tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/fonction-publique-23929/articlesfonction publique – The Conversation2024-02-16T16:22:02Ztag:theconversation.com,2011:article/2236292024-02-16T16:22:02Z2024-02-16T16:22:02ZScandale ArriveCan : comment éviter un tel dérapage à l’avenir ?<p>Le plus récent rapport de la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, a eu l'effet d'une bombe: l'application ArriveCan, qui devait coûter 80 000 dollars, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2048787/couts-arrivecan-hausse-rapport-verificatrice">a été mise à jour 177 fois, entraînant une facture qui s'élève à au moins 59,5 millions de dollars</a>. L'entreprise derrière ce scandale, GC Stratégies, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2024-02-14/contrats-federaux/258-millions-pour-l-entreprise-derriere-arrivecan.php">a reçu depuis moins de 10 ans plusieurs millions de dollars en contrats fédéraux</a>. </p>
<p>Karen Hogan a mentionné que bien qu'il ait été justifiable d'assouplir certaines normes pour une réaction rapide du gouvernement fédéral face à la pandémie, la dérogation à l'exigence de documentation adéquate pour l'attribution des contrats liés à la création de l'application soulève des questions. ArriveCan collectait des informations concernant la santé et les coordonnées des personnes en déplacement à l'extérieur du pays durant la pandémie de COVID-19. </p>
<p>Son rapport dévoile une gestion éhontée des fonds publics par l’Agence des services frontaliers du Canada.</p>
<p>Comment cela a-t-il pu arriver ? En tant que spécialiste en certification du secteur public, je vais examiner les divers facteurs qui se sont combinés pour créer cette situation extrême.</p>
<h2>Des mesures exceptionnelles pour une situation inédite</h2>
<p>La pandémie, exceptionnelle et inédite, a bouleversé profondément nos vies quotidiennes et a redéfini notre perception de la normalité à l'échelle mondiale. </p>
<p>Elle a conduit les gouvernements à prendre des mesures tout aussi exceptionnelles, souvent sans précédent.</p>
<p>Ainsi, entre 2020 et 2023, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/organisation/mandat/a-propos-agence/lois-reglements/liste-lois-reglements.html#">des décrets d'urgence ont été établis en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine</a>, dans le but de protéger la santé publique au Canada. </p>
<p>Les décrets émis dans le cadre de la réponse du Canada à la pandémie <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/conformite-application-loi/covid19-arrete-urgence-drogues-instruments-medicaux-aliments-speciales/note.html">ont notamment facilité l'acquisition rapide d’équipement de protection individuelle</a>, reflétant une réponse gouvernementale adaptée à l'urgence sanitaire. Cependant, ces mesures ont également engendré des dérives, notamment avec la création de l’application ArriveCAN.</p>
<h2>Des conflits d’intérêts</h2>
<p>Dans le cas d’ArriveCan, la vérificatrice générale a noté plusieurs situations qui semblent démontrer l’apparence d’un conflit d’intérêts. </p>
<p>Elle indique notamment dans son rapport les manquements au niveau du processus d'octroi du contrat. De plus, elle souligne que des employés de l'Agence ont participé à des dîners et à d'autres événements organisés par des fournisseurs. Cependant, il n'existe pas de documentation prouvant que ces employés ont informé leur superviseur de ces interactions, comme l'exige le code de conduite de l'Agence.</p>
<p>Il est important de noter que les entités gouvernementales doivent respecter des normes élevées d'intégrité et d'équité dans leurs processus d'approvisionnement. Par conséquent, même si la législation ne mentionne pas explicitement l'interdiction pour une entité gouvernementale qui établit les critères d'un appel d'offres de soumissionner, il est probable que de telles actions seraient considérées comme un conflit d'intérêts et contraires aux principes d'équité et de transparence. </p>
<p>En effet, tout fournisseur qui désire transiger avec une entité liée au gouvernement, et en particulier le Gouvernement du Canada, doit respecter en tout temps <a href="https://www.tbs-sct.canada.ca/pol/doc-fra.aspx?id=32627">la Directive sur les conflits d’intérêts</a> et adhérer <a href="https://www.tbs-sct.canada.ca/pol/doc-fra.aspx?id=25049">au code de valeurs et d’éthique du secteur public</a>.</p>
<h2>Préparation de l’appel d’offres et soumission</h2>
<p>La vérificatrice générale a constaté que la société qui a reçu le contrat, GC Stratégies, était aussi impliquée dans la définition des critères utilisés pour évaluer et sélectionner l'entreprise. Cela représente une violation des principes d’équité et de transparence mis de l’avant par Services publics et Approvisionnement Canada, tout en plaçant l'entreprise dans une position de conflit d'intérêts.</p>
<p>Les appels d’offres liés à des instances gouvernementales doivent respecter certaines règles et lois <a href="https://www.mccarthy.ca/en/insights/articles/deep-dive-canadas-public-procurement-law-2-part-series">qui imposent des obligations de transparence et de non-discrimination dans les appels d’offres publics</a>. Les principes fondamentaux du cadre légal des appels d'offres au Canada mettent l'accent sur l'ouverture, l'équité et la transparence des processus d'approvisionnement. Cela signifie que <a href="https://achatsetventes.gc.ca/pour-le-gouvernement/acheter-pour-le-gouvernement-du-canada/les-regles-et-processus-d-approvisionnement">tout processus d'appel d'offres doit être ouvert</a> (tout le monde peut soumissionner), équitable (les soumissionnaires et les candidats potentiels sont traités de manière égale), et transparent (les règles sont connues de tous).</p>
<p>Cela n'a vraisemblablement pas été le cas pour ArriveCan.</p>
<h2>Un manque d'imputabilité</h2>
<p>Un autre élément clé réside dans la gestion du projet, où les responsabilités de chacun doivent être clairement établies. La vérificatrice générale a noté de grandes lacunes à ce niveau, précisant même qu’il n’y avait aucun accord officiel établi dans le but de préciser les rôles et responsabilités de chacune dans la création et la gestion du projet d’ArriveCan. </p>
<p>Or, la <a href="https://www.tbs-sct.canada.ca/pol/doc-fra.aspx?id=32594&section=html">Directive sur la gestion de projets et programmes du Gouvernement du Canada</a> stipule en toute lettre la nécessité d’attribuer les diverses responsabilités d’un projet afin d’en assurer l’imputabilité. Cette notion fait d’ailleurs partie du <a href="https://www.pmi.org/-/media/pmi/documents/public/pdf/ethics/pmi-code-of-ethics.pdf?sc_lang_temp=en">Code d’éthique et de conduite professionnelle du Project Management Institute</a>, l’entité qui régit les gestionnaires de projets. </p>
<p>Ces déficiences en matière d'imputabilité et de responsabilité ont ainsi entraîné une reddition de comptes inefficace, comme l’a souligné la vérificatrice générale dans son rapport.</p>
<h2>Un incident exceptionnel, mais pas isolé</h2>
<p>Bien que le cas de l'application ArriveCAN soit surprenant pour les contribuables canadiens, avec des coûts passant de 80 000 $ à près de 59,5 millions $, ce n'est pas un incident isolé dans l'histoire des projets gouvernementaux canadiens. </p>
<p>Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scandale_des_commandites">scandale des commandites</a> est un exemple éloquent. Entre 1997 à 2003, des fonds publics ont été utilisés pour financer des campagnes de relations publiques visant à contrer les efforts de souveraineté d’un parti politique provincial (le Parti québécois), sans une supervision adéquate des dépenses ou de l'efficacité de ces campagnes.</p>
<p>À une échelle plus locale, on peut citer l'exemple du projet pilote de Formule E, à Montréal, en juillet 2017, avec la tenue de courses de véhicules électriques dans ses rues. <a href="https://bvgmtl.ca/wp-content/uploads/2021/03/RA2017_FR-section4_9-1.pdf">Dans son rapport concernant l'événement</a>, la vérificatrice générale de la Ville de Montréal révélait, à travers les conclusions de son audit, que le projet souffrait d'une gestion inefficace, d'une attribution imprécise des rôles et responsabilités, et d'une reddition de comptes inadéquate. Plusieurs commentateurs ont alors estimé que l'affaire a coûté en partie la réélection du maire d'alors, Denis Coderre. </p>
<h2>Des solutions pour éviter de tels scandales</h2>
<p>Ainsi, l'affaire ArriveCAN n’est que l’exemple le plus récent de scandale impliquant l'utilisation outrancière de fonds publics. Cela souligne l'importance cruciale d'une gouvernance transparente et d'une gestion rigoureuse des fonds publics pour préserver la confiance des citoyens et l'intégrité des institutions. </p>
<p>Ainsi, les entités gouvernementales et paragouvernementales devraient implanter des contrôles visant à s'assurer de respecter les diverses politiques et directives gouvernementales auxquelles elles sont assujetties. </p>
<p>Par ailleurs, il faudrait instaurer des comités composés de membres externes à l'organisation, qui évalueraient les divers projets tout en garantissant une gestion appropriée et une reddition de comptes efficace et ponctuelle. Cela ferait en sorte que les décisions et les actions de l'organisation seraient soumises à un examen impartial et approfondi, favorisant ainsi une transparence accrue et une meilleure responsabilisation des acteurs impliqués. </p>
<p>Ces mesures, bien que sommaires, contribueraient néanmoins à renforcer l'imputabilité des différentes parties prenantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223629/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lecompte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les dépassements de coûts de l’application ArriveCan sont exceptionnels, mais le scandale n’est pas unique dans l’histoire. Des solutions existent pour éviter l’utilisation outrancière de fonds publics.Annie Lecompte, Associate professor, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230552024-02-12T10:58:25Z2024-02-12T10:58:25ZComment lutter contre les incivilités envers les agents de la fonction publique ?<p>Le constat est sans appel. De plus en plus d’agents de la fonction publique subissent la violence, l’agressivité et l’incivilité des usagers. Les exemples ne manquent pas : à Nîmes (Gard), une <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/gard/nimes/nimes-hausse-de-400-des-agressions-d-agents-municipaux-en-2021-2432551.html">hausse de 400 % des agressions d’agents municipaux</a> a été enregistrée en 2021 ; en novembre 2022, dans le Pas-de-Calais, un <a href="https://www.la-croix.com/France/Pas-Calais-agent-impots-tue-dun-controle-fiscal-2022-11-22-1201243184">contrôleur fiscal trouve la mort dans l’exercice de ses fonctions</a> ; un mois plus tard, en Haute-Vienne, un <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/limoges-la-tcl-suspend-ses-bus-apres-l-agression-d-un-chauffeur-2677096.html">contrôleur de bus se fait agresser</a> physiquement, etc.</p>
<p>Au niveau national, en 2021, pas moins de 35 000 professionnels de santé ont été agressés et en 2022, 12 000 actes d’incivilité ont été recensés auprès des agents des Caisses d’allocations familiales (CAF). Entre 2020 et 2023, Pôle emploi a pour sa part enregistré une <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/toutes-les-actualites/lancement-du-plan-de-protection-des-agents-publics">hausse de 20 % des violences</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1485907044020465665"}"></div></p>
<p>Certains établissements ont alors décidé d’agir en <a href="https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/actualites/les-agents-du-service-public-trop-souvent-confrontes-aux-incivilites-en-haute-vienne_14250689/">formant leurs agents</a> tandis que certaines collectivités lancent des campagnes de <a href="https://www.cap-com.org/actualit%C3%A9s/incivilites-et-service-public-la-com-vent-debout-avec-les-agents">sensibilisation auprès des usagers</a>, mais ces actions restent isolées. Ainsi, un <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/toutes-les-actualites/lancement-du-plan-de-protection-des-agents-publics">Plan national de protection</a> des agents des trois versants de la fonction publique et des opérateurs de service public a été présenté le 18 septembre dernier par Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique.</p>
<p>Ce plan propose une feuille de route autour de trois grands axes de travail. Le premier concerne une meilleure compréhension de la situation avec notamment la mise en place, au premier semestre 2024, d’un baromètre annuel pour mesurer les actes violents subis par les agents. Le deuxième porte sur un inventaire des moyens ou ressources nécessaires pour préserver la sécurité des agents. Enfin, le troisième axe prévoit, pour l’administration concernée par des incivilités, des mesures telles que la possibilité de porter plainte.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1704058414681485705"}"></div></p>
<p>Ces trois propositions permettront sans aucun doute de mieux identifier les actes d’incivilité et de répondre aux conséquences de ces actes en termes de moyens et ressources. Pour autant, cette approche ne pose pas la question, pourtant essentielle, des raisons sous-jacentes qui conduisent à ce type de comportement spécifique chez l’usager, au-delà du contexte morose actuel.</p>
<h2>Quand la colère monte</h2>
<p>Fin 2022, en réaction à la mort de l’agent du fisc mentionnée plus haut, Guillaume Dannard, responsable CFDT à la Sécurité sociale, déclarait dans une <a href="https://rmc.bfmtv.com/actualites/economie/travail/mort-d-un-agent-du-fisc-dans-les-services-publics-les-incivilites-ou-les-violences-se-multiplient_AV-202211230296.html">interview</a> accordée à RMC :</p>
<blockquote>
<p>« [Les incivilités ou les violences] se multiplient parce qu’il y a une dégradation forte du service rendu à nos assurés, puisque les délais pour traiter les dossiers s’allongent. Et mécaniquement, ça crée de l’incivilité quand nos concitoyens n’arrivent pas à avoir les droits en temps et en heure ».</p>
</blockquote>
<p>Ce triste constat illustre le mécanisme qui s’opère derrière l’émergence des incivilités : la non-atteinte de l’objectif que s’est fixé l’usager en faisant appel au service, l’incertitude et l’absence de contrôle sur la situation, le sentiment d’injustice dans la manière dont l’usager et son problème sont considérés ou encore la responsabilité d’une tierce personne ou d’un événement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1595346118938066945"}"></div></p>
<p>Lorsqu’un usager fait appel à un service – public ou privé – via une agence physique ou un autre canal (téléphone, e-mail, etc.), il s’attend en effet à ce que l’agent résolve son problème, par exemple : « Je souhaite obtenir un remboursement » ou « Je dois effectuer un changement d’adresse ». Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas.</p>
<p>Une première <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/mar.21528">étude</a> que nous avons menée auprès de 1114 usagers de centre d’appels révèle justement que la non-atteinte de l’objectif initial, l’incertitude, l’absence de contrôle sur la situation, une situation perçue comme injuste et la responsabilité d’une tierce personne ou d’un événement génèrent de la frustration qui, à son tour, peut entraîner un comportement violent ou des incivilités.</p>
<p>Une deuxième <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/20515707231182488">étude</a> conduite auprès de 971 répondants montre en outre que la non-atteinte des objectifs, la responsabilité de la situation par une tierce personne ou un événement et le manque de contrôle sur cette situation génère, ici, de la colère chez l’usager. De plus, la présence simultanée de deux de ces facteurs – l’absence de contrôle et la non-atteinte de l’objectif, par exemple – amplifie cette colère, ce qui peut ensuite entraîner un comportement déviant chez l’usager.</p>
<h2>Réapprendre à parler à l’usager</h2>
<p>L’analyse du comportement émotionnel des usagers démontre donc la nécessité de fournir des clés aux agents de la fonction publique qui sont amenés à communiquer avec eux, que ce soit par écrit, par téléphone ou en face à face. En effet, les agents doivent être en mesure d’aider les usagers à restaurer leur contrôle sur la situation, à réduire leur incertitude et à résoudre leur problème. Pour cela, plusieurs pistes peuvent être envisagées.</p>
<p>La première est d’offrir à l’usager plusieurs choix parmi les canaux de communication. Si l’usager ne peut pas résoudre son problème par un canal, la possibilité de le faire via un autre minimisera son sentiment de manque de contrôle et par conséquent les émotions négatives induites.</p>
<p>Au-delà du sentiment de contrôle, la deuxième piste de travail est que l’usager soit sécurisé sur son niveau d’incertitude et sur le fait que son problème sera résolu. Pour cela, la formation des agents sur la manière d’adopter une posture, une attitude, un langage clair, compréhensible et empathique, peut réduire les émotions négatives et par conséquent les incivilités et les violences. De même, des formations plus pointues, voire le recrutement d’agents avec des profils particuliers, sont encouragés.</p>
<p>La formation d’agents à la reconnaissance des premiers signes de colère à travers des techniques éprouvées de communication, des simulations, des méthodes de gestion des conflits et d’écoute active permettrait d’éviter son amplification et ses effets négatifs. Lorsque le niveau de colère est faible, l’usager réagit mieux aux appels à la raison. En ce sens, la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) vient juste d’<a href="https://www.modernisation.gouv.fr/presse/lutte-contre-les-incivilites-et-les-agressions-stanislas-guerini-lance-une-formation-pour">initier un programme de plusieurs modules</a> conçus avec les agents.</p>
<h2>Les usagers demandent « plus d’humanité »</h2>
<p>Nous suggérons donc aux agents confrontés à des signaux précoces de colère d’encourager la prise de recul en fournissant à l’usager des informations et des explications sur l’origine de la défaillance du service. De cette manière, les usagers peuvent procéder à une réévaluation et réguler leur colère plus efficacement. Dans une situation d’escalade de la colère, il est peu probable que les faits et les informations soient utiles. Dans ces circonstances, les agents doivent faire preuve d’empathie et de compréhension afin de favoriser chez l’usager la répression de sa colère.</p>
<p>Enfin, les usagers – et les agents également – réclament plus « d’humanité » dans les relations. Plutôt que de remplacer l’être humain par des robots, il semble capital d’investir et de renforcer les moyens et les ressources liés aux technologies d’interaction et d’accompagnement entre l’usager et l’agent. L’expérimentation de l’intelligence artificielle (IA) dans les services publics en octobre dernier semble déjà porter ses fruits.</p>
<p>L’IA, utilisée pour des tâches avant tout administratives, a permis une réduction du temps de réponse, passant de 7 jours à 3 jours, les avis positifs des agents sont de 70 % et le <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/quand-l-intelligence-artificielle-rend-les-services-publics-plus-reactifs-20231219">taux de satisfaction des usagers atteint 74 %</a>. Cela permet ainsi aux agents de la fonction publique de se concentrer sur le relationnel et <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-lia-alliee-de-taille-des-services-publics-2043516">l’accompagnement des usagers</a> dans la résolution de leurs problèmes, et ainsi, potentiellement, réduire les actes d’incivilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223055/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des efforts en matière de formation des agents ou de multiplication des canaux de contacts pourraient notamment permettre de limiter la colère des usagers.Aude Rychalski, Professeure Associée en Marketing, ESSCA School of ManagementHelena V. González-Gómez, Professeure Associée en Comportement Organisationnel, Neoma Business SchoolSarah Hudson, Professeure en Management et Organisation, Rennes School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186572023-11-29T14:37:21Z2023-11-29T14:37:21ZPourquoi le soutien aux syndicats est-il si fort ? C’est une question d’insatisfaction générale<p>Plus de 65 000 enseignantes et enseignants du Québec pourraient <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2023/11/26/greve-dans-le-secteur-public--on-va-tenir-le-siege-jusqua-noel-sil-le-faut">poursuivre leur grève jusqu’à Noël</a> si une entente n’est pas conclue, a déclaré leur syndicat dimanche. Cet avertissement survient dans un contexte de conflit de travail généralisé dans la province, <a href="https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2023-11-27/negos-a-18-7-on-a-une-entente.php#:%7E:text=Jeudi%2C%20570%20000%20des%20610,premier%20ministre%20Fran%C3%A7ois%20Legault%20jeudi.">où près de 570 000 personnes étaient en grève</a> la semaine dernière.</p>
<p>Ces actions collectives font suite à <a href="https://www.tf1info.fr/international/video-etats-unis-la-greve-historique-dans-le-secteur-de-l-automobile-ne-faiblit-pas-2271349.html">« l’été des grèves »</a>, où plusieurs actions syndicales ont été déclenchées, avec notamment les grèves des <a href="https://theconversation.com/actors-are-demanding-that-hollywood-catch-up-with-technological-changes-in-a-sequel-to-a-1960-strike-209829">scénaristes et des acteurs</a> à Hollywood, celle des <a href="https://theconversation.com/why-the-uaw-unions-tough-bargaining-strategy-is-working-214679">Travailleurs unis de l’automobile</a> et des grèves dans de <a href="https://www.rtbf.be/article/une-greve-chez-starbucks-en-raison-de-l-interdiction-de-decorations-pride-11217996">nombreux Starbucks</a>. </p>
<p>Au Canada, les <a href="https://theconversation.com/b-c-labour-dispute-its-time-for-an-industrial-inquiry-commission-into-ports-and-automation-210779">travailleurs portuaires de la Colombie-Britannique</a>, les employés du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2004945/greve-tvo-steve-paikin-agenda">télédiffuseur public de l’Ontario</a> et les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009929/greve-municipalite-saint-jean">employés municipaux de Saint-Jean</a> ont également mené des grèves.</p>
<p>Si les grèves semblent avoir gagné en popularité et en visibilité, c’est entre autres grâce au soutien record dont bénéficient les syndicats. <a href="https://news.gallup.com/poll/398303/approval-labor-unions-highest-point-1965.aspx">Selon un récent sondage Gallup</a>, 71 % des Américains appuient les syndicats, ce qui représente le taux le plus élevé depuis 1965. Un récent <a href="https://angusreid.org/unions-strike-labour-canada-ndp-conservatives-liberals/">sondage Angus Reid</a> révèle que trois Canadiens sur cinq estiment que les syndicats ont des incidences positives pour les travailleurs.</p>
<p>Pourquoi ce soutien est-il si fort aujourd’hui ? <a href="https://abcnews.go.com/Business/technologies-helping-shape-surge-worker-strikes-us/story?id=102994468">Certains avancent</a> que la détérioration des conditions de travail, le décalage des salaires par rapport à l’inflation et l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle dans tous les secteurs contribuent aux actions collectives.</p>
<p>Ceci ne constitue toutefois qu’une partie du tableau. La perception que les travailleurs ont de leurs conditions est plus importante encore. L’augmentation du soutien aux syndicats s’explique surtout par la hausse dans la population générale du sentiment de vivre des inégalités, et par les réactions émotionnelles négatives à l’égard de cette situation.</p>
<h2>Importance de la perception</h2>
<p>Des recherches montrent que le fait de reconnaître qu’on est désavantagé, associé à une réaction émotionnelle — en général la colère —, est un important indicateur de la participation à des actions collectives telles que manifestations, grèves ou adhésion à un syndicat. Cela est vrai indépendamment des <a href="https://www.doi.org/10.1177/1088868311430825">mesures objectives d’inégalité</a>, telles que la classe sociale, le revenu et l’éducation.</p>
<p>Une <a href="https://www.jstor.org/stable/27767155">étude réalisée en 1991</a> révèle que les sentiments des gens à l’égard de leur statut social influencent davantage l’appui aux syndicats que leur statut social objectif, qui est déterminé par des facteurs tels que le revenu et l’éducation. En d’autres termes, le soutien aux syndicats est une affaire de perception.</p>
<p>Cette perspective explique également pourquoi l’appui aux syndicats n’a pas augmenté lorsque les conditions de travail se sont dégradées. Ainsi, les années qui ont suivi la récession de 2008 ont été marquées par divers problèmes liés au travail, notamment un <a href="https://www.kansascityfed.org/Jackson%20Hole/documents/4547/2014vonWachter.pdf">taux de chômage élevé</a>, une <a href="https://u.demog.berkeley.edu/%7Ejrw/Biblio/Eprints/PRB/files/65.1unitedstates.pdf">baisse du salaire des ménages</a> et une <a href="https://knowledge.wharton.upenn.edu/podcast/knowledge-at-wharton-podcast/great-recession-american-dream/">hausse du nombre d’emplois temporaires et précaires</a>.</p>
<p>Malgré cela, le <a href="https://news.gallup.com/poll/398303/approval-labor-unions-highest-point-1965.aspx">soutien aux syndicats a atteint un plancher historique</a> aux États-Unis à cette époque. Bien qu’il n’existe pas de statistiques pour le Canada, des <a href="https://www.doi.org/10.18740/S4M887">données indiquent</a> que les syndicats y ont été tout aussi impopulaires après la Grande Récession.</p>
<h2>Le rôle de la pandémie de Covid-19</h2>
<p>La pandémie de Covid-19 a profondément modifié la façon dont nous percevons notre vie. Des études récentes indiquent que les gens sont aujourd’hui <a href="https://cepr.org/voxeu/columns/pandemics-make-us-more-averse-inequality">plus conscients des inégalités qui règnent dans la société</a> et qu’ils souhaitent davantage <a href="https://doi.org/10.1016%2Fj.jesp.2022.104400">agir pour y remédier</a> qu’à l’époque pré-Covid.</p>
<p>La prise de conscience des mécanismes injustes qui influencent nos comportements s’est avérée être une <a href="https://www.doi.org/10.1177/1088868311430825">condition préalable à la montée de la colère</a> qui motive l’action collective. En somme, plus nous percevons des injustices, <a href="https://www.doi.org/10.1080/00224545.1987.9713692">plus nous sommes susceptibles</a> de participer à une action collective.</p>
<p>L’apogée de la pandémie de Covid-19 a coïncidé avec plusieurs grèves syndicales révélatrices de cette tendance. Ainsi, la <a href="https://www.unifor.org/fr/nouvelles/toutes-les-nouvelles/les-travailleuses-et-travailleurs-chez-dominion-declenchent-une-0">grève de 2020 des travailleurs des épiceries Dominion à Terre-Neuve</a> a été provoquée par la prise de conscience des disparités entre les cadres supérieurs, qui ont gagné des millions pendant la pandémie, et les travailleurs de première ligne qui n’ont reçu que peu ou pas d’augmentations de salaire.</p>
<p>Bien que <a href="https://policyalternatives.ca/sites/default/files/uploads/publications/National%20Office/2022/01/Another%20year%20in%20paradise.pdf">ce fossé se soit creusé pendant des années</a>, la pandémie l’a amplifié. Les <a href="https://static1.squarespace.com/static/5f6cf5f31b4f4b396a560f8c/t/5f8f4630ee36ca09c2825fe6/1603225136576/summary_atof_f.pdf">déclarations des syndicats pendant les grèves</a> ont mis l’accent sur le fait que les problèmes des travailleurs ont été révélés par la pandémie et non créés par elle.</p>
<p>La pandémie a contribué à engendrer un environnement dans lequel les travailleurs se sentent lésés et en colère. Tant que la perception et la prise de conscience des inégalités n’auront pas changé, nous continuerons vraisemblablement à assister à une hausse du nombre de grèves et d’autres formes d’action collective.</p>
<h2>Que doivent faire les employeurs ?</h2>
<p>Les employeurs ont un rôle essentiel à jouer dans ce contexte. S’ils veulent éviter que les travailleurs ne se lancent dans une action collective, ils doivent leur offrir leur appui et répondre à leurs besoins. Des enjeux tels <a href="https://theconversation.com/how-businesses-can-best-help-employees-disconnect-from-work-174522">qu’équilibre entre vie professionnelle et vie privée</a>, <a href="https://theconversation.com/employers-need-to-prioritize-employee-mental-health-if-they-want-to-attract-new-talent-205738">soutien en santé mentale</a>, <a href="https://theconversation.com/diversity-in-the-workplace-isnt-enough-businesses-need-to-work-toward-inclusion-194136">diversité et inclusion</a> sont au premier plan des préoccupations des travailleurs.</p>
<p>Lorsque leurs besoins sont satisfaits, les travailleurs risquent moins de se sentir désavantagés au travail et d’éprouver du ressentiment. Une <a href="https://www.doi.org/10.2147/PRBM.S321689">récente étude</a> a montré que les personnes qui considèrent qu’elles obtiennent une juste rémunération pour des comportements positifs — comme coopérer avec les autres et arriver tôt — éprouvent moins de ressentiment à l’égard des gens qu’elles perçoivent comme plus favorisés.</p>
<p>En mettant en place une bonne communication avec les employés, en encourageant un leadership participatif et la coopération entre les travailleurs, on peut <a href="https://www.doi.org/10.1177/08863680122098298">réduire la colère</a> engendrée par les comparaisons négatives liées au travail.</p>
<p>Ces approches fonctionnent parce qu’elles offrent des solutions constructives aux problèmes des travailleurs. En conclusion, le lien entre la perception que les gens ont de leur vie et leur soutien aux syndicats démontre l’importance pour les employeurs de prendre en compte les besoins de leurs employés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218657/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nabhan Refaie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’augmentation du soutien aux syndicats peut s’expliquer par le fait que les gens prennent de plus en plus conscience de vivre des inégalités et de la colère qu’ils ressentent à ce sujet.Nabhan Refaie, PhD Candidate in Management (Organizational Behaviour), University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2013272023-04-24T10:29:27Z2023-04-24T10:29:27ZComment penser un accompagnement « durable » sur les inégalités de genre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520211/original/file-20230411-16-2y20ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C363%2C2558%2C1493&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien coacher implique de considérer les personnes accompagnées dans toutes leurs dimensions, ce qui n’est pas toujours le cas.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/4xe-yVFJCvw">Toa Heftiba / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Accompagner ses cadres, dans le privé ou le public, s’avère un enjeu majeur aujourd’hui pour les organisations prises dans de complexes évolutions sociétales, écologiques et géopolitiques. Pourtant, nombre d’organisations se limitent souvent à la mise en place de programmes sans mesurer leurs impacts ou avec une vision court-termiste et simpliste.</p>
<p>Au-delà de l’effet à chaud, ou effet « waouh », comment vérifier les manières dont un dispositif a été vécu et ses effets produits ? C’est dans une telle démarche à horizon temporel plus lointain qu’un programme de recherche a été mis en place pour suivre et évaluer le programme <a href="https://insp.gouv.fr/programme-talentueuses">« Talentueuses »</a> qui s’attelle aux défis de l’accompagnement de la réduction des inégalités entre hommes et femmes dans la haute fonction publique. Lancé en septembre 2021 par la ministre Amélie de Montchalin et repris par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, ce dispositif vise à soutenir les hautes fonctionnaires publiques dans leurs carrières, au travers de la combinaison de différentes pratiques comme le coaching, le mentorat, le co-développement et des séminaires ciblés.</p>
<p>Une recherche-action avec les équipes conceptrices et auprès des participantes a permis d’identifier des enseignements clés pour mettre en place un accompagnement durable, c’est-à-dire pour éviter les écueils et <a href="https://theconversation.com/coaching-en-entreprise-les-nouveaux-defis-dune-industrie-en-plein-boom-124934">dérives</a> de programmes d’accompagnement. Il s’agit alors de penser les conditions et modalités d’accompagnement que nous appelons « durables », c’est-à-dire qui visent à soutenir des évolutions ou transformations positives et de long terme pour les acteurs ciblés par ces programmes. Avec les concepteurs du programme Talentueuses, nous avons donc éclairé différents points de vigilance et sommes arrivés à plusieurs recommandations pour guider la conception de tels programmes d’accompagnement de publics discriminés.</p>
<h2>Éviter l’effet « discriminations bien intentionnées »</h2>
<p>Un premier enjeu est de concilier la prise en compte de caractéristiques (ici, être une femme) sans pour autant que cela n’enferme dans une catégorie, ne résume ou ne réduise une personne en niant les autres composantes de son expérience comme ses origines sociales, géographiques, ou sa religion. Une participante le formule ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut trouver cette articulation entre ce qui relève d’une problématique commune et ce qui relève d’une problématique spécifique. »</p>
</blockquote>
<p>Des chercheurs, et notamment Laurence Romani, professeur à la <em>Stockholm School of Economics</em>, embrassent ce phénomène qui guette des programmes de lutte contre des publics discriminés à partir du concept de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1350508418812585">« discrimination bien intentionnée »</a>. Il désigne cet ensemble de mécanismes et effets contre-productifs de programmes qui visent pourtant à lutter contre les discriminations.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/520497/original/file-20230412-18-kowfcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520497/original/file-20230412-18-kowfcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520497/original/file-20230412-18-kowfcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=734&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520497/original/file-20230412-18-kowfcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=734&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520497/original/file-20230412-18-kowfcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=734&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520497/original/file-20230412-18-kowfcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520497/original/file-20230412-18-kowfcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520497/original/file-20230412-18-kowfcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Laurence Romani, qui a théorisé le concept de « discrimination bien intentionnée ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Juliana Wiklund/Handelshögskolan i Stockholm</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aveuglés par le souhait de bien faire, des concepteurs pourraient être peu conscients de leurs propres biais et des limites de leurs approches et des pratiques mises en place.Par exemple, un programme monogenré, s’il crée un entre-soi propice à la sécurité affective et psychologique, peut aussi réduire l’analyse des explications causales à la dimension du genre, en niant d’autres caractéristiques.</p>
<p>Il peut aussi, en consignant l’expérience des femmes à celle de la femme, créer indirectement une pression de se conformer à une expérience similaire de genre vers le modèle de femme ambitieuse. Associer des chercheurs, c’est-à-dire des tiers qui proposent un pas de côté et une prise de recul scientifique, dans la conception ou l’évaluation de tels programmes, permet de développer la réflexivité des acteurs et réduire les risques de biais.</p>
<h2>L’accompagnement, pas qu’une « parenthèse enchantée »</h2>
<p>De même, aborder les problèmes uniquement sous l’angle de la confiance en soi, comme le font de nombreux programmes d’accompagnement, peut détourner d’une analyse plus structurelle et politique des questions, les problématiques de <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-03460215v1/document">plafond de verre</a> par exemple. C’est le constat dressé par Shani Orgad et Rosalind Gill, respectivement chercheuses à la <em>London School of Economics</em> et à la <em>City University London</em>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513971/original/file-20230307-121-6ppp05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/513971/original/file-20230307-121-6ppp05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513971/original/file-20230307-121-6ppp05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513971/original/file-20230307-121-6ppp05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513971/original/file-20230307-121-6ppp05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513971/original/file-20230307-121-6ppp05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513971/original/file-20230307-121-6ppp05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513971/original/file-20230307-121-6ppp05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elles pointent du doigt les dérives psychologisantes de la <a href="https://www.dukeupress.edu/confidence-culture">« culture de la confiance »</a>. Celle-ci regroupe l’ensemble des normes d’attitudes et de comportements poussant à « croire en soi » et à « célébrer l’amour de soi ». On les retrouve au travers de hashtags bien établis à destination des femmes comme <em>#MotivationMonday</em>, <em>#WellnessWednesday</em>, et <em>#SelfLoveSunday</em>. L’injonction à ce travail sur soi, pour se muscler subjectivement, dissimule en fait des rapports de pouvoir et des structures inégalitaires qui expliquent pour partie les difficultés des femmes à accéder à certains postes prisés.</p>
<p>Certaines participantes du programme Talentueuses ont aussi été sensibles à cet écueil de « vendre du rêve », une « parenthèse enchantée » après laquelle :</p>
<blockquote>
<p>« On se retrouve très vite, de nouveau, le nez à la fois dans le guidon et face aux contradictions et à l’incapacité de bouger tout seul ou faire bouger le système ».</p>
</blockquote>
<h2>Avoir des accompagnateurs lucides</h2>
<p>Au travers d’un partenariat avec des chercheurs, les acteurs terrain peuvent mieux comprendre le contexte et obtenir un véritable diagnostic pour une lecture complexe et plurielle des enjeux. Il s’agit alors de faire bouger les personnes et leur système.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
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<hr>
<p>Pour éviter ces biais, la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/denouer-les-noeuds-sociopsychiques_9782738151414.php">sociologie clinique</a> fournit un cadre utile. Elle invite à croiser différents niveaux de lecture (individuel, relationnel, social), différentes dimensions de l’expérience (rationnelle, émotionnelle, morale) et de voir en quoi ces dimensions se chevauchent, se répondent, produisent des tensions et contradictions.</p>
<p>Intégrer la « durabilité » dans la conception d’un programme d’accompagnement des femmes revient par exemple à observer qu’il y a une injonction de la réussite « au féminin » dans un contexte institutionnel sous contraintes. Les accompagnateurs doivent avoir une certaine lucidité sur ce système dans lequel ils sont eux-mêmes pris. Comme nous le montrons, c’est comme cela que l’accompagnement peut véritablement s’avérer <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2023/01/rfg308.37-54/rfg308.37-54.html">émancipateur</a>. Et c’est le sens du travail de transformation durable en cours avec les concepteurs du programme « Talentueuses ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201327/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La recherche-action menée par Pauline Fatien et Fabien Moreau sur le programme Talentueuses a bénéficié de soutien financiers de la part de la DIESE. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>La recherche-action menée par Pauline Fatien et Fabien Moreau sur le programme Talentueuses a bénéficié de soutien financiers de la part de la DIESE. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Antoni ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche co-menée avec les concepteurs du programme « Talentueuses », qui vise à soutenir les hautes fonctionnaires, fait le point sur les bonnes pratiques, et les écueils à éviter.Pauline Fatien Diochon, Professeur Associé en Management, Grenoble École de Management (GEM)Anne Antoni, Enseignant-chercheur, Grenoble École de Management (GEM)Fabien Moreau, Docteur en Sciences de Gestion (Ressources Humaines), Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1942742022-11-15T16:51:15Z2022-11-15T16:51:15ZQuelles politiques pour limiter l’absentéisme dans le secteur public local ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494419/original/file-20221109-15-job7mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=143%2C67%2C1065%2C708&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ville d’Alès dans le Gard (mairie en photo) a mis en œuvre la démarche participative «&nbsp;DEFI&nbsp;» (définir, engager, former, initier).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Town_hall_of_Ales.jpg">Krzysztof Golik/Wikimedia commons</a></span></figcaption></figure><p>Les chiffres de <a href="https://www.cnracl.retraites.fr/sites/default/files/SERVICES/FNP/Rubrique%20statistiques/2021%20Panorama_sofaxis_QVT.pdf">l’absentéisme dans la fonction publique territoriale</a>, en hausse, traduisent un niveau croissant de mal-être au travail des agents territoriaux. Les recherches académiques expliquent en effet l’absentéisme par <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/02683940710733115/full/html?journalCode=jmp">deux processus</a>. D’une part, un processus d’affaiblissement et de détérioration de la santé, affectant la capacité à être présent. D’autre part, un processus de démotivation au travail lié, par exemple, à une faible satisfaction dans son emploi ou son travail en général, ou un faible degré d’implication organisationnelle.</p>
<p>Au cours d’une de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2021-2-page-79.htm">recherches</a>, nous nous sommes concentrés plus précisément sur deux déterminants de l’absentéisme : l’un lié au contexte social, à savoir le soutien organisationnel perçu (SOP), l’autre lié à une attitude de travail, à savoir l’implication organisationnelle (IO). Le SOP traduit l’évaluation faite par un salarié du <a href="http://classweb.uh.edu/eisenberger/wp-content/uploads/sites/21/2015/04/22_Perceived_Organizational_Support.pdf">degré d’implication de l’organisation</a> à son égard. À l’inverse, l’implication organisationnelle traduit le degré d’investissement du salarié à l’égard de son organisation.</p>
<p>Selon nos résultats, les agents territoriaux auraient une perception plutôt faible du soutien organisationnel et manifesteraient une implication plutôt négative de type calculée, liée notamment à l’obligation de rester dans leur organisation en raison des faibles opportunités d’emplois, à l’intérieur comme à l’extérieur de leur organisation.</p>
<h2>Démarche participative</h2>
<p>Face à ces problèmes, plusieurs collectivités ont d’ores et déjà mis en œuvre des innovations managériales et organisationnelles. Ces innovations ont toutes en commun la mobilisation des richesses humaines des collectivités afin d’encourager la valorisation, le bien-être et le partage entre collaborateurs.</p>
<p>À ce titre, la ville d’Alès (Gard) a mis en œuvre la « Démarche DEFI » (définir, engager, former, initier). Reposant sur une démarche participative, associant élus, directeurs de pôle et direction, et participation du personnel autour de groupe de travail thématique, elle a pour objet le renforcement du dialogue social afin de co-construire les projets et changements territoriaux. Ce qui lui a permet simultanément de mettre en œuvre des actions d’amélioration de l’environnement de travail, de réduction des accidents de travail et de réflexion sur de nouvelles pratiques managériales.</p>
<p>Ce dernier axe a nécessité notamment le déploiement d’une campagne de formation, de sensibilisation, et d’accompagnement des cadres territoriaux à la conduite du changement, afin qu’ils puissent au mieux soutenir leurs équipes (réunir, réfléchir et con-construire) et leur donner les ressources nécessaires pour livrer une meilleure qualité de service rendu aux usagers.</p>
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<p>Les retombées de cette innovation ont été, d’une part, une baisse de l’absentéisme, du turn-over, du coût des assurances, du présentéisme, des griefs et conflits sociaux et, d’autre part, une nette amélioration du climat social, de la motivation et de l’implication des agents, de la créativité et de la qualité des décisions prises. Cette démarche a redonné du sens aux projets et changements entrepris et a redynamisé la confiance organisationnelle. Sa réussite tient, notamment, à une véritable impulsion et à un soutien de la direction.</p>
<h2>Transversalité</h2>
<p>Dans le même ordre d’idée, la mairie d’Orléans (Loiret) a créé un réseau interne de cadres – le réseau IX innovation et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/management-20496">management</a>. Issue de la volonté des cadres de mieux travailler ensemble afin de ne plus subir le changement mais en être les acteurs, ce réseau a fait de la communication un levier d’action et de la dynamique collective son outil.</p>
<p>Dans cette perspective, une organisation en mode participatif a été élaborée. En a découlé une pratique managériale centrée sur une démarche ascendante et un travail en transversalité où la coopération a permis de faire naître une créativité en berne et enrichir le métier de manager.</p>
<p>Cette innovation a permis d’impulser des dynamiques de formation des cadres territoriaux, un meilleur déploiement des formations des agents, le maintien d’un management de proximité, d’un travail de lien avec les agents, dans un contexte managérial lui aussi contraint. Elle a été source de motivation, d’amélioration continue du fonctionnement des collectivités de l’agglomération d’Orléans, d’accroissement de leur efficacité/efficience par le biais d’un accroissement du sentiment d’appartenance, du sens des actions menées, du développement d’une nouvelle capacité de partage de l’information et des compétences de chacun, d’une intelligence collective au-delà des liens hiérarchiques.</p>
<p>Il en a découlé, comme dans l’exemple précédent, une baisse de l’absentéisme des agents territoriaux, une meilleure image de la collectivité et une attractivité plus forte des talents en termes de recrutement. De même, l’impulsion et le soutien de la direction générale ont constitué des facteurs clés de succès de cette innovation.</p>
<h2>Des compétences managériales clés</h2>
<p>Enfin, la ville d’Antibes (Alpes-Maritimes), prix Territoria or 2015 pour sa démarche d’innovation organisationnelle, a notamment mis en place, pour un management plus collaboratif et soutenant, un outil appelé « Time out » fondé sur une démarche de réflexion et de recul sur les pratiques au sein des services. Impulsé par l’encadrement, ce temps d’échange a pour objectif de vérifier avec les équipes l’adéquation entre l’activité déployée et ses finalités initiales afin de mettre en exergue les conditions de réussite de l’activité et la dynamique d’équipe, et identifier les freins et blocages pour une amélioration continue du fonctionnement de l’activité du service.</p>
<p>Source de remobilisation des équipes, par leur participation, l’appropriation de leur activité de travail, l’assimilation des processus et décisions, la création du sens, le sentiment d’appartenance, et le développement de solutions appropriées, cet outil met en évidence le fait que les résistances, les mal-être professionnels et les conflits ne sont pas de barrières à l’innovation mais des mécanismes légitimes qu’il convient de gérer au plus près des situations de travail pour motiver et rendre plus performante les équipes.</p>
<p>C’est dans ce sens que la ville de Romans-sur-Isère (Drôme) déploie 4 compétences managériales clés pour affronter les nouveaux défis des collectivités : fédérer, réguler, faciliter et innover. Dans cette veine, afin de définir des processus organisationnels et managériaux optimaux (fédérer = impulsion et vison politique, efficacité des choix politiques et efficience des choix de gestion), source de comportements performants des agents au travail (assiduité, implication, satisfaction, fidélité à l’organisation et dans le travail), ces processus doivent être ajustés (réguler = flexibilité, adaptabilité, réflexivité) en agissant sur les freins et blocages (faciliter = coopération, dialogue social, transversalité, écoute) afin de produire de la performance (innover = anticiper, prévoir, écouter, expérimenter, structurer).</p>
<p>Cette démarche permet des apprentissages organisationnels, des améliorations opérationnelles ainsi que l’appropriation et l’assimilation de nouvelles pratiques. Il s’agit là d’autant d’occasions données aux agents et à l’encadrement de repenser et de réinventer leur activité de travail et de légitimer la vision politique, les choix politiques et de gestion (fédérer = confiance et soutien organisationnel, motivation).</p>
<p>Que retenir de ces expériences ? On décèle quelques facteurs clés de succès, comme un portage politique fort, une implication de la direction, un accompagnement, soutien et une formation des cadres en amont sont nécessaires pour mener des innovations managériales permettant de lutter contre l’absentéisme et soutenant en environnement de travail dans lequel les agents peuvent s’identifier.</p>
<p>En termes de pratiques, ces expériences soulignent en outre l’importance d’un dialogue social nourri, d’une communication maîtrisée, du déploiement d’une intelligence collective nécessitant d’aller au-delà de l’organisation en silo des organisations publiques, d’une reconnaissance non monétaire basée sur la confiance et l’échange, un travail de lien à redéployer dans le management tout au long de la ligne hiérarchique, donnant aux agents, tous statuts confondus, un sentiment d’utilité et de sens dans et des actions déployées ainsi qu’un sentiment d’appartenance à l’organisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194274/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Carassus a reçu des financements de collectivités locales et de leurs partenaires dans le cadre de la chaire OPTIMA (Observatoire du PiloTage et de l'Innovation Managériale locAle) de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amar Fall et Fatéma Safy-Godineau ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Certaines initiatives à Alès, Orléans, Antibes ou encore Romans-sur-Isère soulignent notamment l’importance de l’implication de la hiérarchie ou encore du dialogue social.Fatéma Safy-Godineau, Maître de conférences en sciences de gestion, IAE Pau-BayonneAmar Fall, Maître de conférences - HDR, IAE Pau-BayonneDavid Carassus, Professeur en sciences de gestion, IAE Pau-BayonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841142022-05-31T18:59:09Z2022-05-31T18:59:09ZLe métier de diplomate aujourd’hui<p>Les diplomates du Quai d’Orsay sont en émoi. Un décret publié au <em>Journal officiel</em> le 17 avril 2022 fixe la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045592729">« mise en extinction »</a> progressive de deux corps historiques de la diplomatie française : celui des ministres plénipotentiaires et celui des conseillers des Affaires étrangères. Jusqu’ici, c’est au sein de ces deux corps qu’étaient choisis les ambassadeurs et les consuls généraux.</p>
<p>Désormais, les diplomates rejoindront un nouveau corps des administrateurs de l’État, où l’on retrouvera tous les hauts fonctionnaires. C’est la fin des <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/2936?lang=en">diplomates de carrière</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1515617277621768192"}"></div></p>
<p>Place à l’interchangeabilité. Un directeur des services fiscaux d’un département pourra devenir ambassadeur à Lima, et un diplomate en poste à Pretoria pourra se retrouver directeur des douanes à Marseille. Or la diplomatie est un métier et ce métier exige un long apprentissage. Cette réforme fait craindre des parachutages et autres nominations politiques. La perspective d’une carrière diplomatique au long cours est compromise, voire impossible.</p>
<p>À la suite de cette annonce, un appel à la grève a été lancé par les diplomates français, pour la première fois depuis vingt ans. La nouvelle ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna aura donc à gérer, le 2 juin 2022, la fronde des agents du Quai d’Orsay, qui expliquent dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/25/reforme-du-quai-d-orsay-nous-faisons-face-a-un-risque-de-disparition-de-notre-diplomatie-professionnelle_6127641_3232.html">tribune publiée par <em>le Monde</em></a> que « c’est l’existence même du ministère qui est désormais remise en question ».</p>
<p>Sur les réseaux sociaux, c’est le hashtag <a href="https://twitter.com/search?q=%23diplo2m%C3%A9tie">#diplo2métier</a> qui porte l’idée qu’on ne s’improvise pas diplomate, un métier au contraire exceptionnel : formation, expérience, fonctions spécifiques, conditions de travail parfois difficiles…</p>
<p>Mais quelle est vraiment la nature du métier de diplomate aujourd’hui ?</p>
<h2>Des relations diplomatiques bilatérales…</h2>
<p>Tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, la diplomatie a connu des transformations considérables. Au début, comme on le sait, la diplomatie était l’art de mener des relations bilatérales entre États comme alternative à la guerre (quand les hommes se parlent, ils ne se font pas la guerre, dit la sagesse populaire). Les diplomates appartenaient à la <a href="https://www.pur-editions.fr/product/5948/le-diplomate-en-representation-xvie-XXe-si%C3%A8cle">bonne société de leur pays</a> et, souvent, s’entendaient mieux avec leurs collègues des autres pays qu’ils ne communiquaient avec leurs compatriotes appartenant à d’autres milieux sociaux.</p>
<p>On <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/cultures-de-paix/diplomates-et-diplomatie">naissait diplomate en quelque sorte</a> (il y avait des traditions familiales, des filiations) et les capacités professionnelles se résumaient, le plus souvent (comme dans l’ensemble de la bourgeoisie qui assumait diverses fonctions dirigeantes à l’époque) à la culture générale, aux bonnes manières, à l’élégance vestimentaire et à la maîtrise du français, qui était la seule langue de la diplomatie.</p>
<p>La Première Guerre mondiale a provoqué la première grande révolution dans le métier de diplomate. La <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/pratiques-diplomatiques-contemporaines/la-conf%C3%A9rence-de-la-paix-de-1919">Conférence de la Paix en 1919 à Versailles</a> marque le début de la diplomatie multilatérale de haut niveau et le diplomate dut dès lors tout à la fois maîtriser l’anglais – les Américains ne négociaient pas en français – et une série de matières techniques comme le désarmement, les compensations financières, les transports internationaux, etc.</p>
<p>Par conséquent, le recrutement des diplomates a mis davantage l’accent sur les compétences professionnelles que sur le milieu social, suivant le processus de démocratisation général de nos sociétés. L’usage de la force pour la conduite des relations extérieures d’un pays fut sévèrement restreint, même prohibé, et la diplomatie se vit reconnaître une forme de prééminence dans les relations internationales, avec la création de la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/history-of-the-un/predecessor">Société des Nations</a>.</p>
<h2>… aux relations diplomatiques multilatérales</h2>
<p>Le bilatéralisme céda progressivement la place au multilatéralisme et les relations multilatérales se sont déployées <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/multilateralisme-et-politique-qu-est-ce-qui-a-change-depuis-la-sdn-4253898">dans le cadre d’organisations internationales</a> dotées de compétences générales ou spécialisées. Dans ce dernier cas, on vit apparaître des <a href="https://www.un.org/fr/observances/delegates-day">délégués auprès des organisations internationales</a>, qui n’étaient pas nécessairement des diplomates mais bien des experts détachés par leur administration.</p>
<p>Les dernières décennies du XX<sup>e</sup> siècle ont vu une transformation encore plus profonde de la diplomatie. La barrière de la souveraineté, qui protégeait les États contre les interférences dans leurs affaires intérieures, a commencé à se déliter. La diplomatie, naguère confinée aux salons et salles de réunion, s’est progressivement étendue <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes1-2014-1-page-6.htm">aux domaines économique, culturel, universitaire</a>…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/V89O_afNdLI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Diplomates en action – sur tous les terrains en Ukraine (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 30 avril 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>La technologie de l’information surmonte l’obstacle des distances et permet une communication rapide entre le diplomate et ses autorités. Internet <a href="https://www.cairn.info/la-guerre-de-l-information-aura-t-elle-lieu--9782100759729-page-150.htm">décuple</a> les capacités du diplomate à communiquer, tout en lui donnant la possibilité de se concentrer sur son travail principal : établir et nourrir des relations avec un vaste éventail de représentants de la société du pays où il se trouve.</p>
<p>À une époque de compétition croissante sur la scène internationale – multinationales, ONG, médias –, les diplomates se sentent parfois « assiégés ». Ont-ils encore un rôle à jouer et quel devrait être ce rôle ?</p>
<h2>La diplomatie en question</h2>
<p>Posons quelques constats : l’ambassade classique, la plus répandue, est l’<a href="https://www.cairn.info/manuel-de-diplomatie--9782724622904-page-23.htm">ambassade bilatérale</a>. Aujourd’hui encore, beaucoup de pays perçoivent leurs relations extérieures en termes bilatéraux. L’ambassadeur Bernard Destrémau <a href="https://bibliotheques.paris.fr/cinema/doc/SYRACUSE/289312/quai-d-orsay-derriere-la-facade?_lg=fr-FR">écrit à ce propos</a> : « Les relations bilatérales restent le sel historique de la diplomatie. »</p>
<p>Pour nourrir les relations bilatérales, une diplomatie publique consistante est nécessaire, interagissant avec l’administration et la société civile du pays hôte. Le travail consulaire et culturel <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapportfianl_sociologue.pdf">demeure largement bilatéral</a>. Même si l’accès à l’information a été bouleversé par les moyens modernes de communication et les médias, une ambassade demeure un lieu de référence pour évaluer la <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2018-2-page-23.htm">qualité d’une information</a>.</p>
<p>Même si les ministres de différents pays se voient et se téléphonent à diverses occasions, l’avis de leur ambassadeur sur un dossier spécifique est souvent apprécié. Le diplomate peut injecter une dose de réalité (le « reality check ») dans un <em>briefing</em> ministériel ; il peut dire ce qui constitue un impératif politique pour l’État avec lequel on traite et indiquer les « lignes rouges » de la négociation en cours. Bien que les décisions politiques soient arrêtées dans les capitales, l’ambassadeur peut souvent contribuer à affiner une posture, à préparer un choix.</p>
<h2>La diplomatie au défi</h2>
<p>On doit bien reconnaître que le métier de diplomate s’est adapté à l’<a href="https://www.diploweb.com/Quelles-sont-les-facettes-du-metier-de-diplomate-aujourd-hui.html">évolution du monde et des relations interpersonnelles</a>. La figure aristocratique d’antan a laissé place à celle du diplomate ouvert sur la société et à son écoute.</p>
<p>Dans son ouvrage intitulé <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2010-v41-n1-ei3710/039620ar/"><em>Guerilla Diplomacy</em></a>, Daryl Copeland décrit le diplomate de terrain, qui préfère se mêler à la population du pays où il se trouve que fréquenter ses collègues dans les murs d’une ambassade ou les salons d’un club huppé. Selon le même auteur, les rencontres diplomatiques aujourd’hui se passent dans les lieux publics, marqués par l’hybridation culturelle : dans un <em>bario</em> ou dans un <em>souk</em>, dans la blogosphère, sur l’avenue principale d’une ville ou dans une hutte à proximité d’une zone de guerre. C’est une approche fondée sur l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/341488510_Repenser_la_puissance_par_les_hybridations_culturelles_au_XXIe_si%C3%A8cle_Les_nouvelles_strategies_dynamiques_et_spheres_de_la_geopolitique_de_la_culture">hybridation culturelle</a> et le contact de terrain.</p>
<p>La réalité paraît un peu plus complexe. La figure classique du diplomate n’a pas disparu mais s’est estompée. Il y a plusieurs explications à cela, à commencer par le <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/domaine_3.pdf">processus de recrutement et de promotion</a> : ils mettent davantage l’accent sur l’adaptabilité, une plus grande interpénétration des métiers (le diplomate est appelé, tout au long de sa carrière, à s’occuper des questions commerciales, d’affaires consulaires ou d’aide au développement), une plus grande autonomie aussi. Par conséquent, la perception du métier a changé, à mesure qu’il se professionnalise. L’image du diplomate mondain et oisif est évidemment incompatible avec cette diplomatie de terrain qui est maintenant mise en exergue.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"170519407511093248"}"></div></p>
<p>Le métier requiert un dévouement de tous les instants. On oublie trop souvent les contraintes familiales, les risques physiques, les <a href="https://www.jstor.org/stable/48605514?seq=1">situations de guerre</a> (Syrie, Afghanistan, Libye) qui constituent parfois la toile de fond de la vie quotidienne du diplomate.</p>
<h2>La diplomatie en chantier</h2>
<p>Venons-en plutôt aux fondamentaux. Les diplomates acceptent-ils toujours que leur seul objectif soit de faire avancer les intérêts de leurs États ? Beaucoup s’en contentent, il est vrai. Mais certains se voient comme œuvrant et, par conséquent, représentant l’idée de paix. On constate en effet que bien que défenseur des intérêts exclusifs de son pays, le diplomate est capable de vouloir défendre aussi des intérêts universels.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/timor-oriental-une-democratie-tenace-20-ans-apres-lindependance-182729">Timor oriental : une démocratie tenace, 20 ans après l’indépendance</a>
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<p>Pensons, par exemple, à <a href="https://www.ohchr.org/fr/about-us/high-commissioner/past/sergio-viera-de-mello">Sergio Vieira de Mello</a>, qui accompagna le processus de paix au Timor oriental puis œuvra en Irak (où il perdit malheureusement la vie) ou encore à Richard Holbrooke, l’artisan de la paix en Bosnie, « <a href="https://www.hks.harvard.edu/publications/unquiet-american-richard-holbrooke-world">the unquiet American</a> » pour reprendre le titre d’un article qui lui fut consacré. Cette évolution de la diplomatie est heureuse : les diplomates ont pris conscience d’un universalisme qui est dans le droit fil de leur cosmopolitisme antérieur.</p>
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<figcaption><span class="caption">Décès de Richard Holbrooke, figure de la diplomatie américaine (France 24, 14 décembre 2010).</span></figcaption>
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<p>Tentons de jeter un regard normatif. On peut épingler deux valeurs fondamentales qui constituent la trame du travail diplomatique. La première consiste à faire prévaloir la justice sur la force car la force est la mère de l’anarchie et de la violence. Le diplomate intervient par la discussion, la négociation, la patience. Pensons à <a href="https://www.humanite.fr/medias/guerre-du-vietnam/le-duc-tho-et-kissinger-nouveau-face-face-563132">Henry Kissinger et Le Duc Tho</a> durant la guerre du Vietnam ou encore à <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/peace/2008/ahtisaari/facts/">Martti Ahtisaari</a>, qui organisa la transition vers l’indépendance de la Namibie et négocia la fin des hostilités entre ce pays et ses deux voisins, l’Angola et l’Afrique du Sud.</p>
<p>L’autre valeur essentielle est celle de la diversité. Même si on peut s’accorder sur des idéaux communs en matière de fonctionnement des États (démocratie) et de respect des droits des individus, il faut aussi prendre en compte la diversité des modèles, qui reflète des contraintes spécifiques ou une histoire différente. La perception du temps et de l’espace n’est pas la même chez tous les peuples, du fait de l’influence de l’histoire et de la géographie sur la conduite de la politique étrangère. Le diplomate est celui qui est le mieux à même de pouvoir utiliser ces différences entre les nations pour enrichir les relations entre les États.</p>
<h2>La diplomatie, ou la compréhension de l’autre</h2>
<p>Beaucoup de choses ont changé dans le monde depuis l’époque où l’on a institué le métier de diplomate et créé le corps diplomatique. Mais le travail de diplomate n’a pas fondamentalement varié.</p>
<p>Le diplomate a la relation humaine pour principal terreau et la parole comme outil. Au fond, l’essence de la diplomatie, c’est la compréhension de « l’autre ». Qu’il soit partenaire commercial, adversaire stratégique ou allié idéologique, c’est toujours et chaque fois de « l’autre » dont il s’agit. Qu’il négocie, exerce des pressions, menace, qu’il échange ou qu’il fasse la guerre, l’État est toujours dans une relation à « l’autre ». L’instrument privilégié de la rencontre de « l’autre » est, sur la scène internationale, la négociation diplomatique. On a fait remarquer que la guerre se décide seul, alors que la paix, comme tout accord commercial, se négocie.</p>
<p>« L’autre », sous quelque forme qu’il se présente, est bien au cœur de la vie internationale et donc de la diplomatie. Que ce soit depuis Varsovie, Kinshasa, Tokyo ou Paris, le diplomate est celui qui a le souci de « l’autre » et qui fait le premier pas vers lui. Le monde n’en deviendra, à chaque fois, que plus humain.</p>
<p>La mise en extinction progressive de deux corps du ministère des Affaires étrangères s’inscrit donc dans ce contexte. Cette réforme, en ouvrant notamment les postes d’ambassadeurs et de consuls généraux à d’autres profils, pourrait avoir des conséquences sur le métier de diplomate, qui n’avait jusqu’ici jamais changé sa nature profonde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raoul Delcorde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La disparition des deux corps historiques de la diplomatie française annonce-t-elle un changement radical des pratiques diplomatiques ?Raoul Delcorde, Ambassadeur honoraire de Belgique, Professeur invité UCLouvain, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1746232022-01-11T20:51:54Z2022-01-11T20:51:54ZJusqu’où peut-on invoquer la liberté académique ?<p>Ces derniers mois, la liberté académique a fait l’objet, de façon tout à fait inédite en France, d’une attention particulière. Cet intérêt soudain pour une liberté jusqu’à présent méconnue s’explique principalement par <a href="https://www.puf.com/content/Le_savoir_en_danger_Menaces_sur_la_libert%C3%A9_acad%C3%A9mique">l’émergence de diverses menaces</a> qui viennent aussi bien des sphères politiques, économiques que militantes. Ce climat de tension va à l’encontre de la nécessaire indépendance des universitaires dans leurs domaines de recherche et d’enseignement.</p>
<p>L’un des exemples les plus emblématiques a été donné par le débat sur « l’islamo-gauchisme » au cours duquel, en février 2021, la ministre chargée de l’enseignement supérieur <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/18/polemique-sur-l-islamo-gauchisme-la-ministre-de-l-enseignement-superieur-recadree-par-l-executif-et-les-chercheurs_6070388_823448.html">a sollicité un rapport</a> sur la diffusion de ce courant au sein des universités françaises. Cet évènement, s’il a logiquement suscité la stupeur d’une partie de la communauté universitaire, a paradoxalement eu le mérite de conduire le législateur à introduire, pour la première fois en droit français, la notion de « liberté académique ». <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000042738047">L’article 15 de la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020</a> est en effet venu modifier le code de l’éducation qui énonce désormais que « les libertés académiques sont le gage de l’excellence de l’enseignement supérieur et de la recherche français ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1362021478489878542"}"></div></p>
<p><a href="https://signal.sciencespo-lyon.fr/article/811669/L-entree-dans-la-loi-des-libertes-academiques-une-occasion-manquee----n9">Le caractère imprécis</a> de la formule retenue, qui se manifeste notamment par l’utilisation du pluriel pour désigner « les libertés académiques », illustre cependant la méconnaissance qui entoure le concept de liberté académique en France.</p>
<p>Les universitaires eux-mêmes peinent à en saisir le contenu et la portée, ce dont témoigne <a href="https://twitter.com/franceinter/status/1473264448387305472?t=_QN0lGuZq7FL1P1DLvRgKA&s=03">l’affaire en cours au sein de l’IEP de Grenoble</a>. La liberté académique a été brandie pour contester la décision de suspension d’un professeur, alors qu’était en réalité en jeu la liberté d’expression de droit commun, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/04/la-liberte-academique-n-est-nullement-en-cause-dans-l-affaire-de-l-iep-de-grenoble_6108102_3232.html">comme l’a souligné</a> le professeur de droit public Olivier Beaud.</p>
<p>Cette affaire justifie que soient apportés quelques éléments de définition juridique sur le contenu et le champ d’application de la liberté académique : que recouvre-t-elle et jusqu’où trouve-t-elle à s’appliquer ?</p>
<h2>Un concept universel</h2>
<p>La liberté académique est consubstantielle à toute démocratie libérale. Elle n’a en effet d’autre objectif que de permettre la recherche et la transmission libres du savoir au sein des universités, non seulement au service des usagers de ce service public, mais aussi, plus largement, au profit de la société dans son ensemble.</p>
<p>Dès lors, la plupart des démocraties libérales définissent la liberté académique dans leur droit interne et ce, en des termes juridiques proches.</p>
<p>Inspiré de la définition proposée par le droit allemand, qui fut le premier à en préciser, par écrit, le contenu, la liberté académique est systématiquement définie comme un ensemble de libertés comprenant, d’abord, la liberté de la recherche et la liberté de l’enseignement, lesquelles comprennent la liberté d’expression. Ce premier ensemble de libertés constitue la dimension individuelle de la liberté académique en ce qu’il protège les universitaires.</p>
<p>La liberté académique comprend ensuite l’autonomie des universités qui, bien que garantissant <em>in fine</em> l’indépendance des universitaires, est un principe d’ordre institutionnel dans la mesure où il concerne l’organisation et le fonctionnement des établissements.</p>
<h2>Des spécificités françaises</h2>
<p>En France, ce n’est que depuis 2020 que l’expression de « libertés académiques » est expressément entrée en droit interne. Pour autant, les universitaires français – juridiquement qualifiés d’« enseignants-chercheurs » – jouissent bien, de longue date et bien avant l’adoption de loi du 24 décembre 2020, d’un ensemble de libertés qui étaient jusqu’à présent désignées sous l’expression de « libertés universitaires ».</p>
<p>Quelle que soit la dénomination retenue – qui importe finalement peu –, le contenu de ces libertés est proche de celui que l’on retrouve dans les autres démocraties libérales, sous réserve de quelques spécificités mineures propres au droit français. Dans sa dimension individuelle, la liberté académique est d’abord décrite comme comprenant la « pleine indépendance » et l’« entière liberté d’expression » des enseignants-chercheurs (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042813115/">article L.952-2 du code de l’éducation</a>).</p>
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<figcaption><span class="caption">La liberté académique est-elle en danger ? (Interview d’Olivier Beaud, France Culture, décembre 2021).</span></figcaption>
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<p>L’originalité française tient à ce que, d’une part, une place centrale est faite au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs – dont la valeur constitutionnelle a même fini par être reconnue par le <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1984/83165DC.htm">Conseil constitutionnel en 1984</a> – et, d’autre part, à ce que l’existence des libertés de la recherche et de l’enseignement n’est pas expressément reconnue. Cependant, celles-ci sont couvertes, en grande partie, par la liberté d’expression.</p>
<p>Dans sa dimension institutionnelle, la liberté académique est ensuite consacrée de façon tout à fait classique à travers l’autonomie des universités (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042813221/">article L.711-1 du code de l’éducation</a>). Ainsi, quand bien même l’expression de « libertés académiques » n’est apparue que très récemment dans la loi, la France s’inscrit bien dans la lignée de ces démocraties libérales qui reconnaissent l’existence de la liberté académique. Il reste à en préciser le champ d’application : quand peut-elle être revendiquée et produire ses effets ?</p>
<h2>Quel champ d’application ?</h2>
<p>Pour délimiter le champ d’application de la liberté académique, il convient de s’intéresser à sa finalité même. Comme cela a déjà été relevé, la liberté académique n’a d’autre but que de servir la poursuite de la vérité sans aucune entrave ou contrainte. Or cet objectif ne peut être atteint que si les universitaires sont libres de mener leurs recherches et d’en partager, tout aussi librement, les résultats, notamment au cours de leurs enseignements.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-liberte-academique-des-enseignants-est-elle-en-danger-sur-les-campus-americains-156729">La liberté académique des enseignants est-elle en danger sur les campus américains ?</a>
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<hr>
<p>Il en résulte que la liberté académique n’a de sens et ne trouve à s’appliquer que lorsque les professeurs exercent leurs activités de recherche et enseignent. C’est bien ce qu’énonce le droit écrit français : l’indépendance et l’entière liberté d’expression dont bénéficient les enseignants-chercheurs ne s’appliquent que dans « l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042813115/">article L.952-2 du code de l’éducation précité</a>).</p>
<p>En dehors, la liberté académique ne se justifie plus ; elle ne peut alors s’appliquer, ni être revendiquée. La plus haute juridiction administrative française a confirmé cette approche. Le Conseil d’État a en effet jugé que le fait, pour un universitaire, d’avoir eu « une attitude humiliante à l’égard de deux étudiants, comportant des allusions personnelles à caractère sexuel, de nature à porter atteinte à leur dignité […] devait être regardé comme détachable des fonctions d’enseignement de ce professeur » lequel ne pouvait, dès lors, « bénéficier de la protection de la liberté d’expression des enseignants-chercheurs garantie par l’article L.952-2 du code de l’éducation » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000038670512/">CE, 21 juin 2019, Req. n° 424582</a>).</p>
<p>S’il est évident que la liberté académique ne pouvait couvrir de tels propos, le lien entre l’expression d’un point de vue et les activités d’enseignement et de recherche est parfois plus difficile à établir. Il n’en demeure pas moins que la protection accordée par la liberté académique s’arrête bien aux frontières des missions universitaires.</p>
<h2>Règles de la fonction publique</h2>
<p>En dehors de leurs fonctions, les universitaires ne sont pas dépourvus de toute liberté ; ils jouissent en réalité des libertés de « droit commun » qui sont nécessairement limitées. Ainsi, ils sont d’abord soumis, comme n’importe quel citoyen et comme lorsqu’ils exercent leurs fonctions académiques, aux dispositions pénales sanctionnant les abus à la liberté d’expression : ils doivent par exemple s’abstenir de tenir des propos injurieux, diffamatoires ou racistes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1473264448387305472"}"></div></p>
<p>Ils sont ensuite soumis, en leur qualité de fonctionnaires d’État, aux règles issues du droit de la fonction publique, lesquelles imposent aux universitaires de respecter un certain nombre de contraintes et d’obligations en dehors des fonctions, telles que les devoirs de réserve, de neutralité, de loyauté, ou encore de discrétion professionnelle.</p>
<p>En cas de manquement à ces obligations professionnelles, les universitaires s’exposent à des sanctions disciplinaires. Cette hypothèse est loin d’être fictive et certains exemples emblématiques jalonnent l’histoire du droit universitaire.</p>
<p>On peut citer le cas de cet enseignant-chercheur, par ailleurs titulaire de mandats électifs, qui a été sanctionné de l’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement ou de recherche au sein de son université pour une durée de cinq ans pour avoir tenu des propos qui étaient « de nature à semer le doute sur l’existence des chambres à gaz » lors d’une rencontre avec la presse organisée dans sa permanence politique (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000018573319/">CE, 19 mars 2008, Gollnisch</a>).</p>
<p>Cet exemple – comme d’autres plus récents – met en évidence l’importance de cerner et d’assimiler le contenu et le champ d’application de la liberté académique. Pour que cette liberté, indispensable à toute société démocratique, préserve sa pleine légitimité, il convient de ne pas l’invoquer, tel un talisman qui autoriserait tout comportement, dans des circonstances où elle ne trouve manifestement pas à s’appliquer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174623/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Fernandes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour que la liberté académique préserve sa pleine légitimité, il convient de ne pas la brandir, tel un talisman, dans des circonstances où elle ne trouve manifestement pas à s’appliquer.Camille Fernandes, Docteure en droit public, membre du CRJFC, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1502302020-11-18T21:33:47Z2020-11-18T21:33:47ZTélétravail : l’État, un employeur loin d’être exemplaire…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369615/original/file-20201116-15-nv85qe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C4%2C955%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'annonce des dernières mesures de restriction n'a fait évoluer que légèrement la part de fonctionnaires en télétravail. </span> <span class="attribution"><span class="source">Deliris / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À l’heure où l’État adopte des mesures économiquement douloureuses, à l’image de la fermeture des commerces de proximité, les pouvoirs publics, en tant qu’employeur, se doivent de se comporter de manière exemplaire pour faire accepter les restrictions afin de tenter d’endiguer la crise sanitaire.</p>
<p>Or, l’État semble avoir le plus grand mal du monde à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/26/la-difficile-mise-en-place-du-teletravail-dans-la-fonction-publique_6057426_823448.html">faire respecter ses propres consignes</a>, en particulier celle de la mise en place du télétravail dans la fonction publique « partout où c’est possible », un principe réaffirmé dans plusieurs circulaires <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/covid-19/VF_circulaire_FPE___Degradation_sanitaire__29_octobre_post_rim.pdf">dont la plus récente date du 29 octobre</a>.</p>
<p>Plus de dix jours après que le premier ministre a exprimé le souhait de la généralisation d’un télétravail deux à trois jours par semaine le 15 octobre, la part de salariés en télétravail (un jour ou plus par semaine, soit une définition très large) dans la fonction publique d’État avait fait un bond… de 4 points, passant de 24 % à 28 % (chiffre au 26 octobre, onze jours après l’expression de la volonté gouvernementale).</p>
<h2>Une « question de moyens »</h2>
<p>Dix-huit jours plus tard soit le 13 novembre, en plein reconfinement, les <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/amelie-de-montchalin-la-montee-en-charge-du-teletravail-dans-la-fonction-publique-est-forte-1264508">chiffres</a> publiés par la ministre de la Transformation et de la Fonction publique font état d’une progression de 12 points, soit 40 % de fonctionnaires d’État en télétravail hors Éducation nationale, police et gendarmerie, et donc par définition, hors fonction publique territoriale. Cette annonce laisse au passage dans l’ombre la question du nombre de journées télétravaillées par semaine. On est encore bien loin de la généralisation du télétravail à temps plein prescrit par la circulaire du 29 octobre.</p>
<p>Nous avons cherché à comprendre cette situation en réalisant, à partir du 6 novembre, des entretiens auprès d’agents de la fonction publique d’État travaillant dans des activités sans aucune obligation de contact avec le public.</p>
<p>Un argument communément invoqué est le manque de moyens techniques suffisants pour réaliser des tâches en télétravail. Un agent met ainsi en évidence que des freins techniques existent bel et bien, même si entre le mois de mars et le mois de novembre, ces freins auraient sans doute pu être levés :</p>
<blockquote>
<p>« C’est une question de moyens technologiques. Par exemple, la personne en charge des contractuels m’a dit “on n’est pas équipé pour rédiger des contrats de travail à distance. On n’a pas encore de parapheur électronique”. Mais un truc comme ça aurait dû être la priorité ! »</p>
</blockquote>
<h2>La carte de la dérogation</h2>
<p>Pour autant, se profile une explication bien moins flatteuse en termes de management : l’exercice laisse un vrai pouvoir autonome de « freinage » de la part de hauts fonctionnaires de certains ministères, pour l’instant non régulé. Tout d’abord, il apparaît que la dernière circulaire (celle en date du 29 octobre), contemporaine de la décision de confiner la population, a pu être transmise sans aucun travail d’accompagnement, comme en témoigne une personne que nous avons interrogée :</p>
<blockquote>
<p>« Certes la direction des ressources humaines a diffusé la circulaire du 29 octobre du ministère de la Fonction publique qui précise qu’il faut être en télétravail si le poste est télétravaillable. Mais elle l’a fait dans un simple mail transféré, sans plus de précisions. »</p>
</blockquote>
<p>Si la règle formelle consistant à faire descendre les instructions venues du haut a bien été respectée, les pratiques témoignent de ce qu’au plus haut niveau, des responsables ont exercé une large autonomie, pouvant aller jusqu’à un véritable pouvoir de freinage relativement à la mise en place du télétravail, comme nous l’explique l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Dans mon service, j’ai demandé à être à temps plein en télétravail, ça a été accepté mais c’est mal vu. La sous-directrice m’a dit OK, mais, elle, elle vient encore au bureau tous les jours. Clairement, elle ne montre pas l’exemple. »</p>
</blockquote>
<p>Des déplacements inutiles sont imposés : « on a eu une candidature, je pensais qu’on ferait passer l’entretien par Zoom, mais non, le candidat a dû se déplacer ».</p>
<p>Or, comme le précisait la circulaire du 29 octobre, « il revient aux chefs de service de définir des organisations du travail tenant pleinement compte de ces mesures ». Dans la réalité, dans cette administration, il n’y a pas eu de réorganisation et on a joué la carte de la dérogation à guichet ouvert.</p>
<h2>Culture du présentéisme</h2>
<p>Comme l’explique un autre agent que nous avons rencontré :</p>
<blockquote>
<p>« Les chefs de bureau sont laissés libres de faire ce qu’ils veulent. Tous les agents ont eu la possibilité de télécharger l’attestation de l’employeur comme quoi ils devaient se rendre sur leur lieu de travail. Toutes les personnes qui ont demandé cette attestation l’ont eue, elle était téléchargeable en ligne ! »</p>
</blockquote>
<p>La réticence à mettre le télétravail en place y compris là où ce serait possible, est à mettre en relation avec une culture de la méfiance et du présentéisme.</p>
<blockquote>
<p>« Ils (les managers) sont habitués à manager par la présence. Certains chefs de bureau appellent leurs salariés en télétravail à 8h45 le matin. Notre secrétaire générale n’applique pas la circulaire elle-même. De manière générale, les encadrants freinent le télétravail pour leurs équipes. L’idée, c’est si tu télétravailles, tu ne fous rien. »</p>
</blockquote>
<p>Certes, on ne peut mettre toutes les administrations dans le même sac et – fort heureusement – il en existe dans lesquelles des hauts fonctionnaires télétravaillent, contraints ou non à le faire par leur direction. Mais le temps de l’application des consignes selon la bonne volonté de tel ou tel secrétaire général, directeur, sous-directeur, chef de bureau, est dépassé. Il est plus que temps que l’État soit exemplaire et devienne le gendarme de ses propres troupes, s’il veut assumer, de façon crédible, celui de gendarme de toute la population.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Klarsfeld ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le manque de moyens mais aussi la culture du présentéisme dans l’administration limite le déploiement du travail à distance « partout où c’est possible ». Témoignages.Alain Klarsfeld, Professeur de gestion des ressources humaines, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1457822020-09-09T18:01:11Z2020-09-09T18:01:11ZLe livre « Flic » ou comment certains policiers se sentent investis d’« une mission divine »<p>Dans <a href="https://www.placedeslibraires.fr/livre/9791096906208-flic-valentin-gendrot/"><em>Flic, un journaliste a infiltré la police</em></a> (paru le 3 septembre septembre 2020 aux éditions Goutte d’Or) Valentin Gendrot décrit ses deux années passées dans la police en tant qu’adjoint de sécurité.</p>
<p>Il y relate sa formation « low-cost » de trois mois, son affectation dans une brigade de roulement du XIX<sup>e</sup> arrondissement de Paris où il va assister et même participer à plusieurs actes répréhensibles perpétrés par ses collègues.</p>
<p>Au-delà de la polémique suscitée par le fait qu’il ne soit pas intervenu sur le moment et qu’il ait décidé de couvrir les auteurs en faisant de faux témoignages, sans jamais signaler les faits à sa hiérarchie, il n’en reste pas moins que les agissements rapportés décrivent une réalité et attestent d’une attitude « jusqu’au boutiste » de plus en plus symptomatique de certains policiers que j’appellerais les « policiers-templiers ».</p>
<p>De quoi s’agit-il ? Qui sont-ils ? Pourquoi ces comportements sont-ils préjudiciables à l’institution police et comment y remédier ?</p>
<h2>Chasseurs-cueilleurs</h2>
<p>Dans la police, les chasseurs sont les policiers qui recherchent à tout prix le flagrant délit, tandis que les « pêcheurs » sont ceux qui attendent qu’une infraction routière se commette devant eux pour la « cueillir ».</p>
<p>Certains de ces chasseurs sembleraient croire qu’ils sont investis d’une « mission divine ». Des reportages évoquent ainsi les insignes militaires ou religieux, détournés et épinglés sur les uniformes, valorisant ceux qui les <a href="https://www.francetvinfo.fr/choix/les-policiers-peuvent-ils-porter-un-chat-noir-ou-un-velociraptor-en-ecusson_2085041.html">portent</a> et associant leur profession à une charge très forte symboliquement.</p>
<p>Certains pensent ainsi être le dernier rempart de la société et veulent partir en croisade contre la délinquance et la criminalité comme jadis les Templiers partaient sur les chemins de l’hexagone pour protéger les pèlerins et défendre la Terre sainte. Ces policiers sont moins préoccupés par leur mission de service public que par l’éradication de tous les délinquants, quitte à verser dans l’illégalité pour y parvenir.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Le journaliste Valentin Gendrot" src="https://images.theconversation.com/files/357153/original/file-20200909-22-1jkxuf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357153/original/file-20200909-22-1jkxuf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357153/original/file-20200909-22-1jkxuf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357153/original/file-20200909-22-1jkxuf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357153/original/file-20200909-22-1jkxuf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357153/original/file-20200909-22-1jkxuf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357153/original/file-20200909-22-1jkxuf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le journaliste Valentin Gendrot est devenu adjoint de sécurité quelques mois dans le cadre de son enquête au sein des services de police qui a donné lieu au livre « Flic », paru en septembre aux éditions de la Goutte d’Or.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joel Saget/AFP</span>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils veulent surtout défendre leur territoire (qui est le ressort de la circonscription de police) et leurs prérogatives (qui sont de maintenir l’ordre et la tranquillité publique), pour s’imposer par la force, au besoin, en faisant régner la terreur par l’<a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/22/le-rapport-avec-la-police-se-construit-des-le-plus-jeune-age-selon-une-etude_6043713_3224.html">accomplissement de rites</a> (contrôles d’identité systématiques avec palpations très poussées et propos dégradants ou humiliants…) et des attitudes guerrières, car la virilité et la violence sont valorisées, comme le rapporte à plusieurs reprises Valentin Gendrot dans son ouvrage, quand ses collègues qui s’ennuient se plaisent à lui raconter les interpellations dangereuses et les coups distribués au cours de leur carrière.</p>
<p>Ils ne reculent jamais : ce serait pris pour de la lâcheté. Ils ne se dénoncent pas : ce serait trahir un « code de l’honneur » qui leur est propre et qui n’a rien à voir avec le Code de déontologie…</p>
<h2>Le sentiment d’être les seuls à détenir la vérité</h2>
<p>Pourquoi agissent-ils ainsi ? Parce qu’ils ont le sentiment d’être les seuls à détenir la vérité et qu’ils pensent que ce qu’ils endurent au quotidien finit par être la réalité de la vie : la violence de la rue, la misère sociale, la drogue et la mort qui rode à chaque patrouille.</p>
<p>Ils s’abreuvent aussi via des médias dédiés à leur profession, alimentés d’informations souvent anxiogènes. Le site <a href="http://www.actu17.com/">actu17.com</a> est très consulté, disposant également d’une application et de relais sur les réseaux sociaux (279 000 abonnés sur Facebook). Actu17 est cependant un média géré par un particulier et les informations présentes n’y sont pas toujours <a href="https://www.liberation.fr/checknews/2019/10/04/attaque-a-la-prefecture-l-agresseur-refusait-il-de-saluer-les-femmes-et-avait-il-ete-convoque-pour-c_1755434">vérifiées</a>. Ces sites jouent aussi un rôle de soupape pour les professionnels des forces de l’ordre qui ont le <a href="https://theconversation.com/stress-et-suicide-dans-la-police-lorganisation-policiere-en-question-91783">sentiment de n’être ni suffisamment écoutés</a> ni correctement représentés.</p>
<p>Ces réseaux les incitent cependant à rester dans un certain entre soi qui n’admet que rarement les éléments extérieurs. Valentin Gendrot le décrit assez bien quand un certain Stan, le chasseur de la brigade, soupire parce qu’il va devoir patrouiller avec lui, l’ADS inexpérimenté, « le boulet ».</p>
<p>Ils se connaissent et se reconnaissent souvent aux outils professionnels qu’ils arborent et qui tendent vers une militarisation de l’uniforme policier (gilet tactique, gants d’intervention, armes modifiées, etc.) mais aussi dans leur attitude au travail.</p>
<p>Ils multiplient les contrôles systématiques au cours desquels ils défient les « bâtards » (les jeunes qu’ils croisent et à qui ils assignent automatiquement un rôle de délinquant, comme le rapporte l’auteur), ils distribuent des gifles, profèrent des menaces, des insultes mêmes, surtout quand ils sont de garde dans les geôles, mais aussi sur la voie publique. Et cela va jusqu’au tabassage en règle si la cible ose protester après avoir été insultée, bousculée ou frappée.</p>
<h2>Faire bloc</h2>
<p>C’est ce qui est arrivé à ce journaliste infiltré, sur un banal contrôle d’identité de 3 ou 4 adolescents qui traînaient au pied d’un immeuble. L’un d’entre eux va se faire gifler devant ses camarades, puis se faire embarquer dans le véhicule de police où il sera roué de coups de poing par un policier, avant d’être placé en garde à vue pour outrage et menaces.</p>
<p>Le jeune déposera plainte et les policiers intervenants seront entendus. Mais tous feront bloc autour de leur collègue pris en faute, y compris ceux qui n’étaient visiblement pas d’accord (ce qui semblait être le cas de la chef de patrouille qui avait fait une remarque au policier fautif sur sa façon de faire mais qui ne l’en a pas empêché…).</p>
<p>Et Valentin Gendrot l’explique très bien : il raconte comment les policiers se comportent entre eux, comment il se replient sur eux-mêmes, ou encore comment ils communiquent entre eux. En effet, ils se renferment sur leur groupe professionnel avec un ennemi identifié et commun, le jeune issu de l’immigration ou tout simplement le « cassos » qui gangrène la société. Ils utilisent les messageries privées qui leur permettent de se retrouver et de se « lâcher » facilement, sans être contredits.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/G_aj-Y6cAaA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un journaliste de Street Press a infiltré des groupes Facebook de policiers.</span></figcaption>
</figure>
<p>De plus, à cause des horaires décalés qui les empêchent d’avoir une vie sociale en dehors du travail, ils se coupent de la société à cause d’une perception biaisée de la réalité alimentée par des sites d’actualité qui font la part belle aux faits divers tragiques, aux mesures de justice laxistes et aux policiers blessés ou tués, sans parler des <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2020/qSEQ200717202.html">suicides</a> de policiers : on en compte <a href="https://actupenit.com/2020/09/06/bourges-un-policier-age-de-42-ans-sest-suicide/">28 pour 2020</a> dont trois la seule semaine passée.</p>
<h2>« Le ressentiment est la chose la mieux partagée au monde »</h2>
<p>Tous ces facteurs favorisent un repli identitaire professionnel dans laquelle ils puisent la force de continuer à travailler en s’érigeant en véritable guerrier (pour ne pas dire, héros !) en lutte contre la délinquance et la criminalité, dernier rempart d’une société en déliquescence.</p>
<p>En 2006, dans un essai, le philosophe allemand Peter Sloterdijk <a href="http://www.buchetchastel.fr/colere-et-temps-peter-sloterdijk-9782355800016">constatait</a> que « le ressentiment est la chose la mieux partagée au monde ».</p>
<p>Et il ajoutait plus loin : « La fureur du ressentiment s’éveille à partir de l’instant où le vexé décide de se laisser sombrer dans la vexation comme s’il s’agissait d’une élection… ». Ce que décrit Valentin Gendrot est malheureusement tristement banal. Dans un ouvrage intitulé <em>La peur a changé de camp</em>, le journaliste Frédéric Ploquin <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/la-peur-a-change-de-camp-9782226398024">reproduit</a> les propos d’un brigadier :</p>
<blockquote>
<p>« C’est vrai qu’on mettait parfois des lattes, mais les mecs baissaient la tête. »</p>
</blockquote>
<p>Ce sont des termes du même registre qui sont employés par les collègues du journaliste infiltré : ils « mettent des lattes, des beignes, des bouffes ».</p>
<p>Ils estiment que ça calme les esprits, mais souvent ça dégénère. Mais, est-ce vraiment honorable de faire baisser la tête à un adolescent en lui mettant une claque ? Qui n’a jamais ressenti un sentiment d’humiliation et la volonté d’une vengeance décuplée en recevant un coup, une insulte devant ses camarades ou sa famille ? Ce genre de comportement condamnable génère de la rancœur, du ressentiment et même souvent de la haine. Dès lors, comment peut-on s’étonner que les policiers se fassent caillasser quand ils passent dans certains quartiers ? Les jeunes finissent par baisser la tête quand ils sont seuls ou en infériorité numérique mais dès qu’ils se retrouvent en bande, ils prennent leur revanche comme n’importe quel être humain humilié…</p>
<h2>L’urgence de l’instant</h2>
<p>Le problème est que les policiers agissent dans l’urgence de l’instant, avec les codes de comportement traditionnels <a href="https://theconversation.com/la-police-peut-elle-changer-dethique-129710">qui leur ont été inculqués par les anciens</a>, plutôt que de penser aux éventuelles conséquences de leurs actes pour l’avenir. Ce que Max Weber <a href="https://www.persee.fr/doc/socco_1150-1944_1991_num_7_1_1007">expliquait ainsi</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les activités qui relèvent du comportement traditionnel fait d’attitudes acquises autrefois cèdent parfois le pas à d’autres activités en réaction sans fin à une excitation insolite, où les directions de l’action sont élaborées de manière consciente selon une rationalité axiologique ou selon une rationalité téléologique. »</p>
</blockquote>
<p>La première réalité étant que les agents se conforment à des impératifs ou des devoirs qui s’imposent à eux (devoir, dignité, piété…) sans se soucier des conséquences prévisibles de leurs actes. La seconde étant que les agents confrontent systématiquement les fins, les moyens et les conséquences principales ou subsidiaires de leurs activités et s’orientent en conséquence. C’est donc vers une rationalité téléologique que devraient tendre les membres des forces de l’ordre.</p>
<p>Si les policiers prenaient conscience que toujours plus de violences finiront par nuire à la cause qu’ils défendent, celle de l’État de droit, alors les choses pourraient évoluer favorablement. Le malaise est prégnant dans la police depuis des années et il est urgent de la <a href="https://theconversation.com/police-sous-tension-lurgence-de-reformer-en-profondeur-101477">réformer</a>.</p>
<p>Cela nécessiterait une meilleure formation initiale, un meilleur taux d’encadrement des jeunes recrues et une refonte de l’<a href="https://theconversation.com/police-de-proximite-mode-demploi-82923">éthique du policier</a>. Celle-ci valoriserait le dialogue plutôt que la violence et se baserait sur un discernement empathique et non autoritariste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Lemercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les agissements rapportés dans l’enquête de Valentin Gendrot décrivent une réalité et attestent d’une attitude « jusqu’au boutiste » de plus en plus symptomatique de certains policiers.Stéphane Lemercier, Chargé de cours - Membre de l'Equipe de Droit Pénal de Montpellier (EDPM), Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1330242020-03-16T22:42:18Z2020-03-16T22:42:18ZLa formation des directeurs d’hôpital public, une singularité française<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318891/original/file-20200305-106610-1e6ew11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C670%2C355&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme l'École nationale de la magistrature, l’unique établissement en France qui forme les juges. Les directeurs d'hôpitaux publics ont une unique école : l'EHESP.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://ipag.unistra.fr/actualites/actualite/article/cpi-ecole-des-hautes-etudes-en-sante-publique/">Site IPAG / Université de Strasbourg </a></span></figcaption></figure><p>Les hôpitaux sont des structures présentes et clairement identifiées dans tous les systèmes de santé à travers l’Europe et l’Amérique du Nord. Pourtant, la formation des managers hospitaliers varie fortement d’un pays à l’autre, comme le montre un <a href="http://www.hope.be/wp-content/uploads/2018/07/2018_Hospitals-in-EU-28-Synthesis-final-for-publication-002.pdf">rapport</a> de la fédération européenne HOPE. À l’intérieur de ce paysage, le cas français présente des spécificités qui rendent la comparaison internationale difficile.</p>
<p>Au même titre que les diplomates ou les <a href="http://www.annales.org/archives/x/INGEMIN.html">ingénieurs « généralistes »</a> des mines ou des <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00375142">ponts et chaussées</a>, être directeur d’hôpital en France, c’est appartenir à la haute fonction publique. Les directeurs d’hôpital exercent ainsi une profession dont l’accès dépend de la réussite à un concours national et d’une formation unique. Leur identité professionnelle est avant tout liée à une expertise commune ouvrant sur un statut : celui de <a href="https://www.cairn.info/socialisation--9782200601874.htm">haut fonctionnaire</a>.</p>
<p>Au-delà d’être un corps dont les conditions de recrutement, de travail et de rémunération sont définies par l’État, le directeur d’hôpital public exerce plus fondamentalement un <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2001-4-page-115.htm">métier de l’État-providence</a>, historiquement construit pour faire face au besoin que la santé soit prise en charge par l’organisation politique.</p>
<p>En effet, c’est au cours des années 1940, dans une logique d’étatisation de la gestion du système sanitaire, mais aussi de reconstruction politique et administrative plus générale, qu’est conçu le corps des directeurs d’hôpital. Comme c’est le cas des autres hauts fonctionnaires, une volonté de formation commune, donc d’un socle de connaissances et de vision partagé par tous les directeurs d’hôpital, se révèle nécessaire à la création de ce corps d’État.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318893/original/file-20200305-106610-182qsb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318893/original/file-20200305-106610-182qsb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318893/original/file-20200305-106610-182qsb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318893/original/file-20200305-106610-182qsb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318893/original/file-20200305-106610-182qsb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318893/original/file-20200305-106610-182qsb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318893/original/file-20200305-106610-182qsb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Construction de l’école national de santé publique (1965) maintenant sous l’appellation Ecole des hautes études en santé publique (EHESP).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/École_des_hautes_études_en_santé_publique#/media/Fichier:Ensp_10.jpg">Direction de la communication EHESP</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Cursus généraliste et management</h2>
<p>En France, le directeur d’hôpital serait donc un haut fonctionnaire presque comme les autres : recruté sur concours, jouissant d’un statut social prestigieux, et formé dans une grande école publique, l’École des hautes études en santé publique (EHESP, à laquelle sont rattachées les deux auteures de cet article).</p>
<p>Le recrutement dans cette école se fait par voie de concours (externe, interne ou 3<sup>e</sup> concours), accessible aux titulaires d’un diplôme de niveau licence. Les épreuves, fixées par le ministère chargé de la santé, sont essentiellement composées de droit, de sciences sociales et d’économie. Ces matières orientent fortement les profils des candidats reçus : à titre illustratif, en 2018, plus de <a href="https://www.cng.sante.fr/">62 % des lauréats</a> avaient un master d’un Institut d’études politiques ; ils étaient 68 % en 2017. Il va de soi que si les épreuves étaient composées de philosophie ou de biologie, le profil des candidats admis serait tout autre.</p>
<p>Une formation unique prépare en deux ans les lauréats du concours à la prise de poste. Comme dans les autres grandes écoles, les enseignements suivis sont majoritairement généralistes, pour répondre au besoin d’embrasser la diversité des métiers que recouvre cette profession, face à des réalités quotidiennes qui varieront fortement une fois sur le terrain.</p>
<p>À l’intérieur d’un cursus généraliste et de santé publique, les savoirs managériaux prennent une place importante, comme en témoigne un élève directeur :</p>
<blockquote>
<p>« On n’a finalement que très peu de matières intitulées “management”, mais on a beaucoup de touches apportées au travers des autres cours : parmi tout ce que l’on a pu apprendre, le management représente un tiers de notre formation. Mais le management c’est aussi ce que l’on apprend sur le terrain de nos stages, tous centrés sur le management de projet et le management d’équipe ».</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xX-X4tRDvcg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de la formation directeur d’hôpital (EHESP École des hautes études en santé publique, janvier 2019).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Aux États-Unis, des directeurs issus du business</h2>
<p>Bien qu’il existe peu d’études comparatives, un premier constat est flagrant : il n’existe pas ailleurs en Europe ni en Amérique du Nord d’école équivalente à l’EHESP, lieu de transmission de la culture commune de tous les futurs directeurs d’hôpital et des autres acteurs de santé publique.</p>
<p>De fait, dans aucun de ces pays les métiers de direction de l’hôpital public ne sont réservés à un corps professionnel statutaire. Dans la plupart des pays européens, les directeurs d’hôpital ne sont tout simplement <a href="http://www.adh-asso.org/adhneowp/wp-content/uploads/2016/08/GUIDE-DH_2011.pdf">pas des professions réglementées</a>.</p>
<p>Les critères de sélection diffèrent donc grandement d’un système à l’autre. Il faut parfois pouvoir justifier d’un niveau d’études, comme c’est le cas en Irlande ou en Allemagne, où les managers hospitaliers doivent a minima avoir obtenu un master. Une expérience préalable en gestion hospitalière peut aussi être exigée, comme en Italie, où 5 ans d’expérience sont demandés, et où une formation d’adaptation à l’emploi a lieu dans les 6 mois suivant la prise de poste.</p>
<p>Aussi, certains diplômes, bien que n’étant pas une condition sine qua non, peuvent être devenus dans la pratique incontournables, comme le diplôme en administration hospitalière lancé par l’association des <em>hospital officers</em> en Angleterre, ou comme le MBA de l’Institut pour les sciences de gestion hospitalière en Autriche.</p>
<p>La formation antérieure et le profil professionnel des directeurs d’hôpital varient également : en France, les directeurs restent des généralistes avec une formation en sciences sociales et en management, tandis qu’en Norvège environ un tiers des professionnels à ce poste sont des <a href="http://www.adh-asso.org/adhneowp/wp-content/uploads/2016/08/GUIDE-DH_2011.pdf">médecins</a>. Par comparaison, une récente enquête menée par le <a href="https://theconversation.com/le-national-health-service-britannique-un-seul-modele-quatre-systemes-83517">NHS</a> (le service médical et de soins de santé financé par le gouvernement britannique) montre qu’en Angleterre, seulement 3 % des chefs d’établissements sanitaires ont une formation médicale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"910158835859501057"}"></div></p>
<p>Dans les pays d’Amérique du Nord, on se réfère au directeur d’hôpital par l’acronyme CEO, pour Chief Executive Officer, soit l’équivalent du français PDG. Il y a là un indice sémantique : comme en témoigne David Pate, CEO de l’hôpital Luke’s Health System dans l’Idaho (USA), beaucoup des chefs d’établissement sont ici <a href="https://www.mhaonline.com/blog/day-in-the-life-of-a-hospital-ceo">issus du business</a>, du monde des affaires.</p>
<h2>Identité forte</h2>
<p>Les conseils d’administration des établissements américains fixent librement les critères de recrutements des directeurs, bien que dans la réalité la plupart des chefs d’établissements soient titulaires d’un master en santé publique (MPH) ou en <a href="https://online.tamucc.edu/articles/become-a-hospital-ceo.aspx">administration hospitalière</a> (MHA). Le <em>New York Times</em> révélait récemment que le profil des chefs d’établissement a considérablement évolué au fil du temps : en trente ans, le nombre de CEOs hospitaliers non-issus d’une formation médicale a été multiplié par 30, réduisant en 2017 à <a href="https://www.nytimes.com/2017/10/10/opinion/shouldnt-doctors-control-hospital-care.html">5 % la part des directeurs médecins</a> ou issus des sciences de l’infirmier.</p>
<p>Depuis la création de la profession dans les années 1940, les discussions sur le contenu de la formation des dirigeants de l’hôpital public en France ont considérablement évolué. Si les compétences gestionnaires et managériales communes, ainsi que l’appartenance à la haute fonction publique, ont contribué pendant des décennies à la définition d’une identité forte de ce corps professionnel, les évolutions récentes déplacent considérablement les termes de la réflexion.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"953183946887585793"}"></div></p>
<p>Les compétences et l’identité professionnelles des directeurs sont questionnées aujourd’hui par une nouvelle organisation territoriale de l’offre de soin, par la prévention, par l’élargissement du rôle et des responsabilités des établissements publics de santé à des champs nouveaux (notamment les solidarités, l’environnement et l’innovation technologique), par la nécessité d’une plus grande coordination entre médecine privée et publique, par les défis de la démocratie en santé et la perte générale de confiance des citoyens dans les institutions.</p>
<p>Peut-être cette singularité française se révélera-t-elle être un atout si ce groupe professionnel à l’identité forte sait adapter ses compétences et les profils de recrutement aux nouvelles exigences, maintenant ainsi sa légitimité pour l’exercice d’un métier en pleine reconfiguration.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été corédigé avec Georgina Le Poul en Mission de recherche pour la direction des études à l’EHESP et étudiante en Master 2 Pilotage des Politiques et Actions en Santé Publique.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133024/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure est directrice des études de l'EHESP.</span></em></p>En France, ces gestionnaires appartiennent à la haute fonction publique et sont passés par une seule et même école.Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1282472019-12-03T17:18:30Z2019-12-03T17:18:30ZAu-delà du 5 décembre, la guérilla sociale des postiers<p>Quelle sera la participation des postiers au mouvement de grève du 5 décembre ? Certains syndicats ont appelé à rejoindre la manifestation nationale contre la réforme des retraites, <a href="http://www.fo-communication.fr/">à l’exemple de FO Communication</a>. Cependant, la mobilisation nationale cache une guérilla du quotidien et invisible au sein de l’institution, en proie à des réformes et changements constants.</p>
<p>Il faut remonter aux mobilisations interprofessionnelles du début des <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/la-poste-la-sncf-et-l-education-nationale-egalement-en-greve-en-janvier_1365531.html">années 2000</a> pour retrouver les signes d’un engagement simultané et significatif numériquement des postiers dans une grève. Mais si les (rares) appels de syndicats à des arrêts de travail nationaux n’y ont guère eu de succès, il s’y déroule pourtant une véritable guérilla sociale.</p>
<p>Le sociologue n’est pas un prévisionniste social. Mais il peut tenter d’éclairer un tel paradoxe à partir de sa connaissance <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02277046">d’un passé récent</a>.</p>
<h2>Des bouleversements considérables</h2>
<p>Depuis la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2009/10/07/les-grandes-dates-de-la-poste-des-ptt-a-l-ouverture-a-la-concurrence_1250401_3234.html">fin des PTT et la création de La Poste</a> (1991), puis son passage en société anonyme (2010) les bouleversements sont considérables : modes de management inspirés du secteur privé, segmentation et déconcentration organisationnelle et territoriale, émiettement des unités de travail.</p>
<p>Le tout dans un contexte de la numérisation qui, si elle accroît le volume des colis, provoque le déclin rapide de celui des lettres, répercuté au travers d’une <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/02/10/20002-20160210ARTFIG00093-le-declin-du-courrier-doit-inciter-la-poste-a-trouver-de-nouvelles-sources-de-revenus.php">réduction continue des effectifs</a> (perte d’un tiers en 15 ans). Réalisée principalement par le non-remplacement de départs en retraite, elle se traduit par un vieillissement du personnel, participant d’une <a href="https://www.lepoint.fr/politique/sante-au-travail-un-rapport-accable-la-poste-03-06-2010-462562_20.php">dégradation de la santé au travail</a> et de la montée de l’absentéisme.</p>
<p>Au sein du courrier, activité historique de l’opérateur, les directions ont choisi d’accompagner son déclin en rationalisant son acheminement et sa distribution, notamment via un vaste plan de concentration et d’automatisation du tri, la <a href="https://journals.openedition.org/nrt/5020">pré-quantification du travail assisté par logiciel</a> et de nouvelles modalités d’organisation du travail des postiers.</p>
<h2>La fin du métier de facteur</h2>
<p>S’annonce ainsi la fin du métier du facteur, du moins si on le définit comme unité organique des opérations de préparation et de distribution du courrier sur un segment connu de territoire : être « titulaire » de « sa » tournée, c’est y être stabilisé et donc pouvoir s’approprier pratiquement une portion de territoire. C’est-à-dire connaître et anticiper les mille particularités d’un parcours singulier et des destinataires – résidents, commerçants, entreprises – qu’il dessert.</p>
<p>Les nouvelles modalités d’organisation du travail se traduisent par la division des bureaux de distribution en « équipes » d’une dizaine à une vingtaine d’agents, au sein desquelles est instaurée la polyvalence et se multiplient ceux des facteurs non titulaires d’une tournée.</p>
<p>Par ailleurs, la visée d’une adaptation continue de l’organisation et de l’emploi à la diminution du volume du courrier se traduit par la fréquence des ajustements, pouvant intervenir tous les 18 mois à l’échelle d’un bureau.</p>
<h2>Un métier dénaturé</h2>
<p>Des grèves parviennent ici où là à retarder la mise en œuvre de ces transformations, mais sans empêcher leur progression, sur un mode très expérimental qui défavorise la généralisation d’une riposte syndicale. La crise sanitaire et sociale de 2011 débouche sur une formalisation plus grande du « dialogue social » (<a href="http://www.sudtmt.org/17.4-Ra">rapport</a> de la mission Kaspar), mais les orientations stratégiques sont validées.</p>
<p>Depuis, les réorganisations se poursuivent à un rythme soutenu, et toujours par un ajustement qui anticipe la diminution du trafic : les agents ont le sentiment non seulement d’être plongés dans une instabilité permanente, mais d’être particulièrement surchargés au cours des mois qui suivent une réorganisation.</p>
<p>Plus fondamentalement, le métier semble dénaturé, et la notion de service public gratuit s’évanouir. Nombre de facteurs sont choqués par la marchandisation de prestations qui faisaient partie intégrante à leurs yeux de leur mission de « lien social ». La plus connue est <a href="https://www.laposte.fr/veiller-sur-mes-parents/les-visites-du-facteur-une-prevention-contre-l-isolement-des-personnes-agees">« veiller sur vos parents »</a>, pour laquelle une factrice ou un facteur passe quelques minutes au domicile d’une personne âgée à vérifier son état de santé, qui est un service payant.</p>
<h2>Un climat social tendu</h2>
<p>Le dernier accord social <a href="https://www.lefigaro.fr/social/2017/02/01/20011-20170201ARTFIG00064-la-poste-valide-l-accord-sur-les-conditions-de-travail-de-ses-facteurs.php">signé en 2017</a> à la distribution par une partie des syndicats ne semble pas avoir pacifié le climat social. Car l’implantation de nouvelles organisations du travail se poursuit, finalisée par l’objectif d’une plus grande présence des facteurs dans l’espace public en après-midi, de manière à activer une demande potentielle en d’autres services que la distribution du courrier : livraison de colis, nouveaux services, ou l’assistance à la numérisation.</p>
<p>Les plus radicales de ces organisations spécialisent le facteur en distributeur, la préparation de sa tournée étant confiée à d’autres agents. Les « horaires collectifs » remplacent le système vécu comme plus souple dit de <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/absenteisme-fini-parti-les-facteurs-dans-le-collimateur-de-la-cour-des-comptes_1762276.html">« fini parti »</a>, lorsque les facteurs pouvaient rentrer chez eux une fois leur tournée achevée.</p>
<p>La coupure méridienne allonge la durée quotidienne de travail. Elle est vécue non seulement comme un « vol de temps », mais comme un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01813854">bouleversement total du métier</a>, voire d’un élément catalyseur de sa disparition.</p>
<h2>Près de la moitié des agents entrés au moins une fois en grève</h2>
<p>Nous avons <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02277046">recensé</a> un millier de grèves localisées intervenues entre janvier 2013 et mai 2018 à la distribution et pu étudier leurs motifs, leurs modalités et leurs résultats.</p>
<p>Elles sont majoritairement déclenchées par des réorganisations – récentes, en cours ou annoncées – incluant parfois une délocalisation du bureau, durent rarement plus de quelques jours, et ne mobilisent généralement que quelques dizaines de facteurs et de factrices. Mais au total cela représente sans doute près de la moitié des agents qui sont entrés au moins une fois en grève.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304923/original/file-20191203-67023-1fe8apc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304923/original/file-20191203-67023-1fe8apc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304923/original/file-20191203-67023-1fe8apc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304923/original/file-20191203-67023-1fe8apc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304923/original/file-20191203-67023-1fe8apc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304923/original/file-20191203-67023-1fe8apc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304923/original/file-20191203-67023-1fe8apc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gael Quirante, postier, secrétaire du syndicat Sud Poste 92. Sur 13 années, il aurait récolté au total un an et demi de mise à pied du fait de ses activités syndicales. Photo prise lors d’un rassemblement le 28 mars 2017.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marsupilami92/34226078030">Patrick Janicek/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>La revendication de sauvegarde de l’emploi et de préservation des moyens humains nécessaires pour effectuer correctement la distribution du courrier apparaît dans près d’un conflit sur deux. La contestation de l’alourdissement et de l’allongement des tournées ou des changements d’horaires du travail dans un cas sur cinq. Les autres motifs de déclenchement sont moins fréquents : <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/distribution-plis-electoraux-greve-poste-712413.html">non-paiement des plis électoraux</a>, soutien à des agents sanctionnés, ou encore opposition à la <a href="https://www.humanite.fr/repression-antisyndicale-la-poste-poursuit-son-acharnement-contre-gael-quirante-653710">répression antisyndicale</a>.</p>
<p>Les accords de fin de conflit portent d’abord sur des gains en emplois et/ou en statut d’emploi : réduction du nombre de tournées supprimées, obtention de « moyens de remplacements » ou de « comblement de postes vacants », dé-précarisation d’emplois. Les thèmes liés à la charge de travail représentent près du tiers, notamment la limitation de la polyvalence ou un redécoupage allégeant les tournées. Aménagement du régime horaire et gains salariaux enfin sont cités dans des proportions proches.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304939/original/file-20191203-66982-1tunqcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304939/original/file-20191203-66982-1tunqcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304939/original/file-20191203-66982-1tunqcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304939/original/file-20191203-66982-1tunqcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304939/original/file-20191203-66982-1tunqcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304939/original/file-20191203-66982-1tunqcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304939/original/file-20191203-66982-1tunqcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Piquet devant la direction à Clichy, assemblée générale et grève reconductible simultanée pour un grand nombre de bureaux, 13 novembre 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marsupilami92/22953256072/in/photostream/">Patrick Janicek/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Un conflit permanent sur un territoire inégal</h2>
<p>Comparées aux revendications mises en avant dans cette fraction des grèves pour laquelle nous connaissons les protocoles de fin de conflit, les concessions les plus fréquentes se situent sur le plan de l’emploi. Réorganisations et délocalisations sont nettement moins souvent objet de compromis. Les autres thèmes se situent en fréquence intermédiaire, en dehors de l’enjeu spécifique de l’introduction de la coupure méridienne, laquelle fait plus rarement l’objet de concessions des directions.</p>
<p>La guérilla sociale freine donc la dégradation du travail et du métier, mais elle ne l’interrompt pas et elle en entretient de fortes inégalités territoriales.</p>
<p>À La Poste, le contraste entre le faible impact d’appels nationaux à la grève et la vitalité de la conflictualité locale renvoie au fait que ce qui impacte le plus les conditions de travail des facteurs se joue au niveau de chaque unité de distribution et de manière asynchrone.</p>
<p>Quant aux difficultés de généralisation de ces conflits, elles tiennent à des causes qui ne sont guère spécifiques au contexte postal. Si le défaut d’imaginaire politique alternatif pèse sur les mouvements sociaux contemporains, ici il prend le visage de la difficulté à imaginer une issue à la dégradation, voire à la fin du métier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128247/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Bouteiller est également autoentrepreneur.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paul Bouffartigue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les appels de syndicats de postiers à des arrêts de travail nationaux n’ont guère eu de succès, il se déroule pourtant une véritable guérilla sociale au sein de l’institution.Paul Bouffartigue, Sociologue, directeur de recherche CNRS émérite, Laboratoire d'Economie et de Sociologie du travail, Aix-Marseille Université (AMU)Jacques Bouteiller, Socio-économiste, chercheur associé au laboratoire d’économie et de sociologie du travail, UMR 6123, Aix-en-Provence, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281342019-12-03T17:17:56Z2019-12-03T17:17:56ZFonction publique : cette crise de confiance qui catalyse la mobilisation<p>Le jeudi 5 décembre n’a pas seulement été révélateur d’une crise sociale en France au travers de la <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/mobilisation-revendications-modes-d-action-tout-savoir-sur-le-jeudi-noir-du-5-decembre_2108053.html">réforme des retraites</a>, mais aussi d’une crise existentielle qui touche la reconnaissance au sens large et qui se manifeste par la précarité sociale et économique en France. Une précarité qui touche aussi bien le secteur privé que le secteur public. À ce titre, un aperçu de cette crise de confiance dans la fonction publique permet de montrer que les frontières entre secteur privé et public deviennent de plus en plus poreuses.</p>
<p>En ce qui concerne les fonctionnaires, qu’ils soient de la fonction publique d’État, hospitalière et territoriale, les motifs d’insatisfactions sont pluriels et ne sont que le produit de ce qu’on nomme communément la réforme de la fonction publique, entendue comme une volonté de flexibiliser la fonction publique d’une part, et une volonté de la rendre moins coûteuse pour la dépense publique.</p>
<h2>Alignement des pratiques sur celles du privé</h2>
<p>Cela se manifeste par quatre enjeux que sont : le gel du point d’indice, la contractualisation du travail public, la réforme des retraites dans la fonction publique, ainsi que l’imitation des pratiques du secteur privé par le secteur public.</p>
<p>Premièrement, le gel du point d’indice de 2010 à 2016 est un point crucial car il a été de nature à bloquer l’avancement salarial de ces fonctionnaires de telle sorte que la progression de la rémunération avance de manière lente dans la fonction publique créant un déficit de reconnaissance pour les fonctionnaires, celui-ci évolue en fonction de l’inflation, il est passé de <a href="http://cd78.reference-syndicale.fr/2018/02/valeur-du-point-dindice-et-evolution-du-pouvoir-dachat/">4,5 en 2006 à 4,69 en 2017</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/304639/original/file-20191202-67002-s9uy6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304639/original/file-20191202-67002-s9uy6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304639/original/file-20191202-67002-s9uy6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304639/original/file-20191202-67002-s9uy6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304639/original/file-20191202-67002-s9uy6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304639/original/file-20191202-67002-s9uy6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304639/original/file-20191202-67002-s9uy6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304639/original/file-20191202-67002-s9uy6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de la valeur du point d’indice ses dernières années.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://cd78.reference-syndicale.fr/2018/02/valeur-du-point-dindice-et-evolution-du-pouvoir-dachat/">Reference-syndicale.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Deuxièmement, la contractualisation de la fonction publique et particulièrement celle de la fonction publique territoriale, il convient de donner quelques <a href="https://infos.emploipublic.fr/article/contractuels-dans-la-fonction-publique-toujours-plus-eea-4616">chiffres</a> de 2016 pour permettre de saisir l’ampleur de ce phénomène :</p>
<ul>
<li><p>Fonction publique d’État : 397 125 de contractuels (16 % des effectifs).</p></li>
<li><p>Fonction publique territoriale : 356 806 de contractuels (19 % des effectifs).</p></li>
<li><p>Fonction publique hospitalière : 212 640 de contractuels (18 % des effectifs).</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304640/original/file-20191202-66986-14g08ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304640/original/file-20191202-66986-14g08ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304640/original/file-20191202-66986-14g08ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304640/original/file-20191202-66986-14g08ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304640/original/file-20191202-66986-14g08ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304640/original/file-20191202-66986-14g08ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304640/original/file-20191202-66986-14g08ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304640/original/file-20191202-66986-14g08ha.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’emploi contractuel public en chiffres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://infos.emploipublic.fr/article/contractuels-dans-la-fonction-publique-toujours-plus-eea-4616">Emploipublic.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, mentionnons que ce mouvement de contractualisation associé à cette réforme des retraites n’est pas anodin en tant que tel puisqu’il y a une volonté politique d’aligner les pratiques du secteur public sur celles du secteur privé.</p>
<h2>Critères de performance</h2>
<p>Celle-ci se traduit de prime abord par la sémantique, car le vocabulaire a évolué dans le secteur public. Autrefois pour désigner la gestion du personnel, on parlait d’administration du personnel dans le secteur public, cela est révolu puisque maintenant on parle de gestion des ressources humaines, un terme qui est un emprunt fait au secteur privé.</p>
<p>Cette privatisation du secteur public dans les mots s’impose aussi dans les comportements et relations avec les usagers du service public. Dans les comportements, il est de plus en plus demandé aux fonctionnaires de remplir des objectifs basés sur des <a href="https://www.carrieres-publiques.com/actualite-fonction-publique-pourquoi-la-performance-bouleverse-la-fonction-publique-d-312">critères de performance</a>, dans une logique d’optimisation des coûts, le but étant de faire plus et mieux avec moins de moyens.</p>
<p>Cela a des conséquences néfastes car cet objectif vient en contradiction avec l’idée selon laquelle le service public ne doit pas se faire sur une logique de rentabilité. Parmi ces conséquences, on peut notamment citer les troubles psychosociaux auprès des effectifs se manifestant par un taux d’absentéisme. Ce taux s’élève à <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1990-a26.pdf">2,9 % en 2017 dans la fonction publique d’État</a>, et il est de l’ordre de 4,7 % dans les fonctions publiques hospitalières et territoriales, selon des chiffres de l’Insee.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304641/original/file-20191202-66986-1h0sczm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304641/original/file-20191202-66986-1h0sczm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304641/original/file-20191202-66986-1h0sczm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304641/original/file-20191202-66986-1h0sczm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304641/original/file-20191202-66986-1h0sczm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304641/original/file-20191202-66986-1h0sczm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304641/original/file-20191202-66986-1h0sczm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304641/original/file-20191202-66986-1h0sczm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Proportion de salariés absents au moins un jour au cours d’une semaine pour raisons de santé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1990-a26.pdf">Assemblee-nationale.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le cadre des relations avec les usagers, il y a un réel intérêt à évoquer ce changement d’attitude car, de plus en plus, l’usager est considéré comme un client qui utilise non pas un service public, mais une prestation, ce qui est révélateur d’un vocabulaire du secteur privé. Ces mêmes usagers subissent cette crise du service public puisque lorsqu’un service postal, un hôpital, un commissariat ferment, ce sont eux qui sont les premiers touchés par ce changement de culture. La rentabilité peut créer une désertification des services publics et une inégalité de traitement entre citoyens.</p>
<p>Il faut ajouter à cela que les trois fonctions publiques précédemment citées sont appelées à faire constamment des efforts budgétaires en termes de gestion, afin de pouvoir honorer la mission de service public. Ces efforts budgétaires sont en partie dus au fait que l’État <a href="https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/jaunes-2019/Jaune2019_collectivites.pdf">réduit de manière constante les dotations</a> permettant de financer le service public.</p>
<p>Cela renforce donc la mobilisation du 5 décembre, puisque tous les acteurs de cette mobilisation sont peu ou prou concernés par les transformations du service public. En somme, ce mouvement montre et nous démontre que le secteur public et le secteur privé ont des problématiques communes au regard du rapprochement des identités culturelles de ces deux composantes, et que les frontières deviennent poreuses entre ces deux mondes en ce sens que ceux-ci ne vivent plus face à face, mais contestent côte à côte.</p>
<hr>
<p><em>Article rédigé par Médy Ouichka, doctorant en droit public à l’Université de Lorraine, sous la direction de Léonard Matala-Tala, maître de conférences (habilité à diriger des recherches) de droit public (Université de Lorraine).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Médy Ouichka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà de la contestation de la réforme des retraites, l’alignement des pratiques sur celles du privé cristallise la colère du secteur public.Médy Ouichka, Doctorant en droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1232902019-09-11T20:54:19Z2019-09-11T20:54:19ZLe boom des profs non titulaires, un tournant pour l’Éducation nationale ?<p>Pour exercer en tant qu’enseignant, il faut en principe réussir un concours – celui de professeur des écoles, le CAPES ou encore l’agrégation pour quand il s’agit du secondaire. A cette règle, il existe néanmoins des exceptions. Pour faire face aux postes non pourvus, les académies recrutent aussi hors du vivier des fonctionnaires des candidats issus d’autres parcours ou univers professionnels.</p>
<p>Ces embauches de professeurs contractuels sont en plein essor, d’après les derniers bilans du ministère de l’Éducation nationale. <a href="https://cache.media.education.gouv.fr/file/2019/19/4/depp-ni-2019-19-18-Les-personnels-de-Education-nationale-2017-2018_1134194.pdf">Leurs effectifs progressent</a> de 2,7 % par an depuis 2010-2011. Entre les années scolaires 2016-2017 et 2017-2018, ils ont bondi de 11,8 %, alors que le nombre d’enseignants titulaires n’a évolué que de 0,5 %.</p>
<p><a href="https://www.education.gouv.fr/cid74482/bilan-social-du-ministere-de-l-education-nationale-et-de-la-jeunesse-2017-2018-enseignement-scolaire.html">Cette hausse</a> se concentre surtout sur les collèges et les lycées. En 2008, on comptait 2730 enseignants non titulaires dans le premier degré, un nombre resté stable jusqu’en 2016 où il monte à 3 110 puis 4092 en 2017. Dans le second degré, on passe de 24 282 enseignants non titulaires en 2008 à 33 668 en 2011, nombre resté à peu près stable jusqu’en 2016 (36 201) et 2017 (39 791).</p>
<p>S’agit-il d’un <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/04/les-contractuels-au-secours-de-l-education-nationale_5506258_3224.html">phénomène</a> potentiellement explosif pour l’Éducation nationale ? Certains n’hésitent pas à aller dans ce sens en y voyant une possibilité d’« aggiornamento » de l’Éducation nationale, les uns la souhaitant, les autres la dénonçant en pleine période de mise en œuvre de la <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/loi-de-transformation-de-la-fonction-publique">loi de transformation</a> de la Fonction publique.</p>
<h2>Précédents historiques</h2>
<p>Si cette intensification du recours aux contractuels est sensible, il faut prendre conscience qu’elle n’est pas sans <a href="https://books.google.fr/books/about/Histoire_des_institutions_scolaires.html?hl=fr&id=jwydQgAACAAJ&redir_esc=y">précédent historique</a>. Dans les années 1950 (à partir de 1955 plus précisément), les postes créés en réponse à la <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-l-education--9782707156969-page-82.htm">vague démographique</a> ont été couverts par des remplaçants à raison de plus de 10 000 chaque année (<em>Rapport de la commission de l’équipement scolaire, universitaire et sportif</em>, Paris, 1961).</p>
<p>Les instituteurs étaient alors formés dans les écoles normales primaires. Entre 1951 et 1964, on peut estimer qu’environ 70 000 normaliens ont été recrutés contre environ 90 000 de profils venus d’autres horizons : la voie « a-normale » l’a donc emporté alors sur la <a href="https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/300611/vers-la-suppression-des-concours-de-recrutement-des-enseignants">voie « normale »</a> de recrutement.</p>
<p>Cela a sans doute eu des conséquences sur l’unité pédagogique et idéologique de ce corps enseignant ; mais cela n’a pas débouché pour autant sur une remise en cause du statut de fonctionnaire d’État accordé aux instituteurs depuis 1889.</p>
<p>Pas de remise en cause de principe non plus dans le second degré, où, à la même période, s’ajoutent d’autres défis, avec la création des « collèges d’enseignement secondaire » (CES) en 1965 – suivie de la prolongation effective de la scolarité obligatoire de 14 ans jusqu’à 16 ans. Les non titulaires sont alors en croissance régulière et représentent entre 15 % et 20 % du corps enseignant.</p>
<p>Dans les lycées, leur proportion se stabilise à ce niveau alors qu’en 1967, on atteint même 60 % de non titulaires parmi les professeurs de collège… En 1975-1976, sous l’effet d’un recrutement par concours plus massif, et surtout en raison de plans de résorption de « l’auxiliariat », le taux de non titulaires revient à 11 % pour les collèges, et 7,5 % pour les lycées.</p>
<p>La part de contractuels descend à moins de 5 % durant le début des années 1980 avant de repartir à la hausse (importante, mais moindre que dans la période des années 1960) en raison de la mise en œuvre progressive de l’ambition de « 80 % des élèves au niveau bac en l’an 2000 ». Là encore, pas de problématique apparente concernant le nombre et la place des contractuels ni de discours sur de nécessaires modifications quant au statut « normal » de fonctionnaire d’État du professeur.</p>
<h2>Enjeux politiques</h2>
<p>Trente et quelques années plus tard, le discours est tout autre et les questions de statut se retrouvent sous les feux des projecteurs. En 2018, en ouverture de sa <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-recours-croissant-aux-personnels-contractuels-dans-leducation-nationale">présentation du rapport</a> sur le statut des enseignants, Sophie Moati, présidente de chambre à la Cour des comptes, déclare ainsi que</p>
<blockquote>
<p>« Le mode de gestion des personnels (de l’Éducation nationale) pousse à l’extension continue des contractuels. C’est une tendance lourde pour accroître leur nombre car il n’y a pas d’assouplissement de la gestion des enseignants ».</p>
</blockquote>
<p>Le 13 mai 2019, un an plus tard et dans un cadre plus large, celui de la Fonction publique tout entière, où l’Éducation nationale figure pour la moitié des fonctionnaires d’État), le secrétaire d’État Olivier Dussopt présente ainsi la loi de transformation de la Fonction publique devant l’<a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/transformation_fonction_publique">Assemblée nationale</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le projet de loi opère une profonde modernisation de la gestion des ressources humaines dans la Fonction publique […]. Le deuxième pilier du projet de loi vise à développer les leviers managériaux pour une action publique plus efficace, avec comme premier objectif – peut-être l’une des mesures les plus emblématiques de ce texte –, l’ouverture accrue du recours aux contrats. »</p>
</blockquote>
<p>Le projet de loi est résumé ainsi par Olivier Marleix (LR) : </p>
<blockquote>
<p>« Votre texte se limite à deux évolutions : faciliter le recours au contrat et vider de leur contenu les CAP. »</p>
</blockquote>
<p>Pour Sylvia Pinel (PRG) :</p>
<blockquote>
<p>« En dépit de l’apparente marche arrière du Président de la République sur la suppression annoncée de 120 000 postes de fonctionnaires, nous ne sommes pas dupes : le texte définit de fait le cadre d’une réduction des effectifs de fonctionnaires à plus ou moins brève échéance. »</p>
</blockquote>
<p>Le 5 septembre, sur le <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/">Portail</a> de la Fonction publique, Olivier Dussopt <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/modalites-de-mise-oeuvre-de-la-loi-6-aout-2019-de-transformation-publique-se-precisent">a annoncé</a> que les « modalités de mise en œuvre de la loi du 6 août 2019 de transformation publique se précisent ». A suivre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour faire face à la pénurie d’enseignants, L’Éducation nationale a de plus en plus recours à des contractuels. Remise en contexte de ce phénomène.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166172019-05-08T19:34:17Z2019-05-08T19:34:17ZLa fin de l’ENA et la recomposition du système élitaire français<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272814/original/file-20190506-103063-9ciplv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C35%2C985%2C577&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Locaux de l’École nationale d'administration (ENA), dans la Commanderie Saint-Jean, à Strasbourg.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Mandaté par le Président de la République en avril 2019 pour réfléchir à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/02/17/reforme-de-la-haute-fonction-publique-ce-que-contient-le-rapport-de-frederic-thiriez_6029848_823448.html">une réforme</a> de la haute fonction publique, l'avocat Frédéric Thiriez a remis ce mardi 18 février les conclusions de <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2020/02/rapport_mission_haute_fonction_publique.pdf">son rapport</a> pour diversifier les recrutements de hauts fonctionnaires et repenser leur formation initiale.</em></p>
<p><em>Parmi les quarante propositions figure bien la disparition de l'ENA, qui serait remplacée par une Ecole d'administration publique (EAP) accueillant les administrateurs de l'Etat (ex-énarques) comme les ingénieurs des corps techniques. Dans ce contexte, nous vous proposons de relire l'analyse de Luc Rouban sur l'histoire de la formation des hauts fonctionnaires et les débats qui l'ont traversée jusqu'ici.</em></p>
<hr>
<p>Lors de sa conférence de presse du 25 avril 2019, le président de la République a confirmé sa volonté de supprimer non seulement l’École nationale d’administration (ENA) mais également les grands corps. Il s’agit sans doute du seul véritable coup de tonnerre dans la série de ses propositions à l’issue du grand débat national.</p>
<p>Alors que d’autres volets de la réforme de l’État, comme la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires ou la fermeture d’hôpitaux et d’écoles, ont été écartés, tout indique donc que l’on est bien face à un changement radical du mode de formation de la haute fonction publique en France. Cela en dit long sur l’objectif politique de l’annonce.</p>
<p>Emmanuel Macron revient à son projet originel de 2017 visant une plus grande fluidité des carrières entre les secteurs public et privé. La suppression de l’ENA vient à point nommé également pour répondre aux « gilets jaunes ». Il s’agit de montrer que l’effort d’adaptation à la mondialisation ne sera plus réservé aux petites classes moyennes. Reste à savoir si cette décision va vraiment traumatiser les classes supérieures dont les enfants investissent de plus en plus les écoles de commerce… avant de faire l’ENA.</p>
<p>Cette annonce a suscité de multiples réactions et revirements dont le plus cocasse, diront les uns, le plus cynique, diront les autres, est celui de Nathalie Loiseau, ancienne directrice de l’ENA ayant toujours défendu <a href="https://www.lepoint.fr/suppression-de-l-ena-les-contradictions-de-nathalie-loiseau-18-04-2019-2308429_19.php">« son » école</a> contre toute remise en cause alors même qu’elle n’en était pas issue, se déclarant <a href="http://www.leparisien.fr/politique/ex-directrice-de-l-ena-nathalie-loiseau-se-dit-soulagee-de-la-suppression-de-l-ecole-28-04-2019-8062152.php">« soulagée »</a> de sa suppression après avoir applaudi au <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/010519/ena-le-double-discours-de-nathalie-loiseau">« coup pied dans la fourmilière »</a>. Imagine-t-on un ancien directeur de l’École parler ainsi il y a vingt ans ?</p>
<h2>Objectifs initiaux</h2>
<p>Il semble donc bien que les élites politiques et sociales soient en train d’abandonner l’ENA et son modèle à son triste sort et c’est sans doute ici que l’on peut penser que ce dernier est bien scellé. L’ENA n’est plus l’expression de la modernité étatique qu’elle était à ses origines. Sa création par l’ordonnance, le 9 octobre 1945, visait à transformer le système de formation d’élites fort compromises après le désastre de 1940.</p>
<p>Elle s’inscrit dans un contexte très différent des années 2010, celui du passage d’un modèle rural à un modèle industriel. Rappelons-le, au sortir de la guerre, l’État reste la première force de changement social. Cette stratégie pouvait s’appuyer sur l’implantation des partis de gauche et notamment du Parti communiste français (PCF) au sein des mouvements de Résistance qui partageaient avec le gaullisme une mystique de l’État, outil d’émancipation tout autant que champ de pouvoir à contrôler.</p>
<p>La création de l’école fait suite à de longs débats, menés par la mission organisée à la demande du général de Gaulle et présidée par Michel Debré, et qui font émerger deux hypothèses de travail.</p>
<ul>
<li><p>La première piste consiste en un modèle de sélection professionnelle. Des fonctionnaires de tous grades et de toutes origines auraient été recrutés et formés dans un « Institut des hautes études administratives » qui les aurait préparés à des fonctions de direction fort variées – de postes en ministère à ceux de préfet ou recteur. L’idée était d’éviter une trop grande sélection sociale, et d’identifier des agents dynamiques sachant conduire des équipes. <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4803684d.texteImage">Au XIXᵉ siècle</a>, déjà, les fonctionnaires de rang moyen ou modeste estimaient qu’un système de concours calé sur les épreuves universitaires favoriserait l’émergence d’un « mandarinat » intouchable.</p></li>
<li><p>La seconde piste était de conserver un concours de type universitaire, mode de sélection ordinaire des hauts fonctionnaires, mais de lui associer une préparation en amont afin de diversifier les parcours.</p></li>
</ul>
<p>Le gouvernement provisoire, en fait Michel Debré, a finalement retenu une formule intermédiaire, celle d’une école d’application administrative dont les élèves auraient été au préalable formés aux sciences économiques et sociales. Cela exigeait de conserver l’École libre des sciences politiques créée en 1872 par Émile Boutmy.</p>
<p>Cependant, cette dernière était très critiquée pour avoir organisé avant-guerre la formation des futurs hauts fonctionnaires, qui passaient alors des concours spécifiques à chaque grand corps, dans le cadre d’« écuries » dirigées… par les membres des corps en question. D’où une forme de cooptation au sein de l’entre-soi de la bourgeoisie parisienne. La solution, prônée d’ailleurs par le PCF, fut de nationaliser cette école qui devint l’Institut d’études politiques de Paris.</p>
<p>Le second changement provenait de l’unification des concours en un seul, l’accès à l’ENA, ouvert aux femmes comme aux hommes, se faisant soit par un concours étudiant soit par un concours interne, réservé aux fonctionnaires de tous rangs.</p>
<p>Les objectifs de cette nouvelle école étaient clairs : attirer des talents bien formés intellectuellement mais diversifiés sur le plan social, s’inscrire dans un vaste plan de réforme de l’enseignement supérieur, axer la formation sur la pratique administrative grâce à des stages sur le terrain, homogénéiser le milieu de la haute fonction publique et célébrer le culte du service public. Qu’en est-il aujourd’hui ?</p>
<h2>Sélectivité sociale</h2>
<p>Le débat sur la transformation de l’ENA a commencé très tôt, dès 1964, avec les propositions de Philippe Vianney, ancien délégué à l’Assemblée consultative ou en 1965 avec celles de Pierre Mendès-France, qui insistent tous deux sur le besoin d’élargir le recrutement interne et de sélectionner les élèves de l’ENA bien plus sur les services rendus que sur les diplômes.</p>
<p>Toutes les études sérieuses montrent en effet que le projet initial de l’ENA est abandonné au milieu des années 1960, et que de multiples réformes apparemment techniques, comme l’abaissement de la limite d’âge pour passer le concours, ont conduit à rendre l’ENA bien <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1979_num_29_3_418604_t1_0508_0000_001">plus sélective</a> sur le plan social et professionnel.</p>
<p>La question de la sélection sociale à l’entrée de l’école est vite tranchée. Les données produites par l’ENA elle-même montrent que la part des élèves provenant des catégories socioprofessionnelles supérieures oscille autour de 70 % dans les années 2010, alors qu’elle est de 15 % dans la population active française. Encore faudrait-il bien distinguer le concours externe des concours professionnels (concours interne et troisième concours ouvert aux professionnels non fonctionnaires) puisque ces derniers se révèlent plus diversifiés sur le plan social.</p>
<p>Il est vrai que cette distribution reflète la sociologie des élèves de Sciences Po Paris, qui reste une étape presque indispensable pour la réussite au concours externe, comme la sociologie de la plupart des grandes écoles. Il est également vrai que les <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/03/12/a-l-ena-la-prepa-egalite-des-chances-se-cherche-un-second-souffle_5434890_4401467.html">préparations</a> ouvertes aux candidats de milieux défavorisés (comme les classes ZEP ouvertes à Sciences Po en 2001 ou à l’ENA en 2009) n’ont pas donné de grands résultats : 8 admis à l’ENA sur les 142 candidats ayant suivi le cursus CP’ENA entre 1999 et 2019.</p>
<p>Au total, on est vite renvoyé à la constitution de parcours élitaires très sélectifs créant des filtres sociaux successifs qui minent la mise en œuvre de la méritocratie républicaine. Cela étant, positionner le débat en amont est également une bonne façon de ne prendre aucune responsabilité alors même que l’ENA a toujours eu la possibilité de modifier les épreuves ou l’organisation de ses concours. La sélection scolaire globale a servi de paravent pour ne pas tirer les conclusions du modèle académique qui reste celui de l’ENA depuis ses débuts.</p>
<h2>Plusieurs ENA</h2>
<p>La question de la différenciation des carrières à la sortie de l’École est bien moins connue mais encore plus significative. Car c’est là que s’affirment les contrastes sociaux entre les divers corps et que se confirme l’impact des profils scolaires.</p>
<p>Le classement de sortie est toujours resté l’élément intangible des multiples réformes qui ont modifié la scolarité à la marge. Or l’entrée dans les trois grands corps offerts aux 15 élèves les mieux classés (dans l’ordre de la hiérarchie sociale : l’Inspection générale des Finances, le Conseil d’État et la Cour des comptes) <a href="http://www.cevipof.com/fichier/p_publication/1295/publication_pdf_noteroubansept15.pdf">détermine des carrières</a> qui s’avèrent se différencier fortement en quelques années de celles qui sont suivies par les membres de corps moins prestigieux, comme ceux du corps préfectoral ou des administrateurs civils.</p>
<p>L’entrée dans les grands corps ouvre des perspectives de reconversion dans le privé ou dans le réseau des entourages supérieurs (comme les cabinets de l’Élysée et de Matignon) qui ne sont pas ouvertes aux autres énarques. Et c’est là que se concentrent les élèves les plus jeunes, les plus diplômés, au parcours le plus élitaire depuis l’enseignement secondaire et aux ressources familiales et sociales les plus étendues.</p>
<p>C’est sur ce point que l’échec du modèle initié par Michel Debré est patent et sans doute le plus difficile à corriger : il y a plusieurs ENA dans l’ENA, ce qui fait que les procès contre l’énarchie en général ratent leur cible et finissent par laisser dans l’ombre la puissance des corporatismes. Du reste, le classement de sortie a été régulièrement dénoncé par les élèves eux-mêmes, une différence de quelques points pouvant déterminer une vie professionnelle entière sur la base d’évaluations opaques.</p>
<p>Le projet de supprimer les grands corps au profit de filières d’excellence fait sauter cette étape essentielle dans le fonctionnement de l’ENA. Celle-ci, devenue au fil des ans une gare de triage social, a perdu sa raison d’être.</p>
<h2>Mobilité entre public et privé</h2>
<p>La sélection des hauts fonctionnaires s’inscrit désormais dans la perspective ouverte par le <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/projet-de-loi-de-transformation-de-la-fonction-publique">projet de loi</a> sur la fonction publique en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Cette réforme ouvre les emplois de direction à des recrutements contractuels, cassant ainsi la logique des carrières régulières menées jusqu’ici par les énarques qui pourront se voir désormais concurrencés par des candidats pouvant venir de tous les horizons y compris du secteur privé.</p>
<p>Mais la réforme envisage également de réduire la surface de l’État central au profit d’agences ou d’établissements publics gérés par des cadres connaissant le terrain et compétents en matière d’animation d’équipe. On retrouve ici le débat de 1944-45 et le besoin d’en revenir à une sélection professionnelle plus ouverte et donc plus diversifiée sur le plan social.</p>
<p>Néanmoins, et c’est là que le <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?gcoi=27246100208540">macronisme</a> n’est pas le gaullisme, cette évolution doit également s’accompagner de transferts plus aisés entre le public et le privé, transferts d’organismes comme de personnels. Cette nouvelle donne ne pose pas que des questions déontologiques. Elle implique une dévalorisation sensible du statut de haut fonctionnaire transformé en « manager » plus technicien qu’intellectuel chargé de mettre en œuvre des stratégies décidées sans et au-dessus de lui. C’est bien la <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/ouvrages/9782111452602-quel-avenir-pour-la-fonction-publique">fin de la technocratie</a>.</p>
<p>L’ENA a vécu car elle était liée au culte de l’État qui a commencé à s’effacer à partir des années 1980 lorsque les élites sociales ont commencé à redécouvrir les grandes entreprises, ont poussé leurs enfants vers les écoles de commerce et se sont servies de l’ENA comme d’un tremplin.</p>
<p>On remarque que cette réforme est approuvée par 58 % des 9 000 enquêtés de la <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/lenquete-electorale-2019">vague 3</a> de l’enquête électorale 2019 du Cevipof, cette moyenne variant peu selon les secteurs (54 % dans la fonction publique de l’État, 53 % dans les deux autres fonctions publiques) mais sensiblement suivant le niveau de diplôme (62 % pour les titulaires du Bac au maximum contre 48 % des diplômés de grande école).</p>
<p>En ce sens, la disparition de l’ENA pour une future nouvelle école de la haute fonction publique, venant sans doute intégrer d’autres écoles administratives, marque une étape historique dans la banalisation de l’État en France sur le modèle couramment développé dans les autres pays européens. Elle reste la dernière étape de la recomposition en cours des élites en France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116617/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ENA a vécu car elle était liée au culte de l’État qui a commencé à s’effacer à partir des années 1980 lorsque les élites sociales ont commencé à redécouvrir les grandes entreprises.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1159762019-04-25T14:08:10Z2019-04-25T14:08:10ZDébat : Et si l’on s’inspirait de l’ethnologie pour changer la formation des élites ?<p>Alors que se termine le grand débat initié par le président de la République Emmanuel Macron, voilà qu’est à nouveau <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/04/19/suppression-de-l-ena-le-blues-des-hauts-fonctionnaires-touches-au-c-ur_5452396_823448.html">remise en cause</a> la fameuse <a href="https://www.ena.fr/eng/">École nationale d’administration</a> (ENA), tremplin vers les plus prestigieux services de l’État. Faudrait-il la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/recherche-d-emploi/fonction-publique/supprimer-l-ena-une-bonne-idee_3402817.html">supprimer</a> ? La transformer ? Et beaucoup s’interrogent, à juste titre, sur les lacunes dans la formation des hauts fonctionnaires.</p>
<p><a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20180221.OBS2530/les-elites-se-sont-progressivement-coupees-du-reste-de-la-population.html">Leur cécité</a> sur les modes de vie des gens ordinaires serait due, dit-on, à leur origine sociale. Sans doute la plupart des hauts fonctionnaires sont-ils des <a href="http://www.leparisien.fr/economie/a-l-ena-seuls-6-des-eleves-sont-fils-d-ouvriers-18-04-2019-8056233.php">« héritiers »</a> issus des classes supérieures de la société. Mais diversifier les <a href="https://spire.sciencespo.fr/notice/2441/4saclpv74m9ehbj9b0cj150f3p">origines</a> des candidats à ces formations d’élite ne suffira sans doute pas à les doter d’une vision plus réaliste de la société et du monde.</p>
<p>Leur permettre en revanche d’ouvrir les yeux sur le quotidien des autres est en revanche une voie à envisager. Comment faire ? On pourrait par exemple introduire dans ces cursus une enquête de terrain, où les élèves devraient s’immerger dans un milieu éloigné de leurs relations sociales habituelles.</p>
<h2>Observation participante</h2>
<p>La cause semble entendue et rallier tous les suffrages si l’on entend par là un stage de quelques jours dans une mairie, auprès d’un organisme public situé en province ou dans une lointaine banlieue. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.</p>
<p>Il faudrait plutôt s’inspirer des enquêtes pratiquées par les ethnologues. Pour connaître la société qu’ils étudient, ceux-ci ont mis au point des méthodes fondées sur le temps long et une grande proximité avec la population. S’agit-il de transformer les énarques en ethnologues ? Non pas mais, plus modestement, de réinvestir les acquis de cette discipline et de fournir un enseignement portant sur les thèmes à aborder.</p>
<p>L’enquête doit être de longue durée : on se contentera ici de quelques semaines, d’un mois (ce qui est déjà beaucoup dans un cursus universitaire), quand des ethnologues patentés consacrent de nombreuses années à l’étude d’une société. Il convient alors de vivre avec et comme les autres : pas question de rentrer le soir à la sous-préfecture locale ou, si l’on fait son enquête à l’étranger, au consulat le plus proche où des pairs bienveillants apaiseront les tourments ressentis.</p>
<p>« À Rome, fais comme les Romains », dit le dicton qui est devenu un principe de l’<a href="http://www.afa.msh-paris.fr/?page_id=32">enquête anthropologique</a>. Les maîtres mots de cette démarche sont <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_d%27observation_participante">« l’observation participante »</a> : observer directement, et non pas construire son savoir d’après des sources secondaires, participer dans la mesure de ses compétences et en accord avec la population. Cette relation vécue à un terrain, où l’on procède par écoute, par entretiens souples et non-directifs, et non par des questionnaires auxquels bien des interviewés répondent par ce qu’ils pensent qu’il faut penser plutôt que par leurs convictions propres.</p>
<h2>Expérience fondatrice</h2>
<p>Il s’agit, par cette méthode empathique, d’arriver à vivre et à penser comme si nous en étions, de parvenir à se représenter ce que l’autre peut ressentir. Pour dire les choses autrement, reprenons les termes de l’anthropologue <a href="http://www.dan.sperber.fr/">Dan Sperber</a> ; selon celui-ci le chercheur tente d’accorder « ce qu’il pense que les gens pensent avec ce qu’il pense que lui-même penserait s’il était vraiment l’un d’eux ». De la proximité donc mais aussi de la distance pour s’étonner de ce qui semble aller de soi.</p>
<p>Enquêter dans sa propre société, y compris dans des milieux éloignés, est d’autant plus difficile que nous sommes plus ou moins familiers des pratiques et des codes. Le dépaysement total qu’éprouve l’ethnologue sur un terrain lointain fait ici défaut. <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Clyde_Kluckhohn">Clyde Kluckhohn</a>, un anthropologue célèbre, écrivait à juste titre que « le poisson est mal placé pour découvrir l’existence de l’eau » et le grand philosophe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Wittgenstein">Ludwig Wittgenstein</a> rappelait tout aussi justement qu’« on est incapable de remarquer quelque chose parce que ce quelque chose est toujours devant nos yeux ».</p>
<p>L’étonnement, la distance doivent donc se conjuguer à la proximité et à la participation. Formerions-nous ainsi des hauts fonctionnaires répondant mieux à leur mission ? Sans doute et en tous cas des citoyens plus sensibles au quotidien de leurs contemporains. Quelle que soit la carrière de ces étudiants, cette enquête de terrain demeurera, en tous cas, une épreuve fondatrice, fortement inscrite dans la mémoire, une référence quand il s’agira d’envisager une réforme ou de répondre à des revendications.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bromberger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Diversifier les origines des candidats ne suffira pas à les doter d’une vision plus réaliste de la société. Et si on leur permettait de mener des enquêtes de terrain, comme des ethnologues ?Christian Bromberger, Anthropologue, professeur émérite, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1157372019-04-23T21:39:54Z2019-04-23T21:39:54ZServices publics : la grande excuse du grand débat<p>Les annonces censées être « disruptives » du président auront été largement <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/les-mesures-proposees-par-macron-pour-sortir-du-grand-debat-1011880">commentées dans la presse suite aux fuites</a> favorisées par le contexte propre à l’incendie de Notre-Dame, et les deux mesures emblématiques – la fin des fermetures de classes et d’hôpitaux jusqu’à la fin du quinquennat et la suppression de l’ENA – résument jusqu’à la caricature la primauté de la communication sur la vision qui devrait orienter l’avenir des services publics.</p>
<p>Les choix seront sans doute précisés au fil des prochains mois, car les premières annonces attendues à la fin de cette semaine ne sauraient résumer la politique suivie par Macron, qui s’avère plus ambitieuse et complexe. Certes, il fallait répondre à une mobilisation sociale qui se serait <a href="https://www.acteurspublics.com/2019/04/08/grand-debat-les-francais-reclament-un-meilleur-acces-aux-services-publics">exprimée au cours du grand débat</a> et entendue par un président arbitre. Mais ce dernier entend bien reprendre la mise en œuvre d’une ligne politique constante qui structure la réforme des services publics depuis une douzaine d’années.</p>
<p>Au-delà, et en lien avec l’esquisse des choix institutionnels, il cherche à consolider la base politique du macronisme en l’équilibrant avec une main tendue aux territoires et notamment aux maires, largement absents des effectifs de la LREM.</p>
<h2>Le grand débat, un énorme bouillon nécessaire mais biaisé</h2>
<p>Clore le grand débat national nécessitait, à l’évidence, l’annonce de mesures en faveur du renforcement ou de l’amélioration des services publics, mais fonder la légitimité de celles-ci sur la synthèse des remontées de cet exercice foisonnant s’avère un pari risqué.</p>
<p>Le grand débat aura été un exercice singulier, une catharsis, un coup politique intelligent, mais dont l’objet n’est pas de connaître les attentes des Français et les besoins de réforme. Il s’est avéré <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/04/12/grand-debat-les-participants-representent-une-france-aisee-eduquee-proche-de-l-electorat-de-macron_5449567_3232.html">peu représentatif de la population</a>, mal éclairé sur les particularités et la complexité des politiques publiques et de l’organisation des services, biaisé par l’orientation des questions fermées pour ce qui concerne les réponses en ligne. À l’arrivée, ses contributions auront été résumées par un pouvoir exécutif seul juge de ce qu’il faut lire dans les émanations de cet énorme bouillon.</p>
<p>Parmi les propositions remontant de ces contributions, celles convergentes avec le plan initial des réformes sont mises en exergue pour justifier les choix faits depuis longtemps. « La réduction de la pression fiscale » – aussitôt reprise dans l’allocution du 8 avril par le premier ministre Édouard Philippe – est emblématique d’une réduction des contradictions, alors que le besoin de davantage de services publics s’était tout autant exprimé, y compris depuis longtemps <a href="https://www.bfmtv.com/economie/sondage-bfmtv-8-francais-sur-10-jugent-que-les-recettes-des-impots-sont-mal-utilisees-1670188.html">dans plusieurs sondages d’opinion</a>. Ce qui manquait, au fond, était de poser la question suivante : les services publics, pour quelle priorité, au nom de quelle justice sociale ?</p>
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<h2>Bataille idéologique et contraintes budgétaires réelles</h2>
<p>En la matière, le gouvernement d’Édouard Philippe s’était engagé, dès le début, dans une œuvre réformatrice aux fortes ambitions affichées. Mais il ne faisait que s’inscrire dans une continuité qui remonte au début de ce siècle (voir ci-dessous). La transformation des services publics, déclinaison de la réforme de l’État, résulte de la conjonction d’une bataille idéologique et de contraintes budgétaires réelles.</p>
<p>Ces contraintes sont ambiguës : l’endettement n’est pas propre à une croissance des coûts de l’État, mais résulte en partie de la socialisation du désastre entraîné par la crise financière de 2008, et du gonflement des prestations sociales. <a href="https://docs.wixstatic.com/ugd/fcfcd9_b2fc406813a14733a07d4a15c3af9fb9.pdf">Celui-ci ne correspond pas au fonctionnement des services publics</a>, mais à l’atténuation des conséquences des inégalités sociales et du décrochage d’une partie de la population dans une économie par ailleurs de plus en plus privatisée.</p>
<p>Sur le plan idéologique, l’hostilité aiguë d’un <a href="https://livre.fnac.com/a6392311/Pierre-Melandri-Histoire-des-%C3%89tats-Unis-I-L-ascension-1865-1974">courant de pensée économique né aux États-Unis à la fin des années 1960</a>, financé par les milieux d’affaires et conservateurs via un réseau puissant de think tanks et de chaires universitaires, en réaction à l’expansion très rapide de l’État-providence et des mesures de discrimination positive au profit des minorités, a pu trouver en Europe un écho profond. Il est devenu une forme de pensée dominante.</p>
<h2>Transformations brutales et baisse rapide des effectifs</h2>
<p>En France, suite aux timides « stratégies ministérielles de réformes » engagées sous Jean‑Pierre Raffarin au début des années 2000, la réforme de l’État a pris la forme de transformations brutales de structures et d’une baisse rapide des effectifs au cours de la <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000520.pdf">Revue générale des politiques publiques sous Nicolas Sarkozy</a> : <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1372612?sommaire=1372680&q=fonction+publique">176 000 agents en moins dans la fonction publique d’État entre 2005 et 2009</a>.</p>
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<p>La modernisation de l’action publique, conduite sous François Hollande, a pris un tour plus ambigu, cherchant à poursuivre le mouvement – notamment en réduisant la présence de l’administration territoriale –, tout en remplissant la promesse faite en matière d’éducation : +54 000 postes sous le quinquennat.</p>
<p>En outre, François Hollande a dû affronter une situation sécuritaire très sensible qui nécessitait de renforcer les effectifs dans ce domaine. En définitive, les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676636?sommaire=3696937">effectifs de la fonction publique d’État ont légèrement augmenté</a>, mais au détriment de certains ministères et d’un affaiblissement des services déconcentrés.</p>
<p>En revanche, le nombre d’agents de la fonction publique territoriale, lui, a nettement progressé : <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/collectivites-locales-chiffres-2017-0">+21 % entre 2002 et 2015</a> jusqu’au frein brutal mis à la hausse des dépenses des collectivités locales au milieu de la décennie. Au-delà <a href="https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/finances-publiques/financement-collectivites-territoriales/essentiel/fondamentaux/evolution-finances-apul-deficit-regulier-dix-ans-a-dynamisme-depenses-superieur-a-celui-recettes">des transferts de compétences entraînés par la décentralisation</a>, c’est un choix des collectivités territoriales d’assurer une forte présence d’agents auprès des usagers, désormais remis en cause.</p>
<p>L’actuel gouvernement a poursuivi l’impératif de la réduction des services publics en annonçant la suppression de 120 000 postes sur la durée du quinquennat. Or l’état inquiétant des hôpitaux publics, qui se traduit par <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/greve-illimitee-dans-les-services-d-urgences-a-paris-des-ce-dimanche-soir_2072892.html">des mouvements sociaux</a> ou des drames emblématiques – <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/12/24/01016-20181224ARTFIG00122-deces-aux-urgences-de-l-hopital-de-lariboisiere-la-famille-va-porter-plainte.php">cette patiente décédée au service des urgences de l’hôpital Lariboisière</a> après douze heures d’attente sans prise en charge –, interdit de couper dans des effectifs des hôpitaux au bord de l’implosion. En définitive, c’est bien la fonction publique d’État (y compris l’Éducation nationale, qui vient de rendre 1800 postes dans la dernière loi de finances) et les collectivités territoriales qui sont visées.</p>
<h2>Toujours les mêmes leviers</h2>
<p>Les réformes successives tendent à recourir aux mêmes leviers. En premier lieu, elles visent à réduire les effectifs d’agents publics, en privilégiant le regroupement des structures. Ainsi, le renforcement des compétences de l’intercommunalité au détriment des communes, et des régions aux dépens des départements, répond à un souci de rationalisation, mais aussi de réduction du nombre d’agents par mutualisation. Une telle évolution contredit la logique de la décentralisation (« renforcer la proximité des services publics et de l’usager ») et la demande de maillage territorial des citoyens, clairement exprimée lors de ces derniers mois.</p>
<p>Ensuite, la réduction de la dépense porte sur l’investissement et la masse salariale. En laissant se dégrader les conditions de travail – rendues objectivement plus difficiles dans certaines zones (police, enseignement, services hospitaliers) – et en <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000735.pdf">comprimant la masse salariale et les rémunérations</a>, l’État comme acteur politique met alors en difficulté l’État employeur.</p>
<p>Car l’attractivité de la fonction publique diminue : dans <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/184000800.pdf">son avis sur l’évolution des métiers de la fonction publique</a>, le Conseil économique, social et environnemental conclut que « la rémunération insuffisante de certains métiers, au regard de la situation générale du marché de l’emploi et du niveau de qualification requis pour répondre aux besoins de la société » explique déjà les difficultés à recruter sur certaines disciplines de l’enseignement, ou sur les métiers de l’informatique et du numérique.</p>
<p>Par ailleurs, le gouvernement espère des gains de productivité en développant les services numériques à l’usager. Le déploiement de ces derniers permettrait aussi de résoudre le casse-tête de la dispersion des usagers dans des territoires ruraux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270435/original/file-20190423-175524-1gt4uh1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270435/original/file-20190423-175524-1gt4uh1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270435/original/file-20190423-175524-1gt4uh1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270435/original/file-20190423-175524-1gt4uh1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270435/original/file-20190423-175524-1gt4uh1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270435/original/file-20190423-175524-1gt4uh1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270435/original/file-20190423-175524-1gt4uh1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’entrée principale de la Cour des comptes, rue Cambon à Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/96/Cour_des_comptes_Paris_entr%C3%A9e.JPG/1024px-Cour_des_comptes_Paris_entr%C3%A9e.JPG">TouN/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans son <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20160204-rapport-relations-usagers-modernisation-Etat.pdf">rapport sur la relation aux usagers et modernisation de l’État</a> (datant de 2016), la Cour des comptes notait sur le premier point que le sous-investissement dans ce domaine avait limité l’impact du numérique sur la réorganisation de l’État. Plus récemment, elle ajoutait que les infrastructures des services numériques dans les territoires ruraux se traduisaient par <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lacces-aux-services-publics-dans-les-territoires-ruraux">« des insuffisances persistantes dues à la couverture de qualité inférieure</a> à celle des zones urbaines (tant pour le numérique mobile que pour la fibre). Ainsi 7,5 millions de personnes ne disposent que d’une couverture de médiocre qualité.</p>
<p>En outre, l’institution de la Rue Cambon rejoint le Défenseur des droits pour mettre en garde contre la fracture numérique, qui ne saurait se réduire aux personnes âgées :</p>
<blockquote>
<p>« La fracture numérique est également une fracture sociale et culturelle. Le taux de connexion à Internet varie ainsi de 54 % pour les non-diplômés à 94 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur. » (<a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rapport-demat-num-21.12.18.pdf">rapport 2019</a>)</p>
</blockquote>
<h2>La montée des frustrations et des insatisfactions</h2>
<p>Enfin, les modes de fonctionnement, <a href="https://www.acteurspublics.com/2019/04/09/grand-debat-un-fatras-de-propositions-sur-la-fonction-publique">qui nourrissent sans fin le café du commerce sur les services publics</a>, se trouvent également autant dans les préconisations des réformes que des attentes des agents, sans que l’on observe d’évolutions positives.</p>
<p><a href="http://media-publications.bcg.com/france/BAROMETRE-BCG-ACTEURSPUBLICS-2018.pdf">Le baromètre social Acteurs Publics/BCG</a> montre la montée des frustrations et des insatisfactions des agents (dans l’ordre d’importance) en matière de formation, de qualité de vie au travail, d’anticipation des besoins en emploi, de parcours professionnels et d’accompagnement des mutations. L’évolution très rapide des missions, les cloisonnements, les logiques essentiellement budgétaires s’opposant aux mobilités favorisent une perte de sens général.</p>
<p>Face à cette situation, l’encadrement se sent lui-même impuissant. Objets d’un populisme bien commode dénonçant « la technostructure » et l’énarchie, les hauts fonctionnaires ont vu leur statut social et leur pouvoir d’achat décrocher par rapport au secteur privé. Sans marge de manœuvre managériale, ils ne peuvent donner comme horizon à leurs équipes qu’une réduction sans fin des moyens.</p>
<h2>Pendant le grand débat, les affaires continuent</h2>
<p>Pendant les travaux (du grand débat), les affaires ont continué. Les chantiers engagés par la phase de concertation CAP 2022, avaient <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/566911/action-publique-2022-le-rapport-des-experts-mis-au-placard/">paru un moment s’enliser</a>.</p>
<p>Le contexte de la relance du projet européen par le président nécessite de retrouver une crédibilité budgétaire face à l’Allemagne. Par ailleurs, les attentes d’un électorat de centre-droit ayant voté pour une réduction de la pression fiscale et la ligne suivie par des ministres ayant soutenu ou participé à la RGPP ont orienté cette revue des missions et du fonctionnement des services publics, <a href="https://www.acteurspublics.com/2018/07/09/reforme-de-de-l-etat-macron-veut-garder-le-cap-sur-fond-de-scepticisme">essentiellement selon une approche comptable</a>. C’était oublier, au passage, que les modèles étrangers performants qui inspiraient la réforme avaient toujours bénéficié d’un investissement important dans la phase initiale des transformations.</p>
<p>Alors que les réunions du grand débat devaient imaginer le service public de demain, les administrations et les cabinets peaufinaient leurs chantiers. Ainsi, dans un domaine essentiel comme l’Éducation (le plus gros employeur des services publics), le <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1481.asp">projet de loi « pour une école de la confiance »</a> vient modifier les règles de déploiement de l’encadrement des écoles élémentaires en milieu rural, y ouvrant la voie à des réductions d’effectifs.</p>
<p>Par ailleurs, l’avant-projet de loi sur la transformation de la fonction publique a été mené à son terme, <a href="https://www.acteurspublics.com/2019/02/14/fonction-publique-malgre-les-claquements-de-portes-a-repetition-l-executif-maintient-son-cap">malgré une forte opposition des syndicats</a>, et devrait être présenté prochainement au Parlement. Il traduit la volonté de réduire la place du statut de la fonction publique au profit d’une ouverture accrue aux agents contractuels, ainsi que d’alléger les procédures du dialogue social en réduisant la capacité de contrôle des commissions administratives paritaires sur les nominations.</p>
<h2>Externalisation et privatisation dans le viseur</h2>
<p>Enfin, un plan de départs volontaires est ébauché et s’appuiera sur un mécanisme de rupture conventionnelle aligné sur celui en vigueur dans le privé. Au même moment, le projet de loi visant à privatiser Aéroport de Paris exprimait une constante de la doctrine sous-tendant les réformes successives des services publics, à savoir que l’externalisation et la privatisation des tâches offraient une amélioration automatique de l’efficience et de la qualité des services.</p>
<p><a href="http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/14a13.pdf">Les critiques sur la gestion privée du réseau autoroutier</a> ou le résultat de la privatisation de l’aéroport de Toulouse devraient pourtant modérer un tel enthousiasme, et une coalition parlementaire inédite LR-PS tente actuellement de faire échouer ce projet.</p>
<p>Au final, la voie tracée par le discours du président laisse penser que la ligne des réformes ne déviera pas, quitte à en partager l’exercice avec les collectivités qui pourraient bénéficier d’une part accrue dans la mise en œuvre des missions de services publics.</p>
<p>Seront-elles davantage capables de résoudre la contradiction entre réduction de la dépense publique et maintien d’un haut niveau de qualité et de présence des services publics ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115737/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Prost est secrétaire général de l'association «Services Publics». </span></em></p>La fin des fermetures de classes et d’hôpitaux jusqu’à la fin du quinquennat et la suppression de l’ENA symbolisent la primauté de la communication sur la vision des services publics.Yannick Prost, enseignant en relations internationales (Sciences Po) - responsable de l'unité d'enseignement "aire juridique et administrative'" (Master Lisi, UFR EILA, Université Paris VII Denis DIderot), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1099062019-01-15T20:07:59Z2019-01-15T20:07:59ZLes fonctionnaires américains se serrent la ceinture pendant que Trump offre des hamburgers<p>Des hamburgers à la Maison Blanche. En plein « shutdown », le plus long de l’histoire américaine, le chef de l’État a reçu les joueurs de l’équipe de football des Clemson Tigers à la Maison Blanche avec des hamburgers et des frites ce <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/en-plein-shutdown-donald-trump-sert-des-hamburgers-et-des-pizzas-a-la-maison-blanche_3145625.html">lundi 14 janvier</a> vantant la « super nourriture américaine ». Pendant ce temps, des milliers de fonctionnaires travaillent sans paie ou sont forcés de prendre des congés sans solde.</p>
<h2>Une situation inédite</h2>
<p>Le président Donald Trump réclame 5,7 milliards de dollars afin de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-reclame-5-7-milliards-de-dollars-pour-son-mur_2056427.html">financer son mur</a> contre les immigrés illégaux et « criminels ».</p>
<p>Les Démocrates ont dénoncé au Congrès ce projet <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2019/01/04/01003-20190104ARTFIG00286-aux-etats-unis-le-nouveau-congres-s-eleve-contre-le-mur-de-trump.php/">comme une perte d’argent</a> qui ne résoudra aucune des questions posées par l’<a href="https://www.wired.com/2017/01/wall-alone-cant-secure-border-no-matter-pays/">immigration aux États-Unis</a>.</p>
<p>Le bras de fer engagé depuis trois semaines maintenant entre le président et la Chambre des représentants (dominée par les Démocrates) empêche de trouver un accord politique sur le budget fédéral. Ce dernier n’étant pas déterminé, les institutions gouvernementales sont paralysées. Or leurs employés, soit <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2018/politics/shutdown-who-gets-sent-home/">800 000 personnes</a> selon le <em>Washington Post</em>, se retrouvent désormais pour la première fois depuis le 11 janvier <a href="https://www.vox.com/2019/1/9/18172329/partial-government-shutdown-paycheck">sans paie</a>, celle-ci étant versée, aux États-Unis, tous les quinze jours.</p>
<p>La perte d’un tel chèque peut sembler sans grande conséquence. Mais, en tant que <a href="http://businessmacroeconomics.com">spécialiste</a> de la <a href="https://u.osu.edu/zagorsky.1/tag/wealth/">richesse des ménages</a> j’ai pu démontrer à quel point cela peut en fait se révéler catastrophique pour de nombreux ménages américains.</p>
<h2>Le fonctionnariat américain</h2>
<p>Le gouvernement américain emploie directement plus de 2 millions de personnes.</p>
<p><a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2018/politics/shutdown-who-gets-sent-home/">Beaucoup dépendent</a> des départements de la Défense, de l’Education ou du Travail. Ces derniers restent fonctionnels car le Congrès a déjà accepté les budgets de dépenses proposés et continue de les financer.</p>
<p>Cependant un quart des agences gouvernementales – ce qui inclut le ministère de l’Intérieur, la Justice et l’Agriculture – n’ont pas reçu de financements ce qui laisse sur le carreau 800 000 employés.</p>
<p>Près de <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2018/politics/government-shutdown-faq/?utm_term=.aace824bfb8f">380 000 ont été mis en congés sans soldes</a>, tandis que 420 000 ont été <a href="https://www.newsweek.com/who-are-government-nonessential-employees-786671">jugés essentiels</a> et doivent se rendre au travail. Sans paie.</p>
<h2>Budgeter sa vie salaire après salaire</h2>
<p>Une semaine sans salaire. « Et alors ?« diront certains.</p>
<p>Si la chose peut sembler anodine dans certains pays, aux États-Unis de nombreuses personnes planifient leur budget non pas sur un mois ou plusieurs, ou même sur une année, <a href="https://www.cnbc.com/2019/01/09/shutdown-highlights-that-4-in-5-us-workers-live-paycheck-to-paycheck.html">mais d’une paie à l’autre</a>.</p>
<p>Selon plusieurs estimations, <a href="https://www.cpapracticeadvisor.com/news/12427770/34-of-americans-live-paycheck-to-paycheck">entre un tiers</a> à <a href="https://www.cnbc.com/2017/08/24/most-americans-live-paycheck-to-paycheck.html">trois quarts</a> des Américains bouclent leur budget toutes les deux semaines.</p>
<p>Peu importe quelle est la proportion exacte de ces familles : beaucoup ne pourront pas tenir longtemps sans toucher leur salaire.</p>
<p>Par ailleurs, il faut souligner qu’une part importante <a href="https://www.cnbc.com/2018/01/18/few-americans-have-enough-savings-to-cover-a-1000-emergency.html">n’a même pas assez d’argent</a> pour affronter un coup dur comme, par exemple, une dépense urgente de 1 000 dollars. Une longue période sans salaire semble encore moins envisageable dans ces conditions.</p>
<h2>Mise en place d’une assurance-chômage</h2>
<p>Il y a cependant quelques débouchés positifs pour ceux qui, parmi les employés gouvernementaux, n’ont pas été contraints de prendre un congé.</p>
<p>Ils peuvent en effet postuler pour une <a href="https://www.dol.gov/general/topic/unemployment-insurance">assurance chômage</a>, gérée par le gouvernement central et mis en place dans différents états, qui protège les revenus des employés licenciés sans que leur travail été mis en cause d’une façon ou d’une autre.</p>
<p>Les employés ayant signé cette assurance peuvent recevoir une somme proportionnelle à leurs salaires sur une durée courant jusqu’à six mois.</p>
<p>Par exemple, l’<a href="https://www.vec.virginia.gov/sites/default/files/documents/FAQ%20Unemployment%20Compensation%20for%20Federal%20Employees-2019.docx">état de Virginie</a> a informé les fonctionnaires qu’ils toucheront entre 60 dollars (à minima) et 378 dollars par semaine dans le cadre de cette mesure, en fonction de leur salaire.</p>
<p>À Washington, D.C., le <a href="http://www.savingtoinvest.com/maximum-weekly-unemployment-benefits-by-state/">dédommagement monte jusqu’à 425 dollars par semaine</a>, <a href="https://www.irs.gov/individuals/employees/unemployment-compensation">imposables</a>.</p>
<p>Mais, même la somme maximale est loin du quart du salaire moyen, hebdomadaire que touche un fonctionnaire (soit <a href="https://www.fedscope.opm.gov/employment.asp">84 000 dollars par an</a>).</p>
<p>En revanche les employés jugés « essentiels » comme les agents de sécurité aux aéroports ou les gardes du corps du président ne sont pas jugés éligibles à cette mesure. Ce qui signifie que leur seul recours reste l’épargne, s’ils en ont, ou un <a href="https://www.td.com/us/en/personal-banking/govalert/?cm_sp=b000-00-4447">prêt</a>.</p>
<p>Rester sans salaires plusieurs semaines de suite est déjà très dur : il est difficile d’imaginer que les fonctionnaires pourront tenir plusieurs mois ou années, comme l’<a href="https://www.cnn.com/2019/01/04/politics/shutdown-donald-trump-nancy-pelosi/index.html">a menacé Trump</a>.</p>
<p>Si le Congrès est éventuellement amené à devoir payer ceux qui ont travaillé durant le <em>shutdown</em> rien n’indique pour l’instant qu’il paiera ceux qui ont été contraints de prendre des congés.</p>
<h2>Fonctionnaires face à un mur</h2>
<p>Il est difficile de savoir quand le shutdown prendra fin.</p>
<p>Néanmoins le Congrès s’est récemment engagé <a href="https://www.huffingtonpost.com/entry/congress-approves-backpay-federal-workers-government-shutdown_us_5c38ece7e4b0922a21d4c2d9?guccounter=1">à dédommager</a> ceux qui ont souffert de ses conséquences. C’est ce qu’il s’est également passé en 2013, une mesure approuvée <a href="https://www.latimes.com/business/la-fi-mo-shutdown-back-pay-furlough-workers-white-house-20131107-story.html">à l’unanimité</a> au plan législatif.</p>
<p>La mauvaise nouvelle en revanche demeure l’impasse dans laquelle sont ces 800 000 employés, qui sont mis, littéralement face à un mur.</p>
<p>En d’autres termes, le gouvernement continue de s’appuyer sur ces forces, quoi qu’il advienne, peu importe l’issue du conflit entre le Congrès et le chef de l’état. J’en déduis deux conséquences malheureuses : plus d’employés quitteront la fonction publique et encore plus éviteront ce secteur à l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109906/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jay L. Zagorsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le « shutdown » qui paralyse les États-Unis depuis trois semaines impacte aussi les salaires des fonctionnaires : certains sont sommés de prendre des congés sans solde ou de travailler sans être payés.Jay L. Zagorsky, Senior lecturer, Boston UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1023762018-08-31T00:23:02Z2018-08-31T00:23:02ZLe macronisme, ou la privatisation du politique<p>La <a href="https://theconversation.com/debat-la-demission-de-nicolas-hulot-rien-de-nouveau-sous-le-soleil-102280">démission de Nicolas Hulot</a> du gouvernement, le 28 août, est venue jeter une nouvelle lumière sur la pratique du macronisme. Se prétendant être « ni de gauche ni de droite » dans un premier temps, puis « et de gauche et de droite » dans un second, il constituait une doctrine pragmatique qui s’appuyait, pour l’essentiel, sur le constat de l’incapacité des gouvernements de droite (Nicolas Sarkozy) comme de gauche (François Hollande) à mener des réformes rapidement qui puissent concrètement améliorer la vie des Français.</p>
<p>Très vite, <a href="https://theconversation.com/macron-candidat-de-la-protestation-si-si-71018">cette apparente nouveauté</a> a été qualifiée de « disruption » sans que l’on prenne garde au fait que l’action empirique a besoin d’une légitimation théorique et que celle-ci doit être suffisamment claire et cohérente pour construire une base électorale du long terme.</p>
<h2>Le macronisme au risque du paradoxe</h2>
<p>Sur le fond, le macronisme repose sur l’<a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-plus-proche-de-juppe-que-de-hollande-dans-les-urnes-virtuelles-60402">alliance du libéralisme économique et du libéralisme culturel</a>, un modèle proche de celui partagé par de nombreux Démocrates aux États-Unis mais dont le cœur de cible, celui des sociaux-libéraux, ne représente en fait que 5 % de l’électorat en France. Mais il repose aussi sur un mélange assez curieux de populisme et d’élitisme.</p>
<p>Du populisme, dans la mesure où le discours d’Emmanuel Macron comme de ses ministres fustige le « système » des partis comme les « statuts » qui bloquent la mobilité sociale : statut des fonctionnaires comme des retraités ou de tous ceux qui sont considérés comme des « insiders » profitant d’une protection qui leur paraît injustifiée au détriment des « outsiders » qui subissent le chômage et la précarité.</p>
<p>De l’élitisme, car Emmanuel Macron est moins le président des riches (qui lui ont nettement préféré <a href="https://theconversation.com/la-droitisation-des-valeurs-de-la-droite-francaise-69379">François Fillon</a> au premier tour de la présidentielle de 2017) que celui des gagnants et des optimistes qui évaluent très positivement leurs perspectives d’avenir.</p>
<p>Né du déphasage entre l’offre politique et une demande politique en miettes où le vote de classe ne constitue plus une clé d’analyse, le <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?gcoi=27246100208540">macronisme vit dans le paradoxe</a> mais pourrait tout autant y succomber. Reposant moins sur un corpus de textes que sur une pratique du pouvoir, le macronisme doit donc être étudié avec les outils de la sociologie politique.</p>
<h2>Le « renouveau », une formule commerciale</h2>
<p>Ce qui se joue dans le macronisme ne se limite donc pas à l’habituel jeu de chaises musicales qui accompagne les alternances électorales. L’étude purement électoraliste du macronisme se révèle d’ailleurs assez vite décevante car les analyses montrent à l’envi que la majorité des électeurs l’ont choisi <a href="https://theconversation.com/la-presidentielle-de-2017-est-une-election-par-defaut-75991">par défaut</a> et dans un contexte de forte incertitude voire de contestation radicale de la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>La thématique du « renouveau » scandée par les leaders de la République en Marche ne doit pas faire illusion car ce « renouveau » ne pouvait satisfaire ni ceux qui aspiraient à plus de démocratie directe par l’usage régulier de référendums (notamment du côté de LFI ou du FN) – ce qu’Emmanuel Macron avait clairement écarté lors de la campagne – ni ceux qui portaient désormais un regard désabusé sur un système politique dont ils n’attendaient plus rien.</p>
<p>Le « renouveau » est devenu une formule commerciale qui n’a pas pu cacher ou contrecarrer le profond discrédit du personnel politique en qui les Français ont <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/le-barometre-de-la-confiance-politique">encore moins confiance après 2017 qu’avant</a>.</p>
<p>On peut donc opérer deux lectures du macronisme.</p>
<h2>La fin du macronisme mondialisé, écologiste et high-tech</h2>
<p>La première s’inscrit dans la perspective tactique ou stratégique des élections européennes de 2019 ou des élections municipales de 2020, et conduit à rechercher les marges de manœuvre politiques du macronisme pour qu’il puisse durer et s’institutionnaliser. Limité par sa propre ambiguïté originelle, celui-ci appelle une extension idéologique soit du côté de la gauche, soit du côté de la droite.</p>
<p>La démission de Nicolas Hulot vient apporter le point final d’une évolution droitière qui s’est déjà manifestée par l’appel à renouer les liens entre l’État et l’Église catholique, par la priorité donnée au travail sur la protection sociale, par la décentralisation du dialogue social au sein des entreprises, par la réduction programmée des effectifs de la fonction publique ou par la réduction des dépenses publiques.</p>
<p>On attend encore le positionnement clair de l’Élysée ou du gouvernement Philippe sur des questions sociétales <a href="https://theconversation.com/projet-de-loi-asile-immigration-la-fermete-en-attendant-lhumanite-92202">comme l’immigration</a> ou la laïcité, même si les décisions en matière de migrants laissent entendre que la voix de l’autorité et de la fermeture nationale est plus forte que celle de la « société ouverte » à laquelle Emmanuel Macron était associé par certains commentateurs.</p>
<p>Le départ de Nicolas Hulot ne pose pas seulement la question, à la fois banale et tragique, de savoir comment faire de l’écologie une politique. Il a pour effet de mettre un terme à la dimension moderniste du macronisme qui se voulait résolument mondialisé, écologiste et high-tech. Dès lors, le macronisme vient rejoindre le rang des politiques centristes plus ou moins néo-libérales et ne peut que se focaliser sur les moyens de récupérer les électeurs des Républicains qui n’aiment pas Laurent Wauquiez.</p>
<h2>Dans la lignée des Rocard, VGE et Chaban…</h2>
<p>Une autre lecture, en revanche, porte sur l’organisation du pouvoir en tant que telle. Le macronisme tient beaucoup à cet égard de la <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1972_num_13_2_2071">pensée de Michel Crozier</a> : la société française est bloquée par des règles et des comportements archaïques et seules des réformes institutionnelles peuvent résoudre son retard sur le libéralisme ambiant, sans avoir à prendre en compte les clivages sociaux.</p>
<p>On retrouve ici une thématique qui imprègne la culture de la haute fonction publique française, et plus particulièrement celle de l’Inspection des Finances, qui a fourni des hommes politiques et de gauche et de droite. Le discours macronien prolonge celui de <a href="https://theconversation.com/rocard-est-mort-vive-rocard-61974">Michel Rocard</a>, de Jacques Attali, mais aussi de Valéry Giscard d’Estaing sans oublier, jadis, celui de Jacques Chaban-Delmas, tous membres de l’Inspection, et désireux de changer la société française, par un « nouveau contrat » ou voulant bâtir une « nouvelle société ».</p>
<p>Le macronisme a donc des racines anciennes mêlant analyses à prétention sociologique, parfois reprises de la sociologie des organisations, et posture mystique en cherchant à incarner ou bien à « porter » un changement historique.</p>
<p>On remarque, à ce titre, l’accent quasi-sacrificiel des lieutenants du macronisme qui se dévouent à un but hegélien les dépassant. C’est dans ce creuset que se forge le <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-le-candidat-attrape-tout-71751">managérialisme à la française</a>, c’est-à-dire un libéralisme par l’État sous la coupe de ses élites issues des grandes écoles et des grands corps.</p>
<h2>L’élitisme d’État réinventé</h2>
<p>Le macronisme réinvente cependant un vieux modèle, et c’est en cela que l’affaire se complique. Bon nombre de commentateurs ont retenu la dimension technocratique du macronisme en soulignant la <a href="https://theconversation.com/reforme-constitutionnelle-le-macronisme-horizontal-en-campagne-et-vertical-au-pouvoir-93593">verticalité du pouvoir et l’abandon des rêves de participation</a> sur lesquels avait été bâti En marche auprès de militants souvent très déçus un an après l’élection présidentielle. Le macronisme ne se déploie cependant pas sur le terrain technocratique.</p>
<p>La technocratie est un système de pouvoir qui s’est développé avant la Seconde Guerre mondiale et sous la IV<sup>e</sup> République dans lequel les hauts fonctionnaires se substituaient aux élus et aux partis politiques. En revanche, le macronisme se méfie de la haute fonction publique – encore un paradoxe –, du moins de celle qui n’est pas passée par le secteur privé.</p>
<p>L’idée de politiser davantage les directions d’administration centrale ou de recourir à des contrats pour recruter de hauts dirigeants administratifs s’inscrit dans la pratique néo-libérale des pays anglo-saxons et certainement pas dans la tradition des grands corps français.</p>
<p>Ces derniers se sont toujours considérés comme les gardiens de l’intérêt général au-dessus des aléas de la vie politique. Ils constituent une <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ouvrages/9782111452602-quel-avenir-pour-la-fonction-publique">élite sociale en concurrence permanente avec les élites politiques depuis la IIIᵉ République</a>.</p>
<h2>Un mode « corporate » d’exercice du pouvoir</h2>
<p>Les entourages d’Emmanuel Macron recèlent d’ailleurs moins de hauts fonctionnaires provenant des grands corps que ceux de Nicolas Sarkozy. Mais bien plus de pantoufleurs de retour du secteur privé ou de conseillers provenant directement de ce dernier. Rien que dans l’entourage présidentiel, la proportion de conseillers provenant du monde des affaires est de 20 % contre 13 % sous François Hollande et 9 % sous Nicolas Sarkozy.</p>
<p>Les nouveaux technocrates sont en fait des « managers » provenant des cabinets-conseils ou des grandes entreprises au terme d’un parcours professionnel qui a pu les faire passer par l’ENA comme par les grandes écoles de commerce. La fréquentation des groupes d’intérêts, dénoncée par Nicolas Hulot, n’est que la conséquence naturelle d’une culture partagée, certains conseillers provenant eux-mêmes de cet univers.</p>
<p>Dans l’entourage immédiat d’Emmanuel Macron, on trouve ainsi l’ancienne directrice de Vins et société, cabinet spécialisé dans le monde viticole, trois anciens membres de cabinets de communication, mais aussi un ancien du groupe immobilier Nexity, un ancien de BNP Paribas…</p>
<p>C’est ici que se noue l’identité du macronisme et à laquelle s’associe également une pratique personnalisée du pouvoir. <a href="https://theconversation.com/affaire-benalla-pour-la-democratie-un-ete-meurtrier-101163">L’affaire Benalla</a> n’est sans doute pas en soi une affaire d’État, mais elle est révèle l’existence de relations interpersonnelles fortes au sommet de l’État qui peuvent conduire à contourner les institutions et les hiérarchies ordinaires. Rien n’était plus significatif que de voir avec quels efforts et quelle colère rentrée certains fonctionnaires devaient témoigner devant les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale ou du Sénat.</p>
<p>On n’est donc ni dans le gaullisme ni dans le bonapartisme mais dans un mode « corporate » d’exercice du pouvoir, très concentré au sommet et très lointain pour le commun des mortels ou des élus. La politique privative se nourrit du modèle organisationnel des grands groupes privés.</p>
<h2>La révolte institutionnelle du local</h2>
<p>C’est d’ailleurs à ce titre qu’a émergé une véritable révolte institutionnelle des élus locaux. Celle-ci, dépassant réellement le clivage gauche-droite, s’est illustrée autant par les démissions en cascade des élus de petites communes que par l’opposition ferme du Sénat à la <a href="https://theconversation.com/la-constitution-entre-degeneration-et-regeneration-100000">révision constitutionnelle</a>. Cette dernière devait, là encore, « managérialiser » la politique en supposant qu’en réduisant le nombre de parlementaires et de circonscriptions la démocratie fonctionnerait mieux, ce qui est loin d’être prouvé.</p>
<p>Cette révolte n’est pas née seulement de la réduction des moyens financiers, de l’insertion des communes dans des intercommunalités aux compétences élargies depuis la loi NOTRe de 2015 ou des transformations sociologiques de l’habitat. Elle est plus profondément liée à la fracture entre le pouvoir national et le pouvoir local que le macronisme vient entériner ou aggraver.</p>
<p>Au pouvoir abstrait et mondialisé du centre s’oppose ainsi une politique très concrète du quotidien et de l’échange direct au niveau local qui peut être source de satisfactions mais aussi de tensions. C’est ici qu’apparaît la limite du macronisme et de la privatisation du politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102376/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ni gaulliste ni bonapartiste, le macronisme révèle un mode « corporate » d’exercice du pouvoir, qui se nourrit du modèle organisationnel des grands groupes privés.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/913452018-02-13T20:23:22Z2018-02-13T20:23:22ZVers une fonction publique moins attractive ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205254/original/file-20180207-74490-yb43wn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Premier Comité interministériel de la transformation publique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/GDarmanin/status/959053666098581505">Gérald Darmanin/Twitter</a></span></figcaption></figure><p>Afin de respecter l’<a href="http://www.lemonde.fr/personnalite/emmanuel-macron/programme/">engagement présidentiel</a> de supprimer 120 000 postes d’ici la fin du quinquennat, le gouvernement a annoncé un <a href="http://www.leparisien.fr/politique/fonction-publique-pourquoi-macron-veut-un-plan-de-departs-volontaires-02-02-2018-7537755.php">« plan de départ volontaire »</a> et un « élargissement du recours au contrat » pour « transformer l’action publique ».</p>
<p>Actuellement, sur près de <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/12/18/97002-20171218FILWWW00127-la-fonction-publique-employait-567-millions-de-personnes-fin-2016-insee.php">5,67 millions</a> de salariés de la fonction publique, on compte 1,25 million de non statutaires. Le statut reste la norme générale tandis que l’emploi de non-titulaires est particulièrement encadré par la loi et limité à des circonstances bien définies.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Combien y a-t-il de fonctionnaires en France ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">fonction-publique.gouv.fr.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De nombreux aspects de la réforme sont absents du débat public : quelles compétences nécessitent les métiers de la fonction publique ? Quels critères de recrutement pour les contractuels ? Et comment trouver sa place au sein de l’administration pour une durée déterminée, alors que tout le système d’avancement est basé sur de longues carrières ?</p>
<h2>L’évolution des métiers de la fonction publique</h2>
<p>Les nouvelles technologies ont complètement bouleversé le fonctionnement de l’administration provoquant de facto une évolution des compétences au sein de la fonction publique.</p>
<p>Prenons l’exemple Anne-Marie, <a href="http://www.cnfpt.fr/node/146/repertoire-metiers/metier/241?mots_cles=">officier d’État civil</a> dans une commune de taille moyenne, des années 70 jusqu’aux années 2000 : dotée d’une excellente mémoire, Annie connaît par cœur tous les habitants du village. Elle maîtrise la dactylographie, ne commet jamais de fautes d’orthographe, et sa bonne humeur accompagne les habitants dans leurs formalités administratives.</p>
<p>Dans la <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/grilles-de-carrieres-types-de-la-fonction-publique-de-letat">nomenclature</a> de la fonction publique, son poste est classé à l’époque « catégorie D », c’est-à-dire d’exécution, et sera réhaussé en 1988 « catégorie C » c’est-à-dire d’application après la <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/P-Administration_publique_professions_juridiques_armee_et_police.pdf">disparation du grade D</a>. Dans la France Pompidolienne, marquée par le plein emploi, l’entrée dans la vie active se faisait à partir du « certificat d’études », c’est dans l’exercice de son métier qu’Annie s’est formée avant d’être titularisée.</p>
<p>Aujourd’hui, le même métier a considérablement évolué et nécessite d’autres compétences. D’abord l’État civil est à présent informatisé, et se fait à partir de logiciels plutôt techniques.</p>
<p>Pour Gwendoline secrétaire de Mairie en 2018, dans une commune similaire à celle d’Anne-Marie, il a fallu être opérationnelle presque dès son recrutement.</p>
<p>Avec l’arrivée des ordinateurs, il n’y a plus que deux fonctionnaires dévolus aux tâches administratives de la mairie, Gwendoline doit donc être polyvalente sur plusieurs services à la fois : urbanisme, État civil, comptabilité, rédaction des arrêtés municipaux…</p>
<p>Recrutée agent administratif de catégorie C, Gwendoline est diplômée d’un Master de droit des collectivités territoriales. Le poste de <a href="http://www.cnfpt.fr/node/146/repertoire-metiers/metier/98?mots_cles=secr%C3%A9taire">secrétaire de mairie</a> qu’elle occupe, peut varier de la catégorie A, B, et C selon le nombre d’habitants de la commune et ses capacités financières.</p>
<p>Gwendoline espère tenter les concours pour progresser au sein de la fonction publique territoriale mais est-ce que les exigences de son poste et la pression exercée désormais sur les fonctionnaires territoriaux le lui permettront toujours ?</p>
<h2>La sélection par concours</h2>
<p>Si ces métiers ont évolué, le système de recrutement des fonctionnaires est à peu près demeuré inchangé : pour entrer dans la fonction publique, il faut la plupart du temps réussir un <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/score/concours">concours</a> nécessitant théoriquement le brevet, le baccalauréat ou la licence en fonction des catégories. Nombreux sont les candidats à se présenter pour un nombre de places toujours plus restreint. On constate que parmi les <a href="https://www.carrieres-publiques.com/actualite-fonction-publique-reforme-des-epreuves-des-concours-moins-de-bachotage-pour-mieux-recruter-d-200">critères de recrutement</a>, la culture générale a, peu à peu, laissé place à des exigences plus professionnelles pour répondre au mieux aux besoins des employeurs publics.</p>
<p>Dans les faits, les candidats sont aujourd’hui le plus souvent titulaires de diplômes plus élevés que celui exigé pour tenter le concours et cette tendance s’accroît sensiblement dans le <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/point_stat/PointStat_Recrut_Externe.pdf">profil des lauréats</a> (voir schéma).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Enquêtes annuelles Bilan des recrutements dans la fonction publique de l’État.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DGAFP, département des études, des statistiques et des systèmes d’information.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les diplômés de l’université irriguent les administrations dont la <a href="http://www.studyrama-emploi.com/home_interview.php?id=625">technicité des métiers</a> est sans doute sous-estimée par le grand public.</p>
<p>Outre le diplôme, on remarque que beaucoup de lauréats ont eu déjà une ou plusieurs expériences professionnelles au sein de l’administration en tant que contractuels ou ont réussi un concours d’une catégorie inférieure, ce qui leur assurent déjà une bonne connaissance du service public.</p>
<p>Autres facteurs importants, la préparation du concours influe sur le résultat, et il est aussi notable que les femmes réussissent en moyenne mieux les concours, notamment ceux de catégorie A. Des <a href="http://www.slate.fr/story/127721/fonction-publique-femmes-pas-bonne-nouvelle">études</a> ont montré la féminisation de la fonction publique même si des <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/recherche-d-emploi/fonction-publique/des-inegalites-femmes-hommes-encore-elevees-dans-la-fonction-publique_2293771.html">inégalités</a> persistent à travers la progression de carrière.</p>
<p>Par ailleurs, même les fonctionnaires entrés sans diplômes ont pu se former grâce à une formation continue de qualité, propre à la fonction publique, mise en place par ses <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/score/ecoles-de-formation">écoles</a> et le <a href="http://www.cnfpt.fr">CNFPT</a>.</p>
<p>Les <a href="http://www.slate.fr/story/128624/humour-fonctionnaires-rire">clichés</a> véhiculés dans l’imagerie populaire ont de quoi déconcerter une administration de plus en plus <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/ces-diplomes-qui-choisissent-la-fonction-publique-1374/">diplômée</a>, qu’au contraire on pourrait presque accuser d’élitiste, compte tenu de la forte sélection liée au recrutement, plus particulièrement pour les titulaires des catégories A et B.</p>
<h2>Vers un recrutement sur titres ?</h2>
<p>Si le personnel de la fonction publique n’est plus recruté seulement sur concours, il faut donc qu’il le soit sur d’autres critères objectifs, par exemple des diplômes acquis à l’université.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À l’université d’Aix-Marseille, le 8 septembre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Horvat/AFP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Historiquement, c’est à partir du XIII<sup>e</sup> siècle, que l’<a href="http://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1969_num_2_1_1196">alliance</a> entre le pouvoir royal et les facultés de droit a permis l’émergence d’un État en France. Il serait sain de renouer cette union à travers des diplômes à réaliser en alternance avec les administrations.</p>
<p>Déjà des universités en partenariat avec des centres de gestion proposent des <a href="http://www.cdg54.fr/docs/aide%20au%20recrutement/Dipl%C3%B4me%20universiatire/DU%20MAIRIE_23102017.pdf">D.U. de gestionnaire administratif/secrétaire de mairie</a>. Ces formations s’ajoutent aux traditionnels licences et masters d’administration, et de droit public.</p>
<p>Ce serait l’occasion pour l’État, à la fois de reconnaître la large palette de compétences exigées au sein de la fonction publique, mais aussi la qualité de la formation professionnelle à l’université.</p>
<p>Sans ces garde-fous, l’élargissement à davantage de contractuels pourrait rapidement conduire à de dangereux excès, comme renoncer à des fonctionnaires compétents via le plan de départ concerté pour laisser des élus embaucher des personnes ne disposant pas des savoir-faire nécessaires.</p>
<h2>Les controversés contrats des collaborateurs parlementaires</h2>
<p>Le recours au contrat existe déjà pour certains salariés d’institution publique, par exemple les fameux collaborateurs parlementaires dont les scandales lors de la dernière présidentielle ont révélé le <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-autres-structures-de-soutien-a-l-activite-parlementaire/les-collaborateurs-de-deputes">statut</a> très « permissif » :</p>
<p>Le député gère ainsi une enveloppe de 10 581 euros, il peut recruter la personne qu’il souhaite sans être tenu par une exigence de concours ou de diplôme, à l’exception des <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/penelopegate-un-an-apres-l-affaire-fillon-ce-qui-a-change-ce-qui-est-reste-en-l-etat_1978603.html">« emplois familiaux »</a> suite à une réforme récente qui témoigne des stigmates du <a href="http://www.francesoir.fr/politique-france/penelope-gate-quest-ce-quun-collaborateur-parlementaire-et-que-dit-la-loi">« Pénélope gate »</a>.</p>
<p>Plus intéressant, « les collaborateurs sont recrutés sur la base d’un contrat de travail de droit privé. », concept quelque peu curieux pour une institution publique telle l’Assemblée nationale, en revanche, le contrat devient public, si le député recrute un fonctionnaire en détachement.</p>
<p>Le contrat est en principe de durée indéterminée, c’est-à-dire qu’il perdurera en cas de réélection du député, et s’interrompra avec le mandat dans le cas contraire, mais ce contrat peut aussi être à durée déterminée si le député employeur le décide.</p>
<p>Ce genre de contrat de droit privé serait sans doute jugé inconstitutionnel s’il était appliqué à toutes les administrations, mais dans le cas inverse, il porterait un coup certain à l’attractivité de la fonction publique.</p>
<h2>La progression au sein de la fonction publique</h2>
<p>Dans la fonction publique, gravir les échelons dépend d’un savant mélange entre l’expérience et la compétence. Une <a href="http://www.cnfpt.fr/evoluer/carriere/national">carrière</a> dans l’administration est en effet rythmée par des concours et des examens professionnels, il s’agit du moyen classique pour monter en grade, le tout ajusté par une dose de promotion interne.</p>
<p>L’appareil d’État décide de l’avancement de millions de salariés, et au sein de ses administrations, les revendications sont monnaie courante. La moindre réforme peut bousculer un équilibre et entraîner dans un effet boule de neige de nombreuses autres velléités d’évolution.</p>
<p>Le statut du fonctionnaire n’est que la contrepartie d’un salaire au départ faible mais qui progresse au fur et à mesure de la <a href="https://www.cairn.info/les-100-mots-de-la-fonction-publique--9782130581901-page-19.htm">carrière</a>. Si l’État choisit le recours à davantage de contractuels, il conviendrait de les rémunérer en intégrant une moyenne de cette progressivité salariale.</p>
<p>C’est la perspective d’évolution et la stabilité de l’emploi qui motivent les fonctionnaires à effectuer toute leur carrière au sein de l’administration.</p>
<h2>Les oubliés de la réforme</h2>
<p>Emmanuel Macron promettait lors de sa <a href="https://www.challenges.fr/politique/emmanuel-macron-veut-assouplir-le-statut-des-fonctionnaires-lancer-de-primes-au-merite-faciliter-les-reconversions_564850">campagne</a> : « Nous développerons le recrutement sur contrat dans les fonctions non régaliennes ». Cette terminologie est souvent répétée dans les <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/02/01/20002-20180201ARTFIG00270-il-est-possible-de-reduire-les-effectifs-dans-la-fonction-publique-non-regalienne.php">médias</a> sans que le sens véritable ne soit ni précisé, ni compris.</p>
<p>Le mot <a href="http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3%A9galien_r%C3%A9galienne/67590">régalien</a> fait allusion à l’ancien régime, et renvoie aux personnes au service de la royauté : certains étaient <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k316293b/f22.image">officiers</a>, c’est-à-dire propriétaires de leur charge, d’autres choisis par le roi lui-même et révocables à tout moment, les <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/commissaire-royal/">commissaires</a>.</p>
<p>C’est seulement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que le premier <a href="https://www.cairn.info/les-100-mots-de-la-fonction-publique--9782130581901-page%5B-5.htm">statut</a> général de la fonction publique sera défini par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027380680&categorieLien=id">loi du 19 octobre 1946</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La loi du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives nationales, 19780549/7</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sous l’<a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/histoire-administration.html">ancien régime</a>, Les « fonctions régaliennes » se limitaient à la défense, la justice, la police et la fiscalité. Certes le pouvoir de <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k316293b/f172.image">police administrative</a> sous l’ancien régime pouvait toucher de multiples aspects, y compris économiques comme le commerce de grains ou la réglementation des corporations de métier, pour autant il n’existait pas de fonction publique hospitalière, ou rattachée au ministère de l’Éducation nationale, ni non plus un corps de fonctionnaires territoriaux comme aujourd’hui.</p>
<p>Il apparaîtrait très surprenant que le gouvernement veuille diminuer les postes de titulaires dans les hôpitaux, et l’État n’a pas le pouvoir de réduire la fonction publique territoriale sans porter atteinte au droit constitutionnel de <a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/libre-administration-collectivites-territoriales-principes-limites.html">libre administration des collectivités territoriales</a>. Même si les baisses de dotations répétées contraignent déjà les territoires à restreindre leur personnel.</p>
<p>Ainsi le flou demeure sur les emplois préservés et ceux ciblés par ce « plan de départ volontaire ». Le candidat Macron projetait aussi qu’un quart des grands directeurs ministériels ne soit pas fonctionnaire. Un <a href="https://www.challenges.fr/politique/emmanuel-macron-veut-assouplir-le-statut-des-fonctionnaires-lancer-de-primes-au-merite-faciliter-les-reconversions_564850">engagement</a> qu’il semble depuis avoir oublié, car rien dans la réforme annoncée n’impacterait la haute fonction publique.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, l’exécutif aurait tort de négliger les <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/sondage-les-fonctionnaires-se-sentent-mal-aimes-ils-ne-devraient-pas-5307827">enquêtes d’opinions</a> régulières qui montrent l’attachement des Français pour la qualité de leurs services publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91345/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Bagard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux aspects de la réforme sont absents du débat public. Comment trouver sa place dans l’administration pour une durée déterminée, quand tout le système est basé sur de longues carrières ?Guillaume Bagard, Doctorant contractuel chargé d'enseignement en Droit, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/798802017-06-25T19:20:08Z2017-06-25T19:20:08ZLes professeurs sont-ils prêts à consentir à l’autonomie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175264/original/file-20170622-12015-sudzzs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entrée d'un collège (Collège Picasso, Vallauris).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/beabis/15417970325/in/album-72157647863871510/">Béatrice Faveur</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Si Emmanuel Macron a promis de renforcer l’autonomie des établissements scolaires, il entretient un certain flou sur l’application de cette mesure. Flou que ne dissipe pas le nouveau ministre de l’Éducation nationale lorsqu’il proclame :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne donnerai pas dans la verticalité, dans l’injonction. Je serai un ministre qui pousse aux solutions de terrain. Mon message aux enseignants, c’est qu’il n’y a pas de chape de plomb : qu’ils se sentent libres, qu’ils innovent, <a href="http://www.lemonde.fr/education/article/2017/05/20/jean-michel-blanquer-il-nous-faut-depasser-le-clivage-gauche-droite-sur-l-ecole_5130829_1473685.html">qu’ils créent… »</a>.</p>
</blockquote>
<p>En effet, qui mettra en œuvre ces marges de liberté nouvelle sur le terrain ? L’objectif est-il toujours de donner les moyens aux chefs d’établissement de modifier la culture professionnelle des enseignants en leur ajoutant des tâches chronophages ? Cette prudence peut s’expliquer par la surconflictualité <a href="https://www.syllepse.net/lng_FR_srub_84_iprod_571-la-greve-enseignante-en-quete-d-efficacite.html">enseignante</a>, ce qui pose la question de l’avis des premiers intéressés.</p>
<p>Sont-ils prêts à accepter une moindre protection statutaire, une décentralisation dans l’éducation ? Et dans ce cas, optent-ils pour l’autonomie autogestionnaire ou managériale (cf ma typologie des conceptions de la <a href="https://theconversation.com/quelle-autonomie-pour-les-etablissements-scolaires-77918">gestion des établissements</a>) ? Pour apprécier leur opinion, je dispose de plusieurs sondages dont l’échantillon est supérieur à 500 professeurs <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-centre/le-centre-de-documentation/">du second degré</a> et des interviews recueillies par l’équipe de recherche Militens.</p>
<h2>Deux points de vue typiques</h2>
<p>Les professeurs sont partagés entre deux attitudes. Mara Goyet, professeure d’histoire-géographie en collège et écrivain, illustre bien la <a href="https://fr-fr.Facebook.com/Mara-Goyet-155162734516981/">mentalité dominante</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’autonomie des établissements est une idée qui m’a toujours plu. Si je suis tout à fait honnête, c’est parce que cette autonomie, j’imagine qu’elle sera la mienne (mais collectivement) et que j’en ferais un merveilleux usage. Usage que j’imposerais évidemment aux autres, qui subiraient l’hétéronomie de mon autonomie. À coup sûr, quelques-uns essaieraient d’imposer aussi leur autonomie. Il y aurait des guerres d’autonomie terribles et certains seraient vite plus autonomes que les autres. Le chef d’établissement, au nom de son autonomie propre et supérieure, trancherait. On n’aurait pas de mots assez durs pour critiquer son autonomie fasciste. »</p>
<p>« Ne pas oublier que sur le terrain, ça ne se passe pas comme sur le papier. Et qu’un établissement ressemble plus à un village gaulois imaginé par Goscinny qu’à un open <a href="https://fr-fr.Facebook.com/Mara-Goyet-155162734516981/">space corporate métallisé</a>] »</p>
</blockquote>
<p>Mickaël, 44 ans, professeur d’histoire en lycée, non syndiqué, interviewé par Camille Giraudon, est représentatif de ceux qui trouvent les réformes « intelligentes » :</p>
<blockquote>
<p>« Un exercice sur la prise de notes, les gamins, ça les fait pas rêver. Tandis que si tu leur dis : OK. Cette semaine on la banalise (…) là, tu peux impliquer les gamins. »</p>
<p>« Cette histoire d’autonomie des établissements, ça fait flipper tout le monde, parce que finalement ça veut dire quoi ? Qui va décider ? Puisque ce n’est plus national, parce que ce n’est pas une règle qui vient d’en haut. Si nous, on peut faire des trucs, bah comment je me positionne, moi ? Est-ce que je suis obligé de le faire, ou pas ? Et si je ne le fais pas, et que quelqu’un d’autre le fait, ça veut dire que lui, il se met en avant, c’est pour se faire bien noter ? »</p>
</blockquote>
<h2>Une notion clivante</h2>
<p>Deux sondages IFOP testent la notion d’autonomie (2007 et 2012), un autre de 2017 précise « en termes de gestion pédagogique », ce qui est plus populaire (car il n’est pas question de toucher au statut des enseignants). Même si les formulations ne sont pas identiques, ces trois sondages permettent de saisir une évolution en dents de scie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175047/original/file-20170621-30205-gwbgz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175047/original/file-20170621-30205-gwbgz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175047/original/file-20170621-30205-gwbgz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=183&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175047/original/file-20170621-30205-gwbgz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=183&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175047/original/file-20170621-30205-gwbgz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=183&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175047/original/file-20170621-30205-gwbgz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=230&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175047/original/file-20170621-30205-gwbgz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=230&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175047/original/file-20170621-30205-gwbgz6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=230&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>On constate une polarisation des professeurs, cette proposition clive, bien qu’elle corresponde à un certain air du temps, notamment par son aspect pragmatique. L’argument de la souplesse porte, mais il est contré par les campagnes des syndicats réticents à l’autonomie au nom de l’égalité, du service public, du statut. Ceci renforce l’influence du contexte, démontrée par les fortes variations (d’un tiers des professeurs favorables à l’autonomie à la moitié en 5 ans seulement).</p>
<p>Ainsi, le quinquennat de Nicolas Sarkozy, perçu comme une tentative de mise en pratique de l’autonomie managériale, aboutit à une chute de popularité de la notion entre 2007-2012. Cet élément politique est confirmé par la figure 2 :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175046/original/file-20170621-30227-hyjufw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175046/original/file-20170621-30227-hyjufw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175046/original/file-20170621-30227-hyjufw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=142&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175046/original/file-20170621-30227-hyjufw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=142&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175046/original/file-20170621-30227-hyjufw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=142&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175046/original/file-20170621-30227-hyjufw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=178&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175046/original/file-20170621-30227-hyjufw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=178&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175046/original/file-20170621-30227-hyjufw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=178&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’attraction de l’autonomie est corrélée à un positionnement à droite. Seule nuance, actuellement, le centre est divisé : les électeurs du MoDem sont réticents (38 %), conformément à l’option « républicaine » de François Bayrou, tandis que les électeurs d’Emmanuel Macron l’approuvent largement, à 69 %. Le programme scolaire d’En marche a donc rencontré un public enseignant.</p>
<h2>L’impact des types d’établissements et des cultures professionnelles</h2>
<p>Selon les établissements, l’autonomie est une réalité plutôt tangible ou au contraire une question théorique. Ce vécu influe sur l’image de cette notion, même si les enseignants ne perçoivent pas forcément le basculement qu’impliquent pour eux les projets de redéfinition de leur métier.</p>
<p>Ainsi, la notion est plébiscitée par les enseignants du secteur privé (figure 2), véritable laboratoire des réformes éducatives actuelles (le chef d’établissement y joue un rôle central, il recrute les enseignants, qui travaillent <a href="http://books.openedition.org/puc/8107?lang=fr">dans un esprit communautaire</a>. En lycée professionnel (figure 1) : l’échantillon est faible, mais le soutien relatif à l’idée d’autonomie est congruent avec la culture professionnelle. Comme en BTS, les enseignants en LP sont amenés à travailler avec leur environnement économique, à nouer des partenariats pour leurs élèves. L’échelon local revêt pour eux une importance certaine.</p>
<p>Le soutien à l’autonomie est aussi surreprésenté chez les jeunes professeurs et les professeurs de collège. De nombreux petits collèges accueillent de jeunes enseignants et ne connaissent pas de vie syndicale. Leur univers est marqué par la sociabilité enseignante et le rôle du chef d’établissement, de plus le principe d’autonomie est promu dans leur formation professionnelle (les ESPE ont été créées en 2013).</p>
<p>Mais ce vécu peut jouer dans l’autre sens. En lycée, l’adhésion à l’autonomie n’a pas remonté depuis le creux de 2012, ce qui correspond à la mise en place de la réforme Chatel. Dès lors, le quart des heures de cours est affecté localement, par le chef d’établissement en pratique. Il est possible que l’autonomie ait généré des effets pervers, comme la concurrence entre équipes disciplinaires pour l’allocation des ressources ou encore le manque de cadrage de l’accompagnement personnalisé.</p>
<p>Comment expliquer qu’un vécu identique, marqué par le renforcement de l’autonomie, aboutisse à deux réactions diamétralement opposées ? L’élément décisif me semble la taille des établissements : les lycées comptent en moyenne plus de cent enseignants, ce qui dessert le travail collectif. Ils comptent souvent des militants syndicaux qui font contrepoids au chef d’établissement.</p>
<p>Paradoxalement, dans le même sondage (IFOP 2017), on trouve 51 % de professeurs en collège favorables à l’autonomie pédagogique, mais 85 % hostiles à la réforme de Najat Vallaud Belkacem, qui a pourtant accru cette autonomie. Le <a href="http://www.liberation.fr/france/2017/06/07/education-les-conseils-de-casse-du-gouvernement_1575186">récent décret de Jean‑Michel Blanquer</a> correspond à cette combinaison. Il faut donc dépasser les représentations globales, et tester les opinions des professeurs sur des mesures précises.</p>
<h2>Quelle autonomie pédagogique ?</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175050/original/file-20170621-30205-tijy1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175050/original/file-20170621-30205-tijy1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175050/original/file-20170621-30205-tijy1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175050/original/file-20170621-30205-tijy1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175050/original/file-20170621-30205-tijy1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175050/original/file-20170621-30205-tijy1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175050/original/file-20170621-30205-tijy1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175050/original/file-20170621-30205-tijy1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La définition locale des horaires a été testée dans des sondages CSA en 2008, 2011 et 2014. Ce dispositif est essentiel pour l’autonomie pédagogique des établissements, puisqu’il permet la mise en place de semaines banalisées, d’enseignements en petits groupes, interdisciplinaires, sur projets… Mais il complexifie l’organisation de l’enseignement en multipliant les cours « en barrettes » (c.a.d. un créneau horaire sur lequel sont obligatoirement positionnés plusieurs enseignants), ce qui pose un problème pour les emplois du temps. La souplesse pour les élèves rigidifie donc les conditions de travail des professeurs.</p>
<p>Cela dit, comme les réformateurs considèrent que les professeurs devraient rester toute la semaine dans leur établissement et y accomplir leurs tâches de correction des copies et de préparation des cours, la notion même d’un emploi du temps calqué sur les heures de cours perdrait de son sens.</p>
<p>Sur le plan syndical, les résultats sont cohérents avec les positions des organisations : les proches du syndicat majoritaire, le SNES FSU sont plus hostiles (– 14 points par rapport à la moyenne en 2014) et ceux du SGEN-CFDT beaucoup plus favorables (+ 22 points).</p>
<p>Si la popularité de la définition locale des horaires est un peu plus grande que celle du principe d’autonomie, c’est l’inverse pour les femmes, en raison de l’incidence sur les emplois du temps. Avec la nouvelle norme présentéiste, les mères peuvent moins facilement concilier travail et vie de famille.</p>
<p>Un autre indicateur en atteste : 49 % des femmes refusent tout allongement du temps de présence obligatoire dans l’établissement, même avec des contreparties, contre 32 % des hommes (CSA, 2011). Les jeunes sont eux de plus en plus favorables à cette idée, ce qui s’explique peut-être par leur socialisation précédemment évoquée.</p>
<p>La question testée reste floue sur les modalités de décision, point décisif pour distinguer les adeptes de l’autogestion ou du management. Or, les sondages CSA de 2011 et 2014 ont également interrogé les professeurs en précisant cette fois que la définition des horaires serait opérée par la direction.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175051/original/file-20170621-4662-1dc0e62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175051/original/file-20170621-4662-1dc0e62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175051/original/file-20170621-4662-1dc0e62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175051/original/file-20170621-4662-1dc0e62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175051/original/file-20170621-4662-1dc0e62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175051/original/file-20170621-4662-1dc0e62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175051/original/file-20170621-4662-1dc0e62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175051/original/file-20170621-4662-1dc0e62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 4.</span>
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<p>L’impact de cette indication est spectaculaire, le taux d’approbation est divisé par 2 en 2014. La percée de la notion d’autonomie perceptible chez les jeunes enseignants de collège est alors infirmée. Globalement, l’autonomie pédagogique dirigée par le chef d’établissement recule même de 6 points en seulement trois ans. Le débat sur l’autonomie laisse donc apparaître un enjeu majeur : les relations entre professeurs et chefs d’établissement, objet de l’article suivant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79880/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Frajerman travaille pour l'Institut de recherches de la FSU. Il est membre du SNES-FSU.</span></em></p>Sans les enseignants, l’autonomie des établissements est illusoire. Une moitié réfute ce principe et l’autre est divisée sur ses modalités.Laurent Frajerman, Chercheur spécialiste de l'engagement enseignant, Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/745862017-06-12T20:12:49Z2017-06-12T20:12:49ZLes fonctionnaires territoriaux, tous fainéants, vraiment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173121/original/file-20170609-20824-16podxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bibliothécaires mobilisés pour les 30 ans de la de la médiathèque de Dourdan (Essonne), le 13 mai 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/121347518@N03/34635939726/">Ville de Dourdan/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Non, la souffrance au travail n’est pas réservée au secteur privé. Eh oui, on peut être salarié d’une collectivité locale et se retrouver en burn-out. Un exemple ? Bordeaux Metropole. Plus d’un an après que le lancement de la mutualisation des services entre la Métropole de Bordeaux et des communes voisines, un <a href="http://www.sudouest.fr/2017/04/26/ils-sont-stresses-is-oles-epuises-3397731-2780.php">rapport réalisé par un cabinet privé</a> atteste de l’état de fatigue avancé des agents, aussi bien chez les cadres que chez leurs subordonnés. En cause, un changement mené au pas de charge, sans prendre en compte les <a href="http://rue89bordeaux.com/2017/04/malaise-social-burn-out-agents-de-bordeaux-metropole/">implications sur le travail des employés</a> – ceux de la direction des ressources humaines comprises.</p>
<p>Les employés de mairie font pourtant rarement parler d’eux, à l’image de la fonction publique territoriale (FPT) dont ils relèvent. <a href="http://www.fonction-publique.gouv.fr/trois-versants-de-la-fonction-publique">Cette catégorie de fonctionnaires</a> regroupe des métiers aussi divers que jardinier, agent d’un service d’état civil, <a href="http://www.csfpt.org/rapports-publications/rapport-sur-les-atsem">Atsem</a> (aide de l’enseignant) en petite section de maternelle, cantonnier, auxiliaire de puériculture, responsable de production culinaire (pour les cantines) ou encore sapeur-pompier professionnel. Seuls les éboueurs en grève <a href="http://www.sudouest.fr/2016/07/01/bordeaux-metropole-greve-des-eboueurs-onze-jours-de-feuilleton-2420865-2780.php">font de temps en temps les gros titres dans les médias</a>.</p>
<p>Les agents territoriaux français sont pourtant exposés, comme les salariés du secteur privé, aux maux du travail. Les travaux menés dans la continuité de ma thèse montrent qu’eux aussi peuvent connaître un niveau élevé de fatigue, l’une des trois composantes du burn-out dans sa définition scientifique – avec le cynisme et la perte d’accomplissement personnel. En dépit de la fameuse « sécurité de l’emploi », le surmenage et les conflits latents avec la hiérarchie ou entre collègues peuvent les pousser à envisager de quitter leur employeur, comme nous l’avons montré <a href="https://hal-upec-upem.archives-ouvertes.fr/hal-01118014/file/2014%20Edey%20Gamassou%20Public%20Organization%20Review%20What%20drives%20personnel%20out%20of%20public%20organizations.pdf">dans notre étude publiée en 2014</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173122/original/file-20170609-20851-m4l2dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173122/original/file-20170609-20851-m4l2dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173122/original/file-20170609-20851-m4l2dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173122/original/file-20170609-20851-m4l2dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173122/original/file-20170609-20851-m4l2dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173122/original/file-20170609-20851-m4l2dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173122/original/file-20170609-20851-m4l2dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un jardinier aménage minutieusement un parterre, sous un parasol, dans le parc de la Tête d’or à Lyon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jahovil/4890790831/in/photolist-GQNKPh-HLwVKi-HLwUpx-HLwWUH-GQVqPZ-GQPdwq-HLwXTg-HEfNvH-HBSmfU-HEfeci-GQUpye-GQUmHe-HBSof5-HBSkeL-HBSZFW-vTtPEU-HLxhkg-HEf5or-AV5p7e-zUP33b-ASUJ33-AU6qwB-zUX3Uz-Ag8Shq-APxjDy-ARNsZ9-AQDGRs-N6yUUM-PZ8avK-PZ87DT-LEqvC3-71AFec-HBSJ8b-vVaPsQ-HHyAjQ-HLxxri-HBSjwd-HLwYnT-HBSjQ9-HBSmWJ-GQVhgM-nqGNKL-nsr1dz-nqo1A5-sWtEKn-aig4JH-8sbzHR-8oa2Mt-8gF2jA-6LeGDQ">JaHoVil/Flickr</a></span>
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</figure>
<p>Ce qui les fait tenir ? Leur motivation pour le service public, un concept étudié depuis un quart de siècle. Ou, dit autrement, leur souci de l’intérêt général. Au regard de mes études, pour certaines menées avec ma collègue de la Haute école d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud (Suisse) Céline Desmarais, on est bien loin de l’image de « fainéants », voire de « feignants », qui colle encore à la peau de ces fonctionnaires.</p>
<h2>Des changements managériaux à chaque élection</h2>
<p>Les agents territoriaux, ce sont près de 2 millions de personnes (soit plus du tiers des fonctionnaires) qui travaillent sous l’égide de plus de 50 000 employeurs, de la petite commune rurale à la région, en lien avec plus de 600 000 élus locaux. De nombreuses sources de difficultés au travail se combinent, à commencer par la double hiérarchie, administrative et politique. La FPT fait actuellement l’objet de restrictions budgétaires et d’une recherche de maîtrise accrue des effectifs. Ses agents sont directement confrontés aux demandes pressantes des publics en difficulté et à la montée des exigences d’administrés se comportant parfois comme des clients. Ils subissent des changements managériaux avec des élections tous les cinq ou six ans, des réformes voire des restructurations comme la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030985460&categorieLien=id">Nouvelle organisation territoriale de la République</a> (NOTRe) et la fusion des régions intervenue le 1<sup>er</sup> janvier 2016, ou la mutualisation de services intercommunaux.</p>
<p>Dans ce contexte, l’un des facteurs identifiés comme pouvant protéger ces agents de la souffrance au travail est leur motivation pour le service public. Dans la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2005-3-page-463.htm">définition proposée en 2005</a> par la Belge Annie Hondeghem et le Néerlandais Wouter Vandenabeelee, chercheurs en management public, il s’agit « d’une conviction, des valeurs et des attitudes qui dépassent l’intérêt personnel ou celui d’une organisation pour prendre en compte l’intérêt d’une entité politique plus vaste et qui induisent (…) une motivation pour tenir une conduite définie. »</p>
<p>Cette notion est étudiée depuis les années 1980 comme générant de la performance et des sentiments positifs par rapport au travail, dans le secteur public. Elle a été développée en réaction à une autre école, dite des choix publics, initiée au début des années 1960 par les économistes américains James Buchanan et Gordon Tullock, qui se focalise, elle, sur les motivations essentiellement financières des individus.</p>
<h2>Engagement pour l’intérêt public, compassion, abnégation…</h2>
<p>Nos travaux, publiés en 2012 <a href="https://pmp.revues.org/5375">dans la revue <em>Politiques et management publique</em></a>, ont quantifié pour la première fois les quatre dimensions de la motivation de service public chez des agents des collectivités locales françaises : attraction pour les politiques publiques, engagement pour l’intérêt public, compassion et abnégation. Les scores y sont comparables à ceux de 11 autres pays étudiés et s’échelonnent, pour ces différentes dimensions, entre 6,5 et 8,5 sur 10.</p>
<p>Néanmoins, nous avons identifié une forme de motivation de service public « à la française ». En effet, les agents français la vivent avant tout comme un attachement à des questions de principes en faveur de l’intérêt général, plutôt que comme un engagement d’individu à individu. De plus, ils accordent une place centrale à l’État.</p>
<p>Le niveau de cette motivation est aussi élevé chez les agents en position d’exécution que chez les cadres, selon notre étude publiée en 2014 <a href="http://hal.univ-grenoble-alpes.fr/hal-01132565">dans la <em>Revue internationale des sciences administratives</em></a>. L’une de nos recommandations vis-à-vis du management serait d’ailleurs de s’appuyer plus largement sur le désir d’être utile de leurs collaborateurs, en concevant les tâches de telle sorte que les agents voient davantage le résultat de leur travail sur les clients et les usagers.</p>
<h2>Pas de rempart absolu contre la fatigue</h2>
<p>Néanmoins, la motivation de service public n’est ni une garantie de bien-être, ni un rempart absolu contre la fatigue.</p>
<p>Dans une étude en attente de publication, mais dont les analyses <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01497175">sont disponibles en ligne</a>, nous avons mis en évidence des liens significatifs entre le niveau de fatigue et la surcharge de travail, les contraintes et les conflits latents mesurés dix-huit mois plus tôt. De façon surprenante, nous avons notamment observé qu’une surcharge de travail tend… à diminuer la fatigue, quand elle est accompagnée d’un soutien du supérieur.</p>
<p>Un autre facteur est associé à une diminution de la fatigue : un bon niveau de communication avec les élus et une communication de visu avec les collègues et les supérieurs. Cela apparaît dans une <a href="http://www.mnt.fr/wp-content/uploads/2013/09/Cahier_n7_OST_Impact_des_TNIC_sur_le_travail_des_agents_territoriaux_Aout_2013.pdf">autre étude que j’ai menée en 2013 pour l’Observatoire social territorial de la mutuelle nationale territoriale</a>.</p>
<h2>Les exécutants plus exposés à la fatigue que les cadres</h2>
<p>Par ailleurs, les exécutants (catégorie C) présentent des niveaux significativement plus élevés de fatigue que les cadres (catégorie A). Ces derniers, en revanche, sont proportionnellement plus nombreux à envisager de quitter la collectivité qui les emploie. Ces résultats traduisent une situation inégale entre ces deux catégories. Les subordonnés sont <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_SRPST_definitif_rectifie_11_05_10.pdf">plus exposés aux facteurs de risques psychosociaux</a> comme la charge de travail, l’absence ou le manque d’autonomie, ou encore la violence de la part du public. Les cadres, détenant plus de diplômes, bénéficient eux d’opportunités de mobilité plus nombreuses. <a href="http://rue89bordeaux.com/2017/04/malaise-social-burn-out-agents-de-bordeaux-metropole/">À Bordeaux Métropole</a>, ils seraient plus nombreux à avoir considéré utile de répondre au questionnaire sur leur état de santé adressé par le cabinet privé.</p>
<p>A l’issue de cette plongée dans une fonction publique mal connue, nous mesurons à quel point le sentiment de rendre service à la population peut se révéler fort chez les agents territoriaux. Un directeur des services techniques opérationnels d’une commune de montagne utilisant des chasse-neige le souligne dans notre enquête de 2014. « L’hiver, les agents attendent la neige avec impatience, c’est incroyable, souligne-t-il. Là ils se sentent vraiment utiles ! » <a href="http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RIGES_372_0065">La reconnaissance témoignée par les usagers</a>, visible dans des enquêtes qualitatives comme celle-ci, mériterait d’être étudiée aussi dans des enquêtes quantitatives.</p>
<h2>« Pas trop froid, assise à rien faire ? »</h2>
<p>L’image de fonctionnaires cherchant à en faire le moins possible <a href="http://www.slate.fr/story/128624/humour-fonctionnaires-rire">aurait-elle vécu</a> ? Les Français témoignent d’un grand attachement aux services de proximité, comme le montre l’<a href="http://www.ifop.com/media/poll/3692-1-study_file.pdf">enquête IFOP pour la MNT et SMACL Assurances</a> réalisée en mars 2017. Et ont globalement une bonne opinion des fonctionnaires territoriaux.</p>
<p>Pourtant, certains médias et responsables politiques continuent à véhiculer de tels préjugés, qui peuvent générer un sentiment de lassitude chez les agents territoriaux. Une employée de mairie en zone rurale nous avait ainsi livré un témoignage édifiant. Un administré lui avait lancé cette remarque purement gratuite : « En hiver, vous n’avez pas trop froid, assise à rien faire ? » Une politique adaptée de gestion des ressources humaines devrait veiller à encourager la reconnaissance du travail accompli de la part de l’encadrement mais aussi du public.</p>
<p>Ainsi, plusieurs leviers peuvent être actionnés efficacement pour prévenir la fatigue chez les fonctionnaires territoriaux, dont les effets ne sauraient être compensés par leur motivation personnelle pour le service public. Cela vaut dans une période de bouleversement majeur, comme à Bordeaux Métropole, mais aussi le reste du temps, quelle que soit la collectivité locale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74586/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Edey Gamassou a reçu des financements de la Mutuelle Nationale Territoriale.</span></em></p>Dans les communes, les départements ou les régions, certains agents atteignent un niveau élevé de fatigue, qui peut entraîner un burn-out. Lequel n’est pas réservé au secteur privé.Claire Edey Gamassou, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/781172017-05-22T18:56:09Z2017-05-22T18:56:09ZLe gouvernement Macron : en marche vers le management ou vers l’innovation publique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170317/original/file-20170522-25041-yzzy4e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La démocratie locale à l'épreuve des communs (Festival Le Temps des communs 2015) Revue de projets suivie d’un débat entre acteurs des communs, d’acteurs publics et de praticiens de l’innovation publique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sylviafredriksson/21911733829/in/photolist-cf21yj-r8WvvL-qc1TqG-qRrwgJ-r6JqtS-qRAKXc-r8Wvtm-qcegip-qRsYjW-r92EX4-r6Jqp3-r8SJYV-qRrvLW-pghLSj-pxKUeL-pghuvv-qcegmk-6FKy77-6FKyiU-6FKyd3-qc1TJC-r6Jqkq-qceg7H-qc1Tmy-r8SK4p-qRAKRa-r6Jq2Q-r92Ezv-bG83PP-pgisJF-zo9V7u-pgig7U-zFETsM-zEMmua-zDFi1b-pghuVt-yHKeuS-zogn5i-yHKd2S-zo9SHb-pghu8r-pvKovd-pghKzQ-zo9XLY-zo9W5m-zobkDm-zDFdBS-yHTPcV-yHK5M1-pxMFfD">Sylvia Fredriksson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><strong>« Vous avez le devoir d’inventer ! »,</strong> voilà à quoi Emmanuel Macron alors ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique avait exhorté les étudiants de <a href="http://bit.ly/2qGihai">Sciences Po en juillet 2015</a> pour la cérémonie de remise des diplômes de l’école.</p>
<p>De fait, les premiers signes de son quinquennat sont placés sous le sceau du management, présenté comme un élément de renouveau de l’action publique. Les futurs députés « En Marche ! » ont été investis sur la base d’un CV et d’un entretien puis réunis lors d’un séminaire de « cohésion » au musée du Quai Branly. Le gouvernement est composé de spécialistes de leur sujet, issus du monde de l’entreprise ou de la haute administration, cela a déjà été dit. La composition des cabinets ministériels qui vient d’être publiée est sur la même ligne : un nombre restreint de hauts fonctionnaires, choisis pour leurs compétences techniques ou sectorielles. Exit les professionnels de la politique, voici venir les managers de l’État.</p>
<p>Certains crient au scandale démocratique puisque beaucoup de ces personnels n’ont jamais été élus. On s’inquiète de l’invasion des pratiques du privé au sein de l’État. D’autres louent l’audace managériale du nouveau président de la République…</p>
<h2>Introduire du management dans l’action publique : est-ce vraiment nouveau ?</h2>
<p><strong>Non ce n’est pas nouveau.</strong></p>
<p>Dans les années 1980 (mais oui ! l’ère mitterrandienne) est apparu en France par diffusion du modèle anglo-saxon ce que l’on a appelé le <a href="http://bit.ly/2r8nGZh"><em>new public management</em></a>. En fait de nouveauté il s’agissait d’introduire dans l’action publique des outils issus de l’entreprise.</p>
<p>C’est ainsi que sont par exemple apparus le <a href="http://bit.ly/2r8aHXs">contrôle de gestion dans les universités</a>, la comptabilité à base d’activité <a href="http://bit.ly/2qGiASu">à l’hôpital</a> ou encore le <a href="http://bit.ly/2q8vlCo">marketing territorial</a>.</p>
<p>Depuis, un grand nombre de recherches, notamment en <a href="http://bit.ly/2qblsTC">sciences de gestion</a>, ont remis en cause la pertinence de cette <a href="http://bit.ly/2rHcEHk">transposition du privé au public</a> : critères inadaptés à un service (les soins palliatifs ne peuvent pas être évalués sur la rotation des lits) ; pression non gérée sur les ressources humaines ; instrumentation des outils de gestion (le culte de la performance donne du pouvoir à de nouvelles fonctions).</p>
<p>En particulier, il a été démontré que la mise en œuvre d’instruments comptables et financiers dans le secteur public traduit en réalité une vision sous-jacente de l’organisation et ne reconnaît pas la spécificité et la diversité <a href="http://bit.ly/2q1pym4">des missions publiques</a>.</p>
<p><strong>Oui cela peut être innovant… à condition d’être pensé dans un écosystème</strong></p>
<p>L’innovation publique est définie sur le site Internet du Secrétariat général pour la <a href="http://bit.ly/1s1w5BH">modernisation de l’action publique</a> comme</p>
<blockquote>
<p>« une administration en mouvement, qui promeut l’innovation dans les services publics, de la conception à la mise en œuvre des politiques publiques ».</p>
</blockquote>
<p>Elle est encore souvent appréhendée sous le prisme de l’innovation managériale appliquée au secteur public au niveau des outils et de l’organisation ce qui en limite, à la fois la pertinence et la portée comme nous venons de le voir.</p>
<p>En revanche, pensée en termes d’influence et de co-construction, l’introduction de management dans l’action publique peut être innovante.</p>
<p>Il s’agit en premier lieu d’optimiser l’influence des entreprises qui développent des stratégies politiques destinées aux décideurs publics. Certes, le lobbying inquiète pour ses dérives et a été récemment réglementé en France par la <a href="http://bit.ly/2r8roC3">loi Sapin 2</a>. Pourtant, ces stratégies privées peuvent impacter les politiques publiques… parfois de manière innovante.</p>
<p>Ainsi parmi les lauréats 2016 de l’observatoire national de l’innovation publique, <a href="http://bit.ly/2qNrvzT">Territoria</a>, figure la Mairie du 9<sup>e</sup> arrondissement de Paris (acteur public) qui a proposé à la fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) (acteur privé lié au secteur lucratif) une collaboration. Ces deux acteurs se sont entendus pour mener avec les riverains une action de développement durable visant à mettre en place un tri sélectif ou participer à la végétalisation de l’arrondissement.</p>
<p>Par ailleurs, les citoyens, de manière individuelle ou par le biais d’associations, vont être amenés à intervenir. Ils ne sont plus simplement des objets du management public mais également des sujets. Les théories de la réception de l’action publique montrent notamment des « ressortissants » [destinataires de la politique publique] peuvent être coproducteurs de l’action publique. Les territoires, propices à l’expérimentation sont parfois qualifiés de « hautement citoyens ».</p>
<p>Des réseaux d’acteurs et des outils existent pour favoriser cette démocratie locale. Il va sans dire qu’Internet et les réseaux sociaux catalysent l’intervention citoyenne dans la fabrique des politiques publiques en favorisant l’accès à l’information et la capacité de mobilisation de chacun.</p>
<p>La notion de <a href="http://bit.ly/2qNnlrV">design de service</a> est souvent utilisée pour caractériser l’<a href="http://bit.ly/2q8fIuN">intervention des usagers</a> dans le processus de <a href="http://bit.ly/2qGeTfj">co-construction</a> des politiques publiques. Par exemple pour la politique de la petite enfance, les parents sont impliqués dans la réforme de l’attribution des places en crèche à Orléans, via des ateliers de créativité que ne renierait pas une start-up.</p>
<h2>Et le déni de démocratie me direz-vous ?</h2>
<p>N’aurons-nous plus d’ouvrier à Matignon… ? Peut-être pas mais un ancien ouvrier passé par la formation continue c’est possible, un enfant d’ouvrier passé par l’école de la République c’est probable. C’est donc à la qualité de <a href="http://bit.ly/2qLX9zG">la formation</a> des managers publics qu’il faut s’intéresser à court terme ; à l’égalité des chances dans l’éducation nationale comme à la place de la formation continue dans l’enseignement supérieur qu’il faut s’atteler sur le plus long terme.</p>
<p>Madame la Ministre Frédérique Vidal, Monsieur le Ministre Jean‑Michel Blanquer, l’innovation publique de demain et d’après-demain est entre vos mains !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78117/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Madina Rival est responsable du master Prospective, Innovation et Management Public au Conservatoire National des Arts et Métiers.</span></em></p>Faut-il « manager » l’état comme une entreprise ? Réflexion sur les limites et les possibilités des modèles de la start-up et du « design thinking » adaptés aux missions de services publics.Madina Rival, Maître de conférences HDR, Sciences de Gestion, Innovation publique, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/775972017-05-22T18:55:44Z2017-05-22T18:55:44ZPodcast : la fonction publique au cœur des présidentielles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169004/original/file-20170511-32613-1ws6jtf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Conty Mairie</span> </figcaption></figure><p>The Conversation France s’associe aux étudiants de la Licence Information-communication de l’Université Paris 13 (pilotés par leur enseignante Judith Mayer) pour une série de cinq podcasts autour des relations entre médias et société. Dans ce quatrième podcast, Luc Rouban s’exprime sur le thème de la fonction publique et sur le rôle qu'il a joué pendant la campagne présidentielle. Cette série d’émissions sera également diffusée sur la webradio des étudiants, <a href="http://webradio.univ-paris13.fr/">Treizièm’onde</a>.</p>
<p><strong>Conception et montage</strong> : Laurent Dominique Haba et Basil Burte / <strong>Interview</strong> : Laurent Dominique Haba</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans ce podcast, Luc Rouban s’exprime sur le thème de la fonction publique et sur le rôle qu'il a joué pendant la campagne présidentielle.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/742132017-03-14T22:20:27Z2017-03-14T22:20:27ZLa question de la fonction publique au centre de la présidentielle 2017<p>La question de la fonction publique a pris une importance singulière dans la campagne de l’élection présidentielle de 2017. Elle a servi de marqueur politique à la droite et au centre pour signifier qu’un véritable tournant libéral allait être pris dans la réforme de l’État. Elle devient la variable d’ajustement pour réduire les dépenses publiques puisqu’elle en représente 23 % alors que les prestations et transferts sociaux – qui atteignent 56 % – sont plus délicats à sabrer en période électorale. De même, la charge de la dette et les dépenses d’investissement, qui en constituent 10 %, sont intouchables et les dépenses de fonctionnement, qui en forment également 10 %, ne peuvent être réduites indéfiniment sous peine de ne plus avoir de services opérationnels, comme on l’a vu <a href="https://theconversation.com/les-armees-face-au-risque-deffondrement-50038">pour l’armée</a>.</p>
<p>La lecture des programmes des candidats de la droite et du centre montre une convergence réelle des propositions. Il s’agit de réduire les effectifs : suppression de 500 000 postes de fonctionnaires en cinq ans, soit 10 % des 5,4 millions de fonctionnaires que compte la France pour François Fillon, suppression de 120 000 postes pour Emmanuel Macron. Mais il est également question d’abandonner ou de restreindre le statut général, de recruter des salariés du secteur privé dans les administrations, de modifier les rémunérations en les modulant davantage « au mérite ».</p>
<h2>L’option néolibérale de Macron</h2>
<p>Ces propositions se déclinent sur deux registres différents. Le premier, qui est plus particulièrement développé par Emmanuel Macron, est celui d’une option néolibérale afin de précariser la relation d’emploi au sein des fonctions publiques et de la rapprocher de ce qu’elle est dans le secteur privé, quitte à renforcer les recrutements dans certains secteurs prioritaires comme l’enseignement.</p>
<p>L’idée générale est donc de supprimer la garantie de l’emploi offerte par le statut ou, du moins, de recruter davantage sur la base de CDI de droit privé tout en laissant les opérateurs et les collectivités locales libres de leur politique de rémunération – ce qui, de fait, vient faire sauter les principes posés entre 1983 et 1986 lorsque les statuts des trois fonctions publiques furent établis.</p>
<p>Le second registre est celui du retour en force de l’État régalien à la suite des attentats terroristes de 2015. L’idée, partagée à droite et au centre, est de renforcer les effectifs de l’armée et de la police, soumis à des coupes claires durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.</p>
<p>Ce recentrage autour de l’État régalien réunissant de vrais fonctionnaires au statut protecteur au détriment d’une « périphérie » d’agents recrutés sur contrats et soumis au bon vouloir des gestionnaires locaux ne fait que reprendre un schéma qui avait cours avant-guerre dans les milieux conservateurs, et repris ensuite par le régime de Vichy, qui consistait à séparer les fonctionnaires « d’autorité » des fonctionnaires « de gestion ». En ce sens, la <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/informations/espace-presse/communiques-de-presse/cp000396-quel-avenir-pour-la-fonction-publique">réforme libérale en France</a> n’est jamais vraiment néolibérale en ce qu’elle conduit à préserver les élites de l’État des réformes managériales imposées aux autres.</p>
<h2>La fonction terroriale, la grande absente des programmes</h2>
<p>Du côté de la gauche, Benoît Hamon envisage de recruter 40 000 enseignants supplémentaires, de revaloriser le point d’indice, d’améliorer les conditions de travail à l’hôpital et de réformer l’ENA pour diversifier la haute fonction publique. Jean-Luc Mélenchon défend, de manière générale, les services publics et prône d’importants investissements budgétaires dans l’éducation ou la recherche.</p>
<p>Mais les programmes manquent d’une conceptualisation précise et de la politique originale de la fonction publique qui ont tant manqué aux divers gouvernements qui se sont succédé depuis 2012. Rien n’est dit sur la méritocratie, l’organisation des concours et des parcours professionnels, aucun projet élaboré n’est avancé pour modifier la décentralisation alors même que c’est bien la fonction publique territoriale qui a vu ses effectifs exploser : elle a augmenté de 33,5 % depuis 2003 alors que la fonction publique de l’État se rétractait de 11 %.</p>
<h2>Le FN rompt avec la posture anti-fonctionnaire</h2>
<p>La grande nouveauté de l’élection de 2017 tient à la place accordée par Marine Le Pen à la fonction publique dans ses « 144 propositions » : renforcement des forces de sécurité mais aussi de la fonction publique hospitalière, revalorisation du point d’indice, ouverture de la fonction publique à des seniors du privé par le biais de concours professionnels. Ce programme rompt complètement avec la politique poujadiste et anti-fonctionnaire développée par Jean-Marie Le Pen.</p>
<p>Le point central reste néanmoins la liaison effectuée par la candidate du FN entre le soutien apporté aux fonctionnaires, la protection des zones rurales ou péri-urbaines frappées par la disparition des services publics et la défense de la laïcité.</p>
<p>Cette association « parle » aux fonctionnaires très sensibles sur le terrain de l’égalité et dont les plus modestes, en contact avec les usagers, ont vu leurs conditions de travail se dégrader sensiblement. Il en résulte une percée électorale étonnante, Marine Le Pen atteignant les 30 % d’intentions de vote chez les fonctionnaires de catégorie C mais également 17 % chez les cadres À (hors enseignement).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160791/original/image-20170314-10755-9eibmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160791/original/image-20170314-10755-9eibmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160791/original/image-20170314-10755-9eibmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160791/original/image-20170314-10755-9eibmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160791/original/image-20170314-10755-9eibmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=256&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160791/original/image-20170314-10755-9eibmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=256&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160791/original/image-20170314-10755-9eibmc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=256&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Enquête électorale française vague 11 bis (mars 2017).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cevipof</span></span>
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<h2>Fillon peu crédible, Macron très flou</h2>
<p>On peut s’interroger sur le réalisme de certaines de ces propositions. La suppression massive des effectifs est peu populaire. <a href="https://www.enef.fr">L’enquête électorale du Cevipof</a> nous apprend que seuls 40 % des Français (dont 14 % « fortement » et 26 % « plutôt ») demandent la réduction du nombre de fonctionnaires car celle-ci se traduit concrètement par des services hospitaliers surchargés et des zones de non-droit.</p>
<p>Le programme de François Fillon paraît peu crédible lorsque l’on sait que l’État n’a de pouvoir direct que sur son propre personnel, les effectifs de la territoriale étant sous le contrôle indépendant des collectivités locales qui disposent constitutionnellement du droit de libre administration. Comme ce programme a écarté l’idée de toucher aux forces de sécurité, puis plus récemment à la fonction publique hospitalière, il faudrait réduire de près de moitié la fonction publique de l’État. L’autre solution est de s’engager dans une négociation fort longue et complexe avec les élus locaux qui exigeront des contreparties fiscales ou budgétaires.</p>
<p>Le programme d’Emmanuel Macron reste, de son côté, très flou sur les secteurs ou les postes qui seraient ouverts à la contractualisation et on peut douter qu’une telle réforme ait la moindre chance de réussir si on ne la généralise pas. Mais si c’est le cas, on peut s’attendre à une réaction virulente des syndicats dont l’existence ne semble pas perturber les candidats dans leurs projets grandioses.</p>
<p>Du côté de la gauche, on n’a sans doute pas pris la mesure du vote FN chez des fonctionnaires en situation d’anomie qui attendent des normes claires en matière de laïcité et de méritocratie ou un renforcement du service public qui ne se réduise pas à de nouveaux recrutements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réductions d’effectifs à droite, défense des fonctionnaires à gauche : au-delà des propositions des uns et des autres, un manque cruel d’imagination apparaît dans les programmes des candidats.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/741852017-03-14T22:20:17Z2017-03-14T22:20:17ZLe vote enseignant pour Macron, un problème d’offre politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/160587/original/image-20170313-9613-ifbtjm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation à Paris, en janvier 2016.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marsupilami92/24353063870">Patrick Janicek/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans leur bastion enseignant, les candidats se réclamant explicitement de la gauche sont à un niveau d’intentions de vote <a href="https://www.enef.fr/les-notes/">historiquement faible</a> : 42 %, dont 25 % seulement pour le candidat socialiste, Benoît Hamon. Emmanuel Macron réalise une percée (29 %) qu’il est difficile d’identifier politiquement (centre gauche, centre droit, autre ?).</p>
<p>Plutôt que d’en déduire une droitisation, nous assistons à un scénario de dissonance, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2007-3-page-343.htm">comparable à celui de 2007</a>, lorsque 9 % des enseignants, se classant eux-mêmes à gauche, avaient voté pour François Bayrou. Une partie de la « gauche désabusée », qui domine le milieu, est prête à un vote paradoxal pour faire entendre son bilan du quinquennat.</p>
<h2>Un électorat bien ancré dans les valeurs de gauche</h2>
<p>Le rapport des enseignants à la cité se caractérise par le triptyque sursyndicalisation-surconflictualité-politisation à gauche. Les enseignants sont, bien sûr, impactés par le mouvement de fond de désaffection envers l’action politique, mais en conservant une orientation plus « progressiste ».</p>
<p>Un enseignant fait en moyenne 4,5 fois plus grève que le salarié d’une entreprise. Au niveau du pays, les enseignants représentent à eux seuls le quart des jours de grève en 2013. Le taux de syndicalisation est de 29 % (dont plus de la moitié pour la seule FSU), à comparer avec les 11 % de l’ensemble des salariés.</p>
<p>Les enseignants marqués à droite ou au centre droit constituent une minorité silencieuse, ils vivent dans un univers normé par l’action syndicale. La force d’entraînement des syndiqués est incomparable, car ils se situent au cœur de l’identité enseignante. D’autant que les enseignants qui s’intéressent le plus à la politique sont également les plus marqués à gauche.</p>
<p>Quand on demande aux enseignants de se classer eux-mêmes sur l’axe gauche-droite, ils sont aujourd’hui 63 % à choisir la gauche. L’écart est d’environ 20 points avec le reste de la population. C’était déjà le cas en 1978 ! Sur le long terme, on ne constate donc aucune tendance au recul de la gauche, mais de simples oscillations conjoncturelles.</p>
<p>Autre indicateur : les jeunes professeurs des écoles, malgré l’élévation de leur origine sociale, affichent toujours des valeurs de gauche.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159746/original/image-20170307-14941-17hl33o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159746/original/image-20170307-14941-17hl33o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159746/original/image-20170307-14941-17hl33o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159746/original/image-20170307-14941-17hl33o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159746/original/image-20170307-14941-17hl33o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159746/original/image-20170307-14941-17hl33o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159746/original/image-20170307-14941-17hl33o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une vision positive de valeurs clivantes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Observatoire SNUipp-FSU</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’idée de révolution induit une rupture radicale avec le système économique et social, elle est associée à l’imaginaire de gauche. Sa popularité chez les enseignants est significative, d’autant que l’altermondialisation est majoritaire. Du côté des valeurs de droite, le capitalisme est autant impopulaire que sa valeur centrale, le profit. Ces valeurs sont nettement minoritaires, de manière durable.</p>
<p>En revanche, sur le plan électoral, si la gauche est toujours majoritaire, le vote enseignant se révèle assez volatil, au bénéfice épisodique du centre. En 2015, les listes de gauche aux élections régionales avaient encore obtenu 62 % des voix enseignantes. L’abstention suffit-elle à expliquer, comme on le voit sur le graphique ci-dessous, une chute de 20 points en deux ans ?</p>
<p> </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159747/original/image-20170307-14976-1ltp7c2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159747/original/image-20170307-14976-1ltp7c2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159747/original/image-20170307-14976-1ltp7c2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159747/original/image-20170307-14976-1ltp7c2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159747/original/image-20170307-14976-1ltp7c2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159747/original/image-20170307-14976-1ltp7c2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159747/original/image-20170307-14976-1ltp7c2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Intentions de vote des enseignants au premier tour des élections présidentielles.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>De la difficulté d’interpréter le phénomène Macron</h2>
<p>L’écart entre le positionnement à gauche et les actuelles intentions de vote révèle un phénomène de dissonance, caractéristique d’une période de grande fluidité des comportements électoraux. Le phénomène Emmanuel Macron a donc des antécédents historiques, principalement celui de François Bayrou en 2007. Leur argumentaire est comparable comme leur impact sur les enseignants. Le recul du clivage gauche-droite permet sous certaines conditions de soutenir un candidat du bord opposé au sien, tout en conservant son système de valeurs. Ainsi, François Bayrou avait mis l’école au cœur de son projet et valorisé les enseignants, alors que Ségolène Royal tenait des propos culpabilisants.</p>
<p>Aujourd’hui, le score très élevé chez les enseignants promis à Emmanuel Macron (29 %) diminue mécaniquement celui des candidats estampillés de gauche. Il faut donc comprendre ce que ses électeurs veulent exprimer. Exercice délicat. Soit on choisit d’insister sur le programme du candidat pour les classer au centre droit, et alors l’idée de droitisation s’impose.</p>
<p>Soit on remarque que chez les enseignants, le vote centriste n’est fort que lorsqu’il bénéficie de l’apport d’une sensibilité de centre gauche, voire de gauche. C’est le cas d’entre 40 à 60 % <a href="http://institut.fsu.fr/2017-les-enseignants-glissent-ils-au-centre-Laurent-Frajerman.html">des électeurs potentiels d’Emmanuel Macron</a>. Ce qui représente au moins 12 % des enseignants qui peuvent être additionnés à la gauche. Dans ce cas, le potentiel électoral de la gauche atteint environ 54 %, soit un score voisin de celui de 2002, après la déception provoquée par un autre pouvoir de gauche.</p>
<p>Finalement, pour affecter le score des candidats centristes à un camp, on dispose d’un juge de paix : le second tour, lorsque les électeurs sont sommés de trancher entre droite et gauche. Or en 2007, alors que les candidats de gauche n’avaient recueilli que 50 % des voix enseignantes au premier tour, Ségolène Royal a atteint 71 % des voix au second tour.</p>
<h2>Modérés, mais pas libéraux</h2>
<p>Pour l’instant, Emmanuel Macron profite du vote utile. Ce type de vote est d’autant plus fort qu’il découle de la possibilité qu’a le fonctionnaire d’État d’influencer les choix de son employeur par l’élection. Argument ultime du PS, il explique en bonne partie le relatif bon score de Ségolène Royal en 2007, 31 % et surtout celui des listes PS aux élections régionales de 2015 (43 % en pleine mobilisation contre la réforme du collège). Le vote utile peut, cette fois, inciter des enseignants ancrés à gauche à faire le choix tactique d’Emmanuel Macron pour contrer à la fois François Fillon et Marine Le Pen.</p>
<p>Toutefois, l’arithmétique politique est trompeuse, car elle implique des individus rationnels. Or se positionner au centre est rarement l’indice d’un fonds idéologique structuré, mais plutôt d’une indécision, d’un rapport à la politique indexé à la personnalité des candidats plus qu’aux partis. Le vote centriste touche des enseignants qui n’attachent plus d’importance au critère laïc, lequel creusait autrefois un fossé entre la gauche et la droite. Mais ils sont attachés aux acquis sociaux, au statut de la fonction publique, au rôle de l’État. Ils restent à distance du discours syndical dominant, sans le rejeter et en participant aux grandes actions collectives.</p>
<p>Bref, ils sont modérés, mais pas libéraux. Le positionnement d’Emmanuel Macron sera donc déterminant (statut des fonctionnaires, jour de carence, retraite, etc.). Sera-t-il identifié comme un banquier ou comme le porteur du renouvellement de la vie politique ?</p>
<h2>Deux réformes phares du quinquennat menacées</h2>
<p>Que l’on regarde les valeurs dominantes – l’auto-positionnement, la conflictualité ou le rapport au syndicalisme –, les enseignants constituent donc nettement un groupe social de gauche. Si la gauche est à la peine dans les intentions de vote enseignant, cela provient d’un problème d’offre plus que de demande.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160588/original/image-20170313-9620-1o9317m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160588/original/image-20170313-9620-1o9317m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160588/original/image-20170313-9620-1o9317m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160588/original/image-20170313-9620-1o9317m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160588/original/image-20170313-9620-1o9317m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160588/original/image-20170313-9620-1o9317m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160588/original/image-20170313-9620-1o9317m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Najat Vallaud-Belkacem, davantage populaire dans l’opinion que chez les enseignants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane De Sakutin/AFP</span></span>
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<p>D’un côté, l’absence d’unité entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon bloque toute dynamique. De l’autre, de nombreux enseignants veulent exprimer à la fois leurs valeurs de gauche, leur pragmatisme et leur mécontentement envers le Parti socialiste. L’Éducation nationale représente l’un des rares domaines dans lequel le candidat du PS assume le bilan.</p>
<p>Or Emmanuel Macron propose désormais de retoucher les deux réformes phares qui avaient suscité de vives critiques (les rythmes scolaires pour le premier degré et le collège pour le second). Si Najat Vallaud-Belkacem conserve une solide cote de popularité auprès des Français, 77 % des enseignants sont mécontents de leur ministre. Son soutien à Benoît Hamon n’est pas sans risque pour le candidat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74185/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Frajerman travaille pour l'Institut de recherches de la FSU. Il est membre du SNES-FSU. </span></em></p>Les candidats se réclamant de la gauche sont à un niveau d’intentions de vote historiquement bas. Une partie de la « gauche désabusée » est mûre pour un vote paradoxal.Laurent Frajerman, Spécialiste de l'engagement enseignant (histoire et sociologie) Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.