on foule et observe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113071/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Martín-Barbero no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Voyager ce n’est pas revenir chez soi avec simplement plus de souvenirs dans nos valises. Voyager c’est fixer des priorités et apprendre à regarder le monde d’une autre façon,Samuel Martín-Barbero, Rector, Universidad Camilo José CelaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1113852019-03-19T21:18:18Z2019-03-19T21:18:18ZRevoir « L’Auberge espagnole » en 2019<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/264371/original/file-20190318-28479-1uj1z96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C538%2C359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le film de Cédric Klapisch narre le quotidien d'une dizaine de jeunes venus des quatre coins d'Europe, réunis en colocation à Barcelone.</span> <span class="attribution"><span class="source">Copyright Bac Films</span></span></figcaption></figure><p>Pour avoir une chance de décrocher le poste au ministère des Finances que lui promet un ami de son père, il ne manque à Xavier qu’une chose sur son CV : une parfaite maîtrise de la langue de Cervantes. Profitant du programme d’échanges universitaires européen <a href="https://info.erasmusplus.fr/">Erasmus</a>, le jeune homme de 25 ans s’envole pour Barcelone où il termine ses études d’économie et vit en colocation avec des jeunes venus des quatre coins du continent.</p>
<p>Au cœur de <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=33468.html"><em>L’Auberge espagnole</em></a> de Cédric Klapisch, ces aventures multiculturelles sont devenues emblématiques de générations toujours plus mobiles. Mais, plus de 15 ans après sa sortie, ce film « culte » nous permet-il encore de bien appréhender ce que vivent les étudiants qui partent à l’étranger ?</p>
<h2>Des technologies qui rapprochent</h2>
<p>Ce qui, bien souvent, frappe au premier chef en revoyant pareils films est l’évolution technologique considérable qui s’est produite depuis, leur donnant un côté quelque peu suranné. « Quand on arrive dans une ville, on voit […] des suites de bâtiments vides de sens, tout est inconnu, vierge », explique Xavier en voix off lorsqu’il découvre Barcelone. Mais en 2019, un étudiant partant à l’étranger dispose de nombreux outils pour atténuer cette sensation de saut dans une autre vie.</p>
<p>Il lui est ainsi possible, en amont de son départ, d’explorer sa destination grâce à des services de cartographie comme Google Maps ou Apple Maps. Sur des forums de discussion, il peut aussi bénéficier d’une multitude de conseils et de témoignages d’étudiants détaillant par le menu leur propre expérience à l’étranger. De même, une fois sur place, la carte papier a laissé place au couple Smartphone + GPS, facilitant grandement le repérage et l’orientation.</p>
<p>Sans bien sûr l’ôter totalement, tout cela permet toutefois de diminuer la pression liée à l’organisation du voyage – trouver un logement avant d’arriver est ainsi plus simple qu’à l’époque du film, dans lequel Xavier fait les petites annonces une fois sur place, appelant depuis des cabines téléphoniques maintenant quasi disparues.</p>
<p>Ensuite, le téléphone partagé dans l’appartement et l’utilisation parcimonieuse du mobile (loin des modèles actuels !) contrastent fortement avec notre monde actuel dans lequel chacun dispose de son propre smartphone, d’un accès à des outils de messagerie instantanée (WhatsApp, Messenger…) et aux réseaux sociaux – le tout dans un contexte où les coûts de communication se sont effondrés, en particulier depuis la <a href="https://www.francetvinfo.fr/Internet/telephonie/fin-du-roaming-vacancier-frontalier-expatrie-ce-que-change-pour-vous-la-fin-des-frais-d-itinerance-en-europe_2235867.html">disparition</a> des frais de roaming intra-européen.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/260862586_Home_Away_from_Home_International_Students_and_their_Identity-Based_Social_Networks_in_Australia">Des études</a> confirment d’ailleurs que, en permettant aux étudiants partis à l’étranger de conserver de tels contacts avec leur famille et leurs amis dans leur pays, les réseaux sociaux contribuent à limiter le stress associé à la distance et à l’éventuel sentiment de solitude qui en découle.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17475759.2013.865662?journalCode=rjic20">D’autres travaux</a> expliquent également comment ces mêmes réseaux sociaux contribuent à leur intégration locale, améliorant leur bien-être psychologique – ce qui aurait très certainement pu aider Xavier durant son expérience barcelonaise.</p>
<p>En outre, les applications de traduction automatique et autres dictionnaires disponibles sur smartphone peuvent là encore faciliter les échanges, et diminuer le stress lié à une relative non-maîtrise de la langue en arrivant.</p>
<h2>Un autre contexte économique</h2>
<p>En complément de ces mutations technologiques radicales sont intervenues de profondes évolutions économiques et sociétales :</p>
<ul>
<li><p>la baisse du prix des billets d’avion provoquée par le développement et la concurrence forcenés des compagnies low-cost du type Ryanair ou EasyJet ;</p></li>
<li><p>la révolution du modèle des <a href="https://www.tendancehotellerie.fr/articles-breves/communique-de-presse/6218-article/les-millennial-lancent-la-revolution-dans-les-auberges-de-jeunesse">auberges de jeunesse</a></p></li>
<li><p>le <a href="https://www.etudiant-voyageur.fr/top-meilleurs-sites-trouver-collocation-a-letranger/">développement des plates-formes de colocation</a> pour trouver un logement plus facilement ;</p></li>
<li><p>la mise en place de l’euro fiduciaire en décembre 2001 (rappelons que le film date de 2002, et n’y fait donc pas référence) qui a considérablement facilité les déplacements et achats en zone euro.</p></li>
</ul>
<p>En contrepoint de ces transformations, certaines choses n’ont toutefois pas ou peu changé dans ces expériences à l’international. C’est notamment le cas en ce qui concerne la préparation aux défis interculturels que vont vivre les étudiants. Celle-ci se limite le plus souvent à une ou deux séances d’explication autour de concepts tels que l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=u37t0u-4BTI">iceberg de la culture</a>, le modèle de choc culturel ou de choc culturel inversé (<a href="http://www.culturosity.com/pdfs/Intercultural%20Profession%20Report.%20Berardo.%202008.pdf">parmi les plus utilisés</a> dans les formations à la sortie du film).</p>
<h2>Une dimension initiatique</h2>
<p>Le modèle du choc culturel (proposé par <a href="http://www.youblisher.com/p/53061-Please-Add-a-Title/">Oberg</a> en 1954 et révisé par Lysgaard en 1955, avec sa <a href="https://www.researchgate.net/publication/5222549_The_U-Curve_Adjustment_Hypothesis_Revisited_A_Review_and_Theoretical_Framework">fameuse courbe en U</a>), et a été revisité de nombreuses fois. Comportant quatre phases – souvent appelés lune de miel, crise, récupération et adaptation – il est au cœur de nombre de préparations de départ à l’étranger.</p>
<p>Il est pourtant <a href="https://www.researchgate.net/profile/Chuka_Onwumechili/publication/222403466_In_the_deep_valley_with_mountains_to_climb_Exploring_identity_and_multiple_reacculturation/links/5b2ea8410f7e9b0df5c328e4/In-the-deep-valley-with-mountains-to-climb-Exploring-identity-and-multiple-reacculturation.pdf?origin=publication_list">vivement critiqué</a> du fait de son insistance sur la « lune de miel », caractérisée par un sentiment d’euphorie et d’excitation. Lequel sentiment est justement aux antipodes de celui que ressent Xavier à son départ qui, inquiet face à l’inconnu qui l’attend, aux difficultés qu’il imagine et à l’éloignement de sa petite amie, fond en larmes dans l’avion du départ.</p>
<p>Ce n’est que plus tard, une fois ses divers tracas administratifs passés, qu’il va sortir la tête de l’eau pour rentrer successivement dans les phases de récupération et d’adaptation. Il peut alors pleinement profiter de la vie étudiante et de ses soirées mémorables dans un contexte interculturel. Et vivre divers événements qui, en lui permettant de se découvrir et de mûrir, participeront de la construction de sa personnalité. Ces éléments sont invariants, et heureusement : en cela, <em>L’auberge espagnole</em> reste un film très actuel, auquel les étudiants peuvent toujours s’identifier.</p>
<p>Cette expérience l’impactera profondément. Elle rendra d’un côté le retour particulièrement difficile, avec le début d’un travail qui ne lui plaît pas, mais facilitera dans le même temps une décision personnelle cruciale pour son avenir – abandon dudit travail pour faire ce qu’il a toujours voulu faire : devenir écrivain.</p>
<p>Du moins est-ce ce qu’il pense alors, le film suivant, <em>Les Poupées russes</em>, montrant toute la difficulté d’une telle décision. Voilà qui souligne implicitement le besoin d’accompagnement des étudiants à leur retour de leur séjour à l’international – accompagnement qui, à ce jour, s’inscrit encore trop rarement de manière formelle dans les cursus, même si certains établissements ont pris des mesures fortes en ce sens.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ROjTfSfcvhA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film à sa sortie en 2002.</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/111385/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Film culte de la « Génération Erasmus », « L’Auberge espagnole » dépeint une expérience étudiante à l’étranger dont l’environnement, plus que la nature profonde, s’est sensiblement transformé.Loïc Plé, DIrecteur adjoint en charge de la Pédagogie et du Développement Académique, IÉSEG School of ManagementGrant Douglas, Lecturer in Intercultural Communication, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1106682019-01-30T20:51:14Z2019-01-30T20:51:14ZComment le Brexit va-t-il affecter les universités britanniques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255866/original/file-20190128-108338-17v9p7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2479%2C1647&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La grande salle de l'église du Christ, Université d'Oxford, Angleterre. C'est le centre de la vie universitaire où la communauté académique se réunit pour dîner chaque jour.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/oxford-uk-july-19-2015-great-527092306"> eXpose/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Pendant la campagne qui a précédé le référendum du Brexit, la plupart des parties impliquées dans l’<a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/brexit-les-universites-britanniques-inquietes_2239559.html">enseignement supérieur</a>, dont 103 présidents d’université, 56 % des étudiants universitaires et même Jo Johnson, ancien secrétaire d’État britannique à l’éducation – et frère de Boris Johnson, critique conservateur de la première ministre May –, ont exprimé leur souhait de rester dans l’Union européenne (UE).</p>
<p>Deux ans plus tard, la plupart des universitaires maintiennent leur <a href="https://www.courrierinternational.com/article/brexit-le-cri-dalarme-des-universites-britanniques">position pro-UE</a> et espèrent que, quoi qu’il arrive, le Royaume-Uni ne coupera pas les ponts avec le continent. Naturellement, l’incertitude et les probables conséquences négatives, notamment s’il n’y a pas d’accord, porteront préjudice aux universités britanniques. Il ne faut toutefois pas raisonner en termes de jeu à somme nulle, car les dommages causés aux universités britanniques ne bénéficieraient pas nécessairement à d’autres universités du continent, comme certains le pensent à tort.</p>
<p>On peut s’attendre, en premier lieu, à ce que le nombre d’étudiants de l’UE payant leur scolarité au Royaume-Uni diminue significativement, même en tenant compte de la dépréciation de la livre sterling, ce qui se traduirait par une baisse des droits d’inscription, ainsi que des dépenses en matière de logement et d’alimentation.</p>
<p>Aujourd’hui, les universités britanniques comptent plus de 450 000 étudiants étrangers, ce qui représente des recettes pour le PIB britannique de l’ordre de 14 000 millions de livres et un impact de plus de 20 000 emplois. La principale raison de cette chute est l’inquiétude que suscite, chez les étudiants de l’UE, l’obligation d’obtenir des visas de travail au terme de leurs études au Royaume-Uni, une obligation qui n’existe pas à l’heure actuelle.</p>
<h2>Éventuelles fusions</h2>
<p>L’impact sur les universités britanniques les plus prestigieuses sera probablement minime. Toutefois, les universités les moins réputées devront faire face à des difficultés et envisageront la possibilité de fusionner avec d’autres institutions éducatives ou de créer des alliances ou des consortiums pour gagner des économies d’échelle, augmenter leur attractivité et améliorer leur position internationale. Les universités privées, bien qu’elles soient minoritaires au Royaume-Uni, dépendent essentiellement des étudiants étrangers et seront donc les plus touchées.</p>
<p>Dans le même temps, les programmes d’échange entre universités de l’UE et du Royaume-Uni, ainsi que les doubles licences et les diplômes communs, ne s’en trouveront pas affectés, indépendamment de l’accord du Brexit adopté, puisqu’il s’agit d’accords privés.</p>
<p>Pour ce qui est de l’attrait exercé sur le corps enseignant, on assistera également à une baisse significative du nombre de demandes de professionnels de l’UE à des postes d’enseignement et de recherche dans des universités du Royaume-Uni en raison de l’incertitude concernant l’obligation de visas de travail.</p>
<p>D’autres acteurs craignent le climat xénophobe délétère alimenté par les « Brexiteers ». Cependant, ce recul sera compensé par une hausse des demandes provenant de pays non membres de l’UE.</p>
<h2>Des moments difficiles pour les fonds destinés à la recherche</h2>
<p>Les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/0600456754437-brexit-les-universites-britanniques-sinquietent-pour-le-financement-de-la-recherche-2233838.php">fonds</a> destinés à la recherche seront également touchés. À long terme, les universitaires du Royaume-Uni devront se retirer des projets de coopération en matière de recherche entre universités européennes, qui sont inscrits au budget de l’UE.</p>
<p>Les projets en cours soutenus par le <a href="https://ec.europa.eu/programmes/horizon2020/">programme Horizon 2020</a> ne seront pas touchés non plus et se poursuivront jusqu’à leur terme.</p>
<p>De même, compte tenu de la qualité de la recherche menée dans les universités britanniques, il est fort probable que leurs homologues de l’UE continuent à travailler en partenariat avec elles dans le cadre d’initiatives communes. Mais l’une des principales conséquences pourrait être que les universités britanniques perdent la direction de ces projets.</p>
<p>Il faut également s’attendre à des restrictions budgétaires et à un report des projets d’investissement dans les universités du Royaume-Uni. Le ralentissement pronostiqué de l’économie britannique après l’éventuel Brexit entraînera probablement une diminution des dépenses consacrées à l’éducation de la part du gouvernement. Cela pourrait amener certaines universités du pays à augmenter leurs droits d’inscription. Néanmoins, la plupart des présidents d’université ont fait part de leur volonté d’appliquer le même montant d’inscription pour tous les étudiants, qu’ils viennent du Royaume-Uni ou de l’UE.</p>
<h2>Stabilité à long terme</h2>
<p>Mais, même en prenant en compte les conséquences négatives – déjà évoquées – au cours des prochaines années, je crois que la situation se stabilisera à long terme.</p>
<p>Il existe deux raisons principales à cela :</p>
<ul>
<li><p>En premier lieu, le pragmatisme prévaudra. À l’heure actuelle, tout le monde a des doutes sur la solution qu’adoptera le Parlement britannique et sur son acceptation par l’UE et ses États membres. Nonobstant, mon intuition est que le dénouement le plus probable sera le maintien du statu quo en matière d’éducation et de recherche, deux domaines beaucoup moins polémiques que le commerce et l’immigration.</p></li>
<li><p>En second lieu, l’enseignement supérieur est désormais un <a href="http://observateurocde.org/news/fullstory.php/aid/3030/La_mondialisation_de_l_92enseignement_sup_E9rieur_.html">secteur global</a>. Ce processus de mondialisation est irréversible, compte tenu de l’intégration internationale de pratiques éducatives, l’impact de la technologie et le libre flux d’échange de personnes et d’idées. Les universités britanniques jouent un rôle fondamental dans ce cadre d’éducation globale, un cadre où la langue commune est, cela va de soi, l’anglais.</p></li>
</ul>
<p>Indépendamment du modèle institutionnel et réglementaire adopté, les relations actuelles entre universités se maintiendront. De plus, dans la plupart des cas, ces relations reposent sur des accords bilatéraux ou multilatéraux entre différentes universités et n’exigent aucun cadre réglementaire ou reconnaissance gouvernementale.</p>
<p>Il est souhaitable que les initiatives de dirigeants d’organisations éducatives continuent à jeter des ponts au-delà des frontières et à créer de nouveaux programmes internationaux de collaboration basés sur la reconnaissance mutuelle, sans avoir recours au soutien du Royaume-Uni ou des autorités de l’UE.</p>
<p>J’espère que les universités britanniques et de l’UE contribueront à remédier aux divisions que le Brexit a générées, tout comme elles continueront à développer et à promouvoir la diversité, la tolérance et le sentiment de citoyenneté mondiale, des valeurs sur lesquelles repose l’origine des universités elles-mêmes. Nombreux sont ceux qui espèrent encore que le Brexit ne devienne pas une réalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110668/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Santiago Iñiguez de Onzoño no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Les dommages causés aux universités britanniques ne bénéficieraient pas nécessairement à d’autres universités du continent, comme certains le pensent à tort.Santiago Iñiguez de Onzoño, Presidente IE University, IE UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1046192018-10-11T18:43:26Z2018-10-11T18:43:26ZFaire un séjour Erasmus… Et après ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/239906/original/file-20181009-72124-p8m44q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C38%2C997%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Face à un marché de l'emploi difficile, les étudiants voient dans le programme Erasmus un moyen de rebattre les cartes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Depuis sa création il y a 31 ans, Erasmus a permis à plus de 9 millions de personnes de voyager en Europe. Mais, derrière ce chiffre, les échanges universitaires se sont-ils vraiment démocratisés ? Permettent-ils une meilleure insertion professionnelle ? Voilà deux des questions qu’aborde la sociologue Magali Ballatore dans son livre <a href="https://www.puf.com/content/Erasmus_et_la_mobilit%C3%A9_des_jeunes_Europ%C3%A9ens"><em>Erasmus et la mobilité des jeunes Européens</em></a> (PUF), présentant les résultats d’une grande enquête dans trois pays. Les analyses qui suivent en sont extraites.</em></p>
<hr>
<p>Pour les étudiants Erasmus des filières non sélectives, étudier dans un établissement étranger est valorisant. Cette valorisation n’est pas seulement ressentie comme une gratification du fait de la personnalisation de son parcours par l’étudiant, mais se traduit par un retour sur investissement concret et matériel, qui se vérifie objectivement par le parcours de Malia ou de Loïc pour ne prendre que deux exemples.</p>
<p>Malia se voit attribuer une allocation de recherche pour une thèse en histoire, qu’elle passe brillamment en moins de quatre ans. Quelques mois après sa soutenance, elle obtient un poste de cadre en CDI en tant que responsable scientifique d’un institut privé. Aujourd’hui, elle participe comme responsable scientifique à la création d’un autre institut et s’est vue aussi récemment offrir un contrat post-doctoral au Luxembourg. Loïc entre à l’IAE (Institut d’administration des entreprises), où les cours sont dispensés en anglais. Il est aujourd’hui manager dans une entreprise multinationale à Lyon, il planifie une mobilité interne pour se former aux États-Unis.</p>
<p>Pour ces étudiants, nous l’avons vu, le séjour d’études à l’étranger fait l’objet d’une démarche de différenciation dans une optique de rentabilisation, il est une étape réfléchie, une stratégie au sein de l’organisation d’un projet de formation, dans une période d’inflation des qualifications.</p>
<h2>Une logique de distinction ?</h2>
<p>De nombreux diplômés Erasmus, qui se trouvent aujourd’hui à l’étranger, pensent avoir été freinés dans leur désir d’ascension sociale par des stigmates qui reposent sur leur filière d’études ou par une concurrence exacerbée dans leur région d’origine. En France, les diplômés des universités provinciales utilisent souvent l’Europe comme une route alternative à la « montée vers la capitale », trajectoire traditionnelle pour ceux qui souhaitaient, et souhaitent encore, faire carrière (<a href="https://books.google.fr/books/about/The_Human_Face_of_Global_Mobility.html?id=_ovV_loeQtQC&redir_esc=y">Smith, Favell, 2006</a>).</p>
<p>Émigrer à Paris pour trouver un travail à hauteur de ses qualifications est toujours une route empruntée, mais peut-être plus si exceptionnelle, car la concurrence s’exacerbe. Devant la multiplication de l’offre de formation universitaire, les recruteurs se replient sur des « valeurs sûres », c’est-à-dire sur les diplômés des grandes écoles parisiennes. En raison de nouvelles technologies de l’information et de la communication, le temps et l’espace rétrécissent.</p>
<p>La mobilité réversible, comme l’expérimente Malia, qui s’est expatriée à Paris, puis est revenue là où elle s’était formée, en région PACA, et retourne dans le nord, est symptomatique de ce nouvel univers d’expériences de mobilités de plus en plus rapprochées dans le temps et éloignées dans l’espace. Le « retour au pays », au sud, qu’elle désirait, a été pour elle douloureux, en raison de conditions de travail difficiles en comparaison à ses expériences au nord de l’Europe, d’où sa démarche d’émigrer de nouveau.[…]</p>
<p>C’est par rapport à chacun des contextes nationaux et régionaux qu’il faut faire la distinction entre les situations où le séjour d’études à l’étranger représente une étape presque obligée de la réussite sociale (pour certains étudiants italiens), des voies refuges dans une université massifiée (pour une partie des étudiants français), ou encore des choix qui peuvent compromettre les positions nationales si l’éloignement se pérennise (pour certains étudiants britanniques). Il va de soi que ces types n’épuisent pas la diversité des enjeux sociaux des expatriations, et qu’à l’intérieur de chaque pays peuvent coexister les trois situations.</p>
<p>Mais parmi l’ensemble des étudiants mobiles, les termes du choix entre trajectoire internationale et retour au pays sont radicalement différents. D’ailleurs, lorsque les Erasmus italiens expatriés réfléchissent à un éventuel retour en Italie ou vers le sud de l’Europe, les champs du possible se resserrent, comme le souligne Alessandro, ingénieur et Paolo, chercheur :</p>
<blockquote>
<p>« En Italie, ce n’est pas toujours possible ou intéressant d’entreprendre une carrière parce que les salaires sont trop bas, et les personnes dont tu dépends ne sont pas toujours à la hauteur de leurs qualifications. » (Alessandro, ingénieur, 26 ans)</p>
<p>« Les raisons de mon émigration, comme pour je pense la majorité des Italiens en Angleterre, sont les opportunités d’études et de travail. […] Le désir de faire quelque chose pour mon pays et de l’améliorer est fort mais l’Italie est un pays dans lequel j’ai moins de possibilités de travailler dans mon domaine. » (Paolo, chercheur, 40 ans)</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/g-TdwBQTDMY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Erasmus+, mode d’emploi. Présentation pratique réalisée par le CIDJ.</span></figcaption>
</figure>
<p>Le développement de la mobilité internationale des cadres et les stratégies transnationales permettent toute une série de jeux et de dynamiques sociales, dont les effets sociaux sont différents suivant les réalités nationales, économiques et sociales. Et ces jeux intègrent les systèmes d’enseignement européens de plus en plus précocement.</p>
<p>Enchantement de la vie à l’étranger, grande satisfaction affichée par les étudiants Erasmus interrogés à leur retour, un tableau si enthousiasmant de « l’esprit Erasmus » n’omet-il pas une réalité plus mitigée, faite de conditions d’études universitaires détériorées en France, d’une insertion professionnelle des jeunes diplômés difficile en Italie et de manière plus générale, d’une économie de plus en plus tournée vers la flexibilité, la mobilité couplée à la précarité pour une frange de la population qui sera conduite à changer fréquemment d’emploi et à se déplacer davantage, parfois au-delà des frontières, pour accompagner le travail ?</p>
<p>Parce que la mobilité internationale étudiante devient une nécessité pour certains, on pourrait avancer qu’elle entraîne une captivité. En effet, certains étudiants optent pour la mobilité par souci d’adaptabilité. La mobilité internationale engendre des stratégies d’apprentissage, toujours plus précoces et variées d’acquisition linguistique et cognitive, dans une société qui s’internationalise. L’insertion dans les réseaux locaux de notabilité reste pourtant un élément essentiel du capital professionnel des professions libérales (<a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-creuset-francais-gerard-noiriel/9782757857786">Noiriel, 1988</a>).</p>
<p>Ainsi les déplacements auxquels les textes officiels de la Commission européenne voudraient que les diplômés Erasmus aspirent, imposent de recommencer chaque fois un long travail de représentation sociale pour reconstituer sa « notoriété » et des réseaux. Les expatriations ne sont donc pas exemptes de contraintes et peuvent parfois mener à long terme, du fait de l’éloignement des centres décisionnels, à la mobilité perpétuelle ou à l’immobilisme, par l’impossibilité d’un retour, souvent souhaité, sur les lieux de sa formation ou de son histoire.</p>
<h2>La mobilité engendre la mobilité…</h2>
<p>Le développement des programmes communautaires de mobilité ne peut être lu indépendamment des nouvelles compositions sociales des flux migratoires et d’une certaine « mondialisation » de l’économie. Le séjour Erasmus constitue les prémices d’une culture migratoire intensive. Incontestablement, la mobilité engendre la mobilité. Et c’est là un intérêt bien compris des membres de la Communauté européenne, qui souhaitent, à la fois, faire advenir une citoyenneté cosmopolite et rendre les individus plus mobiles et adaptables aux changements.</p>
<p>Les étudiants Erasmus par leurs parcours scolaires et professionnels, par la multiplication des relations qu’ils nouent lors du séjour, ont bel et bien intériorisé les impératifs de l’intégration sociale, aujourd’hui européenne, sans que la participation culturelle ou politique ne soit pourtant recherchée. Le poids des structures sociales ne s’est pas amoindri. Ce sont les injonctions qui se sont transformées. Pour simplifier, nous pourrions dire que l’aspiration au cosmopolitisme, à l’international, correspond à une volonté d’ascension sociale (l’élite lui étant souvent associée).</p>
<p>Les classes moyennes, et même certaines catégories populaires dont on méprise le « localisme », se trouvent aujourd’hui légitimement attirées par « l’international » qui procure une certaine reconnaissance sociale. Mais elles se trouvent aussi confrontées à la recomposition sociale des migrations. Comme dans l’enseignement supérieur, la croissance quantitative, l’augmentation du nombre d’étudiants mobiles ne garantit pas, en soi, la démocratisation de l’accès et de la réussite pour tous dans le monde professionnel.</p>
<h2>Une évasion sociale ?</h2>
<p>Au fur et à mesure que le nombre de qualifiés du supérieur augmente, la composition des flux migratoires se transforme. Les choix opérés par les étudiants Erasmus restent ainsi étroitement liés à leurs perspectives d’emploi au sortir du système universitaire, qui sont elles-mêmes extrêmement sensibles à l’état général des segments des marchés nationaux du travail. Pour certains diplômés Erasmus, il existe bien une difficulté à réimporter chez soi les ressources sociales liées au statut « d’étranger privilégié », car dégagé de problèmes administratifs et financiers, dans un autre pays. L’international permet finalement de « faire valoir », « de jouer avec les signes de son rang social » (<a href="https://www.cairn.info/les-nouvelles-elites-de-la-mondialisation--9782130496618.htm">Wagner, 1998</a>).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240012/original/file-20181010-72121-qe7gzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240012/original/file-20181010-72121-qe7gzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=871&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240012/original/file-20181010-72121-qe7gzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=871&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240012/original/file-20181010-72121-qe7gzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=871&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240012/original/file-20181010-72121-qe7gzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240012/original/file-20181010-72121-qe7gzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240012/original/file-20181010-72121-qe7gzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p>Ces possibilités de se distinguer sont un ressort important de l’attrait du séjour Erasmus pour les enfants de classes moyennes ambitieuses. L’identification à un modèle de mobilité est, dans une université massifiée, un moyen de laisser en suspens les problèmes de positionnement social. Cette évasion sociale joue sans doute beaucoup dans le désir de repartir.</p>
<p>Même si beaucoup de diplômés Erasmus se plaisent à souligner leur liberté ou autonomie, la variabilité de leur degré de manœuvre dépend en grande partie de leurs origines nationales et disciplinaires et par la suite du type de profession dans lequel ils se seront engagés. Le départ à l’étranger est un choix qui se fait par rapport à d’autres alternatives possibles, et l’éventail de ces choix est déterminé au sein des structures universitaires et professionnelles nationales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Magali Ballatore ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà de l’ouverture personnelle qu’ils apportent, les séjours Erasmus s’intègrent de plus en plus souvent dans de véritables stratégies d’études et d’insertion professionnelle. Avec quel succès ?Magali Ballatore, MCF en sociologie, chercheuse au Laboratoire méditerranéen de sociologie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/989682018-08-23T21:49:37Z2018-08-23T21:49:37ZPartir avec Erasmus : à l’école de la différence ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/229311/original/file-20180725-194146-bomq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C988%2C519&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avec Erasmus, les étudiants n'entendent pas partir à l'aventure. Leur séjour s'intègre en général dans un projet bien mûri.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock.com </span></span></figcaption></figure><p>Les étudiants qui ont bénéficié du programme de mobilité <a href="http://www.agence-erasmus.fr/index.php">Erasmus</a>, emploient volontiers les termes « d’aventure » et de « voyage ». Mais ils sont loin de ressembler tous aux personnages bohèmes dépeints par écrivains ou cinéastes. Souvent évoqué comme raison principale pour partir à l’étranger, l’apprentissage d’une langue étrangère est en général vécu comme un moyen d’augmenter ses chances d’accès aux filières sélectives ou de mieux s’insérer sur un marché du travail qualifié très compétitif, en raison de la massification scolaire. Pour un grand nombre d’étudiants, le désir de mobilité est souvent directement lié à la construction de projets académiques ou professionnels ambitieux, et quelquefois bien arrêtés.</p>
<p>Derrière ce désir de réussite scolaire et/ou professionnelle, il existe différentes manières de <a href="https://www.cairn.info/erasmus-et-la-mobilite-des-jeunes-europeens--9782130581260.htm">vivre l’expérience Erasmus</a>. Si les étudiants eux-mêmes qui ont fait un séjour à l’étranger se présentent souvent comme plus « ouverts » que leurs confrères « sédentaires », ils sont en fait diversement préparés à ces nouveaux contextes d’apprentissage. L’échelle des comportements va ainsi du repli sur sa culture d’origine, avec un réinvestissement faible ou nul et l’absence de nouvelles mobilités, jusqu’à l’assimilation de la culture du milieu d’accueil et la volonté d’y résider définitivement.</p>
<h2>Des stratégies variées</h2>
<p>Ces attitudes ne sont pas fruits du hasard et proviennent en grande partie des « réinvestissements » espérés des compétences acquises et des aspirations professionnelles, elles-mêmes dépendantes des situations socio-économiques dans lesquelles se trouvent les étudiants Erasmus avant leur séjour. En croisant les représentations des étudiants à différents moments du processus de mobilité, de la décision du séjour jusqu’à leur retour, voici la typologie des postures que l’on peut établir.</p>
<ul>
<li><p>Le premier idéal-type, <strong>l’étudiant « défensif »</strong>, lors du séjour, cherche à se construire pleinement en « étranger ». Il se tient donc « à distance raisonnable » des membres de leur pays d’accueil tout en maintenant des liens forts avec ceux de leur pays d’origine. Souvent désignés par les autres comme les représentants vivants de leurs pays, les porte-parole de mœurs et de pratiques, ces étudiants vivent l’expérience « Erasmus » comme une simple « parenthèse », n’appelant pas forcément de nouvelles mobilités.</p></li>
<li><p>Le second idéal-type, est <strong>l’étudiant « opportuniste »</strong>, cherchant avant tout à s’adapter à son environnement. Il est doté d’une faculté toute particulière à synchroniser son comportement avec ce qu’il saisit d’une conduite type approuvée par les autochtones. De retour dans leur pays d’origine, ces étudiants tenteront de réutiliser leurs compétences acquises souvent tardivement, notamment linguistiques, dans des projets distinctifs et s’inscriront dans de nouvelles mobilités, qu’elles soient scolaires ou professionnelles.</p></li>
<li><p>Le troisième idéal-type, <strong>l’étudiant « transnational »</strong>, en appelle au plurilinguisme et à l’esprit « cosmopolite ». Bien souvent, ce sont la naissance dans une famille mixte et/ou la mobilité professionnelle internationale d’un ou des deux parents qui ont ouvert ces étudiants à une « socialisation internationale ». L’épreuve du voyage est perçue comme un accomplissement de dépositions anciennes. Ces étudiants vont donc à leur retour se tourner vers des carrières qui permettront de nouvelles expatriations, tout en gardant leurs repères nationaux, <a href="https://www.cairn.info/les-nouvelles-elites-de-la-mondialisation--9782130496618.htm">car l’international n’abolit pas le national</a>.</p></li>
<li><p>Le dernier idéal-type est <strong>l’étudiant « converti »</strong>, dont les facteurs répulsifs de la société et/ou de l’université ou la ville d’origine ont été déterminants, beaucoup plus que les facteurs attractifs du pays d’accueil. Même si cet étudiant n’avait pas de projet professionnel précis avant son départ, le séjour « Erasmus » est pour lui un révélateur, un moment de bifurcation, qui rompt avec la passivité, la politique des choix négatifs et le « laisser-aller », qui ordonnaient antérieurement son parcours scolaire. L’expérience entraîne pour lui, le désir de réorienter ou d’arrêter ses études.</p></li>
</ul>
<h2>Un autre rapport au savoir</h2>
<p>Cette typologie, qui se base sur une comparaison internationale par étude de cas, lorsque le programme Erasmus ne concernait que l’enseignement supérieur, permet de mettre à distance l’idée d’un groupe Erasmus uniforme. <a href="https://sms.hypotheses.org/11191">Parler de « génération Erasmus » a également peu de sens</a>, même si aujourd’hui Erasmus+ regroupe plusieurs dispositifs, à différents niveaux éducatifs. Suivant le segment du système éducatif et l’établissement dans lesquels les apprenants sont inscrits, le programme Erasmus n’est pas au cœur des mêmes enjeux ni des mêmes attentes. Dans des filières universitaires massifiées, il permet de construire un rapport personnel au savoir.</p>
<p>Il est intéressant là encore de voir qu’à l’idée répandue que le séjour Erasmus transforme chacun de manière radicale, les étudiants, lorsqu’ils s’expriment librement et longuement, reconnaissent eux-mêmes les limites d’un tel procédé révolutionnaire. Les changements se situent ainsi davantage dans la façon de se penser, que dans la façon d’être. En tous les cas, ils mettent en scène leur expérience, adoptent des stratégies de présentation de soi essentielles pour légitimer leur choix et consolider la valeur sociale de la mobilité internationale.</p>
<h2>Un accompagnement à construire ?</h2>
<p>Le programme Erasmus, dans sa forme, place au centre l’étudiant, plutôt que des équipes pédagogiques « bi-nationales » autour de projets « cognitifs » communs. Il consacre par là même idéologiquement les théories de l’apprentissage qui font du sujet l’acteur de son propre savoir. « L’apprentissage expérientiel » est consensuel. Mais ce consensus est malléable, voire manipulable : on peut être d’accord sur l’objectif, sans lui donner la même signification. Dans ce contexte, comment l’évaluer ? La mobilité institutionnalisée participerait-elle à la redéfinition des missions de l’Université ?</p>
<p>La confrontation quotidienne avec des formes de l’altérité, en se situant en marge, au sein de « cercles Erasmus » socialement homogènes, peut induire un abus des explications culturalistes. Ces dernières vident les cultures de leur complexité, de leur historicité et de leurs conflits internes. Chez beaucoup d’étudiants Erasmus, autrui est appréhendé sans tenir compte des processus liés à la diversification sociale et à la diversité socio-culturelle. Il y aurait un véritable travail de réflexion à mener sur la formation qui devrait accompagner la mobilité.</p>
<p>Livrés aux seules bonnes intentions des participants, dont les « capitaux » possédés varient, les échanges risquent fort sinon de creuser les écarts entre les bénéficiaires des séjours à l’étranger, en termes d’apprentissages. Les échanges universitaires sont trop souvent l’occasion de pointer des différences entre grandes entités au détriment des ressemblances ou de la pluralité interne. Appréhender une culture, n’est-ce pas dépasser une vision parcellaire, réduite à l’énumération de faits culturels, à une collection de rites et de mythes ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Magali Ballatore ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 30 ans d’existence, le programme de mobilité Erasmus s’est imposé dans le paysage universitaire. Derrière l’image d’une « génération Erasmus », les expériences sont plus variées qu’on l’imagine.Magali Ballatore, MCF en sociologie, chercheuse au Laboratoire méditerranéen de sociologie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/981912018-07-16T19:24:06Z2018-07-16T19:24:06ZComment Erasmus s’ouvre sur l’Afrique : exemple en école d’ingénieurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227616/original/file-20180713-27039-rnc7jh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C25%2C958%2C577&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A travers le projet « MOSE-FIC », Erasmus+ soutient le développement de nouvelles formations d'ingénieurs au Cameroun.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Erasmus est bien connu des jeunes Européens. Depuis la création de ce programme d’échanges universitaires en 1987, ils sont <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/10-chiffres-sur-le-programme-erasmus.html">plus de 4 millions</a> à avoir profité de cette opportunité pour partir étudier quelques mois dans un autre pays de l’Union européenne (UE). Le film de Cédric Klapisch, <em>L’Auberge espagnole</em>, a définitivement ancré cette expérience dans l’imaginaire collectif. Devenu <a href="http://www.agence-erasmus.fr/index.php">Erasmus+</a> en 2014, le programme recouvre cependant d’autres réalités, comme la mobilité d’enseignants-chercheurs. Il finance aussi d’autres actions, par exemple des projets de développement de l’enseignement supérieur sur d’autres continents.</p>
<p>C’est dans ce cadre que l’Université de technologie de Troyes (UTT), en partenariat avec l’Université de Mons (Belgique) et l’Université technologique de Sofia (Bulgarie), pilote le projet <a href="https://mose-fic.utt.fr">« MOSE-FIC »</a>, dédié aux formations d’ingénieurs à Yaoundé et Douala. Bientôt une auberge camerounaise ? Pas tout à fait. L’objectif n’est pas directement de faire circuler les étudiants entre les pays partenaires, mais d’aider les écoles d’ingénieurs du Cameroun à transformer leurs cursus et en monter de nouveau, en phase avec le marché de l’emploi local.</p>
<h2>Un accompagnement pédagogique</h2>
<p>Trop souvent, les <a href="http://www.rfi.fr/emission/20180219-graines-ingenieurs-afrique-centrale">formations d’ingénieurs en Afrique</a> se calquent sur les programmes européens, alors que les contextes socio-économiques et culturels sont très différents. On a même pu trouver des copies de travaux pratiques de chauffage des bâtiments… en pleine zone équatoriale ! Or, paradoxalement, l’économie du continent <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/27/l-afrique-subsaharienne-en-mal-d-ingenieurs_5021166_3212.html">manque de cadres capables de soutenir son essor</a> et les grandes entreprises qui s’installent en Afrique peinent souvent aussi à trouver le personnel adéquat, pendant que de nombreux diplômés sont contraints de partir chercher un emploi en Occident.</p>
<p>Au cours d’échanges réguliers avec nos partenaires au Cameroun – au premier rang desquels on trouve l’<a href="http://www.institutsaintjean.org/index.php/qui-sommes-nous/partenaires">Institut Saint-Jean</a> – nous avons acquis la conviction que l’on peut former des ingénieurs africains répondant aux standards internationaux sans calquer le modèle européen. La trame de ces cursus est à inventer. Comment leurs diplômés doivent-ils se positionner dans le tissu socio-économique ? Quelles compétences doivent-ils maîtriser ? Seuls les Africains peuvent répondre à ces questions. C’est pourquoi le projet <a href="https://www.utt.fr/l-utt/actualites/l-utt-se-developpe-en-afrique-et-accompagne-la-creation-de-l-institut-saint-jean-a-yaounde-10235.kjsp">« MOSE-FIC »</a> mise sur un travail global de maïeutique, pour épauler nos interlocuteurs dans l’identification des problématiques qui se posent à eux et la recherche de solutions concrètes.</p>
<p>Officiellement lancé le 15 octobre 2017, le partenariat va s’échelonner sur trois ans, il accompagne maintenant l’Institut Saint-Jean, l’école nationale supérieure polytechnique de Yaoundé, l’UCAC-ICAM (Douala et Pointe-Noire) et la faculté d’ingénierie de l’Université de Buéa. Première étape, indispensable : une analyse de l’environnement dans lequel s’inscrivent les formations et des moyens à leur disposition. Cette étude, en cours, permettra de définir le profil type des diplômés et le positionnement des établissements africains. Les mois suivants, il s’agira de traduire ces objectifs en pédagogie, et de réaménager les cursus en conséquence. Les moyens nécessaires seront en grande partie financés par Erasmus+.</p>
<p>S’ensuivra un travail de fond sur les processus de qualité internes. Tout l’enjeu consiste à glisser vers des méthodes d’amélioration continue, pour ne pas tomber dans le piège d’objectifs statiques, donc vite obsolètes, trop souvent constaté dans ces formations africaines. Enfin, une analyse rétrospective du projet lui-même permettra aux établissements africains de s’approprier la méthode pour conseiller à leur tour des écoles envisageant de se réorganiser.</p>
<h2>Des enjeux diplomatiques</h2>
<p>Ce travail de fond ne va pas sans heurts : à la fin des sessions d’accompagnement, nous essuyons souvent le reproche de ne pas avoir donné de contenus de cours directement exploitables, mais de laisser nos amis africains repartir avec bien plus d’interrogations que de réponses. Les premières prises de conscience sur le chemin à parcourir et les bouleversements probables ont aussi soulevé autant d’enthousiasme que d’inquiétudes.</p>
<p>Autre objection qui peut surgir : pourquoi un programme européen d’enseignement supérieur financerait-il le développement de formations africaines ? En favorisant ces dynamiques locales, l’UE ne se prive-t-elle pas d’un vivier de talents qui pourraient venir briller dans ses Universités et alimenter son économie, elle aussi, très avide d’ingénieurs ?</p>
<p>On ne peut nier que soutenir les pays africains pour qu’ils trouvent leur place dans la chaîne de la valeur qui se joue à l’échelle mondiale, c’est éviter de futures crises et, plus égoïstement, leurs conséquences que nous avons tant de mal à gérer. L’enseignement supérieur est un terrain de choix pour la diplomatie d’influence, cette diplomatie « douce » du moyen et long terme qui permet de rayonner et ambitionne de prévenir d’éventuelles perturbations plutôt que devoir les résoudre. Ce faisant, il permet aussi à l’UE de conforter son identité en tant qu’organisation supranationale de poids dans un monde multipolaire, en participant très activement à l’aide au développement.</p>
<p>La raison principale est plus directe et plus profonde. Loin de l’ambiance frivole de <em>L’Auberge espagnole</em>, Erasmus+ peut être un puissant outil d’influence politique et économique en Afrique alors que les <a href="https://theconversation.com/quelle-est-linfluence-des-fondations-americaines-sur-les-universites-en-afrique-92219">Etats-Unis</a> et la <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2013-3-page-150.htm">Chine</a> y défendent de plus en plus leurs intérêts économiques. Et, cyniquement, il va de soi que les étudiants diplômés seront nécessairement plus proches de la zone géographique qui a influencé leur système d’enseignement supérieur. L’Afrique a déjà largement opté pour le cadre européen LMD (licence-master-doctorat) issu du <a href="https://www.agence-erasmus.fr/page/Experts-de-Bologne">processus de Bologne</a> et, plus généralement, l’histoire lui a légué une proximité culturelle avec l’Europe.</p>
<h2>Un changement d’image</h2>
<p>Actuellement, peu d’étudiants européens sollicitent un semestre d’échange vers l’un de ses pays, alors qu’ils demandent fortement l’Amérique du Nord ou l’Asie. Inversement, les Africains sont si nombreux à souhaiter venir étudier en Europe que les services consulaires peinent à gérer les demandes, qui se soldent majoritairement par des refus. En cultivant leur originalité tout en se hissant aux standards internationaux, les établissements africains peuvent <a href="https://www.scienceshumaines.com/l-afrique-continent-fantasme_fr_33360.html">faire évoluer les représentations</a> et remédier à ce déséquilibre.</p>
<p>Leur continent ne doit pas attirer que des humanitaires en herbe ou des jeunes à la sensibilité altermondialiste : il doit aussi se présenter aux étudiants européens comme un espace d’opportunités et de business. Cette symétrie dans les échanges universitaires serait un atout fort pour le développement des relations économiques euro-africaines qui restent largement en deçà de leur potentiel.</p>
<p>Les échanges Erasmus+ ont été très efficaces pour éveiller un sentiment d’appartenance à l’Europe chez les jeunes générations et contribuer à une pacification durable des relations entre les pays de ce continent. Cette idée ne pourrait-elle pas valoir par-delà la Méditerranée ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothée Toury ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Erasmus, ce ne sont pas que des échanges étudiants en Europe. Le programme sert aussi de cadre à des partenariats avec l’Afrique. Exemple avec ce projet dédié à la formation d’ingénieurs au Cameroun.Timothée Toury, Enseignant-chercheur, responsable du projet européen MOSE-FIC, Université de Technologie de Troyes (UTT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/920622018-03-04T21:08:37Z2018-03-04T21:08:37ZDe l’auberge espagnole à l’université européenne : rêve ou réalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/208019/original/file-20180227-36671-2dm4g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Campus londonien de l'ESCP Europe Business School, précurseur d'une université européenne ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/escpeurope_london/19501105068/in/album-72157636683908305/">ESCP Europe/Flickr </a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">DR.</span>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de l’initiative « Quelle est votre Europe ? » dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez toutes les informations, débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://bit.ly/2qJ1aUH">quelleestvotreeurope.fr</a></em></p>
<hr>
<p>Le <a href="https://info.erasmusplus.fr/">programme Erasmus</a>, qui fête ses 30 ans en 2017 et est connu du grand public depuis le film <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Auberge_espagnole">« L’auberge espagnole »</a>, arrive en tête quand on demande aux Français des réussites de l’Union européenne, selon un <a href="https://www.generation-erasmus.fr/wp-content/uploads/DOSSIER-PRESSE-FINAL.pdf">sondage</a> réalisé récemment. L’Europe traversant une crise existentielle, aller plus loin dans la promotion d’un enseignement supérieur européen est fort propice. Ainsi, Emmanuel Macron voit le futur de l’UE en partie dans l’éducation avec la création des universités européennes. Rêve ou réalité ?</p>
<h2>L’éducation comme premier pilier du renouvellement de l’UE</h2>
<p>Le Président de la République a proclamé pendant son <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/transcription-du-discours-du-president-de-la-republique-au-forum-economique-mondial-de-davos-suisse/">discours</a> au forum économique mondial à Davos que le renouvellement de l’UE passera par l’éducation. Emmanuel Macron continue ainsi ce qu’il a commencé pendant son <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/initiative-pour-l-europe-discours-d-emmanuel-macron-pour-une-europe-souveraine-unie-democratique/">discours</a> à la Sorbonne où il présentait sa vision de l’Europe de demain.</p>
<p>Selon <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/initiative-pour-l-europe-discours-d-emmanuel-macron-pour-une-europe-souveraine-unie-democratique/">ses plans</a>, en 2024 devraient exister au moins 20 universités européennes constituées chaque fois d’un réseau de quatre à six institutions dans au moins trois États-membres de l’UE. Ces clusters devraient développer conjointement des programmes d’études basés sur un curriculum intégré dans plusieurs pays et langues, tant pour assurer un changement de pays chaque année, qu’une formation tout au long de la vie, ainsi que des projets de recherche et d’innovation.</p>
<p>Ces universités ont comme objectif de créer un sens d’appartenance fort à l’Europe en enseignant également les particularités de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263237314000425">culture européenne</a> et vont donc plus loin que le programme Erasmus implanté en 1987 et que le <a href="http://ec.europa.eu/education/policy/higher-education/bologna-process_fr">processus de Bologne</a> allant de la <a href="https://www.coe.int/t/dg4/highereducation/recognition/lrc_FR.asp">convention de Lisbonne</a> en 1997 à la création de l’<a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid56043/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid56043/presentation-de-l-e.e.e.s.html">Espace européen de l’Enseignement supérieur</a> en 2010.</p>
<p>Malgré ses nombreux avantages, Erasmus souffre encore de quelques lacunes telles que le manque de cohérence de certains programmes d’un établissement à l’autre ou l’intégration imparfaite des étudiants en échange avec ceux de l’institution hôte, qui restent souvent entre eux. L’université européenne doit pouvoir surmonter ces défis.</p>
<h2>Investir dans le neuf ou l’ancien ? Réponse pragmatique</h2>
<p>L’idée des universités européennes n’est pas totalement nouvelle, aussi est-il possible de s’inspirer d’initiatives existantes. Une université européenne pourrait recouvrir deux formes : soit celle de réseaux d’institutions existantes tels que proposés par Emmanuel Macron, soit celle d’un seul et même établissement implanté dans plusieurs pays en Europe.</p>
<p>Le <a href="http://www.eucor-uni.org/fr/eucor-le-campus-europeen">Campus européen</a> offre un bel exemple de réseau universitaire nourri par la collaboration entre les universités de <a href="https://www.unibas.ch/en.html">Bâle</a>, <a href="https://www.uni-freiburg.de/?set_language=en">Freiburg</a>, <a href="http://www.uha.fr/">Haute-Alsace</a>, <a href="http://www.de.unistra.fr/">Strasbourg</a> et l’<a href="http://www.kit.edu/english/">Institut de technologie de Karlsruhe</a>. Les étudiants circulent en effet librement entre ces établissements, rassemblés en Groupement Européen de Coopération Territoriale ou <a href="http://cor.europa.eu/fr/activities/networks/Pages/30ce0402-3ff2-4276-a141-b01586f00ad0.aspx">GECT</a>, dont la forme juridique reconnue par l’UE permet aux autorités publiques de différents États-membres de fournir des services conjointement. La Grande École <a href="http://www.escpeurope.eu/">ESCP Europe</a>, établie dans six pays différents avec ses campus à Berlin, Londres, Madrid, Paris, Turin, et Varsovie, peut servir de modèle alternatif à un réseau d’établissements. Les étudiants sont incités à étudier sur plusieurs campus pendant leurs études et les curricula sont intégrés et coordonnés. ESCP Europe n’a pas une forme juridique unique mais sa propre entité nationale dans chaque pays.</p>
<p>L’avantage des réseaux universitaires est que ces institutions existent déjà et jouissent pour certaines d’une marque reconnue alors que l’implantation de la même université dans plusieurs pays demandera beaucoup de ressources et de temps. Le bémol des universités existantes est dans leurs structures souvent figées dans des contextes locaux.</p>
<p>Ainsi <a href="http://www.eucor-uni.org/fr/organigramme-eucor">Janosch Nieden</a>, directeur du Campus européen <a href="https://www.timeshighereducation.com/news/how-could-macrons-european-universities-work">explique</a> que les universités allemandes planifient les salles et créneaux des cours des mois en avance, quand les universités françaises le font beaucoup plus tardivement. De plus, il faudrait harmoniser des services supports vitaux tels que les systèmes informatiques, enfin les <a href="http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/les-comue-regroupements-avenir-incertain.html">difficultés</a> observées chez certaines <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid94756/les-regroupements-universitaires-et-scientifiques-une-coordination-territoriale-pour-un-projet-partage.html">COMUE</a> au plan national seraient certainement exacerbées dans un contexte de cultures différentes.</p>
<p>Pourquoi ne pas entreprendre une synthèse pragmatique de ces modèles où une université prendrait le lead dans un domaine académique enseigné dans plusieurs pays et s’appuierait sur des universités qui y trouveraient leur compte dans un autre domaine d’étude ? Ainsi, <a href="http://www.pantheonsorbonne.fr/">Panthéon Sorbonne</a> pourrait créer une licence en philosophie où les étudiants effectueraient un an à la Sorbonne, un an à la <a href="https://www.hu-berlin.de/en?set_language=en">Humboldt</a> à Berlin, et une dernière année au <a href="https://www.tcd.ie/">Trinity College</a> de Dublin. Puis, la seconde pourrait créer une licence en sociologie, avec un an en France et un an en Irlande, et ainsi de suite. Chaque fois, l’université lead désignerait le curriculum et aurait accès aux corps professoraux et aux infrastructures des deux autres universités. Il s’agirait donc d’un échange de ressources entre structures bien ancrées et dont les marques sont fortes, en conservant l’avantage d’une organisation où les décisions sont faites par une seule entité.</p>
<h2>Pour bâtir haut, il faut creuser profond : des questions à clarifier</h2>
<p>La création des universités européennes ne sera pas chose simple. Quel diplôme une université européenne peut délivrer alors que le diplôme européen n’existe pas ? L’étudiant en philosophie de l’exemple précédent aura probablement une licence française ; ou tout au plus un diplôme de chaque pays. Symboliquement, la création d’un tel grade est pourtant un passage obligé si l’identité européenne doit être développée. Reste à décider qui va délivrer un tel diplôme ? Qui définira ses exigences et qui contrôlera qu’elles sont atteintes ?</p>
<p>La langue d’enseignement est une deuxième question cruciale. Offrir les cours seulement en langue locale pourrait diminuer le brassage des cultures en salles de cours. À l’inverse, la possibilité d’étudier entièrement en anglais pourrait être conditionnée à des cours de langues intensifs et à l’obligation d’atteindre un certain niveau dans la langue locale à la fin du parcours. Cependant, est-ce que les étudiants à la sortie du lycée auront le niveau nécessaire pour suivre les cours, ne serait-ce qu’en anglais ? Quid des professeurs d’université et de leur capacité à enseigner en langue anglaise ?</p>
<p>Quant au financement du projet, un tel réseau d’établissements devrait se voir doté par l’UE de <a href="https://sciencebusiness.net/news/macron-eu-faster-action-needed-build-university-networks-europe">€5 à 6 millions</a> pour une durée de cinq ans, soit un total de 100 millions. La question de l’allocation de ces ressources entre États-membres sera épineuse dès lors que les étudiants plébisciteront un pays plutôt qu’un autre et seront plus motivés d’apprendre l’espagnol que le luxembourgeois.</p>
<p>Finalement, il faudrait aussi réfléchir à la magnitude d’un tel projet. Le souhait d’Emmanuel Macron que chaque étudiant en Europe passe au moins un an à l’étranger est encore une réalité distante car en 30 ans, <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/10-chiffres-sur-le-programme-erasmus.html">3,3 millions</a> d’étudiants ont participé à un séjour Erasmus.</p>
<p>L’objectif ne pourrait être atteint que si d’autres universités – non-participantes aux réseaux universitaires européens et à son financement – commençaient à collaborer entre elles indépendamment du projet européen. Cette émulation pourrait intervenir si les diplômés des réseaux universitaires européens démontraient une forte employabilité grâce à leur multilinguisme, leur intelligence culturelle, et leur plus grande flexibilité, ayant déménagé trois fois en trois ans.</p>
<h2>Et sur de grands exploits, bâtir sa renommée : priorité aux marques fortes</h2>
<p>La vision du Président pour bienvenue qu’elle soit suscite autant d’espoirs que de questions. Pour assurer le succès d’un tel projet, il faudrait choisir les meilleures marques sur la scène de l’enseignement supérieur européen afin d’inciter d’autres universités à suivre ce chemin, mais aussi pour donner à l’Union européenne la possibilité de rayonner mondialement à travers ces institutions.</p>
<p>En tout cas, avec la <a href="http://www.leparisien.fr/international/les-etudiants-etrangers-boudent-l-amerique-de-trump-15-11-2017-7394256.php">politique de Donald Trump aux États-Unis</a> et le <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/09/12/brexit-premiere-baisse-des-candidatures-d-etudiants-europeens_5184395_4401467.html">Brexit</a> à la porte, deux endroits qui hier prédominaient dans l’enseignement supérieur pourraient perdre en attractivité.</p>
<p>Mais peut-être le Brexit permettra-t-il de repenser une offre européenne au-delà des frontières pour capitaliser sur le fait qu’<a href="http://www.ox.ac.uk/">Oxford</a> et <a href="https://www.cam.ac.uk/">Cambridge</a> sont certainement les marques les plus fortes dans l’UE actuelle. Comme le programme Erasmus, les universités européennes pourraient aller au-delà de l’Europe de demain pour que <a href="http://www.lepoint.fr/grandes-ecoles-de-commerce/brexit-cambridge-au-bord-de-la-crise-de-nerfs-23-02-2018-2197330_123.php">Oxbridge</a>, malgré le Brexit, puisse être sur ce trajet de l’auberge espagnole vers l’université européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92062/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andreas Kaplan works for ESCP Europe. </span></em></p>Comment passer d’Erasmus et des réseaux universitaires existants à une vraie université européenne ? Quelques pistes.Andreas Kaplan, Rector, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/780852017-05-31T20:59:37Z2017-05-31T20:59:37ZLa Commission européenne se dote d’une nouvelle doctrine vis-à-vis de l’Afrique<p>La Commission européenne a publié, le 4 mai dernier, une communication conjointe avec la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, intitulée « un <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=JOIN:2017:17:FIN&from=EN">nouvel élan pour le partenariat Afrique-UE</a> ». Établissant la doctrine de la Commission européenne qui défend l’intérêt général de l’Union conformément aux traités, celle-ci est adressée au Conseil de l’Union européenne (UE) et au Parlement européen. Elle fixe les grandes orientations pour le cinquième sommet triennal UE-Afrique, prévu en novembre 2017 à Abidjan (Côte d’Ivoire), et définit la feuille de route des relations avec l’Union africaine (UA) pour les années 2018-2020 et, plus généralement, le nouveau cadre conceptuel de ces relations.</p>
<p>La Commission y indique notamment « l’importance qu’elle l’[Afrique] revêt pour les dimensions intérieure et extérieure de la sécurité et de la prospérité de l’Europe est de plus en plus évidente ». À l’instar du <a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-104-notice.html">Sénat</a> qui présente l’Afrique comme « l’avenir » de la République française, la Commission européenne voit dans le continent la source de la prospérité future de l’Europe en crise, comme lors des négociations des Traités de Rome avec l’introduction de l’Eurafrique par les dispositions juridiques de la quatrième partie du traité sur la Communauté économique européenne (CEE) relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer (<a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:11957E/TXT&from=FR">articles 131 à 136</a>).</p>
<p>Les sommets UE-Afrique ont pour but de redynamiser les relations conventionnelles entre l’Union européenne et les États africains (accord de partenariat ACP-UE pour les pays d’Afrique subsaharienne et accords euro-méditerranéens pour les pays d’Afrique du Nord). Mais ces sommets triennaux (2000, 2003 – annulé –, 2007, 2010, 2014 et 2017) ont aussi pour but explicite de contrecarrer l’offensive chinoise sur le continent et les sommets triennaux du Forum sur la coopération sino-africaine (<a href="http://www.focac.org/fra/">FOCAC</a>) inauguré en l’an 2000 également.</p>
<p>Les sommets euro-africains veulent tempérer l’unilatéralisme et l’accusation d’impérialisme qui imprégneraient les relations entre l’Union européenne et les États africains liées aux dispositions relatives aux colonies dans le traité de Rome relatif à la CEE. Il s’agit de promouvoir le respect des partenaires africains par la reprise du slogan chinois « gagnant-gagnant », devenu la norme dans les relations extérieures des États africains.</p>
<p>Quel est l’apport de la nouvelle communication de la Commission ? Opère-t-elle une mue ou un véritable changement conceptuel dans la fixation des intérêts stratégiques européens en Afrique ?</p>
<h2>Une méthodologie se référant au cadre conceptuel africain</h2>
<p>Au regard de l’accusation continue d’asymétrie et d’unilatéralisme des relations entre l’Union européenne et l’Afrique, la Commission innove dans la fixation des intérêts stratégiques européens en Afrique. Pour la première fois, elle adopte une méthodologie prenant explicitement en compte les projets africains sous la forme suivante :</p>
<ol>
<li><p>visions africaines ;</p></li>
<li><p>actions de l’UE sur le continent ;</p></li>
<li><p>propositions européennes.</p></li>
</ol>
<p>Adepte du syllogisme, la Commission précise dans un premier temps la conception africaine, puis présente la vision de l’Union, pour ensuite confronter les deux visions afin d’en extraire ses priorités stratégiques. Les visions africaines systématiquement prises en compte par la Commission sont celles contenues dans l’<a href="https://www.au.int/web/sites/default/files/pages/3657-file-agenda2063_popular_version_fr.pdf">Agenda 2063</a> – « l’Afrique que nous voulons » – de la Commission de l’Union africaine. Il s’agit surtout pour la Commission européenne d’enrayer le désamour africain pour l’Europe par la référence aux textes africains censés fixer leurs intérêts stratégiques.</p>
<p>Par la référence aux dispositions de l’Agenda de 2063, il s’agit aussi et surtout de renforcer le partenariat stratégique entre l’UE et l’UA. Cette vision est confortée par le Conseil Affaires étrangères de l’Union européenne du <a href="http://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/fac/2017/05/19/">19 mai 2017</a>.</p>
<p>La communication fixe ainsi les sujets d’intérêts du sommet d’Abidjan tels que l’établissement d’États et de sociétés résilientes ou encore la valorisation des jeunes par l’extension du champ d’application d’Erasmus+ au continent.</p>
<h2>L’édification d’États et de sociétés résilientes</h2>
<p>Comptant le <a href="http://fsi.fundforpeace.org/">plus grand nombre d’États fragiles</a> au monde, le continent africain est particulièrement exposé aux conflits et au phénomène de captation des richesses par des acteurs internes et externes. Dans son Agenda 2063, l’Union africaine donne la priorité à l’opérationnalité de l’Architecture africaine de paix et de sécurité pour prévenir les conflits, gérer les crises et consolider la paix. Architecture qui rencontre encore des tribulations dans les <a href="http://www.ocppc.ma/publications/architecture-africaine-de-paix-et-de-s%C3%A9curit%C3%A9-pertinence-dans-la-conception-et#.WS6nI2jyjIV">réalisations</a>.</p>
<p>L’UE soutient financièrement – avec plus de 2 milliards d’euros octroyés depuis 2004 dans le cadre de la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique – et militairement ce processus par ses missions et opérations PESC (politique étrangère et de sécurité commune) en Afrique. On peut citer la Mission de formation de l’armée malienne (<a href="http://www.eeas.europa.eu/archives/docs/csdp/missions-and-operations/eutm-mali/pdf/factsheet_eutm_mali_fr.pdf">EUTM Mali</a>), l’opération en République centrafricaine (<a href="http://eeas.europa.eu/archives/csdp/missions-and-operations/eufor-rca/index_fr.htm">EUFOR RCA</a>) ou encore la mission de dissuasion, de prévention et de répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie (<a href="http://eunavfor.eu/">EUNAVFOR Atalanta</a>).</p>
<p>L’objectif est de faciliter les réformes au sein des armées, de la justice et de l’État de droit dans les États africains. Le sommet de novembre 2017 à Abidjan doit confirmer la continuité de ces actions et mettre en avant le slogan « des solutions africaines aux problèmes africains ».</p>
<p>Outre le contenu de l’Agenda 2063, la Commission prend en compte dans sa stratégie globale le <a href="http://www.gsdpp.uct.ac.za/sites/default/files/image_tool/images/78/News/FInalAUReformCombinedreport_28012017.pdf">rapport Paul Kagame</a> de janvier 2017 sur la réforme de l’UA mais aussi le <a href="http://www.peaceau.org/uploads/auhr-progress-report-final-020916-with-annexes.pdf">rapport Donald Kaberuka</a> d’août 2016 sur le financement de la paix sur le continent.</p>
<p>Si l’UE agit avant tout en fonction de ses intérêts stratégiques au Mali – éviter la propagation du terrorisme aux portes de l’Europe –, en Somalie – protéger la route maritime commerciale du golfe d’Aden –, par le soutien et la prise en compte explicite des initiatives africaines, il s’agit de tempérer son unilatéralisme face à un continent qui diversifie de plus en plus ses relations extérieures (avec la Chine, l’Inde, la Turquie, le Brésil, etc.). La priorité est accordée à l’avenir, et notamment aux jeunes qui constituent la plus grande richesse du continent. L’Union cherche à exploiter ce potentiel en étendant au continent le programme <a href="https://info.erasmusplus.fr/">Erasmus+</a>.</p>
<h2>Vers la mise en place d’un Erasmus euro-africain</h2>
<p>L’Agenda 2063 met l’accent sur la valorisation des compétences et la formation des jeunes pour parvenir à une révolution industrielle bleue et verte en Afrique. Ne voulant pas rater l’émergence économique du continent, la Commission accorde une attention particulière aux jeunes dans ses priorités pour l’Afrique. Elle veut ainsi étendre le champ d’application du programme Erasmus+ qui existe déjà à la faveur de trois étapes :</p>
<ol>
<li><p>le lancement d’un programme « Youth empowerment » (autonomisation des jeunes) pour faciliter la mobilité entre les jeunes et les jeunes entrepreneurs en Afrique et en Europe ;</p></li>
<li><p>l’établissement d’un projet de mobilité de l’enseignement et de la formation professionnelle ;</p></li>
<li><p>la consolidation de la section africaine de l’Association des étudiants et anciens étudiants d’Erasmus+.</p></li>
</ol>
<p>Avec la mue conceptuelle qu’opère l’Union européenne dans la prise en compte de ses intérêts stratégiques sur le continent africain, l’organisation paneuropéenne se présente comme panafricaine, réactivant ainsi les idées du comte <a href="http://www.nouvelle-europe.eu/richard-de-coudenhove-kalergi-portrait-d-un-visionnaire-paneuropeen">Richard Nikolaus de Coudenhove-Kalergi</a>. Ce dernier avait déjà établi cette connexion en forgeant le concept d’Eurafrique dans son ouvrage Paneuropa (1923).</p>
<p>Mais l’<a href="http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/049082.pdf">Eurafrique</a> n’a pas été favorable à l’émergence des intérêts africains et beaucoup de chercheurs et d’acteurs politiques ignorent encore aujourd’hui qu’elle a été la matrice conceptuelle de la Françafrique. Le marché eurafricain devait en effet renforcer la position économique et stratégique de la France dans ses anciennes colonies par des financements européens tout en permettant « le <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/symbols/europe-day/schuman-declaration_fr">développement du continent africain</a> », selon la Déclaration Schuman du 9 mai 1950. Ce sont les difficultés de la mise en place effective de la <a href="http://ecdpm.org/wp-content/uploads/PMR-15-Politique-Developpement-Union-Europeenne-2008.pdf">géopolitique eurafricaine française</a> qui ont finalement poussé Paris à se focaliser essentiellement sur la Françafrique.</p>
<p>Si la nouvelle doctrine de la Commission européenne reprend la géopolitique eurafricaine, c’est en se fondant sur le cadre stratégique panafricain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78085/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adam Abdou Hassan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nouvelle communication de la Commission européenne sur les relations entre l’Europe et l’Afrique opère une révolution conceptuelle dans l’établissement des intérêts européens en Afrique.Adam Abdou Hassan, Enseignant chercheur, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/772282017-05-05T08:37:26Z2017-05-05T08:37:26ZLa présidentielle à l’ombre du Brexit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168010/original/file-20170504-21608-1hsjw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors d’une manifestation anti-Brexit à Londres en mars. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.afpforum.com/AFPForum/Search/Results.aspx?pn=1&smd=8&mui=1&q=16596763465865517235_0&fst=brexit+protest&fto=1&t=8.2.5.9.7.11">Daniel Leal-Olivas/AFP</a></span></figcaption></figure><p>Depuis que la Grande-Bretagne a fixé ses coordonnées GPS sur la sortie de l’Union européenne, sa presse quotidienne, surtout populaire, ne voit plus qu’à travers la vitre épaisse du Brexit.</p>
<p>De fait, celle-ci guette tout indicateur europhobe ou eurosceptique, discernant une montée irrésistible des candidats à l’élection présidentielle en France qui prônaient un <a href="http://www.france24.com/fr/20170421-france-presidentielle-2017-boussole-electorale-frexit-lepen-melenchon-referendum-sortie-ue">Frexit possible</a>, en négligeant la part des candidats, notamment Emmanuel Macron, dont la position sur le Brexit n’a rien pour plaire à l’équipe de Theresa May à Londres.</p>
<p>Mais qu’en est-il de l’importance du bolide Brexit dans la course à la présidence d’un point de vue français ?</p>
<h2>Les discours du Brexit</h2>
<p>Cette question a été relativement peu abordée dans le détail. Or elle permet de cerner de plus près les contours de ce qui est sans doute l’un des enjeux majeurs de cette campagne, à savoir la question européenne et plus spécifiquement comment la France va se positionner dans le groupe EU27+ ; ce dernier souhaite adopter face à la Grande-Bretagne une position robuste, voire sans concession, dans les négociations qui viennent de s’ouvrir.</p>
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<figcaption><span class="caption">Brexit : L’Europe des 27prête à négocier avec le Royaume-Uni (Public Sénat, mai 2017).</span></figcaption>
</figure>
<p>C’était l’hypothèse de départ pour un échange de points de vue de part et d’autre de la Manche avec <a href="http://www.lboro.ac.uk/departments/phir/staff/helen-drake/">Helen Drake</a>, professeure à la Loughborough University et spécialiste britannique de la politique française.</p>
<p>Actuellement engagée dans l’élaboration d’un projet de recherche transeuropéen intitulé <a href="http://gtr.rcuk.ac.uk/projects?ref=ES%2FR001847%2F1">« 28+ Perspectives on Brexit »</a>, Helen Drake et ses partenaires s’apprêtent à analyser en temps réel l’évolution des discours autour du Brexit, notamment populistes, dans les États membres où des échéances électorales portent la question de la construction européenne devant les électeurs dans un contexte de polycrise institutionnelle.</p>
<h2>Un paysage électoral sens dessus dessous</h2>
<p>L’enjeu de l’élection française est un cas paradigmatique aussi bien par la centralité de la France au projet européen que par la polarité des positions affichées par les deux candidats au second tour.</p>
<p>Les Français se trouvent en effet dans une situation analogue quoiqu’« en miroir » de la situation des Britanniques en juin dernier : là où le référendum est devenu l’occasion d’une expression plus générale de rejet d’un système politique « élitiste », l’élection présidentielle française entre un candidat populiste qui va peut-être puiser aussi bien à gauche chez les électeurs « insoumis » du premier tour qu’à droite, et un candidat qui prône lui aussi une position « et… et », lie l’avenir de la construction européenne à un bouleversement profond du paysage électoral français.</p>
<p>Le Frexit n’est pas la question posée cette semaine, mais il se peut encore qu’il en soit la retombée.</p>
<h2>Le Brexit, double contrainte pour Le Pen…</h2>
<p>L’éventualité d’une victoire de Marine Le Pen verra la France, on le sait, se détacher de sa position habituelle en groupe de tête européen, pour se placer dans le sillage de Theresa May jusqu’à laisser l’ambition de la solidarité transnationale loin derrière.</p>
<p>Mais si Le Pen a salué la fermeté de la cheffe de gouvernement britannique, l’enjeu du Brexit est singulièrement absente de sa campagne. Et pour cause. Elle peut se réclamer de May, celle-ci n’en sera pas moins une concurrente dans un scénario de démantèlement des traités européens.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"747792342283882496"}"></div></p>
<p>Et si l’entrain actuel de sa consœur britannique, tout au moins au sein du Royaume même, peut encourager Le Pen à mettre le pied au plancher en direction d’un Frexit, il viendra forcément un moment lors des négociations d’une sortie possible ou partielle, où Le Pen sera confrontée à la contradiction entre une volonté de travailler avec la Grande-Bretagne et la défense de l’intérêt national, chère à ses électeurs. Le Brexit dans le programme du Front national est un cas d’espèce de <em>double bind</em> (double contrainte) dont Le Pen sortira avec grande difficulté, soudée comme elle l’est à un électorat à attentes très fortes et, dans l’éventualité d’une prise de pouvoir exécutive, obligée de se concerter avec des interlocuteurs plus modérés.</p>
<h2>… et révélateur de l’ambition de Macron</h2>
<p>Quant à Macron, on connaît également la fermeté qu’il compte, lui aussi, assumer dans ce processus, s’opposant à toute possibilité d’exception aux conditions d’accès au marché unique. Mais cette fermeté traduit-elle autre chose qu’une attitude revancharde, comme on le craint de l’autre côté de la Manche ?</p>
<p>Il faut plutôt y voir l’expression de l’ambition supranationale du candidat qui se place actuellement en tête au deuxième tour. On a beau souligner sa proximité décomplexée avec les milieux financiers, c’est par le biais d’une extension de la souveraineté européenne que Macron compte remettre l’UE sur la bonne voie, cherchant à dépasser un fonctionnement intergouvernemental en peloton instable et potentiellement explosif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"846979385215406081"}"></div></p>
<p>La proposition de remplacer les sièges des députés européens britanniques par une circonscription pan-européenne est bien l’autre face de sa position par rapport au Brexit. L’idée n’est pas nouvelle, mais elle n’en est pas moins un signe fort de sa volonté d’œuvrer pour davantage de solidarité interne, et pas seulement de solidarité financière.</p>
<p>Elle va de pair avec une série de propositions de refonte institutionnelle profonde, allant de la création d’un budget commun de la zone euro à l’interdiction des transferts vers des pays pratiquant le dumping social, deux mesures qui vont être difficiles à réconcilier. Explicite sur les enjeux du marché numérique, il l’est beaucoup moins sur le plan de la politique environnementale qu’il compte mener, mais les contours d’un renouveau institutionnel sont dessinés et s’il affirme sa détermination d’être « avec Berlin », la relation franco-allemande ne saura pas faire l’économie d’une bataille des idées dans l’éventualité, aujourd’hui probable, de son élection.</p>
<h2>Quelle citoyenneté européenne ?</h2>
<p>Bataille des idées : celle-ci ne pourra plus, à notre avis, être étouffée par les couloirs feutrés de Bruxelles. Ni satisfaite par le cadre actuellement proposé de conventions démocratiques, dont les tenants et aboutissements sont loin d’être clairs. Non, la citoyenneté européenne dont Macron se fait l’avocat dépendra de sa capacité à écouter et à promouvoir une véritable culture politique à l’échelle européenne.</p>
<p>À ce titre, la proposition d’extension du programme Erasmus+ semble la traduction la plus forte de son approche pédagogue et non démagogue, et contrairement à l’embarras dans lequel la Grande-Bretagne post-Brexit se trouve face à la nouvelle donne démographique en Europe, il est incontestable que Macron sait que « l’Europe » des travailleurs de toutes catégories, des femmes de ménage aux cadres, « l’Europe » des étudiants et des chercheurs, et même des retraités, est en marche et depuis longtemps, que l’horizon de sa génération, celle du programme Erasmus justement, et celles qui suivent, est transnational, et que revenir sur la possibilité de mobilité humaine à l’échelle du continent ne produira rien de bon.</p>
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<figcaption><span class="caption">Erasmus + célèbre ses 30ans (Génération Erasmus, 2017).</span></figcaption>
</figure>
<p>Contrairement à ceux qu’il affronte ou affrontera, en France et en Europe, il est du côté de cette profonde mutation du paysage européen, qui crée les conditions nécessaires à cette nouvelle culture politique européenne. Encore faut-il qu’il sache favoriser la pluralité de cette culture, et ne pas la soumettre à des objectifs de rendement intensif.</p>
<p>Rien n’est dit, et tout sera à scruter de très près tant l’enjeu est décisif, mais de l’autre côté de la vitre épaisse du Brexit, la course continue.</p>
<hr>
<p><em>Helen Drake sera l’une des invités de la table ronde consacrée à l'élection présidentielle vue par des spécialistes britanniques ; cette rencontre aura lieu ce vendredi 5 mai à 18 heures dans le cadre du séminaire « Challenging Europe » à l’Institut de l’Université de Londres. Ouvert au public, <a href="https://www.eventbrite.com/e/french-politics-in-context-tickets-33208718170">inscription préalable nécessaire</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77228/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Helen Drake receives funding from the Economic and Social Research Council. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anna-Louise Milne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quel écho la sortie de la Grande-Bretagne hors de l’Union européenne a-t-elle dans la course à l’Élysée ?Anna-Louise Milne, Director of Graduate Studies and Research, University of London Institute in ParisHelen Drake, Professor of French and European Studies, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/723112017-02-06T22:13:36Z2017-02-06T22:13:36ZErasmus : 30 ans de succès, et ensuite ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/155363/original/image-20170202-1657-12s59ex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Étudiants Erasmus (2014-2015) à l'Université Mondragon, au Pays Basque espagnol.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/huhezi/16361999639/in/album-72157647360083492/">HUHEZI (Mondragon Unibertsitatea) / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En 30 ans, le programme Erasmus a vraiment fait ses preuves. En 1987, année de son lancement, environ 3 000 étudiants européens étaient partis en échange. Désormais, ce sont près de 300 000 qui partent chaque année. Et <a href="https://www.erasmusplus.fr/">Erasmus+</a>, le programme de la Commission Européenne lancé en France au 1<sup>er</sup> janvier 2014, a été élargi à tous et vise à favoriser les <a href="http://bit.ly/1hr8jgJ">projets de mobilité et de coopération</a> au-delà des seuls étudiants et surtout au-delà des frontières de l’Europe. Il bénéficie aujourd’hui à 700 000 participants, dont 340 000 dans l’enseignement supérieur.</p>
<h2>Un vrai succès</h2>
<p>Pour accompagner ce succès, le programme bénéficie de moyens humains et financiers de plus en plus importants : son budget pour la première période (1987-1989) était de 80 millions d’Euros. Il bénéficie pour la programmation 2014-2020 d’un budget de 14,7 milliards d’Euros.</p>
<p>Toute réussite doit nous inciter à nous interroger sur les pratiques existantes afin de les réinscrire, les renouveler, et aider à façonner de nouveaux succès. Les clés d’un tel succès sont de nos jours parfaitement détaillées aussi bien par le Ministère (<a href="http://bit.ly/2jXW8kt">MENESR</a>), par l’Agence <a href="http://bit.ly/2jViDnC">Erasmus+ France Education Formation</a> et son <a href="http://bit.ly/2kqXHZ3">Observatoire Erasmus</a>, par la <a href="http://bit.ly/2j7A4jV">presse</a>, etc.</p>
<h2>Ce qu’on y apprend, ce qu’on en retire</h2>
<p>Parmi tous les impacts positifs du programme qui ont déjà été identifiés, attardons nous sur l’un d’entre eux particulièrement important : les compétences retirées d’une participation au programme. Avoir participé au programme Erasmus+ accroît deux compétences transversales majeures : <strong>la citoyenneté active</strong> (adaptabilité, pensée critique, acceptation des autres, de leur culture et de leurs attitudes) et <strong>l’employabilité</strong> (résolution des problèmes complexes, assurance, connaissance de ses faiblesses et points forts, esprit de décision, ouverture d’esprit et goût du défi).</p>
<p>Grâce à ces compétences clés développées pendant sa mobilité, un étudiant Erasmus possède entre 20 et 30 % de plus de chances de trouver un emploi qu’un étudiant n’ayant pas bénéficié du programme, selon Elena Tegovska de la Direction générale de la Commission pour l’Education, (Commission relations internationales de la Conférence des Grandes Écoles du 20 janvier 2017). En tenant compte des dernières tendances globales ressenties dans la société depuis les deux dernières programmations Erasmus, quels pourraient être les axes forts de la prochaine programmation 2020-2027 ?</p>
<h2>La citoyenneté active</h2>
<p>Depuis 2009 l’UE a rappelé les « tensions observables et autres turbulences imprévisibles (appelé « <em>wild cards »</em>) qui pourraient façonner le monde les <a href="http://bit.ly/2khT9BX">deux prochaines décennies</a>.</p>
<blockquote>
<p>« Les migrants sont mus essentiellement par des raisons économiques ou par l’instabilité politique (réfugiés, demandeurs d’asile). On estime à 64 millions (soit 9 % de la population) le nombre d’immigrés vivant en <a href="http://bit.ly/2khT9BX">Europe</a> ».</p>
</blockquote>
<p>Adaptabilité, pensée critique, acceptation des autres, de leur culture et de leurs attitudes… voici des compétences transversales en lien avec la citoyenneté active dont l’Europe a et aura certainement besoin.</p>
<h2>L’employabilité</h2>
<p>L’employabilité a été évoquée avec plus de force. En 2008, l’initiative <em>« Des compétences nouvelles pour des emplois nouveaux » _(réalisée dans le cadre de la stratégie _« Europe 2020 »</em> qui vise à assurer une croissance intelligente,<a href="http://bit.ly/2jwOoaq">durable et inclusive</a>) a présenté une première évaluation des besoins futurs en matière de compétences et d’emplois.</p>
<p>L’un des constats de cette initiative est qu’il fallait mieux faire coïncider les futurs besoins du marché du travail et les connaissances, compétences et aptitudes acquises en <a href="http://bit.ly/2jDNcgy">formation</a>. Et ce d’autant plus que d’autres sujets de préoccupation (tels que la crise économique, la hausse du chômage et la baisse de la compétitivité) mettaient en relief la nécessité de former de futurs employés dans le cadre d’une stratégie de développement « qualitative » du capital humain : la crise économique globale entraînant un taux élevé de chômage, spécialement parmi les jeunes.</p>
<h2>La double contrainte</h2>
<p>Le besoin des compétences nouvelles émergentes pour faire face à la crise économique a été également relevé hors Europe par le rapport <a href="http://theatln.tc/1ljl27i"><em>Future Work Skills 2020</em></a>. Le rapport évoque que c’est vers les « qualités humaines » que s’orientent les professions et met en avant les compétences propres à l’homme : sa réflexion et son aptitude relationnelle. En 2011 dans son discours au « Forum économique mondial » de Davos, Jeffrey Joerres, PDG de Manpower Group, nous faisait part d’un <a href="http://bit.ly/2jYGvsI">ressenti identique</a> en évoquant « <em>l’ère des talents</em> » : une ère où les qualités humaines seraient le premier facteur de croissance économique et de création d’emploi. D’après lui, le « talent » serait le catalyseur du changement et le moteur du monde en termes à la fois économiques, politiques et sociaux.</p>
<p>En 2012, l’<a href="http://skills.oecd.org/">OCDE</a> constatait que la crise économique globale, qui entraînait entre autres un taux élevé de chômage spécialement parmi les jeunes, pouvait être atténuée à condition que la formation aux compétences transversales soit mieux adaptée aux besoins du marché du travail. En 2013, l’ESCO repérait un taux de chômage élevé et constatait que le besoin d’acquérir des compétences en lien avec le marché du travail restait <a href="http://bit.ly/2krtfhn">« un défi majeur pour l’Europe »</a>.</p>
<p>Enfin, le dernier rapport Cedefop (Centre Européen pour le Développement de la Formation Professionnelle) de 2016 souligne toujours les mêmes deux défis auxquels l’Europe devra continuer à faire face mais mis, cette fois-ci, « en miroir » : réduire le chômage tout en gérant la crise migratoire (« _The […] focus is now on reducing unemployment while facing <a href="http://bit.ly/2iqjA78">a migration crisis _ »)</a>.</p>
<p>Nous avons dit que le programme Erasmus a identifié deux axes d’impact fort à travers les compétences acquises lors des mobilités : l’employabilité et la citoyenneté active. Nous savons que les deux sont liés aux défis européens d’aujourd’hui et à ceux qui nous attendent dans la prochaine décennie.</p>
<p>En 2017, nous fêtons les 30 ans d’Erasmus dans un contexte politique et économique qui questionne notre identité européenne, déstabilise nos vieux schémas et bouscule les repères que les Européens ont mis tant de temps à construire. La future programmation Erasmus devra travailler sur ces deux champs de réflexion rarement mis, jusqu’à maintenant, aussi clairement en dialogue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72311/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En 2017, Erasmus fête ses 30 ans dans un contexte politique et économique qui questionne notre identité européenne, déstabilise nos vieux schémas et bouscule les repères des Européens.Graciela Padoani, Directrice des relations et du développement international / Associate Dean for International Developement, Institut Mines-Télécom Business School Denis Guibard, directeur de Télécom Ecole de Management, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.