tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/fnege-medias-65211/articlesFNEGE Médias – The Conversation2023-05-23T17:51:20Ztag:theconversation.com,2011:article/2057662023-05-23T17:51:20Z2023-05-23T17:51:20ZFinance responsable : comment la réglementation européenne dessine une trajectoire favorable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526758/original/file-20230517-11818-6nkgbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1074%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’audit des informations communiquées par les entreprises en matière durabilité deviendra obligatoire dans l’ensemble des États membres d’ici 2028.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/en/view-image.php?image=449524&picture=european-union-flag">Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>Début 2023, l’Union européenne (UE) adoptait la directive dite <a href="https://finance.ec.europa.eu/capital-markets-union-and-financial-markets/company-reporting-and-auditing/company-reporting/corporate-sustainability-reporting_en">« CSRD »</a> (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui renforce les exigences de reporting de durabilité des sociétés et en élargit progressivement le champ d’application (exercices 2024 à 2028).</p>
<p>L’objectif principal de la CSRD est, <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/la-nouvelle-directive-csrd-sur-le-reporting-de-durabilite-des-societes">comme le souligne l’Autorité des marchés financiers</a> (AMF), « d’harmoniser le reporting de durabilité des entreprises et d’améliorer la disponibilité et la qualité des données environnementales, sociales et de gouvernance (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance-esg-126493">ESG</a>) publiées ». L’ancien président de l’AMF a notamment estimé, dans un discours prononcé en juin 2022, que cette directive constituait :</p>
<blockquote>
<p>« <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/prises-de-parole/discours-de-robert-ophele-president-de-lamf-colloque-du-conseil-scientifique-de-lamf-reportings">Le cœur du réacteur</a> de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finance-verte-47044">finance durable</a> ».</p>
</blockquote>
<h2>Une directive ambitieuse</h2>
<p>La directive a comme objectif de permettre aux acteurs financiers de disposer des informations nécessaires à la fois pour répondre à leurs propres obligations de reporting et aussi pour exercer leur activité.</p>
<p>Les limites actuelles sont bien connues des investisseurs institutionnels et des gérants de fonds qui doivent publier leurs propres informations en matière de durabilité : il existe un <a href="https://ideas.repec.org/p/hal/journl/hal-03573110.html">manque de consensus</a> sur la définition des mesures d’impact, sur l’accessibilité et la comparabilité des données.</p>
<p>Afin d’atteindre son objectif, la directive s’appuie sur trois changements essentiels en matière de publication d’informations non financières. Tout d’abord, elle prévoit que :</p>
<blockquote>
<p>« Les sociétés devront publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités et impacts matériels en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance, selon un principe de <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/la-nouvelle-directive-csrd-sur-le-reporting-de-durabilite-des-societes">« double matérialité »</a> ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, deux points de vue sont considérés : celui des risques pour l’entreprise et celui des incidences de l’entreprise. La diffusion de ces informations permettra aux acteurs financiers d’établir leurs rapports en termes de « double matérialité » : effets financiers sur les portefeuilles des critères ESG et incidences des portefeuilles sur les domaines ESG.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/573994517" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Souad Lajili Jarjir : Qu’est-ce que la notation extrafinancière et les critères ESG ? (FNEGE Médias, 2021).</span></figcaption>
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<p>Ceci est en cohérence avec l’obligation, prévue dans le règlement du 27 novembre 2019 dit « SFRD » (Sustainable Finance Disclosure Regulation), de prendre en compte les principales incidences négatives en matière de durabilité au niveau des produits financiers (contribution au changement climatique, atteinte à la biodiversité, pollution de l’eau, discrimination des genres, etc.).</p>
<p>Deuxième changement, la directive CSRD instaure une autre mesure favorable à la transparence avec la création de normes obligatoires d’information relatives au reporting durabilité. Auparavant, les entreprises bénéficiaient d’une notable liberté car l’UE se contentait de proposer des lignes directrices facultatives. Désormais, la Commission européenne choisira les indicateurs obligatoires sur proposition de l’European Financial Reporting Advisory Group (<a href="https://www.efrag.org/">Efrag</a>), une association sans but lucratif de droit belge. Ce dispositif devra démontrer sa perméabilité aux lobbies et éviter une surcharge administrative pour les entreprises.</p>
<h2>Une longueur d’avance pour la France</h2>
<p>Enfin, troisième changement majeur, la directive CSRD prévoit que, désormais, les informations du reporting durabilité seront auditées. La réglementation durcit le droit antérieur car la précédente directive laissait le soin à chaque État membre de rendre obligatoire un tel audit. Sur ce point, la France avait instauré un tel audit dès 2010, dans la loi dite <a href="https://www.rhone.gouv.fr/contenu/telechargement/4944/29096/file/101028_PACC-G2_cle563677-1.pdf">Grenelle 2</a>, avec la figure de l’organisme tiers indépendant (OTI). En conséquence, les entreprises et les auditeurs français disposent aujourd’hui d’une expérience source et d’un avantage comparatif à l’échelle de l’Union européenne.</p>
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<p>Afin de laisser du temps aux entreprises européennes pour s’adapter à la nouvelle législation, l’auditeur réalisera une mission limitée dans un premier temps. Ensuite, à l’horizon 2028, l’objectif de l’UE est de passer à une mission qui implique plus de tests de validation de la part de l’auditeur.</p>
<p>L’absence d’un audit obligatoire était l’un des vices originels de la directive de 2014 car les parties prenantes ne pouvaient pas comparer un reporting audité avec un autre qui ne l’était pas. Cette carence pouvait aboutir à une sélection au détriment d’entreprises vertueuses dont certaines faiblesses étaient mises en lumière. Le droit de la responsabilité sociétale des entreprises (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">RSE</a>) doit démasquer les entreprises qui jouent la <a href="https://shs.hal.science/halshs-03964878/">comédie des apparences</a>.</p>
<p>En définitive, le travail du législateur européen depuis quelques années a permis de dessiner une trajectoire pour la finance responsable qui a l’ambition de répondre aux nouvelles aspirations de la société en termes d’exigences environnementales, sociétales et de gouvernance. Les objectifs sont loin d’être réalisés puisqu’il faut faciliter l’opérationnalité de ces mesures pour les entreprises et les investisseurs. Par ailleurs, il est important d’inscrire ce travail dans une vision mondiale et globale pour éviter que le continent européen se retrouve comme un village gaulois !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec la directive CSRD adoptée fin 2022, l’Union européenne renforce les exigences en matière de publication des indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).Pierre Chollet, Professeur Émérite, Montpellier Management, Montpellier Recherche en Management (MRM), Université de MontpellierNicolas Cuzacq, Maître de conférences HDR, Droit privé et sciences criminelles, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Souad Lajili Jarjir, Professeure Agrégée des Universités en Sciences de Gestion, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1675432021-09-20T20:44:47Z2021-09-20T20:44:47ZImpact environnemental du numérique : les internautes peu enclins à changer leurs habitudes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/419964/original/file-20210908-23-1l9t3n3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C16%2C1194%2C750&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les émissions de gaz à effet de serre liées au numérique pourraient augmenter de 60&nbsp;% d’ici 2040.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-xvrtv">Pxfuel.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Cloud, vidéo à la demande, réseaux sociaux, webconférence, 5G, intelligence artificielle, blockchain, cryptomonnaies, Internet des objets… Ces technologies, outils et pratiques créent des opportunités de marché sans précédent pour les entreprises, et colonisent le quotidien des individus. Mais derrière ces évolutions « digitales » et « virtuelles » se cache un monde moins connu fait de serveurs, d’immenses bâtiments climatisés 24h/24, de câbles et autres relais qui consomment plus de <a href="https://printemps21.ch/wp-content/uploads/2020/07/empreinte-environnementale-du-numerique-mondial.pdf">4 % de la consommation mondiale d’énergie primaire</a>.</p>
<p>Le numérique était ainsi à l’origine de <a href="https://theshiftproject.org/article/pour-une-sobriete-numerique-rapport-shift/">3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre</a> dans le monde en 2018. 44 % de cette empreinte serait due à la <a href="http://www.senat.fr/rap/r19-555/r19-555-syn.pdf">fabrication des terminaux</a>, des centres informatiques et des réseaux et 56 % à leur utilisation. Et l’évolution est exponentielle : rien qu’en France, on estime que ces émissions pourraient <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/quel-est-l-impact-du-numerique-sur-l-environnement-20210609">augmenter de 60 % d’ici 2040</a>, atteignant 6,7 % des émissions totales du pays. À titre de comparaison, la part du transport aérien est de 4,7 %.</p>
<h2>Les Français peu informés</h2>
<p>Le problème est suffisamment sérieux pour que les acteurs privés du numérique et les pouvoirs publics s’en saisissent. Des opérateurs comme Orange communiquent par exemple de plus en plus sur les <a href="https://bienvivreledigital.orange.fr/category/environnement/">« éco-gestes » numériques</a> en faveur de l’environnement. De leur côté, les GAFAM souhaitent se montrer vertueux en <a href="https://www.google.com/intl/fr/about/datacenters/cleanenergy/">mettant en avant l’énergie verte</a> qui fait fonctionner leurs immenses centres de données et leurs efforts pour réduire leur impact environnemental.</p>
<p>En France, le Sénat a lancé en 2020 une <a href="http://www.senat.fr/commission/dvpt_durable/mission_dinformation_sur_lempreinte_environnementale_du_numerique.html">mission d’information</a> relative à l’empreinte environnementale du numérique et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a publié un <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/4098-face-cachee-du-numerique-9791029716904.html">guide pratique</a> sur le sujet.</p>
<p>Toutefois, comme le montre notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S109499682030075X">étude</a> récente, non seulement les internautes français se sentent assez peu informés de l’impact environnemental du numérique, mais lorsqu’ils le sont, ils ne souhaitent pas pour autant changer leurs habitudes. Ils attribuent la responsabilité d’agir aux entreprises et aux pouvoirs publics.</p>
<p>Plusieurs raisons sont mises en évidence pour justifier ce rejet de la responsabilité individuelle : les pratiques concernées (Internet mobile, réseaux sociaux, vidéo en streaming, etc.) sont tellement ancrées dans les habitudes et dans les esprits qu’elles constituent une « norme sociale » dont il serait difficile – voire stigmatisant – de s’éloigner ; la croyance que chaque progrès technique génère sa part de pollution et qu’il faudrait l’accepter au vu de ses nombreux bénéfices ; un certain scepticisme sur la réalité du problème (pour un répondant à notre étude, « après tout, 3,7 % des gaz à effet de serre, ça ne fait pas beaucoup ! ») ; un sentiment d’impuissance (« me désabonner de Netflix ne résoudra pas le problème »).</p>
<p>Pourtant, la plupart se déclarent sensibles aux questions environnementales.</p>
<h2>Inconfort psychologique</h2>
<p>Ces motivations paradoxales génèrent de la dissonance cognitive : les internautes sont attachés aux bénéfices apportés par le numérique et enclins à adopter de plus en plus de services digitaux mais ils en perçoivent simultanément les effets délétères sur l’environnement.</p>
<p>Dans l’enquête que nous avons menée, nous avons étudié l’intention d’adopter une solution simple permettant aux internautes de réduire leur impact écologique : adopter un moteur de recherche « vert » qui compense ses émissions de gaz à effet de serre à la place du moteur habituel.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Me désabonner de Netflix ne résoudra pas le problème ». Les répondants de notre étude se disent sceptiques quant aux solutions pour réduire leur empreinte environnementale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stockcatalog/40970937195">Stock Catalog/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Nos résultats montrent plusieurs voies par lesquelles les individus peuvent réagir pour surmonter leur dissonance cognitive : certains vont tout simplement minimiser la gravité de la menace environnementale (ce qui revient à nier le problème), d’autres vont développer du scepticisme quant à l’efficacité de la solution proposée, d’autres, enfin, acceptent de changer leur comportement et d’adopter la solution proposée (dans le cas testé, utiliser un moteur de recherche écologique à la place de Google).</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Nos résultats ont plusieurs implications pratiques. D’abord, les parties prenantes concernées (start-up du numérique, GAFAM, pouvoirs publics, ONG environnementales, etc.) doivent davantage communiquer pour sensibiliser les consommateurs. L’impact écologique des pratiques « virtuelles » étant très abstrait dans l’esprit des consommateurs, les campagnes de sensibilisation gagneraient à décomposer la chaîne de valeur écologique en étapes clés pour aider les individus à visualiser le lien entre les comportements en ligne et leurs effets environnementaux tangibles.</p>
<p>Mais face à l’ubiquité du numérique, informer le grand public n’est pas suffisant et peut même se révéler contreproductif selon la manière dont les individus gèrent la dissonance cognitive. En termes de R&D, les entreprises doivent donc se concentrer sur le développement de solutions innovantes moins nocives pour l’environnement mais tout aussi fonctionnelles.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/574467804" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Réduire l’empreinte environnementale d’Internet : peut-on compter sur les consommateurs ? (FNEGE Médias, juillet 2021).</span></figcaption>
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<p>Elles doivent également reconsidérer le modèle économique typique d’un accès illimité au contenu numérique et inclure les coûts environnementaux indirects résultant de la consommation de données. Par exemple, les fournisseurs de services peuvent envisager de prendre en compte les niveaux d’utilisation dans leur modèle de tarification, voire adopter une tarification incitative en offrant aux consommateurs des remises lorsque leur consommation est réduite.</p>
<h2>Quelques conseils…</h2>
<p>Enfin, il est essentiel d’aider les consommateurs à réguler leurs propres comportements numériques, par exemple en leur fournissant des services ou des applications en ligne qui les aideraient à mieux contrôler leur comportement en ligne (par exemple, le temps d’écran d’Apple).</p>
<p>De nombreux conseils peuvent être proposés pour réduire simplement son empreinte : trier ses e-mails, éviter d’envoyer de gros fichiers joints à de trop nombreux destinataires, enregistrer dans les favoris l’adresse des sites web fréquemment visités, compresser les fichiers avant de les déposer sur le cloud, sélectionner les photos et les vidéos déposées sur les espaces partagés, éviter de streamer des vidéos en 4K alors qu’une résolution HD est suffisante, mais aussi, conserver plus longtemps ses équipements (smartphone, ordinateur).</p>
<p>Le défi de la pollution numérique requiert la participation active de tous les acteurs, et pas uniquement des internautes. On ne peut leur proposer sans arrêt de nouveaux usages toujours plus gratifiants et créateurs de valeur (gain de temps, praticité, etc.) mais générant une consommation toujours plus forte d’énergie, et en même temps leur demander d’en supporter seuls les conséquences. La <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/41/3/840/2907543">responsabilisation des consommateurs</a> ne doit pas occulter celles des entreprises et des États ; tous les trois doivent agir de concert pour promouvoir des modèles économiques et des styles de vie plus sobres.</p>
<hr>
<p><em>Laurent Bertrandias et Leila Elgaaied-Gambier ont remporté le prix du meilleur article de recherche 2021 décerné par le jury de la <a href="https://www.tbs-education.fr/tbs/responsabilite-societale-developpement-durable/anedd/retour-sur-la-15e-edition-2-2021/">15ᵉ édition des Assises nationales étudiantes du développement durable</a> (ANEDD), auquel participait The Conversation France</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, le consommateur ne se sent pas responsable des effets sur l’environnement de ses activités digitales.Laurent Bertrandias, Professeur de marketing, TBS EducationLeila Elgaaied-Gambier, Associate professor, TBS EducationYohan Bernard, Maître de conférences en Sciences de gestion et du management, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1610572021-05-20T18:11:18Z2021-05-20T18:11:18ZKrach du bitcoin : cybercriminalité et surconsommation d’électricité, la face cachée des cryptomonnaies<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401227/original/file-20210518-17-2kz2u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C4267%2C2992&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La popularité des cryptomonnaies ne cesse de croître, notamment celle de la plus connue d’entre elles, le bitcoin.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Karen Bleier / AFP</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-cryptomonnaies-connaissent-un-serieux-passage-a-vide-1316246">-20 % pour le dogecoin</a>, – 19 % pour l’ethereum, – 22 % pour definity, la blockchain qui se veut infinie et dont le lancement récent avait connu un départ fulgurant : le mercredi 19 mai restera comme le jour d’un krach important des cryptomonnaies. La plus connue d’entre elles, le bitcoin, limite les dégâts à 8,5 % (39 587 dollars) après être tombé à – 30 % dans la journée. Il a déjà perdu 39 % par rapport à la <a href="https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KBN2B50E1/le-cours-du-bitcoin-a-depasse-60-000-dollars.html">valeur record atteinte au mois d’avril</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401857/original/file-20210520-15-ftxztm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401857/original/file-20210520-15-ftxztm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401857/original/file-20210520-15-ftxztm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401857/original/file-20210520-15-ftxztm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401857/original/file-20210520-15-ftxztm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401857/original/file-20210520-15-ftxztm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401857/original/file-20210520-15-ftxztm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401857/original/file-20210520-15-ftxztm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Elon Musk est passé du statut d’idole à celui de traître sur le marché des cryptomonnaies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Odd Andersen/AFP</span></span>
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<p>Rares sont celles à connaître une croissance parmi les quelque <a href="https://fr.investing.com/crypto/currencies">5 000 que l’on recense aujourd’hui</a>. Les dernières lancées ? « FuckElon » ou « StopElon », ce qui en dit long sur l’identité du responsable désigné de cette chute des cours entamée dans les faits depuis plus d’une semaine.</p>
<p>Ancienne idole du monde des cryptomonnaies, Elon Musk, l’emblématique dirigeant de la firme automobile Tesla, semble désormais considéré comme un nouveau Judas par ces marchés. Les fondateurs du « StopElon » affirment même avoir pour ambition de faire grimper le cours de leur nouvelle cryptomonnaie dans l’objectif d’acheter des actions Tesla et d’expulser son dirigeant. La chute relativement moins importante du bitcoin semble néanmoins pouvoir être expliquée par des signaux rassurants de sa part.</p>
<p>Elon Musk avait mis le feu aux poudres en annonçant la semaine passée qu’il ne serait plus possible de payer ses véhicules en bitcoin alors qu’il s’était, au mois de mars, engagé dans la direction opposée. Il sous-entendait même que Tesla pourrait revendre l’intégralité de ses bitcoins. Début mai, invité de l’émission humoristique <em>Saturday Night Live</em>, il faisait déjà plonger le dogecoin qu’il venait pourtant soutenir, en lâchant le mot « arnaque » au cours d’un sketch.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1391248822991478785"}"></div></p>
<p>La raison invoquée ? Leur nocivité pour la planète, les transactions les utilisant exigeant une forte consommation en électricité. « Une cryptomonnaie est une bonne idée à plusieurs niveaux et nous croyons en ce futur prometteur mais cela ne doit pas se faire avec un <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/cryptomonnaies-une-volte-face-du-patron-de-tesla-fait-plonger-le-bitcoin-1314923">coût élevé pour l’environnement</a> », déclarait celui qui porte également les projets spatiaux de SpaceX.</p>
<p>La Chine semble également avoir joué un rôle dans les événements de mercredi. Alors que le pays est sur le point de lancer un yuan numérique, ses dirigeants annonçaient en effet interdire aux institutions financières de faire usage de cryptomonnaies. « Après la volte-face de Tesla, la Chine a remué le couteau dans la plaie en déclarant que les monnaies virtuelles ne devraient pas et ne peuvent pas être utilisées sur le marché parce qu’elles ne sont pas des monnaies réelles », commentait hier à l’AFP Fawad Razaqzada, analyste de Thinkmarkets.</p>
<iframe title="Le cours du bitcoin s’était envolé ces derniers mois." aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-L40x0" src="https://datawrapper.dwcdn.net/L40x0/4/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Si l’influence d’un seul homme sur les cours de ces actifs qui connaissaient depuis un an une embellie spectaculaire peut interroger, ses dernières sorties et sa volte-face invitent a minima à questionner les enjeux éthiques qu’ils soulèvent. Nos travaux montrent qu’ils sont <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-30738-7_2">au moins de deux ordres</a>.</p>
<h2>Darknet et rançongiciels</h2>
<p>La question de l’éthique des cryptomonnaies reste étroitement liée à la nature et au fonctionnement même de ces actifs. En effet, les monnaies virtuelles ne sont associées à aucune autorité ou institution gouvernementale. Le système bitcoin a même été explicitement conçu pour éviter de s’appuyer sur des intermédiaires de confiance traditionnels, tels que les banques, et échapper à la tutelle des banques centrales. La valeur d’une monnaie virtuelle repose donc en principe intégralement sur la confiance et l’honnêteté de ses utilisateurs, ainsi que sur la sécurité d’un algorithme capable de suivre toutes les transactions.</p>
<p>Or, en raison de leur anonymat, de l’absence de réglementation stricte et des lacunes d’infrastructure, les cryptomonnaies apparaissent également susceptibles d’attirer des groupes d’individus qui cherchent à les utiliser de manière frauduleuse. Les préoccupations réglementaires portent d’ailleurs notamment sur leur utilisation dans le commerce illégal (drogues, piratage et vol, pornographie illégale), les cyberattaques, le potentiel de financement du terrorisme, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale.</p>
<p>Les activités illégales ont ainsi représenté pas moins de <a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/32/5/1798/5427781">46 % des transactions en bitcoin</a> sur la période 2009-2017, ce qui pèse environ 76 milliards de dollars par an pendant cette période, soit l’équivalent de la taille des marchés américain et européen des drogues illicites. En avril 2017, environ 27 millions de participants au marché du bitcoin l’utilisaient principalement à des fins illégales.</p>
<p>L’un des exemples les plus connus de cybercriminalité liée à l’utilisation de cryptomonnaies reste aujourd’hui la « route de la soie ». Dans ce marché noir en ligne dédié à la vente de drogues sur le darknet, la partie d’internet accessible uniquement avec des protocoles spécifiques, les paiements étaient effectués exclusivement en cryptomonnaies.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401232/original/file-20210518-17-ab5bp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401232/original/file-20210518-17-ab5bp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401232/original/file-20210518-17-ab5bp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401232/original/file-20210518-17-ab5bp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401232/original/file-20210518-17-ab5bp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401232/original/file-20210518-17-ab5bp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401232/original/file-20210518-17-ab5bp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401232/original/file-20210518-17-ab5bp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En 2019, 8 % des demandes d’assistance formulées par des professionnels et adressées à www.cybermalveillance.gouv.fr concernent des raçongiciels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapport d’information sénatorial n° 613 (2019-2020) de Mme Sophie JOISSAINS et M. Jacques BIGOT, fait au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des lois, déposé le 9 juillet 2020</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2014, à une époque où le prix du bitcoin était aux alentours de 150 dollars américains, la saisie par le FBI de plus de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165176518302921">4 millions de dollars de bitcoins</a> sur la route de la soie donne une idée de l’ampleur du problème auquel sont confrontés les régulateurs. Le FBI estimait alors que cette somme représentait près de 5 % de l’économie totale du bitcoin.</p>
<p>Les cryptomonnaies ont également facilité la propagation des attaques de rançongiciels, ces logiciels malveillants qui bloquent l’accès des entreprises à leurs propres données et ne les débloquent que contre le paiement d’une rançon en cryptomonnaies. Une étude réalisée par des chercheurs de Google a révélé que les victimes avaient payé plus de <a href="https://www.theverge.com/2017/7/25/16023920/ransomware-statistics-locky-cerber-google-research">25 millions de dollars de rançons</a> entre 2015 et 2016. En France, d’après un rapport sénatorial remis en juillet 2020, ces rançongiciels concernent pour les professionnels <a href="http://www.senat.fr/rap/r19-613/r19-613_mono.html">8 % des demandes d’assistance</a> sur le site <a href="https://www.cybermalveillance.gouv.fr/">cybermalveillance.gouv.fr</a>, 3 % de celles des particuliers.</p>
<h2>Des actifs énergivores</h2>
<p>Les principales cryptomonnaies utilisent une <a href="https://www.phonandroid.com/bitcoin-le-minage-consomme-plus-delectricite-que-largentine-dapres-une-etude.html">grande quantité d’électricité pour le minage</a>, c’est-à-dire les opérations informatiques qui servent à les fabriquer et à valider les transactions. En effet, les deux principales monnaies virtuelles, bitcoin et ethereum, nécessitent des calculs compliqués extrêmement énergivores.</p>
<p>Pour le bitcoin, selon le site <a href="https://digiconomist.net/bitcoin-energy-consumption/">Digiconomist</a>, le pic de consommation énergétique se situait entre 60 et 73 TWh en octobre 2018. Sur une base annualisée, mi-avril 2021, ces chiffres se situaient approximativement entre 50 et 120 TWh, soit plus que la consommation énergétique d’un pays comme le Kazakhstan. Ces chiffres sont encore plus spectaculaires lorsqu’ils sont donnés par transaction : le 6 mai 2019, le chiffre était de 432 KWh et de plus de 1000 KWh mi-avril 2021, soit la <a href="https://www.lenergietoutcompris.fr/actualites-conseils/quelle-est-la-consommation-delectricite-moyenne-par-jour-en-france#:%7E:text=jour%20en%20France%20%3F-,Quelle%20est%20la%20consommation%20d%E2%80%99%C3%A9lectricit%C3%A9%20moyenne%20par%20jour%20en,12%2C5%20KWh%20par%20jour.">consommation annuelle d’un studio de 30m²</a> en France.</p>
<p>Une comparaison populaire est souvent établie avec le système de paiement électronique Visa, qui nécessite une consommation d’énergie plus ou moins 300 000 fois inférieure à celle du bitcoin pour chaque transaction. Les chiffres ne peuvent pas être strictement comparés, mais illustrent bien que les transactions en bitcoin restent extrêmement énergivores par rapport aux transactions électroniques courantes.</p>
<h2>Comment parvenir à un équilibre ?</h2>
<p>Il existe des <a href="https://cryptoast.fr/bitcoin-btc-energie-verte-renouvelable/">solutions</a> pour réduire le coût et l’impact énergétique des bitcoins comme le recours aux énergies vertes ou l’augmentation de l’efficacité énergétique des ordinateurs d’exploitation minière.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ryTKkceu1qk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les cryptomonnaies : questions éthiques et environnementales (FNEGE Médias, juillet 2020).</span></figcaption>
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<p>Cependant, la technologie informatique doit encore s’améliorer dans ce sens. Surtout, la rémunération des mineurs pour débloquer les prochains bitcoins et valider les transactions est <a href="https://www.ig.com/fr/bitcoin-btc/halving-du-bitcoin">censée diminuer</a> à l’avenir, les obligeant à consommer plus d’énergie pour garantir un même niveau de revenus.</p>
<p>Les initiateurs de cette technologie estiment que l’innovation que représente le bitcoin favorise un marché mondial libre et relie financièrement le monde. Cependant, il reste encore difficile à l’heure actuelle de trouver un équilibre entre la promotion d’une technologie innovante et la dissuasion de la criminalité et de l’impact écologique associés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161057/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le cours des monnaies virtuelles s’est effondré après des déclarations du fondateur de Tesla, Elon Musk, qui s’est inquiété des problèmes environnementaux posés par la technologie utilisée.Donia Trabelsi, Maître de conférences en finance, Institut Mines-Télécom Business School Michel Berne, Economiste, Directeur d'études (en retraite), Institut Mines-Télécom Business School Sondes Mbarek, Maitre de conférences en finance, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1575422021-03-24T19:31:06Z2021-03-24T19:31:06ZSteve Jobs, Christian Dior… À la rencontre des fantômes qui hantent les entreprises<p>En 2011, le monde apprend le décès de l’iconique Steve Jobs. Il laisse derrière lui un véritable empire, fortement marqué de son empreinte. La maladie l’avait contraint à se retirer progressivement de l’entreprise, mais son influence restait extrêmement forte et son absence palpable. Trois ans plus tard, en 2014, Yukari Kane publiait un livre sur Apple intitulé <a href="http://www.harperbusiness.com/book/9780062128256/Haunted-Empire-Yukari-Iwatani-Kane/">« L’empire hanté »</a>. Selon cette ancienne journaliste du <em>Wall Street Journal</em>, la figure du fondateur était encore omniprésente dans l’entreprise.</p>
<p>Tim Cook, l’actuel et très rationnel PDG, <a href="https://www.wired.com/story/apple-infinite-loop-oral-history/">déclarait en 2018</a> à un journaliste de <em>Wired</em> qu’il lui était impossible de s’installer dans le bureau de Jobs après sa mort. Personne d’autre ne s’y serait d’ailleurs tenté. Aujourd’hui encore, le bureau est intact : fauteuils, bibliothèque, tableau blanc annoté.</p>
<p>Le PDG d’Apple témoignait :</p>
<blockquote>
<p>« On peut encore y sentir sa présence […] des gens vont au cimetière pour penser à quelqu’un […] moi je vais dans son bureau. »</p>
</blockquote>
<p>Tim Cook révèle ici un penchant étonnement mystique et soulève notre interrogation : Comment l’influence d’un défunt peut-elle se traduire dans une entreprise ? Et plus généralement, quels effets concrets un acteur absent peut-il avoir sur une organisation ? Ce sont les questions auxquelles nous avons cherché à répondre dans un <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2019/06/rfg00358/rfg00358.html">article</a> académique publié dans la <em>Revue française de gestion</em>.</p>
<h2>Les fantômes existent</h2>
<p>Pour répondre à ces interrogations, il faut commencer par faire un pas de côté par rapport aux approches très rationnelles des organisations. Car le cas d’Apple n’a rien d’exceptionnel et nous connaissons tous ces situations où une personne absente conserve une influence sur le quotidien d’une entreprise. Nous en sommes donc arrivés à un premier constat quelque peu contre-intuitif : les fantômes existent et peuplent bel et bien les organisations.</p>
<p>Naturellement, nous ne parlons pas ici des formes flottantes et translucides, couvertes d’un drap blanc. Ce que nous appelons fantômes organisationnels correspond aux acteurs et figures qui, bien que physiquement absents, ont des manifestations et des impacts concrets sur la vie des organisations. Ce faisant, nous nous inscrivons dans un courant en sciences sociales de plus en plus important ces vingt dernières années : le <a href="https://www.bloomsbury.com/us/the-spectralities-reader-9781441138606/">tournant spectral</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Tim Cook à propos de Steve Jobs : « son bureau est resté comme il était » (Bloomberg, 2014).</span></figcaption>
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<p>Reconnaissons donc que nos vies quotidiennes, organisationnelles comme sociales, ne sont pas limitées à des interactions et collaborations matérielles, entre acteurs physiquement présents. Le passé et l’histoire, les nôtres comme ceux de notre entreprise, restent souvent présents, voire obsédants, dans notre quotidien. Il arrive ainsi qu’un acteur organisationnel se manifeste justement par son absence : un bureau vide, une anecdote chuchotée… comme un fantôme qui hanterait les couloirs de l’organisation.</p>
<p>Nous avons identifié deux principaux types de fantômes dans les sciences sociales : les revenants épistémiques et de spectres éthiques.</p>
<h2>Les deux types de fantômes</h2>
<p>Les psychanalystes ont très tôt été confrontés à des patients hantés par des fantômes qui revenaient sans cesse. Dans leur très bel ouvrage publié en 1987, <a href="https://editions.flammarion.com/l-ecorce-et-le-noyau/9782082125055"><em>L’écorce et le noyau</em></a>, Nicolas Abraham et Maria Torok ont appelé fantôme « ce travail dans l’inconscient du secret inavouable d’un autre ».</p>
<p>En psychanalyse, on parlera donc de revenant, une figure étrangère qui revient sans cesse et qui est porteuse d’un secret. Et pour s’en soigner, il faudra réussir à accueillir ce dernier, le faire sortir de sa crypte : le dé-crypter. Accepter sa révélation permet alors « l’éjection de ce bizarre corps étranger ». Puisqu’il faut convertir son secret en connaissance, nous disons que le revenant est épistémique.</p>
<p>La seconde figure vient de celui qui domine très largement le tournant spectral aujourd’hui : le philosophe français Jacques Derrida. Dans son ouvrage <a href="http://www.editions-galilee.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=2777"><em>Spectres de Marx</em></a>, publié en 1993, Derrida réfute l’idée du fantôme comme objet épistémique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est quelque chose qu’on ne sait pas, justement, et on ne sait pas si précisément cela est, si ça existe […]. On ne le sait pas : non par ignorance mais parce que ce non-objet […] ne relève pas du savoir. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Jacques Derrida, philosophe français (1930-2004).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bswise_/30424947804">Bswise/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À la place, il propose une éthique du spectre dont la rencontre nous lierait à nos valeurs et notre histoire, mais également aux autres. Il faut alors saluer et recevoir les rencontres spectrales, « se laisser habiter en son dedans, c’est-à-dire hanter par un hôte étranger ». Il ne s’agit donc surtout pas de chasser les revenants, mais bien d’accueillir la figure ambiguë et dérangeante du spectre.</p>
<p>Pas de mystique shakespearienne donc, pas de revenant du roi Hamlet, ni de spectre de Banquo, ni surtout de draps qui flottent ou d’esprits qui frappent. Plus modestement, nous cherchons ici à mieux rendre compte des effets concrets de ces grands absents qui hantent encore leurs entreprises. Les concepts de revenants épistémiques et de spectres éthiques sont là pour nous aider à mieux saisir ce que l’on observe et ressent dans le quotidien des organisations – c’est-à-dire une grille de lecture.</p>
<h2>Le spectre de Christian Dior</h2>
<p>Si l’on observe par exemple le cas de la <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2019/06/rfg00358/rfg00358.html">maison de couture Dior</a>, on se rend compte que les locaux de l’entreprise sont constamment hantés – à l’instar de ceux d’Apple avec Steve Jobs.</p>
<p>Le documentaire <em>Dior et Moi</em> de Frédéric Tcheng sorti en 2015, permet d’apercevoir ces figures en suivant les employés qui parlent, par exemple, régulièrement de Christian Dior. Son fantôme y est souvent inspirant et amusant, mais il peut aussi se faire parfois écrasant. Ainsi on assiste à une scène, un soir de préparation du défilé, où les couturières l’appellent affectueusement « Cricri » avant d’éclater de rire – tout en se demandant ce qu’il aurait pensé de la collection qu’elles préparent.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Gktgp0TUwTc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>Dior et moi</em> réalisé par Frédéric Tcheng (2015).</span></figcaption>
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<p>À un autre moment, on assiste au désarroi de Raf Simons, alors nouveau directeur artistique, devant le poids que l’héritage d’une telle figure constitue – au point qu’il arrête de lire l’autobiographie du créateur tant il l’obsède. Ici le spectre de Christian Dior se rappelle à Raf Simons, l’influençant dans son travail de création en cours et à venir.</p>
<p>À d’autres moments, la même figure de Christian Dior est teintée de traditions, voire de conservatisme, et apparaît alors comme un revenant incarnant le passé de la maison et influençant les choix esthétiques des créateurs, presque 60 ans après sa mort !</p>
<p>Mais la maison n’est pas uniquement hantée par Christian Dior… le documentaire déroule ainsi les anecdotes autour des différents fantômes, jusqu’aux figures plus discrètes, mais aussi plus traumatiques. Tout le monde dans l’entreprise se rappelle du scandale des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2011/04/15/john-galliano-ecarte-de-la-marque-a-son-nom_1508568_3224.html">déclarations xénophobes</a> de John Galliano… pourtant les propos à son sujet sont déguisés et indirects, à la limite parfois chuchotés, étouffés, mais jamais soutenus à voix haute.</p>
<h2>Appréhender la présence des absents</h2>
<p>Au-delà de ces quelques anecdotes sur Dior, quiconque prenant le temps d’y réfléchir sera capable de trouver des équivalences fantomatiques dans son entreprise. À la manière du petit garçon du film <em>Le Sixième Sens</em> qui est capable de voir les morts (le fameux « I see dead people », « je vois des personnes décédées »), nous souhaitons ici encourager les théoriciens et praticiens des organisations à appréhender la présence et l’influence des absents.</p>
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<figcaption><span class="caption">« À la rencontre des fantômes organisationnels qui hantent les entreprises » (FNEGE, 2020).</span></figcaption>
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<p>Mieux saisir les figures fantomatiques demande de les accueillir pour mieux les rencontrer, d’arriver à leur répondre ou à s’en défaire. Il s’agira donc surtout de ne pas les ignorer, de ne pas nier leur présence, car on se priverait alors de leur source d’inspiration, des défis qu’ils nous lancent, et de l’ancrage qu’ils permettent dans l’histoire et la culture de l’organisation. Être hanté par Christian Dior, c’est finalement un signe que l’on fait alors réellement partie de la maison…</p>
<p>La philosophe Gayatari Spivak parlait d’apprendre à danser avec les fantômes en décrivant le rituel amérindien de <em>ghostdance</em>, par lequel les membres d’une tribu tentent d’entrer en relation avec leur histoire et leurs ancêtres via un rituel dansé. Dans cette veine, nous affirmons que chaque pratique, chaque décision dans une organisation peut constituer une forme potentielle de convocation des fantômes, et donc une occasion de s’inscrire dans son histoire… pour mieux y laisser sa propre trace.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157542/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À l’instar du défunt PDG d’Apple Steve Jobs, il existe plusieurs cas de personnes disparues qui conservent une influence sur le quotidien d’une organisation.Yoann Bazin, Professeur en Ethique des affaires, EM NormandieMargot Leclair, Enseignant-Chercheur, Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1517712020-12-10T18:25:06Z2020-12-10T18:25:06ZQuel bilan peut-on faire des réponses économiques à la Covid-19 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/373840/original/file-20201209-16-yqx6r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C10%2C982%2C621&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’économie française a été plus impactée par la crise que celles de ses voisins allemands et britanniques.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Primakov / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les différentes mesures sanitaires mises en place en réponse à l’épidémie de Covid-19 ont eu un effet dramatique sur l’activité économique globale, dont les conséquences restent encore difficilement chiffrables. En restreignant les interactions sociales, la mobilité et l’accès aux lieux considérés comme non essentiels, elles ont fait peser un poids lourd sur les commerces et les activités marchandes dans leur ensemble. C’est pourquoi un grand nombre de pays a mis en place des mesures économiques, ayant pour but de soutenir les ménages, les commerces ou encore certains secteurs ciblés, afin de pouvoir compenser les effets économiques liés à la pandémie.</p>
<p>Dans la base <a href="https://www.nature.com/articles/s41597-020-00757-y">Response2covid19</a>, accessible en <a href="https://response2covid19.org/">ligne</a> de façon interactive, nous recensons l’ensemble des mesures économiques et sanitaires mises en place dans plus de 200 pays depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2020. Nous étudions 13 mesures sanitaires et 7 mesures économiques qui comprennent le soutien aux exportations et aux importations, la baisse du taux directeur de la banque centrale, la baisse d’impôts, le report d’impôts, les transferts monétaires directs vers les ménages, le support salarial (par exemple le chômage partiel) et la mise en place de lignes de crédit exceptionnelles pour les entreprises.</p>
<p>En fonction des mesures mises en place, nous avons créé un score d’intervention économique compris entre 0 et 1 pour chaque jour et chaque pays. Un score de 1 indique que le pays a mis en place les différents instruments ; un score de 0 indique à l’inverse qu’aucune des mesures n’a été mise en place.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/373841/original/file-20201209-21-1gq1jbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373841/original/file-20201209-21-1gq1jbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373841/original/file-20201209-21-1gq1jbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373841/original/file-20201209-21-1gq1jbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373841/original/file-20201209-21-1gq1jbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373841/original/file-20201209-21-1gq1jbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373841/original/file-20201209-21-1gq1jbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373841/original/file-20201209-21-1gq1jbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Intensité des mesures de restriction (au 1ᵉʳ octobre).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://response2covid19.org/">Response2covid19</a></span>
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<span class="caption">Intensité des mesures de soutien économique (au 1ᵉʳ octobre).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://response2covid19.org/">Response2covid19</a></span>
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</figure>
<p>Les données sont actualisées de façon quotidienne, ce qui signifie que l’on peut suivre les politiques mises en place depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2020. Pour le moment, la base ne permet pas de comparer les pays en fonction du montant des différentes mesures mises en place, la prochaine version de la base donnera accès à ces données.</p>
<h2>Interventionnisme fort</h2>
<p>De façon globale, c’est en Europe que l’on trouve les pays avec des scores d’intervention économique parmi les plus élevés, en particulier en Europe de l’Ouest. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cet interventionnisme. Tout d’abord, un nombre de cas élevé. En effet, il existe une corrélation forte entre le nombre de nouveaux cas de Covid-19 et les mesures sanitaires mises en place au sein d’un pays. Or, ce sont justement ces mesures sanitaires strictes qui amènent les gouvernements à soutenir économiquement les ménages et les entreprises.</p>
<p>Quand on regarde l’évolution des indices de rigidité sanitaire et d’interventionnisme économique au niveau mondial, on voit que la rigidité sanitaire suit une courbe en U inversé, elle augmente rapidement avant de diminuer. L’indice d’interventionnisme économique augmente lui de façon continue : les mesures économiques arrivent plus tard, mais deviennent permanentes une fois mises en place.</p>
<p>Notons que tous les pays, y compris les plus libéraux, par exemple les États-Unis ou le Royaume-Uni, ont pratiqué un interventionnisme économique fort pour limiter les effets de la crise.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/373843/original/file-20201209-22-aan15s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373843/original/file-20201209-22-aan15s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373843/original/file-20201209-22-aan15s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373843/original/file-20201209-22-aan15s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373843/original/file-20201209-22-aan15s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373843/original/file-20201209-22-aan15s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373843/original/file-20201209-22-aan15s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373843/original/file-20201209-22-aan15s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La rigidité sanitaire suit une courbe en U inversé tandis que l’interventionnisme économique augmente de façon continue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://response2covid19.org/">Response2covid19</a></span>
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</figure>
<p>Si l’on regarde les dépenses économiques mises en avant par les gouvernements, les lignes de crédits aux entreprises constituent souvent la principale dépense économique. La France a mis en place des lignes de crédits aux entreprises qui représentent quasiment 15 % du PIB. C’est le même niveau qu’en Allemagne et qu’au Royaume-Uni. Pourtant, la France fait partie des pays les plus touchés avec une <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/recession-le-pib-va-plonger-de-11-previent-bruno-le-maire-1384605">baisse du PIB estimée à 11 %</a> en 2020, devant ses voisins allemands (5,4 %) et britanniques (8,25 %), qui ont mis en place des mesures sanitaires dont l’intensité fut moins stricte au printemps.</p>
<p>Aux États-Unis, le soutien aux entreprises a été encore plus fort avec des lignes de crédits qui représentent 20 % du PIB américain. Les pays en développement sont eux beaucoup moins interventionnistes, en raison de recettes fiscales moins stables. Il n’y a quasiment aucun pays africain qui n’a injecté plus de 5 % du PIB pour relancer son économie. Idem en Amérique latine. Les pays en développement ont en revanche largement utilisé le canal monétaire – des diminutions des taux directeurs des banques centrales – pour soutenir l’activité économique.</p>
<h2>Une relance à cibler</h2>
<p>Une <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-020-01009-0">étude</a> récente publiée dans la revue <em>Nature Human Behavior</em> montre que la sécurité économique offerte par les gouvernements a permis de diminuer le taux d’infection relatif à la Covid-19. Les mesures de soutiens économiques incitent en effet les individus à s’isoler s’ils sont atteints de la Covid-19, et à ne pas aller au travail alors qu’ils ont certains symptômes de la maladie. Une prochaine étude devrait mettre en lien les ressources investies et leur impact sur les contaminations.</p>
<p>S’il est trop tôt pour juger de l’efficacité des réponses prises, une relance économique massive pourra dans les prochains mois fournir aux individus la possibilité de consommer, avec à la clef un redémarrage de l’économie réelle. Cependant, la question reste évidemment le ciblage des mesures prises pour éviter les effets d’aubaine : par exemple, certains individus peuvent avoir des revenus stables ou en hausse pendant la crise (les plus qualifiés notamment), quand d’autres connaissent des chutes de revenus importantes (les moins qualifiés).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/373844/original/file-20201209-14-t38mvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373844/original/file-20201209-14-t38mvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373844/original/file-20201209-14-t38mvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373844/original/file-20201209-14-t38mvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373844/original/file-20201209-14-t38mvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373844/original/file-20201209-14-t38mvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373844/original/file-20201209-14-t38mvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373844/original/file-20201209-14-t38mvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La situation des travailleurs les plus qualifiés est quasiment revenue à la normale, contrairement à celle des plus précaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://tracktherecovery.org/">Opportunity Insights</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aux États-Unis, le site <a href="https://tracktherecovery.org/">Opportunity Insights</a> traque l’évolution de la consommation des plus hauts et bas revenus, et l’évolution du taux de chômage des qualifiés et des non qualifiés. Les chiffres montrent que, si la consommation des plus bas revenus est revenue au niveau d’avant-crise, quand celle des plus hauts revenus est toujours plus basse (les dépenses de loisirs sont plus contraintes).</p>
<p>Le taux de chômage des qualifiés n’a pas changé depuis janvier 2020, quand celui des moins qualifiés a augmenté de 20 %. C’est en partie lié au fait que le télétravail n’est pas applicable pour de nombreux emplois peu qualifiés, dont la présence physique sur le lieu de travail est obligatoire. À l’inverse, ceux qui télétravaillent sont aussi plus productifs… et s’ils ne sont pas payés pour ce surplus de productivité, sécurisent leurs emplois.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/458080576" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Response2covid19 : une base de données sur les mesures gouvernementales prises partout dans le monde pour faire face à la Covid-19 (FNEGE Médias, 2020)</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/151771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un outil recense l’intensité des mesures mises en place par les différents pays à l’échelle mondiale. Les interventions ont été particulièrement fortes en Europe, mais moins qu’aux États-Unis.Simon Porcher, Maitre de conférences HDR, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolOriane Maille-Lefranc, Graduate Research Assistant, Chaire EPPP, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1279422020-01-14T21:08:57Z2020-01-14T21:08:57ZComment Ubisoft lève les freins à la coopétition interne grâce aux « knowledge brokers »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303993/original/file-20191127-112517-hfmspo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=65%2C50%2C920%2C589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les « Lapins crétins », l'un des titres qui a contribué au succès de l'éditeur de jeux vidéo Ubisoft.</span> <span class="attribution"><span class="source">OpturaDesign / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Quel est le point commun entre Mondelez, l’un des leaders mondiaux de la confiserie et des chocolats, l’Oréal, l’une des plus grandes marques de cosmétiques et Ubisoft, l’un des acteurs incontournables du secteur du jeu vidéo ?</p>
<p>Ces trois acteurs ont mis en place une stratégie bien particulière, en mettant en concurrence leurs différents marques ou produits, tout en leur demandant de coopérer entre eux sur certaines activités, comme la R&D ou le marketing. Cette situation particulière porte un nom : la coopétition interne.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-et-si-votre-concurrent-devenait-votre-meilleur-allie-79704">coopétition</a> est un concept créé dans les années 1990 pour étudier les spécificités des alliances entre entreprises concurrentes. Sa spécificité réside dans le fait que les entreprises doivent coopérer pour réduire leurs coûts ou réaliser un projet commun, tout en restant en concurrence sur d’autres activités ou marchés. La coopétition peut être envisagée entre des entreprises différentes, mais aussi à l’intérieur de la même entreprise entre des services concurrents.</p>
<p>Mais avoir recours à la coopétition n’est pas toujours aisé, car elle génère des tensions pour les organisations, et ces <a href="https://theconversation.com/coopetition-trois-principes-pour-manager-les-tensions-128564">tensions doivent être gérées</a>. Par exemple, dans le cas de la coopétition interne, si au sein d’une entreprise, une business unit souhaite lancer un produit avant les autres business units avec lesquelles elle est en concurrence, alors celle-ci n’aura pas d’incitation à partager des informations ou son savoir avec ses collègues.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/358765102" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment les knowledge brokers aident à gérer la coopétition interne, le cas d’Ubisoft (FNEGE Médias, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Mais si les idées ou solutions innovantes ne sont pas partagées, chaque équipe doit les redévelopper à chaque fois, engendrant ainsi des surcoûts pour la R&D. Le résultat est que l’on a une fâcheuse tendance à réinventer la roue. La direction a donc intérêt à développer la coopération entre ses équipes, quand bien même celles-ci seraient concurrentes. Comment donc concilier ces deux incitations contradictoires ? Pour répondre à cette question, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048733318302415">dans un article de recherche</a> publié dans <em>Research Policy</em>, nous avons analysé le cas d’Ubisoft.</p>
<h2>« Que le meilleur gagne ! »</h2>
<p><a href="https://www.ubisoft.com/fr-FR/groupe/presentation.aspx">Ubisoft</a> est le 3<sup>e</sup> éditeur de jeu vidéo au monde qui grâce à des succès comme Rayman, Assassin’s Creed ou les « Lapins crétins », s’est développé jusqu’à atteindre aujourd’hui près de 16 000 employés, répartis dans 45 studios autour du monde.</p>
<p>Quand on regarde l’organisation des projets d’Ubisoft, on observe une situation de coopétition interne. D’un côté, les projets de création sont très libres et certains jeux vidéo vendus se retrouvent en concurrence pour les consommateurs. D’une certaine manière, la logique est « que le meilleur gagne ! ».</p>
<p>Mais de l’autre, Ubisoft incite aussi les équipes en charge des différents projets à partager les connaissances entre eux, l’idée étant que cette collaboration produit de la valeur.</p>
<p>Or, cette situation de « coopétition interne » peut générer un certain nombre de tensions dans l’organisation. Quand un projet fait une percée technologique pour un jeu vidéo, par exemple un outil qui permet de gérer les ombres ou faire briller la mer, il est très intéressant pour l’entreprise que cette innovation soit partagée et exploitée aussi par d’autres équipes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xzCEdSKMkdU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du jeu vidéo iconique Assassin’s Creed 3 (Ubisoft, 2014).</span></figcaption>
</figure>
<p>Cependant, dans la pratique, cela s’avère compliqué, et ce pour plusieurs raisons :</p>
<ul>
<li><p>Premièrement, le projet à l’origine de l’innovation peut ne pas vouloir la partager. Il veut être le premier jeu à utiliser cette innovation sur le marché. C’est son avantage concurrentiel, qui lui permettra de faire la différence sur le marché, et donc de vendre plus de jeux.</p></li>
<li><p>Deuxièmement, partager, ce n’est pas gratuit, ça a un coût ! Il faut déployer des ressources pour accompagner l’autre projet dans l’implémentation de la solution innovante.</p></li>
<li><p>Troisièmement, récupérer une percée technologique issue d’un autre projet peut aussi faire peur au projet qui le récupère, car son intégration peut s’avérer complexe, en particulier sans les ingénieurs qui en sont à l’origine.</p></li>
</ul>
<h2>Le rôle décisif du knowledge broker</h2>
<p>Dans ce contexte de tensions, notre étude analyse le rôle d’une cellule qui peut être qualifiée de « knowledge broker » (« un relais de connaissance »). Ce concept désigne des individus ou des entités qui se trouvent à l’intersection entre différents groupes et qui agissent en tant qu’intermédiaires dans la transmission des savoirs et des innovations.</p>
<p>Chez Ubisoft, le knowledge broker a pour mission de favoriser le partage des outils de création, grâce à trois grands types d’activités :</p>
<ul>
<li><p>Premièrement, l’identification. Une veille technologique permet d’identifier les percées technologiques futures ou réalisées dans les projets dans l’entreprise. L’objectif n’est pas de tout partager, mais au contraire d’identifier et sélectionner les nouveaux outils susceptibles d’être réutilisés dans d’autres projets de jeu.</p></li>
<li><p>Deuxièmement, la standardisation. Les outils identifiés ne peuvent pas être partagés en l’état, car ils sont souvent trop spécifiques à un jeu. Il faut donc les retravailler, reprendre le code, pour les améliorer et les rendre utilisables par tous.</p></li>
<li><p>Troisièmement, la diffusion. Les outils retravaillés sont répertoriés dans un catalogue qui est communiqué à travers toute l’entreprise et la cellule met à disposition ses équipes pour en favoriser l’utilisation.</p></li>
</ul>
<h2>Gagner du temps</h2>
<p>Ces résultats nous amènent à plusieurs observations sur les rôles du knowledge broker dans la gestion de la coopétition interne :</p>
<ul>
<li><p>Premièrement, la médiation par le knowledge broker crée des délais dans la transmission des solutions en interne. Ce phénomène de <em>lagging</em> (« retardement ») permet au projet à l’origine d’une solution innovante de la valoriser et de la commercialiser avant les autres. L’avantage concurrentiel du projet donateur reste du coup protégé.</p></li>
<li><p>Deuxièmement, le knowledge broker prend en charge ce processus d’absorption et, surtout, standardise les solutions pour les rendre compatibles, de façon à ce qu’elles soient plus faciles à intégrer par tout type de projet et dans n’importe quel contexte.</p></li>
<li><p>Troisièmement, le knowledge broker centralise la diffusion des innovations et favorise la confiance. Sa position neutre et centrale dans le processus d’innovation lui permet d’être reconnu pour son expertise, de sorte que les équipes ont confiance en lui.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi notre étude révèle que la mise en place de knowledge brokers peut être un moyen efficace pour surmonter les tensions liées à la coopétition interne et pour favoriser le partage d’innovations entre des équipes mises en concurrence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127942/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude souligne le rôle clé de ces intermédiaires pour apaiser les tensions internes entre les équipes qui peuvent se faire concurrence au sein de l’éditeur de jeux vidéo.Paul Chiambaretto, Enseignant-chercheur, Montpellier Business SchoolDavid Massé, Telecom ParisTech, i3, CNRS /, École polytechniqueNicola Mirc, Maître de conférences, TSM Toulouse School of Management-Research, Université Toulouse Capitole, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1261552019-11-05T17:06:33Z2019-11-05T17:06:33ZLes limites de la politique européenne de spécialisation des territoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299655/original/file-20191031-187898-19pfspp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C10%2C994%2C738&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'Union européenne distribue les fonds en prenant en compte les spécificités locales de chaque région.</span> <span class="attribution"><span class="source">Vvoe / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La politique de cohésion de l’Union européenne, qui représente tout de même 35 % de son <a href="https://theconversation.com/budget-de-lue-les-gagnants-et-les-perdants-105413">budget total</a> avec <a href="https://ec.europa.eu/regional_policy/fr/funding/available-budget/">351,8 milliards d’euros</a>, a été mise en place il y a une trentaine d’années afin de réduire les disparités économiques européennes.</p>
<p>Du fait que l’UE est traversée par de <a href="https://theconversation.com/les-inegalites-de-developpement-economique-dans-lunion-europeenne-76637">nombreuses inégalités régionales</a>, il est vite apparu nécessaire de proposer des financements publics européens pour les réduire et atteindre cet objectif de cohésion économique, sociale et territoriale. Cette <a href="https://theconversation.com/quelles-solidarites-economiques-entre-les-regions-europeennes-76636">politique de solidarité</a> a subi de nombreux changements au cours de ces 30 années, en partie liés aux élargissements successifs qui se sont opérés, en particulier en 2004 et 2007 avec l’intégration des pays d’Europe centrale et orientale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"598442863349760000"}"></div></p>
<h2>Approche territorialisée</h2>
<p>Le contexte économique a joué un rôle majeur dans les inflexions qu’a connues la politique de cohésion. En particulier, la <a href="https://theconversation.com/retour-sur-la-crise-de-2008-cupidite-ou-ignorance-108841">crise économique et financière de 2008</a> qui a touché de plein fouet l’UE a été l’un des déclencheurs de la nécessité de repenser cette politique. Plusieurs rapports, dont le <a href="https://europa.eu/rapid/press-release_IP-09-642_fr.htm?locale=FR">rapport Barca</a>, préconisaient alors une territorialisation de la politique de cohésion, autrement dit de distribuer les fonds européens en prenant en compte les spécificités locales de chaque région d’Europe.</p>
<p>Cette nouvelle approche territorialisée est cohérente avec la stratégie <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid71587/la-strategie-europe-2020-pour-une-croissance-intelligente-durable-et-inclusive.html">« Europe 2020 »</a> pour une croissance « intelligente, durable et inclusive ». Elle vise à mettre en œuvre ce que l’UE appelle une « stratégie de spécialisation intelligence » (<a href="https://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/informat/2014/smart_specialisation_fr.pdf">RIS3</a>), en prenant en compte les caractéristiques institutionnelles, culturelles et sociales pour mieux s’adapter aux spécificités locales.</p>
<p>Il s’agit d’inciter les régions à adopter des modèles de développement économique adaptés à leurs atouts et à leurs contraintes, ce qui permet d’utiliser les fonds européens de manière plus efficace, du moins on l’espère. Elle renforce aussi les synergies entre les politiques de recherche et d’innovation développées aux niveaux européen, national et régional, et permet de concentrer les investissements.</p>
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<figcaption><span class="caption">« L’Union européenne en quête de cohésion sociale » (FNEGE Médias, octobre 2019).</span></figcaption>
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<p>Les objectifs sont nombreux pour cette politique européenne, peut-être trop ? Il s’agit en effet de :</p>
<ul>
<li><p>mettre en œuvre une économie de la connaissance basée sur les innovations ; </p></li>
<li><p>favoriser l’inclusion sociale en réduisant les inégalités liées à l’éducation en participant au développement des compétences des citoyens européens et en améliorant leur employabilité ;</p></li>
<li><p>lutter contre la pauvreté.</p></li>
</ul>
<p>Par ailleurs, les promoteurs de cette politique sont également conscients qu’il est nécessaire d’une part, de mettre en œuvre une politique industrielle ambitieuse au service de la compétitivité des territoires dans un monde globalisé et, d’autre part, de relever les défis concernant les problématiques liées au changement climatique, aux énergies et à la question des mobilités.</p>
<h2>De nombreux doutes subsistent</h2>
<p>On peut se poser la question de savoir si les régions doivent continuer à se spécialiser davantage, alors que, dans certains cas, la diversification pourrait être la meilleure stratégie. De même, on peut s’interroger sur le fait que la RIS3 fait peser sur une région divers risques d’immobilisation économique, compte tenu de l’accent mis sur le renforcement des structures existantes.</p>
<p>De plus, une des limites de la stratégie actuelle est la multitude de stratégies « impersonnelles » de certaines régions. En effet, certaines régions – voire certains pays (la Hongrie par exemple) – ont des stratégies fortement inspirées les unes des autres. Les thèmes « à la mode » (biotechnologies, industrie créative, informatique, énergies vertes et intelligentes, sciences des matériaux et fabrication intelligente, etc.) sont sur-représentés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"862261353226088448"}"></div></p>
<p>Un autre problème concerne le fait qu’il est difficile d’imposer à une région en retard la même stratégie qu’à une région métropole. En effet, il est demandé à toutes les régions de devenir des leaders mondiaux dans les thèmes qu’elles auront choisis. Or, il nous semble hautement improbable que la <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=GDP_at_regional_level/fr">région Severozapaden (région la plus pauvre de l’UE située dans le Nord-Ouest de la Bulgarie)</a> devienne une référence mondiale des biotechnologies (même à moyen terme) telles qu’elle l’a défini dans sa RIS3.</p>
<p>Nous pensons que ces régions ont davantage besoin d’avoir des stratégies de rattrapage plutôt que de conversion « brutale » vers une économie de la connaissance avant de pouvoir mettre en place ce nouveau dispositif. En conséquence, il semble nécessaire de proposer une approche plus individualisée de la politique de cohésion pour qu’elle puisse répondre aux réels besoins des régions européennes.</p>
<h2>Le risque de désenchantement des peuples</h2>
<p>Les défis sont donc sont nombreux pour la future Commission européenne qui prendra ses fonctions en novembre, en particulier concernant la mise en œuvre de la politique de cohésion. Elle doit d’abord trouver une issue au <a href="https://theconversation.com/londe-de-choc-du-brexit-sur-la-maison-europe-et-la-france-113933">Brexit</a> car celui-ci a des <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/ue/risque-de-baisse-du-budget-europeen-la-politique-de-cohesion-sur-la-sellette-6557281">conséquences sur le budget de l’UE</a>.</p>
<p>De plus, il ne faut surtout pas laisser à l’abandon des territoires en Europe, au risque de voir monter un désenchantement des peuples qui se traduit par des révoltes (<a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-trois-visions-dune-meme-histoire-et-quelques-lecons-109293">exemple de la crise des « gilets jaunes »</a>) et une montée des <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/elections-europeennes-six-pays-vus-par-six-experts-818296.html">nationalismes ou des votes extrêmes</a> comme on peut déjà l’observer dans certains États membres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126155/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’UE encourage les régions à devenir des leaders mondiaux dans les secteurs qu’elles auront choisis. Une politique mal adaptée aux territoires les plus pauvres.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieAndré Torre, Directeur de recherche en économie à l'INRA, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1250262019-10-14T19:39:17Z2019-10-14T19:39:17ZL’ikigai, un outil pour conserver les talents dans l’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296228/original/file-20191009-3856-1mq8vfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C4%2C976%2C606&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fondements de l’Ikigai : passion, vocation, profession et mission.</span> <span class="attribution"><span class="source">Marekuliasz / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Voici l’histoire de la rencontre improbable de trois univers : celui des personnes dites à « haut quotient intellectuel » (HQI), celui de la gestion des talents dans les organisations, et celui du concept japonais d’ikigai. Trois univers qui, associés, nourrissent la réflexion des chercheurs en sciences de gestion travaillant sur le management des talents.</p>
<p>Nous savons depuis 1905 avec le psychologue français <a href="https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2006-1-page-24.htm">Alfred Binet</a> que l’intelligence est un concept complexe, notamment parce qu’il n’y en a pas qu’une mais bien plusieurs. Outre les différentes formes identifiées par le psychologue américain <a href="http://cms.ac-martinique.fr/structure/ash/file/LA_THEORIE_DES_INTELLIGENCES_MULTIPLES_Howard_Gardner.pdf">Howard Gardner</a> en 1983, par exemple l’art du verbe, la compétence mathématique, la capacité d’introspection ou encore la faculté de s’orienter dans l’espace, l’intelligence est également <a href="https://www.intemotionnelle.com/quest-ce-que-lintelligence-emotionnelle/">émotionnelle</a> au travers de nos empathies et même <a href="https://www.communicaid.fr/blog/formation-interculturelle/lintelligence-culturelle-competence-leaders/">culturelle</a> lorsque nous nous adaptons facilement à des modes de vie très différents des nôtres. Mais bien que nous soyons tous différemment intelligents, on a malgré tout essayé de mesurer l’intelligence, notamment par des tests dits de quotient intellectuel.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1117596701638967299"}"></div></p>
<h2>Les entreprises démunies face aux HQI</h2>
<p>L’association <a href="https://mensa-france.net/">Mensa</a> en a d’ailleurs fait son outil central de détection des hauts potentiels intellectuels. Mais cet outil peut difficilement évaluer le degré d’empathie ou de résilience d’une personne. C’est la raison pour laquelle les HQI suivent souvent un schéma cognitif et émotionnel stable car ils accueillent toutes les formes d’intelligence, avec leurs avantages et leurs inconvénients : capables de fulgurances intellectuelles pour résoudre des problèmes encore jamais rencontrés, les HQI tournent souvent en rond face à des problèmes simples, expriment une empathie démesurée, absorbent les émotions de leur entourage comme des éponges et sont souvent très seuls.</p>
<p>Cette solitude vient notamment du fait que pour pouvoir exister, ils utilisent leur formidable potentiel pour se dissimuler. En effet, si une minorité peut tomber en dépression à cause d’une incapacité à gérer cette différence, et si une autre minorité l’accepte et la vit pleinement, une écrasante majorité s’emploie à dédier sa puissante capacité intellectuelle à justement ne rien en montrer, un peu comme certains personnages publics pourraient rêver d’anonymat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"914953113882251264"}"></div></p>
<p>Leur solitude est donc la résultante d’une équation simple : la combinaison de performances (pouvant créer des jalousies ou des accusations de tricherie), d’échecs (pouvant laisser croire à de la paresse, à du désintérêt ou à une propension à l’isolement social), et de caractéristiques émotionnelles permettant une écoute exceptionnelle envers les autres mais, paradoxalement, une inaptitude à communiquer sur soi-même.</p>
<p>Depuis l’extérieur, difficile alors de gérer les personnes HQI, notamment une fois qu’elles ont atteint l’âge adulte. En effet, de très beaux efforts sont faits auprès des enfants mais tous les HQI n’ont pas la chance d’être diagnostiqués jeunes. Et l’université comme l’entreprise ne sont pas encore suffisamment équipées pour déceler les traits HQI chez un étudiant ou un collaborateur bien que les signes soient prégnants. Pourtant, l’évolution de l’environnement professionnel est plutôt encourageante de ce point de vue.</p>
<h2>Sortir de schémas récurrents</h2>
<p>En effet, la quête de compétences commence à dépasser la course aux diplômes, ce qui explique les résultats du récent baromètre <a href="https://www.fnege.org/nos-programmes/barometre-entreprise">FNEGE</a>. La Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises a ainsi clairement identifié que les employeurs ne cherchaient plus seulement des techniciens parmi les étudiants mais aussi et surtout des « talents ».</p>
<p>Et à la question de savoir ce que l’on entendait par ce terme, un consensus s’est formé autour de l’idée selon laquelle un talent est une personne capable d’agilité intellectuelle, autrement dit apte à mobiliser des compétences et des techniques créatives, improbables et rarement, voire jamais associées, le tout pour aboutir à des solutions innovantes.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Baromètre FNEGE des grandes préoccupations des cadres dirigeants du secteur privé » (FNEGE Médias, 2018).</span></figcaption>
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<p>Le segment que les HQI représentent dans la population « talents » a donc un bel avenir devant lui, d’autant que certains <a href="https://www.xerficanal.com/business/emission/Philippe-Mouillot-Dominic-Drillon-Detecter-les-HQI-(hauts-quotients-intellectuels)-en-entreprise_3747008.html">chercheurs en sciences de gestion</a> en ont fait leur fer de lance et que d’importantes entreprises du CAC40, à l’instar du <a href="https://www.saint-gobain.com/fr/carrieres/accompagnement">Groupe Saint-Gobain</a>, ont fait de la gestion des talents une philosophie RH.</p>
<p>La gestion des HQI comme celle des talents est donc une réalité à laquelle les organisations ont choisi de s’atteler afin d’augmenter leur agilité et leur performance. La question est désormais de savoir comment. Car la <a href="http://mclcm.free.fr/080516/080516.17_Intro-EPCC-Colloque.pdf">« constante macabre »</a> a la vie dure. Cette idée, démocratisée par <a href="http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/07/06072016Article636033858118022313.aspx">André Antibi</a>, consiste à ne jamais vraiment sortir de schémas récurrents. Et donc, de la même manière que certains enseignants considèrent que 14/20 est une note exceptionnelle pour un devoir de philosophie alors que 20/20 est fréquente en sciences dures, certains DRH sont encore frileux à engager une personne sur la base de son potentiel plutôt que sur l’adéquation existant entre ses compétences et une fiche de poste préalablement établie selon les besoins de l’organisation.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Détecter les HQI (hauts quotients intellectuels) en entreprise » (Xerfi canal, 2019).</span></figcaption>
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<p>Et l’on peut comprendre cette hésitation. Car comment justifier l’engagement de budgets sur de tels idéaux ? Et surtout, comment gérer le <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/04/25392-le-brown-out-ce-nouveau-fleau-dans-lentreprise/">« brown out »</a>, la prise de conscience de l’absurdité de son métier, symptôme tellement représentatif des HQI et explicatif de l’attrition des talents dans les organisations ? Et bien peut-être par le filtre de l’ikigai.</p>
<h2>Passion, vocation, profession et mission</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12934571">article fondateur publié en 2003</a>, le professeur de psychologie clinique Akihiro Hasegawa a défini l’ikigai comme une démarche de lente introspection permettant à chacun de trouver un sens (« gai ») à sa vie (« iki »). Si le concept fut employé dès le XII<sup>e</sup> siècle dans la littérature médiévale japonaise pour désigner un certain art de vivre, c’est dans les années 1970 que l’ikigai prit sa signification contemporaine, période pendant laquelle des signaux faibles annonciateurs d’un possible malaise culturel national autour de l’accomplissement individuel et collectif par le travail commençaient à émerger.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249879/original/file-20181211-76956-1gkdtlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249879/original/file-20181211-76956-1gkdtlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249879/original/file-20181211-76956-1gkdtlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249879/original/file-20181211-76956-1gkdtlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249879/original/file-20181211-76956-1gkdtlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249879/original/file-20181211-76956-1gkdtlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249879/original/file-20181211-76956-1gkdtlm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Identifiez votre propre ikigai.</span>
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<p>Si l’ikigaia rencontré un tel succès au-delà des frontières culturelles nippones, c’est parce que plusieurs DRH y ont vu les composantes d’un équilibre susceptible d’apporter une réponse à ces syndromes de <em>burn-out</em> (saturation), de <em>bore out</em> (ennui) ou encore de <em>brown out</em> en associant ce que l’on aime faire avec ce pour quoi nous sommes doués, ce pour quoi nous sommes payés, le tout face à ce dont le monde a besoin. Passion, vocation, profession et mission sont donc les fondements de l’ikigai. Mais ces mêmes DRH voient désormais également dans ce concept une nourriture féconde aux politiques RSE (<a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/responsabilite-societale-des-entreprises-rse">Responsabilité sociétale des entreprises</a>) qui cherchent notamment à attirer des talents. Et il se trouve que cette tendance est intimement liée à l’intelligence, à la fois artificielle pour concevoir des outils spécifiques, mais surtout humaine pour déterminer la place idéale d’un cadre au sein d’une organisation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1072611392652525569"}"></div></p>
<p>Depuis les années 1990, les chercheurs en sciences de gestion s’accordent donc à penser que la ressource humaine conditionnera de plus en plus les performances entreprises au détriment de variables macro-économiques plus habituellement citées telles que les crises, les fluctuations monétaires ou les révolutions politiques de type « printemps arabe ». C’est dans cette optique que le professeur en management <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2004-1-page-7.htm">Peter Drucker</a> parlait alors de « guerre des talents », l’émergence de recherches assidues pour trouver les compétences capables de fournir aux organisations des avantages concurrentiels dominants, significatifs et surtout durables.</p>
<p>Aussi, pour que les organisations soient en mesure d’être créatives, elles doivent capter des idées de valeur ; et pour cela, elles doivent d’abord recruter et/ou détecter des personnes capables de générer de telles idées, personnes dont les HQI représentent un fer de lance. À partir de là, ces organisations devraient être en mesure de capturer la valeur d’idées nouvelles et atypiques, telles que celles émises par les HQI, et avoir à cœur de conserver ces talents dans leurs rangs. Et à ce stade, la méthode ikigai pourrait bien jouer un rôle crucial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125026/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Mouillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>S’inspirer de cette philosophie de vie japonaise peut être d’une aide précieuse pour la gestion des personnes dites à « haut quotient intellectuel ».Philippe Mouillot, Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestion, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1233912019-09-15T19:43:01Z2019-09-15T19:43:01ZPourquoi les entrepreneurs en difficulté et les banquiers ne se comprennent pas<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/291971/original/file-20190911-190065-1bwq194.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C989%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Banquiers et entrepreneurs ont tendance à utiliser des mots différents pour qualifier les mêmes maux...
</span> <span class="attribution"><span class="source"> Jeanette Dietl / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Phénomène courant de la vie des entreprises, et particulièrement des plus petites, la difficulté entrepreneuriale – lorsque la situation financière du chef d’entreprise s’est fortement dégradée – fait partie des informations qui peuvent interférer dans la relation bancaire. En pratique, chacun de son côté – entrepreneur et banquier – développe ses propres représentations de ce qu’est une bonne relation et de ce qu’il doit faire pour se coordonner efficacement.</p>
<p>Ce phénomène est renforcé par le fait que les banquiers et les entrepreneurs ont naturellement tendance à diverger, les uns étant plus orientés sur la gestion du risque et les autres sur la conquête du marché. La réussite de la communication repose donc sur une compréhension mutuelle qui est loin d’être évidente tant les représentations mentales face à la situation peuvent diverger.</p>
<p>Pour tenter de mesurer l’écart entre les représentations mentales des deux partenaires d’affaires dans ces situations de tension financière, nous avons interrogé trois entrepreneurs, dirigeant des TPE traversant actuellement des difficultés financières, ainsi que trois banquiers, travaillant au sein d’une des principales banques commerciales françaises et ayant déjà été régulièrement confrontés à ce type de dossiers.</p>
<h2>L’accompagnement ne va pas de soi</h2>
<p>Pour comparer la façon dont nos six interlocuteurs se représentent leur relation en cas de difficulté entrepreneuriale, nous leur avons posé une série de dix questions rigoureusement identiques, puis nous avons analysé leur réponse à l’aide d’un logiciel de statistiques textuelles. Si les résultats obtenus ne sont évidemment pas statistiquement généralisables, ils offrent néanmoins un éclairage permettant de mieux comprendre l’origine du problème. En effet, deux structures cognitives simplifiées émergent.</p>
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<figcaption><span class="caption">« L’accompagnement bancaire des entrepreneurs en difficulté », Vincent Maymo (vidéo FNEGE Médias, juillet 2019).</span></figcaption>
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<p>D’un côté, l’entrepreneur rattache la difficulté à des éléments externes (c’est-à-dire sur lesquels il n’a pas le contrôle, tels que des factures impayées, par exemple) et s’attend dès lors à ce que la banque fasse preuve d’une certaine compréhension face à cette situation et le soutienne à travers la mise à disposition de produits bancaires.</p>
<p>À cet égard, il apparaît que l’entrepreneur est davantage à la recherche d’une solution technique, à un instant T, que d’un véritable accompagnement dans la durée (par exemple, les termes accompagner-accompagnement ne sont utilisés que 3 fois par les entrepreneurs, contre 22 fois par les banquiers). En sens, le banquier n’est pas vraiment appréhendé comme un partenaire par l’entrepreneur en difficulté.</p>
<p>D’un autre côté, le banquier cherche à compléter ses informations objectives sur le chef d’entreprise – facilement disponibles – par des informations subjectives relatives à la situation de difficulté traversée par l’entrepreneur (par exemple, les termes dialogue-dialoguer sont utilisés 11 fois par les banquiers, contre 0 fois par les entrepreneurs). Le banquier s’évertue notamment à comprendre précisément ce qui s’est passé afin d’appréhender le niveau de responsabilité du chef d’entreprise.</p>
<p>De son interprétation des « signaux » envoyés par l’entrepreneur (par exemple, les efforts sur la rémunération, la remise en question) dépendra sa volonté (ou non) de mettre en place un accompagnement dans la durée. À ce titre, s’il se sent trahi par l’entrepreneur, il n’hésitera pas à prendre une décision défavorable à ce dernier.</p>
<h2>Afficher sa résilience</h2>
<p>Notre analyse souligne finalement qu’un sens différent peut être donné à des mots identiques. En particulier, des termes tels que transparence, confiance ou compréhension n’ont pas du tout la même signification dans la bouche d’un entrepreneur et d’un banquier. Par exemple, la compréhension renvoie, chez le banquier, au sens donné à la situation d’échec du chef d’entreprise, alors qu’elle est plutôt synonyme de droit à l’erreur ou de seconde chance chez le chef d’entreprise.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/repenser-lechec-comme-une-chance-108894">Repenser l’échec comme une chance</a>
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<p>Il en découle assez logiquement que le chef d’entreprise en quête de rebond doit apprendre à « professionnaliser » sa gestion de la relation bancaire, en l’envisageant comme une forme de dialogue continu avec le banquier. Pour faire la meilleure impression possible, et afficher sa résilience, il doit notamment être capable de montrer – c’est-à-dire de signaler – qu’il a tiré les enseignements de ses difficultés et qu’il est capable d’entreprendre des actions correctives, au lieu d’être dans une forme d’attente passive – mais très forte – d’aide du banquier face à une situation financièrement dégradée, dont il ne se sent pas responsable.</p>
<p>Il faut en effet souligner que les deux partenaires intègrent régulièrement de nouvelles informations au fil de la relation. Ils sont donc tout à fait capables de réviser leurs opinions et d’adapter leurs représentations, notamment lorsque la relation banquier-entrepreneur connaît un <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/mnsc.2014.1957?journalCode=mnsc">« choc exogène »</a>, comme lorsque des difficultés surviennent. Les entraves à la compréhension existent, mais ne sont donc en rien insurmontables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123391/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Maymo est membre de Bordeaux Place Financière et Tertiaire. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Cusin et Tatiana Bouzdine Chameeva ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les deux interlocuteurs n’analysent pas une situation financière dégradée de la même façon…Julien Cusin, Professeur des Universités en Sciences de Gestion à l'IAE Bordeaux, laboratoire IRGO, Université de BordeauxTatiana Bouzdine Chameeva, Professeur senior, Kedge Business SchoolVincent Maymo, Maître de conférences à l'IAE Bordeaux (Université de Bordeaux), laboratoire IRGO, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1197682019-07-08T18:31:10Z2019-07-08T18:31:10ZÀ partir de quel prix le consommateur estime-t-il qu’un produit est luxueux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/282258/original/file-20190702-126400-1tqbxmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C86%2C797%2C567&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour ce qui est de la joaillerie, le consommateur place la frontière du luxe à un niveau plus élevé que pour les autres produits.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Antonio Gravante / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le secteur économique du luxe a connu depuis 20 ans une énorme expansion, dans le monde entier. Le nombre d’unités vendues <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/06/14/apres-des-annees-de-folle-croissance-le-marche-du-luxe-s-assagit_5476218_3234.html">a augmenté</a>, tout comme le nombre d’acheteurs. Ces nouveaux acheteurs viennent souvent de pays nouvellement ouverts au luxe, la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/en-2024-les-chinois-seront-les-premiers-clients-des-marques-de-luxe-1531109.html">Chine en tête</a>. Souvent aussi ce sont des acheteurs intermittents, des « excursionnistes » du luxe. Du côté de l’offre, on observe de nombreuses extensions des marques de luxe vers des produits plus accessibles, vers des catégories moins coûteuses comme le parfum, et l’apparition de nouvelles marques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1089317167781347328"}"></div></p>
<p>Mais où commence le luxe ? À quoi peut-on dire qu’une montre est, ou n’est pas, une montre de luxe ? Qu’un sac à main est, ou non, de luxe ? Qu’un hôtel est, ou non, de luxe ? L’expansion de l’offre et de la demande de luxe rend de plus en plus centrale la question que nous avons explorée, celle des frontières du luxe aujourd’hui.</p>
<h2>Le critère du prix</h2>
<p>Pour répondre, on pourrait passer en revue les nombreuses publications professionnelles et académiques sur le luxe, interroger des dirigeants de maisons de luxe, les consultants spécialisés, ou des gourous. Nous avons adopté l’approche inverse, celle de nous appuyer sur les consommateurs eux-mêmes, d’analyser comment ils répondent à cette question de la frontière du luxe. Grâce à une base de données mise généreusement à notre disposition par Ipsos, nous avons pu avoir accès aux réponses de plus de 8 000 consommateurs dans sept pays.</p>
<p>Nous ne souhaitions pas répondre à propos d’une seule catégorie de produits de luxe, les montres par exemple, mais avoir une vision large couvrant de nombreuses catégories. Cela nécessitait d’analyser un critère commun à toutes ces catégories, plutôt que de changer de critères d’une catégorie à l’autre en observant la complexité des mécanismes pour les montres, la qualité du cuir et la finition pour les sacs, ou les services annexes pour les hôtels.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/260957595" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« À quel prix le luxe commence-t-il ? La perception des consommateurs » (Video FNEGE Médias, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Un critère s’imposait car il est commun à toutes les catégories : le prix. La question posée aux consommateurs était très concrète : à partir de quel prix peut-on dire qu’une montre est une montre de luxe ? À partir de quel prix peut-on dire qu’une bague est une bague de luxe ? À partir de quel prix peut-on dire qu’un stylo est un stylo de luxe ? La question est identique pour toutes les catégories, simplement en changeant le nom du produit.</p>
<p>Ipsos avait posé cette question à propos de 21 produits différents, relevant de la joaillerie, des vêtements et des chaussures, des articles de cuir, des accessoires comme les lunettes ou les stylos, etc. Dans chaque catégorie, on n’interrogeait que les personnes qui avaient acheté récemment un article de luxe dans la catégorie ou en possédaient un.</p>
<h2>Hétérogénéité des consommateurs</h2>
<p>Quelles sont nos principales conclusions ? Tout d’abord, de façon significative, les consommateurs ne sont pas surpris par la question (par exemple sur le prix minimum d’une montre de luxe). Ils y répondent presque toujours, ce qui montre que le luxe est un mot connu de tous, un concept pour lequel chacun a une vision. Les taux de réponse élevés dans toutes les catégories confirment le rôle central du prix dans la perception du luxe.</p>
<p>La principale conclusion de notre recherche est la très grande hétérogénéité des consommateurs. Un très grand nombre de consommateurs situent la frontière du luxe à un niveau très bas, par exemple 100 euros pour une montre ; un tout petit nombre la situent très haut, à 5 000 euros voire 12 000 euros pour une montre ; et le nombre de réponses observées diminue très vite dès que le prix cité augmente. Ceci se répète, sans exception, pour chacun des 21 produits et pour chacun des sept pays.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/282249/original/file-20190702-126345-1tz963g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282249/original/file-20190702-126345-1tz963g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282249/original/file-20190702-126345-1tz963g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282249/original/file-20190702-126345-1tz963g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282249/original/file-20190702-126345-1tz963g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282249/original/file-20190702-126345-1tz963g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282249/original/file-20190702-126345-1tz963g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282249/original/file-20190702-126345-1tz963g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Bouterolle/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans tous les cas, on observe que la distribution des réponses (pour un produit donné dans un pays donné) suit ce qu’on appelle une distribution « lognormale ». Cela signifie que si l’on considère, non pas les réponses brutes des consommateurs, les prix minimums qu’ils citent, mais le logarithme de ces prix cités, la distribution des réponses parmi les différents consommateurs du pays, pour un même produit, suit une distribution normale, une courbe de Gauss (dite aussi courbe « en cloche »).</p>
<p>Les consommateurs ont donc une vision très diversifiée du luxe. Pour la grande majorité de notre échantillon, la frontière du luxe se situe assez bas. Pour une petite (souvent très petite) minorité, elle se situe beaucoup plus haut. En même temps, il ne faudrait pas en déduire qu’il y a une dichotomie simpliste entre deux groupes, un groupe qui placerait la frontière à un niveau bas et un groupe qui la placerait plus haut. Il y a au contraire un continuum : à mesure que le niveau de prix augmente, le nombre de personnes qui situent la frontière à ce niveau diminue.</p>
<h2>Un portefeuille de marques</h2>
<p>Autre conclusion, chaque consommateur donne des réponses cohérentes pour les différentes catégories de produit. Qu’il s’agisse de bijoux, de vêtements, de montres, de sacs, de produits en cuir, les prix cités sont bien corrélés. Une personne qui fixe la frontière du luxe pour les sacs à un niveau relativement élevé (en comparaison des autres consommateurs) la fixera aussi à un niveau relativement élevé pour les bijoux, les montres ou les chaussures. Une autre personne fixera partout la frontière à un niveau bas.</p>
<p>Mais cette forte corrélation s’accompagne de fortes différences d’une catégorie à l’autre dans le niveau moyen de la frontière. C’est pour les bijoux que la frontière du luxe se situe au niveau le plus élevé. Viennent ensuite les montres, les vêtements, les sacs, les chaussures.</p>
<p>On observe donc chez chaque personne une vision cohérente des frontières du luxe, même si les consommateurs ont bien assimilé qu’elle ne se situe pas au même prix pour toutes les catégories. Ils ont bien compris que, pour une même somme, on peut acquérir des produits de luxe dans une catégorie (par exemple, les chaussures) mais pas dans une autre (par exemple la joaillerie). Le concept abstrait de luxe peut correspondre à des instances concrètes de prix très différentes pour un même consommateur. Pour extrapoler nos résultats à deux catégories que nous n’avons pas étudiées, le prix d’un repas dans le restaurant le plus luxueux du monde reste très en dessous du prix d’une voiture de très bas de gamme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282253/original/file-20190702-126382-vkriys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=607%2C89%2C2698%2C1660&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282253/original/file-20190702-126382-vkriys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282253/original/file-20190702-126382-vkriys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282253/original/file-20190702-126382-vkriys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282253/original/file-20190702-126382-vkriys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282253/original/file-20190702-126382-vkriys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282253/original/file-20190702-126382-vkriys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cette jeune femme porte-t-elle une montre de luxe ? Les consommateurs ne s’accorderont pas sur la réponse…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Diana Indiana/Shutterstock</span></span>
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<p>Nous identifions aussi les facteurs explicatifs de la frontière perçue par chaque consommateur. Bien sûr, la frontière monte avec le revenu. Mais l’expérience accumulée au long de la vie est également importante : la possession de biens luxueux, celle d’autres biens durables coûteux mais non associés au luxe, l’âge lui-même amènent à faire monter la frontière.</p>
<p>Notre principale contribution théorique est de mettre en vedette ce qu’on pourrait appeler le paradoxe de la subjectivité du luxe, et de lui donner un large soutien empirique. Le terme de luxe est connu de tous. Dans presque toutes les langues, il reprend la même racine latine : <em>luxus</em>. Mais la vision associée à ce terme unique est subjective, personnelle. Chacun voit la frontière du luxe à sa manière. Et, chacun se convainc, sans doute, d’être dans le domaine du luxe dès qu’il a passé cette frontière. Deux personnes, face au même objet, à la même marque, penseront avec la même sincérité, l’une qu’il s’agit de luxe et l’autre qu’il ne s’agit pas de luxe.</p>
<p>Les implications managériales pour les marques de luxe sont importantes. Pour s’adapter à des cibles très hétérogènes, il faut construire une offre diversifiée et complémentaire, en jouant sur le positionnement et sur la gamme offerte. Pour une même marque, l’extension à de multiples catégories de produits permet de proposer une offre de luxe à des niveaux de prix très différents. Dans une même catégorie, on peut diversifier l’offre en variant les matériaux ou les composants, le cuir pour les sacs, la complexité pour les montres, etc. Pour un groupe de luxe, cela passe certainement par un ensemble de maisons, par des portefeuilles de marques, plutôt que par une marque unique.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’article de recherche <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.jbusres.2015.08.005">« Where do consumers think luxury begins ? »</a> de Jean‑Noël Kapferer et Gilles Laurent publié dans le Journal of Business Research (2016).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119768/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour une montre, les réponses des sondés dans sept pays différents s’échelonnent entre 100 et 12 000 euros. Cette hétérogénéité incite les marques à penser en termes de portefeuille de marques.Gilles Laurent, Research Fellow, département Marketing, ESSEC Jean-Noël Kapferer, Professeur Senior, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1190982019-06-25T19:46:49Z2019-06-25T19:46:49ZVidéo : Les enjeux de la comptabilité de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280167/original/file-20190619-171183-pfcefc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C2%2C985%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La comptabilité a pour objet premier de représenter le monde, mais elle l’influence aussi profondément en retour.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Lovelyday12 / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280162/original/file-20190619-171252-zwjhlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280162/original/file-20190619-171252-zwjhlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280162/original/file-20190619-171252-zwjhlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280162/original/file-20190619-171252-zwjhlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280162/original/file-20190619-171252-zwjhlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280162/original/file-20190619-171252-zwjhlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280162/original/file-20190619-171252-zwjhlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cette contribution s’appuie sur les travaux coordonnés par Philippe Chapellier (professeur de sciences de gestion à l’Université de Montpellier), Yves Dupuy (professeur émérite de sciences de gestion à l’Université de Montpellier), Claire Gillet-Monjarret (maître de conférences à l’Université de Montpellier), Agnès Mazars-Chapelon (maître de conférences HDR à l’Université de Montpellier), Gérald Naro (professeur des universités en sciences de gestion à l’université de Montpellier) et Emmanuelle Nègre (maître de conférences à la Toulouse School of Management), dans le cadre de la rédaction de l’ouvrage « Comptabilités et société : entre représentation et construction du monde » publié aux éditions EMS.</em></p>
<p><em>Cet ouvrage a reçu le <a href="https://www.fnege.org/nos-prix/prix-du-meilleur-ouvrage/resultats-2019">Prix FNEGE 2019</a> du meilleur ouvrage de management dans la catégorie ouvrage de recherche collectif dont The Conversation France est partenaire.</em></p>
<hr>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/336542502" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Comptabilités et Société : entre représentation et construction du Monde » (FNEGE Médias, mai 2019).</span></figcaption>
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<p>Que trouver de commun entre nos achats courants, en ligne ou chez un commerçant, le chiffre d’affaires ou le bénéfice de notre boulanger et ceux d’Aventis ou de Google, le budget de la France et celui de la Chine ? Rien, est-on tenté de répondre en première réaction. Pourtant, toutes ces catégories partagent une identité fondamentale : celle de correspondre à une représentation chiffrée et monétaire, c’est-à-dire « qui se compte », selon, en apparence du moins, un langage numérique unique et cohérent.</p>
<p>En cela, les quelques exemples initialement évoqués soulignent à quel point le langage comptable en question est devenu prégnant dans notre quotidien économique, social, et même sociétal : prix, coûts, contraintes budgétaires, lectures économiques des performances, de toutes les performances, sont ainsi sans cesse convoqués et médiatisés, pour expliquer ou justifier le Monde tel qu’il va. Or, bien malin qui saurait dire clairement, sauf peut-être d’un point de vue strictement technique, ce qu’est un prix, un coût, et moins encore un bénéfice, un budget, ou un « impact » environnemental. La portée de cet étrange paradoxe, qui consiste à considérer implicitement des catégories complexes et fuyantes comme relevant du sens commun, voire de l’évidence, constitue le point d’ancrage de l’ouvrage.</p>
<h2>Indispensables normes</h2>
<p>C’est que, tout d’abord, la comptabilité reste très souvent comprise et admise comme une technique parfaitement normée, complète, et fiable de représentation du monde réel, et de ses composantes institutionnelles et organisationnelles. Elle prétend représenter, par exemple, la totalité du patrimoine détenu par une entreprise donnée à un instant donné. Mais encore faut-il s’entendre sur le contour spatio-temporel et les composantes de ce patrimoine, et sur la possibilité d’en produire une image chiffrée comparable à celle du patrimoine d’autres entreprises, institutions, etc. Dans ce but, des conventions et des normes doivent nécessairement être adoptées.</p>
<p>Dès lors, représenter le réel en termes comptables, c’est forcément le simplifier et donc privilégier certains aspects plutôt que d’autres. En ce sens, la représentation comptable « traditionnelle » tend à favoriser les aspects financiers au détriment des aspects sociétaux, et les intérêts des entreprises, ou des investisseurs, au détriment de ceux de la société. Une illustration typique de cette tendance se trouve dans l’utilisation, par les géants de l’Internet, d’artifices comptables visant à délocaliser leurs profits en créant une déconnexion formelle entre lieux d’activité et localisation des bénéfices déclarés.</p>
<h2>Pas de rôle neutre</h2>
<p>Cet exemple très actuel donne à penser que, si la comptabilité a pour objet premier de représenter le monde, elle l’influence profondément en retour. Les représentations qu’elle délivre conditionnent sans cesse les comportements de ses utilisateurs directs et indirects. C’est bien sur la base d’outils de gestion comptables que les managers prennent et justifient leurs décisions. Ils déterminent ainsi le fonctionnement de leurs organisations et, au-delà, des institutions et collectivités les plus diverses.</p>
<p>En cela, la comptabilité ne joue donc nullement le rôle passif ou neutre auquel on voudrait parfois la cantonner. Elle s’érige bien au contraire en principe d’action – l’actif n’est-il d’ailleurs pas constitué pour agir ? –, et elle participe au-delà à la construction du monde. Un enjeu essentiel devient alors de poser collectivement les bases de la comptabilité de demain. Une telle comptabilité se voudrait libérée de ses impasses et de ses zones obscures actuelles. Au-delà des chiffres purement monétaires et financiers, elle permettrait en quelque sorte de rendre visibles des catégories essentielles encore largement invisibles, telles que les biens communs, l’environnemental, l’humain, le social…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119098/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La comptabilité peut être présentée comme un reflet du monde. Celui-ci évoluant en permanence, la comptabilité a dû se mettre à jour mais certaines images qu’elle fournit demeurent incomplètes.Philippe Chapellier, Professeur des Universités en Sciences de gestion, Université de MontpellierAgnès Mazars-Chapelon, Enseignant-chercheur en Sciences de Gestion, Université de MontpellierClaire Gillet-Monjarret, Maître de Conférences en Sciences de gestion, Université de MontpellierEmmanuelle Nègre, Maître de Conférences en sciences de gestion, Toulouse School of Management Research, Université Toulouse 1 CapitoleGérald Naro, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de MontpellierYves Dupuy, Professeur émérite de gestion, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1184602019-06-20T21:24:57Z2019-06-20T21:24:57ZVidéo : Cybersécurité, le facteur humain reste le maillon faible<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280676/original/file-20190621-61756-7hbftn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C19%2C1347%2C772&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Intervention de Bertrand Venard lors de le cadre de la conférence FNEGE-PwC « Cybersécurité et management » du 6 juin 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran FNEGE Médias</span></span></figcaption></figure><p><em>Retrouvez l’intervention de Bertrand Venard, professeur à Audencia Business School (Nantes) et à l’Université d’Oxford (Grande-Bretagne), dans le cadre de la conférence FNEGE-PwC « Cybersécurité & Management » du 6 juin 2019.</em></p>
<hr>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/343407909" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Je n’ai pas le temps d’avoir des back-up » (FNEGE Médias, juin 2019).</span></figcaption>
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<p>Face aux risques cyber, les premières parades furent d’abord techniques. Les spécialistes ont en effet rapidement proposé des stratégies et des outils techniques pour y faire face. Par exemple, des outils de recherche automatique de virus sont utilisés pour scanner les flux Internet à la recherche de virus. Mais quel que soit le niveau de protection technique, la sécurité ultime dépend du comportement de l’utilisateur final. Si une personne ne se protège pas, ou mal, dans sa navigation sur Internet, elle deviendra tôt ou tard victime de cybercriminels.</p>
<p>Pour comprendre les raisons de ces négligences, des études, surtout quantitatives, ont été menées. Nous avons aussi réalisé une étude auprès de 200 étudiants et personnel de l’enseignement supérieur par le biais d’entretiens en face à face. Au moins 3 raisons peuvent expliquer la négligence humaine :</p>
<ul>
<li><p>le déni de victimisation ;</p></li>
<li><p>la faible connaissance des parades ;</p></li>
<li><p>et la multiplication des conduites à risques.</p></li>
</ul>
<p>En premier lieu, certains internautes pensent qu’ils ne peuvent pas devenir des victimes de pirates informatiques. Ils sont inconscients des risques cyber. Selon une étude récente de l’Union européenne, <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/SPECIAL/surveyKy/2207">17 % des Français pensent qu’il n’y a pas ou peu de risques</a> lors de l’utilisation d’Internet.</p>
<p>Un individu nous a ainsi déclaré : « je ne pense pas être une cible pour les cybercriminels », et un autre « je ne suis pas une personne importante pour être une cible ». Dans la réalité, nous sommes tous des cibles potentielles pour les criminels.</p>
<h2>Une méconnaissance des méthodes des parades</h2>
<p>Deuxièmement, les internautes reconnaissent ne pas savoir quoi faire pour se protéger. Ainsi, selon l’étude européenne, 34 % des Français pensent être incapables de se protéger face aux cybercrimes. Cette méconnaissance des parades est évidente chez un étudiant qui nous a déclaré : « je ne sais pas du tout par quoi débuter pour me protéger sur Internet ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/279827/original/file-20190617-118501-3xi2zw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279827/original/file-20190617-118501-3xi2zw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279827/original/file-20190617-118501-3xi2zw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279827/original/file-20190617-118501-3xi2zw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279827/original/file-20190617-118501-3xi2zw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279827/original/file-20190617-118501-3xi2zw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279827/original/file-20190617-118501-3xi2zw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279827/original/file-20190617-118501-3xi2zw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/SPECIAL/surveyKy/2207">Ec.europa.eu</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Troisièmement, en plus de la faible mise en pratique des mesures de protection, les individus n’ont pas toujours conscience des erreurs qu’ils peuvent commettre dans le monde digital. C’est un peu comme si une personne conduisait à 300 km/h sur une autoroute sans savoir qu’il s’agit d’une conduite à risques et sans s’apercevoir de ses fautes de conduite. L’étude européenne a ainsi montré que seulement 31 % des Français utilisent des mots de passe variés pour différents sites. Les autres internautes utilisant le même mot de passe pour tous les sites sont alors des cibles de choix pour les malfrats. De plus, 38 % des Français n’ont changé aucun mot de passe dans les 12 derniers mois. Un étudiant nous a dit ne pas savoir s’il avait un antivirus quand un autre pensait que la mise à jour d’un antivirus n’était pas importante. Un autre répondant a même reconnu n’avoir aucune sauvegarde de ses données importantes.</p>
<p>Heureusement, le comportement de cybersécurité peut être amélioré par une protection étatique, organisationnelle ou individuelle. De nombreuses personnes ont souligné l’importance de leur entourage, notamment les amis ou la famille, jouant un rôle de sensibilisation et de protection. Ainsi, des « anges gardiens digitaux » existent pour protéger les individus, une lueur d’espoir face à des comportements alarmants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118460/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Venard professeur à Audencia Business School (Nantes) et à l'Université d'Oxford (Grande-Bretagne) mène un important projet de recherche sur les comportements humains en matière de cybersécurité, financé par l'Union européenne (numéro de projet : 792137).</span></em></p>Beaucoup de cyberattaques réussissent, car un individu commet une erreur. Comment peut-on expliquer ces négligences ?Bertrand Venard, Professor, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1182142019-06-05T20:48:27Z2019-06-05T20:48:27ZMythes et réalités de l’entreprise libérée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277627/original/file-20190603-69051-gijnte.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C7%2C992%2C639&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’aplatissement de la structure hiérarchique conduit, paradoxalement, à un renforcement de l’image du chef à la tête de l’organisation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Designer491 / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qui n’a jamais entendu parler des entreprises dites « libérées » ? Depuis quelques années, ce mouvement suscite un fort engouement médiatique, et de nombreux débats. Il est porté par le succès de quelques promoteurs talentueux qui ont pris la plume pour convaincre de son originalité et de ses atouts. Ce sont en particulier des dirigeants de certaines de ces entreprises, comme l’ancien patron de la fonderie Favi, Jean‑François Zobrist (voir le film de François Maillard), ou le président de Chrono Flex, entreprise spécialisée en flexibles hydrauliques, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NIapZ61H-N0">Alexandre Gérard</a>. Ce sont aussi des analystes et observateurs convaincus par ces expériences, comme <a href="http://occurrence.fr/newsite/wp-content/uploads/2016/11/Occurrence_Synthese_Getz-Carney.pdf">Isaac Getz et Brian Carney</a>, qui les ont étudiées et ont publié des articles et ouvrages dès 2009 sur ce sujet.</p>
<p>Le phénomène a pris une ampleur considérable, qui dépasse aujourd’hui très largement le cercle de ces premiers spécialistes. À l’heure où la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), publie un <a href="https://www.modernisation.gouv.fr/etudes-et-referentiels/transformation-manageriale-que-peuvent-apprendre-les-entreprises-liberees-aux-administrations-et-organismes-publics">« recueil de bonnes pratiques »</a> inspiré du mouvement des entreprises libérées, et destiné à orienter les changements à venir dans l’administration publique, il est urgent de s’interroger sur le fond : où en est aujourd’hui ce mouvement ? Que faut-il en penser ? Ce modèle est-il réellement novateur ?</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/33075567" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Question de Confiance », film de François Maillard sur Favi.</span></figcaption>
</figure>
<p>Commençons par essayer de définir cet objet mal identifié :</p>
<p>Pour <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.2307/41166504">Isaac Getz</a>, professeur à l’ESCP Europe, le terme entreprise libérée désigne :</p>
<blockquote>
<p>« Une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables dans les actions qu’ils jugent bon – eux, et non leur patron – d’entreprendre ».</p>
</blockquote>
<p>Face à ce mouvement, des critiques se sont élevées. Certains y voient un simple phénomène de mode, d’autres une imposture, et certains sociologues du travail considèrent même qu’il s’agit d’une <a href="http://multinationales.org/Daniele-Linhart-Les-methodes-de-management-centrees-sur-le-savoir-etre-des">nouvelle idéologie managériale</a>, source au contraire d’aliénation !</p>
<p>Mais qui sont donc ces « Entreprises libérées » ? En France, celles que l’on cite le plus spontanément, ce sont des entreprises de taille intermédiaire : le fondeur Favi – c’est lui qui a fait figure de pionnier – et le dépanneur de flexibles hydrauliques, Chrono Flex donc, ou encore le biscuitier Poult. Les noms d’autres entreprises, beaucoup plus grandes celles-là, sont parfois aussi mentionnées comme étant « sur le chemin de la libération », sans qu’elles-mêmes revendiquent d’ailleurs cette expression. Il s’agit par exemple du groupe de prêt-à-porter, <a href="https://thebaroudeursblog.com/2017/04/13/ce-qui-fait-de-kiabi-une-best-place-to-work-en-france-et-partout-ou-ils-sont-implantes/">Kiabi</a>, de l’enseigne de distribution d’articles de sport, <a href="https://www.europe1.fr/economie/cest-quoi-la-methode-decathlon-pour-des-salaries-satisfaits-3611840">Decathlon</a>, ou encore du fabricant de pneumatiques, <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/michelin-reinvente-son-management-et-brise-ses-chaines.N319325">Michelin</a>.</p>
<p>Il nous semble important, pour mieux comprendre le phénomène, de ne pas se cantonner aux discours sur ces organisations, mais d’interroger ce qui s’y « pratique », de les regarder en quelque sorte de l’intérieur. Nous avons mené une telle recherche de l’intérieur, sur trois ETI pionnières, qui sont d’ailleurs souvent présentes dans les discours sur ces entreprises. Il s’agit de Favi, Poult et Chronoflex, que nous avons étudiées <a href="http://www.annales.org/gc/2017/gc-127/GC-126-Article-GILBERT-TEGLBORG-RAULET-CROSET.pdf">entre 2012 et 2015</a>.</p>
<h2>Dimensions nouvelles</h2>
<p>Qu’y avons-nous observé ? Tout d’abord, les structures y sont aplaties, les titres et marques statutaires effacés, et la ligne hiérarchique est raccourcie. Ensuite, les équipes d’opérateurs sont responsabilisées sur un ensemble d’activités et la technostructure et les fonctions de support sont allégées.</p>
<p>Qu’en pensent les employés ? Dans l’ensemble, cela apparaît plutôt positif aux opérateurs, ouvriers, employés et techniciens que nous avons interrogés ; d’autant plus que ces trois entreprises, qui ont toutes été confrontées à des difficultés, ont obtenu à la suite de ce processus des résultats économiques confortables, résultats qu’elles ont partagés avec ces différents acteurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277605/original/file-20190603-69087-11q9g1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277605/original/file-20190603-69087-11q9g1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277605/original/file-20190603-69087-11q9g1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277605/original/file-20190603-69087-11q9g1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277605/original/file-20190603-69087-11q9g1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277605/original/file-20190603-69087-11q9g1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277605/original/file-20190603-69087-11q9g1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Michelin est souvent cité comme l’exemple d’une grande entreprise qui a choisi la voie de l’entreprise « libérée ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olga Besnard/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, nous nous sommes posé la question du caractère novateur du modèle. Il nous a semblé à la fois moins révolutionnaire que ce qu’en disent ses promoteurs, mais quand même novateur. Moins révolutionnaire, car, si l’on se situe dans l’histoire de la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/theorie-des-organisations/">théorie des organisations</a>, on pourrait le considérer comme un fruit tardif de l’école des relations humaines, ce courant né à l’époque de la crise économique de 1929.</p>
<p>D’ailleurs, l’un des auteurs de référence qui est abondamment cité par les adeptes de la libération des organisations est justement un chercheur de l’École des relations humaines, le psychologue Douglas McGregor, qui a opposé deux styles de management avec les fameuses « théorie X » et « théorie Y ». En outre, le modèle de la libération n’est pas sans rappeler un autre courant, celui du <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_1989_num_16_1_1353">management participatif</a> pour lequel il y a eu un fort engouement dans les années 1980, jusqu’à ce qu’il tombe dans l’oubli.</p>
<p>Il y a pourtant des dimensions nouvelles dans le modèle des entreprises libérées. En particulier, nos analyses montrent un renouvellement des formes de participation. Dans nos trois entreprises, la participation n’est pas une simple parenthèse dans l’activité de travail, et n’est pas non plus limitée à certains cercles dans l’organisation. Au contraire, sa mise en œuvre est extensive, elle est un mode de fonctionnement par défaut qui s’impose à tous, à tous les niveaux de l’organisation.</p>
<h2>Un modèle durable ?</h2>
<p>Une autre nouveauté concerne l’accent mis sur la démocratisation de l’innovation, et plus largement sur la stimulation de la dynamique entrepreneuriale. Enfin, le rôle des dirigeants est également clé : ils se mettent volontairement en retrait, refusent de prendre part aux décisions opérationnelles, ce qui de facto suscite la prise de décision collective et la participation. Le dirigeant se concentre sur la stratégie, le développement d’une culture et d’une vision.</p>
<p>Pour conclure, on peut toutefois se demander si ce renouveau de la participation ne risque pas de subir le même sort que le management participatif des années 1980…</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/323732693" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Mythe et réalités de l’entreprise libérée » (FNEGE Médias, 2019).</span></figcaption>
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<p>On se souvient qu’à l’époque, il était resté circonscrit dans notre pays à quelques équipes à durée de vie limitée, car il avait buté sur une série d’obstacles, suscitant des critiques. Du côté des dirigeants, ce qui avait fait obstacle était la crainte d’une résistance passive et de la perte de temps dans la prise de décision. Et du côté des salariés, certains y avaient vu une manœuvre antisyndicale et une récupération des logiques de régulation informelle existantes.</p>
<p>Le modèle des entreprises libérées peut-il donner lieu à des formes de participation plus durables ? Il est trop tôt pour le dire, mais nous avons identifié certains écueils, qui pourraient freiner son développement, et dont il convient certainement de se méfier pour qui veut s’inspirer de ce mouvement.</p>
<p>En premier lieu, la participation s’appuie sur l’autorégulation par les pairs ; mais cela crée des situations de conflit, et peut conduire à des blocages lorsque les dispositifs de régulation de ces conflits n’ont pas été prévus. Ensuite, l’appel à la liberté crée des logiques d’engagement contrastés : si elle fait émerger des leaders informels et stimule l’esprit d’entreprise de quelques-uns, elle met aussi d’autres membres plus à l’écart. Enfin, l’aplatissement de la structure hiérarchique conduit, paradoxalement, à un renforcement de l’image du chef à la tête de l’organisation. Il est, en dernier recours, le gardien des nouvelles règles du jeu et l’inspirateur de leur transformation.</p>
<p>Ces différents éléments sont donc certainement à prendre en compte pour penser à la transférabilité du modèle…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118214/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ann-Charlotte Teglborg receives funding from Eurofunds. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Raulet-Croset et Patrick Gilbert ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Depuis 10 ans, ce concept a pris une ampleur considérable. Mais ce modèle est-il réellement novateur ? Et est-il durable ?Nathalie Raulet-Croset, Professeur, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolAnn-Charlotte Teglborg, Professeur associé, ESCP Business SchoolPatrick Gilbert, Professeur en sciences de gestion, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179332019-06-02T20:15:23Z2019-06-02T20:15:23Z« C’est du sérieux ! » : comment l’autorité s’exerce dans les conversations managériales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276804/original/file-20190528-42546-1piaxzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C16%2C950%2C649&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La frontière entre une « bonne » communication et une communication abusive est toujours relativement ténue...</span> <span class="attribution"><span class="source">Fizkes/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La chute brutale de Carlos Ghosn jette un doute sur les pratiques managériales instituées sous son règne chez Nissan et chez Renault. À vrai dire, bien avant, en 2011, l’<a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-grand-temoin/retour-sur-l-affaire-renault-avec-le-journaliste-matthieu-suc_1757369.html">affaire des faux espions</a> pouvait déjà amener des questionnements. Rappelons les faits : le 3 janvier 2011, suite à une enquête interne, trois cadres sont brutalement licenciés pour avoir (soi-disant) vendu des secrets d’affaires à une entreprise chinoise. Cependant, la police, jusqu’alors tenue à l’écart, ne trouve rien à reprocher aux trois cadres. Elle arrête en revanche un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2017/03/16/fausse-affaire-d-espionnage-chez-renault-quatre-personnes-renvoyees-devant-le-tribunal_5095686_3234.html">des enquêteurs de Renault</a>, qui aurait monté de toutes pièces cette affaire pour détourner de l’argent.</p>
<h2>Méthodologie singulière</h2>
<p>Chose extraordinaire, les entretiens de licenciement des trois cadres, menés séparément par trois dirigeants de Renault, ont été enregistrés intégralement. Les entretiens de <a href="https://www.lepoint.fr/economie/exclusif-ecoutez-un-cadre-de-chez-renault-convoque-par-pelata-dans-le-cadre-de-la-fausse-affaire-d-espionnage-15-04-2011-1319944_28.php">Bertrand Rochette</a>, cadre dirigeant chez Renault, mené par Patrick Pélata, le directeur général d’alors, de <a href="http://www.lepoint.fr/economie/exclusif-ecoutez-quand-%20jean-yves-coudriou-annoncait-sa-mise-a-pied-a-un-%20cadre-de-chez-renault-15-04-2011-1319975_28.php">Michel Balthazard</a>, également cadre dirigeant, par Jean‑Yves Coudriou, directeur des cadres supérieurs, et enfin de <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/renault-l-enregistrement-de-la-mise-a-pied-de-l-un-des-cadres_981701.html">Matthieu Tenenbaum</a>, cadre supérieur, par le directeur juridique Christian Husson, ont été transmis à la presse et publiés peu après la mise hors de cause des trois cadres. Il est tout à fait exceptionnel de disposer de données directes sur de tels évènements.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-management-2018-1-page-611.htm">Le travail de recherche que nous avons mené</a> visait à exploiter ces documents pour examiner ce qui s’était joué lors de ces entretiens. En effet, au-delà de cette affaire particulière, ces conversations montrent comment des dirigeants et des managers, à travers leurs échanges, construisent des relations d’autorité ; comment, au travers de leurs pratiques de communication, l’exercice de l’autorité se matérialise en une influence concrète, c’est-à-dire à une relation de pouvoir.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/L_WgIdFiJLs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Retour sur l’affaire des faux espions chez Renault (Euronews, mars 2011).</span></figcaption>
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<p>Pour cela, nous avons prêté une attention particulière aux enchaînements dans les échanges conversationnels. Plutôt que d’attribuer aux interlocuteurs des états mentaux (soumission ou résistance, par exemple) ou de supposer que l’autorité est « naturellement » acceptée, nous avons cherché à savoir par quels moyens concrets les supérieurs mettaient en œuvre leur autorité hiérarchique et comment les subordonnés réagissaient à ces tentatives. Nous avons ainsi analysé les techniques discursives mobilisées par les interlocuteurs.</p>
<p>Selon la réussite (ou l’échec) de ces techniques, nous avons pu comprendre comment l’influence était exercée (ou non). Cette perspective, inspirée d’un courant théorique appelé <a href="https://journals.openedition.org/semen/8903">« psychologie discursive »</a>, postule que les interlocuteurs construisent ensemble, par leurs échanges, la relation qui les lie, plutôt qu’elle n’est dictée par le statut ou la fonction d’une personne.</p>
<h2>Imposer, résister ou accepter l’autorité</h2>
<p>Les dirigeants de Renault ont ainsi recours à un vaste éventail de techniques discursives. Certaines sont très simples : répétitions de mots ou de phrases, interruptions de l’interlocuteur, inflexions dramatisantes, etc. Les plus fréquentes et les plus importantes sont : les références aux institutions (l’entreprise, la police, la justice), pour conférer au locuteur le statut de représentant de ces institutions ; le contraste rhétorique, pour établir une différence morale entre le locuteur et son destinataire ; et le flou de l’expression, pour laisser planer une incertitude sur les faits invoqués et les intentions. Ces techniques leur servent à établir leur droit à parler au nom de l’organisation et à définir la situation, c’est-à-dire, ici, à montrer la gravité du problème : c’est du sérieux quoi !</p>
<p>Les interlocuteurs (les managers) ont également recours à diverses techniques discursives. Surtout, ils acceptent ou refusent l’autorité du dirigeant. Ils manifestent des oppositions (notamment, tous persistent dans le refus de l’accusation portée contre eux) mais aussi des acceptations (par exemple, tous reconnaissent le droit du dirigeant à parler au nom de Renault ; tous acceptent être confrontés à un problème sérieux pour Renault) et à des alignements (ainsi, deux d’entre eux entrent dans une certaine collaboration). Ces réactions sont à leur tour exploitées par les dirigeants.</p>
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<figcaption><span class="caption">« C’est du sérieux ! L’exercice de l’autorité dans les conversations managériales » (FNEGE Médias, mai 2019).</span></figcaption>
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<p>Par exemple, les protestations d’innocence des managers sont prises comme une preuve de culpabilité : les coupables nient toujours, leur rétorque-t-on. La résistance à l’accusation est ainsi retournée en faveur de l’accusation, augmentant la pression sur le manager. L’acceptation de la gravité de l’affaire est exploitée en offre de collaboration. L’expression de doutes est exploitée sous forme de questions additionnelles. L’exercice de l’autorité s’appuie donc sur la relation de pouvoir qui est construite dans la conversation.</p>
<h2>Des dirigeants qui se prennent pour la police</h2>
<p>L’analyse comparée des entretiens montre une grande diversité dans la construction des « droits » accordés aux dirigeants. Certains paraissent assez « naturels », comme le fait que la parole du dirigeant soit portée au nom de l’organisation (et non en son nom propre). D’autres, en revanche, sont troublants par leur caractère extrême. Dans quelle mesure, en effet, un dirigeant est-il légitime pour conduire un interrogatoire de type policier ? Pour formuler des accusations ? Voire pour juger de la culpabilité des subordonnées et énoncer des condamnations ? L’analyse de ces conversations soulève ainsi la question des limites des relations d’autorité.</p>
<p>Si ces conversations sont à ce point dérangeantes, c’est qu’elles montrent qu’il n’y a pas de frontière claire entre la résistance et la soumission (côté subordonné) ou entre l’exercice de l’autorité et sa suspension (côté supérieur). Parce qu’elles résultent avant tout d’une dynamique conversationnelle se développant selon les réactions réciproques des participants, les conversations sont le lieu de stratégies très variées, adaptatives, et fondamentalement interactives. On est surpris par les tours et détours qu’elles prennent, par les jeux et renversements entre opposition et alignement, et par la variété des techniques discursives mobilisées et par l’éventail des résultats obtenus.</p>
<p>Les leçons à tirer de ce cas sont multiples. À l’évidence, il y a matière à <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2016-1-page-37.htm">réfléchir sur les décisions</a> prises par les dirigeants, ainsi que sur les déviances qui guettent ceux-ci lorsqu’ils <a href="https://hal-upec-upem.archives-ouvertes.fr/hal-01490700/">se prennent pour des policiers</a>. En ce qui concerne plus spécifiquement les pratiques de communication, notre analyse invite à prendre de la distance vis-à-vis des distinctions trop tranchées entre « bonnes » et « mauvaises » pratiques. En particulier, il est souvent recommandé de « laisser de côté » la relation hiérarchique pour « faciliter » la communication. Quoiqu’exceptionnelles à plus d’un titre (ou plutôt à cause de cela), ces conversations montrent la complexité de ce qui se joue dans un échange entre supérieur et subordonné. La frontière entre une « bonne » communication et une communication abusive est en fait assez ténue. L’exercice abusif de l’autorité peut facilement se dissimuler derrière des pratiques de communication qui semblent anodines, comme celles invitant à l’échange.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117933/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une analyse des entretiens menés par les dirigeants de Renault au moment de l’affaire des faux espions, en 2011, met en lumière les techniques discursives pour, entre autres, imposer l’autorité.Hervé Laroche, Professeur Stratégie, Hommes et Organisations, ESCP Business SchoolFlorence Allard-Poesi, Professeur des universités en Sciences de Gestion, Directrice d'Unité de Recherche, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1159432019-05-13T19:15:01Z2019-05-13T19:15:01ZPourquoi les femmes sont sous-représentées dans l’entrepreneuriat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270715/original/file-20190424-121254-gokkoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C23%2C985%2C642&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le phénomène des « mompreneurs » relève tout le potentiel d’innovation des mères de famille.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Diego Cervo/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En France, alors que la parité est aujourd’hui <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303378?sommaire=3353488">globalement acquise dans la population active</a>, le nombre de femmes entrepreneurs continue de stagner depuis une trentaine d’années, avec un <a href="https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Entrepreneuriat-feminin-les-chiffres-cles-22473">tiers des créations d’entreprise</a>. Pourtant, cela fait maintenant près de 20 ans que s’imaginent et se déploient de multiples <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/femmes-entrepreneures-aides">démarches</a> pour soutenir les femmes, notamment par le biais de <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/dossiers/egalite-professionnelle/entrepreneuriat-des-femmes/">mesures nationales</a>, de <a href="https://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/droits-femmes/index/">politiques publiques</a> et familiales proactives et incitatives.</p>
<p>Pour mieux comprendre cette réalité entrepreneuriale, nous avons réalisé une <a href="https://www.inderscienceonline.com/doi/abs/10.1504/IJESB.2017.081034">étude sur une cohorte de près de 50 000 entrepreneurs</a>, âgés en moyenne de 43 ans et répartis sur la France entière.</p>
<h2>Au-delà des chiffres, une situation préoccupante</h2>
<p>Les premiers résultats descriptifs valident la part des femmes entrepreneurs à 31 %. Mais ils montrent également la difficulté d’être mère et entrepreneur : tandis que 57 % des entrepreneurs ont des enfants, seuls 18 % sont des mères. Il semble que l’égalité hommes-femmes <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2004-3-page-26.htm">face aux contraintes du « care »</a> (le soutien à autrui) demeure une utopie !</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/267788570" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Les femmes entrepreneurs en France », vidéo FNEGE Médias (mai 2018).</span></figcaption>
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<p>De fait, la France promeut encore un <a href="https://www.cairn.info/entre-famille-et-travail--9782707157515-page-167.htm">modèle de la famille</a> dans laquelle la femme endosse le rôle de la « femme au foyer active », dans lequel elle assume des activités domestiques et professionnelles. Le soutien à la maternité mis en place pour favoriser l’emploi des femmes tend à maintenir des barrières subtiles enracinées dans <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/lideal-femmes-devraient-rester-a-maison/00077848">des stéréotypes et des rôles sociaux traditionnels</a>.</p>
<h2>La maternité, un élément à charge</h2>
<p>Dans le contexte institutionnel national et régional français, nous avons testé l’impact de la maternité sur les trois éléments centraux pour la réussite entrepreneuriale que sont les accès au marché et à la monnaie (au financement), ainsi que les compétences en management.</p>
<p>Par rapport à l’accès au marché, les mères restent cantonnées à des activités historiquement à prédominance féminine. Elles se restreignent en effet généralement à deux grandes catégories statistiques, « vente, transports et restauration » et « autres services », dans laquelle sont notamment classés les activités liées <a href="https://www.infogreffe.fr/informations-et-dossiers-entreprises/actualites/les-femmes-et-l-entrepreneuriat.html">au commerce du soin à autrui</a>.</p>
<p>Notre étude relève également que les mères intègrent peu le secteur de l’innovation. Pourtant, être femme a un impact positif fort en termes de produits et/ou de services innovants. Plus intéressant encore, être mère renforce même l’innovation dans le produit et le service, comme l’illustre le <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/2013-v17-n3-mi0805/1018270ar/abstract/">phénomène des mampreneurs</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En France, un tiers des entrepreneurs sont des femmes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fnege-medias.fr/les-femmes-entrepreneurs-en-france-2/">FNEGE Médias</a></span>
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<p>Concernant la monnaie, les femmes sont réputées avoir un <a href="http://www.fbf.fr/fr/files/9BUKGC/entreprenariat_feminin_2018.pdf">accès réduit au financement bancaire</a>. Or, elles sont systématiquement moins confrontées à des difficultés de remboursement que les hommes, bien que leur part d’emprunt pour l’investissement initial ne soit pas plus important. Concernant le management, du fait <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2016-1-page-19.htm">du plafond de verre</a>, les mères sont notoirement peu présentes dans des postes de management (à l’exception des RH et de la communication), secteurs davantage féminisés dans les entreprises). Pourtant, les femmes entrepreneurs évoquent systématiquement moins de difficultés de gestion que les hommes, tout en utilisant beaucoup moins de services payants externes. Les mères souffrent donc avant tout d’un manque d’expérience dans des postes à <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/employment/pallier-la-penurie-d-entrepreneurs-2015/le-travail-independant-et-l-entrepreneuriat-chez-les-femmes_9789264249936-5-fr">responsabilités managériales</a> malgré leurs compétences de gestionnaire.</p>
<p>Il existe donc bien de réelles différences significatives entre les hommes, les femmes et les mères pour chacun des trois éléments centraux de la réussite entrepreneuriale.</p>
<h2>Et au-delà ?</h2>
<p>Notre étude confirme que, malgré un changement positif du contexte institutionnel pour les femmes et leur propre évolution professionnelle, les secteurs d’activités et les capacités d’innovation demeurent genrés. Le choix du métier et la façon de le développer reposent toujours sur un construit social plus que sur des caractéristiques individuelles.</p>
<p>Néanmoins, ce construit se transforme à l’initiative même de ses acteurs. Détournées du secteur innovant centré sur la sphère « économique », les femmes osent une approche alternative plus globale, en améliorant la sphère « sociale ». Ce faisant, elles proposent une nouvelle perspective à l’entrepreneuriat.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les secteurs d’activités et les capacités d’innovation demeurent genrés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Valery Sidelnykov/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous préconisons en conséquence d’accentuer les politiques de soutien, en les combinant aux autres politiques familiales afin d’aider les femmes à prendre confiance et à ne pas s’autolimiter.</p>
<p>De même, il est important d’instaurer de profonds changements dans le monde entrepreneurial en éliminant les barrières artificielles créées par les mesures classiques de la performance et de la <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2015-1-page-93.htm">réussite</a>. Il s’agit d’en créer de nouvelles, englobant un plus large éventail de réalités, notamment celles des femmes et des mères, car parier sur les qualités des femmes pourrait certainement bénéficier à l’entrepreneuriat féminin, à l’entrepreneuriat en général et au reste de la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Certaines représentations genrées limitent encore leur capacité à déployer leurs talents en matière de création d’entreprise.Katia Richomme-Huet, Professeur en entrepreneuriat, Kedge Business SchoolVirginie Vial, Professeure d'économie, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1165812019-05-10T07:55:29Z2019-05-10T07:55:29ZGrands chefs et produits alimentaires localisés, l'alliance trois étoiles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272762/original/file-20190506-103053-2hue1s.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C7%2C1003%2C497&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'établissement trois étoiles de Michel et Sébastien Bras propose des recettes avec des produits de la région.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bras.fr/fr/page-article/recette-du-mois-de-mars-2019">Capture d'écran du site Bras.fr</a></span></figcaption></figure><p>Près de <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/alimentation-durable-les-francais-de-plus-en-plus-attentifs-ce-quils-mangent">56 % des Français</a> déclarent acheter régulièrement des produits alimentaires localisés. Ces produits localisés, comme les produits locaux, se distinguent par un lieu de production et de consommation proches (entre 80 et 100 km), et portent une référence explicite à un territoire de type Appellation d’origine protégée (AOP) ou Appellation d’origine contrôlée (AOC). Ces produits peuvent aussi être commercialisés sous des marques collectives comme la Marque Savoie ou les Produits de Bretagne que les produits locaux ne portent pas forcément.</p>
<p>Cet engouement envers ces produits a incité certaines marques industrielles et des grandes surfaces alimentaires à développer des alliances locales avec les producteurs afin de se différencier de leurs concurrents, et d’afficher une proximité avec le territoire. Néanmoins, même si de plus en plus de consommateurs se tournent vers ce type de produits alimentaires localisés, ils souffrent encore d’un manque de visibilité.</p>
<h2>Des chefs étoilés qui s’engagent</h2>
<p>Au-delà de la médiatisation récente de certains chefs étoilés, la restauration gastronomique peut jouer un rôle dans la communication et la valorisation des produits alimentaires localisés. Déjà, les associations régionales regroupant des chefs étoilés (par exemple, <a href="http://www.toques-blanches-lyonnaises.com/">Les Toques Blanches Lyonnaises</a> et d’Auvergne) promeuvent les gastronomies et les productions locales en fédérant les parties prenantes (chefs, producteurs, médias). Mais les chefs étoilés ont également engagé des stratégies de rapprochement avec les produits et producteurs localisés, analysées dans cet article.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272761/original/file-20190506-103085-kpjrqz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272761/original/file-20190506-103085-kpjrqz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272761/original/file-20190506-103085-kpjrqz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272761/original/file-20190506-103085-kpjrqz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272761/original/file-20190506-103085-kpjrqz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272761/original/file-20190506-103085-kpjrqz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272761/original/file-20190506-103085-kpjrqz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Exemples de produits estampillés « Marque Savoie ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/marque.savoie/photos/a.910570988961100/1186594744692055/?type=3">Capture d’écran Facebook.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’étude réalisée a combiné des observations de sites d’établissements étoilés, des entretiens avec des chefs étoilés et des interviews de clients de ces établissements gastronomiques pour mettre en lumière la manière dont le restaurant gastronomique participe à la communication des produits localisés, et dans quelle mesure ces derniers contribuent à l’ancrage territorial de l’établissement. Les chefs, grâce à leur aura, leur notoriété, leur expertise et leur renommée, apporteraient une réassurance vis-à-vis de ces produits. En retour, les produits localisés seraient susceptibles d’apporter de l’authenticité au menu des chefs et de les ancrer davantage dans leur territoire.</p>
<h2>Fertilisation croisée</h2>
<p>L’étude met en relief le fait que pour les clients, tout comme pour les chefs, les produits localisés ancrent un établissement gastronomique dans son territoire tout en ajoutant une dimension d’authenticité et, par là même, de qualité. Le chef est perçu par les clients comme un leader d’opinion qui acte comme un « label » des producteurs ressources, dans la mesure où il les a choisis et qu’il a les compétences nécessaires pour en faire la sélection. Ceci va contribuer en conséquence à valoriser les produits localisés et, entre autres, leurs producteurs, tout en mettant en évidence le caractère authentique et distinctif de ces produits.</p>
<p>La valorisation par les chefs se matérialise en premier lieu par les échanges avec le personnel en salle qui va dérouler un récit autour du produit, rendu possible par les liens qui se créent entre le producteur et le chef étoilé. Ensuite, la valorisation passe par la carte et la mise en avant du producteur par son nom ou parfois même par son prénom (comme les volailles d’Alice, marque du Cantal, au Suquet, l’établissement trois étoiles de <a href="https://www.bras.fr/fr/page-article/recette-du-mois-de-mars-2019">Michel et Sébastien Bras</a> à Laguiole dans l’Aveyron), créant ainsi une proximité aux yeux des clients.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/320449079" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Rôle de la restauration gastronomique dans la valorisation des produits localisés (Vidéo FNEGE Médias, 2019).</span></figcaption>
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<p>La mention du circuit de distribution de proximité et du savoir-faire de l’artisan dans le choix du produit (« agneau sélectionné par notre boucher »), apportent également une dimension de consommation responsable au choix du produit par la volonté du chef de favoriser les petits commerces. Enfin, cette valorisation passe parfois par une communication digitale. Ainsi, certains sites d’établissements étoilés n’hésitent pas à communiquer l’adresse de leurs producteurs. Cette démarche peut favoriser, lors d’une expérience gastronomique, les échanges avec le personnel en salle et/ou le chef, ce qui viendra accroître l’intensité de la relation entre les parties.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272766/original/file-20190506-103068-p4qdab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272766/original/file-20190506-103068-p4qdab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272766/original/file-20190506-103068-p4qdab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272766/original/file-20190506-103068-p4qdab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272766/original/file-20190506-103068-p4qdab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272766/original/file-20190506-103068-p4qdab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272766/original/file-20190506-103068-p4qdab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les produits localisés participent à la signature des chefs Meilleur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.la-bouitte.com/fr/">Capture d’écran du site de La Bouitte.</a></span>
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</figure>
<p>Pour les chefs interviewés, proposer un menu à la fois spécifique à la région, et donc différenciant, revêt surtout un aspect symbolique souvent rattaché à une histoire régionale que le chef souhaite partager avec ses convives. C’est ce qui lui permet de susciter une émotion de nostalgie, ou encore de partage d’un savoir-faire : « on a une histoire, c’est la cuisine que l’on aime et que l’on sait faire. Nous ne faisons que réadapter des plats qui existaient déjà, des recettes basiques et qui deviennent une vraie signature pour nous », explique notamment les chefs René et Maxime Meilleur, du restaurant trois étoiles La Bouitte en Savoie.</p>
<p>Du côté des clients, la carte invitera le client à se renseigner auprès du personnel en salle ou auprès du chef pour mieux s’informer sur les ingrédients du mets : « si sur une carte c’est marqué que c’est un bœuf du Cantal, je vais poser la question sur la région, sur le producteur », dit par exemple un client. Ce genre d’initiative « rajoute une touche d’authenticité au plat, en plus de ce que tu as écrit sur le menu », complète un autre.</p>
<p>Les clients attendent qu’on leur raconte une histoire sur le produit car elle vient alimenter l’expérience gastronomique. D’une manière générale, l’étude souligne la manière dont le chef étoilé est perçu : un expert en qui on peut avoir confiance dans le choix des produits. Cette valorisation hisse alors le chef au rang d’authentificateur. Ce processus se révèle être à double sens : le produit local, valorisé par la sublimation qu’en fait le chef, donnera un ancrage territorial à l’établissement et lui ajoutera une dimension authentique aux yeux des clients. Le produit local devient ainsi un élément de différenciation pour les établissements étoilés.</p>
<h2>Aller plus loin</h2>
<p>En conclusion, quelques recommandations pourraient être faites aux chefs étoilés sur la manière dont ils peuvent valoriser les produits localisés encore davantage :</p>
<ul>
<li>poursuivre leur communication auprès de leurs clients qui sont friands de ce type d’informations sur le produit qu’ils dégustent.</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272765/original/file-20190506-103049-fk0ktm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272765/original/file-20190506-103049-fk0ktm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272765/original/file-20190506-103049-fk0ktm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272765/original/file-20190506-103049-fk0ktm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272765/original/file-20190506-103049-fk0ktm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272765/original/file-20190506-103049-fk0ktm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272765/original/file-20190506-103049-fk0ktm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’épicerie en ligne, comme celle proposée par l’établissement lyonnais la Mère Brazier, est un exemple d’axe de développement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://merebrazier-epicerie.com/nos-produits-nos-terroirs/">Capture d’écran du site lamerebrazier.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>développer les formes de collaboration qui existent entre les producteurs et les chefs, à l’instar de la Maison Loiseau qui s’est associée il y a quelques années avec une productrice de cassis en Bourgogne pour créer un <a href="http://www.boutique-loiseau.com/epicerie/129-poivre-de-cassis.html">poivre de cassis</a>.</p></li>
<li><p>développer des espaces de vente dédiés aux produits locaux au sein de l’établissement, ou au sein d’un établissement complémentaire, à l’instar du concept d’<a href="https://merebrazier-epicerie.com/nos-produits-nos-terroirs/">épicerie de la Mère Brazier</a> à Lyon. Et même si certains chefs jugent cette formule trop « marketing », cette innovation pourrait séduire notamment la clientèle étrangère, pour laquelle la barrière de la langue et le manque de temps peuvent être des freins à des achats de produits locaux après une découverte chez un étoilé. </p></li>
</ul>
<p>Enfin, des visites de producteurs pour le personnel en salle doivent être plus souvent initiées afin que ce dernier se forme et puisse transmettre plus d’émotions devant le client. Les offices de tourisme pourraient notamment avoir un rôle à jouer en mettant en contact ce personnel avec des touristes ayant vécu une expérience gastronomique avec ces produits localisés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116581/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Mettre ces produits à la carte des grands restaurants bénéficie à la fois aux établissements et aux producteurs. Et ces synergies peuvent encore être développées.Marielle Salvador, Enseignant chercheur, comportement du consommateur, marketing de l'alimentation, Institut Paul Bocuse Isabelle Frochot, Maître de Conférences HDR - Comportement du Consommateur, Université de Bourgogne – UBFCMariem El Euch Maalej, Enseignante chercheuse en marketing, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1145402019-04-07T19:48:56Z2019-04-07T19:48:56ZLa nouvelle cartographie des galaxies du luxe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/267323/original/file-20190403-177181-1nskm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C679&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les clients du luxe accessible, entre autres, obligent les marques à repenser leur stratégie. </span> <span class="attribution"><span class="source">View Apart/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les galaxies du luxe s’éloignent les unes des autres à la vitesse de la lumière. Le luxe expérientiel, fondé sur la gratification immédiate, s’élance loin du luxe classique basé sur la qualité extrême, la très longue durée, voire un sentiment d’éternité. La galaxie du luxe intermittent se gonfle de bataillons de « touristes du luxe » friands de brèves incursions dans le territoire du luxe et s’autorisant des escapades dans les ports francs de la contrefaçon que proposent les voyages en pays lointains.</p>
<p>La galaxie des <em>happy few</em> comprend deux groupes à l’effectif réduit mais aux dépenses en forte expansion. Le terme de « nouveaux riches » étant mal perçu, on nomme les premiers <em>high net worth individuals</em> (ils ne possèdent guère plus qu’un million de dollars et s’accroissent de 8 % par an) et les seconds les <em>ultra high net worth individuals</em>, dont la fortune dépasse plus de 30 millions et le nombre s’accroît de <a href="http://eprints.lancs.ac.uk/67513/1/Wealth_segmentation.pdf">10 % par an</a>).</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/320447260" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Les nouvelles planètes de la galaxie du luxe », Jean‑Louis Chandon, Inseec Business School (vidéo FNEGE Médias).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces galaxies, captives de l’attraction irrésistible des marques phares du luxe, ne perçoivent guère l’industrialisation et la délocalisation qui caractérisent la production du luxe contemporain. Cela car elles n’ont ni l’expertise et ni la longue pratique des aristocrates du luxe dont la planète entre en glaciation.</p>
<h2>La nouvelle carte du luxe</h2>
<p>Augmentons quelque peu le grossissement de notre télescope et penchons-nous sur les motivations et attitudes fort diverses qui dressent la carte du luxe.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/266554/original/file-20190329-70999-f0gxpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266554/original/file-20190329-70999-f0gxpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266554/original/file-20190329-70999-f0gxpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266554/original/file-20190329-70999-f0gxpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266554/original/file-20190329-70999-f0gxpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266554/original/file-20190329-70999-f0gxpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266554/original/file-20190329-70999-f0gxpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266554/original/file-20190329-70999-f0gxpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=642&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La carte du luxe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
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</figure>
<p>La première dimension oppose la durabilité et la permanence d’un contact possessif avec le luxe, au sud, au caractère intermittent et passager d’un contact expérientiel avec le luxe, au nord. La seconde dimension oppose les enthousiastes, novices et peu informés, à l’ouest, aux experts puristes ou connaisseurs, à l’est.</p>
<p>Dans le quadrant sud-est, on rencontre le « luxe classique », dont les amateurs sont des puristes recherchant avant tout l’exclusivité, le caractère unique et distinctif de produits de luxe que les autres n’auront pas. L’économiste et sociologue américain <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/thorstein-veblen-un-economiste-heterodoxe/00022165">Thorstein Veblen</a> les qualifie de « snobs ». On pourrait aussi bien parler de luxe élitiste, composé de consommateurs plutôt âgés, ayant une culture du luxe approfondie, acquise depuis l’enfance et cherchant à préserver un statut établi de longue date.</p>
<p>Dans le quadrant nord-est, on trouve les « experts en gratification », connaisseurs certes, mais pas puristes et recherchant les émotions sociales davantage que la possession silencieuse. Veblen les définit comme étant ostentatoires (<em>conspicuous</em>), c’est-à-dire désireux de mettre en scène de manière publiquement visible leur richesse récemment acquise et d’acquérir ainsi un supplément de considération.</p>
<p>Dans le quadrant nord-ouest, vivent les touristes du « luxe post-moderne », plus novices et moins connaisseurs. Les membres de cette galaxie estiment davantage les expériences de luxe que la possession de produits luxueux. Ils recherchent les services luxueux pour le plaisir hédonique et la gratification immédiate qu’ils procurent. Ils préfèrent la croisière, le restaurant ou le palace étoilés, ou encore une chambre au château de Versailles plutôt que la possession d’un manoir hérité. Ils veulent des émotions, des sensations, vivre différemment du quotidien même si c’est seulement pour une brève parenthèse. Ils peuvent acheter du luxe contrefait si l’occasion se présente.</p>
<h2>Turbulences de la modernité</h2>
<p>Dans le quadrant sud-ouest se développent les adeptes du nouveau « luxe démocratique ». Matérialistes mais discrets, ils trouvent du plaisir à prêter ou échanger des produits de luxe en famille et avec leurs amis, voire à les acheter de seconde main. Ils sont les clients du luxe accessible pour qui l’affichage du prix n’a rien de sacrilège et qui n’hésitent pas à préparer leurs achats sur Internet avant de visiter les magasins de luxe. Pour eux la frontière prix du luxe est plus basse que pour les aristocratiques habitants de la galaxie du luxe classique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267317/original/file-20190403-177199-13cfbnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267317/original/file-20190403-177199-13cfbnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267317/original/file-20190403-177199-13cfbnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267317/original/file-20190403-177199-13cfbnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267317/original/file-20190403-177199-13cfbnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267317/original/file-20190403-177199-13cfbnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267317/original/file-20190403-177199-13cfbnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les touristes du « luxe post-moderne » privilégient l’expérience à la possession.</span>
<span class="attribution"><span class="source">nd3000/Shutterstock</span></span>
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<p>On voit bien à la lecture de cette carte que les galaxies du luxe ne sont pas à l’abri des turbulences de la modernité. Comment les valeurs du luxe évoluent-elles ? Comment la frontière du prix minimum du luxe varie-t-elle selon les individus et les cultures ? Comment préserver la désirabilité du luxe quand la rareté s’efface avec la croissance des ventes et l’industrialisation de la production ? Quelles conséquences attendre de la greffe sur le luxe de l’achat de seconde main ? Pourquoi les individus qui centrent leur vie sur la possession jamais assouvie de produits de luxe ont-ils tendance à être moins heureux et plus dépressifs ? Comment marier luxe et développement durable ?</p>
<p>Sur ce dernier point, le solide classement de Stella McCartney en matière de développement durable donne un exemple d’interaction entre la personnalité de la fondatrice, son respect total pour les droits des animaux et la protection de l’environnement et son utilisation novatrice de matériaux nouveaux et alternatifs à la fourrure et au cuir. La mission de la marque depuis sa création inclut « de ne jamais utiliser de cuir ou de fourrure et d’inventer de nouveaux matériaux alternatifs à l’utilisation de technologies de pointe, poussant vers la circularité, protégeant les forêts anciennes et menacées et mesurant notre impact avec des outils révolutionnaires ».</p>
<h2>Le cas du champagne</h2>
<p>Le champagne a depuis longtemps un statut de produit de luxe, ce qui permet de mieux comprendre ce qui change en termes de signification du luxe. La production est dominée par les 320 grandes maisons et leurs marques globales telles que Moët et Chandon. En 2017, les grandes maisons ont vendu <a href="https://www.champagne.fr/fr/economie/chiffres-clef">72 % des 307 millions de bouteilles expédiés</a>, tandis que les 28 % restant ont été répartis entre 15 800 vignerons et coopératives, dont environ un tiers ont leurs propres marques. L’ampleur de la production, la démocratisation de l’accès et la dilution de l’exclusivité pourraient remettre en cause la légitimité du champagne en tant que produit de luxe. Face à ce risque, les grandes maisons, qui ne possèdent que 10 % des terres viticoles et les petits viticulteurs utilisent des tactiques différentes pour préserver l’authenticité, l’exclusivité et maintenir la perception de rareté.</p>
<p>Les grandes marques de champagne sponsorisent les sports prestigieux associés à de grands évènements publics tels que Mumm et la Formule 1, Moët et Chandon avec le tennis, Veuve Clicquot avec le polo, etc. Elles fondent leurs campagnes sur l’héritage et la tradition comme marqueur de l’exclusivité. Elles mettent en avant des acteurs célèbres, elles s’associent avec les restaurants étoilés, ciblant ainsi les connaisseurs et puristes du luxe classique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267316/original/file-20190403-177196-ovdh88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267316/original/file-20190403-177196-ovdh88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267316/original/file-20190403-177196-ovdh88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267316/original/file-20190403-177196-ovdh88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267316/original/file-20190403-177196-ovdh88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267316/original/file-20190403-177196-ovdh88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267316/original/file-20190403-177196-ovdh88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La marque de champagne Mumm ancre son positionnement dans le luxe en s’associant à des compétitions prestigieuses comme la Formule 1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ekaterina Minaeva/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Les petits producteurs mettent l’accent sur leur petite taille, l’exploitation familiale, le terroir et l’authenticité. Ils revendiquent leur singularité, leur identité, et des valeurs fortes tels que l’artisanat, l’authenticité, la création de cuvées rares, uniques, élaborées par le vigneron sur son domaine. Ils tablent sur les avis d’experts renommés ou sur les sites Internet spécialisés dispensant des conseils tels que « le meilleur champagne n’est pas nécessairement le plus cher », et ils n’hésitent pas à mettre en avant leurs ventes aux consommateurs locaux (sous-entendu : les vrais experts).</p>
<p>Ainsi, les grandes marques de champagne qui mettent en avant l’exclusivité et l’héritage ciblent le segment du luxe classique tout en récupérant les experts en gratifications ostentatoires tandis que les petits producteurs, qui tablent sur l’authenticité à un prix accessible, ciblent le nouveau luxe démocratique tout en attirant les touristes du luxe post-moderne et hédonique. C’est également la stratégie du bijoutier Mauboussin qui développe avec succès le luxe accessible et le <a href="https://theconversation.com/le-plaisir-doffrir-un-cadeau-a-soi-meme-111125">cadeau que l’on fait à soi-même</a>.</p>
<p>Les fonctions sociales du luxe ne sont pas pour autant sur le point de disparaître, mais elles se renouvellent comme le montre l’apparition d’un désir croissant de luxe responsable, nouvelle source de gratification hédonique.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur les articles de recherche publiés dans le « Journal of Business Research » suite aux trois dernières éditions du <a href="https://www.monaco-symposium-on-luxury.com/">Monaco Symposium on Luxury</a> (2014, 2016 et 2018).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114540/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Louis Chandon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Même si les marques phares en restent le pivot central, l’univers du luxe est en train de se décomposer en plusieurs entités qui s’éloignent les unes des autres à toute vitesse.Jean-Louis Chandon, Directeur de la recherche, Marketing, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1142202019-03-26T21:34:04Z2019-03-26T21:34:04ZPourquoi il ne faut pas (trop) s’inquiéter du niveau d’endettement des entreprises françaises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265563/original/file-20190325-36252-15q301t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C8%2C995%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le montant de la dette cumulée des entreprises françaises a atteint les 4 000 milliards d’euros en 2019.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Infografick / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 13 mars 2019, S&P Global Ratings a indiqué que l’endettement des entreprises françaises avait atteint un niveau record, <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/0600888693397-la-dette-des-entreprises-francaises-atteint-des-niveaux-record-2252249.php">4 000 milliards d’euros</a>, représentant 175 % du PIB contre 135 % il y a 10 ans, alors que celui-ci avait plutôt baissé dans les autres pays européens. Ce niveau très élevé préoccupe également la <a href="https://www.lesechos.fr/17/12/2018/lesechos.fr/0600360908238_la-banque-de-france-avertit-sur-l-endettement-des-menages-et-des-entreprises.htm">Banque de France</a> depuis plusieurs mois. Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a de son côté annoncé le 18 mars un renforcement de ce que les autorités appellent « le <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/envol-de-la-dette-privee-bercy-somme-les-banques-de-faire-des-reserves-811074.html#xtor=EPR-2-%5Bmorning-briefing%5D-20190320">coussin contra-cyclique</a> », à savoir un matelas de fonds propres imposé aux banques en fonction de leur exposition au marché français. Cette décision a d’ailleurs agacé les banques françaises qui considèrent qu’il s’agit d’un signal contradictoire dans un contexte de ralentissement de la croissance économique. Dès lors, faut-il s’inquiéter de cette augmentation de la dette des entreprises non financières ?</p>
<p>Selon S&P, cette augmentation relève de <a href="https://www.allnews.ch/sites/default/files/files/The%20Rise%20Of%20French%20Corporate%20Debt_13%20March%202019.pdf">plusieurs facteurs</a> : des taux d’intérêt très faibles (1,56 % en 2018), des taux d’investissements très élevés (24,2 % de la valeur ajoutée) et supérieurs à ceux de la zone euro, et des taux de prêts intragroupes records (16,9 % en 2017 contre 6,7 % en 1999). Il apparaît également que les entreprises françaises ont des niveaux de liquidité très élevés (27 % du PIB) et qu’elles se servent de l’argent emprunté en France pour investir à l’étranger (via des prêts intragroupes à leurs filiales) dans des pays à la fiscalité plus faible et où les investissements sont plus rentables, ce qui est surtout réservé à de très grandes entreprises. L’ensemble de ces éléments rend S&P plutôt peu alarmiste quant à la situation des entreprises françaises à l’inverse des autorités financières françaises, même si un retournement des taux d’intérêt trop rapide pourrait les fragiliser.</p>
<h2>Solidité de la structure financière</h2>
<p>Plutôt que de se focaliser sur le montant brut de la dette financière, il convient de le rapporter à la capacité des entreprises à la rembourser via la valeur ajoutée qu’elles créent. Il apparaît clairement que l’augmentation relative de l’endettement concerne en priorité les grandes entreprises et dans une moindre mesure les ETI (Entreprises de taille intermédiaire) tandis qu’il demeure très stable pour les PME. Si l’on retire la trésorerie de la dette financière (en supposant qu’une partie de la dette pourrait être remboursée rapidement par ces liquidités), ce constat est renforcé pour les PME, dont le taux d’endettement net est en baisse marquée, tandis que le taux d’endettement financier net des grandes entreprises et des ETI, même s’il augmente depuis 2016, reste pour autant très inférieur à celui du début des années 2000 (bulle Internet). Autrement dit, si les entreprises se sont endettées, elles ont aussi comme l’indique S&P constitué un matelas de liquidité qu’elles pourraient mobiliser en cas de difficultés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/265554/original/file-20190325-36279-1ckra3f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265554/original/file-20190325-36279-1ckra3f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265554/original/file-20190325-36279-1ckra3f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265554/original/file-20190325-36279-1ckra3f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265554/original/file-20190325-36279-1ckra3f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265554/original/file-20190325-36279-1ckra3f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265554/original/file-20190325-36279-1ckra3f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265554/original/file-20190325-36279-1ckra3f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Taux d’endettement financier brut sur VA (en %).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque de France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/265555/original/file-20190325-36276-1dibd81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265555/original/file-20190325-36276-1dibd81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265555/original/file-20190325-36276-1dibd81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265555/original/file-20190325-36276-1dibd81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265555/original/file-20190325-36276-1dibd81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265555/original/file-20190325-36276-1dibd81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265555/original/file-20190325-36276-1dibd81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265555/original/file-20190325-36276-1dibd81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Taux d’endettement financier net sur VA (en %).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque de France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le ratio rapportant les dettes financières aux capitaux propres reste d’ailleurs tout à fait raisonnable (inférieur à 100 %), relativement stable et inférieur à celui du début des années 2000 et ceci sans tenir compte de la trésorerie quelles que soient les catégories d’entreprises. Cela montre la solidité de la structure financière des entreprises françaises de façon générale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/265556/original/file-20190325-36264-bz0zqn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265556/original/file-20190325-36264-bz0zqn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265556/original/file-20190325-36264-bz0zqn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265556/original/file-20190325-36264-bz0zqn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265556/original/file-20190325-36264-bz0zqn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265556/original/file-20190325-36264-bz0zqn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265556/original/file-20190325-36264-bz0zqn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265556/original/file-20190325-36264-bz0zqn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ratio dettes financières/capitaux propres (en %).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque de France.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une décision saugrenue</h2>
<p>Lorsque l’on regarde la part du financement bancaire dans l’endettement financier, on constate sans surprise qu’il est très présent dans les PME (57 % en 2017) et marginal dans les grandes entreprises (11,7 % en 2017). Cela revient à dire que la décision des autorités financières d’agir en direction des banques est pour le moins saugrenue car le principal ressort de l’augmentation de la dette des entreprises renvoie aux plus grandes d’entre elles qui ne font que marginalement appel aux banques. L’agacement des banques françaises est donc justifié car si la mesure proposée par le HCSF a des effets négatifs sur l’octroi de crédits, les premières à en pâtir seront celles qui ne sont pas responsables de l’augmentation du stock de dette privée, en l’occurrence les PME.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/265578/original/file-20190325-36279-1uvy5x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265578/original/file-20190325-36279-1uvy5x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265578/original/file-20190325-36279-1uvy5x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265578/original/file-20190325-36279-1uvy5x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265578/original/file-20190325-36279-1uvy5x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265578/original/file-20190325-36279-1uvy5x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265578/original/file-20190325-36279-1uvy5x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265578/original/file-20190325-36279-1uvy5x3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Part de l’endettement bancaire dans les dettes financières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque de France.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce constat n’exclut pas qu’en cas de retournement plus marqué de la conjoncture et des taux, des entreprises connaissent des difficultés car les indicateurs utilisés ici sont des moyennes et certaines entreprises peuvent avoir des profils individuels beaucoup plus risqués. C’est à l’expertise des acteurs du marché et des banques auxquels on doit donc s’en remettre pour traiter au cas par cas les éventuels surendettements. Il est d’ailleurs évident que les banques seront beaucoup plus pointilleuses sur le sujet, nouvelles obligations réglementaires ou non.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/331394869" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La Financiarisation des entreprises (vidéo FNEGE Médias, 2019).</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/114220/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Même si les montants atteignent des niveaux records, les structures financières apparaissent en moyenne plus solides que par le passé.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1125802019-03-03T20:04:01Z2019-03-03T20:04:01ZRéguler ses émotions dans son travail : le cas des policiers de la BAC<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261069/original/file-20190226-150694-ciok4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C983%2C654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la police, les états relatifs au stress professionnel sont vécus au sein même de la vie personnelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">NeydtStock / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Hélène Monier est l’auteure de la thèse intitulée <a href="http://www.theses.fr/2017LYSE3027">« Les régulations individuelles et collectives des émotions dans des métiers sujets à incidents émotionnels : quels enjeux pour la GRH ? »</a>. Elle a reçu le Prix AGRH-FNEGE pour ses travaux.</em></p>
<hr>
<p>La thèse intitulée <a href="http://www.theses.fr/2017LYSE3027">« Les régulations individuelles et collectives des émotions dans des métiers sujets à incidents émotionnels : quels enjeux pour la GRH ? »</a> propose d’examiner les thématiques actuelles de santé-sécurité au travail (SST) et de qualité de service concernant différents métiers en primo-contact avec un public, en y portant un regard nouveau : il s’agit de considérer ces thématiques sous l’angle émotionnel au travail. La composante émotionnelle, en effet, y joue un rôle certain, que la gestion des ressources humaines (GRH) découvre à peine depuis les années 2000.</p>
<p>Dans les métiers de contact avec un public, identifier, exprimer, comprendre, et réguler les émotions constitue une compétence particulièrement utile à l’accomplissement de la tâche. L’émotion du professionnel en contact direct avec l’usager ou le client doit être contrôlée, réprimée, simulée ou réfrénée. Face à son interlocuteur, l’enjeu humain pour le professionnel sera d’être capable, non seulement d’en « lire » le visage et la communication non verbale, pour y apporter une réponse adéquate, mais encore d’adapter lui-même son état émotionnel à la situation, en conformité avec les règles émotionnelles exigées par l’organisation.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/288012815" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Régulations individuelles et collectives des émotions dans des métiers sujets à incidents émotionnels », vidéo FNEGE Médias (2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>La thèse soulève la question suivante : « Quelles sont les composantes du processus émotionnel au travail et leurs répercussions sur la santé du professionnel ainsi que sur l’accomplissement de sa tâche » ?</p>
<p>Nous abordons la composante émotionnelle au travail selon la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2001-06810-000">perspective cognitive</a>, et, afin d’étudier la composition des émotions, optons pour l’approche par catégories, selon le modèle multidimensionnel de <a href="https://www.jstor.org/stable/27857503?seq=1#page_scan_tab_contents">R. Plutchik</a>.</p>
<p>D’une part, concernant les régulations individuelles des émotions, trois concepts sont examinés dans cette recherche : les <a href="http://ei.yale.edu/publication/emotional-intelligence-4/">« compétences émotionnelles »</a>, le <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2003-1-page-19.htm?try_download=1">« travail émotionnel »</a>, et la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9457784">« régulation émotionnelle »</a>. D’autre part, concernant les régulations collectives des émotions, cette recherche mobilise la théorie de la régulation sociale de <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1988_num_29_1_2475">J.-D. Reynaud</a>, et en interroge l’éventuelle composante émotionnelle.</p>
<h2>Gérer la peur et l’incertitude</h2>
<p>Nous avons mené une recherche comparative de quatre cas : les policiers de Brigade Anti-Criminalité (BAC), les infirmiers urgentistes, les enseignants en Réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) et les téléconseillers d’un centre d’appels. Pour des raisons de pertinence, de pragmatisme et d’actualité, le métier de policier représente le secteur d’activité archétypal de référence. Nous avons triangulé trois méthodes qualitatives de recueil : des immersions dans chaque terrain, 108 entretiens, et des éléments de documentation, dans le but de comparer les perspectives et d’analyser les échantillons en profondeur.</p>
<p>Les résultats issus des analyses trouvent à se classer en trois catégories : les objets, les outils, et les effets émotionnels du travail. Afin de les exposer succinctement, nous avons ici extrait des verbatim, concernant le cas des policiers, et reflétant tout d’abord :</p>
<ul>
<li>les objets émotionnels de travail, inhérents à l’activité réelle des professionnels (émotions-objets, risques physiques et psychologiques…). Citons le cas de la peur :</li>
</ul>
<blockquote>
<p>« Les courses-poursuites, je trouve que c’est quand même quelque chose de très dangereux, on est à des vitesses des fois folles. C’est un domaine qui me provoque beaucoup d’émotions, ça me charge. Là, je serai presque dans la crainte, quand je vois que ça passe tout juste ».</p>
</blockquote>
<p>Ou bien ici la colère :</p>
<blockquote>
<p>« Les mecs sont partis, ont réussi. On repart ; et je suis bloqué par un véhicule de police, j’ai pris du retard, et plus tard ils ont largué la bagnole ; mais là, j’avais une COLÈRE ! Mais, magistrale ! J’ai tapé sur le tableau de bord, de colère ! »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261071/original/file-20190226-150721-qn7kq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261071/original/file-20190226-150721-qn7kq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261071/original/file-20190226-150721-qn7kq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261071/original/file-20190226-150721-qn7kq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261071/original/file-20190226-150721-qn7kq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261071/original/file-20190226-150721-qn7kq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261071/original/file-20190226-150721-qn7kq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les courses-poursuites provoquent beaucoup d’émotions chez les policiers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sibuet Benjamin/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li>Pour travailler et transformer ces objets de travail, les professionnels recourent à des outils émotionnels de travail (émotions-outils, compétences émotionnelles, travail émotionnel, stratégies de régulation, etc.). Relevons, pour les policiers, l’importance de la préparation et de la vigilance collective, avant et pendant une intervention de perquisition au domicile de personnes recherchées, potentiellement armées :</li>
</ul>
<blockquote>
<p>« Quand on va chercher des mecs à domicile le matin, on essaye de s’organiser un peu : ‟on prend le bélier, on prend pas, on casse la porte, on casse pas, on prend les casques balistiques ?“ on est vraiment là-dedans, la préparation, l’anticipation, la vigilance. »</p>
</blockquote>
<ul>
<li>Ces objets et outils produisent des effets émotionnels du travail, pour les individus et les collectifs (émotions-effets, retraits, départs, fatigue, fierté, satisfaction, etc.). Relevons l’ambivalence des états de vigilance, qui, au sein de la privée, peuvent être vécus comme une déformation professionnelle empêchant de cloisonner les deux sphères de vie :</li>
</ul>
<blockquote>
<p>« Je suis vigilant. Tout le temps. Même chez moi quand je ferme mon portail, je le fais comme ça (mimes) parce que je sais que s’il y a un mec qui rentre il ne va pas rentrer par là. C’est une déformation professionnelle. C’est même des fois handicapant. »</p>
</blockquote>
<p>Ou bien ici, des états relatifs à la peur, au stress professionnel, vécu au sein même de la vie personnelle :</p>
<blockquote>
<p>« Charlie Hebdo, ce qu’il s’est passé, là, c’était dur de déconnecter parce qu’on nous demandait de rentrer avec notre arme de service, il y avait une tension permanente. »</p>
</blockquote>
<h2>Risques sur la santé</h2>
<p>Ces résultats nous conduisent à penser l’ouverture de l’organisation aux phénomènes émotionnels, et le rôle de la gestion des ressources humaines et du management quant à cette composante. Nous proposons un <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ri/2017-v72-n4-ri03400/1043173ar/resume/">modèle de structuration du processus émotionnel</a> au travail.</p>
<p>Commençons par les objets émotionnels de travail : ils correspondent à toute émotion issue de la situation de travail, du contexte de travail. Dans la littérature, ils retentissent sur la santé et la qualité de service. La peur au travail par exemple, constituera un risque sur la santé et le manque de clarté organisationnelle, comme les injonctions paradoxales peuvent mettre à mal la qualité de service. Cette recherche montre que la nature des objets de travail, comme l’incertitude pour les policiers, va influencer celle des outils de travail, comme la vigilance, par exemple. Enfin, ces objets produisent des effets, comme l’intention de quitter.</p>
<p>Les outils émotionnels de travail constituent les moyens, liés aux émotions, mis en œuvre par l’individu et/ou le collectif de travail, afin d’agir sur les objets émotionnels de travail. La littérature le confirme : ces outils impactent la santé des professionnels ; par exemple, la prise de substances est nocive pour la santé, alors que les stratégies de régulations collectives se révèlent constituer un rempart salutaire. Ces outils conditionnent aussi la qualité de service ou d’intervention : c’est le cas des émotions-outils de travail, comme la joie, l’empathie, la vigilance, et le travail émotionnel au sens de <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2003-1-page-19.htm?try_download=1">A. Hochschild</a>. Ces outils agissent sur les objets du travail : par exemple, les formations à la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3072688/">réévaluation cognitive</a>, permettent aux professionnels de faire baisser l’intensité de la peur ou de la colère. Ces outils produisent en eux-mêmes des effets émotionnels de travail : c’est le cas par exemple du travail émotionnel qui provoque de la fatigue, ou bien de l’état de vigilance constant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261073/original/file-20190226-150715-1xx5cl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261073/original/file-20190226-150715-1xx5cl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261073/original/file-20190226-150715-1xx5cl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261073/original/file-20190226-150715-1xx5cl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261073/original/file-20190226-150715-1xx5cl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261073/original/file-20190226-150715-1xx5cl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261073/original/file-20190226-150715-1xx5cl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le travail émotionnel augmente le niveau de fatigue.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Louyot Onickz Artworks/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Les effets émotionnels du travail englobent toute conséquence, liée à l’émotion au travail, sur l’individu et/ou sur le collectif de travail. Ces effets affectent la santé des professionnels, de manière délétère par exemple lorsque le stress professionnel, ressenti jusque dans la vie privée, est chronique, ou bien de manière vertueuse, lorsque les situations de travail apportent fierté et satisfaction. Ils conditionnent aussi la qualité de service, de manière nuisible par exemple lorsqu’il y a un conflit travail-famille, et de manière constructive lorsque l’organisation aménage des sas de décompression et des « coulisses » <a href="http://www.leseditionsdeminuit.com/livre-La_Pr%C3%A9sentation_de_soi._La_Mise_en_sc%C3%A8ne_de_la_vie_quotidienne_I-2089-1-1-0-1.html">au sens goffmanien</a>. Ces effets influencent à leur tour les futurs outils de travail, car si l’organisation les néglige, comment les professionnels vont-ils mobiliser ensuite ces outils pour recréer la disponibilité émotionnelle nécessaire dans l’interaction ?</p>
<p>Dans cette perspective, le Limsse (Labo’ d’innovation management pour la santé-sécurité au travail), intégré au centre de recherche de l’<a href="http://www.ensp.interieur.gouv.fr/Recherche/Projets">ENSP</a>, est en cours de création en réponse à des impératifs stratégiques du ministère de l’Intérieur à propos notamment du management de la qualité de vie au travail (QVT).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Monier est enseignant-chercheur en gestion des ressources humaines à Burgundy School of Business, chercheuse associée Centre de Recherche de l'ENSP (Ecole Nationale Supérieure de la Police), et vice-présidente des Pôles du management - Le Pôle Lyon Rhône.</span></em></p>Lorsqu’un professionnel exerce un métier en contact direct avec un public, ses émotions doivent être tour à tour contrôlées, réprimées, simulées ou réfrénées.Hélène Monier, Enseignant-chercheur, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1122602019-02-26T20:57:06Z2019-02-26T20:57:06ZJusqu’où peut aller la liberté d’expression des salariés sur les réseaux sociaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/260724/original/file-20190225-26174-1hjk3g1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C149%2C679%2C513&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les outils numériques ont brouillé les frontières entre sphères professionnelle et personnelle. </span> <span class="attribution"><span class="source">Sergey Nivens / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est tiré de l’article de recherche : Pereira, B (2017), <a href="http://www.annales.org/gc/2017/gc130/2017-12-06.pdf">« Entreprise, loyauté et liberté d’expression des salariés sur les réseaux sociaux numériques »</a>, Gérer et Comprendre, no. 130, décembre, pp.67-75.</em></p>
<hr>
<p>La liberté d’expression est intimement liée à l’État de droit et fait l’objet d’une consécration internationale et nationale (<a href="http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/">Déclaration universelle des droits de l’homme</a>, ONU, 1948 ; <a href="https://www.echr.coe.int/Documents/Convention_FRA.pdf">Convention européenne des droits de l’homme</a>, 1950 ; <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789">Déclaration des droits de l’homme et du citoyen</a>, 1789). Elle s’exerce sous toutes ses formes, et en conséquence à travers les réseaux sociaux numériques.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/267792404" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Entreprises : loyauté et liberté d’expression des salariés sur les réseaux sociaux » (FNEGE Médias).</span></figcaption>
</figure>
<p>On comprend dès lors que les salariés jouissent de cette liberté au sein et en dehors de l’entreprise. En effet, au sein de l’entreprise, il ne peut être apporté aux droits et libertés des personnes « de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006900785">Article L. 1121-1</a> du code du travail). Par conséquent, les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006901825">article L. 2281-1</a>). Par ailleurs, les opinions que les salariés émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006901827&cidTexte=LEGITEXT000006072050">article L. 2281-3 du code du travail</a>). En réalité, le caractère fondamental de liberté d’expression est intégré dans le code du travail.</p>
<p>Toutefois, de nouvelles problématiques sont posées lorsqu’on envisage la liberté d’expression des salariés à travers les réseaux sociaux numériques au sein et en dehors de l’entreprise. En effet, la liberté d’expression des salariés peut comprendre des propos conduisant à des dommages pour l’entreprise en termes de réputation et d’image. La protection de la réputation de l’entreprise semble à première vue garantie par le principe de loyauté auquel les salariés sont tenus à l’égard de l’entreprise.</p>
<p>Ainsi, l’abus de la liberté d’expression pourrait déboucher sur le comportement déloyal et conduire à la rupture de la relation de travail pour propos excessifs tenus sur les réseaux sociaux, tels que Facebook ou Twitter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260713/original/file-20190225-26165-zoodbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260713/original/file-20190225-26165-zoodbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260713/original/file-20190225-26165-zoodbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260713/original/file-20190225-26165-zoodbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260713/original/file-20190225-26165-zoodbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260713/original/file-20190225-26165-zoodbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260713/original/file-20190225-26165-zoodbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans l’entreprise, il ne peut être apporté aux droits et libertés des personnes « de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (Code du travail).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gerard Bottino/Shutterstock</span></span>
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<p>Il s’agit alors de comprendre que de nouvelles questions d’équilibre entre les libertés des salariés et la réputation de l’entreprise sont posées à travers l’usage des réseaux sociaux. Or, le principe de loyauté qui est le moyen de cet équilibre comporte un contenu variable selon les pratiques des entreprises et selon les circonstances.</p>
<h2>Un droit fondamental protégé</h2>
<p>Dans notre article paru dans la revue <a href="http://www.annales.org/gc/2017/gc130/2017-12-06.pdf"><em>Gérer et Comprendre</em></a>, une analyse approfondie des décisions judiciaires de 1988 à 2016 a été effectuée pour relever l’équilibre admis entre la liberté d’expression des salariés et le respect par ces derniers de la loyauté à l’égard de l’entreprise. Cet équilibre se révèle difficile au sein des réseaux sociaux numériques parce que la frontière entre vie professionnelle et vie privée est de plus en plus floue. Plus encore, la frontière entre vie publique et vie personnelle n’est pas délimitée dans le cyberespace.</p>
<p>Dès lors, il en est ressorti une évolution remarquable : si c’est l’obligation de loyauté qui limite la liberté d’expression, cette loyauté comporte un contenu flexible selon les circonstances. Ainsi, certaines décisions ont mis en évidence que des licenciements de salariés étaient justifiés eu égard aux propos tenus par ces derniers, ces propos outrepassant le principe de loyauté. Mais, c’est la variabilité de ces décisions qui montrent que la quête de l’équilibre entre liberté d’expression et loyauté est difficile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260714/original/file-20190225-26174-12zbkuh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260714/original/file-20190225-26174-12zbkuh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260714/original/file-20190225-26174-12zbkuh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260714/original/file-20190225-26174-12zbkuh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260714/original/file-20190225-26174-12zbkuh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260714/original/file-20190225-26174-12zbkuh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260714/original/file-20190225-26174-12zbkuh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La jurisprudence a évolué quant au contenu publié sur un « mur » Facebook.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Twin Design/Shutterstock</span></span>
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<p>En effet, si l’on prend l’exemple du « mur » Facebook, les propos tenus par les salariés peuvent recouvrir une dimension publique ou privée, et dès lors porter atteinte à la réputation de l’entreprise selon leur contenu. C’est sur ce point que les incertitudes existent parce que la protection de la liberté d’expression et le respect du principe de loyauté comportent un problème de périmètre : le « mur » Facebook peut être considéré comme étant un espace public ou privé. Si le « mur » est présumé public, c’est le salarié poursuivi qui devra démontrer qu’il avait pris les précautions nécessaires pour restreindre l’accès à sa page Facebook à un nombre limité d’amis et ne pas porter atteinte à la réputation de l’entreprise ; si le « mur » est présumé privé, c’est l’employeur qui devra démontrer que le paramétrage du compte était tel que les correspondances ne peuvent être qualifiées de privées. Sur ce point, la jurisprudence a évolué et tend à qualifier de « conversation privée » les propos tenus par le salarié sur son compte Facebook dès lors que ce compte a été sécurisé et n’est ouvert qu’à un nombre restreint de personnes.</p>
<p>La loyauté est appréciée en fonction du contexte, des destinataires des messages numériques adressés par le salarié et de la publicité qu’il leur donne.</p>
<p>Par exemple, dans un contexte de négociations collectives dans le cadre d’une fusion-acquisition, ou de la dénonciation d’une fraude par le salarié, le principe de loyauté, obéissant à celui de la réciprocité, conduit à une extension importante de la liberté d’expression des salariés. Par exemple encore, la dénonciation d’un harcèlement moral par un salarié relève certes de la liberté d’expression, mais encore de la volonté de protéger le lanceur d’alerte. De même, l’exercice de la liberté d’expression n’est pas abusif lorsque les propos reprochés au salarié trouvent leur cause directe dans l’attitude fautive de l’employeur, le principe de loyauté s’imposant à la fois à celui-ci et au salarié.</p>
<h2>Contribution théorique</h2>
<p>Cette étude permet de mettre en perspective les travaux sur la loyauté par rapport à l’évolution normative de nature légale et judiciaire. Or, la littérature relative à la loyauté, la définition légale, comme les données judiciaires convergent vers la même signification.</p>
<p>Qualité morale, la loyauté signifie la fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux règles de l’honneur et de la probité. Elle se confond avec la notion d’honnêteté qui, elle-même, se définit comme étant la qualité d’une personne qui est de bonne foi (Graziani, 2016). Sur le plan managérial, la loyauté des employés est également définie en termes de fidélité (Prucell, 1953). Néanmoins, dans un contexte de changement organisationnel et de compétitivité des entreprises, la loyauté est davantage caractérisée par le sentiment de responsabilité et d’obligations respectives de l’employé et de l’employeur (Kisslet, 1994 ; McLean, Park et Kidder, 1994). Or, c’est en ce sens que le principe de loyauté est intégré dans la sphère juridique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260715/original/file-20190225-26152-4j1a1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260715/original/file-20190225-26152-4j1a1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260715/original/file-20190225-26152-4j1a1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260715/original/file-20190225-26152-4j1a1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260715/original/file-20190225-26152-4j1a1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260715/original/file-20190225-26152-4j1a1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260715/original/file-20190225-26152-4j1a1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sur le plan managérial, la loyauté des employés est également définie en termes de fidélité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kwan Kajornsiri/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, dans la relation de travail, la loyauté et la bonne foi sont équivalentes. De plus, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés « de bonne foi » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006436089">article 1104 du code civil</a>), ce qui rejoint le sens managérial de « loyauté ». Cette obligation de loyauté est directement applicable à la relation contractuelle entre l’employeur et le salarié. Enfin, il est aussi précisé que le contrat de travail est exécuté « de bonne foi » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006900858">article L. 1222-1</a> du code du travail), ce qui implique de la part de l’employeur et du salarié qu’ils adoptent des règles de conduite conformes à la probité et au sens de la responsabilité.</p>
<p>Toutefois, si l’évolution de la définition de la loyauté employeur-salarié est univoque, c’est la variabilité de son contenu selon les circonstances qui pousse les entreprises à définir les contours de cette loyauté par la mise en place de chartes ou guides d’usage des réseaux sociaux numériques à l’attention des salariés.</p>
<h2>Implications managériales</h2>
<p>Normes de soft law par excellence, la mise en place des guides des réseaux sociaux permet aux entreprises de déterminer les actions qu’elles attendent de leurs salariés. Néanmoins, à l’inverse des codes et chartes éthiques d’entreprise qui existent depuis plus d’une trentaine d’années, les guides d’utilisation des réseaux sociaux numériques sont actuellement en émergence.</p>
<p>Ces guides ou chartes d’utilisation des réseaux sociaux numériques peuvent constituer un outil utile de prévention. En effet, là où la pratique judiciaire vise à rétablir un équilibre a posteriori lorsque le dommage est causé (atteinte à la réputation de l’entreprise, rupture du contrat du travail), le guide vise à prévenir tout dommage en préservant l’e-réputation de l’entreprise et les intérêts des salariés. Cette prévention est assurée à travers la sensibilisation des salariés sur l’usage qu’ils font des réseaux sociaux numériques. L’existence de ces chartes et guides d’utilisation des réseaux sociaux présente donc un intérêt en matière de prévention. Néanmoins, la question de la valeur contraignante ou non de ces guides reste posée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112260/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brigitte Pereira ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une analyse approfondie des décisions judiciaires depuis 1988 a été effectuée pour chercher à déterminer l’équilibre généralement admis entre liberté d’expression et loyauté à l’entreprise.Brigitte Pereira, Professeur de Droit du travail, Droit pénal des affaires et Droit des contrats, Docteur en Droit privé et Sciences Criminelles, HDR en Sciences de Gestion, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1103832019-01-29T20:48:48Z2019-01-29T20:48:48ZMobiliser les sciences de gestion pour réussir la transition écologique et sociale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255547/original/file-20190125-108342-1aubzhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C17%2C968%2C648&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certains auteurs soulignent que l’économie rend compte d’une dépendance de l’Homme par rapport à la nature et à ses semblables.</span> <span class="attribution"><span class="source">Werner Rebel / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La question de la soutenabilité n’est pas simple à traiter car nous faisons face à un double péril : l’exploitation abusive des ressources naturelles met en danger <a href="https://www.ipcc.ch/">l’équilibre du climat</a> et de <a href="https://www.ipbes.net/">la biodiversité</a>, et <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-capital-au-xxie-siecle-thomas-piketty/9782021082289">les inégalités croissantes</a> condamnent notre capacité à faire société. Dans son livre « Insoutenables inégalités », le chercheur Lucas Chancel nous montre d'ailleurs clairement que les deux questions, sociale et environnementale, <a href="http://www.lespetitsmatins.fr/collections/insoutenables-inegalites-pour-une-justice-sociale-et-environnementale">ne peuvent pas être dissociées</a>. </p>
<p>Face à de tels enjeux, les sciences de gestion peuvent grandement contribuer à l'affirmation d’une double solidarité : celle qui relie les hommes et la nature, et celle qui unit les hommes entre eux. Un tel effort ne se décrète pas. Il s’organise. Et c’est là que <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4341/solidarite-et-organisation-penser-une-autre-gestion">leur apport est déterminant</a>. Il faut toutefois reconnaître que la solidarité n’est que peu prise en compte dans l’histoire de la pensée organisationnelle. </p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/314025747" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Solidarité et organisation : penser une autre gestion », par Philippe Eynaud (Vidéo FNEGE Médias, janvier 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>On peut même affirmer qu’elle est négligée dans l’enseignement de la gestion, dont la pédagogie reste trop centrée sur le modèle de l’entreprise marchande et sur ses attendus. Pourquoi les manuels de gestion retiennent-ils de <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2009-4-page-28.htm">Smith</a> le concept de « main invisible » et pas son attention à la question de la redistribution ? Et pourquoi ne jamais mentionner <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/democratie_1/democratie_tome1.html">Tocqueville</a> lorsqu’il répond à Smith en pointant l’apport des organisations démocratiques dans la richesse des nations ? </p>
<h2>Réhabiliter le projet solidaire de l'économie</h2>
<p>Pour sortir de ces impasses, il y a, selon nous, trois perspectives à travailler. La première consiste à repenser l’organisation économique sous l’angle du projet solidaire. Pour cela, un auteur nous est particulièrement utile : <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/bibliotheque-des-savoirs/la-subsistance-de-l-homme">Karl Polanyi</a>. Cet économiste hongrois du XXe siècle pointe en effet ce qu’il nomme le « sophisme économique ». Selon lui, une erreur commune consiste à réduire l’économie à la seule économie de marché. </p>
<p>À partir d’une approche historique et anthropologique, Polanyi montre de manière claire que l’économie a une vocation bien plus large car elle rend compte d’une dépendance de l’Homme par rapport à la nature et à ses semblables. À ce titre, il propose de nommer « économie substantive » l’économie qui comprend dans son périmètre la redistribution et la réciprocité. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WWNYpDK2Fls?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« L'économie de marché selon Karl Polanyi », entretien avec Jérôme Maucourant, Maître de conférences de sciences économiques à l’Université Jean-Monnet de Saint-Etienne (IUT).</span></figcaption>
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<p>Cet élargissement est particulièrement important pour l’étude des organisations. Elle permet notamment de réintroduire - et de légitimer – l’activité des associations dans le champ économique sans pour autant les forcer à entrer dans des relations purement marchandes. Elle permet aussi de repenser l’action publique à l’aune de cette redéfinition de l’économie. Dès lors, on peut faire l’hypothèse que l’organisation de l’économie substantive appelle une gestion substantive ; ou, dit autrement, que l’économie solidaire suppose pour sa mise en œuvre une gestion solidaire. Tout l’enjeu reste maintenant d’en définir son contenu et ses attributions.</p>
<p>Là encore, Polanyi nous est utile. Il décrit avec précision le processus de marchandisation qu’ont connu tour à tour le travail, la monnaie et la nature. Pour lui, ces trois ressources sont des marchandises « fictives ». Il en veut pour preuve qu’aucune d’entre elles n’a été créée dans l’objectif initial d’une marchandisation. Si la fiction se maintient, c’est qu’elle procède d’une construction idéologique largement relayée dans les sociétés modernes. Cela fait sa force, mais aussi sa faiblesse. Si la fiction est dénoncée, le processus socio-économique peut être inversé et la gestion solidaire se mettre au service d’un réencastrement de ces trois éléments. </p>
<h2>S'appuyer sur des exemples déjà nombreux</h2>
<p>De nombreuses pratiques en témoignent déjà. Concernant le travail, les innovations sociales des <a href="http://www.theses.fr/2017PSLED035">coopératives d’activité et d’emploi</a> sont particulièrement intéressantes à analyser. En permettant à des autoentrepreneurs de retrouver un statut de salarié et en leur offrant le statut d’associés de la coopérative, elles insufflent une solidarité à des acteurs isolés et précarisés par les logiques de marché. Dans la mouvance des logiciels libres et des licences publiques, des <a href="http://plateformes.coopdescommuns.org/">plateformes numériques coopératives</a> émergent pour refuser l’ubérisation du travail en offrant un autre mode de gouvernance pour les utilisateurs. Concernant la monnaie, les exemples sont également éloquents. Partout, des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_monnaies_alternatives-9782707186362.html">monnaies alternatives et solidaires</a> sont créées et inventées. Elles participent à l’émergence d’une <a href="https://www.finansol.org/">finance solidaire</a>. Elles permettent de reconstruire du lien social, de réinscrire une partie des choix économiques sur les territoires et d’autoriser l’appropriation citoyenne selon des modes démocratiques. </p>
<p>Concernant la nature, les innovations sont multiples. À partir de l’exemple impulsé par les associations de maintien de l’agriculture paysanne (<a href="http://www.reseau-amap.org/">AMAP</a>), des logiques de circuits courts se sont construites et organisées. Des modèles organisationnels d’un nouveau genre comme celui de <a href="https://terredeliens.org/">Terre de liens</a>, d’<a href="https://www.habitat-humanisme.org/">Habitat et humanisme</a>, d’<a href="https://www.enercoop.fr/">Enercoop</a>, de <a href="https://www.colibris-lemouvement.org/">Colibris</a>, ou les nombreuses initiatives numériques et solidaires échangeant au sein de <a href="http://plateformes.coopdescommuns.org/">plateforme en communs</a> permettent d’engager de nouveaux modes d’organisation solidaires sur les territoires. Dans ce contexte, les organisations multi parties prenantes comme les sociétés coopératives d’intérêt collectif (<a href="http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/">SCIC</a>) voient leur nombre augmenter car elles sont à même de relever les défis de la gestion du pluralisme qui peut s’exprimer localement.</p>
<h2>Sortir d'une rationalité formelle</h2>
<p>Une troisième perspective de travail est offerte par l’œuvre de <a href="https://www.jstor.org/stable/25610817?seq=1#page_scan_tab_contents">Guerreiro Ramos</a>. Pour ce sociologue brésilien, le renouveau de la théorie des organisations suppose de repenser la question de la rationalité. À la rationalité formelle prônée par les logiques de marché, il est nécessaire de juxtaposer une rationalité substantive en lien avec l’économie substantive analysée par Polanyi. </p>
<p>Il y a là, selon Guerreiro Ramos, une faute de pensée à rabaisser l’homme à un être qui calcule. Cela bloque en effet sa capacité à distinguer le vice de la vertu. Cet évincement de la dimension éthique propre à la rationalité formelle est caractéristique de la pensée organisationnelle dominante. L’irruption de l’informatique dans le débat est l’illustration de cette dérive : le propre d’un algorithme économique est de calculer et non de se poser des questions morales. Aucune valeur supérieure ne vient altérer ou perturber son enchaînement d’opérations logiques. Il nous faut sortir de cette impasse. Pour cela, il est possible d’élargir la vision du champ à ce que Guerreiro Ramos nomme la « para-économie » : c’est-à-dire aux organisations dont la finalité ne se réduit pas à une vision marchande. En visibilisant les organisations associatives, communautaires, familiales, il est possible de revaloriser le travail désintéressé qui est le propre des acteurs associatifs, des passionnés, des amateurs, des bricoleurs et de tous ceux qui participent d’un nouvel <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-age-du-faire-michel-lallement/9782021190496">âge du « faire »</a> (mouvement des makers) et d’un <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Vers_une_r%C3%A9publique_des_biens_communs__-545-1-1-0-1.html">partage des communs</a>. </p>
<h2>Défendre la socio-diversité</h2>
<p>Pour une société plus humaine, Gueirrero Ramos propose de protéger politiquement ces enclaves afin d’éviter qu’elles ne soient gagnées par les logiques marchandes. Pour cet auteur, il est crucial de ne pas transposer les outils de la gestion d’entreprise vers d’autres organisations (qu’elles soient publiques, coopératives ou associatives). Ces outils sont en effet porteurs d’une « <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00263141/document">technologie invisible</a> » (au sens de <a href="https://theconversation.com/columns/michel-berry-274327">Michel Berry</a>, fondateur de l'école de Paris du Management) propres à subvertir la rationalité substantive et les logiques démocratiques qui les animent, voire à les faire disparaître.</p>
<p>Un parallèle est ainsi nécessaire entre défense de la biodiversité et défense de la socio-diversité (au sens de la diversité des formes organisationnelles et notamment de la préservation des formes démocratiques non marchandes). En effet, un lien essentiel et profond rend solidaires les transitions énergétiques et démocratiques. Devant la menace d’une apocalypse technocratique, nous pouvons opposer la <a href="http://www.lesconvivialistes.org/pdf/Manifeste-Convivialiste.pdf">société conviviale</a>. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255812/original/file-20190128-108334-1gzrjj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255812/original/file-20190128-108334-1gzrjj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255812/original/file-20190128-108334-1gzrjj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255812/original/file-20190128-108334-1gzrjj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255812/original/file-20190128-108334-1gzrjj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255812/original/file-20190128-108334-1gzrjj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255812/original/file-20190128-108334-1gzrjj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Face à l’hégémonie du modèle de l’entreprise marchande et à son individualisme amoral, nous pouvons faire le choix de l’organisation démocratique et porter une attention renouvelée <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/3787/la-gestion-des-associations">à la gestion des associations</a> et aux formes organisationnelles solidaires. Les nouvelles <a href="https://www.demain-lefilm.com/">expériences citoyennes et solidaires</a> qui s’inventent chaque jour dans le monde témoignent de nouvelles façons de conjuguer <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4341/solidarite-et-organisation-penser-une-autre-gestion">solidarité et organisation</a>. Gestion <a href="https://gess.sciencesconf.org/">solidaire</a>, gestion des <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Vers_une_r%C3%A9publique_des_biens_communs__-545-1-1-0-1.html">communs</a>, gestion du <a href="https://editionutopia.wordpress.com/2014/03/30/le-buen-vivir-pour-imaginer-dautres-mondes/">bien vivre</a> sont autant de pistes de recherche à prendre en compte dans le cadre d’un dialogue et d’un programme de recherche international. Elles augurent de nouvelles pratiques adaptées pour une transition sociale et environnementale plus que jamais nécessaire. Par leur capacité à être au plus près de l’action de terrain, les sciences de gestion ont un rôle essentiel à jouer sur ce plan. Encore faut-il pour elles accompagner et outiller le renouveau de l’imaginaire collectif que cela suppose.</p>
<hr>
<p><em>L'auteur de cet article a publié avec Genauto Carvalho de França Filho le livre « Solidarité et organisation : penser une autre gestion » aux Éditions érès le 3 janvier 2019.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110383/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Eynaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la discipline parvient à s’émanciper du modèle de l’entreprise marchande, elle pourra apporter des réponses essentielles face aux enjeux actuels. Certains auteurs ont déjà ouvert la voie.Philippe Eynaud, Professeur en sciences de gestion, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1101182019-01-24T20:20:23Z2019-01-24T20:20:23ZRegard sur les élites économiques : les consultants et la méritocratie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255335/original/file-20190124-135133-268h14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C998%2C776&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le consulting ou la banque d'affaires, les nocturnes sont fréquentes pour les juniors comme pour les associés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rawpixel.com / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les analyses des conflits sociaux des dernières semaines opposent souvent les élites des grandes métropoles urbaines, composées de cadres supérieurs connectés aux richesses et aux ressources de la mondialisation et les espaces périphériques et ruraux où vivraient les personnes plus modestes et reléguées, victimes d’un accroissement des inégalités dont le mouvement des gilets jaunes serait une émanation.</p>
<p>Si l’on connaît un peu mieux aujourd’hui les modes de vie et les perceptions des catégories socio-professionnelles qui se sont mobilisées, on connaît souvent moins la vision du monde qu’ont les groupes sociaux supérieurs. Or, la façon dont ceux-ci envisagent leur propre place dans le monde et la place de ceux qui les entourent, peut contribuer à cette fracture sociale.</p>
<p>J’ai eu l’occasion dans une enquête sur les grands cabinets de conseil internationaux d’en étudier une partie (<em>Au cœur des cabinets de conseil et d’audit</em>, PUF, Prix Le Monde et Prix FNEGE) et l’analyse, si elle ne vaut bien sûr pas pour toutes les catégories socio-professionnelles supérieures, peut nous renseigner sur la façon dont l’élite économique justifie son rôle, ainsi que les ressources et le pouvoir dont elle dispose. En effet, les cabinets de conseil internationaux comme McKinsey, BCG, Bain, ou même encore les <em>Big Four</em>, sont très influents et façonnent le monde des affaires directement via leur activité de conseil et indirectement en plaçant leurs anciens salariés à des postes de direction des grandes entreprises. Ces cabinets, qui recrutent parmi les meilleurs étudiants des grandes écoles françaises (HEC, X, Mines, etc.) constituent en quelque sorte le dernier maillon de la fabrication des dirigeants (McKinsey est souvent surnommé l’<a href="https://observer.com/2013/09/the-ceo-factory-ex-mckinsey-consultants-get-hired-to-run-the-biggest-companies/">« usine à CEO »</a>), et de fait, la part des dirigeants d’entreprises issus de ces cabinets croit au détriment des carrières traditionnelles internes.</p>
<p>Ainsi, il est possible d’arriver de sa province et de la classe moyenne et de se retrouver à 23 ans par la magie de son travail scolaire, chez McKinsey ou dans les banques d’affaires comme Rothschild qui fonctionne de la même manière, directement projeté dans le monde des Français les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3549496?sommaire=3549502">3 % les plus riches</a> (les salaires d’entrée sont d’environ <a href="https://www.emolument.com/salary-reports/companies/mckinsey-and-company/8284">70 000 et de 150 000 euros</a> au bout de 5 ans, sans tenir compte des bonus).</p>
<h2>Rétribuer les plus méritants</h2>
<p>Qu’est-ce que nous apprend l’observation de ce groupe social ? Le premier point qui m’a frappé dans cette enquête est la croyance fondamentale que cette élite partage dans les vertus de la méritocratie : la plupart des consultants estime qu’il est nécessaire et légitime de hiérarchiser et de distinguer les individus entre eux et donc de rétribuer les plus méritants différentiellement, sur le même modèle de la compétition scolaire dont ils sont sortis vainqueurs. Ainsi est privilégié un type de justice dans laquelle des dénivelés importants de rémunération sont justifiés du moment qu’ils reposent sur le mérite (les associés de ces cabinets gagnent entre 300 000 euros et plus d’un million d’euros par an).</p>
<p>Cette compétition est d’ailleurs le fil conducteur du modèle de carrière mis en place par ces cabinets appelé <em>up or out</em> : chaque semestre les salariés d’une même cohorte sont évalués et classés les uns par rapport aux autres ; les meilleurs sont promus et les moins bons sont invités à quitter le cabinet. Au terme de ce parcours d’une dizaine de grades, les meilleurs peuvent espérer être cooptés en tant qu’« associé », c’est-à-dire propriétaire d’une partie du capital.</p>
<p>Bien qu’en réalité la compétition pour les postes ne repose pas uniquement sur le mérite, relativement fictif et difficilement objectivable, et qu’elle tient compte aussi de facteurs relationnels et sociaux subjectifs, la compétition méritocratique reste un principe régulateur des conduites accepté par tous : le salaire varie en fonction du diplôme (« c’est normal, celui qui a réussi HEC a travaillé plus, donc mérite plus » explique un consultant), ceux qui échouent reconnaissent qu’ils ne sont pas à la hauteur, et la plupart des femmes refusent les dispositifs d’accompagnement (télétravail, discrimination positive, etc.) au nom de cet « extrémisme méritocratique » (<a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/554240/temp-by-louis-hyman/9780735224070/">Louis Hyman, <em>Temp</em>, Pengouin</a>) qui leur est de fait pourtant largement défavorable puisque 15 % des associés sont des femmes, alors qu’elles représentent 50 % des effectifs à l’entrée.</p>
<h2>« On me dit que je suis fort parce que j’encaisse bien »</h2>
<p>Deuxième constatation qui découle de la première : c’est une élite qui travaille et qui se définit par son travail. On est loin de la classe de loisirs que décrivait Thorstein Veblen pour laquelle le travail était considéré comme <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Theorie-de-la-classe-de-loisir">« indigne de l’homme accompli »</a>. Chez McKinsey, mais aussi dans les banques d’affaires, les rythmes de travail sont extrêmes, souvent plus de 80 heures par semaine, les nocturnes sont fréquentes que ce soit pour les juniors ou les associés. La capacité à résister au stress, à la pression, aux épreuves, constitue une morale professionnelle qui manifeste l’appartenance à une élite supérieure et sélective. « On me dit que je suis fort parce que j’encaisse bien », « tu es vu comme un héros quand tu es capable de faire face à une grosse masse de travail », explique un manager. Ceux qui ne peuvent pas tenir cette pression abandonnent.</p>
<p>Si on retrouve dans cet investissement hors normes la marque de rituels ascétiques propres à la fabrication des élites, dans la continuité des classes préparatoires, cette obsession du travail est aussi une conséquence de la méritocratie : elle permet de distinguer des individus égaux et de les hiérarchiser en fonction de leur effort personnel et de leur volonté. Ainsi, les membres de cette « nouvelle élite » ne se comportent pas comme si tout leur était dû et ne puisent pas dans la fortune familiale pour couler une existence de rentiers mais croient fermement à l’importance du travail.</p>
<p>Ces principes « démocratiques » que sont le travail, le mérite, mais aussi la performance et la rationalisation de l’existence, nous interrogent par ce qu’ils produisent d’un certain type de sujet social dont l’analyse peut mettre à jour des rouages qui sous-tendent les inégalités du monde contemporain. Quel est-il ?</p>
<p>Tout d’abord, ce sujet d’élite se perçoit d’une façon beaucoup plus individualisée et héroïque et considère que la position qu’il occupe est le résultat de ses actions et de son travail. À une culture de classe, basée sur la naissance ou l’appartenance, s’est substituée une culture du privilège acquis, dans laquelle la réussite est censée être à la portée de tous (on trouve ainsi parmi ces consultants des exemples certes anecdotiques mais tangibles de personnes issues des classes moyennes via l’ascenseur social). Par conséquent, l’entreprise n’est pas envisagée comme un collectif au service éventuel d’un bien public, mais comme un simple distributeur d’utilité privée, où chacun cherche dans cette compétition à s’assurer individuellement une position sociale confortable sans considération pour les finalités collectives : les consultants pensent toujours au <em>next step</em> ou à trouver un job <em>shiny</em> à leur exit. La transformation de ces expériences individuelles en expérience collective est rendue difficile par le fait que les consultants sont rivaux, il n’y a d’ailleurs pas de syndicat.</p>
<h2>La morale des vainqueurs</h2>
<p>Un autre effet de cette méritocratie exacerbée que j’ai pu observer est que les consultants ne se définissent pas par la finalité de leur travail ou de leur fonction mais par leur position sociale. Concrètement c’est davantage le prestige et le souci de se démarquer de ses semblables qui définit le consultant que l’utilité même de son travail. Dès lors que le travail devient un mode privilégié d’expression du statut social, le travail participe de la course sans limites à la distinction et devient par là même infini. Le travail tend donc à être vécu comme un sport où, à défaut de convictions personnelles sur la valeur du métier, l’important est de se distinguer et de réussir.</p>
<p>Enfin, ces principes produisent une morale favorable au vainqueur. Cette compétition ne s’exerce pas sans une certaine violence au sein même de cette élite ; il y a des gagnants et il y a des perdants. Et même si les consultants qui quittent le cabinet ne se retrouvent pas relégués aux marges de la société, ce modèle de compétition à l’image de la compétition sportive ou scolaire constitue pour eux une épreuve source de stress, d’anxiété, et parfois de <em>burn-out</em>. Les tensions de ce modèle sont vues comme une mise à l’épreuve de leur valeur personnelle et sont cruelles pour les « perdants » qui doivent assumer la responsabilité de leurs échecs (ce que j’appelle le « jobbard ») : puisque l’échec repose non plus sur les inégalités sociales mais sur les aptitudes personnelles, il met directement en cause l’estime de soi. Ainsi ces élites qu’on pourrait croire protégées par leur titre scolaire continuent à s’imposer une compétition continue dont l’élection est incertaine. Ces cabinets nous rappellent donc la tension au cœur de notre société démocratique entre égalité et mérite et ses effets potentiellement darwiniens (François Dubet, <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/les-places-et-les-chances-francois-dubet/9782021014730">« Les places et les chances »</a>, Seuil).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254509/original/file-20190118-100288-qfozts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254509/original/file-20190118-100288-qfozts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254509/original/file-20190118-100288-qfozts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254509/original/file-20190118-100288-qfozts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254509/original/file-20190118-100288-qfozts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254509/original/file-20190118-100288-qfozts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254509/original/file-20190118-100288-qfozts.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>On pourrait croire que ce phénomène est typique des élites françaises. Mais on trouve ces évolutions dans des enquêtes menées dans d’autres pays. Dans son anthropologie <a href="https://www.dukeupress.edu/liquidated"><em>Liquidated : An ethnography of Wall Street</em></a>, Karen Ho décrit les banquiers comme des fondamentalistes du marché, soumis à des rythmes de travail hallucinants, désireux de travailler entre gens <em>smart</em> diplômés des meilleures universités et dans lequel le darwinisme social et la loi du marché sont des normes projetées sur le reste de la société. Dan son ouvrage <a href="https://www.nytimes.com/2014/08/13/books/excellent-sheep-william-deresiewiczs-manifesto.html"><em>Excellent Sheep</em></a>), William Deresiewicz observe que les étudiants de la Ivy League sont en quête de statut et de <em>crediantialism</em> et ne réfléchissent pas à pourquoi ils font ce qu’ils font. Shamus Kahn qui a fait une ethnographie d’une école d’élite de l’état de New York (<a href="https://press.princeton.edu/titles/9294.html"><em>Privilege : The making of an adolescent elite at St. Paul’s School</em></a>) montre à quel point le travail est devenu une obsession des élites américaines.</p>
<p>Le terme de <em>méritocratie</em> (la « loi des meilleurs ») fut forgé par un sociologue anglais après-guerre <a href="https://www.theguardian.com/news/2018/oct/19/the-myth-of-meritocracy-who-really-gets-what-they-deserve">Michael Young</a> de façon péjorative pour fustiger ce qui lui semblait être un froid processus de bureaucratisation scientiste de la compétence et du talent. Le mérite est bel et bien un principe de justice fondamental dans notre démocratie mais il n’est pas toute la justice. Et s’il est appliqué à la société dans son ensemble sans être compensé par d’autres conceptions de la justice (soucieuses de ne pas seulement justifier les inégalités mais bien de les réduire), il peut conduire à un gouvernement de premiers de la classe que les « perdants » peuvent ne pas accepter avec autant de bonne volonté que les consultants.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Au cœur des cabinets de conseil et d’audit : de la distinction à la soumission », vidéo FNEGE Médias (2018).</span></figcaption>
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<p><em>Sébastien Stenger est l’auteur du livre « Au cœur des cabinets d’audit et de conseil » (PUF, 2017), Prix <a href="https://www.fnege.org/">FNEGE</a> du meilleur ouvrage de recherche en management dont The Conversation France est partenaire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110118/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Stenger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sébastien Stenger a mené une observation approfondie du monde du conseil. Voici ce qui ressort de son enquête, primée par la FNEGE.Sébastien Stenger, Enseignant-chercheur en sciences de gestion, ISG International Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.