tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/paix-economique-36749/articlespaix économique – The Conversation2022-11-06T16:26:53Ztag:theconversation.com,2011:article/1937672022-11-06T16:26:53Z2022-11-06T16:26:53ZD’où vient la motivation ? Pourquoi certaines personnes en ont-elles plus que d’autres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493019/original/file-20221102-26-whdb7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=105%2C10%2C1009%2C662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La motivation peut être intrinsèque (intérêt, plaisir obtenu par la pratique, etc.) ou extrinsèque (pression sociale, contrainte d’une tierce personne, etc.).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/toddle_email_newsletters/17233999165">Alan O'Rourke/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Motivation » vient du mot « motif », lui-même emprunté au latin « motivus » qui veut dire « mobile » et « movere » dont l’équivalent en français est mouvoir. Il signifiait en ancien français « ce qui met en mouvement ». Être motivé est donc cette capacité à se mettre en mouvement.</p>
<p>Mais d’où vient cette <a href="https://theconversation.com/fr/topics/motivation-60842">motivation</a>, au travail ou pour un sportif de haut niveau ? Selon <a href="https://www.thierrypaulmier.com/">Thierry Paulmier</a>, inventeur du modèle d’intelligence émotionnelle <a href="https://univ-paris-est.academia.edu/ThierryPaulmier"><em>homo emoticus</em></a>, la motivation procéderait de nos émotions – notons que les mots émotion et motivation possèdent la même étymologie. Ce dernier en identifie particulièrement quatre, plus ou moins positives et associées à des facteurs endogènes et exogènes entremêlés :</p>
<ul>
<li><p>La peur</p></li>
<li><p>L’envie</p></li>
<li><p>L’admiration</p></li>
<li><p>La gratitude</p></li>
</ul>
<p>Comme l’ajoute l’universitaire, ces quatre émotions font naître un certain état d’esprit au travail qui correspond à une certaine figure de l’homme au travail :</p>
<blockquote>
<p>« L’esclave pour la peur, le mercenaire pour l’envie, l’artisan pour l’admiration et le volontaire pour la gratitude ».</p>
</blockquote>
<p>Notons au travers de ces émotions que la motivation est liée à des facteurs qui nous sont endogènes, exogènes, et parfois même les deux. La motivation par la peur diffère ainsi de la motivation par l’envie, qui elle-même diffère de la motivation par l’admiration et la gratitude.</p>
<h2>Être stressé pour être motivé ?</h2>
<p>Parmi les autres modèles de la motivation, celui de la <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0003-066X.44.3.513">théorie de la conservation des ressources</a>, proposé par le psychologue américain Stevan E. Hobfoll en 1989, est particulièrement intéressant : il y décrit la motivation comme un élan pour équilibrer le tandem ressources-contraintes. Selon Hobfoll, toute menace sur les ressources d’un individu entraîne une réaction de stress, elle-même provoquant un élan pour le réduire grâce à la mise en place de différentes stratégies.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a> pourrait donc être vu comme l’élément moteur de la motivation. À ce titre, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sport-20624">sport</a> de compétition en est une illustration exemplaire : la pratique est conditionnée, la plupart du temps (sauf douance, génétique hors-norme, etc.), par le fait d’augmenter ses capacités de performances initiales afin de se positionner comme un concurrent effectif au regard de celles produites par ses adversaires.</p>
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<p>L’augmentation de toutes capacités de performances va nécessiter de mettre l’organisme dans un état de stress suffisamment contrôlé afin de générer une adaptation adéquate au sens de ce qui est souhaité. C’est ce que l’on appelle des unités d’entraînement. Celles-ci devront être suffisamment nombreuses, qualitatives et cumulatives, « obligeant » ainsi le sportif à avoir recours et de tenir un engagement sans équivoque.</p>
<p>Pour remplir et tenir ces conditions, la motivation est cruciale. Dans l’idéal, elle est intrinsèque, c’est-à-dire qu’elle est liée au plaisir personnel de l’effort, par exemple. Dans la plupart des cas, cependant, elle doit être extrinsèque et soutenue par des facteurs externes, comme se discipliner pour respecter le cadre imposé par l’entraîneur.</p>
<h2>Stabilité émotionnelle</h2>
<p>L’une des <a href="https://journals.openedition.org/osp/741">études</a> menées en 1997 par Albert Bandura, docteur en psychologie et enseignant à l’université de Stanford (Californie), suggère l’existence d’une « auto-efficacité » qui « influence la quantité d’effort que les athlètes déploieront ainsi que leur niveau de persévérance ». Selon le chercheur :</p>
<blockquote>
<p>« Les personnes présentant des niveaux élevés d’auto-efficacité travaillent généralement plus dur, persistent dans la tâche plus longtemps et réussissent à un niveau supérieur au-dessus de la personne. »</p>
</blockquote>
<p>Les émotions que nous avons évoquées au début de notre article, à savoir la peur, l’envie, l’admiration et la gratitude, ne sont donc pas exhaustives et suffisantes pour une pleine compréhension de la motivation.</p>
<p>Nous pouvons notamment émettre l’hypothèse que certaines émotions « secondaires » ne sont pas neutres : la fierté et le bonheur peuvent par exemple renforcer les croyances dans son autocapacité en cas de réussite. À l’inverse, la honte ou la tristesse peuvent apparaître et altérer ses croyances en cas de contre-performance par rapport aux objectifs fixés…</p>
<p>La nécessité alors des apports exogènes susceptibles d’éviter un abaissement voire un effondrement de ses croyances dans son auto-efficacité nous semble un élément important garantissant une stabilité émotionnelle pour accompagner les succès (ne pas « prendre la grosse tête ») comme les échecs (les surmonter paisiblement).</p>
<h2>« C’est la dose qui fait le poison »</h2>
<p>La compréhension actuelle de la motivation est encore enrichie grâce à la <a href="https://www.pmtic.net/sites/default/files/filemanager/images/site_public/activites/tad_pdf.pdf">théorie de l’autodétermination</a> proposée par les chercheurs américains Richard M. Ryan et Edward L. Deci en 1985. Il s’agit ici de considérer la motivation non plus sur un plan linéaire unique (plus ou moins de motivation) mais comme une construction multifactorielle entraînant une modulation qui va décrire le niveau d’engagement.</p>
<p>Ici, la motivation intrinsèque (intérêt, plaisir obtenu par sa pratique, etc.) et la motivation extrinsèque (pression sociale, contrainte d’une tierce personne, etc.) vont agir par interdépendance et former une sorte de continuum de croissance constante, comme une <a href="https://www.cairn.info/traite-de-psychologie-de-la-motivation--9782100515837-page-47.htm">capacité d’autoactualisation</a>. Ce continuum peut varier d’une absence totale de motivation à une motivation intrinsèque considérée comme <a href="http://data.over-blog-kiwi.com/0/64/03/25/201306/ob_c73581_traite-de-psychologie-de-la-motivation.pdf">l’état d’excellence de l’autodétermination</a>, en ce sens où l’engagement va générer du plaisir. Entre ces deux extrêmes, nous retrouvons des variabilités de l’engagement motivées par des éléments extérieurs introjetés (notion d’utilité) et intégrés (constat de bénéfices). Au regard du modèle de l’autodétermination, si nous prenons l’exemple du sportif de haut niveau – dans sa quête d’accroître constamment ses capacités de performances – il peut ainsi être considéré comme l’archétype de l’individu acteur de sa propre existence.</p>
<p>Si l’on se réfère aux études que nous avons citées et aux théories que nous avons rappelées, avoir un coach, une vision extérieure professionnelle des capacités du sportif, représente un atout, lui permettant d’évaluer ses aptitudes afin de se fixer des <a href="https://community.mis.temple.edu/mis0855002fall2015/files/2015/10/S.M.A.R.T-Way-Management-Review.pdf">objectifs « S.M.A.R.T »</a> (pour spécifiques, mesurables, acceptables, réalistes et temporellement définis). Quelles que soient les croyances que l’individu a dans son potentiel, voire, quel que soit son potentiel réel, l’entraîneur va aussi l’aider à monter en puissance à une cadence raisonnable et ne pas l’exposer à un effondrement de confiance pour avoir brûlé les étapes.</p>
<p>Là aussi, rappelons ce que nous avons dit plus tôt : amener une contrainte pour obtenir une réponse adaptative représente le cheminement vers l’atteinte des objectifs. En sport comme en management, comme le soulignait fort justement <a href="https://freakonometrics.hypotheses.org/58407">Paracelse</a> (1493-1541) médecin, philosophe et alchimiste :</p>
<blockquote>
<p>« Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison ou l’hormèse (l’effet positif) ».</p>
</blockquote>
<p>C’est ce principe qui va éviter à un athlète de se « cramer » ou à un salarié de foncer tout droit vers le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/burn-out-106874">burn-out</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cyrille Cuny, professeur de culture physique diplômé d’État, a participé à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193767/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Cuny est membre de la Chaire Digital Organization & Society et de la Chaire Paix économique de Grenoble École de Management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yannick Chatelain est Expert auprès de l'UNODC, (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) dans le cadre du programme E4J : The First Expert Group Meeting to Peer-Review the E4J University Module Series on Cybercrime</span></em></p>Les études soulignent le rôle prépondérant des émotions dans la capacité des individus à « se mettre en mouvement », au travail comme dans le sport de haut niveau.Caroline Cuny, Professeure en psychologie, Grenoble École de Management (GEM)Yannick Chatelain, Professeur Associé. Digital I IT. GEMinsights Disseminator, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821882022-05-04T18:42:19Z2022-05-04T18:42:19ZDerrière la « guerre économique totale à la Russie », l’avenir du projet de paix par le commerce<p>« Un nouveau monde naît sous nos yeux » : si c’est ce qu’annonçait le 26 février dernier une dépêche prématurément publiée par l’agence russe RIA Novosti suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, force est de constater que la prophétie pourrait malgré tout bien être en train de se réaliser sous la conjonction des évènements et des réponses qui y sont apportées.</p>
<p>Alors que l’Union européenne vient de présenter un sixième paquet de sanctions contre la Russie, avec notamment l’arrêt d’ici six mois des importations européennes de pétrole russe et l’exclusion de la banque russe Sberbank du système financier international Swift, la question des liens entre commerce et paix se pose en effet avec force.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1521791755024097281"}"></div></p>
<p>Pour le comprendre, il faut savoir que la mondialisation n’est que la traduction juridico-économique d’un projet politique vieux de cinq siècles : celui de paix par le commerce, le « <em>Wandel durch Handel</em> » au cœur de la politique étrangère d’Angela Merkel vis-à-vis de la Russie.</p>
<h2>À l’origine de la mondialisation, le projet de paix par le commerce</h2>
<p>Ce projet est fondé sur un certain souvenir de la pax <a href="https://www.unige.ch/campus/numeros/120/dossier5/">romana</a>, la paix romaine de l’Antiquité. Esquissé en 1623 par Emeric de la Croix dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6496h.texteImage"><em>Le nouveau Cynée</em></a>, il tend depuis lors à faire de l’interdépendance économique des Nations le moyen de prévenir les guerres entre États.</p>
<p>C’est ce projet qui conduisait Montesquieu à vanter en 1748 les vertus du doux commerce dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9737646k?rk=21459;2"><em>L’Esprit des lois</em></a> ; et Victor Hugo à se réjouir, en 1849, devant le Congrès des amis de la paix universelle, qu’« un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62737z.image">commerce</a> » ; avant que le 14 août 1941, la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_16912.htm">Charte de l’Atlantique</a>, cosignée par Franklin Roosevelt et Winston Churchill, ne propose de le mettre en œuvre à l’issue du conflit de 1939-1945, pour éviter une troisième guerre mondiale.</p>
<p>Il a ainsi par la suite <a href="https://books.openedition.org/putc/176?lang=en">inspiré</a> le lancement de la <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/histoire-de-l-union-europeenne/">construction européenne dans les années 1950</a> et la création de <a href="https://www.wto.org/french/thewto_f/history_f/history_f.htm">l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT)</a> en 1947.</p>
<p>En 1979-1980 les <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-royaume-uni--9782262044275-page-403.htm">révolutions thatchérienne</a> en Angleterre et <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/1795">reaganienne</a> aux États-Unis peuvent également y être rattachées, puisqu’elles reposent sur cette conviction que « l’État n’est pas la solution » mais « le problème » ; et que seule la libéralisation des échanges entre les pays pourrait à l’avenir assurer la prospérité de tous et, à travers elle, le progrès social.</p>
<h2>La dépendance volontaire au gaz russe</h2>
<p>Au lendemain de la chute du mur de Berlin en 1989, le politologue américain Francis Fukuyama s’est de ce fait interrogé sur <a href="https://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/16/la-democratie-liberale-une-histoire-sans-fin_5173064_4415198.html">« La fin de l’histoire ? »</a>. Dix ans plus tard, Alain Minc vantait les mérites de « La mondialisation heureuse ». Car l’économie de marché et la démocratie libérale apparaissaient alors comme deux horizons indépassables après l’échec du socialisme soviétique et du parti unique.</p>
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<figcaption><span class="caption">« La mondialisation heureuse relève chez nous de la schizophrénie » Alain Minc – Les Échos.</span></figcaption>
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<p>Ce n’est ainsi pas un hasard si la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/11/quel-est-le-niveau-de-dependance-des-pays-europeens-au-gaz-et-au-petrole-russe_6117070_4355770.html">dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe</a> a commencé à la même époque, puisque cette dépendance était alors pensée comme un moyen d’enchâsser le pays dans le grand marché mondial, en le plaçant dans une situation d’interdépendance économique dont il n’aurait, pensait-on, aucun intérêt à sortir.</p>
<p>Il est vrai que les guerres « asymétriques » (telles que celles en ex-Yougoslavie ou en Afghanistan) et les crises sécuritaires (« 11 septembre, » « 13 novembre »), sociales (« bonnets rouges », « gilets jaunes »), financières (crise asiatique, de la bulle Internet, puis des subprimes), sanitaires (« H1N1 », « Covid-19 ») et économiques ont depuis mis ce projet à rude épreuve.</p>
<p>Mais c’est justement dans leur contexte que la rhétorique du monde nouveau a commencé à émerger. Bien avant que la dépêche de l’agence russe RIA Novosti ne soit publiée et que le Président Biden n’évoque le 21 mars dernier un « new world order », le Président Emmanuel Macron avait déjà fait part, le 16 mars 2020 au cœur de la crise sanitaire, de sa volonté de « projeter la France dans “le monde d’après” ».</p>
<h2>Les sanctions économiques contre la Russie, un test pour le projet de paix par le commerce</h2>
<p>Une décennie auparavant, le 25 septembre 2008, le président <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2008/09/25/le-discours-de-nicolas-sarkozy-a-toulon_1099795_823448.html">Nicolas Sarkozy</a> avait également estimé qu’avec la crise économique liée aux subprimes, « une certaine idée de la mondialisation s’achève ». Loin de marquer une rupture avec le projet de paix par le commerce, ces deux dernières déclarations visaient toutefois en réalité à l’approfondir : en comblant les zones de non-droit qui compromettaient le bon fonctionnement du marché mondial pour lui permettre d’atteindre son optimum. De crise en crise, le projet avançait.</p>
<p>C’est toute la différence avec la guerre de haute intensité menée en Ukraine aujourd’hui. Car celle-ci traduit le rejet, aussi brutal que soudain, par la Russie – un État continental, onzième puissance économique de la planète – des règles du jeu international… avec le risque que la deuxième puissance mondiale, la Chine, lui emboîte le pas.</p>
<p>On comprend dès lors mieux les enjeux de cette <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/ukraine-bruno-le-maire-declare-une-guerre-economique-et-financiere-totale-a-la-russie-1390357">« guerre économique totale »</a> que l’Union européenne et les États-Unis mènent contre la Russie et le durcissement continu des sanctions économiques qui en découlent à mesure que le conflit s’éternise : les 8,5 % de PIB qu’elles devraient, <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/le-pib-de-la-russie-devrait-se-contracter-de-8-5-en-2022-celui-de-l-ukraine-de-35_AD-202204190390.html">à en croire le FMI</a>, coûter au pays en 2022, constituent un test grandeur nature de l’efficacité du projet de paix par le commerce.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1516604817413615618"}"></div></p>
<p>De leur succès ou de leur échec dépendra une nouvelle avancée de la mondialisation dans un sens plus conforme au projet originel des promoteurs de la paix par le commerce ou non.</p>
<h2>Apprendre des échecs de la paix par le commerce</h2>
<p>Pour Larry Fink, le dirigeant du plus grand fonds d’investissement au monde, BlackRock, le constat s’impose toutefois : <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/la-fin-de-la-mondialisation-1398362">« Nous sommes à la fin de la globalisation économique telle que nous l’avons vécue depuis trente ans »</a>.</p>
<p>Le politologue américain <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/02/guerre-en-ukraine-nous-avons-quitte-l-ancien-monde-dans-lequel-l-economie-a-pendant-trente-ans-domine-le-politique_6124404_3232.html">Fareed Zakaria</a> opine : la guerre en Ukraine marque la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2008-4-page-141.htm">fin de la pax americana</a> telle qu’elle s’est progressivement imposée depuis la fin de la seconde guerre mondiale et le tournant des années 1980. Car la redirection actuellement en cours des flux commerciaux semble annoncer un monde coupé en deux ou trois blocs régionaux ayant leurs intérêts propres, seul celui formé des États-Unis et de l’UE restant attaché aux vertus de l’interdépendance économique des Nations sur la durée avec leurs alliés.</p>
<p>Que ces prédictions se réalisent ou non, il conviendra dans tous les cas de revoir les modalités de cette paix par le commerce qui, à un siècle d’intervalle, aura échoué à deux reprises : lors de la crise économique de 1929, précédant la seconde guerre mondiale ; et lors de la crise économique de 2008, débouchant sur la guerre en Ukraine dont chacun espère qu’elle ne dégénérera pas en un nouveau conflit planétaire. Car l’histoire semble se répéter, les mêmes causes – les crises économiques – produisant les mêmes effets : des conflits fratricides entre États.</p>
<p>L’insuffisance – sinon l’absence – de régulation efficace du marché mondial, en n’empêchant pas la prédation de certains pays sur d’autres, a sans doute favorisé un accroissement des <a href="http://archives.strategie.gouv.fr/cas/system/files/mondialisation_et_inegalites.pdf">inégalités entre nations</a>.</p>
<p>Si ces dernières ont été source de tensions au niveau mondial, celles-ci se sont trouvées aggravées au sein même des États par le phénomène de concentration des richesses entre les mains des « premiers de cordée » au détriment des « premiers de <a href="https://www.melchior.fr/note-de-lecture/la-mondialisation-de-l-inegalite">corvées</a> », ce phénomène ayant lui-même nourri le populisme à l’intérieur de différents <a href="https://nouvelles.umontreal.ca/article/2019/05/01/les-inegalites-alimentent-le-populisme-et-les-crises-sociales-joseph-e.-stiglitz">pays</a>.</p>
<p>Alors que le concept de marché était destiné à substituer la logique d’un jeu à somme positive (le commerce) à la logique d’un jeu à somme nulle (la puissance), la façon dont il a été organisé depuis le tournant des années 1980 a conduit à lui faire produire le contraire : elle en a fait un jeu à somme nulle. En effet, pour des États comme la Russie, seule la puissance paraît un jeu à somme <a href="https://www.lgdj.fr/essai-sur-la-construction-juridique-de-la-categorie-de-marche-9782275021836.html">positive</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Débat : Quels sont les gains et les risques du commerce international ? – Cité de l’Économie.</span></figcaption>
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<h2>Refaire du commerce entre États un jeu à somme positive et non à somme nulle</h2>
<p>Briser la spirale de la violence entre États et remédier aux nouvelles inégalités induites par le défi climatique suppose de revenir au <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/colloque-lippmann-aux-origines-neoliberalisme/00037138">projet du colloque Lippmann de 1938</a>, à l’origine de la naissance du néolibéralisme, dès lors que, loin des caricatures qui en sont souvent faites, ses auteurs insistaient sur l’importance de permettre à l’État d’assurer ses « tâches sociales ».</p>
<p>Walter Lippmann le disait en ouvrant le colloque :</p>
<blockquote>
<p>« Ce que nous recherchons, ce n’est pas à ressusciter une théorie [celle du libéralisme classique], mais à découvrir les idées qui permettent à l’élan vers la liberté et la civilisation de triompher de tous les obstacles dus à la nature humaine, aux circonstances historiques, aux conditions de la vie sur cette terre ».</p>
</blockquote>
<p>Le philosophe Louis Rougier, à l’origine de ce colloque, insistait pour sa part sur <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/le-colloque-lippmann-aux-origines-du-neo-liberalisme/">cette erreur historique</a> :</p>
<blockquote>
<p>« C’est plus tard et par un véritable contresens [que la doctrine du laissez-faire] est devenue une théorie du conformisme social et de l’abstention de l’État ».</p>
</blockquote>
<p>Il convient donc de renouer avec l’ambition de refonder le projet de paix par le commerce en identifiant les choix politiques qui l’ont fait dérailler depuis 1938, en évitant les erreurs du passé, et en intégrant les nouveaux défis de notre siècle – à commencer par le défi climatique. Vaste programme s’il en est.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Cette contribution s’appuie sur les travaux du livre « <a href="https://www.legitech.lu/shop/product/l-action-economique-des-collectivites-publiques-153#attr=150,282,12786">L’action économique des collectivités publiques</a> : ses enjeux, son droit, ses acteurs » co-édité par les éditions IFDJ-Legitech et publié en juin 2020</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182188/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Bottini est chargé de mission pour la Fondafip, le think-thank des Finances publiques, membre de l'Observatoire de l'éthique publique (OEP), du Themis-UM et de la MSH Ange Guépin. Il a perçu ou perçoit des subventions de la part du LexFEIM, laboratoire de recherche en droit, et de la Mission de recherche Droit & Justice.
Il est par ailleurs titulaire de la chaire "Innovation" de l'Institut Universitaire de France et de la chaire "Neutralité Carbone 2040" de Le Mans Université qui financent également en partie ses travaux.</span></em></p>À l’ère de la mondialisation, les sanctions économiques décidées contre la Russie par les États-Unis, l’Union européenne et ses alliés sont un test pour le projet de paix par le commerce.Fabien Bottini, Professeur des Universités en droit public, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1665822021-09-08T19:35:48Z2021-09-08T19:35:48ZCovid-19 : après les gestes barrières, l’ère des gestes du « bien vivre » ?<p>Au début de la crise de la Covid, le philosophe des sciences Bruno Latour nous invitait à imaginer « les <a href="http://www.bruno-latour.fr/fr/node/849">gestes barrières</a> contre le retour à la production d’avant-crise ». Nous nous proposons de repartir ici de cette notion de <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/1977">« geste »</a>. Cette dernière nous permet de nous extraire de la binarité entre le corps et l’esprit en considérant la dimension incarnée des activités.</p>
<p>Le philosophe Jean‑François Billeter, dans son livre <em>Un paradigme</em>, souligne que chaque geste est une connaissance nouvelle – une « <a href="http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=BilleteR">puissance agissante</a> » – qui a été acquis par un effort volontaire visant à répéter de manière coordonnée des mouvements du corps (y compris mentaux). Une fois acquis, un geste se fait « comme de lui-même ». Nous ne percevons pas toutes ces activités acquises qui s’impriment dans notre corps. La petite part que nous en percevons est ce que nous appelons « la conscience ».</p>
<p>À notre sens, cette notion de « geste » dans sa dimension de puissance agissante peut être utile pour cerner certains enjeux que soulève la crise de la Covid en termes de « bien vivre ». La pandémie souligne donc en creux l’importance des <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">indicateurs de bien vivre</a> pour accompagner les nécessaires transformations à venir.</p>
<p>La réflexion sur le bien vivre articule une réflexion sur le bien-être individuel, le bien commun, la soutenabilité sociale (liens sociaux, inégalités, redistribution) et la soutenabilité environnementale. Une société du bien vivre correspondrait alors à une situation soutenable socialement et écologiquement où chaque personne disposerait des ressources matérielles et immatérielles pour se réaliser en fonction de ses aspirations et pour contribuer au bien commun.</p>
<h2>Un rapport au temps et aux autres transformé</h2>
<p>Tout d’abord, la crise a modifié notre rapport au temps avec des impacts très différents en <a href="http://ftp.iza.org/dp13183.pdf%20">fonction des catégories socio-professionnelles, du sexe</a>, etc. <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11205-016-1489-9">L’inégalité par rapport au temps reste en outre une inégalité fondamentale</a>. Les gestes de soin destinés à soi, aux autres ou à la nature nécessitent de disposer de son temps : or, cette capacité à jouir de ce temps pour pouvoir acquérir et réaliser ces gestes qui font sens pour la personne et le collectif a été particulièrement mise à mal par la période récente – notamment dans un <a href="https://objectifaquitaine.latribune.fr/politique/2020-06-05/barbara-stiegler-l-etat-est-devenu-l-instrument-d-un-neoliberalisme-qui-detruit-la-societe-849472.html">contexte de néolibéralisation du service public</a>.</p>
<p>Ensuite, on a vu à quel point la crise avait joué sur notre rapport aux autres avec des phénomènes d’entraide, de solidarité, mais aussi de solitude, de repli sur soi. Cela allait déjà mal avant la crise de la Covid, comme en témoignait la crise sociale, environnementale et démocratique déjà présente. Mais la crise a accentué certains maux : les inégalités sociales, les inégalités de santé, la concentration des entreprises, les inégalités entre les genres, les violences, etc.</p>
<p>On assiste aujourd’hui à une explosion des inégalités : pendant que les riches devenaient plus riches, pendant que les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/pourquoi-les-marches-financiers-ont-deja-oublie-la-crise-1321952">marchés étaient euphoriques</a>, la situation des plus pauvres s’est dégradée. Il faudra, selon le <a href="https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2021/01/Rapport_Oxfam_Davos_inegalites_2021.pdf">dernier rapport d’Oxfam</a>, plus de dix ans à ceux-ci pour panser les impacts économiques de la crise de la Covid.</p>
<h2>Le corps objet et sujet de contamination</h2>
<p>La crise a ainsi modifié en profondeur le type de rapports sociaux entretenu par les personnes. Elle a transformé profondément nos gestes physiques, ne serait-ce que par l’imposition des gestes barrières, et a donc joué sur notre manière de rentrer en relation avec les autres. La crise a en outre influé sur notre rapport corporel aux choses et aux êtres : notre corps est devenu objet et sujet de contamination. La crise a aussi influé sur nos gestes mentaux en cassant nos routines mentales, nos habitudes et en nous plongeant dans l’incertitude.</p>
<p>Enfin, la crise a amené la montée de gestes de résistance et d’engagement de diverses sortes (contestation des mesures prises lors de la gestion de crise, critiques de l’absence de débats sur les mesures sanitaires, retraits, constitution de collectifs pour faire face aux enjeux de la pandémie et penser « l’après », mouvements sociaux) et a révélé nos <a href="https://theconversation.com/quels-secteurs-strategiques-pour-lavenir-de-la-france-138831">interdépendances matérielles</a> (avec des ruptures des chaînes d’approvisionnements), sociales et affectives.</p>
<p>D’un <a href="https://journals.openedition.org/etudesrurales/9330">geste isolé de révolte</a>, tel que nous le rappelle le professeur américain de sciences politiques James Scott, peut surgir une mobilisation collective de grande ampleur – ainsi, de multiples formes de résistance politique ou infrapolitique se sont développées.</p>
<h2>Construire de nouveaux gestes</h2>
<p>La <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/1977">maîtrise d’un geste</a> est la capacité à faire une chose sans réinterroger l’ensemble des processus permettant à celui-ci d’être effectué, mais en s’adaptant également à la spécificité situationnelle. L’habileté à faire certains gestes adaptés réside dans <a href="https://www.persee.fr/doc/oroc_0754-5010_2005_num_27_27_1204">l’oubli de la méthode par laquelle ce geste a été acquis</a>. Lorsque quelqu’un s’avère « spontanément » bienveillant vis-à-vis de quelqu’un d’autre, il ne se figure plus quel processus d’apprentissage lui a permis de développer cette empathie.</p>
<p>La notion de geste nous permet de rappeler ce processus d’apprentissage qui repose sur l’oubli et fait de certains comportements de nos comportements une « seconde nature » pourtant bien acquise dans un environnement institutionnel donné. Autrement dit, les étapes d’acquisition du geste s’oublient au profit d’un mouvement unifié remobilisable à l’envie et adaptable en fonction des spécificités de la situation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1234298650538520577"}"></div></p>
<p>Par exemple, la capacité à s’indigner provient de processus corporels (dont mentaux) répétés amenant à identifier de manière incarnée des situations d’injustice (matériellement bien concrète) et à en ressortir une émotion qui est la part immergée de cet apprentissage de la justice. S’occuper d’un enfant ou d’une personne âgée nécessite de développer certains gestes dont où on oublie rapidement qu’ils pouvaient ne pas aller de soi dans les premiers moments.</p>
<p>Or, on a aujourd’hui une difficulté à maîtriser ou à valoriser les gestes qui nous permettraient de faire face à la situation de crises dans laquelle nous nous trouvons – nous observons une multiplication de gestes qui traduisent le dysfonctionnement d’ensemble de notre organisation socioéconomique (défiance, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KTdAJBUBpwI">ressentiment</a>, stress), mais les gestes favorables à une société du bien vivre restent peu valorisés (bienveillance, justice, confiance, sublimation, etc.).</p>
<p>Pour comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons, les indicateurs de bien vivre sont donc essentiels, car ils peuvent nous indiquer ce qui importe le plus à considérer collectivement lorsqu’on agit et ils peuvent nous aiguiller vers ce que seraient des gestes à valoriser ou à développer pour une société du bien vivre.</p>
<h2>Gérer les paradoxes de notre rapport au temps</h2>
<p>Mais les gestes acquis et les représentations associées à ceux-ci ont la vie dure. La <a href="https://sms.hypotheses.org/27700">guerre économique a meilleure presse que la « paix économique »</a>, tout le monde parle du <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/le-gouvernement-releve-de-5-a-6-sa-prevision-de-croissance-pour-2021-1331841">retour de la croissance</a> à la défaveur de la création d’une société du bien vivre.</p>
<p>Il y a des rapports de force liés à des réalités matérielles et à des imaginaires qui restent redoutables : celui de la croissance économique, de la guerre économique, de la <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-312.htm">recherche de l’intérêt égoïste</a>… et s’extirper de ceux-ci requiert du temps et beaucoup de coopérations, d’échanges, de travail avec les autres et sur soi.</p>
<p>Or, le paradoxe est précisément que la période contemporaine nous ôte ce temps de l’arrêt, de la conscience à soi, aux autres, à la nature, au vivant au profit de la recherche d’une performance effrénée et normalisée. Le temps devient morcelé, facturable, profitable et très difficilement collectif, partagé, voire politique. Pourtant, les <a href="https://chaire-philo.fr/wp-content/uploads/2016/03/SOIN1103.pdf%20">gestes de soin</a> nécessitent de prendre le temps d’être en lien avec soi, les autres et avec la nature.</p>
<h2>Imaginer collectivement de nouveaux gestes</h2>
<p>Le travail de déconstruction du geste (s’il est nécessaire) peut être plus long que celui, initial, de construction du geste. Il ne requiert pas forcément de comprendre l’ensemble des dysfonctionnements du geste acquis, mais de prendre conscience de certains mécanismes de sa construction et surtout d’imaginer d’autres mécanismes. Le terme « imaginer » est ici essentiel, car le travail d’établissement de nouveaux gestes ne peut reposer uniquement sur une volonté rationnelle, mais sur l’imagination qui ouvre des possibles impensables dans le cadre des mécaniques rationnellement incarnées.</p>
<p>L’imagination permet une <a href="https://www.la-croix.com/Culture/Sandrine-Roudaut-semer-nouveaux-imaginaires-2021-01-09-1201133951">reprise de conscience d’autres horizons</a>. C’est aussi pour nourrir cet autre imaginaire collectif que les indicateurs de bien vivre sont utiles, car ils permettent de tracer les pourtours d’un tel horizon de sens (à l’instar du <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/apr/08/amsterdam-doughnut-model-mend-post-coronavirus-economy">donut à Amsterdam</a> ou d’<a href="https://www.obsy.fr/bien-etresoutenable">IBEST</a> à Grenoble).</p>
<p>En guise d’illustration, les indicateurs de bien-être soutenable territorialisés (IBEST) développés dans la métropole grenobloise montrent l’importance des gestes d’entraide dans la manière dont se sentent les personnes. Une prise de conscience collective de l’importance de tels gestes peut nourrir notre imaginaire et amener par exemple à soutenir des structures favorisant de telles formes d’entraide (SEL, Accorderie) ou nous pousser à en inventer d’autres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166582/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiona Ottaviani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En bouleversant notre rapport au temps et aux autres, la pandémie donne l’occasion d’imaginer ce que serait une situation soutenable socialement et écologiquement.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Grenoble Ecole de Management, F-38000 Grenoble, France - Chaire Paix économique, Mindfulness, Bien-être au travail - Chaire Territoires en Transition - Chercheuse associée au CREG - Université Grenoble Alpes, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1468882020-10-01T18:53:06Z2020-10-01T18:53:06ZLa Covid-19, un premier pas vers la paix économique ?<p>La crise sanitaire et économique liée à la Covid peut être vue comme un risque d’effondrement mondial, mais elle peut aussi être pensée comme le révélateur de notre interdépendance et le déclencheur d’une nouvelle façon de construire la vie en société et les relations entre les nations. </p>
<p>C’est notamment ce que laisse penser l’acceptation par les pays de l’Union européenne d’une <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/275295-ue-un-plan-de-relance-economique-de-750-milliards-deuros">dette commune</a> pour soutenir les plus fragiles. Il nous semble cependant que des progrès sont encore à faire en la matière, car les discours de soutien naissent encore trop souvent de la conscience des risques économiques encourus par les pays les plus forts s’ils ne soutiennent pas les plus faibles et pas nécessairement d’une intention humaniste.</p>
<p>Cette prise de conscience des interdépendances fait écho aux <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1984-v15-n2-ei3017/701670ar/">travaux de l’économiste Georges de Ménil</a> qui, dans son ouvrage sur l’interdépendance des politiques économiques des nations, évoquait en 1983 le fait qu’aucune nation, même parmi les plus puissantes, n’était en mesure de résoudre avec efficacité ses difficultés si elle agissait seule.</p>
<h2>Une utopie en action</h2>
<p>Aujourd’hui, les événements qui s’enchaînent nous montrent que les esprits s’ouvrent et qu’il nous faut agir pour pérenniser l’élan constructif et respectueux de la vie contenu dans cette période avant qu’une peur ou une finance incontrôlée ne réimposent leurs lois. Nous pouvons dire sans hésitation que jamais dans les années passées, il n’y avait eu autant d’efforts pour faire valoir la nécessité d’un agir ensemble.</p>
<p>Autrement dit, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paix-economique-36749">paix économique</a> semble prendre son essor. Ce principe, sur lequel nous travaillons depuis 2008, n’est pas une théorie économique, c’est en effet un engagement, une utopie en action qui nous propose un nouvel horizon. La paix économique redonne le pouvoir d’agir et de créer ensemble, de reprendre part à la vie économique en rejetant l’obligation à l’hyperconsommation et à l’hypercompétition.</p>
<p>Prenons quelques exemples pour illustrer cette montée en puissance. D’abord, s’est engagé récemment en Rhône-Alpes un travail dont l’intention est de mobiliser différents acteurs – préfecture, département, offices des HLM, entreprises privées et centre de recherche – pour transformer les relations, renforcer le tissu social et co-construire un territoire de paix en projetant de nouvelles idéalités et en conduisant des transformations pragmatiques : des cultures managériales, aux transports en passant par le logement ou les relations entre administrations publiques et entreprises privées.</p>
<p>À une échelle plus large, le plus complexe à faire évoluer tant les frontières réelles des pays ou virtuelles de la concurrence sont puissantes, la prise de conscience de la nécessité d’actions communes semble également apparaître au plus haut niveau.</p>
<p>Ainsi, Jürgen Braunstetter, chef du département <em>supply chain</em> (chaînes de fournisseurs) du groupe de pneumatiques allemand Continental nous donne un exemple de la montée en puissance de la prise de conscience dans le monde économique, dans une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/17/le-choc-subi-par-l-industrie-dans-la-crise-sanitaire-a-ete-un-revelateur-pour-l-allemagne_6046486_3210.html">interview</a> accordée au journal Le Monde en juillet dernier :</p>
<blockquote>
<p>« L’Italie du Nord est très performante dans la production de certaines pièces qui sont essentielles dans l’industrie automobile : les pièces de fonte, les faisceaux de câblage, l’électronique et les techniques de connexion… Pendant les premières semaines de l’épidémie, j’étais en contact permanent avec les responsables des chaînes d’approvisionnement au sein de la fédération automobile allemande (VDA). Nous étions d’accord sur le fait que les fournisseurs d’Italie du Nord devaient continuer à produire le plus longtemps possible… L’expérience nous a rendus modestes ».</p>
</blockquote>
<p>Bien sûr, il est probable que l’élan de ce regard nouveau a été guidé par la peur des conséquences pour le marché national de l’épidémie chez les fournisseurs étrangers, mais peut-être nous faut-il accepter qu’il n’y a en économie et en politique d’altruisme que dans un intérêt commun.</p>
<h2>Du jugement moral à la compréhension</h2>
<p>À cause de cette pandémie, « jamais encore la circulation des marchandises entre les pays de l’UE n’avait été autant perturbée. Jamais les industriels ne s’étaient à ce point rendus compte qu’ils dépendaient des frontières ouvertes et de la fluidité des chaînes de sous-traitance intraeuropéennes pour leur production », comme cela est très justement relevé dans l’article du Monde qui évoque Continental.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1284102320226291712"}"></div></p>
<p>Enfin, la conscience de cette interdépendance aura eu raison des résistances nationales à engager un emprunt commun européen, ce qui est une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/21/un-emprunt-de-750-milliards-d-euros-et-une-solidarite-difficilement-forgee-les-europeens-s-accordent-sur-un-plan-de-relance-historique_6046802_3210.html">révolution dans l’Union</a>. Si l’on compare avec la gestion de la crise grecque il y a quelques années, l’expérience directe de tous les états européens face à la pandémie nous aura fait passer d’un jugement quasi moral sur un état défaillant, considéré comme « pécheur » à l’époque, à la compréhension de la nécessité d’une dette commune.</p>
<p>Si l’on reste à ce niveau macro, il convient de créer cette solidarité au-delà même de l’Union européenne, non plus en raison de la nécessité de protéger notre marché commun face à la concurrence, mais parce que ceux qui en ont les moyens, se doivent de soutenir les plus faibles pour juguler les pandémies à venir, ralentir le dérèglement climatique travailler au problème du manque d’eau et de la faim dans de très nombreux pays.</p>
<p>Pour l’ensemble de ces défis dans lesquels tous les acteurs sont de fait impliqués, nous le comprenons mieux aujourd’hui, la simple question des frontières et des chauvinismes économiques est devenue archaïque, obsolète et ridicule.</p>
<p>… Mais au-delà, pour avancer sur ce chemin périlleux faut-il encore repenser l’éducation de nos futurs leaders !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Steiler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La prise de conscience récente de la nécessité de préserver ses partenaires économiques aura notamment eu raison des résistances nationales à engager un emprunt commun européen.Dominique Steiler, Titualire de la chaire Mindfulness, Bien-être au travail et paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1416422020-07-01T17:46:46Z2020-07-01T17:46:46ZCoopérer dans la crise, une condition de survie pour les filières automobile et aéronautique<p>Plus présente et concrète chaque jour, la crise économique majeure que nous vivons, inédite par ses origines et son ampleur, nécessite d’imaginer et d’inventer des réponses et solutions nouvelles.</p>
<p>Les ambitieux dispositifs d’accompagnement déployés au niveau macroéconomique, par les États ou l’Union européenne notamment, témoignent d’une réelle volonté de soutenir l’activité, les entreprises et l’emploi, ainsi que d’un apprentissage certain des erreurs réalisées lors des crises précédentes.</p>
<p>Mais, les aides apportées à ce niveau, bien que nécessaires, ne sauraient être suffisantes. Les entreprises et organisations elles-mêmes se doivent, à un niveau plus microéconomique, de mettre en œuvre les conditions de leur résilience, très largement dépendante de celle de l’écosystème économique auquel elles appartiennent.</p>
<p>Cela apparaît comme une nécessité dans les industries se caractérisant par un éclatement conséquent des <a href="https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Philippe-Gattet-Comprendre-la-chaine-de-valeur_3747880.html">chaînes de valeur</a> et dans lesquelles les achats représentent une part significative du chiffre d’affaires des différents acteurs (<a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-6-page-119.htm">jusqu’à 80 %</a> pour les principaux acteurs des filières automobile et aéronautique).</p>
<h2>Des aides massives, mais insuffisantes</h2>
<p>Au-delà des soutiens apportés par les pouvoirs publics aux entreprises les plus fragiles, certaines industries se voient considérées comme suffisamment clés pour justifier des aides massives.</p>
<p>C’est notamment le cas de la filière automobile dont le plan de soutien mis en place en France prévoit plus de <a href="https://www.economie.gouv.fr/plan-soutien-filiere-automobile">8 milliards d’aides</a>, d’investissements et de prêts.</p>
<p>L’entreprise Renault bénéficiera d’une part importante des soutiens mis en place. Des aides nécessaires, mais insuffisantes pour échapper à une réduction de ses capacités industrielles de 4600 emplois en France et de 15 000 emplois dans le monde, prévues dans le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/renault-suppressions-emplois_fr_5ed09e70c5b611c4a8df272c">plan d’économie</a> de 2 milliards d’euros envisagé par le groupe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1265584782701969410"}"></div></p>
<p>Les aides publiques massives ne doivent en aucun cas occulter l’importance pour les grands groupes de l’industrie automobile de veiller à la santé de leurs fournisseurs et sous-traitants, santé dont dépendra la reprise de l’activité de l’ensemble de la filière dans quelque temps.</p>
<p>Côté filière aéronautique, ce sont pas moins de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/09/l-etat-debloque-15-milliards-d-euros-pour-soutenir-la-filiere-aeronautique_6042219_3234.html">15 milliards d’euros</a> qui sont consacrés au soutien d’une industrie stratégique dans laquelle un tiers des 300 000 emplois en France seraient menacés à très court terme.</p>
<p>Au-delà des quatre grands leaders de l’industrie que sont Airbus, Dassault Aviation, Safran et Thalès, les aides s’adressent principalement aux très nombreux fournisseurs et sous-traitants aujourd’hui en difficulté.</p>
<p>Plus que dans la filière automobile, ces derniers ont largement accompagné le développement des ventes des grands leaders ces dernières années, investissant massivement dans des outils de production aujourd’hui, et sans doute pour quelques années, sous-utilisés.</p>
<p>Souvent <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/plan-de-sauvetage-de-la-filiere-aeronautique-les-bons-outils-mais-pas-l-ampleur-esperee_2127823.html">très endettées</a> et connaissant de grandes difficultés de trésorerie, ces entreprises doivent aujourd’hui se reconfigurer sans perdre leurs compétences ni leurs capacités à accompagner le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/10/le-transport-aerien-mettra-au-moins-trois-ans-pour-sortir-de-la-crise-liee-au-coronavirus_6036202_3234.html">rebond de l’activité envisagé</a> dans trois ans.</p>
<p>Mais une chose est sûre, ces entreprises, comme leurs homologues de la filière automobile, ne peuvent réussir ce pari de façon isolée. Seules des modalités de coopération réinventées avec les leaders de la filière pourront donner une chance à cette dernière de surmonter la crise.</p>
<h2>Coopérer en période de crise</h2>
<p>Ces dernières années se caractérisaient par une prise de conscience réelle, et parfois forte, de l’importance de la coopération entre les entreprises. Cette dernière était volontiers appréhendée comme un moyen de faire mieux qu’avant, c’est-à-dire de créer de la valeur, notamment en innovant ensemble plus efficacement que seul (en co-innovant donc).</p>
<p>J’appelle ce type de coopération la « coopération de développement » (plutôt que « coopération de croissance », le terme « croissance » étant très discutable).</p>
<p>Les intérêts économiques bien compris, plus que la philanthropie ou la bienveillance, guidaient le développement de pratiques coopératives bienvenues là où des relations conflictuelles avaient trop tendance à s’imposer.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les achats collaboratifs : un exemple de paix économique. Source : Grenoble École de management.</span></figcaption>
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<p>Toutefois, de nombreux projets coopératifs (d’innovation, de développement…) sont aujourd’hui remis en cause, chaque organisation ayant tendance à se focaliser sur <a href="https://theconversation.com/reduire-les-couts-visibles-le-mauvais-reflexe-des-pme-en-temps-de-crise-138069">sa propre survie à court terme</a>.</p>
<p>C’est en matière de « coopération de crise » que les progrès les plus importants restent à faire. La situation d’urgence vitale dans laquelle se trouvent, ou vont rapidement se trouver, de nombreuses entreprises rend peu pertinents à leurs yeux les projets de coopération aux retombées incertaines dans cinq ou dix ans.</p>
<p>Ce dont ont clairement besoin aujourd’hui les partenaires économiques (clients, fournisseurs, concurrents…), c’est d’une aide, sous forme de main tendue, à très court terme. Respecter les délais de paiement, lisser (ou délisser, c’est selon) les achats, gérer de façon coordonnée les trésoreries… Ces impératifs constituent autant de pratiques relevant de la « coopération de crise ».</p>
<p>Ces dernières correspondent assez bien à ce que nous avons qualifié de <a href="https://theconversation.com/bien-connaitre-les-motivations-de-ses-fournisseurs-pour-de-meilleures-collaborations-70804">facteurs d’hygiène</a> à la suite des travaux du psychologue américain Frederick Herzberg.</p>
<h2>La coopération, une affaire de responsabilité</h2>
<p>Fort heureusement, de nombreux exemples témoignent d’une salvatrice prise de conscience de l’importance de la démarche, y compris de la part d’entreprises soumises à de rudes difficultés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344554/original/file-20200629-155316-1f1mspx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344554/original/file-20200629-155316-1f1mspx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344554/original/file-20200629-155316-1f1mspx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344554/original/file-20200629-155316-1f1mspx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344554/original/file-20200629-155316-1f1mspx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344554/original/file-20200629-155316-1f1mspx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344554/original/file-20200629-155316-1f1mspx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le label Relations fournisseurs et achats responsables.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises/label-relations-fournisseurs-et-achats-responsables">portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics</a></span>
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</figure>
<p>La démarche de labellisation RFAR (relations fournisseurs et achats responsables) suppose également la mise en œuvre de ces pratiques vertueuses aux nombreux effets indirects positifs, comme le montre une <a href="https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises/le-label-rfar-vu-par-hugues-poissonnier">étude récente</a> publiée sous forme de livre blanc.</p>
<p>Si aider l’autre quand tout va bien semble donné à tout le monde, faire de même quand tout va mal témoigne d’une réelle responsabilité. Il s’agit, quoi qu’il en soit, d’un levier essentiel pour œuvrer à la <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2017/05/15551-collaborer-fournisseurs-ecosysteme-resilient/">résilience de l’écosystème économique</a>.</p>
<p>Particulièrement sensibles à ce besoin de coopération accru au sein de la filière, l’automobile et l’aéronautique ne font qu’illustrer, en les amplifiant à peine, les besoins quasi universels qui sont ceux des petites et moyennes entreprises (PME) et des toutes petites entreprises (TPE) qui travaillent en tant que fournisseurs des grandes entreprises.</p>
<p>Ainsi, si « coopération de crise » et « coopération de développement » s’avèrent complémentaires, ce sont bien les pratiques relevant de la coopération de crise qui doivent être judicieusement déployées à très court terme, pour garantir la possibilité d’œuvrer ensuite au développement d’une économie pacifiée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141642/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Particulièrement dépendants de leurs fournisseurs et sous-traitants, les grands groupes ont tout intérêt à soutenir la santé économique de leur écosystème.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1355712020-04-10T03:55:21Z2020-04-10T03:55:21ZBonnes feuilles : « L’art d’utiliser l’intuition pour prendre des décisions éclairées »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/326383/original/file-20200408-193245-1tizd1j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=31%2C67%2C952%2C631&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un être humain prend en moyenne 35&nbsp;000 décisions par jour. Pour la plupart d’entre elles, une analyse uniquement rationnelle s’avère souvent insuffisante.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ra2 studio / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Le manager doit, de plus en plus, prendre des décisions, souvent peu évidentes, dans un temps limité et en s’appuyant sur ses compétences, ainsi que sur celles de ses collaborateurs. Dans un tel contexte, le recours à son intuition, comme à celle des personnes avec lesquelles il travaille, apparaît de plus en plus utile.</em></p>
<p><em>Ce recours peut notamment lui permettre d’abord de mobiliser sa créativité, ce qui est important pour sortir du cadre et innover. L’intuition constitue également un moyen de préserver sa santé, car en complément d’une analyse rationnelle, elle permet de laisser s’exprimer toutes les composantes de sa personnalité au moment de la prise de décision et d’être mieux en accord avec sa personne.</em></p>
<p><em>Enfin, l’intuition renforce la pertinence des décisions : un être humain prend en moyenne 35 000 décisions par jour. Pour la plupart d’entre elles, une analyse uniquement rationnelle s’avère souvent insuffisante.</em></p>
<p><em>Ces avantages font l’objet du livre <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807326682-manager-avec-l-intuition">« Manager avec l’intuition »</a> (éditions De Boeck Supérieur) de Quentin Mirablon, fondateur de The Buyer’s Lab, et Hugues Poissonnier, professeur associé à Grenoble École de Management, dont The Conversation France publie ici les bonnes feuilles.</em></p>
<hr>
<h2>Sortir du cadre</h2>
<p>À l’heure de la digitalisation et du développement de l’intelligence artificielle, on se demande de plus en plus comment évoluera la fonction de manager, et même si elle existera encore dans les années à venir. Nos entreprises sont plongées dans une course à l’innovation, où tout doit évoluer rapidement et où le manager est, au travers de ses décisions, mis à l’épreuve. […]</p>
<p>La capacité de s’entourer des meilleures compétences et de travailler de façon efficace est devenue cruciale. Il doit notamment s’entourer de collaborateurs fiables, agiles et capables de faire preuve d’innovation. Il doit être capable de penser autrement, c’est-à-dire de sortir du cadre, de remettre en cause la fonction et de bouleverser les acquis.</p>
<p>Par ailleurs, de plus en plus de responsabilités pèsent sur le manager, et il serait dangereux de ne pas tenir compte de ces évolutions en continuant à manager « à l’ancienne » […]. Pour autant, la pertinence de l’intuition est, depuis longtemps, et régulièrement, questionnée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/06xbgN6NpOI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Laurent Bibard, philosophe : Sortir de sa zone de confort (Xerfi canal, décembre 2019).</span></figcaption>
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<p>Darwin nous rappellerait qu’il est urgent de s’adapter pour survivre, surtout dans un écosystème où tout va très vite. Il est grand temps de changer ce qui mérite de l’être (non pas parce que le changement serait forcément meilleur que la stabilité, tant s’en faut, et il existe d’ailleurs de nombreuses pratiques vis-à-vis desquelles l’enjeu essentiel est sans doute la préservation, mais parce que, dans le même temps, il faut bien reconnaître que certaines choses méritent de changer).</p>
<p>Ces changements à apporter exigent sans doute de penser avec le cerveau droit et de mobiliser l’intuition. Il peut paraître surprenant de faire de l’intuition […] une clé des évolutions requises dans le monde du management. C’est ici que le rôle du manager prend tout son sens : mettre en œuvre sa capacité à prendre les bonnes décisions, au bon moment, sous pression.</p>
<h2>Laisser les émotions s’exprimer</h2>
<p>Dès 1987, Simon proposait d’établir un lien fort entre intuition et émotions dans la prise de décisions managériales, dans un article au titre explicite : <a href="https://www.jstor.org/stable/4164720?seq=1"><em>Making Management Decisions : the Role of Intuition and Emotion</em></a> […].</p>
<p>Deux grandes voies se développent en parallèle en matière de reconnaissance du rôle des émotions au travail. La première s’oriente vers la gestion des compétences émotionnelles au service de la performance au travail. La seconde s’oriente davantage vers la question de la santé psychique au travail et étudie les difficultés associées à un manque de travail émotionnel.</p>
<p><a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.1986.4283101">Fredrickson</a> (2003) a bien montré comment le fait de cultiver des émotions agréables (joie, contentement, fierté…) permet de développer d’importantes ressources.</p>
<p>Ces dernières peuvent être classées en trois grandes catégories : les ressources physiques (par exemple, le développement de la coordination, le renforcement et la préservation de la santé, l’accroissement du niveau d’énergie), les ressources psychologiques (développement de la résilience et de l’optimisme, du sens des priorités…) et les ressources intellectuelles (développement des compétences de résolution de problèmes, créativité…).</p>
<p>Chacune de ces ressources a tendance, en retour, à développer la capacité de ressentir des émotions agréables, enclenchant donc un cercle vertueux.</p>
<p>Au-delà des émotions agréables ou positives, il nous semble important de cultiver l’émodiversité. Les émotions désagréables sont aussi très précieuses en ce sens qu’elles fournissent une information sur les besoins non satisfaits. Sans entrer ici dans une analyse très détaillée, il est possible de rendre compte des origines (déclencheurs), des manifestations (notamment physiologique) et des effets des émotions de base […].</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1168682608626143232"}"></div></p>
<p>Les émotions étant intrinsèquement liées aux expériences vécues et découlant d’un processus de sélection naturelle des réponses les plus appropriées (car favorisant la survie à l’origine) dans ces différents contextes, il est illusoire d’imaginer, comme c’est pourtant parfois suggéré dans certaines entreprises, laisser les émotions sur le pas de la porte. Bien sûr, des stratégies de neutralisation des émotions existent.</p>
<p>Elles ne modifient pas le vécu des individus, et de telles stratégies finissent toujours par se retourner contre ces derniers. Au-delà de l’enjeu de santé publique, le développement des compétences émotionnelles trouve aussi un réel intérêt au regard de la pertinence des décisions que les individus seront amenés à prendre ou de la qualité des relations qu’ils pourront développer. Une qualité indispensable à la confiance, à la collaboration et à la réussite de la co-innovation.</p>
<h2>Créer un cadre propice à l’intuition</h2>
<p>L’intuition est aujourd’hui omniprésente au travail, de manière consciente ou non, chez le manager et le collaborateur. Au cours des dernières années, nous nous sommes progressivement détournés de l’idée que le cadre professionnel idéal n’admet pas l’existence des prises de décisions intuitives, pour nous apercevoir qu’elles font non seulement partie intégrante du travail du manager, mais qu’elles y jouent aussi un rôle crucial à tous les niveaux […].</p>
<p>Il est de notre devoir de mettre en place toute une logistique interne afin de promouvoir et favoriser l’utilisation de l’intuition. Dans la grande majorité des cas, le changement matériel à apporter est faible et ne demande qu’une infime contribution pécuniaire. L’engagement et l’envie du manager seront de mise.</p>
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<figcaption><span class="caption">Valérie Mérindol : Bien gérer l’aménagement des bureaux, c’est crucial ! (Xerfi canal, avril 2018).</span></figcaption>
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<p>L’un des premiers rôles d’un manager est de créer un environnement propice au développement et à l’épanouissement de ses collaborateurs. Il s’agit de répondre à un bon nombre de besoins afin de répondre aux critères culturels et sociaux.</p>
<p>Dans notre cas, le manager intuitif devra mettre en place toute une organisation interne afin d’influencer les actions intuitives de ses collaborateurs, de manière consciente, comme des zones propices au développement des idées intuitives et innovantes, ainsi que les outils supports adaptés, mais également, de manière inconsciente, avec un décor approprié.</p>
<h2>Deux grandes leçons à retenir</h2>
<p>Notre expérience de l’intuition au quotidien nous a conduits à cette conclusion : il y a deux grandes leçons à retenir qui peuvent vous aider à prendre de meilleures décisions :</p>
<ul>
<li>– Les décisions rationnelles, bien que très présentes dans les croyances collectives, sont devenues inefficaces dans un contexte marqué par l’existence de nombreux et fréquents changements. Elles nous enferment dans des croyances limitantes et dans des cadrages mentaux qui nous ferment à toute innovation et création par la personne elle-même.</li>
</ul>
<p>Nous sommes partis du principe que la pensée rationnelle avait ses limites et qu’il était temps de passer à la vitesse supérieure, dans tous les sens du terme. Pour créer davantage de valeur, le manager n’aura pas d’autre choix que de s’adonner à de nouvelles pratiques et processus « out of the box ».</p>
<p>Nous avons vu dans l’ouvrage qu’en plus de vous faire prendre des décisions plus pertinentes, l’intuition était salutogène et qu’elle procurait de nombreux bienfaits pour la santé physique mais aussi mentale. Son enjeu est d’accompagner le manager à faire de son équipe de collaborateurs un délicieux melting-pot, avec comme facteur de lien : l’humain.</p>
<ul>
<li>Les décisions intuitives ne seront que de très faible qualité en entreprise si elles ne sont pas accompagnées d’une connexion rationnelle. L’intuition peut prendre la forme d’une idée, d’un flash, d’une découverte, que vous devez justifier et prouver par des éléments de recherche concrets. Quel que soit votre secteur d’activité, ces deux composantes seront indispensables pour prendre des décisions éclairées.</li>
</ul>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/325215/original/file-20200403-74255-1p662tq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/325215/original/file-20200403-74255-1p662tq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/325215/original/file-20200403-74255-1p662tq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/325215/original/file-20200403-74255-1p662tq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/325215/original/file-20200403-74255-1p662tq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/325215/original/file-20200403-74255-1p662tq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/325215/original/file-20200403-74255-1p662tq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1037&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807326682-manager-avec-l-intuition">Éditions De Boeck Supérieur</a></span>
</figcaption>
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<p>Sous cet angle, l’étude de l’intuition va au-delà de la simple prise de décision. Elle permet d’assister à l’émergence, ou au renforcement, pour les organisations les plus matures, d’un nouvel état d’esprit et d’un nouveau style de management qui vous ouvre un nombre incalculable de nouvelles possibilités en matière d’innovation, de motivation et de résultats.</p>
<p>S’ouvrir à son intuition entraîne ainsi petit à petit à revoir les façons de manager et à remettre en question l’évident, l’ancré dans nos méthodes de fonctionnement, avec soi-même et aussi, et surtout, avec les autres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>The Conversation France publie des extraits du livre « Manager avec l’intuition » qui dresse un état des lieux des bénéfices et des bonnes pratiques en la matière.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1358272020-04-09T19:21:51Z2020-04-09T19:21:51ZCovid-19 : la relation client, le grand défi des marques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/326074/original/file-20200407-91406-o39tbp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1155%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Stay home with Chanel et Angèle » : le 3 avril dernier, la chanteuse belge a donné un concert retransmis en direct sur le compte Instagram de la maison de luxe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.instagram.com/p/B-e6O_3JkzD/">Capture d'écran Instagram</a></span></figcaption></figure><p>Alors que tout semble se figer avec la baisse de consommation imposée par le confinement, les marques doivent garder et entretenir leurs liens avec leurs clients. Elles pourraient même profiter de ce contexte pour réfléchir à des opportunités de développer des relations nouvelles en collaborant avec des artistes pour des solutions créatives impactant positivement leur image.</p>
<p>La gestion de la marque passe par une claire définition stratégique de son identité. L’expert des marques Jean‑Noël Kapferer a proposé en 1992 un <a href="https://www.e-marketing.fr/Thematique/academie-1078/fiche-outils-10154/prisme-identite-marque-306814.htm">modèle</a> pertinent composé de 6 facettes distinctes : la physique (tous les éléments tangibles tels que les produits, le logo, etc.) ; la personnalité (la marque est imaginée comme une personne et on lui assigne des caractéristiques du modèle de personnalité humaine) ; la culture (les valeurs qui guident les actions de la marque) ; le reflet (qui constitue le personnage idéal avec qui la cible peut s’identifier) ; la relation (que la marque cultive avec ses clients) ; et la mentalisation (la relation que la marque permet d’entretenir avec soi-même, la raison pour laquelle on adhère à la marque).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/325983/original/file-20200407-104477-1cc62ed.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/325983/original/file-20200407-104477-1cc62ed.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/325983/original/file-20200407-104477-1cc62ed.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/325983/original/file-20200407-104477-1cc62ed.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/325983/original/file-20200407-104477-1cc62ed.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/325983/original/file-20200407-104477-1cc62ed.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/325983/original/file-20200407-104477-1cc62ed.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/325983/original/file-20200407-104477-1cc62ed.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le prisme d’identité de la marque de Jean‑Noël Kapferer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.e-marketing.fr/Thematique/academie-1078/fiche-outils-10154/prisme-identite-marque-306814.htm">E-marketing.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par toutes les rencontres et échanges que les consommateurs ont avec la marque, à travers ses produits bien entendu, mais aussi grâce sa communication ou son personnel, ils se construisent une image de la marque.</p>
<p>Quand la stratégie est bien échafaudée et cohérente, l’image correspond à l’identité, enrichie par d’autres associations subjectives que les consommateurs vont bâtir en mémoire au cours du temps. Ici, un des aspects importants de ce processus est la relation établie entre la marque et ses clients. Comme toute relation, elle doit être entretenue par les deux parties.</p>
<p>Un des concepts utilisés pour évaluer l’intensité de cette relation est <a href="https://chaire.marquesetvaleurs.org/glossaire/attachement-a-la-marque/">l’attachement à la marque</a> qui correspond à la perception qu’ont les clients de la relation affective et durable qu’ils entretiennent avec la marque. Il s’agit d’une relation de proximité psychologique. C’est un élément important puisqu’il prédit les comportements et en particulier la fidélité à la marque.</p>
<h2>Garder le contact</h2>
<p>Compte tenu de la situation de crise actuelle et le confinement imposé, on peut donc se demander comment les marques peuvent faire pour garder le lien et maintenir l’attachement de leurs clients, surtout quand il s’agit de produits et services qui ne sont pas de première nécessité et dans un contexte particulier avec des besoins différents.</p>
<p>Quoi de mieux que de s’appuyer sur son fichier client afin de renouer avec la possibilité d’envoyer des informations directement par e-mail, SMS ou à travers une newsletter ? Les clients, puisqu’ils sont confinés, deviennent d’autant plus captifs qu’ils ont la nécessité de rester à l’affût des nouvelles qui leur parviennent à travers leurs outils numériques. Les marques sont donc certaines de pouvoir les contacter à travers ces dispositifs.</p>
<p>Les grandes enseignes de distribution, par exemple, peuvent rassurer leurs clients en expliquant quels dispositifs elles ont mis en place pour assurer la sécurité de ceux-ci ainsi que de leurs employés, à travers des actions de communication habituelles comme la télévision ou les réseaux sociaux.</p>
<p>Les petites entreprises, elles, choisissent un canal plus individualisé, par e-mail en général, afin d’expliquer leur stratégie, comme ce gérant d’une société de dépannage de gaz qui informe qu’il reste seul présent pour répondre aux urgences afin de protéger ses salariés, qui, eux, sont mis au chômage partiel.</p>
<h2>Des actions de communication contextualisées</h2>
<p>Les entreprises peuvent donner des précisions sur ce qu’elles entreprennent de façon différente de l’habituel et qui sort de leur cœur de métier.</p>
<p>Ici, par exemple, une partie de la production devient dédiée à des produits directement utilisés dans la lutte contre le virus, au lieu d’autres développements. <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/lindustrie-releve-la-bataille-pour-loxygene-et-les-respirateurs-artificiels-1190633">De Dyson à General Motors</a>, de Renault à JCB, de PSA à Schneider, la mobilisation est générale afin de produire au plus vite des respirateurs en aide aux fabricants traditionnels comme, un exemple parmi d’autres, le français Air Liquide.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1244428134876884992"}"></div></p>
<p>Aussi, certaines marques, qui ne peuvent pas détourner leur production, proposent de donner des fonds pour équiper les soignants, les hôpitaux, ou encore favoriser la recherche.</p>
<p>Dans ce cadre, les actions de communication permettent d’informer les clients sur les gestes bienfaiteurs qu’elles réalisent dans ce contexte exceptionnel, ce qui permet de favoriser une image positive de la marque et d’augmenter l’attachement des clients.</p>
<h2>« Art infusion effect »</h2>
<p>Le contexte actuel, anxiogène et rempli d’incertitudes et inquiétudes est propice à la création artistique. On voit ainsi émerger sur le net une profusion de productions artistiques, musicales et/ou visuelles (les sens pouvant être véhiculés par ce moyen de communication).</p>
<p><a href="https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1978_num_21_84_2092_t1_0395_0000_1">L’histoire</a> nous renseigne sur la grande production artistique qui accompagne les périodes difficiles, en particulier les périodes d’après-guerre. L’art est une expérience sensorielle, esthétique et émotionnelle qui favorise le bien-être psychologique.</p>
<p>Dans l’art-thérapie, il s’agit même d’un <a href="https://doi.org/10.1016/j.aip.2016.08.006">processus thérapeutique de soin</a> dans la prise en charge de pathologies très variées, allant de la douleur au syndrome de stress post-traumatique.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2010-1-page-1.htm">La culture</a>, comprise comme l’ensemble des activités artistiques qui conduisent à interpréter, représenter, distiller et disséminer des valeurs, peut avoir une place importante dans la crise actuelle. Les entreprises pourraient donc inviter des artistes à accompagner les relations qu’elles souhaitent entretenir avec leurs clients et augmenter ainsi l’attachement à la marque.</p>
<p>C’est par exemple ce qu’a fait la maison de haute couture Chanel le 3 avril dernier, en retransmettant en direct un concert de la chanteuse belge Angèle sur son compte Instagram.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1246036387482210304"}"></div></p>
<p>Cet effet correspond à ce qu’on appelle <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/30162538.pdf">« l’art infusion effect »</a>, c’est-à-dire l’influence positive sur la marque de la présence de l’art lors des expériences vécues par les clients en lien avec toutes les manifestations de la marque (produit, communication, visite des sites virtuels ou physiques, etc.).</p>
<p>Cet effet a été démontré lorsqu’on appose simplement une image d’un artiste connu sur des produits, mais aussi quand les marques invitent des artistes à exposer leurs œuvres sur les sites où les services sont délivrés.</p>
<p>Nous avons ainsi mené une <a href="https://www.grenoble-em.com/actualite-quand-lart-sexpose-et-nourrit-la-recherche">étude</a> montrant l’effet bénéfique sur l’attachement à la marque perçue par des étudiants ayant vécu une expérience esthétique de l’artiste locale <a href="https://www.facebook.com/people/Patricia-Pinzuti-Gintz/100013271888177">Patricia Pinzuti-Gintz</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/325986/original/file-20200407-96658-15eujop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/325986/original/file-20200407-96658-15eujop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/325986/original/file-20200407-96658-15eujop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/325986/original/file-20200407-96658-15eujop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/325986/original/file-20200407-96658-15eujop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/325986/original/file-20200407-96658-15eujop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/325986/original/file-20200407-96658-15eujop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/325986/original/file-20200407-96658-15eujop.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteures.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En plus de « l’art infusion effect » améliorant le lien entre la marque et ses clients, les effets additionnels pourraient être nombreux et favorables à la santé psychique : véhiculer des valeurs de solidarité et d’espoir, provoquer des émotions liées à l’expérience esthétique offerte, faire appel au potentiel créatif des artistes alors <a href="https://collectifpinceoreilles.com/News">qu’ils sont eux-mêmes privés de festivals, expositions et concerts</a> ; cela constitue donc aussi une bonne action sociétale, en plus d’être profitable pour les marques !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Cuny est chercheure associée à la Chaire DOS (Digital Organization and Society) et à la Chaire Paix Economique de Grenoble Ecole de Management. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marianela Fornerino ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise sanitaire pourrait constituer une occasion d’expérimenter de nouvelles pistes pour maintenir l’attachement des consommateurs envers les marques, comme le recours à l’art.Caroline Cuny, Professeure en psychologie, Grenoble École de Management (GEM)Marianela Fornerino, Professeure au Département Marketing, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1316902020-02-16T16:31:52Z2020-02-16T16:31:52ZLes compétences collaboratives au service de la paix économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/315043/original/file-20200212-61947-rsj9mu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La paix économique est « une orientation pour laquelle une entreprise (...) créent de la richesse au profit du bien commun et de l’épanouissement de l’ensemble des parties prenantes dans le cadre plus vaste de leur responsabilité sociale et humaine » selon Dominique Steiler.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-man-suit-tie-standing-his-461657866">ImageFlow / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les transformations organisationnelles, notamment induites par la <a href="https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-croissance-transformation-entreprises">loi Pacte</a> en France, découlent tant de l’évolution des objectifs (voire des missions) des entreprises que de celle des moyens mis en œuvre pour contribuer à l’atteinte de ces derniers. Elles requièrent une évolution importante des compétences des entreprises et amènent à repenser la place de ces dernières dans la société.</p>
<p>Les compétences individuelles y sont, généralement, bien appréhendées et développées. Les compétences collectives, mobilisées en interne lorsque l’on collabore avec des collègues ou en contexte interorganisationnel lorsque l’on coopère avec des concurrents, des clients ou des fournisseurs, demeurent trop souvent délaissées ou oubliées.</p>
<p>Pourtant, la mutation des compétences individuelles occasionnée par la loi Pacte, bien que nécessaire, s’avère insuffisante, voire vouée à l’échec, si une profonde réflexion sur les transformations organisationnelles ne l’accompagne pas.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rsceZ6JraMU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Zoom sur les relations collaboratives avec les fournisseurs » avec Hugues Poissonnier (GEM, 29 nov. 2017).</span></figcaption>
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<h2>Le rôle clé des compétences émotionnelles</h2>
<p>Les transformations organisationnelles s’appuyant sur l’émergence de nouvelles solutions technologiques (robotisation, numérisation, digitalisation) reposent avant tout sur une évolution des compétences humaines.</p>
<p>Plus précisément, les compétences relationnelles et émotionnelles apparaissent comme de plus en plus indispensables à l’heure où la collaboration à l’intérieur de l’organisation, mais aussi entre cette dernière et ses partenaires extérieurs, s’impose comme l’une des principales clés de succès.</p>
<p>Bien sûr des exemples de plus en plus nombreux montrent que le curseur de la collaboration est parfois poussé un peu trop loin. Des cas de <a href="https://www.clubic.com/pro/actualite-e-business/actualite-808214-travail-collaboratif-overdose.html">burn-out collaboratif</a> apparaissent, témoignant de l’importance du bon équilibre entre travail individuel et collectif.</p>
<p>Mais de la start-up à la très grande entreprise, le sens de l’histoire est bien celui qui consiste à s’appuyer de plus en plus sur le développement des compétences dites sociales des personnes, notamment les <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2018/03/19713-de-lacheteur-manager-ressources-externes-developper-competences-emotionnelles-mieux-collaborer/">compétences émotionnelles</a>. Ces dernières sont celles qui supportent la collaboration, rares étant désormais les tâches et activités pouvant être exercées seules, sans contribution de plusieurs collègues et/ou partenaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les cinq compétences émotionnelles de base.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.erudit.org/en/journals/ncre/2016-v19-n1-ncre03146/1040665ar.pdf">Doeck, 2016</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des organisations « florissantes » reposant sur davantage d’autonomie</h2>
<p>Si les compétences individuelles, grâce à la formation et aux nouvelles expériences vécues, progressent et accompagnent les changements, les compétences collectives, notamment organisationnelles, s’avèrent souvent plus difficiles à faire évoluer.</p>
<p>Ces dernières reposent sur la collaboration en interne et une vision plus transversale de la performance. Les références théoriques ne manquent pourtant pas pour donner de bonnes idées et des exemples concrets de pratiques vertueuses. Des organisations au fonctionnement original sont ainsi régulièrement qualifiées de « libérées », « nutritives » ou <a href="https://www.mindfulness-at-work.fr/images/pdf/Envies_de_changer_2.pdf">« florissantes »</a>.</p>
<p>Elles se caractérisent par ces points communs essentiels : davantage d’autonomie et de liberté données au salarié pour une contribution élargie, reposant pour l’essentiel sur ce qu’il est possible d’appeler le « dépassement de fonction », aux performances de l’organisation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=737&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=737&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=737&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Modèle type de l’entreprise florissante.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mindfulness-at-work.fr/images/pdf/Envies_de_changer_2.pdf">Grenoble Ecole de Management</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Si le management suit, dans un souci de cohérence, devenant plus participatif, bienveillant, voire « slow », les conditions peuvent être réunies pour casser les silos qui caractérisent encore trop souvent nos organisations, publiques ou privées, petites ou grandes. Mais c’est précisément à cet endroit que le bât blesse. La difficile montée en maturité organisationnelle freine les transformations que les évolutions des compétences individuelles rendraient possibles.</p>
<h2>Soigner ses fournisseurs et rendre son écosystème plus résilient</h2>
<p>Que dire alors des compétences interorganisationnelles, qui permettent de mieux travailler ensemble ? Et bien que c’est peut-être là que se trouve un levier non négligeable de réussite de la transformation des organisations. C’est notamment l’une des retombées indirectes, sorte de bénéfice induit, de la démarche visant à mieux collaborer avec ses fournisseurs ou, plus généralement, ses partenaires extérieurs.</p>
<p>Elle contribue en effet, et sans effort démesuré, à instaurer une culture de collaboration plus forte en interne chez chacun des partenaires. Si la collaboration en interne facilite la collaboration avec les partenaires extérieurs et rend possible un véritable « management des ressources externes » (le nouveau nom que l’on donne, de plus en plus, à la fonction achats), l’inverse, et de nombreux travaux récents le montrent, est également vrai.</p>
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<figcaption><span class="caption">« De la fonction achats au management stratégique des ressources externes » avec Hugues Poissonnier (Xerfi Canal, avril 2018).</span></figcaption>
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<p>Il s’agit même de l’un des principaux bénéfices induits par la mise en œuvre de véritables relations collaboratives et responsables avec les fournisseurs. De Tefal, qui pratique avec ses fournisseurs le mécénat de compétence, à Armor-Lux qui a su développer une culture collaborative forte entre ses fournisseurs étrangers et les usines situées en France pour gagner en agilité, en passant par le groupe Safran dont les multiples innovations s’appuient essentiellement sur la qualité croissante des échanges entre les différents services en interne et les fournisseurs, nombreux sont les exemples de diffusion de bonnes pratiques de collaboration en interne lorsque celles-ci sont initiées avec les fournisseurs.</p>
<h2>Une paix économique aux nombreuses vertus</h2>
<p>Tout le monde a donc décidément bien tout à gagner à œuvrer en faveur de relations inter-entreprises pacifiées et plus harmonieuses : les donneurs d’ordres (si on continue à les appeler ainsi malgré le caractère de moins en moins pertinent de l’appellation), mais aussi évidemment leurs fournisseurs et, par extension, l’ensemble de l’écosystème économique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6HBvQz7WgAA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Oser la paix économique plutôt que l’hypercompétition » avec Dominique Steiler (XerfiCanal, 8 mars 2018).</span></figcaption>
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<p>Le groupe ARaymond, leader mondial de la fixation pour l’industrie, Schmidt Groupe, qui fabrique et commerciale des meubles, ou Outilacier, distributeur responsable de matériel et outillage pour les entreprises, contribuent ainsi, chacun à leur manière à renforcer la résilience de leur écosystème économique en tirant bénéfice de la qualité des relations avec leurs fournisseurs.</p>
<p>La paix économique ainsi promue ne cesse de voir ses multiples intérêts cachés apparaître au grand jour et se trouver validés par des pratiques vertueuses aux retombées renforcées. Outre une meilleure capacité à innover ensemble (entre organisations), elle contribue en effet à une meilleure résilience de l’écosystème et de ses membres et permet aux personnes de travailler dans une sérénité propice au développement des compétences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement aux compétences individuelles, les compétences collectives se développent peu dans les organisations. Ces dernières sont pourtant clés pour pacifier les relations entre organisations.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1252492019-10-21T20:10:54Z2019-10-21T20:10:54ZDéclaration du « Business Roundtable » sur le rôle de l’entreprise dans la société : quoi de neuf exactement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296880/original/file-20191014-135529-18x83i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C19%2C989%2C639&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelque 181 PDG des plus grandes entreprises américaines se sont engagés en faveur d'un « capitalisme des parties prenantes », le 19 août dernier.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rido / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les débats sur le <a href="https://theconversation.com/quel-role-pour-lentreprise-au-xxi-siecle-90576">rôle de l’entreprise dans la société</a> demeurent animés, même si les tenants de la doctrine selon laquelle seule doit importer la maximisation de la valeur pour l’actionnaire sont de moins en moins audibles. Leurs arguments peinent en effet de plus en plus à convaincre à l’heure où les effets délétères des pratiques de gestion et de management associées à la création de valeur pour les seuls actionnaires sautent un peu plus aux yeux chaque jour (focalisation excessive sur les <a href="https://theconversation.com/du-capitalisme-trimestriel-a-la-paix-economique-des-responsabilites-partagees-78685">performances à court terme</a> au détriment des performances à plus long terme, <a href="https://theconversation.com/podcast-uber-ou-lalgorithme-de-la-dependance-economique-108300">conception minimaliste</a> de la contribution de l’entreprise à son écosystème et à la société, <a href="https://theconversation.com/les-quatre-grandes-lecons-de-laffaire-casino-117844">financiarisation trop poussée</a> des stratégies, etc.)</p>
<p>Dans ce contexte, la récente loi Pacte invite les entreprises françaises à <a href="https://theconversation.com/redefinir-lentreprise-et-sa-contribution-societale-pour-que-la-loi-pacte-ne-soit-pas-un-rendez-vous-manque-103392">redéfinir leur performance</a> et les moyens engagés pour l’atteindre. À une conception étriquée de leur rôle dans la société, beaucoup d’organisations opposent désormais, en la mettant en œuvre, une vision plus globale, intégrant leurs impacts sociaux et environnementaux. Danone, qui avait été un pionnier en opérationalisant le concept de <a href="https://blogs.ubc.ca/irisgu/2014/11/08/triple-bottom-line-of-danone/"><em>triple bottom line</em></a> (une appréciation de la performance sur les trois dimensions complémentaires que sont l’économique, le social et l’environnemental), ne se démarque plus tellement aujourd’hui sur ce point de nombre d’autres entreprises ayant souscrit à une <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rse-devient-incontournable-pour-fixer-la-remuneration-des-dirigeants-101075">vision plus responsable</a> de leur activité et de leurs performances.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1041699444423569408"}"></div></p>
<p>Des relations nouvelles avec leurs partenaires que sont les clients, les fournisseurs, voire les concurrents, sont ainsi expérimentées, en cohérence avec l’idée de la <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">paix économique</a> que certains chercheurs <a href="https://www.pug.fr/produit/1053/9782706117091/Manifeste%20pour%20une%20education%20a%20la%20paix%20economique">appellent de leurs vœux</a>.</p>
<p>Outre-Atlantique, la récente déclaration en faveur d’un « capitalisme des parties prenantes » signée le 19 août dernier par 181 PDG des plus grandes entreprises américaines, parmi lesquels figurent les dirigeants de Apple, Boeing, Johnson & Johnson, Amazon, ou encore JPMorgan Chase, s’inscrit dans le même sens.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Les 2 missions de l’entreprise : 2 versions du capitalisme », Olivier Sibony, professeur affilié à HEC (Xerfi canal, septembre 2019).</span></figcaption>
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<h2>Influencer les choix de politique publique</h2>
<p>C’est en 1972 que John Harper, PDG du groupe Alcoa, et Fred Borch, PDG de General Electric, créent la « Business Roundtable » <a href="https://www.businessroundtable.org/">businessroundtable.org/</a> regroupant les dirigeants des plus grandes sociétés américaines (211 membres aujourd’hui). L’objectif affiché était alors de faire entendre la voix de ces derniers dans le débat public au moment où l’hostilité des citoyens envers les grandes entreprises commençait à poindre et où la réglementation fédérale sur le marché du travail était perçue comme un danger.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297176/original/file-20191015-98674-gav3q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297176/original/file-20191015-98674-gav3q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297176/original/file-20191015-98674-gav3q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297176/original/file-20191015-98674-gav3q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297176/original/file-20191015-98674-gav3q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297176/original/file-20191015-98674-gav3q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=707&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297176/original/file-20191015-98674-gav3q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=707&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297176/original/file-20191015-98674-gav3q9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=707&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait du « Consumer Protection Act Memo » de 1977.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://assets.documentcloud.org/documents/3903380/Business-Roundtable-1977-05-02-Consumer.pdf">Documentcloud.org</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est cette organisation, ayant largement fait la preuve de son efficacité par le passé en infléchissant de façon sensible les décisions et politiques publiques américaines (contribuant notamment, comme premiers faits d’armes, aux <a href="https://www.nytimes.com/1975/11/16/archives/antitrust-bill-stopped-by-a-business-lobby-top-executives-united-in.html">échecs du projet de loi antitrust en 1975</a> et de création d’une agence de <a href="http://www.documentcloud.org/documents/3903380-Business-Roundtable-1977-05-02-Consumer.html">protection des consommateurs en 1977</a>) qui a fait sensation en publiant un texte semblant particulièrement subversif de l’autre côté de l’Atlantique où la primauté des actionnaires est <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/la-modernisation-du-capitalisme-est-annoncee-1129097">moins spontanément remise en cause</a>.</p>
<p>Les signataires s’engagent à « fournir de la valeur à leurs clients », à « investir dans les employés », à « traiter équitablement et éthiquement les fournisseurs », à « soutenir les communautés dans lesquelles ils travaillent », à « protéger l’environnement » et à « générer de la valeur à long terme pour les actionnaires ». Rien de bien nouveau au regard de ce que préconise depuis les années 1970 la <a href="https://www.piloter.org/strategie/theorie-parties-prenantes.htm">théorie des parties prenantes</a>, ou, plus récemment le concept de <a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2014-3-page-10.htm">« symétrie des attentions »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1163405284129353728"}"></div></p>
<p>Rien de nouveau non plus au regard des pratiques des entreprises multicentenaires (connues sous le nom de <a href="https://www.henokiens.com/content.php?id=41&lg=fr">« Henokiens »</a>) qui, et c’est sans doute la clé de leur pérennité, ont toujours su travailler pour l’ensemble de leurs parties prenantes, sans jamais sacrifier certaines d’entre elles.</p>
<p>Si un cercle vertueux peut exister entre rentabilité (une mesure de la création de valeur actionnariale) et compétitivité (une mesure de la création de valeur pour le client), rendant possible la dynamique de la résilience et de la pérennité, un cercle vicieux peut également rapidement s’instaurer lorsque la recherche de rentabilité surpasse les autres conceptions de la performance.</p>
<p>De nombreuses entreprises, sombrant dans les travers du <a href="https://theconversation.com/du-capitalisme-trimestriel-a-la-paix-economique-des-responsabilites-partagees-78685">« capitalisme trimestriel »</a> ont ainsi disparu faute d’avoir su tempérer les possibilités d’améliorer la rentabilité à court terme au détriment de l’investissement préparant la compétitivité et la rentabilité future.</p>
<p>Car voici, de façon très concrète, la nature du choix à opérer : sommes-nous capables de renoncer à un peu de rentabilité à court terme pour améliorer la compétitivité, asseoir la pérennité et sans doute générer davantage de rentabilité à plus long terme ? Conscients des dérives liées au court-termisme, nombreux sont les dirigeants qui, de façon très utilitariste, et sans faire preuve de philanthropisme, ont compris où se trouvait leur intérêt, <a href="https://prophil.eu/fr/presentation/">et celui de leur entreprise</a>.</p>
<h2>Une ambition limitée</h2>
<p>Finalement, l’ambition de la déclaration du 19 août semble limitée et peu novatrice à l’heure où le réchauffement climatique appelle sans doute des <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-ou-en-sont-les-promesses-des-entreprises-60141">réponses d’un tout autre ordre</a> (réduction drastique de notre empreinte environnementale, développement de la solidarité envers les migrants climatiques, etc. Autant de solutions non apportées par la récente déclaration, dont ce n’est clairement pas l’objet, et qui encourage finalement un renforcement léger de l’attention portée aux parties prenantes). Les engagements pris ont toutefois le mérite de faire entrer dans une démarche des acteurs de taille mondiale jusqu’ici peu impliqués, même si certains faisaient déjà plus que ce qu’ils promettaient.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1177125402810159104"}"></div></p>
<p>Si les actes sont au rendez-vous, le potentiel de diffusion des principes adoptés dans toute l’économie, auprès des PME notamment, sera, on peut néanmoins l’espérer, important. En effet, les objectifs des grandes entreprises cotées en bourse ont tendance à se répercuter rapidement et fortement sur les ETI, PME et TPE qui, intégrées dans des chaînes de valeur pilotées par les grandes entreprises, se voient soumises par ces dernières à des conceptions évolutives de la performance, comme en témoignent par exemple les <a href="https://sociology.duke.edu/people/gary-gereffi">travaux</a> du sociologue américain Gary Gereffi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125249/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’engagement des grandes entreprises américaines de réorienter leur activité en faveur de l’ensemble de leurs parties prenantes reprend des préconisations formulées par la théorie dès les années 1970.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1221522019-08-22T20:11:33Z2019-08-22T20:11:33ZDu multilatéralisme aux coalitions hétéroclites<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/288758/original/file-20190820-170956-x6isb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=248%2C58%2C750%2C517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La coopération entre acteurs divers, nouvelle réponse aux défis contemporains&nbsp;?</span> <span class="attribution"><span class="source">REDPIXEL.PL / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les échanges internationaux connaissent actuellement un ralentissement très important qui amène à remettre en cause le phénomène de mondialisation. Bien que les chaînes de valeur de la plupart des produits n’aient jamais été aussi <a href="https://www.youtube.com/watch?v=oLtZCH-RdVI">imbriquées et éclatées</a> à l’échelle mondiale, la période qui s’ouvre se caractérise, et ce sera sans doute le cas pour plusieurs années, par un véritable repli national. Perçue comme étant à l’origine de nos problèmes les plus divers (hausse des inégalités, réchauffement climatique…), la mondialisation est également porteuse de réelles vertus, notamment en constituant l’une des briques essentielles de la paix lorsqu’elle prend la forme du <a href="http://www.maphilosophie.fr/voir_un_texte.php?%24cle=Le%20doux%20commerce">« doux commerce »</a> cher à Montesquieu.</p>
<h2>Une véritable crise du multilatéralisme</h2>
<p>Visant clairement à pacifier des relations internationales trop souvent conflictuelles et débouchant sur la guerre, le multilatéralisme est un mode d’organisation des relations interétatiques qui repose sur la coopération et l’instauration de règles communes. Aujourd’hui clairement remis en cause dans des pays émergents comme le Brésil, mais aussi et surtout par l’administration Trump, le <a href="https://theconversation.com/commerce-international-le-multilateralisme-etait-mort-vivant-trump-lacheve-97893">multilatéralisme est en péril</a>. Il avait pourtant permis, et c’est de loin sa contribution la plus importante, de maintenir la paix, notamment en Europe, région du monde où elle était loin d’être habituelle. C’est ce que rappelait récemment le philosophe Michel Serres en évoquant les <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2016/09/18/2421145-michel-serres-c-est-l-epoque-des-soixante-dix-paisibles.html">« soixante-dix paisibles »</a> pour qualifier la dernière période de paix (relative) vécue en Europe.</p>
<p>Il est, de ce point de vue, révélateur de constater que les avancées les plus significatives du dernier G20 d’Osaka en juin aient concerné les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/vu-du-japon-au-g20-les-rencontres-bilaterales-preferees-aux-negociations-de-groupe">dossiers bilatéraux</a> alors qu’aucune solution n’a été trouvée pour permettre de pérenniser le fonctionnement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont le <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/dispu_f.htm">tribunal</a> est toujours <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/l-omc-un-gendarme-mondial-du-commerce-paralyse_2087384.html">bloqué par les États-Unis</a> qui empêchent la nomination de nouveaux juges.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1009158250971979776"}"></div></p>
<p>La réduction des échanges mondiaux ne constitue pas forcément une mauvaise nouvelle. En faisant reculer le commerce de concurrence (celui qui consiste à importer et à exporter des produits de même nature) plus que le commerce de complémentarité (celui qui vise des produits n’étant pas fabriqués par les importateurs), elle diminue l’impact environnemental des transports sans forcément priver les consommateurs des produits non fabriqués sur leur territoire national.</p>
<p>Certains entrevoient même un possible renouveau des politiques industrielles. Les effets des possibles mouvements de réindustrialisation auraient ainsi des <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/politique-industrielle-mode-demploi-pour-le-xxie-siecle-1034548">effets bénéfiques</a> sur les plans économiques, sociaux et environnementaux.</p>
<h2>De nouvelles formes de coopération</h2>
<p>Toutefois, la crise du multilatéralisme risque de compliquer la résolution de ces problèmes liés au climat ou à la biodiversité. C’est en effet à l’heure où nous aurions le plus besoin d’engagements et d’actions mis en œuvre collectivement, et le plus globalement possible, que la coordination internationale fait le plus défaut. Fort heureusement, c’est précisément sur ce dernier terrain que de nouvelles initiatives voient le jour.</p>
<p>Celles-ci impliquent des pouvoirs publics, des organisations internationales, des ONG, des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs. Elles prennent donc la forme de coalitions hétéroclites d’acteurs qui prennent leurs responsabilités en trouvant dans le collectif la possibilité de renforcer leurs contributions individuelles. Citons par exemple le cas du géant de l’agroalimentaire Danone et du réseau BSR (Business for Social Responsibility) qui ont lancé fin 2018 la plate-forme <a href="http://www.oecd.org/fr/economie/l-ocde-bsr-et-danone-lancent-une-initiative-sur-3-ans-pour-renforcer-la-croissance-inclusive-par-le-biais-d-une-collaboration-public-prive.htm">« Business for Inclusive Growth »</a> (B4IG) « dans le but d’accélérer le processus d’action contre les inégalités et en faveur de l’inclusion ». À plus petite échelle, l’initiative <a href="https://www.lesbonsclics.fr/">« Les bons clics »</a> réunit une entreprise de l’Économie sociale et solidaire (ESS), une start-up, trois associations qui œuvrent pour l’insertion sociale, et un réseau d’associations locales pour lutter contre l’exclusion numérique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AefvBofg2qo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les Bons Clics, une plate-forme pédagogique pour aider les personnes en difficulté sur le numérique.</span></figcaption>
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<p>À l’heure où elles s’interrogent sur le sens et où elles <a href="https://www.lepoint.fr/economie/loi-pacte-la-maif-veut-devenir-la-premiere-grande-entreprise-a-mission-03-06-2019-2316564_28.php">redéfinissent leurs missions</a>, de nombreuses entreprises ont l’occasion de dépasser, dans l’intérêt de tous, leur stricte vocation économique. Une telle évolution plaiderait en faveur de la vision proposée par l’économiste Éloi Laurent dans <a href="http://editionslesliensquiliberent-blog.fr/impasse-collaborative-eloi-laurent/">son dernier ouvrage</a> « L’impasse collaborative », mettant la coopération entre acteurs divers au cœur des évolutions souhaitables et en cours de la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122152/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’heure où les systèmes de coopération interétatiques s’enfoncent dans la crise, de nouvelles formes de coopération voient le jour pour répondre aux grands défis actuels.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1095442019-01-13T20:26:39Z2019-01-13T20:26:39ZTémoignage : travailler demain, un regard managérial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252894/original/file-20190108-32121-w9lmum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C13%2C973%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Repenser la reconnaissance des équipes, les business modèles ou encore les temps de trajets...les chantiers des managers sont nombreux.</span> <span class="attribution"><span class="source">GaudiLab / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>J’ai eu le plaisir de participer, le 30 novembre dernier, au colloque <a href="https://www.fnege.org/uploads/documents/17-et-18-rencontres-sur-la-prospective-des-metiers-2-rencontres-interdisciplinaires5bd85c0e9f71f-programme-provisoire-pdf.pdf">« Travailler demain »</a>, organisé par plusieurs institutions universitaires et l’institut Esprit de Service du Medef, à l’initiative d’Aline Scouarec, professeur à l’IAE de Caen. J’y présentais un papier académique co-écrit avec Jean‑Jacques Nilles, professeur à l’Université de Savoie, mais ce n’est pas le sujet que je souhaite développer ici (il portait sur une forme d’éthique spécifique aux métiers de service).</p>
<p>Mon propos est de partager les quelques réflexions que les interventions que j’ai eu le plaisir d’entendre m’ont inspiré et qui permettent d’envisager le futur du travail en termes de relation entre l’employeur et l’employé : il y est question de <em>care</em> (du prendre soin des équipes), bien sûr, de reconnaissance, toujours, mais aussi de l’évolution du métier RH et de la question des mobilités du quotidien mises en lumière par le récent mouvement dit des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a>… Rapide tour d’horizon, en démarrant par ce dernier sujet.</p>
<h2>Prendre soin des équipes : « Dis-moi où tu vis et où tu travailles, je te dirai comment tu vas (mal) »</h2>
<p>Les échanges m’ont d’abord fait penser aux travaux de Laurent Davezies, professeur au CNAM, lorsqu’il développe la thèse de l’<a href="https://journals.openedition.org/lectures/14875">éclatement de nos lieux de vie</a>, avec cette tripartition de plus en plus banale entre le lieu où l’on habite, celui où l’on travaille et celui où nous consommons (qu’il s’agisse du shopping de Noël ou des stations de ski, pour être dans la tonalité du moment).</p>
<p>Bref, cette dissociation des lieux n’est pas sans conséquence sur nos mobilités du quotidien. Certes, avec le <a href="https://theconversation.com/apres-25-ans-dhesitations-la-france-semble-se-convertir-pour-de-bon-au-teletravail-107085">développement du télétravail</a> – de grandes entreprises proposent ainsi jusqu’à deux journées par semaine dans un cadre légal qui désormais le <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/la-vie-du-contrat-de-travail/article/teletravail-mode-d-emploi">favorise grandement</a> – cette désynchronisation tendra peut-être à se réduire un peu, mais le mouvement des « gilets jaunes » tend à souligner combien la question des déplacements pendulaires domicile – travail est aujourd’hui une question de société.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1080480248909697024"}"></div></p>
<p>En ce sens, travailler demain, c’est donc imaginer des solutions innovantes pour résoudre cette équation spatiale créatrice d’inégalités sociales, une autre forme de la <a href="https://journals.openedition.org/ries/872">« lutte des places »</a> dont parle si justement le géographe Michel Lussault. Et il me semble alors que parler d’expérience collaborateur, de symétrie des attentions ou, comme je le fais, de management par le <a href="https://theconversation.com/experience-client-symetrie-des-attentions-et-care-un-changement-dere-94934"><em>care</em></a>, implique de se soucier de cette équation – et certes le télétravail peut y participer, mais pour certains types de métiers seulement.</p>
<p>Dans tous les cas, il incombe aux entreprises, à la convergence de leurs politiques RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et RH (ressources humaines), d’aider à résoudre une équation spatiale complexe créatrice d’expériences collaborateurs négatives (fatigue, stress et inconforts divers liés au temps de trajet) dont les <a href="https://www.fondation-travailler-autrement.org/2018/06/15/temps-trajet-domicile-travail-impacts/">coûts « cachés »</a> (notamment en termes de <em>turnover</em> et d’absentéisme) sont loin d’être négligeables.</p>
<h2>Une DRH plus connectée au « business »</h2>
<p>Travailler demain, cela signifie aussi que l’on développe une certaine vision du futur du métier RH. Qui, en effet, est plus légitime pour accompagner les changements, préparer l’adaptation des compétences notamment ?</p>
<p>Or, cela implique de mieux connecter le métier RH aux modèles économiques du futur (et je parle à dessein au pluriel, car il est très probable que les entreprises auront de plus en plus non pas un mais DES modèles de revenu). Car si les directeurs·trices des ressources humaines ne participent pas aux réflexions amont sur les évolutions des modèles d’affaires, ils ne pourront pas « prendre leur place », c’est-à-dire anticiper les transformations.</p>
<p>Plus concrètement, et c’est le consultant André-Benoît de Jaeggere qui a précisé ce qui suit lors du colloque, cela veut dire :</p>
<ul>
<li>Un·e DRH plus impliqué·e sur le terrain de l’innovation/des nouveaux modèles économiques, notamment via les écosystèmes ouverts (<em>Open Innovation</em>) qui se développent partout, sous des formes variées – <em>fab lab</em>, lab d’innovation, incubateur, etc. Dans ces lieux s’élaborent des innovations, des pratiques nouvelles, des hybridations… dont les RH doivent pouvoir être non seulement parties prenantes mais initiatrices ! En étant présentes dans ces cercles, en y apportant leur regard et leur sensibilité, en veillant à y impliquer l’ensemble des collaborateurs, ils sont dans leur rôle.</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252895/original/file-20190108-32121-wkjcne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252895/original/file-20190108-32121-wkjcne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252895/original/file-20190108-32121-wkjcne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252895/original/file-20190108-32121-wkjcne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252895/original/file-20190108-32121-wkjcne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252895/original/file-20190108-32121-wkjcne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252895/original/file-20190108-32121-wkjcne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les RH doivent aujourd’hui investir les fab lab !</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sergey Privalov/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li>Plus globalement, les ressources humaines devraient être les garantes d’une ouverture plus grande sur l’extérieur, j’ai coutume de dire une « oxygénation », dans les secteurs traditionnels dans lesquels, très souvent, les équipes n’ont connu « que » cet aspect du monde. En aidant à décloisonner, en facilitant cette forme de mobilité (intellectuelle), le métier RH joue un rôle clé. Car l’entreprise ne s’ouvre vraiment sur son environnement extérieur que si chacun·e se sent concerné·e et possiblement moteur dans cette dynamique des frontières étendues.</li>
</ul>
<h2>Les nouvelles formes de reconnaissance, ou la « société des deux piliers »</h2>
<p>Comme nous l’enseigne le <a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/niort/jean-viard-le-temps-libre-privatise-le-lien-social">sociologue Jean Viard</a>, et cette vision était opportunément reprise dans les échanges par le délégué général de la FNEGE (Fondation nationale pour L’enseignement de la gestion des entreprises) et ancien professeur à l’ESSEC Maurice Thévenet, nous sommes aujourd’hui dans une société qui valorise autant le travail que les loisirs, ces deux piliers de nos vies.</p>
<p>En ce sens, il ne s’agit pas de dire que le travail ne compte plus, mais simplement de réaffirmer qu’il compte autant que les autres activités humaines. Le travail n’est pas second, mais bien à parité avec nos loisirs, car il demeure une source incontestable d’identité et d’estime sociale, donc de reconnaissance, au sens où l’entend le philosophe et sociologue allemande <a href="https://www.etudier.com/dissertations/La-Th%C3%A9orie-De-La-Reconnaissance-d%E2%80%99Axel/453727.html">Axel Honneth</a>.</p>
<p>Cela ne signifie donc pas que la quête d’un équilibre entre nos vies personnelles et professionnelles se jouerait toujours et systématiquement à la défaveur du premier, que nous tendrions à privilégier : il s’agit bien d’un équilibre dans lequel nos vies professionnelles sont une composante essentielle de ce rapport à soi positif que nous recherchons tous et qui est si dépendant du rapport aux autres – nos collègues, nos managers, etc.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252896/original/file-20190108-32136-1onjasr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252896/original/file-20190108-32136-1onjasr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252896/original/file-20190108-32136-1onjasr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252896/original/file-20190108-32136-1onjasr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252896/original/file-20190108-32136-1onjasr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252896/original/file-20190108-32136-1onjasr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252896/original/file-20190108-32136-1onjasr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les entreprises peuvent valoriser les activités que les collaborateurs exercent sur leur temps libre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aldarinho/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Le second pilier, celui des loisirs, ouvre donc un formidable espace à notre besoin de reconnaissance et les entreprises pourraient donc y rechercher de nouvelles formes de valorisation de leurs collaborateurs – en soutenant, par exemple, l’activité de <em>YouTuber</em> de son collaborateur dès lors qu’elle porte sur un sujet qui a du sens pour elle – la protection de l’environnement par exemple. Avec, évidemment, son assentiment, et dans le respect de sa vie privée. Travailler demain, c’est sans doute reconnaître toujours plus et autrement.</p>
<h2>« Qualité du travail au travail »</h2>
<p>Avec un coût de l’absentéisme au travail évalué à plus de <a href="https://theconversation.com/arrets-de-travail-et-ras-le-bol-managerial-106106">100 milliards d’euros</a> chaque année en France (oui, vous avez bien lu !), il devient évident que la question ne peut se limiter à la qualité de vie au travail, mais qu’elle doit englober une réflexion sur l’utilité perçue du travail. Je rejoins ici la vision que porte l’anthropologue britannique David Graeber lorsqu’il développe son analyse des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/11/david-graeber-les-bullshit-jobs-se-sont-multiplies-de-facon-exponentielle-ces-dernieres-decennies_5353406_3234.html">« Bullshit Jobs »</a>, c’est-à-dire ces métiers dont l’utilité pour l’opérateur lui-même est loin d’être évidente (alors même qu’il s’agit d’emplois relevant, pour la plupart, du tertiaire supérieur).</p>
<p>En ce sens, la « qualité du travail au travail » évoquée par Maurice Thévenet renverrait tout à la fois à son sens (c’est-à-dire à son utilité sociale et à ses bénéfices en termes d’estime sociale pour revenir à Alex Honneth), à la qualité des relations que j’y noue (avec mes collègues comme avec mon manager et/ou mes clients et partenaires externes), à l’aune de ce besoin de convivialité et de « faire communion » dont le sociologue <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-livre-du-jour/homo-eroticus-des-communions-emotionnelles-de-michel-maffesoli_1744619.html">Michel Maffesoli</a> parle si justement dans son ouvrage « Homo Eroticus : des communions émotionnelles ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Michel Maffesoli présente son livre « Homo eroticus, des communions émotionnelles ».</span></figcaption>
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<p>Où l’on voit qu’il ne suffit pas de créer des occasions de « faire la fête » (même si cela compte !) et d’installer des baby-foot pour faire corps ensemble et donner ainsi une vraie dimension socialisante et porteuse de « bien-être » au travail.</p>
<h2>Concrétiser l’éthique du <em>care</em></h2>
<p>Pour finir, quel bonheur d’entendre François Silva, professeur à Kedge Business School, parcourir les sujets « qui comptent » pour lui aujourd’hui :</p>
<ul>
<li><p>« L’élément central, c’est la relation », ce qui est bien une manière de définir cette forme d’éthique… et ce qui nous renvoie au paragraphe qui précède.</p></li>
<li><p>« Libérer la parole, savoir se parler », quand l’éthique du <em>care</em> souligne l’importance du « pouvoir de dire » (en l’occurrence, que l’on donne ou non aux équipes). Il cite une étude de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (<a href="https://www.anact.fr">ANACT</a>) qui met en lumière un sujet formulé d’une façon intéressante : « Apprendre à discuter ».</p></li>
</ul>
<p>Autrement dit, utiliser l’art de la conversation en entreprise comme premier levier de considération… Savoir se parler, c’est en effet une marque de cette « reconnaissance mutuelle » chère à Axel Honneth qui ne serait donc plus si commune aujourd’hui dans nos entreprises.</p>
<p>François Silva a enfin souligné que cela n’était pas sans conséquence sur le rôle des managers : être eux-mêmes en situation d’écoute, favoriser une parole libre mais respectueuse de chacun·e, se positionner comme le médiateur de cette parole, et, partant, des idées, propositions, suggestions… de son équipe.</p>
<p>Des managers qui ont donc une grande responsabilité dans l’accompagnement des évolutions trop rapidement évoquées ici et qui sont à l’origine d’une transformation profonde du travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109544/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Meyronin travaille en tant que directeur général d'une société de conseil & de formation, Care Expérience, filiale du groupe DOMPLUS. Il préside également la fondation de Grenoble Ecole de Management où il est professeur permanent. </span></em></p>Les échanges du colloque « Travailler demain » ont offert un éclairage précieux sur les bonnes pratiques managériales à mettre en place pour accompagner au mieux les évolutions actuelles.Benoît Meyronin, Professeur senior à Grenoble Ecole de Management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1092052019-01-08T19:05:47Z2019-01-08T19:05:47ZPasser du capital humain au potentiel humain pour un management plus vertueux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252157/original/file-20181230-47292-12axqdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C4%2C991%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La gestion du Potentiel humain prend en compte toutes les dimensions de l’individu : son savoir-faire, son savoir-être, ou encore ses besoins psychologiques propres.</span> <span class="attribution"><span class="source">Oatawa/ Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Rarement dans l’histoire la question de l’engagement des salariés au travail n’a été à ce point considérée comme cruciale. Une telle situation découle de la reconnaissance, fondée sur les résultats de nombreuses <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/vie-de-bureau/bien-etre-au-travail-pourquoi-les-salaries-francais-sont-parmi-les-plus-desengages-d-europe_595166">études</a> (notamment les synthèses annuelles de l’institut Gallup), des liens entre engagement et performance, ainsi que du problème posé par un désengagement croissant et reposant sur des facteurs multiples, comme nous l’évoquions dans un article récent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/desengagement-des-salaries-au-travail-un-eclairage-et-des-pistes-de-solution-fondes-sur-la-qualite-des-relations-client-fournisseur-102168">Désengagement des salariés au travail : un éclairage, et des pistes de solution, fondés sur la qualité des relations client-fournisseur</a>
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<p>Réconciliant les besoins des entreprises et les attentes des salariés, l’éditorialiste Jean‑Marc Vittori affirmait récemment qu’après avoir recruté des « bras » puis des « cerveaux », les entreprises devaient se préparer à recruter des <a href="https://www.lesechos.fr/14/01/2016/lesechos.fr/021620697193_quand-les-entreprises-embaucheront-des-coeurs.htm">« cœurs »</a>.</p>
<h2>Des salariés mieux reconnues</h2>
<p>Les qualités relationnelles et compétences émotionnelles apparaissent en effet d’ores et déjà comme les clés de succès des équipes performantes. De la gestion du personnel au développement du capital humain, en passant par la gestion des ressources humaines, les relations entre l’entreprise et ses salariés a évolué avec la reconnaissance croissante du rôle de ces derniers.</p>
<p>C’est pourquoi nous proposons ici de développer la notion de potentiel humain, concept possiblement au cœur de la prochaine grande évolution des relations humaines dans l’entreprise, qui semble préférable à la notion de capital humain qui prédomine aujourd’hui en entreprise.</p>
<h2>Le capital humain, un concept dépassé</h2>
<p>La notion de capital humain est entrée dans le jargon des entreprises comme étant « l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire » selon les termes de <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2016-1-page-65.htm">Gary Becker (1964)</a>.</p>
<p>C’est l’économiste américain <a href="https://charlesgide2016.sciencesconf.org/86212/document">Theodore Schultz</a> qui, dès 1961, est le premier à utiliser l’expression de « capital humain ». Quelques années plus tard, Becker, en l’approfondissant, contribuera à vulgariser le concept, allant jusqu’à proposer la <a href="https://www.lenouveleconomiste.fr/theorie-capital-humain-de-gary-becker-60930/">théorie du capital humain</a> pour laquelle il obtiendra le prix « Nobel » d’économie. Cette théorie distingue trois éléments constitutifs du capital humain : les compétences, les expériences et les savoirs. Elle insiste également sur un point important : la distinction opérée entre le capital humain spécifique (les compétences non transférables à un tiers) et le capital humain générique (les compétences transférables).</p>
<p>Un des problèmes posés par l’application de la théorie est d’avoir souvent retenu le capital humain générique au détriment du capital spécifique. Le capital humain est alors conçu comme un stock de connaissances que l’on pourrait interchanger entre plusieurs individus. Cette conception amène la plupart des entreprises à considérer la « masse salariale » comme un coût à rentabiliser. Ne parle-t-on pas du <em>coût</em> du travail, de <em>charges</em> sociales ? De telles conceptions nous éloignent d’ailleurs d’une mise en pratique plus concrète et réelle de la <a href="https://theconversation.com/quand-lhumain-devient-capital-les-conditions-de-la-paix-economique-84326">paix économique</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Le baratin de la théorie du capital humain », Chronique de Christian Chavagneux sur Xerfi canal (2018).</span></figcaption>
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<p>Une telle mise en pratique pourrait reposer sur le fait de remettre l’humain au centre de l’entreprise, en considérant ce dernier comme un véritable potentiel à découvrir, à laisser émerger. Nous passerions alors de la notion de <em>capital</em> humain à celle de <em>potentiel</em> humain, le potentiel étant à entendre comme la capacité à évoluer.</p>
<h2>Réconcilier l’économique et l’humain en entreprise</h2>
<p>Pour bien comprendre la notion de potentiel humain, il importe de repenser les notions de motivation, de performance et de management. Les motivations extrinsèques (de type carotte ou bâton) sont de moins en moins compatibles avec les aspirations des collaborateurs, ces derniers étant de plus en plus en <a href="http://www.lefigaro.fr/entrepreneur/2017/11/09/09007-20171109ARTFIG00002-le-sens-au-travail-ou-la-quete-du-graal-des-salaries-francais.php">recherche de sens</a>.</p>
<p>Avec le potentiel humain, la motivation intrinsèque est reconnue à sa juste mesure comme la principale source d’engagement des collaborateurs. Cette motivation implique également la mise en œuvre de la coresponsabilité où chaque salarié est auteur et acteur de son épanouissement et de sa performance professionnelle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/252580/original/file-20190106-32151-n51hy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252580/original/file-20190106-32151-n51hy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252580/original/file-20190106-32151-n51hy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252580/original/file-20190106-32151-n51hy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252580/original/file-20190106-32151-n51hy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252580/original/file-20190106-32151-n51hy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252580/original/file-20190106-32151-n51hy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252580/original/file-20190106-32151-n51hy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Envisager l’angle de la gestion du potentiel humain, c’est prendre en compte de manière exhaustive toutes les dimensions qui composent l’individu : son savoir-faire (ses compétences techniques), son savoir-être (compétences relationnelles et émotionnelles), les besoins psychologiques qui lui sont propres, etc.</p>
<p>En ce qui concerne la performance de l’entreprise, la pyramide inversée proposée dans l’ouvrage collectif <em>Réconcilier l’economique et l’humain en entreprise</em>, coordonné par l’ex-cadre dirigeant de groupes internationaux Gérard Desmaison nous semble un outil d’analyse particulièrement utile.</p>
<p>Dans cette vision des choses, la performance n’est qu’une conséquence du bien-être des collaborateurs et de la satisfaction des clients. C’est cette vision qui a fait le succès récent de l’ouvrage de l’homme d’affaires indien Vineet Nayar « Employees First, Customer Second ». Il ne s’agit pas seulement de se focaliser sur des indicateurs de performance complémentaires aux traditionnels indicateurs financiers (satisfaction des clients, bien-être au travail…) mais de donner à ces indicateurs, finalement pas si nouveaux, un rôle bien plus central en les rendant prioritaires.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Les employés d’abord, les clients ensuite », Conférence de Vineet Nayar lors du TEDx Aix (2015).</span></figcaption>
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<h2>Des DRH aux directions de la mobilisation des potentiels humains</h2>
<p>Face aux enjeux de la robotisation et de l’intelligence artificielle, les entreprises vont devoir faire face à des nouvelles façons de travailler, comme nous l’<a href="https://theconversation.com/robolution-comment-les-robots-changent-nos-entreprises-83855">évoquions récemment</a>. Grâce au développement du potentiel humain, les entreprises apparaissent en mesure de permettre l’émergence de la créativité, de l’intelligence émotionnelle et des talents insoupçonnés dans leur entreprise.</p>
<p>Les directions des ressources humaines qui cherchent à motiver des collaborateurs devront alors faire place à des directions de la <em>mobilisation des potentiels humains</em>. Le collaborateur sera alors mis en situation de devenir l’acteur de sa réalisation professionnelle en mobilisant le meilleur de lui-même. Il deviendra ainsi un « collabor’acteur » de son chemin professionnel au sein de l’entreprise, il n’a pas besoin d’être « motivé » en devenant son propre moteur au sein de l’organisation qui lui fait confiance et lui permet d’exploiter au mieux son potentiel.</p>
<p>Tout ceci nécessite un changement vers un management plus humaniste, global et qualitatif qui génère l’envie et l’engagement des « collabor’acteurs ».</p>
<p>La vision proposée par le philosophe Jean Bodin au XVI<sup>e</sup> siècle selon laquelle « il n’est de richesse que d’hommes » conserve donc, plus que jamais sa pertinence. La manière dont la contribution des individus a été envisagée au fil de l’histoire a considérablement évolué. Gageons que cette évolution, loin d’être terminée, va se poursuivre face aux transformations en cours de la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En se focalisant davantage sur la capacité à évoluer des salariés, les entreprises créeraient aussi bien des conditions de performance que de paix économique.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Delphine Delaunois, Coach professionnel, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1088942018-12-19T23:39:41Z2018-12-19T23:39:41ZRepenser l’échec comme une chance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250784/original/file-20181216-185252-13o32vd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C997%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Si l’on n’apprend pas à échouer, alors on échoue à apprendre » (Tal Ben-Shahar)</span> <span class="attribution"><span class="source">Patpitchaya / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’échec est une situation dont on parle surtout en catimini. On le chuchote, on commente les échecs des autres en espérant ne pas se faire pincer un jour à notre tour. C’est la mauvaise copie montrée devant la classe à l’école primaire, ce mauvais souvenir du bonnet d’âne et du piquet au fond de la classe. Ce sont ces corrections marquées de rouge (sang) et de « peut mieux faire », « n’a pas travaillé », « n’a rien compris », et autres… qui font perdre confiance.</p>
<p>Pourtant cet échec pourrait apporter un apprentissage, une opportunité. Se confronter à la difficulté ne fait-il pas partie de l’apprentissage ? « L’échec n’est qu’une preuve négative ; l’échec est toujours expérimental » (<a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/bachelard_gaston/intuition_de_instant/intuition_de_instant.html">Bachelard, 1932</a>). Ne tombe-t-on pas en apprenant à faire du vélo ? Sait-on gagner une compétition sportive juste après le visionnage d’un champion ? La langue ne fourche-t-elle pas dans la découverte du langage ?</p>
<p>La langue est par exemple un marqueur intéressant mais trompeur de réussite. Nous avons tendance à valoriser un <a href="http://www.lefigaro.fr/entrepreneur/2016/10/13/09007-20161013ARTFIG00248-ceux-qui-parlent-tres-vite-sont-aussi-les-plus-convaincants.php">débit de parole rapide</a>, une absence d’à-coup dans le choix des mots. Pourtant, à s’arrêter un instant devant ces experts qui parsèment l’espace télévisuel et qui répondent du tac-au-tac, sans coup férir, aux questions les plus insolubles sur la guerre en Syrie, la politique mondiale ou l’intelligence artificielle, on se dit que l’on aimerait les voir ralentir, réfléchir, voire bégayer. On les sentirait alors en difficulté devant tant de complexité. Ils seraient enfin « à la <a href="https://abhaths.blogspot.com/2014/03/gilles-deleuze-une-pensee-de.html">pointe de (leur) ignorance</a> » (Deleuze, Abécédaire), à cet endroit où la lenteur, le bégaiement, les heurts du langage et de la pensée manifesteraient à la fois son échec et sa véritable production.</p>
<h2>Apprécier l’effort</h2>
<p>Une étude intéressante de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QGvR_0mNpWM">Carol Dweck</a>, professeur de psychologie à Stanford, (2006) montre l’importance de la façon dont on félicite (ou non) les divers apprentissages de l’enfant. Faire l’éloge de l’intelligence de l’enfant va lui faire craindre de ne pas réussir une autre tâche, car c’est son intelligence qui sera remise en cause s’il ne réussit pas. Les traces psychologiques restent, s’accumulent et font trembler devant les défis. Faire, au lieu de cela, l’éloge du travail fourni par l’enfant va lui faire accepter d’essayer des choses, dussent-elles échouer, car c’est l’effort qui est apprécié.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QGvR_0mNpWM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« The new psychology of success », conférence de Carol Dweck (2013).</span></figcaption>
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<p>La vision de l’échec est, on le voit bien, culturelle. En France, il est une douloureuse expérience. On évitera d’en discuter lors d’un entretien d’embauche, rien ne paraîtra sur le CV. Il est pourtant des épreuves qui font grandir, prendre du recul, ajuster les valeurs et priorités. Mais parler par exemple d’une démission pour incompatibilité d’humeur est suspect, il faut trouver d’autres explications pour ne pas être catalogué dans la case de l’incapacité à s’adapter. L’échec est vu comme preuve de faiblesse, alors que cette « faiblesse », si elle finit par exister effectivement, comme une peur, une crainte du risque, a été générée et renforcée par notre perception accusatrice (<a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/anthropologie-ethnologie/cles-du-destin_9782738117212.php">Amadieu, 2006</a>).</p>
<p>Des changements fréquents dans la carrière sont analysés comme une instabilité. En Allemagne, aux États-Unis, en Suisse, les détours d’une carrière plus ou moins couronnée de succès ou d’échecs sont tous marqueurs d’évolution, d’enrichissement, de remise en question, de questionnement. Il y est accepté de changer de métier, de formation, même au bout de quelques mois seulement. Ce ne sont pas là des comportements de girouettes hésitantes, mais d’alouettes qui se saisissent des courants.</p>
<h2>L’échec est formateur</h2>
<p>L’échec durant les études, de la petite enfance aux études supérieures est jugé comme un enjeu que l’on n’a pas assez préparé, pas intégré, mal compris, interprété différemment. L’enjeu est fort et effrayant. Un examen d’entrée ou de sortie ouvre ou ferme une porte. On voit des candidats se transformer en automates, usant de gestuelles et d’un langage parfois bien maladroit lors de toutes situations de jurys d’embauche ou de concours. C’est bien leur identité qui est touchée s’ils échouent. La non-validation d’un module durant leur parcours d’études peut leur faire passer à côté d’un CDI ou d’une belle opportunité de V.I.E. dans un pays lointain qui aurait boosté leur CV.</p>
<p>Pourtant ils savaient bien qu’ils ne devaient pas échouer. Parfois c’est l’état d’être du moment qui est responsable. Une fatigue accumulée, des grands efforts sur d’autres priorités, une préparation de dernière minute, une grippe, une dispute, une mauvaise nouvelle, un aléa, ou rien que la crainte de l’échec, et c’est le syndrome de la page blanche, la paralysie. Les réponses – ah mais oui ! c’était tellement évident ! – n’arrivent qu’après l’épreuve. Et c’est la fin du monde. La route que l’on s’était fixée est brisée sous une avalanche. Que dire lors de son entretien de recrutement de demain ?</p>
<p>À moins que l’habitude de passer du temps sur ce qu’il y a à savoir, discuter, échanger, transformer, challenger, analyser (les erreurs notamment), ce que l’on a toujours prôné en pédagogie, ne soit plus à l’ordre du jour : apprendre pour la note, en croisant les doigts pour ne pas avoir une défaillance de mémoire, et non pas pour savoir et intégrer.</p>
<p>Là où l’on reconnaît que l’échec est formateur, comme pour le stratégiste qui s’affine au fur et à mesure de ses parties d’échec, c’est bien parce qu’il pousse à l’analyse. Que puis-je faire pour me sortir de là ? Dépasser la blessure émotionnelle de l’égo. « Si l’on n’apprend pas à échouer, alors on échoue à apprendre » (<a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/l-apprentissage-de-l-imperfection-9782714446206/">Tal Ben-Shahar, 2010</a>). Où se situent les responsabilités lorsque nous évaluons une situation d’échec ? Le psychologue américain Julian Rotter suggérait en <a href="https://books.google.fr/books/about/Social_Learning_and_Clinical_Psychology.html?id=QtXhAQAACAAJ&source=kp_cover&redir_esc=y">1954</a> qu’il y a diverses postures pour interpréter l’échec ; à commencer par différencier le locus de contrôle interne du locus de contrôle externe. Il peut y avoir du positif dans les deux, mais accorder trop d’importance à l’un sur l’autre peut figer dans la crainte et mener à l’échec.</p>
<ul>
<li><p>Locus de contrôle externe : Vision négative, tout est de la faute des autres, ils m’en veulent, ne m’aiment pas, me mettent les bâtons dans les roues, me condamnent (au secours) ; vision positive, je ne suis pas responsable de tout ce qui m’arrive, il y a des occurrences, je fais ce que je peux (les circonstances seront meilleures demain).</p></li>
<li><p>Locus de contrôle interne : Vision négative, tout ce qui m’arrive est de ma faute. Je ne suis pas compétent·e, c’est même pire je suis nul·le (je n’y arriverai jamais) ; vision positive, j’ai une part de responsabilité, dans mon comportement, dans mes perceptions, dans le travail que j’ai fourni ; je dois réfléchir à cela (c’est peut-être une opportunité).</p></li>
</ul>
<h2>L’échec pousse à chercher des solutions</h2>
<p>Le psychanalyste Christophe Dejours analyse en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=BLet1cNcGlw&list=PL1DB7CC4B3D580C43">2011</a> que, dans le travail, on est fréquemment confronté à l’échec, et que c’est cet échec qui nous pousse à chercher des solutions ; tout comme l’artiste musicien aura répété ses gammes un grand nombre de fois, même dans d’immenses frustrations, la danseuse du bal des cygnes aura chuté dans ses innombrables répétitions, le peintre aura fait des erreurs de perspective et des assemblages peu flatteurs. L’instituteur raffinera sa perception de l’ambiance dans la classe. Alors le manager aura lui aussi, à force d’expérience et de connaissances, appris à se sortir de certitudes stéréotypées et de recettes toutes faites pour accueillir les difficultés et les échecs avec optimisme (<a href="http://www.maxima.fr/index-fiche-192-L-entreprise-sans-la-psychologie-travailler-avec-les-autres-en-fonction-de-ce-qu-ils-font-et-non-de-ce-qu-ils-sont.html">Michalon &amp ; Roche, 1996</a> ; <a href="http://www.mintzberg.org/books/managers-not-mbas">Mintzberg, 2005</a>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BLet1cNcGlw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« J’ai très mal au travail », Christophe Dejours (2011).</span></figcaption>
</figure>
<p>Accueillir l’échec constitue finalement un retour bienveillant vers l’action indéterminée, celle dont on ne sait précisément ce qu’elle sera, qui ne peut suivre des recettes toujours déjà là ; celle qui ouvre toujours au mélange entre beau geste, ingéniosité et efficacité, entre esthétique et performance. Cette réconciliation constitue précisément l’un des axes de réflexion de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paix-economique-36749">Paix économique</a>, remettant en cause les séparations artificielles qui ont trop longtemps imprégné le monde du travail en générant micro-traumatismes et macro-violences préjudiciables à une création de valeur économique et sociale durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108894/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Notre rapport culturel à l’échec est source de dégâts sur les individus et les organisations. Or, l’échec, inéluctable, aide aussi à trouver des opportunités.Isabelle Né, Enseignante-chercheure en Sciences de Gestion, Grenoble École de Management (GEM)Raffi Duymedjian, Professeur associé,, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1086192018-12-14T01:25:07Z2018-12-14T01:25:07ZLe bonheur, à quel prix ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249956/original/file-20181211-76986-o81x8x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C14%2C986%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les injonctions au bonheur risquent paradoxalement de conforter des pratiques déshumanisantes. </span> <span class="attribution"><span class="source">Billion Photos / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249989/original/file-20181211-76986-bl8k7i.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249989/original/file-20181211-76986-bl8k7i.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=949&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249989/original/file-20181211-76986-bl8k7i.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=949&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249989/original/file-20181211-76986-bl8k7i.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=949&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249989/original/file-20181211-76986-bl8k7i.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1193&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249989/original/file-20181211-76986-bl8k7i.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1193&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249989/original/file-20181211-76986-bl8k7i.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1193&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Happycratie », d’Éva Illouz et Edgar Cabanas (Ed.Premier Parallèle, 2018).</span>
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<p>Le récent ouvrage « Happycratie : comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies », de la sociologue Éva Illouz et du docteur en psychologie Edgar Cabanas a relancé le débat sur le bonheur comme finalité sociale de l’entreprise et de la société. <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/les-patrons-de-pme-croient-aux-vertus-du-bonheur-au-travail-1067953.html">Patron·ne·s</a>, <a href="https://www.theguardian.com/politics/2010/nov/14/david-cameron-wellbeing-inquiry">politiques</a>, <a href="http://fabriquespinoza.fr">citoyen·ne·s</a>, <a href="https://www.anact.fr/le-bonheur-au-travail-en-replay-sur-arte">salarié·e·s</a>, <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/wellbeing">stastiticien·ne·s</a>, <a href="https://theconversation.com/de-coca-ser-le-bonheur-53720">grands industriel·le·s</a>, <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/10/12/01016-20101012ARTFIG00839-le-bonheur-concept-en-vogue-observe-a-la-loupe.php">chercheur·e·s</a>, tou(te)s semblent s’être converti·e·s à ce nouvel eldorado social. Alors <a href="https://www.youtube.com/watch?v=d-diB65scQU">« Don’t worry, be happy »</a>… <em>really</em>) ? Et à quel prix ?</p>
<p>« Le <a href="https://www.armand-colin.com/le-prix-du-bonheur-lecons-dune-science-nouvelle-9782200350345">prix du bonheur</a> », c’est justement le titre français d’un autre best-seller, signé cette fois-ci de l’économiste anglais Sir Richard Layard publié en 2007.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249991/original/file-20181211-76977-xwpq0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249991/original/file-20181211-76977-xwpq0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=953&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249991/original/file-20181211-76977-xwpq0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=953&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249991/original/file-20181211-76977-xwpq0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=953&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249991/original/file-20181211-76977-xwpq0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1197&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249991/original/file-20181211-76977-xwpq0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1197&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249991/original/file-20181211-76977-xwpq0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1197&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Le prix du bonheur : leçons d’une science nouvelle », de Richard Layard (Ed.Armand Colin, 2007).</span>
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</figure>
<p>L’objectif de ses travaux est d’aboutir à « une science du bonheur », avec <a href="https://theconversation.com/quand-le-bonheur-fait-sa-loi-97280">ses lois et ses experts</a>, guidant les comportements individuels et collectifs. Cette conception est <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/2231867.pdf"><em>welfariste</em></a>, car elle adopte un critère unique d’évaluation, qui amène à considérer comme secondaire les valeurs que sont la justice, la liberté, l’autonomie, etc. Elle est également positiviste, puisqu’elle considère les indicateurs comme neutres, ce qui n’a rien d’évident si l’on se réfère à la sociologie de la quantification (voir vidéo ci-dessous). Elle est enfin <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/t%C3%A9l%C3%A9ologique">téléologique</a> au sens où elle évalue les actions individuelles, organisationnelles et les politiques publiques au regard de leurs effets sur le bonheur.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/45250892" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence « Raison et probabilité », Alain Desrosières (EHESS), 2005.</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette triade – <em>welfariste</em>, positiviste et téléologique – constitue à notre sens la marque des approches scientifiques les plus normatives – et les plus problématiques – sur la question du bonheur. Quelle triade alternative est possible ? Pluralisme, constructivisme et pragmatisme constituent une <a href="http://bernard.perret.pagesperso-orange.fr/indicsoc.html">autre approche</a> des questions du bien-être. Mais le champ de recherche très dynamique qu’est aujourd’hui l’<a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-__conomie_du_bonheur-9782707167033.html">économie du bonheur</a>, à la croisée de la psychologie positive et de l’économie, semble être le plus influent du fait de la reprise massive de ses résultats dans les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SNhXrwNYLQ8">émissions de télévision</a>, les <a href="https://www.marieclaire.fr/comment-etre-10-plus-heureux,1250434.asp">journaux grands publics</a>, les <a href="https://numerique.dunod.com/84906/Pourquoi-les-gens-heureux-vivent-plus-longtemps-.ebook">manuels de développement personnel</a>, etc.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SNhXrwNYLQ8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Premier épisode de la série <em>J’ai décidé d’être heureux</em> diffusée sur M6 en 2013.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Quelles promesses ?</h2>
<p>Trouver la manière d’enseigner aux gens de prendre <a href="http://ses.ens-lyon.fr/ses/fichiers/Articles/veenhoven1997.pdf">plaisir à vivre</a>, telle est l’ambition du courant de l’économie du bonheur qui poursuit une finalité a priori difficilement contestable : fournir des clefs, des protocoles scientifiquement validés, permettant d’augmenter le niveau de bonheur des citoyen·ne·s et/ou des employé·e·s.</p>
<p>En effet, les personnes évoluent au quotidien dans des contextes sociaux, politiques, environnementaux et organisationnels par ailleurs reconnus comme anxiogènes, déstabilisants, précarisants et inégalitaires. <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000304.pdf">Les impacts de tels environnements sur la santé physique et psychique sont maintenant bien documentés (coûts pour la sécurité sociale du stress, consommation d’anxiolytiques, etc.)</a> À cet égard, donner à chacun·e les clefs pour agir sur son mal-être, spécifiquement en se concentrant sur l’accroissement de son mieux-être, peut sembler une solution économiquement sensée, et humainement louable.</p>
<p>Ainsi, en première analyse, l’idée que le « bonheur » devrait être l’objectif prioritaire des gouvernements et des dirigeant·e·s d’entreprise semble un projet fondamentalement humaniste et éthique.</p>
<h2>Tout va très bien alors ?</h2>
<p>Dans un contexte de <a href="https://summerschool.degrowth.org/2016/06/08/limits-to-growth-2/">crise</a> sociale, environnementale, démocratique et politique, cet engouement pour le bonheur interroge. Cette réflexion sur l’accomplissement individuel constitue-t-elle un levier d’émancipation et de transformation ? Est-elle un requiem au bonheur avant l’<a href="https://pabloservigne.com/comment-tout-peut-seffondrer/">effondrement</a> ? Sommes-nous passés à une forme de ritournelle collective du type <a href="https://www.youtube.com/watch?v=T5WdpSPeQUE">« Tout va très bien madame la marquise »</a> ? La poursuite acharnée du bonheur, dans un contexte de <a href="http://1libertaire.free.fr/HArendt01.html">malheur généralisé</a>, ne sont-ils pas les signes d’une société <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/une-societe-a-la-derive-entretiens-et-debats-1974-1997-cornelius-castoriadis/9782020788533">à la dérive</a> ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/T5WdpSPeQUE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Tout va très bien, Madame la Marquise », S. Distel, J.-P. Cassel, J.-M. Thibault, R. Pierre et J. Yanne (1967).</span></figcaption>
</figure>
<p>Sans trancher ces questions, on peut toutefois noter deux grandes dérives liées à la promotion du bonheur. Ces deux dérives sont aussi des symptômes du capitalisme néolibéral. Quand bonheur et néolibéralisme se croisent, qu’obtient-on ? Plus de contrôle et moins de démocratie.</p>
<h2>Un bonheur « normalisant »</h2>
<p>La normalisation des émotions (positives/négatives) contribue au désarmement des critiques les plus radicales (<a href="http://www.premierparallele.fr/livre/happycratie">« happy critique »</a>) et de la mobilisation collective dans les politiques publiques et les organisations. À terme, il est aisé d’imaginer une <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2013-1-page-163.htm">gouvernementalité des émotions</a>. On voit d’ailleurs déjà se développer en Chine des systèmes de <a href="https://www.lepoint.fr/high-tech-Internet/chine-des-casques-pour-enregistrer-les-emotions-des-employes-06-07-2018-2233675_47.php">surveillance des émotions</a> dans différentes industries et de <a href="http://www.leparisien.fr/international/la-chine-introduira-en-mai-son-vaste-systeme-de-notation-des-citoyens-19-03-2018-7618020.php">notation des citoyens</a> dans les politiques publiques.</p>
<p>Dans les organisations, c’est une « mise au travail » des émotions positives de chacun (puisque cela va aussi avoir un impact sur les ventes) qui se profile. Le bonheur devient alors une nouvelle frontière des modes de management contemporain, qui s’avère <a href="https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20150808.OBS3895/les-effets-destructeurs-du-management-a-la-cool.html">destructeurs</a>, notamment parce qu’elles sont source d’épuisement lié aux injonctions à <a href="https://www.la-croix.com/Archives/1999-03-23/LA-FATIGUE-D-ETRE-SOI-d-Alain-Ehrenberg-_NP_-1999-03-23-471323">« être soi »</a>, et de déshumanisation sous la forme de précarisation, de mise en concurrence ou d’évaluation permanente. Qu’à cela ne tienne, chacun devient <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2013/12/12/le-bonheur-est-un-choix-preuve-scientifique_n_4430599.html">responsable de son propre bonheur</a>.</p>
<p>Agir sur ces émotions négatives peut devenir un <a href="https://www.telerama.fr/idees/sois-heureux-et-travaille-quand-le-bonheur-devient-une-injonction-de-tous-les-instants,n5799510.php">impératif</a> moral, voir institutionnel : il dépendrait de la volonté de chacun·e de lutter pour son propre bonheur. Avec comme conséquence alors : celle d’un individualisme libéral amenant l’<a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00266585/document">éviction du sujet</a> et celle de la psychologisation de la souffrance, mais aussi (paradoxalement) celle de la pathologisation d’émotions « négatives ».</p>
<p>Que recouvrent de telles tendances ? Derrière ces dérives, on voit poindre une technocratisation du bonheur, renvoyant à la croyance dans les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-1995-5-p-882.htm">systèmes experts</a> et la montée en charge d’un contrôle, caractéristique de la <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2007-4-page-49.htm">gouvernementalité néolibérale</a>. On observe alors une croyance en la capacité d’une <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/une-societe-a-la-derive-entretiens-et-debats-1974-1997-cornelius-castoriadis/9782020788533">maîtrise illimitée</a> et individuelle des composantes de l’existence humaine.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/quand-le-bonheur-fait-sa-loi-97280">experts du bonheur tendent à faire croire à la possibilité d’objectiver les composantes de la vie psychique par exemple</a> Mais ce qui n’est pas saisi ici, c’est le caractère performatif des théories scientifiques et des indicateurs associés qui tendent à faire que la vie psychique se conforme à leurs souhaits. Les méthodes usitées – questionnaire d’enquête, <a href="https://www.scienceshumaines.com/la-neuroeconomie_fr_22430.html">neuroéconomie</a> – ne sont pas neutres et demeurent des construits sociaux. L’oubli de leur dimension performative fait par ailleurs courir le risque d’une conformation générale à des comportements, qui seraient ensuite repris comme des <a href="https://journals.openedition.org/leportique/2816">données naturelles</a>.</p>
<h2>Le paradoxe du bonheur</h2>
<p>Dès lors, le risque est que cette conception scientifisante du bonheur conduise à réifier le bonheur comme un objet bien déterminé – amenant à <a href="https://www.cairn.info/revue-la-revue-lacanienne-2010-1-page-175.htm">traquer l’indicible</a> – et à concevoir un <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2012-3-page-343.htm">« prêt-à-être heureux »</a> hors de toute dynamique démocratique et collective pour penser le bien commun.</p>
<p>En somme le bonheur nous met face à un paradoxe : sous un vernis humaniste, ses traductions les plus sombres risquent bien de conduire à l’impossibilité de reconnaître, de contester, et donc d’imaginer des solutions alternatives à des pratiques déshumanisantes. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=m5qXr9lLdwA">Il est où le bonheur</a> ? Sans doute pas dans la science du bonheur… puisque ultime paradoxe, cet accent mis sur le bonheur nous <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/politics/9535365/State-happiness-campaigns-leave-people-feeling-gloomier-research-suggests.html">rendrait malheureux</a>…</p>
<p>Par conséquent cet humanisme de marché, les salarié·e·s et les citoyen·ne·s risquent de le payer cher… Le bonheur n’a pas de prix… Espérons-le en tous cas, car le prix du bonheur semble exorbitant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La promotion du bonheur n’a jamais été aussi intense. Tou(te)s semblent s’être converti·e·s à ce nouvel eldorado social. Alors « don’t worry, be happy »… mais à quel prix ?Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Grenoble Ecole de Management - Univ Grenoble Alpes ComUE - Chaire Paix économique, Mindfulness, Bien-être au travail - Chercheuse associée au CREG - Université Grenoble Alpes, Grenoble École de Management (GEM)Hélène Picard, Chercheure, Sciences de gestion, Chaire Mindfulness Bien-être au Travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1078412018-12-03T21:51:48Z2018-12-03T21:51:48ZÉconomie positive : les enseignements essentiels des indices alternatifs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247774/original/file-20181128-32230-755doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=78%2C93%2C4993%2C3355&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La France progresse en matière d'altruisme entre génération, relève l'ONG Positive Planet.</span> <span class="attribution"><span class="source">Moonborne / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 7e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 14 au 20 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
<p>L’ONG <a href="http://positiveplanet.ngo">Positive Planet</a>, présidée par Jacques Attali, publie depuis 2013 un <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-nations/">indice de positivité</a> pour les 34 nations de l’OCDE, indice désormais complété d’un <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-entreprises-2/resultats-2018-entreprises/">« indice entreprises »</a> et d’un <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-territoires/">« indice territoires »</a>.</p>
<p>L’indice originel, visant à dépasser les <a href="https://theconversation.com/la-croissance-un-objectif-economique-trop-simpliste-73789">limites bien connues</a> des indicateurs classiques comme le PIB, se distingue de ces derniers en focalisant l’évaluation sur le niveau d’engagement envers les générations futures, reposant notamment sur une croissance responsable, durable et inclusive. À l’occasion du Global Positive Forum, qui s’est tenu à Paris le <a href="http://positiveplanet.ngo/global-positive-forum-edition-2018/">20 novembre</a> dernier, les résultats pour l’année 2018 ont été dévoilés. Ils confirment les constats réalisés à l’issue des cinq premières éditions concernant la diversité des niveaux d’engagement des pays membres de l’OCDE et attestent des progrès récents à mettre au crédit de la France, qui reste calée au milieu du classement, passant de la 18<sup>e</sup> à la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/0600180522973-le-nord-champion-de-leconomie-positive-2223281.php">17ᵉ place</a>.</p>
<h2>Des critères socio-économiques variés et complémentaires</h2>
<p>Visant à accompagner les acteurs économiques dans leur « transformation positive », l’indice de positivité se veut un dispositif favorisant le progrès. Quelque 29 critères socio-économiques sont ainsi observés comme autant de directions complémentaires sur lesquelles des actions concrètes sont suggérées. Ces critères, allant du poids des intérêts de la dette publique par rapport aux recettes de l’État à la qualité de l’eau, en passant par le pourcentage de femmes au parlement (pour ne citer que quelques exemples) sont regroupés en trois axes visant à évaluer :</p>
<ul>
<li><p>l’altruisme entre acteurs ;</p></li>
<li><p>l’altruisme entre territoires ;</p></li>
<li><p>et l’altruisme entre générations.</p></li>
</ul>
<p>Qualitatifs et pertinents, les critères retenus s’avèrent également relativement facilement mesurables, ce qui rend l’indice particulièrement utile et utilisable dès lors que des progrès sont <a href="http://positivetk.cluster023.hosting.ovh.net/fr/indice-de-positivite-nations/">réellement visés</a>.</p>
<h2>Engagements encore insuffisants de certaines nations</h2>
<p>Les <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-nations/resultats-2018/">résultats 2018</a> de l’indice de positivité des nations permettent de distinguer trois grands groupes de pays :</p>
<p><strong>1.</strong> Le premier se caractérise par la mise en œuvre d’une croissance réellement et de plus en plus tournée vers les générations futures. Il se compose des « pays du Nord » comme la Norvège, l’Islande, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande, mais aussi la Suisse. Dans chacun de ces pays, des progrès restent bien entendu possibles, mais c’est bien en provenance de ces derniers que de bonnes pratiques peuvent être importées.</p>
<p>La « positivité entre générations » y est en particulier nourrie par des performances remarquables en matière d’<a href="https://www.24heures.ch/societe/education-positive-seduit-toujours-parents/story/17950163">éducation positive</a> (C’est particulièrement vrai concernant l’insertion des jeunes, mais aussi l’attitude des professeurs envers les élèves ou l’efficacité de l’école pour préparer à la vie adulte). Le système éducatif français demeure, à la vue de ces résultats, <a href="https://theconversation.com/les-fondements-culturels-du-pessimisme-francais-au-travail-entre-histoire-et-ecole-84489">très perfectible</a> comme nous l’évoquions récemment dans ces colonnes.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-fondements-culturels-du-pessimisme-francais-au-travail-entre-histoire-et-ecole-84489">Les fondements culturels du pessimisme français au travail, entre histoire et école</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans les « pays du Nord », c’est également l’« altruisme entre acteurs » qui est à l’origine des bonnes performances mesurées par l’indice de positivité. La santé, la croissance ou encore la qualité des institutions (autant de critères mesurés) contribuent à la valorisation de cette mesure. L’utilisation de la manne pétrolière à des fins de <a href="https://retraitesolidarite.caissedesdepots.fr/sites/default/files/qr2002-48.pdf">financement des retraites</a> en Norvège constitue certes une pratique difficile à importer, mais de véritables leviers existent pour réduire les inégalités de revenus ou améliorer le taux de participation aux élections par exemple, autres critères de ce groupe sur lesquels la notation de la France a tendance à <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/07/presidentielle-2017-abstention-record-pour-un-second-tour-depuis-l-election-de-1969_5123757_4854003.html">décliner</a>.</p>
<p><strong>2.</strong> Un deuxième groupe est constitué des pays qui, en général, ont entrepris des efforts en direction du développement d’une économie positive, mais qui conservent de grandes marges de progrès. Il se compose de pays comme l’Espagne, l’Autriche, les États-Unis, ainsi que la France, dont le cas est particulièrement intéressant. C’est sur le seul groupe de critères centrés sur « l’altruisme entre générations » que la France progresse. C’était d’ailleurs là où son « score » était le plus faible les années précédentes. Le pourcentage de <a href="https://www.inegalites.fr/paritefemmeshommespolitique?id_theme=22">femmes au parlement</a> ou la <a href="https://data.oecd.org/fr/gdp/investissement-fbcf.htm">part d’investissement</a> dans le PIB sont les critères qui participent le plus de cette progression.</p>
<p><strong>3.</strong> Enfin, plusieurs pays, comme la Grèce, le Mexique, la Hongrie et la Turquie forment le groupe des nations dans lesquelles la croissance se fait clairement au détriment des générations futures. Ces pays présentent des configurations très différentes mais ont tous tendance à sacrifier la durabilité de la croissance ou simplement de leur modèle social (charge de la dette très importante pour les générations à venir) pour privilégier l’activité à court terme, activité souvent (trop) impactante pour l’environnement et la santé (en raison notamment de la pollution générée).</p>
<h2>Les entreprises apparaissent de plus en plus impliquées</h2>
<p>Depuis 2015, Positive Planet a enrichi son analyse d’un indice de positivité des entreprises (notamment celles du CAC 40), qui repose sur <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-entreprises-2/">35 indicateurs</a> : l’entretien de conditions de travail positives, la promotion d’un partage positif de la valeur produite par l’entreprise, la réduction de l’impact direct et indirect des activités (à entendre au sens de l’impact négatif, notamment sur l’environnement), le développement des connaissances et des compétences visant à assurer aux générations futures un progrès positif ou encore la définition et le partage d’une vision stratégique positive de long terme sont les grands axes à partir desquels les 35 critères sont ici déclinés.</p>
<p>La Société Générale, Kering et Michelin y occupent ainsi les premières places. La Société Générale, leader du classement, apparaît particulièrement vertueuse en termes de relations avec ses fournisseurs, ce que confirme l’obtention récente par la banque, pionnière en la matière, du <a href="http://www.rfar.fr/label-relations-fournisseurs-achats-responsables/">Label RFAR</a> (relations fournisseurs et achats responsables). Le développement de relations équilibrées avec les fournisseurs constitue un point révélateur de l’engagement des organisations pour une économie positive et la cohérence avec les évolutions en interne est en général forte.</p>
<p>Si cet indice a été imaginé au départ pour les grandes entreprises, il peut-être donc être également utile aux plus petites, des ETI aux start-up. Espérons à présent qu’elles s’en saisissent pour développer une économie positive et prendre le relais de pouvoirs publics qui ne sauraient assurer à eux-seuls l’intégralité de cette responsabilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dernière vague d’indicateurs de l’ONG Positive Planet indique des voies de progrès pour les États et les entreprises vers une économie plus positive.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068742018-11-14T20:45:50Z2018-11-14T20:45:50ZAttractivité des territoires : où est le bien vivre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245357/original/file-20181113-194519-wj4fal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C1%2C735%2C408&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les politiques d'attractivité actuelles éloignent de la conception d'une ville ou d'un territoire où tous les habitants se sentent bien.</span> <span class="attribution"><span class="source">R.Classen/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’attractivité, telle que le concept est actuellement compris, reflète mal la capacité à donner à chacun la possibilité de <a href="https://bienvivre2018.org/">bien vivre</a> dans une ville ou sur un territoire. La plupart du temps, l’attractivité est vue au travers du prisme de l’économie dans son sens le <a href="https://journals.openedition.org/metropoles/3502">plus frustre</a>.</p>
<p>En guise d’illustration, les centres de services d’action régionale, qui fournissent des mesures d’attractivité, ont tendance à se concentrer davantage sur l’offre que sur les besoins des populations. Les enquêtes déclaratives – comme celle dédiée à la construction de l’<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-184793-attractivite-de-la-france-la-revanche-de-ses-territoires-2190885.php">indice d’attractivité des territoires</a> – ciblent généralement les cadres, les entrepreneurs ou les investisseurs industriels. Les indicateurs d’attractivité sont ainsi alignés sur une certaine idée de <a href="http://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10242589090150032801">croissance économique</a> qui valorise le nombre d’implantations d’entreprises ou encore les créations d’emplois. On va donc considérer qu’un territoire se porte bien à partir du moment où il est capable d’attirer et de retenir un certain nombre de capitaux ou certaines populations.</p>
<p>Les politiques d’attractivité présentent en outre un objectif de croissance démographique, comme en rend compte le professeur d’urbanisme Gabor Zovanyi dans son ouvrage critique <a href="https://www.crcpress.com/The-No-Growth-Imperative-Creating-Sustainable-Communities-under-Ecological/Zovanyi/p/book/9780415630153"><em>The No-Growth Imperative</em></a>. Mais pas n’importe quelle croissance démographique : dans la lignée de travaux de Richard Florida, les résidents des territoires ne sont considérés comme une <a href="https://journals.openedition.org/nrt/2971">source potentielle de création de richesse</a> qu’à partir du moment où ils sont actifs et éduqués. La vision néolibérale de la ville conduit, comme le résume le professeur Guy Baeten, à définir, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-90-481-8924-3_11">« tout et tout le monde soit comme gain économique, soit comme perte »</a>.</p>
<h2>Ne pas se retrouver « hors jeu »</h2>
<p>Pourquoi s’inquiéter de cette <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/9805">prédominance du critère de performance</a> économique ? On pourrait souligner que l’attractivité n’est pas le seul aspect pris en compte dans les politiques territoriales. Ce qui est vrai. Mais on peut s’inquiéter des conséquences du positionnement des villes sur le terrain de la concurrence mondiale. Ce souci de l’attractivité, associé au benchmarking territorial, induit le renforcement d’une hiérarchie des priorités en faveur de l’économique, une adaptation des normes, des systèmes d’information, des connaissances, et surtout de l’allocation des fonds qui répondent à la nécessité de ne pas se retrouver « hors jeu ». Il faut dès lors suivre. Et se forger une image de marque.</p>
<p>Ce faisant, on s’éloigne pourtant de la conception d’une ville ou d’un territoire souhaitable où tous les habitants se sentent bien et pourraient se réaliser. C’est ce constat-là qui nous amène à nous poser la question des indicateurs alternatifs.</p>
<p>Il y a urgence à changer notre conception de la ville souhaitable. La transformation de l’<a href="http://www.cjrs-rcsr.org/V39/cjrs_rcsr39-1-1LeroyOttaviani.pdf">observation sociale et de l’évaluation</a> constitue des jalons d’une telle transition. Un changement majeur dans un contexte où la donnée occupe toujours plus de place dans une action publique <a href="https://theconversation.com/indicator-frenzy-the-economicist-tendency-of-public-policy-and-alternative-indicators-83366">qui se complexifie et se contractualise, voire se technocratise</a>… L’avènement des smarts cities accentue cette tendance à la technocratisation, avec la montée en puissance d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2013-1-page-163.htm">gouvernementalité algorithmique</a>.</p>
<h2>Besoin d’une vision plus transversale</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">indicateurs alternatifs</a> (de bien-être, de soutenabilité, etc.) constituent un des outils pour s’extraire du <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">monopole radicale</a> de cet gouvernementalité néolibérale. Ils s’inscrivent dans un mouvement plus large de réintroduction de l’éthique, du politique, et de l’anthropologique pour concevoir l’activité économique. Ils visent à redonner prise aux acteurs sur ces outils statistiques, dont le fonctionnement devient de plus en plus opaque avec la massification des données. Dès lors, si les indicateurs alternatifs peuvent servir à éclairer des zones d’ombre de l’observation territoriale, ils peuvent surtout participer de la construction d’une <a href="http://www.francoisflahault.fr/biencommun.php">autre vision du monde commun</a>.</p>
<p>Cette vision, plus transversale, se fonde sur une conception holistique de la nature et de l’être humain, sur la prise en compte de la complexité des formes de réponses aux besoins et sur une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11205-016-1489-9">autre conception du rapport au temps et aux autres</a>. Une ville n’est alors pas intelligente sans raison humaine : raison de vivre, raison d’espérer, raison en action. En témoigne l’importance accordée aux sociabilités, au temps, au vivre ensemble, à la coopération ou encore au temps dans les expériences participatives sur les <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">indicateurs alternatifs</a> (<a href="http://www.boiteaoutils-richessespdl.fr/">Pays de la Loire</a>, <a href="http://bienetre.lametro.fr/info.php">Grenoble</a>, etc.). Comme en témoigne l’<a href="https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/fabrique-d-indicateurs-vers-un-referentiel-commun">engouement autour du forum international pour le bien vivre à Grenoble</a>, la ville qui attire (au sens de celle à laquelle on aspire) est alors une ville à la mesure de l’humain. Mais quelle « mesure » ? La mesure des seuils écologiques et sociaux qui repose par une prise en compte des interdépendances (sur le territoire et entre territoires).</p>
<p>Cette approche alternative de la ville souhaitable nous permet même de repenser l’étymologie du mot <em>attractivité</em>. En latin, <em>ad</em> et <em>trahere</em> traduit l’idée de « tirer à soi ». Mais <em>ad</em> signifie aussi « en direction de ». On pourrait donc penser à une attractivité davantage « en direction » du futur et des autres territoires. Pour faire « ad-venir » un avenir commun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiona Ottaviani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les politiques d’attractivité d’une ville ou d’un territoire se fondent essentiellement sur des critères de performances économiques qui éclipsent les facteurs humains et environnementaux.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Grenoble Ecole de Management - Univ Grenoble Alpes ComUE - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique - Chercheuse associée au CREG - Université Grenoble Alpes, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054572018-10-28T20:25:06Z2018-10-28T20:25:06ZLe match d’improvisation théâtrale comme allégorie de la paix économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/241814/original/file-20181023-169816-xq66hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C44%2C4255%2C2798&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les comédiens improvisateurs doivent notamment faire preuve d'empathie pour une performance réussie. Le résultat du match n'est là que secondaire. </span> <span class="attribution"><span class="source">Christian Bertrand/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Quelle analogie peut-on trouver pour illustrer le concept de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paix-economique-36749">« paix économique »</a>, c’est-à-dire des activités qui valorisent notre nature coopérative plutôt que notre potentiel agressif ? On suggère souvent le sport, et le football en particulier. Pourtant, le cas des matches d’improvisation théâtrale semblent nettement plus appropriés car la philosophie qui les sous-tend procure ce sentiment pacifié d’une compétition.</p>
<h2>Le football courtois…</h2>
<p>C’est vrai qu’à première vue, le football peut sembler un bon exemple de rapports pacifiés malgré des enjeux importants. En Coupe du monde, les grands joueurs jouent dans les mêmes grands clubs, où ils passent ensemble la majeure partie de la saison. Ils ne peuvent donc pas vraiment être ennemis. Paul Pogba, de l’équipe de France, a par exemple passé <a href="http://www.dhnet.be/sports/football/diablesrouges/romelu-lukaku-et-paul-pogba-passent-les-vacances-ensemble-photos-video-578f627c357086b3e0d50175">ses dernières vacances</a> avec Romelu Lukaku de l’équipe belge, battue en demi-finale. Voilà qui expliquerait toute une série des scènes de courtoisie et de grand respect entre les joueurs lors de la dernière édition du Mondial en Russie, qui se rapprocherait ainsi d’une compétition pacifique.</p>
<p>On se souvient notamment du match Uruguay-France en quart de finale. Le Français Antoine Griezmann marque un but mais ne le fête pas selon son rituel habituel pour ne pas humilier ses amis uruguayens. Il se trouve que parmi ceux-ci figure notamment Diego Godín, qui est son coéquipier à l’Atlético et le parrain de sa fille ! « La France sera un rival, mais jamais un ennemi », dira l’entraîneur de l’Uruguay, démontrant ainsi que le fairplay existe aussi entre les entraîneurs. Or, parler de « rival » au lieu d’« ennemi », cela suggère presque que la compétition ne serait finalement qu’une succession de matchs « amicaux ».</p>
<h2>… et ses limites</h2>
<p>Pourtant, le parallèle avec le football n’est pas le plus pertinent pour définir la paix économique. En effet, en sport, il faut un vainqueur (et des perdants) à l’issue du tournoi ou du championnat. Or, ce n’est pas forcément la même chose pour l’entreprise. Après tout, pourquoi le consommateur n’aurait pas plusieurs marques concurrentes dans un même panier ?</p>
<p>Pour Pascal Dupraz, entraîneur des clubs d’Évian Thonon Gaillard puis de Toulouse, « le rôle du coach est de mettre son joueur dans les meilleures dispositions pour exercer son talent, physiquement, techniquement et moralement ». Il exercerait en quelque sorte un <a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2011-2-page-112.htm">« servant leadership »</a> (« leadership du serviteur »), terme trouvé par Robert Greenleaf, ancien DRH de la société américaine ATT, pour désigner le manager qui se met au service de ses collaborateurs, par opposition au manager traditionnel hiérarchique. Malgré cela, Pascal Dupraz n’aura de paix que si son équipe reste en Ligue 1, et donc gagne. Ainsi, le respect que l’on rencontre dans le sport trouve ses limites. Imaginez que ce genre d’enjeu repose sur les salariés d’une entreprise !</p>
<p>Sans nul doute, le fait que la victoire possède un enjeu qui dépasse la performance sportive n’est pas étranger à cette absence de paix économique. Le sport, et pas seulement le football, est imprégné du modèle capitaliste de marché, notamment de la notion de croissance. Les clubs sont la propriété de puissants et richissimes acteurs. Les fédérations (qui gèrent le football international mais aussi national) sont financées par les sponsors et surtout par les droits de retransmission des compétitions par les médias.</p>
<p>Ces médias sont soumis aux lois de l’audience, une audience qui dicte son désir de spectacle. La croissance (augmenter son patrimoine, ses revenus, son audience), impose donc plus de performances et de spectacle. Ainsi, les salaires des sportifs ont flambé ses trente dernières années, tout comme l’augmentation des investissements dans les clubs et, pour certains, leur capitalisation boursière.</p>
<p>Aujourd’hui, un rapide comparatif indique que les salaires des meilleurs sportifs sont proches de ceux des grandes stars du divertissement, ce qui confirme le caractère « spectaculaire » et divertissant du sport.</p>
<h2>Triche et dopage</h2>
<p>L’industrie du divertissement dans laquelle s’inscrit le sport depuis qu’il est devenu professionnel réclame du rythme, du vivant, de la rapidité, de l’éclat. Mais les sportifs sont physiquement limités et il est impossible de faire semblant. Les coureurs ne font pas semblant de courir. Alors survient la deuxième grande limite du modèle sportif, la triche, le dopage.</p>
<p>« Cette étape manque de rythme, il y avait plus d’animation sur les précédentes » commentera Patrick Chêne au lendemain de l’éviction d’une équipe Festina entièrement <a href="https://sport.francetvinfo.fr/tour-de-france/il-y-20-ans-laffaire-festina-revolutionnait-le-sport-mondial">convaincue de dopage</a> lors du tour de France 1998… Le journaliste sportif était là dans la posture du média qui réclame de l’animation. Il semble même sous-entendre qu’avec le dopage, c’était mieux.</p>
<p>Imaginez maintenant ce même modèle pour stimuler les ressources humaines de l’entreprise ! C’est vrai, on pourrait dire que le dopage existe sous forme d’anxiolytiques ou autres antidépresseurs. Mais, comme en sport, il n’est pas sans conséquence sur les individus et leur santé. Impossible donc, encore une fois, de prendre le sport comme allégorie de la paix économique.</p>
<h2>Les matchs d’improvisation : le plaisir du public avant tout</h2>
<p>Pour trouver une bonne illustration, il vous suffit en fait de vous rendre, non pas au stade mais au théâtre, pour assister à un match d’improvisation. Dans ce genre de performance artistique, le plaisir des spectateurs est indépendant du résultat du match. Parfois même, ces derniers ne se souviennent pas du vainqueur, mais simplement d’avoir passé une bonne soirée (ou pas).</p>
<p>Il y a bien un match, mais les deux équipes de comédiens improvisateurs ont en réalité le même objectif : réaliser une excellente prestation et conquérir ainsi le public. Les règles de cette compétition ont d’ailleurs été pensées pour que les improvisations soient bien menées et plaisent aux spectateurs. Quant aux comédiens, les éventuelles récompenses distribuées (étoile d’or du meilleur·e comédien·ne) ne les empêcheront sans doute pas de partager la soirée post-match, ce qui n’est pas forcément le cas des équipes sportives professionnelles.</p>
<p>L’examen des matchs d’improvisation pourrait donc nous éclairer sur la façon de développer une paix économique sur les marchés des entreprises. Ces matchs respectent bien les <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">trois étapes</a> de la paix économique, décrites précédemment dans ses colonnes : l’intention de paix, la paix comme chemin, et la paix comme fondation.</p>
<ul>
<li><p>L’intention de paix, nous la trouvons dans le partage d’un objectif qui n’est pas de gagner le match, mais de produire un beau spectacle divertissant pour le public. Le plaisir du spectateur (marché) est un Graal commun prioritaire qui va conditionner le déroulement, la coopération avant la compétition.</p></li>
<li><p>La paix comme chemin se retrouve à travers deux principes fondamentaux de l’improvisation : dire « oui » et jouer d’abord avec le comédien de l’équipe adverse. Dire « oui », cela signifie accepter ce que propose l’autre pour compléter de sa propre idée et ainsi avancer dans la construction. Quand on entre dans une improvisation déjà démarrée, le principe est d’entrer en interaction en priorité avec le personnage joué par un membre de l’équipe adverse. Cela a pour conséquence de créer ensemble, et non pas de construire séparément l’improvisation.</p></li>
<li><p>Enfin, la paix comme fondation. Dans le travail d’acteur, l’empathie devenant la seconde nature du comédien improvisateur puisqu’il doit prendre conscience de soi, de ses émotions et des émotions des autres. Qualité que l’on retrouve de sans doute chez le manager pacifié. C’est cette empathie qui va fonder un esprit naturellement et nécessairement pacifique.</p></li>
</ul>
<h2>L’entreprise courtoise ?</h2>
<p>Revenons à l’entreprise. Le parallèle avec le théâtre peut se faire à travers la notion de métiers (culture du métier d’acteur) et de formation (issus des mêmes écoles). Qu’est-ce qui importe entre deux ingénieurs formés dans la même école et qui vont chez deux concurrents ? Est-ce d’être meilleur que leur camarade d’école ou de bien faire le métier qu’ils aiment ? Mon sentiment est qu’ils aiment leur métier plus que la société qui les embauche, et ce malgré la politique de communication interne basée sur la culture dite « d’entreprise ». D’ailleurs, l’ingénieur restera sans doute plus proche de son camarade d’école travaillant chez le concurrent que de son collègue du marketing.</p>
<p>Il m’est arrivé de recevoir chez moi deux techniciens : l’un de Free, mon opérateur, et l’autre d’Orange, le fournisseur de lignes. À part le logo sur leur tenue de travail, dans leur discours et leur activité, je voyais d’avantages des collègues que des rivaux. Encore moins des ennemis. Peut-être même, étaient-ils sortis de la même école, du même quartier. Face à l’obstacle technique que représentait alors ma connexion, ils manifestaient davantage l’envie de réussir ensemble que de s’étriper à mes yeux pour démontrer leur différence. Un bel exemple de paix économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105457/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Lesavre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>A-t-on des exemples de compétitions dans lesquelles les rapports sont pacifiés ? On pourrait penser au sport. Mais les performances des comédiens improvisateurs sont une bien meilleure illustration.Laurent Lesavre, professeure de théâtre d'entreprise, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/998192018-07-19T22:23:56Z2018-07-19T22:23:56ZPleine conscience en entreprise : ne pas se tromper d’attentes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/228435/original/file-20180719-142435-2cgny1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C180%2C5422%2C3424&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La méditation de pleine conscience peut être bénéfique, à condition de ne pas en attendre autre chose que ce qu'elle offre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/stressed-man-head-cloud-536043058?src=-dwFI7QGQw03BLMc7FBgrw-1-1">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>S’il existe de nombreuses études sur les bienfaits de la pratique de la pleine conscience, la question de son apprentissage et de son appropriation reste peu explorée. Comment les apprenants cheminent-ils vers la pleine conscience ? Comment transposent-ils leurs acquis dans la vie quotidienne ? Pour répondre à ce challenge, la chaire <a href="https://www.mindfulness-at-work.fr/fr/">Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique</a>, en partenariat avec le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) Rhône-Alpes, a mis en place depuis 2013 un dispositif d’expérimentation de la pratique de la pleine conscience. Compte-rendu.</p>
<h2>Analyser l’appropriation de la pleine conscience à travers le récit de sa pratique</h2>
<p>Apprécier un apprentissage et, au-delà, un éventuel processus transformationnel nécessite d’analyser le phénomène sur la durée. C’est dans cet esprit qu’a été mobilisée la méthode des récits de vie la <a href="http://www.recherche-qualitative.qc.ca/documents/files/revue/edition_reguliere/numero25(2)/ysanseau.pdf">méthode des récits de vie</a>. Cette approche, initiée en sociologie à partir des années 1900 pour étudier les trajectoires des populations immigrées à Chicago, consiste à examiner un objet social et à comprendre comment il se transforme à travers les rapports sociaux, les mécanismes, les processus et les logiques d’action qui le caractérisent. Elle a notamment été exploitée en France à partir des années 1970 dans le cadre de la recherche sur les trajectoires professionnelles.</p>
<p>Curieux de tester sa pertinence pour clarifier les rouages de l’apprentissage de la méditation de pleine conscience, des chercheurs de la Chaire ont proposé à sept dirigeants d’entreprise du CJD de participer à une étude basée sur cette méthode. Après avoir suivi un programme de pleine conscience en huit séances, des rencontres individuelles sous la forme d’entretiens non dirigés ont été initiées avec des chercheurs tous les trimestres afin d’alimenter une base de données qualitatives dans le cadre d’un suivi annuel. Ces échanges avaient pour objectif d’accéder au vécu, au ressenti, et aux représentations de l’expérience même de la pleine conscience et de son impact sur les activités professionnelles. Premières pistes de réflexion.</p>
<h2>La difficulté à s’engager dans une pratique régulière</h2>
<p>Si la méditation de pleine conscience est de nature mobilisatrice dans un contexte de pratique en groupe, elle se révèle beaucoup plus difficile lorsqu’il s’agit de s’engager dans un entraînement de type individuel. En effet, nombreux sont les obstacles propices à venir entraver le chemin de l’apprenti méditant : non seulement l’environnement physique peut ne pas être propice, mais de plus l’environnement social peut aussi jouer un rôle bloquant, en fonction du degré d’acceptation de la pratique, de l’impact des normes sociales, de l’appréciation de son utilité… Enfin, des croyances erronées quant à la facilité de mise en œuvre de nouveaux comportements sont souvent source de découragement.</p>
<p>La difficulté liée à une pratique régulière de la pleine conscience questionne ainsi le processus d’autonomisation grâce auquel les participants vont s’approprier leur apprentissage et l’appliquer dans leur vie quotidienne.</p>
<h2>La pleine conscience comme outil au service de la performance ?</h2>
<p>L’étude en cours montre que les apprenants exercent exclusivement le volet <a href="https://theconversation.com/lentreprise-en-pleine-conscience-96924">attention focalisée</a> de la pratique de pleine conscience.</p>
<p>Nous pouvons faire l’hypothèse que cette attention focalisée est plus facile à mettre en œuvre et que les bénéfices à court terme sont plus palpables (prise de conscience d’une perte de focalisation sur la tâche en cours et capacité à se recentrer). Cette restriction génère cependant le risque d’une recherche de « contrôle » via la mise en place systématique d’un geste intérieur réflexe basé sur le seul report de l’attention.</p>
<p>La conception traditionnelle d’un dirigeant d’entreprise nous amène à le considérer comme une personne sachant tout maîtriser et contrainte d’enrichir sans relâche ses compétences pour exercer son activité avec efficacité. La pratique de l’attention focalisée pourrait ainsi être envisagée dans le seul objectif stratégique de ralentir le multitâche, d’améliorer sa qualité d’écoute, de reconnaître son mode de fonctionnement, ou de ralentir intentionnellement la cadence pour être plus pleinement investi dans la tâche en cours. La pleine conscience se trouverait alors en quelque sorte instrumentalisée, détournée de sa philosophie première pour permettre au dirigeant d’accéder en quelque sorte à une « nouvelle voie » vers l’efficacité, critère indissociable du développement économique et de la pérennité de son entreprise.</p>
<h2>Une attente de bénéfice contradictoire avec le principe de la pleine conscience</h2>
<p>L’attente consciente de résultats palpables, pratiques, directs et immédiats heurte cependant l’essence même de la pleine conscience dont l’appropriation passe par un cheminement qui est tout sauf rapide et automatique !</p>
<p>La nature non linéaire de ce processus pourrait ainsi aboutir à une impasse pour bon nombre de prétendants. En effet, seul l’engagement dans une pratique régulière va permettre l’émergence de changements dans le fonctionnement du méditant. La pleine conscience révèle bien plus de complexité que les paradigmes occidentaux auxquels nous avons toujours été habitués.</p>
<p>Au-delà du gain de performance tant convoité par les dirigeants, elle contribuerait également à les faire évoluer au travers d’une transformation intérieure vers un management d’une nature nouvelle apte à trouver écho auprès de leurs collaborateurs pour converger vers une <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">entreprise naturellement animée de valeurs basées sur la paix économique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La méditation de pleine conscience commence à pousser la porte de l’entreprise.Comment s’initier à cette nouvelle pratique ? Comment la pratiquer correctement ? Et surtout, qu’en attendre ?Lionel Strub, Enseignant-chercheur - Chaire Mindfulness, bien-être au travail et Paix économmique, Grenoble École de Management (GEM)Pierre-Yves Sanséau, Professeur de Gestion des Ressources Humaines, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix Economique à Grenoble Ecole de Management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/969242018-07-18T20:24:27Z2018-07-18T20:24:27ZLa pleine conscience en entreprise a-t-elle un avenir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/228224/original/file-20180718-142435-1vrwrah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C5172%2C3022&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La méditation de pleine conscience est en plein essor, y compris en entreprise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/KX9QTJjzD8Q">Mark Daynes/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Difficile d’échapper à la déferlante de la méditation de pleine conscience, ou <em>mindfulness</em> : les étals des libraires regorgent de best-sellers aux titres tous plus évocateurs les uns que les autres tels que « Méditer pour ne plus déprimer » ou « Apprendre à manger en pleine conscience ».</p>
<p>Au-delà de l’édition, cette vague entraîne dans son sillage les médias qui prêtent audience aux arguments neuroscientifiques vantant les bienfaits de la pleine conscience sur le cerveau. C’est par exemple le cas de l’émission diffusée sur la chaîne France 5 <a href="https://www.france.tv/france-5/enquete-de-sante/496161-meditation-une-revolution-dans-le-cerveau.html">« Enquête de santé Méditation : une révolution dans le cerveau »</a>, qui établit un dialogue entre sagesse bouddhiste et science au fil de divers témoignages et reportages.</p>
<p>Le rayonnement de ce mouvement fulgurant qui semble séduire <a href="http://www.europe1.fr/societe/christophe-andre-la-meditation-nous-apprend-a-savourer-la-vie-2659521">plusieurs milliers de Français</a> s’étend à différents secteurs de la société, de la santé à l’éducation en passant par le monde du travail. En effet, la pleine conscience n’a pas attendu pour pousser les portes de l’entreprise, s’immisçant dans les plus grands groupes pour servir aussi bien les besoins de développement personnel que de nouvelles stratégies managériales.</p>
<h2>Entre attention focalisée et attention ouverte</h2>
<blockquote>
<p>« Prêter attention d’une façon spécifique, intentionnellement, dans l’instant présent, et sans jugement. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que Jon Kabat-Zinn, professeur émérite de médecine, fondateur et directeur exécutif du <em>Center for Mindfulness in Medicine, Health Care and Society</em> à l’École de Médecine de l’Université du Massachusetts définit la pleine conscience.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/pleine-conscience-education-et-responsabilite-71686">méditation de pleine conscience</a> invite en effet à s’asseoir et à porter son attention, par exemple sur les sensations physiques qui accompagnent le mouvement naturel et spontané de la respiration. Il s’agit dans le même temps de prendre conscience de l’ensemble de nos expériences intérieures, que ce soit en termes d’émotions, de sensations ou de pensées, à mesure qu’elles apparaissent et disparaissent sans s’y attacher. La pratique paraît simple, et pourtant la méditation de pleine conscience dissimule une rare subtilité et une grande complexité.</p>
<p>Elle met en jeu deux facettes complémentaires de l’attention, à savoir l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2693206/">attention focalisée et l’attention ouverte</a>. La première, destinée à stabiliser le vagabondage spontané du mental, implique de focaliser son attention sur un objet unique tandis que la seconde fait référence à une forme d’observation directe et immédiate de l’ensemble de nos expériences intérieures dépourvue de toute interprétation, comme si nous y étions confrontés pour la première fois.</p>
<p>L’attention ouverte est ainsi le véritable cœur de la pleine conscience dans le sens où elle transforme de façon radicale notre rapport aux expériences. Cet entraînement attentionnel constitue un apprentissage qui nous permet de parvenir graduellement à une connaissance directe des choses telles qu’elles sont au moment où elles se produisent. Ainsi, ce fonctionnement mental conduit à une vision plus juste et claire des situations réelles rencontrées.</p>
<h2>La méditation de pleine conscience à l’épreuve de la science</h2>
<p>Ces dix dernières années, la méditation de pleine conscience n’a pas seulement vu sa popularité croître fortement auprès du public. L’intérêt des chercheurs envers cette pratique s’est vu également décuplé, comme en témoigne le nombre d’études réalisées dans des champs médicaux et psychologiques aussi divers que variés.</p>
<p>Plusieurs méta-analyses attestent, par exemple, de l’efficacité de programmes de méditation de pleine conscience sur la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20846726">diminution des symptômes dépressifs</a>, de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2848393/">l’anxiété</a> ou encore sur l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23144582">amélioration des symptômes psychologiques associés au cancer</a>. Pour autant, preuves empiriques à l’appui, le <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1745691617709589?journalCode=ppsa">mouvement de la pleine conscience n’échappe pas à la critique</a>. On l’aura compris, il est donc nécessaire de rester lucide et de refuser de s’abandonner à l’éloge inconditionnelle des études rapportant une efficacité des programmes de pleine conscience en milieu clinique. Plusieurs des recensions présentent des lacunes méthodologiques et des limites.</p>
<p>Parallèlement à ce terrain d’exploration, la recherche sur la pleine conscience s’est également frayée un chemin dans les problématiques associées au contexte professionnel.</p>
<p>Ainsi, bien que le développement des travaux empiriques soit embryonnaire, certaines études tendent à montrer des effets bénéfiques des interventions de pleine conscience en entreprise notamment <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27643606">sur la santé et le bien-être des employés</a>, tandis que d’autres laissent entrevoir des effets contrastés <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27643606">sur les émotions sociales ou encore sur la satisfaction au travail</a>.</p>
<h2>Quand l’entreprise s’essaie à la méditation de pleine conscience</h2>
<p>Si les dirigeants de Google n’ont pas hésité à franchir le pas en poussant à la conception d’un programme axé sur le développement et l’application de l’intelligence émotionnelle au travail, la multinationale n’est pas la seule à se lancer : des entreprises plus modestes s’enfilent à leur tour dans la brèche.</p>
<p>Ainsi, HPE (Hewlett Packard Enterprise) France est à l’origine d’une initiative orientée sur la <a href="https://www.mindfulness-at-work.fr/images/pdf/Envies_de_changer_2.pdf#page=30">création « d’espaces ressources »</a> dédiés notamment à la pratique de la pleine conscience dans le but de nourrir la résilience collective. Dans le même esprit, la société savoyarde Guichon Valves a misé sur une intervention combinant pleine conscience et psychologie positive (<a href="http://guichon-vannes.com/guichon-valves-premiere-entreprise-a-participer-au-projet-cose-action-coherence-soi-environnement/">projet COSE Action</a>), destinée à sensibiliser les participants à leur propre implication dans l’amélioration de leur bien-être. Au-delà, il s’agit d’encourager l’adoption de comportements pro-environnementaux soutenant l’engagement sociétal de l’entreprise.</p>
<p>La méditation de pleine conscience revêt indéniablement de grandes promesses mais ne nous dispense pas pour autant de rester prudents quant aux pièges tendus par son implantation dans le contexte professionnel. En effet, un risque d’instrumentalisation pourrait exister, si les intérêts économiques étaient privilégiés au détriment de la dimension humaine, composante tout autant indissociable de la performance de l’entreprise.</p>
<p>De plus, sa marchandisation extrême pourrait favoriser un dévoiement de sa visée originelle. Une des dérives possibles serait ainsi de confiner la pleine conscience à une <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/fatigue-detre-soi_9782738108593.php">technicisation de la vie intérieure</a> ou d’en faire un instrument de transformation afin de conformer les comportements aux systèmes managériaux et organisationnels.</p>
<p>Il revient donc aux acteurs à l’avant-garde du mouvement d’être vigilants et de se questionner profondément sur son utilisation au sein d’une organisation en veillant au respect d’une éthique conforme à ses valeurs. Enfin, gardons à l’esprit qu’il nous reste à explorer bien des aspects de la pleine conscience, et notamment la simple question de <a href="https://theconversation.com/meditation-de-pleine-conscience-en-entreprise-ne-pas-se-tromper-dattentes-99819">son apprentissage et de son appropriation</a> en mobilisant des méthodologies scientifiques éprouvées mais encore inexploitées dans le champ de recherche de la pleine conscience.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La méditation de pleine conscience s’invite en entreprise. Quels avantages en attendre ? Quels en sont les enjeux ? Quels pièges éviter ?Lionel Strub, Enseignant-chercheur - Chaire Mindfulness, bien-être au travail et Paix économmique, Grenoble École de Management (GEM)Dominique Steiler, Titualire de la chaire Mindfulness, Bien-être au travail et paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Pierre-Yves Sanséau, Professeur de Gestion des Ressources Humaines, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix Economique à Grenoble Ecole de Management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/972802018-05-29T20:05:51Z2018-05-29T20:05:51ZQuand le bonheur fait sa loi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/220778/original/file-20180529-80645-az128j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1500%2C1008&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bonheur, au centre des préoccupations (pochoir de l'artiste Miss.Tic).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/66944824@N05/18637770530">Denis Bocquet / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre de la <a href="http://mindfulness-at-work.fr/fr/">Chaire Mindfulness, bien-être et paix économique de GEM</a>. Il vient nourrir la réflexion du premier forum international pour le bien-vivre qui se tiendra à Grenoble du 6 au 8 juin prochain, sur le thème <a href="https://www.mindfulness-at-work.fr/en/actualites/494-richesses-bonheur-quels-indicateurs-pour-inventer-demain">« Richesse(s), bonheur : quels indicateurs pour inventer demain ? »</a></em></p>
<hr>
<p>Questions sans âge, les interrogations liées au bonheur et au bien-être font l’objet d’une attention grandissante aujourd’hui. En témoignent la multiplication des « observatoires du bonheur » (<a href="https://www.dailymotion.com/video/xifs93">Observatoire nantais du bonheur</a>, Observatoire du bonheur créé par Coca-Cola, <a href="http://www.oib-france.com/fr/">Observatoire internationale du bonheur</a>, Observatoire des bien-être(s) d’Ipsos Public Affairs…) ou les nombreux travaux des institutions internationales (<a href="http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/">OCDE</a>, Commission européenne, etc.) dédiés à de tels sujets.</p>
<p>Preuve supplémentaire : suite à une résolution sur le bonheur adoptée le 19 juillet 2011, l’ONU a instauré en 2012 une <a href="http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/66/281">Journée internationale du bonheur</a>, qui a lieu désormais chaque 20 mars. Par ailleurs, l’organisation internationale invite notamment les États membres à <a href="http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/65/309&Lang=F">« élaborer de nouvelles mesures qui tiennent mieux compte de l’importance de la recherche sur le bonheur et le bien-être afin d’orienter leurs politiques nationales »</a>.</p>
<p>Si ce souci collectif du bonheur semble faire contrepoids à des politiques de croissance collective uniquement axée sur la richesse monétaire, n’y a-t-il pas toutefois un risque que les « experts du bonheur » imposent leurs lois ? Zoom sur quelques tendances problématiques qui émergent à la croisée de la psychologie et de l’économie.</p>
<h2>Bonheur, bien-être : de quoi s’agit-il ?</h2>
<p>Dans l’article, les notions de bien-être ou de bonheur sont employées indifféremment. L’absence de différenciation entre bonheur et bien-être se retrouve aussi bien dans les travaux cherchant à objectiver les composantes de l’existence qui comptent (Bonheur national brut du Bouthan, <a href="http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/">mesure du bien-être de l’OCDE</a>) que dans les travaux directement axés sur la mesure subjective de la satisfaction à l’égard de la vie. En effet, dans le cadre de la littérature sur le bien-être (et particulièrement sur l’économie du bonheur), majoritairement anglo-saxonne, le contenu des termes <em>utility</em>, <em>well-being</em>, <em>satisfaction</em>, <em>happiness</em>, ou <em>quality of life</em> ne sont pas clairement explicités. Ces termes sont généralement utilisés dans les articles de <a href="https://www.cairn.info/economie-du-bonheur--9782707173515.htm">manière interchangeable</a>.</p>
<p>L’économie du bonheur est une branche de l’économie s’inspirant des travaux de psychologie positive. Elle étudie le bien-être subjectif en recourant à des enquêtes sur la satisfaction subjective, des expériences en laboratoire ou des études neurologiques. Cette littérature est essentiellement empirique. Les premiers travaux relatifs à la mesure subjective du bien-être ont été menés dans les années 1920 et 1930. Ils ont été poursuivis dans les années 1950 au Survey Research Center de l’Université de Michigan, dirigé par George Katona. Des enquêtes destinées à étudier les attitudes des consommateurs y étaient menées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FO8S3jrNoQE?wmode=transparent&start=10" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Plus tard, dans les années 1960, ces travaux ont pu être vus comme un sous-courant des indicateurs sociaux. Face à l’imperfection des mesures dites objectives pour révéler le bien-être, certains chercheurs ont commencé à s’intéresser aux mesures « plus directes », dites « subjectives ». Cette littérature qui étudie la corrélation entre les sphères de la vie humaine et le bonheur augmente aujourd’hui à un <a href="http://ftp.iza.org/dp2568.pdf">rythme exponentiel</a>.</p>
<p>L’économie du bonheur s’inscrit à la fois dans une relation de rupture et de continuité par rapport à l’<a href="https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2011-4-page-67.htm#pa15">utilitarisme</a> et de manière plus large au <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-2010-1-page-9.htm#no6">welfarisme</a>. En effet, on peut voir dans l’économie du bonheur un retour à l’utilitarisme philosophique des origines. Sa subdivision en deux sous-courants, l’un <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/h%C3%A9donisme">hédoniste</a> (celui du philosophe britannique <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/jeremy-bentham-fondateur-de-lutilitarisme/00041989">Jeremy Bentham</a>), l’autre <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/eud%C3%A9monisme">eudémoniste</a> (celui de l’économiste <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/john-stuart-mill-liberal-quon-adore/00011137">John Stuart Mill</a>) tend à accréditer cette affirmation.</p>
<p>Dans la perspective hédoniste, le bien-être est assimilé au plaisir et au bonheur. Les auteurs se réclamant de l’eudémonisme adoptent plutôt une conception du bien-être en termes d’accomplissements personnels, d’atteinte du plus « grand bien ». Sont visés ici <a href="http://psycnet.apa.org/record/1993-25585-001">« le fait d’agir conformément à sa nature intérieure et ses valeurs profondes »</a>, <a href="http://midus.wisc.edu/findings/pdfs/830.pdf">« la réalisation de son véritable potentiel »</a> et <a href="http://psycnet.apa.org/buy/1990-12288-001">« l’expérience ou le sens de la vie »</a>.</p>
<p>Cette réflexion sur le bonheur, à l’échelle individuelle et collective, n’est pas neuve et a été reprise au fil des âges par les philosophes. Ce qui est neuf, en revanche, c’est la reprise scientifique et la popularisation actuelle de ces travaux. Ceux-ci n’évitent pas certains écueils : celui du primat de l’expert, de la monétarisation du bonheur et de sa <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9ification">réification</a>.</p>
<h2>Ecouter les experts du bonheur ?</h2>
<blockquote>
<p>« Si l’on en croit les chercheurs, l’environnement n’influence que pour 10 % de notre capital bonheur, <a href="http://www.gazetof3c.net/obr2012/recherche-coach-pour-etre-heureux/">40 % sont issus de la génétique et les 50 % restant ne tiennent qu’à nous</a> et à notre manière d’appréhender les choses ! »</p>
</blockquote>
<p>Cette phrase est fréquemment reprise dans les travaux sur le bonheur. Dans la vague de vulgarisation récente qui accompagne ces recherches, elle traduit une tendance à la normalisation des comportements sociaux et le retour d’une conception eugénique du social. Les composantes du bonheur, dégagées par voie d’enquêtes ou en laboratoire, sont censées aiguiller l’action individuelle. Une personne qui désire faire quelque chose de contraire aux enseignements livrés par la recherche se trompe, car elle risque de nuire à son bonheur.</p>
<p>La charge normative d’une telle conception peut être illustrée par un passage du livre <a href="https://numerique.dunod.com/84906/Pourquoi-les-gens-heureux-vivent-plus-longtemps-.ebook"><em>Pourquoi les gens heureux vivent-ils plus longtemps ?</em></a>, de Jordi Quoidbach, un chercheur en psychologie qui a mené des études de psychologie à l’Université de Harvard. Dans le chapitre intitulé « Pourquoi vaut-il mieux ne rien savoir ? » l’auteur explique</p>
<blockquote>
<p>« Imaginez qu’un matin vous trouviez un chèque de 100 euros dans votre boîte aux lettres. […] Imaginez maintenant qu’on vous donne la possibilité de savoir ou non qui a déposé ce chèque. Désireriez-vous connaître l’identité de votre généreux donateur ? Si vous avez répondu oui, c’est que comme la grande majorité des gens… vous faites le mauvais choix ! »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, le jugement individuel devrait, dans cette conception, s’aligner derrière la vérité portée par le chiffre et, à vrai dire, par l’expert. Ce dernier doit livrer les critères du « bon choix » et d’une « bonne vie », avec une visée bienveillante. Surgit ainsi le fantasme scientifique bien décrit par la philosophie John R. Searle dans son livre <a href="https://mitpress.mit.edu/books/rediscovery-mind"><em>The Rediscovery of the Mind</em></a>, paru en 1992 :</p>
<blockquote>
<p>« Le fait que certains courants de pensée énoncent des thèses contre-intuitives peut s’expliquer par le fait que ces chercheurs rêvent d’une grande percée de l’étude de l’esprit qui amènerait les hommes comme ce fut le cas avec les grandes découvertes physiques à se rendre compte que les postulats du sens commun sont faux. »</p>
</blockquote>
<h2>Le bonheur de la monétarisation</h2>
<p>Si <a href="https://sites.uclouvain.be/econ/Regards/Archives/RE038.pdf">l’argent ne fait pas le bonheur</a>, les chercheurs semblent par contre se délecter de la monétarisation du bonheur. C’est ainsi que le caractère contre-intuitif des recherches sur le bonheur, évoqué précédemment, se retrouve dans la tentative de chiffrage monétaire qui émerge du champ de ces travaux.</p>
<p>Les chercheurs Andrew Clark et Andrew Oswald nous apprennent par exemple que se marier équivaut en moyenne <a href="https://academic.oup.com/ije/article/31/6/1139/939527">à un supplément de revenu de 40 000 livres sterling par an</a>, ou que pour compenser la perte de bonheur dû au veuvage, il faudrait verser 170 000 livres sterling par an à la personne. Pour obtenir de tels résultats, les auteurs se basent sur un calcul de régression sur le bonheur qui, à leur sens, peut être utilisé pour mettre en valeur de manière positive ou négative presque tous les évènements de la vie. Ce type de méthodologie est très usité au sein de l’économie du bonheur. Mais son utilisation à des fins de préconisations politiques est surtout portée par la branche anglaise du courant, qualifiée de paternalisme libertaire.</p>
<p>Richard Layard, fervent défenseur de ces pratiques, considère que la création d’une <a href="http://www.armand-colin.com/le-prix-du-bonheur-lecons-dune-science-nouvelle-9782200350345">« science du bonheur »</a> est en cours. Sur la base de ces travaux statistiques mais aussi des travaux de neuro-économie menés actuellement, il serait possible d’étudier la réponse au bonheur des personnes et dès lors d’adapter les politiques publiques dans une optique de maximisation du bonheur. C’est ainsi que Layard <a href="https://www.letemps.ch/economie/richard-layard-detruire-vie-professionnelle-satisfaire-nos-appetits-consommateurs-cest">insiste sur la nécessité de mettre en place des incitations</a> pour éviter les comportements qui peuvent être dommageables au bonheur.</p>
<h2>Le bonheur, un objet scientifique ?</h2>
<p>Richard Layard, partisan d’une approche welfariste et hédoniste, montre que le niveau de bonheur ressenti est relatif (la perception que j’ai de mes propres revenus dépend du revenu des autres), adaptatif (le bonheur d’une personne n’est que temporairement affecté par une augmentation du revenu) et dépend de notre culture. Il conçoit le bonheur « comme un état biologique bien déterminé » et croit dans la possibilité de dégager des lois du bonheur.</p>
<p>Faut-il mettre tout le monde sous anxiolytiques ? C’est une des questions posées par Layard lorsqu’il explore les <a href="http://www.cee-recherche.fr/publications/document-de-travail/leconomie-du-bonheur-peut-elle-renouveler-leconomie-du-bien-etre">moyens les plus appropriés d’atteindre le bonheur</a>, comme le relate l’<a href="https://www.cairn.info/revue-economique-2009-4-page-905.htm#pa33">économiste Lucie Davoine</a>.</p>
<p>Cette proposition provocante de Layard soulève à notre sens un premier problème : elle revient à considérer uniquement les résultats de l’action en termes de bien-être, sans considération pour les moyens. Ce qui pose de nombreuses questions : quelles conséquences prendre en compte pour juger du caractère souhaitable d’une action ? Tous les moyens sont-ils bons, tant que la fin est atteinte ? Mais comment savoir quand celle-ci l’est réellement ? Quel est le bon moment pour juger de l’état en question, puisqu’il est toujours possible de retarder le temps du jugement ? Et si s’il ne fallait « juger de notre heur qu’après la mort », comme le préconisait Montaigne ?</p>
<h2>Des risques à ne pas négliger</h2>
<p>Une approche trop scientiste du bonheur présente plusieurs risques de dérives.</p>
<p>Premièrement, l’éviction d’autres valeurs centrales de la vie des personnes : justice, liberté, authenticité, etc. Deuxièmement, la confusion entre ce qui importe à l’échelle individuelle et ce qui importe à l’échelle collective, ce qui est de l’ordre du vécu et ce qui est de l’ordre de l’idéal : le risque est alors de renvoyer au niveau individuel ce qui se joue en réalité au niveau plus global des rapports sociaux. Troisièmement, l’éviction de la dimension politique du choix social et du pluralisme des valeurs. Quatrièmement, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-1995-5-p-882.htm">comme le souligne Anthony Giddens</a>, un renforcement de la croyance dans les systèmes experts, qui passent sous silence les limites de ces méthodes de détermination et d’évaluation du bien-être et qui le réifient.</p>
<p>Cette exhortation à être heureux peut conduire à évincer de l’analyse les contraintes sociales qui s’exercent sur les acteurs et en créer de nouvelles. Selon les <a href="https://www.babelio.com/livres/Bourdieu-Si-le-monde-social-mest-supportable-cest-parce-q/282893">mots de Pierre Bourdieu</a></p>
<blockquote>
<p>« On a à ce point intégré des contraintes sociales qu’on les prend pour des éléments de liberté. »</p>
</blockquote>
<p>On trouve d’ailleurs un écho à cette affirmation dans le célèbre ouvrage <em><a href="https://books.google.fr/books?id=EvwG_3AUzBsC&printsec=frontcover&dq=%22le+meilleur+des+mondes%22&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwinzZXav6vbAhVGuRQKHcCQB_UQ6AEINDAC#v=onepage&q&f=false">Le meilleur des mondes</a></em>, de Aldous Huxley :</p>
<blockquote>
<p>« Et c’est là, dit sentencieusement le Directeur […] qu’est le secret du bonheur et de la vertu, aimer ce qu’on est obligé de faire. Tel est le but de tout conditionnement : faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper. »</p>
</blockquote>
<p>Si l’on ne peut échapper à une réflexion sur le bonheur, on peut toutefois choisir d’échapper à ses lois…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97280/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiona Ottaviani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les observatoires du bonheur se multiplient. Ce souci du bien‑être semble faire contrepoids à l’obsession pour la croissance. Avec le risque que les « experts du bonheur » imposent leurs lois ?Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Grenoble Ecole de Management - Univ Grenoble Alpes ComUE - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique - Chercheuse associée au CREG - Université Grenoble Alpes, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/951702018-05-01T21:45:36Z2018-05-01T21:45:36ZPourquoi et comment le JEFTA pourrait remettre le commerce international au service de la paix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216905/original/file-20180430-135851-53h53z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C372%2C3770%2C2043&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le porte-container danois Cornelia Mærsk à l'ancre dans la baie de Nakhodka, Japon.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/container-ship-cornelia-maersk-standing-on-318578342?src=r9zZxNFozHckrBF7jdCo2w-1-22">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure où le retour du protectionnisme se fait de plus en plus prégnant et porteur de menaces pour l’économie mondiale, notamment en raison du <a href="https://theconversation.com/pour-une-reponse-apaisee-au-protectionnisme-americain-93581">repli promu par l’administration Trump</a>, un accord présentant de remarquables originalités passe relativement inaperçu.</p>
<p>Conclu le 8 décembre 2017 et devant entrer en vigueur en 2019, l’accord de libre-échange Union européenne (UE) – Japon ou JEFTA (<em>Japan-EU free trade agreement</em>) ne constitue pas seulement le plus important accord jamais signé par l’UE. Il pourrait aussi contribuer à changer la donne en profondeur en matière d’échanges internationaux, car il dédie un chapitre entier au développement durable et fait explicitement référence à l’accord de Paris sur le climat. Souvent décriés pour leur empreinte environnementale et leurs faibles soutiens à l’amélioration des conditions de travail dans les pays du Sud, les accords internationaux pourraient retrouver un rôle bénéfique sous l’impulsion de nouvelles normes qui auraient vocation à s’étendre. Au-delà, c’est même, rêvons un peu, le retour au « doux commerce » qu’évoquait Montesquieu, celui qui favorise le développement de relations commerciales et politiques apaisées, qui pourrait découler d’un accord pionnier et fondé sur la prise de conscience des dangers liés aux diverses formes de repli.</p>
<h2>Au départ, le retour au protectionnisme et ses dérives</h2>
<p>La compréhension du JEFTA et de ses ambitions requiert avant tout d’analyser le contexte protectionniste actuel. Les menaces formulées depuis plusieurs mois par le président américain à l’encontre des autorités chinoises ont été récemment mises en pratique. Après l’instauration de taxes sur l’aluminium et l’acier, l’administration Trump a publié une nouvelle liste de 1300 produits chinois concernés par des surtaxes. Pékin, qui avait anticipé cette situation, n’a mis que quelques heures à réagir, confirmant la tendance actuelle à l’emballement et le caractère désormais clairement belliqueux des échanges entre les deux premières économies mondiales. Donald Trump a d’ailleurs clairement évoqué des « guerres [commerciales] faciles à gagner ».</p>
<p>Pourtant, au-delà des effets d’annonces, un examen approfondi des mesures en question révèle surtout le peu d’effet de ces dernières sur le commerce Chine-États-Unis. Des mesures beaucoup plus impactantes pourraient être envisagées, concernant des produits bien plus centraux dans les échanges (produits manufacturés dans les usines chinoises pour l’essentiel, produits agricoles…). Ce qui remettrait en cause la prévision de croissance de l’OMC, qui table sur une augmentation du commerce international de 3,2 % en 2018. Pour l’instant, celle-ci n’a pas été revue à la baisse.</p>
<p>Avant même le conflit avec la Chine, la nouvelle orientation protectionniste américaine s’était traduite par la sortie des États-Unis du partenariat transpacifique (TPP), qui réunit douze pays riverains de l’océan Pacifique. C’est cet événement qui a encouragé la conclusion rapide d’un accord ambitieux entre l’UE et le Japon, même si les premières discussions à ce sujet avaient démarré en mai 2011.</p>
<h2>Un accord de libre-échange majeur sur le plan économique</h2>
<p>Conclu en fin d’année dernière, le JEFTA est largement passé inaperçu si on le compare avec le battage médiatique et les nombreuses oppositions qui s’étaient exprimées suite à la signature du CETA (accord entre l’Union européenne et le Canada), lors des négociations du TAFTA (accord entre l’UE et les États-Unis), <a href="https://www.publicsenat.fr/lcp/politique/tafta-des-negociations-suspendues-pas-enterrees-1466199">qui avaient été interrompues</a>. La relative indifférence générale dans laquelle le JEFTA s’apprête à entrer en vigueur en 2019 sera peut-être la principale clé de son succès. Mais ce n’est pas la seule, et d’autres atouts font du JEFTA un accord particulier et potentiellement vertueux. En effet, comme le montrent les chiffres, cet accord UE-Japon est structurant l’économie mondiale.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation du JEFTA.</span></figcaption>
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<p>Ensemble, ces deux entités politiques et économiques représentent quasiment le tiers du PIB mondial. Ce sont des acteurs très impliqués dans le commerce international, malgré leurs décisions de protéger assez fermement leurs marchés. L’UE est aujourd’hui le troisième partenaire commercial du Japon, et ce dernier figure au sixième rang des partenaires commerciaux de l’UE. Le commerce avec le Japon génère 600 000 emplois directs dans l’UE et que 74 000 entreprises européennes, dont 78 % de PME, exportent vers le Pays du Soleil Levant. Les bénéfices pour ces entreprises d’une levée des droits de douane sont donc potentiellement très importants. Celle-ci devrait faire économiser un milliard d’euros de droits de douane aux entreprises européennes, qui exportent chaque année vers le Japon pour 58 milliards d’euros de marchandises et 28 milliards de services.</p>
<p>Par ailleurs, les experts estiment que les exportations européennes vers le Japon devraient augmenter de 16 à 24 %. Or Jean‑Claude Juncker, s’appuyant sur les travaux de nombreux analystes, estime que chaque milliard d’euros d’exportation supplémentaire vers le Japon devrait contribuer à créer 14 000 emplois en Europe.</p>
<h2>Une ambition qui dépasse les enjeux économiques</h2>
<p>Au-delà des intérêts économiques, c’est sur un autre terrain que se dessinent l’originalité et le caractère pionnier du JEFTA. L’accord conclu avec le Japon est en effet le premier à faire référence explicitement à l’accord de Paris sur le climat.</p>
<p>Partageant les mêmes exigences en matière de santé, de protection de l’environnement ou de sécurité alimentaire, UE et Japon semblent prêts à endosser une responsabilité historique en produisant des normes techniques nouvelles, plus respectueuses de l’environnement, et favorisant également les progrès en matière sociale. Le spectre du nivellement par le bas, caractérisant nombre d’accords passés et ayant notamment, à juste titre, contribué à l’échec des négociations avec les États-Unis, semble ici s’éloigner. Au contraire, en dépit de l’empreinte environnementale associée aux échanges internationaux, le développement du commerce entre UE et Japon pourrait s’avérer devenir une excellente nouvelle pour l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique. Il permettrait par exemple une amélioration sensible de la qualité écologique des produits.</p>
<p>Rares seraient en effet les industriels pouvant se permettre de renoncer à un tel marché. Or pour y accéder, il leur faudra systématiser la montée en qualité, écologique notamment, de leurs produits. L’industrie automobile pourrait, entre autres, effectuer un saut qualitatif important. Le fait que deux membres du TPP (<em>Trans-Pacific Partnership</em>, <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/01/23/un-accord-de-libre-echange-transpacifique-va-voir-le-jour-malgre-le-retrait-americain_5245986_3234.html">accord de partenariat transpacifique</a>), l’Australie et la Nouvelle-Zélande, tentent aujourd’hui de se rapprocher de l’UE témoigne du potentiel de diffusion de normes sociales et environnementales exigeantes. Ces deux pays visent sans doute, à terme, une entrée dans le vaste marché UE-Japon…</p>
<h2>Un acte potentiellement fondateur pour la paix économique</h2>
<p>Bien sûr, le JEFTA n’est pas parfait. Des points d’amélioration évidents existent. L’occasion, qui était belle, d’intégrer dans l’accord des restrictions concernant la chasse à la baleine, la surpêche ou le commerce de bois illégal n’a pas été saisi. De tels sujets pourront, à la pratique de l’accord, être intégrés et discutés entre partenaires. L’opacité des négociations <a href="https://www.rtbf.be/info/economie/detail_apres-la-saga-du-ceta-a-present-celle-du-jefta?id=9642776">est également largement fustigée</a>. Une opacité moindre aurait sans doute permis de n’oublier aucun sujet sensible.</p>
<p>L’opportunité semble néanmoins avoir été saisie de contribuer à changer, repenser, voire pacifier le commerce international. Avec une rapidité et une efficacité prenant le contre-pied de la tendance générale au retour du protectionnisme… Les normes exigeantes instaurées sont en effet de nature de réduire les impacts délétères des échanges internationaux, dans les pays du Sud notamment. Si d’autres États devaient s’inspirer de cet accord, un commerce aux effets bénéfiques pour l’environnement et le progrès social pourrait émerger. Au-delà des textes, ce sont les pratiques qui permettront de jauger les réelles avancées que le JEFTA laisse augurer.</p>
<p>Si tel était le cas, le sort serait ironique, comme souvent mais dans le bon sens cette fois, puisque ce serait le contexte belliqueux alimenté par les États-Unis qui aurait permis cette évolution bienvenue. Le commerce international retrouverait alors son rôle de pacification, celui-là même que lui prêtaient les fondateurs de l’UE, qui pensaient que le renforcer permettait d’affaiblir les intérêts à faire la guerre. Une fois de plus, les mots du <a href="http://data.bnf.fr/fr/11886561/friedrich_holderlin/">poète allemand Höderlin</a> s’avéreraient justes, lui qui écrivait que <a href="http://www.zeno.org/Literatur/M/H%C3%B6lderlin,+Friedrich/Gedichte/Gedichte+1800-1804/%5BHymnen%5D/Patmos.+Dem+Landgrafen+von+Homburg">« là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95170/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Citant explicitement l’accord de Paris sur le climat, le traité de libre-échange UE−Japon fait la part belle au développement durable. Il pourrait changer radicalement le commerce international.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/953062018-04-26T21:44:32Z2018-04-26T21:44:32ZLes nudges : un coup de pouce non violent ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216567/original/file-20180426-175038-zc8u0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C112%2C2586%2C1463&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un exemple de nudge visant à inciter les usagers à utiliser les escaliers. Sur l'empreinte : « Retrouvez la forme, prenez l'escalier ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alanstanton/26653658203">Alan Stanton/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Popularisés en français sous le terme « coups de pouce », les <a href="https://theconversation.com/les-nudges-des-coups-de-pouce-pour-votre-sante-84744"><em>nudges</em> servent à orienter en douceur les comportements</a>. Autrement dit, ce sont des incitations non coercitives. Alors que le courant de la <a href="https://www.mindfulness-at-work.fr/fr/paix-economique-gem/paix-economique">paix économique</a> vise à tracer une orientation pour contrer la montée en charge des violences dans les champs de l’économie et de la gestion, les nudges font-ils partie des outils utilisables pour orienter les comportements dans le sens du bien commun ?</p>
<h2>Pourquoi un tel engouement ?</h2>
<p>L’engouement pour les <em>nudges</em> s’explique par le fait que ceux-ci permettraient de conduire des actions qui seraient plus efficaces à moindre coût, sans recourir à des méthodes coercitives. Ainsi, en précisant simplement dans ses courriers de relance que « neuf personnes sur dix payent leur impôt à l’heure en Grande-Bretagne », le fisc britannique a pu <a href="https://www.smartcompany.com.au/business-advice/innovation/why-98-of-readers-love-this-article/">augmenter fortement son taux de recouvrement</a>.</p>
<p>Conçus comme des instruments destinés aux politiques publiques et au management, l’intérêt des <em>nudges</em> a été largement débattu politiquement voici quelques années. Le premier ministre anglais David Cameron avait ainsi demandé en 2010 la création d’une <a href="https://www.theguardian.com/society/2010/sep/09/cameron-nudge-unit-economic-behaviour">« nudge unit »</a>, et des rapports publiés par diverses institutions avaient abordé la question : rapport <a href="https://casaa.org/wp-content/uploads/Behaviour-Change-Insight-Team-Annual-Update_acc.pdf">« Behavioural Insights Team Annual Update 2010–2011 »</a> du Bureau du Cabinet britannique, article dédié sur le site du <a href="http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-innovent/par-la-co-construction/le-nudge-au-service-de-laction-publique">secrétariat général de la modernisation de l’action publique français</a>, <a href="http://archives.strategie.gouv.fr/cas/content/note-d%E2%80%99analyse-216-nudges-verts-de-nouvelles-incitations-pour-des-comportements-ecologiques-.html">rapport du Centre d’analyse stratégique français sur les nudges verts</a>…</p>
<p>Le champ d’application des nudges est extrêmement vaste : <a href="http://archives.strategie.gouv.fr/cas/content/note-d%E2%80%99analyse-216-nudges-verts-de-nouvelles-incitations-pour-des-comportements-ecologiques-.html">écologie</a>, social, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=i-SVxDlBgXY">marketing</a>, etc. Aux États-Unis, cette réflexion a nourri le reformatage du régime de pension, l’interdiction des sodas de grande taille dans la ville de New York ou la politique d’enregistrement du don d’organes. <a href="https://www.theguardian.com/politics/2013/may/02/nudge-unit-has-it-worked">Au Royaume-Uni, elle a servi</a> à la transformation du « compliance in tax reporting », à la réduction de la consommation d’alcool chez les jeunes, et également à l’enregistrement du don d’organes. Elle a également nourri des politiques à Singapour, en Nouvelles Zélande, en Australie, en Allemagne, etc.</p>
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<h2>Transparence ou manipulation ?</h2>
<p>L’utilisation des nudges à des fins managériales ou politiques, tels que le suggèrent <a href="https://www.theguardian.com/world/2017/oct/09/nobel-prize-in-economics-richard-thaler">Thaler</a> et Sunstein (2009) a donné lieu à un débat animé centré sur la <a href="http://www.lexxion.de/pdf/ejrr/02NudgeandtheManipulationofChoice.pdf">question de l’acceptabilité de telles pratiques d’incitation</a>.</p>
<p>D’un côté, Thaler et Sunstein considèrent que les citoyens sont toujours influencés lors de leur prise de décision, notamment par le contexte dans lesquels ils déploient leurs activités. Dès lors, si les principes de valeur guidant l’usage à des fins politiques des <em>nudges</em> sont le <a href="http://www.slate.fr/story/3777/le-paternalisme-soft-avenir-de-la-politique">paternalisme libertaire</a> et le <a href="http://books.openedition.org/enseditions/4460?lang=fr">principe de publicité</a> de <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2003-2-page-207.htm">Rawls</a>, pour Sunstein et Thaler les <em>nudges</em> n’entrent pas en contradiction avec la liberté des citoyens. De l’autre côté, les détracteurs des <em>nudges</em>, tel que le philosophe <a href="https://www.york.ac.uk/economics/our-people/staff-profiles/mozaffar-qizilbash/">Mozaffar Qizilbash</a>, soulignent le <a href="https://www.newscientist.com/article/mg21228376.500-nudge-policies-are-another-name-for-coercion/?DCMP=OTC-rss&nsref=online-news">caractère manipulatoire de telles pratiques</a>.</p>
<p>Mettant au jour les limites de chacune de ces deux postures, <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2555337">Hansen et Jespersen distinguent quatre types de nudges</a>, selon :</p>
<ul>
<li><p>leur degré de transparence ; <br></p></li>
<li><p>le type de pensée réflexive associée : est-elle un sous-produit du nudge ou le nudge ? Le nudge porte-t-il sur la modification des comportements ou des choix ?</p></li>
</ul>
<p>Ici la <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=VJRz_93P99sC&oi=fnd&pg=PT7&dq=kahneman+syst%C3%A8me+1&ots=vr7luR6cwB&sig=-DwEvAAVQSjJGHpOZ-f7XjZC40A">mobilisation de deux systèmes régissant notre façon de penser est distinguée</a> : le système 1, qui renvoie à la dimension émotionnelle et intuitive de notre psyché, et le système 2, qui fait référence à une manière de pensée plus lente, plus laborieuse, contrôlée et logique.</p>
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<p>Dans cette approche, il n’y a pas forcément de conflit entre les <em>nudges</em> et la transparence. S’il est impossible d’éviter tout effet de cadrage sur la prise de décision, <a href="http://www.lexxion.de/pdf/ejrr/02NudgeandtheManipulationofChoice.pdf">Hansen et Jespersen</a> avancent toutefois l’importance de distinguer deux situations. Dans la première, le cadre de décision pousse les personnes vers une décision particulière où le choix autonome est menacé. Dans la seconde, des éléments de contexte et des informations sont fournis aux individus, pour qu’ils puissent faire un vrai choix. Voici les quatre types de nudges, illustrés par des exemples concrets :</p>
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<p>La transparence des choix joue donc un grand rôle dans la possibilité de juger comme manipulatoire ou non la pratique considérée.</p>
<h2>Le levier de la norme sociale ?</h2>
<p>Une question reste entière : si l’efficacité des <em>nudges</em> se fonde sur la norme sociale, autrement dit sur notre tendance au <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/medias/avec-the-push-netflix-relance-la-polemique-autour-d-une-experience-derangeante_1987089.html">conformisme social</a>, un tel conformisme doit-il être valorisé ? Si le ressort pour avoir le « bon » comportement est, notamment, le souci du jugement des autres (quand bien même le dispositif d’orientation est explicite), alors les pratiques encourageant les individus à exercer un regard critique sur les normes sociales ont peu d’intérêt. En effet, plus ceux-ci seront sensibles aux normes sociales, plus les <em>nudges</em> fonctionneront.</p>
<p>Si la question des <em>nudges</em> divise chercheurs et politiques, c’est sans doute parce que nous baignons déjà dans une société et des organisations normées, qui nous soumettent à des stimuli, des incitations ou des manipulations sans que nous l’ayons choisi. On peut considérer les <em>nudges</em> comme une manière de mettre au jour ces incitations lorsque celles-ci sont transparentes, et accroître ainsi la liberté de choix dans une optique bienveillante, ou au contraire les percevoir comme un instrument d’accentuation de la normalisation des comportements.</p>
<p>Ainsi, la question devient : les <em>nudges</em> favorisent-ils notre absence à nous-mêmes, ou <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">nous permettent-ils d’être davantage conscients de nos choix</a> ? Toutefois, répondre à cette question ne résout pas tout : reste notamment la problématique du cadre de ces choix, qui renvoie à l’organisation démocratique de nos sociétés.</p>
<h2>Qui décide des nudges ?</h2>
<p>Qui décide du sens dans lequel les choix et les comportements doivent être orientés ? Les technocrates, qu’ils soient expert·e·s en politiques publiques ou en marketing, peuvent-ils se permettre de répondre à la place des citoyen·ne·s ?</p>
<p>Cette question dépasse de loin celle des <em>nudges</em>, mais nous paraît constituer la toile de fond du débat sur de tels outils. La réintroduction d’une discussion collective autour de ce qui est considéré comme souhaitable se pose ici… Avec toute la difficulté que peut présenter le fait d’« orienter » les personnes vers un tel débat… Si la <a href="http://data.over-blog-kiwi.com/0/55/48/97/20150830/ob_ca340a_la-fragilite-des-affaires-humaines.pdf">sphère publique est fragile</a>, chaotique et peu efficace en comparaison d’un choix fait par quelque-uns, elle demeure toutefois la sphère pertinente pour penser les cadres de choix. Ces cadres pourront ensuite orienter les choix complexes de chaque individu.</p>
<p>Le débat sur les <em>nudges</em> a au moins le mérite de soulever la question du caractère manipulatoire, voire violent, des normes. Et d’attirer l’attention sur le fait que la question du choix individuel ne recoupe pas celle du choix social, même si les deux doivent être pensés dans leur rapport dialectique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95306/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Quels pourraient être les outils pour orienter les comportements dans le sens du bien commun sans recourir à la violence ? Au rang des outils possibles, faut-il compter les nudges ?Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique - Political Economy and Sustainable Competitiveness Initiative - Chercheuse associée au CREG - UGA, Grenoble École de Management (GEM)Dominique Steiler, Titualire de la chaire Mindfulness, Bien-être au travail et paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/921222018-03-21T20:45:19Z2018-03-21T20:45:19ZEmploi et bien-être, quels indicateurs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211424/original/file-20180321-165557-1uh1xdz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C151%2C3733%2C2037&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quantité et qualité de travail ne sont pas synonymes : le cas de l'agglomération grenobloise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/433000819?src=5OQ9kG2PbvI-J-OyQO777g-1-13&size=huge_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article s'inscrit dans le cadre de la <a href="http://mindfulness-at-work.fr/fr/">Chaire Mindfulness, Bien-être et Paix Économique de GEM</a>. Il vient nourrir la réflexion du premier <a href="https://bienvivre2018.org/">forum international pour le bien vivre</a> qui se tiendra à Grenoble du 6 au 8 juin prochain, sur le thème « Richesse(s), bonheur : quels indicateurs pour inventer demain ? »</em></p>
<hr>
<p>L’implication de différents acteurs et actrices du territoire grenoblois (chercheur·e·s, élu·e·s, habitant·e·s, professionnel·le·s des politiques publiques, etc.) dans une démarche participative de construction d’<a href="https://theconversation.com/designing-local-well-being-indicators-the-case-of-the-grenoble-metropolitan-area-87281">Indicateurs de bien-être soutenable territorialisés</a> (IBEST) a permis d’identifier, à l’échelle de la <a href="https://www.lametro.fr/">métropole</a>, huit dimensions de bien-être soutenable : le travail et l’emploi, l’affirmation de soi et l’engagement, la démocratie et le vivre ensemble, l’environnement naturel, la santé, l’accès aux services publics, le temps et le rythme de vie et l’accès durable aux biens de subsistance.</p>
<h2>Une boussole pour orienter l’action publique vers le bien-être soutenable</h2>
<p>Ces <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01333323/document">huit dimensions d’IBEST</a> se déclinent en vingt-huit indicateurs du bien-être soutenable. Rassemblés au sein d’un tableau de bord, ils constituent une boussole utilisable pour orienter l’action publique. Ces indicateurs peuvent par exemple être utilisés pour établir un diagnostic précis de la situation du territoire, et déterminer la chance qu’ont les personnes qui l’habitent de se réaliser ou pas sur chaque plan considéré.</p>
<p>Les habitant·e·s de la métropole grenobloise sont-ils ou sont-elles sur la voie du bien-être soutenable ? Pour le savoir, une <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2014-1-page-105.htm">analyse statistique</a> de données récoltées dans le cadre d’une enquête réalisée en 2012 sur le territoire de l’agglomération grenobloise auprès d’un <a href="http://creg.univ-grenoble-alpes.fr/operations-de-recherche/projet-ibest-174980.htm">échantillon représentatif de 1 000 personnes</a> vient éclairer les huit dimensions identifiées. Les résultats obtenus sur la dimension travail et emploi illustrent la pertinence de cette approche.</p>
<h2>Travail : ne pas confondre quantité et qualité</h2>
<p>La quantité d’emploi sur un territoire n’est pas tout. Comme le révèle la <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01333323/document">démarche participative et l’avis citoyen rédigé au cours de ce processus</a>, il est important de se soucier également de la qualité desdits emplois. Les habitant·e·s interrogé·e·s ont ainsi souligné que :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’absence d’emplois est une souffrance quotidienne et une accumulation de difficultés (peu ou pas de revenus, moins de liens sociaux…), le fait d’avoir un emploi ne garantit pas le bien-être. Au contraire, l’emploi peut être perçu comme un “privilège” et conduire à nier des situations de souffrance voire d’oppressions qu’il contient. »</p>
</blockquote>
<p>Or, l’indicateur du taux d’emploi reste encore trop souvent au centre de l’analyse de la situation de l’emploi. Ainsi, cet indicateur a été sélectionné pour renseigner la dimension emploi dans le <a href="http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/notes_danalyse_n32_-_24.06.pdf">tableau de bord de France Stratégie pour aller « au-delà du PIB »</a>. La focalisation sur de tels indicateurs ne doit pas faire oublier qu’avoir un emploi ne prémunit pas contre le mal-être dans l’emploi.</p>
<h2>Quantité et qualité de l’emploi : comment varient-ils ?</h2>
<p>Si <a href="http://www.lemonde.fr/emploi/article/2015/03/17/la-qualite-de-l-emploi-des-jeunes-europeens-s-est-deterioree-sans-reduire-le-chomage_4595316_1698637.html">certaines études à l’échelle européenne montrent que quantité et qualité d’emploi varient de concert</a>, dans l’agglomération grenobloise la situation est moins claire. En effet, l’indicateur de l’insatisfaction ressentie vis-à-vis de son travail ou de ses conditions d’emploi et du taux d’emploi montre que, sur le territoire grenoblois, quantité d’emploi n’équivaut pas à qualité de l’emploi.</p>
<p>En guise d’illustration, reprenons un <a href="http://www.cjrs-rcsr.org/V39/cjrs_rcsr39-1-1LeroyOttaviani.pdf">résultat publié à ce sujet avec Anne Le Roy dans la revue canadienne de science régionale</a>. En 2011, le secteur Grand Sud est un territoire où la part des catégories socioprofessionnelles supérieures est plus importante que dans le reste de l’agglomération. C’est aussi un territoire où le taux d’emploi est l’un des plus élevé de l’agglomération avec 68 % des personnes en emploi (contre 62 % dans l’agglomération). On pourrait alors conclure que tout va bien, qu’il n’y a « rien à signaler ». Mais ce serait oublier ce que la statistique classique n’éclaire pas. En effet, dans ce cas précis, les habitant·e·s de ces territoires sont bien affecté·e·s par des problèmes liés à la satisfaction, notamment en ce qui concerne leurs conditions d’emploi.</p>
<h2>Taux d’emploi et satisfaction dans l’emploi</h2>
<p>En termes d’emploi, les indicateurs classiques de la statistique publique n’éclairent donc qu’une partie de la « réalité ». Ils laissent dans l’ombre la montée en charge des situations de <a href="https://www.pug.fr/produit/1053/9782706117091/Manifeste%20pour%20une%20education%20a%20la%20paix%20economique">mal-être, de violence dans l’emploi et la problématique des risques psychosociaux</a>. Loin de la <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">paix économique, ils occultent les effets d’une conception guerrière de l’activité économique</a>.</p>
<p>Ce constat est d’autant plus grave qu’une insatisfaction à l’égard des conditions d’emploi traduit souvent une limitation des possibilités de réalisation de l’individu dans d’autres champs. Accès au logement limité pour les personnes en contrat précaire, épanouissement personnel en berne lorsque le temps d’activité contraint les autres temps, etc. La montée en charge de la problématique des <a href="https://www.inegalites.fr/Un-million-de-travailleurs-pauvres-en-France?id_mot=76">travailleurs et travailleuses pauvres</a> témoignent également du fait qu’avoir un emploi ne prémunit pas contre la nécessité. Pour toutes ces raisons, au-delà du stock ou des flux d’emploi, les indicateurs de demain devront éclairer la qualité de l’emploi sous différents angles.</p>
<h2>Qu’est-ce qui vaut dans le travail ou que vaut le travail ?</h2>
<p>Au-delà des difficultés relatives à l’accès à l’emploi, qui sont par ailleurs bien saisies par la statistique classique, il importe de s’interroger sur le degré de réalisation des personnes dans leur travail, et sur les facteurs qui l’influencent.</p>
<p>Quand on interroge les personnes du territoire grenoblois sur leurs attentes vis-à-vis du travail, elles mentionnent une large diversité de critères plutôt qu’un critère unique. Dès lors, le travail ne peut se résumer à la perception d’un bon salaire. Certains critères ressortent toutefois de manière prépondérante : travailler avec des gens sympathiques, apprendre et réaliser quelque chose. Les attentes des travailleurs sont donc nombreuses, complexes ainsi que relativement consensuelles et partagées.</p>
<p>Lorsqu’on s’intéresse aux indicateurs « satisfaction vis-à-vis de son travail et de ses conditions d’emploi » et « satisfaction par rapport au montant du salaire perçu », trois groupes différents se dessinent via une analyse axée sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2014-1-page-105.htm">nuées dynamiques</a>.</p>
<p>Sur l’agglomération grenobloise, 29 % des personnes interrogées sont à la fois satisfaites de leur condition d’emploi, de leur travail et de leur niveau de salaire. Ce sont essentiellement des cadres en CDI jouissant d’un niveau de revenu supérieur à la moyenne. 59 % des personnes de l’agglomération éprouvent un sentiment d’injustice par rapport au niveau de salaire qu’elles perçoivent, mais sont de tout de même relativement satisfaites de leur condition d’emploi et de leur travail. Enfin, 12 % des personnes de l’agglomération sont insatisfaites sur tous les plans considérés. On retrouve ici toutes les personnes – et principalement des femmes – qui sont les plus précarisées dans l’emploi et notamment les travailleurs ou travailleuses pauvres évoqué·e·s précédemment.</p>
<h2>Le travail, une valeur importante</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/211458/original/file-20180321-165547-u7goy6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211458/original/file-20180321-165547-u7goy6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211458/original/file-20180321-165547-u7goy6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211458/original/file-20180321-165547-u7goy6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211458/original/file-20180321-165547-u7goy6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211458/original/file-20180321-165547-u7goy6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211458/original/file-20180321-165547-u7goy6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211458/original/file-20180321-165547-u7goy6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Classes de réalisation travail et emploi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IBEST 2012</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le travail apparaît comme très important, mais moins que la famille, l’habitat, les amis et les relations. Il est en revanche considéré par un plus grand nombre de personnes comme très important, davantage par exemple que les loisirs, le temps libre, la situation politique et sociale ou la religion. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/211461/original/file-20180321-165577-dcp0ii.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211461/original/file-20180321-165577-dcp0ii.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211461/original/file-20180321-165577-dcp0ii.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211461/original/file-20180321-165577-dcp0ii.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211461/original/file-20180321-165577-dcp0ii.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211461/original/file-20180321-165577-dcp0ii.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211461/original/file-20180321-165577-dcp0ii.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211461/original/file-20180321-165577-dcp0ii.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Qu’est-ce qui est important ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">IBEST 2012</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Ce constat s’applique quel que soit le degré de réalisation des personnes par rapport au travail. On observe donc qu’il y a une reconnaissance massive de l’importance du travail ou de sa centralité actuelle, même parmi ceux et celles qui sont les moins bien loti·e·s dans l’emploi.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/211459/original/file-20180321-165587-12u678f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211459/original/file-20180321-165587-12u678f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211459/original/file-20180321-165587-12u678f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211459/original/file-20180321-165587-12u678f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211459/original/file-20180321-165587-12u678f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211459/original/file-20180321-165587-12u678f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211459/original/file-20180321-165587-12u678f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211459/original/file-20180321-165587-12u678f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">̛L’importance accordée au travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IBEST 2012</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Si le travail est si important pour les personnes et même davantage que les loisirs, est-ce que cela est associé au fait que celles-ci désireraient y consacrer plus de temps ? On voit apparaître ici une forme de paradoxe : à savoir que les personnes considèrent le travail comme très important mais voudraient y consacrer tout de même pour beaucoup moins de temps.</p>
<h2>Vers une autre répartition et organisation du travail ?</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/211463/original/file-20180321-165580-12qh02o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211463/original/file-20180321-165580-12qh02o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211463/original/file-20180321-165580-12qh02o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211463/original/file-20180321-165580-12qh02o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211463/original/file-20180321-165580-12qh02o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211463/original/file-20180321-165580-12qh02o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211463/original/file-20180321-165580-12qh02o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211463/original/file-20180321-165580-12qh02o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Si vous pouviez changer votre emploi du temps, vous consacreriez au travail…</span>
<span class="attribution"><span class="source">IBEST 2012</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Près de 50 % des personnes interrogées souhaiteraient consacrer moins de temps à leur travail : plus le groupe rencontre des problèmes de réalisation, plus la réponse « consacrer moins de temps » est fréquente. Ceux qui voudraient y consacrer plus de temps sont ceux qui manquent de ressources ou qui ne bénéficient pas du statut associé à l’emploi : personnes en recherche d’emploi, personnes à temps partiel subi, personnes dont le conjoint est au chômage. Toutefois, même au sein de ce groupe une proportion non négligeable de personnes souhaiterait consacrer moins de temps au travail.</p>
<p>En définitive, l’activité travail ne peut se résumer à la seule perception d’un salaire. Les attentes vis-à-vis du travail sont plus larges. Pour autant, cela signifie pas que le travail n’est pas anxiogène. Chez les salarié·e·s, les situations de stress prédominent, comme le révèlent également d’autres <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2013-5-page-119.htm">études menées à l’échelle européenne ou nationale</a>. En outre, il existe une relation entre le fait d’être stressé·e et non satisfait·e de son travail ou de ses conditions d’emploi. Ceux ou celles qui sont les moins satisfait·e·s de leur emploi sont souvent aussi plus stressé·e·s que les autres.</p>
<h2>Le travail, un puissant effet structurant</h2>
<p>Cette analyse souligne la pression qu’exerce le travail sur les autres temps d’activités, et son effet structurant en matière de possibilités de réalisation. Les classes qui se réalisent le moins bien sur le plan du travail et de l’emploi ont un sentiment de moindre contrôle sur leur vie. Cette tension sur les temps de vie touche particulièrement les femmes actives, les ouvriers et les employés.</p>
<p>Ces données sur le travail et l’emploi, nouvelles à cette échelle du territoire, mettent en exergue l’intersectionnalité des inégalités et la nécessité de concevoir des <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">réponses transversales</a> afin d’améliorer les opportunités offertes à tou·te·s. Une société soutenable exige de repenser non seulement la place du travail par rapport à l’ensemble des autres temps de vie, mais aussi le sens associé à toute activité productive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92122/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiona Ottaviani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Richesse(s), bonheur : quels indicateurs pour inventer demain ? Une première piste avec les indicateurs de bien-être soutenable territorialisés, qui mettent en lumière les facteurs du bien-être dans le travail.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique - Political Economy and Sustainable Competitiveness Initiative - Chercheuse associée au CREG - UGA, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/935812018-03-19T21:18:28Z2018-03-19T21:18:28ZPour une réponse apaisée au protectionnisme américain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211041/original/file-20180319-31608-1wxm9n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C3%2C2492%2C1867&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le protectionnisme des États-Unis censé protéger les travailleurs américains pourrait plutôt leur nuire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/226769761?src=4fPyJsgQdS0FKHPJUVpClQ-2-67&size=huge_jpg">shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article s'inscrit dans le cadre de la <a href="http://mindfulness-at-work.fr/fr/">Chaire Mindfulness, Bien-être et Paix Économique de GEM</a>.</em> </p>
<hr>
<p>À l’heure où les signes de reprise de l’activité économique se multiplient et où <a href="http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/2018/03/03/29006-20180303ARTFIG00006-en-2017-il-y-a-eu-plus-d-ouvertures-d-usines-que-de-fermetures.php">même l’industrie française semble confirmer son regain de forme</a>, l’administration Trump vient de libérer un nouveau facteur de risque pour l’industrie et l’économie mondiale en relevant les taxes sur les importations d’acier à 25 % et d’aluminium à 10 %. Ce faisant, Donald Trump prend le risque, totalement assumé comme le soulignent ses déclarations belliqueuses, de relancer une guerre commerciale dépassant largement le cadre des industries initialement concernées.</p>
<p>Côté américain, donc, « le coup est parti », même si l’application de la mesure sera probablement différenciée : dans un premier temps, le Canada et le Mexique seront notamment épargnés. De l’autre côté de l’Atlantique, l’Union européenne doit réagir en assumant son rôle systémique en matière de commerce international : une réponse apaisée et apaisante serait plus que bienvenue.</p>
<h2>Des mesures symboliques aux conséquences concrètes et néfastes</h2>
<p>L’augmentation des droits de douane sur l’acier et l’aluminium constitue une mesure symbolique puisque selon Donald Trump, il n’existe « pas de grand pays sans industrie de l’acier ». Cette dernière, en plus d’employer de nombreuses personnes, permet d’alimenter et de rendre plus ou moins compétitives de nombreuses industries aval, dont celle de l’automobile.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"969558431802806272"}"></div></p>
<blockquote>
<p>« Nous devons protéger notre pays et nos ouvriers. Notre industrie de l’acier est en mauvais état. SI VOUS N’AVEZ PAS D’ACIER, VOUS N’AVEZ PAS DE PAYS ! »</p>
</blockquote>
<p>Toutefois, en défendant son industrie de l’acier par la voie des taxes imposées aux concurrents étrangers, le risque est grand de réduire la compétitivité des industries consommatrices d’acier aux États-Unis. La décision de Georges W. Bush en mars 2002 d’augmenter les taxes de 8 % à 30 % sur l’acier s’était accompagnée, dans les mois suivants, de <a href="http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1086866/verif-tarif-acier-aluminium-trump-commerce-omc-accord-securite-chine-etats-unis">la perte de 200 000 emplois</a> dans ces industries. Les conséquences risquent, une nouvelle fois, de s’avérer désastreuses, tant pour l’économie américaine que pour celles de ses partenaires.</p>
<h2>Dangereuses réactions en chaîne</h2>
<p>Au-delà des effets directs de ce protectionnisme, c’est l’évolution du statut des partenaires qui pose question. Se considéreront-ils encore comme tels alors qu’un supposé « allié » économique leur impose une si importante source de difficultés ? En matière de relations commerciales comme de tout autre type de relations, comme le soulignait Sartre, « la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres ». La confiance entre partenaires commerciaux, une variable économique clé, se trouve ici bien mise à mal…</p>
<p>Ces mesures portent également en elles un paradoxe : en dépit de la place réservée à la Chine dans le discours de Donald Trump, cette dernière sera loin d’être la plus touchée. En effet, le pays n’occupe que la onzième position dans les importations américaines d’acier, et les exportations d’acier chinois vers les États-Unis chutent depuis 2011, date à laquelle l’administration Obama avait pris des mesures antidumping très efficaces. Les premiers touchés par le relèvement des taxes américaines sont les plus importants fournisseurs d’acier des États-Unis : le Canada, le Brésil, la Corée du Sud et le Mexique. L’Union européenne, avec notamment l’Allemagne, l’Italie et la France sera également fortement impactée.</p>
<p>En dépit de conséquences réduites pour son industrie, la Chine s’estime tout de même attaquée. En représailles, elle envisage des répliques centrées sur les produits agricoles, visant notamment à <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/0301418747006-la-chine-redoute-une-escalade-des-tensions-commerciales-2160075.php">réduire les importations de sorgho et de soja américains</a>. Au-delà de l’agriculture, son pouvoir de nuisance est élevé car elle peut procéder si elle le souhaite à une vente massive d’obligations d’État américaines.</p>
<p>De son côté, l’Union européenne réfléchit à un relèvement des barrières sur des produits fabriqués dans des États républicains (Harley Davidson, Jean Levi’s, bourbon…). Bien que de telles mesures découlent d’un raisonnement élaboré et se veuillent proportionnées, elles seraient très dangereuses en raison des effets d’emballement possibles et des inévitables « dommages collatéraux », expression consacrée lorsqu’il est question de guerre, même si elle est ici économique.</p>
<h2>Un encouragement à la guerre des changes</h2>
<p>Du côté de l’administration Trump, ces mesures protectionnistes sont présentées comme une réponse à la <a href="https://www.letemps.ch/opinions/cacophonie-trumpmnuchin-met-marche-changes-ebullition">guerre des changes</a> qui a déjà commencé. Depuis plusieurs mois en effet, Donald Trump demande à plusieurs pays de faire remonter la valeur de leur monnaie sous peine de déclenchement d’une guerre commerciale. Le Trésor américain, en effet de manipuler leur monnaie en vue de favoriser les exportations vers les États-Unis. Sur la liste de surveillance qu’il a établie figurent notamment la Corée du Sud, la Chine et le Japon.</p>
<p>Qu’ils aient ou non déjà contribué à la sous-évaluation de leur monnaie, les pays qui vont subir la hausse des tarifs douaniers américains pourraient être tentés de suivre cette voie pour compenser la perte de compétitivité résultante. Et ce même si tous les épisodes de dévaluations compétitives et de « guerre des changes » observés au cours de l’histoire aboutissent à une seule conclusion : ces pratiques sont non seulement inutiles économiquement, mais aussi extrêmement néfastes pour tous. Retour de l’inflation et ralentissement de la croissance, voire crise, sont toujours au rendez-vous.</p>
<p>D’autres mesures sont bien sûr possibles et les ripostes envisagées par la Chine et l’Union européenne ne font que préfigurer ce qui pourrait se transformer en une véritable guerre commerciale et économique, menée sur de nombreux fronts. Dans un contexte de montée des populismes et de perte de pouvoir de l’OMC (les États-Unis bloquent actuellement la nomination de juges qui permettrait un bon fonctionnement de l’ORD, l’Organe de Règlement des Différends, censé arbitrer les litiges commerciaux), le risque est d’escalade est grand…</p>
<h2>Des solutions apaisées</h2>
<p>Si l’on revient aux origines du problème, la volonté du Président américain de réduire le déficit avec la Chine et de défendre l’emploi aux États-Unis est légitime. Qu’elle donne lieu à des mesures concrètes l’est également. Que ces dernières soient issues de discussions constructives et coordonnées avec les partenaires commerciaux serait bienvenu et tout à fait possible.</p>
<p>Il n’est clairement pas dans l’intérêt de la Chine ou d’autres pays exportateurs de contribuer à la dégradation de la santé économique de partenaires dont ils ont besoin. Les États-Unis ont eux-mêmes souvent expérimenté le soutien à l’Europe ou au Japon pour trouver des relais de croissance dans diverses régions du monde. Encore très récemment, en acceptant une légère surévaluation du dollar, l’administration Obama a renforcé la reprise économique mondiale. La défense d’industries spécifiques est même tout à fait envisageable dans le cadre d’un protectionnisme éclairé et ciblé.</p>
<p>C’est le cas du <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2000/02/CASSEN/2127">protectionnisme altruiste proposé par Bernard Cassen</a>. Destiné à protéger les pays développés et à favoriser le développement des pays du Sud, il reposerait sur des prélèvements sur les importations variables en fonction de critères sociaux et écologiques. Cassen propose par exemple une combinaison des critères de l’<a href="http://www.ilo.org/global/lang--fr/index.htm">Organisation Internationale du Travail</a>, du <a href="https://www.unenvironment.org/fr">Programme des Nations unies pour l’environnement</a> et du <a href="http://www.undp.org/content/undp/fr/home.html">Programme des Nations unies pour le développement</a> par exemple. Ces prélèvements seraient ensuite reversés au pays de départ ou à des organisations internationales en vue d’utilisations à des fins sociales, environnementales ou éducatives dans le pays de départ.</p>
<p>Trois objectifs seraient ainsi en mesure d’être atteints :</p>
<ul>
<li><p>Protéger les modèles sociaux dans les pays développés ;</p></li>
<li><p>Défendre les intérêts des travailleurs du Sud ;</p></li>
<li><p>Favoriser les marchés nationaux.</p></li>
</ul>
<p>Quel que soit le niveau de développement des pays concernés, de telles mesures seraient sans doute aujourd’hui bienvenues et de nature à dépasser les ambitions du commerce équitable traditionnel. On en reviendrait alors au <a href="http://journals.openedition.org/chrhc/3463">« doux commerce »</a> qu’évoquait Montesquieu, un commerce des Nations qui serait générateur de paix entre elles. Quelles que soient les solutions retenues, conserver cet objectif sera essentiel dans les semaines qui viennent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93581/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump a décidé de jouer la carte d’un protectionnisme agressif, au risque de déclencher une violente guerre économique. Des solutions alternatives sont pourtant possibles.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/878852017-11-22T21:36:22Z2017-11-22T21:36:22ZPourquoi il ne faut pas se réjouir trop vite du retour de la croissance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195606/original/file-20171121-6039-jalbiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reprise ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/15961/">VisualHunt</a></span></figcaption></figure><p>Les chiffres sont clairs : la croissance européenne atteint actuellement des niveaux que l’on n’avait plus observés depuis dix ans, niveaux supérieurs même aux prévisions récentes les plus optimistes. Pourtant, les caractéristiques de cette croissance, plus encore que les risques qui pèsent sur elle, incitent à associer un peu de prudence à la légitime satisfaction.</p>
<h2>La bonne nouvelle : Une croissance bien partagée au sein de la zone euro</h2>
<p><a href="http://lemde.fr/2jbXruw">Les dernières prévisions de la Commission européenne</a> établissent la croissance à 2,2 % du PIB en 2017, corrigeant les prévisions précédentes (datant du printemps dernier) de 1,7 %. La correction est énorme et semble justifiée. L’intérêt de la Commission n’est certainement pas de gonfler les chiffres au moment où son discours vise, plus que jamais, à amener les États membres à poursuivre les efforts de réduction des déficits et à éviter tout laxisme dans ce domaine.</p>
<p>La pertinence du taux de croissance pour mesurer la bonne santé économique d’un pays reste relative, <a href="https://theconversation.com/la-croissance-un-objectif-economique-trop-simpliste-73789">comme nous l’avions déjà évoqué</a>.</p>
<p>Au-delà du chiffre, la bonne nouvelle réside sans aucun doute dans le caractère équilibré de cette croissance au sein de la zone euro, voire de l’ensemble de l’Union européenne. Tous les pays européens retrouvent des taux supérieurs à 2 % à l’exception de quelques-uns qui voient tout le même leur situation s’améliorer.</p>
<p>La Commission table ainsi, pour les plus faibles taux, sur une croissance de 1,5 % en Italie, 1,5 % au Royaume-Uni, 1,6 % en France, et 1,7 % en Belgique. Certains économistes y voient, sans doute trop rapidement, une occasion de remettre en cause l’idée de stagnation séculaire et évoquent, à tout le moins, une sortie de l’économie du triple zéro que nous avions <a href="https://theconversation.com/leconomie-du-triple-zero-un-prealable-a-de-nouvelles-formes-de-progres-60722">présenté il y a quelques mois</a>.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, plusieurs bénéfices associés à la croissance actuelle commencent à poindre.</p>
<h2>Des effets positifs déjà mesurables</h2>
<p>Le principal intérêt de la croissance, dans la situation actuelle et même si ce n’est pas le seul, est son effet direct sur le chômage. Le taux de chômage au sein de la zone euro devrait atteindre 9,1 % en fin d’année (son niveau le plus bas depuis 2009) et 7,9 % dans deux ans si le rythme anticipé de la croissance devait se poursuivre.</p>
<p>Des effets indirects provenant de la baisse mécanique des déficits publics et de la dette doivent renforcer le lien entre croissance et emploi. La dette publique devrait ainsi passer de 89,3 % à 85,2 % du PIB des États membres dans les deux ans qui viennent. Au cours de la même période, le déficit public de la zone euro devrait passer de 1,1 % à 0,8 %. Des doutes sont toutefois légitimes sur la durabilité de la croissance actuelle.</p>
<h2>Une croissance reposant sur des conditions non durables</h2>
<p>Les efforts déployés en vue de ranimer la croissance, entrepris depuis plusieurs années, portent enfin leurs fruits. Le réel soutien budgétaire et les conditions de financements très favorables ne sont pas étrangers au retour de la croissance. Cette dernière revenue, il importe de trouver des relais à ces soutiens qui ne sauraient être que ponctuels.</p>
<p>Même si la légère augmentation de la consommation et le redémarrage de l’investissement sont réels (il s’agit plutôt de rattrapage), une part essentielle de la croissance est exogène : elle trouve ses origines dans une dynamique mondiale actuellement plus porteuse mais aussi très fragile. Les anticipations de croissance pour les années qui viennent confirment bien cette fragilité puisque les taux prévus sont très modérés (inférieurs en 2018 et 2019, pour la plupart des pays, aux chiffres de 2017) par rapport à ceux qui ont suivi les crises précédentes (la crise dont nous sortirions actuellement est celle de 2008).</p>
<p>Une autre caractéristique de la croissance actuelle pose problème : son caractère non suffisamment inclusif. Si au niveau géographique, tous les pays sont concernés, à l’intérieur de ces pays, des populations ne profitent pas assez de la réduction du chômage et n’accèdent pas aux bénéfices de la croissance. La lutte contre cette exclusion, délétère pour tous, et la poursuite continue des objectifs de progrès social, dont le bien-fondé fût bien rappelé récemment par <a href="https://theconversation.com/is-it-still-possible-to-believe-in-social-progress-86112">Göran Therborn et Marc Fleurbaey</a> constituent sans aucun doute le vrai chantier pour les mois qui viennent, en vue d’accompagner idéalement la croissance (re)naissante.</p>
<p>Face aux nombreux risques pesant sur la croissance (tensions géopolitiques mondiales, ralentissement plus long que prévu de l’économie chinoise, retour en force du protectionnisme…), légitimités sociale et économique des politiques se rejoignent donc pour justifier la recherche d’une croissance plus inclusive et pacifiante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87885/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nette accélération de la croissance au sein de la zone euro apporte déjà des bénéfices en termes de réduction du chômage. Pour attendue qu’elle puisse être, elle n’en demeure pas moins dangereuse.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.