tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/gastronomie-32489/articlesgastronomie – The Conversation2024-03-17T15:34:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2212792024-03-17T15:34:05Z2024-03-17T15:34:05ZComment le Guide Michelin rebat les cartes des restaurants qu’il récompense<p>Le 6 mars 2023, quelques minutes après 10 heures du matin, les lumières du Palais de la musique et des congrès de Strasbourg s’éteignent. Un compte à rebours, sur un air très martial, annonce l’ouverture officielle de la cérémonie des étoiles. Plus de 600 chefs, vêtus de leurs uniformes immaculés, remplissent l’amphithéâtre, attendant avec impatience l’annonce des nouvelles <a href="https://theconversation.com/topics/etoiles-21189">étoiles</a> <a href="https://theconversation.com/topics/michelin-78362">Michelin</a>.</p>
<p>Après une brève allocution du président du Conseil général d’Alsace, Gwendal Poullenec, directeur international du Guide Michelin, entre en scène. Il annonce qu’un message très spécial va être diffusé. Le président de la République Emmanuel Macron apparaît sur un écran géant. Il fait l’<a href="https://www.bfmtv.com/politique/ceremonie-du-guide-michelin-emmanuel-macron-affirme-se-tenir-aux-cotes-de-ceux-qui-nourrissent-la-france_VN-202303060238.html">éloge du Guide Michelin</a>, « bible de notre <a href="https://theconversation.com/topics/gastronomie-32489">gastronomie</a> », et félicite les chefs pour leur contribution au monde culinaire et à la société dans son ensemble :</p>
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<p>« Les restaurants, qu’ils soient grands ou petits, créent de la vie. »</p>
</blockquote>
<p>Malgré la longueur du discours et l’impatience croissante de l’auditoire, l’excitation est palpable, car ces professionnels attendent le dévoilement des prestigieux prix.</p>
<p>Ce moment fort se rejoue ce <a href="https://www.lefigaro.fr/gastronomie/guide-michelin-2024-ou-et-quand-aura-lieu-la-ceremonie-des-etoiles-20230911">lundi 18 mars à Tours</a>, date à laquelle le destin de quelques établissements pourra radicalement changer, les catapultant vers de nouveaux sommets de prestige et de succès. Toutefois, un tel succès peut également s’accompagner d’une pression et d’une insécurité immenses, comme le montre l’histoire de <a href="https://foodandsens.com/made-by-f-and-s/chefs-on-parle-de-vous/marco-pierre-white-le-rebelle-de-la-cuisine-le-bad-boy-genial-la-rock-star-des-fourneaux/">Marco Pierre White</a> qui, en 1999, rend ses trois étoiles, suivi par d’autres chefs, en invoquant la pression insupportable subie pour maintenir le statut d’élite que tant s’efforcent d’obtenir.</p>
<h2>Des menus qui se transforment</h2>
<p>Le statut est une force puissante dans le monde des affaires, promesse d’une visibilité accrue, d’un accès facilité à des ressources et d’avantages en termes de performances. La nature instable et très visible des hiérarchies de statut peut cependant également être une source d’insécurité pour ceux qui se retrouvent au sommet. Elle peut conduire à des actions compensatoires et à des tentatives de se conformer aux attentes associées à une position élevée. Dans une <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/mnsc.2021.4210">étude récente</a>, nous avons examiné comment les organisations qui subissent un choc de statut positif réagissent à leur nouvelle position. Nous nous sommes plus particulièrement concentrés sur la sortie de la première édition du Guide Michelin pour la ville de Washington, à l’automne 2016.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"785087938774245377"}"></div></p>
<p>Le nouveau guide avait pour but de positionner la capitale américaine comme une destination gastronomique de premier plan. Avant sa publication, la ville souffrait de la réputation d’être avant tout le temple de <em>steakhouses</em> démodés. Grâce à la publication du guide le 13 octobre 2016, Washington est devenu à l’époque la quatrième ville américaine, après New York, San Francisco et Chicago, à la carte du prestigieux guide, club qui s’est élargi depuis. Cette inclusion s’est accompagnée d’une augmentation soudaine et positive du statut des restaurants sélectionnés, les propulsant dans l’élite de l’industrie au niveau mondial.</p>
<p>Nous avons analysé les menus des restaurants et leur évolution avant et après la publication du Guide Michelin. Leurs cartes fournissent en effet des informations riches et précieuses sur la façon dont se conçoivent les établissements. Ils constituent le principal outil de communication entre le professionnel et ses clients : ils présentent ses offres culinaires, ses prix et ses arguments de vente différenciants. Les menus reflètent les choix effectués par les gérants et les chefs, choix qui peuvent être influencés par la perception qu’ils ont de leur position dans le secteur.</p>
<p>Nous avons comparé les 106 restaurants récompensés à Washington en comparant leurs trajectoires à celles de deux autres groupes : les non récompensés de la ville qui remplissaient les conditions minimales pour entrer dans le guide (143 restaurants) et ceux d’une ville comparable (Boston) où Michelin n’est pas présent sélectionnés sur la base du type de cuisine, du niveau de prix et de l’évaluation Yelp moyenne (106 restaurants).</p>
<p>Trois changements principaux ont été observés dans les menus des néo-récompensés. Premièrement, ils ont modifié les caractéristiques descriptives de leurs menus afin de les aligner sur les attentes associées aux restaurants de haut niveau. La longueur des descriptions des plats a augmenté de 10 % et la moitié des références à la taille des portions avaient disparu. Deuxièmement, ces restaurants ont mis l’accent sur l’authenticité, caractéristique des restaurants d’élite : les références aux techniques de cuisson ont augmenté de 20 % et l’utilisation d’ingrédients biologiques, d’origine locale ou produits par de petits producteurs a été mise en avant. Enfin, les restaurants ont adapté leur stratégie de prix, principalement en augmentant les prix de leurs menus d’environ 5 %, ce qui témoigne d’une prise de conscience de la valeur qu’ils créent pour leurs clients.</p>
<h2>Justifier son statut</h2>
<p>La tendance à effectuer ces changements, fait notable, était plus marquée dans les restaurants qui figuraient dans le guide sans pour autant avoir reçu d’étoiles. Comme si ceux qui n’étaient pas en tête du classement ressentaient un plus grand besoin de justifier leur statut élevé. Nous avons aussi examiné comment la position d’un établissement (établie à partir des évaluations des critiques locaux) avant le choc de statut influençait les modifications des attributs de l’autoprésentation. Contrairement aux attentes, les restaurants jouissant d’un statut antérieur élevé, qui auraient dû être moins soucieux de montrer leur valeur, ont aussi mis l’accent sur les attributs liés à l’authenticité et à la valeur.</p>
<p>L’étude suggère également que les changements ne concernaient pas que la présentation de soi mais également des modifications matérielles dans les activités : changements dans les techniques de cuisson ou dans l’approvisionnement en ingrédients par exemple. Toutefois, les données disponibles ne nous ont pas permis de confirmer avec certitude l’ampleur des changements opérationnels.</p>
<p>On voit ici combien il est complexe de naviguer dans des positions de haut rang. Dans le contexte de l’industrie de la gastronomie, l’insécurité liée au fait de conserver son étoile d’année en année peut conduire à des changements dans la présentation de soi et, éventuellement, à des ajustements opérationnels.</p>
<p>D’autres de nos recherches soulignent l’impact de l’évolution des hiérarchies et des évaluations de statut dans d’autres secteurs à la fois sur les organisations et sur les individus. Toutes soulignent l’importance de bien appréhender, pour des dirigeants d’entreprises, les implications des chocs de statut afin d’en tirer le positif pour naviguer dans un paysage commercial dynamique et compétitif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221279/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Saverio Favaron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Recevoir une étoile au Michelin est-il une si bonne nouvelle pour un chef ?Saverio Favaron, Assistant Professor of Strategy, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2236912024-02-20T14:41:38Z2024-02-20T14:41:38ZPourquoi la bière mousse-t-elle moins quand on penche le verre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576743/original/file-20240220-28-8ualqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3982%2C2658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faire couler la bière le long du verre : est-ce vraiment une bonne idée ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/personne-remplissant-du-verre-transparent-avec-du-liquide-8T5UAV6KkZA">Bence Boros / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure>
<p><em>Chaque semaine, nos scientifiques répondent à vos questions.</em></p>
<p><em><a href="https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdior67a7Z5bsoJKoMtltxJ-q9EUW1WneDbrNIWpNZUMJsxkA/viewform">N'hésitez pas à nous écrire</a> pour poser la vôtre et nous trouverons la meilleure personne pour vous répondre.</em></p>
<p><em>Et bien sûr, les questions bêtes, ça n'existe pas !</em></p>
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<p>La mousse, c’est de la physique et de la chimie. La physique d’abord, car il s’agit d’un état de la matière bien particulier, fait de bulles de gaz dispersées dans un liquide ; de la chimie aussi, car pour que ces bulles « tiennent », il leur faut un allié, que l’on appelle « tensioactif » et qui peut être de nature chimique très variée. En cuisine, on rencontrera souvent des lécithines et des protéines qui feront très bien l’affaire pour créer les traditionnels soufflés, meringues, ou encore les fameuses écumes récemment à la mode sur nos assiettes.</p>
<p>Car pour qu’il y ait mousse, il faut non seulement des bulles mais aussi, et surtout, qu’elles soient suffisamment stables pour se tasser les unes contre les autres sans éclater. Ainsi, les sodas gazeux tout comme les vins dits « mousseux » révèlent leur effervescence dès qu’on ouvre la bouteille, libérant sous forme de bulles le gaz carbonique (CO<sub>2</sub>) qui y était dissous : ça « mousse » alors en effet… et de nouveau quand on verse la boisson dans le verre… mais cette mousse disparaît quasi instantanément !</p>
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<p><em>Pour satisfaire votre curiosité :</em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/comment-un-bebe-peut-il-apprendre-deux-langues-en-meme-temps-225929">Comment un bébé peut-il apprendre deux langues en même temps ?</a></em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/pourquoi-a-t-on-des-courbatures-apres-une-seance-de-sport-221643">Pourquoi a-t-on des courbatures après une séance de sport ?</a></em></p>
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<p>Alors, la bière, qu’a-t-elle de « plus » que ces boissons pour permettre à ses bulles de rester longuement en surface, formant ce fameux col blanc dont se délectent les amateurs ? Des tensioactifs ! En effet, les protéines du malt d’orge ainsi que l’isohumulone (une molécule issue de la dégradation, lors de la fermentation, de la lupuline apportée par le houblon) entourent les bulles lors de leur remontée, formant comme un manteau protecteur qui leur permet de se tasser les unes contre les autres… avant de finir, quand même, par éclater au bout de plusieurs minutes.</p>
<p>Maintenant que l’on a compris la chimie, comment faire en sorte de « contrôler » le volume de mousse ? En revenant à la physique : car plus le liquide sera agité, plus le volume de gaz libéré sera important. C’est pourquoi une bière servie de haut dans le verre fera beaucoup de mousse, alors qu’en la faisant couler très doucement (et donc sans choc) le long du verre, la mousse restera mince. Est-ce pour autant une bonne idée de procéder ainsi ? Par forcément, car tout le gaz qui n’aura pas été libéré lors du service le sera… par l’agitation dans votre estomac ! C’est d’ailleurs pour la même raison qu’il n’est pas recommandé de boire directement à la bouteille. Dans les deux cas, ballonnements assurés lors de la digestion !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Lavelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vous avez certainement déjà remarqué que la bière mousse moins si l’on penche le verre. Mais ce n’est pas forcément conseillé de procéder ainsi.Christophe Lavelle, Chercheur en biophysique moléculaire, épigénétique et alimentation, CNRS UMR 7196, Inserm U1154, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197312023-12-18T19:02:52Z2023-12-18T19:02:52ZBienvenue dans l’ère de la haute pâtisserie<p>La pâtisserie, douceur réconfortante et régressive aux effluves d’enfance, c’est ce « péché mignon », qui n’a pas vocation à nous nourrir mais à faire plaisir. En ces temps de morosité et d’inquiétude, le gâteau promet une parenthèse de légèreté.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/la-revanche-sucree-des-patissiers-216546">La pâtisserie française, forte de trois siècles de tradition et de pratiques</a>, est devenue une référence mondiale, maîtrisée par des artisans d’excellence. Elle a même accédé ces dernières années au statut de produit de luxe. Mais un luxe qui reste abordable comparé au coût d’un dîner dans un restaurant étoilé, un plaisir accessible. En quelques années seulement, la pâtisserie française a atteint un niveau esthétique et gustatif de plus en plus raffiné, à tel point que l’on parle de « haute pâtisserie » comme on parle de haute couture. Mais quels en sont les codes, les origines, et comment s’explique le succès de ces pâtisseries d’exception ?</p>
<h2>Pierre Hermé, inventeur du concept de haute pâtisserie</h2>
<p><a href="https://podcasts.apple.com/fr/podcast/lenvers-du-dessert/id1513906733?i=1000535398502">Pierre Hermé</a> a été le premier pâtissier en France à s’associer, dès 1993, à l’architecte designer <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yan_Pennor%27s">Yan Pennor’s</a>, auquel il demande une forme simple et spectaculaire pour son gâteau au chocolat au lait. C’est ainsi que naît l’emblématique « cerise sur le gâteau ».</p>
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<p>En 1997, il fonde avec l’ancien publicitaire et expert en communication Charles Znaty ce qui deviendra le groupe <em>Pierre Hermé Paris</em>. Leur idée est alors de créer une marque de luxe dans le domaine de la pâtisserie, où cela n’existe pas. A l’époque, personne ne croit en ce concept. C’est ainsi que celui qui, au départ, n’aimait pas les macarons va en faire son produit phare. Il le réinvente, moins sucré, introduit de nouveaux goûts, souvent de saison, associe des textures et des saveurs très originales pour l’époque, par exemple le mariage de la framboise et du litchi avec des pétales de roses dans son désormais iconique <em>Ispahan</em>, travaille sur les doubles garnitures, sur les inclusions comme le chocolat à la fleur de sel, et crée ainsi, année après année, de nouvelles associations.</p>
<p>Pour celui que le magazine <em>Vogue</em> a surnommé « le Picasso de la pâtisserie » et qui est aujourd’hui l’un des plus reconnus de sa profession, y compris à l’étranger, le goût est essentiel. Il a ainsi simplifié l’apparence des gâteaux, enlevé tous les décors inutiles afin de se concentrer sur les émotions procurées par les saveurs et les textures.</p>
<p>Pierre Hermé a ainsi révolutionné la pâtisserie en modifiant ses codes et en y transposant ceux de la mode. C’est à lui que l’on doit les termes de collection, de ligne, de lancement. Il est <a href="https://youtu.be/1qVKuqyhO3w?si=68RKMYAqyjjjHJ2F">l’inventeur du concept de « haute pâtisserie »</a>, repris depuis par de nombreux chefs pâtissiers, de Christophe Michalak à Cyril Lignac jusqu’à Yann Couvreur et Nina Métayer. Or ce concept repose sur des codes très précis.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/C0Tycg0izrn/?img_index=1","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Produits de qualité, esthétique et service</h2>
<p>Si les premiers éléments déjà évoqués sont la créativité dans les goûts, les formes et les textures, en haute pâtisserie la qualité des produits est désormais primordiale. En effet, face à des consommateurs de plus en plus avertis et <a href="https://www.lemonde.fr/m-gastronomie/article/2016/10/14/les-dessous-de-la-patisserie-de-luxe_5013853_4497540.html">demandeur de transparence dans un secteur qui ne l’était pas toujours</a> (concernant la quantité de sucre, de gras, de colorants), les pâtissiers mettent davantage en lumière la provenance de leurs matières premières et les ingrédients qu’ils utilisent. Nina Métayer explique ainsi qu’elle connaît l’origine de sa farine et de son beurre ainsi que les artisans avec lesquels elle travaille, tandis que Jessica Préalpato précise qu’elle évite au maximum la crème, le beurre, les mousses et le sucre afin de proposer des produits de saison travaillés dans leur totalité, de la façon la plus brute possible.</p>
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<p>Ensuite, l’esthétique est un élément clé, car la pâtisserie se déguste d’abord avec les yeux. L’environnement dans lequel les gâteaux sont proposés joue donc un rôle essentiel. C’est ainsi que dans des boutiques, qui peuvent vendre simplement un monoproduit comme c’est le cas avec les <em>Eclairs de Génie</em> de Christophe Adam, le minimalisme règne, aussi bien en termes de design que de couleurs. Peu de produits sont présentés, parfois sous des cloches en verre, tels de véritables bijoux à déguster, par exemple à la <em>Pâtisserie des rêves</em> de Philippe Conticini.</p>
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<p>Une fois ces petits bijoux choisis, ils sont disposés dans des emballages sublimes – semblables à des écrins – qui ont souvent été imaginées par des artistes. Cet emballage-écrin fait partie intégrante de l’expérience haut de gamme. C’est un canal de communication à part entière et il est même souvent le support d’une image de marque clairement identifiable, par exemple le renard de Yann Couvreur. Enfin, la haute pâtisserie implique aussi un service de qualité. Comme dans toutes les boutiques de luxe, les vendeurs se doivent d’être aux petits soins pour leurs clients.</p>
<h2>La haute pâtisserie 2.0</h2>
<p>Depuis l’avènement des réseaux sociaux, la haute pâtisserie, si séduisante visuellement, est visible partout sur le web. Les représentants de la nouvelle génération de pâtissiers de luxe (parmi lesquels on retrouve Cédric Grolet, François Perret, <a href="https://www.instagram.com/amauryguichon/">Amaury Guichon</a>, <a href="https://www.instagram.com/ninametayer/">Nina Métayer</a> ou Jessica Préalpato) ont intégré dès leurs débuts ces nouveaux codes et offrent une signature travaillée, un « storytelling », une mise en scène de leur travail ou de leur vie personnelle.</p>
<p>Avec Instagram en particulier, créer un nouveau bijou sucré signifie songer à son nom, sa photogénie, son pouvoir de séduction. La communication digitale apporte ainsi une formidable visibilité, et est devenue un atout de croissance fondamental, car elle permet de fidéliser la clientèle et d’atteindre de nouveaux publics.</p>
<h2>Les limites ont-elles été dépassée ?</h2>
<p>La pâtisserie de luxe n’a jamais autant été mise en avant qu’aujourd’hui. Et pourtant l’offre reste très parisienne, malgré une renommée mondiale. Pour déguster ces petits bijoux, les clients venus du monde entier sont prêts à patienter dans de longues files d’attente et à y mettre le prix (une bûche signature d’un grand chef pâtissier coûte entre 90 et 200 euros).</p>
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<p>Mais cet univers est aussi devenu très concurrentiel et pour se démarquer il faut parfois <a href="https://theconversation.com/faire-le-mauvais-buzz-sur-les-reseaux-sociaux-ca-vous-tente-voici-comment-214317">« faire le buzz »</a> sur les réseaux sociaux. Au point même de provoquer, de créer un sentiment de rejet plutôt qu’une attirance visuelle. C’est le sujet de la polémique qui a eu lieu suite aux photos de la dernière bûche de Noël du très <a href="https://youtu.be/L9nj1s-VbUY?si=wXMEcdC7f0clb-WR">célèbre chef pâtissier Cédric Grolet</a>, vendue au prix de 95 euros. Nommée « Bonhomme des neiges » cette bûche été moquée pour son aspect assez basic, très éloignée de ses gâteaux raffinés en trompe-l’œil qui ont fait la renommée du grand pâtissier. La surmédiatisation de la pâtisserie de luxe ne risque-t-elle pas, à terme, de lui faire du tort et de la détourner de ses intentions premières ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219731/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pâtisserie française, forte de trois siècles de tradition et de pratiques, a accédé ces dernières années au statut de produit de luxe, et créé de nouveaux codes.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165462023-12-06T17:41:41Z2023-12-06T17:41:41ZLa revanche sucrée des pâtissiers<p>Depuis une dizaine d’années, et tout particulièrement depuis l’avènement des réseaux sociaux, les pâtissiers attirent le grand public et font parler d’eux. Ils misent de plus en plus sur les médias, les réseaux sociaux et le marketing pour cultiver la dimension « cool » voire « sexy » de la pâtisserie – si photogénique – et pour être reconnus en France et à l’international. C’est ainsi que sur <em>Instagram</em> Cédric Grolet est suivi par 8,8 millions de « followers », Cyril Lignac 3,3 millions, Christophe Michalak 1 million, Yann Couvreur près de 500 000, Nina Métayer 265 000, Claire Heizler 184 000 et Jessica Prealpalto près de 100 000. Leurs créations, qui mettent nos cinq sens en éveil, nous offrent des parenthèses régressives et réconfortantes dans un quotidien souvent anxiogène.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CdOQdKSLcSu/ ?img_index=1","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ces pâtissiers travaillent dans des palaces, dans des restaurants étoilés ou ont leurs propres boutiques en France ou à l’étranger, et voyagent dans le monde entier. Ils revisitent les classiques de la pâtisserie avec de nouvelles recettes originales et savoureuses, publient des livres de recettes ou leurs mémoires.</p>
<p>Certains se sont fait connaître grâce à des émissions culinaires comme <em>Qui sera le prochain grand pâtissier ?</em> d’autres grâce à des concours comme <em>La coupe du monde de pâtisserie</em>. Le 25 octobre dernier, lorsque la Française <a href="https://www.youtube.com/watch?v=f6jyjk5vGBM">Nina Metayer</a> est devenue la première femme à recevoir le titre de meilleure pâtissière du monde par l’union internationale des boulangers et pâtissiers, tous les médias ont salué cet exploit.</p>
<p>L’engouement autour de la profession est incroyable et transforme les pâtissiers en stars. Cela sonne comme une revanche, tant ces derniers sont restés longtemps au second plan de la gastronomie française. <a href="https://youtu.be/m4aAdcZ0pu4?si=cXav6uxalyiVMnf6">Le chef Thierry Marx se souvient</a> qu’il n’y a pas si longtemps, ils n’avaient pas leur place dans le monde des cuisiniers et qu’ils se faisaient traiter de « mange-farine ». <a href="https://www.google.fr/books/edition/Michel_Gu%C3%A9rard/5FMMEAAAQBAJ">Le chef Michel Guérard</a>, MOF pâtissier, ajoute qu’on les surnommait aussi les « gnoleux », en référence à la gnole, une planche de bois sur laquelle ils étalaient les pâtes au Moyen Âge, avant de se remémorer le dédain partagé par de nombreux cuisiniers à leur égard.</p>
<p>Or, l’histoire des pâtissiers est constituée de moments d’ombre et de lumière, et de personnages qui ont, de tout temps, contribué à son excellence et à son rayonnement international.</p>
<h2>Une mauvaise réputation au Moyen Âge</h2>
<p>Si les tout premiers pâtissiers sont appelés les « obloyers » ou « oubloyers », du nom de « l’oublie » petite pâtisserie cérémonielle, c’est au XIII<sup>e</sup> siècle que des textes font référence au terme « pâtissier » – celui qui fait la pâte – même si la profession n’est pas encore officiellement reconnue. À l’époque et jusqu’au XIX<sup>e</sup> siècle, la pâtisserie comprend des pâtes cuites, salées ou sucrées, pouvant être garnies de viande, d’abats, de poisson, de fromage, de fruits, mais aussi des préparations à base de lait, d’œufs, de crème. C’est en 1440 que les premiers statuts de la corporation sont déposés. La réputation des pâtissiers d’alors n’est pas très bonne, car ils sont soupçonnés d’utiliser des ingrédients de mauvaise qualité. <a href="https://www.google.fr/books/edition/Histoire_du_Paris_gastronomique/y1m2EAAAQBAJ">Patrick Rambourg</a> explique d’ailleurs que plusieurs articles des statuts interdisent l’usage d’aliments non consommables :</p>
<blockquote>
<p>« Les flans doivent se préparer avec du lait non tourné et non écrémé, les tartes et les tartelettes avec du bon fromage, non puant et non moisi. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, il faudra encore de nombreuses années aux pâtissiers pour donner une image positive de leur profession.</p>
<h2>Nouvelles techniques et création des classiques de la pâtisserie</h2>
<p>Dès le XVIII<sup>e</sup> siècle, les pâtissiers – qui travaillaient jusqu’alors dans les grandes maisons aristocratiques – s’établissent, principalement à Paris, où ils ouvrent des établissements, élégants et raffinés, qui attirent la bonne société parisienne. Dans les décennies qui suivent, leur nombre et leur renommée vont croissants, et leurs techniques progressent de façon spectaculaire. Au siècle suivant, de nombreux gâteaux, comme l’éclair, le Saint-Honoré ou la religieuse sont inventés et deviendront des classiques de la pâtisserie française. Parmi les pâtissiers les plus renommés de l’époque, on peut citer Nicolas Stohrer, célèbre pour ses babas, ou plus tard, Chiboust, créateur de la crème éponyme.</p>
<p>Mais le plus célèbre et le plus inventif d’entre eux reste sans conteste <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/antonin-careme-savant-fou-de-la-patisserie-9968080">Antonin Carême (1784-1833)</a>. Considéré comme le premier véritable théoricien de la pâtisserie moderne – qu’il a simplifiée – grâce à son ouvrage <em>Le pâtissier royal parisien</em> (1815), il a créé les premières pièces montées en choux, pâte d’amande et sucre, ornementales, parfois monumentales, inspirées de sa passion pour l’architecture et qui ont contribué à sa renommée internationale. Il formera par la suite Jules Gouffé (1807-1877), inventeur du <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k107860n/f96.item">livre de cuisine moderne</a> avec des recettes indiquant les ingrédients à utiliser, leur quantité et les temps de cuisson. C’est cette codification qui permit la diffusion et la reconnaissance de la pâtisserie française.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563275/original/file-20231204-29-f3fnuu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563275/original/file-20231204-29-f3fnuu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563275/original/file-20231204-29-f3fnuu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563275/original/file-20231204-29-f3fnuu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563275/original/file-20231204-29-f3fnuu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563275/original/file-20231204-29-f3fnuu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563275/original/file-20231204-29-f3fnuu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les fantasques compositions d’Antonin Carême, dessinées par Jules Gouffé.</span>
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<p>Alors que les chefs sortent peu à peu de leur cuisine dès la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, les pâtissiers demeurent les grands oubliés. De plus, les journalistes et critiques gastronomiques n’accordent que peu d’importance à leur travail. Pour eux, un bon repas s’arrête au fromage et ils ne voient pas la nécessité de s’intéresser aux desserts. Il est vrai qu’alors la pâtisserie française demeure figée dans des codes très classiques avec des gâteaux riches en sucre, en crème et en beurre.</p>
<p>Deux grands pâtissiers vont alors se distinguer dans les années 70. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6K-Y09mZB0c">Gaston Lenôtre</a> (1920-2009) surnommé « le pâtissier du siècle », est le premier pâtissier à devenir une véritable vedette en France. Créateur visionnaire de la pâtisserie moderne, il a supprimé les desserts trop gras et sucrés, utilisé des matières premières de qualité, innové avec l’usage des mousses, de la meringue et des fruits ce qui a apporté fraîcheur et légèreté à ses desserts comme en témoigne son Schuss, créé en 1968 à l’occasion des JO de Grenoble et qui demeure un de ses desserts les plus célèbres.</p>
<p>Le second est moins connu du grand public mais sa contribution à l’évolution de la pâtisserie française n’en demeure pas moins importante. <a href="https://www.lechef.com/au-quotidien/2023-06-07-yves-thuries-un-chef-de-legende-une-biographie-dadrien-thuries/">Yves Thuries</a>, est compagnon du Tour France et double MOF Pâtisserie-Traiteur et Glacier-Confiseur en 1976. Désireux de transmettre son savoir au plus grand nombre, son encyclopédie en 12 volumes <em>Le livre de recettes d’un compagnon du tour de France</em>, publiée à partir de 1977, est devenue un ouvrage de référence pour les pâtissiers du monde entier. Il est aussi fondateur de la célèbre revue professionnelle <em>Thuries Magazine</em> en 1988, dans lequel les recettes sont expliquées « pas à pas ».</p>
<h2>L’ère de la reconnaissance</h2>
<p>Par la suite, Philippe Conticini révolutionne en 1994 les desserts avec l’invention de la verrine permettant la construction verticale des desserts. Mais <a href="https://www.europe1.fr/emissions/en-route-avec/en-route-avec-pierre-herme-linventeur-de-la-haute-patisserie-3894959">Pierre Hermé</a> va encore plus loin. Il est le premier à faire appel à des spécialistes du design, du marketing et de la communication. Grâce à ses recettes originales et esthétiques, il a permis aux desserts d’adapter les codes des créations « haute couture » avec des saisons, des collections et a créé un véritable empire avec ses célèbres gâteaux signature comme <em>l’Ispahan</em>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CwUsDjgOVRy","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle, le succès des grands pâtissiers ne se dément plus. Ils rivalisent de talent aussi bien dans les accords de saveurs que dans l’esthétique de leurs créations. Restée longtemps parent pauvre de la gastronomie, la pâtisserie française est désormais connue, reconnue et plébiscitée à travers le monde et l’histoire de ses chefs nous montre qu’ils n’ont cessé de l’améliorer au fil du temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216546/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les pâtissiers sont restés longtemps au second plan de la gastronomie française. Mais depuis une dizaine d'années, ils ont plus que jamais le vent en poupe.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2133932023-09-18T16:01:17Z2023-09-18T16:01:17ZLes restaurants écoresponsables par le menu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548776/original/file-20230918-34002-sxflpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C4992%2C3335&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un plat écoresponsable proposé par le restaurant l'Aiguillage à Grenoble : panais entier confit au citron, polenta crémeuse au tofu fumé, condiments d'herbes poivrées et mizuna.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pascale Cholette</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, en France, ce sont près de <a href="https://www.lhotellerie-restauration.fr/journal/hygiene-securite/2020-08/la-gestion-des-dechets-au-restaurant.htm">7 milliards de repas</a> qui sont pris au restaurant. Or, depuis quelque temps déjà, dans un contexte prégnant de crise environnementale, les Français s’interrogent sur leur alimentation : ils souhaitent davantage savoir ce qu’ils consomment et visent une <a href="https://www.senat.fr/rap/r19-476/r19-4764.html">restauration plus durable</a>. Alors que débute la <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A1674">semaine européenne du développement durable</a>, à quoi ressemblent les quelques centaines de restaurants écoresponsables de l’hexagone ?</p>
<h2>Impacts environnementaux et sociétaux</h2>
<p>Les restaurateurs écoresponsables ont repensé leur façon de travailler afin de l’inscrire dans une démarche beaucoup plus durable. Ainsi, au niveau environnemental, l’accent est essentiellement mis sur la réduction de l’empreinte carbone avec l’utilisation de produits locaux, si possible biologiques et de saison ; l’offre de plats végétaux, la limitation du gaspillage alimentaire ; la réduction, le tri et le recyclage des déchets ; la réduction de la consommation d’eau ; l’utilisation d’emballages durables ; l’offre de doggy bags ; le don des produits non consommés à des associations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548802/original/file-20230918-19-f0ikob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548802/original/file-20230918-19-f0ikob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548802/original/file-20230918-19-f0ikob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548802/original/file-20230918-19-f0ikob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548802/original/file-20230918-19-f0ikob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548802/original/file-20230918-19-f0ikob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548802/original/file-20230918-19-f0ikob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Elodie (à gauche), la cheffe du restaurant l’Aiguillage à Grenoble, et l’ensemble de son équipe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pascale Cholette</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces actions sont importantes dans un pays où le <a href="https://theconversation.com/invendus-rebuts-et-surplus-des-initiatives-novatrices-pour-lutter-contre-le-gaspillage-alimentaire-208995">gaspillage alimentaire</a> et les pertes en général atteignent <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/gaspillage-alimentaire">10 millions de tonnes de produits par an</a>. Il s’agit d’un immense gâchis de ressources naturelles (terres arables et eau) mais aussi une production inutile de gaz à effet de serre (3 % des émissions nationales selon l’ADEME). Or, la restauration est l’un des secteurs les plus impactés par le problème du gaspillage tout particulièrement en ce qui concerne les produits non consommés et la gestion des déchets.</p>
<p>Les actions écoresponsables se jouent aussi au niveau sociétal. Ainsi, pour les restaurateurs écoengagés, il est important de former leur personnel au développement durable pour qu’il se sente impliqué et qu’il y participe pleinement. Si ces initiatives sont individuelles et encore peu nombreuses, l’espoir est placé dans les écoles de cuisine comme <a href="https://www.ferrandi-paris.com/fr/actualites/des-modules-sur-lecoresponsabilite-delivres-par-ecotable-des-etudiants-de-ferrandi-paris">Ferrandi</a> ou Lyfe Institut qui sensibilisent leurs étudiants à l’écoresponsabilité. D’autre part, mettre en avant ses engagements durables pour les restaurateurs favorise l’attractivité de l’établissement, la <a href="https://ecotable.fr/blog/articles/partager-sa-demarche-eco-responsable-pour-attirer-ses-equipes-restauration-article-blog">fidélisation des équipes</a> et limite ainsi le turn-over dans un secteur souvent confronté à une réelle pénurie de main-d’œuvre. En effet, pour de nombreux employés et tout particulièrement les plus jeunes, l’engagement écoresponsable d’un restaurant est une garantie de trouver un établissement en phase avec ses valeurs écologiques.</p>
<h2>L’importance grandissante des labels</h2>
<p>Depuis quelques années, des labels sont apparus pour accompagner et valoriser les engagements et les implications des restaurateurs dans le développement durable. Ces labels sont de plus en plus nombreux avec par exemple le label FIG (Food Index for Good), le Green Food, le titre de Maître restaurateur de France, la « plastic-free certification », etc. Le label <a href="https://ecotable.fr/">Ecotable</a>, créé en 2019, est le premier label de restauration durable en France. Il émane de l’association du même nom. Il permet à tous les types de restaurateurs de s’engager dans l’écoresponsabilité en mesurant leur impact environnemental et en les accompagnant dans leurs démarches écologiques.</p>
<p>Ce label mesure la cohérence écologique des restaurants et délivre un, deux ou trois écotables en fonction de leur degré d’écoresponsabilité. Pour en obtenir un, le restaurateur doit respecter les saisons, proposer au minimum 15 % de produits issus de <a href="https://theconversation.com/agriculture-pourquoi-la-bio-marque-t-elle-le-pas-en-france-207510">l’agriculture bio</a> ou de filières agricoles durables. Pour deux écotables, on monte à 30 % de produits bio et à 50 % pour trois. Les critères de saisonnalité des produits, de tri, de valorisation des déchets, de choix de producteurs ou encore de propositions d’alternatives végétariennes font aussi partie du cahier des charges. Aujourd’hui ce sont environ 250 restaurants en France qui sont labélisés, parmi lesquels le <a href="https://www.radiofrance.fr/francebleu/podcasts/coin-cuisine/natacha-et-elodie-du-restaurant-l-aiguillage-a-grenoble-cuisinent-le-chou-dans-tous-ses-etats-4598828">restaurant l’<em>Aiguillage</em> à Grenoble</a>, qui détient trois écotables et qui propose une cuisine saine, locale et soucieuse de l’environnement.</p>
<p>Le guide Michelin a lui aussi décidé, en 2020, de prendre en compte l’engagement écoresponsable des restaurants figurants dans son guide (assiettes Michelin, Bib gourmands et étoiles Michelin) en créant <a href="https://guide.michelin.com/fr/fr/article/sustainable-gastronomy/on-vous-dit-tout-sur-l-etoile-verte-michelin">l’étoile verte</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/548103/original/file-20230913-21-6higos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548103/original/file-20230913-21-6higos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548103/original/file-20230913-21-6higos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548103/original/file-20230913-21-6higos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548103/original/file-20230913-21-6higos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548103/original/file-20230913-21-6higos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548103/original/file-20230913-21-6higos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548103/original/file-20230913-21-6higos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le chef isérois Christophe Aribert, au fort engagement écoresponsable, détient deux toiles rouges et une étoile verte Michelin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Studio Papi aime Mamie</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour se voir attribuer [l’étoile verte], il faut montrer un fort engagement dans une approche durable de la gastronomie, avec le respect de la terre, des saisons, des animaux, mais aussi offrir une cuisine plus verte, avec l’utilisation de produits locaux et bio, une bonne gestion des déchets ou encore de bonnes performances énergétiques. Cependant, à ce jour, seuls 90 restaurants la détiennent, parmi lesquels le chef isérois deux étoiles <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/13h15/13h15-du-samedi-24-avril-2021_4362491.html">Christophe Aribert</a> de la <em>Maison Aribert</em>. Ce chef, au très fort engagement écoresponsable, respecte entre autres « les saisons, les produits de saison, les produits locaux et les gens qui les produisent. » Il détient d’ailleurs aussi trois écotables et la « plastic-free certification ».</p>
<h2>Greenwashing et freins financiers</h2>
<p>Si on assiste à une prise de conscience générale des enjeux de la durabilité de l’alimentation, aussi bien par le grand public que par les professionnels, la situation n’est cependant pas encore idyllique.</p>
<p>En effet, on ne trouve en France que quelques centaines de restaurants écoresponsables – principalement à Paris – dans un pays qui compte environ 175 000 établissements selon l’Insee, soit environ 0,2 % des restaurants, ce qui est minime. Ensuite, les labels servant à les identifier ne sont pas toujours très clairs pour des clients qui ne savent pas forcément les reconnaître. De plus, ces labels émanent essentiellement d’initiatives privées et supposent une adhésion en contrepartie.</p>
<p>Même si l’engagement de la plupart des restaurateurs qui souscrivent à ces labels ne fait aucun doute, on pourrait se demander, tout comme <a href="https://www.leparisien.fr/bien-manger/ecotable-green-food-etiquettable-que-valent-les-labels-qui-promettent-des-restaurants-ecoresponsables-22-10-2021-TQKN2CZH6RGWTPJJ35ZLUMHJGM.php"><em>Le Parisien</em></a>, si le niveau de garantie est le même que celui qui pourrait être apporté par un référentiel officiel doté d’un cahier des charges transparent, validé par les pouvoirs publics et audité par un organisme indépendant.</p>
<p>D’autre part, on peut s’interroger sur une éventuelle forme de greenwashing même dans certains restaurants labellisés. S’il n’est nullement question de remettre en cause les différents labels, une étude faite dans les restaurants détenteurs de l’étoile verte a relevé des incohérences avec le modèle écoresponsable. <a href="https://i-buycott.org/etoile-verte-michelin-greenwashing-buycott/">Les enquêteurs</a> se sont, par exemple, rendus compte que certains produits n’étaient pas locaux ou que l’impact carbone des assiettes n’était pas toujours respecté (de la viande de bœuf était parfois proposée.) Selon eux, dans ces restaurants, les produits bovins, bovidés, les crustacés, le chocolat et le café devraient être proscrits.</p>
<p>Un autre frein au développement des restaurants écoresponsables est d’ordre financier. En effet, de nombreux professionnels estiment que mettre en place des pratiques de développement durable dans leur restaurant par exemple une restauration bio et locale est très intéressant mais que <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/08/31/les-restaurants-peinent-a-prendre-la-vague-ecolo_5348405_3234.html">cela coûte plus cher</a> que d’utiliser les produits habituels. Les clients ne sont pas toujours prêts à payer plus et le risque pour le restaurant est une réduction de la rentabilité. Voilà pourquoi ils aimeraient pouvoir obtenir des aides et des subventions. D’autre part, tous les restaurants n’ont pas la place pour produire leur compost ou pour avoir plusieurs poubelles dans leur cuisine. Enfin, un restaurant milieu de gamme n’aura sans doute pas les mêmes moyens financiers, ni les mêmes retombées économiques qu’un restaurant étoilé s’il souhaite devenir écoresponsable.</p>
<p>Malgré l’engouement pour une alimentation durable, les restaurants écoresponsables semblent avoir du mal à se développer en France. Pour l’heure, il n’est pas si simple que cela pour les restaurateurs de s’engager dans cette démarche, d’autant plus que cette dernière coûte cher.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213393/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En France, 0,2 % des restaurants peuvent se dire écoresponsables. Quelles sont leurs spécificités ? Pourquoi sont-ils encore si peu nombreux ?Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087932023-08-10T21:18:31Z2023-08-10T21:18:31Z« Snack Masters », quand les grands chefs font recette avec la malbouffe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541978/original/file-20230809-14-9gcmy3.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C2%2C1912%2C1286&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reproduire le burger d'une grande enseigne de junk food, une fausse bonne idée ? </span> <span class="attribution"><span class="source">M6 / Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Avec <em>Snack Masters</em>, dont le second épisode sera diffusé mardi 16 août 2023, M6 présente <a href="https://youtu.be/zYxW_k-iX_8?si=o3Ev2EoyJs8E_Eli">sa nouvelle émission culinaire</a> venue tout droit de Grande-Bretagne. Son concept est pour le moins surprenant, voire déroutant. Il s’agit en effet de demander à de grands noms de la gastronomie française – chefs étoilés et/ou Meilleurs Ouvriers de France (MOF) – de reproduire à l’identique des produits issus de la « junk food », comme des hamburgers, des frites ou des cornets glacés industriels. Au-delà de l’aspect divertissant de l’émission, menée comme une enquête policière, de la confrontation de deux univers culinaires qui, par principe, ne se rencontrent jamais, ces grands chefs sont-ils à leur place dans ce jeu ? En se montrant ainsi, ne prennent-ils pas le risque de légitimer la malbouffe ?</p>
<h2>Les grands chefs : Artisanat d’excellence, créativité et innovation</h2>
<p>Obtenir le statut de <a href="https://toutpourleresto.fr/carte-restaurants-etoiles/">chef étoilé</a> et/ou de <a href="https://www.lexpress.fr/styles/plaisirs/saveurs/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-titre-de-meilleur-ouvrier-de-france-ou-mof_1648941.html">Meilleur ouvrier de France</a> est loin d’être aisé. Seule une petite élite y parvient au terme d’années d’un labeur extrême, d’un engagement total, d’heures de travail non comptées. Ce sont des artisans d’excellence qui maîtrisent leur art à la perfection, doublés de créatifs capables d’innover, que ce soit en associant de nouvelles saveurs, en revisitant des mets traditionnels, en remettant au goût du jour des produits tombés dans l’oubli, ou en créant de nouveaux plats.</p>
<p>Ces artisans insistent aussi sur de la qualité des produits qu’ils utilisent, principalement de saison, mettent en avant les relations qu’ils entretiennent avec leurs producteurs, souvent locaux, et vantent les avantages des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/les-chefs-adaptent-de-plus-en-plus-leurs-menus-aux-produits-locaux-et-de-saison_71904.html">circuits courts</a>. Ils sont les garants de la réputation de la gastronomie française, d’un savoir-faire spécifique, d’un art de vivre envié. Ce statut leur confère une forte légitimité aussi bien auprès des autres acteurs de la profession que du grand public. Et c’est bien cette légitimité que recherchent les producteurs de l’émission. Cependant, derrière ce discours se cache une autre réalité : celle des liens des chefs avec l’industrie agroalimentaire.</p>
<h2>Une relation ancienne et fructueuse</h2>
<p>En effet, les liens entre l’industrie agroalimentaire et les chefs existent, sous différentes formes, depuis des années. Dans son ouvrage <em>Histoire des cuisiniers en France XIXe-XX<sup>e</sup> siècle</em> (2004), Alain Drouard explique que dès le XIX<sup>e</sup> siècle les chefs et les industriels de l’alimentation se mettent à tisser des relations. C’est ainsi que le <a href="https://disciples-escoffier.com/fr/histoire/auguste-escoffier-biographie">célèbre chef Auguste Escoffier</a> (1846-1935) après avoir longuement cherché à obtenir un produit capable toute l’année de remplacer la tomate fraîche, fut à l’origine de la conserve de tomates concassées. Ce nouveau produit, qui rencontra un vif succès suite à son utilisation dans les cuisines du célèbre palace londonien le Savoy dont il gérait les cuisines, était en fait fabriqué dans une conserverie dans laquelle il possédait des parts.</p>
<p>Mais c’est surtout dans le dernier quart du XX<sup>e</sup> siècle que les grands cuisiniers, en plus d’être des artisans du luxe et des restaurateurs haut de gamme sont aussi devenus des consultants pour les grands groupes alimentaires. C’est à partir de 1976 que le chef multi étoilé Michel Guérard, membre du mouvement « nouvelle cuisine » et chantre de la cuisine « légère », développa le premier partenariat en signant un contrat avec la marque Findus du groupe Nestlé. Il élabora pour eux des plats surgelés parmi lesquels le « Pithiviers de poisson au beurre blanc » qui est resté en rayon… plus de 35 ans. Il justifia cette collaboration en expliquant que l’observation industrielle lui avait énormément apporté sur le plan culinaire, qu’il avait découvert la « dimension scientifique » de l’agroalimentaire et qu’il était important de bien s’entendre avec les professionnels de cet univers là pour les aider à s’améliorer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Publicité montrant la collaboration entre la marque de surgelés Findus et le chef multi étoilé Michel Guérard.</span>
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<p>Depuis, très rares sont les grands chefs qui n’ont pas développé de partenariat avec les acteurs de l’industrie agroalimentaire. Parmi eux on trouve – pour un temps plus ou moins long – la collaboration de Marc Veyrat avec le jambon <em>Madrange</em>, Joël Robuchon avec <em>Fleury Michon</em>, Cyril Lignac, avec <em>Findus</em> lui aussi ou Philippe Etchebest pour l’accord mets et bière avec la <em>1664 de Kronembourg</em>.</p>
<p>Cet été, le <a href="https://www.slate.fr/story/248677/collaboration-burger-king-michel-sarran-experience-culinaire-decevante-fast-food-master-boeuf-mozzarella-top-chef">chef Michel Sarran</a>, ancien juré de <em>Top Chef</em> est allé un peu plus loin encore dans les partenariats en s’associant avec la chaîne de restauration rapide <em>Burger King</em> pour laquelle il a imaginé trois nouvelles recettes, les « Masters du chef ». C’est, en effet, la première fois qu’un chef étoilé s’associe à un fast-food, ce qu’il justifie en expliquant la mise en commun d’expertises et l’utilisation de produits frais tandis que le directeur France de l’enseigne parle de « proposer des burgers de chef étoilé à un prix accessible pendant plus d’un mois dans toute la France […] notamment en période d’inflation ». Les problèmes liés à la malbouffe ne sont, eux, pas du tout mentionnés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Michel Sarran premier chef à signer un partenariat avec une chaine de fast food.</span>
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<h2>Restaurants gastronomiques en quête de rentabilité</h2>
<p>Si le fait de comprendre les enjeux et d’aider l’industrie agroalimentaire à s’améliorer sont les principaux motifs évoqués par les chefs pour expliquer leurs différents partenariats, il y a d’autres explications. Les raisons financières sont, elles aussi, déterminantes, bien que jamais évoquées. En effet, gérer un restaurant étoilé se révèle très <a href="https://www.neorestauration.com/article/restaurants-gastronomiques-la-difficile-equation-de-la-rentabilite,29832">onéreux et pas vraiment rentable</a>. Entre les frais de personnel et d’infrastructure en hausse constante, l’univers très concurrentiel dans lequel ils évoluent, plus dernièrement la crise du Covid-19 ainsi que l’inflation, leurs bénéfices sont maigres.</p>
<p>Selon la revue <a href="https://www.entreprendre.fr/les-etoiles-michelin-une-pression-insupportable-pour-les-chefs/"><em>Entreprendre</em></a> de mai dernier, le taux de marge oscillerait entre 5 et 10 %, ce qui est peu. C’est pourquoi les divers partenariats pour de la publicité ou du consulting avec des <a href="https://www.leparisien.fr/economie/quand-ils-pretent-leur-nom-aux-plats-cuisines-13-12-2010-1188374.php">marques de l’agro-alimentaire</a> s’avèrent très lucratifs et permettent souvent d’aider à combler le manque à gagner des restaurants étoilés.</p>
<p>Les émissions télévisées sont aussi l’occasion, pour les chefs qui y participent, de faire connaître leurs restaurants et d’augmenter ainsi leur popularité. Hélène Darroze expliquait à Cécilia Delporte dans <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/emissions-culinaires-la-poule-aux-oeufs-dor-de-la-television-1158094"><em>Les Echos</em></a> que dès les premières minutes de <em>Top Chef</em> les coups de téléphone avaient afflué dans son restaurant pour des réservations. Elle ajoutait que si parfois elle envisageait d’arrêter l’émission, cette décision était difficile à prendre à cause de la visibilité que cette dernière lui apportait.</p>
<h2>Snacking et obésité</h2>
<p>Le marché du snacking (ou celui du « prêt à manger » ou de la restauration rapide avec par exemple les sandwichs, les hamburgers ou les plats préparés) connaît depuis quelques années une réelle croissance avec un chiffre d’affaires proche des <a href="https://www.businessfrance.fr/les-francais-de-plus-en-plus-seduits-par-le-snacking">18,5 milliards d’euros en 2022</a>. Les français souhaitent, en effet, trouver des moyens pratiques et rapides pour se nourrir. Même si les snacks sains et bio sont de plus en plus recherchés, la majeure partie d’entre eux restent peu équilibrés avec trop de matières grasses, de sel ou de sucre. Or la <a href="https://presse.inserm.fr/obesite-et-surpoids-pres-dun-francais-sur-deux-concerne-etat-des-lieux-prevention-et-solutions-therapeutiques/66542/">moitié de la population française est aujourd’hui en excès de poids</a> et 17 % des personnes concernées par l’obésité. De plus, ce sont surtout les plus jeunes qui sont touchés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution des prévalences de l’obésité selon l’âge entre les enquêtes Obépi-Roche 1997-2012 et l’enquête Obépi 2020 (source Inserm).</span>
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<p>Dans ce contexte, on peut se demander si ce n’est pas jouer avec la santé de certains de nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, que de proposer en prime time une émission qui promeut plus ou moins indirectement et sous forme ludique le snacking, le tout légitimé par deux grands chefs. En effet, jusqu’à présent dans des émissions comme <em>Top Chef</em> il s’agissait parfois de reproduire des plats de la steet food ou de revisiter des burgers, mais avec des produits frais. Or, dans <em>Snack Masters</em>, il s’agit de réaliser à l’identique des produits issus de la junk food, de montrer les usines dans lesquelles ils sont produits, comme si ce n’était finalement pas si mauvais que cela, qu’il ne s’agissait pas presque systématiquement de produits trop gras, trop salés, trop sucrés. Difficile de ne pas penser au documentaire de Morgan Spurlock <a href="https://youtu.be/JsMwvTnu5Bc?si=KjCgb1v-g9zWVejk"><em>Supersize me</em></a> (2004) qui dénonçait la malbouffe et ses conséquences néfastes pour la santé.</p>
<p>Avec ce programme, les shows culinaires ne viennent-ils pas, sous couvert d’un jeu divertissant avec des chefs reconnus et appréciés, de franchir une limite ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand les grands chefs reproduisent à l’identique des produits issus de la « junk food », la gastronomie et la santé n’en sortent pas forcément gagnantes.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039942023-04-24T18:14:17Z2023-04-24T18:14:17ZDes tulipes au menu : de la survie pendant la guerre à la gastronomie contemporaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521358/original/file-20230417-22-6foitl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1920%2C1287&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des enfants mangent de la nourriture donnée par une organisation religieuse pendant la grande famine aux Pays-Bas entre 1944 et 1945.</span> <span class="attribution"><span class="source">Menno Huizinga/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Aux Pays-Bas, à l’automne 1944, l’Allemagne nazie occupe le pays et la libération se révèle plus compliquée que prévu. L’accès à la nourriture est compromis par le blocage des trains et des transports fluviaux, qui sont interrompus en raison du gel des rivières.</p>
<p>Cette situation critique entraîne une <a href="https://academic.oup.com/shm/article-abstract/7/2/229/1704987">grande famine</a>, surtout dans les zones urbaines de l’ouest du pays. <a href="https://publ.nidi.nl/output/2013/lumey-2013-nutrition-health-famine.pdf">Les apports énergétiques y passent de 1 800 à 500 kilocalories par personne et par jour de mai 1944 à février 1945</a>.</p>
<p>On estime qu’en mai 1945, entre <a href="https://www.niod.nl/">20 000 et 25 000 citoyens néerlandais</a> sont morts des suites de la malnutrition. Elle a également touché les femmes enceintes et les enfants de moins d’un an, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378512211002337">avec des conséquences à long terme pour la santé de ces enfants</a>.</p>
<p>Une apprentie danseuse de 16 ans, qui mesurait 1,80 m et pesait 40,8 kg, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19392397.2011.544163">s’est remémorée plus tard</a> qu’elle avait souffert d’asthme, de jaunisse, d’anémie et d’autres maladies résultant de la malnutrition, comme les œdèmes. « Cela commence par les pieds et quand cela atteint le cœur, on meurt. Pour moi, c’était au-dessus des chevilles quand les forces alliées nous ont libérés ».</p>
<p>Comme elle le raconte dans ses souvenirs, sa famille a survécu en mangeant des tulipes.</p>
<h2>Soupe aux tulipes</h2>
<p>Pour remédier à la famine et à la malnutrition, le gouvernement néerlandais recherche des aliments énergétiques et riches en nutriments, facilement accessibles. En temps de guerre, la culture des tulipes est interrompue et il existe un stock important de bulbes non plantés. Les autorités décident de profiter de ce surplus pour vendre les bulbes dans les épiceries et publier des recettes dans des magazines locaux afin d’aider la population. La soupe aux bulbes de tulipes est cuisinée pendant l’heure quotidienne de disponibilité du gaz.</p>
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<p>L’une de ces recettes indique le mode de préparation suivant : « Versez de l’eau dans la marmite, coupez les bulbes en deux et enlevez le germe. Râpez ensuite les bulbes à l’aide d’une râpe fine et de préférence dans la marmite, car la pulpe se décolore rapidement. Bien que les bulbes de tulipe soient riches en amidon, ils n’épaississent pas la soupe comme le fait la farine. Leur pulpe flotte dans la soupe sous forme de flocons. Si vous avez encore du curry chez vous, ajoutez-en une pincée, puis ajoutez un peu d’huile ou une petite quantité de matière grasse. Et n’oubliez pas le sel ! »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520106/original/file-20230410-28-ytzaen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Recette pour la préparation de la soupe aux bulbes de tulipes pendant la famine aux Pays-Bas.</span>
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<h2>Attention à la tulipaline A</h2>
<p>Les tulipes posent toutefois un problème. Leurs bulbes contiennent principalement un allergène : le composé appelé <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15563650.2018.1440588">tulipaline A</a>. Il se trouve principalement dans la couche externe du bulbe, mais aussi dans la tige, les feuilles et les pétales.</p>
<p><a href="https://europepmc.org/article/med/12910870">Les vaches peuvent ainsi s’empoisonner</a> en consommant du foin et des bulbes de tulipe ; par ailleurs, ce composé provoque ce que l’on appelle les <a href="https://cdn.mdedge.com/files/s3fs-public/CT110003145.pdf">« doigts de tulipe »</a>. Cette dermatite, dont souffrent les bulbiculteurs, se caractérise par une desquamation érythémateuse de la peau autour des ongles et entre les extrémités du premier et du deuxième doigt de la main dominante. <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamadermatology/article-abstract/549543">Elle ne peut être évitée</a> qu’en réduisant le contact avec ces plantes bulbeuses et en portant des gants en nitrile (les gants en vinyle ne conviennent pas).</p>
<p>Le danger associé à la consommation de bulbes de tulipes réside donc dans la variété choisie ou le mode de préparation. En effet, toutes les variétés ne sont pas comestibles et celles qui le sont peuvent avoir un goût amer. D’autre part, leur consommation crue peut provoquer des nausées, des douleurs abdominales et d’autres troubles digestifs.</p>
<h2>Les tulipes dans la cuisine contemporaine</h2>
<p>Aujourd’hui, les bulbes de tulipe peuvent être séchés, pulvérisés et ajoutés aux céréales ou transformés en farine pour fabriquer du pain.</p>
<p>Les fleurs sont également <a href="https://theconversation.com/flores-comestibles-mas-que-una-cara-bonita-199196">comestibles</a>. Elles peuvent être utilisées comme garniture de plats, avec la fleur entière (sans le pistil et les étamines) ou en hachant les pétales et en les mélangeant à une salade, bien qu’elles aient peu de goût. Les pétales peuvent aussi décorer un gâteau ou servir de base à un sirop.</p>
<p>Dans la gastronomie moderne, on s’efforce de faire revivre cet ingrédient original. Par exemple, il y a 23 ans, l’experte en plantes nutritionnelles et médicinales <a href="https://www.margaretroberts.co.za/edible-medicinal-flowers/">Margaret Roberts</a> a énuméré des suggestions telles que le sirop de tulipe, les tulipes farcies à la mayonnaise de poulet et la salade de trois haricots aux tulipes.</p>
<p>On peut également citer Johanna Huiberts Van den Berg, qui a compilé une <a href="https://www.bol.com/nl/nl/p/eet-smakelijke-tulp/9200000120020113/">trentaine de recettes</a>, ou Alain Caron, un chef français qui vit aux Pays-Bas depuis 40 ans et dirige plusieurs restaurants à Amsterdam. Caron a inventé des plats comme la <a href="https://binnenstebuiten.kro-ncrv.nl/recepten/tulpenbollen-recept">salade de tomates confites, fenouil et bulbes de tulipe</a> ou les huîtres aux bulbes de tulipe.</p>
<p>La jeune femme qui raconte les ravages de la famine hollandaise aurait sans doute été ravie de goûter à ces délices.</p>
<p>Elle est d’ailleurs devenue, des années plus tard, l’une des plus grandes actrices du XX<sup>e</sup> siècle et, fin avril 1990, déclarée star du monde botanique aux Pays-Bas. L’industrie néerlandaise des bulbes a rendu hommage à son travail pour l’UNICEF en consacrant une variété blanche de cette fleur exceptionnellement lumineuse : la tulipe Audrey Hepburn.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MaQKOPp09V0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Cérémonie officielle pour nommer une variété de tulipes en l’honneur d’Audrey Hepburn à Huis Doorn, le manoir de la famille à Doorn, aux Pays-Bas.</span></figcaption>
</figure></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La plante emblématique des Pays-Bas a sauvé des milliers de personnes de la famine en période de disette. Aujourd’hui, elle est à nouveau appréciée pour ses qualités gastronomiques…Jose Miguel Soriano del Castillo, Catedrático de Nutrición y Bromatología del Departamento de Medicina Preventiva y Salud Pública, Universitat de ValènciaMª Inmaculada Zarzo Llobell, Estudiante de Doctorado en Medicina, Universitat de ValènciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2011352023-04-06T16:25:59Z2023-04-06T16:25:59ZComment les chefs cuisiniers sont devenus de véritables rock stars<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519879/original/file-20230406-14-muhsvp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=225%2C16%2C2308%2C1503&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chefs Glenn Viel et Paul Pairet dans _Top Chef_. </span> <span class="attribution"><span class="source">M6/ Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Pour sa 14<sup>e</sup> édition, l’émission <em>Top Chef</em>, diffusée sur M6, rassemble chaque semaine plusieurs millions de téléspectateurs pour voir de grands chefs et cheffes cuisiniers en tenue impeccable donner des conseils ou émettre des critiques.</p>
<p>Sur Netflix, la série documentaire « Chef’s table » met en scène des cuisiniers virtuoses du monde entier depuis 2015, à grand renfort de storytelling et de plans sophistiqués.</p>
<p>Les chefs ont atteint aujourd’hui un statut de rock stars, et le métier fait rêver. Mais il aura fallu de nombreuses années aux cuisiniers, même de renom, pour acquérir leur stature actuelle.</p>
<h2>Saleté, chaleur, charbon et alcoolisme</h2>
<p>De l’ouverture des premiers restaurants vers 1860, à la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le métier de <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/des-mets-des-mots/107-1/le-chef">chef cuisinier</a>, à quelques exceptions près, ne suscitait pas vraiment de vocations. Le chef exerce sa profession dans des lieux obscurs et insalubres.</p>
<p>Les cuisines d’alors, souvent dissimulées à l’entresol, se trouvent quasiment dépourvues d’aération, ce qui, associé à la chaleur du charbon utilisé pour la cuisson, rend l’atmosphère suffocante. Inhaler ainsi, plusieurs heures par jour, <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/9498?lang=fr,page20">d’importantes quantités de fumées toxiques</a> réduit considérablement l’espérance de vie, ce que le célèbre chef Antonin Carême (1783-1833) dénonce en disant : « C’est le charbon qui nous tue ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alfred Arthur Brunel de Neuville (1852-1941) A Kitchen Interior with Two Young Chefs playing with Kittens.</span>
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<p>Par ailleurs, à l’image de l’univers difficile dans lequel ils évoluent, les <a href="https://www.brepolsonline.net/doi/pdf/10.1484/J.FOOD.5.116330">chefs cuisiniers sont généralement présentés comme des personnages crasseux et gras</a>, avec un penchant pour l’alcool. Dans son autobiographie intitulée <em>Dans la dèche à Paris et à Londres</em> (1933), Georges Orwell dépeint au vitriol son quotidien dans les cuisines d’un des plus grands hôtels de la capitale dont il a préféré taire le nom. Selon lui, le chef cuisinier « est un artiste, mais la notion de propreté est totalement étrangère à son art. Au contraire, c’est précisément parce qu’il est un artiste qu’il se complaît dans la saleté car un plat, pour avoir l’air réussi, doit être exécuté salement. »</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quoi-ressemblaient-les-premiers-restaurants-161714">À quoi ressemblaient les premiers restaurants ?</a>
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<p>Enfin, à cette époque, seuls de très rares chefs cuisiniers sont propriétaires de leur restaurant, et même s’ils bénéficient d’une excellente réputation, ils ne quittent pas leur cuisine et demeurent des exécutants, sous l’autorité du restaurateur et du maître d’hôtel.</p>
<h2>Le XXᵉ siècle, siècle de la reconnaissance</h2>
<p>Suite au développement du tourisme gastronomique dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, des chefs renommés comme André Pic, Fernand Point ou la mère Brazier s’installent à leur compte. C’est aussi le début de la reconnaissance professionnelle avec le concours du Meilleur Ouvrier de France (MOF) dès 1924, ou l’apparition des étoiles Michelin dès 1931, qui récompensent les meilleurs d’entre eux.</p>
<p>Mais c’est à partir des années 50 que la télévision va les révéler au grand public grâce aux émissions culinaires. <a href="https://youtu.be/YbxWMDdVSPY"><em>Art et Magie de la cuisine</em></a>, animée de 1954 à 1967 par le chef étoilé Raymond Oliver et Catherine Langeais, est le premier d’une longue série de programmes télévisés qui ont permis d’améliorer l’image des chefs, de faire connaître leur expertise, et de propulser les plus grands d’entre eux au rang de stars.</p>
<p>Ces derniers, désormais propriétaires de leur restaurant auquel ils commencent même à donner leur nom, à l’instar de Paul Bocuse – qui s’enorgueillit d’ailleurs d’avoir fait sortir les cuisiniers de leur cuisine – savent alors habilement utiliser les médias comme la télévision et la radio, ou publient des livres de recettes, pour accroître leur visibilité auprès du grand public. Les chefs de <a href="https://youtu.be/Bp9hpXUrcsU">« la Nouvelle Cuisine »</a>, comme Michel Guérard par exemple, surfent habilement sur cette tendance. À partir de cette période, nombre d’entre eux s’associent aussi avec des marques industrielles pour faire de la publicité.</p>
<p>Au fur et à mesure des années, les plus grands d’entre eux – à l’image de Paul Bocuse ou plus tard d’<a href="https://www.ducasse-paris.com/fr">Alain Ducasse</a>, de <a href="https://www.thierrymarx.com/">Thierry Marx</a>, d’<a href="https://anne-sophie-pic.com/">Anne-Sophie Pic</a> ou de <a href="https://www.yannick-alleno.com/fr/yannick-alleno.html">Yannick Alléno</a> – réussissent à surfer sur leur notoriété pour construire des « empires ». Ils acquièrent ainsi, en dehors de leur restaurant, des brasseries, ouvrent des restaurants à l’étranger, créent des instituts de formation ou lancent leur propre magazine gastronomique. Cet accès à la célébrité est étroitement lié à l’excellence : ils portent le col bleu blanc rouge des MOF, ou gèrent des restaurants multi-étoilés. Ce sont avant tout leurs compétences professionnelles qui leur ont permis d’atteindre cette renommée et d’être appréciés du grand public.</p>
<h2>Gastronomie 2.0 : Les chefs à l’assaut des réseaux sociaux</h2>
<p>Le passage au XXI<sup>e</sup> siècle et l’avènement des réseaux sociaux ont bousculé l’accès à la notoriété des grands chefs. Être excellent en cuisine ne suffit plus. Il faut désormais aussi savoir gérer son image. Ils sont donc dorénavant présents sur les réseaux sociaux, car ces derniers leur permettent de diffuser leur histoire, de la façonner à leur image, d’avoir de l’influence. Hélène Darroze compte ainsi 671 000 followers sur Instagram et Philippe Etchebest plus de 1 million.</p>
<p>Dans de nombreux cas aussi, ils se font accompagner par des <a href="https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/agent-de-chef-cuisine-marketing">agences de presse spécialisées</a>. C’est ainsi que l’agence Melchior, dirigée par Clarisse Ferreres-Fréchon, permet à ses clients – les chefs trois étoiles Éric Fréchon ou Emmanuel Renaut – de construire leur stratégie marketing et d’obtenir la meilleure visibilité médiatique possible.</p>
<p>Un nouveau type de jeunes chefs, tel Jean Imbert, est aussi apparu ces dernières années. Parfait inconnu avant son passage dans l’émission Top Chef en 2012, il a ensuite su jouer des médias et des <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/gastronomie-vins/cuisine-cinq-chefs-stars-des-reseaux-sociaux-1871341">réseaux sociaux</a> en s’affichant régulièrement sur son compte Instagram en compagnie de célébrités telles que Madonna ou Marion Cotillard. Il est d’ailleurs appelé « le chef des stars ». Ce n’est que plus tard, en partie grâce à cette notoriété médiatique, qu’on lui a confié les commandes des cuisines du Plaza Athénée (2021), ou qu’il a signé la carte du restaurant Monsieur Dior (2022).</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/ByW7qq6C7ei","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, les grands chefs sont donc devenus des célébrités ; ils sont invités, célébrés, adulés et écoutés. Ils font désormais partie du classement des cinquante personnalités préférées des Français, à l’image des chanteurs, acteurs ou footballeurs. En 2023 Philippe Etchebest et Cyril Lignac y figurent respectivement à la 7<sup>e</sup> et à la 13<sup>e</sup> place. Cependant, derrière toutes ces paillettes, il ne faut pas oublier que ce métier reste très exigeant, difficile, demande un profond dévouement et une discipline de fer – ce que nous rappelle la série <em>The Bear</em> – et que seule une infime minorité atteint le statut de « star ».</p>
<h2>Mais où sont les cheffes ?</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Andrée Rosier, première femme MOF cuisinière.</span>
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<p>Que dire du rôle et de la place <a href="https://theconversation.com/gastronomie-quand-les-cheffes-mettent-du-care-en-cuisine-188033">des grandes cheffes</a> ? Si elles affirment de plus en plus leur présence en cuisine, aujourd’hui encore elles obtiennent sensiblement moins d’honneurs ou de reconnaissance que leurs homologues masculins. En France, en un siècle, seules quatre femmes ont obtenu trois étoiles pour leur restaurant : la mère Brazier en 1924, Marie Bourgeois en 1933, Marguerite Bise en 1951 et Anne-Sophie Pic en 2007.</p>
<p>Cette année, moins de 10 % de femmes sont étoilées au guide Michelin. Andrée Rosier (en 2007) et Virginie Basselot (en 2015) sont les deux seules MOF cuisinière à avoir remporté un concours qui compte des centaines d’hommes primés depuis sa création. Dans les médias et sur les réseaux sociaux, les cheffes sont là encore sous-représentées. S’il est indéniable que <a href="https://blog-histoire.fr/2000-ans-histoire/2228-les-cuisiniers.html">l’image du chef a considérablement évolué</a> au cours de ces deux derniers siècles et que les plus grands d’entre eux sont de véritables vedettes, les cheffes attendent toujours leur tour et sont encore trop souvent victimes de <a href="https://www.50-50magazine.fr/2020/07/06/sexisme-en-cuisine-ou-sont-les-cheffes/">comportements machistes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aujourd’hui, les chefs cuisiniers – quelques cheffes aussi – sont écoutés, admirés, respectés. Mais il n’en a pas toujours été ainsi.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1921392022-12-06T19:02:31Z2022-12-06T19:02:31ZPourquoi la bière n’a pas fini de se faire mousser<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499278/original/file-20221206-8417-xtadd6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1920%2C1258&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fabrication de bières artisanales est en plein boom.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>Elle peut être blonde, brune ou rousse. On peut la déguster en pression, bouteille ou canette. <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/histoire-de-la-biere-une-boisson-estivale-qui-se-fait-mousser-7830106">Boisson millénaire</a>, affectueusement appelée « petite mousse », elle est composée à plus de 90 % d’eau ainsi que de houblon, de malt et de levure. La bière, boisson rafraîchissante évoquant les moments de convivialité, les matchs de foot, les concerts, la fête… connaît depuis quelques années une profonde évolution.</p>
<p>La France est aujourd’hui le 7<sup>e</sup> producteur de bière en Europe. Les Français en consomment en moyenne 33 litres par an, selon Statista. Même s’ils sont loin derrière les Tchèques et les Allemands avec respectivement 101 et 75 litres par an et par personne, c’est la seule boisson alcoolisée dont les ventes continuent d’augmenter, en particulier grâce à la production de bières artisanales. L’hexagone compte ainsi une dizaine de brasseries industrielles délivrant la majeure partie de la production de bière. Les deux principaux fabricants sont le <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-de-la-biere_22IAA24">Néerlandais Heineken et le danois Carlsberg, détenteur de la filiale française Kronenbourg</a>. Cependant, les modes de consommation de bière des Français ont beaucoup changé ces dernières années, et le marché connaît une grande transformation.</p>
<h2>Le développement du « sans alcool »</h2>
<p>Sur le marché du « sans alcool », c’est la bière (entre 0 et 1,2 % d’alcool selon la législation française) qui connaît le plus grand succès. Entre les consommateurs qui s’inquiètent des méfaits de l’alcool sur leur santé, ceux qui ne peuvent pas en boire, ou ceux qui doivent ensuite prendre le volant, les raisons de se tourner vers ces dernières sont de plus en plus nombreuses. Même si elles ne représentent que 3,7 % du marché total des bières, leur progression ces cinq dernières années a été de 147 % (Xerfi, 2022). </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Les marques industrielles comme Kronenbourg avec les « Tourtel Twist », ou « 0.0 » de Carlsberg dominent le marché, mais les bières artisanales ne sont pas en reste comme la Brasserie du Mont-Blanc avec la « Cristal IPA 0,0 % », d’autant plus que dorénavant les procédés de désalcoolisation à froid et sous vide permettent de maintenir les qualités gustatives des bières.</p>
<p><a href="https://www.editions-baudelaire.com/auteur/alexandra-berry/craft-r-evolution-et-artisanat-au-service-de-la-biere">Le mouvement « craft »</a>, autrement dit de la bière artisanale, est né aux États-Unis entre la fin des années 70 et le début des années 80. Des Américains, las de boire des bières industrielles totalement fades, décident de remettre au goût du jour différentes recettes traditionnelles comme celle de la IPA ou de la Stout. De nombreuses micro-brasseries voient ainsi le jour, faisant redécouvrir les goûts variés et authentiques de la bière grâce, entre autres, à des houblons et des levures de qualité assemblés avec audace.</p>
<p>En France, le nombre de brasseries artisanales (produisant jusqu’à 50 000 hl de bière par an) et de micro-brasseries (produisant jusqu’à 10 000 hl) a presque quintuplé entre 2014 et 2021 pour atteindre un total de près de 2 300 brasseries aujourd’hui. Or, même si le poids de ces dernières dans la production nationale reste encore assez limité avec environ 8 % du total des ventes de bières, les brasseries artisanales continuent de se développer et de <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-de-la-biere_22IAA24">gagner, année après année, des parts de marché</a>, ce qui inquiète d’ailleurs les producteurs industriels.</p>
<p>Les brasseries artisanales et micro-brasseries sont des structures indépendantes, produisant elles-mêmes leur bière et la distribuant en général à un niveau local (ville, département, maximum région), principalement à des caves à bières ou à des distributeurs indépendants. Leur particularité est de brasser des matières premières de qualité selon un procédé classique, authentique, sans rajouter de produits chimiques ni de conservateurs. Dans de nombreux cas aussi, les bières ne sont pas pasteurisées afin de laisser la fermentation suivre son cours et une variété de saveurs se développer. Leur succès témoigne de l’importance de l’artisanat et de la mise en avant des produits locaux.</p>
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<span class="caption">Paul, un des co-fondateurs de la micro-brasserie Bière des Bräu.</span>
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<p>Bière des Bräu est une micro-brasserie grenobloise qui a vu le jour en 2020. Ses fondateurs, Paul et Nico, deux passionnés, considèrent que la bière est un produit qui permet de l’inventivité et de la créativité. Paul explique qu’avec Nico ils aiment créer des recettes originales, un peu farfelues mais qui leur ressemblent et qu’ils ont plaisir à brasser. Derrière chacune de leurs bières se cache une anecdote. Selon lui, les trois piliers de la « craft » sont l’indépendance, la créativité et la taille humaine.</p>
<h2>L’importance grandissante des accords mets/bières</h2>
<p>Côté gastronomie, les <a href="https://www.brasseurs-de-france.com/tout-savoir-sur-la-biere/accords-bieres-mets/">accords mets bière</a> rencontrent de plus en plus de succès. Alors qu’il y a quelques années encore, il était impensable de boire de la bière pendant un repas, les habitudes changent. Déguster une tomme aux fleurs accompagnée d’une IPA artisanale va, par exemple, permettre aux acides gras du fromage de faire ressortir les arômes de houblon de la bière. Les chefs français ne sont pas en reste. <a href="https://hoppyhours.net/2021/11/27/accords-mets-bieres/">Pierre Sang Boyer</a>, fervent défenseur de cette boisson, aime réaliser des créations culinaires en association avec la bière brune artisanale dont il trouve que les arômes riches se marient bien avec la douceur de la patate douce et l’acidité de l’orange par exemple. La cheffe étoilée Hélène Darroze réalise, elle, des recettes d’accords pour une grande marque de bière industrielle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La zythologue française Élisabeth Pierre.</span>
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<p>Enfin, l’apparition en 2019 des néologismes <em>zythologie</em> et <em>biérologie</em> (deux synonymes qui se rapportent à l’étude de la bière, du brassage et des brasseries) montre l’intérêt grandissant pour ce qui a trait à cette boisson. D’ailleurs, le métier de zythologue se développe lui aussi. Comme le sommelier, il est capable de déguster, conseiller et de vendre de la bière dont il maîtrise parfaitement le processus de fabrication. Il intervient lors du brassage, et oriente le choix des styles de bières. </p>
<p>La zythologue <a href="https://dai.ly/x2xjv72">Élisabeth Pierre</a> n’a de cesse de faire connaître l’univers de la bière, au travers de formations professionnelles et d’ouvrages. Elle a de surcroît créé le cercle <a href="https://bierissima.com/">Bierissima</a> qui met en avant la présence des femmes dans l’univers de la bière – un univers dont l’imaginaire est traditionnellement associé au masculin. Cette boisson n’a, de toute évidence, pas fini de faire parler d’elle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192139/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre renouveau artisanal, intrusion dans le monde de la gastronomie et marché du sans alcool, le marché de la bière connaît depuis quelques années une profonde évolution.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1842282022-08-31T13:05:37Z2022-08-31T13:05:37ZPour une consommation éclairée du phoque gris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480421/original/file-20220822-76838-nyikjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C34%2C3244%2C2135&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les phoques de moins de 6 semaines représentent le meilleur groupe d'âge à des fins de commercialisation.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Pierre-Yves Daoust)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Il y a présentement un intérêt grandissant quant à l’exploitation commerciale des produits du phoque gris (<em>Halichoerus grypus</em>) du golfe du Saint-Laurent. Alors que sa peau est vendue et que sa graisse est transformée en huile depuis de nombreuses années, il n’existe que peu de marchés pour la viande et les abats. Or, depuis une dizaine d’années, de petites entreprises aux Îles de la Madeleine offrent ces produits sauvages issus d’une pêche durable, contribuant à une saine gestion de cette ressource dans le Saint-Laurent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p>Viande très foncée au goût salé et unique, la viande de phoque gris est appréciée par les amateurs de viande sauvage. Préparés en tataki, en filet, en saucisse, ou en terrine, la viande et le foie de phoque gris sont de plus en plus consommés par des familles de chasseurs dans des communautés côtières ainsi que dans les restaurants gastronomiques du Québec.</p>
<p>Experts en écotoxicologie, en santé environnementale et en pathologie de la faune, nous nous sommes penchés sur la valeur nutritive de cette viande de phoque, ainsi que sur les contaminants chimiques et les pathogènes pouvant s’y retrouver.</p>
<p>Envie d’y goûter ? Voici un petit guide pour une consommation éclairée !</p>
<h2>Une espèce qui n’est pas menacée</h2>
<p>Jusqu’au XIX<sup>e</sup> siècle, les Madelinots chassaient le phoque à des fins de subsistance pour s’alimenter et pratiquer des activités traditionnelles. Cette activité demeure aujourd’hui au cœur de leur culture et contribue de façon significative à l’économie locale des Îles de la Madeleine et de certaines communautés sur les berges du Saint-Laurent.</p>
<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/fisheries-peches/seals-phoques/seal-stats-phoques-fra.html">environ un millier d’individus sont chassés de manière commerciale</a> chaque année. La chasse récréative au phoque gris est également permise. Or, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1761199/duree-chasse-phoque-gaspesie-loup-marin">malgré un récent engouement</a>, ces activités de chasse ne menacent pas le statut de cette population, désignée <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/species-especes/profiles-profils/greyseal-phoquesgris-fra.html">« non en péril »</a>. Le nombre de phoques gris est <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/663156/les-madelinots-veulent-que-le-quebec-retrouve-le-gout-du-phoque">estimé à 340 000 dans l’Est du Canada</a>, une région qui comprend également le golfe du Saint-Laurent.</p>
<h2>C’est la dose qui fait le poison</h2>
<p>Naturellement présents dans l’environnement à de faibles concentrations, certains éléments chimiques, comme le cuivre et le fer, sont des nutriments nécessaires au bon fonctionnement des êtres vivants. Mais, dans certains cas, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/saine-alimentation/apports-nutritionnels-reference/questions-reponses.html">ces éléments dits « essentiels » atteignent des concentrations élevées qui pourraient s’avérer nuisibles à la santé</a>.</p>
<p>Attention, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/salubrite-aliments/contaminants-chimiques/concentrations-maximales-etablies-egard-contaminants-chimiques-aliments.html">certains organismes peuvent aussi accumuler des concentrations élevées d’éléments traces « non essentiels »</a>. On parle alors de contaminants chimiques comme le mercure, le cadmium et le plomb. Ces derniers n’ont aucune fonction biologique et sont toxiques à très faibles concentrations, tant pour les phoques que pour les humains.</p>
<p>Les résultats d’une <a href="https://doi.org/10.1016/j.chemosphere.2022.133640">première étude</a> montrent qu’en général, la viande et le foie de phoque gris sont une bonne source de nutriments, notamment de fer et de cuivre. Cette étude met aussi en évidence que la consommation de muscle, de cœur et de foie des jeunes phoques de l’année sevrés (et âgés de moins de 6 semaines) serait à privilégier. Pourquoi ? Parce que l’ensemble des éléments essentiels et non essentiels étudiés respectent les concentrations maximales recommandées (pour une consommation hebdomadaire), et ce, même chez les populations plus vulnérables comme les femmes enceintes et les jeunes enfants.</p>
<h2>Préconiser la consommation de jeunes phoques</h2>
<p>Dès que les phoques gris atteignent 6 semaines, ils commencent à s’alimenter en mer. Les concentrations de mercure et de cadmium dans la viande et le foie font alors un pas vers le haut. Chez les phoques, la principale voie d’absorption de ces éléments est la nourriture. Ainsi, ces résultats reflètent probablement le changement d’alimentation après le sevrage. Alors que ces concentrations ne présentent pas de risques significatifs pour la population générale en santé, une plus grande vigilance est de mise pour les femmes enceintes et les jeunes enfants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un chef prépare une carcasse de phoque" src="https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La viande de phoque peut être apprêtée en tataki, en filet, en saucisse, ou en terrine. Sur cette photo, Réjean Vigneau, boucher, prépare différentes coupes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Yoanis Menge)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La Direction régionale de santé publique de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine est d’ailleurs d’avis que les <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/salubrite-aliments/contaminants-chimiques/contaminants-environnementaux/mercure/mercure-poisson.html">recommandations de Santé Canada pour la consommation de thon blanc en conserve pour les femmes enceintes et les jeunes enfants</a> devraient s’appliquer à la consommation de phoque gris du golfe du Saint-Laurent. En effet, le thon blanc présente des concentrations intermédiaires de mercure similaires à celles mesurées dans le muscle et le foie de phoque gris de plus de 6 semaines.</p>
<p>Les reins sont toutefois à éviter, en raison de concentrations plus élevées de cadmium et de mercure. C’est le cas autant pour les jeunes phoques de l’année sevrés (et âgés de moins de 6 semaines) que ceux plus âgés. Des concentrations élevées de plomb ont aussi été retrouvées dans quelques échantillons de phoques gris. Ces observations soulèvent l’importance de promouvoir l’utilisation de munitions sans plomb et non toxiques pour la chasse, tant pour des raisons environnementales que pour éviter la contamination de la viande.</p>
<p>Il importe de noter que, bien que les phoques gris juvéniles et adultes (âgés de 6 semaines et plus) soient chassés pour la viande, la chasse commerciale pour la récolte d’abats vise uniquement les jeunes de l’année âgés de moins de 6 semaines. Notre étude confirme donc que ceci est une bonne pratique pour la consommation humaine !</p>
<h2>Un risque faible de transmission de parasites</h2>
<p>Une <a href="https://doi.org/10.3354/dao03536">deuxième étude</a> a évalué la présence de cinq agents infectieux, soit des bactéries et des parasites qui pourraient être transmis aux humains par les phoques gris suite à la préparation ou à la consommation de viande crue ou peu cuite. Une telle transmission d’agents infectieux « zoonotiques » est tout aussi possible lors de contacts avec le bétail et la volaille, ainsi qu’avec <a href="https://doi.org/10.3389/fpubh.2021.627654">différents animaux sauvages en Amérique du Nord</a>.</p>
<p>Bonne nouvelle : aucune détection du parasite Trichinella (qui cause la <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/trichinellose">trichinellose</a>) chez les phoques gris échantillonnés. Par ailleurs, très peu de phoques démontraient des signes d’infection par les bactéries Brucella (qui cause la <a href="https://inspection.canada.ca/sante-des-animaux/animaux-terrestres/maladies/declaration-obligatoire/brucellose/fiche-de-renseignements/fra/1305673222206/1305673334337">brucellose</a> et <em>Erysipelothrix rhusiopathiae</em> (associée à la maladie du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2827281/"><em>seal finger</em></a>).</p>
<p>Par contre, tous les phoques présentaient des signes d’exposition à la bactérie <em>Leptospira interrogans</em> (responsable de la <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/leptospirose">leptospirose</a>), et la moitié des phoques gris échantillonnés étaient porteurs du parasite <em>Toxoplasma gondii</em> (responsable de la <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/toxoplasmose">toxoplasmose</a>).</p>
<h2>Prendre ses précautions</h2>
<p>Mais pas de panique, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Les normes canadiennes d’abattage des animaux et de manipulation de leurs produits, employées notamment durant la chasse aux phoques, assurent des produits sains, surtout lorsque combinées à une cuisson appropriée. Il est tout de même recommandé aux chasseurs de porter des gants jetables lors de la manipulation des phoques pour éviter tout contact avec les bactéries.</p>
<p>Afin de réduire les risques d’infection par <em>Toxoplasma gondii</em>, la viande et le foie de phoque chassé commercialement sont toujours congelés à -10<sup>0</sup>C ou moins pour trois jours avant la mise sur le marché, ce qui assure la destruction du parasite. Pour les chasseurs récréatifs, cette pratique est fortement recommandée, particulièrement quand la viande est consommée crue ou peu cuite, comme en tataki (la meilleure façon de la consommer, <a href="https://www.journaldequebec.com/2016/04/21/le-bon-gout-des-iles-de-la-madeleine">selon les chefs</a> !). Une cuisson complète à une température interne de 74<sup>0</sup>C devrait aussi inactiver l’ensemble des pathogènes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="tataki sur une assiette" src="https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tataki de phoque préparé par Johanne Vigneault, du restaurant Gourmande de nature, aux Îles-de-la-Madeleine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jasmine Solomon, pour Manger notre Saint-Laurent)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il importe de noter que, contrairement aux pathogènes, les contaminants chimiques (mercure, plomb, cadmium) ne sont pas détruits par la congélation ou la cuisson.</p>
<h2>La science au service des communautés</h2>
<p>En travaillant en collaboration avec les chasseurs et décideurs locaux, nos travaux contribuent à mettre la science au service des communautés pour promouvoir une gestion durable et une consommation saine et savoureuse de cette ressource unique du Saint-Laurent.</p>
<p>Que faut-il retenir pour une consommation éclairée du phoque gris ? Privilégier la viande, le foie et le cœur des jeunes phoques (âgés de moins de 6 semaines) et appliquer des mesures sanitaires standard (gants, congélation ou cuisson) lors de la manipulation des phoques et de leurs produits.</p>
<p>Vous aimeriez goûter à la viande de phoque ou d’autres produits du Saint-Laurent ? Consultez le site de <a href="https://mangernotrestlaurent.com/">Manger notre Saint-Laurent</a> pour découvrir où s’en procurer.</p>
<p>Le contact avec la nature est aussi bon pour la santé ! Sachez que le <a href="http://exploramer.qc.ca/">Musée Exploramer</a>, à Sainte-Anne-des-Monts, offre une formation complète sur la chasse au phoque. Cet atelier est donné par Réjean Vigneau, chasseur émérite et propriétaire de la <a href="https://www.boucheriecoteacote.ca/">Boucherie Côte à Côte</a> aux Îles-de-la-Madeleine, et <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/bon-pied-bonne-heure/segments/chronique/95436/yannick-ouellet-formation-culinaire-viande-phoque">Yannick Ouellet</a>, chef culinaire de la région.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184228/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwyneth Anne MacMillan a reçu des financements de Fond de recherche Québec Nature et technologies (FRQNT) et de la Chaire de recherche Littoral (Sentinelle Nord (Apogée Canada) et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (CIRNAC)).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mélanie Lemire a reçu des financements de Services aux Autochtones Canada, Santé Canada, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (CIRNAC), Sentinelle Nord (Apogée Canada), Meopar, Génome Canada, Fonds de recherche du Québec - Santé, Réseau Québec Maritime et l'Institut de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yves Daoust a reçu des financements du Ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Amyot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On recommande de privilégier la viande, le foie et le cœur des jeunes phoques et d’appliquer des mesures sanitaires standard (gants, cuisson) lors de la manipulation des phoques et de leurs produits.Gwyneth Anne MacMillan, Postdoctoral Researcher in Environmental Science, McGill UniversityMarc Amyot, Professor, Université de MontréalMélanie Lemire, Associate professor, Department of Social and Preventive Medicine, Université LavalPierre-Yves Daoust, Professor Emeritus, University of Prince Edward IslandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1782882022-08-24T13:30:32Z2022-08-24T13:30:32ZUn renouveau gastronomique pour les algues marines du Saint-Laurent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474694/original/file-20220718-76291-oa88a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des algues dans le fleuve Saint-Laurent. Les eaux froides du Québec sont propices à leur croissance. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Ce n’est pas d’hier que les algues marines font partie de l’alimentation des humains. En Asie, leur consommation est bien ancrée dans les traditions culinaires. Pensons au fameux <a href="https://ici.radio-canada.ca/mordu/recettes/4770/bouillon-dashi">dashi</a>, ce bouillon japonais des plus savoureux.</p>
<p>Moins connues en Occident, les <a href="https://merinov.ca/wp-content/uploads/2021/10/Merinov-Strategie-Algues.pdf">algues sont une source d’aliments traditionnels dans quelques zones côtières</a> de l’Islande, de l’Irlande, de la France, du Danemark, de la Norvège, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0268005X1630532X">États-Unis et du Canada</a>.</p>
<p>Une cinquantaine d’algues sont consommées dans le monde. Les plus courantes retrouvées dans le commerce sont notamment le nori (utilisé pour les sushis), la dulse, le haricot ou spaghetti de mer, la laitue de mer, le wakamé et celui d’Atlantique, la fougère de mer, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007996017300792">et le kombu royal (lasagne de mer)</a>.</p>
<p>Nous retrouvons plusieurs de ces algues marines dans le fleuve Saint-Laurent.</p>
<p>Leur abondance, leur polyvalence et leur qualité font de cette ressource un véritable atout du Québec. Un atout qu’il faut absolument découvrir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p>Je m’intéresse au potentiel des algues marines et à leur mise en valeur en alimentation depuis une douzaine d’années. Mes activités de recherche portent sur l’étude des algues du Saint-Laurent et leurs composantes. Récemment, notre équipe de recherche à <a href="https://www.inaf.ulaval.ca">l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l’Université Laval</a> a investigué le potentiel gastronomique du dashi issu des algues québécoises.</p>
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<span class="caption">Un Océan De Saveurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Manuel AÑÒ -- Explorateur par l’image)</span></span>
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<h2>Les algues du Saint-Laurent</h2>
<p>Les grandes algues marines vivent dans les eaux salées, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1319016409000462">sur le littoral des océans, des mers et des fleuves</a>. Elles sont d’une très grande diversité de taille, de forme et de couleur. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1529-8817.2012.01222.x">On classe les algues marines par leur couleur selon les pigments qu’elles contiennent : vertes, brunes, rouges</a>.</p>
<p>Les eaux froides du Québec sont propices à leur croissance. Le très faible niveau de pollution d’origine industrielle ou urbaine dans certains endroits y est un atout. Des activités de culture <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-016-0850-3">peuvent être mises en place sans problème associé à l’accumulation de métaux lourds ou de microorganismes pathogènes</a> (pouvant causer une maladie).</p>
<p>Avec ses 6 000 km de côtes, réparties notamment dans les régions de la Gaspésie, de la Côte-Nord, et du Bas-Saint-Laurent <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/natcan/2016-v140-n2-natcan02523/1036505ar.pdf">l’estuaire maritime et le golfe regroupent 346 espèces d’algues</a>. <a href="http://exploramer.qc.ca/fourchette-bleue/">On en retrouve quinze parmi les espèces certifiées « Fourchette bleue » 2022</a>, une certification québécoise qui vise à faire découvrir de nouveaux produits marins à la population tout en appuyant l’utilisation durable de la ressource.</p>
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<span class="caption">Récolte d’Alaria esculenta (Wakamé d’Atlantique).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Merinov)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les algues sont disponibles sous différentes formes, soit fraîches, séchées, blanchies, congelées, en flocons ou épices, et même déjà transformées (prêt-à-manger comme le <a href="https://gaspesiegourmande.com/producteurs-transformateurs?id=598">pesto</a>, la relish, le <a href="https://gaspesiegourmande.com/producteurs-transformateurs?id=597">mélange à tartare</a>). L’incorporation des algues du Saint-Laurent dans des produits communs comme les <a href="https://www.lokkodelicieux.com/products/vinaigrette-la-kombu">vinaigrettes</a>, le pain, la <a href="http://lamateurdebiere.com/2018/07/gose-aux-algues-de-riverbend/">bière</a>, le <a href="https://couleurchocolat.panierdachat.app/fr/produit/tablette-chocolat-noir-framboises-et-algues-nori">chocolat</a>, le <a href="https://ifst.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ijfs.13681">fromage</a>, le <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/les-annees-lumiere/segments/reportage/401473/inaf-acfas-yogourt-algue-beaulieu-nutriment-">yogourt</a>, le sel et les épices, <a href="https://gaspesiegourmande.com/producteurs-transformateurs?id=603">comme en Gaspésie</a> ou <a href="https://www.lesjardinsdelamer.org/boutique/produits/">dans le Bas-Saint-Laurent</a>, est de plus en plus courue.</p>
<p>Dans les restaurants, les <a href="https://www.mapaq.gouv.qc.ca/pechesicimangesici/Pages/index.aspx">chefs cuisiniers ont aussi apprivoisé les algues du Québec</a> : elles les incitent à revisiter des recettes traditionnelles et à ouvrir des voies pionnières en gastronomie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pêchés ici, mangés ici. (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec).</span></figcaption>
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<h2>Les vertus des algues pour la santé</h2>
<p>Ces légumes de mer contiennent des fibres, des protéines, des vitamines et des minéraux qui les rendent attrayants d’un point de vue nutritionnel et pour prévenir certaines maladies, <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/abs/10.1139/h11-115">comme l’obésité</a>. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34597023/">L’intérêt de les intégrer en alimentation est donc grandissant</a>.</p>
<p>Outre le désir de manger sainement, le mouvement locavore (qui fait prendre conscience de l’importance des ressources locales durables), la mise en valeur des terroirs, la gastronomie et l’innovation culinaire <a href="https://findresearcher.sdu.dk/ws/portalfiles/portal/169333091/Umamipot1.pdf">inspirent aussi l’introduction des algues marines dans nos assiettes</a>. Les plus communes sont celles que l’on utilise dans les sushis, les salades, les <a href="https://www.delachauxetniestle.com/livre/algues-marines">soupes, voire dans les desserts ou comme assaisonnement et rehausseur de saveurs</a>.</p>
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<span class="caption">Filet de truite cuit à la vapeur d’algues et sauce à la laitue de mer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(INAF)</span></span>
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<h2>La saveur des algues</h2>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-022-02731-0">La phycogastronomie</a> (gastronomie scientifique des algues) a récemment fait son apparition afin de développer une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-022-02731-0">approche collaborative entre chercheurs et chefs cuisiniers professionnels</a>. Elle a pour but d’appuyer les créations culinaires sur des bases scientifiques, et d’encourager la consommation des algues auprès du grand public.</p>
<p>L’acceptation par les consommateurs de ces nouveaux produits à base d’algues dépend cependant de leurs propriétés organoleptiques, en particulier l’arôme, le goût et une combinaison des deux, la flaveur.</p>
<p>Les algues possèdent une saveur bien spécifique produite par des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0268005X1630532X">minéraux, des sucres et de nombreux composés organiques volatils</a>. Ce goût est étroitement lié à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Umami">saveur umami</a>, qu’on désigne comme la cinquième saveur s’ajoutant aux quatre autres connues (l’acide, le sucré, le salé, l’amer).</p>
<p>Les composés acides aminés, comme le glutamate et l’aspartate ainsi que des substances dérivées des acides nucléiques dissous dans les cellules de certaines algues, en particulier le nori, <a href="https://www.researchgate.net/publication/257883487_Seaweeds_for_umami_flavour_in_the_New_Nordic_Cuisine">constituent une source de saveur umami</a></p>
<p>Le glutamate, un acide aminé naturellement trouvé dans les aliments, est utile comme rehausseur de saveurs en cuisine. On le retrouve entre autres dans le parmesan, les tomates mûres, mais aussi dans les poissons et la sauce soja. Certaines espèces, particulièrement le kombu et plusieurs autres algues brunes, ont un goût d’iode prononcé. Avec l’iode, le potassium et le sodium apportent aussi un goût marin. La laminaire sucrée (kombu royal) quant à elle contient un sucre, le mannitol, qui lui confère son goût doux et sucré caractéristique.</p>
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<span class="caption">Culture de laminaire sucrée (Saccharina latissima).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Élizabeth Varennes)</span></span>
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<p>Les algues peuvent aussi exhaler des odeurs ou révéler des saveurs associées à des composés organiques volatils. Des descripteurs sont couramment utilisés pour définir les arômes des algues (marin, soufré, végétal, boisé, épicé), qui sont associés à de multiples composés. Les caractéristiques sensorielles étant liées à l’acceptation d’un aliment par les consommateurs, de <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.jafc.1c04409">nombreuses études permettent d’explorer les arômes des algues</a>, et l’impact de leur incorporation à un aliment.</p>
<h2>Dashi à base d’algues québécoises</h2>
<p>L’un des plats les plus célèbres à base d’algues est une spécialité japonaise appelée dashi, qui signifie « un extrait cuit », un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0268005X1630532X">bouillon de soupe à base d’algues japonaises kombu</a>).</p>
<p>Le dashi est un très bon représentant du goût umami, car son procédé de cuisson permet l’extraction d’une grande quantité de glutamate. Afin de mener à bien notre recherche en vue de produire un dashi québécois, nous en avons sélectionné deux en raison de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-019-01846-1">leur historique de consommation</a>, <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/natcan/2016-v140-n2-natcan02523/1036505ar.pdf">leur disponibilité</a> et leur intérêt culinaire : l’algue rouge dulse (bacon de mer) et l’algue brune kombu royal (lasagne de mer).</p>
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<span class="caption">Plat de dulse (Palmaria palmata).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Merinov)</span></span>
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<p>La production de bouillons a été suivie à différentes températures et temps de cuisson. Elle a été analysée pour leur composition chimique (minéraux, protéines et glucides) ainsi que pour leurs caractéristiques physico-chimiques sensorielles (couleur, texture, composés umami et composés organiques volatils).</p>
<p>Les résultats ont montré que les nutriments des algues étaient préservés dans les bouillons. Ceux produits avec la lasagne de mer étaient plus colorés, plus riches en minéraux, et avaient des arômes salés, marins et végétaux. Les bouillons de la dulse étaient plus visqueux, avec une plus grande quantité de glucides, et démontraient des arômes sucrés, fruités, herbacés, et un potentiel intéressant de saveur umami.</p>
<p><a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Impact-of-temperature-and-cooking-time-on-the-and-Lafeuille-Francezon/79e2fb5c61649ff3dd4dfae0afb51f34e98de2cf">La dulse est donc l’algue qui produisait un dashi plus diversifié en arômes et riche en saveurs umami</a>.</p>
<p>Les consommateurs sont intrigués par l’idée de manger des algues du Saint-Laurent et ils sont curieux d’en apprendre davantage sur leur origine. Les algues peuvent ainsi gagner une place dans les menus et, dans le futur, être encore plus présentes dans nos repas au quotidien !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178288/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucie Beaulieu est directrice du groupe d’intérêt sur les produits et co-produits marins de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) et directrice de la thématique – Ressources et économie maritime durable du Réseau Québec maritime (RQM). Elle a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du Fonds de recherche du Québec - Nature et technologie (FRQNT), du Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec (CRIBIQ), du Consortium de Recherche, en Innovation et en Transformation Alimentaire (RITA), de MITACS, du programme Sentinelle Nord, du programme RFI Food for tomorrow - Cap Aliments, de l'Institut France-Québec maritime (IFQM), de plusieurs ministères provinciaux et fédéraux (ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ministère de l'Économie et de l'Innovation, ministère des Relations Internationales, Fonds des Pêches du Québec, Conseil National de Recherche du Canada).</span></em></p>L’abondance, la polyvalence et la qualité des algues marines du Saint-Laurent font de cette ressource un véritable atout du Québec. Il faut désormais les intégrer dans nos cuisines.Lucie Beaulieu, Professeure en Sciences des aliments, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1880332022-08-22T18:25:44Z2022-08-22T18:25:44ZGastronomie : quand les cheffes mettent du « care » en cuisine<p>En 2022, la France comptait 627 restaurants étoilés… dont 32 sont tenus par des femmes cheffes. Si leur représentation dans la gastronomie française tend à évoluer – en atteste par exemple la <a href="https://www.ouest-france.fr/medias/m6/top-chef-cinq-choses-a-savoir-sur-louise-bourrat-gagnante-de-la-saison-13-cbc431ed-a322-453d-8cdc-4198996530ad">consécration de Louise Bourrat lors de l’édition 2022 de l’émission Top Chef</a> – seuls 5 % de restaurants étoilés en France sont gérés par des femmes.</p>
<p>Qui sont ces femmes qui parviennent à la distinction Michelin, et quelle gastronomie celles-ci incarnent-elles dans un environnement qui leur est socialement hostile ? Existe-t-il une gastronomie différenciée selon le genre ?</p>
<p>Certaines de ces cheffes nous invitent à une relecture écoféministe de la gastronomie, ancrée dans les pratiques du care, comme une entrée en résilience face aux inégalités de genre.</p>
<h2>La cuisine, une affaire de femmes ?</h2>
<p>Si la cuisine est depuis toujours considérée comme l’apanage des femmes, c’est bien la professionnalisation de celle-ci qui est à l’origine de ces traitements de faveur différenciés. En effet, <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2010-1-page-127.htm">« le métier de cuisinier est lui une profession d’hommes qui s’est fondée sur des valeurs socialement “masculines” telles que la hiérarchie, le commandement, la force et la discipline »</a> [“]. C’est ainsi que <a href="https://www.google.fr/books/edition/La_Distinction/HO-fCwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=0">Bourdieu écrit</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les mêmes tâches peuvent être nobles et difficiles, quand elles sont réalisées par des hommes, ou insignifiantes et imperceptibles, faciles et futiles, quand elles sont accomplies par des femmes ; comme le rappelle la différence qui sépare le cuisinier de la cuisinière […], il suffit que les hommes s’emparent de tâches réputées féminines et les accomplissent hors de la sphère privée pour qu’elles se trouvent par là ennoblies et transfigurées. »</p>
</blockquote>
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<h2>Un changement de cap balbutiant</h2>
<p>Il faut attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour entrevoir les <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2010-1-page-127.htm">premiers balbutiements d’une nouvelle ère</a>. Avec l’essor du tourisme, certaines cuisinières de maisons bourgeoises deviennent propriétaires d’auberges ou de cafés : c’est le début des « mères lyonnaises ». En 1933, le Guide Michelin attribue pour la première fois ses étoiles, parmi lesquelles figurent deux femmes : la <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/on-n-est-pas-sorti-de-l-auberge/segments/entrevue/17121/gastronomie-lyon-femmes">Mère Brazier</a> et la <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-histoire-a-la-carte-de-thierry-marx/l-histoire-a-la-carte-la-mere-bourgeois-une-des-premieres-3-etoiles_2942177.html">Mère Bourgeois</a>. Cependant, la persistance cette dénomination (« mère ») indique que, malgré la professionnalisation, elles restaient enfermées symboliquement dans la sphère domestique.</p>
<p>Cette première consécration féminine a du mal à trouver écho près d’un siècle plus tard. Malgré une réduction des inégalités du côté des tâches domestiques, le développement du travail féminin et l’amélioration des conditions de travail qui ne <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0278431920301213">permettent plus de justifier plus les inégalités de genre dans le monde de la gastronomie</a>, la haute cuisine reste une affaire d’hommes. La cuisine et le restaurant, en tant qu’« hospitality services » <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0278431920301213">sont particulièrement hostile aux femmes</a>, avec des conditions de travail précaires, des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/mon-chef-me-touche-les-fesses-les-eleves-des-ecoles-hotelieres-formes-contre-les-violences-en-cuisine-7628040">cas de harcèlement et d’agressions physiques</a>, des revenus instables en partie fondés sur les pourboires, et des horaires de travail décalés difficiles à allier avec leur vie privée, notamment quand elles ont des enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-confreries-gastronomiques-sont-elles-depassees-172005">Les confréries gastronomiques sont-elles dépassées ?</a>
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<p>Si les femmes sont bel et bien présentes dans le secteur des services, elles occupent surtout des positions subalternes le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15428052.2017.1289133">chemin menant au statut de cheffe étant semé d’embûches</a>. La nécessité de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12147-010-9086-8">gérer parallèlement carrière professionnelle et vie de famille constitue l’un des principaux obstacles</a> à leur évolution de carrière. Les femmes doivent ainsi développer leurs propres stratégies managériales pour être respectées dans une culture d’entreprise très masculine.</p>
<h2>Des pistes de renouvellement</h2>
<p>Malgré ces obstacles, certaines parviennent <a href="https://journals.openedition.org/sdt/36855">à l’excellence</a>. Ainsi, les pratiques de certaines cheffes étoilées (<a href="https://www.google.com/url?q=https://guide.michelin.com/fr/fr/article/people/les-cheffes-etoilees-en-france&sa=D&source=docs&ust=1657638651009588&usg=AOvVaw2zRTeuhB_wProS1lRqQvUQ">comme il n’en existe finalement que très peu</a>) invitent à une analyse sous ce même spectre du genre, incitant à se questionner sur une éventuelle approche féminisée de la cuisine gastronomique. En observant le discours de trois cheffes, <a href="https://www.aponem-aubergedupresbytere.fr/auberge">Amélie Darvas</a>, <a href="http://www.aubergelafeniere.com">Nadia Sammut</a> et <a href="https://clairevallee.com">Claire Vallée</a>, il émerge effectivement une volonté de pratiquer leur art différemment, aux antipodes des méthodologies traditionnelles.</p>
<p>Lorsque la parole leur est donnée, ces trois femmes évoquent le désir de s’éloigner d’un monde dans lequel elles ne se reconnaissent plus, que ce soit pour des raisons de santé ou d’éthique. Dans un <a href="https://lefooding.com/cheffes-de-bande/delivrez-nous-du-male">article au titre évocateur</a>, Amélie Darvas regrette par exemple que le milieu de la gastronomie française soit modelé par un « discours de mâle blanc dominant », qui stigmatise et empêche l’épanouissement de celles et ceux qui s’éloignent de ce modèle. Claire Vallée et Nadia Sammut, elles, évoquent un besoin de recentrer leurs pratiques pour qu’elles correspondent plus à des réalités <a href="https://guide.michelin.com/fr/fr/article/sustainable-gastronomy/rencontre-avec-claire-vallee-cheffe-du-premier-restaurant-vegan-etoile">écologiques</a> et <a href="https://www.lexpress.fr/styles/saveurs/nadia-sammut-le-sans-gluten-gastronomique_2007136.html">sanitaires</a>.</p>
<p>Toutes parlent finalement de s’éloigner d’un milieu gastronomique traditionnel dans une conscience à la portée parfois militante qui invite à repenser le monde culinaire dans son intégralité.</p>
<h2>Réinventer la gastronomie, loin du discours dominant</h2>
<p>La première étape du changement qu’elles entreprennent semble donc être de s’éloigner physiquement de cet espace masculin, une fuite que Darvas juge nécessaire alors qu’elle affirme <a href="https://lefooding.com/cheffes-de-bande/delivrez-nous-du-male">« c’était presque une question de vie ou de mort »</a>. Dans ces paroles, il est difficile de ne pas entendre une conscience féministe mais aussi écologique, pour des femmes qui évoluent dans un monde d’hommes, mais dont l’idéologie partagée est aussi partiellement <a href="https://www.ucsdclimatereview.org/post/toxic-masculinity-and-climate-change">responsable</a> <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277539515000321">du réchauffement climatique</a>.</p>
<p>Pour ces cheffes, cet éloignement s’incarne de la même manière : elles quittent les grandes villes et leur rythme effréné pour aller installer leur restaurant à la campagne, dans une temporalité différente, pour une démarche qui s’en trouve renouvelée. Pour <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pBOEy6yJ3B4">Claire Vallée</a>, cela s’illustre par l’ouverture de ONA (Origine Non Animale) en pleine nature, à Arès, afin de proposer une cuisine intégralement végétale. Nadia Sammut, elle, choisit d’ouvrir un écolieu où se mêlent permaculture, recherche et cuisine. De la même manière, Amélie Darvas et sa partenaire, Gaby Benicio, quittent leur restaurant parisien et ouvrent Äponem dans le presbytère d’un petit village, où elles décident de cultiver leurs produits en <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s13165-022-00394-2.pdf">biodynamie</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-c-comme-care-158918">« Les mots de la science » : C comme care</a>
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<p>Ces départs vers des espaces ruraux, impulsés depuis quelques années par toute une génération de jeunes chef·fe.s, hommes et femmes, traduisent un désir de reconnexion à l’environnement et au produit, qu’elles souhaitent honorer tout au long du processus, comme l’exprime ici Sammut : <a href="https://guide.michelin.com/fr/fr/article/sustainable-gastronomy/nadia-sammut-la-premiere-cheffe-etoilee-d-un-restaurant-sans-gluten">« On ne peut plus nourrir quelqu’un […] sans respecter la terre, les saisons, les hommes… Il faut alors remonter à l’origine du produit qu’on va cuisiner, comprendre dans quel écosystème il est élevé, puis apprendre à écouter celui qui le produit et la façon dont ce dernier travaille pour que ce produit voie le jour, animal ou végétal »</a>, une philosophie partagée par ses consœurs, comme l’explique Darvas : <a href="https://guide.michelin.com/fr/fr/article/sustainable-gastronomy/amelie-darvas-l-etoile-verte-ajoute-une-reconnaissance-a-notre-travail">« c’est désormais le jardin qui dicte sa loi et les fruits et les légumes sont majoritaires dans l’assiette »</a>.</p>
<p>Proposer des produits respectueux de l’environnement, locaux et majoritairement végétaux, voilà ce vers quoi elles se sont tournées, transformant au passage la base de leur créativité. S’il ne s’agit pas d’essentialiser cette sensibilité en liant le genre de ces femmes et leur approche culinaire, elle naît en partie d’un rejet du système dominant, indiscutablement masculin tant par le nombre que par <a href="https://theconversation.com/meat-is-masculine-how-food-advertising-perpetuates-harmful-gender-stereotypes-119004">l’analyse genrée</a> que l’on peut faire de ses pratiques.</p>
<h2>Une gastronomie à portée philosophique</h2>
<p>De même, la philosophie de Nadia Sammut s’inscrit dans sa volonté de <a href="https://marcelle.media/nadia-sammut-la-calamity-jane-de-la-gastronomie-responsable/">soigner le corps comme la planète</a>, une démarche qui rappelle l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=ahs0FNiNeos">éthique du care</a>. Si le traitement de la matière première de ces cheffes en semble donc intégralement modifié, il apparaît dans leur discours qu’elles se positionnent également différemment vis-à-vis de la communauté qu’elles ont décidé d’intégrer, alors qu’elles prennent part à la vie rurale.</p>
<p>D’après leur discours, ces femmes se positionnent donc en marge d’un milieu à l’apparence rigide, à l’ADN marqué par une certaine vision de la masculinité, pour réinventer une gastronomie qui prend soin de soi, des autres comme de la planète. La pratique de ces cheffes peut donc, sans surprise, se lire comme écologique, mais aussi féministe, et par cet intérêt accru pour le soin, comme réminiscente de l’<a href="https://www.socialter.fr/article/jeanne-burgart-goutal-ecofeminisme-ecologie">écoféminisme</a>. Le choix de cultiver en <a href="https://theconversation.com/aux-origines-de-la-permaculture-86590">permaculture</a>, de privilégier des pratiques respectueuses des écosystèmes dans lesquels ces établissements culinaires s’inscrivent, comme de repenser la responsabilité des chef·fe.s dans leur communauté évoquent un réel changement paradigmatique, au potentiel créatif qui mérite d’être observé, et salué.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188033/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Quelle gastronomie les cheffes étoilées incarnent-elles dans un environnement dominé par des valeurs associées à une certaine vision de la masculinité, et où les femmes restent minoritaires ?Mathilde Jost, Doctorante en Sciences de Gestion, Université de StrasbourgChloé Bour--Lang, Doctorante en Etudes Culturelles, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1867682022-08-02T20:11:07Z2022-08-02T20:11:07ZPetite histoire rafraîchissante des glaces et artisans glaciers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/477148/original/file-20220802-17-3r1835.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C4%2C998%2C673&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un plaisir régressif de l'été. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/447605/free-photo-image-ice-cream-flavor-food">Rawpixel</a></span></figcaption></figure><p>La glace, douceur gentiment régressive qui s’impose à la période estivale… Produit éphémère par excellence, synonyme de moments hédonistes et le plus souvent partagés, elle évoque une forme de nostalgie liée à l’enfance. Les Français en consomment environ 6 litres par an, et 50 % des ventes sont réalisées sur une dizaine de semaines, en été, selon la <a href="http://lemondedudessert.fr/">Confédération Nationale des Glaciers de France</a> (CNGF).</p>
<p>Il y a les sorbets (sans matières grasses) ou les crèmes glacées (qui contiennent du lait ou des œufs), que l’on peut déguster en pot, en bac, en cône ou en bâtonnet. Toujours d’après la CNGF, organisme qui soutient et accompagne les glaciers depuis 80 ans, les parfums plébiscités seraient la vanille, le chocolat et le café pour les crèmes glacées et la fraise, le citron et la poire pour les sorbets.</p>
<h2>Histoires et légendes</h2>
<p>Beaucoup d’histoires et de légendes entourent ses origines. La plupart des chercheurs s’accordent cependant pour dire que la <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=i7s7BAAAQBAJ">glace aurait été inventée en Chine</a>. Son apparition, elle, s’échelonne entre 3 000 et 200 avant Jésus-Christ, selon les sources.</p>
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<p>Certains documents expliquent que les Chinois utilisaient du lait de jument ou d’ânesse qui était fermenté et chauffé avec de la farine et du camphre pour être ensuite glacé puis consommé. Dans d’autres textes, on aromatisait du lait de chèvre avec du miel et des plantes et la technique de refroidissement consistait en un mélange d’eau et de salpêtre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le faludeh ou Faloudeh, boisson glacée perse.</span>
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<p>Les Perses, eux, auraient créé le <em>faludeh</em> ou <em>faloudeh</em>, une boisson glacée à base d’eau de rose et de vermicelles auxquels on ajoutait du safran et des fruits, et alors réservée aux plus riches. Dans la même région, on aurait trouvé des boissons aux fruits refroidies avec de la neige, s’appelant <em>sharbet</em>. Ce mot, d’origine Perse, a par la suite donné le mot français « sorbet ».</p>
<p>Beaucoup d’informations imprécises voire contradictoires circulent concernant l’évolution des glaces et des sorbets au cours des siècles suivants. Par exemple, et contrairement à une idée reçue, <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=fjxfkqnSFiQC">ni Marco Polo, ni Catherine de Médicis ne seraient à l’origine de l’apparition des crèmes glacées en Italie</a> puis en France. Mais les crèmes glacées qui ressemblent à celles que l’on mange aujourd’hui sont bien nées en Italie. Ce sont les fameuses <em>gelati</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/top-chef-lemission-qui-eleve-les-plaisirs-sensoriels-au-rang-dart-184572">« Top Chef », l’émission qui élève les plaisirs sensoriels au rang d’art</a>
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<p>En France, en 1686, le sicilien Francesco Procopio dei Coltelli achète à Paris le <em>Café Procope</em> dans lequel il proposera plus de 80 parfums de glaces, devenant ainsi le premier café-glacier de la capitale. Le succès est total : les membres de l’aristocratie et les plus riches se rendent chez lui pour déguster une coupe glacée. A l’époque, il est compliqué de se procurer puis de conserver de la glace. Le produit est donc coûteux et réservé à une élite.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Procopio de Coltelli.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Francesco_Procopio_dei_Coltelli#/media/Fichier:Procopio-de-Coltelli2_opt2.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Au cours du XIX<sup>e</sup> siècle, les techniques de fabrication et de conservation de la glace s’améliorent considérablement. En effet, dans les années 1840, l’Américaine Nancy Johnson invente la première sorbetière à manivelle, améliorée en 1885 par l’anglaise Agnes Bertha Marshall, surnommée « la reine des glaces ». En 1860, le français Charles Tellier crée la première machine frigorifique permettant ainsi la fabrication du froid artificiel. L’apparition et le développement de l’électricité permettent aussi la conservation des produits. Le nombre de glaciers se multiplie alors, et le succès des glaces va grandissant.</p>
<h2>Un attrait croissant pour glaces artisanales et pour les artisans glaciers</h2>
<p>Selon l’étude <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/La-fabrication-et-le-marche-des-glaces-et-sorbets"><em>Xerfi classic</em> sur La fabrication et le marché des glaces et sorbets</a> publiée en avril 2022, la France est aujourd’hui le premier pays producteur de glaces et de sorbets en Europe et le 2<sup>e</sup> exportateur mondial derrière l’Allemagne. Dans l’hexagone, deux acteurs s’imposent : les fabricants industriels et les artisans glaciers. Les premiers dominent largement avec 1,2 milliard d’euros de chiffres d’affaires en 2021, grâce principalement à la vente aux grandes et moyennes surfaces. Les artisans glaciers, en grande majorité propriétaires de leur magasin, vendent leurs produits directement aux consommateurs et, toujours selon les estimations de <em>Xerfi</em>, auraient un chiffre d’affaires d’environ 400 millions d’euros en 2021.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/depuis-les-annees-1950-les-emissions-culinaires-faconnent-limage-des-chefs-184798">Depuis les années 1950, les émissions culinaires façonnent l’image des chefs</a>
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<p>Or les Français plébiscitent de plus en plus les produits des artisans glaciers et cette profession est en pleine évolution. D’ailleurs, le nombre d’établissements artisanaux et de petits industriels a augmenté de 31 % entre 2012 et 2020 et ce, pour diverses raisons : tout d’abord, les consommateurs sont de plus en plus exigeants concernant la composition des produits qu’ils mangent. Grâce aux applications comme <a href="https://yuka.io/"><em>Yuka</em></a> par exemple, ils peuvent instantanément prendre connaissance des stabilisateurs et additifs que contiennent leurs glaces. C’est pourquoi ils se tournent souvent vers des <a href="https://www.rtbf.be/article/cremes-glacees-certaines-contiennent-autant-d-air-que-de-matieres-premieres-10257165">produits de meilleure qualité</a>, alliant plaisir et santé, et principalement artisanaux.</p>
<p>On assiste également à un fort engouement pour des produits écoresponsables. Grand nombre d’artisans glaciers font appel aux circuits courts et aux produits de saison, supprimant colorants, sucre ultra-transformé et autres conservateurs. Julia Canu (une des rares femmes possédant le titre d’artisan glacier en France, même si la tendance évolue) et Tiago Barbosa, cofondateurs du <a href="https://www.unicoglacier.com/">glacier écoresponsable <em>Único</em> à Lyon</a>, travaillent en direct avec leurs producteurs et leurs sorbets ne sont faits qu’à partir de produits frais. C’est pourquoi de nombreux restaurateurs font appel à eux pour réaliser des glaces de qualité qui accompagnent leurs menus. Ils en ont déjà créé une à l’artichaut par exemple et élaboré un sorbet vinaigre, échalote et poivre concassé pour accompagner les huîtres en période de fêtes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Julia Canu, une des rares femmes artisan glacier de France, et Tiago Barbosa, cofondateurs du glacier Único à Lyon.</span>
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<p>Les petits industriels de la glace surfent eux aussi sur ces nouvelles tendances ainsi que sur les nouveaux modes de consommation. Cécilia Thomas et Laura Faeh, créatrices de la marque Lapp ont innové en créant les les <a href="https://poptailsbylapp.com/fr/blog-fr/"><em>poptails</em></a>, des cocktails glacés, alcoolisés ou non, réalisés avec des produits naturels et végans. Elles expliquent que leur choix s’est effectué en lien avec leurs modes de consommation et leurs convictions écologiques, choix partagés par de plus en plus de consommateurs.</p>
<p>Parallèlement à ces artisans indépendants, rares sont les pâtissiers de renom qui ne produisent pas leur propre glace, avec des positionnements marketing – prix, packaging – souvent très luxueux.</p>
<p>Enfin, être artisan glacier comporte aussi une part artistique, à l’image de la pâtisserie. La palette d’invention est vaste : jeu sur les textures, les couleurs, possibilité de créer des parfums salés ou d’oser des associations inédites… Parmi les divers concours gastronomiques, celui de Meilleur Ouvrier de France (MOF) dans la catégorie glacier porte le savoir-faire artisanal français de la profession à son paroxysme. La maîtrise du geste, des goûts et des textures de ceux qui obtiennent, après des années de préparation et une grande dose d’abnégation, le col bleu blanc rouge, suscitent l’admiration de beaucoup d’apprentis artisans et des consommateurs en quête de qualité.</p>
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<p>Si la profession d’artisan glacier demeure à ce jour moins populaire que celle de pâtissier, elle est cependant en pleine évolution, et connaît un engouement de plus en plus grand.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186768/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’engouement pour les glaces et les sorbets semble plus grand chaque année, en France. Mais connaît-on les origines de ce produit ? Et pourquoi plaît-il autant ?Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1847982022-06-13T19:12:58Z2022-06-13T19:12:58ZDepuis les années 1950, les émissions culinaires façonnent l’image des chefs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468484/original/file-20220613-26-b1t9iz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C15%2C777%2C568&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'émission "La cuisine des Mousquetaires", présentée par Maïté, ici avec Philippe Etchebest, en 1996. </span> <span class="attribution"><span class="source">France 3 / Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Trois à quatre millions de téléspectateurs en moyenne allument leur poste de télévision pour regarder le programme de téléréalité culinaire <em>Top Chef</em>, depuis 2010. Saison après saison, son succès ne se dément pas. Or, les <a href="https://presse.ina.fr/la-cuisine-en-spectacle-les-emissions-de-recettes-a-la-television-1953-2012-dolivier-roger/">émissions culinaires sont apparues sur le petit écran dès les années 50</a>, aux premières heures d’existence de la télévision. À cette époque déjà, certaines d’entre elles connaissent un immense succès. </p>
<p>Si l’intérêt des téléspectateurs pour ce genre de programme ne s’est jamais vraiment démenti au fil des ans, le format des émissions a, lui, évolué. De plus, au-delà même des différents programmes, c’est aussi le rôle du chef ou de la cheffe dans les émissions culinaires qui s’est totalement métamorphosé entre le XX<sup>e</sup> et le XXI<sup>e</sup> siècle, comme nous le verrons au travers du choix non exhaustif de célèbres émissions culinaires françaises.</p>
<h2>Le dogmatisme des années 50-60</h2>
<p><em>Les recettes de Monsieur X</em> est la première émission télévisée culinaire. À l’époque, ce n’est pas un chef qui présente le programme, mais un comédien, Georges Adet.</p>
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<p>Ce dernier, seul dans ce qui semble être sa propre cuisine, et vêtu d’un costume sous son tablier, explique les recettes d’un ton lent et professoral, le tout parsemé d’anecdotes sur les produits qu’il cuisine. Le ton est sérieux, les plans statiques, les images sobres. Mais le succès n’est pas au rendez-vous et l’émission s’arrête au bout d’un an. George Adet est alors remplacé par Raymond Oliver, chef multi étoilé du fameux restaurant parisien <em>le Grand Véfour</em>, pour présenter l’émission <em>Art et magie de la cuisine</em>. Le chef est désormais accompagné de la présentatrice Catherine Langeais à qui il explique, toujours dans sa cuisine et d’un ton dogmatique, comment réaliser une recette, tandis qu’elle l’écoute avec attention et prend des notes. Le succès est immédiat et le duo restera à l’écran jusqu’en 1967.</p>
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<h2>Cuisine du « terroir » et savoir-faire des « grands chefs » dans les années 80 et 90</h2>
<p>Dans les années 80, une cuisine que l’on pourrait qualifier de « terroir » fait son apparition avec l’émission devenue culte depuis : <em>La cuisine des Mousquetaires</em>. Sa présentatrice principale, la pétulante cheffe landaise Maïté, accompagnée de son assistante Micheline Banzet – le duo en cuisine semble désormais de rigueur afin de créer plus d’interaction et de complicté – présente ses recettes d’une façon plus directe, voire brutale parfois, mais toujours empreinte de bonne humeur. Cette émission fascine les téléspectateurs qui sont attirés par le caractère franc et authentique de Maïté. L’émission restera à l’écran de 1983 à 1997.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468254/original/file-20220610-26-p7g85b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468254/original/file-20220610-26-p7g85b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468254/original/file-20220610-26-p7g85b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468254/original/file-20220610-26-p7g85b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468254/original/file-20220610-26-p7g85b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468254/original/file-20220610-26-p7g85b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468254/original/file-20220610-26-p7g85b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maité assome et coupe devant les téléspectateurs les anguilles qu’elle va préparer.</span>
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<p>À partir de 1996 et jusque dans les années 2000, Joël Robuchon, le chef le plus étoilé au monde, décide de désacraliser la haute cuisine et de transmettre son savoir-faire culinaire aux téléspectateurs. Dans ses émissions <em>Cuisinez comme un grand chef</em> puis <em>Bon appétit bien sûr</em>, l’assistante d’hier est remplacée par des chefs renommés et souvent étoilés comme Alain Ducasse, Anne-Sophie Pic, Jean-Pierre Jacob ou Pierre-Louis Marin, qui l’aident à réaliser des recettes à quatre mains.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468258/original/file-20220610-18093-zq8b4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468258/original/file-20220610-18093-zq8b4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468258/original/file-20220610-18093-zq8b4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468258/original/file-20220610-18093-zq8b4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468258/original/file-20220610-18093-zq8b4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468258/original/file-20220610-18093-zq8b4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468258/original/file-20220610-18093-zq8b4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Joël Robuchon et la cheffe Anne-Sophie Pic présentant le recette Oeufs Pochés au Foie Gras, Champignons de Saison Et Châtaignes au Gingembre.</span>
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<p>Au cours des 50 premières années d’émissions culinaires, si les formats des programmes ont quelque peu changé, le rôle du chef ou de la cheffe lui, n’a pas vraiment évolué : on assiste à une transmission descendante et directe du savoir du professionnel vers les téléspectateurs. Mais le tournant des années 2000 va faire voler en éclat ce modèle.</p>
<h2>La télévision-spectacle des années 2000</h2>
<p>Depuis le milieu des années 2000, les émissions culinaires présentées sur les écrans français sont des adaptations de programmes anglo-saxons, sous forme de concours et de télé-réalité.</p>
<p>Le premier programme du genre, <em>Oui Chef</em>, un docu-réalité présenté par le jeune et alors inconnu Cyril Lignac, apparaît sur le petit écran en 2005. Il raconte l’histoire d’un jeune chef qui doit sélectionner une brigade de dix cuisiniers sans diplôme pour son nouveau restaurant : Le Quinzième. Cette émission sera la première d’une longue liste de programmes réalisés plus ou moins sur le même modèle. Il s’agit d’une télévision du spectacle avec mise en scène, « personnages », narration, suspense, compétition, rires et larmes qui sont là pour tenir le téléspectateur en haleine, semaine après semaine et dont <em>Le Meilleur Pâtissier</em> et <em>Top Chef</em> figurent aujourd’hui parmi les plus connus et appréciés des spectateurs français.</p>
<h2><em>Top Chef</em> ou la cuisine des professionnels pour les professionnels</h2>
<p><a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/24277734.pdf">Dans <em>Top Chef</em></a>, une quinzaine de candidats, tous professionnels, s’affrontent sur plusieurs semaines pour remporter le titre de chef de l’année. Ils font partie d’une brigade dirigée par un chef étoilé ou par un MOF (meilleur ouvrier de France) qui leur sert de mentor.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/top-chef-lemission-qui-eleve-les-plaisirs-sensoriels-au-rang-dart-184572">« Top Chef », l’émission qui élève les plaisirs sensoriels au rang d’art</a>
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<p>Dans ce programme, le modèle didactique du chef s’efface pour laisser place à un récit dans lequel il devient un protagoniste à part entière. Il ne s’agit plus de transmettre son savoir-faire culinaire aux téléspectateurs mais plutôt de leur montrer en quoi consiste son métier. On découvre ainsi le stress, la tension, la fatigue que peuvent ressentir les professionnels de la haute cuisine habitués à travailler dans des conditions extrêmes, ainsi que l’importance de la hiérarchie et du vocabulaire quasi militaire contenu par exemple dans « oui chef ! », « brigade » ou « coup de feu ».</p>
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<p>Les chefs qui animent l’émission ne s’adressent désormais plus directement aux téléspectateurs. <a href="https://www.instagram.com/tv/CdpcJeTIZL4/">Ils sont là pour « coacher » les candidats de leur équipe, les amener à acquérir encore plus de professionnalisme</a>. En même temps, ils font prendre conscience aux béotiens derrière leurs écrans que le monde de la haute gastronomie exige une formation solide, des nerfs d’acier, un talent certain que l’on ne peut atteindre que grâce à un fort investissement personnel, au dépassement de soi, et à beaucoup de passion.</p>
<p>Aujourd’hui, il n’est donc plus vraiment question d’apprendre à cuisiner aux téléspectateurs, mais plutôt de leur permettre de découvrir un monde dont ils ne peuvent d’habitude pas ou peu s’approcher. En effet, voir comment des spécialistes dressent une belle assiette, effectuent des gestes techniques, créent une recette gastronomique, allient des goûts, des textures et des couleurs peut donner l’illusion de percer les secrets du métier, de s’identifier à ces professionnels qui côtoient les étoiles, et pourquoi pas, le temps d’une émission, de faire partie du même univers qu’eux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre « Les recettes de Monsieur X », dans les années 1950 et « Top Chef », démarré en 2010, les émissions ont changé notre vision des chefs et du monde de la gastronomie.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1845722022-06-07T18:18:26Z2022-06-07T18:18:26Z« Top Chef », l’émission qui élève les plaisirs sensoriels au rang d’art<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467498/original/file-20220607-24-mt8tvp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=168%2C0%2C2039%2C1353&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'esthétique très soignée des présentations est une constante dans l'émission. </span> <span class="attribution"><span class="source">Youtube / Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>C’est un spectacle total que livrent chaque semaine les candidats de « Top Chef », téléréalité à succès dont la saison 15 démarre ce mercredi. Avec virtuosité, ils impressionnent par leur maîtrise de techniques surprenantes, parfois mystérieuses, souvent merveilleuses : des émulsions ou sauces que tout cuisinier se doit de connaître jusqu’à la chimie moléculaire, en passant par la cuisson aux flammes ou l’usage de la glace.</p>
<p>Les chefs-candidats se font gardiens du temple des saveurs et veillent à nous transmettre les harmonies de référence, les règles du bon goût gastronomique français. Ainsi disciples, ils s’activent sous les yeux rigoureux et bienveillants de leurs maîtres étoilés. Mais la tradition se fend sous les coups de leur imagination, de leur inventivité. Ils s’expriment et deviennent alors créateurs libérés des canons, puisant partout dans le monde, des ingrédients, important des techniques, inventant de nouvelles associations sous nos yeux. Par la création de ces plats originaux, uniques, ils deviennent de véritables artistes contemporains.</p>
<h2>Les trois figures de l’artiste</h2>
<p>Sur le plateau de M6 apparaissent ainsi les trois figures de l’artiste qui se superposent depuis l’antiquité : <a href="https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1983_num_25_4_1944">l’artisan, l’académicien et l’artiste-créateur</a> telles que Raymonde Moulin les a définies. Ce dernier, figure encore aujourd’hui dominante et romantique de nos imaginaires artistiques, apparue au 19e siècle, engage tout son être dans la création, son histoire et son identité, sa sensibilité. Il est celui qui « donne tout et qui ne lâche rien », celui qui « ira jusqu’au bout » de son art, celui qui, à partir de son individualité tend vers l’expression d’une émotion « universelle ».</p>
<p>Avec ces émissions, la cuisine comme d’autres pratiques aux accents populaires, devenue gastronomie, se dirige peut-être <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2012-2-page-7.htm?contenu=article">vers une artification, une artistisation</a>, pour être consacré comme un art à part entière.</p>
<p>Le cuisinier fait artiste n’est pas une invention récente, mais il atteint là un paroxysme de reconnaissance, révélant notre goût contemporain pour la culture évènementielle et spectaculaire. L’émission fonctionne comme un dispositif de consécration de nouveaux talents, à la fois par les pairs, par les instances légitimantes (par exemple, le Guide Michelin) et par le public.</p>
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<p>Surtout, comme pour l’art moderne et l’art contemporain, il génère la reconnaissance par le marché, celui des restaurants étoilés. Pour les candidats, l’enjeu est grand. Il consiste à passer du statut d’exécutant, à celui de maître reconnu pour son art, un passage qui en quelques mois peut le conduire vers les étoiles ultimes, comme l’ont montré les saisons précédentes. Depuis le 19e, la reconnaissance artistique passe en effet par le marché, en art plastique comme en art culinaire, conduisant certains commentateurs à parler <a href="https://www.menufretin.fr/produit/hors-doeuvre/">d’art-plastification de la cuisine</a> (Caroline Champion, intervention inédite aux journées d’étude des 2 et 3 octobre 2012, INHA).</p>
<h2>Sensorialité exacerbée</h2>
<p>Au cœur de cette mise en scène hebdomadaire, la conception du plat est l’objet de toutes les attentions. Loin des nécessités biologiques, l’image valorise avant tout la beauté visuelle du plat. S’adressant à tous les sens du jury, ce dernier juge d’abord les harmonies de couleurs, l’originalité de la disposition et de la composition. Le visuel prime mais le jury, avant de goûter, nous parle des odeurs qu’il dégage. L’ouïe comme le toucher sont mobilisés pour le craquant d’une texture, la qualité d’une cuisson, lorsque les candidats et leurs mentors sont amenés à déguster dans le noir. Expérience esthétique totale, par rapport aux autres arts qui sollicitent seulement l’un ou l’autre de nos sens, l’art culinaire se distingue par la mobilisation simultanée des cinq et en premier lieu du goût. La difficulté de description des sensations infinies qu’il génère devient alors le centre de la mise en scène du jugement des pairs et des plats et cette description nous plonge dans l’abstraction.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467499/original/file-20220607-32118-5nho1v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maîtrise technique et créativité sont à l’honneur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Youtube/capture d’écran</span></span>
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<h2>Plaisir et expérience esthétique</h2>
<p>L’attention prêtée au plat et la description des sensations qu’il procure nous conduisent à la troisième dimension, souvent oubliée dans les arts majeurs, caractéristique de l’expérience esthétique artistique : le plaisir. Mais le plaisir culinaire n’est pas le plaisir des arts « légitimes » et des beaux-arts en particulier, et peut-être que ce sont là les limites de l’artification de la gastronomie, tout au moins de son achèvement.</p>
<p>En effet, les hiérarchies esthétiques sont fragiles. Alors que l’on parlait de l’art culinaire comme du 9e art en 1923, il a été supplanté par la bande dessinée, tous deux jugés néanmoins socialement « inférieurs » aux beaux-arts légitimes.</p>
<p>La force de l’art culinaire, la mobilisation du goût qui le distingue des autres arts est également sa faiblesse, tant ces hiérarchies sont socialement construites sur des oppositions. Depuis le 18e siècle, depuis Kant et surtout Hegel, l’art légitime s’est construit sur la négation du corps et la valorisation d’un intellectualisme dont la bourgeoisie s’est saisie pour se constituer, comme le soulignait Bourdieu. Le plaisir de l’expérience artistique bourgeoise n’est pas physique. La noblesse de sentiment fait en effet mauvais ménage avec le ventre, et G. Simmel de souligner une irréductible différence lorsqu’il écrit : « Tandis que l’œuvre d’art tire l’essence de sa beauté de son intégrité, qui nous tient à distance, le raffinement de la table est une invite à l’effraction de sa beauté. »</p>
<p>Dans « Top chef » pourtant, chaque semaine, la compétition culinaire – que des esprits chagrins jugent incompatible avec l’art – qui plus est, rythmée par les messages publicitaires pour l’industrie agroalimentaire, ne cessent de nous faire rêver, pour le meilleur et pour le plaisir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184572/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le plaisir de l’expérience artistique bourgeoise n’est pas physique, « Top Chef » célèbre au contraire les joies de la bonne chère tout en montrant la maîtrise artistique des candidats.Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1812902022-04-21T18:03:37Z2022-04-21T18:03:37ZQuand la gastronomie en vient à se digitaliser…<p>Pour la première fois depuis la création de <em>Top Chef</em>, émission phare de M6, le menu des gagnants de l’épreuve « La guerre des restos » en 2022 est proposé à la livraison à domicile sur la plate-forme Uber Eats. Poussé aussi par la pandémie, le monde de la gastronomie a dû innover en développant des services de vente à emporter et de livraison à domicile, qui étaient jusqu’alors l’apanage de la restauration rapide.</p>
<p>Des chefs triplement étoilés comme <a href="https://www.sortiraparis.com/hotel-restaurant/restaurant/articles/233771-les-plats-de-guy-savoy-en-livraison-et-a-emporter">Guy Savoy</a>, <a href="https://www.ubereats.com/fr/store/ducasse-chez-moi/64klPdMATPa3R8kumw8Adg">Alain Ducasse</a> et <a href="https://anne-sophie-pic.com/envie-de-rester-a-la-maison-pic/">Anne-Sophie Pic</a> se sont mis à digitaliser leur offre, en proposant en ligne des plats gastronomiques ou bistronomiques pour une dégustation à domicile. En décembre dernier, on pouvait ainsi entendre au <a href="https://www.tf1info.fr/conso/video-tendance-votre-repas-du-reveillon-livre-a-domicile-2205918.html">20 heures de TF1</a> :</p>
<p>« De nombreux Français ont décidé de passer le réveillon chez eux, mais cela n’empêche pas de se faire plaisir. Certains restaurants et traiteurs l’ont bien compris. Depuis le confinement, ils vous livrent, clé en main, des dîners parfois gastronomiques. »</p>
<p>La conception de ces dispositifs reste cependant particulièrement difficile pour la haute gastronomie, connue pour sa prudence vis-à-vis de l’utilisation des technologies et pour l’importance qu’elle accorde à la tradition et à l’héritage.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296322003290?CMX_ID=&SIS_ID=&dgcid=STMJ_AUTH_SERV_PUBLISHED&utm_acid=29887939&utm_campaign=STMJ_AUTH_SERV_PUBLISHED&utm_in=DM245737&utm_medium=email&utm_source=AC_">travail de recherche</a>, mené auprès des professionnels du secteur et de consommateurs, montre cependant qu’il y a là une véritable opportunité de développement. À condition de concentrer ses efforts au bon endroit.</p>
<h2>« Perdre le contrôle » ?</h2>
<p>Une première étude qualitative, réalisée auprès de 15 chefs de restaurant et experts de la haute gastronomie, nous a permis de mieux comprendre la notion d’expérience gastronomique digitalisée. Cinq étapes du parcours client lui sont associées : la commande en ligne, le <em>click and collect</em>, le déballage du paquet, le réchauffage et, enfin, l’expérience de dégustation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/457971/original/file-20220413-26-4ml9ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457971/original/file-20220413-26-4ml9ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457971/original/file-20220413-26-4ml9ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457971/original/file-20220413-26-4ml9ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457971/original/file-20220413-26-4ml9ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457971/original/file-20220413-26-4ml9ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457971/original/file-20220413-26-4ml9ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457971/original/file-20220413-26-4ml9ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Déguster à domicile des plats d’Anne-Spohie Pic est maintenant chose possible.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Anne-Sophie_Pic_par_Claude_Truong-Ngoc_mars_2014.jpg">Claude Truong-Ngoc/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face à ce parcours singulier, chefs et experts interrogés ont exprimé leurs craintes d’une « perte de contrôle ». L’expérience gastronomique en restaurant commence, en effet, par la découverte du menu, qui invite à la discussion avec le personnel en salle, est suivie par l’attente des plats, la dégustation dans l’ordre choisi par le chef, et se termine par le paiement de l’addition. Dans le cas d’une expérience gastronomique digitalisée, l’étape du paiement a lieu avant la dégustation, ce qui laisse présager un plus grand risque pour le client qui commande en ligne. Julien Guèze, chef pâtissier chez Pierre Gagnaire le formule ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Nous aimons connaître les gens, nous nous adaptons à ce qu’ils aiment. Et passer par une plate-forme va à l’encontre de cela, car nous sommes moins en contact direct avec les clients. »</p>
</blockquote>
<p>Les enquêtés se sont également exprimés sur quatre dimensions fondamentales de l’expérience gastronomique digitalisée : l’<em>informativité</em>, qui couvre les informations fonctionnelles acquises par les consommateurs tout au long du parcours ; le <em>divertissement</em>, qui se réfère au plaisir immédiat issu de l’expérience ; la <em>présence sociale</em>, qui fait référence à la chaleur et à la sociabilité ressenties lors de l’expérience ; et les <em>aspects sensoriels</em>, qui se rapportent aux qualités esthétiques des stimuli impliqués dans l’expérience.</p>
<h2>Pour quoi se donner du mal ?</h2>
<p>Celles-ci ont aussi été questionnées quantitativement auprès de 217 Français consommateurs de gastronomie. Nous avons pour cela créé un site fictif de commande en ligne d’un repas gastronomique.</p>
<p>L’étude confirme l’influence positive de la présence d’éléments verbaux et surtout visuels du site web sur l’évaluation de l’expérience gastronomique digitalisée. Les consommateurs considèrent que ce type d’expérience devrait à la fois provoquer des réactions cognitives (liées à l’informativité du site), affectives (en particulier, le divertissement), sociales et sensorielles.</p>
<p>De manière plus inattendue, les résultats indiquent que les impressions sont influencées positivement par les étapes de réchauffage et de dégustation des plats, mais qu’elles sont influencées négativement par la commande en ligne. Autre résultat surprenant, bien que les chefs et experts interrogés dans l’étude qualitative aient déclaré se donner beaucoup de mal pour rendre extraordinaire le moment de déballage du paquet, les consommateurs ne semblent prêter que peu d’attention à cet aspect. En somme, leur attention semble davantage focalisée sur les difficultés liées à la commande en ligne.</p>
<h2>Le chef, et seulement le chef</h2>
<p>Ces dernières années, les chefs ont compris l’intérêt de communiquer sur les réseaux sociaux afin d’attirer les clients et de créer des liens pour les fidéliser. Le service de livraison apparaît comme un moyen supplémentaire de diversifier la clientèle. Nos recherches montrent en effet que le numérique permet au consommateur non habitué de se familiariser avec certains codes de la gastronomie. Cela l’incite par la suite à prendre la décision de vivre une expérience gastronomique dans un restaurant.</p>
<p>Ce service semble finalement répondre au désir d’immédiateté et de simplicité de l’individu post-moderne. Mais cela suppose que la navigation sur le site de commande en ligne soit une expérience agréable. Les chefs doivent prendre conscience qu’il ne s’agit pas seulement de proposer un service de livraison, mais qu’il faut penser le digital comme une expérience gastronomique totalement intégrée.</p>
<p>Les chefs semblent devoir mettre en avant leurs plats comme des œuvres d’art et exprimer leurs valeurs via des éléments visuels et verbaux dont nos travaux ont montré l’influence. Nous suggérons même d’inclure des vidéos à chaque étape du parcours client. Et le choix des contenus ne doit pas être laissé aux concepteurs de sites, car seul le chef est à même de transmettre à ses clients l’expérience gastronomique qu’il souhaite leur offrir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eline Jongmans a reçu des financements de l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du programme "Investissements d’avenir" (ANR-15-IDEX-02) ainsi que des financements liés à des appels à projets de l'Université Grenoble Alpes (ex. Initiatives de Recherche Stratégiques ).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maud Dampérat est membre de la Chaire Transition Alimentaire de l'Université Lyon 2 et de l'Institut Paul Bocuse. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florence Jeannot, Marielle Salvador et Mariem El Euch Maalej ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les grands chefs restent dans l’ensemble réticents, mais les nouvelles pratiques en ligne présentent pourtant des opportunités pour conquérir de nouveaux clients !Florence Jeannot, Associate Professor in Marketing, INSEEC Grande ÉcoleEline Jongmans, Maitre de conférences en marketing, Université Grenoble Alpes (UGA)Marielle Salvador, Enseignant chercheur, comportement du consommateur, marketing de l'alimentation, Institut Paul Bocuse Mariem El Euch Maalej, Associate professor of marketing, PSB Paris School of BusinessMaud Dampérat, Professeur, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1720052022-03-03T19:57:44Z2022-03-03T19:57:44ZLes confréries gastronomiques sont-elles dépassées ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449788/original/file-20220303-17-u85gtl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C161%2C1162%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un rassemblement de 35 confréries au Puy-en Velay, en 2017. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ambassadedesconfreriesauvergnerhonealpes.net/">Ambassade des confréries Rhône-Alpes</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.conseil-francais-confreries.fr/les-confreries/">Les confréries gastronomiques et œnologiques</a> existent depuis le Moyen-âge. Dès leur origine, les notions d’entraide et de transmission sont fondamentales. Après avoir quelque peu disparu, elles refont surface dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, en particulier au cours des années 60, pour lutter contre l’uniformisation des pratiques alimentaires, la défense des savoir-faire et des produits locaux, face à l’industrie agroalimentaire. Aujourd’hui, la France en compte environ 1 500. Bien que d’autres pays, comme la Suisse et la Belgique, comptent aussi des confréries gastronomiques, le phénomène demeure très majoritairement français.</p>
<h2>Défense des produits, folklore médiéval et fraternité</h2>
<p><a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_confreries_identites_et_discours_patrimoine_immateriel_entre_terroir_et_territoire_anne_parizot-9782343234243-70661.html">Les confréries se distinguent grâce à plusieurs éléments</a> se référant au passé et aux traditions, pour mieux asseoir leur légitimité. Tout d’abord, leurs membres utilisent un langage particulier, empli d’une terminologie moyenâgeuse et chevaleresque (leurs présidents se nomment par exemple « grand maître »). Ensuite, leur costume, leur médaille, leurs rites, leur objet – toujours en lien avec le produit du terroir qu’ils défendent – sont facilement reconnaissables. Enfin, tous ces éléments témoignent, au-delà de l’imaginaire médiéval et symbolique dans lesquels ils s’inscrivent, de l’authenticité des confréries représentées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1049727827128520705"}"></div></p>
<p>Le but de ces confréries, aujourd’hui laïques et constituées en association loi 1901, est tout d’abord de défendre des produits liés à un territoire, de sauvegarder des gestes ancestraux, des recettes, et de les transmettre aux jeunes générations pour éviter que ce patrimoine gastronomique ne sombre dans l’oubli. C’est aussi un moyen de le promouvoir et de se faire connaître hors de leur région d’origine grâce à la formation d’initiés qui sauront perpétuer ses règles et ses rites et valoriser ex-situ ses produits gastronomiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445955/original/file-20220211-15-1hk7b8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445955/original/file-20220211-15-1hk7b8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445955/original/file-20220211-15-1hk7b8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445955/original/file-20220211-15-1hk7b8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445955/original/file-20220211-15-1hk7b8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445955/original/file-20220211-15-1hk7b8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445955/original/file-20220211-15-1hk7b8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Confrérie des Chevaliers du Livarot – « Faire connaître et apprécier le fromage Livarot et la gastronomie normande.</span>
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<p>Une autre particularité d’une confrérie gastronomique est le regroupement de femmes et d’hommes prônant la convivialité, l’amitié, la fraternité et l’entraide. Le jour du chapitre d’une confrérie est un jour de rassemblement durant lequel des membres d’autres confréries sont aussi invités. Tout le monde se retrouve ensuite, dans la bonne humeur, autour d’un bon repas. Le grand maître en profite pour introniser les nouveaux membres, qu’ils soient actifs ou à titre honorifique.</p>
<p>Tous seront ensuite de fervents défenseurs de la confrérie à laquelle ils appartiennent. L’événement se déroule en suivant scrupuleusement tout un cérémonial.</p>
<p>Les confréries sont essentiellement présentes lors d’animations culturelles, commerciales ou religieuses. Cependant, au-delà de <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2003-3-page-435.htm">l’aspect folklorique</a> qui accompagne ces événements, à quel futur sont-elles promis ? En effet, nombre d’entre elles se plaignent du vieillissement de leurs membres – majoritairement masculins – de la difficulté de recruter des plus jeunes, futurs membres actifs et engagés, et d’avoir des chapitres de plus en plus désertés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445971/original/file-20220211-17-1ou1qla.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445971/original/file-20220211-17-1ou1qla.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445971/original/file-20220211-17-1ou1qla.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445971/original/file-20220211-17-1ou1qla.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445971/original/file-20220211-17-1ou1qla.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445971/original/file-20220211-17-1ou1qla.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445971/original/file-20220211-17-1ou1qla.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’astronaute Thomas Pesquet intronisé par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.</span>
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<p>En regardant de plus près, force est de constater que les actes de nombreuses confréries gastronomiques et œnologiques ne se limitent pas à quelques manifestations costumées, au verbe fleuri, vestiges d’un autre temps, ni à des banquets de bons vivants. Mais quels sont leurs pouvoirs et comment se manifestent-ils ?</p>
<h2>Une influence politique et économique</h2>
<p>Tout d’abord, les confréries mènent une action déterminante dans la sauvegarde du patrimoine gastronomique. En effet, elles ont évité que nombre de produits ou recettes ne disparaissent à jamais. Le safran, par exemple a été sauvé de l’oubli par la <a href="https://www.keldelice.com/guide/specialites/le-safran-du-gatinais">Confrérie des chevaliers du safran du Gâtinais</a>. L’épice, disparue depuis plusieurs décennies, a de nouveau été cultivée et protégée.</p>
<p>Elles permettent ensuite de promouvoir le travail bien fait et de valoriser certaines professions. Il y a une trentaine d’années, les pâtés en croûte étaient majoritairement de fabrication industrielle. Grâce à la <a href="https://www.championnatdumondepatecroute.com/#">confrérie du Pâté croûte</a> qui a lancé son concours en 2009, le produit – de nouveau artisanal – est désormais le nouvel étendard du savoir-faire charcutier. Ces manifestations favorisent donc aussi la remise au goût du jour de classiques de la gastronomie française.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1465710109233856519"}"></div></p>
<p>C’est aussi grâce à l’action des confréries que le <a href="https://ich.unesco.org/fr/RL/le-repas-gastronomique-des-francais-00437">« repas gastronomique des Français »</a> a été inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité en 2010. De plus, étant donné que les confréries apparaissent comme avocates du patrimoine gastronomique dans le <a href="https://www.confreriesdulanguedocroussillon.com/ceuco-ficb-unesco/unesco/">dossier présenté à l’Unesco</a>, elles ont été de fait reconnues comme appartenant patrimoine, elles aussi.</p>
<p>Ensuite, le pouvoir politique de certaines confréries est réel. Il suffit que parmi les membres se trouvent des personnes influentes comme des élus locaux, des gens de renom, ou des avocats, pour que ces dernières aillent défendre leur produit, leur savoir-faire ou <a href="https://www.lejdd.fr/Style-de-vie/Gastronomie/oeuf-mayo-pate-en-croute-ou-camembert-les-confreries-culinaires-se-multiplient-4023319#:%7E:text=En%202021%2C%20l%E2%80%99esprit%20chevaleresque,en%20Normandie%22%20sur%20leurs%20produits.">leur appellation devant les tribunaux</a>. C’est ainsi que depuis 2021, au terme d’une longue bataille juridique, seuls les « vrais » camemberts au lait cru AOP sont autorisés à recevoir la mention « fabriqué en Normandie », et non plus les camemberts industriels.</p>
<p>De plus, si les confréries sont très populaires et que les manifestations qu’elles organisent attirent du monde, elles peuvent obtenir des subventions de la mairie ou des collectivités territoriales. Plus elles sont populaires, plus elles reçoivent d’argent. Derrière le folklore se cache donc bien un pouvoir réel associé à de vrais enjeux économiques locaux ou régionaux.</p>
<h2>Mise en valeur touristique</h2>
<p>Enfin, les confréries participent au développement du tourisme local. En jouant sur la transparence des produits, en prônant le bien manger et le bien boire d’une région ou d’une ville, elles inscrivent le territoire dans une dimension historique qui lui donne plus de pouvoir et de légitimité. D’ailleurs, consommer des produits locaux, permet aussi aux touristes de répondre à cette quête d’<a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2018-6-page-57.htm">authenticité</a> qu’ils recherchent. Aujourd’hui, avec le tourisme écologique, le développement durable et l’écotourisme, le rôle des confréries prend une réelle ampleur. En effet les marchés, foires et festivités locales, permettent de <a href="https://journals.openedition.org/bagf/4107">valoriser des produits et, au-delà, des territoires</a>. Cela peut d’ailleurs leur permettre d’attirer des membres plus jeunes, désireux de s’investir dans des causes en lien avec leurs valeurs. Les confréries semblent donc avoir encore de beaux jours devant elles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172005/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà du folklore, les confréries jouent un rôle à la fois de mise en valeur touristique des territoires et de préservation du patrimoine gastronomique.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1617142021-06-24T17:23:48Z2021-06-24T17:23:48ZÀ quoi ressemblaient les premiers restaurants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/406861/original/file-20210616-3598-1b36x7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C834%2C487&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Déjeuner au Palais Royal, 1822, par George Cruikshank (1792-1878).</span> <span class="attribution"><span class="source">British library</span></span></figcaption></figure><p>Le concept même de restaurant connaît aujourd’hui des changements majeurs avec le « click and collect » et les <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/grand-reportage/les-recettes-des-chefs-face-a-la-crise-du-covid">« dark kitchens » ou « cuisines fantômes »</a>. Avec ces nouvelles façons de se restaurer, le consommateur tend à s’éloigner du lieu physique que constitue le restaurant. Ces bouleversements interrogent son identité même nous invitent à nous questionner sur ses origines.</p>
<h2>Du « bon bouillon qui restaur » au lieu le « restaurant »</h2>
<p>Le mot restaurant, avec le sens que nous lui connaissons aujourd’hui, a été validé par l’académie française en 1835. Jusque-là, le « restauran », aussi appelé « bouillon restaurateur », désigne un plat composé principalement, au gré des recettes, de viande, d’oignons, d’herbes et de légumes. Il s’agit d’un bouillon aux vertus médicinales et digestives dont le but initial est de redonner des forces aux personnes faibles, de les « restaurer ». Le terme « restaurant » a donc initialement une connotation médicale. D’ailleurs, les lieux qui les proposent à la vente dans les années 1760 se nomment aussi « maison de santé ».</p>
<h2>Le premier restaurant</h2>
<p>Le premier restaurant tel que nous l’entendons aujourd’hui a ouvert ses portes à Paris, en 1765, rue des Poulies, l’actuelle rue du Louvre. Sur le devant de la boutique est gravée la phrase latine issue de la Bible : « Venite ad me omnes qui stomacho laboratis, et ego vos restaurabo. » « Venez à moi, ceux dont l’estomac souffre, et je vous restaurerai. » C’est de là qu’est venu le terme « restaurant ». Son propriétaire se nomme <a href="https://www.franceculture.fr/societe/naissance-du-restaurant-une-revolution-dans-lassiette">Mathurin Roze de Chantoiseau</a>. </p>
<p>D’autres écrits évoquent un certain Boulanger. Quoi qu’il en soit il vend des mets « restaurans » tels que la volaille, les œufs, les pâtes au beurre, les gâteaux de semoule, dont on disait que la couleur claire possédait des vertus bénéfiques pour la santé. Ce lieu est aussi un des premiers à connaître un certain succès culinaire grâce à la « volaille sauce poulette » réputée dans le Tout-Paris.</p>
<p>Diderot, le mentionne dès 1767 dans une lettre adressée à Sophie Volland :</p>
<blockquote>
<p>« Si j’ai pris du goût pour le restaurateur ? Vraiment oui ; un goût infini. On y sert bien, un peu chèrement, mais à l’heure que l’on veut. […] Cela est à merveille, et il me semble que tout le monde s’en loue. »</p>
</blockquote>
<p>L’écrivain Édouard Fournier relate d’ailleurs l’apparition de ce restaurant dans l’ouvrage Paris démoli, publié en 1853 :</p>
<blockquote>
<p>« Tout près de là, dans la rue des Poulies, s’ouvrit, en 1765, le premier Restaurant, qui fut ensuite transféré à l’hôtel d’Aligre. C’était un établissement de bouillons, où il n’était pas permis de servir de ragoût, comme chez les traiteurs, mais où l’on donnait des volailles au gros sel, des œufs frais et cela sans nappe, sur de petites tables de marbre. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ces années qui précèdent la Révolution française, Mathurin Roze de Chantoiseau est le premier à proposer le concept novateur qui consiste en un service sans horaire fixe, sur une table individuelle et à offrir un choix de plats dont le prix est indiqué à l’avance, devant le restaurant. À cette époque, en France, le seul endroit où l’on peut manger en dehors de chez soi est la taverne ou l’auberge.</p>
<p>Or ces lieux ne proposent que des tables d’hôtes avec un plat unique, au prix non fixé à l’avance, dans lesquels on ne vient qu’à heure fixe. De plus, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Les personnes qui se rendent dans ces lieux le font pour se nourrir et non pas pour apprécier les qualités gustatives d’un plat. Les rôtisseurs et les traiteurs présents aussi à l’époque ne peuvent vendre que des pièces entières et non pas des portions individuelles.</p>
<p>Cette nouvelle façon de se nourrir, proposée par Mathurin Roze de Chantoiseau, connaît un très grand succès, et <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-bonnes-choses/comment-est-ne-le-restaurant-francais-0">ce style de restaurant va se répandre tout en évoluant</a>. La notion de plaisir de manger va devenir prépondérante et la gastronomie va alors se développer, voire, dans une certaine mesure, se démocratiser. Jusqu’alors, les seules personnes qui mangeaient très bien en France étaient les membres de la cour à Versailles ou les nobles car ils disposaient de leurs cuisiniers personnels.</p>
<h2>Les nouveaux restaurants et l’apparition du menu</h2>
<p>À la veille de la Révolution française, sur la centaine de restaurants recensés dans la capitale, de nombreuses enseignes sont fort renommées. Les clients ne viennent plus dans ces lieux pour manger des plats reconstituants mais pour déguster des mets qui charment leurs papilles. Le restaurant d’alors est un endroit luxueux que l’on trouve principalement dans le quartier du Palais Royal. En effet, réside ici une clientèle capable de s’offrir des repas qui, s’ils ne sont plus réservés aux aristocrates, n’en demeurent pas moins onéreux. C’est donc une élite aisée qui les fréquente.</p>
<p>La grande nouveauté des restaurants d’alors est le menu. Les restaurants proposent très souvent un <a href="https://happy-apicius.dijon.fr/une-carte-de-restaurant-ancienne-nos-belles-acquisitions-2016-n1/">choix incalculable de plats</a>. Le menu a donc été inventé car « il ne propose qu’un « menu » aperçu de la prodigalité de l’établissement » comme l’écrit l’historienne Rebecca Spang.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408196/original/file-20210624-15-1pytg21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408196/original/file-20210624-15-1pytg21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408196/original/file-20210624-15-1pytg21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408196/original/file-20210624-15-1pytg21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408196/original/file-20210624-15-1pytg21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408196/original/file-20210624-15-1pytg21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408196/original/file-20210624-15-1pytg21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un extrait de la carte du restaurant Véry, en 1790.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque de la Ville de Paris</span></span>
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<p>Cependant, même avec cette version « abrégée » de ce qui est offert, le client a parfois besoin de longues minutes pour le lire. D’ailleurs dans les premiers temps, son utilisation n’est pas évidente pour de nombreux clients. D’autre part, le menu permet aussi grâce aux mots qui le composent, <a href="https://www.cairn.info/journal-politiques-de-communication-2015-2-page-13.htm">d’éveiller des désirs et des sensations autrement que par l’odorat ou la vue et d’aiguiser l’appétit</a>, fonctions qu’il conserve aujourd’hui.</p>
<h2>Antoine de Beauvilliers et le premier restaurant gastronomique</h2>
<p>Antoine de Beauvilliers, ancien Officier de bouche du comte de Provence, frère du roi, est le premier de sa profession à quitter son maître pour s’installer à son compte à Paris. En 1782 il ouvre, dans le quartier du Palais-Royal, rue de Richelieu, Le Beauvilliers (qui sera remplacé quelques années plus tard, toujours dans la même rue par La Taverne de Londres). Cet endroit, fort luxueux, va rapidement connaître un immense succès car il propose à ses clients – principalement des aristocrates – de manger comme à Versailles. Il y a en effet un cadre magnifique, un service irréprochable, une superbe cave et des plats exquis présentés avec soin dans une vaisselle magnifique. Pendant de nombreuses années, sa cuisine demeurera inégalée au sein de la haute société parisienne. Ce restaurant est d’ailleurs considéré comme le premier restaurant gastronomique français.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408197/original/file-20210624-25-45js7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408197/original/file-20210624-25-45js7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1014&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408197/original/file-20210624-25-45js7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1014&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408197/original/file-20210624-25-45js7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1014&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408197/original/file-20210624-25-45js7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1274&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408197/original/file-20210624-25-45js7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1274&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408197/original/file-20210624-25-45js7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1274&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Beauvilliers, L’art du Cuisinier, 1814.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Antoine_Beauvilliers#/media/File:Beauvilliers,_L'art_du_Cuisinier,_1814.png">Wikimedia</a></span>
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<p>Dans les années précédant puis suivant la Révolution française, de nombreux cuisiniers, qui jusqu’alors travaillaient pour des membres de la noblesse, suivront l’exemple d’Antoine de Beauvilliers et ouvriront leur propre restaurant. C’est ainsi qu’une cuisine de qualité faite de recettes, de rites et de façons de manger, mais comprenant aussi les arts de la table passa des cuisines privées de l’aristocratie à celles, publiques, de la haute société.</p>
<p>La restauration gastronomique française fait son apparition et de célèbres et luxueuses enseignes comme Véry, ou Les Trois-Frères Provençaux (qui importera à Paris la brandade de morue et la bouillabaisse) <a href="https://www.grand-vefour.com/legrandvefour/lhistoire.html">ou encore le restaurant le Grand Véfour</a>, toujours en service aujourd’hui voient le jour. L’aspect médical des premiers « bouillons restaurans » est désormais loin et remplacé par la gastronomie, référence culturelle mondialement reconnue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161714/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le premier restaurant tel que nous l’entendons aujourd’hui a ouvert ses portes à Paris, en 1765, rue des Poulies, l’actuelle rue du Louvre.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheure, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1595502021-05-14T15:01:42Z2021-05-14T15:01:42ZHomard bleu et macaron à la rose… Ces aliments rois de la politique<p>Du homard bleu, de la volaille de Bresse et du macaron à la rose… Le tout servi dans une porcelaine de Sèvres dans la galerie des Glaces du château de Versailles. </p>
<p>C'est un menu royal qui a été servi à Charles III et à Camilla pour leur visite officielle en France de trois jours. </p>
<p>Mais au delà du faste et du prestige, l’alimentation a toujours entretenu un <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782200354701-aux-tables-du-pouvoir-des-banquets-grecs-a-l-elysee-albert-j-m/">lien étroit</a> avec la politique. Aussi bien pour les simples <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/diners-clandestins-marlene-schiappa-pour-sanctionner-des-ministres-s-ils-y-participaient-20210404">dîners en ville</a> que pour les banquets républicains.</p>
<p>La table est un espace de pouvoir qui sert à mobiliser des réseaux, afficher sa puissance et porter un <a href="http://www.persee.fr/issue/rfsp_0035-2950_1998_num_48_3">discours politique</a> à travers ce que l’on mange et ce que l’on boit.</p>
<p>Pour le <a href="https://data.bnf.fr/fr/16605002/jean_anthelme_brillat-savarin_la_physiologie_du_gout/">célèbre gastronome Anthelme Brillat-Savarin</a></p>
<blockquote>
<p>« Les repas sont devenus un moyen de gouvernement, et le sort des peuples s’est décidé dans un banquet. Ceci n’est ni un paradoxe, ni même une nouveauté, mais une simple observation des faits. Qu’on ouvre tous les historiens, depuis Hérodote jusqu’à nos jours, et on verra que, sans même en excepter les conspirations, il ne s’est jamais passé un grand événement qui n’ai été conçu, préparé et ordonné dans les festins. »</p>
</blockquote>
<p>Dès lors, au fil des siècles et des régimes politiques, des aliments et des plats ont été revêtus d’un sens politique fort dont les évolutions s’inscrivent tout à la fois dans les transformations de la gastronomie française et de l’histoire politique de la France.</p>
<h2>Afficher son pouvoir</h2>
<p>La profusion des mets est considérée pendant des siècles comme un signe évident de puissance. Sur les tables royales au Moyen-Âge, l’abondance et la prodigalité permettent au roi de montrer qu’il est le premier des seigneurs. La profusion de nourriture impose une hiérarchie. Mais, la rareté des aliments servis participe aussi du prestige de la table pour les différents pouvoirs, notamment à travers <a href="https://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1983_num_2_5_933">l’emploi d’épices en nombre</a> (girofle, cannelle, muscade).</p>
<p>Il s’agit d’avoir ce que les autres n’ont pas. Lorsque <a href="http://www.potager-du-roi.fr/site/pot_histoire/table_royale.htm">Louis XIV réclame des petits pois</a> en primeurs cultivés dans le potager du roi à Versailles, il montre ainsi qu’il peut tout contrôler, même la nature. Pendant longtemps, le luxe fut une caractéristique majeure des tables des politiques.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/397350/original/file-20210427-21-w9sa0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397350/original/file-20210427-21-w9sa0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397350/original/file-20210427-21-w9sa0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=957&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397350/original/file-20210427-21-w9sa0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=957&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397350/original/file-20210427-21-w9sa0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=957&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397350/original/file-20210427-21-w9sa0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1203&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397350/original/file-20210427-21-w9sa0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1203&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397350/original/file-20210427-21-w9sa0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1203&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les Grandes Chroniques de France de Charles V.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Banquet_Charles_IV.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Les mets les plus recherchés, les plus rares, les plus prisés se devaient d’y figurer. Au Moyen-Âge, paons, hérons, cygnes ou marsouins sont présentés comme des mets d’exception, véritables spectacles, lors des banquets princiers comme ceux donnés au milieu du XV<sup>e</sup> siècle à la <a href="https://sup.sorbonne-universite.fr/sites/default/files/public/files/Ducs-Bourgogne_2009-05-23_HISTOIRE_ET_IMAGES_MEDIEVALES_.pdf">cour de Bourgogne</a> par Philippe le Bon puis Charles le Téméraire pour <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_2002_num_57_5_280111_t1_1367_0000_3">éblouir leurs invités</a>.</p>
<p>Toutes les institutions politiques assoient leur prestige sur des repas d’apparat. Dans la France du XVIII<sup>e</sup> siècle, les <a href="https://feret.com/livre/banquets-gastronomie-et-politique-dans-les-villes-de-province-xive-XXe-siecles/">corps de ville donnent des banquets</a> où sont présentés les plats à la mode du temps comme des poulardes aux huîtres, des tourtes de pigeons garnies de truffes et de champignons ou des pâtés chauds de bécasses.</p>
<p>Ils affichent ainsi leur pouvoir et le prestige de la cité. Au moment de la Révolution, ces fastes culinaires suscitent néanmoins des critiques. Les caricatures de Louis XVI le présentent ainsi comme un affameur du peuple contraint de lui fournir les nourritures les plus précieuses (vins de Bordeaux, Champagne, pâtés de canards d’Amiens, etc.).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397032/original/file-20210426-13-b4d42e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397032/original/file-20210426-13-b4d42e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397032/original/file-20210426-13-b4d42e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397032/original/file-20210426-13-b4d42e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397032/original/file-20210426-13-b4d42e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397032/original/file-20210426-13-b4d42e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397032/original/file-20210426-13-b4d42e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Ci devant Grand Couvert de Gargantua Moderne en Famille vers 1791.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/le-ci-devant-grand-couvert-de-gargantua-moderne-en-famille#infos-principales">parismuseescollections.paris.fr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Se distinguer</h2>
<p>Les aliments ont une dimension symbolique forte dans une société d’ordres marquée par les hiérarchies. La consommation de gibiers à plumes représente ainsi un trait distinctif des tables des élites politiques de l’Ancien Régime. Les perdrix, les grives ou les cailles sont placées au sommet d’une hiérarchie des aliments fondée, dans une perspective religieuse, sur la proximité avec le ciel. Dictée par un <a href="https://www.armand-colin.com/lalimentation-en-europe-lepoque-moderne-9782200244071">principe d’incorporation et d’élévation spirituelle</a>, leur consommation, comme celle des fruits, est jugée plus raffinée que celle des nourritures qui poussent dans la terre (légumes, tubercules).</p>
<p>Mais ces oiseaux renvoient aussi aux privilèges nobiliaires et à l’exercice de droits seigneuriaux à travers la chasse, synonyme de pouvoir, qui différencie la noblesse du peuple.</p>
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<figcaption><span class="caption">Maité explique comment manger l’ortolan à la serviette (INA, 1987).</span></figcaption>
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<p>Cette valorisation gastronomique lorsqu’elle est associée au goût de l’interdit, comme, à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, dans le cas de François Mitterrand et des <a href="https://www.commentaire.fr/boutique/achat-d-articles/le-petit-oiseau-du-paradis-6290">ortolans</a> (petits oiseaux interdits de chasse, engraissés, puis rôtis qu’il fallait manger en entier), devient l’illustration d’un pouvoir politique hors du droit commun.</p>
<h2>Entretenir ses réseaux d’influence</h2>
<p>Le choix des aliments par et pour les hommes de pouvoir intervient aussi dans l’entretien des réseaux d’influence. Durant l’Ancien Régime, il est ainsi d’usage pour les villes de province d’honorer la famille royale, le contrôleur général des finances, les ministres ou les intendants par des présents en début d’année ou lors de visites officielles.</p>
<p>Pour les villes, <a href="https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_2006_num_25_1_2579">ces dons</a> auxquels sont consacrées parfois des sommes importantes, sont un moyen de s’assurer la protection et la bienveillance des puissants. Chacune offre alors des aliments jugés emblématiques de la gastronomie locale et dignes d’être envoyés à de grands personnages : Périgueux offre ainsi des pâtés de perdrix aux truffes, Bayonne des jambons, Amiens des pâtés de canards, Montélimar des nougats blancs, Reims des vins de Champagne, etc.</p>
<p>La table peut également servir à montrer la cohésion politique de la nation comme lors du <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/histoire-de-la-cuisine-34-les-banquets-republicains">célèbre banquet des maires</a> de France dans les jardins des Tuileries à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 en pleine période troublée de <a href="https://www.lemonde.fr/un-jour-un-festin/article/2020/08/18/un-jour-un-festin-en-1900-le-banquet-des-maires_6049195_6046388.html">l’affaire de Dreyfus</a> et de contestations de la République. Les plats servis aux 22 000 convives symbolisent une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1998_num_48_3_395283">démarche fédératrice</a> en rassemblant les plats emblématiques de la grande cuisine française de l’époque (darnes de saumon glacées parisiennes, filet de bœuf en Bellevue) et les aliments qui font la réputation des régions françaises (canetons de Rouen, poulardes de Bresse).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397157/original/file-20210426-17-151yieu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397157/original/file-20210426-17-151yieu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397157/original/file-20210426-17-151yieu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397157/original/file-20210426-17-151yieu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397157/original/file-20210426-17-151yieu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397157/original/file-20210426-17-151yieu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397157/original/file-20210426-17-151yieu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">22 000 convives ont pris part au grand banquet des maires de France, le 22 septembre 1900.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/grand-banquet-1900-maires-de-france#infos-principales">www.parismuseescollections.paris.fr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Cuisine et communication politique</h2>
<p>L’alimentation sert de point d’appui à un discours politique ; elle peut être porteuse d’un message ou bien support de critiques comme contre Louis XVI.</p>
<p>Les nombreux banquets organisés sous la III<sup>e</sup> République au lendemain de la défaite de 1870 et de la perte de l’Alsace-Lorraine témoignent souvent d’un choix politique des mets.</p>
<p>Saumons du Rhin ou écrevisses de la Meuse figurent, par exemple, au menu du banquet offert par la ville de Cahors à Léon Gambetta, président de la Chambre des députés le 28 mai 1881. La dénomination des plats sert à ancrer malgré tout les provinces perdues dans la gastronomie nationale.</p>
<p>Avec la V<sup>e</sup> République et la médiatisation des chefs étoilés, les liens entre la cuisine et la politique demeurent toujours très étroits. Suivant les évolutions de l’art culinaire, le luxe et l’abondance ne sont plus seulement les fondements de la distinction. La dimension politique s’exprime surtout dans les valeurs associées aux nourritures choisies. En 1975, à l’occasion de la remise de sa Légion d’honneur par Valérie Giscard d’Estaing, le chef Paul Bocuse crée une soupe aux <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/lhistoire-derriere-la-celebre-soupe-aux-truffes-vge-concue-pour-valery-giscard-destaing_fr_5fc8e158c5b66bc57467e50b">truffes noires</a> qu’il baptise « Soupe aux truffes VGE » en l’honneur du président.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o-7VDeTEMVM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La recette de la soupe « VGE ».</span></figcaption>
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<p>Cet épisode montre que l’alimentation des présidents de la République devient un <a href="https://gallica.bnf.fr/blog/28042017/les-menus-presidentiels?mode=desktop">objet politique</a>. Ceux-ci savent alors s’en emparer pour façonner leur image, soit du côté du raffinement et de l’excellence française, soit, à l’inverse, en affichant l’image plus populaire d’un amateur de <a href="https://www.lhistoire.fr/au-club-de-la-t%C3%AAte-de-veau-0">tête de veau</a> comme Jacques Chirac, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/les-tripiers-de-france-rendent-hommage-a-leur-meilleur-ambassadeur-de-la-tete-de-veau_fr_5d8cb4c8e4b0e9e760486862">promoteur de la cuisine de terroir</a>, expression politique de l’ancrage et de la proximité.</p>
<p>Aliments et spécialités culinaires deviennent alors support d’une communication politique, plus ou moins maîtrisée, que l’on retrouve des campagnes électorales aux visites médiatiques au salon de l’agriculture.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159550/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Meyzie a reçu des financements du Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine</span></em></p>Au fil des siècles et des régimes politiques, les aliments ont été revêtus d’un sens politique fort, lié aux évolutions tant gastronomiques que politiques.Philippe Meyzie, Maître de conférences HDR en histoire moderne, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1607952021-05-13T15:11:47Z2021-05-13T15:11:47ZHuîtres à Arcachon, flammekueche en Alsace… quand manger local devient une expérience mémorable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/400288/original/file-20210512-17-emzw7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C43%2C925%2C618&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les touristes apprécient particulièrement de déguster des huîtres tout juste ouvertes par le producteur.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’idée est simple, nous l’avons tous expérimentée d’une manière ou d’une autre en tant que touriste lors d’un de nos voyages à l’étranger ou dans nos régions : lorsque l’on goûte, sent ou touche un produit alimentaire emblématique d’un terroir, nous vivons, sans qu’on le perçoive à cet instant T, une expérience touristique mémorable.</p>
<p>Le secteur du tourisme l’a bien compris et œuvre dans l’objectif de faciliter le développement d’un environnement favorable permettant aux touristes de créer leurs propres expériences touristiques mémorables (<em>memorable tourism experiences</em>, ou MTE).</p>
<p>Cette expérience se fonde sur au moins deux éléments : elle doit se situer dans un espace-temps donné,et elle doit être issue d’un processus de génération de souvenirs. En effet, il est évident que si l’expérience gustative d’un produit de région renvoie à un vécu personnel, le touriste sera submergé par l’émotion ce qui favorisera davantage son immersion : l’expérience devient ainsi mémorable !</p>
<p>C’est en définitive la transformation que va faire l’individu de son expérience qui, en se la remémorant, va la considérer comme inoubliable, mais aussi parce qu’elle est caractérisée ainsi grâce à signaux considérés comme tels lors de l’expérience vécue. La mémorisation de ce type d’expérience reste donc <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1447677017301419">associée à trois éléments</a> : l’émotion et sa réminiscence, l’ambiance, et la socialisation.</p>
<h2>Incorporation symbolique</h2>
<p>Mais finalement comment l’expérience vécue avec un produit alimentaire emblématique d’une région contribue-t-elle à la création d’une MTE ? Sur la base de onze récits de vacances où les individus ont décrit leur expérience avec un produit emblématique d’une région, <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2020-2-page-61.htm">l’analyse qualitative</a> fait ressortir trois facteurs principaux qui viennent enrichir une MTE dans ses trois dimensions.</p>
<p>Les émotions gustatives font partie intégrante de la dimension personnelle et psychologique de la MTE. En effet, le sens du goût du produit fait intervenir tous les autres sens, donnant ainsi une « représentation multisensorielle de l’objet dégusté » comme le soulignait Patrick Mac Leod, président de l’Institut du goût, dans une <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/12/30/les-neurosciences-decouvrent-les-sources-du-plaisir-sensoriel_347534_1819218.html">interview</a> accordée au Monde en 2003.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/400289/original/file-20210512-23-ui46if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/400289/original/file-20210512-23-ui46if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/400289/original/file-20210512-23-ui46if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/400289/original/file-20210512-23-ui46if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/400289/original/file-20210512-23-ui46if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/400289/original/file-20210512-23-ui46if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/400289/original/file-20210512-23-ui46if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La flammekueche, un produit emblématique de la région Alsace.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Cette perception sensorielle, d’ordre cognitif mais aussi affectif, puisqu’elle revêt une composante hédonique, sera susceptible d’engendrer des émotions qui participeront à la création de souvenirs qui seront <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/BF03200860">plus facilement remémorés</a> que les souvenirs non chargés émotionnellement.</p>
<p>Par exemple, la vue des parcs à huîtres participe à donner du sens à l’expérience touristique par l’incorporation symbolique de l’image du produit représentatif d’une région. Comme en témoigne un interviewé :</p>
<blockquote>
<p>« À Arcachon, manger des huîtres pratiquement tous les jours c’est exceptionnel. Elles sont sorties de l’eau deux heures avant… c’est comme aller manger un fruit sur un arbre ».</p>
</blockquote>
<p>Le plaisir sensoriel éprouvé quand on déguste le produit n’est donc plus seulement suscité par les sens, mais aussi par la signification donnée par le produit. Les émotions ressenties sont alors décuplées et contribuent à rendre mémorable une expérience touristique.</p>
<h2>Le goût de l’authenticité</h2>
<p>L’authenticité est une caractéristique constituant pour les individus le <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2018-6-page-57.htm">signe d’une expérience mémorable</a> : cette authenticité perçue devient aux yeux du répondant un élément majeur, une richesse <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01354168/document">constitutive de la nature du souvenir</a> de l’expérience.</p>
<p>D’une manière générale, l’individu <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/36/5/838/1790161?redirectedFrom=fulltext">sélectionne des indices</a> attachés au produit ou à son environnement pour en apprécier toute l’authenticité. Il ressort de notre étude que le lieu de fabrication du produit emblématique représente un indice fort d’authenticité.</p>
<p>Le produit alimentaire emblématique d’une région participe donc à la perception de l’authenticité de l’expérience touristique tant recherchée. Un répondant de notre étude le souligne :</p>
<blockquote>
<p>« Il me semble plus authentique de manger une flammekueche en Alsace. À Marseille, j’aurais plutôt envie d’une bouillabaisse. »</p>
</blockquote>
<p>La faible distance psychologique perçue grâce à la proximité du produit avec son lieu de production engendre en effet des représentations mentales qui jouent un rôle dans l’activation des sens des individus. De ce fait, cette proximité provoque des émotions qui vont à leur tour générer des souvenirs. Par exemple, notre répondant à Arcachon apprécie :</p>
<blockquote>
<p>« Lorsque le producteur d’huîtres les ouvre et le sert avec un quart de citron, un verre de blanc, et un morceau de pain, ce n’est pas guindé. C’est l’huître dans sa plus simple expression ».</p>
</blockquote>
<p>Dès lors, cette authenticité, souvent recherchée par le touriste au travers de lieux ou d’activités, va être pensée en amont du séjour et le plus souvent planifiée.</p>
<h2>Une part d’improvisation…</h2>
<p>Pour certains, la planification s’opère en amont à travers des recherches sur Internet qui peuvent même amener à des réservations à l’avance, au même titre qu’une réservation d’un billet de musée, comme en témoigne une répondante :</p>
<blockquote>
<p>« Il ne me viendrait pas à l’idée d’aller à Lille sans manger local et en particulier une carbonade ! Je réserve donc dans l’estaminet plusieurs jours avant ; ça fait partie du périple. C’est de la culture aussi ! »</p>
</blockquote>
<p>D’autres privilégient les informations récoltées une fois sur place, lors de contacts avec les locaux. Les relations tissées à ces occasions permettent d’enrichir la dimension relationnelle de l’expérience.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/527247398" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Huître d’Arcachon, Flammekueche et galette de sarrasin : comment le produit régional rend le voyage mémorable ? (FNEGE Médias, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette part d’improvisation lors du séjour donne une teinte d’authenticité supplémentaire dans la mesure où l’individu participe à la co-construction de son expérience touristique et contribue finalement à la rendre mémorable, explique une voyageuse :</p>
<blockquote>
<p>« Je demande souvent à la réception de l’hôtel ou bien au propriétaire de l’appartement que je loue de me recommander les bonnes adresses ou marques pour découvrir les produits de la région. C’est toujours un sujet de discussion intéressant à aborder avec les locaux, surtout quand ils sont passionnés ! »</p>
</blockquote>
<p>Notre étude illustre ainsi la manière dont les expériences avec les produits alimentaires emblématiques d’une région participent à répondre à cette recherche d’expériences authentiques. Cette année, l’été s’annonce une nouvelle fois pour les professionnels comme une saison encore très marquée par un tourisme essentiellement national. On ne peut donc que leur conseiller de mettre en avant les produits emblématiques de leur région dans les campagnes de promotion.</p>
<p>Mis en avant, ces produits activeront en effet des réminiscences d’émotions gustatives et de perceptions de l’authenticité chez les individus susceptibles de favoriser l’intention d’un séjour sur place. Les produits emblématiques apparaissent donc comme des outils efficaces de promotion et de valorisation des régions ou des pays sur le plan touristique. Les souvenirs liés à l’alimentation peuvent rendre les touristes émotionnellement attachés au lieu et donc favoriser même une forme de fidélisation au lieu.</p>
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<p><em>Farida Bedredine, journaliste et créatrice culinaire, auteure de livre de cuisine, animatrice et chroniqueuse cuisinière de l’émission La Quotidienne sur France 5, a co-rédigé cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160795/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La proximité avec les producteurs régionaux va engendrer des émotions qui forgeront des souvenirs marquants pour les touristes.Mariem El Euch Maalej, Associate professor of marketing, PSB Paris School of BusinessMarielle Salvador, Enseignant chercheur, comportement du consommateur, marketing de l'alimentation, Institut Paul Bocuse Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1520472020-12-18T14:53:44Z2020-12-18T14:53:44ZMangerez-vous de la tourtine à Noël ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/375837/original/file-20201218-21-nhmcv9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4757%2C2667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">poutinetort</span> </figcaption></figure><p>J’ai vu récemment une invention culinaire qui m’a laissée songeuse, la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1756235/restaurant-pate-viande-patates-saguenay">tourtine</a>. Le plat, comme son nom l’indique, est un hybride de tourtière et de poutine. Du fromage en grains et de la sauce typiques de la poutine sont ajoutés à la garniture de la tourtière, en plus d’ingrédients festifs comme la viande effilochée et l’incontournable foie gras.</p>
<p>La tourtine connaît un succès tel que ses créateurs, les propriétaires du restaurant Baron BBQ, à Saint-Ambroise au Saguenay, ont été dépassés par la demande. Ils <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2020/12/11/la-folie-de-la-tourtine-sempare-des-quebecois">ont dû réorienter toute leur production et ont doublé leur personnel</a>.</p>
<p>Au-delà du <em>buzz</em> marketing (que l’on souhaite à tous les acteurs de la restauration en ces temps de crise), le phénomène demande à être interprété. Le plat, proposé juste au moment des fêtes de fin d’année, semble réinventer deux de nos classiques culinaires. Comment comprendre cette réinvention, quel rapport traduit-elle au patrimoine gastronomique québécois ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-temps-de-pandemie-voici-ce-que-dit-notre-engouement-pour-les-conserves-146636">En temps de pandémie, voici ce que dit notre engouement pour les conserves</a>
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<p>Dans le cadre de mes recherches, je m’intéresse aux représentations culturelles de la nourriture et de la cuisine. Comment cet imaginaire gastronomique résonne-t-il avec nos identités individuelles et collectives, avec nos aspirations et nos quêtes de sens ?</p>
<h2>Pas le premier croisement culinaire</h2>
<p>La tourtine n’est pas le premier exemple d’un mets qui combine des préparations existantes. Dans le registre populaire, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pizza-ghetti">pizzaghetti</a> a connu des heures fastes il y a quelques décennies dans les restaurants de cuisines dites « italienne et canadienne ». Une vérification sur Internet permet de constater que cette invention québécoise est toujours proposée par plusieurs établissements et qu’on en trouve même dans la section des produits surgelés des supermarchés.</p>
<p>Un autre croisement inventif, le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cronut">cronut</a>, connaît un succès qui ne se dément pas depuis 2013. C’est une pâtisserie dont la pâte feuilletée comme celle d’un croissant est passée à la friture et garnie comme un beigne – évidemment appelé <em>donut</em> aux États-Unis… et en France. Le cronut est à l’image de son créateur Dominique Ansel, un Français vivant aux États-Unis qui a opté pour le métissage des traditions.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374868/original/file-20201214-20-pgsgqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374868/original/file-20201214-20-pgsgqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374868/original/file-20201214-20-pgsgqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374868/original/file-20201214-20-pgsgqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374868/original/file-20201214-20-pgsgqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374868/original/file-20201214-20-pgsgqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374868/original/file-20201214-20-pgsgqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un cronut d’octobre fourré de confiture de canneberges maison et de ganache de pistache de la boulangerie Dominique Ansel New York.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Le croisement de préparations culinaires distinctes est toujours révélateur. Le pizzaghetti dévoile sans doute un enthousiasme naïf face aux traditions gastronomiques italiennes que nous n’hésitions pas à jeter pêle-mêle dans la même assiette. Le cronut présente quant à lui la rencontre de la France et du Nouveau Monde, de la longue durée historique et de l’innovation, de la boulange artisanale et du snack.</p>
<h2>Un mets traditionnel</h2>
<p>Mais que dit la combinaison que propose la tourtine ? Pour le comprendre, il faut examiner les deux plats qui la composent. La tourtière autant que la poutine sont emblématiques de la tradition culinaire du Québec, et on peut même y voir des plats nationaux. Elles portent cependant des significations bien distinctes.</p>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tourti%C3%A8re">La tourtière</a> constitue une des pièces de résistance de nos tables de Noël et du Nouvel An. Elle repose sur les ressources locales et, selon la région, on peut la préparer à la viande d’élevage, au gibier ou même au poisson. Elle semble ainsi liée à un territoire, et même à un terroir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374863/original/file-20201214-19-1sw9iio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374863/original/file-20201214-19-1sw9iio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374863/original/file-20201214-19-1sw9iio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374863/original/file-20201214-19-1sw9iio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374863/original/file-20201214-19-1sw9iio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374863/original/file-20201214-19-1sw9iio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374863/original/file-20201214-19-1sw9iio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La tourtière est un mets incontournable du temps des fêtes et peut certainement être hissé au rang de plat national québécois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>De plus, le mets suscite des débats, ce qui est un signe de son importance culturelle. Son nom vient-il vraiment des oiseaux aujourd’hui disparus appelés tourtes qui servaient supposément à la confectionner, ou plutôt du récipient dans lequel était moulé la pâte ? Son origine est-elle française ou britannique ? La vraie tourtière est-elle celle du Lac-Saint-Jean, qui contient des patates, celle qui ne renferme que du hachis de porc et de veau (parfois appelée « pâté à la viande »), ou encore la cipâte du Bas-du-Fleuve ? Il y a autour de la tourtière un travail des représentations qui indique <a href="https://www.erudit.org/en/journals/rabaska/2012-v10-rabaska0402/1013567ar.pdf">que le mets occupe une vraie place dans la gastronomie québécoise</a>.</p>
<p>C’est aussi un plat qui, à défaut d’être cuisiné dans les foyers, est encore aujourd’hui très aimé par les consommateurs, surtout lors des Fêtes. Le marché saisonnier de la tourtière prête-à-manger (fraîche ou congelée) traverse les catégories, rassemblant des producteurs artisanaux, des joueurs intermédiaires comme les épiceries de niche, et évidemment le secteur de la grande distribution. Le mets est un incontournable et peut certainement être hissé au rang de plat national québécois.</p>
<h2>Un plat canaille</h2>
<p>Le cas de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Poutine_(plat)">poutine</a> est bien différent. Son histoire est beaucoup plus récente, puisqu’elle naît à la fin des années 50 dans la région agricole du Centre-du-Québec, berceau du fromage en grains qui en est l’ingrédient indispensable. Elle ne devient populaire que dans les années 80, à la faveur d’une diffusion urbaine qui en change aussi les conditions de consommation. Elle acquiert à ce moment le statut iconique qui est encore le sien : c’est un aliment de restauration rapide sans prétention et même un peu canaille, une éponge à bière que l’on engloutit volontiers après une soirée arrosée avant d’aller dormir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374862/original/file-20201214-17-1dolxs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374862/original/file-20201214-17-1dolxs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374862/original/file-20201214-17-1dolxs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374862/original/file-20201214-17-1dolxs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374862/original/file-20201214-17-1dolxs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374862/original/file-20201214-17-1dolxs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374862/original/file-20201214-17-1dolxs0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La poutine est un aliment de restauration rapide, convivial, joyeux et associé à la vie nocturne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Les significations que porte la poutine sont très éloignées de celles de la tourtière. Elle est empreinte d’un certain imaginaire rural <em>vintage</em>, mais aussi de valeurs telles que l’américanité, l’excès joyeux et la vie nocturne. Bien que son histoire soit récente, la poutine fait désormais partie du patrimoine culinaire québécois.</p>
<h2>Quand la modernité rencontre la tradition</h2>
<p>Qu’arrive-t-il quand on mêle la tourtière et la poutine ? Ce geste peut heurter les puristes, et je ne suis pas convaincue qu’il soit gastronomiquement probant. Mais il a toutefois l’intérêt de conjoindre des représentations liées à chacun des plats : l’histoire de plus longue durée rencontre la modernité, le repas familial croise la collation nocturne prise entre amis. La tourtine modernise la tourtière, ou elle traditionnalise la poutine.</p>
<p>Mais bien sûr tout cela n’est pas simple. L’invention culinaire est une réinterprétation du patrimoine, mais elle manifeste un désir plutôt qu’un fait, et il faut y voir un travail de l’imaginaire bien plus que des significations arrêtées.</p>
<p>La tourtine, et son succès auprès des consommateurs, révèlent peut-être qu’en cette année pandémique, nous sentons le besoin de repenser les plats emblématiques du temps des fêtes. Il n’y aura pas de grandes tablées familiales et de ripailles interminables. Nos festins seront plus modestes. Pour certains, les fêtes seront marquées par des conditions personnelles et professionnelles difficiles, voire par la maladie ou le deuil.</p>
<p>Dans ce contexte, nous voulons garder la tradition qui nous lie au passé, si précieuse et rassurante en des temps incertains. Mais pourquoi ne pas y ajouter quelque chose de ludique, un peu d’humour et d’invention, l’excès joyeux et le souvenir des repas amicaux pris au-dehors… C’est ce que propose la tourtine.</p>
<p>Je serais bien étonnée qu’elle devienne notre nouveau plat national, mais pour l’instant, elle répond à un besoin. J’ai presque envie de dire qu’elle donne à rêver.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152047/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geneviève Sicotte a reçu du financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC)</span></em></p>L’invention culinaire est une réinterprétation du patrimoine. Le succès de la tourtine révèle qu’en cette année de Covid, nous sentons le besoin de repenser les plats emblématiques du temps des fêtes.Geneviève Sicotte, Professeure, Études françaises, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1461362020-09-23T17:31:59Z2020-09-23T17:31:59ZDébat : Confier des lieux culturels à des acteurs privés, une fausse bonne idée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/359595/original/file-20200923-16-x8q9j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C42%2C1278%2C915&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Cité internationale de la gastronomie de Lyon, dans le Grand Hôtel Dieu - Plafond du petit dôme.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cit%C3%A9_internationale_de_la_gastronomie_de_Lyon#/media/Fichier:Lyon_2e_-_Grand_H%C3%B4tel_Dieu_-_Cit%C3%A9_internationale_de_la_gastronomie_de_Lyon_-_Plafond_du_petit_d%C3%B4me.jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>La reconnaissance par l’Unesco au titre du patrimoine immatériel du <a href="https://ich.unesco.org/fr/RL/le-repas-gastronomique-des-francais-00437">« repas gastronomique des Français »</a> s’est accompagnée de la nécessité de créer un ou plusieurs centres d’interprétation portant sur cette thématique. Les pouvoirs publics ont décidé de créer <a href="https://agriculture.gouv.fr/les-cites-de-la-gastronomie-cest-parti">quatre lieux</a> différents, à Lyon, mais aussi à Tours, Dijon et Rungis.</p>
<p>Les élus lyonnais ont fait le <a href="https://rhone.eelv.fr/wp-content/blogs.dir/862/files/2017/05/2017-1934.pdf">choix</a> d’une implantation dans le prestigieux <a href="https://www.lyon-france.com/Je-decouvre-Lyon/sites-et-monuments/Sites-et-monuments-remarquables/le-grand-hotel-dieu">hôtel-Dieu</a>, pour un coût de 17 millions d’euros ; et cela, en acceptant de sacrifier son <a href="https://www.chu-lyon.fr/fr/musee-des-hcl">musée</a> d’Histoire de la Médecine (bénéficiant pourtant de l’appellation <a href="https://www.culture.gouv.fr/Aides-demarches/Protections-labels-et-appellations/Appellation-Musee-de-France">« Musée de France »</a>) dans le cadre de l’aménagement d’un hôtel de luxe et d’espaces commerciaux. Un choix paradoxal pour un ancien hospice où exerça l’illustre médecin et écrivain <a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1992x026x003/HSMx1992x026x003x0197.pdf">François Rabelais</a>.</p>
<h2>Un modèle économique fragile</h2>
<p>Alors que l’<a href="https://www.lyoncapitale.fr/actualite/les-mauvais-avis-se-multiplient-sur-la-cite-de-la-gastronomie-de-lyon/">ouverture</a> au public de l’équipement suscitait une certaine <a href="https://www.leprogres.fr/rhone-69-edition-lyon-metropole/2019/11/02/lyon-a-la-cite-de-la-gastronomie-on-reste-sur-sa-faim">déception</a>, les premiers mois d’exploitation ont vu l’accueil de moins de 150 000 visiteurs, dont un grand nombre de groupes scolaires, ne permettant guère d’espérer atteindre une quelconque <a href="https://www.leprogres.fr/rhone-69-edition-lyon-metropole/2019/11/02/lyon-a-la-cite-de-la-gastronomie-on-reste-sur-sa-faim">rentabilité</a>. La crise sanitaire est venue renforcer les fragilités d’un <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-du-debat/le-temps-du-debat-emission-du-mardi-25-aout-2020">modèle économique</a> fondé sur l’accueil d’importants flux touristiques et accélérer la fermeture – à la demande du prestataire – de la <a href="https://www.lyon-france.com/Je-decouvre-Lyon/culture-et-musees/musees/la-cite-de-la-gastronomie-a-lyon">Cité de la Gastronomie</a>. Comment a-t-on pu en arriver là ?</p>
<h2>S’inspirer de la gestion privée</h2>
<p>À la suite du tournant représenté par l’essor du <a href="https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780198299486.001.0001/acprof-9780198299486">New Public Management</a> dans les années 1980, nombre de décideurs et d’élus considèrent que la gestion privée est sinon supérieure à la gestion publique, du moins que la gestion publique devrait s’inspirer des préceptes de la gestion privée (concurrence, performance, rentabilité). Dans un tel contexte, les <a href="https://www.lavoisier.fr/livre/economie/revue-francaise-de-gestion-n-special-115-septembre-octobre-1997/descriptif-9782866018511">partenariats public-privé</a> ont été promus comme un modèle à suivre, permettant de concilier mission publique et efficacité privée, tout en brouillant les frontières entre les deux logiques <a href="https://www.cairn.info/sphere-publique-interets-prives--9782724620955.htm">d’intervention</a>. Or la pertinence de ces contrats a fait l’objet de critiques de la part de différentes institutions, parmi lesquelles la <a href="https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_09/SR_PPP_FR.pdf">Cour des comptes européenne</a> et la <a href="https://publications.parliament.uk/pa/cm201719/cmselect/cmpubadm/748/748.pdf">Chambre des Communes britannique</a> ; le monde <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/puar.13031">académique</a> s’est également saisi de cette question.</p>
<h2>Un modèle en difficulté</h2>
<p>Dans le champ de la culture et des loisirs, nombreux sont les exemples qui interrogent la pertinence de ce type de montages, qu’il s’agisse des partenariats public/privé (PPP), de la mise en marchés publics d’activités auparavant gérées en interne (médiation, guides, etc.) ou encore des <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/concessions-et-delegations-service-public">« délégations de service public »</a> (DSP). Ainsi, le PPP ayant conduit à la rénovation du <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/16-museum-national-histoire-naturelle-Tome-1.pdf">parc zoologique</a> de Paris est peu convaincant. Le <a href="https://www.servirlepublic.fr/2018/05/musee-de-la-romanite-nimes-dans-latrium-des-grands/">musée de la Romanité</a> à Nîmes est géré dans le cadre d’une société publique locale, avec des objectifs élevés de <a href="https://www.lequotidiendelart.com/articles/15440-mus%C3%A9e-de-la-romanit%C3%A9-banc-d-essai-d-une-nouvelle-gestion.html">« rentabilité »</a> et la présentation d’<a href="https://museedelaromanite.fr/exposition-temporaire/archives/gladiateurs-heros-du-colisee">expositions</a> très « grand public », un modèle actuellement en <a href="https://theconversation.com/quel-avenir-pour-le-tourisme-culturel-en-france-apres-la-crise-du-covid-19-143630">souffrance</a>.</p>
<p>La <a href="https://blogs.mediapart.fr/documentations-art/blog/260220/ca-dechante-la-gaite-lyrique-crise-au-temple-de-linnovation-culturelle">Gaîté Lyrique</a> à Paris se heurte à des difficultés récurrentes, malgré les changements de délégataire. Le <a href="https://www.cairn.info/la-gestion-des-institutions-culturelles--9782200616830.htm">musée national de l’Automobile</a> de Mulhouse, qui a pu accueillir plus de 300 000 visiteurs annuels dans le cadre de la gestion associative initiale, n’a jamais dépassé 200 000 visiteurs par an depuis que sa gestion a été confiée à une société privée.</p>
<p>Avertis de ces chausse-trappes, les élus lyonnais ont pourtant opté pour la gestion par DSP (signe que l’institution relève par définition de l’intérêt général), au profit d’une société de service privée, considérée comme la mieux-disante sur deux points : un tarif d’entrée jugé modéré et des prévisions de fréquentation de 300 000 visiteurs annuels. Arguant de « l’expertise de la Métropole dans la gestion des DSP », un vice-président indiquait alors qu’avec une note de 18,2 l’<a href="http://foodandsens.com/made-by-f-and-s/chefs-on-parle-de-vous/la-cite-de-la-gastronomie-concede-groupe-espagnol-metropole-de-lyon/">offre</a> retenue était la meilleure car « précise, aboutie et économiquement robuste ».</p>
<p>Avec une entrée à 12 euros ne donnant ni droit à une dégustation (facturée elle-même 12 euros), ni à une visite guidée (7 euros), il était difficile d’envisager une large fréquentation, et moins encore sa fidélisation. Les prévisions de fréquentation pouvaient être considérées comme exagérément optimistes. Dans ces conditions, difficile de postuler <em>a priori</em> qu’un prestataire privé possède nécessairement des compétences en marketing et en communication supérieures à une institution publique (le musée des Beaux-Arts de Lyon accueille plus de 300 000 visiteurs par an et le musée des Confluences plus de 600 000).</p>
<h2>Un mode de gestion inadapté au secteur culturel ?</h2>
<p>D’une manière générale, nos <a href="https://www.tourisme-espaces.com/doc/7768.gestion-privee-sites-culturels-fausse-solution-problemes-mal-poses.html">recherches</a> témoignent de la difficulté du recours à une DSP dans le secteur culturel. La mission de l’établissement étant de nature « éducative », avec des missions scientifiques (ou de recherche) plus ou moins importantes, ce type d’établissement est généralement considéré comme non rentable, à l’instar des bibliothèques ou des conservatoires. En revanche, si l’objectif est d’accueillir un maximum de visiteurs, il est certes possible que le montant des recettes excède le montant des dépenses, mais c’est parce que la fréquentation touristique internationale est très élevée (1,5 M de visiteurs à l’Arc de Triomphe, par exemple, avec 80 % de visiteurs étrangers) et que les dépenses demeurent modestes dans le registre pédagogique ou de l’action culturelle.</p>
<p>Étant entendu par ailleurs que des lieux sans collections sont plus faciles à « rentabiliser » que des établissements tels que les musées, qui doivent faire face à des impératifs spécifiques (réserves, inventaire, récolement, conservation préventive, restauration). Qu’un prestataire privé soit en mesure de verser un loyer et une redevance à un délégant public signifie ainsi que l’objectif de rentabilité prend le pas sur d’autres types de considérations (éducatives, culturelles, sociales, voire même de développement local) et qu’il ne participe pas aux dépenses liées à la conservation des œuvres (comme dans le cas des propriétés de l’<a href="https://www.institutdefrance.fr/le-patrimoine/">Institut de France</a> confiées à des délégataires privés). Ce qui fausse l’appréciation des compétences du délégataire, <em>ipso facto</em> responsable uniquement de ce qui « rapporte », soit directement (billetterie, boutique, espace de restauration…), soit indirectement (expositions temporaires, animations).</p>
<h2>Le beurre et l’argent du beurre</h2>
<p>Il s’agit donc d’une forme de rentabilité financière que pourraient rechercher les institutions publiques si elles faisaient le choix de s’abstraire de leurs responsabilités scientifiques, éducatives et sociales. Or obtenir un haut degré de ressources propres n’est pas nécessairement le signe d’une bonne gestion de l’établissement. Car, comme dans le cas de plusieurs des propriétés du <a href="https://www.monuments-nationaux.fr/">Centre des monuments nationaux</a>, cela peut aussi témoigner d’un manque d’investissement en termes de valorisation, de médiation, d’interprétation, d’animation des sites et d’intégration dans le territoire.</p>
<p>On remarquera que des pays comme les <a href="http://presses.univ-lyon2.fr/produit.php?id_produit=729">États-Unis</a> n’ont pas recours à ce type d’expédient, le statut d’institution de droit privé sans but lucratif offrant souplesse de gestion et garantie d’une gestion conforme à l’intérêt général. Dès lors, seul le présupposé d’un manque de qualification du personnel, l’accusation de lourdeur de la gestion publique et la croyance dans la supériorité de la gestion privée à but lucratif peuvent expliquer le recours à la formule de la DSP, pourtant <a href="https://www.cairn.info/la-gestion-des-institutions-culturelles%20--%209782200616830.htm">peu adaptée</a> au monde de la culture. (Il en va différemment dans le cas d’une DSP au profit d’une association, de droit privé, mais qui ne relève pas généralement d’un régime de lucrativité).</p>
<p>Le bilan de l’aventure de la Cité de la Gastronomie paraît lourd : versement d’une <a href="https://www.leprogres.fr/culture-loisirs/2020/07/27/echec-de-la-cite-de-la-gastronomie-la-metropole-va-devoir-payer-1-7-million-d-euros">indemnité</a> au délégataire défaillant ; <a href="https://www.lyoncapitale.fr/actualite/cite-de-la-gastronomie-de-lyon-elle-doit-passer-sous-service-public/">déficit d’image</a> lié à la fermeture d’un établissement devant concourir à l’attractivité touristique de Lyon ; message d’un <a href="https://www.20minutes.fr/gastronomie/2816623-20200707-coronavirus-lyon-cite-gastronomie-ferme-raison-crise-sanitaire-faute-succes">manque de rigueur</a> dans la gestion publique ; affaiblissement de la filière lyonnaise de la <a href="https://www.leprogres.fr/culture-loisirs/2020/07/06/la-cite-internationale-de-la-gastronomie-de-lyon-ferme-definitivement">gastronomie</a>, pourtant investie dans le projet.</p>
<p>Le <a href="https://www.lyoncapitale.fr/actualite/cite-de-la-gastronomie-de-lyon-elle-doit-passer-sous-service-public/">souhait</a> du chef étoilé Régis Marcon (président du comité d’orientation stratégique de la Cité) que l’établissement « passe sous service public » n’aurait-il pas dû être évoqué dès l’origine du projet ?</p>
<p>Car vouloir à la fois le beurre (l’impact culturel, éducatif, social et touristique), l’argent du beurre (les revenus issus de la DSP) et le sourire de la crémière, n’est-ce pas trop demander, même au pays du truculent <a href="https://numelyo.bm-lyon.fr/f_view/BML:BML_00GOO01001THM0001rabelais">Rabelais</a> ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146136/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Réflexion autour des modes de gestion des lieux culturels, après la fermeture cet été de la cité de la gastronomie de Lyon, inaugurée en octobre 2019.Jean-Michel Tobelem, Professeur associé, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneThomas Hélie, Maître de conférences en sciences politiques, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1370242020-04-26T18:52:52Z2020-04-26T18:52:52ZAu pays de la gastronomie, qui sauvera le secteur de la restauration ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/329821/original/file-20200422-47826-14a0dhs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1194%2C811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ratios d'endettement et de solvabilité des établissements traditionnels ont de quoi inquiéter.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.afpforum.com/AFPForum/Search/Results.aspx?pn=1&smd=8&mui=3&q=12709059702453477794_0&fst=restaurant+ferm%c3%a9&fto=3&t=2#pn=2&smd=8&mui=3&q=12709059702453477794_0&fst=restaurant+ferm%u00e9&fto=3&t=2">Franck Fife / AFP</a></span></figcaption></figure><p>La situation financière du secteur de la restauration traditionnelle est clairement inquiétante. Entre un <a href="https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2020/04/14/chez-les-restaurateurs-la-peur-de-ne-pas-pouvoir-remettre-le-couvert_6036530_4497319.html">quart</a> des bars et restaurants, selon les estimations du guide Gault & Millau, et <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/40-des-restaurants-pourraient-ne-pas-rouvrir-leurs-portes-alerte-herve-becam-coronavirus-7800410831">40 %</a>, d’après l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, risqueraient de faire faillite des suites de la crise sanitaire du coronavirus. Qu’en est-il lorsque l’on regarde d’un peu plus près les comptes de ces établissements ?</p>
<p>Sur un échantillon de 14 667 établissements de type restauration traditionnelle (soit près de 15 % de l’ensemble de la population étudiée) extrait de la base Diane-Bureau van Dijk, 51 % seraient dans la zone rouge si l’on s’en tient au ratio d’endettement (endettement net/capitaux propres). Ce résultat doit toutefois être relativisé car, comme le confirme Éric Pichet, professeur à Kedge Business School et spécialiste d’analyse financière, ce secteur reste faiblement capitalisé. En effet, ce sont les charges de personnel qui constituent la majeure partie des coûts d’un restaurant.</p>
<p>Si l’on se réfère à un autre ratio populaire, celui de solvabilité (montant des ressources propres/total du bilan) on constate que bien un tiers de restaurants est en situation de grande fragilité financière (ratio en deçà des 20 % recommandés pour une saine gestion de l’établissement). Les craintes des instances professionnelles apparaissent donc tout à fait fondées.</p>
<p>Cette situation n’est pas surprenante quand on sait que le secteur a déjà été durement touché par la crise des « gilets jaunes » et plus récemment par les mouvements sociaux de décembre 2019 liés à la réforme des retraites.</p>
<h2>Des aides insuffisantes</h2>
<p>L’État, par l’intermédiaire de son ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a promis une <a href="https://www.sudouest.fr/2020/04/15/hotels-restaurants-spectacles-vers-l-annulation-de-750-millions-d-euros-de-charges-7412730-705.php">annulation</a> de 750 millions d’euros de charges fiscales le 15 avril dernier. Cette mesure concerne à la fois le secteur de l’hôtellerie, de la restauration, des arts, spectacles et activités récréatives.</p>
<p>Selon <a href="https://www.atabula.com/2020/04/17/le-plan-de-750-millions-deuros-de-soutien-aux-secteurs-les-plus-touches-par-la-crise-est-il-suffisant/?fbclid=IwAR3pRlMz9Rm1inAlAR-LKT-zV8mV1y7D1wEQm-lHXtwJC4MYJ-koFwoVxMs">nos calculs</a>, ce montant correspondrait au mieux à un mois d’exonération de contributions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250323290310078464"}"></div></p>
<p>C’est bien insuffisant dans la mesure où nous en sommes déjà à plus d’un mois d’inactivité et que les restaurants ne vont vraisemblablement pas pouvoir rouvrir rapidement après le 11 mai. On parle d’ailleurs de réouvertures avec aménagements, ce qui signifierait moins de couverts dans de nombreux établissements, et donc des pertes significatives de chiffres d’affaires.</p>
<p>N’oublions pas enfin que la clientèle étrangère risque de manquer cruellement aux établissements les plus prestigieux pendant un temps encore incertain. Ajoutons à cela que la rentabilité de certains de ces établissements dépend pour une partie non négligeable des recettes de leur hôtel, aujourd’hui nulles.</p>
<h2>Comment aller plus loin ?</h2>
<p>Plusieurs acteurs économiques sont aujourd’hui en mesure de compléter l’aide de l’État. D’abord, le secteur des assurances est sollicité pour venir en aide aux entreprises en difficulté, même si ces dernières ne sont pas au plan contractuel couvertes pour ces risques de nature sanitaire. Le secteur n’est pas obligé d’agir mais sa réputation pourrait pâtir d’une fin de non-recevoir.</p>
<p>En effet, les sociétés d’assurance n’ont pour le moment pas à se plaindre de la situation actuelle qui génère un nombre plus faible de sinistres à couvrir. La Mutuelle d’assurance des instituteurs de France (MAIF) a, par exemple, décidé récemment de <a href="http://www.leparisien.fr/economie/coronavirus-la-maif-rend-100-millions-d-euros-a-ses-assures-02-04-2020-8292711.php">reverser 100 millions d’euros</a> à ses sociétaires détenteurs d’un contrat auto en leur proposant de simplement percevoir cette somme ou de l’offrir à trois associations qui œuvrent particulièrement pendant la pandémie (Assistance publique – Hôpitaux de Paris, Institut Pasteur, Secours populaire).</p>
<p>La redistribution de ces surplus accumulés par l’ensemble des sociétés d’assurance pourrait donc être redirigée vers des entreprises des secteurs les plus touchés, sous forme, par exemple, de baisses voire d’exonérations de paiement.</p>
<p>Les consommateurs eux aussi se mobilisent pour générer de la trésorerie et tenter de sauver leurs établissements favoris via des sites comme <a href="https://www.sauvetonresto.io/">« Sauve ton resto »</a> ou encore <a href="https://www.jaimemonbistrot.fr/">« J’aime mon bistrot »</a>. Ces sites permettent de passer des précommandes solidaires dès maintenant auprès de restaurants fermés en vue du déconfinement. Les partenaires fondateurs de « J’aime mon bistrot » participent aussi à l’effort de solidarité en créditant 50 % additionnels sur les 20 000 premières commandes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329813/original/file-20200422-47810-ku5yrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329813/original/file-20200422-47810-ku5yrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329813/original/file-20200422-47810-ku5yrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329813/original/file-20200422-47810-ku5yrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329813/original/file-20200422-47810-ku5yrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329813/original/file-20200422-47810-ku5yrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329813/original/file-20200422-47810-ku5yrv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le site web « J’aime mon bistrot » montre la fonctionnalité de précommande solidaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://feria.jmbistrot.fr/menus/5963/8170">Site web</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’État pourrait rapidement généraliser ce genre de cagnottes (pas seulement pour ce secteur d’ailleurs) et abonder ainsi en fonction des préférences des consommateurs. Une participation à cet élan populaire de type mécénat apparaît nécessaire dans la mesure où les sommes dépensées aujourd’hui sous forme de commandes anticipées ne le seront vraisemblablement pas plus tard.</p>
<p>Une traduction en anglais de ces sites, accompagnée d’une promotion dédiée permettrait en outre de toucher un public étranger, amoureux de notre gastronomie et prêt, à n’en pas douter, à la soutenir en ces temps difficiles.</p>
<h2>Bientôt un fonds d’investissement dédié ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.lepoint.fr/societe/direct-coronavirus-l-hotellerie-et-la-restauration-esperent-une-aide-massive-24-04-2020-2372692_23.php">plan de relance</a> annoncé par l’exécutif le 24 avril dernier semble aller dans cette direction. À court terme, le fonds de solidarité créé au début de la crise sera renforcé et son accès élargi à des entreprises de taille plus importante (20 salariés).</p>
<p>Les mesures de chômage partiel seront également prolongées au-delà du 11 mai pour les entreprises qui ne pourront redémarrer à cette date.</p>
<p>Pour compléter le dispositif, un fonds d’investissement (avec l’aide des banques et des sociétés d’assurance) est envisagé. Ses contours, qui porteront notamment sur l’orientation des fonds, devraient être annoncés le 14 mai prochain. Il serait à ce sujet judicieux que le besoin de soutien différencié des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/11/14/le-gouvernement-doit-reflechir-a-l-instauration-d-une-tva-reduite-pour-les-produits-faits-maison_5383273_3232.html">artisans du fait maison</a> entre dans l’équation. Leurs problématiques restent en effet bien spécifiques par rapport aux établissements recourant massivement aux produits de l’industrie agroalimentaire !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137024/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Gergaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>État, assureurs et consommateurs ont déjà engagé des actions pour tenter de sauver les établissements fragilisés.Olivier Gergaud, Professeur d'économie, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1357402020-04-08T18:47:31Z2020-04-08T18:47:31ZLa petite cuisine des formes conviviales en confinement<p>D’ordinaire, il est de bon ton et de bon goût d’évoquer la table, la cuisine, la convivialité, définie à l’origine par Brillat-Savarin, dans la relation au <a href="https://www.academia.edu/15060044/Partage_du_plaisir_et_plaisir_du_partage">partage</a> alimentaire et au plaisir de table. Des signes de vie, de bien-être, sous toutes les formes livrées à nos besoins, nos moyens, nos désirs de <a href="https://www.researchgate.net/publication/339031180_Approches_semiotiques_des_rituels_de_commensalite">commensalité</a>.</p>
<p>Que valent ces questions en temps de confinement, dans le huis clos du quotidien et un espace mental envahi par le risque épidémique ? La seule évocation de la convivialité garde-t-elle un sens dans un tel contexte d’insécurité, de vulnérabilité, à ce point coupé des réalités habituelles ? Comment imaginer, avec de telles contraintes précisément, un vivre ensemble privé de toute forme de convivialité ?</p>
<h2>Besoin de communiquer</h2>
<p>Dans la prolifération des images et des messages mis en circulation, disons-le virale, tant le besoin de communiquer compense l’isolement, le constat est frappant : le confinement se prête, manifestement, à l’initiative et l’inventivité dans les formes de convivialité. Pour rendre supportable et si possible agréable le vivre ensemble du confinement, on observe le rôle primordial de tous ces moments réinventés, revisités autour de l’alimentaire, des gestes culinaires, des attentes gourmandes.</p>
<p>Cette convivialité se manifeste de façon très variée. Elle procède à la fois de la rationalité et du principe de plaisir, d’une saine gestion du vivre ensemble et du bonheur régressif de tremper ses petites madeleines dans des instants partagés, même par écrans interposés. Cyril Lignac l’érige en principe et <a href="https://www.stripfood.fr/pourquoi-les-chefs-cuisiniers-sont-ils-si-presents-sur-les-reseaux-sociaux/">concept de sa nouvelle émission</a> sur M6, « Tous en cuisine » : de chez lui, le Chef prépare 2 recettes faciles à réaliser, en direct et en duplex, avec chaque soir des téléspectateurs de différentes régions et une personnalité médiatique pour pimenter l’ensemble.</p>
<p>L’apprentissage des gestes peut se passer de médias pour redécouvrir simplement le plaisir de cuisiner en famille, avec les enfants ou selon l’envie des uns et des autres, de prendre l’initiative d’une préparation. Si possible, du simple, du sain, du sympa car l’heure est à la gestion des stocks, des restes, avec le concours de tous pour comprendre et s’adapter à cette situation inédite.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1240376676216946689"}"></div></p>
<p>Aux enfants de mettre la main à la pâte et à la famille de s’entendre pour la répartition des tâches, au besoin en créant du rituel : mettre la table à heures fixes, respecter des horaires de sociabilité partagée, pour ne pas ajouter de l’atomisation interne à la coupure avec le monde extérieur. <a href="http://dx.doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.2405">La table plutôt que les tablettes</a>. Le <em>P’Tit Libé</em> pour sa part proposait dans son tuto juniors du 1 avril, une recette pour faire un gâteau en forme de poisson. Et tant d’autres activités, souvent liées à la cuisine, pour ne pas tourner en rond comme dans un bocal.</p>
<h2>Réinventer la convivialité</h2>
<p>En vase clos, dans sa durée, cette nouvelle convivialité bien réglée, régulée, voire ritualisée, permet de reprendre la main sur une situation aléatoire, livrée au fatum d’une pandémie. Elle ne favorise pas moins des temps de partage jusqu’ici gommés par l’accélération du quotidien, avec des <a href="https://www.stripfood.fr/lindividualisme-au-coeur-des-effets-de-lactualite/">répertoires individualisés</a> mais désynchronisés au sein des familles. À défaut de lien étendu en société, la convivialité confinée se donne de nouveaux repères autour des pratiques alimentaires.</p>
<p>Beaucoup témoignent du temps retrouvé, de la transmission familiale autour des saveurs. Pour exemple, ces recettes sorties des tiroirs et des grimoires de famille, ou pêchées sur les sites, les blogs où s’échangent en un tournemain, astuces et bons plans culinaires, ces délicieux petits délits d’initiés, à partager sans tarder.</p>
<p>La convivialité en confinement offre toutes ces nuances, avec sa mise en ordre et sa régulation et, par équilibre, ses moments de respiration contre l’ennui et les tensions, ses purs instants de décompression. L’apéro, terme déjà convivial dans son abréviation, se rafraîchit et se dévergonde avec les technologies branchées. Pensons à ces Whats’Apéros, SkypApéros, CoronApéros sur Instagram, bans bourguignons connectés, comme signes délectables d’un lâcher-prise… sans modération pour célébrer le lien social. Les moments de partage prennent aussi la forme d’« apéro business digital », challengés par le nombre croissant, exponentiel, d’acteurs en ligne, avides de ces mises en scène improvisées. Cette vague de l’apéro en ligne est devenue virale. Les Japonais la baptisent « on-nomi » (#onnomi), traduisons : « online drinking », boire en ligne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1241430013314039808"}"></div></p>
<p>Difficile alors de se limiter à de simples « FaceTime », avec l’intimité du face-à-face. L’envie démange de voir plus grand, à renforts d’applis et de stratégies d’amplification. Avec le risque pour l’organisateur de voir la situation lui échapper. Ainsi cette mère de famille très vite dépassée par son apéro-live : un compteur Facebook qui s’affole, très vite 180 internautes connectés et 4400 vues. L’injection soudaine de tenir son public en ligne plus d’une heure, avec les chorégraphies de sa fille à ses côtés. L’administration de Facebook finit par interrompre brutalement la soirée, sous prétexte que la musique était diffusée à un public élargi, sans droits acquis. Un exemple parmi tant d’autres de dérive de l’anthropique, versant humain, dans l’entropique, niveau désorganisation, quand le besoin de communiquer se laisse déborder par le surinvestissement des ressources en ligne et le besoin de mises en scène délurées de soi.</p>
<p>Dans ce contexte inédit, troublé et troublant, l’ordre de priorité des informations redistribue les cartes des sujets dignes d’intérêt, avec une grille de lecture constamment soumise à la réalité du confinement. Un bon tuyau pour varier la cuisine ou s’occuper utilement vaut désormais de l’or, pour échapper un temps à l’inflation des SMS et vidéos gag, rivalisant de mauvais goût, tant est fort le besoin de relâchement libéré de toute culpabilité.</p>
<p>Certes, la définition extensive de la convivialité déborde l’univers du repas et du partage alimentaire à table, pour colorer toute forme du mieux vivre ensemble : les activités ludiques, physiques, musicales, créatives ; les partages d’information ; des moyens d’organisation concertés, y compris entre voisins. Tous les soirs, à 20 heures, même le bruit des casseroles tinte désormais d’une note conviviale, dans le confinement de cette foule sentimentale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135740/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment imaginer, en temps de confinement, un vivre ensemble privé de toute forme de convivialité ?Kilien Stengel, Enseignant spécialiste des discours gastronomiques et alimentaires, chercheur associé, Université de ToursJean-Jacques Boutaud, Professeur en Sciences de l’information et de la communication, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1329212020-03-15T18:30:19Z2020-03-15T18:30:19ZLa preuve par trois : Ça fermente dans nos assiettes !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318380/original/file-20200303-66106-9e3nmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C12%2C4240%2C2816&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sans la domestication des micro-organismes, nous n’aurions ni pain, ni vin, ni formage.</span> <span class="attribution"><span class="source"> Marco Mayer / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Christophe Lavelle, biophysicien et épigénéticien, chercheur au CNRS et au Muséum National d’Histoire Naturelle, revient sur la place importante de la fermentation dans notre alimentation (objet de ce premier épisode), les modifications biochimiques qu’elle entraîne dans les aliments, ainsi que ses bénéfices (réels ou supposés) pour la santé.</em></p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-la-domestication-des-microbes-au-cur-de-notre-patrimoine-alimentaire-132911">La domestication des microbes, au cœur de notre patrimoine alimentaire</a></h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/319804/original/file-20200311-116291-u6qf51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319804/original/file-20200311-116291-u6qf51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319804/original/file-20200311-116291-u6qf51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319804/original/file-20200311-116291-u6qf51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319804/original/file-20200311-116291-u6qf51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319804/original/file-20200311-116291-u6qf51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319804/original/file-20200311-116291-u6qf51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319804/original/file-20200311-116291-u6qf51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">On estime que la fermentation de la bière est apparue aux alentours de 4 000 ans avant Jésus-Christ.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.ancient-origins.net/history-ancient-traditions/provocative-yet-sacred-ancient-egyptian-festival-drunkenness-005289">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis des milliers d’années, l’homme s’appuie sur un monde invisible pour produire des aliments comme la bière, le vin, le fromage ou encore le chocolat.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/la-domestication-des-microbes-au-coeur-de-notre-patrimoine-a?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/1szLtvZWihNYMLsWCikPqZ"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-la-domestication-des-microbes-au-c%C5%93ur-notre/id1516230224?i=1000476394981"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-lart-subtil-de-la-transformation-des-aliments-132913">L’art subtil de la transformation des aliments</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319806/original/file-20200311-116232-1sjjh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319806/original/file-20200311-116232-1sjjh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319806/original/file-20200311-116232-1sjjh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319806/original/file-20200311-116232-1sjjh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319806/original/file-20200311-116232-1sjjh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319806/original/file-20200311-116232-1sjjh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319806/original/file-20200311-116232-1sjjh5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les levures et les bactéries peuvent générer des métabolites (acides, gaz, alcool) qui vont changer les propriétés des produits sur lesquels elles se sont installées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dewald Kirsten/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les techniques d’élimination ou, au contraire, de favorisation de la prolifération bactérienne conduisent à produire des nourritures fermentées, et non pourries.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/59hrjGJqAdxIrNgCvZsGoT"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-lart-subtil-de-la-transformation-des-aliments/id1516230224?i=1000476394984"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-pourquoi-le-yaourt-est-il-bon-pour-la-sante-132914">Pourquoi le yaourt nous fait du bien</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319809/original/file-20200311-116255-y1rjeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319809/original/file-20200311-116255-y1rjeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319809/original/file-20200311-116255-y1rjeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319809/original/file-20200311-116255-y1rjeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319809/original/file-20200311-116255-y1rjeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319809/original/file-20200311-116255-y1rjeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319809/original/file-20200311-116255-y1rjeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans un gramme de yaourt, on dénombre quelque 10 millions de probiotiques, ces micro-organismes qui vont coloniser notre intestin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Puhhha/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certains aliments fermentés enrichissent le microbiote intestinal, améliorant ainsi nos capacités digestives, immunitaires et même neurologiques.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/6lrIsktRhB94VfaPTJrqmE"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-pourquoi-le-yaourt-nous-fait-du-bien/id1516230224?i=1000476394975"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132921/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Lavelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le scientifique Christophe Lavelle vous propose un éclairage en trois parties sur la place essentielle des microbes dans le patrimoine alimentaire de l’humanité.Christophe Lavelle, Chercheur en biophysique moléculaire, épigénétique et alimentation, CNRS UMR 7196, Inserm U1154, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.