tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/mexique-26045/articlesMexique – The Conversation2023-10-29T18:11:53Ztag:theconversation.com,2011:article/2163182023-10-29T18:11:53Z2023-10-29T18:11:53ZComment « La Catrina » mexicaine est devenue le symbole du jour des morts<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555625/original/file-20231005-24-skza08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=191%2C191%2C5051%2C3450&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une jeune fille déguisée en "catrina" participe au défilé à Mexico pour célébrer le jour des morts.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/girl-dressed-as-catrina-walks-while-taking-part-in-the-news-photo/617638204?adppopup=true">Yuri Cortez/AFP via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Le 13 avril 1944, la police essayait de contenir une foule de plusieurs milliers de personnes sur les marches de <a href="https://www.artic.edu/about-us/mission-and-history/history">l’Art Institute de Chicago</a>.</p>
<p>L’attroupement n’avait rien à voir avec la participation des États-Unis à la Seconde Guerre mondiale, aux conflits sociaux ou à la <a href="https://www.history.com/this-day-in-history/fdr-seizes-control-of-montgomery-ward">décision controversée du président Franklin D. Roosevelt de prendre le contrôle</a> des industries locales de Chicago.</p>
<p>En réalité, il s’agissait de visiteurs impatients de visiter le musée. Car tout le monde voulait profiter de la première américaine d’une exposition intitulée « Posada : Printmaker to the Mexican People » (« Posada : graveur du peuple mexicain »).</p>
<p>L’exposition présentait les gravures de <a href="https://www.posada-art-foundation.com/about-posada">José Guadalupe Posada</a>, un graveur mexicain décédé en 1913. L’exposition présentait ses <em>calaveras</em> (crânes), des illustrations satiriques de crânes et de squelettes réalisées à l’occasion de la fête des Morts et imprimées sur des journaux bon marché imprimés sur une feuille volante, les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Broadside_(printing)">« broadsides » (bordées)</a>.</p>
<p>Une des ces calaveras attirait plus l’attention que les autres.</p>
<p>Connue sous le nom de La Catrina, il s’agissait d’un squelette criard arborant un large sourire et un chapeau à plumes surdimensionné. Une grande reproduction d’elle était <a href="https://www.artic.edu/exhibitions/8528/gallery-of-art-interpretation-who-is-posada">accrochée au mur du musée</a>. Le public l’avait vue dans les documents promotionnels du musée. Elle avait même fait la couverture du <a href="https://www.artic.edu/exhibitions/8526/the-art-of-jose-guadalupe-posada-lent-by-the-department-of-fine-arts-of-mexico">catalogue de l’exposition</a>. Au Mexique, elle était pratiquement inconnue, mais l’exposition américaine a fait d’elle une sensation internationale.</p>
<p>Aujourd’hui, La Catrina est la création la plus reconnaissable de Posada. Elle est l’icône du <a href="https://www.nationalgeographic.com/culture/article/top-ten-day-of-dead-mexico">Jour des morts</a>, la fête annuelle mexicaine en l’honneur des défunts qui a lieu chaque année les 1<sup>er</sup> et 2 novembre. Son visage est reproduit à l’infini pendant la fête, à tel point qu’elle est devenue le totem national officieux du Mexique, après la <a href="https://theconversation.com/warrior-servant-mother-unifier-the-virgin-mary-has-played-many-roles-through-the-centuries-165596">Vierge de Guadalupe</a>.</p>
<p>Si certains pensent qu’il en a toujours été ainsi, La Catrina est en réalité une icône transculturelle dont le prestige et la popularité sont à la fois le fruit d’une invention et d’un accident.</p>
<h2>Une vie obscure</h2>
<p>Lorsque Posada l’a gravée pour la première fois en <a href="https://www.posada-art-foundation.com/posada-lacatrina">1912</a>, elle ne s’appelait même pas La Catrina.</p>
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<img alt="Couverture de programme couleur pêche représentant un squelette coiffé d’un chapeau somptueux" src="https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552387/original/file-20231005-19-nq4t90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La couverture du catalogue de « Posada », une exposition organisée en 1944 à l’Art Institute of Chicago, présente celle qui allait être connue sous le nom de La Catrina ». zoomable=</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.artic.edu/exhibitions/8526/the-art-of-jose-guadalupe-posada-lent-by-the-department-of-fine-arts-of-mexico">The Art Institute of Chicago</a></span>
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<p>Dans l’estampe originale, elle est la Calavera Garbancera, un <a href="https://glasstire.com/2019/11/02/jose-guadalupe-posada-and-diego-rivera-fashion-catrina-from-sellout-to-national-icon-and-back-again/">titre utilisé</a> pour désigner les paysannes indigènes qui vendaient des haricots garbanzo (pois chiches) dans les marchés de rue.</p>
<p>Posada l’a dotée de vêtements voyants pour satiriser la façon dont les garbanceras tentaient de se faire passer pour des membres de la classe supérieure en se poudrant le visage et en portant des vêtements français à la mode. Ainsi, dès le début, La Catrina était transculturelle – une femme indigène rurale adoptant des coutumes européennes pour survivre dans la société urbaine et métisse du Mexique.</p>
<p>Comme les autres illustrations de Posada, <a href="https://www.jstor.org/stable/1360573">l’affiche de 1912</a> était vendue pour un penny à des hommes principalement pauvres et de la classe ouvrière de Mexico et des environs. Mais la Calavera Garbancera n’avait rien de particulier. Comme son créateur, elle est restée dans l’ombre pendant de nombreuses années.</p>
<p>Posada est mort <a href="https://www.amazon.com/Guadalupe-Mexican-Broadside-Institute-Chicago/dp/0300121377">fauché et inconnu</a>, mais ses illustrations <a href="https://www.unmpress.com/9780826319043/posadas-broadsheets/">lui ont survécu</a>. Son éditeur les a réutilisées pour d’autres affiches jusque dans les années 1920. La Calavera Garbancera a été recyclée en divers autres personnages, aucun n’étant particulièrement remarquable. Et personne ne savait vraiment qui fabriquait les affiches de calavera que l’on voyait dans la capitale tous les jours de la fête des Morts.</p>
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<img alt="Feuille imprimée comportant un texte et un dessin d’un squelette portant un grand chapeau sur papier vert" src="https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555055/original/file-20231020-29-n6mh1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">‘Revolutionary Calavera,’ by José Guadalupe Posada, printed on a broadside ». zoomable=</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/revolutionary-calavera-c-1910-creator-josé-guadalupe-posada-news-photo/1447192444?adppopup=true">Heritage Art/Heritage Images via Getty Images</a></span>
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<p>Les choses changent au milieu des années 1920, lorsque l’œuvre de Posada attire l’attention de l’artiste français Jean Charlot, figure de proue de la <a href="https://books.google.com/books/about/The_Mexican_Mural_Renaissance_1920_1925.html?id=_g9ZAAAAMAAJ">Renaissance mexicaine</a>, cette explosion créative de peintures murales et d’œuvres d’art nationalistes qui s’est produite au lendemain de la révolution mexicaine.</p>
<p>Charlot était fasciné par les illustrations de calavera qu’il voyait dans la ville de Mexico, mais il ne savait pas qui les avait créées. Il a fini par retrouver l’éditeur de Posada et a commencé à faire des recherches sur le graveur. Charlot <a href="https://icaa.mfah.org/s/en/item/779806">publia des articles</a> sur Posada et présenta les calaveras de l’artiste à d’autres artistes et intellectuels de la Renaissance mexicaine. Parmi les plus importants, citons le peintre <a href="https://www.diegorivera.org/">Diego Rivera</a> et la critique <a href="https://www.nytimes.com/1956/06/18/archives/frances-toor-66-wrote-on-mexico-author-of-books-on-folkways-and-of.html">Frances Toor</a>.</p>
<h2>De La Garbancera à La Catrina</h2>
<p>Rivera, bien sûr, est sans doute le plus grand artiste de l’histoire du Mexique. <a href="https://theconversation.com/detroit-1932-when-diego-rivera-and-frida-kahlo-came-to-town-38884">Ses fresques murales épiques</a> restent célèbres dans le monde entier.</p>
<p>Frances Toor, quant à elle, était une modeste intellectuelle juive qui a fait carrière en écrivant sur la culture mexicaine. En 1925, elle a commencé à publier <a href="https://www.jstor.org/stable/43466157">Mexican Folkways</a>, un magazine bilingue populaire distribué au Mexique et aux États-Unis. Avec Diego Rivera comme éditeur artistique, elle a commencé à utiliser le magazine pour promouvoir Posada. Dans les numéros annuels d’octobre-novembre, Toor et Rivera ont présenté de grandes réimpressions des calaveras de Posada.</p>
<p>Cependant, la calavera Garbancera n’en fait jamais partie. Elle n’était pas assez importante pour être présentée.</p>
<p>En 1930, Toor et Rivera ont publié le <a href="https://philamuseum.org/collection/object/343276">premier livre</a> des gravures de Posada, qui s’est vendu dans tout le Mexique et aux États-Unis. Mais elle porte un nouveau nom : la Calavera Catrina. Pour des raisons inconnues, Toor et Rivera ont choisi cet adjectif honorifique, qui en fait une sorte de dandy au féminin. La calavera est à jamais La Catrina.</p>
<p>mais c’est avec l’exposition Posada à l’Art Institute of Chicago en 1944 qu’elle devient vraiment célèbre. L’exposition est le fruit d’une collaboration entre le musée et le gouvernement mexicain. Elle est financée et facilitée par une agence spéciale de propagande de la Maison Blanche qui a utilisé la <a href="https://www.academia.edu/29923182/Jos%C3%A9_Guadalupe_Posada_Art_Institute_of_Chicago_1944_pdf">diplomatie culturelle</a> pour renforcer la solidarité avec l’Amérique latine pendant la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>Cette promotion a permis à l’exposition Posada de tourner et de donner à La Catrina une plus grande visibilité. Elle a été vue et promue à New York, Philadelphie, Mexico et ailleurs au Mexique.</p>
<p>Le catalogue de l’exposition, avec la Catrina en couverture, a été vendu à chaque étape de la tournée. <a href="https://www.artic.edu/institutional-archives">Des exemplaires gratuits</a> ont également été distribués à d’éminents auteurs et artistes américains et mexicains. Ils ont commencé à écrire sur La Catrina et à la remodeler dans leurs œuvres d’art, la popularisant des deux côtés de la frontière.</p>
<h2>La Catrina s’internationalise</h2>
<p>En 1947, Diego Rivera a encore immortalisé La Catrina en la mettant au centre de l’une de ses plus célèbres peintures murales, <a href="https://www.diegorivera.org/dream-of-a-sunday-afternoon-in-alameda-park.jsp"><em>Rêve d’un dimanche après-midi dans le parc d’Alameda</em></a>.</p>
<p>Cette peinture murale dépeint l’histoire du Mexique, de la conquête espagnole à la révolution mexicaine. La Catrina se trouve au centre de cette histoire, Rivera l’ayant peinte tenant la main de Posada d’un côté et d’une version enfantine de lui-même de l’autre.</p>
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<img alt="Peinture d’un squelette élégamment vêtu tenant la main d’un garçon et d’un homme portant des chapeaux" src="https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552394/original/file-20231005-27-ruxzoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Détail de la peinture murale de Diego Rivera « Rêve d’un dimanche après-midi dans le parc d’Alameda », qui se trouve au musée de la peinture murale de Diego Rivera à Mexico ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nicksherman/4080802657">Nick Sherman/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>La célébrité de Rivera – et la solennité retrouvée de La Catrina – a incité les artistes mexicains et mexicano-américains à l’intégrer dans leurs œuvres.</p>
<p>Les <a href="https://books.google.com/books/about/El_D%C3%ADa_de_Los_Muertos.html?id=BTNQAAAAMAAJ">artistes folkloriques</a> du Mexique ont commencé à en faire des jouets en céramique, des <a href="https://books.google.com/books/about/En_Calavera.html?id=3mJQAAAAMAAJ">figurines en papier mâché</a> et d’autres objets d’artisanat vendus à l’occasion de la fête des morts. Les Américains d’origine mexicaine ont utilisé La Catrina dans leurs fresques murales, leurs peintures et leurs affiches politiques dans le cadre du <a href="https://theconversation.com/how-chicana-women-artists-have-often-used-the-figure-of-the-virgin-of-guadalupe-for-political-messages-213720">Mouvement Chicano</a>, qui visait à défendre les droits civiques des Américains d’origine mexicaine dans les années 1960 et 1970.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Costume extravagant comprenant une coiffe, un masque de crâne et une cape rouge et noire" src="https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=882&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555067/original/file-20231020-19-y4bgms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1108&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chaque année, Christina Sanchez, originaire de Los Angeles, s’habille en ‘Catrina Christina’ pour le Jour des Morts ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mars Sandoval</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>L’image de La Catrina est désormais utilisée pour vendre n’importe quoi, de <a href="https://tee-luv.com/products/victoria-beer-mexican-la-catrina-t-shirt-black">la bière</a> aux <a href="https://www.cnn.com/2020/11/01/us/day-of-the-dead-barbie-cultural-appropriation-trnd/index.html">poupées Barbie</a>. Vous pouvez commander des costumes de La Catrina dans les magasins <a href="https://www.walmart.com/c/kp/catrina-costume">Walmart</a> et <a href="https://www.spirithalloween.com/product/adult-la-catrina-day-of-the-dead-trumpet-dress-costume/175819.uts">Spirit Halloween</a>.</p>
<p>En fait, les défilés et concours de costumes de La Catrina sont une tradition relativement récente du Jour des Morts au Mexique et aux États-Unis.</p>
<p>Certaines personnes, comme <a href="https://shoutoutla.com/meet-christina-sanchez-catrina-christina/">« Catrina Christina »</a> à Los Angeles, revêtent un costume chaque année pour honorer les chers disparus du Día de los Muertos. D’autres se déguisent en Catrina pour augmenter leur <a href="https://www.uscannenbergmedia.com/2021/11/02/content-creators-use-their-platforms-to-celebrate-dia-de-los-muertos/">nombre de followers sur les réseaux sociaux</a>, ou se font passer pour elle pour gagner de l’argent.</p>
<p>Posada ne s’attendait probablement pas à ce que sa calavera devienne aussi célèbre. Il voulait simplement utiliser l’humour traditionnel pour se moquer des garbanceras vêtues de façon flamboyante qu’il voyait traîner sur la place centrale de Mexico.</p>
<p>Aujourd’hui, pendant le Día de los Muertos, cette même place centrale est remplie de centaines d’imitatrices de La Catrina qui, pour quelques dollars, posent pour des photos avec des touristes tout à fait prêts à payer pour une telle expérience culturelle « traditionnelle » avec une icône « authentique » du Jour des Morts.</p>
<p>Posada, quant à lui, est probablement en train de rire quelque part au pays des morts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216318/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathew Sandoval ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un obscur graveur mexicain du nom de José Guadalupe Posada a créé ce crâne satirique au début des années 1900 et l’a vendu pour un centime. Mais après sa mort, le crâne a pris une vie propre.Mathew Sandoval, Associate Teaching Professor in Culture & Performance, Arizona State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030022023-04-16T15:58:21Z2023-04-16T15:58:21ZL’île de la Passion-Clipperton, aux confins géopolitiques de l’Indo-Pacifique français<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519938/original/file-20230407-1143-wbujii.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C547%2C405&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’île est inhabitée et située très loin de toute terre, mais elle n’en recèle pas moins un intérêt réel pour la France.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shannon Rankin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis 2018, Emmanuel Macron a formalisé une <a href="https://theconversation.com/l-indo-pacifique-au-dela-du-slogan-94251">stratégie de l’Indo-Pacifique français</a> visant à légitimer et crédibiliser le statut de la France dans la région Indo-Pacifique, nouvel épicentre des tensions géopolitiques mondiales.</p>
<p>Il s’agit, pour la diplomatie française, de valoriser ses attributs de puissance diplomatiques, culturels, économiques et militaires dans l’ensemble régional.</p>
<p>L’exercice de la souveraineté nationale dans les collectivités françaises de la zone renforce cette nouvelle ambition. Ainsi, l’île de La Réunion, Mayotte, les terres australes et antarctiques françaises (TAAF), Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont des composantes majeures de la stratégie mise en œuvre par l’État.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-enjeux-caledoniens-demmanuel-macron-95819">Les enjeux calédoniens d’Emmanuel Macron</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Un territoire français échappe néanmoins à cette dynamique : l’île de la Passion-Clipperton, un atoll corallien inhabité du Pacifique Nord, situé à plus de 1 000 km à l’ouest des côtes mexicaines et 5400 km au nord-est de Papeete.</p>
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<img alt="Carte montrant la localisation de l’île de La Passion (Clipperton)" src="https://images.theconversation.com/files/519332/original/file-20230404-23-390bnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519332/original/file-20230404-23-390bnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519332/original/file-20230404-23-390bnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519332/original/file-20230404-23-390bnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519332/original/file-20230404-23-390bnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519332/original/file-20230404-23-390bnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519332/original/file-20230404-23-390bnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Localisation de l’île de La Passion (Clipperton) et ZEE Pacifique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian Jost/UPF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une histoire mouvementée</h2>
<p>L’île est supposément découverte en 1706 par un flibustier, John Clipperton, puis par <a href="https://www.tahiti-infos.com/L-odyssee-de-la-decouverte-de-Clipperton-en-1711_a190757.html">Michel-Joseph Dubocage</a> (1676-1727), qui la nomme île de la Passion, car découverte un Vendredi saint, le 4 avril 1711.</p>
<p><a href="https://www.tahiti-infos.com/1858-Napoleon-III-declenche-la-guerre-des-drapeaux-a-Clipperton_a191124.html">Victor le Coat de Kergueven</a> la revendique en 1858 au nom de Napoléon III, mais ce sont les Américains qui exploitent ses ressources phosphatées au XIX<sup>e</sup> siècle. En 1897, le Mexique dépêche une mission sur l’atoll pour y affirmer sa souveraineté et exploiter le phosphate.</p>
<p>Un phare est construit en 1906, suivi de l’installation d’une dizaine de militaires, avec leurs femmes et enfants. Les tumultes politiques au Mexique et le début de la Première guerre mondiale plongent la petite colonie dans l’oubli. Les ravitaillements ne sont plus assurés. Après une série <a href="https://www.tahiti-infos.com/Carnet-de-voyage-Victoriano-Alvarez-le-roi-violeur-de-Clipperton_a147385.html">d’événements sordides</a>, les rescapés de la Passion-Clipperton – trois femmes et sept enfants – sont rapatriés en 1917.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1155349347539701760"}"></div></p>
<p>La France et le Mexique se disputent alors la souveraineté sur l’île, et se tournent vers l’arbitrage du roi d’Italie Victor Emmanuel III, qui en 1931 confirme la souveraineté française sur l’île.</p>
<p>Cela n’empêche pas l’US Navy d’y débarquer en 1944 en pleine guerre du Pacifique, de percer une passe sur le récif corallien pour permettre la communication entre les eaux du lagon et de l’océan, et de niveler une piste d’atterrissage à des fins militaires, les États-Unis occupant alors de nombreux territoires insulaires du Pacifique dans le cadre du conflit avec le Japon.</p>
<p>Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement américain accepte de restituer l’île à la France. De 1966 à 1968, <a href="http://www.clipperton.fr/france.html">l’armée française y déploye des détachements</a> lors des campagnes d’essais nucléaires aériens en Polynésie pour évaluer la progression de nuages radioactifs.</p>
<p>Par la suite, des missions scientifiques françaises ou internationales y feront escale sporadiquement, notamment le commandant Cousteau en 1980 et <a href="https://jeanlouisetienne.com/expedition/clipperton">Jean-Louis Étienne en 2005</a>. De nos jours, l’île demeure inhabitée, mais des bâtiments de la Marine nationale y effectuent des missions de souveraineté régulièrement.</p>
<h2>Un territoire maritime stratégique</h2>
<p>La position équatoriale de l’île et son éloignement des grandes routes aériennes en font un lieu privilégié pour <a href="http://www.clipperton.fr/projet-cnes.html">l’observation spatiale</a>, notamment de la fusée Ariane 5, lancée depuis Kourou en Guyane.</p>
<p>En matière de biologie marine, ce bout de terre perdu dans l’immensité maritime du Pacifique Nord offre un intérêt particulier pour toute observation de la faune et la flore marine : le comportement de certaines espèces de requins, l’étude de coraux, ainsi que des phénomènes climatiques comme le <a href="https://www.meteocontact.fr/actualite/el-nino-entame-son-retour-58888">courant « El Niño »</a>. Refuge à nidification pour des dizaines de milliers de fous bruns, fous masqués et autres sternes fuligineuses, l’atoll présente un intérêt ornithologique important. Zone très riche en thonidés, ses ressources actuelles sont actuellement exploitées par des armateurs étrangers sans contrôle possible par les autorités françaises.</p>
<p>L’emplacement de l’atoll présente aussi un intérêt géopolitique. Depuis l’adoption en 1982 de la <a href="https://www.imo.org/fr/ourwork/legal/pages/unitednationsconventiononthelawofthesea.aspx">Convention internationale sur le droit de la mer (CNUDM)</a>, la France dispose de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) au monde, notamment grâce à Clipperton. Si les terres émergées ne représente que 1,7km2, l’îlot confère à la France le droit de contrôler et d’exploiter 435 331 km<sup>2</sup>, soit plus que la ZEE métropolitaine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521141/original/file-20230416-3008-d5o9p1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521141/original/file-20230416-3008-d5o9p1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521141/original/file-20230416-3008-d5o9p1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521141/original/file-20230416-3008-d5o9p1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521141/original/file-20230416-3008-d5o9p1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521141/original/file-20230416-3008-d5o9p1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521141/original/file-20230416-3008-d5o9p1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Superficie des ZEE des territoires français.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Portail national des limites maritimes</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette ZEE recèle un potentiel considérable, à la fois énergétique, minéral et biologique. Diverses études ont démontré qu’il y avait abondance de minerais dans les fonds marins de la ZEE française du Pacifique, sous différentes formes de minéralisation : nodules polymétalliques, sulfures hydrothermaux, encroutement cobaltifère.</p>
<p>La seule étude menée à ce jour au large de Clipperton, en 1997, avait détecté la présence de nodules en quantité variable. Ces ressources minérales sont particulièrement stratégiques, car elles contiennent des terres rares, un groupement de dix-sept minéraux utilisés principalement dans les produits de haute technologie. À ce stade, la France n’a pas commencé à exploiter ces terres rares : les techniques d’extraction sont connues, mais aucun projet industriel mondial n’a atteint un seuil de rentabilité. Par ailleurs, les contraintes sur l’environnement sont très importantes.</p>
<p>Pourtant, à l’heure où les autorités françaises ne cessent d’insister sur la nécessité d’atteindre un degré de souveraineté énergétique, l’absence d’intérêt pour un territoire français potentiellement riche en matière première interroge.</p>
<h2>Un territoire convoité</h2>
<p>Contrairement à d’autres territoires français de l’Indo-Pacifique (Mayotte, les îles Éparses, les îles Matthew et Hunter), la souveraineté française n’est plus officiellement contestée à Clipperton. En 1959, le Parlement mexicain a admis que l’île ne faisait plus partie des possessions territoriales. Pourtant, un <a href="https://www.fondodeculturaeconomica.com/Ficha/9789681637873/F">livre</a> de 1992 du député mexicain Michel Gonzales Avelar appelle au rattachement de Clipperton au Mexique. Une association mexicaine milite toujours activement pour que la souveraineté de l’île <a href="https://www.clipperton.mx/">revienne au Mexique</a>.</p>
<p>Un accord franco-mexicain de 2007 (reconduit en 2017) permet aux pécheurs mexicains de faire la demande auprès des autorités françaises pour obtenir des licences de pêche dans la ZEE de Clipperton sans redevance à payer, à titre gratuit donc. En contrepartie, les pécheurs mexicains doivent déclarer leurs prises annuelles aux autorités compétentes. Néanmoins, selon <a href="https://www.philippe-folliot.fr/philippe-folliot-interroge-le-gouvernement-sur-les-accords-de-peche-conclus-entre-la-france-et-le-mexique-pour-lile-de-la-passion-clipperton/">certains spécialistes</a>, les prises réelles sont largement supérieures à ce que les pécheurs mexicains déclarent.</p>
<p>La France évite tout affrontement frontal pour éviter une remise en question de sa ZEE. Le simple fait que les pécheurs mexicains fassent la demande est déjà une reconnaissance de souveraineté. Mais le droit évolue et le temps presse…</p>
<h2>La souveraineté française est-elle contestable ?</h2>
<p>La légitimité même d’une ZEE autour de l’île de la Passion-Clipperton peut être contestée.</p>
<p>En effet, selon l’article 121 § 3 de la CNUDM, « les rochers qui ne se prêtent pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre n’ont pas de zone économique exclusive ni de plateau continental ». La définition d’un rocher est donc fondamentale, car elle confère ou pas le <a href="https://humansea.hypotheses.org/678">droit à une ZEE</a>.</p>
<p>Or, depuis une décision de la Cour permanente d’arbitrage, rendue le <a href="https://pca-cpa.org/fr/news/pca-press-release-the-south-china-sea-arbitration-the-republic-of-the-philippines-v-the-peoples-republic-of-china/">12 juillet 2016</a>, un atoll qui ne dispose pas d’une capacité objective à accueillir une activité économique ou des habitations humaines peut relever de cette catégorisation. Même si la Passion-Clipperton n’est pas stricto sensu un rocher, un tribunal international pourrait parfaitement la qualifier de « rocher » et donc ne pas reconnaître la ZEE française autour de l’île.</p>
<p>L’implantation d’une base permanente à caractère scientifique pourrait, en plus des avantages scientifiques réels, permettre de remplir les deux conditions énoncées par le tribunal de la Haye. Le géographe Christian Jost et le <a href="http://www.philippe-folliot.fr/wp-content/uploads/2016/06/20160609-Rapport-final-Philippe-Folliot-sign%C3%A9.pdf">sénateur Philippe Folliot</a> ont d’ailleurs déjà envisagé un modèle économique viable qui permettrait à cette future base de s’autofinancer.</p>
<h2>Profiter du moment Indo-Pacifique</h2>
<p>Accumulation de <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/2018/10/26/01008-20181026ARTFIG00258-clipperton-un-atoll-francais-paradisiaque-noye-sous-les-dechets-plastiques.php">déchets en tous genres</a>, prolifération des rats, pillages des ressources halieutiques, hub utilisé par des <a href="https://www.cairn.info/clipperton-les-restes-de-la-passion--9791095177180-page-51.htm">narcotrafiquants mexicains</a>, carcasses de véhicules militaires… l’île de Clipperton offre aujourd’hui un bien triste visage.</p>
<p>Mais la situation actuelle n’est pas une fatalité, et le moment politique parait opportun pour sensibiliser les responsables politiques à la nécessité de valoriser ce territoire français.</p>
<p>L’Indo-Pacifique étant présenté comme un <a href="https://www.senat.fr/rap/r22-285/r22-285_mono.html">enjeu prioritaire</a> de la présidence Macron, une « fenêtre de tir » unique s’ouvre pour encourager nos politiques à créer un statut spécifique pour Clipperton en vue d’une implantation permanente. Structure à vocation scientifique, cette future plate-forme pourra bénéficier de l’expérience logistique accumulée dans les <a href="https://taaf.fr/">terres australes et antarctiques françaises</a> depuis plusieurs décennies et de la participation de militaires français aguerris à ce type de mission.</p>
<p>Les conditions sont réunies pour enfin valoriser l’île de la Passion-Clipperton. Ce petit territoire du bout du monde deviendrait ainsi un point cardinal de la stratégie Indo-Pacifique française.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203002/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paco Milhiet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Île perdue dans l’océan Pacifique à plus de 1 000 kilomètres au large du Mexique, la Passion-Clipperton offre à la France des ressources maritimes stratégiques considérables.Paco Milhiet, Docteur en géopolitique de l'institut catholique de Paris et de l'université de la Polynésie française, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1904782022-10-09T15:05:39Z2022-10-09T15:05:39ZAu Mexique, la course folle à l’habitat social et son échec retentissant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488833/original/file-20221008-57809-7tvd4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C14%2C3150%2C1978&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue d'un nouveau grand développement de logements sociaux bon marché pour les travailleurs à faible revenu à Iztapalapa, une communauté pauvre dans la banlieue de Mexico.
</span> <span class="attribution"><span class="source">D Busquets/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Pour faire face aux besoins de logement de sa population modeste, le Mexique a décidé au début des années 1990 de <a href="https://journals.openedition.org/cal/7434">confier à la promotion immobilière privée la responsabilité de produire massivement une offre d’habitat social</a> en accession à la propriété. Les <em>organismes nationaux de logement</em>, qui étaient auparavant en charge de la production d’habitat social dans le pays, seraient désormais uniquement responsables d’octroyer des prêts hypothécaires aux ménages modestes afin qu’ils puissent acquérir un logement social directement sur le marché.</p>
<p>Véritablement déployée à partir des années 2000, cette politique du logement recommandée par la Banque mondiale aurait permis la construction de quelque dix millions de logements. <a href="https://jorgetaboada.wixsite.com/jorgetaboada/alta-densidad">Des ensembles géants d’habitat social</a> comptant plusieurs milliers, voire dizaines de milliers de très petites maisons individuelles (et parfois de logements collectifs, après 2012), d’une superficie souvent inférieure à 40 m<sup>2</sup>, ont été construits en périphérie des villes, loin des équipements, des services et des zones d’emploi, sur des terrains acquis à faible coût par des promoteurs immobiliers. L’activité de ces derniers s’est vue dopée par ce nouveau marché du logement social.</p>
<p>Si la production massive a concerné l’ensemble du territoire national, elle a été particulièrement intense dans les États situés le long de la frontière avec les États-Unis, ainsi que dans l’aire métropolitaine de Mexico ou celle de Guadalajara, la grande métropole du centre-ouest du pays.</p>
<h2>Logements abandonnés et vandalisés</h2>
<p>Réussite apparente sur le plan quantitatif et soutien indéniable pour l’économie nationale, la construction massive a rapidement montré ses limites. En raison de la mauvaise qualité des logements, de l’insuffisance de services et d’équipements, mais aussi de l’insécurité dans les quartiers (un problème en réalité généralisé au Mexique, bien au-delà des ensembles d’habitat social) et des difficultés économiques rencontrées par les ménages pour rembourser leur prêt et faire face en particulier aux dépenses élevées de transport, les nouveaux quartiers géants d’habitat social sont entrés en crise de façon très précoce.</p>
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<p>La manifestation la plus visible de ces difficultés a été le <a href="https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-47263282">très grand nombre de logements rapidement abandonnés par leurs habitants</a> (qui cessaient de rembourser leur crédit) puis vandalisés, au point d’être souvent réduits à l’état de ruine.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/484636/original/file-20220914-7253-8qtg32.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484636/original/file-20220914-7253-8qtg32.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484636/original/file-20220914-7253-8qtg32.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484636/original/file-20220914-7253-8qtg32.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484636/original/file-20220914-7253-8qtg32.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484636/original/file-20220914-7253-8qtg32.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484636/original/file-20220914-7253-8qtg32.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484636/original/file-20220914-7253-8qtg32.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans l’aire métropolitaine de Tijuana, de très nombreux logements ont a été abandonnés par leurs habitants. Ils sont ensuite, la plupart du temps, vandalisés et laissés à l’état de ruine. Les ménages qui ne peuvent partir doivent cohabiter avec cette réalité difficile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CPV, IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Cette problématique de l’abandon a été mise en lumière de façon implicite par le recensement de 2010 qui a pour la première fois comptabilisé les logements inoccupés. <a href="https://www.researchgate.net/publication/295919643_Lo_que_dicen_las_viviendas_deshabitadas_sobre_el_censo_de_poblacion_2010">Le taux de vacance est apparu important à l’échelle nationale</a> (14 %) mais plus encore pour les communes fortement réceptrices d’habitat social durant les années 2000. Dans ce contexte, l’Institut du fonds national du logement des travailleurs (INFONAVIT), principal organisme public national de logement pourvoyeur de crédits à l’accession au Mexique, s’est retrouvé confronté à un volume d’impayés considérable, véritable menace pour sa santé financière.</p>
<p>Cette situation l’a conduit à mettre en place un dispositif spécifique, celui des <a href="https://www.documentation.ird.fr/hor/fdi:010069656">logements dits « récupérés »</a>. Cela sera la seule véritable intervention émanant d’une institution publique durant les années 2010 afin de tenter d’endiguer la crise des quartiers géants d’habitat social. Une fois revenus dans le giron de cette institution, les logements abandonnés étaient mis aux enchères par lots à un faible coût, puis achetés et réparés par des promoteurs privés ou des opérateurs spécifiques apparus à la faveur de ce nouveau marché du logement « récupéré ». Ils étaient finalement vendus à nouveau à des ménages bénéficiaires de crédits hypothécaires de l’Institut, pour un prix inférieur à celui des logements sociaux neufs. Entre 2015 et 2020, quelque 95 000 unités ont été recommercialisées de la sorte.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484637/original/file-20220914-25-wr740z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484637/original/file-20220914-25-wr740z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484637/original/file-20220914-25-wr740z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484637/original/file-20220914-25-wr740z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484637/original/file-20220914-25-wr740z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484637/original/file-20220914-25-wr740z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484637/original/file-20220914-25-wr740z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans l’État de Basse-Californie, une entreprise d’impact social s’est spécialisée dans le rachat de maisons abandonnées. Elle les répare et les revend ensuite, à un prix inférieur à celui des logements sociaux neufs, à des ménages qui bénéficient en général d’un prêt hypothécaire octroyé par le principal organisme national de logement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CPV, IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Faute d’interventions pour rénover les quartiers d’habitat social en profondeur, le problème est demeuré entier. Il s’est même aggravé car dans le même temps, la <a href="https://www.elfinanciero.com.mx/empresas/aumenta-22-abandono-de-las-viviendas-en-el-pais-durante-la-ultima-decada/">politique de production massive a poursuivi sa course folle</a>, donnant naissance à de nombreux autres quartiers. En raison de l’impact très positif sur l’économie nationale et de l’existence de besoins en logement toujours énormes, il n’était en effet pas question, malgré les problèmes rencontrés, de « stopper le train du logement social », selon l’expression fréquemment utilisée au Mexique.</p>
<p>L’introduction de critères environnementaux dans la production d’habitat social, en particulier l’« hypothèque verte », <a href="https://www.omicsonline.org/open-access/the-mexican-experience-in-the-social-housing-sector-and-programs-for-green-housing-2168-9717.1000124.php?aid=26585">ce crédit à l’accession destiné à financer l’acquisition d’un logement doté d’éco-technologies</a>, n’a rien changé. Elle a en tout cas valu au Mexique d’être récompensé au plan international pour la contribution de son modèle de logement social au développement durable et à la lutte contre le changement climatique…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484638/original/file-20220914-18-k77uy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484638/original/file-20220914-18-k77uy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484638/original/file-20220914-18-k77uy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484638/original/file-20220914-18-k77uy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484638/original/file-20220914-18-k77uy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484638/original/file-20220914-18-k77uy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484638/original/file-20220914-18-k77uy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Depuis 2012, les logements sociaux neufs sont tous dotés de chauffe-eau solaires permettant à leurs habitants de faire des économies d’énergie. Sur le terrain, l’impact de cette mesure est toutefois très mitigé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CPV, IRD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>La fin implicite du modèle de production massive d’habitat social</h2>
<p>À partir de 2020, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/12/au-mexique-le-changement-de-regime-d-amlo_5434844_3210.html">Andres Manuel Lopez Obrador</a>, le nouveau président de gauche élu au 2018 a engagé une réorientation majeure de la politique nationale du logement en redonnant une place à la production de l’habitat par les ménages eux-mêmes (l’auto-construction ou auto-production de l’habitat), <a href="https://uneseuleplanete.org/L-039-habitat-participatif-en-Amerique-du-Sud">solution traditionnellement mise en œuvre en Amérique latine par les classes populaires pour accéder au logement</a>.</p>
<p>Les prêts hypothécaires octroyés par l’INFONAVIT (300 000 à 500 000 par an au cours des deux dernières décennies), jusqu’alors destinés à l’acquisition d’un logement social livré clé en main par un promoteur privé, peuvent désormais être employés pour financer des projets d’auto-construction/production de logement.</p>
<p><a href="https://mexiconewsdaily.com/news/housing-restoration-project-has-ambitious-goal-175000-units-in-four-years/">Le modèle de récupération et revente de logements abandonnés</a> a également été reformulé. Les logements abandonnés ne seront plus cédés à des acteurs privés mais demeureront propriété de l’INFONAVIT jusqu’à leur revente, une fois réparés. Des projets de rénovation urbaine intégrale seront par ailleurs mis en œuvre dans certains quartiers prioritaires.</p>
<p>Des interventions sont également prévues, en concertation avec les habitants, en faveur des espaces publics, des équipements et services, ainsi que pour mieux intégrer les quartiers à la ville. Enfin, si l’INFONAVIT reste aux commandes, d’autres acteurs seront désormais impliqués : au plan national, le ministère du Développement agraire, territorial et urbain <a href="https://www.gob.mx/sedatu/que-hacemos">(SEDATU)</a> et à l’échelle locale, les gouvernements locaux (en particulier au niveau municipal), jusqu’à présent oubliés dans le modèle de récupération des logements. Le secteur privé n’est évidemment pas en reste : dans chaque périmètre d’intervention, l’INFONAVIT a prévu de s’associer avec un promoteur privé afin de réparer et commercialiser les logements abandonnés, ainsi que d’exécuter les interventions urbaines prévues dans le master plan.</p>
<h2>De l’abandon des logements à leur occupation irrégulière</h2>
<p>Dix ans après le début de prise de conscience du problème, la problématique des quartiers d’habitat social a toutefois évolué. Bon nombre de logements abandonnés par leurs propriétaires sont désormais <a href="https://www.proceso.com.mx/reportajes/2022/3/21/invasiones-despojos-de-vivienda-efecto-colateral-del-aifa-282865.html">habités de façon irrégulière par des occupants sans droits ni titre</a>. Ceux-ci sont le plus souvent des familles dans le besoin dont la présence est tolérée, voire encouragée par les habitants eux-mêmes et qui perçoivent alors indûment un loyer pour le logement occupé. On peut également trouver des migrants au projet d’entrée aux États-Unis contrarié, ou bien encore des individus liés au crime organisé (qui gangrène le pays) qui utilisent les logements inoccupés pour <a href="https://www.proceso.com.mx/nacional/2018/8/11/en-tlajomulco-aparecen-mas-narcofosas-encuentran-los-restos-de-cinco-personas-210277.html">abriter des activités illicites ou criminelles</a>.</p>
<p>Cette nouvelle réalité des quartiers d’habitat social risque fort de compromettre les interventions prévues dans le cadre de la nouvelle stratégie d’INFONAVIT, toujours très centrée sur la problématique des logements abandonnés : afin de récupérer ces derniers pour les réparer et les revendre, il va en effet falloir, dans un premier temps, résoudre la question épineuse de leurs occupants irréguliers (particulièrement sensible pour le gouvernement d’Andrés Manuel Lopez Obrador, le président qui s’est appuyé sur le vote des classes populaires). Beaucoup des ménages pauvres et travailleurs du secteur informel qui vivent illégalement dans les logements expriment le souhait de les acquérir. Ils n’ont cependant ni les moyens ni la possibilité d’accéder aux crédits proposés par les organismes nationaux de logement, réservés pour l’instant essentiellement aux salariés.</p>
<p>En réalité, les autorités mexicaines se retrouvent aujourd’hui confrontées dans les ensembles géants d’habitat social à un défi qu’elles connaissent bien, et de longue date : celui de la <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1991_num_51_1_1598">régularisation de la propriété dans les quartiers d’urbanisation informelle et irrégulière</a>, à l’origine de la majeure partie des espaces urbains actuels au Mexique. La problématique est d’autant plus semblable que bon nombre de quartiers géants d’habitat social reliés en théorie aux réseaux d’eau et d’électricité et dotés en principe d’équipements et d’espaces publics <a href="https://www.latimes.com/projects/la-me-mexico-housing/">souffrent en réalité de carences aiguës et multiples</a> dans ces domaines.</p>
<p>Présentée à l’origine comme la seule option viable pour permettre de loger le plus grand nombre et en finir avec l’urbanisation irrégulière et ses multiples maux, la politique d’habitat social a donc apporté au Mexique autant de problèmes que de solutions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Paquette Vassalli coordonne actuellement le volet Mexique d’un projet de recherche et de coopération technique sur les grands quartiers d’habitat social dégradés au Mexique et au Chili, financé par le Fonds de coopération Chili Mexique et destiné au Mexique au Ministère du développement territorial, agraire et urbain (SEDATU). Le projet vise à assurer une meilleure compréhension de la problématique afin d’améliorer les interventions de rénovation.</span></em></p>La politique d’habitat social lancée au début des années 1990 au Mexique semble avoir apporté autant de problèmes que de solutions.Catherine Paquette Vassalli, Chercheur, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1810872022-05-01T16:45:53Z2022-05-01T16:45:53ZLe trafic d’armes, pierre angulaire de la criminalité au Mexique<p>Andrés Manuel López Obrador (gauche) a été <a href="https://www.france24.com/fr/20180628-mexique-amlo-andres-manuel-lopez-obrador-gauche-favori-presidentielle-morena">élu président du Mexique en 2018</a> à l’issue d’une campagne au cours de laquelle il avait promis à ses concitoyens de réduire significativement la <a href="http://www.scielo.org.co/scielo.php?script=sci_abstract&pid=S0121-51672019000100286&lng=en&nrm=iso&tlng=es">corruption, l’impunité et l’insécurité</a>. Des thèmes correspondant aux préoccupations des Mexicains : en septembre 2017, un sondage avait montré que <a href="https://www.pewresearch.org/global/2017/09/14/mexicans-are-downbeat-about-their-countrys-direction/">84 % d’entre eux considéraient</a> que la criminalité et la corruption étaient les principaux problèmes du pays.</p>
<p>L’une des principales stratégies de lutte contre la corruption et le crime a été résumée dans une phrase fameuse du film <a href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=3690.html"><em>Les Hommes du président</em></a> (1976) (consacré à l’affaire du Watergate), invitant à cesser de se concentrer sur les personnes impliquées en bout de chaîne et, plutôt, à suivre la piste de l’argent : « Follow the money ». Ce phénomène a été étudié dans de nombreux travaux, notamment consacrés aux <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-richesse-cachee-des-nations-gabriel-zucman/9782021375688">paradis fiscaux</a>.</p>
<p>S’inspirant de ce principe, la présente contribution se propose, pour mieux comprendre le <a href="https://urbanviolence.org/the-micro-geopolitics-of-organised-crime/">phénomène de la criminalité au Mexique</a>, de ne pas suivre la piste des criminels, mais des armes, puisque la quantité d’armes en circulation est directement liée à celle des homicides et autres crimes. Dans les faits, il y a plus d’homicides de civils au <a href="http://www.pbs.org/wgbh/frontline/article/the-staggering-death-toll-of-mexicos-drug-war/">Mexique qu’en Afghanistan ou en Irak</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Mexique : fusils d’assaut et véhicules blindés, la démonstration de force d’un puissant cartel – Le Parisien.</span></figcaption>
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<h2>L’afflux d’armes achetées aux États-Unis</h2>
<p>En 2010, le Mexique a <a href="http://armsglobe.chromeexperiments.com/">dépensé</a> 47 878 654 USD pour importer des armes à feu militaires, civiles et munitions, dont plus de <a href="https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/16805">50 % provenaient des États-Unis (67 % des munitions)</a>. Cela représentait 0,45 % du PIB et, en 2020, le pourcentage passe à près de <a href="https://datos.bancomundial.org/indicador/MS.MIL.XPND.GD.ZS?end=2020&locations=MX&start=2000&view=chart">0,57 %</a>.</p>
<p>Cependant, il existe tout un marché invisible, facilité par les politiques étatsuniennes. Les États-Unis sont les <a href="https://www.sipri.org/media/press-release/2020/new-sipri-data-reveals-scale-chinese-arms-industry">plus grands producteurs d’armes au monde</a>, et le port d’armes y est <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2021/09/13/key-facts-about-americans-and-guns/">considéré comme un droit constitutionnel</a>. À l’inverse, le Mexique a des politiques prohibitives sur le port d’armes. Or, il existe une concentration de <a href="https://www.mcclatchydc.com/news/nation-world/world/article24726304.html">magasins d’armes</a> dans les <a href="http://fileserver.idpc.net/library/Informe%20de%20pol%C3%83%C2%ADtica%20del%20IDPC%20Mexico.pdf">États du sud des États-Unis qui bordent le Mexique</a>, bien que de récentes études montrent que ce n’est pas « toute la frontière » qui est concernée, mais plutôt certains <a href="https://www.animalpolitico.com/el-blog-de-causa-en-comun/la-venta-de-armas-en-la-frontera-sur-de-los-eu/"><em>hotspots</em> d’armes</a>. Une proportion importante des armureries étatsuniennes <a href="https://academic.oup.com/joeg/article-abstract/15/2/297/929819">dépend</a> de la demande croissante en provenance du Mexique, et 14 % des armes destinées à entrer illégalement au Mexique sont interceptées par les autorités des deux pays (12 % par les Mexicains et 2 % par les États-Uniens). En d’autres termes, le contrôle des armes à la frontière est totalement inefficace, aussi bien du côté mexicain qu’étatsunien.</p>
<p>L’une des explications de cette inefficacité tient probablement au fait que les deux gouvernements ont élaboré en 2009 une stratégie secrète appelée <a href="https://www.washingtonpost.com/investigations/us-anti-gunrunning-effort-turns-fatally-wrong/2011/07/14/gIQAH5d6YI_story.html">« Fast and furious »</a> visant à arrêter les trafiquants de drogue. Des traceurs avaient été intégrés à cette fin aux armes illégales que les trafiquants achetaient aux États-Unis et avec lesquelles ils traversaient la frontière. Le président mexicain Felipe Calderón (droite, 2006-2012) a ainsi accepté que ces armes à feu entrent au Mexique – et y fassent donc des victimes –, estimant que cela permettrait d’arrêter un certain nombre de narcotrafiquants.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le Mexique inculpe sept personnes dans le cadre de la stratégie « Fast and furious » (Fox 10 Phoenix).</span></figcaption>
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<p>Depuis le <a href="https://www.theguardian.com/news/2016/dec/08/mexico-war-on-drugs-cost-achievements-us-billions">début de la « guerre contre la drogue »</a> en 2007, les groupes trafiquants sont devenus plus violents, se sont multipliés et ont commencé à obtenir des revenus d’autres activités, si bien qu’ils ont pu être qualifiés de <a href="https://www.redalyc.org/pdf/767/76746670008.pdf">« criminels géopolitiques »</a>. Comme l’indique un <a href="https://ioangrillo.substack.com/p/who-is-really-killing-mexican-journalists?s=r">spécialiste de la criminalité organisée au Mexique</a>, les cartels se sont depuis longtemps transformés en réseaux d’affaires organisant de multiples types d’escroqueries : des fraudes financières (blanchiment d’argent ou utilisation de paradis fiscaux) au trafic de personnes (migrants), en passant par le vol de pétrole, l’extorsion de mines d’or, le très rentable trafic de médicaments ou encore, évidemment, le trafic d’armes de gros calibre.</p>
<p>La frontière entre les États-Unis et le Mexique est poreuse pour tout ce qui va vers le sud et hermétique pour tout ce qui va vers le nord. Il est vrai que les réalités sont extrêmement contrastées en termes de <a href="https://www.amazon.fr/Why-Nations-Fail-Origins-Prosperity/dp/1846684307">confiance dans les institutions</a> ou de salaires (5 dollars par jour dans l’une et 7 dollars par heure dans l’autre).</p>
<h2>Un procès qui pourrait changer la donne</h2>
<p>Si l’on replace ce phénomène dans le contexte d’un État mexicain aux faibles capacités ; d’un système judiciaire <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03503523/document">dysfonctionnel</a> ; d’une société marquée par de <a href="https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/21569">grandes inégalités et des conditions de travail épouvantables</a> ; d’une guerre contre la drogue ratée depuis 2007 ; des décennies de présence criminelle ; et de <a href="https://ioangrillo.substack.com/p/who-is-really-killing-mexican-journalists?s=r">l’incapacité de la société dans son ensemble à faire face à ces problèmes</a>, on constate sans surprise que la situation est conforme à ce que de multiples études ont révélé à l’échelle planétaire : les <a href="https://www.jstor.org/stable/10.5749/j.ctt6wr830">cellules criminelles</a> sont entretenues et reproduites par les jeunes de 16 à 24 ans défavorisés sur le plan socio-économique, <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4057578">et le Mexique ne fait pas exception</a>.</p>
<p>Cependant, depuis son élection en 2018, Andrés Manuel López Obrador n’est pas resté les bras croisés. En août 2021, le gouvernement mexicain, représenté par son ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard, a intenté à Boston un procès aux fabricants d’armes Smith & Wesson, Beretta, Century Arms, Colt, Glock et Ruger, les <a href="https://www.theguardian.com/world/2011/dec/08/us-guns-mexico-drug-cartels">accusant d’être des facilitateurs d’armes pour les cartels mexicains</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1513799583167836164"}"></div></p>
<p>Un <a href="https://www.gob.mx/sre/documentos/nota-informativa-relaciones-exteriores-no-16">document officiel</a> présenté par le Mexique lors de ce procès affirme qu’entre 70 et 90 % des armes découvertes sur les scènes de crime au Mexique ont fait l’objet d’un trafic illégal depuis les États-Unis et que l’industrie étatsunienne « sait comment fabriquer et vendre des armes pour éviter ce commerce illégal », puisque son propre gouvernement lui a recommandé depuis 2001 de contrôler et de superviser la vente d’armes, ce qu’elle a refusé.</p>
<h2>L’indispensable contrôle de l’industrie américaine de l’armement</h2>
<p>Il est clair que le marché de l’armement des États-Unis a <a href="https://igarape.org.br/en/the-way-of-the-gun-estimating-firearms-traffic-across-the-us-mexico-border/">besoin de la demande mexicaine pour survivre</a>. On estime que <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/aug/04/mexico-guns-us-manufacturers-lawsuit">2,5 millions d’armes</a> sont entrées illégalement au Mexique au cours des dix dernières années : le crime organisé mexicain a donc largement contribué à la bonne santé financière de l’industrie étatsunienne des armes pendant cette décennie.</p>
<p>Les deux pays ont évidemment intérêt à ce que leurs citoyens cessent d’être tués par des armes à feu aux mains d’éléments criminels, et donc que ces armes à feu soient nettement plus contrôlées. De fait, <a href="https://edition.cnn.com/2022/02/06/us/mexico-lawsuit-us-gun-manufacturers/index.html">treize États</a> des États-Unis ont soutenu le procès du gouvernement mexicain. Parce qu’elle alimente la violence armée, la politique de commercialisation est selon eux inacceptable, y compris aux États-Unis mêmes.</p>
<p>Réduire ces flux d’armes aurait un impact évident sur le taux d’homicides au Mexique – qui <a href="https://dataunodc.un.org/content/Country-profile ?country=Mexico">atteignait en 2018</a> le scandaleux niveau de 29,1 victimes pour 100 000 habitants –, et aux États-Unis – <a href="https://worldpopulationreview.com/country-rankings/murder-rate-by-country">4,9</a>, parmi le plus élevé des pays du G7. Sans collaboration, aucune politique publique ne pourra réduire efficacement la violence, les inégalités et la criminalité dans ces deux pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181087/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jaime Aragon Falomir ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La circulation non contrôlée d’armes à feu, en provenance essentiellement des États-Unis, fait du Mexique un des pays comptant le plus d’homicides volontaires au monde. Comment y remédier ?Jaime Aragon Falomir, Maître de conférences en civilisation latino-américaine, Université des AntillesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789172022-03-16T21:02:31Z2022-03-16T21:02:31ZPays émergents : l’économie informelle, un avantage concurrentiel pour les exportateurs<p>La crise sanitaire a provoqué une réduction drastique du commerce international. Cependant, à y regarder de plus près, l’ampleur de cette réduction n’a pas été la même pour les pays avancés (-22 % entre janvier et avril 2020) et les émergents (-7 % sur la même période). Cette résilience des exportations des pays émergents face à la crise sanitaire s’inscrit dans une tendance plus large qui voit, au cours des années 2010, la croissance de leurs exportations rattraper puis dépasser celle des pays avancés.</p>
<p>Cette dynamique des exportations des pays émergents pourrait s’expliquer en partie par le rôle joué par l’économie informelle, qui leur confère un <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s42214-020-00059-5">avantage concurrentiel</a>.</p>
<p>L’économie informelle est composée d’entreprises non enregistrées auprès des autorités et de travailleurs sans contrat de travail. La production légale de biens et de services, cachée aux pouvoirs publics pour des raisons monétaires, réglementaires ou institutionnelles, participerait ainsi à la construction de l’avantage concurrentiel de certains exportateurs émergents.</p>
<p><iframe id="1rcV8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1rcV8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Selon les dernières estimations du Bureau international du travail (BIT), l’économie informelle pèse significativement au niveau mondial : environ un tiers de la production de richesses et plus de deux tiers de l’emploi. Dans certains pays émergents, en Afrique subsaharienne notamment, les chiffres sont plus élevés ; l’économie informelle représentant <a href="https://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_626831/lang--en/index.htm">62 % du PIB officiel</a> et l’emploi informel 90 % de l’emploi total.</p>
<p>L’étude empirique que nous avons menée auprès d’une population de plusieurs milliers d’entreprises mexicaines, récemment publiée dans la revue <a href="https://doi.org/10.1093/icc/dtab068"><em>Industrial and Corporate Change</em></a>, confirme l’influence de l’économie informelle sur les performances à l’export.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1140411828616552448"}"></div></p>
<p>Le Mexique est relativement représentatif du phénomène, puisque c’est le principal <a href="https://wits.worldbank.org/CountryProfile/en/Compare/country/MEX/indicator/XPRT-TRD-VL/partner/WLD/product/Total/country/ATG;ARG;ABW;BHS;BRB;CRI;CUB;DMA;DOM;SLV;GRD;GTM;GUY;HND;NIC;PAN;KNA;VCT;SUR;TCA;URY;VEN;LCA;BLZ;PRY;BOL;JAM;TTO;ECU;PER;COL;CHL;BRA;/show/line">exportateur</a> d’Amérique latine, mais également un pays dans lequel plus de <a href="https://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_626831/lang--en/index.htm">50 % des travailleurs</a> opèrent de manière informelle.</p>
<h2>Coût et flexibilité</h2>
<p>Nos résultats montrent que plus les entreprises formelles s’approvisionnent auprès d’industries dans lesquelles le niveau d’informalité est élevé, plus elles sont susceptibles d’exporter et de générer des volumes d’export élevés. De fait, lorsqu’elles s’approvisionnent auprès de l’économie informelle, les entreprises formelles peuvent bénéficier d’un avantage concurrentiel en termes de coût et de flexibilité, et cela en activant plusieurs <a href="https://www.wiego.org/sites/default/files/publications/files/Chen_WIEGO_WP1.pdf">mécanismes</a>.</p>
<p>Premièrement, les entreprises formelles peuvent tirer un avantage direct dans leur coût de production des économies réalisées en s’approvisionnant auprès d’entreprises informelles, qui ne payent pas (ou peu) d’impôts et de charges sociales.</p>
<p>Deuxièmement, les entreprises formelles peuvent imposer leurs conditions tarifaires aux fournisseurs informels, du fait d’un pouvoir de négociation supérieur ; les fournisseurs informels dépendant souvent d’un seul client.</p>
<p>Troisièmement, la pression à la baisse des prix engendrée par la concurrence entre les nombreuses entreprises informelles contraint les fournisseurs formels des mêmes industries à baisser leurs prix. Cela peut même conduire ces derniers à recruter des travailleurs informels pour rester compétitifs face aux fournisseurs informels.</p>
<p>Quatrièmement, les transactions avec les fournisseurs de l’économie informelle sont moins coûteuses et plus flexibles, du fait de l’absence de contrats.</p>
<p>Cinquièmement, le recours à des fournisseurs informels permet une plus grande flexibilité en termes de volume de production ; ceux-ci ayant une plus grande facilité à accroître le nombre d’heures de travail de leurs employés ou à recruter de nouveaux employés pour faire face à une demande accrue et soudaine.</p>
<h2>Pressions réglementaires</h2>
<p>Ces mécanismes et les gains en termes de coût et de flexibilité liés au recours à l’économie informelle ont été documentés dans la plupart des pays émergents et pour plusieurs secteurs d’exportation. Il s’agit par exemple des secteurs des <a href="https://www.wiego.org/publications/chains-production-ladders-protection-social-protection-workers-informal-economy">fruits</a> au Chili et en Afrique du Sud, du <a href="https://doi.org/10.1093/jeg/lbab018">cuir</a> au Kenya, des <a href="https://doi.org/10.1017/9781316217382.016">téléphones portables</a> en Chine et en Inde, des <a href="https://www.wiego.org/publications/chains-production-ladders-protection-social-protection-workers-informal-economy">vêtements</a> en Thaïlande et aux Philippines, des <a href="https://doi.org/10.1111/j.1467-7660.2012.01798.x">ballons de football</a> et articles de sport en Chine, en Inde et au Pakistan.</p>
<p>Toutefois, au Mexique comme dans les autres pays émergents, dans un contexte international où les réglementations commerciales intègrent de plus en plus les dimensions sociales et environnementales, les exportateurs des pays émergents sont soumis à une pression accrue des organisations non gouvernementales, des clients, des régulateurs et des gouvernements, des pays avancés notamment.</p>
<p>Les exportations sont désormais souvent conditionnées au respect du droit du travail et à des mécanismes rigoureux de traçabilité de non-recours à l’économie informelle dans les pays d’origine des exportateurs. Cela modifie la relation économique entre les économies formelle et informelle dans ces pays et conduit progressivement à une réorganisation des chaînes de valeur mondiales, avec des conséquences pour les acteurs économiques des pays émergents, notamment les plus vulnérables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude sur le Mexique, plus les entreprises s’approvisionnent auprès d’industries dans lesquelles le niveau d’informalité est élevé, plus elles atteignent des volumes d’export élevés.Olivier Lamotte, Professeur en économie et stratégie internationales - Professor of international economics and strategy, EM NormandieAna Colovic, Professeur de stratégie et de management international/ Professor of Strategy and International Business, Neoma Business SchoolOctavio Escobar, Professor of Economics, EM NormandiePierre-Xavier Meschi, Professeur des Universités, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1709032021-11-21T16:51:11Z2021-11-21T16:51:11ZMexique : Christophe Colomb est mort, vive la jeune femme d’Amayac !<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Aujourd’hui, l’emplacement de la statue est occupé par une figure féminine, poing en l’air, érigée par les collectifs féministes et baptisée l’<em>Antimonumenta</em>. Le piédestal est entouré de plaques de protection sur lesquelles sont inscrits des centaines de noms de femmes assassinées ou de mères dont les enfants ont disparu. Ici les mères des victimes du massacre d’Ayotzinapa, en 2014, qui a coûté la vie à 43 étudiants..</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Exbalin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mexico, 12 octobre 2021. Le monument à Christophe Colomb, retiré de son socle il y a un an, sera <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/tanguy-pastureau-maltraite-l-info/tanguy-pastureau-maltraite-l-info-du-mercredi-08-septembre-2021">remplacé</a> par une reproduction d’une statue d’origine olmèque, la Joven de Amayac. Cette annonce de la maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, qui appartient au même parti (<a href="https://www.iris-france.org/153789-avec-le-mouvement-de-renovation-nationale-morena-le-mexique-perpetue-la-pinata-politique%E2%80%AF/">Morena</a> gauche) que le président du pays, Andrés Manuel López Obrador, a déchaîné les opinions contradictoires, suscité des réactions hostiles de la part de l’opposition et divisé la communauté des historiens.</p>
<p>Lue dans un premier temps par les médias comme une manifestation du tournant iconoclaste de l’été 2020 à la suite du mouvement nord-américain Black Lives Matter, la nouvelle exige d’être appréhendée dans son contexte national et replacée dans une séquence plus longue. Au Mexique, le monument à Colomb n’a, à vrai dire, jamais fait l’unanimité et il est régulièrement contesté, au moins depuis la fin des années 1980.</p>
<p>La Joven de Amayac est une statue découverte il y a un an par des paysans de la Huastèque dans la région de Veracruz. Avec ses mains jointes sur le ventre, elle représente la déesse Teem de la fertilité et de la terre, à moins qu’elle n’incarne avec sa coiffe, son collier et ses boucles d’oreille, une jeune gouvernante de l’élite locale de la fin du XV<sup>e</sup> siècle. La statue est actuellement présentée au Musée d’Anthropologie et d’Histoire de Mexico pour l’exposition <a href="https://www.gob.mx/cultura/prensa/abre-al-publico-la-exposicion-dual-la-grandeza-de-mexico?idiom=es"><em>La grandeza de México</em></a>. Une reproduction de grande taille (six mètres de hauteur) remplacera le monument à Colomb.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Joven de Amayac.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Exbalin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un monument à Colomb ou à la colonisation ?</h2>
<p>Le monument à Colomb est situé sur l’axe le plus emblématique de la capitale mexicaine. Le paseo de Reforma est une grande avenue qui va du Centre historique au bois de Chapultepec, résidence de Maximilien d’Autriche lorsqu’il fut porté au pouvoir en 1862 après l’invasion française et qui planifia le tracé de cette promenade de prestige. <em>Reforma</em> concentre aujourd’hui le pouvoir économique, politique et symbolique du pays.</p>
<p>Entre 1870 et 1900, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Porfirio_D%C3%ADaz">Porfirio Diaz</a> mena une politique active d’édification de statues à la gloire de la nation mexicaine, une politique édilitaire dont on retrouve des équivalents à la même époque au Chili sous Manuel Bulnes, au Guatemala sous José María Reyna Barrios mais aussi en Espagne ou en France sous la III<sup>e</sup> République. Le monument à Colomb de Mexico s’inscrit donc dans un ensemble monumental dont la composition n’a cessé d’évoluer depuis sa création au gré des régimes politiques et mémoriels.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ce plan de la ville est traversé par le Paseo de la Reforma : la retonde du monument à Colomb de 1877 (n° 6) jouxte le monument à Cuauhtémoc de 1887 (n° 5) et la retonde au Caballito (n° 7) où la statue équestre de Charles IV d’Espagne demeura de 1852 à 1977. Références à la monarchie espagnole et au passé préhispanique se mêlaient jusqu’à une date récente sur cette avenue monumentale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INEGI 2015/Google maps</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La statue de Colomb, en bronze, mesure près de quatre mètres de hauteur et repose sur un piédestal de trois mètres. Le « découvreur de l’Amérique » est représenté en pied, sans arme ni armure, le regard et une main tendus vers l’horizon, l’autre main découvrant le voile qui drape un planisphère centré sur l’Amérique. La statue surmonte un groupe de quatre autres statues situées sur un plan inférieur et en position assise. Le monument a donc été conçu comme un dialogue entre ces cinq personnages.</p>
<p>Pedro Gante (1478-1572) fut l’un des treize franciscains débarqués en 1523 dans le Mexique tout juste conquis par Cortés, missionnaire, traducteur inlassable des langues indigènes et auteur de catéchismes en images destinés à évangéliser ceux que l’on appelait alors les Naturels. Bartolomé de Las Casas (1484-1566), plus connu, dominicain, fut d’abord <em>encomendero</em> (propriétaire d’Indiens) à Cuba puis évêque du Chiapas et grand protecteur des Indiens. Diego de Dieza (1443-1523), lui aussi frère dominicain, fut le confesseur et chapelain des Rois Catholiques avant d’être nommé archevêque et Grand Inquisiteur de Castille. S’il n’a jamais foulé le Nouveau Monde, il fut le plus sûr soutien de Colomb auprès d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon. Enfin, Juan Pérez, franciscain du Couvent de la Rabida en Andalousie où Colomb prit asile avec son fils en 1484, accompagna le navigateur génois lors de son premier voyage.</p>
<p>L’ensemble monumental n’est pas uniquement centré sur le moment de la Découverte ; il inclut également ce qui suit : la conquête « légitime » des terres nouvelles au nom de Dieu et du monarque espagnol, l’évangélisation des natifs et la colonisation.</p>
<p>Éléments de décoration, gestuelle, position des corps et accessoires participent au sein de cet ensemble à un discours politique alors en vogue parmi les élites conservatrices hispanophiles qui plaçaient clairement la nation mexicaine dans la lignée des découvreurs, des conquistadors et des frères évangélisateurs. Ce monument fut pourtant moins le fruit d’une politique nationale que l’œuvre d’un homme d’affaires mexicain alors exilé en France…</p>
<h2>La naissance du Colomb mexicain</h2>
<p>Son nom apparaît comme donateur en bas de la dédicace en latin apposée sur une plaque en bronze. C’est une consécration. Antonio Escandón (1825-1877) est un magnat de l’industrie du chemin de fer. Il fit fortune, devint banquier, acquit la concession de la ligne ferroviaire entre Veracruz et Mexico et se lia, grâce à un mariage opportuniste, à la noblesse de l’ancien régime colonial. Compromis avec le régime de Maximilien, il dut s’exiler en France en 1867, à l’avènement du gouvernement libéral de Benito Juarez. Il entra en grâce sous le premier gouvernement de Porfirio Diaz, qui l’impliqua personnellement dans l’érection du monument.</p>
<p>Le magnat et le président passèrent un contrat : une donation de 60 000 pesos contre la concession d’une nouvelle ligne ferroviaire. Escandón joua un rôle déterminant non seulement dans le financement, mais aussi dans les choix esthétiques et idéologiques du monument. C’est lui qui imposa les quatre statues des religieux au détriment des figures allégoriques des quatre océans initialement prévues. C’est également lui qui décida de confier l’exécution de l’œuvre à un sculpteur français, <a href="https://galerietourbillon.com/biographie-charles-cordier/">Charles Cordier</a>.</p>
<p>Le groupe de statues fut donc fondu à Paris, le corps principal et le piédestal sculptés dans du marbre des Vosges et l’ensemble convoyé en bateau jusqu’à Veracruz en décembre 1875. Le convoi est interrompu à plusieurs reprises par des révoltes indiennes dont on craint qu’ils s’en prennent à la statue. Le Colomb de Cordier met près de 18 mois pour arriver jusqu’à Mexico !</p>
<p>Lorsque le monument fut inauguré en août 1877 en présence de Porfirio Diaz, Antonio Escandón venait de décéder à Paris. Dans le milieu artistique mexicain et les gazettes de l’époque, les réactions au monument furent globalement hostiles : manque d’harmonie dans les formats (les religieux avaient une place démesurée), problèmes de proportions, accusations de plagiat du sculpteur français à partir de modèles conçus au Mexique, etc. Dans la presse, les journalistes fustigeaient une œuvre réalisée par un étranger et l’influence culturelle de la France sur le Porfiriat. Mais durant un siècle, le monument demeura intact, trônant sur la plus belle avenue du Mexique et, chose remarquable, il ne fut jamais inquiété pendant la <a href="https://www.herodote.net/20_novembre_1910-evenement-19101120.php">Révolution mexicaine</a> de 1910.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le 12 octobre 1892, pour le IVᵉ centenaire de la Découverte, Porfirio Diaz inaugurait un autre monument à Colomb situé en face de la gare ferroviaire de Buenavista. Cette statue toujours sur pied, n’a pas été attaquée, ni remise en cause dans l’actualité, du fait de sa situation excentrée et peut-être aussi parce que, contrairement à celle de Reforma, elle n’est pas entourée de personnages liés à la conquête. Photographie de la fin du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Collection Villasana-Torres</span></span>
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<h2>Le monument contesté</h2>
<p>Depuis 1928, le 12 octobre, <a href="https://www.persee.fr/doc/mat_0769-3206_1992_num_27_1_410625">Día de la Raza</a>, est au Mexique un jour férié qui célèbre l’arrivée de Colomb et la fusion des races indienne et européenne.</p>
<p>Le 12 octobre 1989, le jour de la Race, des membres de Coordinadora Nacional de Pueblos Indios (CNPI), qui regroupe des communautés indiennes, manifestent et défilent jusqu’au Zocalo (la Place centrale) où, dans une annonce officielle, ils déclinent l’invitation faite par le président Carlos Salinas de Gortari (1988-1994) à participer aux futures commémorations de la Découverte prévues en 1992. Sur le parcours, le délégué politique de la CNPI passe le cordon policier qui protégeait l’édifice, dérobe une gerbe de fleurs déposée en l’honneur du découvreur pour l’offrir à la statue de Cuauhtémoc située sur la même avenue à 200 mètres de là. Cuauhtémoc fut l’empereur qui assura la défense de Mexico pendant le siège de Tenochtitlan en 1521 et dont la statue fut érigée en 1887.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le corps principal du monument à Colomb est occupé par quatre autres statues, on voit ici Gante et Las Casas. Sur cette photographie, le monument a été fleuri à l’occasion du Jour de la Race, le 12 octobre 1989. Au premier plan, un jeune homme en béquilles dérobe ostensiblement une couronne de fleurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives photographiques de El Universal</span></span>
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<p>Un an plus tard, toujours un 12 octobre, même scénario : cette fois, les gerbes de fleurs furent brûlées. En 1992, lors des <a href="https://www.persee.fr/doc/carav_1147-6753_1992_num_58_1_2492">commémorations du Vᵉ centenaire de la Découverte</a>, des manifestations contre le jour de la Race éclosent en Bolivie, au Chili, au Costa Rica, au Honduras, au Guatemala, etc. <a href="https://www.nytimes.com/1992/10/13/world/indians-in-protest-against-columbus.html">À Mexico</a>, près de 25 000 contre-manifestants partis depuis la Place des Trois Cultures, des groupes d’étudiants, des activistes anarchistes, des organisations indigènes communautaires et des partisans du Parti écologique accrochent à la statue de Colomb un drap blanc sur lequel on pouvait lire : « V<sup>e</sup> centenaire des massacres d’Indiens » et bariolent le monument de graffitis : « Répudiation du conquistador/Respect aux Indiens/Christophe Colomb au poteau d’exécution/Le Mexique ne célèbre pas, il est en deuil/500 ans de résistance indigène ». Les dirigeants du Parti écologique rédigent une demande officielle au gouvernement de la ville pour faire enlever la statue.</p>
<p>Le monument à Colomb de Reforma fut par la suite la cible régulière de dégradations successives commises par des altermondialistes, néo-zapatistes, membres des confréries de danseurs néo-aztèques. En 1994, des manifestants tentèrent à l’aide de cordes d’abattre la statue, en vain : elle était trop lourde.</p>
<p>C’est dans le contexte nouveau d’émergence de groupes féministes en août 2019 que le monument est à nouveau graffé. Les activistes dénoncent le sexisme structurel et les viols commis par les Européens sur les jeunes femmes indigènes depuis la découverte qu’incarne Colomb. La statue est retirée en octobre 2020, officiellement pour restauration, officieusement pour la préserver d’une destruction prochaine annoncée par le mouvement « Nous allons le faire tomber ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 1992, pour le Vᵉ centenaire de la Découverte, des étudiants montent sur la statue de Colomb pour y fixer une banderole, « Vᵉ centenaire des massacres d’Indiens ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives El Universal</span></span>
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<p>Ces attaques doivent être lues comme des tentatives de réécriture de l’histoire officielle. Les spécialistes de l’histoire de l’iconoclasme, d’<a href="https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1994_num_211_4_10283">Olivier Christin</a> à <a href="https://journals.openedition.org/rh19/7257">Emmanuel Fureix</a> en passant par <a href="https://www.unige.ch/lejournal/numeros/125/article4/">Dario Gamboni</a>, ont montré que ces moments destructeurs correspondaient à des transformations politiques majeures de l’histoire de l’humanité : la Réforme au XVI<sup>e</sup> siècle, la Révolution française ou la chute des régimes communistes qui ont vu des milliers de statues brisées.</p>
<h2>Les réécritures de l’histoire mexicaine en 2021</h2>
<p>Le retrait de la statue de Colomb et des quatre religieux doit finalement être replacé dans le <a href="https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2021-10-12/le-mexique-reactive-l-indigenisme-d-etat-pour-effacer-toute-trace-de-colomb.php">mandat d’Andrés Manuel López Obrador</a>. Le président du Mexique est l’héritier d’une certaine conception de l’histoire nationale dont les programmes scolaires, les politiques mémorielles et patrimoniales puisent dans l’<a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1961_num_26_5_6155">indigénisme</a> des années 1950-1960 : valoriser le passé indigène – quitte à l’embellir et à l’instrumentaliser – et minimiser les apports de la culture européenne trop longtemps survalorisée dans la construction nationale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alvarado était un capitaine de Hernan Cortés. L’Avenue du Pont d’Alvarado, en référence à un épisode de la Conquête, a été débaptisée et renommée Avenue Mexico-Tenochtitlan en septembre 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Exbalin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le retrait du monument à Colomb n’est qu’une action parmi d’autres qui forment un véritable <a href="https://historia21.org/">programme de commémoration-décommémoration</a>.</p>
<p>Le jour de la Race a été transformé en journée de la Nation Pluriculturelle ; l’Arbre de la Nuit triste sous lequel Cortés aurait pleuré la perte de ses soldats face à la vigueur d’une attaque aztèque en 1520 a été rebaptisé Arbre de la Nuit Victorieuse ; la station de métro de la place centrale où se trouvent la cathédrale, le Palais présidentiel et le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Templo_Mayor">Templo mayor</a> s’appelle désormais Zocalo-Tenochtitlan. Parmi les 15 dates retenues par le gouvernement pour les commémorations du bicentenaire de l’Indépendance en 2021, seront célébrés les sept siècles de fondation de Tenochtitlan et les cinq cents ans de « résistance indigène », un slogan porté par les contre-manifestants de 1992.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Buenos Aires, la statue de Colomb qui se trouvait en face du palais présidentiel et qui avait été offerte par la communauté italienne à la Ville en 1921 a été retirée en 2013 sous le gouvernement de Cristina Kirchner et remplacée par la statue d’une guérillera des guerres d’indépendance, Juana Azurduy, originaire de Sucre (Bolivie), don du gouvernement bolivien d’Evo Morales.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Contrairement à nombre de statues de Colomb détruites aux quatre coins du continent pendant l’été 2020, le monument de Mexico survivra. Une fois « restaurée », la statue sera replacée dans le <a href="https://www.forbes.com.mx/confirmado-estatua-de-colon-sera-reubicada-en-el-parque-america-en-polanco/">Parc de l’Amérique à Polanco</a> l’un des quartiers les plus riches, les plus blancs et les plus cosmopolites de la capitale. Y sera-t-elle davantage en sécurité ? Sera-t-elle défendue par le voisinage ? Affaire à suivre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Exbalin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse du déboulonnement du monument à Christophe Colomb, qui trônait en plein cœur de Mexico depuis 1877, et de son remplacement par une statue plus « locale ».Arnaud Exbalin, Maître de conférence, histoire, Labex Tepsis – Mondes Américains (EHESS), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1707372021-10-27T20:41:09Z2021-10-27T20:41:09ZHalloween, une nuit à tombeaux ouverts<p>Halloween, fête automnale des morts, des fantômes et des sortilèges, connaît un destin troublé : de retour dans la « vieille Europe » au milieu des années 1990 et promue dans l’Hexagone par des instigateurs zélés – parc d’attraction et chaîne de fast-food à l’appui – cette fête suscite l’engouement ou le dédain. Regain festif et païen pour les uns, cheval de Troie de « l’impérialisme culturel américain » pour les autres, cette célébration paganiste ne laisse pas indifférent. L’Église catholique, émue de « l’influence néfaste » de la bacchanale, <a href="https://www.lapresse.ca/vivre/dossiers/halloween/201010/27/01-4336718-holyween-une-alternative-chretienne-a-halloween.php">a même créé « Holyween »</a> (soirée de prières en réaction), afin de donner un coup de balai aux histoires de sorcières.</p>
<p>Le premier intérêt d’Halloween, c’est la pluralité d’analyses auxquelles ce « néo-rite païen » donne lieu.</p>
<p>Halloween marque le retour de « vieilles lunes » et de fêtes oubliées, ou qui étaient simplement en sommeil… attendant qu’on les exhume en quelque sorte. Ses origines sont tout <a href="https://www.france24.com/fr/20161031-origines-dhalloween-samain-fete-celtique-morts-vivants">à la fois celtiques</a> et <a href="https://www.geo.fr/histoire/les-5-choses-a-savoir-sur-la-fete-des-morts-198400">mexicaines</a>. A l’origine, la même volonté de célébrer les morts, et de manifester aussi sa peur conjuratoire, avant d’entrer dans l’hiver et le cycle des nuits courtes, période anxiogène s’il en est.</p>
<h2>La mort comme continuation de la vie</h2>
<p>Les conquistadors espagnols découvrant le Mexique furent impressionnés par un rituel aztèque pratiqué de très longue date et qui leur paraissait sacrilège. Car, à l’inverse des Espagnols qui voyaient la mort comme la fin de la vie, les Aztèques la considéraient comme sa continuation. Ils gardaient des crânes comme des trophées et les exhibaient durant ces fêtes pour symboliser la renaissance et pour honorer les morts qui revenaient selon eux en visite à cette époque de l’année. Ne parvenant pas à éliminer ce rite, les Espagnols en fixèrent la date en même temps que celle d’une fête chrétienne : la Toussaint.</p>
<p>C’est le Jour des Morts, « el Dia de los Muertos ». C’est une fête joyeuse, moment où les âmes de ceux qui sont partis viennent rendre visite aux vivants. Cette fête dure deux jours, les 1<sup>er</sup> et 2 novembre.</p>
<p>A cette occasion, les Mexicains édifient des autels en souvenir de ceux qu’ils aimaient et déposent des offrandes sur leurs tombes. Et nombre de lieux publics sont décorés avec des représentations ironiques de la mort, des squelettes dansant et chantant comme des vivants, avatars exotiques et mouvants des danses macabres médiévales. Ces processions lancinantes ont été immortalisées (si l’on peut dire) par l’ouverture impressionnante du James Bond 007 <em>Spectre</em> en 2016.</p>
<p>C’est sur une base mythique et festive similaire que s’est développée l’Halloween européenne. Il était encore question de célébrer les défunts en parodiant la mort sous la forme de courges. Le rite est à tous égards païen, et il est compréhensible qu’il ne pût être en odeur de sainteté : on célèbre bruyamment les morts et les sorcières, on joue à faire (se) peur, on se grime de manière effrayante.</p>
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<p>Outre-Atlantique, cette fête est célébrée depuis longtemps, puisqu’importée par les premiers immigrants au XVII<sup>e</sup> siècle. Tous les 31 octobre, les enfants grimés en sorcières, fantômes et revenants déambulent en petits groupes dans les rues de leurs quartiers. Ils sonnent aux portes des maisons et exigent des friandises, au cri de « treat or trick », « une faveur ou un sort ». En échange de menus présents, ces enfants, dont les masques effrayants symbolisent des âmes en peine, garantissent la tranquillité aux foyers visités. Halloween bénéficie d’un emblème fort, ces citrouilles évidées, édentées et emplies de bougies, qui exposées aux fenêtres et dans les vitrines, donnent à la soirée son côté inquiétant, irréel et morbide.</p>
<h2>Un rite d’inversion</h2>
<p>D’un point de vue anthropologique, Halloween exprime des angoisses à l’œuvre dans toutes les sociétés, même les plus rationnelles en apparence : la peur de la mort et l’exorcisation de celle-ci via des pratiques ritualisées, durant une parenthèse festive conjuratoire : ainsi, les masques représentent des revenants et des fantômes, à un moment de l’année où l’hiver et la nuit s’installent pour quelques longs mois. Dans l’esprit, il s’agit de s’accommoder la sphère des morts, de pactiser avec ceux-ci, via offrandes et travestissements. Et le rite théâtralise ces peurs, il leur donne un tour parodique qui en une parenthèse impartie, constitue une soupape.</p>
<p>Même dans sa forme contemporaine, Halloween continue à être essentiellement un rite d’inversion, puisqu’il s’agit de la nuit où tout est renversé, inversé, à commencer par les rapports d’autorité. Et les parents y jouent le rôle de dupes, encourageant leurs enfants à quêter et manger des friandises, allant là à l’encontre des principes de politesse et de modération inculqués en temps ordinaire.</p>
<p>Faire des enfants les acteurs principaux d’Halloween est très américain : ceci aboutit à une version ludique, néo-païenne et scénarisée, parenthèse carnavalesque dédramatisant le rapport ambigu que cette société entretient à la mort et à l’au-delà.</p>
<p>Elle n’est revenue sur le Vieux Continent qu’assez récemment, au tournant des siècles. Il semble qu’il y ait plusieurs raisons à ce retour en grâce (in)attendu.</p>
<h2>Une fête « marketée »</h2>
<p>Halloween se soutient depuis quelques années d’une promotion médiatique et publicitaire conséquente, en partie portée par des firmes américaines, sur fond de menus, cadeaux, animations et soirées spéciales. Et pour les commerçants, à l’affût de journées spéciales favorisant la décoration thématique et les promotions, Halloween constitue un moment idéal, entre la fin de l’été et la période des fêtes de fin d’année.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/428830/original/file-20211027-19-16q26ef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/428830/original/file-20211027-19-16q26ef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/428830/original/file-20211027-19-16q26ef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/428830/original/file-20211027-19-16q26ef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/428830/original/file-20211027-19-16q26ef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/428830/original/file-20211027-19-16q26ef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/428830/original/file-20211027-19-16q26ef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les festivités d’Halloween à Disneyland Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://disneylandparis-news.com/halloween2021/">Disneyland Paris</a></span>
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<p>Et Dieu dans tout ça ? Avec Halloween, il est question de rites, de mythes, de morts, de surnaturel après tout. Le sacré auréole cette fête de son nimbe pâle. Et il est important de constater que cette journée jouxte deux autres fêtes des morts et du souvenir, puisqu’elle s’est immiscée entre la Toussaint et le 11 Novembre ; pour lentement se substituer à celles-ci en les phagocytant dans l’esprit des jeunes générations. Pour les jeunes enfants, spontanément, Halloween, c’est « la fête des morts ».</p>
<p>L’émergence d’Halloween confirme qu’un calendrier économique et/ou néo-païen se substitue aux fêtes religieuses et républicaines traditionnelles, ou se fait une place à côté d’elles. Plus largement, ceci entérine la mondialisation de nombre de fêtes, alors qu’on fête ici de plus en plus le Nouvel An chinois, et que Noël connaît un réel succès dans nombre de pays asiatiques.</p>
<h2>De petits carnavals païens</h2>
<p>Déplorer (pour les conservateurs) ce déplacement du religieux vers la sphère plus vaste du sacré, ou son renoncement en un « néo-paganisme », ne sert pas à grand-chose. Les évolutions de la notion de fête, de sacré, de rites sont des questions autrement plus intéressantes. Notre société productiviste, qui n’a plus le temps de s’arrêter quelques jours pour festoyer, a inventé de nouveaux types de liens courts, ludiques, mièvres et kitsch (la Saint-Valentin). Tous ces néo-rites païens ne durent qu’une soirée. Les rites traditionnels exigeaient du temps, un temps spécifique, long et lent. Ainsi, le Carnaval, et sa semaine de célébrations et de festivités. Halloween ou le beaujolais sont de petits carnavals automnaux permettant à peu de frais (une soirée) une trouée de liesse, de partage et de rire dans un début d’hiver morose et froid.</p>
<p>Mais le grotesque et le morbide revendiqués d’Halloween, épousant la fascination de l’époque pour zombies et morts-vivants (cf. le succès de <em>Walking Dead</em> et le revival des films d’épouvante) recouvrent un travestissement plus profond.</p>
<p>Le temps d’une soirée, les générations se mêlent et jouent ensemble, faisant semblant d’éprouver de l’effroi, <a href="https://www.erudit.org/en/journals/ethno/2011-v33-n1-ethno5006173/1007796ar.pdf">tout en exprimant dans ce « jeu profond »</a> quelque chose d’obscur, mêlant rire et angoisse, peur et joie ; quelque chose de précisément anthropologique, interrogeant les structures profondes, et les systèmes symboliques permettant de les lire en filigrane.</p>
<hr>
<p>Pascal Lardellier a fait paraître <em>Sur les traces du rite</em> (ISTE, Londres) en 2019, et il a dirigé l’édition de <em>Rites et civilités à l’épreuve de la Covid</em> (Aracné, Rome) en 2021.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170737/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Lardellier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fête païenne vise à célébrer les morts et à conjurer la peur, avant d’entrer dans l’hiver et le cycle des nuits courtes, période anxiogène s’il en est.Pascal Lardellier, Professeur à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, Chercheur au laboratoire CIMEOS, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1613782021-05-25T18:18:21Z2021-05-25T18:18:21ZVoici les cinq dirigeants qui ont le plus mal géré la Covid-19 dans leur pays<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/402701/original/file-20210525-23-1kqggqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3401%2C2274&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président biélorusse Alexandre Loukachenko, sans masque, visite un hôpital pour les patients atteints de la Covid-19, à Minsk, le 27 novembre 2020. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/belarus-president-lukashenko-visits-hospital-for-covid-19-news-photo/1229813959?adppopup=true">Andrei Stasevich\TASS via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>La Covid-19 est extrêmement difficile à contrôler, et les dirigeants politiques ne représentent qu’une partie de l’équation lorsqu’il s’agit de gérer cette pandémie.</p>
<p>Mais certains dirigeants mondiaux, actuels ou sortants, ont fait peu d’efforts pour combattre les flambées de coronavirus dans leur pays, que ce soit en minimisant la gravité de la pandémie, en faisant fi de la science ou en ignorant les gestes sanitaires essentiels comme la distanciation sociale et le port du masque. Tous les hommes figurant sur cette liste ont commis au moins une de ces erreurs, et certains les ont toutes commises — avec des conséquences funestes.</p>
<h2>Narendra Modi, de l’Inde</h2>
<p><strong>Sumit Ganguly, Université de l’Indiana</strong></p>
<p>L’Inde est le nouvel épicentre de la pandémie mondiale, enregistrant au mois de mai quelque <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2021/05/01/india-coronavirus/">400 000 nouveaux cas par jour</a>. Cette statistique, aussi terrible soit-elle, ne rend pas compte de l’horreur qui se déroule dans le pays. Les patients atteints du virus de la Covid-19 meurent dans les hôpitaux parce que les médecins <a href="https://www.businesstoday.in/current/economy-politics/24-patients-die-at-hospital-in-karnataka-due-to-oxygen-shortage/story/438125.html">n’ont pas d’oxygène</a> ni de <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20210422-india-s-covid-19-shortages-spur-black-market-for-drugs-oxygen">médicaments comme le remdesivir</a> à leur offrir. Les malades sont refoulés dans les cliniques, <a href="https://www.cbsnews.com/news/india-covid-hospitals-turn-patients-away/">faute de lits disponibles</a>.</p>
<p>De nombreux Indiens <a href="https://www.npr.org/2021/05/11/995446333/this-government-has-failed-us-anger-rises-in-india-over-pm-modis-covid-response">accusent un homme d’être responsable</a> de la tragédie du pays : le Premier ministre <a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/modis-pandemic-choice-protect-his-image-or-protect-india-he-chose-himself/2021/04/28/44cc0d22-a79e-11eb-bca5-048b2759a489_story.html">Narendra Modi</a>. En janvier 2021, Modi a déclaré lors d’un <a href="https://www.livemint.com/news/india/pm-modi-to-address-the-world-economic-forum-s-davos-summit-at-5-30-pm-today-11611803181228.html">forum mondial</a> que l’Inde avait « sauvé l’humanité… en contenant efficacement le coronavirus ». En mars, son ministre de la santé a proclamé que la <a href="https://www.nytimes.com/2021/05/01/world/asia/india-covid19-modi.html">pandémie tirait à sa fin</a>. Dans les faits, la Covid-19 gagnait en intensité en Inde et dans le monde entier — mais son gouvernement n’a rien fait pour parer à <a href="https://www.nytimes.com/2021/04/09/world/asia/india-covid-vaccine-variant.html">d’éventuelles résurgences des cas</a>, comme l’émergence d’un variant plus mortel et plus contagieux.</p>
<p>Alors même que d’importantes <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-56037565">zones du pays</a> n’avaient pas totalement supprimé le virus, Modi et d’autres membres de son parti ont organisé des meetings de campagne en plein air avant les élections d’avril. <a href="https://theprint.in/opinion/politricks/poll-rallies-to-kumbh-mela-modi-shahs-conscience-must-take-a-look-at-latest-covid-surge/639526/">Peu de participants portaient des masques</a>. Modi a également autorisé la tenue, de janvier à mars, <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2021/05/08/india-coronavirus-kumbh-mela/">d’un festival religieux qui attire des millions de personnes</a>. Les responsables de la santé publique pensent aujourd’hui que le festival a pu être un événement super-propagateur et qu’il s’agit d’une <a href="https://thewire.in/health/watch-karan-thapar-ashish-jha-kumbh-mela-shahi-snan-covid-19">« énorme erreur »</a>.</p>
<p>Alors que Modi vantait ses succès l’année dernière, l’Inde — le <a href="https://www.cnbc.com/2021/05/05/why-covid-vaccine-producer-india-faces-major-shortage-of-doses.html">plus grand fabricant de vaccins</a> au monde — a envoyé plus de 10 millions de doses de <a href="https://www.wsj.com/articles/india-starts-covid-19-vaccine-drive-to-neighboring-countries-11611234933">vaccins à des pays voisins</a>. Pourtant, seulement 1,9 % des 1,3 milliard d’habitants de l’Inde avaient été entièrement vaccinés contre la Covid-19 au début du mois de mai.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C3480%2C2479&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Modi et Bolsonaro se serrent la main" src="https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C3480%2C2479&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le président brésilien Jair Bolsonaro et le premier ministre indien Narendra Modi sont tous deux accusés d’avoir mal géré les épidémies de Covid-19 dans leur pays.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/brazils-president-jair-bolsonaro-and-indias-prime-minister-news-photo/1182256687?adppopup=true">Pavel Golovin/AFP</a></span>
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<h2>Jair Bolsonaro du Brésil</h2>
<p><strong>Elize Massard da Fonseca, Fundação Getulio Vargas et Scott L. Greer, Université du Michigan</strong></p>
<p>Le président brésilien Jair Bolsonaro ne s’est pas contenté de ne pas réagir à la Covid-19 — qu’il qualifie de <a href="https://edition.cnn.com/2020/05/23/americas/brazil-coronavirus-hospitals-intl/index.html">« petite grippe »</a> — il a activement aggravé la crise au Brésil.</p>
<p>Bolsonaro <a href="https://edition.cnn.com/2020/05/23/americas/brazil-coronavirus-hospitals-intl/index.html">a usé de ses pouvoirs constitutionnels pour s’immiscer</a> dans les affaires administratives du ministère de la Santé, telles que les protocoles cliniques, la divulgation des données et l’achat de vaccins. <a href="https://www.nexojornal.com.br/expresso/2020/08/04/Quais-os-vetos-de-Bolsonaro-a-medidas-de-combate-%C3%A0-pandemia">Il a opposé son veto</a> à des textes de loi qui auraient, par exemple, rendu obligatoire le port du masque dans les sites religieux et indemnisé les professionnels de la santé ayant subi un préjudice permanent du fait de la pandémie. Il a également sapé les efforts du gouvernement de l’État pour promouvoir la distanciation sociale et a <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-brazil-idUSKBN22N308">signé un décret pour permettre à de nombreux commerces de rester ouverts</a> en tant ‘qu’essentiels’, notamment les spas et les salles de sport. Bolsonaro a également fait la promotion agressive de <a href="https://www.nytimes.com/2020/06/13/world/americas/virus-brazil-bolsonaro-chloroquine.html">médicaments non éprouvés</a>, notamment l’hydroxychloroquine, pour traiter les patients atteints de la Covid-19.</p>
<p>Bolsonaro a utilisé son poste de président pour influencer le débat autour de la crise du coronavirus, créant un <a href="https://politica.estadao.com.br/noticias/geral,bolsonaro-volta-a-chamar-crise-do-coronavirus-de-histeria,70003236546">faux dilemme entre la catastrophe économique et la distanciation sociale</a> et en <a href="https://oglobo.globo.com/sociedade/coronavirus/bolsonaro-sugere-cloroquina-ate-quinto-dia-apos-surgimento-de-sintomas-do-coronavirus-apesar-de-nao-haver-estudos-conclusivos-24360182">déformant la science</a>. Il a rendu les gouvernements des États brésiliens, la Chine et l’Organisation mondiale de la santé responsables de la crise de la Covid-19 et n’a jamais assumé la responsabilité de la gestion de l’épidémie dans son propre pays.</p>
<p>En décembre, Bolsonaro a déclaré qu’il ne recevrait pas le vaccin en raison de ses effets secondaires. « <a href="https://doi.org/10.1016/s0140-6736(21)00181-1">Si vous vous transformez en crocodile, c’est votre problème »</a>, a-t-il déclaré.</p>
<p>La mauvaise gestion de la pandémie par Bolsonaro a créé des conflits au sein de son gouvernement. Le Brésil a vu défiler quatre ministres de la Santé en moins d’un an. Les flambées épidémiques incontrôlées au Brésil ont donné naissance à plusieurs nouveaux variants du coronavirus, dont le <a href="https://www.thelancet.com/article/S0140-6736(21)00183-5/fulltext">variant P.1, qui semble plus contagieux</a>. Le taux de transmission de la Covid-19 au Brésil <a href="https://mrc-ide.github.io/global-lmic-reports/BRA/">commence enfin à baisser</a>, mais la situation reste préoccupante.</p>
<h2>Alexandre Loukachenko de la Biélorussie</h2>
<p><strong>Elizabeth J. King et Scott L. Greer, Université du Michigan</strong></p>
<p>De nombreux pays dans le monde ont affronté la Covid-19 avec des politiques tragiquement défaillantes. Cependant, selon nous, les pires dirigeants face à cette pandémie sont ceux qui ont choisi le déni total plutôt que l’action inefficace.</p>
<p>Alexandre Loukachenko, dirigeant autoritaire de longue date de la Biélorussie, n’a jamais <a href="https://novayagazeta.ru/articles/2020/03/23/84461-krest-moschevik-vodka-i-traktor">reconnu la menace</a> de la Covid-19. Au début de la pandémie, alors que d’autres pays imposaient des mesures de confinement, Loukachenko n’a mis en œuvre aucune mesure sanitaire pour empêcher la propagation du virus.</p>
<p>Au lieu de cela, il a affirmé que le virus pouvait être évité en <a href="http://novayagazeta.ee/articles/30392/">buvant de la vodka</a>, en allant au sauna et en travaillant dans les champs. Ce négationnisme a pratiquement laissé le fardeau des mesures préventives et l’aide à la pandémie <a href="https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3543">aux individus et aux campagnes</a> de financement participatif.</p>
<p>Au cours de l’été 2020, Loukachenko a déclaré <a href="https://www.bbc.com/russian/news-53570933">qu’il avait reçu un diagnostic de Covid-19</a> mais qu’il était asymptomatique, ce qui lui a permis de continuer à prétexter que le virus n’était pas une menace sérieuse. Le fait d’avoir prétendument déjoué la maladie et d’avoir visité des hôpitaux dédiés à la Covid-19 sans masque a également renforcé l’image d’homme fort qu’il souhaitait donner.</p>
<p>La Biélorussie vient de commencer sa campagne de vaccination, mais M. Loukachenko affirme qu’il ne se fera pas vacciner. Actuellement, <a href="https://ourworldindata.org/covid-vaccinations">moins de 3 % des Biélorusses</a> sont vaccinés contre la Covid-19.</p>
<h2>Donald Trump des États-Unis</h2>
<p><strong>Dorothy Chin, Université de Californie, Los Angeles</strong></p>
<p>Trump n’est plus en fonction, mais sa mauvaise gestion de la pandémie continuera d’avoir des conséquences dévastatrices à long terme sur les États-Unis — en particulier sur la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32562416/">santé et le bien-être des minorités</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Trump face à une foule" src="https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trump lors d’un rassemblement de campagne le 17 octobre 2020 à Muskegon, Michigan, après s’être remis du Covid-19.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/president-donald-trump-arrives-for-a-campaign-rally-on-news-photo/1281136162?adppopup=true">Rey Del Rio/Getty Images</a></span>
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<p>Le <a href="https://www.nytimes.com/2020/07/24/us/politics/coronavirus-trump-denial.html">déni précoce de la pandémie</a> par Trump, la <a href="https://www.nytimes.com/2020/05/21/us/politics/trump-fact-check-hydroxychloroquine-coronavirus-.html">désinformation continue sur le port du masque</a> et les traitements, ainsi que <a href="https://abcnews.go.com/Politics/trumps-stunning-reversal-total-authority-claim-governors-analysis/story ?id=70160951">son leadership incohérent</a> ont nui au pays dans son ensemble — mais le résultat a été bien pire pour certains groupes que pour d’autres. Les communautés de couleur ont souffert <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/covid-data/investigations-discovery/hospitalization-death-by-race-ethnicity.html">d’un nombre disproportionné de contaminations et de décès.</a> Bien que les Afro-Américains et les Latinos ne représentent que 31 % de la population américaine, par exemple, ils comptent <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32562416/">pour plus de 55 % des cas de Covid-19.</a> Les membres des communautés amérindiennes <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/covid-data/investigations-discovery/hospitalization-death-by-race-ethnicity.html">ont été hospitalisés 3,5 fois plus et ont souffert d’un taux de mortalité 2,4 fois supérieur</a> à celui des Blancs.</p>
<p><a href="https://www.forbes.com/sites/mikepatton/2020/06/28/pre-and-post-coronavirus-unemployment-rates-by-state-industry-age-group-and-race/ ?sh=485d6d39555%3Csup%3Ee%3C/sup">Les taux de chômage sont également disproportionnés</a>. Au plus fort de la pandémie aux États-Unis, ils ont grimpé à 17,6 % pour les Latino-Américains, 16,8 % pour les Afro-Américains et 15 % pour les Américains d’origine asiatique, contre 12,4 % pour les Américains blancs.</p>
<p><a href="https://carsey.unh.edu/publication/inequities-job-loss-recovery-amid-Covid-pandemic">Ces écarts considérables</a> ont amplifié les inégalités existantes telles que la <a href="https://blogs.imf.org/2020/05/11/how-pandemics-leave-the-poor-even-farther-behind/">pauvreté</a>, la <a href="https://www.brookings.edu/blog/up-front/2020/06/01/housing-hardships-reach-unprecedented-heights-during-the-covid-19-pandemic/">précarité du logement</a> et la <a href="https://www.mckinsey.com/industries/public-and-social-sector/our-insights/covid-19-and-learning-loss-disparities-grow-and-students-need-help">qualité de l’enseignement</a> — et continueront probablement à le faire <a href="https://www.mckinsey.com/industries/public-and-social-sector/our-insights/covid-19-and-student-learning-in-the-united-states-the-hurt-could-last-a-lifetime">pendant encore un certain temps</a>. Par exemple, alors que l’économie américaine dans son ensemble montre des signes de reprise, les <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-05-03/powell-says-economy-making-real-progress-but-disparities-weigh ?srnd=premium&sref=x0fnd0v3">groupes minoritaires n’ont pas fait de progrès</a> équivalents.</p>
<p>Enfin, le blâme de Trump à l’égard de la Chine pour la Covid-19 — qui comprenait des épithètes raciales telles que le fait de qualifier le virus de <a href="https://www.huffpost.com/entry/trump-kellyanne-conway-coronavirus_n_5eeebc5dc5b6aac5f3a46b45">« kung flu »</a> — a immédiatement précédé une multiplication par près de deux des attaques contre les <a href="https://stopaapihate.org/national-report-through-march-2021/">Américains d’origine asiatique et les insulaires du Pacifique</a> au cours de l’année écoulée. Cette tendance inquiétante ne montre <a href="https://abcnews.go.com/US/wireStory/asian-american-women-stabbed-san-francisco-attack-77497315">aucun signe d’atténuation.</a></p>
<p>L’administration Trump a encouragé dès le début le développement du vaccin par les États-Unis, une réalisation dont peu de dirigeants mondiaux peuvent se prévaloir. Mais la désinformation et la rhétorique anti-scientifique qu’il a diffusées continuent de <a href="https://www.cbsnews.com/news/covid-vaccine-hesitancy-opinion-poll/ ?ftag=MSF0951a18">compromettre le chemin vers la sortie de la pandémie aux États-Unis.</a> Les derniers sondages indiquent que <a href="https://www.pbs.org/newshour/health/as-more-americans-get-vaccinated-41-of-republicans-still-refuse-covid-19-shots">24 % de tous les Américains et 41 % des républicains</a> disent qu’ils ne se feront pas vacciner.</p>
<h2>Andrés Manuel López Obrador du Mexique</h2>
<p><strong>Salvador Vázquez del Mercado, Centro de Investigación y Docencia Económicas (Centre de recherche et de documentation économique)</strong></p>
<p>Avec 9,2 % de patients atteints de la Covid-19 qui succombent à la maladie, le <a href="https://globalhealthsciences.ucsf.edu/news/mexicos-response-covid-19-case-study">Mexique</a> détient le <a href="https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer ?zoomToSelection=true& %3Btime=2020-03-01..latest& %3BpickerSort=asc& %3BpickerMetric=location& %3BMetric=Case+fatality+rate& %3BInterval=7-day+rolling+average& %3BRelative+to+Population=true& %3BAlign+outbreaks=false& %3Bcountry=USA%7EITA%7EIND%7EMEX%7EARG%7EBRA+ %22 %22">taux de mortalité le plus élevé au monde</a>. Des <a href="http://www.healthdata.org/news-release/covid-19-has-caused-69-million-deaths-globally-more-double-what-official-reports-show">estimations récentes</a> montrent que la pandémie y a fait près de 617 000 morts, soit autant que les États-Unis et l’Inde, deux pays dont la population est pourtant beaucoup plus importante.</p>
<p>Une combinaison de facteurs a contribué aux flambées épidémiques galopantes et prolongées de Covid-19 au Mexique. L’un d’eux est le manque de leadership national.</p>
<p>Tout au long de la pandémie, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a cherché à minimiser la gravité de la situation au Mexique. Au tout début, il a <a href="https://www.animalpolitico.com/2020/03/no-dejen-de-salir-amlo-coronavirus-covid19/">résisté aux appels à décréter un confinement national</a> t a continué à organiser des <a href="https://www.eluniversal.com.mx/nacion/politica/critican-amlo-por-besar-nina-pese-recomendaciones-por-coronavirus">rassemblements</a> dans tout le pays avant de finir, le 23 mars 2020, par fermer le Mexique pendant deux mois. Il a <a href="https://www.jornada.com.mx/notas/2020/12/02/politica/reitera-amlo-que-descarta-cubrebocas-lo-mejor-es-la-sana-distancia/">fréquemment refusé</a> de porter un masque.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le président mexicain s’exprime sur une scène avec une petite foule de représentants du gouvernement assis à proximité" src="https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">López Obrador, sans masque, annonce un verrouillage national le 23 mars 2020, après avoir encouragé pendant des semaines les Mexicains à poursuivre leurs activités habituelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/andrés-manuel-lópez-obrador-mexicos-president-speaks-during-news-photo/1214294932?adppopup=true">Adrián Monroy/Medios y Media/Getty Images</a></span>
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</figure>
<p>Ayant hérité d’une multitude de services de santé sous-financés lors de son arrivée au pouvoir en 2018, Lopez Obrador n’a que très peu augmenté les dépenses liées à la santé pendant la pandémie. Selon les experts, les <a href="https://www.excelsior.com.mx/nacional/mas-gasto-a-salud-pero-recorta-rubros-presupuesto-subio-apenas-36/1349412">budgets des hôpitaux sont insuffisants</a> par rapport à l’énormité de la tâche qui leur incombe.</p>
<p>Avant même que la pandémie n’éclate, la politique d’austérité budgétaire extrême de Lopez Obrador — en place depuis 2018 — avait rendu la lutte contre la crise sanitaire beaucoup plus difficile en <a href="https://www.ft.com/content/2bb141e2-4d0a-435f-9720-3f67b8077c28">limitant considérablement l’aide financière</a> liée à la Covid-19 disponible pour les citoyens et les entreprises. Cela a, dans la foulée, aggravé la grave crise économique causée par la pandémie, alimentant la nécessité de maintenir l’économie ouverte toute l’année dernière, en bonne partie pendant la féroce deuxième vague hivernale, dont le Mexique commence à peine à se relever.</p>
<p>Avec, comme résultat, une autre fermeture devenue inévitable : celle de décembre 2020.</p>
<p>Aujourd’hui, le <a href="https://www.elfinanciero.com.mx/nacional/aumenta-el-uso-de-cubrebocas-en-el-pais-y-la-mayoria-reprueba-que-amlo-no-los-utilice/">port du masque a gagné en popularité</a> et le Mexique <a href="https://elpais.com/mexico/2021-02-23/asi-avanza-la-vacunacion-contra-coronavirus-en-mexico.html.">a entièrement vacciné 10 % de sa population</a>, contre <a href="https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer ?zoomToSelection=true&Metric=People+vaccinated&Interval=7-day+rolling+average&Relative+to+Population=true&Align+outbreaks=false&country=USA %7EMEX %7EGTM">1 % au Guatemala voisin</a>. La situation s’améliore, mais le chemin de la guérison sera long pour le Mexique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161378/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sumit Ganguly reçoit un financement du Département d'Etat américain.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dorothy Chin reçoit un financement de l'Institut du cœur, du sang et des poumons du NIH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elize Massard da Fonseca reçoit un financement de la Fondation de recherche de Sao Paulo et du Conseil national de la recherche du Brésil (CNPq).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Salvador Vázquez del Mercado reçoit un financement du Conseil national de la science et de la technologie (CONACYT).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Scott L. Greer a reçu des fonds du Centre de recherche et de développement du génie de l'armée américaine, de la US National Science Foundation et de l'Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elizabeth J King ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie n’est pas terminée, mais ces dirigeants sont déjà entrés dans l’histoire pour avoir échoué à combattre efficacement la Covid-19. Certains d’entre eux n’ont même pas vraiment essayé.Sumit Ganguly, Distinguished Professor of Political Science and the Tagore Chair in Indian Cultures and Civilizations, Indiana UniversityDorothy Chin, Associate Research Psychologist, University of California, Los AngelesElizabeth J King, Associate Professor in Health Behavior and Health Education in the School of Public Health, University of MichiganElize Massard da Fonseca, Assistant Professor, Brazilian School of Public Administration, Fundação Getulio VargasSalvador Vázquez del Mercado, Conacyt Research Professor, National Laboratory of Public Policy, Centro de Investigación y Docencia EconómicasScott L. Greer, Professor, Global Health Management and Policy and Political Science, University of MichiganLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1606602021-05-11T17:50:39Z2021-05-11T17:50:39ZImages de science : Découvrez le requin-aigle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399773/original/file-20210510-19-11f8fgb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C26%2C764%2C548&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plaque fossile incluant le premier specimen découvert d'Aquilolamna milarcae.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wolfgang Stinnesbeck</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Le format « Images de science » vous propose de décrypter une photographie particulièrement signifiante d’un point de vue scientifique, de la décrire et d’en comprendre les enjeux.</em></p>
<hr>
<p>Cette photographie représente l’unique fossile connu d’un groupe de requins tout nouvellement découvert : les requins-aigles, ou aquilolamnidés. Ce spécimen complet provient d’une carrière de Vallecillo, dans le nord-est du Mexique, et se trouve préservé dans une couche de calcaire laminé, aux côtés d’autres organismes disparus. Parmi eux, une espèce d’ammonite permet de donner une datation précise. Ce niveau fossilifère est ainsi daté de la base de l’étage turonien (Crétacé supérieur), soit il y a environ 93 millions d’années. À cette époque, le niveau global de la mer était bien plus élevé qu’actuellement, et le golfe du Mexique s’étendait largement plus à l’ouest. Le gisement de Vallecillo offre donc un aperçu sur un écosystème océanique ancien, dont la faune était constituée de mollusques, poissons et reptiles marins.</p>
<p>Ce spécimen fossile est extraordinaire à plus d’un titre. Tout d’abord, les squelettes de requins ne se fossilisent que très rarement, du fait de leur nature cartilagineuse. Contrairement à l’os, le cartilage n’est pas minéralisé et se dégrade donc plus facilement. Notre connaissance de l’histoire évolutive des élasmobranches (requins et raies) et de leur diversité passée est de ce fait grandement basée sur l’étude des dents isolées, souvent présentes en abondance dans les gisements paléontologiques.</p>
<p>En parallèle, tout nouveau fossile de squelette complet préservé grâce à des conditions exceptionnelles apporte son lot d’informations précieuses sur la morphologie générale des espèces disparues. Notre spécimen mexicain en est un parfait exemple, car il dévoile une adaptation anatomique inattendue, jusque-là jamais décrite.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399777/original/file-20210510-15-5ux4mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399777/original/file-20210510-15-5ux4mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399777/original/file-20210510-15-5ux4mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399777/original/file-20210510-15-5ux4mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399777/original/file-20210510-15-5ux4mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399777/original/file-20210510-15-5ux4mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399777/original/file-20210510-15-5ux4mi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration de ce à quoi aurait pu ressembler le requin-aigle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Oscar Sanisidro</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le nouveau requin, baptisé <em>Aquilolamna milarcae</em>, se dénote d’emblée des formes actuelles et fossiles par ses proportions uniques. En effet, l’envergure de ses nageoires pectorales effilées est plus grande que la longueur totale de l’animal. Cette caractéristique, inconnue chez les requins, se retrouve en revanche chez certaines raies, comme les diables de mer (comprenant notamment les raies mantas). D’autres particularités anatomiques (tête et gueule larges, dents supposées très petite taille, asymétrie de la nageoire caudale) présentes chez <em>Aquilolamna milarcae</em> laissent à penser que cette espèce avait une nage relativement lente et se nourrissait de plancton. </p>
<p>Les points communs, aussi bien morphologiques qu’écologiques, relevés entre requins-aigles et diables de mer illustrent le phénomène de convergence évolutive. En effet, ces deux groupes semblent avoir acquis de manière indépendante une ressemblance superficielle liée à des modes de vie similaires. La disparition des aquilolamnidés à la fin du Crétacé (il y a environ 66 millions d’années) aurait ainsi laissé place à l’émergence d’une autre famille d’élasmobranches planctonophages « ailés », sans lien direct de parenté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160660/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Vullo a reçu des financements de Géosciences Rennes (CNRS/Université de Rennes 1). </span></em></p>Un fossile de requin ailé vieux de près de 100 millions d’années a été découvert au Mexique.Romain Vullo, Paléontologue, chargé de recherche au CNRS, Université de Rennes 1 - Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1449052020-09-14T13:45:29Z2020-09-14T13:45:29ZLibre-échange 2.0 : l’environnement est-il mieux protégé dans l’ACEUM ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/355261/original/file-20200828-25-1vjta1q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C4%2C923%2C609&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Premier ministre Justin Trudeau, le président des États-Unis Donald Trump, et l'ex président du Mexique Enrique Pena Nieto ont signé le nouvel accord États-Unis-Mexique-Canada à Buenos Aires, en Argentine, le vendredi 30 novembre 2018. L'Accord, ratifié en avril 2020, est entré en vigueur en juillet dernier.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lapresse.ca/affaires/economie/canada/201812/02/01-5206458-aceum-deux-changements-au-texte-definitif.php">Photo La Presse Canadienne</a></span></figcaption></figure><p>Dans un contexte marqué par les affrontements entre démocrates et républicains au sein du Congrès et alors que la campagne pour les élections présidentielles de novembre creuse les clivages politiques aux États-Unis, nous pourrions penser que la question de l’environnement recule. Or avec le nouvel ALENA, les normes environnementales ont au contraire bénéficié d’une circonstance opportune pour gagner en importance.</p>
<p>En effet, la ratification du nouvel <a href="https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cusma-aceum/index.aspx?lang=fra">Accord Canada-États-Unis-Mexique</a> (ACEUM), en pleine pandémie de Covid-19, a clôturé la fin de négociations tumultueuses dont l’un des enjeux litigieux était la question des normes environnementales.</p>
<p>En inscrivant l’environnement comme un axe important de son programme politique, le gouvernement du Canada a ramené les normes environnementales à la table de discussion, même si cet enjeu ne fait pas partie de l’ordre du jour de l’administration Trump.</p>
<p>En tant que chercheur au Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation de l’Université du Québec à Montréal, je m’intéresse à la manière dont les rapports de forces économiques entre les États nord-américains façonnent les négociations entourant le libre-échange en Amérique du Nord, dans un contexte de tensions commerciales entre les États-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux.</p>
<h2>Grâce à la majorité démocrate</h2>
<p>La négociation de l’ACEUM a été précédée par une dénonciation du Mexique dans le discours politique américain anti-ALENA. En effet, le Mexique était régulièrement accusé par la gauche et les syndicats du secteur de l’automobile aux États-Unis, de <a href="https://ieim.uqam.ca/IMG/pdf/ARES-IDEDEV-jan2009.pdf">dumping environnemental et social</a>.</p>
<p>On reprochait au Mexique d’appliquer des normes environnementales et de travail moins strictes que ceux de ses partenaires nord-américains, afin de garder un avantage compétitif et d’attirer les investissements directs étrangers dans l’industrie de l’automobile. Cette rhétorique a pris une ampleur particulière dans la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1120246/mexique-etats-unis-alena-entente">campagne contre l’ALENA menée par Donald Trump, d’abord comme candidat à la présidentielle de 2016, puis comme Président des États-Unis</a>.</p>
<p>Avec l’arrivée d’une majorité démocrate à la Chambre des représentants du Congrès américain, à l’issue des élections de mi-mandat de novembre 2018, l’intérêt pour l’environnement dans le programme politique américain de renégociation du libre-échange a pris une plus grande importance. La ratification du nouvel accord se trouva dès lors rattachée à l’assurance qu’il offrait en matière environnementale. L’occasion s’était ainsi offerte de renforcer la présence des normes environnementales dans les négociations et dans le processus de ratification.</p>
<h2>Mieux que l’Alena</h2>
<p>Aussi, un chapitre complet de l’ACEUM traite spécifiquement des enjeux environnementaux en matière de coopération réglementaire. Il apporte clairement une innovation par rapport à l’ALENA, en introduisant un article spécifique (l’article 24.8) faisant référence aux sept accords multilatéraux sur l’environnement (AME) ratifiés par les États partis, en les obligeant explicitement à respecter leurs engagements.</p>
<p>Les AME sont des accords parallèles signés par les États partis de l’ALENA avec d’autres pays, pour renforcer spécifiquement les normes de protection environnementale dans le cadre de leurs relations de libre commerce. C’est la première fois en Amérique du Nord qu’un accord de libre-échange intègre les engagements environnementaux pris par ses signataires dans des accords distincts impliquant des parties tierces.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357287/original/file-20200909-16-1l2kru0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357287/original/file-20200909-16-1l2kru0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357287/original/file-20200909-16-1l2kru0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357287/original/file-20200909-16-1l2kru0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357287/original/file-20200909-16-1l2kru0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357287/original/file-20200909-16-1l2kru0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357287/original/file-20200909-16-1l2kru0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Extraction du pétrole d’un champ pétrolifère dans le comté de Kern, en Californie. Environ 15 milliards de barils de pétrole pourraient être extraits par fracturation hydraulique dans cet État.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En évoquant la sensibilité des défis environnementaux, il faut souligner que l’ACEUM a été négocié dans un contexte économique caractérisé par le développement de l’industrie du gaz de schiste aux États-Unis, l’extension des corridors pétroliers au Canada — sous fond de contestations des populations autochtones — et l’accroissement des investissements du Mexique dans l’exploration des hydrocarbures. Cependant, l’ACEUM à la différence de l’ALENA, prévoit des <a href="https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cusma-aceum/enviro.aspx?lang=fra">engagements nouveaux en matière environnementale</a> visant spécifiquement l’amélioration de la qualité de l’air et la lutte contre les déchets marins.</p>
<h2>Les normes canadiennes priment</h2>
<p>Le droit souverain de chaque partie de fixer et d’appliquer à l’échelle nationale des normes en matière de protection environnementale a été par ailleurs clairement réaffirmé dans l’ACEUM. Cela se traduit, par exemple pour le Canada, par la primauté de l’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) de 1999, sur le Règlement sur les substances appauvrissant la couche d’ozone et les halocarbures. L’application de la LCPE étant considérée comme plus englobante.</p>
<p>La question des normes environnementales est d’autant plus importante pour le Canada qu’elle touche celle du <a href="https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cusma-aceum/investment-investissement.aspx?lang=fra#prestations">règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE)</a>, un élément majeur dans l’agenda de négociations des États-Unis.</p>
<h2>Plus d’autorité au Canada</h2>
<p>Dans le cadre du mécanisme de RDIE, le Canada était régulièrement poursuivi par des investisseurs américains pour des préjudices subis en raison du renforcement régulier de ses législations en matière d’environnement. En effet, l’application de normes environnementales plus rigoureuses, qui exigent l’adaptation technologique des chaînes de production, engendrait des coûts additionnels pour les investisseurs étrangers au Canada. Ainsi, le pays a été condamné à plusieurs reprises et contraint de verser plus de <a href="https://www.policyalternatives.ca/sites/default/files/uploads/publications/National%20Office/2018/01/NAFTA%20Dispute%20Table%20Report%202018.pdf">300 millions de dollars à titre de dommages et intérêts aux investisseurs américains</a>. Une situation qui était financièrement inconfortable pour Ottawa et les gouvernements provinciaux, car elle obstruait aussi l’application des avancées réglementaires en matière écologique au Canada.</p>
<p>La négociation de l’ACEUM a offert l’occasion au Canada de mettre fin au mécanisme arbitral de règlement des différends entre investisseurs et États qui lui était défavorable. Désormais, il appartiendra aux tribunaux canadiens de statuer sur les différends entre les investisseurs américains et le Canada au sujet de dommages subis en raison de modifications des lois canadiennes, et notamment des législations environnementales. Cette configuration réglementaire nouvelle permettra au Canada d’avoir plus d’autorité dans l’application de ses engagements environnementaux.</p>
<h2>Reconnaissance du rôle des Autochtones</h2>
<p>Avec l’entrée au cœur des <a href="https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cusma-aceum/initial_ea-ee_initiale.aspx?lang=fra">négociations du nouvel ALENA</a>, des exigences en matière environnementale de la majorité démocrate à la Chambre des représentants, l’environnement a acquis une portée technique, politique et idéologique majeure dans les négociations et plus encore dans le processus de ratification. Cela a conforté le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1379588/democrate-neal-ottawa-ratification-aceum-trudeau">gouvernement fédéral canadien dans certains aspects clés de sa stratégie de négociation</a>, lui permettant d’obtenir des avancées mettant en lumière son agenda progressiste, notamment qu’il soit mentionné dans le nouvel accord la reconnaissance du rôle des peuples autochtones dans la préservation de la biodiversité.</p>
<p>C’est dire que face aux défis climatiques, le libre-échange devra s’accommoder de la protection de l’environnement comme un élément impératif de la coopération réglementaire, quelles que soient ses multiples évolutions dans la trajectoire de l’intégration nord-américaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144905/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brice Armel Simeu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique entré en vigueur en juillet 2020 accorde une plus grande place à l’environnement et donne une plus grande autorité au Canada en la matière.Brice Armel Simeu, Doctorant en Économie politique internationale, Chercheur au Centre d'Études sur l'Intégration et la Mondialisation (CEIM), Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1446252020-08-19T18:31:08Z2020-08-19T18:31:08ZAu Mexique, une communauté indigène se coupe du monde pour échapper au Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/353666/original/file-20200819-14-fd46kw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C916%2C644&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des fermiers zapotèques reviennent de leur « milpa ». Ces parcelles de jardin fournissent une grande partie de la nourriture des communautés, à Oaxaca, au Mexique. </span> <span class="attribution"><span class="source">Jeffrey H. Cohen</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Alors que le <a href="https://www.aljazeera.com/programmes/specialseries/2020/07/frontline-mexico-fight-covid-19-200723100729057.html">Mexique paie un lourd tribut au coronavirus</a>, certaines communautés indigènes de l’État du Oaxaca, dans le sud du pays, font preuve d’une grande créativité pour faire face à l’épidémie.</p>
<p>Le Oaxaca, <a href="https://politica.expansion.mx/mexico/2019/08/06/chiapas-guerrero-y-oaxaca-los-estados-con-mas-pobreza-en-mexico">l’un des États les plus pauvres du Mexique</a> et le plus diversifié sur le plan ethnique, abrite de nombreuses communautés indigènes, dont le peuple zapotèque. J’ai passé de nombreuses années dans les vallées centrales du Oaxaca à mener des recherches anthropologiques dans les villages zapotèques ruraux, à <a href="https://utpress.utexas.edu/books/cohcoo">documenter la vie des gens</a>, leurs <a href="https://www.jstor.org/stable/10.7560/705708">modèles de migration</a> et leur <a href="https://scholar.google.com/citations?user=e7tYdvkAAAAJ&hl=en">culture alimentaire</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/350647/original/file-20200731-14-how2n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le Oaxaca sur la carte du Mexique" src="https://images.theconversation.com/files/350647/original/file-20200731-14-how2n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350647/original/file-20200731-14-how2n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350647/original/file-20200731-14-how2n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350647/original/file-20200731-14-how2n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350647/original/file-20200731-14-how2n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350647/original/file-20200731-14-how2n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350647/original/file-20200731-14-how2n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Oaxaca.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Oaxaca_in_Mexico.svg">TUBS/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les recherches que j’avais prévu d’effectuer cet été dans le Oaxaca ont été annulées en raison de la pandémie. J’ai tout de même été informé, de loin, de la façon dont les Zapotèques affrontent le coronavirus alors même que leur existence était déjà rendue compliquée par des facteurs tels que la <a href="https://www.gob.mx/cms/uploads/attachment/file/348121/Violencia_de_G_nero_Contra_Mujeres_en_Zonas_Ind_genas_en_M_xico.pdf">pauvreté chronique</a>, un faible accès aux soins de santé, un Internet limité, les <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-mexico-indigenous/language-barriers-social-distancing-mexicos-indigenous-face-coronavirus-idUSKBN21M03L">barrières linguistiques</a> et le manque d’eau courante.</p>
<p>En échangeant avec des collègues de <a href="http://utvco.edu.mx/">l’Universidad Tecnológica de los Valles Centrales du Oaxaca</a> et en parcourant les ressources médiatiques en ligne, j’ai pu constater que les Zapotèques résistent à la pandémie en faisant ce qu’ils ont toujours fait lorsque le gouvernement mexicain ne peut pas ou ne veut pas les aider : s’appuyer sur les traditions indigènes locales de coopération, d’autonomie et d’isolement.</p>
<p>Pour l’instant, cette approche semble couronnée de succès. Alors que le nombre de contaminations et de décès <a href="https://www.aljazeera.com/news/2020/08/coronavirus-cases-deaths-rise-brazil-mexico-200810071724113.html">augmente sans cesse au Mexique</a>, de nombreuses communautés indigènes du Oaxaca demeurent largement épargnées par le coronavirus. Le village indigène mixtèque de Santos Reyes Yucuná a par exemple signalé sa <a href="https://wearemitu.com/things-that-matter/the-coronavirus-is-starting-to-hit-mexicos-poorest-communities-and-the-results-could-be-devastating/">première infection le 17 juillet</a>, quatre mois après l’arrivée du Covid-19 au Mexique.</p>
<h2>Les stratégies de survie des peuples indigènes</h2>
<p><a href="https://nacla.org/news/2019/05/30/coast-oaxaca-afro-and-indigenous-tribes-fight-water-autonomy">La coopération</a> est la pierre angulaire de la vie des Zapotèques au Oaxaca. La longue histoire de leur <a href="https://theconversation.com/study-reveals-racial-inequality-in-mexico-disproving-its-race-blind-rhetoric-87661">exclusion sociale</a> par le gouvernement fédéral incite les Zapotèques <a href="https://news.trust.org/item/20200417171219-xdsy2">à ne pas compter sur les politiciens</a> pour les sauver.</p>
<p>Les gens travaillent ensemble dès leur plus jeune âge, en se regroupant en « tequio », ou brigades de travail communales, pour réaliser des projets qui peuvent aller de la peinture des murs d’une école à la réparation d’un réseau électrique. Les individus, leurs familles et leurs amis collaborent régulièrement pour faire en sorte que les petits travaux soient réalisés rapidement et que les gros travaux paraissent moins accablants.</p>
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<img alt="Une femme prépare de la farine de maïs pour des tortillas" src="https://images.theconversation.com/files/350724/original/file-20200802-17-1faxfay.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350724/original/file-20200802-17-1faxfay.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350724/original/file-20200802-17-1faxfay.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350724/original/file-20200802-17-1faxfay.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350724/original/file-20200802-17-1faxfay.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350724/original/file-20200802-17-1faxfay.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350724/original/file-20200802-17-1faxfay.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une femme zapotèque fabrique des tamales à partir de maïs cultivé localement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jeffrey H. Cohen</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les Zapotèques sont également relativement isolés de la société mexicaine au sens large, <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/distributed/M/bo20850757.html">comme le montrent mes recherches</a>. Ils cultivent de la nourriture dans leurs « milpas », ou parcelles de jardin, en complément de la nourriture achetée dans les magasins, et assurent la sécurité de leurs propres communautés avec des volontaires appelés « topiles ». Faisant profondément confiance à leur communauté et forts d’une histoire d’autonomie antérieure à la conquête espagnole, les Zapotèques qui continuent de vivre dans les campagnes du Oaxaca n’ont pas besoin de beaucoup d’échangent entre leurs villages et le monde extérieur, et cherchent dans la mesure du possible à réduire ces interactions.</p>
<p>Ces trois aspects de la culture zapotèque traditionnelle – coopération, isolement et autonomie – sont tous utiles en cas de pandémie.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/350064/original/file-20200729-27-b9kc6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/350064/original/file-20200729-27-b9kc6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350064/original/file-20200729-27-b9kc6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=735&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350064/original/file-20200729-27-b9kc6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=735&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350064/original/file-20200729-27-b9kc6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=735&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350064/original/file-20200729-27-b9kc6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=924&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350064/original/file-20200729-27-b9kc6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=924&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350064/original/file-20200729-27-b9kc6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=924&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chapulines sur un marché.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jeffrey H. Cohen</span></span>
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<p>Selon la chercheuse <a href="https://utvco.academia.edu/NydiaDehliMataSanchez">M.C. Nydia Sanchez</a> de l’Universidad Tecnológica de Oaxaca, les familles zapotèques partagent des ressources rares comme la nourriture, l’information, l’eau et les masques faciaux dans le cadre de ce qu’on appelle la « guelaguetza », à savoir la pratique du travail en commun et du don de cadeaux.</p>
<p>En cette période où la <a href="https://www.animalpolitico.com/blog-invitado/covid-19-y-las-cadenas-de-suministro-de-alimentos/">chaîne d’approvisionnement alimentaire du Mexique est sous pression</a>, les villageois s’assurent que personne ne souffre de la faim en augmentant leur récolte de « maiz », le maïs utilisé pour faire des tortillas.</p>
<p>Les « chapulines » – des sauterelles récoltées dans les champs et rapidement grillées sur un feu – reviennent sur les tables : elles représentent une alternative riche en protéines à la viande achetée en magasin, qui est chère et qui, souvent, n’est plus disponible localement.</p>
<h2>La règle du consensus</h2>
<p>Toutefois, la nature très soudée des communautés zapotèques est également susceptible de compliquer la mise en œuvre de certaines mesures essentielles visant à limiter l’exposition des résidents à l’infection.</p>
<p>Dans ces petits villages de quelques milliers d’âmes au maximum, tout le monde se connaît, et les Zapotèques passent généralement une grande partie de leur journée en famille et entre amis. Cela peut rendre difficile le maintien de la distanciation sociale recommandée par les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pD6t62pv11Y">responsables nationaux de la santé</a>.</p>
<p>« Il est difficile de ne plus se saluer comme avant dans la rue, car nous y sommes habitués », a reconnu un Zapotèque du nom de José Abel Bautista Gonzalez <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-mexico-indigenous/language-barriers-social-distancing-mexicos-indigenous-face-coronavirus-idUSKBN21M03L">interrogé par Reuters en avril</a>. « C’est une tradition, c’est la culture du peuple ».</p>
<p>Plutôt que de fermer leurs portes à leur famille et leurs amis, les Zapotèques cherchent donc à empêcher le Covid-19 à arriver jusqu’à eux.</p>
<p>Dans la majeure partie du Oaxaca, les villageois construisent des barricades faites de chaînes, de pierres et de bouts de bois pour bloquer physiquement l’accès à leurs communautés, qui ne sont généralement desservies que par une seule route. De nombreux villages se retrouvent ainsi de fait mis en quarantaine de la société.</p>
<p>« Nous avons décidé de mettre en place ces barrières afin que les visiteurs et les étrangers ne puissent pas entrer », a déclaré José Manzano, de San Isidro del Palmar, <a href="https://globalpressjournal.com/americas/mexico/mexicos-coast-communities-unite-keep-coronavirus/">au <em>Global Press Journal</em> le 28 juin</a>].</p>
<p>Ces décisions, comme la plupart des mesures prises par les Zapotèques, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0010414019857094">reposent sur un consensus communautaire</a>, et non sur les ordres d’un dirigeant politique local ou national.</p>
<h2>Un futur incertain</h2>
<p>Il est malgré tout peu probable que les communautés indigènes mexicaines échappent à la pandémie.</p>
<p>Mexico est en train de <a href="https://www.brookings.edu/blog/order-from-chaos/2020/03/30/amlos-feeble-response-to-covid-19-in-mexico/">perdre sa bataille</a> contre les effets économiques du coronavirus : des emplois disparaissent et les experts prédisent que l’économie nationale pourrait connaître une <a href="https://www.csis.org/analysis/covid-19-pandemic-threatens-mexicos-economy">contraction de 8 % cette année</a>. Le tourisme, moteur de l’économie mexicaine, <a href="https://www.spokesman.com/stories/2020/jul/18/tourism-will-be-key-to-recovery-for-oaxaca-post-co/">s’est arrêté</a>.</p>
<p>Le pays s’attend à subir une longue récession qui, selon les experts, aura un impact disproportionné sur les pauvres des zones rurales, lesquels risquent de connaître la faim. L’<a href="https://www.coneval.org.mx/SalaPrensa/Comunicadosprensa/Documents/2020/Comunicado_06_POLIITICA_SOCIAL_EN_CONTEXTO_Covid_19.pdf">Agence de développement social du Mexique</a> estime que <a href="https://www.npr.org/2020/07/30/895698797/if-coronavirus-doesn-t-kill-me-hunger-will-mexico-s-poor-bear-brunt-of-pandemic">jusqu’à 10 millions de personnes pourraient tomber dans l’extrême pauvreté</a>, ce qui mettrait fin à une décennie de réduction de la pauvreté dans le pays].</p>
<p>Et si le coronavirus finit par s’introduire dans les communautés zapotèques, les habitants seront sans doute <a href="https://www.telesurenglish.net/news/-mexico-chiapas-natives-vulnerable-to-covid19-20200403-0005.html">durement frappés</a>. Leurs villages manquent d’eau courante, de distanciation sociale, d’approvisionnement en masques et des soins de santé nécessaires pour ralentir la propagation de la maladie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/350727/original/file-20200802-17-fwk79p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350727/original/file-20200802-17-fwk79p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350727/original/file-20200802-17-fwk79p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350727/original/file-20200802-17-fwk79p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350727/original/file-20200802-17-fwk79p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350727/original/file-20200802-17-fwk79p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350727/original/file-20200802-17-fwk79p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une campagne de prévention contre le choléra pour une eau potable propre dans le Oaxaca.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jeffrey H. Cohen</span></span>
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<p>Le manque d’eau potable augmente en outre le risque que des problèmes intestinaux comme le choléra, parmi <a href="https://www.healthaffairs.org/doi/full/10.1377/hlthaff.21.3.47">d’autres problèmes de santé courants</a> chez les populations indigènes rurales, exacerbent les effets du Covid-19.</p>
<p>Le <a href="https://siete24.mx/mexico/estados/desde-hace-diez-anos-51-hospitales-y-dos-autopistas-estan-en-construccion-en-oaxaca/">gouvernement mexicain s’est engagé</a> à construire davantage d’hôpitaux ruraux, y compris dans l’Oaxaca. Mais le virus se déplace plus vite que les équipes de construction. Les Zapotèques le savent, ils doivent toujours <a href="https://oaxaca.eluniversal.com.mx/municipios/30-07-2020/en-estos-municipios-zapotecas-la-organizacion-comunitaria-mantiene-raya-la">compter avant tout sur eux-mêmes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144625/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeffrey H. Cohen a reçu des financements de la National Science Foundation. Il a été Senior Fulbright scholar au Mexique et ses travaux antérieurs ont été soutenus par la National Geographic Society ainsi que par l'université d'État de l'Ohio.
</span></em></p>Les Zapotèques du sud du Mexique, communauté qui se caractérise par une forte solidarité interne, ont décidé de pratiquement se couper du monde pour échapper à l’épidémie.Jeffrey H. Cohen, Professor of Anthropology, The Ohio State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1334592020-06-10T18:20:33Z2020-06-10T18:20:33ZAu Mexique, les enjeux de la bataille pour l’eau<p>Quelques pays dans le monde ont privatisé la gestion de leurs eaux abandonnées aux forces du marché (le <a href="https://www.partagedeseaux.info/Les-marches-de-l-eau-au-Chili-et-ailleurs">Chili, la Californie et l’Australie</a>, mais la majorité des pays a néanmoins préservé la compétence des pouvoirs publics afin de maîtriser les enjeux sociaux et environnementaux d’une ressource conflictuelle.</p>
<p>Encore faut-il que les tensions entre les secteurs productifs et sociaux engendrées par sa répartition ne dégénèrent pas. L’eau est donc l’objet d’une gestion concertée et les modèles les plus cités sont le modèle espagnol des bassins hydrographiques, <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-eaux-et-territoires-2013-2-page-8.htm">ancien et centralisé</a>, et celui des agences de l’eau, que la France a mis en place par grand bassin-versant dès les années 1960.</p>
<p>Le modèle français, financièrement autonome et organiquement collaboratif, a prouvé son efficacité sans résoudre toutes les tensions. Il a été <a href="https://www.persee.fr/doc/tiers_1293-8882_2001_num_42_166_1511">adapté</a> avec beaucoup de liberté dans de nombreux pays.</p>
<p>Trois éléments interrogent aujourd’hui l’avenir de la gestion de l’eau dans le monde : les bassins interconnectés, où l’eau circule de plus en plus entre bassins, les fragmentations identitaires, quand un groupe au sein d’un bassin estime que l’eau lui est propre, et le marchandage intersectoriel, qui exige des arbitrages dépassant la seule question de l’eau.</p>
<p>Le modèle collaboratif – proche du modèle français – mis en place par le Mexique en 1992 est révélateur de ces trois aspects.</p>
<h2>L’interconnexion croissante des bassins</h2>
<p>Dans de nombreux pays régis par le modèle collaboratif, des comités de bassin représentent les intérêts des différents usagers et de la société – universités, associations, entreprises, agriculture, municipalités, administrations, etc. Ces comités, conseils ou parlements de l’eau cherchent à améliorer les usages et à garantir un partage juste de la ressource dans la zone définie par la réalité physique de la ligne de partage des eaux superficielles.</p>
<p>Or, les bassins sont de plus en plus interconnectés, à tel point qu’un usage de l’eau à un endroit peut affecter un territoire situé à plusieurs centaines de kilomètres dans un autre bassin. Cette interconnexion résulte parfois du manque d’eau et parfois de la proximité de la ressource dans un bassin voisin. Au Mexique, l’interconnexion est telle qu’un usage peut affecter non seulement le bassin voisin, mais aussi un troisième bassin.</p>
<p>Prenons l’exemple de la ville de Mexico située à 2 200 mètres d’altitude. <a href="https://www.researchgate.net/publication/315825285_Sistema_Lerma_Una_vision_politica_en_la_gestion_publica_del_agua">Depuis les années 1950</a>, la ville et son agglomération s’approvisionnent en eau potable au-delà du bassin hydrologique propre. Plusieurs centaines de puits ont été forés dans le haut bassin du Lerma, à l’ouest de la capitale, pour acheminer l’eau par gravité via un tunnel.</p>
<p>Dans les années 1970, les forages sous la ville et ceux du bassin voisin sont devenus insuffisants. Il a fallu prélever l’eau dans un autre bassin, celui du Balsas au sud-ouest. Ici, l’eau des barrages est remontée sur plus de 1000 mètres de dénivelé et les imposantes conduites d’eau du <a href="https://twitter.com/hidropolitana/status/923301485315633152">système Cutzamala</a> s’étendent sur plus de cent kilomètres.</p>
<p>Il était prévu d’abandonner les puits du haut Lerma aux usagers locaux, mais la démographie de la capitale a rendu cette option impossible. Aujourd’hui, la demande de plus de vingt millions d’habitants de Mexico implique de <a href="https://www.jornada.com.mx/2015/04/20/sociedad/036n3soc">concevoir de nouveaux projets</a> de transfert en même temps que l’agglomération tentaculaire tente de réduire les fuites et de recycler les eaux usées.</p>
<h2>La double concurrence entre villes et campagnes</h2>
<p>La rivière Lerma débute au-dessus de México, comme évoqué ci-dessus, avec les forages pour l’eau potable, et se termine dans le lac Chapala à l’ouest. Ce lac, le plus étendu du pays, approvisionne en eau potable les près de 5 millions d’habitants de Guadalajara. Distante de 500 km de México et localisée dans un autre bassin que celui du lac Chapala, cette ville voit pourtant son approvisionnement dépendre en partie de la capitale.</p>
<p>En effet, les forages du haut bassin Lerma dont l’eau est destinée à Mexico ont asséché plusieurs lacs et tari les débordements vers la rivière. Quant aux barrages érigés sur la rivière Lerma et ses affluents, ils détournent également une grande partie de l’eau au bénéfice de plusieurs centaines de milliers d’hectares irrigués.</p>
<p>Face au sort incertain du lac Chapala et malgré les négociations et les traités de partage de l’eau, la ville de Guadalajara s’est tournée depuis quinze ans vers le bassin du Rio Verde dont l’eau est vierge de tout usage. Le barrage en construction du Zapotillo devrait compenser la perte possible du lac Chapala.</p>
<p>C’était sans compter sur les visées que d’autres villes ont elles aussi sur le Rio Verde, en particulier celle de León qui compte près de 2 millions d’habitants et de nombreuses industries.</p>
<p>La concurrence classique entre l’eau pour la ville et l’eau pour l’irrigation se double désormais de celle, plus acharnée et moins visible, des grandes villes entre elles. L’interconnexion physique des bassins exige des arbitrages politiques qui dépassent les comités de bassin. Alors que leur pouvoir s’exerce sur un territoire qui ne correspond déjà pas aux juridictions politiques, les comités de bassin sont carrément inadaptés pour agir sur ces interactions.</p>
<h2>Les fragmentations identitaires</h2>
<p>Tandis que l’interconnexion étend l’espace des tensions sur l’eau, surviennent des crispations locales de nature identitaire, dans lesquelles l’eau est un prétexte tout trouvé de revendications. C’est le cas du <a href="http://www.umifre.fr/c/79120">barrage du Zapotillo</a> évoqué précédemment.</p>
<p>Un décret présidentiel émis dans les années 1990 partageait les eaux du Rio Verde entre Guadalajara et León. Après trois projets de barrage contestés et annulés, le gouvernement a porté son choix sur le site du Zapotillo. Il est immédiatement contesté en 2005 par des ONG de Guadalajara au nom des villages destinés à être inondés dont une partie de la population refuse le village neuf construit à proximité.</p>
<p>Deux villages acceptent le déplacement, et le chantier démarre. Il n’est pas encore achevé lorsqu’un nouveau gouverneur est élu en 2013. Ce dernier évite de prendre parti sur la question des déplacés : il crée l’Observatoire citoyen pour la gestion intégrée de l’eau, un organe participatif qui doit trancher sur le cas du barrage et des déplacés. Il ne s’agit pas ici d’un comité de bassin car sa juridiction s’étend sur l’état dont la capitale est Guadalajara. L’Observatoire ne défend donc ni le point de vue des usagers du Rio Verde ni les habitants de León.</p>
<p><a href="http://www.udg.mx/es/noticia/presentan-integrantes-del-observatorio-para-gestion-del-agua-en-jalisco">L’Observatoire</a> composé de 20 membres est structuré autour de trois composantes : les chambres de commerce et d’industrie favorables au barrage, des associations qui représentent le territoire rural où est édifié le barrage, et des universitaires proches des ONG. Ces dernières ne souhaitent pas intégrer l’Observatoire et les administrations de l’eau, parties prenantes, ne sont pas invitées. Rapidement, les représentants du territoire prennent parti pour les déplacés, avec l’idée que l’eau doit se marier au territoire pour ne pas compromettre son développement futur.</p>
<p>À l’image des <a href="https://theconversation.com/wetsuweten-blockades-no-more-business-as-usual-in-canada-131961">indiens</a> qui défendent une souveraineté sur un territoire et ses ressources, les représentants du territoire, ici d’origine espagnole, défendent les ressources locales. Au nom de leur territoire et de sa population, ils s’érigent contre la loi qui stipule que les eaux sont fédérales, contre le décret présidentiel et contre le gouverneur qui pensait contrôler l’Observatoire.</p>
<p>Alors que les conseils de bassin reposent sur l’idée de gestion intégrée de la ressource, ces nouvelles identités territoriales refusent tout partage avec une autre juridiction étatique au nom des déplacés et des intérêts futurs du territoire et de l’état.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1179123776652546048"}"></div></p>
<h2>Les marchandages intersectoriels</h2>
<p>Le marchandage intersectoriel réduit davantage les prérogatives des comités de bassin. Pour résoudre les tensions les <a href="http://www.urbanwateralliance.org.au/publications/UWSRA-tr38.pdf">plus graves</a>, il est nécessaire de sortir du strict domaine de l’eau, ce qui est bien sûr hors de portée du comité de bassin.</p>
<p>En 2004, le lac Chapala avait perdu 90 % de son volume à la suite d’un déficit pluviométrique qui a duré plus de vingt ans. Les agriculteurs ont rendu coupables la ville de Mexico qui pompait en haut de bassin alors que les riverains du lac accusaient les agriculteurs.</p>
<p>Le comité de bassin Lerma Chapala ne parvenait pas à décider entre l’approvisionnement des villes et les besoins pour l’agriculture. Le gouverneur qui défendait la première option se déchirait avec celui qui défendait les agriculteurs. Or le <a href="https://books.google.fr/books?id=7eS6Q52B6T8C">traité pour sauver le lac Chapala</a> en 2004 devait être signé par tous (y compris les agriculteurs).</p>
<p>Comment convaincre ces derniers de signer ce traité sans restreindre leur droit à l’eau ? La présidence du pays convoqua les gouverneurs des cinq états se partageant le bassin Lerma Chapala à une réunion secrète, dont les résultats ne se firent pas attendre.</p>
<p>Les deux gouverneurs en lice, celui défendant le lac et celui défendant les agriculteurs, se calmèrent aussitôt. Les négociations reprirent et le traité fut signé. Il est probable que chaque gouverneur reçut des assurances dont on ne connaît pas le détail et qui dépassent le strict cadre de l’eau, telle la promesse d’une implantation industrielle.</p>
<p>Les années à venir seront marquées, au Mexique comme ailleurs, par une pression accrue sur l’eau qui va alimenter de nouvelles tensions et qui exigera de nouvelles manières de négocier. Les conflits ont toujours existé, mais il est sûr que, de nos jours, ils sont de plus en plus médiatisés. Ils naissent du politique quand une institution estime que seul importe son point de vue sur l’intérêt collectif ou bien quand une minorité veut faire entendre une voix inaudible. Ils sont aussi résolus par le politique, parfois en marge de la loi ou avec des traités à la valeur limitée. Chaque acteur défend ses valeurs, mais ne pas disqualifier l’autre, d’une part, et comprendre sa propre influence dans la société, d’autre part, aideront à composer un intérêt commun à partir de valeurs opposées.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est republié dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133459/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Mollard receives public funding from the French Government. </span></em></p>Dans ce pays de 126,2 millions d’habitants, la pression accrue sur les réserves en eau provoque des concurrences entre les grandes villes et entre villes et campagnes.Eric Mollard, Chargé de recherche sur le développement, les conflits environnementaux et la gestion de l’eau, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1374402020-05-22T14:35:36Z2020-05-22T14:35:36ZLa pandémie restreint les droits des migrants et des demandeurs d’asile<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/336854/original/file-20200521-102651-ods3vk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des migrants d'Amérique centrale demandeurs d'asile rentrent au Mexique par le pont international à la frontière entre les États-Unis et le Mexique qui relie Ciudad Juarez et El Paso, le 21 mars 2020. La pandémie a offert une occasion en or à Donald Trump de resserrer encore davantage la mobilité des gens à la frontière. </span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Christian Chavez</span></span></figcaption></figure><p>La propagation de la Covid-19 a presque éliminé le droit universel des victimes de violence et de persécution à demander l’asile, consacré par l’Organisation des Nations unies en 1951.</p>
<p>Ainsi, la fermeture des frontières, les restrictions de voyage et, dans certains cas, l’interdiction de nouvelles demandes d’asile ou la suspension de celles déjà en cours, <a href="https://www.lalibre.be/dernieres-depeches/afp/de-l-allemagne-a-la-grece-des-migrants-vulnerables-face-au-coronavirus-5e75f5e7d8ad582f31d3297b">se sont répandues à travers la planète</a>.</p>
<p>Soulignant le <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-speech-kag-rally-north-charleston-south-carolina-february-28-2020">lien entre la sécurité des frontières et la sécurité sanitaire</a>, le président américain Donald Trump, comme d’autres leaders politiques, a fermé ses frontières. Ceci a amplifié la <a href="https://www.nationalgeographic.com/history/2020/04/these-migrant-families-walked-north-safety-now-they-face-coronavirus/">crise humanitaire</a> qui existe déjà dans <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/21/world/americas/coronavirus-mexico-border-migrants.html">plusieurs villes frontalières</a> entre le Mexique et les États-Unis, comme Tijuana, Ciudad Juárez, Reynosa, Matamoros ou Nuevo Laredo.</p>
<p>Cependant, on aurait tort d’appréhender les mesures qui empêchent les migrants de demander l’asile aux États-Unis seulement sous le prisme des circonstances particulières issues de la pandémie de la Covid-19. Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’un discours anti-migration qui prévalait aux États-Unis depuis des décennies.</p>
<h2>Des invités indésirables</h2>
<p>Dès les années 1990, les médias ont présenté les migrants qui traversaient la frontière entre le Mexique et les États-Unis sans autorisation comme des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/book/10.1002/9780470776315">« voleurs de jobs », responsables de la baisse des salaires, de la propagation des maladies, de la perpétration de crimes ou comme un « fardeau » pour les services publics</a>. Sous l’administration Trump, les <a href="https://muse.jhu.edu/article/692068">sentiments anti-migrants se sont amplifiés</a>.</p>
<p>L’apparition des premières « caravanes » de migrants d’Amérique centrale traversant le Mexique dans l’espoir de demander l’asile aux États-Unis en <a href="https://www.france24.com/fr/20180403-le-sud-mexique-caravane-migrants-poursuit-progression">avril 2018</a>, et une caravane encore plus grande en octobre 2018, ont provoqué une <a href="https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1056919064906469376?ref_src=twsrc%5Etfw">réaction virulente de Trump</a>, déterminé à les empêcher à tout prix de traverser la frontière entre les États-Unis et le Mexique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336860/original/file-20200521-102657-1wjs4gf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336860/original/file-20200521-102657-1wjs4gf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336860/original/file-20200521-102657-1wjs4gf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336860/original/file-20200521-102657-1wjs4gf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336860/original/file-20200521-102657-1wjs4gf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336860/original/file-20200521-102657-1wjs4gf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336860/original/file-20200521-102657-1wjs4gf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des fourgons de la patrouille frontalière déposent des migrants, le 13 avril 2019, dans un centre de loisirs du Nouveau-Mexique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Blake Gumprecht/The Las Cruces Sun News via AP, File</span></span>
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</figure>
<p>Depuis 2012, nous étudions le <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9781137509741">mouvement des migrants d’Amérique centrale à travers le Mexique vers la frontière américaine</a>. En 2019, nous sommes allés à Tijuana, une ville frontalière, pour étudier l’impact des politiques restrictives de l’administration Trump sur la vie des migrants et les stratégies qu’ils utilisent pour surmonter les obstacles auxquels ils sont confrontés pour obtenir la protection dont ils ont besoin.</p>
<p>Deux politiques leur rendaient la tâche particulièrement difficile : le <a href="https://www.dhs.gov/news/2019/01/24/migrant-protection-protocols">Migrant Protection Protocol (MPP)</a>, communément appelé « rester au Mexique », et les <a href="https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/569195/la-multiplication-des-murs">accords de coopération sur l’asile avec le Guatemala, le Honduras et le Salvador</a> qui font de ces pays des « pays tiers sûrs ».</p>
<p>Par l’entremise du MPP, depuis janvier 2019, <a href="https://trac.syr.edu/phptools/immigration/mpp/">plus de 60 000 personnes</a>, principalement d’origine centraméricaine, ont été renvoyées dans différentes villes frontalières du nord du Mexique pour la durée du traitement de leur demande d’asile, avec l’accord du gouvernement mexicain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336857/original/file-20200521-102682-1ldm62i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336857/original/file-20200521-102682-1ldm62i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336857/original/file-20200521-102682-1ldm62i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336857/original/file-20200521-102682-1ldm62i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336857/original/file-20200521-102682-1ldm62i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336857/original/file-20200521-102682-1ldm62i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336857/original/file-20200521-102682-1ldm62i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des migrants, dont beaucoup ont été renvoyés au Mexique dans le cadre du programme <em>Restez au Mexique</em> de l’administration Trump, font la queue pour obtenir un repas dans un campement près du pont international Gateway à Matamoros, le 30 août 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Veronica G. Cardenas, File</span></span>
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<p>Dans le cas des accords de coopération, cela signifie que les demandeurs d’asile qui ont transité par un pays considéré comme « pays tiers sûr » seront contraints d’effectuer leur demande dans ce dernier, plutôt qu’aux États-Unis.</p>
<p>Il faut rappeler que l’immense majorité des demandeurs d’asile qui transitent par le Mexique viennent du Honduras, du Salvador et du Guatemala. En vertu de cet accord, les États-Unis pourraient rejeter leur demande d’asile.</p>
<h2>Un virus inespéré</h2>
<p>L’apparition de la Covid-19 s’est ainsi présentée comme une excuse parfaite à Donald Trump pour aller encore plus loin en durcissant davantage ces conditions pour l’obtention de l’asile aux États-Unis.</p>
<p>Ainsi, le 20 mars, l’administration Trump, invoquant l’expansion du virus, a annoncé la fermeture de la frontière avec le Mexique pour tout transit non essentiel. Du coup, on a interdit l’accès à toute personne tentant de demander l’asile, même aux mineurs non accompagnés, à partir de la frontière mexicaine. La raison évoquée : <a href="https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/remarks-president-trump-vice-president-pence-members-c-oronavirus-task-force-press-briefing/">« réduire la masse globale de la migration qui épuiserait gravement le système de santé dont les Américains ont besoin »</a>.</p>
<p>Depuis cette fermeture, entre le 21 mars et le 30 avril, le <a href="https://www.cbp.gov/newsroom/stats/cbp-enforcement-statistics/title-8-and-title-42-statistics">gouvernement américain a expulsé plus de 20 000 personnes</a>, sans vérifier ou examiner si celles-ci avaient besoin ou pas de protection internationale. En effet, le temps qui s’est écoulé entre le moment où ils ont détenu la personne et son expulsion était en <a href="https://www.washingtonpost.com/immigration/coronavirus-immigration-border-96-minutes/2020/03/30/13af805c-72c5-11ea-ae50-7148009252e3_story.html">moyenne de 96 minutes</a>.</p>
<p>De plus, le gouvernement a décidé d’interrompre la procédure de ceux qui avaient déjà déposé leur demande et attendaient leur audience de tribunal en vue de l’octroi de l’asile. En fait, les tribunaux de l’immigration américains ont fermé et <a href="https://www.borderreport.com/top-stories/mpp-hearings-now-moved-back-to-june-22-by-dhs-in-confusing-statement-attributing-to-covid-concerns/">annulé par la suite toutes les audiences jusqu’au 22 juin</a>, mettant ainsi entre parenthèses les demandes d’asile de <a href="https://trac.syr.edu/phptools/immigration/mpp/">20 000 personnes</a>.</p>
<p>Au milieu de cette situation, les demandeurs d’asile qui attendent à la frontière nord du Mexique sont particulièrement touchés. De milliers d’entre eux sont toujours bloqués à la frontière. Lors de notre recherche, menée avant la pandémie, nous avons constaté que les migrants vivaient dans des auberges surpeuplées, sans accès à l’emploi ou aux soins de santé. Avec l’avancée de la pandémie, la <a href="https://www.nbcnews.com/politics/immigration/covid-19-looms-conditions-migrants-stalled-u-s-border-are-n1204506">crise humanitaire s’est intensifiée davantage</a>.</p>
<h2>Des ONG débordées</h2>
<p>Ceux et celles qui attendaient déjà dans les différentes villes de la frontière nord-mexicaine sont rejoints par les centaines de personnes qui arrivent chaque jour sur leurs trajets vers le nord.</p>
<p>Ce sont principalement des familles avec plusieurs enfants. Elles habitent dans des auberges gérées par des ONG qui fonctionnent généralement[ <a href="https://elpais.com/internacional/2020-03-20/los-migrantes-varados-en-mexico-desarmados-frente-al-coronavirus.html">au-dessus de leur capacité</a>]. Ce sont des espaces vulnérables à la Covid-19 et à d’autres maladies. La précarité, la surpopulation et le manque d’espace qui les caractérise rendent impossible d’appliquer les mesures d’hygiène, de distanciation sociale et de quarantaine recommandées par <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/advice-for-public">l’Organisation mondiale de la santé</a>.</p>
<p>Par conséquent, ces <a href="https://www.animalpolitico.com/2020/03/albergues-migrantes-medidas-coronavirus-covid19/">ONG n’accueillent plus de nouveaux arrivants</a>, afin d’éviter la contagion et la propagation du virus. Ceci vient accroître la précarité de ces migrants. Pour les demandeurs d’asile, la mobilité est une question de survie. Les empêcher de l’exercer, ou les confiner dans des espaces non adaptés et sans droit d’accéder à la protection internationale, ajoute une menace supplémentaire à leur existence déjà précaire. En outre, ils évitent de se rendre à l’hôpital parce qu’il <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/may/18/coronavirus-crisis-increases-suffering-of-most-vulnerable-refugees">craignent de devoir payer des frais de santé ou que leur présence soit signalée aux autorités d’immigration</a>.</p>
<p>Que faire ?</p>
<h2>Des pistes de solutions</h2>
<p>D’une part, pour éviter que cette pandémie aggrave la crise humanitaire déjà existante à la frontière nord-mexicaine, il faut garantir aux demandeurs d’asile l’accès aux soins de santé sans risque d’expulsion vers leur pays d’origine, conformément aux <a href="https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25730&LangID=E">recommandations du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme</a> (HCDH).</p>
<p>D’autre part, mettre fin à cette série de politiques inhumaines et injustes qui se sont aggravées avec l’apparition de la Covid-19 et offrir des procédures d’asile équitables et efficaces. Il est indispensable non seulement de rouvrir l’accès au droit d’asile, mais aussi d’accélérer le traitement de demandes et même d’entamer un processus de régularisation migratoire comme l’a fait le <a href="http://www.rfi.fr/fr/europe/20200329-coronavirus-portugal-regularisation-immigres-migrants-protection-etrangers">Portugal</a> : depuis le début avril, les migrants en attente de titre de séjour ont été régularisés temporairement.</p>
<p>Plus que jamais, dans cette période exceptionnelle, les droits des personnes migrantes doivent être garantis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137440/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tanya Basok has received funding from the Social Science and Humanities Research Council of Canada</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillermo Candiz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mesures qui empêchent les migrants de demander l’asile aux États-Unis ne sont pas seulement dues à la pandémie. Elles s’inscrivent dans un discours anti-migration qui prévaut depuis des décennies.Guillermo Candiz, Chercheur postdoctoral, Université de MontréalTanya Basok, Professor, University of WindsorLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1376632020-05-10T21:44:17Z2020-05-10T21:44:17ZAmérique latine : une victoire dans la lente marche vers la légalisation de l’avortement<p>Deux ans après le premier mouvement massif en faveur de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui s’était traduit par un rejet de la légalisation par le Sénat, les Argentines ont enfin obtenu le droit à l'avortement. </p>
<p>Le projet de loi soutenu par le président Alberto Fernandez <a href="https://www.courrierinternational.com/article/droits-des-femmes-largentine-legalise-lavortement-au-terme-dune-longue-bataille">légalisant l'IVG</a> a été approuvé avec 38 voix contre 29 dans la Chambre Haute. Le texte autorise l’IVG pendant les quatorze premières semaines de grossesse.</p>
<p>Ce sont donc des cris de joie et de soulagement qui ont retenti cette nuit en <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/12/30/l-argentine-legalise-enfin-l-ivg-le-reste-de-l-amerique-latine-a-la-traine_1809910">Argentine</a>. </p>
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<figcaption><span class="caption">Le Congrès argentin adopte la loi légalisant l'avortement.</span></figcaption>
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<p>Cette victoire ne doit pas masquer pour autant la situation dans le reste de l’Amérique latine. Le sujet divise ces pays encore fortement empreints par le catholicisme et les femmes peinent toujours à faire valoir leurs droits. </p>
<h2>Des évolutions très lentes</h2>
<p>L’accès à l’avortement demeure à ce jour extrêmement inégal et légalement très restrictif. En 2017, il était ainsi totalement <a href="https://www.ined.fr/fichier/rte/41/population%202018-2/avortement_pop2018_2.pdf">interdit dans 6 pays</a> de la région (Haïti, Honduras, Nicaragua, République dominicaine, El Salvador et Suriname).</p>
<p>Il n’est totalement autorisé à la demande de la femme que dans quatre pays (Cuba, Porto Rico, Guyana et Uruguay), dans les territoires français d’outre-mer et depuis hier soir en Argentine. Les autres pays ne l’autorisent que dans des situations restrictives, c’est-à-dire pour protéger la vie de la mère (dans 10 pays) ou sa santé (seulement dans deux pays), et parfois en cas de malformation du fœtus, de viol ou d’inceste.</p>
<p>Le Mexique illustre bien l’hétérogénéité des règles en la matière, leur évolution et les discriminations d’accès qui existent. Dans ce pays fédéral, chacun des 32 États dispose d’une législation propre, définie par le code pénal. Dans l’ensemble du pays, l’avortement est en théorie autorisé en cas de viol mais, dans les faits, de nombreuses femmes se voient refuser l’accès à ce droit. Certains États mexicains l’autorisent par ailleurs pour préserver la vie et la santé de la femme ou en cas de malformation du fœtus.</p>
<p>Seuls deux États (celui de la <a href="https://elpais.com/internacional/2007/04/25/actualidad/1177452003_850215.html">ville de Mexico</a> et <a href="https://www.latimes.com/espanol/mexico/articulo/2019-09-25/en-uno-de-los-estados-mas-pobres-de-mexico-legalizan-el-aborto">l’État d’Oaxaca</a>) l’ont légalisé à la demande de la femme jusqu’à 12 semaines de grossesses. Une vingtaine d’autres ont au contraire ajouté récemment des clauses constitutionnelles protégeant le droit à la vie dès la conception, ce qui crée une confusion et une incertitude juridiques entre les dispositions de leur code pénal et leur Constitution.</p>
<p>Dans l’ensemble du sous-continent, les législations de l’avortement ont très peu évolué depuis les années 2000, et ce malgré des tentatives au Honduras, au Salvador ou en République dominicaine, à l'exception de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/30/en-argentine-un-vote-historique-en-faveur-de-l-avortement_6064817_3210.html">l'Argentine</a> où les femmes et le mouvement des foulards verts ont obtenu gain de cause.</p>
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<figcaption><span class="caption">L'Uruguay légalise l'avortement.</span></figcaption>
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<p>L’Uruguay, pays connu pour sa laïcité et ses avancées sociétales pionnières dans la région, a modifié sa loi pour autoriser l’avortement à la demande de la femme <a href="https://elpais.com/sociedad/2012/10/18/actualidad/1350515928_579435.html">jusqu’à 12 semaines de grossesse</a>. Les législations ont été assouplies en Colombie et à Sainte Lucie, où l’avortement n’est plus seulement possible pour sauver la vie de la femme, mais également pour des raisons de santé, et en cas de viol, inceste ou malformation du fœtus. </p>
<p>Au Chili, où l’avortement était totalement interdit de 1989 à 2017, il est <a href="https://www.minsal.cl/wp-content/uploads/2018/02/LEY_21030.pdf">désormais possible</a> pour préserver la vie de la mère, ainsi qu’en cas de viol et de malformation du fœtus. </p>
<p>Au Nicaragua, l’avortement thérapeutique a été <a href="https://www.elmundo.es/elmundosalud/2006/11/20/mujer/1164036226.html">totalement interdit en 2006</a>, alors qu’il y était auparavant légal pour des raisons médicales.</p>
<h2>Manque d'informations et fortes controverses</h2>
<p>Par ailleurs, à ces règles plus ou moins restrictives s’ajoutent d’autres obstacles auxquelles se heurtent bien souvent les femmes. Tout comme les personnels de santé, elles ne sont pas toujours bien informées des conditions de l’exercice de ce droit.</p>
<p>Elles peinent parfois à obtenir les autorisations nécessaires lorsqu’elles ont été violées ou revendiquent un avortement pour des raisons de santé. Le refus des personnels de santé reste également fréquent, certains invoquant leur droit à l’objection de conscience pour ne pas pratiquer cet acte jugé contraire à leur éthique professionnelle et à leur morale personnelle.</p>
<p>Enfin, la pression des autorités religieuses pèse lourdement sur ces femmes, leurs familles et les personnels de santé. Considérant l’avortement comme un crime, ils endurent parfois des menaces d’excommunication afin de les dissuader de pratiquer ou d’avoir une IVG.</p>
<p>Comme souvent, ces discriminations d’accès affectent plus particulièrement les jeunes femmes les moins instruites et les plus défavorisées, qui n’ont pas forcément accès à la contraception ni les ressources pour pratiquer un avortement dans un contexte d’illégalité.</p>
<p>En Amérique latine, la question de l’avortement demeure l’objet de débats et controverses virulents, <a href="https://www.ceped.org/IMG/pdf/realidades_y_falacias_lerner_guillaume_melgar.pdf">où s’affrontent des positions très polarisées</a>.</p>
<p>Les groupes favorables à la dépénalisation de l’avortement prônent le droit des femmes à disposer de leur corps, à choisir le moment de leur maternité et revendiquent un libre accès à l’avortement et à la contraception. Ce droit est considéré comme une question de justice sociale et un droit à la santé.</p>
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<figcaption><span class="caption">Salvador : En prison pour fausse couche ou IVG.</span></figcaption>
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<p>De l’autre côté, les groupes opposés à sa légalisation invoquent la défense d’un droit à la vie dès la conception et la protection du non-né, sans considération pour la liberté des femmes à poursuivre ou non une grossesse non désirée. Cette position, fortement influencée par les Églises (catholique et évangélique) et les pouvoirs conservateurs, cantonne la féminité à un rôle reproductif en valorisant la maternité au risque de perpétuer un modèle de société patriarcale.</p>
<h2>Avortements illégaux et conditions sanitaires</h2>
<p>Pourtant, interdire l’avortement n’a jamais empêché les femmes d’y recourir, comme on l’a constaté dans le monde entier : dans cette région, le taux d’avortement tourne autour de 44 pour 1 000 femmes entre 15 à 44 ans. Ce même taux est inférieur à 20 pour 1 000 dans les régions où il est légal, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27179755">comme en Europe de l’Ouest ou du Nord</a>.</p>
<p>Certaines femmes contournent les restrictions d’accès en migrant vers les pays ou les États aux lois plus permissives (par exemple les <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2006-1-page-19.htm?contenu=resume">pays des Caraïbes</a> ou le <a href="https://www.ceped.org/IMG/pdf/realidades_y_falacias_lerner_guillaume_melgar.pdf">Mexique</a>), quand d’autres avortent clandestinement, soit par elles-mêmes soit en recourant à des personnes non qualifiées, dans des conditions sanitaires inadéquates. Méthodes à base de plantes, produits chimiques dangereux pour la santé, médicaments inappropriés souvent surdosés… Ces pratiques employées pour interrompre la grossesse ne sont pas sans risque pour la santé de la mère. Alors qu’un avortement pratiqué dans un cadre légal n’est pas une procédure à risques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Brésil, le tabou des avortements illégaux.</span></figcaption>
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<p>En Amérique latine, la méthode la plus répandue consiste à utiliser du misoprostol. Ce médicament utilisé à l’origine pour le traitement des ulcères gastriques est connu pour ses propriétés abortives. Dans les pays où l’interruption de grossesse est légale, il est prescrit seul ou en association avec une autre molécule (la mifepristone) <a href="https://www.who.int/reproductivehealth/publications/unsafe_abortion/9789241548434/fr/">pour les avortements médicamenteux</a>.</p>
<p>Son efficacité est reconnue lorsqu’il est employé avec la posologie correcte et à un terme approprié de la grossesse. Ce n’est pas toujours le cas lorsque les femmes se le procurent à travers des réseaux informels sans qu’on leur fournisse les informations adéquates. L’utilisation massive de ce médicament a toutefois réduit les risques sanitaires <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28964589">associés aux avortements illégaux</a>.</p>
<h2>L’urgence de la dépénalisation</h2>
<p>La pénalisation a de fortes conséquences sur la vie, la santé et le statut juridique et social des individus impliqués. Sa pratique expose les femmes et les professionnels de santé qui les aident à de lourdes condamnations. Peines de prison, amendes ou obligation de réaliser des travaux d’intérêt public. Le personnel médical risque de son côté des suspensions d’activité.</p>
<p>À ces sanctions légales s’ajoutent souvent des discriminations et une forte stigmatisation sociale. Dans ce contexte, la dépénalisation apparaît comme la seule voie qui permettra d’éviter les risques associés aux avortements clandestins et, au-delà, de respecter les droits des femmes à préserver leur santé et de choisir leur sexualité et leur reproduction, à l'instar de l'Argentine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Guillaume ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le droit à l’avortement a été approuvé en Argentine, une victoire pour des milliers de femmes. Il est pourtant loin d’être pleinement acquis en Amérique latine.Agnès Guillaume, Chercheuse, démographe spécialisée sur les questions de santé reproductive, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1348742020-03-29T17:18:01Z2020-03-29T17:18:01ZDe l’Europe à l’Amérique du Nord, la contagion du renforcement des frontières<p>Depuis quelques années, en réponse à chaque « crise » qui les affecte – attentats, narcotrafic, afflux de réfugiés, récession économique –, les États érigent leurs frontières en boucliers protecteurs. La crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui n’échappe pas à la règle : dans une réaction épidermique quasi instantanée, les pays ferment un à un leurs frontières. </p>
<p>Lorsque Michel Foucher parlait en 2016 du <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/le-retour-des-frontieres/">« Retour des Frontières »</a>, il ne se doutait peut-être pas qu’un retour d’une telle ampleur aurait lieu, surtout dans le monde occidental. Même si l’actuelle crise que nous traversons ne verra qu’un renforcement temporaire des lignes internationales, ce phénomène est si exceptionnel et si rapide qu’il mérite que l’on s’y attarde afin d’en analyser non seulement les modalités mais également les forces qui le sous-tendent.</p>
<h2>Union européenne : un modèle mis à mal ?</h2>
<p>Face à l’arrivée de l’épidémie, un resserrement graduel s’est effectué au sein de l’UE, les frontières « se ferm[a]nt les unes après les autres », comme l’a <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200314.OBS26039/face-au-coronavirus-plusieurs-pays-ferment-leurs-frontieres.html">titré récemment <em>L’Obs</em></a>. Dès le 30 janvier, après avoir identifié deux cas de coronavirus parmi des touristes chinois, l’Italie avait déjà annulé ses vols avec la Chine, le pays par lequel est arrivée l’épidémie. Puis, le 16 mars, l’Espagne a annoncé la fermeture de ses frontières terrestres alors que l’Allemagne a mis en place des contrôles accrus, ne laissant passer que les travailleurs frontaliers et les marchandises.</p>
<p>S’en est suivi un mouvement général, de nombreux pays cédant à cette contagion du renforcement frontalier : après la Hongrie, c’est la Norvège, la Pologne ou encore l’Autriche qui ont décidé de mettre en place un confinement territorial derrière leurs frontières nationales. Enfin, ajoutant sa pierre à l’édifice, l’UE, qui s’est construite sur un idéal de libre circulation des personnes, avec la mise en place des accords Schengen en 1995, s’est accordée mardi 17 mars sur une réponse commune : la fermeture de ses frontières externes.</p>
<h2>Amérique du Nord : le retour d’un réflexe autarcique</h2>
<p>Mais c’est d’Amérique du Nord que la réponse la plus radicale est venue. Du protectionnisme économique à la promesse de construction d’un mur pour faire face à l’immigration clandestine, Donald Trump est l’un des « champions » de la « refrontiérisation » (<em>rebordering</em>) un phénomène de renforcement des frontières qui est en jeu à travers le monde depuis près de 20 ans, remplaçant l’idéal d’un « monde sans frontières » qui avait émergé dans les années 1990 avec la chute du Mur de Berlin et de l’URSS.</p>
<p>Alors qu’il se refuse toujours d’appeler à un confinement total et qu’il souhaite même assouplir les mesures de distanciation sociales, le président américain n’a pas hésité à prendre des mesures radicales concernant les frontières états-uniennes, que ce soit celle avec le Mexique ou celle avec le Canada.</p>
<p>En effet, lors de la conférence de presse organisée vendredi 20 mars, la protection des frontières a été présentée comme la pierre angulaire de la réponse que l’administration Trump a déployée pour lutter contre la pandémie liée au coronavirus. L’allocution a duré près de 35 minutes et a vu se succéder plusieurs dignitaires américains dont le président lui-même ; plus de la moitié de leurs interventions ont été consacrées aux frontières. Ces dernières ont d’ailleurs été identifiées par Antony Fauci, immunologue américain et membre de la Task Force mise sur pied par la Maison Blanche pour lutter contre le coronavirus, comme « l’un des deux piliers dans la lutte contre la propagation du virus ».</p>
<p>Afin de faire face à ce qu’ils désignent comme le « virus chinois », Donald Trump, son secrétaire d’État Mike Pompeo et le secrétaire par intérim à la Sécurité intérieure, Chad Wolf, ont tous trois annoncé deux mesures exceptionnelles. Après avoir suspendu les vols avec l’UE le 14 mars, une semaine plus tard, ce sont les frontières nord-américaines que le gouvernement américain décide de verrouiller. Au terme de deux accords bilatéraux que le pays a conclus avec le Mexique et le Canada, « les voyages non essentiels » sont interdits, notamment pour les touristes et les consommateurs – deux catégories de personnes qui structurent les flux transfrontaliers entre les États-Unis ses voisins. Sont exemptés de ces restrictions les travailleurs frontaliers, les professionnels de la santé ainsi que les chauffeurs routiers. Au vu du degré d’intégration et des liens commerciaux qui lient les trois pays, le secrétaire d’État américain a toutefois assuré que cette mesure ne s’appliquerait pas aux échanges commerciaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323394/original/file-20200326-132995-17z53uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Arche de la Paix, à la frontière Canada/États-Unis (entre Blaine, Washington, et Surrey, British Columbia) porte l’inscription « Que ces portes ne se ferment jamais ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Alexandre Beylier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La seconde mesure annoncée concerne les migrants clandestins qui traversent les frontières canadienne et mexicaine. En application de la section 362 du Public Service Act, le Center for Disease Control a interdit, à partir du 21 mars, l’entrée de ces derniers sur le territoire américain, arguant qu’ils constituent une « menace de santé publique ». Ceux-ci seront donc renvoyés dans leur pays d’origine sans aucune autre forme de procès. Bien que le Canada ait résisté, dans un premier temps, à adopter une mesure similaire, le premier ministre, Justin Trudeau, a <a href="https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19/covid-19-la-frontiere-canado-americaine-est-officiellement-fermee-aux-migrants-207d3eb74983ec3f7a8143b23da133b5">annoncé</a>, vendredi 20 mars, avoir conclu un accord avec Washington afin de procéder de la même façon. Il a bien souligné que cette mesure répondait à des circonstances « exceptionnelles » et qu’elle restait en conformité avec « les valeurs canadiennes ».</p>
<p>Cette annonce intervient alors que le Canada voit, depuis plusieurs années, affluer à sa frontière <a href="https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/refugies/demandes-asile/demandes-asile-2017.html">plusieurs dizaines de milliers de personnes</a> – 20 593 en 2017, 19 419, en 2018 et 16 503 en 2019 – qui la traversent entre les points d’entrée officiels afin de pouvoir formuler une demande d’asile. En effet, en vertu de l’Accord sur les Pays Tiers Sûrs de 2002 (<a href="https://www.canada.ca/en/immigration-refugees-citizenship/corporate/mandate/policies-operational-instructions-agreements/agreements/safe-third-country-agreement.html">Safe Third Country Agreement</a>) – l’équivalent du protocole de Dublin en vigueur dans les pays de l’UE –, les demandeurs d’asile ne peuvent pas se présenter à la frontière s’ils viennent d’un pays « sûr » tels que les États-Unis. Contournant cet accord, ils se sont donc mis à traverser entre les points d’entrée officiels, principalement depuis l’élection de Justin Trudeau (2015) mais plus encore depuis l’élection de Donald Trump (2016) afin de <a href="https://journals.openedition.org/eccs/1414">trouver refuge au Canada</a> qui les a accueillis à bras ouverts.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1241178654270541830"}"></div></p>
<p>Enfin, pour renforcer ce verrouillage territorial, l’administration Trump a même envisagé, jeudi 26 mars, de <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/trudeau-trump-border-coronavirus-1.5510853">déployer des soldats le long de sa frontière septentrionale</a> afin d’intercepter d’éventuels migrants. Si cette mesure ne sera vraisemblablement pas mise en œuvre, elle n’en fait pas moins écho à <a href="https://www.nationalguard.mil/News/Article/1487429/national-guard-troops-deploy-to-southern-us-border/">l’envoi de la Garde nationale en 2018 le long de la frontière Mexique/États-Unis</a> pour répondre à l’arrivée de « caravanes de migrants ».</p>
<h2>Une instrumentalisation des frontières</h2>
<p>Si les frontières nord-américaines se referment en réponse à la pandémie du coronavirus, la situation est aussi pour l’administration Trump l’occasion d’instrumentaliser de nouveau ces dernières et par là même l’un de ses sujets de prédilection : l’immigration.</p>
<p>Non seulement, ces sujets ont dominé la conférence de presse du 20 mars, mais Donald Trump et les membres de sa « Task Force » ont presque tous présenté les migrants clandestins comme une menace susceptible de « propager l’infection aux agents frontaliers, aux [autres] migrants et, plus largement, au public », Chad Wolf allant même jusqu’à dire qu’« une grande majorité d’entre eux présentaient des cas de coronavirus ».</p>
<p>Par ailleurs, l’argumentation était sous-tendue par des propos nationalistes selon lesquels les migrants engendreraient une pression sur le système de santé états-unien, voire le « paralyseraient » pour reprendre les mots de Donald Trump, « privant ainsi les citoyens américains de ressources dont ils ont besoin », une idée soulignée deux fois par le président américain ainsi que par le secrétaire à la Sécurité intérieure.</p>
<p>Enfin, tout cela n’est pas sans rappeler la rhétorique développée <a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4124">dans le sillage du 11 septembre 2001</a> par l’administration Bush concernant les frontières nord-américaines. D’une part, le président américain a annoncé vendredi que les deux frontières seraient « traitées de façon égale », soulignant un phénomène de banalisation des frontières nord-américaines, qui est en jeu depuis 2001 avec la politique <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/one-face-border-it-working">« One face at the border »</a>. D’autre part, tout comme l’objectif des « frontières intelligentes » mises en place suite aux attentats de 2001 était de trouver un équilibre entre sécurité et facilitation des flux, l’administration Trump a assuré le 20 mars que la politique actuelle de fermeture des frontières aurait lieu « sans faire obstacle au commerce » transfrontalier qui sert de « fondement à l’économie [américaine] ».</p>
<h2>Quelle efficacité et quelles conséquences ?</h2>
<p>Il est trop tôt pour réfléchir aux conséquences que de telles mesures auront mais de nombreux spécialistes doutent de leur efficacité. Comme l’a souligné Pierre Haski sur France Inter, mardi 17 mars, l’Italie a été le premier pays à suspendre ses vols avec la Chine dès l’apparition des premiers cas, ce qui ne l’a pas empêché d’être le pays le plus touché par le virus. Car ce dernier était déjà là. Il en va de même pour les États-Unis. Alors que, dimanche 22 mars, le <em>New York Times</em> faisait déjà état de 24 380 personnes contaminées et de 340 morts aux États-Unis et que le pays devenait jeudi 26, le <a href="https://coronavirus.jhu.edu/map.html">pays le plus touché avec près de 83 000 cas</a>, la priorité devrait être le ralentissement de la propagation du virus à l’intérieur des États-Unis avant le renforcement des frontières qui apparaît comme un nouvel écran de fumée occultant la recherche de vraies solutions.</p>
<p>Si ces mesures de refrontiérisation sont si populaires ces dernières années, notamment au sein des partis de droite, voire d’extrême droite, c’est parce qu’elles permettent aux politiques de proposer une réponse visible – bien qu’imparfaite et souvent inefficace – aux problèmes auxquels les pays sont confrontés, leur permettant ainsi d’accumuler un capital politique auprès de populations qui adhèrent à cette instrumentalisation des frontières. Donald Trump l’a bien compris. Toutefois, si la crise sanitaire prend aux États-Unis des proportions inquiétantes qui rendraient l’épidémie impossible à enrayer, sa réélection en novembre prochain pourrait être compromise… et ce ne seront pas ses mesures de fermeture des frontières qui le sauveront. </p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Alexandre Beylier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au sein de l’UE comme aux États-Unis et au Canada, les gouvernements tendent à fermer les frontières pour bloquer la propagation de l’épidémie. Une réaction pour le moins discutable.Pierre-Alexandre Beylier, Maître de Conférences en civilisation nord-américaine, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1333882020-03-11T17:37:34Z2020-03-11T17:37:34ZYa basta ! Pourquoi les Mexicaines ont disparu de l’espace public le 9 mars<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/319660/original/file-20200310-61094-f0zapf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=330%2C214%2C4941%2C3454&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des manifestantes féministes protestent contre la violence contre les femmes après l’assassinat d’Ingrid Escamilla, de 25 ans, poignardée jusqu’à la mort. Ciudad de México, 14 février 2020.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/search/conflictos?missing_image_id=1645760182">Pacific Press / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>« Le pire est que nous nous soyons habitués. On ne compte déjà plus les morts, on ne s’étonne même plus. C’est un mort de plus ». « Nous sommes comme anesthésiés : tant de morts, tant de mortes. Nous ne sommes plus capables de nous en émouvoir ». Ces mots sont ceux des habitants de Caborca, après le meurtre en juillet 2019 de 11 personnes en l’espace d’un week-end, dans cette commune de 100 000 habitants au nord du Mexique.</p>
<p>Chaque jour, 10 femmes meurent assassinées dans le pays. <a href="https://www.letraslibres.com/mexico/politica/violencia-genero-y-feminicidios-en-mexico-los-datos-hablan">Un féminicide sur dix</a> concerne des filles et des adolescentes de moins de 17 ans. Sur les réseaux sociaux, les messages se multiplient, sollicitant de l’aide après la disparition de femmes. De temps en temps, certains cas suscitent l’attention de la population, comme celui de la professeure Raquel Padilla, historienne à l’Institut national d’anthropologie et d’histoire (INAH), morte poignardée par son compagnon. La majorité reste dans l’anonymat.</p>
<p>Mais l’anesthésie sociale n’est pas un défaut moral propre aux Mexicains et aux Mexicaines, qui ne sont ni plus ni moins sensibles que n’importe quel autre peuple. Différents facteurs permettent de le comprendre. La situation est le résultat de la terreur semée par les guerres (capitalistes) contre le narcotrafic depuis plus de dix ans ; de l’impunité de la plupart de ces crimes ; de l’individualisme qui nous enferme dans nos problèmes personnels ; et enfin de l’impossibilité de mener un travail d’investigation journalistique qui permettrait de formuler publiquement la vérité.</p>
<h2>Anesthésie étatique</h2>
<p>Au-delà de l’anesthésie sociale, il existe au Mexique une anesthésie des pouvoirs publics, qui devraient en théorie réagir immédiatement face à ces événements macabres. L’action de l’État, censé être le garant de la sécurité et de la liberté des femmes et des filles sur son territoire, est tout simplement nulle. Ce silence contribue de façon certaine à l’impunité et à la perpétuation de la violence, spécifiquement de la violence à l’encontre des femmes dont la manifestation la plus dramatique est le féminicide.</p>
<p>Le cas de Fátima, âgée de 7 ans, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, pointant une nouvelle fois l’inertie coupable de l’État. Cette affaire révèle une chaîne de négligences et d’omissions qui questionne, une nouvelle fois, l’absence d’engagement des autorités pour la sécurité des femmes.</p>
<p>La fillette a été laissée le 11 février dernier, dans le sud-est de la ville de Mexico, à une personne non autorisée à la sortie de l’école. La famille a sollicité plusieurs instances, jusqu’à ce que la demande remonte jusqu’au bureau du procureur spécialisé dans la recherche, la localisation et l’enquête sur les personnes disparues. Une alerte « Amber » (système d’alerte enlèvement) contenant la photo et diverses informations sur Fátima a été lancée. Selon plusieurs témoignages, elle n’a toutefois pas été diffusée massivement, et la famille a donc imprimé et distribué elle-même un dossier de disparition dans toute la région de l’enlèvement.</p>
<p>Dans le cas de Fátima, ces efforts ont été vains puisqu’elle a été retrouvée morte quatre jours après son rapt. Son corps portait des traces de torture et de viol.</p>
<h2>Le cas de Paloma</h2>
<p>Le 13 décembre 2019, Paloma, une adolescente de 14 ans, a disparu à Hermosillo (capitale de l’État du Sonora). Son corps a été découvert le 31 décembre, à moitié enterré, aux côtés des dépouilles de deux autres personnes, à 12 kilomètres de la ville. La famille avait déposé plainte pour disparition auprès du bureau du procureur général (FGJE) le 14 décembre 2019. Là aussi, elle s'est entendu promettre qu’une <a href="http://www.alertaamber.gob.mx/">alerte orange</a> serait émise.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/319149/original/file-20200306-118951-17o5aiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319149/original/file-20200306-118951-17o5aiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319149/original/file-20200306-118951-17o5aiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319149/original/file-20200306-118951-17o5aiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319149/original/file-20200306-118951-17o5aiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319149/original/file-20200306-118951-17o5aiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319149/original/file-20200306-118951-17o5aiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319149/original/file-20200306-118951-17o5aiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Circulaire distribuée par les proches de Paloma, adolescente de 14 ans disparue et assassinée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/pages/category/Interest/Madres-Buscadoras-De-Sonora-340192573336376/">Mères chercheuses du Sonora</a></span>
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</figure>
<p>Les autorités ont conseillé aux proches de ne pas essayer de solliciter de l’aide ni de publier la photo de Paloma sur les réseaux sociaux. La famille, en désespoir de cause, a tout de même eu recours à des groupes de recherche, leur demandant de publier l’avis de disparition sur Internet.</p>
<p>Le 2 janvier, le père de Paloma est parti à sa recherche. Depuis, il n'a plus donné aucune nouvelle et son téléphone ne fonctionne plus : il s’est à son tour volatilisé. Aujourd’hui au Mexique, on disparaît aussi en cherchant les disparus et disparues.</p>
<p>Le 22 février, deux mois après son enlèvement, il a été confirmé par un test génétique que les restes trouvés sur des terres de la commune La Mesa Del Seri dans l’État du Sonora correspondaient bien à Belem Paloma Lara, 14 ans.</p>
<h2>Le rôle du « monstre » dans le récit médiatique</h2>
<p>Ce féminicide n’est pas isolé. Ce n'est qu'un cas parmi tant d’autres. Quelques jours plus tôt, <a href="https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-51518716">Ingrid</a> a été tuée par son mari, qui s’est acharné sur son corps jusqu’à l’indicible. Dans ce cas précis, s’est ajouté au terrible événement le traitement que la presse lui a réservé, en publiant des détails macabres et sensationnalistes sur la mort de la femme, accompagnés de photos.</p>
<p>Une fois de plus, l’État a été la cible de critiques et de soupçons : comment ces détails et ces photos ont-ils pu parvenir aux médias si ce n’est grâce à une <a href="https://aristeguinoticias.com/2802/mexico/siguen-en-activo-policias-investigados-por-filtrar-fotos-de-ingrid-asesinada-por-su-pareja/">fuite</a> de la part des autorités ?</p>
<h2>Désensibilisation, mais aussi peur et censure</h2>
<p>Il est important de s’attarder sur le rôle des médias. Des images insoutenables défilent sans cesse, au point de devenir banales : une fosse d’où sort un bras ou une jambe, des gens pendus à des ponts, des cadavres démembrés…</p>
<p>Cette exposition d'horreurs, qui se limite à imposer au public le spectacle d'une brutalité après l’autre, ne contribue pas tant à nous faire comprendre la violence qu’à nous saturer et nous désensibiliser. Nous savons que des journalistes courageux, qui ont osé exposer les mécanismes et à dénoncer les acteurs de cette hyper-violence, ont <a href="https://rsf.org/es/mexico">payé de leur vie</a> leur engagement en faveur de la vérité.</p>
<p>Malgré tout cela, malgré cette guerre qui a engendré plus de <a href="https://www.gob.mx/segob/prensa/presenta-gobernacion-informe-de-fosas-clandestinas-y-registro-de-personas-nacional-de-desaparecidas-o-no-localizadas">60 000 disparus et disparues</a>, malgré la terreur et le manque d’information, de nombreuses femmes ont réussi à s’organiser en plus de 70 collectifs dans tout le Mexique pour chercher leurs êtres chers.</p>
<p>De nombreuses femmes parcourent en <a href="https://movimientomigrantemesoamericano.org/caravana-de-madres/">caravane</a> le territoire mexicain à la recherche de leurs proches disparus en tentant d'émigrer vers les États-Unis, parmi lesquels beaucoup de femmes fuyant la violence et la misère. Les pionnières de ces recherches ont été les mères des disparues de Ciudad Juárez qui, entre autres collectifs, ont constitué <a href="https://nuestrashijasderegresoacasa.blogspot.com/">Pour le retour de nos filles</a>.</p>
<p>Cette énergie énorme et extraordinaire chez tant de femmes, consacrée à l’enquête et à la recherche, interroge. Pourrait-elle se transformer en un pouvoir d’organisation et de solidarité ? Un pouvoir qui nous permettrait également de nous confronter aux racines profondes de cette violence, qui est non seulement le fait de sujets déviants et d’hommes blessés (ils existent sans doute), mais surtout la conséquence d’une longue histoire de dépossession et d’exploitation.</p>
<h2>Néolibéralisme, ultraviolence et « femmes de service »</h2>
<p>La violence contre les femmes est au moins aussi vieille que la <a href="https://www.traficantes.net/libros/calib%25C3%25A1n-y-la-bruja">chasse aux sorcières</a>. Jusqu’à récemment, la violence dans l’intimité du foyer était largement tolérée. Elle a servi (et sert encore) à discipliner cette importante main-d’œuvre féminine et invisible qui n’est pas étrangère à l’accumulation de capital, comme l’explique <a href="https://newleftreview.org/issues/II86/articles/nancy-fraser-behind-marx-s-hidden-abode">Nancy Fraser</a>.</p>
<p>Cette domination n’est mise en lumière que depuis quelques décennies. On la reconnaît sous les noms de « violence domestique » ou « violence intrafamiliale ». Depuis peu, nous l’appelons « violence de genre ». Mais cette brutalité envers les femmes ne se comprend que dans le contexte global de sociétés que l'anthropologue <a href="https://www.traficantes.net/libros/contra-pedagog%25C3%25ADas-de-la-crueldad">Rita Segato</a> qualifie de « dueñistas » – c’est-à-dire que la richesse y est extrêmement concentrée – et d’<a href="https://www.routledge.com/Economies-of-Death-Economic-logics-of-killable-life-and-grievable-death/Lopez-Gillespie/p/book/9781138805767">économies de la mort</a>.</p>
<h2>Ce que signifie être « tuable »</h2>
<p>La « tuabilité » de certains sujets n’est pas accidentelle et ne doit pas être rapportée dans les chroniques de faits divers, comme un fait isolé.</p>
<p>C’est la conséquence d’une exposition inégale à la violence étatique, para-étatique, économique et domestique qui fabrique une population « jetable ». Les plus exposés sont bien sûr, les femmes et les filles ; mais aussi les hommes vulnérables, notamment les membres des minorités ethniques.</p>
<p>Comme l’indique <a href="http://editorialmadreselva.com.ar/catalogo/feminismos-nacimiento-y-crianza/pax-neoliberalia/">Jules Falquet</a>, la majorité des féminicides touche des femmes déjà vulnérables. Car si autrefois la reproduction sociale se faisait gratuitement et à domicile, les tâches traditionnellement réservées aux femmes sont aujourd’hui devenues une marchandise, de la garde d’enfants à la location d’un utérus. Ce sont surtout ces « femmes de service », comme les appelle Jules Falquet, qui sont violées, assassinées et jetées dans les décharges.</p>
<p>N’oublions pas toutefois que le féminicide, s’il touche principalement les femmes pauvres et issues des minorités ethniques, frappe également des <a href="https://mexico.unwomen.org/es/digiteca/publicaciones/2019/03/violencia-y-feminicidio-ninas-y-adolescentes">femmes d’autres classes sociales</a>, comme le rappelle le cas de l’historienne Raquel Padilla.</p>
<h2>Le « Ya basta ! » des femmes mexicaines</h2>
<p>Tout semble indiquer que l’accumulation des griefs conduit aujourd’hui à un nouveau « Ya Basta ! » (maintenant ça suffit !) au Mexique. Le 9 mars, au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes, les femmes étaient appelées à se mettre en grève. Un grand nombre de personnes et d’institutions, tant publiques que privées, se sont jointes à nous, au Mexique et dans d’autres pays du monde.</p>
<p>Initiée par l’organisation Brujas del Mar (Sorcières de la mer), la proposition a rencontré un franc succès. Pendant une journée, des milliers de femmes ont disparu de la vie publique, des espaces économiques et productifs, cherchant à se rendre visibles par leur absence et à dénoncer ainsi la négligence des autorités.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/319151/original/file-20200306-118956-fn98m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319151/original/file-20200306-118956-fn98m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319151/original/file-20200306-118956-fn98m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319151/original/file-20200306-118956-fn98m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319151/original/file-20200306-118956-fn98m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319151/original/file-20200306-118956-fn98m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319151/original/file-20200306-118956-fn98m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319151/original/file-20200306-118956-fn98m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Affiche de la grève prévue pour le 9 mars.</span>
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<p>L’appel, dont le slogan est #undiasinnosotras (Un jour sans nous), exprime la lassitude des femmes et dénonce l’indifférence <a href="https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-51554011">que la société et l’État leur opposent</a> face aux violences qu’elles subissent chaque jour.</p>
<p>Derrière le « nous » de ce slogan, il y a les femmes transformées en marchandise corporelle à Tijuana, les mains (de main-d’œuvre) bon marché des anciennes <em>maquiladoras</em> de Ciudad Juárez, les migrants rassemblés aujourd’hui à la frontière nord du Mexique en attendant l’utopique asile américain, les mères qui recherchent les disparus. Si l'assassinat des femmes détruit le lien social, l'organisation des femmes permet de le reconstruire.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit avec la collaboration du professeur Alicia Márquez de l’Instituto Mora et de la journaliste Lorenza Sigala de El Expreso. Le travail de terrain a été réalisé dans le cadre du projet « Sortir de la violence » financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR-France).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133388/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paola Díaz a reçu des financements de Projet ANR "Sortir de la Violence" <a href="https://sov.hypotheses.org/le-projet">https://sov.hypotheses.org/le-projet</a></span></em></p>Au Mexique, la succession de féminicides ultraviolents ont fait émerger dans la sphère publique une mobilisation inédite des femmes.Paola Díaz, Investigadora en la Escuela de Altos Estudios en Ciencias Sociales CEMS- EHESS- Francia y en COES- Chile (Centre for Social Conflict and Cohesion Studies), Diego Portales UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1321262020-03-05T19:02:21Z2020-03-05T19:02:21ZExposition « L’exode de l’humanité » : les sédiments de l’expérience<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318311/original/file-20200303-66089-3ibnmi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Emmanuelle Corne/FSMH</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’exposition de l’artiste mexicain Cristian Pineda à la Fondation des Maisons des Sciences de l’Homme invite à un dialogue entre l’art, l’expérience et les sciences sociales. Un dialogue qui se retrouve au cœur de son œuvre et qu’il renouvelle à chacun de ses projets. Les différentes parties de « L’exode de l’Humanité » ouvrent un espace de rencontre, d’expression et d’échange entre les exilés et l’artiste, et parfois avec une communauté qu’ils traversent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318292/original/file-20200303-66060-dpkeeb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318292/original/file-20200303-66060-dpkeeb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318292/original/file-20200303-66060-dpkeeb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318292/original/file-20200303-66060-dpkeeb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318292/original/file-20200303-66060-dpkeeb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318292/original/file-20200303-66060-dpkeeb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318292/original/file-20200303-66060-dpkeeb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’artiste mexicain Cristian Pineda devant les locaux de son exposition.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuelle Corne/FMSH</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une expérience inclusive autour de récits de migrants</h2>
<p>Les dispositifs d’art participatif de Pineda permettent aux acteurs d’exprimer leurs expériences, l’épreuve qu’elles représentent et les transformations personnelles qu’elles impliquent. À travers ses projets, l’artiste invitent à une rencontre entre la subjectivité de l’exilé et celles du visiteur qui prend le temps d’observer et d’être interpellé par les symboles qu’elle recèle. Comment ne pas être affecté par ce petit sac qu’un réfugié népalais a accroché à son œuvre et qui contient les boîtes de médicaments qu’il a pris depuis son arrivée en Europe ?</p>
<p>L’œuvre interpelle parce qu’elle nous invite à entrer en résonance avec l’expérience d’êtres humains qui traversent une épreuve difficile et transformatrice. Ces « Boîtes de vie » ou ces silhouettes représentent simplement ce qu’ils étaient et ce qu’ils aimeraient être. Les dispositifs d’art participatif mis en place pour chacun des projets ont permis de récolter des sédiments d’expérience d’exilés, en les invitant à peindre de manière très personnelle sur des figurines, des caisses de bois, ou encore, à travers des vêtements et objets récoltés par l’artiste dans des déserts de la frontière américaine et réunis dans ces « Cercles de vie ». L’artiste a mis en place des dispositifs pour les récolter et nous permet d’y accéder.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318293/original/file-20200303-66089-hzq0gg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318293/original/file-20200303-66089-hzq0gg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318293/original/file-20200303-66089-hzq0gg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318293/original/file-20200303-66089-hzq0gg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318293/original/file-20200303-66089-hzq0gg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318293/original/file-20200303-66089-hzq0gg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318293/original/file-20200303-66089-hzq0gg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Emmanuelle Corne/FSMH</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les « Marcheurs de papier » et les « Boîtes de vie » sont le fruit de dispositifs mis en place dans des auberges de migrants au Mexique, où les Centraméricains se reposent quelques jours dans leur périple incertain vers les États-Unis, et dans un centre de réfugiés en Belgique, où l’attente du destin incertain que leur réserve l’office des étrangers et l’évaluation de leur demande d’asile durent des mois.</p>
<p>Ces espaces de repos, ou d’attente, sont propices à l’introspection, à la réflexion sur son identité en plein bouleversement, à ces processus de subjectivation, entendus comme un travail de construction de soi comme principe de sens. Les « Boîtes de vie » favorisent ce travail d’introspection et de subjectivation, permettent son expression au cours d’une étape d’un voyage personnel, laissent des témoignages et, rassemblés dans cette exposition, font œuvre de mémoire collective.</p>
<p>Ces dispositifs d’art participatif ont une dimension thérapeutique. Ils ont également une portée résolument sociologique. Ce qui s’exprime dans ces espaces d’expérience créés par les dispositifs est à la fois profondément intime et résolument social. L’expérience y est à la fois personnelle et collective.** C’est ce qu’analyse la sociologue <a href="https://uclouvain.be/fr/facultes/espo/evenements/pascale-naveau.html">Pascale Naveau</a> à partir des dispositifs d’art participatif mis en œuvre avec Cristian Pineda pour favoriser ces processus de reconstruction de soi comme personne et comme acteur de migrants, de familles ou de victimes de la violence au Mexique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318307/original/file-20200303-66056-pulvcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318307/original/file-20200303-66056-pulvcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318307/original/file-20200303-66056-pulvcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318307/original/file-20200303-66056-pulvcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318307/original/file-20200303-66056-pulvcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318307/original/file-20200303-66056-pulvcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318307/original/file-20200303-66056-pulvcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Caminates.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuelle Corne/FSMH</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les dimensions humaine, sociologique et politique de l’art de Cristian Pineda</h2>
<p>L’art de Cristian Pineda a également une portée politique. Non parce qu’il dénonce explicitement les causes de l’exode ou les conditions dans lesquelles il s’effectue. Mais plutôt parce qu’il nous confronte directement à l’expérience de ces exilés que les gouvernements, les institutions et nous-mêmes nous efforçons de ne pas voir. Cristian Pineda rend visible cette réalité souvent si proche géographiquement, mais invisible socialement, faisant écho à <a href="https://www.editionsddb.fr/livre/fiche/epistemologies-du-sud-9782220081427">l’invitation du sociologue Boaventura de Sousa Santos</a>.</p>
<p>Les « Cercles de vie » rendent palpable la violence de la traversée du désert vers la frontière des États-Unis. Une expérience que peu racontent parce qu’ils sont à présent « de l’autre côté » ou parce qu’ils ont laissé la vie dans cette traversée et ne sont plus là pour la raconter. Dans les « Cercles de vie », il n’y a ni nom, ni visage. Mais un véritable récit conté par de simples vêtements, des cartouches ou des messages sur les bidons d’eau retrouvés dans le désert. Autant de sédiments de l’épreuve souvent tragique qui se joue aux portes des États-Unis.</p>
<p>Qu’est devenue la personne qui a laissé ce pantalon dans le désert ? Pourquoi cet autre a-t-elle abandonné ces vêtements ? A-t-elle réussi à passer « de l’autre côté » ? Et si c’est le cas, sa vie est-elle à la hauteur des espoirs et des efforts qu’elle a mis dans cette traversée ?</p>
<p>Ces « Cercles de vie » nous interpellent aussi parce que notre frontière à nous, européenne, est la Méditerranée, une mer intérieure devenue une muraille et un cimetière qui n’a rien à envier au désert où cette œuvre a été réalisée. Contrairement à ces déserts, cette mer absorbe les corps et jusqu’aux sédiments d’expérience des migrants qui y laissent la vie, rendant moins visible encore la tragédie qui s’y joue.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/318309/original/file-20200303-66052-bwbu8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318309/original/file-20200303-66052-bwbu8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318309/original/file-20200303-66052-bwbu8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318309/original/file-20200303-66052-bwbu8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318309/original/file-20200303-66052-bwbu8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318309/original/file-20200303-66052-bwbu8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318309/original/file-20200303-66052-bwbu8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318309/original/file-20200303-66052-bwbu8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Serie foto.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuelle Corne/FSMH</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>« L’humanité de l’exil » nous bouscule et nous invite à comprendre le monde à partir de ces sédiments d’expérience laissés par ces acteurs qui entreprennent un voyage long et risqué. Des acteurs qui s’expriment avec force et dont les œuvres interpellent. Elles montrent la grandeur de ces êtres que nos sociétés s’efforcent de nier.</p>
<p>Ce ne sont pourtant ni des héros, ni des sujets pleinement réalisés que nous présente Cristian Pineda. Les acteurs qui s’expriment avec une telle force dans ces œuvres sont des sujets vulnérables, fragiles, souvent torturés par des expériences récentes d’une violence endémique et confrontés aux inconnues d’un avenir incertain.</p>
<p>Plongés dans une traversée périlleuse, ils expriment qui ils sont, d’où ils viennent et qui ils veulent être. C’est dans et par cette vulnérabilité que les sédiments laissés dans ces œuvres nous interpellent. Ces acteurs sont très vulnérables face à la violence, à la montée de la xénophobie et aux idées et politiques d’extrême droit.</p>
<p>C’est à partir de cette fragilité et des chemins tortueux de la reconstruction de soi qu’ils ont créé ces œuvres et qu’ils nous interpellent. C’est à partir de ces sédiments d’expérience laissés dans le désert, sur une silhouette ou dans une boîte en bois que Cristian Pineda nous invite à un dialogue entre l’art et les sciences sociales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geoffrey Pleyers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’exposition de l’artiste mexicain Cristian Pineda à la Fondation des Maisons des Sciences de l’Homme invite les spectateurs à s’interroger et à remettre en question ses préjugés sur la migration.Geoffrey Pleyers, Sociologue, Chercheur FNRS au CriDIS (UCLouvain) et au Collège d’études mondiales (FMSH), Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1327832020-03-02T21:13:16Z2020-03-02T21:13:16ZCoronavirus : mais pourquoi les consommateurs ont-ils pris peur de la bière Corona ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318015/original/file-20200302-18275-76l1lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=790%2C0%2C5200%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les intentions d'achat de la célèbre bière mexicaine ont plongé depuis le début de l'épidémie. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/girl-medical-mask-holding-corona-beer-1656878416">LinaOli / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Un slogan très connu de la bière Corona, « Miles away from ordinary » (« à mille lieues de l’ordinaire »), souligne que cette boisson est une bière extraordinaire qui « fait de vous un roi ». La stratégie de communication, autour de l’image du soleil et de la mer, associe la marque au sentiment d’évasion. D’ailleurs, les publicités de cette bière, dans les pays où il est possible de faire la publicité de boissons alcoolisées, sont généralement tournées sur une plage paradisiaque.</p>
<p>Il semble qu’aujourd’hui cette bière, fierté de l’industrie mexicaine, soit entrée dans une tempête qui fait chavirer dangereusement le navire. Comme le signale YouGov Ratings, une organisation spécialisée qui mesure la popularité et la notoriété de tout en se basant sur des millions de réponses du public américain, l’image de la bière Corona connaît une chute vertigineuse auprès des consommateurs. En cause : l’arrivée du coronavirus et la <a href="https://today.yougov.com/topics/food/articles-reports/2020/02/26/first-it-was-joke-corona-beer-really-suffering-cor">crainte globale qui l’accompagne</a> qui a fait chuter les intentions d’achat à un peu plus de 5 % des Américains, le pourcentage le plus bas depuis deux ans.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/318081/original/file-20200302-18303-bc8o26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318081/original/file-20200302-18303-bc8o26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318081/original/file-20200302-18303-bc8o26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318081/original/file-20200302-18303-bc8o26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318081/original/file-20200302-18303-bc8o26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318081/original/file-20200302-18303-bc8o26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318081/original/file-20200302-18303-bc8o26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318081/original/file-20200302-18303-bc8o26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les intentions d’achat de Corona n’ont jamais été aussi basses aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://today.yougov.com/topics/food/articles-reports/2020/02/26/first-it-was-joke-corona-beer-really-suffering-cor">Yougov.com</a></span>
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<p>L’une des caractéristiques de notre civilisation reste la vitesse avec laquelle circulent non seulement les informations mais aussi les peurs et les tragédies. Parmi ces phénomènes, l’apparition d’un virus, d’un « tueur de masse », constitue l’une des craintes les plus terrifiantes. Cette frayeur globalisée se répercute non seulement sur la vie quotidienne de nous tous, mais aussi sur les affaires, la finance, la politique et même les relations internationales.</p>
<h2>Bière et image, un lien étroit</h2>
<p>En peu de temps, le monde entier a été plongé dans une forme de paranoïa globale, entraînant des <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/coronavirus-les-bourses-chinoises-plongent-leconomie-a-larret-1168451">dégâts sur l’économie mondiale</a>. Les marchés financiers et les entreprises multinationales ont été frappés de plein fouet par cette crainte globale. Et l’une des victimes collatérales de cette crise a été le bateau insigne de l’industrie mexicaine à travers le monde, la bière Corona.</p>
<p>La bière est aujourd’hui la troisième boisson la plus populaire au monde après l’eau et le thé. Selon <a href="https://www.businessinsider.fr/us/most-popular-beers-in-the-world-2018-9"><em>Business Insider</em></a>, l’industrie de la bière a vendu pour 661 milliards de dollars de bière en 2017. Corona se classe parmi les dix bières les plus consommées au monde avec 28,8 millions d’hectolitres vendus à l’année.</p>
<p>Historiquement, l’industrie de la bière a fait de la publicité son fer de lance pour conquérir de nouveaux marchés ou consolider ses positions. Traditionnellement, l’industrie brassicole investit d’importantes sommes d’argent dans la communication. En 2018, les deux premiers annonceurs parmi les fabricants de bière aux États-Unis étaient Anheuser-Busch InBev (AB InBev) et Constellation Brands qui produit la Corona. Cette dernière a dépensé <a href="https://www.statista.com/statistics/264998/ad-spend-of-selected-beer-manufacturers-in-the-us/">368 millions de dollars pour sa communication</a> dans l’ensemble des médias.</p>
<p>La stratégie commerciale dans l’industrie brassicole repose en grande partie sur la publicité, car la consommation du produit reste étroitement liée à l’image créée par l’annonceur. Lorsqu’on boit une bière, on ne consomme pas uniquement une boisson, mais une forme de vie qui peut être associée à des représentations vastes et variées, passant par la fête, la convivialité, l’été, la plage, voire la santé ou l’engagement politique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1220446385453129734"}"></div></p>
<p>Cette représentation de la bière dans l’inconscient collectif a eu, à force d’une stratégie marketing globale et assez agressive, rapidement des résultats positifs en créant une image claire et nette pour les consommateurs. Néanmoins, cette représentation peut se retourner contre le produit, comme on le constate actuellement pour Corona.</p>
<h2>La puissance d’un simple mot</h2>
<p>Dans un monde où la vitesse règle nos vies au quotidien, les mots ont acquis une importance capitale. De la même manière qu’un seul mot peut créer une représentation puissante d’une marque, il peut aussi l’entraîner vers la faillite. Une marque devient une icône à partir des représentations qu’elle génère autour d’elle.</p>
<p>Ainsi, pour créer une identité de marque forte afin d’implanter un produit durablement dans l’esprit du consommateur, il faut utiliser, parmi d’autres éléments, un seul mot, simple et à forte connotation symbolique. Le choix du mot jouera un rôle encore plus crucial pour l’avenir d’une entreprise lorsqu’il se prononce de la même manière partout dans le monde.</p>
<p>Dans nos cours de droit des marques, nous soulignons l’importance en termes de valeur de mot choisi par une entreprise pour communiquer sur un produit, ainsi que l’importance de construire une stratégie de protection légale autour du mot choisi.</p>
<p>Outre la contrefaçon, une marque doit en effet faire face à de nombreux dangers pouvant nuire à son image. Parmi les risques figure notamment le parasitisme, qui consiste à promouvoir un produit ou un service similaire à celui d’un autre fournisseur clairement identifié. L’objectif est là d’inciter délibérément le consommateur à penser que le produit ou le service provient de ce fournisseur alors que tel n’est pas le cas.</p>
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<figcaption><span class="caption">Spot publicitaire pour Corona (2010).</span></figcaption>
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<p>Afin de se prémunir contre toutes ces manœuvres, nombre d’entreprises, notamment dans le secteur du vin et spiritueux, ont mis en place des services spécialisés dans la veille et surveillance partout dans le monde. Les cas des <a href="https://www.winespectator.com/articles/how-big-is-chinas-counterfeit-wine-problem-french-report-calls-it-an-industry-52194">vins français protégeant leurs marques</a> sur le marché chinois ont par exemple été récurrents ces derniers temps.</p>
<p>Et le mot « corona » alors ? Dans ce cas, l’épidémie a entraîné une forme de « parasitisme inverse », c’est-à-dire que le nom de la marque s’est retourné contre elle-même, en abîmant son image, en détruisant sa <a href="https://today.yougov.com/topics/food/articles-reports/2020/02/26/first-it-was-joke-corona-beer-really-suffering-cor">représentation positive</a>, à cause d’un événement externe et global.</p>
<p>Face à cette crise de réputation, Corona devra donc sans doute engager de nouveaux efforts de communication. Pourquoi pas en expliquant que boire une bière bien fraîche dans un verre propre est si extraordinaire qu’on peut se passer d’embrasser ses amis… mais ça, c’est le boulot des marketeurs !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132783/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edwin Juno-Delgado ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les publicités pour les bières cherchent généralement à instaurer une représentation forte de la marque en un seul mot. Une stratégie à double tranchant, comme l’illustrent les déboires de Corona.Edwin Juno-Delgado, Professeur Chercheur, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1308162020-02-09T18:16:33Z2020-02-09T18:16:33ZNi vivants ni morts : des mères mexicaines sur les traces de leurs disparus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/312829/original/file-20200130-41490-l6jw8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=122%2C0%2C5177%2C3628&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le collectif Madres Buscadoras de Sonora lors d’une expédition récente au Mexique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Basem Siria</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>À Sonora, au Mexique, la disparition et la recherche d’un être cher sont des expériences où se mêlent science, magie et foi. Virginia voulait suivre les traces de son père en étudiant l’agronomie mais, à la suite de sa disparition, elle a finalement choisi d’étudier la criminologie. « Je me suis promis de le retrouver et mes études m’aident dans cette quête », me confie-t-elle en sortant de son portefeuille une coupure de presse, déjà jaunie, où est inscrit l’avis de disparition. « Cette coupure restera là jusqu’à ce qu’elle se désintègre, je ne cesserai jamais de chercher », ajoute-t-elle.</p>
<p>Virginia fait partie des « Madres Buscadoras » (littéralement, les mères chercheuses) du Sonora (État du nord du Mexique), un des 70 collectifs de <a href="https://sinlasfamiliasno.org/nosotros/">« chercheuses »</a>, <a href="https://revistas.flacsoandes.edu.ec/iconos/article/view/1854">« rastreadoras » (pisteuses)</a> et <a href="https://www.redalyc.org/articulo.oa?id=16440055006">« guerrières »</a> – selon les noms qu’on leur donne – qui existent au Mexique, et qui se dédient jour après jour à poursuivre les traces de leurs êtres chers, <a href="http://www.scielo.org.mx/scielo.php?script=sci_abstract&pid=S2007-49642016000100007&lng=es&nrm=iso">disparus</a> dans leur propre pays.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310341/original/file-20200115-134784-61uyct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310341/original/file-20200115-134784-61uyct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310341/original/file-20200115-134784-61uyct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310341/original/file-20200115-134784-61uyct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310341/original/file-20200115-134784-61uyct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310341/original/file-20200115-134784-61uyct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310341/original/file-20200115-134784-61uyct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Virginia sortant de son portefeuille l’article annonçant la disparition de son père.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Basem Siria</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Plus de 60 000 disparus depuis 2006</h2>
<p>Depuis quelques années, les disparitions forcées ressurgissent en Amérique latine dans un contexte global de démocraties néolibérales globalisées et d’économies néo-extractivistes. Dans le cas du Mexique, la disparition forcée se combine, de façon complexe, aux disparitions de « particuliers ». En 2017, le Mexique a approuvé la <a href="https://www.senado.gob.mx/comisiones/gobernacion/docs/LGDF.pdf">Loi générale sur la disparition des personnes et la disparition commise par des particuliers</a>, dont l’objectif est de mettre un frein aux disparitions « multiacteurs ». Mais cette loi est bien loin d’être effective. Entre 2006 et janvier 2019, la Commission nationale de Recherche des personnes au Mexique <a href="https://www.gob.mx/segob/prensa/presenta-gobernacion-informe-de-fosas-clandestinas-y-registro-de-personas-nacional-de-desaparecidas-o-no-localizadas">compte</a> 61 647 Mexicains disparus.</p>
<p>Comme au Chili, avec l’Association des familles des détenus disparus (<a href="https://twitter.com/afddchile">AFDD</a>), et en Argentine, avec les Mères et grands-mères de la place de Mai, ce sont principalement les femmes qui partent à la recherche de leurs proches, parcourant de long en large le territoire mexicain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310342/original/file-20200115-134820-dz2hhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310342/original/file-20200115-134820-dz2hhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310342/original/file-20200115-134820-dz2hhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310342/original/file-20200115-134820-dz2hhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310342/original/file-20200115-134820-dz2hhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310342/original/file-20200115-134820-dz2hhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310342/original/file-20200115-134820-dz2hhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Centre ville, Sonora. Recherche de restes humains, novembre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Basem Siria</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>À ces collectifs s’ajoutent la <a href="https://movimientomigrantemesoamericano.org/2019/11/18/madres-centroamericanas-quince-anos-de-resistencia-en-perspectiva/">Caravane des mères centroaméricaines</a>, qui traverse le Mexique chaque année depuis quinze ans à la recherche de proches, disparus en tentant de rejoindre les États-Unis. Elles parcourent tout le pays en montrant la photo de leur fils ou de leur fille sur des pancartes devenues emblématiques où est inscrite cette douloureuse question : « Où sont-ils ? ». Elles collent des affiches dans les rues, parcourent les hôpitaux, des prisons, des campagnes et des cimetières. Elles s’entretiennent avec des associations, des journalistes, les autorités, et de temps en temps reçoivent un indice, un appel anonyme. <a href="https://vimeo.com/32677195">Et il arrive</a> qu’elles réussissent à localiser, vivant ou mort, leur être cher.</p>
<h2>« Pitazo » dans le Sonora : science, magie et foi</h2>
<p>Nous avons accompagné les <a href="https://www.facebook.com/Madres-Buscadoras-De-Sonora-340192573336376/">Madres Buscadoras du Sonora</a> en trois endroits où on leur avait donné un « pitazo », c’est-à-dire où quelqu’un, anonymement, leur avait indiqué qu’elles trouveraient des restes humains. Nous sommes sorties en camionnettes, avec des pelles et des « varas », instruments en fer en forme de T qu’elles enterrent dans le sol pour ensuite les sentir. Si la « vara » empeste, c’est peut-être que se trouvent sous terre des restes humains en processus de décomposition. Voire qu’ils appartiennent à une personne qu’elles cherchent. Mais elles savent que les os ne « sentent pas la mort » et qu’avec cette méthode, elles ne trouveront que des restes récents.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310340/original/file-20200115-134768-pxfddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310340/original/file-20200115-134768-pxfddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310340/original/file-20200115-134768-pxfddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310340/original/file-20200115-134768-pxfddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310340/original/file-20200115-134768-pxfddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310340/original/file-20200115-134768-pxfddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310340/original/file-20200115-134768-pxfddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Don Manuel avec le pendule.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Basem Siria</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le premier jour de recherche, les mères se font accompagner par Don Manuel, qui affirme être doté d’un don spécial : à l’aide de son pendule, il est capable de pister l’énergie des morts. Les mères lui confient les photos des visages des disparus et Don Manuel en choisit une, la met devant son pendule, et attend de voir si l’instrument « veut travailler », et indiquer par où il faut enterrer l’instrument et creuser. Cette fois-là, le visage devant le pendule est celui du fils de Carmen. Elle se saisit de l’objet et commence à parler à son fils, en lui demandant de l’orienter pour qu’enfin elle ait un lieu adéquat où le pleurer, c’est-à-dire une tombe, avec ses restes.</p>
<h2>« Je veux le retrouver, et à la fois je ne veux pas »</h2>
<p>Mais Carmen nous confie qu’elle ne comprend pas pourquoi Don Manuel insiste pour prendre la photo de son fils et pas des autres. « Je veux le retrouver, et à la fois je ne veux pas ». Cette mère souhaiterait retrouver ses restes, et ne plus vivre dans l’incertitude de la disparition de son fils, et à la fois l’incertitude lui permet de garder l’espoir qu’il soit encore en vie. Toutes ces femmes vivent dans cette ambiguïté torturante et constante.</p>
<p>Comme Juana, qui dans une petite ville du Sonora, attend elle aussi de retrouver son fils disparu il y a cinq ans, trois mois et quelques jours. Elle nous raconte comment ils l’ont emmené une nuit, à trois heures du matin. Depuis, plus de nouvelles. Elle explique entre les sanglots la douleur immense de cette disparition : « Depuis sa disparition, je ne vis plus. Et si je suis en vie, c’est pour le chercher, jamais je ne cesserai de le chercher. »</p>
<p>Juana attend encore qu’il l’appelle, qu’il apparaisse. Son récit sonne encore si vivant, si riche en détails minuscules, comme si son enlèvement datait du jour même. Pour ces femmes en quête, le temps s’est suspendu au moment de la disparition. Leurs proches ne sont ni vivants ni morts, c’est une <a href="https://gedisa.com/autor.aspx?codaut=0725">perte ambiguë</a>, comme la définit la thérapeute Pauline Boss.</p>
<h2>L’impossible adieu</h2>
<p>C’est pourquoi « nous ne pouvons pas dire qu’ils sont morts », explique Virginie : « Je ne peux pas dire adieu à mon père. En mon for intérieur, je peux penser qu’après tant d’années il est très probablement décédé, mais rien ne me le prouve, donc tant que je ne serai pas certaine, je continuerai à le chercher. » Pour Virginie, il est très choquant que certains de ses proches, qui croient en Dieu, souhaitent à son père de « reposer en paix ».</p>
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<span class="caption">Une des « chercheuses » du collectif des Madres Buscadoras de Sonora, novembre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Basem Siria</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Mais la foi en Dieu est une consolation pour certaines de ces mères, sœurs et épouses. Ou plus précisément, c’est une demi-consolation. Beaucoup l’invoquent, l’implorent pour leurs êtres chers et prient tous les jours, se rendent à la messe et demandent conseil au prêtre de la paroisse. Mais, comme certains psychologues leur suggèrent de « dire au revoir » à leurs proches disparus, certains prêtres leur demandent de les « laisser à Dieu ». Une jeune femme, qui était enceinte lorsque son époux a été enlevé, nous confie : « Je n’ai rien à donner à Dieu, je n’ai pas son corps, je n’ai rien, je ne sais pas où il est, que puis-je donner à Dieu ? ».</p>
<p>Jusqu’à aujourd’hui, le collectif des Madres Buscadoras de Sonora, qui réunit des familles de tout l’État et compte plus de 200 adhérents depuis qu’il a été créé en 2019, a retrouvé 79 restes. Ce sont de petits groupes qui partent chaque week-end à la recherche de ces corps, avec leurs propres ressources, en payant l’essence, la nourriture, etc.</p>
<p>La deuxième fois que nous avons suivi les Madres dans leur quête, nous sommes tombés sur l’avant d’un crâne et une mandibule. Au cours des trois autres sorties, nous n’avons trouvé que des morceaux de vêtements et des terrains pleins de petites pierres blanches semblables à du cristal, dégageant une forte odeur chimique. Cela pourrait être des restes de soude caustique, utilisée pour dissoudre des corps.</p>
<h2>Disparus en rejoignant les États-Unis</h2>
<p>Sur ce parcours, nous avons aussi trouvé des chercheurs de l’autre côté de la frontière, du côté étasunien. Depuis Tijuana, il ne me faut pas plus de 15 minutes pour traverser la frontière et me joindre aux <a href="https://www.facebook.com/ArmadillosBusquedaYRescate/">Armadillos Binacional</a>, qui acceptent de venir nous rencontrer dans une cafétéria de San Diego. Le plus jeune d’entre eux, un garçon âgé de vingt ans au plus, raconte : « Mes parents ont traversé ce désert d’Arizona. Comme eux, beaucoup de personnes souffrent là-bas et tentent de venir pour avoir ce que j’ai, des études, un travail ». Beaucoup d’Armadillos sont arrivés avec leurs parents du Mexique sans papiers et s’identifient aux personnes qui tentent de franchir la frontière.</p>
<p>Les Armadillos ont commencé il y a deux ans ce qu’ils nomment leur « travail de recherche » de leurs frères à la frontière, desquels ils ont trouvé 22 corps ou restes. C’est un travail volontaire qu’ils réalisent en dehors de leurs horaires de travail, avec leurs propres moyens et les dons qu’ils réussissent à réunir au sein de leur communauté. Si le collectif est composé principalement d’hommes, ils indiquent que les femmes jouent un rôle très important. « Ma femme me soutient, elle prépare tout pour les recherches : l’eau, les vêtements, le déjeuner ».</p>
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<span class="caption">César, à la tête du collectif Armadillos Binacional, San Diego, 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paola Díaz</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les week-ends, ils conduisent toute la nuit de la Californie à l’Arizona, puisque 90 % des signalements de disparitions leur arrivent de cet État. En effet, depuis que les points de passage urbains ont été fermés pendant la décennie 1990, un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3040107">« effet entonnoir »</a> s’est produit, forçant les migrants à traverser par des zones reculées extrêmement dangereuses comme le désert de Sonora et l’Arizona. Un désert « immense, où tu marches 5 minutes et tu ne sais déjà plus où tu es », raconte César, un des membres fondateurs du collectif.</p>
<h2>Solidarité avec l’autre côté de la frontière</h2>
<p>Au cours de la dernière année, Armadillos a réussi à étendre son action de l’autre côté de la frontière pour aider les groupes de recherche mexicains. Ici, il ne s’agit pas de personnes qui disparaissent en traversant la frontière mais de personnes disparues sur le territoire mexicain – ce qui n’empêche pas qu’il y aient parmi elles des migrants. Armadillos insiste sur le fait que leur collectif se donne pour but de « chercher des personnes disparues ». Quand un signalement arrive, Armadillos ne sait pas, et ne veut pas savoir, comment ni qui a fait disparaître cette personne.</p>
<p>C’est ainsi que les Madres Buscadoras de Sonora et Armadillos Binacional ont uni leurs forces pour mener des recherches ensemble sur ce territoire de disparitions. Car si quelque chose circule et parcourt cette zone d’Amérique latine, au-delà des immenses murs frontaliers, au-delà du trafic légal et illégal, ce sont les disparus et disparues.</p>
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<span class="caption">Frontière entre les États-Unis et le Mexique à Tijuana, au bord de l’océan Pacifique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paola Díaz</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Depuis le désert d’Arizona à Chiapas et plus au sud, où les États-Unis ont externalisé leurs frontières et leurs guerres contre les drogues, s’est constitué un tissu dense d’absences qui traversent les familles, les générations et les nations. Tout comme ces guerres (et leurs économies) s’internationalisent, ce tissu d’absences et de recherches traverse lui aussi les frontières. Une physionomie de la disparition qui ne laisse pas de cicatrices mais des blessures ouvertes, qu’entre le Mexique et les États-Unis, on supporte chaque heure de chaque jour en s’appuyant sur la foi, la magie et la science, et en tissant des solidarités transnationales.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit avec la collaboration de Basem Siria, photographe et cyberactiviste des droits de l’homme exilé, et de la journaliste Lorenza Sigala. Tous les noms des interviewé·e·s sont fictifs, à l’exception du leader du collectif Armadillos Binacional, qui nous a demandé de garder son prénom. Le travail de terrain a été réalisé dans le cadre du projet <a href="https://sov.hypotheses.org/le-projet">« Sortir de la violence »</a>, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130816/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paola Díaz a reçu des financements de l’Agence Nationale de Recherche-France, dans le cadre du projet "Sortir de la Violence" dirigé par Ybon Le Bot, FMSH-Paris, France.</span></em></p>Plus de 70 collectifs ont consacré leur vie à la recherche de leurs proches au Mexique, où l’on estime que 60 000 personnes ont disparu « de force ».Paola Díaz, Investigadora en la Escuela de Altos Estudios en Ciencias Sociales CEMS- EHESS- Francia y en COES- Chile (Centre for Social Conflict and Cohesion Studies), École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1296382020-01-13T21:56:21Z2020-01-13T21:56:21Z« Mourir est un soulagement » : 33 ex-narcos témoignent de l’échec de la guerre contre la drogue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309768/original/file-20200113-103966-1y6opw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=162%2C90%2C5583%2C3764&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Toutes les formes de violence en Amérique Latine portent en elles la violence structurelle de l’État.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/mexico-city07-october-2019-various-weapons-1525889897">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Je viens du nord du Mexique, une des régions les plus affectées par la violence liée à la guerre contre le narcotrafic. Entre 2008 et 2012, ma ville a traversé une des périodes les plus instables et les plus violentes de son histoire. Les « balaceras », affrontements entre cartels et militaires, commencèrent de façon sporadique, avant de devenir très fréquents. Ils survenaient en plein jour, en pleine ville. J’ai ainsi assisté un jour à une balacera à deux pas de l’université où j’enseignais.</p>
<p>Nous avons dû fermer les portes et appliquer le protocole de sécurité prévu pour ce genre de situations. Tous mes amis et mes proches ont connu des expériences similaires. Certains ont été témoins d’échanges de tirs depuis leurs voitures, d’autres depuis leurs maisons.</p>
<p>Dans ce contexte de violence prégnante, le cartel de los Zetas a commencé à faire du chantage aux commerçants locaux. Ils devaient payer un « droit d’utilisation », sans quoi on fusillerait leur boutique, ou on séquestrerait un de leurs proches.</p>
<p>Petit à petit, les commerces ont fermé et la paranoïa s’est installée, du fait des messages que les trafiquants postaient sur les réseaux sociaux : « Ce soir, ne sortez pas, il va y avoir des tirs. » Parfois, ces menaces se concrétisaient.</p>
<p>J’ai finalement décidé d’aller effectuer mon doctorat à l’étranger. Je ne voulais plus poursuivre mes études dans ce contexte d’insécurité, je suis donc partie au Royaume-Uni. C’est là bas qu’a émergé mon intérêt académique pour la violence liée au narcotrafic. Sur les conseils d’une enseignante, j’ai canalisé ma frustration contre les politiques sécuritaires de l’ex-président Calderon (2006-2012) en en faisant mon sujet de thèse. <a href="https://justiceinmexico.org/wp-content/uploads/2019/11/GARCIA_Violence-Within.pdf">Je travaille sur ce thème</a> depuis sept ans maintenant.</p>
<h2>33 histoires de vie de narcotrafiquants</h2>
<p>L’objet central de ma thèse est d’étudier la violence du narcotrafic en analysant les parcours de vie de ses acteurs. Entre octobre 2014 et janvier 2015, j’ai interviewé 33 hommes qui ont été impliqués dans ces réseaux. Nous avons abordé des sujets comme leur enfance et leur adolescence, l’alcoolisme, la drogue, le vandalisme, et leur intégration puis leur rôle dans le trafic. Le but étant de comprendre l’impact de ces expériences personnelles sur l’intégration dans ces réseaux, j’ai étudié ces récits d’un point de vue discursif.</p>
<p><iframe id="nSGMs" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nSGMs/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mon étude comporte deux caractéristiques principales. Sur le plan méthodologique, interviewer des « narcos » en première source est inédit dans le monde académique. Jusqu’à aujourd’hui, aucune autre étude n’a compilé plus de trente entretiens avec d’anciens dealers.</p>
<p>Sur le plan académique, mon travail éclaire une perspective jusqu’alors négligée par les enquêteurs, les fonctionnaires et la classe politique : celle des criminels eux-mêmes. L’analyse de leurs récits de vie met donc en lumière les possibles causes de leur implication dans le trafic et éclaire leur logique de compréhension du monde. C’est un élément-clé, non seulement pour aborder un phénomène complexe mais aussi pour élaborer des politiques publiques et de sécurité. Jusqu’ici, celles-ci ont été élaborées depuis la perspective de ceux qui font la politique. Leur échec cuisant n’est donc pas surprenant.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/308880/original/file-20200107-123403-daxm69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308880/original/file-20200107-123403-daxm69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308880/original/file-20200107-123403-daxm69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1784&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308880/original/file-20200107-123403-daxm69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1784&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308880/original/file-20200107-123403-daxm69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1784&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308880/original/file-20200107-123403-daxm69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=2242&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308880/original/file-20200107-123403-daxm69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=2242&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308880/original/file-20200107-123403-daxm69.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=2242&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<h2>Les « narcos » : ni monstres ni victimes</h2>
<p>Pour commencer, il faut reconnaître que les narcotrafiquants font partie de notre société. Ils sont exposés aux mêmes discours, valeurs et traditions que nous autres. L’un des principaux problèmes au Mexique est que le gouvernement les discrimine systématiquement en reproduisant un discours binaire américain opposant « eux » à « nous » et les « bons » aux « mauvais ». En plus d’être absurde et d’une extrême simplicité, ce discours occulte les nombreuses nuances qui permettent de saisir les causes de cette violence.</p>
<p>L’analyse des parcours de vie des anciens trafiquants met en lumière ces nuances. Les participants ne se perçoivent ni comme victimes ni comme monstres. Ils ne justifient pas leur implication dans le trafic comme une « unique option » pour survivre, comme de nombreuses études académiques l’assurent. Ils reconnaissent qu’ils y sont entrés car, même quand l’économie informelle leur permettait de survivre correctement et de subvenir aux besoins de leurs familles, ils en voulaient « plus ».</p>
<p>Les personnes que j’ai interrogées ne se voient pas non plus comme les criminels sanguinaires représentés dans les films. Elles se définissent comme des acteurs libres qui ont décidé de travailler dans une industrie illégale, mais aussi comme des personnes « jetables ».</p>
<p>Outre un problème d’addiction et de drogue, et le manque de perspective générale de vie, ce sentiment de marginalisation explique qu’ils valorisent peu leur propre existence et que la mort, à l’inverse, est perçue comme un soulagement.</p>
<p>Il est essentiel de considérer cet aspect dans la construction des politiques publiques. Une des tâches centrales est d’éviter que les enfants et les jeunes se sentent jetables.</p>
<p>Mon enquête révèle comment les participants reproduisent le discours binaire du gouvernement. Ils se définissent comme les marginalisés de la société. Ils reproduisent aussi l’éthique individualiste qui s’est insinuée au Mexique depuis l’entrée du néolibéralisme à la fin des années 1980. Ils n’accusent pas l’État ou la société pour leur condition sociale, mais ne ressentent pas non plus de remords pour leurs crimes. Ils considèrent qu’ils n’ont « pas eu de chance » de naître pauvres et marginalisés et que leurs victimes n’ont « pas eu de chance » de tomber sur eux. Leur logique est simple : « chacun pour soi ».</p>
<h2>La pauvreté, une condition figée et inévitable</h2>
<p>En analysant les entretiens réalisés, j’ai identifié un ensemble d’éléments qui reviennent régulièrement et d’idées reçues, que j’appelle « le discours du narco ».</p>
<p>Le discours du narcotrafiquant donne un sens clair à la pauvreté. Ils partent de l’hypothèse que les pauvres n’ayant pas d’avenir, ils n’ont rien à perdre. Comme l’a assuré Wilson, que j’ai interrogé : « Je savais que j’allais grandir et mourir dans la pauvreté et je demandais seulement à Dieu : pourquoi moi ? » La pauvreté est essentialisée, et se comprend comme une condition inévitable, sans jamais désigner de responsables. Il est tenu pour acquis qu’« il faut bien que quelqu’un soit pauvre » (Lamberto) et que « vous ne pouvez rien y faire » (Tabo).</p>
<p>Cette interprétation de la pauvreté est sous-tendue par une vision du monde individualiste : les individus sont responsables de leur développement économique et social. « Je savais que j’étais seul, que si je voulais quelque chose, je devrais l’obtenir par moi-même » (Rigoleto).</p>
<p><iframe id="ILHMm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ILHMm/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La logique du discours narco en matière de pauvreté sous-tend que les individus sont seuls et que par conséquent prime « la loi du plus fort » (Yuca). C’est ainsi que l’explique également Cristian : </p>
<blockquote>
<p>« Dans mon quartier, nous connaissions toutes les règles : celui qui dort perd. C’était ça la loi. Tu dois être dur, violent, tu dois te protéger car personne ne le fera pour toi. »</p>
</blockquote>
<p>Cette vision considère que les enfants et les jeunes deviendront inéluctablement toxicomanes et membres de gangs : « Lorsque tu grandis dans un quartier pauvre, tu sais déjà que tu deviendras addict à un moment ou à un autre » (Palomo). De la même manière, les gangs (« pandillas »), qui impliquent un vandalisme et une violence quotidiens, sont perçus comme « l’unique manière de survivre à la violence dans les rues » (Piochas). Par conséquent, il est tenu pour acquis que ces jeunes n’ont pas d’avenir et qu’ils sont donc à l’image des déchets, « jetables ». « Quand tu es dépendant à la drogue, tu te considères toi-même comme un déchet, un moins que rien… à qui va importer la vie d’un pauvre toxico ? » (Palomo).</p>
<p>La mort précoce de ces jeunes est elle aussi perçue comme inévitable : « Quand tu vois tellement de tes compagnons mourir dans une bagarre, d’une overdose, d’une balle de la police, tu t’habitues à l’idée que c’est aussi ce qui t’attend » (Tigre). La fatalité préside face au destin des jeunes pauvres : « J’ai toujours pensé que mon destin était de mourir, d’une overdose ou d’une balle » (Pancho).</p>
<p>Selon cette logique, l’une des rares manières de profiter de la vie est de consommer des produits de luxe, et la seule façon d’y accéder est l’« argent facile » qui leur octroie une « vie facile ». Le bonheur offert par l’argent facile, ils le savent éphémère mais considèrent qu’il en vaut la peine, car dans ce monde, estiment-ils, « sans argent tu n’es rien » (Canastas). Ils admettent les risques qu’ils courent : « Un jour tu peux être dans un restaurant luxueux entouré de belles femmes, et le lendemain te réveiller dans une cellule de prison » (Ponciano).</p>
<p>Ainsi, la vie facile doit se vivre vite, et au maximum : « Mon objectif était de profiter de chaque jour comme si c’était le dernier. Je ne lésinais sur rien. Je m’achetais les meilleures voitures, les meilleurs vins et j’avais les plus belles femmes » (Jaime).</p>
<h2>Violence, machisme et fantasme du parricide</h2>
<p>Le discours narco met aussi en lumière l’idée selon laquelle « un vrai homme » doit être agressif, violent et coureur de jupons.</p>
<p>Les interviewés évoquaient les quartiers pauvres comme « la jungle » en faisant allusion à la loi du plus fort. La violence physique est essentielle pour survivre, littéralement.</p>
<p>Cette vision éclaire un aspect clé de la violence : elle est acquise. Les hommes ne naissent pas violents, ils le deviennent. Comme l’explique Jorge : « Quand j’étais enfant, les plus grands me tapaient, profitaient de moi parce que j’étais seul. Je n’étais pas violent… mais j’ai dû le devenir, devenir plus violent qu’eux. Tu n’as pas le choix si tu veux survivre dans la rue. »</p>
<p>Dans « la jungle », les hommes survivent aussi grâce à une certaine réputation. On considère que « l’homme véritable » est hétérosexuel, coureur de jupons, fêtard, consommateur de drogues et d’alcool » (Dávila).</p>
<p>Dans ce discours aussi, on perçoit qu’à la différence des femmes, le vrai homme ne doit pas montrer ses peurs, ses émotions et ses faiblesses, et la meilleure manière de le faire est de montrer sa force et sa domination dans tous les domaines : dans la bande, dans les bagarres avec des bandes rivales, et à la maison, dans sa famille.</p>
<p>Un thème récurrent des entretiens que j’ai menés est la rancœur ressentie par les participants envers leurs parents. 28 des 33 interrogés ont ainsi admis qu’à un certain moment de leur vie, leur principal objectif était de tuer leurs parents. Les violences domestiques et de genre sont les premières expériences de vie qu’ont connues ces participants. Tous sont d’accord sur le fait que leur frustration principale était de voir leurs pères frapper et abuser de leur mère en permanence. Ce motif est constant dans les récits, non seulement lorsque l’on aborde l’enfance mais également lorsqu’on parle d’addiction à la drogue, de violence et d’implication dans le crime.</p>
<p>Pour certains participants, le fantasme de tuer et de faire souffrir ses parents a été le déclencheur pour s’engager dans le narcotrafic. Rorro explique ainsi que « lorsque j’étais enfant, je n’avais pas de rêves pour l’avenir, mon seul objectif était de tuer mon père lorsque je serais grand… je voulais le couper en morceaux », et s’impliquer dans le trafic lui donner cette possibilité. Ponciano signale lui aussi que lorsqu’il devait torturer des gens, il imaginait que la personne était son père, et « je le faisais souffrir avec plus d’entrain, comme lui nous a fait souffrir ».</p>
<p>Les fantasmes des participants autour du meurtre de leurs parents sont semblables, tous se rejoignent sur le fait de vouloir les faire souffrir : ils voulaient se venger non pas pour leur propre souffrance, mais pour celle de leur mère. Tous confient aussi que lorsque l’opportunité a surgi, ils n’ont pas pu assouvir leur fantasme. Facundo l’explique ainsi : </p>
<blockquote>
<p>« Si j’avais voulu, je l’aurais tué. J’avais des dizaines de “sicarios” qui travaillaient pour moi. Si j’avais voulu… j’aurais pu le voir torturé. Mais je n’ai pas pu… j’ai dit : “Va-t-en loin d’ici, que je ne te voie plus. La prochaine fois, je te tue”. »</p>
</blockquote>
<p><iframe id="dmbin" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dmbin/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Quels enseignements pour l’Amérique latine ?</h2>
<p>Dans toute l’Amérique latine, les causes de crime et de violence sont similaires. Indépendamment du type de violence, de narcotrafic, d’armée, de guérilla ou de gang, il me semble qu’il y a deux axes transversaux : la pauvreté et les masculinités toxiques. La vie quotidienne que connaissent les plus pauvres constitue le terreau pour toutes les formes de violence (domestique, de genre, de bandes). Tout cela est marqué par une forme de violence invisible, et rarement reconnue : la violence structurelle exercée par l’État.</p>
<p>Universitaires, politiques et société civile, nous devons comprendre et apprendre de ces expériences. On reconnaît la pauvreté comme la mère de tous les maux, mais nous ne savons pas ce que signifie vivre dans la pauvreté. Le problème de la violence ne peut être contenu et évité que si on la comprend et on la combat localement. Chaque région, chaque quartier, a des problèmes et des besoins spécifiques. Les politiques publiques conçues à grande échelle ne fonctionnent pas. La solution consistant à combattre le problème de la violence à la racine n’offre pas de grandes récompenses à la classe politique.</p>
<p>De la même façon, les masculinités dominantes dans nos pays non seulement justifient mais encouragent la violence. On répond invariablement aux problèmes dans la région par l’agression et des politiques sécuritaires militarisées. Les politiques non violentes ne sont pas envisagées dans nos pays car le machisme et la violence sont institutionnalisés.</p>
<p>La clé pour la combattre est de l’analyser : d’où vient-elle ? Comment est-elle justifiée et par qui ? Comment se reproduit-elle ? Comment y réagir ? Pour y répondre, nous avons besoin d’une approche interdisciplinaire et de gouvernements disposés à écouter.</p>
<p>Le plus urgent est le changement de paradigme : que les militaires restent dans leur rôle, que les problèmes complexes soient résolus localement, et qu’on laisse de côté le discours binaire qui justifie la mort d’« eux », ce qui ne fait qu’alimenter leur indifférence envers « nous ».</p>
<hr>
<p><em>La <a href="https://ciperchile.cl/2020/01/03/por-que-fracasa-la-guerra-contra-el-narcotrafico-entrevista-a-33-ex-narcos-mexicanos-para-quienes-morir-es-un-alivio/">version originale</a> de cet article a été publiée par le Centro de Investigación Periodística (<a href="https://ciperchile.cl/">CIPER</a>) de Chile.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129638/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karina Garcia Reyes a reçu des financements du Consejo Nacional de Ciencia y Tecnología (CONACYT) et un soutien du Secretaría de Educación Pública (SEP) in Mexico.</span></em></p>Une chercheuse a interviewé 33 ex-trafiquants de drogue mexicains pour comprendre leur engagement dans le narcotrafic.Karina G. Garcia Reyes, Profesora de la Escuela de Sociología, Política y Relaciones Internacionales y del departamento de Estudios Latinoamericanos, University of BristolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1257872020-01-09T20:43:37Z2020-01-09T20:43:37ZAux origines de la « Cocaine Connection » en France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307780/original/file-20191218-11946-1xgnqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C76%2C2029%2C1296&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les réseaux de narcos sud-américains ont utilisé les ressources de trafiquants français historiques pour continuer d'inonder le marché européen.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stockcatalog/26652249868">Stock Catalog/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pains de cocaïne trouvés <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/camaret-sur-mer-29570/finistere-un-paquet-de-cocaine-decouvert-sur-une-plage-de-camaret-sur-mer-6605226">sur une plage de Camaret-sur-Mer</a> dans le Finistère, <a href="https://www.nicematin.com/faits-divers/maree-blanche-12-tonne-de-cocaine-recuperee-sur-la-cote-atlantique-432581">« marée blanche »</a> sur la côte atlantique : l’hiver français semble avoir été particulièrement secoué par les arrivages de cocaïne en France.</p>
<p>Démocratisée, banalisée, objet d’une couverture médiatique sensationnaliste évoquant même une « inéluctable légalisation », à l’instar du journaliste <a href="https://www.technikart.com/alexandre-kauffman-dans-20-ans-la-coke-sera-legale">Alexandre Kauffmann</a> en 2018, la cocaïne est une drogue bien installée en hexagone.</p>
<p>Mes <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/limpossible-prohibition/9782262051570">recherches</a> montrent qu’une Cocaine Connection s’est mise en place depuis plus de trente ans, liant les deux rives de l’Atlantique et recyclant même de nombreux acteurs de la défunte French Connection.</p>
<h2>Un usage ancien qui était passé de mode</h2>
<p>La « coco » comme l’appelait, entre autres, Robert Desnos dans son « Ode à Coco » en <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Ode_%C3%A0_Coco">1919</a> avait déjà connu un âge d’or dans l’entre-deux-guerres, dans le milieu mondain des grandes capitales européennes, entre Paris et Berlin.</p>
<p>Sa production clandestine s’appuyait alors sur le détournement de substances issues des manufactures d’alcaloïdes de la coca intégrées aux industries pharmaceutiques allemande et néerlandaise.</p>
<p>On parle alors de <a href="https://www.researchgate.net/publication/295624195_From_Javanese_Coca_to_Java_Coca_An_Exemplary_Product_of_Dutch_Colonial_Agro-Industrialism_1880-1920">« Java Coca »</a> issue de la triple filière agro-industrialo-pharmaceutique néerlandaise en Indonésie.</p>
<p>La régulation de ce marché était d’ailleurs au cœur de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_internationale_de_l%27opium">convention de La Haye de 1911</a>, pilier du système des conventions internationales sur les stupéfiants, et des premières lois nationales en la matière comme la loi de 1916 en France.</p>
<p>De lourds tourteaux de pâtes de cocaïne, élaborés dans les laboratoires péruviens, arrivaient ainsi en grande quantité via le port d’Hambourg vers le laboratoire Merck de Darmstadt depuis les années 1890, comme l’ont pointé des <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2004-1-page-66.htm">historiens du trafic de cocaïne</a> comme Paul Gootenberg.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305247/original/file-20191204-70184-1fehpu3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305247/original/file-20191204-70184-1fehpu3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305247/original/file-20191204-70184-1fehpu3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305247/original/file-20191204-70184-1fehpu3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305247/original/file-20191204-70184-1fehpu3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305247/original/file-20191204-70184-1fehpu3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305247/original/file-20191204-70184-1fehpu3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le laboratoire Merck de Darmstadt.</span>
<span class="attribution"><span class="source">from pro-archive.merckgroup.com/fr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’engouement durant les années folles</h2>
<p>Le nouveau régime de prohibition n’enraya pas dans l’immédiat la persistance des détournements massifs qui nourrirent la cocaïnomanie des années 1920, érigée au rang de <a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=2233">« péril toxique »</a> par de nombreux médecins, hygiénistes et journalistes en quête de sensationnel.</p>
<p>« La « coco » sème aujourd’hui à travers le monde la folie et la mort » écrivait en une <em>Le Petit Journal</em> en 1925, dans le sillage du discours alarmiste du <a href="https://www.iberlibro.com/coco-poison-moderne-Victor-Cyril-Eugene/8400623822/bd">docteur Bergé</a> dans <em>La coco, poison moderne</em> (1924) ou les descriptions décadentistes de nombreux romans. On pense notamment à <em>La coco à Montmartre</em>, <em>Cocaïneou</em> encore <em>La Garçonne</em> de Victor Margueritte.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305248/original/file-20191204-70184-h0hwi6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305248/original/file-20191204-70184-h0hwi6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305248/original/file-20191204-70184-h0hwi6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305248/original/file-20191204-70184-h0hwi6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305248/original/file-20191204-70184-h0hwi6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305248/original/file-20191204-70184-h0hwi6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305248/original/file-20191204-70184-h0hwi6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>La garçonne</em>, roman de mœurs qui a fait scandale dans les années 20.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rakuten</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais, hormis dans la bouche du préfet de police de Paris qui annonçait le chiffre astronomique et invraisemblable de 80 000 cocaïnomanes dans la capitale en 1924, les indicateurs n’indiquaient pourtant aucune toxicomanie de masse et cette frénésie médiatique est surtout le miroir des angoisses des « années folles », entre traumatisme de la guerre et interrogations sur la société moderne, comme l’ont montré les travaux <a href="https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2001-4-page-83.htm">d’Emmanuelle Retaillaud-Bajac</a>.</p>
<p>Puis la vague a fini par refluer, les détournements de la filière légale reculant devant les avancées de la prohibition internationale, et la consommation de cocaïne devint résiduelle jusqu’aux années 1970.</p>
<h2>Naissance de nouvelles routes</h2>
<p>Pourtant dès les années 1960, des circuits transatlantiques clandestins du trafic furent réinstitués au gré des alliances scellées entre groupes criminels de différents pays.</p>
<p>Les passeurs de la « French Connection », la célèbre filière de trafic international de l’héroïne à destination du marché nord-américain, transportaient parfois au retour de la cocaïne pour s’autofinancer.</p>
<p>Ces passeurs comptaient sur les organisations mafieuses sud-américaines qui faisaient commerce de la cocaïne et étaient implantées au Chili et en Argentine, où existaient des relais francophones pour le milieu marseillais.</p>
<p>Mais la majorité de cette cocaïne quittait vite l’hexagone comme le notait l’OCRTIS dans un rapport de 1975 (Archives de l’OCRTIS, CAC 19920026/2) :</p>
<blockquote>
<p>« Le trafic de cocaïne en France est surtout un trafic de transit. Les révélations faites par des trafiquants français arrêtés aux États-Unis nous ont permis d’apprendre que dans les années 1965-67, certains trafiquants français réfugiés en Amérique du Sud amenaient de la cocaïne en Europe pour financer leurs achats d’héroïne. Cette cocaïne était livrée à des contacts marseillais qui la revendaient en Italie ».</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ij4Y4TSRB9k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Trailer du film « French connection », 1971.</span></figcaption>
</figure>
<h2>La zone de passage devient zone de consommation</h2>
<p>Après l’éclatement de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/French_Connection">French Connection</a>, les habitudes ont perduré et le rôle, pour la France, de zone de passage se renforça. En effet, les trafiquants de cocaïne faisaient passer leurs mules en Europe sur leur chemin entre Colombie et États-Unis afin de ne pas éveiller les soupçons, ce que rapportèrent également les <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/limpossible-prohibition/9782262051570">Stups français</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il est apparu récemment que des trafiquants colombiens avaient choisi une route curieuse pour introduire de la cocaïne aux États-Unis, cette route partant de Bogota passe par Paris d’où les trafiquants repartent pour les États-Unis via Londres ou Madrid. Ils pensent ainsi déjouer la vigilance des douaniers américains qui se montrent sans doute plus méfiants à l’égard des Sud-Américains débarquant aux USA par un vol direct. »</p>
</blockquote>
<p>Or, en matière de trafic, toute zone de passage finit par devenir par porosité zone de consommation. La revente d’une partie de la marchandise sur le marché local crée de fait une offre, contribuant à la renaissance de la cocaïnomanie.</p>
<h2>L’émergence des cartels</h2>
<p>Dans les années 1970, se constituèrent les premiers cartels de la cocaïne en Colombie. Dans un contexte politique troublé par les affrontements entre l’État et les guérillas marxistes, de <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00403757/document">puissantes organisations criminelles naquirent</a> dans la province d’Antioqua, autour de Medellín, et dans la vallée du Cauca, autour de Cali.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/307765/original/file-20191218-11924-1s157lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307765/original/file-20191218-11924-1s157lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307765/original/file-20191218-11924-1s157lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307765/original/file-20191218-11924-1s157lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307765/original/file-20191218-11924-1s157lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307765/original/file-20191218-11924-1s157lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1080&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307765/original/file-20191218-11924-1s157lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1080&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307765/original/file-20191218-11924-1s157lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1080&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Pablo Escobar sur une photo de la police colombienne prise suite à son arrestation à Medellín en 1977.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Pablo_Escobar_Mug.jpg">Colombian National Police/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des « narcos » se firent rapidement un nom comme les frères <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jorge_Luis_Ochoa_V%C3%A1squez">Jorge, Juan et Fabio Ochoa</a>, Carlos Lehder ou Pablo Escobar.</p>
<p>Ils se mirent d’emblée à raisonner à l’échelle mondiale, exportant vers l’étranger une cocaïne toujours produite à partir de pâte de coca issue des filières pharmaceutiques mal contrôlées du Pérou, installant dans le temps long leurs <a href="https://uncpress.org/book/9780807859056/andean-cocaine/">pratiques trafiquantes</a>.</p>
<p>Au début les cartels ne s’intéressaient pas au marché européen mais les choses changèrent vers 1985-1986, lors de la saturation du marché américain : afin d’assurer des débouchés pour une production de cocaïne industrialisée, les trafiquants colombiens se tournèrent d’abord vers l’Espagne, en raison des liens linguistiques et post-coloniaux puis vers l’Allemagne, les Pays-Bas et la France.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ltngHWsbiYc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film « Escobar », 2018.</span></figcaption>
</figure>
<h2>De Jo Cesari au Charlot</h2>
<p>Les filières internationales de trafic de stupéfiants ne se succèdent pas l’une après l’autre : en réalité, elles se surimposent. En l’occurrence, plusieurs trafiquants français furent recrutés par les organisations colombiennes pour leur savoir-faire.</p>
<p>L’un des meilleurs chimistes de la French Connection, le corse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Cesari">Jo Cesari</a> fut ainsi approché. Il raconte lors d’un interrogatoire (comme le rapportent <a href="https://www.librairiedialogues.fr/livre/9216262-la-planete-blanche-marcel-morin-francois-missen-fenixx-reedition-numerique-tsuru">François Missen et Marcel Morin</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Après la villa Suzanne, j’avais un gros contrat en Amérique du Sud. Une chaîne de labos à monter en Colombie. C’est vraiment dommage. La cocaïne, c’est ça, l’avenir. »</p>
</blockquote>
<p>Son suicide en prison mettra un terme au projet.</p>
<p>Le cas qui illustre peut-être le le mieux ce « mercato » est celui de <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Societe/Charlot-70-ans-caid-a-l-ancienne-154911">Laurent Fiocconi, dit « Charlot »</a>. Ancien braqueur, trafiquant d’héroïne pour le compte des clans marseillais, il fut arrêté et emprisonné aux États-Unis en 1970, d’où il s’évada en 1974 pour la Colombie. Ses talents de chimiste pour raffiner la pâte de coca lui valurent d’être <a href="https://booknode.com/le_colombien_des_parrains_corses_aux_cartels_de_la_coke_01571394">remarqué à la fin de la décennie</a>) par Carlos Lehder en personne, pour œuvrer pour le cartel de Cali, puis pour celui de Medellín :</p>
<blockquote>
<p>« On m’appelait deux jours avant de venir me chercher. J’arrivais avec ma valise, comme un docteur, dans des propriétés de 10 000 voire 30 000 hectares, où étaient installés les labos. Je bossais avec une dizaine d’assistants. »</p>
</blockquote>
<p>Fiocconi travailla ensuite pour les organisations mexicaines et boliviennes avant d’être arrêté en 1988 au Brésil en pleine vente en gros de cocaïne.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XxDS6Gw0eY8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Une légende du Milieu : Laurent Fiocconi », réalisé par Julien Coussy de Montella.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une formation pour les « jeunes pousses »</h2>
<p>À la même époque, les cartels mexicains émergents, comme celui de Sinaloa ou du Golfe, ont eux aussi cherché à réactiver les reliquats des réseaux de la French Connection aux Amériques, prêts à jouer les intermédiaires entre réseaux criminels des deux mondes.</p>
<p>Ce fut le cas du corse François Orsoni, dit « Fanfan », fiché pour grand banditisme et homicide, actif en Amérique latine dans les années 1970, incarcéré en France puis évadé et reparti au Mexique œuvrer pour les nouveaux barons de la cocaïne. <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1988/06/09/la-lutte-contre-la-drogue-des-anciens-de-la-french-connection-arretes-au-mexique_4104376_1819218.html">Il sera arrêté en 1988</a> alors qu’il convoyait 500kg de cocaïne à travers le continent américain.</p>
<p>Il en va de même pour Jean‑Claude Kella, bandit toulonnais et trafiquant de la French Connection, installé au Mexique vers 1983-1984. Au moment de son arrestation en 1988, il prenait part au convoyage de la cocaïne entre cartels et était associé, par le biais du truand corse François Scapula, à une <a href="https://www.outrostempos.uema.br/OJS/index.php/outros_tempos_uema/article/view/604">nébuleuse de laboratoires clandestins</a> de production d’héroïne dont certains étaient implantés aux États-Unis.</p>
<p>Au sein de l’<a href="https://www.espacestemps.net/articles/antimonde/">antimonde</a> du trafic de drogue, ces trajectoires individuelles mettent en lumière la forte mobilité, la logique d’opportunité et la recherche d’un carnet d’adresses, d’un savoir-faire et d’une réputation par les nouveaux entrants sur le marché.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305253/original/file-20191204-70174-g0o7j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305253/original/file-20191204-70174-g0o7j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305253/original/file-20191204-70174-g0o7j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305253/original/file-20191204-70174-g0o7j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305253/original/file-20191204-70174-g0o7j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305253/original/file-20191204-70174-g0o7j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305253/original/file-20191204-70174-g0o7j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">kella.</span>
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<h2>Les débuts de l’exportation massive vers la France</h2>
<p>En décembre 1987, 445 kilos de cocaïne, conditionnés par le Cartel de Medellín et à destination du marché européen par la France furent découverts au bord d’un petit avion privé colombien à Marie-Galante, en <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/12/09/drogue-les-450-kilos-de-cocaine-saisis-en-guadeloupe-etaient-destines-au-marche-europeen_4075731_1819218.html">Guadeloupe</a>.</p>
<p>C’était le signe d’une consolidation nette de la Cocaïne Connection avec la mise en œuvre de techniques commerciales : exportation de grandes quantités sur le marché pour faire baisser les prix, raffinement occasionnel de la marchandise en France dans des laboratoires clandestins…</p>
<p>La marchandise arrivait dissimulée généralement dans des boîtes de conserve ou des caisses de produits tropicaux, tout un faisceau de sociétés-écrans spécialisées dans l’import-export alimentaire se chargeant de donner une apparence de légalité au convoi. La ruse payait, les douanes n’ayant pas les moyens de tout contrôler.</p>
<p>La Direction nationale des enquêtes douanières (DNED) expliquait ainsi à la presse en 1988 :</p>
<blockquote>
<p>« Vérifier un conteneur nécessite une semaine et coûte environ 8 000 francs. Nous employons ce procédé uniquement quand nous sommes bien renseignés. »</p>
</blockquote>
<p>Un cas de figure qui, trente ans après, n’a pas varié d’un iota : toujours trop peu de moyens et la même dépendance au renseignement sans lequel on ne peut se permettre d’intercepter un porte-conteneurs.</p>
<h2>La pratique des mules</h2>
<p>Mais la drogue pouvait aussi passer en très petites quantités, conditionnées en sachets plastiques. Les Colombiens innovèrent en généralisant la méthode de transport <em>in corpore</em> par la mule : le sachet de cocaïne était avalé (pour être déféqué à l’arrivée) ou bien dissimulé dans l’anus.</p>
<p>En 1990, l’OCRTIS parvint à déterminer le modus operandi assez sophistiqué des mules colombiennes : les boulettes de cocaïne étaient confectionnées avec des doigts de gants en caoutchouc, recouvertes d’une pellicule de cire de bougie, plus difficiles à repérer par radiographie mais aussi imperméables et indétectables au test urinaire. <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/03/11/les-trafiquants-de-stupefiants-devant-les-juges-lyonnais-les-clients-parisiens-de-la-filiere-carrel_3965193_1819218.html">Parfois</a>, la drogue était placée dans de petites caisses, cachées dans les avions par des mécaniciens soudoyés de la compagnie colombienne Avianca et récupérées par d’autres <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/limpossible-prohibition/9782262051570">à l’arrivée</a>.</p>
<p>Enfin, les opérations de revente étaient plus ou moins pilotées par des ressortissants colombiens installés en France faisant office de réceptionnistes.</p>
<p>À la manière d’un réseau dormant, ils étaient contactés par leurs compatriotes quand une livraison arrivait dans leur secteur, tandis qu’ils menaient le reste de l’année une existence en apparence rangée ou bien vivaient de petits larcins ou autres arnaques. Ou bien la drogue était revendue à d’autres intermédiaires, parmi lesquels on pouvait toujours retrouver des anciens… de la French Connection.</p>
<p>En 1987-1988, l’OCRTIS arrêtait ainsi à Paris Lucien Carrel et Jacky Bozzi, désormais reconvertis dans la revente d’héroïne et de cocaïne auprès des élites parisiennes de la politique ou du show-business.</p>
<h2>Une filière vivace</h2>
<p>La filière ainsi mise en place (itinéraire, réseaux, pratiques) s’est maintenue depuis, même après que les cartels colombiens aient passé la main. La Drug Enforcement Administration américaine estimait avoir tari la filière du cartel de Cali en 1995 et celle de Medellín ne se remit jamais de la <a href="https://www.ina.fr/video/CAB93078525">mort de Pablo Escobar en 1993</a>.</p>
<p>Mais, au terme d’un processus de dilatation territoriale des chaînes de production des stupéfiants en Amérique latine, des groupes criminels du Venezuela, du Brésil, des Antilles (<a href="https://vih.org/wp-content/uploads/2014/03/swaps_70.pdf">notamment pour le crack, dérivé de la cocaïne, à partir de 1989</a>, mais surtout du Mexique prirent le relais, inondant depuis les marchés américain, européen et français.</p>
<p>En 2014, c’était au puissant cartel de Sinaloa et à son chef Joaquin Archivaldo Guzman Loera, dit El Chapo, de s’inscrire dans la lignée des cartels colombiens et des autres organisations internationales de trafic de stupéfiants qui, à chaque génération, sont de plus en plus <a href="https://www.letemps.ch/monde/el-chapo-splendeurs-miseres-dun-baron-drogue">sophistiquées et violentes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Marchant a reçu des financements du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (bourse de thèse), de l'European Science Foundation (bourse de recherche), de l'ENS de Cachan. </span></em></p>Une « Cocaine Connection » s’est mise en place depuis quelques décennies, liant les deux rives de l’Atlantique et recyclant même de nombreux acteurs de la défunte French Connection…Alexandre Marchant, Historien, enseignant, chercheur associé ISP , École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1279282019-12-09T19:42:35Z2019-12-09T19:42:35ZL’inimaginable croissance du sapin de Noël<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303974/original/file-20191127-112526-klwxsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C13%2C961%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vous n'êtes pas sûr de payer votre sapin au juste prix ? L'équation d'Hotelling modifiée par Faustmann peut vous aider !</span> <span class="attribution"><span class="source">Aleksandra Suzi / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qui aurait pu hier se douter de l’avenir commercial quasi-planétaire du sapin de Noël ? Ni Martin Luther qui l’éclaira de chandelles pour célébrer la naissance de Jésus ni même, beaucoup plus tard, le Prince Albert qui décora l’arbre de Noël du Château de Windsor. Comment imaginer à ces époques reculées qu’il serait un jour cultivé au Danemark pour l’exportation, transporté par hélicoptère en Oregon et fabriqué en plastique par la Chine ? Faisons un tour joyeux de cette manifestation symptomatique de la croissance de l’économie de marché et du commerce international. Vous pourrez alors mieux choisir entre sapin naturel et artificiel, entre consommation locale et globale.</p>
<h2>« O Tannenbaum »</h2>
<p>La légende veut que Martin Luther, se promenant en forêt la veille de Noël, ait entre-aperçu les étoiles briller à travers les branches d’un sapin. Il coupa un jeune arbre, le ramena à la maison, y posa des bougies et conta à son fils qu’il lui rappelait Jésus quittant les astres pour <a href="https://www.whychristmas.com/customs/trees.shtml">rejoindre la terre des hommes</a>. Depuis, dit-on, le sapin du Moyen Age autour duquel les villageois dansaient quitta les places publiques pour gagner l’intimité des foyers allemands, puis des autres pays protestants. Il arriva en Grande-Bretagne au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Il y devint populaire grâce au Prince Albert, l’époux saxon de la reine Victoria, la presse <em>people</em> de l’époque suivant déjà les faits et gestes de la famille royale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La reine Victoria, le Prince Albert et leurs enfants admirent le sapin de Noël royal, décembre 1848.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.webstermuseum.org/christmas.php">Wikimedia</a></span>
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<p>Mais cette origine anticatholique du sapin de Noël <em>at home</em> se mélange à bien d’autres. C’est comme le père Noël, une invention qui réunit caractères archaïsants et croyances de toutes sortes et dont les autorités ecclésiastiques se sont aujourd’hui accommodées. Sachez tout de même qu’en 1951 encore, un (faux) père Noël a été pendu sur le parvis de la cathédrale de Dijon, fait divers dont s’est emparé Claude Lévi-Strauss dans un <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-pere-noel-supplicie-claude-levi-strauss/9782021335279">petit texte</a> d’une intelligence pétillante et profonde.</p>
<p>Que vous le considériez comme un <a href="https://www.contrepoints.org/2017/12/28/192471-capitalisme-et-sapin-de-noel">totem non confessionnel de la fête du solstice</a> d’hiver ou comme un symbole de la Nativité, il y a des chances que vous achetiez encore un sapin cette année. Il brille la nuit de Noël en France dans près d’un <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/les-achats-de-sapins-de-noel-en-2018">foyer sur quatre</a>.</p>
<h2>Nordmann danois pour le suédois Ikea</h2>
<p>Votre sapin proviendra-t-il du royaume du Danemark ? Pourquoi de ce pays ? Parce qu’il y est cultivé à grande échelle et que le Danemark est le <a href="https://www.caminteresse.fr/questions/dou-viennent-les-sapins-de-noel/">premier exportateur européen</a>. Parenthèse avant d’aller plus loin : l’arbre de Noël n’est plus aujourd’hui prélevé en forêt, il est devenu agricole. Si jamais une telle inquiétude vous avait traversé l’esprit, ne craignez pas d’appauvrir la forêt en achetant un sapin naturel.</p>
<p>C’est bien d’ailleurs parce qu’il n’est pas forestier que le sapin de Noël ne vient pas de Norvège ou de Suède, pays aux vastes ressources ligneuses et aux grandes industries du bois. En plus, à cause des conditions climatiques, il y pousserait moins vite et <a href="https://www.thelocal.dk/20161223/how-danish-christmas-trees-became-big-business">gèlerait souvent sur pied</a>.</p>
<p>Deux chiffres : le Danemark produit une dizaine de millions de sapins de Noël chaque année pour une consommation intérieure <a href="http://www.terradaily.com/reports/Danish_Christmas_Tree_Shortage_Threatens_Prices_Across_Europe_999.html">dix fois moindre</a>. Leur culture s’est révélée attractive dans les années 1990 avec l’entrée du Royaume dans l’Union européenne et son système de subventions agricoles.</p>
<p>Les cultivateurs danois ont aussi pris très tôt le virage du sapin de Nordmann (<em>Abies nordmanniana</em>). Vous savez, celui qui une fois coupé garde longtemps ses aiguilles mais n’embaume pas la pièce d’une délicate odeur de miel et de résine contrairement à l’épicéa (<em>Picea abies</em>). Plus cher, il a cependant conquis le cœur des Français. En l’occurrence plutôt des Françaises car si les femmes consacrent 45 minutes quotidiennes au ménage, les <a href="http://delitsdopinion.com/wp-content/uploads/2016/05/r%C3%A9partition-2.jpg">hommes sont à 15</a>. Pratiquement absent des foyers modernes des années 1960, le Nordmann a progressivement imposé ses cônes dressés et son feuillage à revers argenté.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de l’étude Kantar pour Val’hor et France AgriMer « les achats de sapins de Noël en 2018 ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2019.04.04-achats-sapins-de-noel.pdf">TNS Sofres</a></span>
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<p>Si vous achetez votre sapin chez Ikea, il sera danois. Le distributeur suédois est le <a href="http://www.eisenia.coop/actualites/sapin-de-noel/">plus grand acheteur et vendeur</a> mondial d’arbres de Noël.</p>
<p>Il en a fait un produit d’appel. Vous le paierez 24,99 euros en caisse avec vos autres achats, y compris les babioles plus ou moins volumineuses et dispendieuses que vous n’envisagiez absolument pas d’acquérir mais qui se retrouvent tout de même au fond de votre chariot. Un bon de 20 euros vous sera remis, à dépenser lors de votre prochaine visite d’ici février prochain. N’espérez cependant pas faire une bonne affaire avec votre sapin au prix imbattable de 4,99 euros. En retournant en magasin pour toucher votre bon vous repartirez encore une fois avec vos babioles superfétatoires plus ou moins volumineuses et dispendieuses. En plus si vous allez chez Ikea en <a href="https://www.lebonbon.fr/paris/news/pourquoi-ikea-est-un-piege-a-couple/">couple</a> cela ne vous rapprochera pas. Il n’existe pas d’études économétriques sur le nombre de disputes et de ruptures causées par Ikea mais même sans chiffres je me permets de vous suggérer de vous y rendre sans votre conjoint·e.</p>
<h2>Hauteur et prix du sapin</h2>
<p>L’avantage tout de même d’Ikea est de proposer une seule taille de sapin, un mètre quarante. Pas d’hésitation entre l’achat d’un arbre de Noël plus petit mais moins cher ou plus cher mais plus grand. D’autant que la relation théorique entre prix et taille du sapin de Noël passe par des calculs hyper compliqués. Si je vous dis qu’elle obéit à la règle d’Hotelling modifiée Faustmann cela ne vous dira rien. Je vous livre alors quelques explications.</p>
<p>Harold Hotelling, grand économiste-statisticien américain, a établi que le prix d’une ressource naturelle devrait augmenter au rythme du taux d’intérêt. L’intuition est que son propriétaire arbitre entre exploiter maintenant ou exploiter demain. Si le prix de demain est inférieur à ce que lui rapporterait le produit de sa vente placée à la banque, il préférera évidemment vendre aujourd’hui. La différence de prix entre un Nordmann de 10 ans avec ses 20 cm de plus et un Nordmann de 9 ans dépend donc du taux d’intérêt.</p>
<p>Martin Faustmann, un forestier allemand, entre en jeu car les arbres, une fois coupés peuvent être replantés, ce qui n’est évidemment pas le cas du charbon ou du pétrole qu’Hotelling avait plutôt en tête. Si le cultivateur de sapin de Noël vend ses Nordmann à 10 ans et non à 9 ans, il perd l’année de croissance des nouveaux plants qu’il aurait semés sur la parcelle récoltée. Si vous voulez en savoir plus et aimez les équations, reportez-vous à <a href="https://www.jstor.org/stable/1245083?seq=1#metadata_info_tab_contents">l’article</a> « A Hotelling-Faustmann Explanation of the Structure of Christmas Tree » de l’<em>American Journal of Agricultural Economics</em>. Les économistes académiques américains sont formidables car ils ont publié sur tous les sujets.</p>
<h2>L’Oregon et les camions mexicains</h2>
<p>Restons aux États-Unis. Cela ne vous étonnera pas que le plus grand producteur et consommateur de sapins de Noël de la planète les cultive de façon industrielle. <a href="https://www.noblemountain.com">Noble Mountain Tree Farm</a>, par exemple, élève le sapin noble (<em>Abies procera</em>), le Douglas vert (<em>Pseudotsuga menziesii</em>) et autres pin sylvestre (<em>Pinus sylvestris</em>) sur près de 2 000 hectares. Une fois coupés, ils sont enlevés par hélicoptère et embarqués en camion ou en container réfrigérés pour les livrer partout dans le reste des États-Unis, en Amérique centrale et même beaucoup plus loin, à Doha, Singapour et Saïgon.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Hélitreuillage des sapins dans des camions de transport dans l’Oregon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.noblemountain.com/logistics.htm">Noble Mountain Tree Farm</a></span>
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</figure>
<p>En revanche, vous n’auriez pas imaginé un instant que le sapin de Noël cultivé dans l’Oregon puisse être l’otage d’un conflit commercial entre le Mexique et les États-Unis. Une <a href="http://www2.southeastern.edu/orgs/econjournal/index_files/JIGES%20JUNE%202011%20NAFTA%20and%20the%20U.S.-Mexican%20Trucking%20Dispute.pdf">longue dispute</a> sur l’accès des camions mexicains au réseau routier fédéral en est à l’origine.</p>
<p>L’accord de libre-échange nord-américain prévoyait cette ouverture pour 2000. Pour des raisons plus ou moins convaincantes (véhicules moins sûrs, chauffeurs insuffisamment expérimentés, passage de drogue et de clandestins, etc.), les États-Unis ont traîné des pieds et le Mexique a fini par se lasser. En 2009, son gouvernement a imposé des surtaxes à l’importation pour plusieurs milliards de dollars sur près de 100 produits dont le sapin de Noël. Que vient faire là notre petit résineux ? La faute à deux membres du Congrès élus de l’Oregon qui se sont sans cesse <a href="https://www.oregonlive.com/business/2011/10/post_61.html">opposés à l’accès des camions mexicains</a>. Il y a une certaine logique au ciblage des mesures de rétorsion commerciales.</p>
<h2>Les fabrications chinoises</h2>
<p>On retrouve encore notre petit sapin pris dans les filets du conflit commercial entre les États-Unis de Donald Trump et la Chine de Xi Jinping. Plus précisément les guirlandes et autres articles de Noël. Pas le sapin lui-même direz-vous car la Chine n’en cultive pas ; et ce pour une bonne raison : Noël n’y est pas fêté et le symbole du Nouvel An chinois est un animal, pas un arbre, et la couleur de circonstance le rouge, non le vert (à propos, la prochaine année sera placée sous le signe du Rat et débutera le 5 février.) La Chine n’en produit pas moins pour l’exportation des sapins factices en plastique et toutes les décorations qui vont avec. Elle en est même de très très loin la premier fabricant mondial.</p>
<p>Dès la première salve du conflit, les États-Unis ont imposé une taxe de 10 % sur les importations de décorations de Noël. Rien en revanche sur les sapins en chlorure de polyvinyle ou en polyuréthane. Ne me demandez pas la logique de ce traitement différencié. Je ne la connais pas. Ne me demandez pas non plus pourquoi la surtaxe sur les articles de Noël a été retirée l’été dernier. Donald Trump se serait-il ému à l’idée que les petits enfants d’Amérique trouveraient un sapin moins abondamment décoré ?</p>
<p>La fabrique chinoise des accessoires de Noël est bien sûr assez éloignée des histoires racontées aux petits enfants. Ni elfes aux oreilles pointus ni lutins espiègles aidant le père Noël, mais des ouvriers travaillant à la chaîne et des machines découpant le PVC en millions d’aiguilles factices. La fabrication ne se situe pas non plus quelque part au-delà du cercle polaire. Elle se tient à 300 km de Shanghai. À Yiwu, précisément. Près d’un millier d’entreprises d’articles de Noël s’y côtoient. Elles réalisent à elles seules <a href="https://www.icontainers.com/us/2018/12/18/is-your-christmas-made-in-china/">60 % de la production mondiale</a> de sapins en plastique, guirlandes lumineuses, étoiles dorées, et autres personnages et boules de Noël. Pour un aperçu des chaînes de fabrication et des usines de cet atelier du monde de la Nativité, regardez la vidéo de <em>National Geographic</em>, <a href="https://video.nationalgeographic.com/video/i-didnt-know-that/00000144-0a29-d3cb-a96c-7b2db4c20000">« I did not know that : how Christmas trees are made »</a>. Plutôt quand vos jeunes enfants seront couchés. Maintenant vous saurez.</p>
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<h2>Sapin naturel vs sapin factice</h2>
<p>Aux États-Unis, le <em>fake christmas tree</em> se rapproche du volume des ventes du sapin naturel et continue de progresser. Son prix avantageux – une utilisation pour deux Noël suffit à le rendre moins coûteux – ne semble pas la principale raison de cette croissance. Sa baisse n’entraîne d’ailleurs qu’un <a href="https://academic.oup.com/ajae/article-abstract/75/3/730/48090?redirectedFrom=fulltext">très faible effet de report</a> sur l’achat de sapin naturel. C’est plus la commodité (pas d’aiguilles à balayer, pas de trajet chaque début décembre pour se le procurer) qui est à l’origine de son succès outre-Atlantique.</p>
<p>Sa part reste en revanche stable en France, autour de <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/les-achats-de-sapins-de-noel-en-2018">20 % des sapins de Noël</a> achetés chaque année. Ce qui est une bonne nouvelle pour les producteurs nationaux car par ailleurs les importations du Danemark ou d’ailleurs ne représentent qu’un cinquième des volumes. Les Français semblent rester attachés au sapin en bois d’origine locale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Aux États-Unis, de plus en plus de fake Christmas trees ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yeexin Richelle/Shutterstock</span></span>
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<p>Leur comportement est-il pour autant mieux respectueux de la planète ? Quel sapin est le plus vert ? Le naturel ou le factice ? A priori le sapin de Noël naturel puisqu’il capte du dioxyde de carbone en poussant grâce à la photosynthèse, alors que son rival en dégage car la chaîne qui va du pétrole plus du sel au PVC est très gourmande en énergie. Mais cet avantage peut basculer selon deux principaux paramètres : le nombre d’années de réutilisation et les distances de transport, et donc les émissions polluantes, pour acheminer les sapins au point de vente puis chez soi. Plus vous garderez longtemps votre sapin en plastique moins pèsera le fait qu’il vienne de Chine ou que vous l’ayez acheté loin de chez vous.</p>
<p>Inversement, plus les distances de transport de votre sapin naturel sont grandes, moins le bilan carbone sera favorable. En plus, ce match vert dépend également d’autres facteurs à l’instar du traitement de fin de vie (poubelle ou recyclage) et des dommages à l’environnement autres que les émissions de carbone (effets des produits phytosanitaires et biodiversité). Les analyses de cycle de vie réalisées sur nos deux sapins aboutissent ainsi à des résultats qui peuvent être différents selon les paramètres pris en considération et les valeurs retenues. Un point de bascule <a href="https://8nht63gnxqz2c2hp22a6qjv6-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2018/11/ACTA_2018_LCA_Study.pdf">à 5 ans</a> ou <a href="https://ellipsos.ca/lca-christmas-tree-natural-vs-artificial/">à 20 ans</a> de réutilisation selon les sources, par exemple. Bref… difficile de s’y retrouver.</p>
<p>Mon conseil : optez pour le sapin naturel dès lors que vous ne le jetterez pas à la poubelle, mais le déposerez à un point de collecte ou dans une déchèterie près de chez vous. Si vous avez un doute achetez un <a href="https://franchementbien.fr/un-sapin-francais-label-rouge/">sapin Label rouge</a> il viendra de France ou un <a href="https://www.plantezcheznous.com/professionnel-jardin/france-sapin-bio-producteurs-sapins-noel-bio/">sapin bio</a>, plus vert encore.</p>
<p>Et puis, ne faites pas comme le petit sapin <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9683757m/f6.image">envieux et grincheux</a> du conte d’Andersen qui ne sait pas profiter des instants présents. Passez donc de joyeuses fêtes de Noël avec ou sans arbre décoré de guirlandes chinoises.</p>
<blockquote>
<p>« Dans la forêt croissait un joli petit Sapin… (si impatient de grandir qu ») il ne prenait point plaisir aux jeux de lumière du soleil, ni au chant et aux mouvements des oiseaux, ni aux nuages flottants qui passaient au-dessus de lui, roses le matin, rouges et pourpres le soir… »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait du livre « Le sapin merveilleux et autres contes d’hiver et de printemps », d’après Hans Andersen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9683757m/f6.image">Gallica.bnf.fr/Larousse (1910)</a></span>
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</figure>
<hr>
<p><em>François Lévêque a récemment publié « Les habits neufs de la concurrence » aux Éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arbre qui brillera dans un foyer français sur quatre fin décembre n’est pourtant pas épargné par les turbulences de la mondialisation…François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1233842019-09-16T18:44:55Z2019-09-16T18:44:55ZDroits de l’homme : l’impact indirect des multinationales dans les pays émergents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/291950/original/file-20190911-190065-1kzqnyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=310%2C0%2C3449%2C2433&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au Mexique, plus de la moitié des travailleurs des secteurs de l’industrie et des services non agricoles n’ont pas accès à la sécurité sociale.</span> <span class="attribution"><span class="source">Lunamarina / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les entreprises multinationales font l’objet d’une pression croissante et d’une surveillance accrue de la part de la société civile. Dans ce contexte, le respect des droits de l’homme et de l’environnement par les multinationales investissant dans les pays émergents est une préoccupation majeure. En témoigne l’adoption en 2017 de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034290626&categorieLien=id">loi française</a> relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des sociétés donneuses d’ordres, qui oblige les entreprises à « identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ».</p>
<p>Deux ans après l’adoption de cette loi, une première mondiale, le bilan dressé par les ONG est <a href="https://www.amisdelaterre.org/Rapport-Deux-ans-apres-l-adoption-de-la-loi-sur-le-devoir-de-vigilance-les.html">mitigé</a>. Celles-ci accusent notamment les multinationales de ne pas jouer le jeu et pointent du doigt l’insuffisance du contrôle interne des pratiques et des comportements de leurs filiales à l’international.</p>
<h2>Sortir d’une vision dichotomique</h2>
<p>De fait, les pratiques et les comportements des multinationales dans les pays émergents sont largement controversés. D’une part, les multinationales elles-mêmes et plusieurs études économiques mettent en avant leur rôle positif dans le développement économique, social et humain des pays dans lesquels elles investissent, notamment grâce aux effets de transfert et de diffusion de technologie, de savoir-faire et/ou de bonnes pratiques. Les multinationales contribueraient ainsi à améliorer les conditions de vie de la population locale.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/291944/original/file-20190911-190012-d3t7kq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/291944/original/file-20190911-190012-d3t7kq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/291944/original/file-20190911-190012-d3t7kq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/291944/original/file-20190911-190012-d3t7kq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/291944/original/file-20190911-190012-d3t7kq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/291944/original/file-20190911-190012-d3t7kq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/291944/original/file-20190911-190012-d3t7kq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/291944/original/file-20190911-190012-d3t7kq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait du bilan de la loi sur le devoir de vigilance, deux ans après son adoption, établi par un groupe d’ONG.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/2019-etude-interasso_devoir_de_vigilance.pdf">Amisdelaterre.org</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autre part, des ONG et des universitaires avancent, souvent à partir d’études et d’observations de terrain, que les multinationales utilisent leur pouvoir de négociation à mauvais escient. Ainsi, elles tirent avantage d’autorités locales faibles et d’institutions défaillantes en maintenant ou en établissant de mauvaises conditions de travail (salaires faibles, durée de travail longues, conditions sanitaires mauvaises, recours au travail informel).</p>
<p>Dans une <a href="https://doi.org/10.1108/MBR-06-2017-0037">étude</a> récente publiée par la revue <em>Multinational Business Review</em>, nous dépassons cette vision dichotomique de l’impact social et humain des multinationales en étudiant cet impact au travers de l’analyse des interactions entre multinationales, entreprises locales et respect du droit dans les pays émergents.</p>
<p>L’étude porte spécifiquement sur le respect des droits de l’homme au sein de l’entreprise, et notamment sur l’accès des employés locaux à un contrat de travail et à un dispositif de sécurité sociale. Ces éléments relèvent en effet de la responsabilité directe des employeurs et figurent dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, selon laquelle :</p>
<blockquote>
<p>« Toute personne […], a droit à la sécurité sociale. » (article 22)</p>
<p>« Toute personne a droit […] à des conditions équitables et satisfaisantes de travail. » (article 23)</p>
<p>« Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques. » (article 24)</p>
</blockquote>
<p>Notre étude empirique s’appuie sur une enquête conduite annuellement auprès de plus de 120 000 travailleurs mexicains sur une période de 10 ans (2005-2014). Les données d’enquête utilisées présentent l’avantage d’avoir été collectées directement auprès des employés locaux à leur domicile et de manière anonyme, ce qui élimine les biais évidents liés à une enquête sur le lieu de travail ou auprès des entreprises elles-mêmes.</p>
<h2>Des multinationales plus vigilantes</h2>
<p>Le choix du Mexique pour ce type d’étude est pertinent à plusieurs égards. Le pays est avec la Chine, l’Inde et le Brésil, l’un des pays émergents recevant le <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/la-france-dans-le-top-cinq-des-pays-les-plus-attractifs-pour-les-investisseurs-etrangers.N841740">plus d’investissements étrangers</a>. En outre, les violations des droits de l’homme, notamment sur le lieu de travail, y sont fréquentes : plus de la moitié des travailleurs des secteurs de l’industrie et des services non agricoles ne bénéficient pas d’un contrat de travail et n’ont pas accès à la sécurité sociale, et opèrent ainsi dans le secteur informel. Enfin, le Mexique est composé de 32 régions caractérisées par des différences institutionnelles importantes.</p>
<p>Notre étude aboutit à trois résultats significatifs.</p>
<p>Tout d’abord, elle montre que les multinationales respectent en moyenne davantage les droits de l’homme que les entreprises locales. Ce résultat peut s’expliquer par la volonté des multinationales de gagner en légitimité et de protéger leur réputation au niveau local et international. La pression grandissante de la société civile (ONG, activistes, consommateurs) contraint en effet les multinationales, pour préserver leur réputation, à dissuader et contrôler les pratiques condamnables de leurs filiales. Les comportements exemplaires et les bonnes pratiques sociales des multinationales à forte visibilité peuvent également constituer une source de pression et d’imitation. L’adoption de codes de conduite globaux par quelques multinationales conduit souvent les autres à franchir le pas, dans une dynamique de mimétisme. Ces deux sources de pression sont évidemment beaucoup plus faibles pour les entreprises locales, pour lesquelles la réputation a moins d’importance, ce qui peut les amener à violer plus fréquemment les droits de l’homme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1015154662087983104"}"></div></p>
<p>Notre étude montre ensuite que le respect des droits de l’homme par les entreprises locales est influencé par le respect du droit et la solidité des institutions dans la région où elles opèrent. En d’autres termes, elles violent davantage les droits de l’homme dans les régions où les autorités locales peinent à faire respecter le droit. En revanche, et de manière étonnante, notre étude montre que ce n’est pas le cas pour les multinationales : leurs pratiques en lien avec les droits de l’homme ne sont pas influencées par le cadre institutionnel dans lequel elles opèrent. Ce résultat confirme l’idée selon laquelle les multinationales sont très vigilantes pour leur réputation à l’échelle globale. Elles encadrent strictement les pratiques de leurs filiales pour qu’elles respectent les droits de l’homme de leurs salariés, même dans les régions où le droit est peu appliqué.</p>
<h2>Un impact négatif indirect</h2>
<p>Enfin, et c’est le résultat le plus intéressant de notre étude, il apparaît que la densité de multinationales dans une région a un impact négatif sur le respect des droits de l’homme par les entreprises locales. En d’autres termes, les entreprises locales violent davantage les droits de l’homme dans les régions où de nombreuses multinationales sont présentes. Les multinationales auraient donc de ce point de vue un impact négatif sur les entreprises locales.</p>
<p>Deux éléments peuvent expliquer ce phénomène paradoxal. Premièrement, la forte présence de multinationales pourrait renforcer la concurrence entre les entreprises sous-traitantes locales, notamment au niveau de la réduction des coûts. Cette concurrence accrue conduirait ainsi les entreprises locales à davantage violer les droits de l’homme de leurs employés en les privant de droits sociaux par exemple. Deuxièmement, les multinationales attirent les salariés les plus qualifiés, du fait de meilleures conditions de travail offertes par ces entreprises. Les entreprises locales emploient alors les moins qualifiés, qui sont également ceux auxquels il est possible d’imposer des conditions de travail défavorables.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1126750002020212739"}"></div></p>
<p>En conclusion, nos résultats montrent que l’impact des multinationales sur les pays émergents dans lesquels elles investissent n’est pas aussi simple que suggéré dans le débat public. Certes, elles respectent davantage les droits de l’homme de leurs employés que les entreprises locales, et ce quel que soit le cadre institutionnel dans lequel elles opèrent. Mais elles contribuent indirectement à la violation des droits de l’homme, en conduisant les entreprises locales à adopter des pratiques sociales condamnables.</p>
<p>En ce sens, la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des sociétés donneuses d’ordre est un outil juridique adapté, dans la mesure où elle inclut les activités des sous-traitants et des fournisseurs. La difficulté pour les multinationales réside alors dans l’identification et l’analyse des risques au sein de chaînes de valeurs extrêmement complexes. Cela nécessite de leur part une volonté ferme, un contrôle interne efficace et le déploiement de ressources spécifiques. C’est toutefois l’effort qu’elles doivent consentir pour faire face à leurs responsabilités sociales globales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le cas du Mexique nous enseigne que les multinationales sont de plus en plus vigilantes mais que leurs activités encouragent les violations dans les entreprises locales.Olivier Lamotte, Enseignant-chercheur en économie et stratégie internationales, EM NormandieAna Colovic, Professeur associée de stratégie et de management international, Neoma Business SchoolOctavio Escobar, Associate Professor of Economics, PSB Paris School of BusinessPierre-Xavier Meschi, Professeur des Universités, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1204542019-07-21T22:55:52Z2019-07-21T22:55:52ZLa canicule accroît l’envie de boissons sucrées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/284312/original/file-20190716-173338-1i4ipb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C6000%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme lit l'étiquette d'une bouteille de Coca-Cola, San Juan Teotihuacán, Mexique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/wOhOp92KKMc">Jordan Crawford/Unsplash, </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Des vagues de chaleur inhabituelles ont <a href="https://weather.com/news/international/news/2019-06-22-europe-heat-wave-june-records%22%22">touché l’Europe au mois de juin</a>, comme un avant-goût de ce qui deviendra probablement la norme dans les prochaines décennies, étant donné que les températures devraient augmenter de 0,3 à 0,7°C d’ici à 2035, selon le rapport de 2018 du <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/05/SYR_AR5_FINAL_full_wcover.pdf%22%22">Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)</a>.</p>
<p>Pour les législateurs, il est crucial de comprendre comment ces changements climatiques affecteront notre consommation de nourriture. Pour le moment, la plupart des recherches se sont focalisées sur la productivité agricole. Les chercheurs étudient par exemple comment des <a href="https://doi.org/10.1093/ajae/aaw042%22%22">températures plus élevées influent sur les rendements</a> au cours <a href="https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2018.08.006%22%22">d’une saison culturale</a>.</p>
<p>Menés au Mexique, nos travaux démontrent pourtant que les habitudes alimentaires des familles se modifient également lorsque se produisent des vagues de chaleur d’intensité inhabituelle.</p>
<p>Comprendre dans quelle mesure et de quelle façon ces changements d’alimentation sont influencés par les augmentations de température pourrait aider à limiter leurs impacts négatifs sur la santé.</p>
<h2>De puissants désirs irrépressibles</h2>
<p>Une météo caniculaire modifie la consommation de nourriture par le biais de deux leviers majeurs. Le premier est physiologique : à mesure que grimpe le mercure, nous transpirons, et notre organisme nous encourage à boire davantage pour remplacer nos fluides perdus et réguler notre température corporelle.</p>
<p>Du point de vue physiologique, il n’y a aucune raison pour boire autre chose que de l’eau afin d’étancher notre soif lorsque la température est élevée.</p>
<p>C’est ici qu’intervient le second levier, celui des « désirs irrépressibles ». Des études ont montré que certains aliments comme les snacks salés et les boissons sucrées <a href="https://journals.lww.com/co-clinicalnutrition/Abstract/2010/07000/Neurobiology_of_food_addiction.3.aspx%22%22">ont des points communs avec certaines substances addictives bien connues</a>, comme le tabac. Ces résultats suggèrent que, à mesure que les températures augmentent, certaines personnes ressentent <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/0002828043052222%22%22">le besoin impérieux</a> d’étancher leur soif avec <a href="https://doi.org/10.1006/obhd.1996.0028%22%22">des boissons sucrées</a> plutôt qu’avec de l’eau. </p>
<p>Nos <a href="http://www.theses.fr/s154795%22%22">recherches</a> indiquent effectivement que lorsque les températures extérieures sont élevées, les individus qui ont une préférence pour les boissons sucrées sont susceptibles de céder à leurs envies dès qu’ils ont soif. Or, en cas de forte chaleur, il est peu probable qu’ils compensent cet apport excessif en sucres par davantage d’exercice physique. À terme, ils vont donc accumuler les calories et prendre du poids.</p>
<h2>Un problème de santé publique</h2>
<p>Au cours des dernières décennies, la proportion de personnes obèses a augmenté partout dans le monde. En 1975, le taux d’obésité moyen était de 11,1 % en Amérique du Nord et en Europe. En 2016, il avait <a href="https://ourworldindata.org/obesity">plus que doublé</a>. Aux États-Unis, en 2014 <a href="https://www.niddk.nih.gov/health-information/health-statistics/overweight-obesity">le taux moyen dans la population adulte était de 37 %</a>, avec des pourcentages encore plus élevés dans certains groupes ethniques.</p>
<p>L’excès de poids et l’obésité sont à l’origine de diverses maladies, telles que maladies cardiovasculaires, diabète, et certains cancers. Ces maladies chroniques non contagieuses constituent à leur tour un fardeau pour l’économie des pays concernés, car elles entraînent <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28456416%22%22">des dépenses non négligeables</a> qui <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22094013">coûtent très cher</a> aux <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMra1203528%22%22">systèmes de santé</a>.</p>
<p>Au Mexique, comme dans de nombreux autres pays d’Amérique, d’Australasie et d’Europe occidentale, la consommation globale de boissons sucrées dépasse de beaucoup la recommandation de l’OMS (<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4733620/%22%22">50 grammes de sucre par jour, soit l’équivalent de 10 cuillères à café)</a>.</p>
<p>Parmi les États membres de l’OCDE, le pays occupe aussi la seconde place <a href="https://www.oecd.org/els/health-systems/Obesity-Update-2017.pdf%22%22">en termes d’obésité</a>.</p>
<h2>La température influence la consommation</h2>
<p>Même si le climat mexicain varie énormément selon les régions, le fait qu’il se situe près de l’équateur <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/11/5/055007%22%22">le rend susceptible de connaître des variations de très fortes variations météorologiques</a>. Les chercheurs y ont observé une hausse globale de la température <a href="http://www.thebigwobble.org/2018/06/mexico-burning-life-threatning.html">avec des pics à près de 50°C</a> et des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1474706515000789%22%22">périodes de canicule plus fréquentes</a>.</p>
<p>Dans notre étude (dont la publication est en cours), nous avons combiné les résultats de sondages sur les dépenses alimentaires de quelques 85 000 foyers mexicains avec les données météorologiques concernant les températures extérieures quotidiennes, fournies par la Commission nationale de l’eau (Conagua).</p>
<p>L’étude inclut notamment des documents – <a href="https://www.inegi.org.mx/programas/enigh/nc/2014/">(Encuesta Nacional de Ingresos y Gastos de los Hogares)</a> – qui dressent la liste des quantités de nourriture consommées quotidiennement et les dépenses alimentaires hebdomadaires pour chaque ménage en 2008, 2010, 2012 et 2014.</p>
<p>Étant donné la courte période – une semaine – privilégiée dans notre étude, nos estimations ne prennent pas en compte les changements induits par l’évolution du climat dans la production et l’offre alimentaires. Elles donnent donc des informations sur les réactions à court terme des consommateurs face à la hausse des températures, sans variation dans les produits qui leur sont proposés.</p>
<p>Nous avons également comparé le comportement d’individus vivant dans la même municipalité, par temps froid et par temps chaud.</p>
<p>Cette approche permet d’éliminer les différences comportementales dues aux disparités entre les municipalités (différences de zones climatiques, variations dans la disponibilité et les prix des produits…).</p>
<h2>Faire les courses pendant la canicule</h2>
<p>Nos résultats montrent que la consommation de sodas et de jus de fruits des Mexicains augmente de près de 20 % les semaines où les températures quotidiennes dépassent 32°C, comparée aux jours où elles sont inférieures à 22°C.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282312/original/file-20190702-126345-18gy3tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282312/original/file-20190702-126345-18gy3tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282312/original/file-20190702-126345-18gy3tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282312/original/file-20190702-126345-18gy3tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282312/original/file-20190702-126345-18gy3tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282312/original/file-20190702-126345-18gy3tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282312/original/file-20190702-126345-18gy3tl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Consommer trop de sucre en période de canicule est mauvais pour votre sang !</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://search.creativecommons.org/photos/3d251ce7-5da8-4c79-9afb-a1856bc2ed2a">elizaIO/Flickrs</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>La consommation d’eau ne semble pas augmenter de façon significative au cours de ces périodes. Ce point est significatif, car au Mexique, l’accès gratuit à l’eau potable dans l’espace public – par le biais de fontaines, par exemple – est limité.</p>
<p>Tout ceci renforce l’hypothèse des « désirs irrépressibles », qui suggère que les gens ont davantage de difficultés à résister à leurs envies de boissons sucrées en période de fortes chaleurs. Nos résultats indiquent aussi que cette consommation se traduit par une légère augmentation de l’Indice de masse corporelle (IMC) des personnes concernées, en particulier les <a href="https://www.nap.edu/read/11813/chapter/8%22%22">jeunes femmes</a>.</p>
<h2>Informer davantage, est-ce suffisant ?</h2>
<p>Pour réduire la consommation de boissons sucrées pendant les journées chaudes, diverses approches s’offrent aux pouvoirs publics. Le Mexique a déjà pris des mesures pour informer les consommateurs des risques connexes pour la santé, et nos conclusions indiquent qu’elles peuvent être efficaces si elles sont mises en œuvre juste avant ou pendant les mois d’été.</p>
<p>Les prévisions météorologiques à la télévision et sur Internet pourraient également être accompagnées de courts messages rappelant aux gens de boire de l’eau au lieu de sodas. </p>
<p>Autre possibilité : <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/public-health-nutrition/article/sugarsweetened-beverage-taxation-an-update-on-the-year-that-was-2017/613B1B139D15C1F152EA5920DD357E2B/core-reader%22%22">augmenter le prix des boissons sucrées</a> pour les rendre plus chères que les alternatives meilleures à la santé. La mise en place de la <a href="https://time.com/4168356/mexico-sugar-drink-soda-tax/%22%22">« taxe sur le sucre » en 2014 au Mexique</a> semble <a href="https://doi.org/10.3945/jn.117.251892%22%22">avoir entraîné une baisse modérée des ventes de boissons sucrées</a>. </p>
<p>Les autorités peuvent aussi <a href="https://theconversation.com/taxes-on-sugary-beverages-are-not-enough-on-their-own-to-halt-march-of-obesity-in-asia-84236%22%22">restreindre les ventes</a> dans certaines zones, comme à proximité des écoles, ou durant certaines périodes.</p>
<p>Des fontaines ou d’autres sources d’eau potable sont également nécessaires dans les espaces publics. Leur présence offrirait aux consommateurs une alternative gratuite et saine à l’achat d’une boisson sucrée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Yw5S9LhVeDA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Campagne de sensibilisation sur l’obésité et la surconsommation de boissons gazeuses.</span></figcaption>
</figure>
<p>Enfin, une mesure politique plus radicale consisterait à interdire purement et simplement la vente et la consommation de boissons sucrées pendant les mois les plus chauds, pour raisons de santé publique. Le raisonnement à l’appui d’une telle réglementation serait similaire à celui qui a conduit à interdire les feux en plein air pour réduire le risque d’incendie.</p>
<p>Reste à voir si les législateurs parviendront à mettre en place ces mesures, aussi courageuses que nécessaires, en dépit <a href="https://www.forbes.com/sites/robwaters/2017/06/21/soda-and-fast-food-lobbyists-push-state-preemption-laws-to-prevent-local-regulation/#50538ec2745d%22%22">des pressions des lobbies de l’industrie agroalimentaire</a>.</p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="https://www.fastforword.fr/%22%22">Fast ForWord</a></em></p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour favoriser le partage des connaissances scientifiques sur les questions de société, Axa Research Fund soutient plus de 600 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 54 nationalités. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du <a href="https://www.axa-research.org">Axa Research Fund</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lisa Oberlander a reçu des financements de AXA Research Fund.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ximena Játiva ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comprendre dans quelle mesure et de quelle façon les consommateurs réagissent aux changements climatiques peut limiter les conséquences négatives d’une mauvaise alimentation sur la santé publique.Lisa Oberlander, PhD student in nutrition and health economics, Paris School of Economics – École d'économie de ParisXimena Játiva, PhD student in development economics, University of FribourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1121112019-02-19T23:39:16Z2019-02-19T23:39:16ZLa fabrication d’une crise : déconstruire la rhétorique anti-immigration de Donald Trump<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259794/original/file-20190219-43270-2a0x6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1200%2C788&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le mur sur la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis (ici côté Ciudad Juarez, côté mexicain).</span> <span class="attribution"><span class="source">Joe Raedle/AFP</span></span></figcaption></figure><p>L’utilisation de « l’urgence nationale » par Donald Trump pour débloquer des fonds pour la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique n’est pas une surprise. Depuis longtemps, et récemment encore dans son discours sur l’état de l’Union, le 5 février 2019, le président Trump a construit une rhétorique bien huilée sur la menace et le danger permanent des « étrangers illégaux et criminels ».</p>
<p>Si tous les présidents américains <a href="https://eu.caller.com/story/news/2019/02/04/state-union-what-presidents-said-immigration/2747042002/">depuis Bill Clinton dans les années 90</a> ont parlé du problème des immigrés illégaux, aucun n’a à ce point dramatisé la situation. Voici donc une courte analyse de la stratégie rhétorique qui vise à fabriquer une crise.</p>
<h2>Donner des chiffres pour faire peur</h2>
<p>Il n’y a rien de plus efficace que des chiffres pour faire peur, et convaincre un auditoire, qu’une situation est « objectivement critique ». C’est ce que fait Donald Trump ici en <a href="https://factba.se/search#266%2C000">déclarant</a>, notamment dans son discours sur l’état de l’Union :</p>
<blockquote>
<p>« Les agents de contrôle de l’Immigration et des Douanes (ICE) ont arrêté 266 000 criminels étrangers, dont 10 000 accusés ou condamnés pour voie de fait, 30 000 pour crime sexuel et 4 000 pour homicide ou assassinat ».</p>
</blockquote>
<p>Donald Trump cite ici des chiffres qu’il a utilisés dans son <a href="https://www.nytimes.com/2019/01/08/us/politics/trump-speech-transcript.html">discours sur l’immigration</a>, le 8 janvier 2019, et <a href="https://twitter.com/realdonaldtrump/status/1084649448003784704">twitté le 13 janvier</a> suivant. Comme le note le <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2019/live-updates/trump-white-house/live-fact-checking-and-analysis-of-trumps-2019-state-of-the-union-address/read-the-fact-check-from-trumps-oval-office-address-on-immigration/?utm_term=.a6d9a7d3bcb9"><em>Washington Post</em></a> le problème est que ces chiffres sont approximatifs, voir trompeurs. Ils comprennent, par exemple, les « infractions sérieuses et non violentes ». Et les totaux incluent « tous types d’infraction, y compris l’entrée (ou la réentrée) illégale sur le territoire ».</p>
<p>Même le cœur de l’argument – les immigrés illégaux commettent plus de crimes – est contredit par <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1745-9125.12175">plusieurs études universitaires indépendantes</a> : celles-ci concluent que l’immigration illégale n’augmente pas le taux de criminalité (y compris pour les crimes de sang, l’utilisation de drogues illicites) et que les sans-papiers sont en réalité moins susceptibles d’enfreindre la loi.</p>
<p>Pire encore, l’affirmation de Donald Trump que la ville frontière d’El Paso (Texas) avait « l’un des taux les plus élevés de criminalité » a été totalement réfuté (<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1745-9125.12175">ici</a>, <a href="https://www.documentcloud.org/documents/4450776-Light-Et-Al-AJPH-Published.html">ici</a>, ou <a href="https://www.documentcloud.org/documents/4450775-CATO-Illegal-Immigration-and-Crime-in-Texas.html">ici</a>). De même, l’allégation du Président selon laquelle « le mur à San Diego a presque complètement mis fin aux traversées illégales de la frontière » est, au mieux, <a href="https://www.mcclatchydc.com/news/politics-government/article225589085.html">discutable et incomplète</a>.</p>
<h2>Choisir les mots pour convaincre</h2>
<p>Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cadrage_(d%C3%A9cision)">« cadrage »</a> cognit) est une technique de communication qui consiste à utiliser un langage spécifique pour « cadrer » un sujet dans des termes négatifs ou positifs en s’appuyant sur des représentations mentales préconçues.</p>
<p>Ainsi, désigner les immigrés sans papiers comme des « étrangers criminels illégaux », comme le fait le Président, implique que toutes ces personnes, avant même d’avoir franchi la frontière (<a href="https://theconversation.com/derriere-les-caravanes-de-migrants-damerique-centrale-des-pays-a-bout-de-souffle-107566">comme celles des « caravanes »</a>), ont déjà enfreint la loi. Il ne tient pas compte du fait que certaines d’entre elles peuvent être des réfugiés qui demanderont l’asile, et qui de ce fait ne sont pas techniquement des « immigrés », et encore moins illégaux (du moins jusqu’à ce que leur demande soit éventuellement rejetée).</p>
<p>En réalité, c’est bien plutôt la nouvelle politique du gouvernement Trump – qui consiste à obliger les demandeurs d’asile à rester au Mexique dans l’attente du résultat de leur demande – <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2019/feb/02/trump-immigration-policy-mexico-border-illegal-amnesty-international">qui risque d’être illégale</a>.</p>
<p>L’expression d’« étrangers illégaux » est assez rare dans un discours sur l’état de l’Union, mais ce n’est pas non plus une innovation. Elle a été utilisée par <a href="https://www.c-span.org/video/?62882-1/president-bill-clintons-1995-state-union-address&start=3772">Bill Clinton en 1995</a>. Ce n’est pas pour autant un terme neutre. Elle présente l’immigré par le biais du cadrage cognitif du crime.</p>
<p>Comme l’explique très bien le think tank libertarien <em>CATO Institute</em>, choisir le terme « étrangers illégaux » plutôt que « immigrants sans papiers » est susceptible d’influencer l’opinion d’une personne plutôt conservatrice contre l’immigration parce qu’elle <a href="https://www.cato.org/blog/use-euphemisms-political-debate">« tend à soutenir davantage l’ordre et la structure, et à être perturbée par l’illégalité »</a>.</p>
<h2>Faire de l’« étranger illégal » un ennemi sauvage</h2>
<p>En revanche, ce qui relève de l’innovation, et apparaît comme une marque de fabrique de la rhétorique trumpienne, est l’utilisation de l’immigré dans le processus de construction d’un ennemi central. Contrairement à ces prédécesseurs de l’ère moderne, Trump désigne un autrui menaçant qui se situe à la fois à l’extérieur et à l’intérieur de la frontière.</p>
<p>A l’intérieur, c’est le danger immédiat du « gang sauvage MS-13 (qui) opère dans plus de 20 états américains. » La réalité de <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/07/30/qui-sont-les-ms-13-ce-gang-que-donald-trump-veut-eradiquer_5166552_3222.html">ce gang latino-américain particulièrement violent</a> est toute autre : avec moins de <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/l-amerique-selon-trump/20171123.OBS7720/qui-se-cache-derriere-ms-13-l-un-des-gangs-les-plus-violents-des-etats-unis.html">10 000 membres</a>, le MS-13 représente <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2018/06/27/opinion/trump-ms13-immigration.html">« moins de 1 % des membres de gangs qui existent dans tout le pays »</a>. Aussi cruels soient-ils, ils ne constituent pas une menace nationale.</p>
<p>A la frontière, cet autrui, c’est aussi, selon le Président, <a href="https://factba.se/search#ruthless%2Bcoyotes">« le coyote (nom donné aux passeurs, ndlr) impitoyable, les cartels, les dealers et les trafiquants sadiques d’êtres humains et de sexe »</a>, ainsi que <a href="https://factba.se/search#children%2Bas%2Bhuman%2Bpawn">« les passeurs qui utilisent les enfants immigrés comme des pions pour exploiter nos lois et avoir accès à notre pays ».</a> Avec de telles pratiques barbares, ces criminels symbolisent la peur du chaos et de l’anarchie :</p>
<blockquote>
<p>« L’état d’anarchie de notre frontière du Sud est une menace pour la sécurité des biens et des personnes, et pour le bien-être financier de toute l’Amérique. » (<a href="https://factba.se/search#lawless%2Bstate">Donald Trump</a>)</p>
</blockquote>
<p>Ce qui est en jeu, c’est donc bien la loi, l’ordre et la civilisation. C’est l’argument pour l’utilisation d’un vocabulaire de guerre : ordonner l’envoi d’« un nouveau contingent de <a href="https://factba.se/search#3%2C750%2Btroops">3.750 soldats</a> sur notre frontière du Sud pour se préparer à cette <a href="https://factba.se/search#onslaught">incroyable attaque</a> et appeler les Américains à <a href="https://factba.se/search#defend%2Bour%2Bvery%2Bdangerous%2Bborder">« défendre une frontière du sud très dangereuse ».</a> au nom de l’amour et de la loyauté de nos concitoyens et de notre pays</p>
<p>Cette guerre n’est pas uniquement métaphorique. Elle fait des victimes :</p>
<blockquote>
<p>« D’<a href="https://factba.se/search#countless%2BAmericans">innombrables Américains</a> […] assassinés par des criminels étrangers illégaux et des « dizaines de milliers d’Américains innocents tués par des drogues mortelles qui traversent la frontière et inondent nos villes. »</p>
</blockquote>
<p>Cette vision des immigrés comme un « Autre sauvage » n’est pas sans rappeler la <a href="https://theconversation.com/dans-lamerique-de-trump-les-immigres-prennent-la-place-des-indiens-sauvages-99542">rhétorique de la frontière sur les Amérindiens</a> au XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Ajouter une pincée de détails lubriques</h2>
<p>Ce sauvage est d’autant plus barbare qu’il est également un prédateur sexuel :</p>
<blockquote>
<p>« Une femme sur deux est agressée sexuellement […] des milliers de jeunes filles et de jeunes femmes sont “passées clandestinement” pour être vendues comme “prostituées ou esclaves moderne”. ». (Donald Trump, <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-speech-state-of-the-union-february-5-2019">discours sur l’état de l’Union</a>)</p>
</blockquote>
<p>Au-delà du manque du manque de fiabilité statistique, le thème de crimes sexuels est l’un des sujets de prédilection de Donald Trump.</p>
<p>Son discours qui avait lancé sa campagne présidentielle, le 16 juin 2015, avait déjà fait les gros titres parce que le candidat Trump accusait le Mexique d’envoyer des violeurs aux États-Unis. Plus tard, il a fait un commentaire similaire à propos des « caravanes » d’immigrés qui se dirigeaient vers les États-Unis depuis l’Amérique centrale.</p>
<p>Plus tôt cette année, il a même donné quelques <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2019/01/17/trumps-stories-taped-up-women-smuggled-into-us-are-divorced-reality-experts-say/?utm_term=.09ee3330b50d">détails</a> explicites sur « des femmes attachées, immobilisées, du ruban adhésif autour de leur visage, sur leur bouche [qui] dans bien des cas, ne pouvaient même pas respirer ». Une histoire qu’il a répétée une <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2019/01/17/trumps-stories-taped-up-women-smuggled-into-us-are-divorced-reality-experts-say/?utm_term=.0d4ab68d5329">dizaine de fois, le mois dernier</a>, sans offrir la moindre preuve qui puisse la confirmer.</p>
<p>Ce genre de récit n’a pas besoin d’être vrai. Il a juste besoin de donner le sentiment d’être vrai pour servir son but politique. De telles histoires sont davantage susceptibles d’engendrer une réaction forte chez un auditoire plus conservateur, le genre et la sexualité étant des caractéristiques du <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/014198798330007">langage nationaliste</a>. Elles reflètent une philosophie qui considère la <a href="https://journals.openedition.org/lisa/9861">puissance comme une vertu</a> et le contrôle comme primordial.</p>
<h2>Utiliser la métaphore du « corps » de « la nation »</h2>
<p>Que ce soit au niveau littéral ou métaphorique, les récits de viols sont utilisés par les locataires de la Maison Blanche pour focaliser la colère du public contre les ennemis de l’Amérique. Ainsi Saddam Hussein avait soi-disant commis le <a href="https://www.presidency.ucsb.edu/documents/message-allied-nations-the-persian-gulf-crisis">viol du Koweït</a> et avait construit des salles de viol… De telles histoires exploitent la métaphore de la nation comme « corps ».</p>
<p>Dans le cas de Trump, un parallèle peut être fait entre le viol et l’invasion de la nation par des étrangers illégaux. Dans son <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-speech-oval-office-immigration-january-8-2019">discours</a> sur l’immigration du 8 janvier 2019, le Président parle d’ailleurs de « ceux qui ont violé notre frontière ».</p>
<p>Ce schéma du corps est susceptible d’activer des sentiments particulièrement forts chez un auditoire conservateur ou nationaliste, qui tend à avoir une vision du monde genrée basée sur la force et la puissance. Pour l’écrivain féministe Soraya Chemaly, <a href="https://www.huffingtonpost.com/entry/donald-trumps-rape-metaphor-says-more-about-him-than_us_57743fb5e4b0ee1c313d8e7e">« le viol, c’est la guerre ; les violeurs sont les gagnants, les violés sont les perdants. La honte, selon l’usage de Trump, est réservée aux violés, pas aux violeurs</a> ».</p>
<p>La peur de l’invasion est, de plus, illustrée par le récit de l’une des invités d’honneur du Président, lors du discours sur l’état de l’Union, Deborah Bissel, dont les parents ont été cambriolés et tués dans leur maison de Reno, au Nevada par un étranger clandestin. Cette affaire de violation de domicile n’est pas une coïncidence, elle établit un parallèle avec l’invasion illégale du pays par de dangereux étrangers.</p>
<h2>Utiliser l’image de l’inondation</h2>
<p>L’immédiateté de la menace est renforcée par la métaphore de la nation comme contenant menacé par une inondation dangereuse. Il s’agit là d’un trope classique du <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2015/aug/10/migration-debate-metaphors-swarms-floods-marauders-migrants">discours anti-immigré</a> dans lequel le liquide est associé directement aux immigrés, ou bien aux substances illégales qu’ils sont supposés apporter.</p>
<p>Ce sont les drogues qui, selon le président <a href="https://factba.se/search#flood%2Bour%2Bcities">« inondent nos villes »</a> ou bien <a href="https://factba.se/search#keep%2Bstreaming%2Bback%2Bin">« le déferlement des membres du gang MS-13 qui reviennent dans le pays »</a>. L’arrivée d’immigrants est ici présentée en termes de quantité excessive de liquide qui pénètre dans un contenant.</p>
<p>D’où le danger de <a href="https://factba.se/search#open%2Bborders">« frontières ouvertes »</a>, de <a href="https://factba.se/search#wide%2Bopen%2Bareas">« zones sans défense »</a> ou de <a href="https://factba.se/search#loopholes">« failles »</a> dans la loi. Cela justifie, dès lors, la construction d’un mur de protection contre cette inondation. La conclusion est alors naturellement que « les murs fonctionnent et les murs sauvent des vies ».</p>
<h2>Faire un récit avec un méchant, une victime et un héros</h2>
<p>Comme tout bon récit, cette histoire doit avoir des personnages clairement identifiés : des méchants et des victimes – les Américains mais aussi les <a href="https://factba.se/search#more%2Bthan%2B300%2Bwomen%2Band%2Bgirls%2Bhave%2Bbeen%2Brescued%2Bfrom%2Bhorror">« 300 femmes et filles sauvées de l’horreur de cette horrible situation ».</a></p>
<p>Elle a également besoin de héros, incarnés par <a href="https://factba.se/search#our%2Bbrave%2BICE%2Bofficers">« nos courageux agents de contrôle de l’Immigration et des Douanes »</a> et les <a href="https://factba.se/search#brave%2Bmen%2Band%2Bwomen%2Bof%2Blaw%2Benforcement%2C">« braves hommes et femmes des forces de police ».</a></p>
<p>Mais, en fin de compte, le vrai héros de cette histoire est bien Donald Trump lui-même. Il est à la fois le protecteur des héros du quotidien et le bâtisseur de murs qui visent à protéger le corps-nation.</p>
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<p>« Je vous promets ce soir que je ne révoquerai jamais nos héros du contrôle de l’Immigration et des Douanes […] un mur digne de ce nom n’a jamais été construit. Je le ferai construire ». (Danald Trump, <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-speech-state-of-the-union-february-5-2019">discours sur l’état de l’Union</a>)</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/112111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si tous les présidents américains depuis Bill Clinton, dans les années 90, ont parlé de la question des immigrés illégaux, aucun n'a à ce point dramatisé la situation.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.