tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/fanatisme-24861/articlesfanatisme – The Conversation2018-11-13T01:07:38Ztag:theconversation.com,2011:article/1063642018-11-13T01:07:38Z2018-11-13T01:07:38ZFans ! Enjeux marketing d’un phénomène devenu incontournable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/244284/original/file-20181107-74754-7r514o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C29%2C925%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La passion pour le cinéma, la musique ou la moto ne peuvent être compris que si l’on creuse dans la vie du consommateur à la recherche de conditions socio-culturelles qui l’ont poussé vers ces activités.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nd3000 / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Être fan » est aujourd’hui une expression utilisée couramment pour indiquer l’attachement que l’on a pour un sport, une star de la musique, une série télé, une marque de voiture, ou encore une marque ou un produit high-tech. On peut aussi être fan d'activités du quotidien comme, par exemple, du digital, du recyclage, du <em>healthy food</em> (Trad. : nourriture saine), etc. Bref, il y a des fans pour tout et les fans sont partout…</p>
<p>Mais qu’est-ce qu’un fan au fond ? Les fans sont généralement définis comme étant des consommateurs profondément attachés aux objets et aux activités de consommation avec lesquels ils construisent une relation émotionnelle. Ils montrent en parallèle une motivation toute particulière à tisser des liens avec d’autres fans partageant les mêmes intérêts. C’est grâce à cet attachement et à ces relations sociales qu’ils construisent leur identité et trouvent leur place en société. </p>
<h2>Les trois temps du phénomène fan</h2>
<p>Les fans ont pris une importance inédite ces dernières années. À l’origine, dans les années 1980, le phénomène était plutôt marginal. Les communautés de fans (ou fandoms) vivaient en marge de la société, voire en résistant à celle-ci. C’est à partir de années 1990 et surtout 2000 qu'ils ont gagné du terrain dans l’espace social et culturel. </p>
<p>Plus précisément, on peut identifier trois moments dans l’évolution du phénomène fan vis-à-vis de la société et de sa culture dominante : résistance, participation et activisme.</p>
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<li><p>Résistance : les sous-cultures de fans émergent comme étant des cultures marginales qui résistent à la culture dominante. Par exemple, dans les années 1980, les fans de Madonna – surtout les adolescentes – voyaient dans la chanteuse et dans ses textes un moyen d’acquérir une prise de conscience de soi, d'établir une solidarité intra-générationnelle et résister ainsi aux contraintes sociales liées à leur statut. </p></li>
<li><p>Participation : les fans groupés en collectifs - dits communautés, tribus ou, plus en général, fandoms - cohabitent avec la société, plutôt que de lui résister. Au sein de ces collectifs, les fans participent à la création de valeurs alternatives à celle de la culture dominante en détournant le sens des objets et des marques produits par le système capitaliste. Le géant américain du numérique Apple doit par exemple une grosse partie de son succès (et de sa survie dans les années sombres) au sens quasi religieux que les fans ont associé à ses produits et au mythe qu’ils ont construit autour de la marque et de son fondateur Steve Jobs. </p></li>
<li><p>Activisme : les fans utilisent les valeurs et la culture développées au sein des fandoms pour challenger et changer la culture dominante. Dans ce contexte, la marque devient un dispositif quasi politique qui règle le rapport à la société. Les exemples sont nombreux : la <a href="https://www.thehpalliance.org/">Harry Potter Alliance</a>, groupement de fans du célèbre apprenti sorcier et de son univers imaginé par JK Rowling, poursuit des actions humanitaires et politiques ; en Italie, les fans du comédien Beppe Grillo ont organisé un <a href="https://theconversation.com/le-mouvement-5-etoiles-en-italie-lecture-marketing-dun-phenomene-politique-inclassable-93547">mouvement politique</a> inspiré par ce dernier, et ils dirigent aujourd’hui le pays ; citons enfin Nike, qui a choisi la joueur de football américain Colin Kaepernick pour sa campagne Dream Crazy. L'équipementier américain, toujours à la pointe en marketing, va là exactement dans le sens de l’activisme des fans, puisque Kaepernick est aussi - si ce n'est plus - réputé pour ses prises de positions politiques que pour ses performances sportives. Nike fait ainsi passer le message suivant : le sport, et donc la marque Nike, n'est plus qu'un moyen de tester ses limites, mais aussi de faire progresser le monde face à toutes sortes d’inégalités, de préjugés et d'injustices. </p></li>
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<figcaption><span class="caption">« Dream crazy », la dernière campagne publicitaire de Nike qui met en scène le joueur militant Colin Kaepernick.</span></figcaption>
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<h2>Idéologie consumériste et fanatisme</h2>
<p>Le mot « fan » dérive de « fanatisme ». Le fanatisme est un processus historique et culturel qui génère de nouvelles valeurs et de nouvelles logiques de fonctionnement, puis les injecte dans la société en modelant sa culture et déterminant le changement social. Traditionnellement, le fanatisme se nourrit d’idéologies religieuses ou politiques. Aujourd’hui, il se nourrit aussi de l’idéologie consumériste. </p>
<p>Si, par le passé, le croisement entre fanatisme, religion et politique a donné lieu à des épisodes tragiques et à des changements radicaux (par exemple, les guerres entre catholiques et protestants, ou encore la Révolution et la Terreur en France), le fanatisme lié à la consommation et, en particulier, aux marques semble être moins traumatisant. Néanmoins, les changements apportés par ce fanatisme de marque ont un impact majeur sur la culture à part entière de nos sociétés. Il suffit de réfléchir à comment la logique du partage propre à la culture fan a remplacé celle, traditionnelle, de la possession. On retrouve aujourd'hui cette logique à la base de nombreux business, en particulier dans le digital. </p>
<p>C’est au travers la tension continuelle entre fanatisme et société que les marques s’intègrent de plus en plus dans l’ensemble des dynamiques et des interactions sociales qui forgent les expériences de vie des consommateurs et, par conséquent, leurs identités. Ce qui semble en effet véritablement générer l’attachement des fans à la marque est la tension sous-jacente à ces temps du phénomène fan qui oppose les individus à la société qui les entoure. Tension qui émerge en surface, d’abord sous forme de résistance, puis de participation et, enfin, d’activisme. </p>
<p>Aujourd'hui, le véritable enjeu pour les marketers est de comprendre ce qui oppose le consommateur à son contexte social et le rôle que la marque joue (ou peut jouer) dans cette tension. Pour ce faire, les marketers doivent aller vers les fans en cherchant des enseignements dans leur vécu personnel et leurs propres expériences de consommation. L’amour pour le sport, l’art ou les jeux vidéo, la dévotion pour une célébrité, la passion pour le cinéma, la musique ou la moto ne peuvent être compris pleinement que si l’on creuse dans la vie du consommateur à la recherche des conditions socio-culturelles qui l’ont poussé vers ces activités de consommation et du sens qu’il leur attribue. Et pour cela, au passage, le big data, ne nous est pas d’une très <a href="https://theconversation.com/pourquoi-enseigner-lethnographie-aux-managers-a-lere-des-big-data-106028">grande aide</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106364/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregorio Fuschillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les différentes évolutions des fans sont étroitement liées aux tensions qui existent entre l'individu et la société. Une perspective riche d'enseignements pour les marketers.Gregorio Fuschillo, Professeur assistant de marketing et de consumer culture « theory », Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/742002017-03-14T22:20:09Z2017-03-14T22:20:09ZFace à la montée des fondamentalismes : pour une plus grande association entre l’État et la société civile<p><em>Troisième et dernier volet de notre série sur les nouvelles voies possibles pour lutter contre le fondamentalisme et la radicalisation des jeunes avant le <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/content/etat-religions-laicite-les-nouveaux-fondamentalistes-enjeux-nationaux-et-internationaux">colloque de ce mercredi 15 mars</a> au Collège des Bernardins, à Paris.</em></p>
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<p>À bien des égards, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) dirigé par Muriel Domenach a fait un <a href="http://www.interieur.gouv.fr/SG-CIPDR/CIPDR/Actualites/Journee-d-echanges-sur-la-prevention-de-la-radicalisation">travail important et utile</a> en s’appuyant sur les grands réseaux associatifs de la prévention spécialisée, des maisons d’adolescents, des écoles de parents, etc. Le CIPDR, qui a doublé le budget (en 2017, 122 millions d’euros) du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et qui a multiplié par trois ses effectifs, s’appuie sur des spécialistes compétents du désembrigadement tel que le <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Bronner-G%C3%A9rald--19553.htm">sociologue Gérald Bronner</a>.</p>
<p>Dans la nouvelle stratégie de prévention de la délinquance qu’il prépare pour 2017-2023, le CIPDR gagnerait à s’appuyer également sur les réseaux des cultes et sur les aumôneries qui ont le grand avantage d’être reconnues par la loi de 1905 et d’être présentes <a href="http://www.lagazettedescommunes.com/490888/prevention-de-la-radicalisation-muriel-domenach-repond-aux-polemiques/">dans toute la France</a>.</p>
<h2>Pour une laïcité de reconnaissance</h2>
<p>Il apparaît donc comme nécessaire, en premier lieu, de favoriser en France, comme c’est déjà le cas au moins sur le plan juridique, au niveau européen, une laïcité de reconnaissance qui ne cantonne pas le religieux à la sphère privée (chose impossible, en réalité) sans pour autant remettre en question la nécessaire et bien comprise <a href="http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes7/MOUANNES.pdf">neutralité de l’État</a> (indépendance et impartialité, selon Georges Vedel). Ceci est possible dès lors que les religions et les courants convictionnels recherchent activement à mettre en œuvre les principes républicains. L’ensemble des forces actives de la société pourront ainsi être mobilisées en amont par l’État pour participer à la conception mais aussi pour relayer les campagnes de prévention contre les phénomènes d’embrigadements sectaires et djihadistes. C’est ce que recommandent <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2015-4-page-171.htm">Asiel El Difraoui et Milena Uhlmann</a>, deux spécialistes de la prévention de la radicalisation en Europe.</p>
<p>Elles pourront également être appelées à collaborer au travail de désengagement et de repentir de la part des anciens djihadistes. Il est nécessaire de soutenir toutes les personnes comme <a href="http://pluzz.francetv.fr/videos/infrarouge_,154396074.html">Latifa</a> Ibn Ziaten et toutes les associations – comme celle de Hanane Charrihi et Elena Brunet, <a href="http://www.saphirnews.com/Ma-mere-patrie-par-Hanane-Charrihi-et-Elena-Brunet_a23501.html">auteures</a> de <em>Ma mère patrie</em>) –, qui luttent en amont contre la radicalisation et qui cherchent à accueillir les djihadistes repentis souhaitant se réinsérer dans la société.</p>
<p>L’outil développé par Pierre Winicki, les <a href="http://www.winicki-conseil.com/presentation">arbres de la confiance</a>, visant à mesurer les niveaux de confiance, ou de défiance de soi, des adolescents, afin de mieux pouvoir aider les jeunes, mérite également d’être reconnu et utilisé par les pouvoirs publics.</p>
<h2>Formation à la culture éthique et religieuse</h2>
<p>Dans le monde scolaire, on veillera non seulement à renforcer les « fondamentaux » de la culture commune mais aussi à favoriser tout ce qui contribue à l’apprentissage personnalisé, à la formation à la culture éthique et religieuse, selon les <a href="https://book.coe.int/eur/fr/instruments-juridiques/4319-dimension-des-religions-et-des-convictions-non-religieuses-dans-l-education-interculturelle-recommandation-cm-rec200812-et-expose-des-motifs.html">recommandations du Conseil de l’Europe</a>, et aux formations transdisciplinaires, comme le préconisent <a href="http://www.paroleetsilence.com/Savoirs-en-question_oeuvre_11866.html">Claude Berruer</a> et <a href="http://basarab-nicolescu.fr/BOOKS/TDRocher.pdf">Basarab Nicolescu</a>.</p>
<p>Il faut se féliciter du <a href="http://sitecoles.formiris.org/?WebZoneID=590&ArticleID=6939">projet de l’enseignement catholique sur l’éthique républicaine</a> lancé en 2015, avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale, autour de 5 grands chantiers – laïcité et religions ; accueil des diversités et exclusions ; articulation et mobilisation des savoirs ; éducation relationnelle et coopération ; soutien à la parole des éducateurs – afin de répondre aux questions existentielles des jeunes et aux besoins criants de formation des enseignants et personnels de vie scolaire mais aussi des parents d’élèves.</p>
<p>Ce projet a pu être mis en œuvre grâce à la mobilisation exceptionnelle de Formiris, structure en charge de la formation continue au sein de l’enseignement catholique. Il conviendra également de soutenir des initiatives de formation à la culture éthique et religieuse telles que <a href="http://www.agapan.fr/">Agapan</a>, au Collège des Bernardins (à destination des enseignants et personnels de vie scolaire en France et en Outre-Mer <a href="http://www.agapan.fr/2016/09/22/9-10-novembre-2017-session-de-formation-on-dire-ecrire/">grâce à Internet</a>) ayant reçu le soutien des responsables de culte et de l’<a href="http://www.gouvernement.fr/documents-de-l-observatoire-de-la-laicite">Observatoire national de la Laïcité</a>. Le programme de recherche de l’université catholique de Lyon sur les <a href="http://pluriel.fuce.eu/thematique/fondamentalisme-religieux/">fondamentalismes religieux</a>, et la formation Emuna, à l’IEP de Paris, (à destination des responsables de culte et des aumôniers de prison) sont également exemplaires.</p>
<p>On veillera enfin à promouvoir une culture du respect en général (cf. la <a href="https://www.leforumderegardsprotestants.fr/charte-pour-une-parole-publique-credible/">Charte pour une parole publique crédible</a> de Olivier Abel et Séverine Daudé) et plus particulièrement sur Internet, une interdiction des sites faisant la promotion de la violence ou propageant sciemment des thèses complotistes.</p>
<p>Toutes les initiatives telles que le <a href="http://www.respectzone.org/fr/">label Respect zone</a> ou les projets visant, à partir d’une charte éthique, à informer sur les sites de <a href="http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/05/09/contre-la-propagande-djihadiste-en-ligne-le-gouvernement-se-tourne-vers-le-secteur-prive_4916283_4408996.html">propagande</a> ou de <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/02/03/decodex-vos-questions-nos-reponses_5074358_4355770.html">désinformation</a> sont les bienvenues.</p>
<p>Dans tous les cas, il est nécessaire de développer la recherche appliquée sur les contre-discours à la propagande des organisations terroristes et on formera tous les personnels d’encadrement à lutter contre la désinformation.</p>
<p>On recommande enfin au CIPDR de soutenir <a href="http://www.coexister.fr/">toutes les initiatives associatives et de médiation</a> faisant la promotion du <a href="http://www.ensembleavecmarie.org/">dialogue interreligieux</a> et de la fraternité : <a href="http://www.santegidio.org/pageID/1/langID/fr/idLng/1063/HOME.html">Communauté de Sant Egidio</a>, la <a href="http://www.immeublesenfete.com/">Fête des voisins</a> le Mouvement pour la <a href="https://www.fraternite-generale.fr/le-mouvement-fraternite-generale">Fraternité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74200/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Arjakovsky travaille pour le Collège des Bernardins</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine de Romanet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la nouvelle stratégie de prévention de la délinquance qu’il prépare pour 2017-2023, le gouvernement gagnerait à s’appuyer sur la société civile et sur les cultes en particulier.Antoine Arjakovsky, Historien, Co-directeur du département «Politique et Religions», Collège des BernardinsAntoine de Romanet, Co-directeur du département «Politique et Religions», Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/738062017-03-12T20:24:21Z2017-03-12T20:24:21ZDiagnostic sur la montée des fondamentalismes en France et sur ses conséquences<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/159995/original/image-20170308-24198-15797l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Après le choc des attentats, la « marche républicaine » du 11 janvier 2015.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mayanais/16261512022/in/photolist-quBQ4x-qM3LTB-qJKxeu-qLYuYW-pQ3hyj-quuvsb-pQgFmB-qLT92z-qLYc8f-qJKxEu-quBJDp-pQ3iNd-qLYqxm-quC3RB-qLTkEp-pQgkqe-quBRaF-qLY7Jq-qM3odg-qJKsYW-quCb78-qM3mYn-pUuL55-quC62D-qLYwAy-quuk2G-qLYf4L-pUHtgi-qLTEy6-quANgt-qyVDi5-qRkzR4-qM3Fdi-quBHwp-pUHAf8-pUu7AY-qz4TA6-pUu9Td-qRpcgN-qPco8Y-qRpPgd-qRuE8B-pUH5W8-qRqeXY-qyVZFw-qyVk3C-qyVnky-pUu2uW-quu7NJ-pQgcGi">Maya-Anaïs Yataghène</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte a été rédigé par les auteurs suivants : Antoine Arjakovsky, Bernard Bourdin, Anne Flambert, Patrice Obert, Guillaume de Prémare, Dominique Reynié, Antoine de Romanet</em></p>
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<p>Depuis les attentats commis les 7-9 janvier 2015 à Paris la question des nouveaux fondamentalistes, mais aussi celle de l’équilibre entre l’État et les religions existant en France, à travers le principe de laïcité, ont fait l’objet de <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/recherche/etats-religions-laicites-les-nouveaux-fondamentalistes-enjeux-nationaux-et-internationaux">multiples analyses</a>.</p>
<p>Le séminaire de recherche du Collège des Bernardins, mené en partenariat avec Fondapol, la Faculté des sciences sociales de l’ICP, les associations Ichtus et Les poissons roses, a été préparé au printemps 2014, en amont de la tragédie de <em>Charlie Hebdo</em> et de l’Hyper Cacher de Vincennes.</p>
<p>Il s’est constamment adapté depuis à l’évolution des événements qui ont endeuillé la France et le monde par la suite. Plusieurs séances publiques ont eu lieu au Collège des Bernardins avec la participation de <a href="https://theconversation.com/la-france-en-etat-de-choc-le-besoin-de-fierte-53092">Pierre Manent</a>, <a href="https://theconversation.com/la-france-en-etat-de-choc-3-montrer-le-corps-civique-en-train-de-se-faire-53024">Frédéric Louzeau</a>, <a href="https://theconversation.com/la-france-en-etat-de-choc-changer-de-regard-sur-lislam-53512">Rachid Benzine</a>, <a href="https://theconversation.com/la-france-en-etat-de-choc-4-la-nation-de-marque-chretienne-et-les-questions-oubliees-53202">Giulio de Ligio</a>, Antoine Arjakovsky, Fabienne Keller, Dounia Bouzar, Antoine de Romanet. On trouvera un compte rendu des interventions des 35 personnes auditionnées sur les sites du Collège des Bernardins et des partenaires. On a veillé également à partager immédiatement et en continu, entre 2015 et 2017, le fruit de nos travaux grâce à nos partenaires média, en particulier <em>La Croix</em>.</p>
<p>On trouvera ci-dessous un diagnostic, réalisé par le Conseil scientifique du séminaire, du bouleversement en France de l’équilibre « État-religions-laïcité » provoqué par la montée des nouveaux fondamentalismes. Ce diagnostic sera présenté lors d’un <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/content/etat-religions-laicite-les-nouveaux-fondamentalistes-enjeux-nationaux-et-internationaux">colloque</a> qui se tiendra au Collège des Bernardins le 15 mars 2017 sur ce thème. Ce colloque visera, en outre, à discuter un certain nombre de propositions sur les justes voies du désembrigadement des jeunes fondamentalistes mais aussi sur les moyens possibles, tant pour l’État que pour les religions, de proposer des chemins de sens <a href="http://www.fondapol.org/debats/etats-religions-laicites-les-nouveaux-fondamentalistes-enjeux-nationaux-et-internationaux/%22%20http://www.fondapol.org/debats/etats-religions-laicites-les-nouveaux-fondamentalistes-enjeux-nationaux-et-internationaux/">face aux évolutions du monde</a>.</p>
<h2>Cultiver un espace commun</h2>
<p>Le phénomène du fondamentalisme n’est pas nouveau. Il se trouve en germe dans la jalousie qui fit de Caïn le premier meurtrier de l’humanité. On le retrouve dans l’orgueil qui anima les disciples du Christ lorsque ces derniers souhaitèrent faire tomber la foudre sur les villages ayant refusé leur parole évangélisatrice (Luc 9, 51-56). Il est présent également dans l’interprétation wahhabite du djihad.</p>
<p>Il peut être caractérisé par un refus résolu de penser ensemble la foi et la culture, mais aussi le respect de la loi avec le devoir de justice. Il est possible, cependant, de concilier des institutions justes et un travail de conscientisation par chacune de ses propres pulsions.</p>
<p>Il est possible également de cultiver le principe de laïcité – c’est-à-dire d’indépendance et d’impartialité de l’État, mais aussi des religions par rapport à l’État – sans pour autant le transformer en instrument de propagande de l’agnosticisme ou d’une vérité idéologique. Un État neutre ne signifie pas un État sans convictions. Au contraire, l’État juste se doit, dans le respect de la liberté de conscience de chacun, de cultiver un espace commun d’expérience citoyenne et un horizon partagé de justice.</p>
<h2>Nihilisme doux et nihilisme violent</h2>
<p>Le monde est confronté aujourd’hui à des nouveaux fondamentalismes. On trouve, d’une part, une recrudescence du fondamentalisme religieux, et notamment du fondamentalisme islamiste, idéologie se revendiquant d’un islam retrouvé dans sa pureté originelle. Celui-ci a emporté déjà dans ses rets plusieurs milliers d’enfants nés et éduqués en France.</p>
<p>On trouve, d’autre part, une autre réalité, elle aussi dévastatrice, qui ne dit pas son nom, mais qui détruit progressivement l’ensemble des repères capables de donner sens à l’aventure collective nationale. L’ultra-modernité individualiste et financière en est le visage insaisissable. De fait, la modernité traverse une crise de fondement.</p>
<p>Mais la réponse apportée par le fondamentalisme dit « religieux », le fantasme de l’âge d’or des origines, est évidemment dangereuse. Elle est révélatrice, cependant, du besoin de « sens » des jeunes, de plus en plus confrontés à un « individualisme radical ». À une ultra-modernité financiarisée et individualiste, qui distille un nihilisme doux, répond un fondamentalisme djihadiste intégriste porteur d’un nihilisme violent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159998/original/image-20170308-24192-vz0br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159998/original/image-20170308-24192-vz0br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159998/original/image-20170308-24192-vz0br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159998/original/image-20170308-24192-vz0br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159998/original/image-20170308-24192-vz0br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159998/original/image-20170308-24192-vz0br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159998/original/image-20170308-24192-vz0br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’embrigadement d’une jeune fille, dans le film « Le ciel attendra ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-245618/photos/detail/?cmediafile=21329764">AlloCiné/Guy Ferrandis</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ce cercle vicieux aboutit aujourd’hui à une crise majeure qui se déploie dans quatre dimensions : crise écologique, crise sociale, crise culturelle et crise économique. Cette situation extrêmement préoccupante souligne le manque de liens : entre les gens, entre l’humain et la nature/création, entre la société civile et le pouvoir politique, entre l’humain et le divin/sacré. Or, sans ces liens, les sociétés ne peuvent espérer perdurer.</p>
<h2>Favoriser la cohésion culturelle</h2>
<p>La société française se trouve en situation paradoxale : elle exalte la liberté individuelle et la diversité culturelle, mais elle se raidit lorsque cette diversité se déploie concrètement. Elle découvre qu’il est difficile de reléguer strictement la religion dans la croyance intime ; elle redécouvre que le fait religieux est en quelque sorte « producteur de mœurs ».</p>
<p>Elle tend, par ailleurs, à appréhender les religions indistinctement, sans penser suffisamment les spécificités de l’islam comme phénomène social et culturel. La loi et le principe de laïcité n’ont pas suffi à répondre aux défis posés par des manières de vivre (vêtement, nourriture, mixité) qui sont la manifestation culturelle du fait religieux musulman. Vivre ensemble implique la traduction pratique de manières de vivre communes, donc un minimum de cohésion culturelle.</p>
<p>Dans cette optique, la valorisation et le partage de la culture française et européenne – histoire, patrimoine, littérature, anthropologie, art de vivre, etc. – constituent des facteurs déterminants du modus vivendi à faire émerger. Il s’agit d’aimer et de faire aimer ce qui nous constitue.</p>
<h2>Penser à nouveau la nation</h2>
<p>La conception française de la nation est liée au contrat social depuis la Révolution française. Il n’en demeure pas moins que la Troisième République, qui s’est voulue héritière de la Révolution, a dû renouer avec l’histoire française depuis la royauté, jusqu’à faire mémoire de « nos ancêtres les Gaulois ». Preuve en est qu’une fondation rationnelle n’est pas suffisante pour créer un sentiment d’appartenance. Tout peuple a besoin d’un récit historique, voire de mythes fondateurs. Les notions de récit historique (et surtout de roman national) et de mythes apparaissent pourtant anachroniques en ce début du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159993/original/image-20170308-24226-auxoa2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159993/original/image-20170308-24226-auxoa2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159993/original/image-20170308-24226-auxoa2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159993/original/image-20170308-24226-auxoa2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159993/original/image-20170308-24226-auxoa2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159993/original/image-20170308-24226-auxoa2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159993/original/image-20170308-24226-auxoa2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« La liberté guidant le peuple », d’Eugène Delacroix.</span>
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<p>C’est pourtant aussi dans ce contexte de désaffiliation politique dont témoignent la violence religieuse et le retour du nationalisme que l’idée de nation redevient pertinente. Il convient dès lors de la penser à nouveaux frais. Communauté politique dans l’histoire, elle est à même de répondre aux défis de toutes les formes de fondamentalisme. De surcroît, elle n’est pas, contrairement à une idée reçue, antinomique avec la construction d’un espace européen. Comprise comme particularité ouverte à l’universel, elle en est même une condition majeure.</p>
<h2>Donner du sens à la globalisation</h2>
<p>On fera l’hypothèse que l’on ne peut comprendre les nouveaux fondamentalismes sans prendre la mesure des puissances déstabilisatrices qui travaillent en profondeur notre époque et notre monde. Parmi celles-ci, il faut compter les innovations technologiques et scientifiques. Le posthumanisme se distingue de l’humanisme classique de la Renaissance. Il résulte d’une prodigieuse accélération du savoir, tout particulièrement des sciences et techniques situées au confluent de la biologie, des nanotechnologies, de l’informatique et des sciences cognitives.</p>
<p>Poser ces questions, précisément « fondamentales », partager nos espoirs et nos doutes, s’interroger sur les conditions qui permettront de placer ces nouveaux progrès de la connaissance au service d’une humanité fidèle à son impératif de dignité sera aussi l’une des voies permettant de résorber l’émergence et l’expression des nouveaux fondamentalismes. Ils sont l’expression d’un désarroi considérable devant le bouleversement du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73806/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Arjakovsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On ne peut comprendre les nouveaux fondamentalismes sans prendre la mesure des puissances déstabilisatrices qui travaillent en profondeur notre époque et notre monde.Antoine Arjakovsky, Historien, Co-directeur du département «Politique et Religions», Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/683562016-11-07T21:04:12Z2016-11-07T21:04:12ZLe terrorisme, cet éternel recommencement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/144899/original/image-20161107-4708-16mvawv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8942%2C6435&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Attentat anarchiste, à la fin du XIXᵉ siècle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wipedia/DR</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Cette société infecte doit être découpée en plusieurs catégories, la première comprend tous ceux qui doivent être immédiatement condamnés à mort » (Netchaïev, 1869)</p>
</blockquote>
<p>Ces propos d’une extrême violence, que l’on s’attendrait à rencontrer dans un communiqué de l’organisation État islamique ou d’Al Qaïda, ont été tenus il y a plus d’un siècle par un terroriste russe, <a href="https://books.google.fr/books?id=hgdsCgAAQBAJ&pg=PT92&dq=Histoire+du+Terrorisme:+De+l%E2%80%99Antiquit%C3%A9+%C3%A0+Daech+netchaiev&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiu5qegvZTQAhVBuhoKHXFzBt4Q6AEIJjAA">Netchaïev</a> dans son <a href="http://kropot.free.fr/Netchaiev-catechismeR.htm">« catéchisme du révolutionnaire »</a>. Le terrorisme djihadiste qui nous paraît si nouveau, voire étrange, ne fait souvent que réinvestir des pratiques anciennes que le terrorisme marxiste-léniniste de l’après-guerre, caractérisé par son souci d’organisation, de cohérence tactique, stratégique et idéologique, nous a fait oublier.</p>
<p>Si l’on s’intéresse aux terrorisme anarchiste et au terrorisme russe du XIX<sup>e</sup> siècle, on retrouve en effet de nombreux points communs avec ce « nouveau » terrorisme djihadiste que certains acteurs politiques associent de manière indiscriminée à une nouvelle forme de fanatisme religieux. La création récente de centres de « déradicalisation » s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement de cette vision.</p>
<p>En fait, la pratique terroriste, de par ses fortes contraintes, détermine certains types d’actions et de comportements. À titre d’exemple, l’expression fréquemment utilisée aujourd’hui de « loup solitaire » qui désigne un individu agissant seul et de son propre fait. Ce phénomène qui nous paraît totalement nouveau, fait référence à un mode d’action omniprésent dans le terrorisme anarchiste de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Associé à l’individualisme, l’amateurisme de ces terroristes en herbe est également une constante du terrorisme anarchiste de cette époque. En ces temps, l’on considérait que l’idéologie anarchiste conduisait tout naturellement à une <a href="https://books.google.fr/books?id=hgdsCgAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr">pratique individualiste du terrorisme</a> ; aujourd’hui, on considère qu’elle résulte d’un processus de radicalisation.</p>
<p>En réalité, il s’agit d’une modalité de l’action terroriste, les individus agissant seuls sont plus difficiles à repérer. Pour mieux comprendre ces « invariants » de l’action terroriste, nous avons sélectionné trois points communs qui nous paraissent particulièrement pertinents : les sources de motivation des terroristes, leur rapport à la vie, leur individualisme et – par voie de conséquence – leur amateurisme.</p>
<h2>Sources de motivation</h2>
<p>Plus que le fanatisme, qu’il soit idéologique ou religieux, il semblerait que le mobile premier de ces terroristes soit le ressentiment voire une hostilité affirmée envers la société et, dans certains cas, un désarroi individuel. Pour Netchaïev, « la société est infecte » et « le révolutionnaire exècre et abhorre l’éthique sociale existante ». Il est « impitoyable envers la société éduquée et privilégiée ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144901/original/image-20161107-4704-1eqvs6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144901/original/image-20161107-4704-1eqvs6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144901/original/image-20161107-4704-1eqvs6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144901/original/image-20161107-4704-1eqvs6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144901/original/image-20161107-4704-1eqvs6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=857&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144901/original/image-20161107-4704-1eqvs6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=857&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144901/original/image-20161107-4704-1eqvs6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=857&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portrait du militant anarchiste « Ravachol ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fdctsevilla/4157073049/in/photolist-7km5Zg-6XVSzC-bxXhEx-bxXhGp-Eijid6-DT4wQD-EpeeWL-bkwiM5-Eg6RXJ-EeD6r6-byrcg4-byrca6-bxXhDv-EpeeR5-bkwiKj-Eky1cN-EeD6PF-bycRD6-bkhWYQ-bkwiQA-9q4Pdn-8m4ufQ-EnT3dR-9q7QLs-9q4NSv-9q4P6V">Fondo Antiguo de la Biblioteca de la Universidad de Sevilla/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Cela est particulièrement vrai pour les anarchistes qui agissent souvent par réaction. Ainsi François Claudius Kœnigstein, dit <a href="https://infokiosques.net/spip.php?article10">Ravachol</a>, fait exploser le domicile du substitut Bulot pour venger la condamnation lourde de trois manifestants anarchistes que ce dernier venait d’obtenir. Vaillant, jetant une bombe dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, agit par désespoir social. Lors de son procès, il affirma avoir <a href="https://books.google.fr/books?id=hgdsCgAAQBAJ&pg=PT85&lpg=PT85&dq=au+moins+la+satisfaction+d%27avoir+bless%C3%A9+la+soci%C3%A9t%C3%A9+actuelle&source=bl&ots=y3gsOQK90x&sig=7MQC3IB-6ahGmZpIigdCqV-E9A0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj4g7rV6JLQAhWEDBoKHZ_ECPYQ6AEIHTAA">« au moins la satisfaction d’avoir blessé la société actuelle »</a> et revenant sur son désespoir de ne pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, il explique avoir voulu une mort utile qui symbolise <a href="https://books.google.fr/books?id=hgdsCgAAQBAJ&pg=PT85&lpg=PT85&dq=au+moins+la+satisfaction+d%27avoir+bless%C3%A9+la+soci%C3%A9t%C3%A9+actuelle&source=bl&ots=y3gsOQK90x&sig=7MQC3IB-6ahGmZpIigdCqV-E9A0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj4g7rV6JLQAhWEDBoKHZ_ECPYQ6AEIHTAA">« le cri de toute une classe qui revendique ses droits et qui bientôt joindra les actes à la parole »</a>.</p>
<p>Les informations dont nous disposons sur les terroristes djihadistes ayant sévi depuis 2012 ne nous permettent pas d’établir avec précision leur profil psychologique. <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/02/07/moussa-coulibaly-agresseur-des-militaires-a-nice-mis-en-examen-et-ecroue_4572132_3224.html">Moussa Coulibaly</a>, auteur d’une attaque au couteau en 2015 aurait exprimé sa « haine de la France ». Il semble raisonnable d’émettre l’hypothèse que l’auteur de l’attentat de Nice était davantage mû par une aversion à l’égard de ses concitoyens que par des troubles psychiatriques. Il est d’ailleurs curieux de signaler que plusieurs terroristes anarchistes du XIX<sup>e</sup> ont été considérés comme des « fous » et condamnés par des intellectuels anarchistes eux-mêmes. Des chercheurs comme <a href="https://theconversation.com/expliquer-la-radicalisation-portrait-robot-du-djihadiste-maison-53770">Fahrad Khosrokhavar</a> et <a href="http://www.regards.fr/web/article/alain-bertho-une-islamisation-de">Alain Bertho</a> s’orientent, quant à eux, vers l’expression d’un ressentiment liée à une sorte de désespoir social lorsqu’ils s’interrogent sur les motivations des terroristes djihadistes en France.</p>
<p>Ce qui semble également apparaître au vu des profils de ces terroristes, c’est leurs liens, comme il en fut pour les anarchistes, avec des formes de délinquance. Dans les deux cas, le passage à une action violente à caractère idéologique prend la forme d’une rédemption qui leur permet de structurer leur ressentiment.</p>
<h2>Rapport à la vie</h2>
<p>Pour Netchaïev « le révolutionnaire est un homme perdu d’avance ». <a href="https://books.google.fr/books?id=b1bG7_DmbngC&pg=PA58&lpg=PA58&dq=le+terroriste+combine+en+lui+les+deux+sommets+sublimes+de+la+grandeur+humaine&source=bl&ots=cnKV-ycGkk&sig=gZTYhyV69ufqvLoLhsG0zz-dCII&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjwyZmLv5TQAhVH1xoKHVD3AfgQ6AEIHzAB">Kravtchinski</a> (1863), lui, considérait que « le terroriste combine en lui les deux sommets sublimes de la grandeur humaine : le martyr et le héros. Du jour où il jure du fond du cœur, de libérer son peuple et sa patrie, il sait qu’il est voué est à la mort. »</p>
<p>Plus prosaïquement, le magazine <em>Inspire</em> (édité par Al Qaïda Péninsule Arabique), dans son édition de l’automne 2010, explique comment mener une <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/031016/attentats-de-nice-et-magnanville-la-filiale-d-al-qaida-qui-inspire-les-terroristes?onglet=full">attaque avec un véhicule utilitaire</a> en précisant bien que ce type d’action, de par sa nature et ses contraintes techniques, est une opération sans espoir de retour.</p>
<p>Comme l’avaient compris les terroristes russes du XIX<sup>e</sup> siècle, pour être efficace, il est nécessaire d’être « libéré » de toute préoccupation quant à son propre sort. C’est ainsi qu’en 1881, <a href="https://books.google.fr/books?id=hgdsCgAAQBAJ&pg=PT98&lpg=PT98&dq=Grinevietzki&source=bl&ots=y3gsOQK72G&sig=fFcKQf5x3zlN5an88SU3avhJZic&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiIqY6E6JLQAhWEJhoKHUyMD9wQ6AEIHTAA">Grinevietzki</a> s’approche du convoi impérial d’Alexandre II et fait exploser sa bombe, il n’en réchappera pas, le tsar non plus. De la même façon, lorsque le macédonien « Vlada » <a href="http://www.ina.fr/video/3964873001">tire sur le roi de Yougoslavie</a> et le tue, en 1934 à Marseille, il sait que ses chances de survie sont minces. Il meurt le soir même.</p>
<p>Séparé de sa propre vie, le terroriste entretient un rapport particulier avec la vie des autres. Pour Netchaïev, le révolutionnaire ne mérite pas de l’être « s’il ressent de la pitié pour qui que ce soit en ce monde ». Seuls comptent l’efficacité et l’action. Alors que les premiers attentats anarchistes étaient ciblés, une évolution se fait sentir dans l’assimilation de tous les membres d’une classe sociale honnie – la bourgeoisie – à l’ennemi à abattre. C’est ainsi qu’en 1893, Santiago Salvador lance deux bombes sur le public du Grand Théâtre du Liceu de Barcelone faisant plus de 20 morts.</p>
<p>Chez les djihadistes européens, cette évolution vers des cibles civiles indiscriminées s’est faite de manière nettement plus rapide, comme le montre la trajectoire de <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/07/15/les-principaux-attentats-en-france-depuis-2012_4970357_3224.html">Mohamed Merah</a> en 2012.</p>
<h2>Individualisme et amateurisme</h2>
<p>Le phénomène du loup solitaire, on l’a dit, n’est pas nouveau. C’est même une constante de l’action anarchiste. Au XIX<sup>e</sup> siècle, ce mode d’action est associé à la doctrine anarchiste elle-même. Cela n’exclut pas, bien au contraire, des actions commises dans un cadre collectif. Cette indépendance d’action constitue, comme aujourd’hui, une protection imparable contre des tentatives d’infiltration de la police.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144906/original/image-20161107-4718-lm3vpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144906/original/image-20161107-4718-lm3vpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144906/original/image-20161107-4718-lm3vpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144906/original/image-20161107-4718-lm3vpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144906/original/image-20161107-4718-lm3vpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144906/original/image-20161107-4718-lm3vpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144906/original/image-20161107-4718-lm3vpy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Extrait du magazine « Inspire », automne 2010.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Chez les anarchistes, les actions individuelles étaient encouragées par des publications incitant à l’action. Elles comportaient des rubriques « anti-bourgeoises » expliquant comment fabriquer soi-même une bombe. D’une certaine façon, le <a href="http://www.lemonde.fr/international/article/2013/05/31/inspire-la-bible-du-djihadiste-solitaire_3421026_3210.html">magazine <em>Inspire</em></a> d’Al Qaïda avec ses <a href="http://www.linternaute.com/actualite/societe/1209702-inspire-l-incroyable-magazine-pratique-des-jihadistes/1210167-recette-bombe">rubriques « pratiques »</a> en serait le lointain héritier.</p>
<p>L’amateurisme des terroristes djihadistes agissant à titre individuel est également une constante des anarchistes. Si certains comme Ravachol ou <a href="https://www.cairn.info/revue-parlements1-2010-2-page-159.htm">Émile Henry</a> se montrent particulièrement doués, d’autres font preuve de maladresse. Ainsi <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Am%C3%A9d%C3%A9e_Pauwels">Amédée Pauwels</a> qui voulant commettre un <a href="http://www.estelnegre.org/documents/pauwels/pauwels.html">attentat à la bombe</a> contre l’église de la Madeleine en 1894, renverse par un geste maladroit sa « marmite infernale » et se tue.</p>
<p>La longue suite d’attentats survenus en France depuis 2012 témoigne de l’amateurisme des terroristes djihadistes. Si certains, comme l’auteur de l’attentat de Nice, font preuve d’organisation en <a href="http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/10/03/attentat-de-nice-du-11-au-14-juillet-les-onze-passages-du-camion-sur-la-promenade_5007233_1653578.html">préparant soigneusement leurs actions</a>, d’autres – comme <a href="http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/08/03/sur-la-piste-des-commanditaires-de-l-attentat-dejoue-de-villejuif_4709532_1653578.html">Sid Ahmed Ghlam</a> (2015) – se distinguent par leur maladresse. Ce dernier tua une jeune femme et se tira une balle dans la jambe en voulant lui voler sa voiture, ce qui l’empêcha de commettre un attentat prévu contre les fidèles d’une église qui aurait pu être particulièrement meurtrier.</p>
<p>Si les djihadistes ont renoué avec une « tradition » ancienne, ils l’ont développé à un niveau inimaginable au XIX<sup>e</sup> siècle. Les 12 morts de la vague d’attentats anarchistes de 1892-94 en France, voire le record absolu de l’époque, les 40 morts de la <a href="https://books.google.fr/books?id=hgdsCgAAQBAJ&pg=PT80&dq=procession+du+Corpus+Christi+Barcelone+1896&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwivuYP28JLQAhXE2hoKHdnjCvsQ6AEIQzAE">procession du Corpus Christi</a> à Barcelone en 1896, paraissent peu de choses en comparaison de l’attentat de Nice et les attentats du 13 novembre 2015.</p>
<p>Signe des temps, il semble bien que les terroristes djihadistes se soient engagés dans une course à la performance meurtrière qui les distingue radicalement des terroristes anarchistes d’antan.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68356/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Martel-Porchier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le terrorisme djihadiste, qui nous paraît si nouveau, voire étrange, ne fait souvent que réinvestir des pratiques anciennes, notamment chez les anarchistes. Démonstration en trois points.Eric Martel-Porchier, Docteur en Sciences de Gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/543532016-02-18T05:45:45Z2016-02-18T05:45:45ZContre le fanatisme, réinventer la modération<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/111669/original/image-20160216-19275-b0ur41.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation du 11 janvier 2015, à Paris.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/francediplomatie/16262853742/in/photolist-quDWTo-qM9f69-pQrn8c-quDiF5-quDWPA-qMdfmz-quLrdM-quMSkB-qM991U-qM49G2-qM4bNg-pQdoB1-quLjUe-quDUq7-qLqS7w-qtVXt3-quHHhr-qLqQ2E-qM6nYQ-qu5AZD-qLkGbi-qu5Be6-qu5B3z-qtWMXj-qtVYbW-qtWN2Y-qLqS21-pPJ3k4-qJdjJG-qEFK1t-qM1iva-qLqRkw-qLqQXY-pQayeJ-qtVZZq-qLkJDK-qLqRmo-qM6nQ3-quAv1A-qu5BBk-pPv8xq-qLkJkZ-qu5Cmg-pPv7Yu-qJSNeL-qtVYqJ-qLqRnL-pPJ5rZ-qu5BF8-6TYQnx">Frédéric de La Mure/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Face à la tenaille dans laquelle le fascisme d’extrême droite et le fascisme djihadiste entendent nous enfermer, on nous demande de faire appel à l’esprit de modération. D’une modération faite d’un équilibre entre fermeté et ouverture, résistance et positivité, réaction et patience, un équilibre instable et donc précaire, à la merci du prochain acte terroriste. Et nous voyons les extrêmes comme des bêtes de proie se réjouir des contestations, des blessures démocratiques qui l’affaiblissent.</p>
<p>Une chose est aisément visible : l’esprit de modération doit s’armer, s’il doit se maintenir, d’un discours cohérent. Or nous manquons des moyens conceptuels de présenter la modération de manière positive. Tant qu’elle ne sera pensée que comme négative et réactive, comme dilution, compromis et inertie, la modération sera tributaire des extrêmes qu’elle rejette : elle n’en sera que le négatif et se transformera en vicieuse demi-mesure. Triste paradoxe.</p>
<h2>Républicanisme sans modération</h2>
<p>Pour résoudre ce paradoxe, il nous faut réviser notre notion de la croyance. Nous existons aujourd’hui dans un modèle, que l’on pourrait appeler « idéologique », que nous tenons des Lumières. Ce système entraîne avec lui une vision de la croyance qui est devenue aujourd’hui un obstacle : dans un « modèle idéologique », l’extrémiste se définit par ses idées. On est extrémiste si nos idées sont extrêmes. Les différences d’opinions se font selon l’alternative du vrai et du faux.</p>
<p>Selon un tel modèle, les extrêmes semblent n’avoir rien en commun puisque leurs idées s’opposent extrêmement, et les modérés se tiennent au milieu sans qu’on puisse bien rendre compte de leur position. Ils sont là, somme toute, par caractère, par « bon sens », si ce n’est par naïveté ou par lâcheté -les accusations que les fascistes des deux bords adressent aux modérés qu’ils souhaitent gagner à leur cause.</p>
<p>Dans un tel modèle, ce qui « nous » distingue des fanatiques, nous « républicains », c’est au fond le principal facteur de distinction disponible dans le modèle idéologique : c’est, voyez-vous, qu’ils ont tort et que nous avons raison. Nul doute, s’exclamera-t-on, que nous avons des raisons d’avoir raison, que nous sommes héritiers d’une idéologie libérale, démocratique, bien construite et qui se veut justement être une idéologie de la modération. Mais, est-ce là dire autre chose que de répéter : « nous » avons raison et « ils » ont tort ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/111664/original/image-20160216-19241-17zm6s2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/111664/original/image-20160216-19241-17zm6s2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=787&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/111664/original/image-20160216-19241-17zm6s2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=787&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/111664/original/image-20160216-19241-17zm6s2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=787&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/111664/original/image-20160216-19241-17zm6s2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=989&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/111664/original/image-20160216-19241-17zm6s2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=989&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/111664/original/image-20160216-19241-17zm6s2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=989&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Buste de Maximilien Robespierre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mazetman/3994383621/in/photolist-75Yg68-xxkTW-AzRvi-9UEgqh-aYCccP-7gPqxj-NqcVj-qJYfk-AzRu6-xxkDm-agwjCu-4DXcmL-3Q9Xe-3Q9L2-aYgFZn-6bwaNy-6EGqtS-6b5QrK-9Wn6qC-DPUr6S-83U7o-4dVB12-qJYgp-AzRpP-AzRs9-7Bhh6P-7BhgY8-6bwaLm-8Z7WS9-6kn8eG-6DVtt2-6brkkp-6bc6gL-6bc3Mw-oYoYkB-6bnjW7-eyieP-6bvt3L-2rDSu8-2rJeM1-2rDU58-2rJego-2rDTyg-2rDTmx-2rJdu9-2rJdcu-2rJcF9-2rJcnm-2rJc81-2rJbSd">MazetMan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La Terreur de 1793 devrait pourtant être suffisante pour nous rappeler que, quelles que soient ses ambitions, le républicanisme peut exister sans modération. Et même si nous pouvons admettre qu’il s’agisse là d’une erreur de parcours, Michel Foucault, l’École de Francfort et tant d’autres pourraient suffire à nous montrer que l’esprit des Lumières n’a jamais fait, explicitement ou implicitement, de la modération une valeur centrale. Le projet des Lumières n’était justifié non par sa modération mais justement par ses prétentions à avoir raison. Il fut un projet animé par l’esprit de normalisation de la subjectivité, de systématisation des institutions, d’essentialisme de la personne humaine et de la raison – autant d’expressions de l’esprit totalisateur. Mais l’esprit de modération, lui, demeure l’enfant pauvre de notre culture.</p>
<h2>Un modèle formel à inventer</h2>
<p>Par nature, tout « modèle idéologique » – celui qui soutient l’idéologie des Lumières ou celles des religions – ne peut voir la modération que comme une aberration, une affaire de personnalité, un compromis. C’est aussi ce modèle idéologique qui soutient l’<a href="https://theconversation.com/expliquer-la-radicalisation-4-radicalisations-ou-extremisations-un-pluriel-aujourdhui-necessaire-54099">alliance objective des djihadistes et de l’extrême droit et leur processus commun de radicalisation</a>, qui repose largement sur leur renforcement réciproque. Car un système idéologique qui ne voit de différence qu’entre le vrai et le faux, fait de la différence un conflit : si l’un est vrai, l’autre est faux. C’est un modèle qui polarise et donc qui profite aux extrêmes.</p>
<p>Au modèle idéologique, dont nous venons d’esquisser sommairement les faiblesses, nous voudrions opposer un modèle que nous appellerions « formel », et qui n’existe pas (ou pas encore). Celui-ci ne verrait plus les croyances comme distinguées par leur valeur de vérité, mais par leur forme, par les manières qu’on a d’y adhérer, d’y croire.</p>
<p>Un tel modèle formel possède le premier avantage de nous rendre capables de penser les liens souterrains qui unissent les radicalismes par-delà leurs différences de contenu : il permet de voir qu’ils partagent les mêmes manières de croire – celle de la croyance totalisante – par-delà leur opposition idéologique, et cela explique qu’ils s’alimentent : ils sont en compétition pour l’espace de la croyance exclusive.</p>
<p>Le modèle formel possède le second avantage de pouvoir présenter la modération non comme une faiblesse mais comme une notion positive. Si la modération est une manière, un certain rapport plus ou moins distant à la croyance (ce qui lui donne précisément figure d’aberration dans le modèle idéologique), elle sera mieux servie par le modèle formel. Bien sûr, ce modèle formel n’a de sens que si l’on peut établir la diversité des manières de croire. Que veut-on dire alors par « manières de croire » ?</p>
<h2>Le tribut comportemental</h2>
<p>Si le fanatisme pose problème, c’est parce qu’il a des conséquences tragiques dans les actes humains. Penser le fanatisme demande donc d’interroger les rapports entre croyance et comportement. C’est dans ce rapport que la diversité des « manières de croire » se révèle. Voilà ce que l’on pourrait dire d’emblée sur ce rapport : l’expérience quotidienne indique qu’on ne saurait séparer une croyance de ce qu’elle exige de nous.</p>
<p>C’est tellement vrai qu’une telle séparation s’appelle hypocrisie et apparaît comme une trahison de la croyance en question ou même comme un signe qu’elle n’existe, en réalité, pas. Si Paul aime la tarte à la rhubarbe mais n’en mange jamais, au pire, on le plaint. Mais quand Jean déclare qu’il faut manifester notre soutien à la liberté d’expression tout en restant chez lui lors des manifestations du 11 janvier, on crie à l’hypocrisie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/111672/original/image-20160216-19266-15psj2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/111672/original/image-20160216-19266-15psj2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/111672/original/image-20160216-19266-15psj2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/111672/original/image-20160216-19266-15psj2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/111672/original/image-20160216-19266-15psj2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/111672/original/image-20160216-19266-15psj2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/111672/original/image-20160216-19266-15psj2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une foule immense, le 11 janvier 2015, à Paris, contre la haine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jfgornet/16315388062/in/photolist-qRJCsb-pQkTYU-qP1EnT-qvaSeJ-qK8LJ5-qvhfGM-5RGs5y-qMDVp1-qwe2qM-pTYxoy-j89j1a-qPznyd-quD5M9-71AbTH-quciUH-j89jDK-quE8Qd-quLA2Z-quE8dw-quLkVT-quE937-quDiZw-quDj3N-qM92uC-quE9UN-quDi9o-qM3VQR-quLoB4-quDiUw-quLkSr-qMdumZ-quMRTz-qM4bpF-qM9faN-quLtrK-qJVtCm-pQrkn8-quLu6R-quLzrF-quD9cW-pQddUW-quD5ZJ-qM4beR-quMS8c-qM458T-quE9yN-pQdp6s-qJVB55-quEa2b-qMdhzn">Jean-François Gornet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La croyance semble donc (au contraire de la préférence par exemple), exiger par définition une certaine loyauté sans laquelle elle n’est pas vraiment elle-même. Cette loyauté s’exprime par nos actions et nos comportements. Pour faire vite, disons que toute croyance réclame un « tribut comportemental ». C’est ce que nous apprend la notion même d’hypocrisie. <a href="https://theconversation.com/le-fn-et-la-parano-a-identitaire-52183">Or que disent les lepénistes</a> (ironie croustillante autant que navrante) ? « Vous voulez défendre la laïcité sans vous confronter à l’islamisme : hypocrites ! Payez votre tribut comportemental et votez FN ».</p>
<p>De même, les <a href="https://theconversation.com/comment-la-loi-islamique-peut-sattaquer-a-Daech-50811">djihadistes disent aux musulmans</a> qui ne les soutiennent pas : « vous croyez dans le Coran mais vous ne soutenez pas le Califat : hypocrites ! Payez votre tribut comportemental et apprenez à fabriquer des explosifs ». Et ils ont tous deux raison, hélas, au sein du modèle idéologique. Là où ils pèchent, c’est dans l’erreur de croire que ce tribut comportemental ne peut être payé que d’une seule manière. On ne peut, malheureusement, le leur reprocher entièrement, car ils ne font que jouer un jeu de même nature que le nôtre, celui du modèle idéologique qui ne reconnaît pas différentes manières de payer le tribut comportemental.</p>
<h2>La diversité des croyances</h2>
<p>Or l’histoire, l’anthropologie, la psychologie et la philosophie nous montrent un florilège infini de manières différentes de croire, c’est-à-dire, de manières différentes de payer notre tribut comportemental. Nous savons depuis longtemps que nous croyons aux mythes d’une autre façon que nous ne croyons à la science (et qu’on ne s’y trompe pas, nous croyons aux deux), à la science d’une autre manière qu’à la superstition, et à l’existence de notre maison (que nous voyons tous les jours) d’une autre manière qu’à l’existence de notre cerveau (que nous n’avons jamais vu).</p>
<p>Ces différentes croyances ne sont pas plus ou moins complètes, plus ou moins partiales, plus ou moins hypocrites les unes que les autres. Nous ne trahissons pas Victor Hugo en ne croyant pas à l’histoire de Jean Valjean de la manière dont nous croyons à la pénicilline. Or, de telles différences, tout en satisfaisant entièrement la loyauté due aux croyances, nous offrent la possibilité de repenser la compatibilité entre des croyances diverses. Elles offrent la promesse d’un socle positif pour la modération et pour le pluralisme des croyances. Elles nous permettent de dépasser l’alternative totalitaire qui dit que le tribut donné à une croyance est pris à une autre, qui les met en compétition et conduit à la guerre.</p>
<p>Comprendre le fanatisme n’est pas comprendre ce que les fanatiques croient. C’est comprendre comment ils croient. Lutter contre eux n’est pas lutter contre leurs croyances. C’est lutter contre le préjugé qu’il n’y a qu’une manière de payer le tribut comportemental qu’ils leur doivent. Cela demande un nouveau discours de la croyance et de la loyauté. Tant que nous ne l’aurons pas élaboré, les désaccords auront toujours le fanatisme pour horizon, la modération ne sera qu’un compromis précaire, et l’alliance djihad/extrême droit se frottera ses mains sales.</p>
<p>*Ambiguity and the Absolute » (2014, Fordham University Press, NY) *</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54353/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frank Chouraqui ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face aux extrêmes, l’esprit de modération doit s’armer d’un discours cohérent pour ne plus apparaître comme un aveu de faiblesse mais bien comme la réponse la plus efficace.Frank Chouraqui, Maître de Conférences, philosophe, Leiden UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.