tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/genealogie-40796/articlesgénéalogie – The Conversation2020-05-14T18:41:27Ztag:theconversation.com,2011:article/1383372020-05-14T18:41:27Z2020-05-14T18:41:27ZDessiner un arbre généalogique avec son enfant : ce qu’en dit la psychologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334039/original/file-20200511-49579-w0dabh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C590%2C1960%2C1106&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La construction d'un arbre généalogique encourage le partage de l’histoire familiale.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les technologies numériques n’ont pas renvoyé la généalogie au rayon des loisirs désuets, bien au contraire. Cette pratique connaît aujourd’hui un regain d’intérêt à tel point que des logiciels spécialisés sont disponibles pour réaliser son arbre généalogique et qu’on parle de « généanautes », pour désigner ceux qui naviguent sur la toile à la recherche des traces de leur passé.</p>
<p>On observe aussi qu’une fois devenus grands, les enfants qui ont été <a href="https://www.cairn.info/revue-psychologie-clinique-et-projective-2003-1-page-353.htm">adoptés</a>, ceux qui sont nés par assistance médicale et, de manière générale, toutes les personnes confrontées à un secret sur leurs origines cherchent également par la réalisation de l’arbre généalogique, à éclairer les ombres de leur filiation.</p>
<p>Par conséquent, les psychologues se sont eux aussi intéressés à cet outil dans leurs échanges avec les familles. C’est un psychiatre américain, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Murray_Bowen">Bowen</a> (1961), qui a fait entrer l’arbre généalogique dans le cadre de la thérapie familiale systémique en parlant de <a href="https://www.inpress.fr/livre/genogramme-ou-arbre-genealogique/">« génogramme »</a> et en imposant un code graphique conventionnel pour le réaliser.</p>
<h2>Histoire familiale</h2>
<p>Par la suite, en France, plusieurs travaux dans le champ de la psychanalyse ont invité à utiliser l’arbre généalogique mais en laissant le sujet réaliser spontanément son arbre, <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2019-2-page-97.htm">sans consigne particulière</a>. Le principe est de recueillir une <a href="https://www.amazon.com/g%C3%A9nogramme-g%C3%A9n%C3%A9alogique-regards-syst%C3%A9mique-psychanalytique/dp/2848353228">production libre</a>, projective, qui renseigne alors sur l’arbre imaginaire porté en soi et sur les liens affectifs inconscients noués avec sa famille.</p>
<p>On observe, alors, quelles sont les personnes inscrites, celles qui sont omises, les ratures, les oublis, les hésitations, les liens qui attirent l’attention par un tracé renforcé, les blancs, les répétitions de prénoms, les flous, les originalités, le code personnel inventé par le sujet pour construire son arbre, etc. Et, ce qui importe surtout, c’est qu’ensuite l’arbre est commenté par la personne qui l’a réalisé.</p>
<p>Cette méthode à visée thérapeutique peut s’utiliser en famille, en couple, avec les adolescents et avec les enfants. Elle permet d’accéder à <a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4413">l’histoire familiale</a>, de travailler la question des traumatismes, deuils non faits, non dits et secrets dont le sujet hérite à son insu. D’ailleurs on constate que plus les enfants sont jeunes et plus il est complexe pour eux de produire une version schématique de l’arbre, avec des flèches indiquant symboliquement les liens…</p>
<p>Ils tendent alors, à dessiner une version végétalisée de leur arbre généalogique, avec un tronc, des branches, des feuilles, des racines, ajoutant même par exemple des animaux (oiseaux, écureuils) auxquels se mêlent noms et prénoms.</p>
<p>Les enfants montrent beaucoup plus de fantaisie et s’affranchissent des codes normatifs socioculturels de la réalisation de l’arbre au profit d’une logique essentiellement psychoaffective.</p>
<h2>Miroir graphique</h2>
<p>On peut bien sûr aussi proposer à un enfant de réaliser son arbre généalogique hors d’un cadre thérapeutique. Cela peut se faire dans le cadre scolaire, ou dans le cadre familial, avec parents ou grands-parents. Cette initiative n’est jamais neutre car elle conduit à rouvrir les archives familiales, à plonger dans les souvenirs et cela réveille bien souvent des émotions.</p>
<p>C’est l’occasion de partager l’histoire de la famille, de parler à l’enfant de ses origines, des personnes qu’il n’a pas connues, décédées avant sa naissance, en évoquant souvenirs, anecdotes et en répondant aux questions qu’ils se posent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334041/original/file-20200511-49542-ofleni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334041/original/file-20200511-49542-ofleni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334041/original/file-20200511-49542-ofleni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334041/original/file-20200511-49542-ofleni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334041/original/file-20200511-49542-ofleni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334041/original/file-20200511-49542-ofleni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334041/original/file-20200511-49542-ofleni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">On retrouve des codes graphiques communs d’un arbre généalogique à l’autre, d’une époque à l’autre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Dans ce contexte, le plus souvent, on donne des consignes à l’enfant, on lui propose un code graphique à suivre pour l’aider dans sa réalisation. Le plus simple est qu’il écrive son nom et prénom sur une grande feuille, et qu’il parte donc de lui pour se relier ensuite graphiquement aux autres membres de sa famille.</p>
<p>Sur le plan horizontal, on le guide pour qu’il note sa fratrie éventuelle, puis de façon ascendante, on l’encourage ensuite à remonter, étage par étage, à ses parents, grands-parents et ancêtres. On peut aussi lui proposer de différencier les sexes, avec un « rond » pour les filles et « carré » pour les garçons, comme le propose la technique du <a href="https://www.amazon.com/g%C3%A9nogramme-g%C3%A9n%C3%A9alogique-regards-syst%C3%A9mique-psychanalytique/dp/2848353228">« génogramme »</a>.</p>
<p>Réaliser un arbre généalogique suppose d’être capable de bien se repérer dans le temps et dans l’espace, d’avoir intégré, sur le plan psychique, le principe de la différence des sexes et des générations, de maîtriser l’écriture et la lecture, autrement dit cela suppose une certaine maturité psycho-affective et intellectuelle.</p>
<p>Au-dessous de 6 ou 7 ans – soit l’entrée au CP –, on est donc contraint de construire un arbre qui introduit plutôt des images – avec des photos à coller, par exemple, avec une architecture graphique déjà prête (on trouve d’ailleurs en ligne des supports de ce type).</p>
<p>L’arbre généalogique a l’avantage de proposer un miroir graphique où l’ensemble de la famille peut se refléter, ce qui renvoie un effet d’unité et renforce le sentiment d’appartenance. L’enfant peut ainsi se repérer dans la filiation et mieux comprendre l’organisation des liens familiaux, dont la complexité peut être renforcée, parfois, par la recomposition familiale.</p>
<p>C’est une médiation ludico-éducative qui répond au besoin de connaître ses racines pour grandir, pour construire son identité et qui encourage le récit partagé de l’histoire familiale.</p>
<p><a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/pour-ces-chercheurs-la-famille-c-est-dans-la-boite-5311662">Discuter</a> avec son enfant ou son petit-enfant à partir d’un arbre généalogique, c’est assurer une mission de transmission, leur permettre d’apprendre à mieux connaître les membres de leur famille. En somme, c’est se donner l’occasion de partager avec lui un moment affectif privilégié.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudine Veuillet Combier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parfois utilisé dans un cadre thérapeutique, l’arbre généalogique est aussi un support de discussion intéressant en famille, pour aider l’enfant à se situer dans le temps et réveiller les émotions.Claudine Veuillet Combier, Maître de conférences en psychologie clinique et psychopathologie, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1279272020-01-06T18:32:30Z2020-01-06T18:32:30ZVous êtes descendant de Charlemagne, votre voisin aussi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303938/original/file-20191127-112493-1mi34jt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C126%2C3506%2C2237&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Buste de Charlemagne créé vers 1350.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/aachen-germanydecember-15-2014-bust-charlemagne-577167343"> Moskwa / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Nous avons tous un père et une mère biologiques. Eux, à leur tour, ont eu les leurs, de sorte que nous avons tous deux grands-pères et deux grands-mères. Si l’on revient en arrière : huit arrière-grands-parents, 16 arrière-arrière-grands-parents, etc. Si 30 ans séparent chaque génération de la précédente, nous aurions pu arriver à avoir environ 16 000 ascendants au début du XVII<sup>e</sup> siècle, environ 16 millions au début XIV<sup>e</sup> siècle et environ 16 milliards à l’aube du XI<sup>e</sup> siècle, il y a environ 1 000 ans.</p>
<p>Vous aurez compris qu’à ce stade, c’est tout simplement impossible : il n’y a jamais eu autant d’humains vivant au même moment.</p>
<p>En effet, et sans revenir trop en arrière, le nombre réel de nos ascendants est très inférieur à celui qui est calculé à travers ces opérations. La raison est simple : nombreux sont nos ancêtres à appartenir à plusieurs lignées généalogiques. Plus les ascendants se rapprochent dans le temps, plus cela devient improbable, mais plus nous reculons, plus le probabilité augmente.</p>
<p>Au début du XIV<sup>e</sup> siècle, on comptait 450 millions de personnes dans le monde (environ <a href="https://www.britannica.com/topic/history-of-Europe#ref=ref994290">70 millions en Europe</a>) il est donc possible de retomber sur les chiffres théoriques calculés au début de l’article : nos 16 millions d’ancêtres auraient pu vivre à cette époque en même temps.</p>
<p>Mais si l’on retourne au XI<sup>e</sup> siècle, on estime que seulement 400 millions vivaient sur Terre, environ 50 millions en Europe. Le calcul théorique des 16 milliards d’ancêtres devient donc faux.</p>
<h2>Doit-on vraiment utiliser l’image d’un « arbre » généalogique ?</h2>
<p>Nous parlons, en général, d’arbre généalogique, car nous visualisons notre lignée comme un arbre qui se ramifie progressivement vers l’arrière. Mais la réalité est très différente. Quelques branches se rejoignent à partir de générations peu lointaines, et si nous remontons à une époque plus éloignée, il est inutile de parler de branches. Les lignées généalogiques structurent une espèce d’enchevêtrement ou, si vous préférez, un filet aux multiples nœuds.</p>
<p>D’autre part, de nombreuses lignées ne laissent aucune descendance. Au fur et à mesure que nous remontons dans le temps, le filet devient de plus en plus étroit : on calcule qu’à l’aube du Néolithique, il y a environ 12 000 ans, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24063884">moins de 4 millions de personnes</a> vivaient dans le monde, environ 60 millions à l’époque homérique, et un milliard au début du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Adam Rutherford raconte, dans son livre <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/A_Brief_History_of_Everyone_Who_Ever_Lived"><em>ADN : quand les gènes racontent l’histoire de notre espèce</em></a>, que tous ceux qui ont une ascendance européenne viennent, d’une manière ou d’une autre, de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Charlemagne">Charlemagne</a>. Par conséquent, nous appartenons tous à une lignée royale ! Ce n’est pas une blague, même si cela est complètement hors-sujet. Ceux qui ont un ancêtre européen descendent non seulement de Charlemagne, mais proviennent également de tous les Européens de son époque – autour de l’an 800 – qui ont laissé une descendance et sont arrivés jusqu’au XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Il est inutile de remonter si loin pour déterminer le moment où se rejoignent nos descendances généalogiques. Tous les Européens partagent un ancêtre commun qui aurait vécu il y a environ 600 ans. Et si les mêmes calculs qui ont permis d’obtenir ces chiffres se font pour toute l’humanité, on estime que tous les êtres humains partagent un ancêtre commun qui a vécu il y a 3 400 ans. Car, même si c’est difficile à croire, on ne connaît aucune population qui serait restée entièrement isolée pendant ces derniers siècles.</p>
<p>Ce genre de choses est assez déconcertant. Pensez-y, si vous avez déposé un échantillon de salive dans un tube pour le faire analyser par une entreprise de généalogie génétique et que l’on vous a annoncé que votre lignée rejoignait des ascendants de tribus guerrières de steppes russes, de braves Vikings qui semèrent le chaos et la destruction en Europe, et d’Égyptiens qui construisirent les pyramides. Il est très probable que vous ayez cette ascendance.</p>
<p>Comme moi.</p>
<hr>
<p><em>Une <a href="https://culturacientifica.com/2019/09/01/el-legado-de-carlomagno/">version</a> de cet article a été publiée à l’origine dans le <a href="https://culturacientifica.com/">Cuaderno de Cultura Científica</a>, une publication de la Chaire de culture scientifique <a href="https://www.ehu.eus/es/">UPV/EHU</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juan Ignacio Pérez Iglesias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’on remonte assez loin en arrière, tous les Européens partagent un ancêtre commun qui a vécu il y a environ 600 ans.Juan Ignacio Pérez Iglesias, Catedrático de Fisiología, Universidad del País Vasco / Euskal Herriko UnibertsitateaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1171442019-06-13T23:41:37Z2019-06-13T23:41:37ZQue valent les tests ADN pour décrire nos origines ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/279414/original/file-20190613-32351-2wu81v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C957%2C537&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Représentation de molécules d'ADN</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/dna-biology-medicine-gene-163466/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En juin 2000, le président des États-Unis, Bill Clinton, put annoncer que la première version de la <a href="https://www.genome.gov/10001356/june-2000-white-house-event/">séquence du génome humain venait d’être achevée</a>. Son allocution se faisait l’écho des espoirs qui s’étaient cristallisés autour de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et la génétique : d’après lui, il restait certes beaucoup de travail mais les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, le diabète comme le cancer allaient pouvoir être guéris ou prévenus en traitant leur cause à la racine. La connaissance du génome humain devait être la révolution grâce à laquelle le mot « cancer » n’évoquerait plus, chez les enfants de nos enfants, que la constellation céleste. Une génération plus tard, les investissements massifs, comme l’initiative américaine <em>All of Us</em> en 2015, se sont succédé et toutes ces pathologies sont loin d’être éradiquées.</p>
<p>Pourtant, depuis l’an 2000, les technologies d’analyse du génome (séquençage et génotypage) n’ont cessé d’évoluer et le débit de production des données a, pendant un temps au moins, crû plus vite que les performances de calcul des ordinateurs – la fameuse <a href="https://www.genome.gov/27541954/dna-sequencing-costs-data/">loi de Moore</a>. Profitant de cette accélération, des <a href="https://genomemedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/gm483">projets de plus en plus ambitieux</a> ont pu voir le jour (HapMap, 1 000 Genomes, 100 000 Genomes, GTEx, ENCODE, etc.) pour fournir une photographie de plus en plus fine de la génétique de l’espèce humaine.</p>
<p>À un moment où la génétique révèle progressivement la complexité de l’ADN et à l’aube d’une révision des <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/bioethique-la-revision-de-la-loi-en-10-questions_133034">lois de bioéthique</a>, l’incursion des entreprises de génomique personnelle, accompagnée d’enjeux économiques et alimentée par une certaine fascination des médias, pose la question du bien-fondé scientifique des tests ADN. Ces tests commercialisés proposent des <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/science-societe/maladies-paternite-origines-ethniques-faut-il-se-fier-aux-tests-genetiques-16894.php">analyses médicales et généalogiques</a>. Ici, nous traitons de la généalogie génétique pour la détermination des origines géographiques et ethniques.</p>
<p>De vastes projets comme HapMap et 1 000 Genomes ont recensé et documenté ces variations génétiques existant dans les populations humaines. Par exemple, sur le chromosome 3, on peut observer en position 167 978 688 un A (une adénine) ou un G (une guanine), selon la personne dont on analyse le génome. La coexistence de ces deux formes, de ces deux <em>allèles</em>, est-ce qu’on nomme un <em>polymorphisme génétique</em>, dans ce cas précis un polymorphisme diallélique. L’espèce humaine étant diploïde, un génome complet sera constitué de deux chromosomes 3 donnant lieu à trois possibilités : AA, AG et GG ; ce sont des <em>génotypes</em>.</p>
<h2>Polymorphisme et populations humaines</h2>
<p>Des millions de polymorphismes jalonnent le génome de tout individu. La composition exacte en allèles est spécifique à cet individu et elle embarque une part d’information sur la ou les populations humaines auxquelles lui et ses ancêtres appartiennent.</p>
<p>Reprenons <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/snp/rs4502625">rs4502625</a>, le polymorphisme vu plus haut : l’allèle G est rare dans les populations de l’Asie de l’Est (moins de 5 %) tandis que l’allèle A est relativement rare (moins de 20 %) dans les populations africaines. Chez les Européens, les deux allèles coexistent à égalité. Une personne dont on établit que le génotype est AG pour rs4502625 aura plus de chance d’appartenir à une population européenne ; d’un autre côté, un génotype GG aurait plutôt pointé une origine africaine et un génotype AA aurait indiqué une origine est-asiatique et à peu près exclu une origine africaine. Cependant, ce polymorphisme, pris isolément, ne saurait être fiable : des indices similaires doivent être glanés sur tout le génome pour que l’on puisse en tirer une interprétation. Cette interprétation doit être comprise comme probable et non pas certaine : la réalité génétique est complexe et les modèles mathématiques qui permettraient d’appréhender cette complexité <a href="https://arxiv.org/abs/1904.09847">font encore défaut</a>.</p>
<h2>Une identité partagée</h2>
<p>Les affirmations avancées par les entreprises de généalogie génétique relèvent souvent du tautologique. Autrement dit, une assertion trivialement vraie de tout individu au sein d’une population nous est livrée. Illustrons ce cas par une simple simulation de brassage génétique dans une petite population.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278551/original/file-20190607-52753-8pcrjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278551/original/file-20190607-52753-8pcrjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278551/original/file-20190607-52753-8pcrjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278551/original/file-20190607-52753-8pcrjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278551/original/file-20190607-52753-8pcrjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278551/original/file-20190607-52753-8pcrjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278551/original/file-20190607-52753-8pcrjw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Simulation de brassage génétique à partir de 16 individus fondateurs. Chaque individu est représenté par un disque dont les secteurs indiquent la fraction de matériel génétique héritée des fondateurs.</span>
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<p>De deux choses l’une, soit les individus de la première génération ne laissent aucune descendance (c’est le cas des couples fondateurs E et G mais également D) parmi la population finale soit ils sont chacun l’ancêtre de tous (les mêmes couleurs composent tous les individus de la dernière génération). Dit autrement, un individu qui démontrerait, arbre généalogique à l’appui, qu’il descend du couple fondateur A démontre que le couple A est l’ancêtre de tous ses contemporains également. Par conséquent, lorsqu’on révèle à Danny Dyer qu’il est le descendant d’Édouard III d’Angleterre, on révèle par là même que toute personne ayant un tant soit peu de sang anglais est, elle aussi, de <a href="https://www.waterstones.com/blog/family-fortunes-adam-rutherford-on-how-were-all-related-to-royalty">lignée royale</a>. Ainsi, de nombreuses révélations que pourrait faire un test génétique valent autant pour l’individu en quête d’identité que pour une très large population. Il s’agit donc d’une <a href="https://theconversation.com/are-you-a-viking-yes-but-so-is-everyone-else-14144">identité partagée</a>.</p>
<p>Bien sûr la réalité est plus nuancée, selon l’échelle de temps (ce qui est vrai pour vingt générations dans le passé ne le sera pas pour dix), l’échelle géographique et l’histoire migratoire d’une population ou son relatif isolement par des barrières naturelles.</p>
<h2>La transmission du patrimoine génétique</h2>
<p>La transmission du patrimoine génétique peut être mal comprise du public : cette transmission est imparfaite et partielle. Contrairement à l’image savammant véhiculée par ces entreprises, le génome n’est pas un grand livre qui recenserait, à l’infini, les moindres détails des vicissitudes de nos aïeux. Pour nous en rendre compte, concentrons-nous un instant sur les chromosomes non sexuels. S’il est vrai que la moitié provient de la mère et l’autre du père, il est erroné de penser que les quatre grands-parents contribuent équitablement. En effet, leur patrimoine génétique est soumis à la roulette de la recombinaison génétique, ce mécanisme qui, par ailleurs, assure le brassage génétique. <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Kitty_Cooper">Kitty Cooper</a>, joueuse de bridge américaine et généalogiste amateur, en fournit un exemple éloquent avec son analyse du génome de <a href="https://blog.kittycooper.com/2014/09/using-the-chromosome-mapper-to-make-a-four-generation-inheritance-picture/">Brynne Gallup</a> : le génome de la grand-mère maternelle, Karen, ne représente que 23,5 % du génome de Brynne quand celui de Brenda, la grand-mère paternelle, en représente 25,7 %. Les différences s’accentuent encore pour les arrière-grands-parents : Brynne ne doit que 9,8 % de son patrimoine génétique à Darrell, le père du père de son père, contre 14,5 % provenant de Gladene, la mère du père de son père. Par conséquent, les résultats des tests génétiques d’un frère et d’une sœur pourront présenter des différences substantielles et contre-intuitives.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278555/original/file-20190607-52780-jyg5yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278555/original/file-20190607-52780-jyg5yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278555/original/file-20190607-52780-jyg5yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278555/original/file-20190607-52780-jyg5yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278555/original/file-20190607-52780-jyg5yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278555/original/file-20190607-52780-jyg5yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278555/original/file-20190607-52780-jyg5yn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=697&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Arbre généalogique de Brynne Gallup et composition ancestrale de ses chromosomes (d’après les données présentées par Kitty Cooper).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le détail de la mosaïque génétique démontre comment des segments entiers d’ADN terminent aux oubliettes : le chromosome 7 maternel est ainsi intégralement hérité de Harlan, le père de la mère de la mère de Brynne. Sur ce chromosome, la trace et l’histoire des trois autres arrière-grands-parents maternels est bel et bien perdue. Au fil des générations, les ancêtres finissent donc par quitter le patrimoine génétique, plus précisément, la moitié d’entre eux disparaît sur une dizaine de générations (250 ans).</p>
<p>La généalogie génétique ne peut donc prétendre rendre compte exhaustivement des racines de quelqu’un, seules seront présentes celles qui auront résisté aux caprices de la recombinaison.</p>
<h2>Les déductions géographiques et ethniques sont-elles fiables ?</h2>
<p>Premièrement, un pilier méthodologique de la généalogie génétique est que ce n’est pas tant les origines qui sont interrogées que la proximité génétique avec certains de nos contemporains censés être représentatifs d’un groupe, le <em>panel de référence</em>, dont l’établissement se heurte à des problèmes et des biais méthodologiques. Non seulement faut-il que le panel soit représentatif et exhaustif mais le lien entre génétique, culture et géographie, s’il existe, est cryptique. Certains tests, comme <em>Primeval DNA</em>, prétendent surmonter cette difficulté en proposant des comparaisons avec de l’ADN fossile mais le nombre d’échantillons dans le panel de référence s’en trouve drastiquement réduit ; la question des origines est, dans ce cas, peut-être mieux posée mais la réponse risque d’être d’autant moins étayée.</p>
<p>Deuxièmement, les méthodes mises au point pour les tests génétiques ne sont pas soumises aux mêmes épreuves que des outils académiques. Quelques entreprises, telles 23andMe et Ancestry, ont publié certains détails de leur méthode démontrant une précision généralement comprise entre 70 % et 100 % selon les <a href="https://www.ancestry.com/dna/resource/whitePaper/AncestryDNA-Ethnicity-White-Paper.pdf">groupes considérés</a>.</p>
<p>Troisièmement, les origines correspondent non pas à une interprétation solidement établie mais à l’interprétation la plus probable des données compte tenu du panel de référence de telle ou telle entreprise. Or, l’interprétation la plus probable n’est pas nécessairement très probable. On en veut pour preuve que 23andMe propose de modifier le <a href="https://www.23andme.com/ancestry-composition-guide/">niveau d’incertitude</a> – entre 50 % et 10 % – avec lequel on souhaite lire ses résultats. Comme cela fut maintes fois observé, l’<a href="https://www.seattletimes.com/seattle-news/reporters-dna-ancestry-tests-caught-me-off-guard/">interprétation</a> des origines dépend de l’entreprise à laquelle on confie son ADN et elle peut évoluer à mesure que les méthodes subissent des altérations.</p>
<h2>Société et tests génétiques</h2>
<p>Du point de vue <a href="https://www.rfgenealogie.com/s-informer/infos/nouveautes/l-autorisation-des-tests-adn-genealogiques-serieusement-envisagee-a-l-assemblee">législatif</a>, il subsiste un flou concernant le <a href="https://www.rfgenealogie.com/s-informer/infos/nouveautes/adn-genealogique-interdit-en-france-geneanet-relance-le-debat">lieu de production des données</a> ou l’utilisation des données. Le client peut parfois demander la <a href="https://www.businessinsider.fr/us/how-to-delete-dna-genetic-data-2018-5">suppression de ses données et la destruction des échantillons de sa salive</a> même si les procédures sont parfois longues. Une majorité des clients accepte de participer à des programmes de recherche. Les bénéficiaires de ces programmes ne sont pas toujours précisés : il peut s’agir de recherche privée tout comme de recherche publique. Dans tous les cas, les données sont anonymisées.</p>
<p>C'est tout l'enjeu de la révision des lois de bioéthique que de <a href="https://www.rfgenealogie.com/s-informer/infos/nouveautes/adn-genealogique-interdit-en-france-geneanet-relance-le-debat">faciliter tout en l'encadrant</a> le fonctionnement de ces entreprises en France.</p>
<p>Enfin, l’ADN est une molécule fascinante mais, en dehors des laboratoires de génétique, la fascination confine parfois au mystique. Ainsi, Bill Clinton voit dans le séquençage du génome la tentative de l’Homme de s’initier à « la langue dans laquelle Dieu créa la vie ». La part de mystère autour de l’ADN, qui, en dépositaire de tous les secrets d’une personne, serait capable de faire renouer le client avec son passé, ses ancêtres et son identité, est avidement cultivée par les entreprises proposant des tests génétiques. Cette quête est loin d’être simple, elle est loin d’être <a href="https://www.theverge.com/2018/10/15/17978144/elizabeth-warren-dna-test-native-american-genetics-ancestry-culture-identity-politics">neutre</a> en raison des <a href="https://theconversation.com/genetic-ancestry-tests-dont-change-your-identity-but-you-might-98663">questions identitaires</a> et la démarche même mérite qu’on l’étudie y compris dans sa dimension historique (on pourra consulter à ce sujet <em>Pour une histoire politique de la race</em> de Jean‑Frédéric Schaub, publié en 2015 aux éditions du Seuil).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117144/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement à l’image savamment véhiculée par ces entreprises, le génome n’est pas un grand livre qui recenserait, à l’infini, les moindres détails des vicissitudes de nos aïeux.Josselin Noirel, Maître de conférences, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Sigrid Leclerc, Ingénieure de recherche, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/917202018-03-05T20:54:17Z2018-03-05T20:54:17ZDébat : Les personnes conçues par un don de sperme doivent pouvoir connaître leurs origines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/208493/original/file-20180301-152590-gaqnld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=45%2C0%2C5086%2C3357&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paillettes de sperme congelé, dans une banque de sperme. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/frozen-storage-sperm-bank-155727368?src=d5PzklrinUeFLQGI0Kd1Sw-1-0">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Nuit Sciences et Lettres : « Les Origines », qui se tiendra le 7 juin 2019 à l’ENS, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet <a href="http://www.nuit.ens.fr/">sur le site de l’événement</a>.</em></p>
<hr>
<p>Chacun peut désormais faire décrypter son génome à partir d’un peu de salive. Ce type de test est disponible, pour moins de 100 euros, via Internet et très facile à réaliser. Son utilisation a permis tout récemment à Arthur Kermalvezen, un homme de 34 ans conçu grâce à un don de sperme, de retrouver <a href="http://www.liberation.fr/france/2018/01/15/don-de-sperme-le-jour-ou-arthur-kermalvezen-a-retrouve-son-geniteur_1622583">celui qui, de manière anonyme, avait fait ce don</a>. D’autres personnes ont affirmé publiquement avoir entrepris la même démarche.</p>
<p>La <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27073260">disponibilité de ces tests ADN</a> bouleverse la question de l’accès aux origines pour les personnes conçues d’un don de gamètes (ovocytes ou sperme), d’un accueil d’embryon ou nées d’une mère ayant accouché sous X (sans révéler son identité). Ce sujet s’est imposé dans le débat public avec les États généraux de la bioéthique et notamment la <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/">consultation en ligne</a> qui s'est tenue au premier semestre 2018. </p>
<p>En France, la loi ne permet pas encore que les personnes conçues dans ces conditions puissent, à leur majorité, connaître l’identité de leurs géniteurs. </p>
<p>Les choses pourraient toutefois changer, puisque dans son <a href="https://www.google.fr/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/media/default/0001/01/2f6fd8a91e7685295f714ebc519343adaa3cf174.pdf&ved=2ahUKEwil47-ZutrdAhVKUhoKHW4JCKIQFjADegQIBxAB&usg=AOvVaw3Cbljer6QfKqnsIMoC0si-">avis n°129 sur la loi de bioethique</a> à venir, rendu public mardi 25 septembre, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) souhaite</p>
<blockquote>
<p>« que soit rendu
possible la levée de l’anonymat des futurs
donneurs de sperme, pour les enfants issus
de ces dons. Les modalités de cette levée
d’anonymat devront être précisées et
encadrées, dans les décrets d’application,
notamment en respectant le choix du
donneur. »</p>
</blockquote>
<p>Une majorité de pays ont déjà choisi <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Sperm_donation_laws_by_country">d’autoriser l’accès aux origines</a> : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, la <a href="https://www.lematin.ch/suisse/don-sperme-infos-pere-envoyees-poste/story/10094969">Suisse</a> et la Grande-Bretagne. Le moment est venu d’examiner, un à un, les arguments avancés dans notre pays par les défenseurs du statu quo et de les confronter aux faits, établis par des études solides.</p>
<h2>Pas de désertion des donneurs au Royaume-Uni</h2>
<p>Il y a peu de temps encore, le principal motif avancé par ceux qui ne souhaitent pas voir la loi changer était le risque d’une désertion des donneurs de gamètes. Selon eux, ces derniers seraient effrayés à l’idée de voir les personnes conçues à partir de leur don se manifester un jour auprès d’eux. Or le cas du Royaume-Uni, bien documenté, montre la tendance inverse.</p>
<p>Dans ce pays, comme en attestent les statistiques de l’<a href="http://hfeaarchive.uksouth.cloudapp.azure.com/www.hfea.gov.uk/9370.html">autorité britannique en charge de cette activité</a>, le nombre des donneurs de sperme et d’ovocyte a doublé suite à la levée de l’anonymat en 2005. La même tendance est observée en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8583002">Suède</a> et aux États-Unis, où les donneurs peuvent choisir de rester anonymes ou non et s’orientent de plus en plus vers la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=scheib+je+cushing">possibilité d’être identifiés</a>. On entend donc moins l’argument de la « désertion des donneurs », de fait devenu caduc.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Spermatozoïdes vus au microscope, en préparation d’une fécondation in vitro.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laboratoire de biologie de la reproduction (CECOS du CHU de Strasbourg)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est maintenant le système suédois, autorisant l’accès aux origines depuis 1984, qui est présenté comme catastrophique et aboutissant à une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=b3Pb7uCIbh0">pratique dévoyée du don de gamètes</a>. Cette vision semble être celle de nombreux responsables des <a href="https://www.cecos.org/node/4204">Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme</a> (CECOS), les 23 institutions publiques installées dans les Centres hospitaliers universitaires (CHU) et chargées de gérer les dons.</p>
<p>Les défenseurs du statu quo pointent d’abord, dans ce pays, une évolution du profil des donneurs. Dans une tribune publiée le <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/19/don-de-gametes-les-enfants-ne-regleront-pas-tous-leurs-problemes-en-rencontrant-leur-geniteur_5243787_3232.html#2qb7AsHEIrpGmcYM.99">19 janvier dans <em>Le Monde</em></a>, Jean‑Philippe Wolf, professeur à la faculté de médecine Paris Descartes et responsable du CECOS de l’hôpital Cochin à Paris, affirme que « les donneurs habituels, pères de famille, se sont abstenus de donner leur sperme ». Il ajoute que « cela n’était pas très grave, car d’autres donneurs sont apparus, des jeunes essentiellement épris d’altruisme, comme le sont les jeunes d’aujourd’hui, qui volent au secours de la planète ou des migrants ». On assisterait donc à une fuite des « pères de famille », expression ô combien connotée renvoyant aux « bons pères de familles » de la bourgeoisie du XIX<sup>e</sup> siècle. Passons sur le jugement de valeur.</p>
<p>Les articles publiés dans les revues scientifiques de référence, par exemple <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12525469">cette étude suédoise</a>, font état de la tendance inverse : on trouve moins de jeunes et, s’il faut employer ces mots, plus de « pères de famille ».</p>
<h2>Des couples suédois qui fuiraient vers le Danemark ?</h2>
<p>Jean‑Philippe Wolf pointe encore, dans sa tribune comme dans l’émission du <a href="http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/etats-generaux-de-la-bioethique-le-debat-sur-la-fin-de-l-anonymat-des-donneurs-de-sperme-est-relance-1025203.html">18 janvier sur BFM TV</a>, « une fuite massive des parents en demande de don de sperme vers le Danemark voisin ». <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/pma/dons-de-sperme-le-danemark-leve-l-anonymat_2648872.html">Au Danemark</a>, en effet, les couples peuvent choisir que le donneur reste anonyme, ou pas. Le professeur émérite de biologie de la reproduction à l’université Paris Descartes et ancien président de la Fédération des CECOS, Pierre Jouannet, a avancé le même argument le 2 février <a href="https://www.youtube.com/watch?v=b3Pb7uCIbh0&t=221s">lors du débat</a> sur le thème « anonymat et gratuité des dons de gamètes et d’embryons », pendant le Forum européen de bioéthique à Strasbourg.</p>
<p>Qu’en est-il vraiment ? En Suède comme ailleurs, il est impossible de chiffrer ce que l’on appelle le « tourisme procréatif ». Cependant, aucune baisse d’activité n’est apparue au sein des centres spécialisés dans la fertilité suite au changement de la loi en 1984. En admettant que ce « tourisme procréatif » soit conséquent, cette stabilité suggère qu’il ne s’est pas intensifié. Il est à noter qu’avant 2016, la Suède n’autorisait pas la procréation médicament assistée (PMA) pour les femmes célibataires ni pour les couples homosexuels. Ces femmes allant chercher ailleurs ce qu’elles ne pouvaient pas trouver chez elles, le phénomène expliquait une bonne part du « tourisme procréatif », indépendamment de la question de l’anonymat des donneurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue au microscope d’un ovocyte entouré de sa zone pellucide (au centre) lors d’une fécondation in vitro, avant l’injection d’un spermatozoïde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zeissmicro/27771482282/in/photolist-Jj5793-2JGsyA-nETRWE-6zoeU6-7gVbVN-bww9qZ-6fwmfL-nCSjV7-axwKgF-noqD2h-9Marma-Br9uf6-ebuuxe-JsYKsc-Jj57bh-ac5KGG-axzrXN-7gXAfo-97J5Dr-7z6byy-e4UUSa-5B7qt6-dZTdWR-7PGFn4-a2Hv5H-fU97rR-7PGFiV-HP3Q6R-4hQUh-yy3di-7k48vw-HGFVEF-7jZeQB-GTcvoq-JTC5s8-FKEvqx-wBoTgo-JYgEdC-L2sxp3-JuNo9U-BSxub1-JJrudh-GTctJo-HP3SAv-HGFXiF-HEgYH5-JTC4Ft-GTcrJw-Npivpx-J5SEHf">Zeiss/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dernière critique faite au système suédois : « Bon nombre de parents s’abstiennent dorénavant d’annoncer à leur enfant leur mode de conception », affirme-t-on, pour éviter que leur enfant ait l’idée d’aller chercher des informations sur ses origines. Ce n’est pas exact. Dans ce pays, selon une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22859508">étude publiée en 2012</a>, la majorité des couples prévoient de dévoiler à leur enfant son mode de conception (78 %) ou l’ont déjà fait (16 %). Seule une petite proportion (6 %) n’en a pas l’intention. Les autres études menées dans ce pays trouvent des résultats concordants.</p>
<p>Cette imposante majorité est d’ailleurs peu surprenante, dans la mesure où il apparaît plus aisé de dévoiler à un enfant son mode de conception lorsqu’on ouvre un possible, celui de connaître l’identité du donneur. Dans la situation inverse, la révélation ne lui offre rien, hormis la perspective de le placer face un vide complet quant à ses origines. Il est bien plus simple d’envisager de divulguer le mode de conception quand on est assuré de pouvoir répondre à la première question que l’enfant posera sur le donneur : « Qui est-ce ? »</p>
<p>Sur le fond, comme le montrent les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=isaksson+s+tango">entretiens réalisés par des chercheurs suédois</a> auprès de 30 parents en 2015, la difficulté n’est pas tant de l’annoncer, que d’imaginer quand et surtout comment.</p>
<h2>1 à 3 % de Français issus de « fausses paternités »</h2>
<p>Un dernier argument, que les tenants du statu quo espèrent décisif, repose sur le fait que « 3 % d’enfants ne sont pas de leur père – du moins pas de celui qu’ils ou elles croient ». Autrement dit, le père qui a déclaré l’enfant à l’état civil n’est pas le géniteur, mais il ne le sait pas. C’est un fait établi qu’environ 3 % de la population <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Measuring+paternal+discrepancy+and+its+public+health+consequences">est issue de « fausses paternités »</a>. « Ces personnes ignorent qui est leur père, et ne s’en portent pas forcément plus mal », écrit Jean‑Philippe Wolf.</p>
<p>Cet argument apparaît spécieux car, pour commencer, ces personnes n’ignorent pas qui est leur père. Elles ont bel et bien un père, même si elles ignorent qui est leur géniteur. Ensuite, qui peut prétendre savoir que ces personnes vont bien ? Comme a pu le montrer le <a href="http://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1994_num_59_1_1901">psychiatre Serge Tisseron</a>, il n’y a pas de secret de famille sans retentissement.</p>
<p>Dans les situations de fausses paternités, le secret de la conception est double : père et enfant sont dans l’ignorance. Ce qui diffère fondamentalement, c’est que dans ce cas le secret relève d’une décision personnelle et privée, celle de la mère ; concernant le don de gamètes, le secret est organisé par l’État. Tout comme dans les dons de gamètes, quand il arrive que le secret de la fausse paternité soit levé, la première question légitimement posée par l’enfant est : « Qui est-ce ? »</p>
<h2>L’engouement pour les tests génétiques</h2>
<p>Le débat sur l’accès aux origines pour les personnes conçues par un don de gamètes et sur l’anonymat des donneurs pourrait bien être tranché plus vite que prévu. Il est désormais impossible d’occulter un phénomène qui touche la France comme le reste du monde : l’<a href="http://pmanonyme.asso.fr/?p=3309">engouement pour les tests génétiques</a>. Commercialisés essentiellement par des compagnies américaines, ils sont proposés, en France, à des personnes qui souhaitent des informations sur leur généalogie ou encore savoir de quelle partie du monde venaient leurs ancêtres. Or plus le nombre de personnes pratiquant ces tests sera important, plus les chances que les individus conçus par don de gamètes identifient leur donneur seront élevées.</p>
<p>En effet, les personnes ayant pratiqué le test sont régulièrement informées par la compagnie de l’arrivée dans leur banque de données de tout individu ayant de l’ADN commun avec elles. Parmi ces apparentés, certains sont susceptibles de les mettre sur la piste de leur donneur, voire de le trouver. Le délai pour l’identifier peut se compter en années, ou bien… seulement en jours, comme dans le cas d’Arthur Kermalvezen.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/R-CKgbN5kG8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La future révision des lois de bioéthique est l’occasion d’inscrire, enfin, dans le droit l’accès aux données identifiantes des donneurs de gamètes pour les adultes qui le souhaitent.</p>
<p>Par ailleurs, il faut d’ores et déjà prévoir un dispositif permettant une meilleure prise en charge pour ceux qui découvriraient leur donneur via des tests ADN, comme nous le proposons, la psychanalyste et spécialiste de bioéthique Geneviève Delaisi de Parseval et moi-même, dans <a href="http://www.lemonde.fr/bioethique/article/2018/01/19/la-decouverte-de-l-identite-d-un-donneur-de-gametes-risque-d-engendrer-des-situations-explosives_5243778_5243590.html#CuZ3zCDzphKtGXRb.99">notre tribune publiée le 19 janvier dans <em>Le Monde</em></a>. Ce sont actuellement des rencontres « sauvages » qui se profilent, sans préparation ni pour les personnes conçues par don de gamètes, ni pour les donneurs. Si rien n’est fait, la situation risque de devenir rapidement explosive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91720/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Viville a reçu des financements de la Fondation Maladies Rares, l'Agence de BioMédecine et l'ANR.
Il a accepté l'invitation de l'association PMAnonyme à participer en 2017 à une table ronde lors d'une réunion de cette association.</span></em></p>En France, la loi prévoit l’anonymat pour les hommes donnant leur sperme. De nombreux arguments plaident pour que les adultes conçus d’un don puissent connaître l’identité de leur géniteur.Stéphane Viville, Biologiste, professeur à la faculté de médecine, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/862822017-10-30T23:02:02Z2017-10-30T23:02:02ZLe tourisme généalogique québécois, à la rescousse des campagnes normandes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/192478/original/file-20171030-18711-19gx8xv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une ruelle de la commune de Longueil dans le Pays de Caux (580 hab) dont est originaire Charles Le Moyne qui a donné le nom à la commune homonyme de Longueuil au Québec (240 000 hab).
</span> <span class="attribution"><span class="source">Office de Tourisme Terroir de Caux/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Nuit Sciences et Lettres: « Les Origines », qui se tiendra le 8 juin 2018 à l'ENS, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet <a href="http://www.nuit.ens.fr/">sur le site de l'événement</a>.</em></p>
<hr>
<p>Avec l’avènement d’Internet, la recherche généalogique est devenue plus accessible et se démocratise de plus en plus. Preuve en est avec le développement récent de sites dédiés à la généalogie (Ancestry, Geneanet, MyHeritage, etc.). Au Québec, elle connaît un véritable engouement et la création d’émissions télévisées qui mettent en scène des <a href="http://lequebecunehistoiredefamille.com/capsule/boulay-boulet">personnalités québécoises en quête de leurs origines</a> en est le meilleur exemple. D’ailleurs, l’affirmation de l’identité québécoise (où le français est la seule langue officielle) au sein d’un Canada majoritairement anglophone n’est sûrement pas étrangère à cette activité.</p>
<p>Depuis quelques années, on constate en France l’<a href="http://plus.lapresse.ca/screens/d41b8c78-fd52-420e-a714-bb0b45879142%7CWXw-IL9hLEEb.html">émergence d’un tourisme généalogique québécois</a>. Pourtant, cette nouvelle forme de tourisme reste confidentielle alors que son potentiel de développement économique ne serait pas négligeable à l’échelle locale, notamment pour les territoires ruraux qui ont vu partir bon nombre de pionniers. Alors, le tourisme généalogique peut-il répondre aux enjeux de redynamisation de ces campagnes qui sont de plus en plus vieillissantes et de moins en moins attractives ? Voici quelques éléments d’éclairage avec l’exemple de la région normande où ses nombreux pionniers ont laissé une descendance prolifique au Québec et dont le potentiel touristique généalogique est encore peu exploité par les acteurs territoriaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191846/original/file-20171025-25551-gvgtu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191846/original/file-20171025-25551-gvgtu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191846/original/file-20171025-25551-gvgtu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191846/original/file-20171025-25551-gvgtu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191846/original/file-20171025-25551-gvgtu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191846/original/file-20171025-25551-gvgtu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191846/original/file-20171025-25551-gvgtu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La maison ancestrale de Jean Giguère à Tourouvre-au-Perche (Orne), ancêtre de tous les Giguère d’Amérique du Nord.</span>
<span class="attribution"><span class="source">angelanoelle/Flickr</span></span>
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<h2><strong>L’immigration vers la Nouvelle-France : un pan méconnu de l’histoire française</strong></h2>
<p>Après la découverte de l’actuel Québec par Jacques Cartier en 1534, le Royaume de France prend possession des lieux et fonde la Nouvelle-France. Après plusieurs tentatives avortées, la campagne de colonisation initiée par Samuel de Champlain en 1608 puis par la Compagnie des Cent-Associés en 1627 – notamment motivée par le commerce de fourrures – est la bonne. Dès lors, plusieurs centaines de pionniers principalement originaires des provinces de Normandie, du Perche (dont son territoire sera intégré en partie à la Normandie en 1789), d’Aunis et de Saintonge (correspondant actuellement à l’ex région Poitou-Charentes) partent défricher ce nouveau territoire dans l’espoir d’une vie meilleure.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191872/original/file-20171025-25533-15092hl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191872/original/file-20171025-25533-15092hl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191872/original/file-20171025-25533-15092hl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191872/original/file-20171025-25533-15092hl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191872/original/file-20171025-25533-15092hl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191872/original/file-20171025-25533-15092hl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191872/original/file-20171025-25533-15092hl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plaque honorifique en l’honneur des ancêtres Hamel du Québec et d’Amérique du Nord dans l’église Saint-Jacques de Dieppe (Seine-Maritime).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Aubry/Flickr</span></span>
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<p>Par la suite, plus de 800 femmes appelées <a href="http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/ces-filles-du-roi-qui-ont-peuple-157047">« Filles du Roy »</a> sont envoyées en Nouvelle-France pour se marier et fonder une famille avec les hommes sur place. Elles proviennent généralement d’orphelinats ou d’hôpitaux des villes de Dieppe, La Rochelle, Paris ou Rouen et sont âgées de 15 à 30 ans. La population de la Nouvelle-France doublera rapidement après l’arrivée de ces jeunes femmes et une nouvelle vague de nouveaux migrants de moindre importance viendra par la suite s’y installer au XVIII<sup>e</sup> siècle. Par conséquent, il est fortement probable aujourd’hui qu’un québécois d’origine <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Canadiens_fran%C3%A7ais">« canadien-français »</a> ait plusieurs ancêtres parmi ces pionniers du XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles.</p>
<h2>Plus de deux millions de Québécois porteraient un nom de famille hérité d’un ancêtre normand</h2>
<p>Parmi les <a href="http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/caracteristiques/noms_famille_1000.htm">dix noms de famille les plus portés actuellement au Québec</a>, quatre d’entre eux proviennent exclusivement d’ancêtres originaires de l’actuelle Normandie (Tremblay, Gagnon, Côté et Gagné) et cinq d’entre eux en contiennent partiellement (Roy, Gauthier, Morin, Lavoie et Fortin). Citons le plus prolifique d’entre eux, Pierre Tremblay, originaire de Randonnai (Orne) et dont son nom est désormais porté par plus de 80 000 québécois avec une descendance estimée à 150 000 personnes en Amérique du Nord. Pour l’anecdote et pour bien mesurer la descendance laissée notamment par les percherons au Québec, le géographe Élisée Reclus disait de la commune de Tourouvre (Orne) qu’elle fut « le lieu d’Europe qui a contribué, pour la plus grande part, au peuplement du Nouveau Monde ». Pas étonnant que cette commune accueille depuis 2006 le <a href="https://www.hautperche.fr/mus%C3%A9ales/mus%C3%A9e-de-l-emigration-fran%C3%A7aise-au-canada/">Musée de l’émigration française au Canada</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191875/original/file-20171025-25540-15658vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191875/original/file-20171025-25540-15658vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191875/original/file-20171025-25540-15658vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191875/original/file-20171025-25540-15658vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191875/original/file-20171025-25540-15658vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191875/original/file-20171025-25540-15658vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191875/original/file-20171025-25540-15658vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Distribution des immigrants (masculin et féminin) en Nouvelle-France par province d’origine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Charbonneau et Guillemette, 1994)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Normandie et l’ancienne province du Perche ont fourni 843 des 3303 individus partis peupler la Nouvelle-France (voire carte ci-dessus), soit environ un quart du contingent français. Mais d’après mes estimations personnelles à partir de diverses sources d’informations (sites généalogiques, bases de données publiques, etc.), environ un tiers des Québécois d’origine « canadien-français » porteraient un patronyme hérité d’un ancêtre originaire de Normandie, soit une population estimée de 2 à 2,5 millions de personnes. Si l’on rajoute les ancêtres féminins, la descendance laissée par les hommes et femmes originaires de Normandie sur la population québécoise est probablement beaucoup plus conséquente.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GXVorjuhPbM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Source : Reportage du JT de France 2 (25/09/2017) : « Normandie, des Québécois en quête de leurs racines ».</span></figcaption>
</figure>
<h2>Le tourisme généalogique : un levier de développement local pour les territoires ruraux ?</h2>
<p>Le potentiel touristique généalogique est donc bien réel en Normandie si on tient compte du nombre important de Québécois concernés et de leur engouement pour la généalogie. D’ailleurs, j’ai cartographié ce potentiel touristique par commune après avoir identifié l’ensemble des ancêtres normands (masculin et féminin) qui ont laissé une descendance au Québec jusqu’à nos jours (cette recension n’est pas encore totalement exhaustive). En effet, les lieux de mémoire de ces ancêtres se concentrent presque exclusivement dans leur commune d’origine (maison ancestrale, église de baptême et/ou mariage, rue portant son nom, etc.).</p>
<p>Cette géographie communale d’origine de ces ancêtres montre deux choses :</p>
<ul>
<li><p>Un potentiel touristique qui est hétérogène géographiquement (les 5 départements normands sont concernés même si celui de l’Eure le semble moins que les autres).</p></li>
<li><p>Outre trois villes de taille moyenne ou importante (Rouen, Dieppe et Caen), de nombreuses communes rurales sont concernées par ce potentiel, généralement dans des espaces ruraux peu attractifs économiquement et vieillissants (Perche, Pays de Caux, Pays d’Auge et le sud-Manche).</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/191879/original/file-20171025-25497-1ykkazd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191879/original/file-20171025-25497-1ykkazd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191879/original/file-20171025-25497-1ykkazd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191879/original/file-20171025-25497-1ykkazd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191879/original/file-20171025-25497-1ykkazd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191879/original/file-20171025-25497-1ykkazd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191879/original/file-20171025-25497-1ykkazd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191879/original/file-20171025-25497-1ykkazd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cartographie du potentiel touristique généalogique québécois en Normandie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">François Raulin (2017)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres sites touristiques régionaux très fréquentés (Le Mont-Saint-Michel, Giverny, le Memorial de Caen, etc.) ainsi que plusieurs lieux ayant un lien avec l’histoire du Québec (Musée de l’émigration française au Canada de Tourouvre, cimetières canadiens de Dieppe et de Bény-sur-Mer, port de Honfleur qui a vu le départ de plusieurs expéditions de Samuel de Champlain, etc.) ont été rajoutés dans cette carte afin de mieux se rendre compte de ce potentiel touristique.</p>
<p>Dès lors, si les acteurs publics et privés du territoire décidaient de capter ce potentiel (élus locaux et entreprises dédiées au tourisme notamment), il est certain que ces territoires ruraux bénéficieront directement de retombées économiques locales (établissements hôteliers, restaurants, etc.). Face aux enjeux (difficiles) de la redynamisation des espaces ruraux, est-ce que cette nouvelle forme de tourisme peut-elle être une réponse (certes modeste) aux territoires concernés ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86282/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Raulin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le tourisme généalogique peut‑il répondre aux enjeux de redynamisation des campagnes françaises, de plus en plus vieillissantes et de moins en moins attractives ?François Raulin, Ingénieur de recherche, Laboratoire Métis EM Normandie, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/829282017-09-07T20:43:48Z2017-09-07T20:43:48ZIl y a 140 millions d’années, la toute première fleur ressemblait à un magnolia<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183768/original/file-20170829-10414-1ulaiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cette fleur est l'ancêtre du magnolia… mais aussi du chêne, de l'herbe, de la tomate, de la jonquille, et de bien d'autres encore.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nature.com/articles/ncomms16047">Hervé Sauquet et Jürg Schönenberger</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est republié dans le cadre de la Nuit Sciences et Lettres : « Les Origines », qui se tiendra le 7 juin 2019 à l’ENS, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet sur le <a href="http://www.nuit.ens.fr/">site de l’événement</a>.</em></p>
<hr>
<p>La majorité des plantes qui peuplent la Terre disposent de fleurs. Mais l’histoire de leur origine reste largement mystérieuse. Les fleurs constituent aujourd’hui les organes sexuels de plus de 360 000 espèces de plantes vivantes, toutes issues d’un unique ancêtre commun.</p>
<p>Cette plante ancestrale – qui a existé à une époque comprise entre 250 et 140 millions d’années dans le passé – a produit les premières fleurs à une période où notre planète était plus chaude et plus riche en oxygène et en gaz à effet de serre qu’aujourd’hui. Une époque où prospéraient les dinosaures.</p>
<p>Ces derniers n’existent plus depuis 65 millions d’années. Et pourtant, nous en savons davantage sur l’apparence d’un <a href="http://www.nhm.ac.uk/discover/dino-directory/iguanodon.html">iguanodon</a> que sur celle de la fleur ancestrale !</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/180402/original/file-20170731-22126-8ddii2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180402/original/file-20170731-22126-8ddii2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180402/original/file-20170731-22126-8ddii2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=818&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180402/original/file-20170731-22126-8ddii2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=818&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180402/original/file-20170731-22126-8ddii2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=818&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180402/original/file-20170731-22126-8ddii2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180402/original/file-20170731-22126-8ddii2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180402/original/file-20170731-22126-8ddii2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cette plante aquatique trouvée en Espagne, vieille de 130 millions d’années, est le plus ancien fossile de fleur connu à ce jour.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.pnas.org/content/112/35/10985">Gomez et al/PNAS</a></span>
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</figure>
<p>Ce manque de connaissances est en partie dû au fait que ces premières fleurs n’ont pas laissé de traces. Il faut en effet un concours de circonstances très particulier pour que les fleurs, qui sont des structures fragiles, puissent se fossiliser. Et puisqu’aucun fossile de fleur ne remonte à 140 millions d’années ou davantage, les scientifiques n’avaient qu’une idée limitée de ce à quoi pouvait ressembler l’ancêtre ultime… jusqu’à maintenant.</p>
<h2>Remonter l’arbre généalogique des plantes à fleurs</h2>
<p><a href="http://nature.com/articles/doi:10.1038/ncomms1604">Une nouvelle étude majeure</a>, menée par une équipe internationale de botanistes, est parvenue à établir la meilleure reconstruction, à ce jour, de cette fleur ancestrale. Pour cela, elle s’est concentrée moins sur les fossiles que sur l’étude des caractéristiques de 800 descendants, encore vivants aujourd’hui, de cette première fleur.</p>
<p>En énumérant les points communs et les différences entre diverses plantes à fleurs présentant un lien de parenté, on peut en effet déduire les caractéristiques de leurs ancêtres proches. Par exemple, sur toutes les espèces d’orchidées, les fleurs ont un effet miroir : les deux moitiés de chaque fleur sont symétriques (on parle de <a href="https://www.livescience.com/28547-surprising-orchid-facts.html">symétrie bilatérale</a>). On peut donc supposer que l’ancêtre des orchidées présentait cette caractéristique. De fil en aiguille, on peut ensuite comparer ces ancêtres entre eux et remonter un cran plus loin, et ainsi de suite, jusqu’à atteindre, éventuellement, la base de l’arbre généalogique des plantes à fleurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/180559/original/file-20170801-29610-1vb00ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180559/original/file-20170801-29610-1vb00ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180559/original/file-20170801-29610-1vb00ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180559/original/file-20170801-29610-1vb00ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180559/original/file-20170801-29610-1vb00ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180559/original/file-20170801-29610-1vb00ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180559/original/file-20170801-29610-1vb00ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180559/original/file-20170801-29610-1vb00ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les fleurs des orchidées sont symétriques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joanna Dineva</span></span>
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</figure>
<p>La fleur originelle ressemble, sous certains aspects, au magnolia moderne, avec ses multiples « pétales » (appelés techniquement des <a href="http://canope.ac-besancon.fr/flore/didactitiel/fleur/sepales_petales_tepales.htm">tépales</a>, techniquement) indifférenciés et disposés en cercles concentriques. On trouve, en son centre, plusieurs rangées d’organes sexuels, dont des <a href="http://www.futura-sciences.com/planete/definitions/botanique-etamine-2264/">étamines</a> et des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ovaire_(botanique)">ovaires</a>. Difficile de ne pas imaginer les anciennes espèces de pollinisateurs s’aventurer dans cette fleur, y collecter des grains de pollen et aider ainsi, sans le savoir, la plante à produire des graines.</p>
<h2>Une vie sexuelle controversée</h2>
<p>Cette nouvelle étude permet de trancher la question de savoir si les fleurs primitives avaient chacune un sexe, ou si, au contraire, les organes reproductifs mâle et femelle étaient réunis dans la même fleur. Les recherches menées jusqu’ici divergeaient sur ce point. D’un côté, l’un des plus anciens lignages de plantes à fleurs – qui ne survit aujourd’hui que sous la forme d’<em>Amborella</em>, un arbuste rare de Nouvelle-Calédonie – présente des fleurs qui sont <a href="http://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/317571">soit mâles, soit femelles</a>. De l’autre, dans la plupart des espèces modernes, les deux sexes sont présents dans la même fleur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/180553/original/file-20170801-11960-18r0ips.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180553/original/file-20170801-11960-18r0ips.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180553/original/file-20170801-11960-18r0ips.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=576&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180553/original/file-20170801-11960-18r0ips.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=576&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180553/original/file-20170801-11960-18r0ips.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=576&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180553/original/file-20170801-11960-18r0ips.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=724&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180553/original/file-20170801-11960-18r0ips.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=724&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180553/original/file-20170801-11960-18r0ips.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=724&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Toutes les espèces de fleurs qui existent de nos jours proviennent, à l’origine, d’une ancêtre unique, datant d’il y a environ 140 millions d’années.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://nature.com/articles/doi:10.1038/ncomms16047">Hervé Sauquet et Jürg Schönenberger</a></span>
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</figure>
<p>Les auteurs de l’étude viennent de trancher le débat en montrant que la fleur ancestrale était hermaphrodite. Ce qui signifie que les plantes à fleurs primitives pouvaient se reproduire en prenant soit le rôle du mâle, soit celui de la femelle. Une telle combinaison des sexes dans une même fleur peut constituer un avantage lorsqu’une plante s’installe dans un nouvel environnement : chaque individu unique peut ainsi être son propre partenaire. Et en effet, beaucoup d’espèces de plantes ayant colonisé des îles lointaines se sont révélées hermaphrodites. Peut-être cela a-t-il pu aider ces premières plantes à fleurs à s’imposer sur d’autres plantes.</p>
<h2>Le diable est dans les détails</h2>
<p>Malgré son apparente ressemblance avec certaines des fleurs que nous connaissons, l’ancêtre ultime nous réserve quelques surprises. Les botanistes ont longtemps pensé, par exemple, que les premières fleurs disposaient, en leur centre, de pétales disposés en spirale, comme on le voit sur des espèces modernes comme l’<a href="http://science.kennesaw.edu/jmcneal7/plantsys/jpegs/illflo.jpg">anis étoilé</a>.</p>
<p>Mais les dernières découvertes suggèrent fortement que les organes des premières fleurs étaient disposés, non pas en spirale, mais en séries de cercles concentriques (ou <a href="http://www.universalis.fr/encyclopedie/verticille-botanique/">verticilles</a>), comme sur les plantes modernes. Ces verticilles étaient toutefois plus nombreux sur la fleur primitive, ce qui suppose que les fleurs se sont simplifiées au fil du temps.</p>
<p>Paradoxalement, cette simplification de l’architecture des fleurs pourrait avoir doté les plantes modernes d’une base plus stable pour évoluer, mais aussi pour accomplir des tâches complexes. Parmi celles-ci, la possibilité d’une meilleure interaction avec certains insectes, comme c’est le cas pour les orchidées, ou la production de capitules, ces dizaines ou centaines de petites fleurs que l’on voit notamment dans la famille des tournesols.</p>
<p>Nous avons désormais une idée assez précise de ce à quoi pouvait ressembler l’une des premières fleurs. Mais nous savons peu de choses sur la façon dont cette fleur est apparue sur Terre. Et les étapes détaillées de son évolution restent également inconnues. Peut-être faudra-t-il attendre la découverte de nouveaux fossiles de fleurs, qui combleront le trou que représente pour l’instant la période allant de 250 à 140 millions d’années. Nous pourrions alors comprendre l’origine même du système sexuel le plus diversifié de notre planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/82928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mario Vallejo-Marin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faute de fossiles, l’apparence des premières fleurs est longtemps restée inconnue. Mais en remontant l’arbre généalogique de certaines plantes, des scientifiques sont parvenus à percer le mystère.Mario Vallejo-Marin, Associate Professor in Evolutionary Biology, University of StirlingLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/797752017-07-16T22:10:47Z2017-07-16T22:10:47ZIl y a 300 ans, un navigateur breton apportait une étrange maladie en Afrique du Sud<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/177743/original/file-20170711-14468-bnvnu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le port et la rade de Lorient, aquarelle anonyme, vers 1800. Parti de Lorient il y a trois siècles, François Renier Duminy a transmis à sa descendance en Afrique du Sud une affection héréditaire de la peau.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/asset_images/177743/edit?content_id=79775">Musée de la Compagnie des Indes</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Nuit Sciences et Lettres: « Les Origines », qui se tiendra le 8 juin 2018 à l'ENS, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet <a href="http://www.nuit.ens.fr/">sur le site de l'événement</a>.</em></p>
<hr>
<p><a href="http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?lng=FR&Expert=50943">L’érythème kératolytique hivernal</a> (<em>Keratolytic winter erythema</em>, en anglais) est une maladie génétique de la peau qui affecte la <a href="http://www.clinicaladvisor.com/dermatology/erythrokeratolysis-heimalis-keratolytic-winter-erythema-oudtshoorn-disease/article/595007/">paume des mains et la plante des pieds</a>. En Afrique du Sud, on l’appelle aussi, plus familièrement, la <a href="http://www.samj.org.za/index.php/samj/article/view/7253/5697">maladie d’Oudtshoorn</a>, du nom de la ville rurale du Cap occidental où vivaient la majorité des individus qui en souffraient lorsqu’elle a été décrite pour la première fois. Des travaux scientifiques nous apprennent que cette affection, très rare en France, a pourtant été introduite il y a environ trois siècles en Afrique du Sud… par un navigateur breton.</p>
<p>La maladie n’affecte pas le corps entier mais se manifeste par des rougeurs suivies de la perte d’épais morceaux de peau sur les paumes et la plante des pieds.</p>
<p>Il n’existe pas de traitement efficace. Si la maladie n’a pas de graves conséquences sur la santé, elle peut créer un inconfort social. Elle peut également se révéler problématique dans l’exercice de certaines professions. Sa sévérité varie selon les cas, entraînant le plus souvent des cycles récurrents de rougeurs et de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Desquamation">desquamation</a>, c’est-à-dire une perte des couches superficielles de l’épiderme.</p>
<h2>Un Afrikaner touché sur 7 200</h2>
<p>Une étude menée au milieu des années 1980 suggérait qu’en Afrique du Sud, un Afrikaner (groupe ethnique des Sud-Africains blancs descendants des Européens) sur 7 200 souffrait d’érythème kératolytique hivernal (EKH). Mais il est probable que la prévalence soit inégale à travers le pays. La maladie affecterait également une personne sur 90 000 au sein de la population métisse en Afrique du Sud.</p>
<p>Des cas d’EKH ont également été décrits dans des familles allemandes et norvégiennes. Le rude climat sud-africain pourrait avoir exacerbé les symptômes de la maladie, et donc rendu son diagnostic plus évident dans ce pays. Plusieurs dermatologues à travers le monde ont également relevé des cas au sein de la diaspora sud-africaine, au Royaume-Uni et au Canada notamment.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Il n’existe, pour le moment, pas de traitement contre l’EKH et ses effets sur la peau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cdn.theconversation.com/files/168728/width926/file-20170510-28075-1d2qucl.jpg">Supplied</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les recherches que nous avons menées sur la maladie nous ont permis de faire d’<a href="https://www.wits.ac.za/news/latest-news/research-news/2017/2017-05/scientists-find-genetic-mutation-responsible-for-rare-skin-disease-in-afrikaners.html">importantes découvertes</a> qui pourraient aider à un meilleur diagnostic. Ces progrès pourraient, à leur tour, permettre d’évaluer avec précision la prévalence de l’EKH et ouvrir la porte à la recherche d’un éventuel traitement.</p>
<p>Nous pensons également que nos découvertes pourraient aider à comprendre en quoi le gène sur lequel nous avons identifié une mutation particulière pourrait jouer un rôle dans <a href="http://www.therapeutique-dermatologique.org/spip.php?page=article&id_article=1172#paragraphe-2">d’autres maladies de la peau ou problèmes de desquamation</a>.</p>
<h2>Les enseignements d’une étude généalogique sur les familles concernées</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’EKH a une chance sur deux de se manifester chez un enfant dont l’un des parents est touché par la maladie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/-f7bKsvOgwU">Bonnie Kittle/Unsplash</a></span>
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</figure>
<p>L’EKH a été décrit pour la première fois dans les années 1970 par George Findlay, un dermatologue sud-africain de l’université du Witwatersrand à Johannesburg, qui a reçu de nombreux patients en consultation ainsi que leurs familles. George Findlay a montré que si un parent était touché par l’EKH, la maladie avait 50 % de chances de se manifester chez l’enfant. Ce qui indiquait que cette maladie génétique relevait du mode de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transmission_autosomique_dominante">transmission autosomique dominante</a>.</p>
<p>C’est un autre dermatologue, Peter Hull, qui a découvert les origines, plutôt surprenantes, de la maladie pour l’Afrique du Sud. Au début des années 1980, il décide de mener une étude généalogique. Celle-ci le fait remonter jusqu’à un navigateur français, le capitaine François Renier Duminy, qui s’était installé dans le pays à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle. Dans ses recherches, le médecin est allé jusqu’à rendre visite aux familles touchées par la maladie, pour mener ensuite une enquête approfondie sur leur ascendance.</p>
<p>Toutes les familles auxquelles le dermatologue s’est intéressé étaient liées à François Renier Duminy. Né à Lorient (Morbihan) en 1747 de parents inconnus, celui-ci avait été recueilli, peu après sa naissance, par la famille d’Antoine Lebre Duminy. Ce marin avait été nommé quelques années plus tard commandant de la citadelle de Port-Louis, gardienne de l’entrée du port de Lorient. Le fils adoptif était devenu membre de la Compagnie française des Indes orientales, entreprise de négoce colonial <a href="http://musee.lorient.fr/musee/les-compagnies-des-indes/lorient-et-la-compagnie-des-indes/">basée à Lorient</a>. Puis il avait quitté cette société pour poursuivre ses activités commerciales de façon indépendante.</p>
<h2>L’installation de François Renier Duminy au cap de Bonne-Espérance</h2>
<p>C’est dans ce cadre que François Renier Duminy a navigué jusqu’au cap de Bonne-Espérance, au sud de l’actuelle Afrique du Sud, et décidé de s’y installer. Les recherches de Peter Hull ont montré que l’EKH s’est répandue à travers la descendance du capitaine breton. Il a transmis la maladie à certains, au moins, de ses six enfants, nés en Afrique du Sud de son mariage avec Johanna Margaretha Nötlingh – sauf un, illégitime. Tous les Sud-Africains atteints d’EKH peuvent remonter, dans leur généalogie, jusqu’à Renier Duminy ou sa descendance.</p>
<p>La forte présence de la maladie en Afrique du Sud est la conséquence de ce qui, en génétique, porte le nom « d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_fondateur">effet fondateur</a> » : lorsqu’une population nouvelle s’établit à partir d’un très petit nombre d’individus, ceux-ci contribuent pour une large part au patrimoine génétique commun. Leurs gènes sont ensuite surreprésentés au sein de la population actuelle, ici les Afrikaners. Ce phénomène explique donc que l’EKH soit plus répandue en Afrique du Sud que partout ailleurs dans le monde.</p>
<p>Il nous a fallu 32 années pour identifier la mutation génétique à l’origine de la maladie. Mais ce n’est que grâce à notre toute dernière découverte que nous avons enfin compris pourquoi nous avons eu toutes les peines du monde à la trouver.</p>
<p>Il y a 20 ans, nous avions mené une <a href="http://www.cell.com/ajhg/pdf/S0002-9297%2807%2964063-4.pdf">étude génétique</a> sur la population atteinte de l’érythème kératolytique hivernal. Nous avions alors repéré la région dans laquelle se trouvait la mutation : le bras court du chromosome 8. Pendant les années qui ont suivi, nous avons analysé les gènes de cette région. Mais impossible de savoir lequel était à l’origine de la maladie.</p>
<h2>Une avancée majeure grâce au décryptage du génome humain</h2>
<p>Grâce au décryptage du génome humain et aux technologies de la génomique, nous avons pu aller plus loin et analyser la région identifiée du chromosome 8 dans sa totalité, y compris des parties qui ne comprenaient pas de gènes.</p>
<p>Nous avons d’abord mené une analyse conventionnelle en nous concentrant sur les gènes, sans résultat. C’est lorsque nous avons regardé les zones intergéniques que nous avons obtenu un début de réponse sur les origines de l’EKH. Une large région entre les gènes était en fait dupliquée, c’est-à-dire présente en deux exemplaires. Cette séquence dupliquée pouvait être notre explication, avons-nous alors pensé.</p>
<p>Au moment même où nous menions ce travail, un chercheur norvégien de l'université de Bergen a découvert une autre mutation dans la même région du chromosome. Il y avait là aussi une section dupliquée, qui se chevauchait avec la nôtre.</p>
<p>Il devenait alors possible, en joignant nos forces, de consolider nos travaux et d’essayer de comprendre comment des mutations chez des individus de deux familles différentes pouvaient causer la même maladie. Nous avons alors prélevé et analysé les fragments de peau de quelques personnes atteintes d’EKH, ainsi que de volontaires qui ne l’étaient pas, afin d’identifier le gène qui subissait l’influence de la mutation présente dans la région intergénique. Nous avons ainsi testé trois gènes très proches de la localisation de la mutation.</p>
<p>Nous avons constaté que l’un de ces trois gènes, la cathépsine B, produisait cette protéine en trop grande quantité chez les patients atteints d’EKH, comme expliqué dans notre article <a href="http://www.cell.com/ajhg/abstract/S0002-9297(17)30144-1">publié dans la revue Cell au mois de mai</a>. C’est cette surproduction qui entraînait la desquamation.</p>
<h2>Une découverte qui permet un diagnostic simple de la maladie</h2>
<p>Cette découverte est importante pour deux raisons. Tout d’abord, elle pourrait aider les scientifiques à comprendre l’origine d’autres maladies de la peau ou de problèmes de desquamation. Il n’est pas impossible que ce même gène y soit pour quelque chose.</p>
<p>Ensuite, elle facilitera le diagnostic de la maladie par les dermatologues, puisqu’un simple test ADN permet d’identifier la mutation.</p>
<p>De nombreuses pièces du puzzle, néanmoins, restent encore à assembler. L’une d’entre elles, par exemple, consistera à expliquer pourquoi la maladie apparaît et disparaît chez certaines personnes. Une autre, à comprendre pourquoi les symptômes de la maladie n’affectent que la paume des mains et la plante des pieds.</p>
<p>Pour les scientifiques, la prochaine étape sera de mettre en place des cultures de cellules de peau, afin de connaître l’élément déclencheur de la maladie. Plusieurs indices laissent à penser que ses effets seraient multipliés en cas de stress ou d’infection.</p>
<p>L’objectif ultime sera de parvenir à un traitement. Mais d’ici à ce que nos découvertes débouchent sur un médicament pour les personnes atteintes d’érythème kératolytique hivernal, la route est encore longue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michèle Ramsay a reçu des financements de NRF, SA MRC, NHLS RT et NIH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thandiswa Ngcungcu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’érythème kératolytique hivernal, maladie de peau affectant les mains et les pieds, est plus répandue en Afrique du Sud qu’ailleurs. Les personnes touchées descendent toutes d’un marin français.Michèle Ramsay, Director of the Sydney Brenner Institute for Molecular Bioscience, Professor in the Division of Human Genetics , University of the WitwatersrandThandiswa Ngcungcu, PhD candidate in the Division of Human Genetics, Faculty of Health Sciences, University of the WitwatersrandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.