tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/museographie-32847/articlesmuséographie – The Conversation2021-12-06T22:33:11Ztag:theconversation.com,2011:article/1727282021-12-06T22:33:11Z2021-12-06T22:33:11ZLa « Françafriche », nouvel avatar de la Françafrique ?<p>La coopération culturelle et artistique franco-africaine – la <a href="https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=9208&menu=0">« Françafriche »</a> – n’a-t-elle pas trouvé son point d’orgue avec <a href="https://www.pro.institutfrancais.com/fr/offre/africa-2020">« Africa 2020 »</a> ? C’est la question que l’on peut se poser à propos de cette saison africaine en France, interrompue un temps en raison de la pandémie mais qui s’est poursuivie cette année.</p>
<p>En organisant cette série d'événements, la France a voulu rendre hommage à l’Afrique. Toutefois, si l'on y regarde de plus près, Africa2020 et, au-delà, la vision qu'a aujourd'hui Paris de sa coopération avec l'Afrique suscitent quelques questionnements…</p>
<h2>Les deux primitivismes</h2>
<p>Malgré la bonne volonté qui a présidé à la mise en oeuvre d'Africa2020, un stéréotype primitiviste accolé de façon illégitime au continent continuait à émaner de cette opération. Et en la matière, il convient de distinguer un « primitivisme premier » et un « primitivisme second ». Le premier, lié aux <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/art_premier/187292">arts dits « premiers »</a> est classiquement reconnu comme ayant fortement influencé l’art occidental alors que le second est plus difficile à débusquer.</p>
<p>Aujourd’hui, ce primitivisme premier n’est plus l’objet de controverses puisqu’on parle désormais d’« art classique africain » et que le principe de la restitution de ces œuvres d’art aux pays africains a acquis droit de cité. Même s’il subsiste, comme on le verra à propos de l’exposition <a href="https://www.quaibranly.fr/fr/expositions-evenements/au-musee/expositions/details-de-levenement/e/ex-africa-38922/">« Ex-Africa »</a>, il a été remplacé par un autre paradigme – le primitivisme second – qui a trait à l’enrichissement ou à la re-fécondation de la culture artistique française par l’art contemporain africain.</p>
<p>Ce processus de re-fécondation accompagne le « nettoyage » artistique et toponymique auquel se livrent les gouvernements de nombreux pays <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-09-juin-2020">à la suite du meurtre de George Floyd</a>. Il s’est ensuivi un processus de déboulonnage de statues de personnages esclavagistes ou coloniaux et de remplacement de ces statues, ainsi que de noms de rue et de places de même nature, par des « figures de la diversité ».</p>
<p>Pour la première fois en France, avec l’opération « Africa 2020 », lancée par Emmanuel Macron, on peut voir des monuments français portant la marque d’artistes africains. C’est notamment le cas avec l’installation d’œuvres d’<a href="http://www.paris-conciergerie.fr/Actualites/el-anatsui-revisite-conciergerie-artiste-sculpture">El Anatsui à La Conciergerie</a>, de <a href="http://www.aigues-mortes-monument.fr/Actualites/Brise-du-rouge-soleil-carte-blanche-a-Joel-Andrianomearisoa">Joël Andrianomearisoa sur les remparts d’Aigues-Mortes</a> ou bien encore celles de l’artiste de République démocratique du Congo <a href="https://www.grandpalais.fr/fr/article/le-grand-palais-invite-lartiste-sammy-baloji-dans-le-cadre-de-la-saison-africa-2020">Sami Baloji à l’entrée du Musée du Grand Palais</a>.</p>
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<span class="caption">Une partie de l’installation d’El Anatsui exposée à la Conciergerie à Paris du 20 mai au 14 novembre 2021 à l’occasion de la saison Africa2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eric Sander/Centre des monuments nationaux</span></span>
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<p>Bref, la France, l’Europe, l’Occident se débarrassent de leurs vieux oripeaux coloniaux – les « fétiches » –, qui sont désormais promis à un recyclage dans les musées de sociétés déjà créés ou en cours de construction en Afrique. À l’occasion d’« Africa 2020 », la France a manifesté l’existence d’une « présence africaine », comme dans le cas de l’exposition <a href="https://www.quaibranly.fr/fr/expositions-evenements/au-musee/expositions/details-de-levenement/e/ex-africa-38922/">« Ex Africa »</a> (Musée du quai Branly) – même si cette dernière exposition n’est pas exempte de présupposés primitivistes, puisqu’elle a mis en évidence le poids que continuent d’occuper les représentations anciennes de l’art classique africain dans l’esprit de certains artistes contemporains, qu’ils soient occidentaux ou africains.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Ex Africa » au quai Branly en 100 secondes chrono, Beaux-Arts Magazine, 6 avril 2021.</span></figcaption>
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<p>De la sorte, c’est toute l’ambiguïté de la saison « Africa 2020 » qui s’exprime au prisme de ces quatre expositions. Tout autant qu’une opération de reconnaissance de l’art contemporain africain, <em>per se</em>, il s’agit largement d’indexer l’art contemporain africain à des monuments datant de plusieurs siècles et d’assimiler ainsi cet art au patrimoine architectural et historique français.</p>
<p>Dans les deux cas, ces opérations se traduisent par une massification des différentes œuvres de ces artistes qui peinent à exister dans leur individualité.</p>
<h2>Un aggiornamento du rapport de la France à l’Afrique ?</h2>
<p>Ce sommet artistique Afrique-France n’avait-il pas en définitive pour but de faire oublier <a href="https://sommetafriquefrance.org/">celui, beaucoup plus concret, de Montpellier</a> qui devait, pour une énième fois, rafistoler les relations franco-africaines dans les domaines politique, économique et stratégique ? En somme, « Africa 2020 » – ce dernier avatar de la « Françafriche » – aurait constitué le prélude au rajeunissement de la Françafrique.</p>
<p>Ces deux événements – Africa 2020 et le sommet Afrique-France de Montpellier – semblent en effet dessiner les nouveaux linéaments de la politique française en Afrique. Ils peuvent être interprétés comme un <em>aggiornamento</em> visant à rompre avec les pratiques politiques anciennes.</p>
<p>Dans le domaine militaire, il s’agit, pour le gouvernement français, de manifester sa volonté de se retirer du continent africain et notamment du Sahel pour faire pièce à l’opposition croissante que cette présence suscite. En témoigne l’abandon par la force Barkhane des bases de Kidal, Tombouctou et Tessalit au Mali.</p>
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<p>En même temps, la force Barkhane ne quitte pas totalement le Sahel car il lui reste la tâche de protéger l’approvisionnement de la France en uranium du Niger – une ressource d’autant plus indispensable qu’Emmanuel Macron vient d’<a href="https://www.europe1.fr/politique/nucleaire-macron-annonce-la-construction-de-nouveaux-reacteurs-4076148">annoncer</a> la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. C’est en tenant compte de ce souci de sécuriser cet apport énergétique qu’il faut apprécier la hantise de voir les Russes pénétrer sur le pré carré français dans la zone sahélienne.</p>
<p>Le maintien de la présence française en Afrique, outre le domaine militaire avec ses opérations extérieures et ses bases, a également un volet diplomatique. En la matière, la politique française est fragile puisqu’elle repose sur le principe « deux poids-deux mesures ». Selon les cas, la France peut aussi bien soutenir une transition non démocratique du pouvoir effectuée par le biais de coups d’État illégaux comme au Tchad ou légaux comme en Côte d’Ivoire, ou désavouer des putschs, comme au Mali et en Guinée.</p>
<p>Le sommet de Montpellier, avec toutes ses ambiguïtés, avait pour but de permettre à Paris de se démarquer des despotes africains au pouvoir depuis plusieurs dizaines d’années, tout en tentant de nouer des liens avec les différentes « sociétés civiles » du continent et en projetant de mettre sur pied une sorte de « start up Africa ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Sommet Afrique-France : Emmanuel Macron « bousculé » par la jeunesse, France 24, 8 octobre 2021.</span></figcaption>
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<p>De la même façon, la mise en scène de la restitution de pièces d’art « premier » aux pays africains n’est que l’amorce de la continuation d’une politique de coopération artistique et culturelle « new look » entre la France et l’Afrique, coopération déjà à l’œuvre avec « Africa 2020 ».</p>
<p>Ainsi est instauré un nouveau partenariat <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/11/15/chacun-apporte-sa-pierre-quand-musees-francais-et-africains-uvrent-main-dans-la-main_6102159_3212.html">qui se veut paritaire</a> entre musées français et musées africains. En témoigne l’exposition « Picasso à Dakar, 1972-2022 » qui doit avoir lieu au Musée des civilisations noires de Dakar où seront sempiternellement mises en regard les œuvres du maître catalan avec les pièces d’art « classique » africain qui l’ont inspiré.</p>
<p>De la même façon, sans préjuger de ce que sera la reconstruction du Festival Mondial des Arts nègres de 1966 au Grand Palais en 2025, on peut se demander pourquoi il faut que ce soit presque toujours la France qui soit impliquée dans les projets artistiques ou muséaux concernant l’Afrique et particulièrement sa partie francophone. Même s’il existe d’autres projets ou réalisations artistiques et muséales qui ont par exemple entraîné la participation de la Corée du Sud ou de la Chine, la présence massive et presque sans rival de la France dans ce domaine conduit inévitablement à se demander si ne se maintient pas là, d’une certaine façon, une forme de paternalisme.</p>
<h2>La complexité du lien entre la France et l’Afrique</h2>
<p>Enfin, l’attribution du prix Goncourt 2021 à Mohamed Mbougar Sarr, qui a participé au sommet de Montpellier, s’inscrit dans le droit fil de cette recherche de rajeunissement à laquelle contribue la Françafriche. Mohamed Mbougar Sarr, indépendamment de son talent d’écrivain, coche en effet toutes les cases. Il est jeune, francophone, est publié par un petit éditeur français et fait référence dans son roman <a href="http://www.philippe-rey.fr/livre-La_plus_secr%C3%A8te_m%C3%A9moire_des_hommes-504-1-1-0-1.html">« La plus secrète mémoire des hommes »</a> aux écrivains les plus prestigieux – Gombrovicz, Bolano et Borges, entre autres.</p>
<p>Cette attribution, qui intervient cent ans après que le Goncourt a <a href="https://www.jeuneafrique.com/1258062/culture/rene-maran-premier-auteur-noir-a-remporter-le-goncourt-de-retour/">couronné un autre écrivain « noir »</a>, René Maran, avec <a href="https://www.albin-michel.fr/batouala-9782226463432"><em>Batouala</em></a>, montre l’attachement indéfectible de la France, et notamment de la France littéraire, à ses « petits frères africains ».</p>
<p>« Africa is so important for us » a déclaré récemment Emmanuel Macron en exhortant les responsables d’institutions artistiques à renforcer leurs liens avec l’Afrique.</p>
<p>Cette injonction, certes généreuse et visant à une reconnaissance du rôle de l’Afrique dans la culture mondiale, renvoie à la place que continue d’occuper le continent africain, particulièrement sa partie supposément francophone, dans le destin de cette grande puissance de deuxième ordre qu’est maintenant devenue la France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172728/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Loup Amselle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France a beaucoup mis en scène sa relation avec l’Afrique en 2021, avec la saison artistique Afrique2020 ou le sommet de Montpellier. Une nouvelle ère est-elle vraiment en train de s'ouvrir ?Jean-Loup Amselle, Anthropologue et ethnologue, directeur d'études émérite à l'EHESS, chercheur à l'Institut des mondes africains, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1693872021-11-02T18:03:35Z2021-11-02T18:03:35ZMusée des Beaux-Arts de Bordeaux : une saison britannique au temps du Brexit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/429749/original/file-20211102-15-lg639v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C1196%2C761&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Francis Danby Sunset at Sea after a Storm, 1824.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://artuk.org/discover/artworks/sunset-at-sea-after-a-storm-188419">Bristol Museums. </a></span></figcaption></figure><p>Une exposition artistique n’émerge pas ex nihilo et par hasard. Une des manières d’aborder une exposition est de s’interroger sur les raisons et enjeux qui président à sa conception à ce moment-là, à cet endroit-là. Ensuite, on peut se demander, s’il y a lieu, comment cette exposition infléchit l’historiographie de l’art exposé, voire comment elle participe à sa réécriture, parfois au prisme de l’actualité. Enfin – et cette approche est liée aux deux derniers points –, on peut chercher à voir, de manière plus ou moins conjecturale, comment l’exposition réagit à l’actualité, et en filigrane, la posture qu’elle propose.</p>
<p>Ces interrogations sont particulièrement pertinentes et fécondes lorsqu’on se penche sur les deux expositions bordelaises sur l’art britannique, et notamment <a href="https://www.musba-bordeaux.fr/fr/article/exposition-absolutely-bizarre-les-droles-d-histoires-de-l-ecole-de-bristol-1800-1840">« Absolutely bizarre ! Les drôles d’histoires de l’École de Bristol (1800-1840) »</a>. Cette exposition au titre franco-anglais fait converger plusieurs intérêts, ceux des musées en collaboration et celui du public tel qu’il est perçu et compris, compte tenu de l’actualité.</p>
<p>L’idée initiale a germé chez Guillaume Faroult – conservateur en chef au Louvre, en charge des peintures françaises du XVIII<sup>e</sup> siècle, des peintures britanniques et américaines – qui a découvert l’École de Bristol au hasard de pérégrinations en Angleterre. Bristol étant jumelée avec Bordeaux, il a judicieusement proposé au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux d’en accueillir l’exposition – lequel en a d’emblée flairé le potentiel et saisi l’opportunité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427340/original/file-20211019-13-yqw0tn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427340/original/file-20211019-13-yqw0tn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427340/original/file-20211019-13-yqw0tn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427340/original/file-20211019-13-yqw0tn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427340/original/file-20211019-13-yqw0tn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427340/original/file-20211019-13-yqw0tn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427340/original/file-20211019-13-yqw0tn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une vue de l’exposition Absolutely bizarre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Deval</span></span>
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<h2>Une aubaine pour Bordeaux comme pour Bristol</h2>
<p>Pour Bordeaux, la richesse foisonnante de cet ensemble d’œuvres pouvait rehausser le fonds britannique du musée des Beaux-Arts, le plus important des villes françaises de région. Celui-ci était également augmenté par des prêts du Louvre dans l’exposition <a href="https://www.musba-bordeaux.fr/fr/article/exposition-british-stories">British Stories : Conservations entre le Musée des Beaux-arts de Bordeaux et du Louvre</a>. Occasion inespérée de mettre en avant, dans le cadre de l’année britannique, leur capital anglophile.</p>
<p>De son côté, le <a href="https://www.bristolmuseums.org.uk/bristol-museum-and-art-gallery/">musée de Bristol</a> rêvait de pouvoir braquer les projecteurs sur ce qu’il appelle avec fierté l’École de Bristol, non une école dogmatique, mais un groupe informel d’artistes qui, de 1800 à 1840, se côtoyaient, parfois travaillaient et exposaient ensemble. Le souhait du musée de Bristol était de promouvoir ce foyer de talents méconnus – car n’est-ce pas là l’un des rôles des conservateurs que de mettre sur le devant de la scène le patrimoine dont on a la charge ?</p>
<p>Or nul n’est prophète en son pays, et toute exposition de l’École de Bristol à Bristol même peut facilement être soupçonnée de verser dans l’autopromotion grossière ; elle est vouée de surcroît à être éclipsée par les nombreux chefs-d’œuvre britanniques à Londres. Il fallait donc opérer un léger déplacement pour sortir de l’ombre ces peintures et attirer l’attention. Bordeaux semblait un lieu d’exposition idéal. C’était d’abord l’occasion de renforcer les liens anciens et le jumelage, d’autant que certains tableaux comportent des caractéristiques communes aux deux villes : l’estuaire du sud-ouest, le port colonial, le commerce triangulaire et sa dénonciation.</p>
<p>Puis <a href="https://exhibitions.bristolmuseums.org.uk/artwork-from-the-bristol-school/">l’École de Bristol acquiert dans la capitale girondine une visibilité autrement plus forte qu’à Bristol</a> : elle y prend un tout autre relief, un tour exotique et en même temps proche des Bordelais, heureux de voir là le jumelage de 70 ans en acte.</p>
<p>Autre avantage : les nombreux visiteurs britanniques, curieux de voir quel regard y est porté sur leurs contrées, peuvent en sortir édifiés, éveillés à des connaissances nouvelles, à même de remanier leurs idées préconçues sur l’art de leur propre pays. Dans la scénographie des salles d’exposition, des peintures topographiques campent le lieu et en montrent les similitudes géographiques d’avec Bordeaux, avant de zoomer sur les « sketching parties », puis de truculentes scènes de genre.</p>
<p>Enfin, l’exposition culmine au second étage avec les apothéoses de la tradition esthétique du sublime, en un bouquet final qui glorifie le groupe bristolien et le relie au mouvement européen.</p>
<p>Grâce à ce décentrement géographique, Londres n’est plus le cercle unique autour duquel s’échafaude l’histoire de l’art britannique. On apprend, par exemple, dans la dernière salle, que certains artistes bristoliens exercèrent une influence sur la création artistique de la capitale britannique. Ainsi la représentation des émeutes embrasant Bristol en 1831 par William James Müller put déteindre, trois ans plus tard, sur les aquarelles de l’incendie du Parlement britannique de son célèbre contemporain, JMW Turner.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429757/original/file-20211102-28770-iud2au.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429757/original/file-20211102-28770-iud2au.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429757/original/file-20211102-28770-iud2au.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429757/original/file-20211102-28770-iud2au.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429757/original/file-20211102-28770-iud2au.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429757/original/file-20211102-28770-iud2au.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429757/original/file-20211102-28770-iud2au.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« The Bristol Riots: The Burning of the New Gaol with St. Paul’s Church », Bedminster, 1831, W.J. Müller.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://artuk.org/discover/artworks/bristol-riots-the-burning-of-the-new-gaol-from-near-prince-street-188862">Art UK</a></span>
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<p>La conservatrice du musée de Bristol, Jenny Gashke, ne se prive pas d’insister sur les liens tissés entre les artistes bristoliens (Danby…) et leurs contemporains sur le continent, sans avoir à passer par le détour de Londres, comme en une mise en abyme du contexte de l’exposition.</p>
<p>Enfin, pour le Louvre, ces expositions – comme à Quimper ou Valence en 2014-2015 – permettent de rendre plus visibles leurs tableaux britanniques autrement noyés dans l’abondance du musée parisien. Mieux vaut être parfois, comme disent les Anglais, « a big fish in a small pond », plutôt que « a small fish in a big pond ». Manière aussi de célébrer les liens avec les Britanniques dans un lieu moins central, moins politiquement chargé que Paris en cette période sensible.</p>
<h2><em>Far away from… Brexitland</em></h2>
<p>Dans le contexte actuel, écarter Londres et Paris, donc, pour mieux rapprocher « les territoires » – loin des saillies francophobes des Brexiters de la perfide Albion. Car là aussi est l’enjeu, notamment pour cette conservatrice anglaise d’adoption mais allemande d’origine qu’est Jenny Gaschke : montrer que le monde de la culture et des échanges artistiques peut tout à fait s’abstraire des absurdités et contrariétés du Brexit, de l’animosité et des rancœurs politiques, et offrir une plus grande hauteur de vue. <a href="https://www.britishartstudies.ac.uk/issues/issue-index/issue-20/british-art-after-brexit">Elle ne s’en cache pas : son projet n’était pas dénué de réaction au monde politique</a>. Dans une veine parallèle, le choix des œuvres met également en lumière le rôle des minorités négligées par l’histoire de l’art canonique, dans une volonté de réhabiliter les femmes et les esclaves, de la même manière qu’elle cherche à « décoloniser » et réintégrer les artistes de Bristol dans la narration <em>mainstream</em> de l’art britannique.</p>
<p>Que les expositions soient inscrites dans un contexte géopolitique bien particulier fut rendu manifeste par la visite de l’ambassadrice du Royaume-Uni fraîchement nommée, <a href="https://www.gov.uk/government/people/menna-rawlings">Menna Rawlings</a>, accompagnée par la présidente-directrice du Louvre, <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/05/26/la-presidente-du-musee-d-orsay-laurence-des-cars-choisie-pour-diriger-le-louvre_6081487_3246.html">Laurence des Cars</a>, tout aussi fraîchement nommée à son poste. C’était, de leurs déplacements, parmi les premiers, voire le premier – une visite donc très délibérée, à forte valeur symbolique.</p>
<p>La directrice du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux, Sophie Barthélémy, ainsi que la directrice adjointe, Sandra Buratti-Hasan, étaient loin d’être dupes de cette opération de communication. Que l’ambassadrice se saisisse de cette occasion pour souligner les bonnes relations entre les deux pays apparaisse comme une instrumentalisation – c’était une instrumentalisation qu’elles appelaient de leurs vœux : comment faire œuvre de civilisation et d’union là où les politiques s’écharpent ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427174/original/file-20211019-25-znhwfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427174/original/file-20211019-25-znhwfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427174/original/file-20211019-25-znhwfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427174/original/file-20211019-25-znhwfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427174/original/file-20211019-25-znhwfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427174/original/file-20211019-25-znhwfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427174/original/file-20211019-25-znhwfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">James Baker Pyne, « View of the Avon from Durdham Down », 1829.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bristol Museum Art</span></span>
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<p>L’ambassadrice ne se doutait pas encore que deux jours plus tard allait éclater l’affaire Aukus. Par une coïncidence de dates, cette crise se déclencha alors que se déroulait, dans le cadre des expositions, un colloque réunissant des <a href="https://www.musba-bordeaux.fr/fr/article/colloque-international-sur-lart-du-portrait">enseignants-chercheurs anglicistes de France et francisants d’Angleterre</a>, visant au rapprochement culturel.</p>
<p>Ce que montre une exposition, bien au-delà de ses œuvres, c’est aussi une certaine conception de la culture dans la cité. Les musées participent aux échanges et circulations d’imaginaires, mais aussi à la notion même d’échange et de circulation géopolitique. Dans toute sa finesse humaniste, cette double exposition est un vecteur de <em>soft power</em>, un stratégique et subtil geste politico-culturel, dont l’étrangeté n’a rien de bizarre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Muriel Adrien a co-organisé le colloque "L'art du portrait britannique (1750-1900)" mentionné en fin d'article.</span></em></p>Une des manières d’aborder une exposition est de s’interroger sur les raisons et enjeux qui président à sa conception à ce moment-là, à cet endroit-là.Muriel Adrien, Maître de conférences (arts visuels du monde anglophone), Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/923952018-03-19T21:16:17Z2018-03-19T21:16:17ZLes secrets d’un « bon » titre d’exposition<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/209362/original/file-20180307-146661-1br3u6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C46%2C1314%2C915&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au coeur de l'exposition « Imagine Van Gogh » à la Villette. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.imagine-vangogh.com/">Grande halle de La Villette</a></span></figcaption></figure><p>En épluchant un corpus du <em>Journal des Arts</em> de 2016 et 2017, une corrélation m’a frappé : les expositions suscitant le plus de commentaires négatifs de la part des journalistes ne mentionnaient qu’un nom propre dans leur titre, sans sous-titre. Les expositions titrées <em>Wilfredo Lam</em>, <em>Corto</em>, <em>Degas</em> trahissaient manifestement un projet inabouti et un manque de réflexion conceptuelle aux yeux des journalistes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209383/original/file-20180307-146703-17fg25v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209383/original/file-20180307-146703-17fg25v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209383/original/file-20180307-146703-17fg25v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209383/original/file-20180307-146703-17fg25v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209383/original/file-20180307-146703-17fg25v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209383/original/file-20180307-146703-17fg25v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209383/original/file-20180307-146703-17fg25v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le titre des expositions influence-t-il la fréquentation des lieux dédiés à la culture ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.parismuseumpass.com/musee-centre-pompidou-musee-national-d-art-moderne-9.htm">Paris Museum Pass</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même si le succès ou l’insuccès d’une exposition tient évidemment à une multiplicité de facteurs, outre son titre, il paraît étrange que certaines institutions soient si peu conscientes de la valeur représentative du titre. C’est lui qui porte l’identité de l’événement ; il constitue matériellement le vecteur numéro 1 de la communication dans les citations, les recensions, les commentaires et les conversations au sujet de l’exposition.</p>
<p>Comment ces incidents muséographiques peuvent-ils se produire alors qu’avec l’affiche, le titre constitue la porte d’accès privilégiée à l’écosystème unique et éphémère de l’exposition ?</p>
<p>En réalité, il semble que les titres d’exposition ne sont pas toujours considérés comme un enjeu majeur. Souvent, le choix en est laissé aux commissaires d’exposition ou délégué au service communication ; il n’existe pas de fonction ou de métier identifié qui détiendrait cette compétence dédiée.</p>
<p>Pourtant, le titre d’exposition est un terrain formidablement propice pour mesurer les effets du pouvoir sémiotique des noms, des termes et des effets de sens qui le rendent beaucoup plus stratégique que n’importe quel outil de communication. Le titre est en effet le nom de code ou le mot de passe de l’événement, celui qu’on transmet, qui fait l’objet du bouche-à-oreille.</p>
<p>Encore faut-il, pour accréditer cette affirmation, repérer d’un point de vue linguistique ses principes de réussite.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/209365/original/file-20180307-146675-1ps9aw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209365/original/file-20180307-146675-1ps9aw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209365/original/file-20180307-146675-1ps9aw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209365/original/file-20180307-146675-1ps9aw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209365/original/file-20180307-146675-1ps9aw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209365/original/file-20180307-146675-1ps9aw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209365/original/file-20180307-146675-1ps9aw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209365/original/file-20180307-146675-1ps9aw5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Le bouddhisme de Mme Butterfly », une exposition qui ciblait un public bien précis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.ville-ge.ch/meg/expo23.php">Musée d’Ethnographie de Genève.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si nous ne pouvons mesurer objectivement l’efficacité d’un titre, hormis peut-être par le verdict de la fréquentation, nous avons constaté que certains outils de la langue, très simples, ont toutes les chances de stimuler l’envie sans vainement tenter d’adhérer à un horizon d’attentes supposé ou à une segmentation des visiteurs. Citons ici en guise de contre-exemple l’exposition « Le bouddhisme de Mme Buterfly : le japonisme bouddhique » au Musée d’Ethnographie de Genève (MEG), 9 septembre 2015–10 janvier 2016, qui mettait en avant une référence « littéraire » visant une cible cultivée, ayant connaissance de l’opéra de Puccini, une cible que l’on peu qualifier de familière du « champ culturel » habituée à en consommer les produits – retraités, associations, clubs de loisirs…</p>
<p>Généralement, la stratégie gagnante consiste à suggérer l’abondance et la rareté de l’expérience par les marqueurs les plus simples. J’ai identifié pour cela trois pistes principales.</p>
<h2>La « festivalisation » du titre par les noms propres</h2>
<p>En 1995, John House était le curateur d’une seule et même exposition qui a eu lieu dans deux villes et a reçu deux titres. À Londres c’était « The nature of France. Impressionism and its rivals ». À travers la mention du courant impressionniste, le titre se plaçait de manière un peu élitiste du côté de l’histoire de l’art et des idées. À Boston, le titre se muait en « Impressions of France : Monet, Renoir, Pissarro and their rivals. » Cette variante capitalisait sur une culture commune, faite d’artistes « stars », et exprimait un conflit plus spectaculaire, énumérant les artistes comme sur l’affiche d’un festival.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209376/original/file-20180307-146703-1kf9adj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209376/original/file-20180307-146703-1kf9adj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209376/original/file-20180307-146703-1kf9adj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209376/original/file-20180307-146703-1kf9adj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209376/original/file-20180307-146703-1kf9adj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209376/original/file-20180307-146703-1kf9adj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209376/original/file-20180307-146703-1kf9adj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le catalogue de l’exposition dédiée aux impressionnistes, dans sa version américaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Amazon</span></span>
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<p>Certes le succès d’une exposition est multifactoriel, mais si je défends le poids et l’influence du titre (on pourrait aussi parler de l’affiche), c’est qu’il s’agit d’un des rares éléments objectifs et concrets d’évaluation.</p>
<p>Résultat : à Boston, la <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/pr/2008-v36-n3-pr2552/019632ar/">fréquentation fut presque double</a> – 197 000 contre 105 000 visiteurs.</p>
<p>L’hypothèse d’un rôle décisif du titre quant au succès d’une exposition repose sur une théorie de la sémantique des noms propres. Linguistiquement, un nom d’artiste n’est pas une unité lexicale ni même un nom propre comme les autres. Le nom propre a longtemps été associé <a href="http://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1983_num_57_1_5159">au « désignateur rigide »</a> – un nom propre désignerait toujours le même objet (Kripke) ou rendu équivalent à une « description définie » (Russell).</p>
<p>Or, le nom d’artiste n’est ni l’un ni l’autre. En peinture, en sculpture, en arts plastiques, un nom d’artiste est surtout associé à une fabrique d’images, d’œuvres, d’émotions et de formes, pas à son visage ou à sa silhouette. L’imagerie multiple remplace ici la seule désignation.</p>
<p>De plus, la mise en liste des noms d’artistes permet de valoriser l’aspect événementiel de leur réunion et de toucher un public plus large. Cette façon d’énumérer des artistes n’est pas rare. En 2015, le Centre Pompidou-Metz a adopté une stratégie semblable avec l’exposition consacrée à l’écrivain Michel Leiris dont l’aura relative aurait pu freiner l’intérêt du grand public, si le titre s’était contenté de mentionner son nom. Le choix du musée s’est porté sur <a href="http://www.centrepompidou-metz.fr/leiris-co-picasso-masson-mir-giacometti-lam-bacon">« Leiris & Co. : Picasso, Masson, Miro, Giacometti, Lam, Bacon… »</a> Si les titres sous forme de « name dropping » peuvent sembler a priori ennuyeux, ils s’avèrent finalement efficaces car ils conjurent la restriction imposée par l’unité de temps, de lieu et de personnages de l’exposition par une ouverture maximale du contenu et la promesse d’une saturation de l’expérience.</p>
<p>Actuellement, au Petit Palais, l’exposition « Les Hollandais à Paris, 1789-1914 : Van Gogh, Van Dongen, Mondrian » associe ce procédé à deux autres martingales :</p>
<ul>
<li><p>Un levier identitaire et culturel, stimulant l’imaginaire (les Hollandais, Paris).</p></li>
<li><p>Une période large, bornée par des dates extrêmement symboliques laissant entrevoir une thématique historique (1789-1914).</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209379/original/file-20180307-146691-5djw1d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209379/original/file-20180307-146691-5djw1d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209379/original/file-20180307-146691-5djw1d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209379/original/file-20180307-146691-5djw1d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209379/original/file-20180307-146691-5djw1d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209379/original/file-20180307-146691-5djw1d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209379/original/file-20180307-146691-5djw1d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Johan Barthold Jongkind, Rue Notre-Dame, Paris, 1866, huile sur toile.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.petitpalais.paris.fr/sites/default/files/content/media-pack/presentation-_icono-hollandais_bd.pdf">Collection Rijksmuseum, Amsterdam.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Ouvrir le champ des possibles grâce au pluriel</h2>
<p>Une autre manière d’élargir le contenu réside dans le pluriel. Pour l’exposition « Mondes tsiganes, la fabrique des images : une histoire de la photographie, 1860-1980 » (à venir au Musée de l’Immigration), il a été choisi d’englober tous les mondes tsiganes pour ouvrir à toutes les composantes de la communauté. Le pluriel invite à l’abondance et à la diversité. De par ses sujets hautement politiques, le Musée de l’Immigration se pose les questions parfois délicates liées aux communautés qui sont au cœur du propos et intègre pleinement la réflexion sur le titre juste, à savoir la pluralité d’un thème et le lexique adapté. Le mot d’ordre est ainsi d’ouvrir le thème au « champ des possibles », qui signe une tendance de fond : l’exposition actuelle de Sheila Hicks, « Lignes de vie » au Centre George Pompidou, reprend ainsi sur le principe ce qui fut la baseline de la marque Lu pendant un moment : « Ouvrons le champ des possibles ! ».</p>
<p>Le pluriel permet de suggérer la mise en scène d’une diversité d’objets ou de récits – donc l’étendue de l’offre – mais aussi des possibilités de reconnaissance de la part du public. Il est intéressant de constater que le pluriel n’a pas seulement pour fonction communicationnelle de faire référence à la diversité du sujet (par le substantif <em>tsigane</em>) mais possède un rôle argumentatif auprès du public, à savoir l’engagement sur une multiplicité d’expériences. À l’instar de certaines tendances publicitaires représentant la diversité des parcours et des caractéristiques de leur auditoire (marques d’assurance, de sport…), le pluriel suggère une multiplicité de relations constituées de rencontres et de découvertes.</p>
<h2>Un mode discursif et non plus narratif</h2>
<p>Le titrage est souvent plus innovant dans le cadre d’expositions immersives et de réalité virtuelle qui empruntent à des registres exogènes par rapport à la culture habituellement descriptive et informative du titre.</p>
<p>Le primat accordé à l’expérience du visiteur modifie la manière de s’adresser à lui, par un mode plus direct. Ces registres renvoient à des distinctions linguistiques établies par Benveniste (le discours adressé et l’histoire racontée). Ils renvoient à une pragmatique de la participation, à savoir provoquer le geste et le mouvement en prolongement instantané du désir de voir.</p>
<p>Pêle-mêle, nous trouvons l’interpellation directe « Imagine Van Gogh » (La Villette), la promesse d’un moment inédit « Klimt experience » (Mudec, Milan), une mise en situation « La bibliothèque, la nuit » (BNF), ou un fragment de discours invitant à se mettre « Dans la peau d’un soldat » (Musées des Armées).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209382/original/file-20180307-146691-1fwpbqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209382/original/file-20180307-146691-1fwpbqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209382/original/file-20180307-146691-1fwpbqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209382/original/file-20180307-146691-1fwpbqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209382/original/file-20180307-146691-1fwpbqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209382/original/file-20180307-146691-1fwpbqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209382/original/file-20180307-146691-1fwpbqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Intérieur d’une tente militaire par Auguste Raffet (1804-1860), l’une des images évocatrices de l’exposition « Dans la peau d’un soldat ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://musee-armee.fr/expoDansLaPeauDunSoldat/index.html#parcours">Paris, Musée de l’Armée, Dist. RMN–Grand Palais</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces trois stratégies extrêmement simples nous mènent à repenser la fonction sémiotique du titre d’exposition non plus seulement comme un désignateur du contenu de l’exposition ou un propos tenu à son égard mais comme un véritable indice de la valeur de l’exposition, notion que nous développerons prochainement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92395/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Metzger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le titre d’exposition, outil éminemment stratégique. est un terrain propice pour qui veut mesurer le pouvoir sémiotique des noms, des termes et des effets de sens.Xavier Metzger, chargé d'atelier sémantique, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/871972017-11-09T21:06:51Z2017-11-09T21:06:51ZLe Louvre Abu Dhabi : une innovation de rupture sans lendemain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193982/original/file-20171109-27111-13yp6ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Louvre Abu Dhabi la nuit.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.louvreabudhabi.ae/en/pressroom/media-gallery">Mohamed Somji/Louvre Abu Dhabi</a></span></figcaption></figure><p>Dans la nouvelle économie culturelle mondiale des régions créatives, les Émirats arabes unis ont, avec le Louvre Abu Dhabi, misé très haut. Ce projet majeur et inédit, risqué en termes politiques <a href="http://bit.ly/2hUKe9A">tant en France</a> qu’<a href="http://lemde.fr/2m81754">aux EAU</a>, requérait une créativité considérable, des investissements importants, des rapprochements osés entre des mondes éloignés que personne n’imaginait quelques années plus tôt.</p>
<p>L’innovation est radicale : l’initiative des EAU approuvée rapidement au plus haut niveau des deux États confère à ce partenariat entre les EAU et la France une nature unique au monde.</p>
<p>Le processus de négociation de ce projet pharaonique, porté par une dynamique habituellement inconnue de l’administration française et un petit nombre de personnalités politiques, culturelles, technocratiques qui ont transcendé les freins institutionnels et imaginé des solutions inattendues, a permis une valorisation exceptionnelle de l’expertise muséale française et du nom du plus prestigieux musée du monde, le Louvre.</p>
<p>Pourtant, l’essai n’est pas transformé à ce jour tant pour la politique culturelle française que pour le rayonnement et le développement des musées et autres grandes institutions culturelles français.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/193984/original/file-20171109-27130-lwoqac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193984/original/file-20171109-27130-lwoqac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193984/original/file-20171109-27130-lwoqac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193984/original/file-20171109-27130-lwoqac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193984/original/file-20171109-27130-lwoqac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193984/original/file-20171109-27130-lwoqac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193984/original/file-20171109-27130-lwoqac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193984/original/file-20171109-27130-lwoqac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le projet Saadiyat Island présenté en septembre 2008.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lucadex/2856745964/in/gallery-43355952@N06-72157622931978665/">Luca De Santis/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Genèse : un projet hors normes</h2>
<p><a href="http://bit.ly/2yl7tzC">L’accord intergouvernemental de mars 2007</a> entre la France et les Émirats arabes unis est exceptionnel à plusieurs titres, atypique, autant sur le plan international qu’encore plus fortement au niveau national.</p>
<p>C’est la première fois que deux États s’engagent ainsi dans un partenariat durable pour la création d’un musée universel d’ambition mondiale. Le Président-directeur du Musée du Louvre, Henri Loyrette, définit alors le Louvre Abu Dhabi comme un</p>
<blockquote>
<p>« projet scientifique extraordinaire. Il s’agit d’assister nos partenaires émiriens à créer un musée dont les partis pris scientifiques, culturels, pédagogiques s’inscriront résolument dans les perspectives nouvelles que nous devons inventer, tout en les aidant à construire leurs collections ». (Avant propos, Rapport d’activité 2007, p. 5-6)</p>
</blockquote>
<p>C’est la première fois qu’un musée superstar comme le Louvre consent à ce que son nom, issu de l’histoire d’un millénaire, soit associé durablement à un musée étranger, qui plus est dans une région du monde avec laquelle il avait très peu d’échanges. En d’autres termes, le Musée du Louvre, et plus largement le patrimoine français, ouvre un nouveau marché.</p>
<p>Le Louvre, à l’initiative de son administrateur général Didier Selles, a déposé et protégé sa marque dès 2001 et réussi à la valoriser à un niveau jamais vu (400 millions d’euros sur 30 ans pour la communication institutionnelle du futur musée plus un intéressement du Louvre aux activités commerciales) dans une négociation réussie qui a permis également de monétiser l’expertise patrimoniale française aux standards internationaux les plus élevés (165 millions d’euros).</p>
<p>Si les expositions payantes étaient déjà largement pratiquées par les grands musées français, les sommes atteintes, 190 millions d’euros pour les prêts d’œuvre, et 195 millions d’euros pour les expositions de 2017 à 2032 donneront le vertige aux opposants aux projets.</p>
<p>C’est également la première fois que les grands musées français se trouvent ainsi engagés ensemble, en tant qu’actionnaires, dans un joint-venture, l’<a href="http://www.agencefrancemuseums.fr/">Agence France muséums (AFM)</a>, pour porter le projet, exporter et valoriser le savoir-faire muséal français.</p>
<p>Dans la foulée de l’accord, le Louvre obtiendra la transposition en France des <em>endowment funds</em> dont bénéficient les grands musées américains. <a href="http://bit.ly/2zHVdxz">La loi de modernisation de l’économie d’août 2008</a> créera ainsi les fonds de dotation. Le premier, celui du <a href="http://bit.ly/2Anuoeg">Louvre créé en 2009</a>, permettra de préserver l’essentiel des fonds reçus à la signature par le Musée (175 millions d’euros) afin d’assurer un financement pérenne du musée et non soumis aux aléas budgétaires étatiques.</p>
<p>La négociation hors pair du projet par le Louvre a bénéficié au plus haut niveau de l’État en France d’un soutien présidentiel sans faille de Jacques Chirac parfaitement relayé par le ministre <a href="http://bit.ly/2hWr1Et">Donnedieu de Vabres</a> qui a permis de surmonter les nombreux obstacles administratifs internes.</p>
<p>L’autonomie renforcée du musée et le leadership inédit d’une équipe de direction du Louvre, Henri Loyrette et Didier Selles, équipe passionnée ayant une vision haute du développement du musée et un management efficace a clairement favorisé l’accord exceptionnel conclu entre les deux pays.</p>
<p>Sa mise en œuvre a dès le début bénéficié de l’implication de personnalités singulières formant avec le Louvre « une équipe de choc », Laurence Des Cars, conservatrice émérite d’Orsay, comme directrice scientifique et Bruno Maquart, directeur général du Centre Pompidou, comme directeur général qui ont servi l’ambition culturelle et scientifique du projet et veillé rigoureusement aux engagements pris.</p>
<p>Enfin, le choix en 2006 de Jean Nouvel, un des « starchitects » mondiaux les plus réputés associait clairement la création française au projet.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/193983/original/file-20171109-27169-dvne42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193983/original/file-20171109-27169-dvne42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193983/original/file-20171109-27169-dvne42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193983/original/file-20171109-27169-dvne42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193983/original/file-20171109-27169-dvne42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193983/original/file-20171109-27169-dvne42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193983/original/file-20171109-27169-dvne42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193983/original/file-20171109-27169-dvne42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le projet en 2009.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/hoss69/3309845584/in/gallery-43355952@N06-72157622931978665/">hoss69/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette innovation disruptive a subi de nombreuses controverses, géopolitiques, les EAU, étant suspectés d’instrumentaliser le projet patrimonial, la France de marchandiser sans état d’âme son patrimoine…</p>
<p>Sans entrer dans la question de leur légitimité, ces controverses peuvent être interprétées comme l’expression d’un malaise face aux choix alors du Louvre, de forcer par ce projet un changement de paradigme, avec une entrée radicale dans le <em>arts business</em>, le capitalisme esthétique, le branding, le tourisme créatif, et plus largement dans l’économie créative mondiale (le Louvre-Lens ou le <a href="http://lemde.fr/2zIlThA">Louvre-Atlanta</a> étant les prémisses français de cette révolution déjà largement engagée depuis les années 1990 avec le Guggenheim de Bilbao et la Tate Modern de Londres).</p>
<h2>2017 : quel apprentissage collectif ?</h2>
<p>Au moment de l’ouverture en cette fin d’année 2017, observons en préambule, d’un côté la redondance des articles de presse célébrant le projet, et de l’autre la pérennité en creux des controverses géopolitiques et muséales : un débat ouvert n’est-il donc pas possible sur ce dossier sensible, qui serait pourtant utile à l’apprentissage ? Étonnamment, partisans et opposants du projet se retrouvent comme muselés accréditant une seule lecture politique du projet, au détriment d’une discussion culturelle et managériale du projet.</p>
<p>Ce qui frappe en premier lieu n’est pas que le projet se soit finalement réalisé au bout de 10 années mais bien plutôt qu’il soit resté unique en son genre. Rien n’a été lancé d’approchant, le ministère de la Culture – déjà marginalisé en 2007 – ne semble avoir tiré aucun enseignement des perspectives offertes tant à Abu Dhabi qu’internationalement, tant pour le Louvre que pour les grandes institutions culturelles, ni sur la question de la valorisation de marque ni sur celle de l’expertise muséale ou culturelle française.</p>
<p>Passé l’inauguration, l’AFM est en voie de démantèlement sans que personne ne se soit posé la question de sa transformation en une agence globale de valorisation du patrimoine et de la culture français alors que, d’évidence, son action aurait pu s’étendre à de nombreux autres champs artistiques, à Abu Dhabi d’abord qui souhaite créer un hub culturel avec plusieurs autres musées et institutions culturelles (auditorium) mais aussi ailleurs dans le monde.</p>
<p>La capacité de projection à l’international du <em>soft power</em> français dans le domaine culturel est certes forte mais par des voies traditionnelles (littérature, expositions, tournées du spectacle vivant ou musical, tourisme, réseau des instituts français…).</p>
<p>Le Louvre Abu Dhabi n’a en rien changé les représentations sociales et les pratiques, encore moins l’organisation du ministère et à peine celles des opérateurs cependant plus réactifs et en pointe comme le centre Georges Pompidou qui a ouvert des antennes à Malaga et à Shanghai. Mais l’ambition de devenir concepteur, opérateur ou partenaire de grands projets culturels à l’étranger, sur des marchés où la demande culturelle est en forte hausse (Extrême-Orient-Chine, Golfe, demain Arabie saoudite, etc.) n’a pas prospéré : la passivité est de mise, la prospection inexistante, la transversalité impossible, les institutions bridées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/193985/original/file-20171109-27148-u1brqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193985/original/file-20171109-27148-u1brqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193985/original/file-20171109-27148-u1brqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193985/original/file-20171109-27148-u1brqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193985/original/file-20171109-27148-u1brqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193985/original/file-20171109-27148-u1brqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193985/original/file-20171109-27148-u1brqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193985/original/file-20171109-27148-u1brqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Louvre Abu Dhabi exterieur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mohamed Somji/Louvre Abu Dhabi</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y a encore bien d’autres questions à poser sur le Louvre Abu Dhabi, notamment sur la capacité de faire vivre ce musée jusqu’en 2037, échéance du traité, souhaitons qu’un dialogue constructif puisse s’ouvrir entre tous les acteurs français concernés, dans un esprit ouvert et contemporain, pour faire grandir le leadership culturel de la France dans le monde.</p>
<hr>
<p><em>Lire : Gombault A. et Selles D. (2018), « Louvre Abu Dhabi : une innovation de rupture sans lendemain ? », <a href="http://bit.ly/2hmTHJt">International Journal of Arts Management</a>, à paraitre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Gombault travaille sur le musée du Louvre et la stratégie du Grand Louvre depuis 20 ans.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>De 2000 à 2009, Didier Selles a été administrateur général du Musée du Louvre. De 2005-2007 il a été le négociateur pour le Louvre de l'accord d'Abu Dhabi.</span></em></p>Analyses croisées d’un chercheur en management et de l’administrateur général du Musée du Louvre à l’époque du lancement du projet.Anne Gombault, Professeur de management, directrice du centre de recherche Industries créatives Culture, Kedge Business SchoolDidier Selles, Expert invité, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/807762017-07-11T19:40:21Z2017-07-11T19:40:21ZL’art sur le chemin de la société, ou l’attraction passionnée de Xavier Douroux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/177682/original/file-20170711-28771-emugxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">_Table and Airplane Parts_ de Nancy Rubins.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.cnap.fr/nancy-rubins-table-and-airplane-parts">FRAC Bourgogne</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« De Marx, Sartre n’avait retenu qu’une chose : que les valeurs ne sont que des impostures tant qu’elles ne sont pas des valeurs pour tous. » (Gaétan Picon, 1955)</p>
</blockquote>
<p>Terrible code linguistique qui nous impose de parler à l’imparfait d’un compagnon disparu. Comme si, par une sinistre ruse, le destin voulait nous faire supporter la responsabilité de la finitude humaine et de son inévitable échec. Nous reste le recours au passé composé : Xavier Douroux a été un découvreur flamboyant, un passeur de culture inlassable, un agitateur de projets permanent. Cet esthète intransigeant a été avant tout un homme d’action, celui qui ne s’intéresse qu’à ce qui peut être changé. Il savait que le goût d’agir est fait, comme disait <a href="http://www.grasset.fr/bernard-grasset-9782246382812">Bernard Grasset</a>, « du besoin de modifier l’ordre des choses et du sentiment qu’on en a le pouvoir. »</p>
<h2>Conservatisme de progrès</h2>
<p>Si <a href="http://www.leconsortium.fr/xavier-douroux/">Xavier Douroux</a> faisait autorité, c’est parce qu’il avait l’art de faire de ses buts un idéal pour les autres. Et pourtant, tout repose sur un paradoxe de sa personnalité : d’abord, il y a Douroux profond connaisseur de l’histoire de l’art, de ses ruptures et de ses continuités. C’est à lui que <a href="https://www.franceinter.fr/culture/bertrand-lavier-la-marque-de-l-artiste">Lavier</a> prête « l’œil absolu », dont la curiosité saisit immédiatement la pertinence d’une proposition. Lui qui avec son équipe du bien nommé <a href="http://www.leconsortium.fr/">Consortium</a> va offrir tant de ponts vers la reconnaissance à de jeunes artistes en marche vers l’inconnu. Et comme en témoigne la superbe collection du Centre d’art, l’engagement à leurs côtés deviendra compagnonnage inscrit dans la durée. </p>
<p>De fil associatif en aiguille artistique, le Consortium va grandir, s’affirmer, brandissant hors des institutions battues, voire contre elles, des œuvres ouvertes à tous les vents d’une modernité sans Avant-garde. Laissons à son équipe, à ses amis artistes et curateurs le soin d’établir le riche inventaire de ces fidélités partagées. Mais notons que cette avancée sur le terrain du soutien à la création s’appuyait, pour être efficace, sur une manière de rébellion contre l’ordre artistique établi, une posture singulière, en rupture avec les canons dominants.</p>
<p>Pareille démarche s’ordonnait autour d’une revendication d’autonomie du territoire de l’art et d’une appréciation formaliste des œuvres pour elles-mêmes. Séparatisme revendiqué et assumé dans un jansénisme de la présentation en exposition. Il y avait chez Xavier Douroux une volonté tranchante d’éviter les facilitations muséographiques, une méfiance vis-à-vis des « aides à l’interprétation », ressenties comme faisant obstacle au contact sensible avec l’œuvre. Pour lui, toute la médiation tient dans la proposition de mise en espace.</p>
<p>Bref, Xavier Douroux cultivait une vision spartiate, individuelle et élitiste de la relation à l’art, hors toute contextualisation, qui le place aux antipodes de la position attendue d’un médiateur. Ce médiateur dont les premières qualités généralement attendues tiennent au pragmatisme, à la connaissance des enjeux pour la population, à sa capacité à concilier les attentes de la société et la proposition artistique, à intégrer les signes et les symboles du vécu d’un territoire. Il ne s’agit plus simplement d’offre, mais avant tout de demande révélée ou réveillée. Voici qui impose d’abandonner le confort des murs des lieux culturels, et d’argumenter sur le sens sociétal de l’action artistique. Voilà qui révèle l’autre face de la personnalité de Xavier Douroux, qui, sans renier la précédente, va le lancer sur les chemins de la société, l’art en bandoulière.</p>
<p>Place au colporteur inspiré, comme la société rurale l’avait connu naguère, à la récupération de la mémoire des lieux, à l’intégration de l’acte artistique dans l’implacable mouvement du temps. Ainsi, malgré lui mais de façon impérieuse, Douroux devint médiateur, opérant contre toute attente cet étrange mariage de conservatisme assumé et de progressisme revendiqué, ou l’inverse.</p>
<h2>Un nouveau protocole démocratique</h2>
<p>Par cette démarche qu’il entame dès la fin des années 80 et qu’il ne cessera d’amplifier, Xavier Douroux prend acte de la situation d’impasse dans laquelle se trouve la création plastique contemporaine. Si le soutien aux jeunes artistes a permis effectivement un foisonnement des œuvres, il s’en faut que le partage démocratique ait été à la hauteur de cette nouvelle offre. Malgré la tentative remarquable de décentralisation artistique que représentait l’invention simultanée des Centres d’art et des FRAC, l’écho dans la population faisait largement défaut. Le mur du conformisme barrait obstinément l’horizon d’accès à une forme d’expression toujours étiquetée d’élitisme. Coupure accentuée par la mutation des conditions de production des signes et des symboles, par leur prolifération et l’accélération de leur circulation. Comme le rappelle <a href="http://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=2342">François Hers</a> :</p>
<blockquote>
<p><em>« L’art lui-même était bousculé par la concurrence de plus en plus vive de professionnels de grand talent proposant au cinéma, à la télévision, dans la publicité et les magazines illustrés, des représentations symboliques très efficaces. »</em></p>
</blockquote>
<p>Ayant perdu sa prétention au monopole, l’art se devait de réaffirmer sa légitimité à participer à la production des valeurs collectives.</p>
<p>L’affaire était d’autant plus urgente que, sous l’effet des formidables mutations technologiques, l’appréhension qu’ont les individus du monde ne résulte plus tant d’une expérience directe que de transpositions phoniques, iconiques, symboliques dont la fréquentation devient le passage universellement obligé. Et du fait de l’évolution des flux économiques envahissant le champ artistique, les Centres d’art se voyaient enfermés entre les deux mâchoires d’un étau : l’une étant le marché, l’autre les musées.</p>
<p>De ceux-ci, Xavier Douroux disait :</p>
<blockquote>
<p><em>« Tout à ses illusions de labellisation ou de légitimation, le succès de leur multiplication aidant, le musée est redevenu le lieu de l’art qui est le moins en capacité d’innover ou d’anticiper : il entérine, et ce jusqu’au fait minoritaire ou provocateur ; son horizon est la perception commune et consensuelle. »</em></p>
</blockquote>
<p>Si la démocratisation, avant d’être une question de fréquentation, est bien une question de valeurs partagées, alors se pose avec acuité le projet de relier l’art et la société. Agir de telle manière que faire œuvre consiste simultanément à faire société. Pour avancer dans cette direction, Xavier Douroux va appuyer sa démarche sur deux éléments : le programme des <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr/nouveaux-commanditaires?gclid=CNj79JrpgNUCFUkQ0wod7S4GAA">Nouveaux Commanditaires</a> impulsé par François Hers sous l’égide de la Fondation de France ; la pensée de Charles Fourier, revisitée à l’aune de l’action artistique.</p>
<p>La procédure des Nouveaux Commanditaires répondait parfaitement à ce besoin de faire prendre pied à l’art dans la société. Comme le note un élu de Turin cité par François Hers, elle permet à la population de « mettre les mains dans l’art ». L’idée centrale est en effet d’associer activement les habitants à la définition, au choix, à la construction ou à l’implantation d’une œuvre sur un territoire déterminé. Avec l’accompagnement d’un médiateur qui recueille et fait émerger l’attente des intéressés (groupe de citoyens, simple association, entreprise, élus…) est construit un protocole traçant les contours culturels du projet. De ce processus d’élaboration collective naît la commande passée à un artiste choisi et proposé par le médiateur. À charge pour le créateur ou le détenteur de l’œuvre, dans le cadre des intentions formulées préalablement et dans le respect de sa liberté artistique, de produire une proposition qui sera soumise aux commanditaires en vue de sa validation.</p>
<h2>Vers le musée sociétaire</h2>
<p>Xavier Douroux a immédiatement saisi la portée de cette nouvelle approche de l’intégration de la production d’œuvres dans l’espace social et en a étendu le principe au-delà de son champ initial. C’est qu’en effet, elle lui semblait de nature à rompre l’engrenage fatal où l’action culturelle se trouvait engagée. Dans l’espoir d’une démocratisation, tout a été pensé en termes d’offre artistique : voilà qu’était rendu possible de restaurer la primauté de la <em>demande</em> artistique. Et du même coup, dans le respect des rôles de chacun, de redonner son vrai sens à une décentralisation trop souvent réduite à une déclinaison verticale depuis le centre. L’œuvre peut de la sorte retrouver son épaisseur sociale, entrer en résonance avec le passé enfoui et l’avenir souhaité d’une population.</p>
<p>Du même coup se trouvait dépassée la logique rigide de la commande publique, en sortant de l’affirmation officielle pour entrer dans l’intimité d’une société. Cette « domestication » de l’œuvre, outre qu’elle bouscule la frontière public/privé, s’inscrit dans une problématique fondamentale de la production artistique et de la mise en culture des œuvres. Rien de grand ne s’est fait sans la commande passée à des artistes. Dans les régimes non démocratiques, elle était le fait des grands, des princes, des clercs et des puissants. Dans une société démocratique, qui peut revendiquer pour le peuple la légitimité de la commande ? Officiellement, les élus et les « experts ». La procédure des nouveaux commanditaires permet d’élargir cette compétence à toutes celles et tous ceux qui en appellent à une recherche du sens.</p>
<p>Et c’est fort de cette perspective que Xavier Douroux a puisé dans l’œuvre si féconde de <a href="http://expositions.bnf.fr/utopie/cabinets/rep/bio/6.htm">Charles Fourier</a> pour étayer son projet. On sait que Fourier, parmi les utopistes, c’est-à-dire ceux qui rêvaient d’une société non encore réalisée mais réalisable, est celui qui avait adopté la position culturelle de rupture la plus radicale : tout son <a href="http://expositions.bnf.fr/utopie/grand/3_34.htm">phalanstère</a> était construit comme un corps social dont les éléments voyaient les désirs libérés des entraves. Cette image d’harmonie sociétaire, Xavier Douroux va l’intégrer dans son action pour mener à son terme son projet de rénovation de la place des arts plastiques en Bourgogne, d’où cette qualification provocatrice de « Musée sociétaire ». Il ne s’agissait pas de construire un nouveau lieu fermé, mais au contraire de revenir au concept initial de champ des muses, en faisant circuler les œuvres des collections du FRAC et du Consortium à travers le territoire bourguignon.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177683/original/file-20170711-29291-di6u13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177683/original/file-20170711-29291-di6u13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177683/original/file-20170711-29291-di6u13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177683/original/file-20170711-29291-di6u13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177683/original/file-20170711-29291-di6u13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=262&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177683/original/file-20170711-29291-di6u13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=262&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177683/original/file-20170711-29291-di6u13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=262&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Idée d’un phalanstère. Habitation d’une phalange de 400 à 500 familles associées</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Id%C3%A9e_d%27un_phalanst%C3%A8re.jpg">La Phalange, journal de la science sociale découverte et constituée par Charles Fourier</a></span>
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</figure>
<p>L’affaire avait pratiquement atteint son but, et le projet de Musée sociétaire avait été acté dans une convention signée entre le <a href="http://www.frac-bourgogne.org/">FRAC-Bourgogne</a> et Le Consortium, avec le soutien unanime de l’État et de la Région Bourgogne en octobre 2015. Constatant le caractère obsolète de la distinction entre les FRAC et les centres d’art, affirmant leur nécessaire collaboration dans l’acclimatation des œuvres, les deux structures avaient décidé solennellement de fédérer leur action et d’unir leurs moyens dans le respect de leurs missions fondamentales pour développer les implantations hors les murs. Des actions communes étaient immédiatement engagées sur cette nouvelle base.</p>
<p>Il s’agissait d’une étape névralgique et expérimentale, préparant la fusion totale du FRAC et du Consortium. Xavier Douroux, moins confiant que nous dans la solidité des promesses, plus pressé aussi d’engager durablement le nouveau cours, avait souhaité aller directement à cette fusion. Que ne l’avons-nous écouté !</p>
<h2>Un extrémiste du centre</h2>
<p>Sans vergogne, la nouvelle majorité issue des élections régionales, non seulement allait refuser au FRAC-Bourgogne les moyens d’accomplir sa mission, mais s’asseoir sur les engagements conventionnels pourtant établis avec l’appui du Conseil Régional précédent. Faisant sonner le glas des illusions muettes, la présidence du Conseil Régional Bourgogne Franche-Comté a cédé à la conjugaison d’une vision bureaucratique de l’action culturelle et d’un égotisme bisontin.</p>
<p>Ainsi fut repoussée cette ambition de faire des terres bourguignonnes un laboratoire de la nouvelle décentralisation artistique.</p>
<p>Affecté par cette contrariété, Xavier Douroux n’avait pas pour autant renoncé au Musée sociétaire : des projets ambitieux restent en suspens à Cluny, Toucy, Grancey-le-Château… esquisses témoignant pour un avenir précédé d’aucun testament. La voie est ouverte ; il faudra la suivre sans lui. Tâche difficile. Xavier Douroux aimait se définir comme un extrémiste du centre : non pas centriste, mais central par sa volonté de faire résonner les dissonances ; de situer l’art, dans ce qu’il peut avoir de plus radical, au cœur de la société. Il mariait une rare habileté diplomatique et une fermeté intransigeante dans les positions. Il y avait une main de velours dessous le gant de fer…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80776/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Xavier Douroux, fondateur des Presses du Réel et du Consortium de Dijon, a été un découvreur flamboyant, un passeur de culture inlassable, un agitateur de projets permanent.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/779102017-06-26T19:34:27Z2017-06-26T19:34:27ZCulture en sous-sol : l’histoire extraordinaire des souterrains de la colline de Chaillot<p>Le <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5739394d.r=">Palais du Trocadéro</a> (qui prendra plus tard le nom de Palais de Chaillot) a été édifié sur les fondations commencées dans la colline en 1813 pour le « Palais du roi de Rome » voulu par Napoléon 1<sup>er</sup>, jamais réalisé. Le 8 août 1791, avait été inaugurée (sous l’actuelle Place des États-Unis), une « pompe à feu », mue à la vapeur, qui remontait l’eau de la Seine dans une citerne aménagée dans les <a href="http://www.histoire-auteuil-passy.org/histoire-du-xvie/petites-histoires-du-16e-arrondissement">carrières de Chaillot</a> pour alimenter en eau les jardins et fontaines.</p>
<p>Du côté de l’aile Paris du Palais de Chaillot, les excavations avaient été autrefois fréquentes : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Carri%C3%A8res_du_16e_arrondissement_de_Paris">cette partie de la colline</a> servait de carrière de « pierres à bâtir » pour la construction des immeubles de Paris. L’interdiction des carrières avait été édictée à Paris en 1813, mais pour les villages d’Auteuil et de Passy seulement en 1860, à la date de leur rattachement à la capitale. À la suite d’Héricart de Thury en 1811, l’inspecteur général des carrières (1842-1851) Chrétien-Auguste Juncker a mené une campagne de consolidation de celles-ci entre 1848 et 1850. Des arches de soutènement sont encore visibles.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175594/original/file-20170626-326-16fqrco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175594/original/file-20170626-326-16fqrco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=859&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175594/original/file-20170626-326-16fqrco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=859&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175594/original/file-20170626-326-16fqrco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=859&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175594/original/file-20170626-326-16fqrco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1080&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175594/original/file-20170626-326-16fqrco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1080&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175594/original/file-20170626-326-16fqrco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1080&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exposition Universelle 1878.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bnf/Gallica</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La construction des deux bâtiments du <a href="https://www.abebooks.fr/9782870092279/nouveau-Trocadero-new-A.R.C.H.I.V.E.S-French-287009227X/plp">Trocadéro</a> pour l’Exposition universelle de 1878 entraîna également la consolidation de nombreuses carrières à l’aplomb des quatre angles ; les murs porteurs étaient soutenus « par des maçonneries en moellons hourdés de mortier de chaux hydraulique », ou directement appuyés sur le sol de la carrière. On s’y rafraîchissait au « café des catacombes ». Pour l’Exposition de 1889, on avait été envisagé l’installation d’un Musée géologique souterrain sur 600 mètres de boyaux.</p>
<h2>Galeries tortueuses</h2>
<p>À l’occasion de l’<a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6281606r">Exposition universelle de 1900</a>, des attractions avaient été installées dans les <a href="https://www.abebooks.fr/9782868610751/d%C3%A9couverte-souterrains-Paris-Patrick-Saletta-2868610757/plp">anciennes carrières du Jardin</a>, côté Paris. Les « galeries tortueuses encombrées de déblais, où l’on ne passait qu’en se courbant » sont transformées en « salles spacieuses disposées sur un parcours de 500 mètres ».</p>
<p>« Le Monde souterrain », aménagé par Louis de Launay (polytechnicien, ingénieur des Mines, promotion 1881) à la demande du Comité des Houillères de France, montrait ainsi « des reconstitutions de sites archéologiques, tombes et trésors du monde connu », avec la « Mastaba de Ti », peinte et sculptée, de la nécropole de Saqqara en Égypte, près de Memphis (aménagée par Th. Rivière), le « tombeau étrusque des Volumnies » près de Pérouse « dont la décoration et les statues sont admirables », le « tombeau d’Agamemnon et d’Eurymédon » découvert à Mycènes par Schliemann, avec son armure et son casque d’or, une évocation des catacombes de Rome et de la chapelle de saint Corneille, un temple chinois de l’Annam, sans compter une évocation des grottes de Padirac, « avec lac souterrain, rivière et cascade lumineuse », une mine de pyrite cuivreuse phénicienne, avec esclaves en plâtre travaillant sous la menace du fouet et une « mine de plomb du Harz » du XVI<sup>e</sup> siècle. « Un lac français de l’époque carbonifère » montrait la faune et la flore ancienne ; des peintures présentaient divers animaux préhistoriques gigantesques.</p>
<h2>Fausse mine d’or et mannequins animés</h2>
<p>« L’exposition minière souterraine » présentait mines et techniques minières. Une fausse « Mine de charbon » avait été reconstituée avec ses boisages, une « Mine d’or du Transvaal », avec toutes les apparences d’une vraie, et « des mannequins animés » qui y travaillaient. Dans l’imaginaire, la fausse mine d’or devint réelle, et certains y croient encore. Les deux entrées en pente douce, une de chaque côté des jardins, étaient flanquées d’un iguanodon gigantesque.</p>
<p>En 1936, pour l’<a href="http://www.mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr/fr/archives_photo/visites_guidees/expo_1937.html">Exposition internationale des Arts et des Techniques</a> de 1937, Jean Carlu réutilisa le « couloir des gazés », ainsi nommé au moment de la guerre de 14-18 pour servir de voie d’évacuation d’urgence du théâtre. On installa un aquarium dans les carrières. Les frères Jean et Édouard Niermans rasèrent l’ancien théâtre du Trocadéro pour y installer une salle-auditorium enterrée de 2 700 places (ouverte le 23 novembre 1937) : « La salle de cinéma de [la Cinémathèque française] en conserve les voûtes, et, en dessous du musée de l’Homme, se perdent encore des souterrains qui permettraient de visiter toutes les caves du XVI<sup>e</sup> arrondissement », racontait Mary Meerson avec une charmante exagération. Mais c’est un fait qu’une trentaine de caves de la rue de Passy sont des anciens vides de carrières récupérés.</p>
<p>Michel Leiris et Jean Rouch affirmaient également avoir visité ces espaces secrets, de grandes salles vides et disponibles, qui, de mémoire d’architecte, n’ont jamais existé. Le 24 août 1944, à la débâcle des armées allemandes, des représentants du « Front national » des deux musées voisins (le musée de l’Homme et le musée des Traditions populaires) parcourent avec Michel Leiris et sous la conduite du muséographe Roger Falck les « passages souterrains qui mettent en communication Musée des Arts et Traditions Populaires [installé jusqu’en 1972 au sous-sol de l’aile Paris], Théâtre de Chaillot et Musée de l’Homme ; cela, afin d’une fuite éventuelle au cas où les Allemands s’empareraient de l’édifice […]. Mais il est évident que, poursuivis, nous nous perdrions dans le dédale des souterrains. »</p>
<p>Ces souterrains ont alimenté les fantasmes. Ce sont en fait les anciennes voies d’évacuation des pierres de carrières de calcaire Lutécien, qui parcourent la place du Trocadéro pour déboucher à l’air libre sous des plaques de fonte de l’autre côté de la place, rue de Longchamp, rue de Lubeck et jusqu’à la rue Freycinet. Sous terre, la « Salle des Carriers » est l’antichambre d’un escalier en colimaçon débouchant avenue Kléber. Des « entrelacs des galeries de servitude de l’Inspection des Carrières serpentent sous l’arrondissement ». Il en reste « un réseau de 7,2 km de couloirs et galeries d’inspection », selon la carte de l’Inspection générale. Quarante et une rues de l’arrondissement reposent sur d’anciennes carrières.</p>
<h2>Cinéma illégal</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175590/original/file-20170626-326-1bsrnyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175590/original/file-20170626-326-1bsrnyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175590/original/file-20170626-326-1bsrnyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175590/original/file-20170626-326-1bsrnyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175590/original/file-20170626-326-1bsrnyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175590/original/file-20170626-326-1bsrnyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175590/original/file-20170626-326-1bsrnyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’emplacement du Hague Bar.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Cigale</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Des fêtards cataphiles s’y étaient introduits dans les années 1980 à l’initiative du groupe « La Mexicaine de Perforation » et y avaient installé avec des planches un commode espace de rencontres improvisé à l’intersection de deux de ces passages, « un cinéma illégal » d’une quarantaine de places, « Hague Bar ». Ils y avaient installé une sonorisation et l’électricité, en piratant un réseau voisin. Les lésés avaient fini par s’étonner de l’augmentation soudaine de leur facture et avaient porté plainte. La police en tenue vint reconnaître les lieux et a admiré « matériel de projection, meubles, installation électrique, téléphone et bouteilles de whisky ». Le lendemain, 23 août 2004, au moment du passage policier, tout avait disparu : les plaisantins avaient tout évacué nuitamment. C’est de cet incident que naquit, répercutée par divers canaux en France et à l’étranger, l’Associated Press, <em>Le Monde</em>, <em>Le Parisien</em>, la fable de la découverte dans les sous-sols d’une salle de cinéma de 300 ou 400 m<sup>2</sup>, parfaitement aménagée avec sa décoration des années vingt et qui n’aurait jamais servi. Certains clandestins revinrent sur les lieux après l’oubli de leurs réunions passées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Dupaigne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des égouts de Hugo aux entrailles du Louvre où rode Belphégor, les sous-sols de Paris ont toujours suscité intérêts et passions. Promenade souterraine au Palais de Chaillot, riche en trésors.Bernard Dupaigne, directeur émérite au Musée de l'Homme, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/667872016-11-03T22:45:11Z2016-11-03T22:45:11ZUn musée de science… à quoi ça sert ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/144463/original/image-20161103-25339-5hu96e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Muséum d’histoire naturelle à Paris, dans la galerie des enfants.</span> <span class="attribution"><span class="source">Martine Voyeux/MNHN</span></span></figcaption></figure><p>La médiation scientifique peut-elle contribuer à la promotion de la paix ? Telle a été la question posée le <a href="http://www.groupe-traces.eu">groupe Traces</a>, en collaboration avec l’association <a href="http://www.grainesdepaix.org/fr">Graines de paix</a> lors d’une <a href="https://www.espgg.org/La-science-mediatrice-de-paix">journée dédiée</a> au thème de la science médiatrice de paix, en préambule à la <a href="http://www.unesco.org/new/fr/unesco/events/prizes-and-celebrations/celebrations/international-days/world-science-day-for-peace-and-development/">Journée mondiale de la science au service de la paix</a> qui se célèbre le 10 novembre.</p>
<p>En quoi la question de la paix est-elle légitime dans un musée de science ?</p>
<h2>Des musées particuliers</h2>
<blockquote>
<p>« Les musées sont des institutions permanentes, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouvertes au public ; ils acquièrent, conservent, étudient, diffusent et exposent à des fins de recherche, d’éducation et de plaisir, les témoignages matériels et immatériels des peuples et de leur environnement ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi le Conseil International des Musées (<a href="http://icom.museum/">ICOM</a>) définit-il <a href="http://icom.museum/la-vision/definition-du-musee/L/2/">depuis 2007</a> la nature et le rôle des musées.</p>
<p>Appliquons cette définition aux institutions muséales particulières que sont les musées de science, dont les principaux sont les muséums d’histoire naturelle (<a href="http://www.museum.toulouse.fr/">MHN</a>) et les <a href="http://www.jardin-botanique.unistra.fr/">jardins botaniques</a>, les musées <a href="http://www.theacropolismuseum.gr/en">archéologiques</a>, <a href="http://www.museedelhomme.fr/">anthropologiques</a> et <a href="http://www.men.ch/fr/accueil/">ethnographiques</a>, les musées d’histoire des <a href="http://institutions.ville-geneve.ch/fr/mhn/votre-visite/site-du-musee-dhistoire-des-sciences/">sciences</a> et des <a href="http://www.arts-et-metiers.net/">techniques</a> et, depuis les années 80, les centres de culture scientifique, technique et industrielle (<a href="http://www.lacasemate.fr">CCSTI</a>) : présentent-ils toujours l’ensemble des caractéristiques déclinées dans cette définition et, réciproquement, ces dernières sont-elles suffisantes pour définir intégralement leurs missions contemporaines ?</p>
<p>Si les musées de science détenteurs d’un patrimoine (tels les muséums et l’ensemble des institutions dépositaires de collections d’objets <a href="http://www.musee.mines-paristech.fr">naturels</a> ou <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/musee-edf-electropolis/le-musee">techniques</a>) s’accordent relativement bien avec cette définition, les missions de la grande majorité des autres centres de science (au nombre desquels on compte tout de même la <a href="http://www.cite-sciences.fr/fr/accueil/">Cité des sciences et de l’Industrie</a>) ne sont certes pas spécialement orientées vers la conservation et l’étude de collections. Ne serait-ce que parce qu’ils ne s’adossent que <a href="https://dublin.sciencegallery.com/research">très rarement</a> à des laboratoires de recherche, <a href="http://www.nhm.ac.uk/visit/galleries-and-museum-map/darwin-centre.html">à l’inverse des muséums</a>. Dès lors, puisque l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Mus%C3%A9e_scientifique_en_France">usage</a> tend pourtant à confirmer leur statut de musées, que doit-on attendre de ces acteurs, récents mais non moins majeurs, de la culture scientifique et technique ? Cela nous amène-t-il en retour à reconsidérer les rôles des musées en général ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/143898/original/image-20161031-15821-a6gyl2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143898/original/image-20161031-15821-a6gyl2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143898/original/image-20161031-15821-a6gyl2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143898/original/image-20161031-15821-a6gyl2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143898/original/image-20161031-15821-a6gyl2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143898/original/image-20161031-15821-a6gyl2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143898/original/image-20161031-15821-a6gyl2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143898/original/image-20161031-15821-a6gyl2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La recherche et les chercheurs exposés au Natural History Museum de Londres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Crédit : Richard-Emmanuel Eastes.</span></span>
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<h2>Le rôle sociétal des musées de science</h2>
<p>Non seulement la définition de l’ICOM ne reflète pas les activités d’une grande partie des musées et centres de science actuels, mais il apparaît en outre qu’aujourd’hui, et probablement encore davantage demain, ces institutions ne devraient probablement pas se limiter à ces quelques missions historiques. En passant sous silence la manière dont ces « témoignages matériels et immatériels » doivent être « diffusés » et « exposés », en réduisant de manière vague les finalités des musées à la recherche, à l’éducation et au plaisir, cette conception contourne en effet la question fondamentale de leur rôle sociétal spécifique, dont découle la manière dont ils peuvent répondre aux attentes et aux besoins de leurs publics.</p>
<p>Comment en effet exposer à des fins d’éducation ou d’information sans interférer avec les rôles respectifs de l’école et des médias, et donc sans collaborer avec eux ? Comment divertir sans réduire son identité à celle des parcs d’attractions ? Que les musées soient « au service de la société et de son développement » est une évidence ; mais cela nous oblige à nous demander de quoi cette société a besoin, et de quel type de développement. Or cette question, le monde de la culture scientifique se la pose depuis déjà de nombreuses années ; et s’il s’interroge <a href="https://www.espgg.org/La-science-mediatrice-de-paix">aujourd’hui</a> sur son rôle dans la promotion de la paix et la prévention de la radicalisation, c’est parce qu’il continue à se la poser.</p>
<h2>Un peu d’histoire</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/144351/original/image-20161103-25343-11hzcv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144351/original/image-20161103-25343-11hzcv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144351/original/image-20161103-25343-11hzcv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144351/original/image-20161103-25343-11hzcv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144351/original/image-20161103-25343-11hzcv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144351/original/image-20161103-25343-11hzcv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144351/original/image-20161103-25343-11hzcv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144351/original/image-20161103-25343-11hzcv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La révolution industrielle a stimulé l’éducation des classes populaires à la culture scientifique, promouvant notamment « l’instruction gratuite pour tous ».</span>
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<p>Depuis la <a href="https://ocim.revues.org/841">création</a> des Muséums d’histoire naturelle à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, le rôle social de la culture scientifique et technique (CST) en général a beaucoup évolué : si cette culture particulière était initialement réservée à quelques élites, la <a href="http://numelyo.bm-lyon.fr/f_view/BML:BML_00GOO01001THM0001PresseInnovation01">révolution industrielle</a> a soudain rendue nécessaire l’éducation de la classe ouvrière dans un mouvement <a href="http://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1993_num_11_58_2304">aussi bénéfique que paternaliste</a>. Si, à la <a href="http://videotheque.cnrs.fr/doc=1114">création</a> du Palais de la Découverte à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, il s’agissait <a href="http://www.histcnrs.fr/pdf/cahiers-cnrs/eidelman.pdf">d’accompagner la création du CNRS</a> par le développement d’un « esprit scientifique » dans la population, les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ont également nécessité un <a href="http://www.tribunes.com/tribune/alliage/35-36/06petit.htm">véritable effort de réhabilitation</a> de la part de la communauté scientifique, avant que l’industrie ne fasse à nouveau part de son côté d’un besoin accru d’ingénieurs et de techniciens.</p>
<p>Autant de tâches confiées à la <a href="https://www.cairn.info/revue-savoirs-2011-3-page-9.htm">« vulgarisation scientifique »</a>, prise entre deux feux dès les années 80 : la nécessité de promouvoir la science et les carrières scientifiques d’une part, et le besoin de répondre aux préoccupations de la société civile à l’égard des applications de la science d’autre part.</p>
<h2>Naissance de la médiation scientifique</h2>
<p>La « médiation scientifique », née sur le terreau des <a href="http://controverses.mines-paristech.fr/presentation/quappelons-nous-controverse-sociotechnique/">controverses sociotechniques</a>, s’est ainsi rapprochée de deux mondes associatifs : celui de l’<a href="http://www.lespetitsdebrouillards.org/">éducation populaire</a> d’une part, et celui de la protection de la nature et de l’<a href="http://www.graine-idf.org/">éducation relative à l’environnement</a> d’autre part.</p>
<p>Dans les années 2000, elle s’est intéressée à « l’<a href="http://www.groupe-traces.fr/livre/listening-empowering-children-young-people-in-sis-activities-a-toolkit/">empowerment</a> » des populations « éloignées de la science » et à la lutte contre l’autocensure vis-à-vis des études scientifiques, notamment pour les <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/03/03/les-filles-osez-les-sciences_4373701_3234.html">jeunes filles</a>. Plus récemment, avec notamment l’apparition du mouvement des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fab_lab">fablabs</a>, on lui a demandé de promouvoir la créativité et l’innovation à des fins de <a href="http://inmediats.fr/le-programme/">vivification</a> du tissu économique. Aujourd’hui, dans un perpétuel souci de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-6-page-15.htm">réflexivité</a>, la CST doit rester ouverte à toute nouvelle problématique sociétale dans laquelle elle pourrait avoir un rôle à jouer, que ce soit par le biais des connaissances produites par la recherche, de la promotion de la démarche scientifique ou des outils de dialogue développés par la médiation scientifique : menace populiste, théories du complot, radicalisation et résurgence du terrorisme international sur le sol français font très certainement partie de ces problématiques.</p>
<h2>Redéfinir le rôle des musées</h2>
<p>Pour revenir à la définition de l’ICOM, nous ne pensons pas que les musées en général, et les musées de science en particulier, quels qu’ils soient, devraient limiter leurs actions à des objectifs d’éducation et de plaisir ; et pas davantage à des fins d’information. Si cela a pu être le cas par le passé, aux origines de la <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Decouvertes-Gallimard/Decouvertes-Gallimard/Sciences-et-techniques/Sciences-pour-tous">« science pour tous »</a>, les enjeux auxquels la société et l’humanité sont confrontées aujourd’hui nécessitent le déploiement d’un autre type d’arsenal, orienté vers des buts autrement plus ambitieux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/143897/original/image-20161031-15728-2o65g8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143897/original/image-20161031-15728-2o65g8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143897/original/image-20161031-15728-2o65g8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143897/original/image-20161031-15728-2o65g8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143897/original/image-20161031-15728-2o65g8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143897/original/image-20161031-15728-2o65g8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143897/original/image-20161031-15728-2o65g8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143897/original/image-20161031-15728-2o65g8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Interroger l’idée même de <em>conservation</em> pour faire réfléchir le public du Musée d’Ethnographie de Neuchâtel : boîte de conserve, disque dur, urne funéraire et boîte de Petri. Exposition « C’est pas la mort ! »(2016).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Crédit : Richard-Emmanuel Eastes</span></span>
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<p>À quels besoins de la société, à quels types de « développement » les musées de science devraient-ils donc, et surtout sont-ils en mesure de répondre ? Dans la perspective de définir une vision d’avenir pour la culture scientifique et technique, il nous semble opportun de commencer par réfléchir à cette question.</p>
<p>Aux définitions traditionnelles des musées, et dans la ligne des préconisations de la <a href="https://www.ontariosciencecentre.ca/AboutUs/TorontoDeclaration/">déclaration de Toronto</a> des musées et centres de science (2008), il faudra alors sans doute ajouter tout un ensemble de notions telles que la mise en perspective des savoirs, la mise en scène du processus de découverte, la discussion de la notion de « vérité » (d’où qu’elle vienne), la vision systémique et la pensée complexe, la réflexion critique, la confrontation des points de vue, la construction de l’opinion, le respect des valeurs et des croyances face aux connaissances scientifiques, la responsabilité citoyenne, l’<em>empowerment</em> sociotechnique, le renforcement du lien social et intergénérationnel… C’est d’ailleurs bien ce qui rend si exaltant l’avenir des musées lorsqu’ils traitent de la Science, de la Technique et de la Nature.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/66787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Richard-Emmanuel Eastes est membre-fondateur du groupe Traces, groupe de réflexion et d'action sur la science, sa communication et son rapport à la société.</span></em></p>À quels besoins de la société les musées de science devraient-ils, et surtout, sont-ils en mesure de répondre ?Richard-Emmanuel Eastes, Chercheur associé au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel (Suisse) - Chercheur associé au Laboratoire de didactique et d’épistémologie des sciences, Université de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.