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paléontologie – The Conversation
2023-12-27T16:27:10Z
tag:theconversation.com,2011:article/218630
2023-12-27T16:27:10Z
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Peut-on encore parler de « propre de l’homme » et comment se place Homo Sapiens parmi les autres espèces humaines ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567365/original/file-20231227-27-l12yif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C5160%2C3445&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sommes-nous si différents des autres espèces humaines ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/homme-tenant-une-lance-peinture-murale-3IxuF9MCjkA">Crawford Jolly/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Parler du « propre de l’homme », voilà un sujet épineux lorsqu’il s’agit d’évoquer la grande histoire de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/humanite-46876">l’humanité</a> ! Une bonne approche pour se simplifier la tâche est de s’entendre sur le vocabulaire, en tout cas d’expliciter de quoi nous parlons. C’est primordial de donner un sens aux mots, car la terminologie utilisée par divers scientifiques pour classifier nos ancêtres et proches cousins n’est pas toujours la même.</p>
<p>Pour trouver le propre de l’humain (pour ne pas s’engager dans la problématique de la polysémie du mot homme ici) il faut à la fois rassembler des êtres actuels ou du passé dans un ensemble cohérent et reconnaître des particularités à ce groupe. Il s’agit donc de parler des différentes possibilités pour appeler un humain, humain, et de justifier pourquoi ! Remontons le temps et explorons la diversité des primates actuels à la recherche d’une définition qui fonctionnerait pour avancer sur la résolution de notre fameuse question.</p>
<h2>Primates, hominidés et homininés</h2>
<p>Première évidence, nous faisons partie du groupe des primates, nous humains d’aujourd’hui, au côté des chimpanzés ou gorilles, mais aussi des tarsiers, singes hurleurs ou ouistitis. Notre plus nette caractéristique commune est d’avoir un pouce opposable aux autres doigts, le premier peut venir pincer la dernière phalange des 4 autres. C’est unique, nous ne verrez jamais une vache ou votre chat faire de même.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quest-ce-qui-separe-vraiment-lhumain-de-lanimal-une-histoire-de-la-classification-zoologique-218204">Qu’est-ce qui sépare vraiment l’humain de l’animal ? Une histoire de la classification zoologique</a>
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<p>Pour la majorité des paléoanthropologues, le terme homininé réfère aux humains préhistoriques et actuels et aux chimpanzés, hominidé inclue en plus les autres grands singes actuels (gorilles et orangs-outans) et ancêtres communs à ce petit monde depuis une vingtaine de millions d’années. Les hominines comprennent le genre <em>Homo</em>, les Australopithèques, <a href="https://www.hominides.com/hominides/paranthropus-robustus/">Paranthropes</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ardipith%C3%A8que#:%7E:text=Ardipithecus%20(les%20ardipith%C3%A8ques)%20est%20un,signifie%20donc%20%C2%AB%20singe%20terrestre%20%C2%BB.">Ardipithèques</a> et autres <em>Orrorin</em> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sahelanthropus_tchadensis"><em>Sahelanthropus</em></a> (des plus récents aux plus anciens, qui sont ainsi les tout premiers il y a 6 à 7 millions d’années).</p>
<p>Ces derniers partagent la bipédie et surtout tous les caractères anatomiques qui en découlent, crâne au-dessus de la colonne vertébrale, adaptation de cette dernière, etc. Pour une partie des chercheurs, le mot « humain » renvoie élégamment à ce dernier assemblage. L’adaptation à la bipédie serait un indicateur utile et plutôt clair de ce qui nous réunirait.</p>
<h2><em>Homo</em>, le sparadrap du paléoanthrolopologue</h2>
<p>Cette approche fonctionne, c’est un intérêt non négligeable. Car d’autres niveaux de classification posent plus de problèmes. Le genre <em>Homo</em> est un peu le sparadrap dérangeant du paléoanthropologue. Au départ, il avait été défini pour justifier l’apparition du premier artisan, à qui on offrait aussi capacités de langage et raisonnement, <em>Homo habilis</em>.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/202007a0">Cette proposition</a> au cœur des années 60, résiste mal à la multitude de découvertes effectuées depuis. D’un point de vue anatomique, les différences entre <em>habilis</em> et les espèces qui ont vécu avant lui ne sont pas flagrantes, alors que les espèces humaines qui lui succèdent sont par contre proportionnées comme les humains d’aujourd’hui. <em>Homo habilis</em> ressemble plus à un Australopithèque qu’à <em>Homo erectus</em> en somme.</p>
<p>Pour les capacités cognitives, rien de plus évident puisque nous savons maintenant que les <a href="https://www.nature.com/articles/nature14464">plus anciens outils en pierre</a> sont contemporains des Australopithèques. Ainsi, utiliser le mot humain pour parler de Homo nous met face à un problème. Ce genre est aujourd’hui mal défini anatomiquement, et pas vraiment justifié par des comportements particuliers.</p>
<p>Il serait impossible d’omettre dans cet inventaire Homo sapiens. Voici deux mots qui désignent des êtres vivants dont nous imaginons tout savoir, ou presque. Pas tout à fait en effet, car lorsqu’il s’agit de définir notre espèce, de décrire ce qui nous caractériserait, l’expérience est nettement plus ardue que prévu.</p>
<p>Homo sapiens est un animal, un mammifère, un primate, parmi d’autres ; un représentant du genre Homo aussi, tout en étant le dernier toujours existant, et, enfin, évidemment, le seul de l’espèce sapiens. Car, l’appellation <em>Homo sapiens sapiens</em> qui fut un temps utilisée ne doit plus l’être depuis que les Néandertaliens ont été classés comme une espèce différente, <em>Homo neanderthalensis</em> et non pas <em>Homo sapiens neanderthalensis</em>. ; le terme « Homme moderne » est aussi souvent employé bien qu’il n’ait pas de valeur scientifique. Très bien, mais qu’est ce qui nous définirait alors ?</p>
<p>Certains croient que nous sommes plus « intelligents », mais cela mérite largement discussion. Les outils ne sont pas notre apanage, aussi bien au cours de l’évolution, mais aussi puisque les grands singes actuels savent aussi utiliser ou fabriquer certains objets selon leurs besoins et ils connaissent les <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/des-chimpanzes-pharmaciens">vertus médicinales des plantes</a> qui les entourent.</p>
<h2>Sommes-nous la seule espèce à avoir su parler ?</h2>
<p>Homo sapiens, garant de la pensée et du savoir, n’a en fait probablement pas été le premier à mériter cette appellation. Depuis des centaines de milliers d’années, d’autres groupes fossiles parmi <em>Homo erectus</em> et <em>neanderthalensis</em> en particulier ont sélectionné des pierres pour leurs outils, parfois uniquement à des fins esthétiques. Ils conservaient aussi à l’occasion des curiosités de la nature, comme des fossiles ou de belles pierres, pour des raisons non utilitaires.</p>
<p>Si le langage articulé est un trait distinctif évident de l’humanité actuelle, son origine est difficile à dater, car ni le son ni les organes pour l’émettre ou le percevoir, comme la langue ou le cerveau, ne se fossilisent. Les indices à disposition, indirects, sont complexes à interpréter. Les ossements mis au jour, crâne, mandibule et os hyoïde (os situé au niveau de la gorge), sont utilisés pour reconstituer la forme et la position des de la gorge ou des organes internes de l’oreille.</p>
<p>Les humains préhistoriques depuis 2 millions d’années devaient avoir des capacités similaires aux nôtres d’après les reconstitutions 3D de ces parties anatomiques, au contraire des grands singes. Dans tous les cas, les données archéologiques suggèrent que nos prédécesseurs disposaient depuis longtemps d’un mode de communication complexe. Des activités telles que le façonnage d’outils élaborés, l’usage du feu et surtout les comportements symboliques impliquent des savoirs et des valeurs échangés et transmis.</p>
<p>Notre espèce n’a pas été non plus la seule à avoir établi des usages vis-à-vis des morts, puisque les Néandertaliens enterraient leurs défunts, signe de valeurs partagées, d’une marque de respect envers l’autre, peut-être de croyances dans l’au-delà. Ces exemples suffisent à montrer qu’Homo sapiens n’a pas été le seul à développer une conscience réfléchie. Ainsi, notre espèce ne se distingue que par quelques caractéristiques anatomiques (la plus marquante, et pourtant totalement inutile semble-t-il, est la présence d’un menton osseux sur la mandibule) et partage de nombreuses similarités physiques et comportementales avec d’autres êtres vivants et les autres espèces humaines préhistoriques. Bien qu’étant les derniers sur Terre, nous n’avons pas été uniques. Certains chercheurs emploient le mot humain pour référer uniquement à notre espèce, voire à ses représentants actuels. Cela ne nous facilite pas la tâche pour répondre à la question de départ et n’est pas justifié d’un point de vue scientifique.</p>
<p>En tant que paléoanthropologue, je suis convaincu que nous, humains d’aujourd’hui, ne sommes pas plus intelligents qu’un représentant de notre espèce qui vivait il y a 40 000 ans ou d’un de ses contemporains néandertaliens. Le niveau de capacité serait à mon avis du même ordre au regard des productions archéologiques et par comparaison avec ce que nous savons réellement faire individuellement. Notre impression de tant avoir de capacités est surtout lié à notre héritage. Écriture, imprimerie, Internet… sont autant d’étapes qui nous ont permis de constituer une base de connaissances toujours plus grande. Chacun d’entre nous n’est pas devenu plus malin, nous profitons du savoir de nos prédécesseurs et de nos contemporains. Cela nous amène d’ailleurs à identifier une particularité, celle d’être les premiers à étudier, à documenter, à chercher à comprendre tout ce qui nous entoure. Mais aussi à le détruire massivement, malheureusement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218630/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Balzeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Nous sommes la dernière espèce vivante du genre Homo, mais pouvons-nous vraiment nous différencier de nos cousins, aujourd’hui disparus ?
Antoine Balzeau, Paléoanthropologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/220101
2023-12-20T19:57:19Z
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Comment la faune asiatique a remplacé les animaux européens il y a 34 millions d’années
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566845/original/file-20231220-29-kfaycr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C2753%2C2270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le renouvellement faunique de la Grande Coupure. A gauche, les espèces européennes, à droite celles asiatiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Weppe & Maëva Orliac</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>D’où viennent les animaux qui nous entourent aujourd’hui ? Un événement majeur a eu lieu il y a environ 34 millions d’années, connu sous le nom de <a href="https://theconversation.com/balkanatolie-le-continent-disparu-pour-la-migration-de-la-faune-asiatique-vers-leurope-178371">« Grande Coupure »</a>. À cette époque, une grande partie de la faune européenne s’est éteinte, remplacée par des animaux d’origine asiatique. <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2309945120">Nous venons de publier nos travaux dans la revue PNAS</a>, qui permettent de mieux comprendre cette étape charnière.</p>
<p>Nous nous sommes intéressés à des fossiles de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mammiferes-76470">mammifères</a> artiodactyles (représentés aujourd’hui par les cochons, les ruminants, les chameaux, les hippopotames et les cétacés). Ces derniers sont particulièrement abondants dans des gisements du sud-ouest de la France comme dans la région du Quercy en Occitanie.</p>
<p>Nos travaux indiquent que 77 % des espèces endémiques européennes se sont éteintes et ont été remplacées par des espèces immigrantes asiatiques composées de cochons et de ruminants.</p>
<p>Jusqu’à présent la communauté scientifique pensait que cette extinction massive était principalement due à une concurrence active avec les espèces asiatiques qui aurait limité l’accès aux ressources alimentaires pour les espèces endémiques et ainsi mené à leur l’extinction. Notre étude réfute cette hypothèse.</p>
<p>Il semble en effet que les bouleversements climatiques de cette époque nommée transition Eocène-Oligocène soient le facteur principal de l’extinction des espèces d’artiodactyles endémiques en Europe occidentale.</p>
<h2>Une extinction massive et historique</h2>
<p>On estime aujourd’hui que 99 % des espèces ayant existé sur Terre sont maintenant éteintes. C’est pourquoi comprendre les raisons de l’extinction des espèces est devenu un sujet central en biologie évolutive et en paléontologie. Après l’extinction massive des dinosaures non aviaires, la <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-020-3003-4">transition Éocène-Oligocène</a>, il y a 34 millions d’années, coïncide avec l’un des principaux événements d’extinction de ces 66 derniers millions d’années.</p>
<p>Cette transition est associée à un <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.aba6853">refroidissement global de la planète</a>, estimé autour de 5 °C, à une baisse importante du niveau des mers et à la mise en place de la calotte antarctique. Cette baisse ainsi que les mouvements tectoniques initiés par la remontée de l’Afrique ont permis l’émergence de terres qui ont pu servir de voies migratoires aux mammifères asiatiques vers l’Europe occidentale. Il faut bien imaginer qu’entre 50 et 34 millions d’années les deux continents étaient séparés par une mer.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1144/0016-764903-09">Deux hypothèses</a> sont régulièrement proposées pour expliquer l’extinction des espèces insulaires européennes : le refroidissement rapide et global lors de la transition Éocène-Oligocène et les interactions compétitives avec la faune immigrante venue d’Asie. C’est dans le but de déterminer les facteurs sous-jacents à cet évènement d’extinction que nous avons compilé et analysé un ensemble de fossiles de mammifères artiodactyles (plus de 2 100 fossiles analysés) provenant de la région des phosphorites du Quercy. Les phosphorites du Quercy couvrent sur plus de 1800km2 de nombreuses fissures et cavités remplies de sédiments argileux et phosphatés. Durant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, beaucoup d’entre elles ont été entièrement ou partiellement vidées en raison d’une <a href="https://doi.org/10.30486/gcr.2021.1913051.1050">phase intense d’exploitation minière des phosphates</a> et ont livré de nombreux restes fossiles de vertébrés, d’insectes et végétaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fossiles de mammifères artiodactyles des phosphorites du Quercy.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maëva Orliac</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette zone fossilifère est réputée aujourd’hui mondialement pour la préservation et l’abondance exceptionnelle de fossiles qu’elle renferme. On dénombre en effet dans cette région plus de 180 gisements fossilifères ayant enregistrés des assemblages fauniques locaux, parfois séparés dans le temps par <a href="https://www.researchgate.net/publication/310752023_Sur_l%27age_numerique_des_faunes_de_mammiferes_du_Paleogene_d%27Europe_occidentale_en_particulier_celles_de_l%27Eocene_inferieur_et_moyen">moins de 1 million d’années</a>.</p>
<p>L’ensemble de ces gisements fournit une fenêtre temporelle unique pour étudier les processus et les mécanismes de diversification des mammifères, puisqu’ils couvrent en continu une période allant de l’Éocène moyen jusqu’au début de l’Oligocène supérieur (-42 à 24 Ma), encadrant ainsi parfaitement la transition Eocène-Oligocène.</p>
<p>Nous avons donc dans notre étude estimé la dynamique de diversité des espèces de mammifères artiodactyles en Europe occidentale, en s’appuyant sur des <a href="https://doi.org/10.1111/2041-210X.12263">méthodes statistiques</a> prenant en compte la qualité de préservation du registre fossile.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cavité karstique des phosphorites du Quercy contenant des sédiments riches en fossiles de mammifères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Weppe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>À l’Éocène, les artiodactyles constituent en Europe occidentale un des groupes de mammifères endémiques les plus diversifiés. Les conditions tropicales et favorables de cette période leur ont permis de développer des adaptations écologiques variées (arboricolie, bipédie occasionnelle, amphibiose, insectivorie). Vers la fin de l’Éocène, la diversité du groupe culmine même à des valeurs de diversité équivalente à celles des plaines africaines aujourd’hui.</p>
<p>Cependant, ce groupe florissant a connu une extinction dramatique à la transition Eocène-Oligocène. Nos résultats mettent en effet en évidence que 77 % des espèces d’artiodactyles endémiques se sont éteintes lors de cet évènement, et que les niches écologiques libérées ont permis à la faune d’artiodactyles immigrants et modernes de s’installer, principalement composées de cochons et de ruminants. Nos résultats réfutent également l’hypothèse d’une compétition entre les espèces endémiques et immigrantes, mais suggèrent plutôt que le changement climatique est responsable du déclin des espèces endémiques européennes. En effet, le changement et la diminution brutale du type et de l’abondance des ressources alimentaires disponibles n’ont pas laissé le temps aux espèces endémiques de s’adapter, donnant aux espèces immigrantes l’opportunité de les remplacer.</p>
<p>De futures études examinant et compilant les occurrences fossiles d’autres groupes de mammifères comme celui des rongeurs, des carnivores et des périssodactyles (regroupant aujourd’hui les chevaux, les rhinocéros et les tapirs), permettront sans aucun doute d’améliorer notre compréhension du renouvellement faunique majeur européen d’il y a 34 millions.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE02-0003">DEADENDER</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220101/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Weppe ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Saviez-vous que les animaux qui nous entourent aujourd’hui en Europe viennent majoritairement d’Asie ? Une nouvelle étude vient expliciter les mécanismes derrière cette évolution.
Romain Weppe, Paléontologue à l'Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier, Université de Montpellier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/219268
2023-12-19T19:20:49Z
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Quels âges avaient les dinosaures ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563916/original/file-20231206-25-khhda0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C3%2C1160%2C794&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un tibia d’Ornithomimosaure provenant du gisement d’Angeac-Charente, et une lame mince pour étudier les cernes de croissance dans la section de l’os.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://images.cnrs.fr/photo/20230040_0001">@ Laurence Godart / DIM PAMIR / CNRS</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Voici une section de tibia d’un « dinosaure autruche », ou Ornithomimosaure. Ce nom donné par les paléontologues signifie en grec « lézard qui imite l’oiseau », en raison de la ressemblance morphologique superficielle du squelette de ce dinosaure à celui des autruches modernes. Les Ornithomimosaures ont vécu au Crétacé (entre 140 millions et 66 millions d’années). Ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0195667115300847">bipèdes portaient des plumes</a> et pouvaient atteindre <a href="https://www.nature.com/articles/nature13874">jusqu’à 11 mètres de long</a>.</p>
<p>L’Ornithomimosaure propriétaire de ce tibia d’environ 50 cm de long provient du gisement d’Angeac-Charente, en Charente. Ce gisement, daté du Crétacé inférieur (140 millions d’années), a révélé des dizaines de milliers d’ossements, représentant les squelettes désarticulés de différentes espèces de dinosaures, dont <a href="https://bioone.org/journals/geodiversitas/volume-44/issue-25/geodiversitas2022v44a25/Vertebrate-paleobiodiversity-of-the-Early-Cretaceous-Berriasian-Angeac-Charente-Lagerst%C3%A4tte/10.5252/geodiversitas2022v44a25.full">plusieurs espèces de grands dinosaures herbivores et deux grandes espèces de dinosaures carnivores, mais également de tortues, de crocodiles, de lézards, de reptiles volants, d’amphibiens, de poissons, ou encore de mammifères</a>. L’ensemble de ces fossiles ont été déposés et enfouis pendant une durée relativement courte, ce qui permet d’affirmer que ces différentes espèces cohabitaient au sein d’un même écosystème, dont l’environnement était un <a href="https://www.idunn.no/doi/full/10.1111/let.12394">marécage d’eau douce subtropical</a>.</p>
<p>Parmi l’ensemble de ces restes fossilisés, les os attribués à l’Ornithomimosaure sont les plus abondants, en particulier les fémurs et les tibias. Au moins 70 individus d’une même population ont été enfouis à cet endroit. Ils avaient des tailles très différentes, comme en attestent les fémurs et tibias retrouvés qui mesurent de 20 à 50 centimètres.</p>
<p>Si les plus grands fémurs et tibias appartiennent probablement à des individus âgés, quels âges avaient-ils exactement ? Étaient-ils arrivés à maturité ? Combien d’années étaient nécessaires aux plus petits individus pour atteindre la taille des plus grands ?</p>
<h2>Compter l’âge des dinosaures comme celui des arbres</h2>
<p>Depuis 50 ans, les <a href="https://www.app.pan.pl/article/item/app28-225.html">paléontologues étudient l’âge des dinosaures</a>. En effet, connaître l’âge précis d’un individu est un prérequis indispensable pour de nombreux domaines de recherche tels que la biologie du développement — qui étudie comment les organismes croissent et se développent, ou encore la dynamique des populations — qui étudie les fluctuations du nombre d’individus au sein d’une population au cours du temps.</p>
<p>Pour connaître précisément l’âge d’un dinosaure, il faut plonger au cœur de ses os. Chez l’ensemble des vertébrés, la croissance osseuse ralentit et peut même cesser de façon cyclique et saisonnière. L’interruption de la croissance osseuse est visible dans l’épaisseur de l’os, matérialisée sous la forme d’une ligne concentrique sombre, qui rappelle les cernes des arbres. On appelle ces structures des lignes d’arrêt de croissance. De la même façon qu’une durée d’un an sépare deux cernes successifs dans le tronc d’un arbre, deux lignes d’arrêt de croissance successives dans un os indiquent qu’un an s’est écoulé.</p>
<p>Pour estimer les âges de cette population, nous avons donc sectionné 13 tibias et 7 fémurs d’Ornithomimosaure et compté leurs lignes d’arrêt de croissance. Nous avons ensuite mis en relation ces données d’âge avec plusieurs indicateurs de la taille du dinosaure, par exemple la circonférence de la surface externe de l’os. Ceci revient à établir un « modèle » de la croissance de cet animal.</p>
<p>Nous avons ensuite appliqué ce modèle de croissance à 294 fémurs et tibias d’Ornithomimosaures d’Angeac-Charente : connaissant leur taille, on peut maintenant estimer leur âge à partir du modèle sans avoir besoin de les sectionner.</p>
<p>Nos estimations, encore préliminaires, montrent que les plus jeunes individus étaient âgés de un à deux ans et les plus vieux individus de 18 à 20 ans. Ces derniers avaient achevé leur croissance comme le montre l’espacement entre deux lignes d’arrêt de croissance successives qui diminue jusqu’à devenir infime pour les plus grands fémurs et tibias sectionnés. Le profil d’âge du troupeau est fortement asymétrique avec une surreprésentation des individus les plus jeunes centrée autour de 5-9 ans. Nous pensons qu’une mortalité accrue débutant à partir de 6-7 ans pourrait être la cause de cette distribution asymétrique.</p>
<p>Ces données biologiques d’âge et de croissance seront confrontées à des données isotopiques du carbone, de l’oxygène, du calcium et du strontium mesurées dans une cinquantaine de fémurs couvrant l’ensemble de la gamme de taille (et donc d’âge) observée. Ces données isotopiques permettent notamment de retracer les régimes alimentaires. Ainsi il sera possible de comprendre si ces individus partageaient ou non les mêmes ressources environnementales en fonction de leur stade de croissance ; par exemple si les plus jeunes individus avaient un régime alimentaire différent ou non des individus les plus âgés. Cela permettra de comprendre, <em>in fine</em>, comment s’intégrait cette espèce au sein de l’écosystème d’Angeac-Charente.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Goedert a reçu des financements du DIM PAMIR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ronan Allain a reçu des financements du MNHN, du département de La Charente, de la communauté d'agglomération de Grand Cognac, et de la Mairie d’Angoulême. </span></em></p>
Combien de temps vivaient les dinosaures ? À quel âge étaient-ils « adultes » ?
Jean Goedert, Post-doctorant en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Ronan Allain, Maître de conférences en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/213670
2023-11-09T16:40:29Z
2023-11-09T16:40:29Z
Connaître l’émergence de Neandertal pour comprendre sa disparition
<p>Quand et pourquoi l’homme de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/neandertal-56824">Neandertal</a> a disparu reste encore très énigmatique et fait l’objet de multiples hypothèses depuis des décennies. Comprendre son origine et surtout à quel moment émerge ce qui va caractériser à la fois son comportement et son apparence peuvent être un autre moyen, certes indirect, d’identifier les raisons de son extinction. Comprendre la cohérence et l’originalité des stratégies que cet homme et ses ancêtres vont élaborer pendant plusieurs centaines de milliers d’années est possiblement une des clés. </p>
<p>Travaillant sur les premiers peuplements de l’Europe, j’ai focalisé mes travaux avec mes collègues depuis plusieurs années sur les racines du comportement néandertalien. Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-19-CE27-0011">ANR NEANDROOTS</a>, qui a démarré fin 2019, a permis d’aborder de manière multidisciplinaire une période majeure de l’histoire humaine datée de plus de 400 000 ans.</p>
<h2>Retour 450 000 ans en arrière</h2>
<p>Les données génétiques et anatomiques sur les restes humains fossiles montrent que les traits néandertaliens émergent peu à peu entre 600 et 450 000 ans par l’isolement de groupes humains occupant l’Europe et regroupés sous le terme d’<em>Homo heidelbergensis</em>. Neandertal est donc un Européen. Cet homme présente des caractères anatomiques qui le distingue très nettement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/homo-sapiens-21703"><em>Homo sapiens</em></a>. Par exemple, il est plus robuste et son crâne ne présente pas de front ni de menton.</p>
<p>Vers 450 000 ans débute une longue période tempérée ou interglaciaire. Elle succède à une longue et sévère période glaciaire qui réduit les zones habitables et dépeuple la partie nord-ouest de l’Europe. </p>
<p>Avant ce long interglaciaire, les traces d’occupations humaines existent, même si elles sont sporadiques, mais ne permettent pas réellement de distinguer des entités régionales. À partir de ce long interglaciaire, les sites préhistoriques, livrant des outillages et des ossements d’animaux, deviennent plus nombreux. Ils enregistrent des changements comportementaux avec des innovations techniques dans les modes de fabrication des outillages. Ils offrent aussi la possibilité de décrire les modes de subsistance par les restes osseux d’animaux consommés qui montrent que la chasse se développe aux dépens du charognage d’animaux morts naturellement ou tués par les carnivores. Des traces de foyers se multiplient attestant que le feu est maîtrisé et reproductible. Les raisons sous-jacentes à ces changements majeurs, et c’est l’objectif de ce projet, restent à identifier. </p>
<p>La longue stabilité climatique tempérée (25 000 ans alors qu’habituellement 10 000 ans) a-t-elle permis le développement de ces innovations, donc une adaptation environnementale aux changements des cycles climatiques ? Les zones habitables couvrent alors une large partie de l’Europe, à la fois le sud et le Nord-Ouest. Une période interglaciaire d’une telle durée après une glaciation sévère pourrait avoir favorisé la végétation et l’occupation de l’Europe. La végétation est l’un des éléments clés, qui détermine la disponibilité de la biomasse pour les grands herbivores et affecte la mobilité des groupes humains et peut-être leur expansion démographique, et donc la diffusion d’innovations. </p>
<p>Cette évolution comportementale était-elle enracinée dans des traditions antérieures ayant perduré malgré la longue période glaciaire et se développant à la faveur de cette longue phase climatique, ceci en parallèle avec le développement des traits anatomiques néandertaliens ?</p>
<p>Dans le cadre de ce projet interdisciplinaire, nous tentons de répondre à ces questions. Une vaste base de données a déjà été réalisée pour réviser l’ensemble des occupations de la période. L’objectif est de caractériser par une méthodologie commune les innovations, combler les lacunes dans les données chronologiques et environnementales et développer des approches méthodologiques pour identifier d’éventuelles stratégies régionales et les modèles de diffusion des innovations. Et, entre autres, tester l’impact de l’évolution du climat sur l’adaptation des hommes par le modèle climatique iLOVECLIM et la modélisation des niches éco-culturelles (ECNModelling). </p>
<h2>Les nombreux outils de Neandertal</h2>
<p>La comparaison des outillages par la cladistique (étude des apparentements des êtres vivants et de la reconstruction des relations de parenté entre eux), habituellement utilisée en biologie, nous a permis de quantifier les innovations et les identifier spatialement et chronologiquement en divers points d’Europe. Par exemple, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248421000610">nous avons pu démontrer</a> que l’emblématique débitage « Levallois » qui permet de prévoir à l’avance la forme des outils, <a href="https://hal.science/hal-02990686">véritable révolution technique</a>, semble apparaître en plusieurs points éloignés dès la fin du long glaciaire vers 450 000 ans et se diffuser peu à peu, favorisée par l’extension des territoires habitables. Les hommes préparent un bloc en le taillant de manière organisée et cette préparation que l’on nomme « Levallois » (décrite la première fois en France, en région parisienne) permet de prévoir la forme des enlèvements futurs sur le bloc et donc des outils.</p>
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<img alt="Outil sur éclat en silex du site de la Noira daté de 450 000 ans" src="https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558661/original/file-20231109-29-q3inoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Outil sur éclat en silex du site de la Noira daté de 450 000 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">M-H. Moncel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans d’autres études, nous montrons que certaines innovations techniques sont enracinées dans les périodes antérieures et ont donc perduré, mais en se modifiant, comme la façon de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0047248423000349">fabriquer des bifaces</a> (grand outil pointu avec un aménagement des deux faces) qui devient plus élaborée ou donne des outils résiduels sommaires. </p>
<p>La comparaison des sites à l’échelle régionale nous permet d’identifier spatialement des réseaux de sites qui ont certainement favorisé la circulation des groupes humains et des innovations. Nous sommes face aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/343191540_Emergence_of_regional_cultural_traditions_during_the_Lower_Palaeolithic_the_case_of_Frosinone-Ceprano_basin_Central_Italy_at_the_MIS_11-10_transition">plus anciennes preuves de régionalisation en Europe</a>, à savoir la mise en place de traditions régionales où les hommes produisent des types d’outils similaires ou utilisent les mêmes modes de production de ces outils.</p>
<p>Certaines de ces entités régionales montrent une originalité par l’utilisation avérée par exemple de l’os pour fabriquer des outils, comme dans le bassin de Ceprano, à proximité de Rome en Italie. Avec les collègues italiens, nous avons identifié des fragments d’os de grands herbivores, comme ceux d’éléphants, qui ont été récupérés pour être retouchés et obtenir des outils variés, en association avec les outils en pierre. L’os est rarement utilisé en général dans ces périodes et son usage plus systématique dans ce cas présent pourrait être un marqueur de ces groupes humains occupant ces bassins volcaniques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558662/original/file-20231109-25-8h2s5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Biface en silex du site de la Noira (France, daté de 450 000 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">M-H. Moncel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Concernant les données climatiques, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379123000586">l’analyse d’une carotte océanique</a> au large de l’Espagne et des pollens ayant été piégés dans les sédiments marins a permis de préciser les modalités de la transition climatique entre la phase glaciaire et le début du long interglaciaire. La transition est rapide, abrupte, et les conditions climatiques deviennent vite tempérées en Europe de l’Ouest, facteur sans doute favorable aux populations. Ainsi, par la modélisation « Eco-Niche modelling », comparer la distribution des traditions techniques et des sites avec les cartes d’extension des territoires lors de ce long interglaciaire et les données climatiques détaillées nous permet de tester des modèles de diffusion des innovations/inventions en relation avec les données environnementales et la taille et la structure démographique. </p>
<p>Appréhender en détail cette période est non seulement un moyen de comprendre ce qui caractérise Neandertal comparé aux autres homininés ayant vécu avant lui et aux hommes modernes, mais aussi un moyen de construire des modèles de réponses des hommes à des environnements variés (et nouveaux) selon les latitudes. </p>
<p>L’Europe est un vaste laboratoire avec des variations climatiques entre Nord et Sud et l’extension cyclique des glaciers a modelé les paysages et l’extension des zones habitables au cours du Quaternaire. Ces modèles sont basés sur la disparition et l’acquisition d’outils et l’expertise conservées pour une adaptation réussie, sur la compréhension des mécanismes de transmission culturelle au cours du temps et des processus par lesquels les innovations ou les inventions se répandent, sont maintenues ou évoluent. </p>
<p>En fait, nous travaillons sur la résilience des populations aux modifications environnementales, sujet d’actualité. Neandertal et ses ancêtres ont perduré et se sont adaptés à des milieux variés. Nos résultats indiquent qu’ils ont su trouver des solutions techniques et comportementales variées, amplifiées à la faveur d’une longue période tempérée. Les raisons de leur disparition seront peut-être un jour trouvées dans leur passé. Ces raisons sont certainement multifactorielles, combinant la forte instabilité climatique enregistrée pendant une courte période entre 40 000 et 30 000 ans ne leur permettant pas de trouver des solutions adaptatives et/ou la petite taille probable des groupes humains comme l’indiquent les récentes analyses de l’ADN fossile.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-19-CE27-0011">NEANDROOTS</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Hélène Moncel a reçu des financements de ANR et ERC Horizon 2020. </span></em></p>
Les conditions de la disparition de notre cousin Neandertal restent mystérieuses. Et si on prenait le problème à l’envers pour savoir quelles conditions ont permis son émergence ?
Marie-Hélène Moncel, Archéologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/217238
2023-11-08T20:47:34Z
2023-11-08T20:47:34Z
Les cerveaux ne fossilisent pas, comment étudier ceux de nos ancêtres ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558426/original/file-20231108-19-73suns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C681%2C3735%2C2783&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fossile original Cro-Magnon 1 et une image virtuelle montrant grâce à l'imagerie la moitié droite de l'endocrâne et la moitié gauche du crâne (le code couleur sur le crâne correspond à la variation d'épaisseur des os).</span> <span class="attribution"><span class="source"> Antoine Balzeau CNRS/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis que les fossiles humains sont étudiés, les chercheurs s’intéressent à ce qui se cache dans leur boite crânienne. Le cerveau en effet a son importance, puisqu’il est lié aux capacités cognitives. Pourtant, son étude est rendue difficile pour les humains du passé car le cerveau ne résiste pas aux épreuves du temps : nous n’avons jamais retrouvé d’encéphale fossile. Les tissus les plus mous ne sont en effet jamais conservés, au contraire des restes osseux qui se transforment lors de la fossilisation. Heureusement, le cerveau laisse sur la surface interne du crâne des empreintes que les scientifiques étudient pour discuter de l’évolution du cerveau humain. Pour ce faire, nous tombons parfois sur un moulage interne naturel formé par du sédiment (c’est le cas par exemple pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/ajpa.21184">l’australopithèque de Taung</a>).</p>
<p>Depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, des techniques de moulage sont aussi utilisées pour obtenir un objet en 3D de la surface endocrânienne. Enfin, depuis quelques dizaines d’années, nous utilisons des méthodes d’imagerie de plus en plus performantes pour reconstituer en 3D virtuelle ce volume, qui peut ensuite être imprimé physiquement par prototypage. Au Muséum national d’histoire naturelle, nous disposons de micro-tomographes qui nous permettent <a href="https://antoinebalzeau.jimdofree.com/recherche/imagerie-s/">d’obtenir des images scanners de très haute résolution</a> à partir desquelles nous reconstruisons toutes les structures cachées dans les fossiles, dont l’endocrâne.</p>
<p>C’est ainsi que nous pouvons observer les fins détails de la surface interne du crâne et tenter d’interpréter les caractéristiques du cerveau qu’ils reflètent. En effet les empreintes visibles pourraient correspondre aux circonvolutions sillonnant la surface du cerveau et marquant les limites entre les différentes régions cérébrales. L’objectif est de situer où se trouvent les grandes parties du cerveau, comme les lobes frontaux, pariétaux, temporaux ou occipitaux. Il s’agit aussi de localiser des zones spécifiques impliquées dans le comportement, et si possible de les observer les mesurer.</p>
<h2>Les crânes fossiles nous renseignent-ils sur le cerveau ?</h2>
<p>Mais les chercheurs s’interrogent sur la fiabilité de leurs déterminations et sur le lien réel entre endocrâne et cerveau. Jamais encore il n’avait été possible de vérifier si ce qui est observé sur l’endocrâne correspond précisément aux sillons visibles sur le cerveau.</p>
<p>Nous nous sommes ainsi <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/joa.13966">pour ce travail</a> publié aujourd’hui posé quelques questions fondamentales et avons tenté d’y répondre. Les empreintes qui tapissent l’intérieur d’une boite crânienne peuvent-elles révéler avec fiabilité l’anatomie du cerveau qu’elle contient ? L’étude des crânes fossiles peut-elle ainsi nous éclairer sur certaines capacités de nos ancêtres ? Autrement dit, une « paléoneurologie » fiable est-elle possible ?</p>
<p>Pour les besoins de cette étude, réalisée dans le cadre du projet ANR PaleoBRAIN, nous avons combiné les compétences de chercheurs de différents domaines. Nous avons utilisé des données IRM particulières obtenues sur un volontaire. Ces acquisitions ont été effectuées à l’Institut du Cerveau (ICM). L’originalité est que nous disposions ainsi de plusieurs séquences d’imagerie différentes, dont une classique pour reconstruction le cerveau, mais aussi une autre moins fréquemment usitée qui permet d’imager l’os. C’est grâce à cette dernière que nous avons reconstitué l’endocrâne de notre volontaire, pour lequel nous avions donc aussi des données précises pour son cerveau.</p>
<p>Grâce à des outils informatiques développés dans le domaine des neurosciences par l’équipe Baobab du centre de recherche Neurospin, nous avons pu effectuer des analyses comparatives des modèles d’endocrâne et de cerveau.</p>
<h2>14 experts testés</h2>
<p>Enfin et surtout, le cœur de l’étude a été de mettre à l’épreuve 14 experts internationaux de domaines variés étudiant l’évolution du cerveau (paléontologues, neurologues et primatologues) et travaillant régulièrement sur les endocrânes. Nous leur avons demandé à partir de l’image de l’endocrâne de positionner les principaux sillons qu’ils ont l’habitude d’observer lors de leur recherche. Puisque nous disposions non seulement de la forme de l’endocrâne mais aussi de celle du cerveau, nous pouvions ensuite vérifier la précision des déterminations effectuées à l’aveugle. </p>
<p>Ainsi, la correspondance réelle entre les positions des sillons du cerveau et les marques visibles sur l’endocrâne était disponible, alors que les experts travaillaient « à l’aveugle », comme ils sont contraints de le faire sur les endocrânes fossiles. La participation d’autant de spécialistes est très positive et illustre combien nous cherchons à améliorer la qualité de nos recherches, puisqu’en participant nous prenions le risque de constater que ce qui nous décrivions n’était pas juste !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558414/original/file-20231108-27-x5vjj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les observations réalisées par les 14 experts, qui montrent de nombreuses différences d’interprétation, ont pu être comparées à la réalité. Ce test révèle les limites actuelles de la méthode et ouvre des pistes pour augmenter sa fiabilité..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Balzeau CNRS et MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les résultats révèlent quelques surprises, et heureusement ouvrent de belles pistes pour le futur des recherches sur l’évolution du cerveau humain. De nettes différences ont été observées entre les identifications proposées par les experts et les sillons du cerveau réel. Certaines marques, correctement repérées, ont notamment été associées à un mauvais sillon. Ce résultat illustre qu’essayer de reconstruire un sillon cérébral suivant la forme/position générale connue dans la documentation scientifique ou à partir d’un individu moyen induit un biais lorsque l’on regarde un endocrâne et tente de suivre les marques qui y sont observées. En effet, la morphologie du cerveau est extrêmement variable, celle de l’endocrâne l’est donc aussi !</p>
<p>Nous observons aussi que l’identification des sillons est meilleure dans la partie inférieure de l’endocrâne que dans la partie supérieure. Ceci est lié au mode de formation du crâne et du cerveau durant notre croissance. L’un et l’autre grandissent en parallèle, influant sur leur morphologie respective. De par notre position verticale, debout, le contact entre le cerveau et le crâne est plus rapproché vers le bas de notre tête que vers le haut, ou cerveau et crâne sont séparés par un espace un peu plus grand.</p>
<p>Certains résultats concernant des traits anatomiques spécifiques ont des implications sur des sujets débattus en paléoanthropologie et devront être analysés sur plus d’individus par la suite. En effet, le sillon central qui sépare les lobes frontaux et pariétaux n’a pas été bien localisé par la plupart des scientifiques.</p>
<h2>Mieux lire le cerveau de nos ancêtres préhistoriques</h2>
<p>D’où l’importance de ce projet que nous poursuivons sur de très nombreux volontaires. L’objectif sera de caractériser la position réelle des principaux sillons sur des endocrânes, puisque nous disposons aussi des cerveaux correspondants. Il sera aussi possible de clarifier ce que nous pouvons observer avec précision sur un endocrâne.</p>
<p>Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives. La description endocrânienne des spécimens fossiles devra à l’avenir prendre en compte la variation de position et de forme des sillons en plus d’utiliser des modèles de forme moyenne du cerveau. De plus, il ressort clairement de la présente étude que les chercheurs peuvent percevoir les empreintes des sillons avec une précision raisonnablement élevée, mais leur identification et leur attribution correctes restent un défi, en particulier lorsqu’il s’agit d’espèces disparues pour lesquelles nous manquons de connaissance directe du cerveau. Il nous reste donc beaucoup de travail à faire pour savoir bien lire le cerveau de nos ancêtres préhistoriques.</p>
<p><a href="https://paleobrain.jimdofree.com/">La prochaine étape</a>, que nous sommes en train de réaliser, va être d’étudier le détail de la relation entre l’endocrâne et le cerveau sur de nombreux individus. Cela va nous permettre de savoir ou se situent les principaux sillons sur un endocrâne, quelles parties de ces empreintes nous pouvons espérer observer avec précision, ce qui nous permettra enfin de mieux décrypter les traits présents sur les endocrânes de spécimens fossiles à partir d’informations objectives, solides et justes.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE27-0009">PaleoBRAIN</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217238/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Balzeau a reçu des financements de l'ANR (ANR-20-CE27-0009). </span></em></p>
Les tissus mous du cerveau ne fossilisent pas, il est donc nécessaire d’extrapoler pour obtenir des informations sur l’organe de nos ancêtres. Le fait-on correctement ?
Antoine Balzeau, Paléoanthropologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/216195
2023-10-23T16:24:19Z
2023-10-23T16:24:19Z
Homo sapiens : comment deux crânes réécrivent l’histoire de son apparition en Europe –
Nouvelle recherche
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555352/original/file-20231023-21-v0px95.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C10%2C1823%2C941&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Localisation des sites Buran Kaya III (1), Zlatý Kůň (2), Fournol (3), Serinyà (4), Krems-Wachtberg (5) et Věstonice (6) dont les génomes ont été analysés dans l’étude. Sont montré aussi un fragment de crâne analysé et une des perles percées découvertes avec les fragments d’os du site de Buran Kaya III ainsi que les statuettes des vénus de Věstonice, Willendorf et la Dame de Brassempouy (de droite à gauche)</span> <span class="attribution"><span class="source">E-M. Geigl</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Comment notre espèce, <em>Homo sapiens</em>, est-elle arrivée jusqu’en Europe de l’Ouest ? Notre nouvelle étude, basée sur l’analyse génétique de deux morceaux de crânes, datant de 37 000 et 36 000 ans, démontre que nos ancêtres sont issus d’Europe de l’Est et ont migré vers l’ouest. Ces deux individus sont issus d’un métissage avec les Néanderthaliens et avec les tous premiers <em>Homo sapiens</em> européens arrivés il y a environ 45 000 ans que l’on pensait éteints suite à une catastrophe climatique majeure.</p>
<p>Nous avons réussi à déchiffrer ces génomes à partir de vestiges osseux trouvés en Crimée, un défi technique puisque l’ADN était très mal préservé. Leur analyse nous a permis de générer un modèle large et actualisé des mouvements, interactions et remplacements de populations durant le peuplement de l’Europe pendant le Paléolithique supérieur (période entre environ -40 000 et -12 000 ans caractérisée par l’expansion des humains anatomiquement modernes à travers le monde). <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-023-02211-9">Nos résultats viennent d’être publiés</a> dans la revue <em>Nature Ecology & Evolution</em> et montrent que ces individus sont les plus anciens représentants des Européens de l’Ouest s’étant implantés durablement en Europe et ayant laissé des traces dans les génomes des Européens actuels.</p>
<p>De petits fragments de deux crânes provenant d’un site archéologique en Crimée, Buran Kaya III, et datés d’environ -37 000 et -36 000 ans, côtoyant des outils lithiques et des perles percées en ivoire de mammouth, témoignent de la présence d’humains anatomiquement modernes en Europe de l’Est. Ce site a été fouillé sous la direction d’Alexandr Yanevich de l’Académie des sciences de l’Ukraine à Kiev et les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0020834">fragments d’os analysés ont été trouvés en 2009</a>. Grâce à une collaboration entre notre équipe et des archéologues français et ukrainiens, nous avons pu mettre en place un protocole de prélèvement respectant des précautions particulières qui évitent les contaminations par de l’ADN humain actuel. Ces précautions ont permis l’analyse de l’ADN ancien dans ces bouts d’os.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555326/original/file-20231023-29-gkr3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">(A) Perle percée en ivoire de mammouth découverte dans la couche du (B) fragment d’os analysé dans l’étude actuelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Crépin/E.-M. Geigl</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces individus se sont installés à cet endroit après une période glaciaire entre -40 000 et -38 000 ans qui a été accompagnée par <a href="https://www.nature.com/articles/srep45940">l’éruption d’un super-volcan</a> dans la région des Champs Phlégréens près de Naples et qui a couvert de cendres l’Europe du sud-est et de l’est.</p>
<p>Ces événements ont déclenché une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0065839">véritable crise écologique</a> qui aurait fait disparaître aussi bien les dernières populations néanderthaliennes que les premières populations d’humains <em>sapiens</em> associés au Paléolithique supérieur initial. Ces dernières étaient les descendants des populations d’<em>Homo sapiens</em> venus d’Afrique il y a environ 60 000 et qui ont laissé des <a href="https://academic.oup.com/gbe/article/14/4/evac045/6563828">vestiges archéologiques en Europe</a> à partir d’environ 45 000 ans, possiblement même avant.</p>
<p>Au niveau archéologique, c’est la période de la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur car l’industrie lithique des derniers Néanderthaliens est remplacée par celle des premiers <em>H. sapiens</em>. Leurs restes de squelettes sont rares, mais on en connaît quelques sites archéologiques, par exemple en République tchèque, en Roumanie et en Bulgarie dont les génomes ont pu être déchiffrés en partie. Les Européens actuels ne portent <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03335-3">pas de traces des génomes</a> de ces premiers Européens <em>sapiens</em>, contrairement aux populations humaines ayant vécu en Europe après la crise écologique de -40 000 ans dont quelques génomes ont été séquencés.</p>
<h2>Des <em>Homo sapiens</em> issus de métissages</h2>
<p>Bien que les informations génomiques obtenues à partir des deux fragments de crâne du site de Buran Kaya III soient fragmentaires, nous avons pu analyser 740 000 variations génétiques partagées avec les génomes d’autres individus anciens, un nombre suffisant pour détecter leurs affinités et leurs ascendances partagées.</p>
<p>Notre analyse paléogénomique de ces deux fragments, séparés d’environ 700 ans, a mis en évidence que ces individus faisaient partie de la deuxième vague du peuplement d’Europe par <em>H. sapiens</em>, la vague qui s’est produite après cette crise écologique, et qu’ils sont parmi les plus anciens ancêtres des Européens. Tous les deux sont des descendants d’un métissage lointain avec les Néanderthaliens. Notre étude a aussi montré que l’individu plus récent portait des traces d’un métissage avec des individus de la première vague de peuplement qu’on croyait exterminés par la période glaciaire de -40 000 ans, représenté par l’individu de Zlatý Kůň (-45 000 ans). Nous avons donc pu conclure que le remplacement des premiers <em>H. sapiens</em> n’était pas total et qu’il a dû y avoir des survivants de la crise écologique.</p>
<p>Les génomes des individus de Buran Kaya III ont aussi révélé un lien génétique avec les populations du Caucase, contemporaines et beaucoup plus tardives, en accord avec des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004724842030169X">similitudes identifiées par les archéologues</a> entre les outils lithiques trouvés au sud du Caucase et ceux trouvés à Buran Kaya III à la même période. Ce lien indique la directionnalité de la migration des ancêtres de Buran Kaya III en Europe : du Moyen-Orient via le Caucase vers le territoire de l’Ukraine actuelle.</p>
<h2>Des liens avec des fossiles retrouvés en France</h2>
<p>Le lien génétique le plus fort a été identifié entre les génomes des individus de Buran Kaya III et ceux de France du Sud-ouest (Fournol -29 000 ans) et d’Espagne du nord-est (Serinyà -27 000 ans) et, dans une moindre mesure, ceux d’Autriche (Krems-Wachtberg -30 500 ans) et de République tchèque (Věstonice -31 000 ans) ayant vécu 5 000 à 7 000 ans plus tard. Ces individus proches des individus de Buran Kaya III faisaient partie de la population associée au Gravettien classique qui a produit les statuettes féminines en ivoire connues sous le nom de « vénus gravettiennes » qu’on trouve aussi bien en France qu’en Allemagne, en Autriche et en République tchèque (les vénus « impudique » et de Lespugue en France, la vénus de Věstonice en République tchèque ou encore la vénus de Willendorf en Autriche). La célèbre « Dame de Brassempouy » originaire du département français des Landes a été sculptée à cette époque.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Dame de Brassempouy ou Dame à la capuche." src="https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=599&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=599&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555355/original/file-20231023-23-m1ej3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=599&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dame de Brassempouy ou Dame à la capuche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Gilles Berizzi/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce lien génétique entre les individus de Buran Kaya III et les individus associés à la culture gravettienne suggère que les individus de Buran Kaya III étaient des ancêtres des individus associés au Gravettien et pratiquaient déjà une culture qu’on peut qualifier comme proto-gravettienne. Cette affinité génétique indique que les populations correspondantes ont diffusé de l’est vers l’ouest. Les outils lithiques produits par les individus de Crimée ont été attribué par les archéologues ukrainiens, en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003552114000879">particulier Alexandr Yanevich</a> : au complexe gravettien, mais cette attribution a été rejetée par d’autres archéologues, surtout à cause de leur date précoce et leur localisation à l’est, loin de la culture classique « Gravettienne » qui a été produite en Europe centrale et de l’ouest entre -34 000 et -26 000 ans, donc 5 000 à 7 000 ans plus tard et 3 000 km plus à l’est. Nos résultats génétiques donnent raison aux archéologues ukrainiens : les individus de Buran Kaya III étaient les ancêtres des Européens de l’Ouest, producteurs de la culture gravettienne et artistes des célèbres vénus gravettiennes.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-17-EURE-0013">« Génétique et epigénétique nouvelle ecole »</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216195/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eva-Maria Geigl a reçu des financements de CNRS, EUR G.E.N.E. (ANR-17-EURE-0013 ; IdEx #ANR-18-IDEX-0001 l'Université de Paris ; Programme d’Investissements d’Avenir) </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thierry Grange a reçu des financements de Fondation pour la Recherche Médicale (DGE20111123014), Région Ile-de-France (11015901), CNRS, EUR G.E.N.E. (ANR-17-EURE-0013 ; IdEx #ANR-18-IDEX-0001 l'Université de Paris ; Programme d’Investissements d’Avenir)</span></em></p>
L’analyse génétique de deux fragments de crânes datant de près de 40 000 ans démontre que notre espèce a colonisé l’Europe depuis l’est et s’est métissée avec nos cousins néandertaliens.
Eva-Maria Geigl, Directrice de recherche CNRS, Université Paris Cité
Thierry Grange, Directeur Scientifique Adjoint CNRS INSB Génétique Génomique Bioinformatique, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/207507
2023-08-28T16:52:26Z
2023-08-28T16:52:26Z
Sainte-Hélène, la petite Atlantide des oiseaux
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542288/original/file-20230811-19-19a3xd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C17%2C3924%2C2798&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fou masqué sur l'île Sainte-Hélène</span> <span class="attribution"><span class="source">© Anaïs Duhamel</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>En août-septembre 2022, un projet de longue date a enfin pu voir le jour : un mois de fouilles paléontologiques sur l’île de Sainte-Hélène, comme une première étape pour mettre au jour l’écosystème disparu de cette île lointaine, où Napoléon finit sa vie, perdue dans l’Atlantique sud à 2000 km de la Namibie en direction du Brésil.</p>
<p>Formant une équipe composée de chercheurs et naturalistes Héléniens, notre collègue britannique Julian P. Hume, et nous-mêmes chercheurs établis à Lyon, recherchions principalement les restes subfossiles des oiseaux ayant vécu sur cette petite île volcanique de 10 km sur 12 km, dépourvue d’êtres humains jusqu’à l’arrivée des Européens dès l’an 1502. Les restes subfossiles sont récents (souvent quelques centaines à quelques milliers d’années) et par conséquent quasiment pas reminéralisés, ressemblant à des ossements presque actuels.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536185/original/file-20230706-29-4eczk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536185/original/file-20230706-29-4eczk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536185/original/file-20230706-29-4eczk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536185/original/file-20230706-29-4eczk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536185/original/file-20230706-29-4eczk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536185/original/file-20230706-29-4eczk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536185/original/file-20230706-29-4eczk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Crâne fossile.</span>
<span class="attribution"><span class="source"> Anaïs Duhamel</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’ailleurs, les seuls vertébrés tétrapodes n’ayant jamais pu atteindre cette île océanique naturellement à partir des continents, sont des oiseaux : exploit qui ne fut égalé par aucun reptile, amphibien, ou mammifère – pas même par des Chiroptères (chauve-souris) – ce qui est une situation rare au niveau global.</p>
<p>Ainsi, non seulement toute une faune d’oiseaux marins a évolué sur place, produisant même des espèces endémiques, mais aussi une faune d’oiseaux terrestres, étrange, comprenant une marouette, un râle, une huppe, une tourterelle, ou encore un coucou, <a href="https://repository.si.edu/handle/10088/1952">devenus endémiques</a>.</p>
<p>La plupart de ces oiseaux terrestres sont devenus non-volants, phénomène classique sur les îles sans prédateurs. Hélas, l’arrivée de l’homme a sonné le glas de la plupart de ces espèces. La majorité des espèces endémiques – presque tous les oiseaux terrestres et plusieurs espèces marines – ont disparu de l’île et sont donc aujourd’hui éteintes. Et plusieurs autres espèces, exclusivement des oiseaux marins, ont disparu de l’île, mais vivent encore ailleurs dans le monde : on dit qu’elles ont été extirpées.</p>
<h2>Un impact anthropique majeur sur l’écosystème</h2>
<p>Certes Sainte-Hélène n’a pas été submergée par les eaux comme la légendaire cité de l’Atlantide, mais métaphoriquement cette île a été submergée par les nombreux impacts anthropiques. Comme tant d’autres îles, les <a href="https://www.nhbs.com/st-helena-and-ascension-island-book">premiers occupants humains ont apporté avec eux des mammifères</a>, volontairement (chèvres et autre bétail pour constituer une ressource en viande ; chiens, chats…) ou moins volontairement (rats, et souris, transportés dans les cales des bateaux…).</p>
<p>Les chèvres ont rapidement dévasté la végétation notamment sur tout le pourtour de l’île. Chats et rats se sont attaqués aux oiseaux endémiques non volants ; ainsi qu’aux œufs et poussins de tous les oiseaux, surtout à ceux des nombreuses espèces nichant au sol : les très vulnérables océanites, pétrels et puffins, entre autres.</p>
<p>En parallèle, les humains ont déforesté une grande partie de l’île, et planté à la place des espèces introduites, par exemple le Lin de Nouvelle-Zélande, utilisé pour fabriquer des cordages de marine pour les nombreux navires en escale sur l’île, qui se trouvait sur la Route des Indes au plus fort de la navigation, avant le creusement du canal de Suez. Depuis, cette plante s’est avérée extrêmement invasive, et coriace face à plusieurs programmes de restauration de la flore endémique, lors desquels des agents tentent héroïquement de les arracher sur de vastes surfaces, et de replanter à leur place des endémiques survivantes, reproduites auparavant sous serres. Au-delà de ces impacts indirects et généralement inconscients sur la faune locale, les <a href="https://www.nhbs.com/st-helena-and-ascension-island-book">humains ont également exercé une prédation directe</a> sur les oiseaux marins et leurs œufs, pratique courante encore récemment. Enfin, des oiseaux introduits, gibier ou passereaux exotiques notamment, ont concurrencé les derniers endémiques et contribué à leur déclin.</p>
<h2>Reconstituer un environnement disparu</h2>
<p>Mettre au jour les oiseaux qui vivaient, nichaient et évoluaient à Sainte-Hélène jusqu’à l’arrivée de l’homme en découvrant et en identifiant leurs restes subfossiles apporte de précieuses informations. Notre but est de documenter toutes les espèces ayant vécu sur l’île, ainsi que leur contexte paléoenvironnemental, en analysant les autres éléments de faune et de flore que nous avons trouvés sur les sites : pollen, bois, charbon, gastéropodes et sédiments. </p>
<p>De plus, les sites fossiles connus s’étalent de la fin du Pléistocène (-14 000 ans) jusqu’à la fin de l’Holocène (il y a quelques siècles). Ainsi, ils couvrent non seulement l’arrivée et l’occupation humaine depuis 500 ans, mais aussi les changements climatiques antérieurs et naturels : notamment la transition Pléistocène-Holocène lors de laquelle il y a eu de toute évidence d’importants changements dans les populations d’oiseaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536184/original/file-20230706-17-c6qhwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536184/original/file-20230706-17-c6qhwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536184/original/file-20230706-17-c6qhwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536184/original/file-20230706-17-c6qhwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536184/original/file-20230706-17-c6qhwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536184/original/file-20230706-17-c6qhwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536184/original/file-20230706-17-c6qhwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les fossiles se concentrent en surface sur certains reliefs des sites fossiles, sous l’action des vents et autres intempéries. Tout ce qui n’est pas ramassé rapidement finit par s’éroder et/ou tombe à la mer.</span>
<span class="attribution"><span class="source"> Anaïs Duhamel</span></span>
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</figure>
<p>Étudier ces différentes périodes permettra de discerner les effets climatiques naturels des effets dus à l’homme sur l’histoire récente des oiseaux de l’île, ce qui permettrait en outre de mieux anticiper et prévenir les impacts actuels de l’activité humaine : l’action de l’homme et des mammifères introduits dans la continuité des cinq derniers siècles, mais aussi le changement climatique anthropique actuel.</p>
<p>Enfin, documenter la présence et la nidification il y a encore quelques siècles, d’oiseaux aujourd’hui non présents sur l’île, tels que les frégates, plusieurs Procellariiformes (pétrels, puffins et océanites), et certains fous, peut guider l’éventuelle réintroduction de certaines de ces espèces dans un futur proche. D’ailleurs, les Fous masqués reviennent nicher d’eux-mêmes sur l’île principale alors qu’ils ne subsistaient que sur des îlots périphériques jusqu’à récemment. On peut imaginer que les frégates suivent, et se réinstallent sur Sainte Hélène après près de deux siècles d’absence totale.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Phaeton a bec rouge.</span>
<span class="attribution"><span class="source"> Anaïs Duhamel</span></span>
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<h2>Une initiative de science participative</h2>
<p>C’est dans cette optique que nous avons repris les recherches paléontologiques en 2022, une quinzaine d’années après le géologue Colin Lewis qui s’est surtout attaché à mieux dater les sites, après Philip et Myrtle Ashmole, et près de 50 ans après le travail majeur de Storrs L. Olson, célèbre paléo-ornithologue états-unien qui avait alors décrit la plupart des espèces éteintes. Olson avait encouragé à poursuivre les recherches, pressentant le potentiel de l’île pour révéler encore davantage d’oiseaux y compris d’autres espèces éteintes à cause de l’homme encore à découvrir. D’autant plus que l’érosion permanente met au jour les fossiles contenus dans des sédiments meubles, mais très vite les lessive et les emporte à la mer : il devient donc urgent de les collecter.</p>
<p>Notre première mission a permis de collecter près de 7000 fossiles, faisant plus que doubler tout ce qui avait été collecté auparavant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536183/original/file-20230706-16173-ceaolc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536183/original/file-20230706-16173-ceaolc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536183/original/file-20230706-16173-ceaolc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536183/original/file-20230706-16173-ceaolc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536183/original/file-20230706-16173-ceaolc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536183/original/file-20230706-16173-ceaolc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536183/original/file-20230706-16173-ceaolc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Œuf fossile.</span>
<span class="attribution"><span class="source"> Anaïs Duhamel</span></span>
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</figure>
<p>En cours d’étude, cette moisson révèle déjà de nouvelles occurrences d’espèces à différentes époques, et surtout de nouvelles espèces jamais décrites jusqu’alors. Nous comptons ainsi multiplier les missions dans les années à venir et poursuivre l’étude du matériel collecté, exauçant le souhait de S. Olson et réalisant ses prédictions, pour le plus grand intérêt de l’ornithologie insulaire.</p>
<p>Ce travail est suivi de près par les « Saints », les habitants de l’île, que ces découvertes passionnent souvent. D’ailleurs, leur enthousiasme et leur implication personnelle sur le terrain ont inspiré une initiative de science participative par laquelle nous les formons et encourageons à collecter des fossiles de surface en notant rigoureusement le lieu et contexte précis, pour ensuite centraliser le matériel au Musée de Sainte Hélène, où seront à terme conservés tous les fossiles issus de nos missions. Un petit guide d’identification des fossiles à l’usage des habitants sera réalisé dans ce but dans les mois à venir.</p>
<hr>
<p><em>Nous tenons à remercier les autres participants à cette mission, qui font partie intégrante du projet : Julian P. Hume (NHM Tring, UK), Rebecca Cairns-Wicks (Saint Helena Research Institute et SH Research Council) pour son aide essentielle et son soutien depuis le tout début du lancement du projet, ainsi que, de façon non-exhaustive : Kevin Gepford (écrivain scientifique, USA), Sacha Devaud (Univ. Rennes, Angers et Lyon), les membres du Saint Helena Research Council ; Helena Bennett, Natasha Stevens et Gavin « Eddie Duff » Ellick (Saint Helena National Trust) ; Adam Sizeland (Museum of Saint Helena) ; Annalea Beard (Cardiff University, UK) ; Stedson Stroud (Conservationist, Saint Helena) ; et Charlize Henry et d’autres étudiant·e·s locaux. Enfin, nous remercions le CNRS (programme International Emerging Actions), l’OSU de Lyon, et le Laboratoire de Géologie de Lyon (LGL-TPE) pour leur aide.</em></p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207507/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Louchart a reçu des financements du CNRS, de l'OSU de Lyon, et du LGL-TPE (Lyon). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anaïs Duhamel a reçu des financements du CNRS, de l'OSU de Lyon, et du LGL-TPE (Lyon). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien JOSEPH a reçu des financements du CNRS, de l'OSU de Lyon, et du LGL-TPE (Lyon).</span></em></p>
Avec l’arrivée des humains sur l’île de Sainte-Hélène, l’écosystème a été totalement bouleversé. Une équipe de scientifiques tente de savoir quelles espèces d’oiseaux y vivaient.
Antoine Louchart, chargé de recherche CNRS en paléornithologie, ENS de Lyon
Anaïs Duhamel, Doctorante en paléo-ornithologie, ENS de Lyon
Julien Joseph, Doctorant en biologie évolutive, ENS de Lyon
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208800
2023-07-04T20:13:18Z
2023-07-04T20:13:18Z
Une expo, un chercheur : les crânes géants de Ron Mueck vus par un paléoanthropologue
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534862/original/file-20230629-17-6gxigk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=42%2C18%2C3977%2C2999&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Antoine Balzeau en pleine inspection de l'oeuvre de Ron Mueck, « Mass ».
Vue de l’exposition Ron Mueck à la Fondation Cartier pour l’art
contemporain, matériaux divers, dimensions variables.
</span> <span class="attribution"><span class="source">National Gallery of Victoria, Melbourne, Felton Bequest, 2018 / Photo Sonia Zannad, The Conversation</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Antoine Balzeau est paléoanthropologue au CNRS et au Muséum national d’histoire naturelle. Il étudie l’évolution des humains préhistoriques et s’intéresse surtout aux caractéristiques internes des fossiles, grâce aux méthodes d’imagerie.</em>
<em>Au cours d’une longue visite de l’exposition Ron Mueck à la fondation Cartier pour l’art contemporain, le chercheur nous a confié ses réflexions, entre observations scientifiques liées à la morphologie des crânes, curiosité pour la méthode de l’artiste et étonnement face à une œuvre qui pose plus de questions qu’elle n’offre de réponses.</em></p>
<hr>
<p>Les crânes, je suis bien placé pour trouver ça joli : je les manipule et les examine au quotidien. Mais un crâne, même fossile, ce n’est pas un objet anodin : il s’agit de <a href="https://theconversation.com/faut-il-continuer-a-exposer-les-momies-egyptiennes-dans-nos-musees-203645">restes humains</a>, c’est important de s’en rappeler.</p>
<p>En découvrant l’installation monumentale de Ron Mueck, je suis d’abord saisi par l’image de cette accumulation, qui fait forcément penser à des circonstances dramatiques et violentes, en particulier au moment où la guerre est aux portes de l’Europe et dans le contexte d’un dérèglement climatique inéluctable : impossible de ne pas imaginer une extinction, une tuerie de masse ou un charnier ; une impression décuplée par le gigantisme de l’installation. Les visiteurs sont d’ailleurs très silencieux (<em>Mass</em> signifie à la fois masse et messe en anglais, NDLR), comme recueillis.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="Vignette de présentation de la série Une expo, un chercheur, montrant une installation artistique de l'artiste Kusama" src="https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>« Une expo, un·e chercheur·euse » est un nouveau format de The Conversation France. Si de prime abord, le monde de l’art et celui de la recherche scientifique semblent aux antipodes l’un de l’autre, nous souhaitons provoquer un dialogue fécond pour accompagner la réflexion sans exclure l’émotion. Cette série de rencontres inattendues vous guidera à travers l’actualité des expositions en les éclairant d’un jour nouveau.</em></p>
<hr>
<p>Troublante aussi, la proximité avec les catacombes de Paris, qui se trouvent à un jet de pierre de la Fondation Cartier ; l’artiste est d’ailleurs allé y faire un tour avant de peaufiner le montage de son installation. Il y a cependant une grande différence entre le travail de Mueck et les crânes que l’on voit aux catacombes : ici, ils se présentent d’emblée comme « faux », du fait de leur échelle, et ce malgré le réalisme du moulage. </p>
<p>Mais ils sont également disposés les uns sur les autres, dans un désordre apparent, baignés dans la lumière vive d’un bâtiment entièrement vitré. Certains sont renversés, retournés, posés sur le côté, comme en équilibre précaire. On dirait qu’un géant a joué avec, avant de s’en désintéresser, comme dans un roman de science-fiction – je pense à l’univers de Stefan Wul <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Oms_en_s%C3%A9rie">dans <em>Oms en série</em></a>. Aux catacombes, en revanche, la mise en scène morbide des vrais crânes humains est plus ouvertement associée au « memento mori » : ils sont alignés et empilés, orbites vides dirigées vers les visiteurs, semblant questionner notre vanité, dans la pénombre.</p>
<p>À la fondation Cartier, c’est une planche de Franquin, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Id%C3%A9es_noires_(bande_dessin%C3%A9e)">dans ses <em>Idées noires</em></a>, qui me vient à l’esprit : des mouches discutent, installées dans des boîtes crâniennes. Dans l’image « dézoomée », on comprend que le sol est jonché de crânes humains, et que les mouches ont tiré profit de leur violence et/ou de leur bêtise mais aussi qu’elles craignent de répéter les mêmes erreurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534847/original/file-20230629-17-flu2cz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534847/original/file-20230629-17-flu2cz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534847/original/file-20230629-17-flu2cz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534847/original/file-20230629-17-flu2cz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534847/original/file-20230629-17-flu2cz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534847/original/file-20230629-17-flu2cz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534847/original/file-20230629-17-flu2cz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans une planche des « Idées noires », Franquin imagine une colonie de mouches dans des crânes humains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Les Idées Noires, Franquin.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La question de la méthode</h2>
<p>En observant les crânes de loin, je comprends tout de suite deux choses : il s’agit du même crâne démultiplié, et il s’agit du crâne d’un individu jeune. Difficile, en revanche, d’en déterminer le genre.</p>
<p>Si je sais qu’il s’agit du même crâne démultiplié, malgré les « accidents » provoqués par Ron Mueck pour nous faire croire qu’ils sont différents – l’artiste a cassé certains os ou retiré certaines dents en fonction des crânes – c’est en raison des sutures ouvertes qui sont très apparentes : chez l’être humain, les os du crâne sont en effet unis par des sutures, qui disparaissent avec l’âge, quand le crâne a fini de se former. Cette croissance est presque terminée à l’âge de 12 ans, et complètement achevée lorsqu’on atteint l’âge de 20 ans. Chez un adulte, ces « marques » sont peu visibles. Or ici, on voit même les sutures du palais. Toutes ces marques si nettes sont comme une signature, illustrant que c’est bien le même crâne décliné.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535510/original/file-20230704-24-79yx9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535510/original/file-20230704-24-79yx9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535510/original/file-20230704-24-79yx9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535510/original/file-20230704-24-79yx9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535510/original/file-20230704-24-79yx9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535510/original/file-20230704-24-79yx9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535510/original/file-20230704-24-79yx9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ron Mueck, Mass (2017), matériaux divers, dimensions variables. Ron Mueck pendant le montage de l’exposition à la Fondation Cartier pour l’art contemporain..</span>
<span class="attribution"><span class="source">National Gallery of Victoria, Melbourne, Felton Bequest, 2018, photo Marc Domage</span></span>
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</figure>
<p>La taille géante des crânes, leur couleur légèrement différente – du blanc éclatant au gris très pâle – et l’utilisation répétée d’un même crâne contribuent à renforcer l’aspect fictionnel de l’ensemble, malgré une première impression « réaliste » : Ron Mueck joue visiblement avec les sens et la raison des visiteurs, pour mieux les déstabiliser peut-être.</p>
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<p>Un réalisme à nouveau mis à mal quand on observe l’intérieur des crânes : certains sont posés au sol, sur le côté, et on peut regarder dedans. Je découvre alors que si le modelé de la surface extérieure est très précis, ce n’est pas du tout le cas de l’intérieur ; d’ailleurs les deux ne « communiquent » pas, les parties habituellement connectées ne le sont pas. On a bien affaire à une représentation artistique, à une interprétation plastique du crâne.</p>
<p>Je détecte également quelques anomalies : on dirait que ce crâne a été moulé après reconstitution en 3D, et le passage par l’informatique lui donne des proportions étranges, comme si certains éléments avaient été déformés ou « rejoués ». Il s’agit peut-être de la combinaison de plusieurs modèles, comme un souhait de multiplier les détails réalistes pour faire encore plus vrai. Décidément, l’impression de vérité ou de réalisme qui fonctionne de loin est vite troublée par une observation plus précise – mais j’ai l’habitude de fréquenter des crânes, ce n’est pas le cas de la plupart des visiteurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535513/original/file-20230704-19-hdro0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535513/original/file-20230704-19-hdro0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535513/original/file-20230704-19-hdro0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535513/original/file-20230704-19-hdro0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535513/original/file-20230704-19-hdro0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535513/original/file-20230704-19-hdro0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535513/original/file-20230704-19-hdro0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ron Mueck, <em>Mass</em> (2017). Visiteuses à la Fondation Cartier pour l’art contemporain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">National Gallery of Victoria/Marc Domage</span></span>
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<p>En tant que scientifique, j’examine mes crânes avec des techniques de pointe : si j’observe un fossile, j’utilise de petites caméras filaires dotées de lampes, qui me permettent de repérer des microdétails. Quant aux modèles 3D, les microtomographes actuels permettent une précision 100 fois supérieure à celle d’un scanner médical, avec un niveau de résolution incroyable. Quand j’explore virtuellement un fossile sur un écran, la question de l’échelle change beaucoup ma perception, et ne permet pas toujours de bien apprécier les dimensions d’un objet et de le percevoir par rapport aux autres fossiles.</p>
<p>En voyant ces crânes géants, je me dis que si je pouvais examiner des répliques parfaites en format « géant », je découvrirais certainement des choses que je ne peux pas voir sur des modèles 3D. Je pourrais me faufiler dans tous les recoins du crâne, observer le moindre détail sans avoir recours à des verres grossissants.</p>
<h2>Un avertissement ?</h2>
<p>La vision des visiteurs qui déambulent parmi ces crânes géants me rappelle un danger qui menace en permanence la connaissance scientifique, celui de la désinformation et du manque d’esprit critique : si on filmait ou photographiait la scène et qu’on la diffusait sur les réseaux sociaux sans contexte ou avec une légende fallacieuse, certaines personnes pourraient croire qu’il s’agit de <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux-numerique/les-squelettes-de-geants-n-existent-pas_1789267.html">fossiles de géants</a>. Des théories de ce type émergent régulièrement sur le net, « fakes » à l’appui : civilisations extra-terrestres, squelettes géants, faux charniers…</p>
<p>La réflexion sur l’origine d’une image, sur la validité d’une expertise, le questionnement systématique de ce qui se présente comme des faits et la recherche du contexte de production d’une information ou d’une image restent les meilleurs outils contre la désinformation. Parmi la foule de questions existentielles que semble nous poser l’œuvre de Ron Mueck, il y a aussi celles-ci : que tenons-nous pour vrai ? Et quel est notre rapport aux images, si « séduisantes » et convaincantes soient-elles ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208800/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Que se passe-t-il quand un paléoanthropologue découvre l’œuvre monumentale de Ron Mueck, faite d’un amoncellement de crânes géants ?
Antoine Balzeau, Paléoanthropologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Sonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/207363
2023-06-20T17:35:27Z
2023-06-20T17:35:27Z
Quand Dax était sous les tropiques
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531286/original/file-20230612-222292-c3m4ro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C22%2C4905%2C3245&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Turbo parkisoni </span> <span class="attribution"><span class="source">@ Laurence Godart / DIM PAMIR / CNRS</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Cette jolie coquille de gastéropode fossile du genre <em>Turbo</em> provient du site paléontologique de Gaas, dans les environs de Dax en Nouvelle-Aquitaine. Elle a été photographiée sous lumière UV et arbore un motif coloré montrant une alternance de bandes claires et de bandes rouges.</p>
<p>En lumière naturelle, ce motif n’est pas visible car les coquilles fossiles sont généralement blanches ou crèmes. En effet, après la mort des organismes, leurs coquilles s’altèrent sous l’effet d’agents chimiques et physiques, et les <a href="https://hal.science/hal-03778453/">couleurs tendent à disparaître</a>. Ici, la coquille n’a pas perdu tous ses pigments – elle parait blanche en lumière naturelle, mais c’est parce que notre œil ne peut pas percevoir les pigments restants. En revanche, la lumière UV permet de les révéler, car ils vont devenir fluorescents et être ainsi visibles.</p>
<p>Dans le cas de ce <em>Turbo</em>, la luminescence rouge indique la présence des molécules de porphyrine. C’est comme cela que l’on sait que l’animal était coloré de son vivant – tout comme les <em>Turbo</em> actuels, sans pour autant connaître sa couleur exacte.</p>
<p>En ce sens, les techniques révélant la luminescence des coquilles fossiles ont quelque chose de « magique » pour nous, paléontologues. Elles nous permettent d’en savoir plus sur la biologie et l’évolution de ces mollusques âgés de dizaines de millions d’années, les plus anciennes coquilles montrant un motif coloré sous lumière UV datent de 240 millions d’années.</p>
<p>En effet, cours de leur histoire évolutive, les mollusques ont été aussi bien prédateurs que proies. Voir, ne pas être vu ou se reconnaître pour se reproduire est ainsi nécessaire et la coquille est un organe essentiel de survie. En contribuant au camouflage ou à la répulsion, la couleur et les motifs colorés ont joué un rôle non négligeable dans l’évolution des mollusques. Dans l’actuel, la diversité des motifs colorés suggère des processus évolutifs ayant favorisé leur émergence. Dans certaines cas, <a href="https://sciencepress.mnhn.fr/en/periodiques/geodiversitas/32/3/premiere-etude-systematique-fondee-sur-la-variabilite-des-motifs-colores-residuels-le-cas-des-seraphsidae-paleogenes-mollusca-gastropoda-stromboidea">ils permettent d’identifier des espèces différentes</a> et ont donc un rôle avéré dans la formation des espèces.</p>
<h2>La Dax tropicale était-elle un point chaud de biodiversité ?</h2>
<p>Le <em>Turbo</em> de Gaas est âgé d’environ 30 millions d’années. Ses homologues actuels vivent généralement dans des environnements marins peu profonds dans lesquels ils se nourrissent d’algues. Ce mode de vie s’accorde bien avec celui des autres espèces trouvées dans le site paléontologique de Gaas, car beaucoup d’entre elles sont des phytophages marins, aussi accompagnées de bivalves, de crustacés, de requins, de coraux et d’autres organismes.</p>
<p>En d’autres termes, il y a 30 millions d’années, la région de Dax était sous la mer. Cette mer ancienne occupait largement le bassin d’Aquitaine et <a href="https://paleobiodb.org/classic/displayReference?reference_no=31073">revêtait un cachet tropical bien marqué</a>. La présence de <em>Turbo</em> l’atteste bien, ainsi que celle de la faune de coquillages associée. Celle-ci est riche de plusieurs centaines d’espèces et comprend de nombreuses formes thermophiles (formes ayant besoin de températures élevées), comme les cyprées, les cônes ou les olives, qui sont actuellement communes dans les eaux indo-pacifiques ou des Caraïbes. On trouve à Gaas de nombreux coraux du même âge dits « coloniaux », qui vivent en colonies en symbiose avec les algues zooxanthelles. Ce type de coraux construit des récifs coralliens et est typique des zones tropicales.</p>
<p>Le <em>Turbo</em> de Gaas a donc bien de quoi nous faire fantasmer. Non seulement son fragile motif a traversé le temps et nous transmet des informations sur la biologie de cet organisme, mais son environnement de récolte nous projette dans un climat bien plus chaud qu’actuellement, et dans une mer digne des points chauds actuels de biodiversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207363/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Merle a reçu des financements du DIM MAP région Île-de-France</span></em></p>
Un beau coquillage, qui vivait sous les tropiques auprès de récifs coralliens, il y a 30 millions d’années… dans les Landes.
Didier Merle, Maître de conférences au Muséum national d'Histoire naturelle, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/198825
2023-02-02T19:01:00Z
2023-02-02T19:01:00Z
Depuis quand les humains ont-ils de si gros cerveaux ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507196/original/file-20230130-14099-cv7kfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C12%2C2035%2C1520&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le crâne de Selam, Australopithecus afarensis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/baggis/3557813569">Travis, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Les fossiles nous racontent ce que les êtres humains et nos prédécesseurs faisaient il y a des centaines de milliers d’années. Mais certaines étapes importantes du cycle de la vie, comme la grossesse ou la gestation, ne laissent aucune trace dans les archives fossiles. Comment les étudier ?</p>
<p>Une des caractéristiques de notre espèce est d’avoir des cerveaux de taille importante par rapport à la taille totale du corps, ce qui rend la grossesse particulièrement intéressante pour les paléoanthropologues. Mais alors que les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-laccouchement-humain-est-il-beaucoup-plus-difficile-que-celui-de-nos-cousins-les-grands-singes-183059">crânes imposants d’<em>Homo sapiens</em> contribuent aux difficultés de l’accouchement</a>, ce sont les cerveaux logés à l’intérieur qui ont permis à notre espèce de prendre son envol.</p>
<p>Mes collègues et moi voulons comprendre le développement du cerveau de nos ancêtres avant la naissance : était-il comparable à celui des fœtus aujourd’hui ? En étudiant quand la croissance prénatale et la grossesse sont devenues « humaines », on comprend mieux quand et comment le cerveau de nos ancêtres est devenu plus similaire au nôtre qu’à ceux de nos proches cousins les singes.</p>
<p>Nous avons étudié l’évolution des taux de croissance prénatale en regardant le développement <em>in utero</em> des dents, qui, elles, fossilisent. Grâce à un <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2200689119">modèle mathématique</a> des longueurs relatives des molaires, construit pour l’occasion, nous pouvons suivre les changements évolutifs des taux de croissance prénatale dans les archives fossiles.</p>
<p>D’après notre modèle, il semblerait que la grossesse et la croissance prénatale soient devenues plus proches de l’humain que du chimpanzé il y a près d’un million d’années.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505651/original/file-20230120-26-idfswj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Silhouette de femme enceinte contre un coucher de soleil sur un paysage" src="https://images.theconversation.com/files/505651/original/file-20230120-26-idfswj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505651/original/file-20230120-26-idfswj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505651/original/file-20230120-26-idfswj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505651/original/file-20230120-26-idfswj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505651/original/file-20230120-26-idfswj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505651/original/file-20230120-26-idfswj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505651/original/file-20230120-26-idfswj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La grossesse et l’accouchement comportent de nombreux risques pour le parent et le bébé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/silhouette-pregnant-woman-standing-on-field-against-royalty-free-image/1082494338">Jimy Lindner/EyeEm via Getty Images</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La gestation et la taille du cerveau humain</h2>
<p>La <a href="https://doi.org/10.1002/(SICI)1520-6505(1998)6:2%3C54::AID-EVAN3%3E3.0.CO;2-W">grossesse et la gestation sont des périodes importantes</a> – elles guident la croissance ultérieure et orientent le cours biologique de la vie.</p>
<p>Mais la grossesse humaine, en particulier le travail et l’accouchement, <a href="https://doi.org/10.1152/physiologyonline.1996.11.4.149">coûte beaucoup d’énergie</a> et est souvent dangereuse. Le cerveau du fœtus a besoin de beaucoup de nutriments pendant son développement et le taux de croissance de l’embryon pendant la gestation, également appelé « taux de croissance prénatale », impose un lourd tribut métabolique et physiologique au parent en gestation. De plus, le <a href="https://doi.org/10.1002/ajpa.1330350605">passage délicat de la tête et des épaules du nourrisson</a> à travers le canal pelvien pendant l’accouchement peut entraîner la mort, tant de la mère que de l’enfant.</p>
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<p>En contrepartie de ces inconvénients évolutifs, il faut une très bonne raison d’avoir une tête aussi grosse. Le gros cerveau caractéristique de l’espèce humaine s’accompagne de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jhevol.2009.04.009">nombreuses capacités cognitives</a>, et l’<a href="https://doi.org/10.1098/rstb.2012.0115">évolution du cerveau</a> a contribué à la domination de notre espèce : elle est notamment associée à une utilisation accrue d’outils, à la création d’œuvres d’art et à la capacité de survivre dans des environnements variés.</p>
<p>L’évolution de nos cerveaux est aussi entremêlée avec nos capacités à trouver et exploiter davantage de ressources, avec des outils et en <a href="https://doi.org/10.1086/667623">coopérant</a> par exemple.</p>
<p>Les changements dans la croissance prénatale nous renseignent également sur les façons dont les parents rassemblaient les ressources alimentaires et les distribuaient à leur progéniture. Ces ressources croissantes auraient contribué à l’évolution d’un cerveau encore plus gros. En comprenant mieux à quel moment la croissance prénatale et la grossesse sont devenues « humaines », on peut savoir quand et comment notre cerveau a évolué lui aussi.</p>
<p>L’homme a le <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2200689119">taux de croissance prénatale le plus élevé</a> de tous les primates vivant aujourd’hui, soit 11,58 grammes par jour. Les gorilles, par exemple, ont une taille adulte beaucoup plus grande que celle des humains, mais leur taux de croissance prénatale n’est que de 8,16 grammes par jour. Étant donné que <a href="https://carta.anthropogeny.org/moca/topics/proportion-pre-and-postnatal-brain-growth">plus d’un quart de la croissance du cerveau humain</a> s’effectue pendant la gestation, le taux de croissance prénatale est directement lié à la taille du cerveau adulte.</p>
<p>Quand et comment le taux de croissance prénatale de <em>Homo sapiens</em> a évolué est resté un mystère jusqu’à présent.</p>
<h2>Ce que les dents révèlent de la croissance prénatale</h2>
<p>Les chercheurs étudient depuis des siècles les restes de squelettes fossilisés, mais malheureusement, les cerveaux ne fossilisent pas – et encore moins la gestation et le taux de croissance prénatale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505250/original/file-20230118-20-a40toc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="échographie d’un bébé in utero" src="https://images.theconversation.com/files/505250/original/file-20230118-20-a40toc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505250/original/file-20230118-20-a40toc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505250/original/file-20230118-20-a40toc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505250/original/file-20230118-20-a40toc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=623&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505250/original/file-20230118-20-a40toc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505250/original/file-20230118-20-a40toc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505250/original/file-20230118-20-a40toc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=783&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le cerveau en développement d’un être humain en gestation à 26 semaines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tesla Monson</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mes collègues et moi réfléchissons à la façon dont les dents se développent, très tôt dans l’utérus. Les dents permanentes commencent à se développer bien avant la naissance, vers 20 semaines de gestation. L’émail des dents est <a href="https://doi.org/10.1016/j.crpv.2016.10.006">inorganique à plus de 95 %</a>, et la majorité des fossiles de vertébrés est constituée de dents ou en possède.</p>
<p>Partant de ce constat, nous avons décidé d’étudier la relation entre le taux de croissance prénatale, la taille du cerveau et la longueur des dents.</p>
<p>Nous avons mesuré les dents de 608 primates contemporains provenant de collections de squelettes du monde entier et les avons comparées aux taux de croissance prénatale calculés à partir de la durée moyenne de gestation et de la masse à la naissance pour chaque espèce. Comme indicateur de la taille du cerveau, nous utilisons le volume endocrânien (l’espace à l’intérieur du crâne).</p>
<p>Nous avons constaté que le <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2200689119">taux de croissance prénatale</a> présente une corrélation significative avec la taille du cerveau adulte et la longueur relative des dents chez les singes et les grands singes.</p>
<p>Cette relation statistique a permis de générer une équation mathématique qui prédit le taux de croissance prénatale à partir de la taille des dents. Avec cette équation, nous pouvons prendre quelques dents molaires d’une espèce fossile éteinte et reconstituer exactement la vitesse de croissance de leur progéniture pendant la gestation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505479/original/file-20230119-5264-t8y9ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="alt" src="https://images.theconversation.com/files/505479/original/file-20230119-5264-t8y9ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505479/original/file-20230119-5264-t8y9ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505479/original/file-20230119-5264-t8y9ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505479/original/file-20230119-5264-t8y9ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505479/original/file-20230119-5264-t8y9ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505479/original/file-20230119-5264-t8y9ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505479/original/file-20230119-5264-t8y9ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En utilisant la nouvelle équation, les chercheurs ont découvert que les taux de croissance prénatale ont augmenté au cours des millions d’années d’évolution des humains et des hominidés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tesla Monson</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En utilisant cette nouvelle méthode, nous avons pu reconstituer les taux de croissance prénatale pour treize espèces fossiles, construisant ainsi une chronologie des changements survenus au cours des six derniers millions d’années d’évolution des humains et des hominidés (le terme « hominidé » désigne toutes les espèces, <em>Australopithecus</em> entre autres, appartenant à la lignée « humaine » depuis sa séparation avec celle des chimpanzés, il y a environ 6 à 8 millions d’années).</p>
<p>Grâce à ces recherches, nous savons maintenant que le taux de croissance prénatale a augmenté tout au long de l’évolution des hominidés, pour atteindre il y a moins d’un million d’années un taux semblable à celui des humains – qui dépasse celui observé chez tous les autres singes.</p>
<p>Un taux de croissance prénatale totalement similaire à celui des humains est apparu seulement avec l’évolution de notre espèce <em>Homo sapiens</em>, il y a 200 000 ans environ. Mais d’autres espèces d’hominidés vivant au cours des 200 000 dernières années, comme les Néandertaliens, avaient également des taux de croissance prénatale du même ordre de grandeur.</p>
<p>Il reste à déterminer quels gènes ont été impliqués dans ces changements de taux de croissance.</p>
<h2>Les dents révèlent d’autres secrets</h2>
<p>Avec seulement <a href="https://doi.org/10.1002/1096-8644(200103)114:3%3C192::AID-AJPA1020%3E3.0.CO;2-Q">quelques dents et une partie de la mâchoire</a>, un expert chevronné peut en <a href="http://www.annualreviews.org/doi/full/10.1146/annurev-an-42">apprendre beaucoup sur un individu disparu</a> : de quelle espèce il s’agissait, ce qu’il mangeait, s’il se battait pour obtenir des partenaires, à quel âge il est mort, s’il avait des problèmes de santé, et bien plus encore.</p>
<p>Nous pouvons maintenant ajouter à cette liste le fait de savoir à quoi ressemblaient la grossesse et la gestation pour cette espèce. Les dents pourraient aussi refléter indirectement l’émergence de la conscience humaine, via l’évolution de la taille du cerveau.</p>
<p>Le modèle suggère que les taux de croissance prénatale ont commencé à augmenter bien avant l’émergence de notre espèce, <em>Homo sapiens</em>. On peut supposer qu’un taux de croissance prénatale rapide a été nécessaire à l’apparition d’un cerveau imposant et à l’évolution de la conscience et des capacités cognitives humaines.</p>
<p>Voilà le genre de questions que nos recherches nous permettent dorénavant de formuler… à partir de quelques dents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198825/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ces recherches ont été financées par des bourses attribuées aux collaborateurs de Tesla Monson par la Washington Research Foundation et la John Templeton Foundation. Une grande partie de la collecte de données sur les primates a été financée par la National Science Foundation, Division of Behavioral and Cognitive Sciences, via les bourses 0500179, 0616308 et 0130277.</span></em></p>
Le cerveau se développait-il aussi rapidement pendant la grossesse chez nos ancêtres que chez l’espèce humaine ? De nouveaux indices fossiles et in utero.
Tesla Monson, Assistant Professor of Anthropology, Western Washington University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/195836
2023-01-23T18:54:49Z
2023-01-23T18:54:49Z
Le chien descend-il vraiment du loup ?
<p>Confortablement assis sur votre canapé, vous regardez votre chien dormant paisiblement auprès de vous. Est-il en train de rêver de son dernier bol de croquettes ? Ou s’imagine-t-il peut-être la grande saga odysséenne de ses ancêtres, parcourant en meute les vastes steppes du dernier « Âge de Glace » à la poursuite des rennes qui constitueraient leur prochain repas ?</p>
<p>L’histoire des liens ancestraux entre le chien (le premier animal à avoir été domestiqué) et le loup est l’une des aventures évolutionnaires les plus passionnantes de l’histoire humaine. Non seulement nous interroge-t-elle sur la relation que nous avons au reste de la nature, mais elle nous renvoie aussi, par extension, à la question de tout ce que nous <em>sommes</em> en tant qu’être humain.</p>
<p>Les dernières avancées en génétique commencent à livrer des détails clés qui nous permettent d’esquisser l’histoire connexe de nos fidèles compagnons de maison, et de ces fiers canidés sauvages qui repeuplent peu à peu nos campagnes.</p>
<h2>À l’origine fut le loup</h2>
<p>Aujourd’hui, le chien (<em>Canis familiaris</em>) est le carnivore le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2907.2009.00148.x">plus répandu sur la planète</a>. Il fait partie de notre aventure humaine depuis le temps où nous étions encore des chasseurs-cueilleurs nomades, 20 000 ou même 30 000 ans avant l’invention de l’agriculture.</p>
<p>On recense près de 350 races de chien officielles dans le monde et ils sont aujourd’hui <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1014881/population-chiens-france/">près de 7 millions</a> dans les foyers français. Si sa fidèle présence à nos côtés est depuis longtemps considérée comme allant de soi, le chien est pourtant un élément relativement récent de l’évolution humaine. Mais l’histoire et la chronologie de la domestication du chien se révèlent très complexes et alimentent tout autant les débats scientifiques, que mythes ou autres croyances au sein de nos sociétés. À la question : « de quel animal le chien descend-il ? » la plupart des adultes comme des enfants répondront sans hésiter : « le loup, bien sûr ! » Oui, mais voilà, de quel loup parle-t-on ici ?</p>
<p>Le loup gris (<em>Canis lupus</em>) est un superprédateur présent dans tout l’hémisphère nord. En d’autres termes, le loup est une espèce qui se situe en haut de la chaîne alimentaire, qui n’a pas vraiment de prédateurs naturels, et qui régule l’équilibre de son écosystème par la prédation. Son origine est nébuleuse mais assurément très ancienne, et remonte probablement à quelque 800 000 ans. Les lupidés sont génétiquement très diversifiés, et environ quarante sous-espèces actuelles <a href="http://www.departments.bucknell.edu/biology/resources/msw3/">ont déjà été décrites</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505645/original/file-20230120-12-3u7o18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505645/original/file-20230120-12-3u7o18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505645/original/file-20230120-12-3u7o18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505645/original/file-20230120-12-3u7o18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505645/original/file-20230120-12-3u7o18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505645/original/file-20230120-12-3u7o18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505645/original/file-20230120-12-3u7o18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Meute de loups gris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maxime Marrimpoey</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré les restrictions d’habitat et de niche écologique engendrées par les êtres humains depuis la Préhistoire, les loups sont parmi les seuls des grands carnivores à avoir survécu l’extinction de masse de la fin du Pléistocène (il y a entre 50 000 et 10 000 ans), et ce notamment grâce à leur grande résilience écologique et à la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277379121004194">flexibilité</a> de leurs comportements prédateurs. Au cours de ces deux derniers siècles, les pressions indirectes liées à l’urbanisation ainsi que les nombreuses campagnes d’exterminations ont mené à une disparation quasi complète de ses formes sauvages en Europe. Mais depuis quelques années, sa présence se rétablit lentement grâce à des programmes de conservation. Le loup gris est actuellement réintroduit dans nos contrées européennes aux côtés de <a href="https://theconversation.com/mieux-connaitre-le-lynx-boreal-grace-a-lecologie-statistique-147241">trois autres espèces de carnivores</a> : l’ours brun, le lynx boréal et le glouton.</p>
<h2>Entre chien et loup</h2>
<p>La chronologie de la domestication du loup préhistorique est probablement l’un des débats les plus animés des sciences de l’évolution. Si la paléontologie apporte évidemment des composantes importantes à ce débat, les analyses ostéo-morphologiques (l’étude de la taille et de la morphologie des os) qui sont en mesure de discriminer les proto-chiens restent difficiles à identifier.</p>
<p>Depuis les travaux de Charles Darwin, nous savons qu’une série de changements phénotypiques (caractéristiques physiques observables) sont observés sur les animaux qui subissent un processus de domestication, du moins après de nombreuses générations de traits scrupuleusement sélectionnés (souvent favorisant les individus les plus dociles). Au fil des millénaires, les canidés domestiqués ont par exemple vu une réduction de la longueur de leur museau et de la taille de leurs dents, mais aussi une diminution de leur squelette appendiculaire (membres avant et arrière). </p>
<p>En revanche, l’apparition isolée d’un seul de ces traits sur un spécimen ne peut pas prouver son caractère domestique. De ce fait, soit une série de variables significatives doit être observée sur un même individu, soit ce trait nouveau doit être observé de manière répétée à l’échelle d’une population ou d’un contexte donné. Le problème est que les squelettes complets de canidés paléolithiques sont extrêmement rares.</p>
<figure class="align- ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505649/original/file-20230120-16-oomhc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505649/original/file-20230120-16-oomhc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505649/original/file-20230120-16-oomhc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505649/original/file-20230120-16-oomhc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505649/original/file-20230120-16-oomhc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505649/original/file-20230120-16-oomhc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505649/original/file-20230120-16-oomhc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Frise au loups : Os gravé, grotte de La Vache (Alliat, Ariège). Daté du Magdalénien supérieur, vers 14 000.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MNP/Thierry Le Mage)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En complément de cette approche purement ostéologique, l’<a href="https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S0305440315001600?token=CD21D9862197E3EA812AA5F071BFFA78D36F6DED713055972D999AB3BDA89AF12ACEF8D8FF6B41C2DDB1FFA7A0728EAE&originRegion=eu-west-1&originCreation=20220201142355">archéologie</a> entre ainsi en jeu pour s’atteler à récolter toute information concernant les premières relations directes entre les humains et les canidés, information qui pourrait démontrer un lien spécial qui commençait à se tisser entre ces deux formes de grands prédateurs à partir du Paléolithique supérieur (par exemple, on note l’utilisation de canines pour réaliser des bijoux, ou sa présence dans l’art pariétal). Mais là encore, difficile de comprendre la réelle signification de ces maigres indices.</p>
<h2>Le loup est-il l’ancêtre du chien ?</h2>
<p>Avec les grandes avancées que la génétique a connues ces dernières années, de nombreuses études portant sur l’ADN ancien viennent maintenant prêter main-forte aux paléontologues et aux archéologues qui tentent d’élucider le mystère de l’origine du « premier chien ». Des échantillons de canidés anciens comme modernes sont maintenant prélevés sur tous les continents, et la diversité de leur patrimoine génétique est analysée. L’avantage majeur de cette méthode est de taille : nul besoin de squelettes parfaitement conservés pour obtenir des informations capitales, un simple fragment d’os suffit. Si la grande partie de ces études se focalisent sur l’ADN mitochondrial (ADN uniquement hérité de la lignée maternelle, mais moins sujet à la dégradation), certaines, plus rares, portent également sur le <a href="https://genome.cshlp.org/content/26/2/163">génome complet</a> (donc sur les chromosomes hérités de la lignée maternelle et paternelle, mais qui se conservent beaucoup moins bien lors de la fossilisation).</p>
<p>Grâce à ces résultats, une trame de l’histoire phylogénétique globale des canidés commence à s’esquisser. Et sans surprise, ces analyses révèlent une histoire démographique et phylogénétique très complexe du loup gris au travers des âges. Elles révèlent notamment que les populations lupines paléolithiques ont dû <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22144626/">s’adapter</a> à la fois à la géographie changeante des évènements glaciaires successifs en Eurasie, mais aussi à la présence humaine qui n’a eu de cesse de modifier leur habitat. Ces changements environnementaux et écologiques au cours du Quaternaire ont mené à des cycles d’expansions/rétractations de leurs populations, des fluctuations démographiques probablement importantes, et des fragmentations diverses de leur <em>pool</em> génétique.</p>
<p>Malgré cela, les informations issues de ces analyses sont extrêmement enthousiasmantes. On estime maintenant que la divergence génétique (c’est-à-dire la séparation d’une population en plusieurs lignées distinctes) des loups eurasiens modernes s’est passée il y a environ <a href="https://genome.cshlp.org/content/26/2/163">40 000</a> à <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/mec.15329">20 000 ans</a>. Ceci impliquerait que la population de ces loups paléolithiques se soit fortement fragmentée au cours de cette période, qui correspond d’ailleurs au dernier maximum glaciaire (autrement dit, le « pic » de l’Âge de Glace).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505624/original/file-20230120-18-3no87.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505624/original/file-20230120-18-3no87.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505624/original/file-20230120-18-3no87.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505624/original/file-20230120-18-3no87.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505624/original/file-20230120-18-3no87.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505624/original/file-20230120-18-3no87.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505624/original/file-20230120-18-3no87.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Personne avec son chien regardant le mirage d’un loup au loin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E.-L. Jimenez/Midjourney</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette date est d’autant plus intéressante qu’elle coïncide avec la période durant laquelle <em>Homo sapiens</em> migre depuis l’Est et colonise l’Europe de l’Ouest, et où les compétitions interspécifiques entre grands prédateurs s’accroissent fortement.</p>
<p>Plus intéressant encore, plusieurs études s’accordent à dire que tous les loups eurasiens modernes descendent d’une <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2020.1206">unique petite population ancestrale</a> qui se serait vraisemblablement <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/mec.15329">isolée en Béringie</a> (Sibérie du Nord-Est) au cours du dernier pic glaciaire, il y a environ 20 000 ans, notamment pour <a href="https://www.pnas.org/content/109/19/E1134">échapper aux grandes instabilités climatiques</a> ayant cours dans le reste de l’Eurasie. Ce drastique « goulot d’étranglement » aurait donné naissance à une nouvelle lignée qui aurait ensuite recolonisé le reste du monde. Ce remplacement de population lupine se serait probablement passé <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2020.1206">au détriment d’autres formes de loup anciennes</a>, adaptées alors à d’autres formes d’environnement ailleurs en Eurasie. C’est pourquoi il semblerait que tous les loups d’aujourd’hui aient un ancêtre commun relativement « récent », ou en tout cas pas plus ancien que le début du Paléolithique supérieur, vers <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2020.1206">36 000 ans</a>.</p>
<p>Mais l’histoire se corse avec la question de l’apparition des chiens domestiques. L’histoire complexe du loup gris eurasien fait ici obstacle dans notre quête pour retracer l’exacte origine du chien. Néanmoins, des travaux fournissent quelques clés de réponse. Une étude portant sur des séquences de génome complet de chiens primitifs d’Asie et d’Afrique, ainsi qu’une collection d’échantillons de 19 races de chien diverses du monde entier a permis d’identifier que les <a href="https://www.nature.com/articles/cr2015147">chiens d’Asie de l’Est ont une diversité génétique largement supérieure aux autres</a>. Cette modélisation montrerait que les premiers chiens seraient ainsi apparus dans cette région, après une divergence entre le loup gris et le chien domestique il y a environ 33 000 ans. Cependant, une autre étude génétique avait affirmé en 2013 que le foyer de domestication aurait plutôt été l’Europe, quelque part entre <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1243650">32 000 et 19 000</a> ans avant le présent.</p>
<p>Enfin, une tierce étude réconciliant les deux premières hypothèses, propose que la domestication du loup se soit déroulée indépendamment en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27257259/">Asie de l’Est et en Europe</a>, avant que les chiens primitifs asiatiques ne voyagent vers l’Ouest aux côtés des populations humaines où ils auraient remplacé la population de chien indigène entre 14 000 et 6 400 ans. Quelle que soit l’hypothèse, nous pouvons retenir qu’au moment où l’on voit apparaître les premières traces de sédentarisation et les premières techniques liées à l’agriculture il y a environ 11 000 ans, il existait déjà au moins <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aba9572">cinq lignées distinctes</a> de chien, démontrant ainsi que les sociétés humaines avaient déjà profondément modifié les populations canines avant la fin du Paléolithique.</p>
<p>Et loin d’être compartimentée, la co-évolution des canidés ne s’est d’ailleurs jamais arrêtée. Aujourd’hui encore, le loup ne cesse de faire l’objet d’hybridations avec d’autres canidés tels que les chiens, mais aussi le coyote (<em>Canis latrans</em>) avec lequel il est également <a href="https://journals.plos.org/plosgenetics/article?id=10.1371/journal.pgen.1007745">interfécond</a>.</p>
<p>En conclusion, même si la détermination de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04824-9">l’origine géographique du chien domestique</a> et les circonstances et la chronologie de sa domestication restent toujours en suspend, les avancées dans les études de l’ADN ancien nous offrent aujourd’hui les moyens de suivre les pistes enchevêtrées de ces canidés passés et présents. À la question « les chiens descendent-ils du loup ? », la réponse est donc oui, mais la génétique nous offre aujourd’hui les moyens de clarifier : les chiens modernes, aussi variés soient-ils, dérivent tous d’une lignée de loup préhistorique aujourd’hui éteinte, et n’aurait finalement que de liens très lointains avec le loup moderne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie-Laure Jimenez est également affiliée à l'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique. Elle a reçu des financements de Belspo via le projet ICHIE (Interconnectivity of large Carnivores, Humans and Ice Age Environments).</span></em></p>
Le chien fait partie de nos vies depuis l’époque des chasseurs-cueilleurs et serait issu de la domestication du loup préhistorique. Oui, mais de quel loup parle-t-on ?
Elodie-Laure Jimenez, Chercheure en archéologie préhistorique et paléoécologie, University of Aberdeen
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/195953
2023-01-09T20:28:25Z
2023-01-09T20:28:25Z
À qui appartiennent ces empreintes de pieds vieilles de 300 000 ans ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503629/original/file-20230109-9349-y8ec3q.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C3%2C2354%2C1569&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photographie du site archéologique au pied de la falaise d'Asperillo en Espagne où ont été trouvées les empreintes.</span> <span class="attribution"><span class="source">E. Mayoral</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au cours de leurs recherches sur l’évolution humaine, les paléoanthropologues se concentrent généralement sur des restes osseux fossilisés. Toutefois, un autre type de vestige est de plus en plus utilisé : les empreintes de pieds laissées par nos ancêtres et conservées à travers le temps. À la différence des restes osseux, les empreintes ouvrent une fenêtre sur de brefs moments de vie d’individus disparus. Par cette échelle temporelle très particulière, leur étude fournit de nombreuses informations inédites sur les comportements locomoteurs mais aussi la composition de groupes ayant vécu il y a des centaines de milliers voire millions d’années. Malheureusement, les empreintes de pieds fossiles sont particulièrement rares du fait de leur fragilité. Quand elles sont découvertes, un véritable travail d’enquête commence.</p>
<p>En 2020, 87 empreintes de pieds ont été découvertes au pied de la falaise d’Asperillo sur la côte de l’espace naturel de Doñana, au sud-ouest de l’Espagne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503620/original/file-20230109-4654-qx6px8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photographie du site archéologique au pied de la falaise d’Asperillo en Espagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Mayoral</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Lors de la première étude de ces empreintes, <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-021-83413-8">publiée dans la revue <em>Scientific Reports</em> en 2021</a>, nous avions montré qu’elles avaient été laissées par un groupe composé d’enfants, d’adolescents et d’adultes. Afin d’estimer l’âge des individus à partir de leurs empreintes de pieds, nous avions utilisé des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003552122000772">données expérimentales</a>. Des participants d’âges variés avaient laissé des empreintes dans un sol similaire à celui de Doñana. Les empreintes ont ensuite été mesurées et des relations statistiques avaient été établies entre les dimensions des empreintes et leurs caractéristiques biologiques comme leur taille ou leur âge. Ces relations ont alors été appliquées aux empreintes fossiles qui avaient été mesurées.</p>
<p>Par ailleurs, l’orientation de ces empreintes vers des traces animales (oiseaux, cerfs, bovins…) laissait penser à d’éventuels comportements de chasses de la part de ce groupe préhistorique.</p>
<p>L’une des questions était de savoir quelle espèce humaine avait laissé ces empreintes. Dans la plupart des cas les empreintes de pieds ne sont pas associées à une espèce sur la base de critères anatomiques, comme le sont les restes osseux fossiles, mais à partir du contexte chronologique. C’est pourquoi nous avions attribué ces empreintes à des Néandertaliens sur la base de la seule référence temporelle disponible, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277379114003254">date de 106 000 ans</a> obtenue lors d’une étude du site au milieu des années 2000. Une telle attribution se justifiait car les Néandertaliens étaient la seule espèce connue à occuper la péninsule ibérique et plus largement l’Europe de l’ouest à cette date.</p>
<h2>De nouvelles datations</h2>
<p>Cependant, en continuant l’étude de ce site, nous avons procédé à un échantillonnage du sol où ont été découvertes les empreintes afin d’obtenir des datations plus précises. Les résultats de cette étude <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-22524-2">publiés en octobre dans la revue <em>Scientific Reports</em></a> sont surprenants : le sol n’est pas daté de 106 000 mais de 296 000 ans. Les empreintes sont donc beaucoup plus vieilles qu’estimées. Cette différence dans les dates obtenues est non seulement due aux avancées méthodologiques dans les techniques utilisées mais également à la position des échantillons datés se focalisant davantage sur le niveau des empreintes que les toutes premières datations qui avaient été précédemment utilisées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503623/original/file-20230109-7887-4dky2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Empreinte de pied découverte à Doñana comparée à un pied adulte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Mayoral</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La nouvelle datation a placé les empreintes dans un nouveau contexte géographique et environnemental. Le continent européen était sur le point de subir un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-22524-2">changement climatique radical il y a 300 000 ans</a>. Des conditions relativement chaudes faisaient place à des conditions beaucoup plus froides, précurseur d’une ère glaciaire. À cette époque, le niveau de la mer sur le continent européen était en moyenne 60 mètres en dessous de son niveau actuel. Le littoral du sud-ouest de l’Espagne était alors à 20 ou 25 kilomètres au large de sa position actuelle.</p>
<p>Outre ces changements environnementaux et géographiques, cette nouvelle chronologie est à l’origine d’une question essentielle : est-ce que des Néandertaliens ont vraiment réalisé ces empreintes ?</p>
<h2>De nouveaux suspects</h2>
<p>Pour répondre à cette question, il a fallu se pencher sur les archives paléontologiques pour savoir quelle espèce était présente il y a 296 000 ans au cours de la période appelée le Pléistocène moyen. Selon les paléoanthropologues, les individus ayant vécu au cours de cette époque appartenaient à la « lignée néandertalienne ». Une « lignée » comme la « lignée néandertalienne » ou la célèbre « lignée humaine » est composée de plusieurs espèces apparentées. La « lignée néandertalienne » est ainsi composée des Néandertaliens, aussi appelés <em>Homo neanderthalensis</em>, et d’une espèce plus ancienne, <em>Homo heidelbergensis</em>,dont certains seraient à l’origine des Néandertaliens.</p>
<p>Malheureusement, les restes osseux fossiles datant de cette période sont relativement pauvres et dispersés non seulement temporellement mais aussi géographiquement. Ils montrent cependant que les premiers Néandertaliens et les derniers <em>Homo heidelbergensis</em> étaient tous les deux présents en Europe lorsque les empreintes de Doñana ont été réalisées. Les autres sites où des empreintes de pieds ont été découvertes ne sont pas d’une grande aide. En effet, dans tout le Pléistocène moyen européen, seuls quatre sites ont livré des empreintes : Terra Amata en France (380 000 ans), Roccamonfina en Italie (345 000 ans), Biache-Vaast en France (236 000 ans) et Theopetra en Grèce (130 000 ans). Alors que les empreintes des deux premiers sites ont été attribués à <em>Homo heidelbergensis</em>, celles des deux suivants ont été attribuées à <em>Homo neanderthalensis</em>.</p>
<p>La présence de deux espèces en Europe au cours de cette période rend complexe une attribution des empreintes de Doñana à l’une ou l’autre de ces espèces. Une option serait de comparer les caractéristiques reflétées par les empreintes de pieds à l’anatomie des pieds des deux espèces pour savoir de quelle espèce elles se rapprochent le plus. Toutefois, les restes de pieds datant du Pléistocène moyen ne sont que peu connus. Ils sont presque tous issus du site espagnol de Sima de Los Huesos près d’Atapuerca et apparentés à <em>Homo neanderthalensis</em>. Par ailleurs, ces restes sont très fragmentaires et aucun pied complet n’a été retrouvé pour le moment. En outre, la morphologie d’une empreinte ne résulte pas uniquement des caractéristiques anatomiques mais aussi d’autres facteurs comme la nature du sol (son humidité, sa granulométrie, sa minéralogie…). Il est donc rare de trouver des empreintes de pieds reflétant des caractéristiques anatomiques parfaitement conservées (traces des orteils, voûte plantaire…) encore plus dans les milieux dunaires comme à Doñana où les empreintes peuvent être endommagées et détruites par l’action du vent et des marées.</p>
<p>L’attribution de ces empreintes à l’une ou l’autre espèce est également compliquée par l’absence de consensus chez les paléoanthropologues concernant la lignée néandertalienne et la définition d’<em>Homo heidelbergensis</em>. Différents modèles d’évolution ont été proposés, mais cette question est encore loin d’être résolue, étant donné la rareté des archives fossiles et la complexité des relations évolutives soulignées par les dernières études sur l’ADN ancien.</p>
<p>Ainsi, les empreintes de pieds de Doñana ont probablement été laissées par des individus appartenant à la lignée néandertalienne. Savoir qui des Néandertaliens ou de leurs ancêtres apparentés, les <em>Homo heidelbergensis</em>, ont laissé ces traces est une question encore ouverte. Malgré ces incertitudes, le site de Doñana complète nos connaissances sur les occupations humaines en Europe au cours du Pléistocène et sur notre évolution.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit par Eduardo Mayoral Alfaro, Ana Santos, Antonio Rodríguez Ramírez, Asier Gomez-Olivencia, Ignacio Díaz-Martínez, Jorge Rivera Silva, Juan Antonio Morales et Ricardo Díaz-Delgado.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195953/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérémy Duveau a reçu des financements de la fondation FYSSEN dans le cadre d'un projet de recherche sur les empreintes de pieds. </span></em></p>
Pouvoir identifier quelle espèce a pu laisser des traces de son passage n’est pas chose aisée. Découvrez comment les scientifiques enquêtent pour trouver les « coupables ».
Jérémy Duveau, Chercheur associé, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/188923
2022-10-03T17:34:32Z
2022-10-03T17:34:32Z
Comment les scientifiques enquêtent sur l’origine de la vie sur Terre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487786/original/file-20221003-26-5edh8e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6016%2C3989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'équipe de recherche en train de mener des fouilles dans le bassin de Franceville au Gabon.</span> <span class="attribution"><span class="source">Abderrazak El Albani</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La quête des origines de la vie sur Terre a toujours été un sujet central suscitant l’intérêt de tous. Elle n’appartient pas à un seul champ disciplinaire. Elle questionne, à la fois dans les domaines scientifiques, métaphysiques et même en théologie. Afin de répondre au mieux à ces interrogations, nous devrions, nous géologues, mener une enquête.</p>
<p>C’est pourquoi les recherches que mène <a href="https://ic2mp.labo.univ-poitiers.fr/">notre équipe</a> s’articulent autour de deux grands questionnements : le premier réside dans la définition des critères de reconnaissance et la temporalité de l’émergence de la vie pluricellulaire complexe sur Terre, dont l’interprétation des traces fossiles donne toujours lieu à de vifs débats dans la communauté mondiale des paléobiologistes. Cette question est au carrefour de plusieurs disciplines. La réponse à ce problème ne peut être étayée sur la seule base d’arguments morphologiques, par comparaison à des spécimens plus récents. En effet, les formes étudiées sont souvent simples et issues de la fossilisation de tissus mous. Par ailleurs, il s’agit d’organismes qui n’ont pas d’équivalents actuels. Dans ces conditions notre approche a été transdisciplinaire, en couplant les arguments taxonomiques à des arguments minéralogiques et géochimiques.</p>
<p>La seconde question posée est celle des conditions ayant été propices aux mécanismes de conservation des organismes vivants, ce qui revient à essayer de brosser un tableau des conditions paléo-environnementales qui régnaient dans le système complexe atmosphère-océan. Ainsi, l’une des questions fondamentales de la géobiologie concerne les déclencheurs <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arch%C3%A9en">post-archéens</a> (il y a 2,5 milliards d’années) de l’évolution de la vie sur terre. Ces déclencheurs sont soit intrinsèques au vivant soit environnementaux (taux d’oxygène, nutriments…). Après l’archéen, la planète Terre va subir un bouleversement crucial lié à la <a href="https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/co2-depuis-4ga.xml">montée significative du taux d’oxygène sur Terre</a>. Ce phénomène global va impacter la mobilisation et la disponibilité des éléments nutritifs dans les océans. Ce changement majeur va impacter la biodiversité.</p>
<h2>Une évolution liée à l’oxygène ?</h2>
<p>Des contrôles biologiques et environnementaux intrinsèques ont été proposés. Parmi ces derniers, la teneur en oxygène dans l’atmosphère est considérée parmi les plus critiques. En effet, la complexification et la propagation à grande échelle des organismes pluricellulaires au cours du Néoprotérozoïque (environ 600 millions d’années) sont contemporaines d’une augmentation significative de la teneur en oxygène de l’atmosphère.</p>
<p>À l’inverse, le « boring billion » (1,9-0,8 Ga) est apparemment associé à une stagnation de l’évolution biologique, qui se limite à l’activité bactérienne. Par conséquent, si comme il le semble, l’élévation du taux d’oxygène atmosphérique a eu un impact critique sur la complexification des organismes. Mais, jusqu’à présent, faute de preuves tangibles dans les archives fossiles, le concept d’une biodiversification précoce associée au phénomène de l’oxygénation maximale n’a été que faiblement étayée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/487787/original/file-20221003-1006-zmf9k8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487787/original/file-20221003-1006-zmf9k8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487787/original/file-20221003-1006-zmf9k8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487787/original/file-20221003-1006-zmf9k8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487787/original/file-20221003-1006-zmf9k8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487787/original/file-20221003-1006-zmf9k8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487787/original/file-20221003-1006-zmf9k8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487787/original/file-20221003-1006-zmf9k8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Restes fossilisés des macro-organismes coloniaux du Gabon datés de 2,1 milliards d’années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. El Albani et A. Mazurier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’instauration de conditions atmosphériques oxydantes, qui en a découlé sur l’ensemble de la planète, a induit des changements drastiques dans les cycles biogéochimiques des éléments chimiques. Elle a aussi conduit à la formation de forts gradients d’oxygène entre les écosystèmes terrestres et marins, qui ne se sont oxygénés que de manière stratifiée et très progressivement. Dans ce scénario, la libération de nutriments a augmenté la productivité biologique des océans, notamment aux voisinages des zones émergées et des plates-formes continentales. Les augmentations de la teneur en oxygène atmosphérique sont associées à l’émergence de deux mondes : le Gabonionta (2,1 milliards d’années et l’Édiacarien (environ 600 millions d’années) et de leur incroyable biodiversité. Notre compréhension de la dynamique paléobiologique au cours du Protérozoïque (avant 420 millions d’années) et le lien avec l’oxygène a considérablement progressé ces dernières années grâce à une série de découvertes et d’approches analytiques innovantes. Néanmoins, certains aspects pertinents restent mal compris, voire inexplorés.</p>
<h2>Des sédiments passionnants au Gabon</h2>
<p>Cependant, au Gabon, les sédiments du <a href="https://hal-insu.archives-ouvertes.fr/insu-00913368">Groupe Francevillien</a>, daté de 2,1 Ga dans des conditions de teneurs atmosphériques en oxygène relativement élevées (de 15 à 50 % de la teneur atmosphérique actuelle (PAL), selon les estimations), contiennent les restes des plus anciens de macro-organismes (organismes visibles à l’œil nu) signalés à ce jour.</p>
<p>Ils sont en outre associés à des microfossiles, y compris des eucaryotes et des bactéries. Ce contexte unique offre une occasion extraordinaire de mettre en évidence l’influence des variations de teneur en oxygène sur la complexité de la vie au Protérozoïque. Il est possible d’estimer les teneurs en oxygènes passées sur la base de modélisations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487788/original/file-20221003-12-6jdd8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487788/original/file-20221003-12-6jdd8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487788/original/file-20221003-12-6jdd8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487788/original/file-20221003-12-6jdd8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487788/original/file-20221003-12-6jdd8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487788/original/file-20221003-12-6jdd8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487788/original/file-20221003-12-6jdd8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trace de mouvements de macro-organismes du Gabon datés de 2,1 milliards d’années. Image 3D obtenu par Microtomographie à Rayon X.</span>
<span class="attribution"><span class="source">El Albani et A. Mazurier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Afin de répondre à ces questions fondamentales, nous nous sommes concentrés sur les séquences paléo-, méso- et néoprotérozoïques (Ediacara) dans les contextes géologiques les plus représentatifs : Paléoprotérozoïque du Gabon (Francevillien, 2,1 Ga), <a href="https://www.researchgate.net/publication/363739964_Post-depositional_transformations_in_sedimentary_rocks_and_implications_for_paleoenvironmental_studies_evidence_from_the_Mesoproterozoic_11_Ga_of_the_Taoudeni_Basin_Mauritania">Mésoprotérozoïque</a> de Mauritanie (Groupes Atar et El Mreiti, 1,1 Ga), Néoprotérozoïque d’Ukraine (bassin de Podolia, 557 Ma) et également au <a href="https://www.researchgate.net/publication/362280419_Early_biomineralization_and_exceptional_preservation_of_the_first_thrombolite_reefs_with_archaeocyaths_in_the_lower_Cambrian_of_western_Anti-Atlas_Morocco">Maroc</a> (570 millions d’années). Ces quatre gisements, bien datés et en excellent état de conservation, sont parmi les très rares roches précambriennes non transformées dans le monde. Ils offrent donc les meilleures conditions pour une étude intégrée.</p>
<h2>Partager les connaissances au plus grand nombre</h2>
<p>Depuis 2010, notre consortium fédératif de recherche transdisciplinaire s’est peu à peu étoffé de nouveaux participants et a étendu ses domaines d’investigations. Un des engagements forts de l’ensemble des partenaires est la valorisation scientifique des pièces de la collection à travers la publication des résultats dans des revues internationales et le partage avec le grand public et les établissements scolaires.</p>
<p>Rabelais disait « Science sans conscience ni que ruine dans l’âme ». Nos recherches nous amènent à partage le savoir. Selon Edgar Morin, « La science intervient en permanence dans les choix de vie et de société des citoyens en influant sur la connaissance, la technique, l’économie, l’industrie et les décisions politiques. »</p>
<p>Réciproquement, les citoyens posent des questions aux chercheurs, certes souvent sur des aspects technologiques, mais la connaissance de la démarche scientifique et importante pour ne pas se méprendre sur le rôle des scientifiques dans la société. Le dialogue entre la science et les citoyens aujourd’hui, plus que jamais, est indispensable pour aider ceux-ci à éclairer les choix de société ».</p>
<p>Faire connaître auprès des spécialistes et du public l’importante collection de roches et de fossiles, rassemblée à l’Université de Poitiers et provenant des sites protérozoïques d’exception, est soumis à des contraintes très particulières. En effet, il s’agit toujours de pièces uniques et très fragiles dont la manipulation peut entraîner la dégradation irréversible. Néanmoins, la demande d’accès à cette collection s’accroît tant pour des investigations scientifiques détaillées que pour des expositions au grand public.</p>
<p>Devant ce dilemme entre besoin de connaissance et nécessité d’assurer l’intégrité des spécimens, une action systématique a été entreprise depuis plusieurs années afin de reproduire virtuellement et à haute résolution tous ces objets et d’en archiver les spécificités sans limitation de temps. Cela est rendu possible par le développement d’une nouvelle génération d’outils analytiques non invasifs permettant la restitution extrêmement fine d’informations morphostructurales. La principale est la microtomographie de rayons X. Elle permet la reconstruction 3D d’objets encore prisonniers de leur gangue sédimentaire. </p>
<p>Les données acquises constituent une base de données disponible aux membres de la communauté scientifique. Elles servent d’autre part à créer les images d’animation 2D et 3D du <a href="https://www.aux-origines-de-la-vie.com/fr">Musée virtuel</a>, qui est accessible librement au grand public, aux Musées et à d’autres institutions y compris les lycées-collèges. La traduction de tous les documents du Musée virtuel en anglais est en cours d’achèvement.</p>
<p>Outil de diffusion de la culture scientifique, la médiation scientifique nécessite du temps et repose sur une volonté individuelle ou collective de s’impliquer auprès des citoyennes et citoyens. La transmission des connaissances est une des missions du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, il était donc naturel de partager le savoir, non seulement avec le grand public, mais également avec le public scolaire « Parler de science et expliquer la démarche scientifique à un large public sont des actions essentielles et légitimes pour lutter contre les fake news et toutes les formes d’obscurantismes ». </p>
<p>En partenariat avec les Académies et la Région Nouvelle-Aquitaine, on a élaboré un programme pédagogique transversal innovant intitulé : <em>Sous les pas de Darwin</em>. Ce projet a un double objectif : susciter des vocations dans les domaines de l’enseignement et de la recherche et amener les jeunes à faire confiance à une science basée sur les faits et à regarder d’un œil critique les dogmes créationnistes. Ce dispositif pédagogique s’inscrit dans la durée. Les actions d’avant-garde menées jusqu’à présent font de ce projet un chantier inédit dont le pilote a pour vocation d’être étendu à toute la France.</p>
<p>Une de nos missions est également est la protection du patrimoine. Les sites sur lesquels nous menons nos recherches au Gabon ont été inscrits officiellement sur la liste indicative du Patrimoine mondial de l’Unesco. Cet aboutissement leur permet d’avoir un rayonnement international.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188923/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abderrazak El Albani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une équipe de recherche a mis au jour des traces d’organismes ayant vécu il y a plus de deux milliards d’années.
Abderrazak El Albani, Professeur à l'Université de Poitiers, Université de Poitiers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/190779
2022-09-19T18:40:23Z
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Le plus vieux cœur de vertébré connu éclaire l’histoire de notre corps
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485262/original/file-20220919-15-deaukn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C4%2C2982%2C2285&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La position du cœur chez les poissons nous renseigne sur le développement... des poumons.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Près de la ville de Fitzroy Crossing, dans les chaînes calcaires de la région du Kimberley, en Australie-Occidentale, vous trouverez l’un des complexes de récifs anciens les mieux préservés au monde.</p>
<p>Dans ceux-ci se trouvent les vestiges d’une myriade d’animaux marins préhistoriques, y compris des placodermes. Cette classe de poissons préhistoriques représente certains de nos premiers ancêtres dotés de mâchoires. Pendant le Dévonien, ils représentaient le groupe le plus diversifié et le plus abondant de vertébrés. Ils ont dominé les mers, rivières et lacs du Dévonien jusqu’à la fin de cette période où ils ont succombé à une extinction de masse.</p>
<p>L’étude des placodermes permet de comprendre l’origine du corps des vertébrés à mâchoires (les vertébrés étant ces animaux avec une colonne vertébrale). Par exemple, les placodermes ont permis de révéler quand les <a href="https://www.nature.com/articles/nature11555">premières mâchoires</a>, les <a href="https://theconversation.com/extraordinary-missing-link-fossil-fish-found-in-china-18461">os crâniens appariés</a>, ainsi que les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/brv.12118">nageoires paires</a>, sont apparues. Ils nous renseignent également sur l’<a href="https://www.nature.com/articles/nature06966">origine des organes de reproduction</a> permettant la fécondation et le développement internes dans l’histoire évolutive des vertébrés.</p>
<p>Nous avons maintenant découvert un cœur de placoderme préservé en trois dimensions, et le décrivons dans une <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abf3289">étude publiée vendredi</a> dans la revue Science. Vieux de 380 millions d’années, il prédate de 250 millions années le cœur le plus ancien découvert en 2016 dans un poisson brésilien.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485335/original/file-20220919-325-8g2vem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485335/original/file-20220919-325-8g2vem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485335/original/file-20220919-325-8g2vem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485335/original/file-20220919-325-8g2vem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485335/original/file-20220919-325-8g2vem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485335/original/file-20220919-325-8g2vem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485335/original/file-20220919-325-8g2vem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485335/original/file-20220919-325-8g2vem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le cœur d’un poisson placoderme de Gogo préservé en 3D. La roche beige enveloppe l’os, en gris, et le cœur, en rouge, mis en évidence par faisceau de neutrons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kate Trinajstic</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Notre processus de découverte</h2>
<p>Dès les années 1940, des fossiles de poissons avaient été découverts dans la <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Gogo_Station">station de Gogo</a>, près de Fitzroy Crossing. Par contre, ce n’est qu’au cours des années 1960 que les <a href="https://pubs.geoscienceworld.org/jgs/article/179/1/jgs2021-105/608194/The-Gogo-Formation-Lagerstatte-a-view-of-Australia">secrets de préservation en 3D</a> ont été révélés grâce à une technique novatrice utilisant une solution d’acide acétique faible (comme du vinaigre) pour dissoudre la roche et révéler les fossiles.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Cependant, cette technique s’est avérée être une épée à double tranchant. Bien que le vinaigre aide à révéler les os, il dissout, en revanche, les organes et muscles préservés dans ces fossiles exceptionnels. En 2000, les premiers muscles ont été identifiés chez les placodermes nous forçant à réévaluer nos techniques de préparation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484764/original/file-20220915-15-vpvsdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484764/original/file-20220915-15-vpvsdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484764/original/file-20220915-15-vpvsdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484764/original/file-20220915-15-vpvsdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484764/original/file-20220915-15-vpvsdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484764/original/file-20220915-15-vpvsdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484764/original/file-20220915-15-vpvsdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484764/original/file-20220915-15-vpvsdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les poissons fossiles utilisés dans cette étude ont été découverts dans la formation de Gogo dans la région de Kimberley, en Australie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Curtin University</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce n’est qu’avec l’avènement de la « microtomographie synchrotron » (une méthode basée sur l’utilisation de rayons X) que l’anatomie de ces muscles a été révélée en 3D. Utilisée pour la première fois en 2010 sur les fossiles de Gogo, cette technique a permis la découverte de <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1237275">complexes muscles du cou et du ventre</a>.</p>
<p>Cette méthode nous a maintenant permis de décrire les organes les plus anciens au monde, soit un foie, des intestins ainsi qu’un estomac contenant le dernier repas de ce poisson dévonien : un crustacé.</p>
<p>Ces organes fossilisés de placodermes ont été découverts chez des <a href="http://palaeos.com/vertebrates/placodermi/arthrodira.html">arthrodires</a>, l’ordre des placodermes les plus nombreux et diversifiés, caractérisé par une articulation unique entre l’armure du crâne et celle du thorax.</p>
<h2>Le cœur du placoderme</h2>
<p>De tous ces organes, c’est la découverte du cœur de placoderme par imagerie synchrotron qui nous a le plus fasciné.</p>
<p>Lors d’expériences sur un autre spécimen, basées sur l’<a href="https://www.ansto.gov.au/our-facilities/australian-centre-for-neutron-scattering/neutron-scattering-instruments/dingo">imagerie à faisceaux de neutrons</a>, nous avons également découvert un cœur, placé dans sa gorge !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485264/original/file-20220919-376-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Organes fossilisés reconstruits chez un poisson placoderme, échelle de 1 cm" src="https://images.theconversation.com/files/485264/original/file-20220919-376-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485264/original/file-20220919-376-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485264/original/file-20220919-376-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485264/original/file-20220919-376-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485264/original/file-20220919-376-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485264/original/file-20220919-376-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485264/original/file-20220919-376-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Notre nouvelle découverte révèle l’anatomie des organes d’un poisson arthrodire du Dévonien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brian Choo, Kate Trinajstic</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>À ce stade de l’évolution des vertébrés, le cou était si court que le cœur était situé au fond de la gorge, sous les branchies.</p>
<p>Les poissons plus primitifs que les arthrodires, comme la <a href="https://oceanservice.noaa.gov/facts/sea-lamprey.html">lamproie (poisson sans mâchoire)</a>, ont un cœur très près du foie et positionné beaucoup plus en arrière. Chez la lamproie, les deux cavités du cœur (appelées oreillette et ventricule) sont côte à côte.</p>
<p>En revanche, le cœur des arthrodires était beaucoup plus en avant, avec l’oreillette située au-dessus du ventricule ; cette disposition est semblable aux cœurs des requins et des poissons osseux d’aujourd’hui.</p>
<p>Aujourd’hui, 99 % des vertébrés vivants ont des mâchoires. On avait supposé que le repositionnement antérieur du cœur était lié à l’évolution des mâchoires et du cou. Les organes des arthrodires que nous avons découverts fournissent la première preuve anatomique appuyant cette hypothèse.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout ! Ce nouveau positionnement du cœur aurait également permis aux poumons de se développer.</p>
<h2>Les placodermes avaient-ils donc des poumons ?</h2>
<p>Une des questions les plus difficiles concernant les premiers vertébrés à mâchoires est de savoir s’ils possédaient des poumons. Bien que les poissons aient des branchies, plusieurs possèdent également des poumons, servant de dispositif de flottaison, les aidant à ajuster leur profondeur de nage.</p>
<p>Aujourd’hui, les poumons ne sont présents que chez les poissons osseux primitifs tels que les dipneustes ou le <a href="https://theconversation.com/now-listen-air-breathing-fish-gave-humans-the-ability-to-hear-21324">polyptère</a>.</p>
<p>Les poissons osseux plus avancés (tels que les <a href="https://basicbiology.net/animal/fish/teleost">téléostéens</a>), ajustent leur flottabilité avec une vessie natatoire remplie d’air. En revanche, les requins n’ont ni poumons ni vessie natatoire, mais possèdent à la place un très grand foie huileux.</p>
<p>Mais qu’en est-il des anciens placodermes ? Des études antérieures (<a href="https://bioone.org/journals/Journal-of-Vertebrate-Paleontology/volume-27/issue-3/0272-4634(2007)27%5B709:NEFTCL%5D2.0.CO;2/NEW-EVIDENCE-FOR-THE-CONTROVERSIAL-LUNGS-OF-THE-LATE-DEVONIAN/10.1671/0272-4634(2007)27%5B709:NEFTCL%5D2.0.CO;2.full">quelque peu controversées</a>) ont suggéré que les poumons étaient présents dans un placoderme primitif appelé <em>Bothriolepis</em>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484514/original/file-20220914-12-spyrev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Modèle d’un placoderme primitif_ Bothriolepis_ sur un lit de sable" src="https://images.theconversation.com/files/484514/original/file-20220914-12-spyrev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484514/original/file-20220914-12-spyrev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484514/original/file-20220914-12-spyrev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484514/original/file-20220914-12-spyrev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484514/original/file-20220914-12-spyrev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484514/original/file-20220914-12-spyrev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484514/original/file-20220914-12-spyrev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un modèle de <em>Bothriolepis</em>, dont on pensait précédemment qu’il possédait une paire de poumons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">John Long</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Notre nouvelle étude sur les arthrodires de Gogo révèle que ce que l’on pensait être des poumons chez <em>Bothriolepis</em> est en fait un foie à deux lobes. Les poumons sont donc absents chez les placodermes.</p>
<p>Les poumons ont une origine unique chez les poissons osseux (ostéichtyens). Le repositionnement du cœur depuis l’arrière vers une position antérieure chez nos arthrodires aurait pu libérer de la place pour le développement des poumons dans les lignées ultérieures.</p>
<p>L’absence de poumons chez les placodermes suggère qu’ils utilisaient leur foie de grande taille pour contrôler leur flottabilité, comme le font les requins actuels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485336/original/file-20220919-875-ddh5sm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485336/original/file-20220919-875-ddh5sm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485336/original/file-20220919-875-ddh5sm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485336/original/file-20220919-875-ddh5sm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485336/original/file-20220919-875-ddh5sm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485336/original/file-20220919-875-ddh5sm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485336/original/file-20220919-875-ddh5sm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485336/original/file-20220919-875-ddh5sm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Notre découverte du cœur des arthrodires démontre la migration antérieure progressive du cœur entre les poissons sans mâchoire et les requins et poissons osseux modernes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kate Trinajstic, Brian Choo, John Long</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un site fossilifère exceptionnel</h2>
<p>La fossilisation des organes et tissus mous d’un animal venant de mourir est une course contre la montre. Généralement, ils se décomposent trop rapidement pour être préservés, mais dans certains cas, comme dans la formation de Gogo, un certain degré de décomposition aide à préserver ces tissus mous grâce à la présence de certaines bactéries.</p>
<p>Dans le cas du cœur fossilisé que nous avons décrit ici, l’oreillette et le ventricule sont très bien préservés, mais le cône artériel, une section du cœur qui envoie le sang vers les branchies, n’est pas aussi bien conservé.</p>
<p>Le degré de préservation exceptionnel qui nous a permis de faire ces découvertes est essentiel pour retracer les premières étapes de l’évolution des vertébrés, y compris les origines du plan de construction de notre corps à nous autres humains.</p>
<p>En plus des détails anatomiques, nos découvertes démontrent l’importance mondiale du site de Gogo dans les Kimberley pour comprendre nos origines.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit en français par Dr Catherine Anne Boisvert, Dr Vincent Dupret et Dr Sophie Sanchez, co-auteurs de l’article publié dans Science.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kate Trinajstic a reçu des financements de l'Australian Research Council Discovery Project et est chercheuse au Western Autralian Museum.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>John Long a reçu des financements de l'Australian Research Council.</span></em></p>
Des fossiles australiens de poissons à mâchoire permettre de mieux comprendre notre évolution.
Kate Trinajstic, John Curtin Distinguished Professor, Molecular and Life Sciences, Curtin University
John Long, Strategic Professor in Palaeontology, Flinders University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/188940
2022-08-24T15:00:12Z
2022-08-24T15:00:12Z
Nouvelle découverte : il y a 7 millions d’années, l’humanité se tenait déjà sur ses deux pieds
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480799/original/file-20220824-2466-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C3532%2C2475&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reconstruction de différents modes de locomotion dans le désert du Djourab (Tchad).</span> <span class="attribution"><span class="source">Sabine Riffaut, Guillaume Daver, Franck Guy / Palevoprim / CNRS – Université de Poitiers / MPFT</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’étude des espèces actuelles désigne assez clairement la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-methode-scientifique/grand-entretien-avec-guillaume-lecointre-8901813">place de l’humanité dans le vivant</a> : juste aux côtés des chimpanzés et des bonobos. Toutefois, cela ne nous dit pas grand-chose sur nos premiers représentants, sur leur biologie et sur leur distribution géographique – bref, sur la manière dont nous sommes devenus humains. Pour cela, il faut essentiellement compter sur la morphologie de trop rares fossiles, les informations <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pal%C3%A9og%C3%A9n%C3%A9tique">paléogénétiques</a> n’étant conservées que pour des périodes récentes – et encore sous des climats plutôt frais !</p>
<p>Ainsi, depuis les années 1960-1970 et la mise en évidence de l’âge très ancien des australopithèques – incluant la fameuse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucy_(australopith%C3%A8que)">Lucy</a> âgée de 3,18 <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Million_d%27ann%C3%A9es">Ma</a>, découverte en 1974 en Éthiopie – <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bip%C3%A9die">l’acquisition de la bipédie</a> est considérée comme une étape déterminante de l’évolution humaine, une caractéristique essentielle qui marquerait le passage du non-humain à l’humain bien avant le fort accroissement de notre cerveau.</p>
<p>Notre étude, publiée aujourd’hui 24 août dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04901-z"><em>Nature</em></a>, des restes du squelette de <a href="https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2006/04/medsci2006223p250/medsci2006223p250.html"><em>Sahelanthropus tchadensis</em></a>, candidat au titre de plus ancien représentant connu de l’humanité, était donc attendue. Alors, bipède ou pas bipède – sous-entendu, humain ou pas humain ? En réalité, poser la question dans ces termes frôle le <a href="https://www.editions-hermann.fr/livre/9791037002082">raisonnement circulaire</a>.</p>
<p>Le dernier ancêtre que nous partageons avec les chimpanzés n’ayant pas été découvert, nous ne connaissons pas l’état initial de la locomotion humaine – bipède ou non.</p>
<h2>Les premiers représentants de l’humanité étaient-ils bipèdes ?</h2>
<p>Les données les plus anciennes dont nous disposions jusqu’ici étaient les os des membres d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Orrorin_tugenensis"><em>Orrorin</em></a> (6 Ma, Kenya) et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ardipith%C3%A8que"><em>Ardipithecus</em></a> (5,8 Ma-4,2 Ma, Éthiopie), qui pratiquaient un type de bipédie différent de celui des espèces plus récentes. La bipédie n’est finalement pas un caractère invariant de l’humanité, car elle a une histoire au sein de notre histoire ! La bonne question est donc : les premiers représentants de l’humanité étaient-ils bipèdes, et si oui, dans quelle mesure et comment ? C’est à cette question que <a href="http://palevoprim.labo.univ-poitiers.fr/missing-limbs/">notre équipe</a> franco-tchadienne souhaitait apporter des éléments en étudiant les restes nettement plus anciens (<a href="https://emf.fr/442/une-etude-confirme-lage-de-toumai-le-plus-ancien-pre-humain-connu-a-bien-7-millions-dannees/">environ 7 Ma</a>) de <em>Sahelanthropus</em>.</p>
<p><em>Sahelanthropus</em> a été initialement <a href="https://www.nature.com/articles/nature00879">décrit en 2002</a> sur la base d’un crâne (surnommé Toumaï) bien conservé quoique déformé par la fossilisation et de quelques autres spécimens cranio-dentaires découverts par la <a href="http://palevoprim.labo.univ-poitiers.fr/2018/06/19/tchad/">Mission Paléoanthropologique Franco-Tchadienne</a> (fondée et dirigée par Michel Brunet) à Toros-Ménalla dans le désert du Djourab, au Tchad, représentant au moins trois individus. C’est d’abord sur la morphologie des dents, de la face et de l’arrière-crâne que cette espèce a été <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gJPJ3AlLs8w">rapprochée des fossiles humains plus récents</a>.</p>
<p>Les os des membres décrits dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04901-z">notre article</a> incluent un fémur partiel gauche (os de la cuisse) et deux ulnae gauche et droit (l’ulna, ou cubitus, est avec le radius l’un des deux os de l’avant-bras ; c’est lui qui forme notre coude). Ces os ont été découverts dans la même localité et la même année que ce crâne mais <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-00972-z">ont été identifiés ultérieurement</a>, en 2004. Ils appartiennent très vraisemblablement à la même espèce que le crâne, car un seul grand primate a été identifié sur près de 13 800 fossiles représentant une centaine de vertébrés différents collectés dans environ 400 localités à Toros-Ménalla. Par contre, on ne sait pas si ce fémur, ces ulnae et le crâne appartiennent au même individu, car il y a au moins trois individus différents découverts sur ce site.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/480802/original/file-20220824-2022-l86cnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Modèles numérisés en 3D des trois os des membres de TM 266 attribués à Sahelanthropus tchadensis (à gauche, le fémur en vues postérieure et médiale ; à droite, les deux ulnae en vues antérieure et latérale)" src="https://images.theconversation.com/files/480802/original/file-20220824-2022-l86cnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480802/original/file-20220824-2022-l86cnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480802/original/file-20220824-2022-l86cnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480802/original/file-20220824-2022-l86cnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480802/original/file-20220824-2022-l86cnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480802/original/file-20220824-2022-l86cnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480802/original/file-20220824-2022-l86cnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Modèles numérisés en 3D des trois os des membres de TM 266 attribués à Sahelanthropus tchadensis (à gauche, le fémur en vues postérieure et médiale ; à droite, les deux ulnae en vues antérieure et latérale).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Guy/Palevoprim (CNRS & Université de Poitiers)/MPFT</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’analyse de ce matériel, débutée en 2004, a été considérablement ralentie pour diverses raisons, incluant notamment la priorité donnée aux recherches de terrain d’autres restes postcrâniens et à d’autres travaux, ainsi que la difficulté de l’analyse de ce matériel fragmentaire nécessitant des expertises complémentaires. Relancée en 2017, il a fallu cinq années pour la mener à son terme.</p>
<h2>Des os étudiés sous toutes les coutures</h2>
<p>La préservation de ces os longs n’étant pas très bonne (le fémur, par exemple, a perdu ses deux extrémités), une <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/une-etude-inattendue-suggere-que-toumai-marchait-a-quatre-pattes_149301">analyse succincte</a> ne permet pas de fournir des interprétations fiables. Nous les avons donc étudiés sous toutes les coutures, à la fois dans leur morphologie externe et leurs structures internes. Afin de diminuer l’incertitude, nous avons employé diverses approches, incluant des observations directes et des mesures biométriques, ainsi que des analyses d’images 3D des analyses de forme (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Morphom%C3%A9trie">morphométrie géométrique</a>) et des indicateurs biomécaniques – un travail rarement aussi poussé pour ce type d’étude. Vingt-trois critères ont été comparés à un ensemble de spécimens actuels et fossiles aussi large que possible. Pris séparément, aucun de ces critères ne permet de proposer une interprétation catégorique du matériel – il n’y a pas de caractères « magiques » en paléoanthropologie – et chacun d’entre eux fera certainement l’objet de discussions au sein de la communauté des paléoanthropologues.</p>
<p>Par contre, pris tous ensembles, ces caractères aboutissent à une interprétation de ces fossiles bien plus parcimonieuse que toute autre hypothèse alternative. Cette combinaison indique ainsi que <em>Sahelanthropus</em> pratiquait une bipédie habituelle – c’est-à-dire de manière systématique dans un contexte donné. En l’occurrence, cette bipédie était probablement utilisée pour des déplacements au sol ainsi que dans les arbres. Dans ce dernier cas, elle était très probablement accompagnée d’un autre mode de déplacement : une quadrupédie assurée par des prises fermes de la main qui permettent de saisir les branches, différant clairement de la quadrupédie pratiquée par les gorilles et les chimpanzés qui prennent appui sur le dos de leurs phalanges (« knuckle walking »).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/480803/original/file-20220824-16-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/480803/original/file-20220824-16-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480803/original/file-20220824-16-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480803/original/file-20220824-16-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480803/original/file-20220824-16-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480803/original/file-20220824-16-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480803/original/file-20220824-16-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480803/original/file-20220824-16-zql1sf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Relations de parentés des humains, des gorilles et des chimpanzés. La bipédie est devenue progressivement le mode locomoteur dominant au sein du rameau humain à partir d’une combinaison de bipédie et de grimper arboricole, telle que documentée par Sahelanthropus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Guy/CNRS/Université de Poitiers)/MPFT</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces résultats convergents avec les observations menées sur <em>Orrorin</em> et <em>Ardipithecus</em> ont plusieurs implications. Tout d’abord, ils renforcent le concept d’une forme de bipédie très précoce dans l’histoire de l’humanité coexistant avec d’autres modes de locomotion. Il n’y a donc pas eu d’apparition soudaine d’une caractéristique « propre » à l’humanité depuis ses débuts, mais une longue et lente transition sur des millions d’années. Au temps pour le mythe fondateur censé nous démarquer du reste de la biodiversité ! Au contraire, cette phase de l’évolution humaine s’est déroulée selon des modalités tout à fait communes au cours de l’histoire du vivant et du globe, rappelant que l’humanité est un fragment de la biodiversité – un constat qui devrait nous amener à repenser notre attitude envers le <a href="https://theconversation.com/rapport-de-lipbes-sur-la-biodiversite-lheure-nest-plus-aux-demi-mesures-116473">monde vivant</a> et les <a href="https://theconversation.com/comprendre-la-notion-de-limites-planetaires-145227">paramètres</a> qui régissent l’hospitalité de notre planète.</p>
<p><em>Sahelanthropus</em>, <em>Orrorin</em> et <em>Ardipithecus</em> suggèrent également par leurs caractères que l’ancêtre que nous partageons avec les chimpanzés ne ressemblait ni à ces derniers, ni aux bipèdes exclusifs que nous sommes devenus. Contrairement à l’hypothèse d’une conservation de la morphologie ancestrale <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-02226-5">par les chimpanzés et les bonobos</a>, leur combinaison particulière de grimper vertical et de <em>knuckle walking</em> a plus probablement évolué bien après notre divergence.</p>
<p>Enfin, si <em>Sahelanthropus tchadensis</em> est un témoin de la diversité humaine parmi d’autres, elle est à ce jour la seule espèce bipède habituelle avérée connue à cet âge. En considérant l’ensemble du registre fossile hominoïde faiblement diversifié d’Afrique et d’Eurasie à la fin du Miocène (après 10 Ma), l’acquisition de la bipédie par le rameau humain sur le continent africain reste à ce jour la seule hypothèse bien documentée. Cette bipédie semble à ce stade faire partie d’un répertoire locomoteur opportuniste (flexible, pouvant tirer parti de différents milieux), ce qui correspond bien au paléoenvironnement diversifié de Toros-Ménalla tel que reconstitué par les géologues, paléobotanistes et paléontologues de notre équipe.</p>
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<p>Ce travail a été développé grâce à une collaboration scientifique nord-sud forte en matière de paléoanthropologie, en l’occurrence entre le laboratoire <a href="http://palevoprim.labo.univ-poitiers.fr/2018/06/19/tchad/">PALEVOPRIM</a>, le département de paléontologie de l’<a href="https://www.universite-ndjamena.td/">Université de N’Djamena</a> et le <a href="https://www.cnar-cnrd.org/index.php/accueil">Centre National de Recherche pour le Développement</a>. Alors que ces trois os, appartenant au patrimoine tchadien, vont prochainement retourner dans leur pays, cette collaboration fructueuse va se poursuivre par de nouvelles études de ce matériel mais également de nouvelles recherches sur le terrain, sur les traces du très regretté Yves Coppens, <a href="https://theconversation.com/laustralopitheque-lucy-ne-fut-pas-la-seule-passion-dyves-coppens-185927">pionnier des recherches paléontologiques au Tchad</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit par Abderamane Moussa (Université de N’Djamena, Tchad).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188940/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Renaud Boisserie est chercheur associé au Centre français des études éthiopiennes à Addis Abeba.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andossa Likius, Clarisse Nekoulnang Djetounako, Franck Guy, Guillaume Daver, Laurent Pallas, Mackaye Hassane Taisso et Patrick Vignaud ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Une toute nouvelle étude dévoile le mode de locomotion de nos très anciens ancêtres, des humains capables de marcher mais aussi d’évoluer dans les arbres.
Jean-Renaud Boisserie, Directeur de recherche au CNRS, paléontologue, Université de Poitiers
Andossa Likius, Mission Paléoanthropologique Franco-Tchadienne, Université de N'Djamena (Tchad)
Clarisse Nekoulnang Djetounako, Enseignante chercheure en paléontologie, Université de N'Djamena (Tchad)
Franck Guy, Paléoanthropologue, Université de Poitiers
Guillaume Daver, Maîtres de conférences en paléoanthropologie, Université de Poitiers
Laurent Pallas, Paléontologue, Kyoto University
Mackaye Hassane Taisso, Paléontologue, Université de N'Djamena (Tchad)
Patrick Vignaud, Pr. Paléontologie, Université de Poitiers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/185927
2022-06-28T17:06:23Z
2022-06-28T17:06:23Z
L’australopithèque Lucy ne fut pas la seule passion d’Yves Coppens
<p>Yves Coppens s’est éteint le 22 juin 2022. Il a été salué en tant que découvreur de la fameuse australopithèque <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucy_(australopith%C3%A8que)">Lucy</a>, fossile daté de 3,18 millions d’années. Pourtant, comme le disait lui-même le paléoanthropologue, <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/yves-coppens-raconte-sa-vie-au-theatre-il-ny-a-pas-que-lucy-dans-la-vie-10-04-2022-M7OVUXD5RVDTFEDS5LOGA7T2X4.php">« il n’y a pas que Lucy dans la vie »</a>. Yves Coppens a de fait acquis sa stature de scientifique renommé dès les années 1960, en particulier grâce à ses recherches au Tchad et dans la basse vallée de l’Omo en Éthiopie. Ces travaux précurseurs sont à la base de ses contributions très fécondes à notre compréhension de l’évolution humaine.</p>
<p>Au Tchad, Yves Coppens marcha dans les pas des hydrogéologues Jacques Barbeau et Jacques Abadie, tombés fortuitement sur des vertébrés fossiles du côté de la vallée asséchée du Bahr-el-Ghazal. <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7304/f1458.item">Chargé d’étudier ce matériel collecté en 1955 et 1957</a>, l’attaché de recherches au CNRS conduisit à 25 ans une première mission dans ce pays. Il fit en tout quatre missions et 14 mois de terrain au Tchad entre 1960 et 1966. Ces expéditions sahariennes lui permirent de réaliser de nombreuses découvertes paléontologiques et archéologiques, la moitié nord du bassin du lac Tchad se révélant à la fois riche en vestiges et, par ses vents intenses, propice à leur mise au jour.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471427/original/file-20220628-14433-67yuvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques-uns des fossiles découverts par Yves Coppens dans le désert du Djourab, dans le Nord du Tchad. Du haut vers le bas et de gauche à droite : rangée dentaire de girafe, mandibule de crocodile, molaire de rhinocéros, mâchoire inférieure d’hippopotame, molaire d’éléphant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Figure composite modifiée d’après un article d’Yves Coppens</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Intéressé en premier lieu par les fossiles les plus anciens, Yves Coppens ne dédaigna pas pour autant les témoignages d’activités humaines beaucoup plus récentes, <a href="https://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=27869444">décrivant</a> ainsi des céramiques et des harpons en os <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Protohistoire">« protohistoriques »</a> de quelques milliers d’années.</p>
<p>Il publia également une série de notes sur les faunes de vertébrés fossiles beaucoup plus anciens. Comparant ces restes avec ceux des gisements est africains, qui livraient depuis la fin des années 1950 des <a href="https://afanporsaber.com/wp-content/uploads/2017/08/A-new-fossil-skull-from-Olduvai.pdf">fossiles humains de près de 2 millions d’années (2 Ma)</a>, il publia une première <a href="https://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=GEODEBRGM6811012030">esquisse</a> de l’évolution <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Quaternaire">quaternaire</a> des faunes tchadiennes.</p>
<h2>La « Vallée des Rois » de la paléontologie</h2>
<p>Yves Coppens prit ensuite la tête du contingent français d’une grande expédition internationale baptisée <em>International Omo Research Expedition</em> (IORE). Elle avait pour objectif les riches dépôts fossilifères de la basse vallée de l’Omo dans l’extrême sud-ouest de l’Éthiopie, et notamment la Formation de Shungura, prospectée par Camille Arambourg en 1933. Cette impressionnante séquence de près de 800 mètres d’épaisseur, fracturée par la tectonique en de multiples blocs affleurants sur une surface deux fois grande comme Paris, a enregistré plus de 2,5 millions d’années d’histoire à cheval sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Plioc%C3%A8ne">Pliocène</a> et le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pl%C3%A9istoc%C3%A8ne">Pléistocène</a>.</p>
<p>Pour s’attaquer à cette <a href="https://whc.unesco.org/fr/soc/2073">« Vallée des Rois »</a> de la paléontologie, Yves Coppens sut s’entourer d’une équipe remarquable : on retrouve son épouse Françoise aux côtés de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=UzmD74fy4Yo">Raymonde Bonnefille</a> (spécialiste de la végétation fossile), <a href="https://journals.openedition.org/aaa/264">Jean Chavaillon</a> (géologue et préhistorien), <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Guillemot_(artiste)">Claude Guillemot</a> (artiste-peintre devenu paléontologue de terrain), et bien d’autres…</p>
<p>Dès la première année, en 1967, l’équipe mit au jour des restes de plus de 2,5 Ma appartenant à une nouvelle espèce « humaine », <a href="https://journals.co.za/doi/pdf/10.10520/AJA00382353_4440"><em>Paranthropus aethiopicus</em></a>. Jusqu’en 1976, Shungura livra à l’IORE des dizaines de milliers de fossiles dont de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248477801243">nombreux restes humains</a>, les <a href="https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_1970_num_67_1_10428">outils taillés les plus anciens connus</a> à l’époque, et d’abondantes données sur les <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3322583g/f17.item.texteImage">changements environnementaux</a> entre 3,6 Ma et 1 Ma. Les collections ainsi constituées sont depuis devenues des références incontournables pour les chercheurs du monde entier travaillant sur l’évolution humaine au Plio-Pléistocène, et sont la raison du classement de la basse vallée de l’Omo au <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/17/">patrimoine mondial</a> en 1980.</p>
<p>Devant un tel palmarès, il n’est pas étonnant que le jeune géologue <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48024548/f5.item.texteImage">Maurice Taieb</a> se soit tourné vers le chef des prestigieuses missions françaises dans l’Omo pour l’aider à développer de nouvelles recherches paléontologiques à l’autre bout de l’Éthiopie. C’était en 1972 à Hadar, et deux ans plus tard, avec Raymonde Bonnefille et un autre ancien de l’IORE, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Donald_Johanson">Donald Johanson</a>, ils y découvraient Lucy…</p>
<h2>L’hypothèse de l’<em>(H)Omo Event</em></h2>
<p>Mais pour Yves Coppens, l’action sur le terrain ne suffisait pas : cet amoureux de la synthèse ne tarda donc pas à formuler des propositions théoriques sur l’évolution humaine. En 1975, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9814450j/f83.item">ses travaux dans l’Omo</a> lui fournirent les bases d’une hypothèse qu’il intitula par la suite <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/paleontologie/yves-coppens-homo-est-un-genie-produit-d-un-changement-climatique_21828"><em>(H)Omo Event</em></a>. Selon lui, le refroidissement du climat mondial et l’aridification de l’Afrique orientale entre 3 Ma et 2,5 Ma auraient conduit à une double réponse adaptative de la lignée humaine : un cerveau plus développé et la capacité de fabriquer des outils de pierre taillée. Et voilà la naissance du genre <em>Homo</em> expliquée ! Dans ses grandes lignes, cette hypothèse reste au cœur de la recherche actuelle.</p>
<p>En 1983, dans <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/le-singe-lafrique-et-lhomme-9782213012728">« le singe, l’Afrique et l’homme »</a>, Yves Coppens promut une autre hypothèse conditionnant l’acquisition de la bipédie par la lignée humaine à la formation du rift est-africain et à ses conséquences climatiques : à l’Ouest, dans la forêt, les ancêtres des chimpanzés ; à l’Est, dans une savane de plus en plus ouverte, nos ancêtres. Si cette <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/East_Side_Story">« East Side Story »</a> doit beaucoup à ses travaux en Afrique orientale, il n’est pas impossible que l’absence de restes humains très anciens dans ses découvertes tchadiennes l’ait également mené à percevoir le Grand Rift comme une barrière biogéographique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471428/original/file-20220628-14648-ryc829.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Couverture du livre d’Yves Coppens, <em>Le singe, l’Afrique et l’homme</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Exemplaire personnel de l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Par ses missions de part et d’autre du rift, ses hypothèses et sa générosité, Yves Coppens a inspiré plusieurs générations de paléontologues et de nouvelles découvertes en Afrique. C’est évidemment le cas pour la <a href="http://palevoprim.labo.univ-poitiers.fr/2018/06/19/tchad/">Mission paléoanthropologique franco-tchadienne</a> créée par le paléontologue <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QwPQNgPZFXU">Michel Brunet</a>, équipe qui découvrit le premier australopithèque tchadien <a href="https://sci-hub.se/10.1038/378273a0"><em>Australopithecus bahrelghazali</em></a> en 1995 puis, en 2001, du plus ancien représentant de la lignée humaine connu à ce jour, <a href="https://sci-hub.se/10.1038/nature00879"><em>Sahelanthropus tchadensis</em></a> (Toumaï), daté aux alentours de 7 Ma. Ces découvertes s’accordent mal avec <em>East Side Story</em>, Yves Coppens <a href="https://www.larecherche.fr/yves-coppens-%C2%AB-least-side-story-nexiste-plus-%C2%BB">annonça alors officiellement la remise en cause de son hypothèse</a>.</p>
<p>Quant à l’Omo, une <a href="http://palevoprim.labo.univ-poitiers.fr/wp-content/uploads/2021/07/microscoop-66-juillet-012-vallee-omo-web.pdf">nouvelle équipe</a> a réinvesti ce terrain avec son soutien à partir de 2006 notamment dans l’idée de tester son <em>(H)Omo Event</em>. Les fossiles sont au rendez-vous, notamment les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047248416301804 ?via %3Dihub">restes humains</a>, et les analyses sont en cours.</p>
<p>Si on ajoute à cela les autres terrains d’Yves Coppens, notamment en Asie, et les très nombreuses personnes qui ont conçu un attrait pour notre histoire évolutive grâce à ses conférences, ses livres et ses chaleureuses interventions dans les médias, vous comprenez pourquoi « il n’y a pas que Lucy » qui se sente orpheline depuis le 22 juin dernier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Renaud Boisserie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les découvertes d’Yves Coppens au Tchad et en Éthiopie sont l’une des bases de notre compréhension de l’évolution humaine.
Jean-Renaud Boisserie, Directeur de recherche au CNRS, paléontologue, Université de Poitiers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183243
2022-05-18T08:39:50Z
2022-05-18T08:39:50Z
À quoi ressemblaient les chiens à la préhistoire ?
<p>Du chihuahua au Saint-Bernard, en passant par les lévriers barzoïs au crâne incroyablement allongé, les chiens présentent aujourd’hui une variété exceptionnelle de formes, alors que tous descendent du même ancêtre, le loup gris. Cette forte variabilité n’est que très récente, puisqu’elle est liée aux sélections intensives menées ces 200 dernières années pour la création des <a href="http://www.fci.be/fr/Presentation-de-notre-organisation-4.html">355 races aujourd’hui reconnues par la Fédération Cynologique Internationale</a>. Mais que sait-on de l’aspect des premiers chiens, à la Préhistoire ? C’est la question sur laquelle nous nous sommes penchés dans notre article publié aujourd’hui <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2022.0147">18 mai dans la revue scientifique <em>Proceedings of the Royal Society B</em></a>.</p>
<p>Nos recherches ont montré, pour la première fois, qu’à cette période très ancienne les chiens présentaient déjà une grande variété de tailles et de formes de têtes.</p>
<h2>Tous les chiens actuels proviennent d’un même ancêtre</h2>
<p>Tous les chiens proviennent d’un même ancêtre : le loup gris. Il y a <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aaf3161">au moins 15 000 ans</a> au Paléolithique supérieur (la date et le lieu exacts de la domestication restent sujets à débat), des loups peu craintifs et agressifs appartenant à une lignée aujourd’hui éteinte auraient été attirés par les campements humains, probablement pour profiter des restes de nourriture. Les hommes préhistoriques se seraient ensuite rapprochés de ces loups, ceux-ci leur apportant une aide pour chasser ou pour protéger leurs campements contre les attaques d’autres prédateurs. Nous aurions apprivoisé les moins sauvages d’entre eux, les faisant se reproduire et les domestiquant ainsi au fil du temps.</p>
<p>Cette domestication s’est accompagnée de nombreuses modifications génétiques, physiologiques, comportementales et même physiques, la plupart étant involontaires. Parmi les changements morphologiques, les archéozoologues (les experts des relations homme-animal dans le passé) et paléogénéticiens ont relevé des variations dans la couleur du pelage, une diminution de la taille, des différences entre mâles et femelles moins marquées et la conservation de traits plutôt juvéniles, ce qui se traduit par des modifications dans les dimensions du crâne avec un museau fortement marqué et raccourci et des anomalies dentaires (absence ou rotation de certaines dents) plus fréquentes par manque de place.</p>
<p>D’ailleurs, une <a href="https://evolution-outreach.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12052-018-0090-x">étude</a> conduite depuis les années 60 en Sibérie a montré qu’en sélectionnant les renards les plus curieux et les moins agressifs au fil des générations (recréant par la même les hypothétiques conditions des premiers rapprochements entre hommes et loups), les animaux devenaient de plus en plus dociles, leur taux de stress (apprécié par la sécrétion de cortisol) diminuant, et qu’ils présentaient les mêmes différences morphologiques que celles constatées par les archéozoologues lors du passage du loup au chien. La domestication aurait aussi <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1820653116">modifié l’anatomie des muscles de la face</a>, de façon à permettre le haussement des sourcils.</p>
<h2>Une diversification des chiens dès le Néolithique ?</h2>
<p>Plus tard au cours du Néolithique en Eurasie occidentale, les humains ont progressivement opté pour une vie sédentaire et tournée vers l’agriculture. Ces changements dans notre mode de vie ont très probablement affecté nos acolytes canins, les rendant encore plus différents de leur ancêtre sauvage. Les hommes préhistoriques ont notamment pu sélectionner des morphologies adaptées à la réalisation de certaines tâches, comme la chasse au grand gibier ou la défense des campements et des villages.</p>
<p>Toutefois, seules quelques études ont tenté de décrire la morphologie des chiens à partir de restes osseux. Par exemple, une étude écossaise a tenté une <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2019/apr/13/neolithic-dog-reveals-tales-behind-orkney-monuments">reconstitution faciale à partir du crâne d’un chien daté d’il y a environ 4 500 ans</a> et trouvé dans une nécropole de la région de Cuween Hill sur l’archipel écossais des Orcades. Sur les ossements reconstitués, dont la taille évoque notre border collie moderne, du silicone et de l’argile ont été utilisés pour reconstruire le volume des muscles. Une peau a ensuite été ajoutée, la fourrure ayant été choisie de façon à rappeler le loup gris européen. Une reconstruction similaire a été faite récemment pour un chien <a href="https://www.mdpi.com/2076-3417/12/10/4867">encore plus vieux, daté d’il y a environ 7 600 ans</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fB9mljiIhrA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reconstruction faciale d’un chien néolithique d’environ 4 500 ans.</span></figcaption>
</figure>
<p>D’autres études, malheureusement éparses, se sont basées sur des mesures réalisées sur les ossements pour décrire la forme de ces chiens préhistoriques. Ces recherches se heurtent au problème de la conservation des restes osseux (les restes crâniens sont rares et souvent très fragmentés), se réfèrent à de petits échantillons et se limitent à l’étude de certaines régions ou périodes, sans chercher à avoir une approche plus globale de la variabilité des chiens en Europe à l’échelle de la Préhistoire. De plus, la méthode utilisée est de manière générale très rudimentaire et ne permet pas de décrire précisément la forme des os (on dispose au mieux d’estimations de robustesse ou de la hauteur au garrot à partir de mesures faites sur les os longs, et d’indications de taille à partir de mesures faites sur les éléments du crâne). Ainsi, jusqu’à ce jour, aucune étude ne documentait précisément et de manière fiable la variabilité morphologique des chiens à l’échelle de la Préhistoire et de l’Europe.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2022.0147">Dans notre étude</a>, nous avons étudié un échantillon de plus de 500 mâchoires inférieures (mandibules) de chiens européens datés de 11 100 à 5 000 ans avant nos jours, soit du Mésolithique au tout début de l’Âge du Bronze, quand les chiens étaient déjà bien différenciés des loups. Nous nous sommes basés sur la mandibule car c’est l’ossement le plus fréquent et le mieux conservé en contexte archéologique. De plus, la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11692-020-09515-9">mandibule reste un bon indicateur de la forme générale de la tête</a> et elle peut être utilisée pour <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/223/16/jeb224352/223640/Bite-force-and-its-relationship-to-jaw-shape-in">donner un sens fonctionnel aux variations de formes observées</a>. On peut donc estimer si les muscles masticateurs étaient plus ou moins développés, et lesquels agissaient le plus lors de la morsure.</p>
<p>Nous avons utilisé des méthodes 3D pour décrire précisément la forme de ces mandibules, c’est-à-dire la taille et les proportions au sein de l’os. Pour quantifier cette variabilité et la comparer à celle de nos chiens actuels, nous avons utilisé un référentiel constitué d’une centaine de chiens modernes de races variées ou retournées à l’état sauvage (dingos australiens), ainsi que de quelques loups (modernes et anciens).</p>
<h2>Les résultats de notre étude</h2>
<p>Notre étude a montré, pour la première fois, qu’à cette période très ancienne les chiens présentaient déjà une grande variété de tailles et de formes de têtes. Les chiens préhistoriques européens avaient soit des mandibules de taille équivalente à certains chiens de taille moyenne actuels comme le husky ou le golden retriever, soit de taille équivalente à nos beagles actuels, voire même de petits chiens comme le loulou de Poméranie (aussi appelé spitz nain) ou le teckel. Dans tous les cas, ils avaient tous des mâchoires nettement plus petites que le plus petit des loups modernes ou archéologiques de notre échantillon. Nous n’avons pas trouvé de taille extrêmement grande (comme les rottweilers modernes ou les lévriers barzoïs par exemple) ou extrêmement petite (comme le yorkshire ou le chihuahua). </p>
<p>En termes de forme non plus, nous n’avons pas identifié de forme très extrême, donc pas d’équivalent aux races très modifiées comme le rottweiler, le lévrier barzoï, le bouledogue français, le teckel ou encore le chihuahua. La plupart des chiens avaient une conformation moyenne, semblable aux beagles actuels ou à d’autres races comme le husky, mais il existait cependant une certaine variabilité avec des têtes plus allongées (mandibules ressemblant à celles des lévriers sloughis ou whippet, ou des loulous de Poméranie).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/463726/original/file-20220517-17-uayd01.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463726/original/file-20220517-17-uayd01.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463726/original/file-20220517-17-uayd01.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463726/original/file-20220517-17-uayd01.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463726/original/file-20220517-17-uayd01.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463726/original/file-20220517-17-uayd01.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463726/original/file-20220517-17-uayd01.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463726/original/file-20220517-17-uayd01.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Variabilité morphologique des chiens préhistoriques européens, à partir de l’étude de la mâchoire inférieure. Les chiens préhistoriques présentent une grande variabilité de taille (à gauche) et de forme (à droite) de la mandibule, avec des formes sans équivalent parmi les chiens modernes. Nous avons modélisé la forme théorique du crâne correspondant à ces formes uniques de mandibule, ce qui permet de reconstituer le profil facial de ces chiens à la morphologie « disparue ». Les loups et dingos ne sont pas représentés ici.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Colline Brassard</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si nous nous attendions à ce résultat et à cette moindre variabilité des chiens préhistoriques par rapport aux chiens modernes, nous ne nous attendions pas à ce que nous avons démontré ensuite. Nous avons mis en évidence qu’une partie de la variabilité des chiens préhistoriques ne semblait pas avoir d’équivalent parmi nos chiens actuels ni parmi les loups. Ce qui est surprenant, étant donné que nous avons fait en sorte d’inclure tous les types de morphologie possibles en intégrant les extrêmes (des petits ou grands chiens au museau court ou long, des chiens avec une morphologie crânienne peu modifiée comme les beagles ou les dingos). On aurait donc pu s’attendre à ce que les chiens préhistoriques se positionnent quelque part dans cette variabilité. </p>
<p>Il est vrai que notre échantillon moderne n’était pas exhaustif au moment de l’étude, mais nous avons depuis réalisé des analyses complémentaires en ajoutant des chiens errants (sans morphologie particulièrement sélectionnée), et il s’avère qu’ils ne suffisent pas à expliquer ces formes uniques observées chez les chiens préhistoriques européens. Il est plus que probable qu’en ajoutant des chiens au corpus moderne, on fasse toujours ce constat. Cela nous pousse à nous demander si certaines formes n’auraient pas disparu.</p>
<p>De plus, nous avons identifié des particularités anatomiques chez les chiens préhistoriques par rapport aux chiens modernes, ce qui permet à coup sûr de les reconnaître. Ces traits discriminants peuvent, entre autres, illustrer l’adaptation des chiens à des pressions de sélection liées à leur milieu et à leur mode de vie. En effet, les chiens préhistoriques européens ont des mâchoires robustes et arquées, suggérant qu’ils utilisaient davantage leur muscle temporal. Une explication possible est qu’ils se nourrissaient d’aliments plus durs et plus difficiles à mâcher que nos chiens nourris aux croquettes. Une autre hypothèse est que cela leur aurait été utile pour défendre les campements et villages ou pour aider à attraper le grand gibier lors de la chasse.</p>
<p>Enfin, nous avons montré une plus grande flexibilité au sein de la mandibule des chiens archéologiques : chez les chiens modernes, la forme de l’avant de la mâchoire est fortement liée à celle de l’arrière de la mâchoire, du fait de contraintes développementales, alors que c’est moins le cas chez les chiens préhistoriques. Cette plus grande flexibilité aurait pu permettre aux chiens de s’adapter plus facilement à des changements brusques dans le régime alimentaire par exemple.</p>
<p>Dans cette étude, nous avions pour objectif de décrire très globalement la variabilité morphologique des chiens européens à la préhistoire, en les comparant à des chiens actuels, sans chercher à expliquer cette variabilité ni à suivre l’évolution morphologique des chiens au cours de la préhistoire. De futurs travaux seront nécessaires pour décrypter, avec rigueur, comment les différences géographiques et culturelles (affectant la place accordée au chien dans les sociétés ou leur régime alimentaire) ont pu impacter la morphologie de nos alliés canins à cette période.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183243/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Colline Brassard a reçu des financements du Ministère français de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation, du Muséum national d'Histoire naturelle et de la Fondation Fyssen. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anthony Herrel et Stéphanie Bréhard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Les chiens préhistoriques présentaient déjà une grande variété de taille et de forme de têtes, d’après une étude publiée aujourd’hui.
Colline Brassard, Docteur vétérinaire, Docteur en anatomie fonctionnelle et en archéozoologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Anthony Herrel, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Stéphanie Bréhard, Archéozoologue, maîtresse de conférences, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/180827
2022-05-01T16:43:14Z
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Les insectes archéologiques témoignent du passé des humains
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456897/original/file-20220407-19-earcw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C38%2C5105%2C2907&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les exosquelettes des insectes peuvent être très bien conservés pendant des millénaires.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jérémy Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ils sont partout ! Dans la maison, le jardin ou encore la forêt, les insectes ont conquis l’ensemble des niches écologiques. Donc rien de surprenant si vous en voyez tous les jours. Si vous regardez attentivement, vous verrez que ce ne sont pas les mêmes en fonction des endroits. Bien qu’ils soient présents dans tous les milieux, beaucoup d’insectes ont des exigences strictes vis-à-vis de leurs conditions de vie. Ces dernières peuvent reposer sur des équilibres physico-chimiques (température, humidité, etc.), sur la disponibilité d’une ressource alimentaire, ou encore sur le degré de lumière d’un milieu (forêt, prairie, etc.).</p>
<p>Leur présence est donc conditionnée par de nombreux facteurs environnementaux. En conséquence, les insectes réagissent aux perturbations de leur environnement, qu’elles soient dues aux pratiques humaines ou à des phénomènes naturels – les insectes sont ainsi des « bio-indicateurs de milieu ».</p>
<p>Mais si les insectes nous aident à étudier notre environnement actuel, ils peuvent aussi permettre de comprendre celui de nos ancêtres et les relations que ceux-ci ont entretenu avec leur environnement naturel ou modifié par leurs actions.</p>
<h2>Des vestiges d’insectes archéologiques</h2>
<p>L’archéoentomologie est la discipline qui étudie les vestiges d’insectes issus des sites archéologiques. N’ayant pas subi d’évolution depuis les cent derniers millénaires, les insectes archéologiques sont donc comparables aux insectes actuels. C’est en s’appuyant sur cette observation que les scientifiques sont capables de les identifier. Cela est possible grâce à leur exosquelette, c’est-à-dire leur carapace, notamment celle des coléoptères (scarabées, coccinelles…), plus résistante, pouvant se conserver sur de longues périodes sans pour autant être fossilisée. À l’image des ossements issus de fouilles archéologiques, les insectes seront conservés dans leur état actuel, mais sous forme de fragments plus ou moins dégradés nommés « sclérites ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=730&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=730&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456888/original/file-20220407-18-mfl6xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=730&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Restes d’insectes archéologiques après extraction du sédiment au site archéologique « Hama » en Nouvelle-Calédonie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Leur état de conservation varie selon le milieu d’enfouissement. Il peut s’agir de milieux secs et confinés comme des tombes, ou de structures carbonisées comme les greniers et silos, mais ce sont les environnements humides qui sont les plus propices à leur bonne conservation (puits, douves, tourbières, etc.).</p>
<p>Pour <a href="https://www.archeozoo.org/wp-content/uploads/2016/05/1997_PONEL-YVINEC_Archeoentomologie-en-France.pdf">extraire les restes d’insectes d’une couche archéologique</a>, le sédiment prélevé sur le terrain est désagrégé délicatement dans une bassine sous un jet d’eau, puis tamisé. Les restes organiques sont ensuite imbibés de pétrole désaromatisé – auquel l’exosquelette des insectes adhère, contrairement aux débris végétaux : cette étape permet d’isoler les restes d’insectes.</p>
<p>Une fois les restes d’insectes extraits et triés, on commence par les identifier aux espèces, genres ou familles pour chaque échantillon correspondant chacun à une datation précise. Puis, puis on interprète le rôle écologique de chacun de ces insectes dans ce milieu.</p>
<p>Ainsi, il est possible d’obtenir des informations sur les sociétés passées, les conditions environnementales de l’époque, ou encore sur la façon dont les activités humaines ont modelé les environnements. Mais il est aussi possible d’aborder des questions écologiques sur les premiers insectes invasifs ou les premiers impacts des humains sur la biodiversité.</p>
<h2>Les insectes témoins des paléoclimats et des paléoenvironnements</h2>
<p>En France, il existe <a href="https://www.researchgate.net/profile/Emmanuel-Delfosse/publication/318129839_Le_nombre_d%E2%80%99especes_d%E2%80%99Insectes_connus_en_France_et_dans_le_monde_Arthropoda_Insectes/links/595b722c0f7e9bf415b48558/Le-nombre-despeces-dInsectes-connus-en-France-et-dans-le-monde-Arthropoda-Insectes.pdf">plus de 11 000 espèces de coléoptères adaptées à une diversité d’habitats</a>. Les conditions climatiques contrôlent la répartition géographique de nombreux coléoptères, notamment les prédateurs appelés « carabes » – la présence d’une espèce ou d’une autre dans le sédiment archéologique donne donc des indications sur le climat qui régnait au moment du dépôt.</p>
<p>Outre le climat, les insectes peuvent apporter de nombreuses informations sur l’environnement et son évolution sous l’influence des pratiques humaines.</p>
<p>À ce titre, les phytophages (végétariens) et xylophages (mangeurs de bois) ont une place de choix. Certaines espèces ne se développent que dans les milieux forestiers, à l’inverse d’autres qui préfèrent les milieux ouverts comme les prairies. Elles permettront ainsi d’obtenir une image du milieu, ainsi que de son couvert végétal, car les phytophages dépendent de la présence de leur plante hôte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456894/original/file-20220407-22-jqezo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Chrysomèle du peuplier actuel (à gauche) et archéologique (à droite). La barre d’échelle représente 2 millimètres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi ces insectes spécialisés, la famille des chrysomèles illustre parfaitement cette monophagie. En effet, il existe de très nombreuses espèces, chacune adaptée à une plante ou famille de plante : chrysomèle du bouleau, de l’aulne, de la menthe ou encore altise du chou… Leur présence sur un site archéologique signifie que la plante nourricière était présente, bien que celle-ci ne soit pas conservée dans la majorité des cas.</p>
<h2>Les bousiers témoignent du début de l’amendement du sol à l’âge de Fer</h2>
<p>Les plantes nitrophiles sont celles qui aiment les sols riches en nitrate et en déchets organiques. Ces végétaux, dont le plus célèbre est sans doute la grande ortie, sont souvent typiques de milieux exploités par les humains, avec des animaux en contexte pastoral par exemple.</p>
<p>Entomologiquement, cela se traduit par la présence de ces phytophages spécialisés, mais aussi par la présence des coprophages, les fameux bousiers. Ces insectes se nourrissent des excréments des autres animaux et jouent donc un rôle indispensable, car ils recyclent la matière organique en engrais naturel et évitent par la même occasion la propagation de maladies dans l’environnement naturel et les élevages. Bien que le plus connu soit le scarabée sacré des Égyptiens, il existe en France environ 250 espèces de bousiers avec des mœurs variées. Ces espèces peuvent permettre d’attester la présence d’<a href="https://www.academia.edu/20784585/Fertilisation_des_sols_de_culture_par_les_Fumiers_et_r%C3%B4le_potentiel_des_c%C3%A9r%C3%A9ales_dans_laFFouragement_du_b%C3%A9tail_l%C3%A9clairage_des_analyses_isotopiques_sur_restes_carpologiques_et_arch%C3%A9ozoologiques">élevages en milieu forestier ou en prairie</a> ainsi que des phénomènes historiques importants comme les débuts des pratiques d’amendement du sol par la fumure à l’âge de Fer.</p>
<p>De plus, certaines espèces apprécient une large gamme d’excréments alors que d’autres sont plus strictes. Leurs exigences nous apportent des informations sur les animaux qui pâturaient, même si aucun reste osseux n’est présent.</p>
<p>Si les bousiers et autres décomposeurs sont bénéfiques dans les élevages, d’autres insectes sont plus problématiques pour le milieu agricole. Encore aujourd’hui, nous luttons contre les <a href="https://theconversation.com/deux-nouveaux-insectes-identifies-au-kenya-peuvent-aider-a-lutter-contre-les-ravageurs-du-ma-s-138364">ravageurs qui provoquent des dégâts à nos cultures et nos stocks</a>. L’histoire de ces insectes est étroitement liée aux humains et au début de l’agriculture où ces espèces sont passées du milieu naturel à un milieu anthropisé où l’abondance des ressources alimentaires (monoculture, stocks, etc.) a favorisé leurs pullulations. Pour la recherche archéologique, ces ravageurs peuvent apporter des informations sur la <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01633516">qualité sanitaire des denrées alimentaires</a> ainsi que sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305440395801561">pratiques répulsives</a>. À ce titre, l’agronome romain Columelle propose des conseils sur la hauteur des tas de grain à conserver dans les greniers, parle des mesures à prendre en cas de présence de charançons dans le blé et des pertes dues aux insectes qui pouvaient dépasser 10 % des récoltes de céréales (Columelle, <em>Res rusticae</em> chapitre 6).</p>
<h2>Le charançon du blé témoin des migrations humaines et des routes commerciales</h2>
<p>Le charançon du blé (<em>Sitophilus granarius</em>) est connu depuis l’Antiquité pour causer des dégâts importants dans les stocks de céréales. Il s’agit d’une espèce qui pond et réalise son développement larvaire dans les réserves de grains entreposés (blé, seigle, orge, etc.) et qui n’a donc pas besoin de la plante vivante pour se nourrir. Cet insecte a la particularité d’être aptère, c’est-à-dire dépourvu d’ailes, ce qui le rend dépendant des migrations humaines pour ses déplacements. En accompagnant les transferts de céréales, son handicap lui donne donc le statut privilégié de témoin des transports de grains à longue distance et de leur intensification au cours de l’Histoire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458564/original/file-20220419-26-hzx4t2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">A : Courant de diffusion de <em>Sitophilus granarius</em> (le charançon du blé) à travers l’Histoire B : <em>Sitophilus granarius</em> actuel. C : <em>Sitophilus granarius</em> archéologique dans une céréale archéologique site « 12, rue Saint-Genest » de Nevers (IX/Xᵉ siècle).</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Rollin et M. Lemoine, J. Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Originaire d’Asie Mineure, il est possible de voir <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S027737911630542X">sa progression au Proche-Orient du Néolithique (7 000 av. J.-C.) à la Protohistoire (2500 av. J.-C.)</a>. On observe ensuite une invasion très intense de cet insecte à l’époque romaine, à partir du moment où l’urbanisation gallo-romaine devient massive (Ier siècle ap J.-C), pour enfin arriver en Amérique à l’époque moderne (XVIII<sup>e</sup> siècle).</p>
<h2>Des insectes témoins de l’impact des humains sur la biodiversité</h2>
<p>Déforestation pour l’agriculture et l’élevage, amendement des sols ou encore urbanisation : en modifiant localement les écosystèmes naturels, ces pratiques ont eu un impact sur la biodiversité entomologique en favorisant certaines espèces au détriment d’autres. En comparant les mêmes sites à différentes époques, il est possible de voir comment certains insectes ont pu s’adapter aux environnements anthropisés, puis former les premières communautés d’insectes sinanthropes (animaux sauvages vivants proches des humains : mouches, blattes, mites, etc.) ; tandis que d’autres ont dû s’éloigner ou disparaître localement suite à la destruction de leur habitat (<a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2010/08/14/le-pique-prune-scarabee-amateur-de-vieux-arbres-seme-la-discorde-chez-les-hommes_1398986_3244.html">pique-prune</a>).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456895/original/file-20220407-11-izh5gx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vestige antique (Ier av J.-C) du scarabée pique prune, espèce menacée par la destruction de son habitat à droite et spécimen actuel servant de référence pour identification, à gauche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Rollin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le même ordre d’idée, la croissance des échanges de marchandises, de denrées alimentaires étrangères ou encore de nouveaux animaux à partir de l’âge du Fer aurait pu permettre l’introduction d’insectes et de parasites invasifs dans un nouveau milieu. Ce scénario suivrait la piste de l’<a href="https://www-persee-fr.proxy.scd.univ-tours.fr/doc/pica_0752-5656_1993_num_3_1_1676">arrivée du rat noir</a> en France au I<sup>er</sup> siècle apr. J.-C. ou encore des <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01860354">adventices (mauvaises herbes)</a> comme la nielle des blés et le myagre qui aurait suivi les transports humains à l’âge du Fer.</p>
<p>Au moment où nous commençons à comprendre les mécanismes des invasions biologiques et leurs impacts sur l’environnement, serait-il imaginable que les pratiques du passé aient dû s’adapter à des insectes non identifiés pour le moment ? Seule l’analyse des insectes provenant de nombreux autres sites permettra de mieux appréhender l’évolution des interactions entre les humains et leur environnement tout au long de l’Histoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérémy Rollin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Quand les restes de bousier ou de charançon des blés nous renseignent sur l’histoire de l’agriculture et des migrations humaines.
Jérémy Rollin, Doctorant en archéoentomologie, Université de Tours
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/178371
2022-04-04T18:35:51Z
2022-04-04T18:35:51Z
« Balkanatolie » : le continent disparu pour la migration de la faune asiatique vers l’Europe
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456136/original/file-20220404-13-efrly.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C0%2C4077%2C2722&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dépôts sédimentaires abritant des fossiles de vertebrés continentaux à la localité de Büyükteflek, Turquie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Alexis Licht et Grégoire Métais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Durant l’Éocène (il y a 55 à 34 millions d’années), l’Europe occidentale et l’Asie orientale formaient deux masses terrestres distinctes avec des faunes de mammifères très différentes : les forêts européennes abritaient une faune endémique avec, par exemple, des périssodactyles paléothères (groupe éteint lointainement apparenté aux chevaux actuels, mais qui ressemblait davantage à nos tapirs), des primates adapidés, des choeropotames et anaplothères (lointainement apparentés aux cochons et vaches actuels), alors que l’Asie était peuplée de faunes plus cosmopolites comprenant les familles de mammifères que l’on trouve aujourd’hui sur ces deux continents.</p>
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<p>Ce dualisme est bouleversé il y a 34 millions d’années, au tout début de l’Oligocène, qui est une période de changement climatique global durant laquelle on passe d’une Terre dite « greenhouse » chaude à la Terre dite « Icehouse » que nous connaissons aujourd’hui. Cet épisode de changement climatique est créé par la première glaciation de l’Antarctique qui suit une longue période de chute du CO<sub>2</sub> atmosphérique. Le refroidissement global, estimé à environ 5 °C et associé à une grande chute du niveau marin, provoque un bouleversement des écosystèmes et des connexions terrestres entre continents.</p>
<h2>La « Grande Coupure »</h2>
<p>La plupart des mammifères endémiques européens se sont alors éteints conjointement à l’apparition en Europe occidentale d’un grand nombre de taxons provenant d’Asie. Ce renouvellement majeur de la faune ouest européenne fut nommé en 1909 « Grande Coupure » par le paléontologue bâlois H.G. Stehlin, un terme qui est toujours largement utilisé de nos jours, même en dehors du monde francophone. Cette arrivée brutale de mammifères asiatiques au début de l’Oligocène est un évènement majeur dans l’histoire des faunes de l’Ancien Monde. Cependant, des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0193774">fossiles trouvés dans les Balkans</a> indiquent la présence de mammifères asiatiques dans le sud de l’Europe bien avant la Grande coupure, suggérant une colonisation plus précoce.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.earscirev.2022.103929">Notre découverte de nouveaux fossiles en Anatolie Centrale</a> et la réévaluation d’anciens fossiles disponibles dans les Balkans, certains remontant au XIX<sup>e</sup> siècle, révèlent que durant une grande partie de l’Eocène, la région correspondant aux Balkans et à l’Anatolie actuels était dotée d’une faune terrestre homogène, mais distincte de celles de l’Europe et de l’Asie orientale.</p>
<p>Cette faune exotique unique comprenait des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0206181">marsupiaux d’affinités sud-américaines</a>, des <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2018.05.032">embrithopodes</a> (de gros mammifères herbivores ressemblant à des hippopotames) auparavant restreints au continent africain, des <a href="https://doi.org/10.1016/j.geobios.2020.06.008">primates probablement arrivés par rafting sur des débris végétaux</a>, et des ongulés primitifs proches de formes européennes connues exclusivement au paléocène (66-56 Ma). En revanche, cette faune endémique est dépourvue de rongeurs, carnivores, perissodactyles ou artiodactyles, des mammifères abondants et diversifiés dans l’Eocène d’Eurasie. <a href="https://doi.org/10.1016/j.jseaes.2017.03.033">Une grande partie de notre travail de terrain</a> ces dernières années a consisté à documenter cette faune.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450624/original/file-20220308-13-ps1tqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450624/original/file-20220308-13-ps1tqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450624/original/file-20220308-13-ps1tqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450624/original/file-20220308-13-ps1tqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450624/original/file-20220308-13-ps1tqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450624/original/file-20220308-13-ps1tqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450624/original/file-20220308-13-ps1tqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=757&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte de la Balkanatolie. Couleurs foncées : terres émergées ; couleurs pâles : plancher continental.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexis Licht et Grégoire Métais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>L’ensemble de ces informations permet d’ébaucher l’histoire d’un troisième continent eurasiatique, coincé entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, et dénommé « Balkanatolie ». Isolé de l’Eurasie continentale pendant l’Éocène précoce et moyen, il formait alors une masse continentale à faible topographie, oscillant entre continent-île et archipel au gré du niveau marin, où prospéraient des mammifères endémiques et archaïques. Cette faune endémique a une histoire encore inconnue : on pense que le continent Balkanatolie s’est formé très tôt, <a href="https://doi.org/10.1029/2021GC010232">peut-être dès le Crétacé supérieur (-70 Ma)</a>, mais cette histoire reste encore à écrire. La Balkanatolie peut être comparée à l’archipel indo-australien actuel, dont la faune est considérablement différente de l’Asie continentale malgré les courts détroits qui les séparent (cette séparation suit la fameuse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligne_Wallace">ligne de Wallace</a>, dédiée à son découvreur, le naturaliste Alfred Russel Wallace). Cette analogie vaut également au niveau géologique puisque l’archipel indo-australien est constitué de plusieurs blocs continentaux caractérisés par des écosystèmes particuliers et séparés par des bassins océaniques étroits et profonds.</p>
<h2>Un nouveau site, riche en fossiles</h2>
<p>Notre découverte en Turquie d’une nouvelle localité fossilifère (Büyükteflek) datée de 38 à 35 millions d’années et livrant des mammifères d’affinités clairement asiatiques, les plus vieux connus à ce jour en Anatolie, éclaire l’histoire du continent balkanatolien. Il s’agit de fragments de mâchoires ayant appartenu à des animaux ressemblant à de gros rhinocéros, les brontothères, qui se sont éteints à la fin de l’Eocène.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450627/original/file-20220308-3336-1q8rh4z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450627/original/file-20220308-3336-1q8rh4z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450627/original/file-20220308-3336-1q8rh4z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450627/original/file-20220308-3336-1q8rh4z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450627/original/file-20220308-3336-1q8rh4z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450627/original/file-20220308-3336-1q8rh4z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450627/original/file-20220308-3336-1q8rh4z.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fossile d’ongulé de la localité de Büyükteflek, Turquie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexis Licht et Grégoire Métais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Des restes d’un petit rhinocéros gracile hyracodonte d’origine asiatique ont également été trouvés. L’arrivée de taxons asiatiques en Balkanatolia entre 40 et 35 millions d’années marque à la fois la fin de l’endémisme des faunes balkanatoliennes et une étape préliminaire de la Grande Coupure. Nous pensons que l’arrivée de mammifères asiatiques en Balkanatolie fut conditionnée par des changements géographiques qui eurent lieu en Anatolie orientale et dans le Caucase durant l’Eocène moyen/supérieur, certainement liés à la fermeture de l’océan Néotethys et au soulèvement de la région suite à la collision avec la marge continentale asiatique.</p>
<p>Ces bouleversements géographiques ouvrent la voie aux mammifères qui coloniseront l’Europe il y a 34 millions d’années, en passant par la Balkanatolie. Nous pensons donc que la Balkanatolie a joué le rôle de sas entre Asie et Europe lors de la dispersion des mammifères. L’arrivée des faunes invasives asiatiques et le changement climatique associé à la glaciation antarctique ont ensuite précipité le déclin des faunes endémiques balkanatoliennes puis européennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178371/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Licht a reçu des financements publics ANR / DISPERSAL</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Grégoire METAIS ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Il y a environ 40 millions d’années, un continent a servi de pont pour la faune asiatique pour s’installer en Europe.
Grégoire METAIS, Paléontologue, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Alexis Licht, Chercheur CNRS - géologue, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/178242
2022-03-07T20:13:42Z
2022-03-07T20:13:42Z
La « licorne de Sibérie » était-elle vraiment une licorne ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450337/original/file-20220307-85251-ky14fp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1642%2C1344&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reconstitution d'un groupe d'Elasmotherium dans leur environnement marécageux supposé proposée dès 1948 (par V. A. Vatagin, d'après le travail de V. A. Teryaev).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://natuurtijdschriften.nl/pub/523514">V. Zhegallo et al., 2005</a></span></figcaption></figure><p>Connaissez-vous <em>Elasmotherium</em> ? 4,5 mètres de long et 2 mètres au garrot pour une masse de 4 à 5 tonnes, ce cousin des rhinocéros actuels est l’un des plus gros Rhinocérotidés connus à ce jour. Outre ses dimensions hors-normes, <em>Elasmotherium</em> est principalement connu pour l’aspect unique de son crâne.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260975/original/file-20190226-150712-p3qd11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260975/original/file-20190226-150712-p3qd11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260975/original/file-20190226-150712-p3qd11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260975/original/file-20190226-150712-p3qd11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260975/original/file-20190226-150712-p3qd11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260975/original/file-20190226-150712-p3qd11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260975/original/file-20190226-150712-p3qd11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dessin de l’ancienne vision d’<em>Elasmotherium caucasium</em> avec une corne unique remise en cause aujourd’hui.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dmitry Bogdanov/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Long d’un mètre, il frappe d’emblée par la présence d’un gigantesque dôme osseux au-dessus des orbites, parcouru de rugosités et de traces de puissants vaisseaux sanguins. Un aspect unique chez les Rhinocérotidés, qui conduisit les paléontologues, dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, à proposer des reconstitutions de l’animal portant une corne gigantesque au milieu du front. Ainsi naquit l’image de la « licorne de Sibérie », quand bien même aucune corne fossilisée d’<em>Elasmotherium</em> n’a jamais été retrouvée à ce jour… Alors, les « licornes » ont-elles vraiment existé ?</p>
<h2>La corne, un matériau qui se fossilise mal</h2>
<p>Fournir une reconstitution fiable des êtres vivants disparus est l’un des objectifs principaux de la paléontologie, mais aussi l’une de ses missions les plus délicates. En effet, la grande majorité des restes fossilisés à la disposition des paléontologues concerne les parties dures et naturellement minéralisées de l’organisme (coquille, squelette, dents), la préservation des parties molles ou périssables n’étant possible que dans des conditions de fossilisation très particulières et foncièrement rares.</p>
<p>Ainsi, à l’instar de la peau, des poils ou des écailles, les cornes des mammifères, composées de kératine (comme nos ongles et nos cheveux), échappent la plupart du temps à la fossilisation. Si la corne des bovidés se développe sur une base osseuse (appelée cheville ou cornillon) se fossilisant généralement très bien et permettant donc d’avoir une bonne approximation de sa forme, celle des rhinocéros possède en revanche une structure unique. Formées de fibres de kératine agglomérées entre elles, les cornes de rhinocéros se développent sur de simples zones rugueuses sur les os frontaux et nasaux : en l’absence de cheville osseuse, il est donc bien difficile de dire avec précision la taille et la forme d’une corne de rhinocéros en disposant uniquement du crâne ! Ainsi, à part pour quelques cas précis comme le rhinocéros laineux, dont des spécimens ont été retrouvés congelés dans le sol sibérien avec leurs cornes, la reconstitution de ces appendices chez les rhinocéros fossiles est bien souvent très spéculative.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/450340/original/file-20220307-85823-1p6gne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450340/original/file-20220307-85823-1p6gne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450340/original/file-20220307-85823-1p6gne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450340/original/file-20220307-85823-1p6gne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450340/original/file-20220307-85823-1p6gne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450340/original/file-20220307-85823-1p6gne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450340/original/file-20220307-85823-1p6gne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450340/original/file-20220307-85823-1p6gne3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Crânes de rhinocéros blanc (à gauche) et de rhinocéros laineux (à droite) surmontées de leurs cornes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/qui-etait-elasmotherium-surnomme-la-licorne-de-siberie-109999">Qui était Elasmotherium, surnommé la « licorne de Sibérie » ?</a>
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<p>Revenons à <em>Elasmotherium</em>, l’un des animaux les plus emblématiques de la mégafaune du Pléistocène eurasiatique (période géologique s’étalant de 2,58 millions d’années à 11 700 ans avant le présent). Apparu il y a un peu plus de 2 millions d’années en Eurasie, on pensait cet animal disparu il y a environ 200 000 ans, jusqu’à ce qu’une <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-018-0722-0">étude de 2018</a> rebatte les cartes : la réanalyse de plusieurs restes osseux d’<em>Elasmotherium</em> a permis de réévaluer la disparition du genre aux alentours de 39-36 000 ans avant notre ère. Nos ancêtres <em>Homo sapiens</em> eurasiatiques auraient donc pu le rencontrer !</p>
<h2>La licorne écornée</h2>
<p>Une équipe Russo-Ukrainienne, menée par Vadim Titov, de l’Université fédérale de Rostov-sur-le-Don (Russie), s’est attachée, fin 2021, à réétudier de près l’anatomie crânienne d’<em>Elasmotherium</em> pour proposer une <a href="http://kmkjournals.com/upload/PDF/RJT/20/ther20_2_173-182.pdf">reconstitution actualisée de la tête de l’animal</a>. Pour Titov et son équipe, le verdict est sans appel : le dôme osseux, aux parois très fines, était relativement fragile et ne pouvait probablement pas supporter le poids d’une corne de 2 mètres.</p>
<p>Le dôme devait bel et bien être recouvert d’une zone kératinisée assez basse, pointant peut-être légèrement vers l’arrière. Mais dans tous les cas, les auteurs de l’étude excluent la présence d’une corne gigantesque telle que représentée habituellement ! Ils envisagent également la présence d’une petite zone kératinisée en position nasale, ce qui conférerait à <em>Elasmotherium</em> non pas une mais deux « pseudo-cornes » sur le crâne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/450345/original/file-20220307-118221-k8qhbs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450345/original/file-20220307-118221-k8qhbs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450345/original/file-20220307-118221-k8qhbs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450345/original/file-20220307-118221-k8qhbs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450345/original/file-20220307-118221-k8qhbs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450345/original/file-20220307-118221-k8qhbs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450345/original/file-20220307-118221-k8qhbs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450345/original/file-20220307-118221-k8qhbs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Reconstitution de la tête d’<em>Elasmotherium</em> proposée par l’équipe de Vadim Titov.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Titov et al. 2021, Russian Journal of Theriology</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une nouvelle reconstitution qui tranche totalement avec l’image d’Epinal que véhicule cet animal depuis des décennies, et qui pourrait lui faire perdre son surnom de « licorne » !</p>
<p>D’autant que l’équipe de Vadim Titov n’est pas la première à proposer une telle reconstitution pour <em>Elasmotherium</em>, puisque d’autres scientifiques russes avaient déjà supposé un dôme kératinisé surmonté d’une toute petite corne <a href="https://natuurtijdschriften.nl/pub/523514">dès les années 1950-60</a>. Une reconstitution qui tomba vite dans l’oubli au profit d’une représentation certes beaucoup plus impressionnante, mais n’étant basée sur aucune preuve réelle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Première représentation d’_Elasmotherium_ sans corne" src="https://images.theconversation.com/files/450389/original/file-20220307-85970-w5nd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450389/original/file-20220307-85970-w5nd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450389/original/file-20220307-85970-w5nd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450389/original/file-20220307-85970-w5nd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450389/original/file-20220307-85970-w5nd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450389/original/file-20220307-85970-w5nd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450389/original/file-20220307-85970-w5nd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’une des premières représentations d’<em>Elasmotherium</em> avec une très petite corne, proposée par V.A. Teryaev et V.A. Vatagin en 1934.</span>
<span class="attribution"><span class="source">V. Zhegallo et coll., 2005</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>S’il n’était pas le support d’une gigantesque corne, à quoi pouvait donc bien servir ce dôme ? L’équipe de chercheurs voit deux fonctions principales dans la présence de cet étrange appendice frontal. En augmentant sensiblement la surface des muqueuses nasales, ce dôme devait doter <em>Elasmotherium</em> d’un odorat très performant, sans doute utile pour détecter sa nourriture, constituée notamment, selon Titov et son équipe, de bulbes végétaux enterrés, ainsi que de graminées poussant dans les steppes. Mais ce dôme devait également permettre de produire et d’amplifier les sons émis par l’animal, peut-être à des fins de communication lors des affrontements entre mâles ou simplement quotidiennement au sein des groupes. Les auteurs excluent toutefois une utilisation directe en combat comme chez les rhinocéros actuels ou les mouflons : la paroi osseuse très fine du dôme n’aurait sans doute pas résisté à des impacts menés par des animaux de 5 tonnes !</p>
<h2>Des représentations pariétales à réévaluer</h2>
<p>Cette nouvelle reconstitution « écornée » d’<em>Elasmotherium</em> pourrait apparaître comme décevante pour toutes les personnes attachées à la représentation classique de ce rhinocéros géant. Mais en l’absence de cornes fossilisées, elle reste sans doute la plus crédible à ce jour.</p>
<p>Malgré tout, associés à la récente réévaluation de la disparition de cet animal, les travaux de Titov et son équipe permettent de toujours mieux cerner la paléoécologie d’<em>Elasmotherium</em>, et notamment les possibles interactions entre les groupes humains et ce rhinocéros géant. En effet, si la récente réévaluation de la disparition d’<em>Elasmotherium</em> à environ 36 000 ans laisse supposer que des <em>Homo sapiens</em> ont pu croiser ces animaux, désormais cette nouvelle reconstitution permet d’apprécier d’un œil nouveau les possibles représentations pariétales de ce rhinocéros atypique.</p>
<p>Les regards se tournent notamment vers la grotte russe de Kapova, au sud de l’Oural, où d’étranges représentations de rhinocéros étaient parfois interprétées comme celles d’un <em>Elasmotherium</em>, sans certitude : malgré la tête basse et le puissant garrot, la corne semblait étrangement trop courte… jusqu’à aujourd’hui ! À la lumière de ce changement de représentation de l’animal, une multitude d’œuvres préhistoriques pourraient se trouver réinterprétées dans un futur proche.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450346/original/file-20220307-85648-db7h27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450346/original/file-20220307-85648-db7h27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=722&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450346/original/file-20220307-85648-db7h27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=722&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450346/original/file-20220307-85648-db7h27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=722&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450346/original/file-20220307-85648-db7h27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=907&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450346/original/file-20220307-85648-db7h27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=907&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450346/original/file-20220307-85648-db7h27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=907&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Deux silhouettes possibles d’<em>Elasmotherium</em> représentées à l’ocre rouge dans la grotte russe de Kapova, au Paléolithique supérieur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">V. Zhegallo et coll., 2005</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, cette nouvelle reconstitution d’<em>Elasmotherium</em> permet aussi de rappeler que, bien que la corne soit l’élément le plus symbolique du rhinocéros, la plupart des genres fossiles connus à ce jour n’en portait pas, ou uniquement de très petites ! La corne n’est en effet apparue que dans quelques lignées au cours du temps, et le fait que les 5 espèces actuelles en portent toutes ne doit pas faire oublier que cet appendice crânien est davantage une exception qu’une règle à l’échelle de l’histoire évolutive des rhinocéros. Qu’importe : même sans corne gigantesque, la prétendue « licorne de Sibérie » reste un animal fascinant dont tous les mystères sont loin d’avoir été élucidés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178242/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Mallet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Elasmotherium, un cousin des rhinocéros était surnommé la « licorne de Sibérie ». Cet animal avait-il vraiment une grande corne sur le front ?
Christophe Mallet, Docteur en morphologie fonctionnelle, paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/177651
2022-02-22T18:41:05Z
2022-02-22T18:41:05Z
Léonora : « Comment il a fait le premier homme pour descendre de l'arbre où il était un singe ? »
<p>Voilà bien une question qui anime les débats entre les paléoanthropologues depuis des décennies. Ce sont les chercheurs qui travaillent sur l’évolution humaine.</p>
<p>Il s’agit d’une question très importante puisqu’elle porte sur un élément clé de l’évolution humaine : l’apparition de la bipédie, c’est-à-dire marcher sur deux pieds, contrairement à la plupart des animaux qui se déplacent à quatre pattes.</p>
<p>Mais revenons à la question qui présente une idée reçue très fréquente, mais fausse scientifiquement. L’Homme, ou <em>Homo sapiens</em> notre espèce, ne descend pas du singe. En réalité, nous sommes des singes !</p>
<p>En effet, du point de vue biologique et évolutif, nous appartenons à la famille des grands singes. Nous partageons d’ailleurs avec les autres représentants de cette famille (les chimpanzés, les bonobos, les gorilles, les orangs-outans et les gibbons) des caractéristiques identiques comme la disparition d’une véritable queue.</p>
<p>Cependant, comme toute espèce nous possédons des caractéristiques propres. Notre façon de se déplacer, presque exclusivement en bipédie, en est une. Les autres singes peuvent aussi être bipèdes, mais ils le sont d’une autre façon et sur une durée moins longue. Ils préfèrent utiliser d’autres modes de locomotion plus adaptés à leur environnement, comme se déplacer à quatre pattes (on dit qu’ils sont quadrupèdes) ou grimper dans les arbres par exemple. En réalité, notre mode de locomotion est lié à notre anatomie et en particulier à notre squelette. Ainsi l’anatomie d’un chimpanzé, fréquemment quadrupède est différente de celle d’un humain bipède.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448105/original/file-20220223-23-uo8vl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448105/original/file-20220223-23-uo8vl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448105/original/file-20220223-23-uo8vl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448105/original/file-20220223-23-uo8vl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448105/original/file-20220223-23-uo8vl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448105/original/file-20220223-23-uo8vl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448105/original/file-20220223-23-uo8vl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448105/original/file-20220223-23-uo8vl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le squelette humain diffère de celui du chimpanzé. Certaines de ces différences anatomiques, comme celles illustrées ci-dessus, reflètent les différences de locomotion entre les deux espèces.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est justement à partir des caractéristiques anatomiques observées sur des fossiles parfois vieux de plusieurs millions d’années que nous sommes capables de reconstituer, tel un puzzle, l’évolution de la locomotion. Malheureusement, cette tâche est bien difficile, car nous ne connaissons que très peu de fossiles et ils ne représentent qu’une infime part des individus qui ont peuplé la Terre au cours de son histoire. Cependant, les fossiles que nous possédons nous ont déjà révélé bon nombre d’informations. Nous savons par exemple que nos ancêtres n’ont pas acquis une bipédie identique à la nôtre en un jour. Cela s’est fait au cours de plusieurs millions d’années via des modifications anatomiques.</p>
<p>Remontons donc le temps ! Nos ancêtres qui vivaient il y a 8 à 10 millions d’années étaient particuliers puisqu’il s’agit d’ancêtres que nous avons en commun avec les chimpanzés, ce qui fait de nous des cousins ! Nous ne connaissons pas précisément quel type de locomotion utilisaient ces ancêtres communs… Se déplaçaient-ils de préférence sur terre ? Dans les arbres ? De façon bipède ? Quadrupède ? Nous savons par contre que ces ancêtres ont eu des descendants. Certains de ces descendants ont donné naissance aux chimpanzés et d’autres aux hommes après plusieurs millions d’années d’évolution.</p>
<p>Intéressons-nous aux descendants humains. Il y a 5 à 7 millions d’années, les tout premiers représentants de la « lignée humaine » étaient en partie bipèdes. En partie seulement, car l’étude de leur squelette indique qu’ils vivaient également dans les arbres. Plus récemment, entre 2 et 4 millions d’années, nos ancêtres appartenaient au groupe des australopithèques dans lequel on trouve la célèbre Lucy. Nous savons que ces australopithèques étaient bipèdes grâce non seulement à l’étude de leur squelette fossile, mais également à leurs empreintes de pieds découvertes à Laetoli en Tanzanie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447829/original/file-20220222-13-1iva2yj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447829/original/file-20220222-13-1iva2yj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447829/original/file-20220222-13-1iva2yj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447829/original/file-20220222-13-1iva2yj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=511&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447829/original/file-20220222-13-1iva2yj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447829/original/file-20220222-13-1iva2yj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447829/original/file-20220222-13-1iva2yj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=643&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les empreintes de Laetoli ont été découvertes en Tanzanie (Afrique). Elles ont été laissées il y a 3,6 millions d’années par des australopithèques. Comme seules des empreintes de pieds et non de mains sont visibles, elles représentent l’une des preuves les plus directes et anciennes d’une bipédie proche de celle utilisée par l’homme.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutefois, même s’ils étaient bipèdes, les australopithèques vivaient aussi dans les arbres, et la bipédie qu’ils utilisaient était différente de la nôtre. Enfin, nos ancêtres les plus récents comme les <em>Homo erectus</em> ou les Néandertaliens, ont une bipédie plus similaire à la nôtre, les <em>Homo erectus</em> pouvaient courir comme nous sur de longues distances.</p>
<p>Pour résumer, la bipédie humaine s’est développée au cours de plusieurs millions d’années. L’acquisition de ce comportement particulier a donné des avantages à nos ancêtres (parcourir de plus longues distances facilitant la recherche de nourritures, mieux voir aux alentours de potentiels dangers, porter des éléments lourds…) qui ont participé à la survie et au succès de nos ancêtres au cours de l’évolution.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérémy Duveau est chercheur associé au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris et travaille actuellement dans le laboratoire de paléoanthropologie de l'Université de Tübingen en Allemagne. Son travail de recherche est financé par une bourse postdoctorale obtenue auprès de la fondation FYSSEN. </span></em></p>
L’Homme, ou Homo sapiens notre espèce, ne descend pas du singe. En réalité, nous sommes des singes !
Jérémy Duveau, Chercheur associé, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/176919
2022-02-13T19:58:22Z
2022-02-13T19:58:22Z
Découverte des plus anciens hommes modernes en Europe (et ce que cela change de ce que l'on pensait de ses relations avec Néandertal)
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446089/original/file-20220213-25052-rrqqsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C19%2C3307%2C3311&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'abri sous roche de la Grotte Mandrin a été utilisé à plusieurs reprises par les Néandertaliens et les humains modernes au cours des millénaires. </span> <span class="attribution"><span class="source">Ludovic Slimak</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Nous venons d’annoncer, dans la revue <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.abj9496">Science Advances</a>, la découverte des premières traces de l’arrivée des hommes modernes en Europe il y a 54 000 ans à la Grotte Mandrin, soit environ 10 millénaires avant ce que l’on pensait jusqu’alors et 1700 km à l’Ouest du site bulgare de Bacho Kiro précédemment considéré comme la plus ancienne occupation humaine moderne d’Europe. </p>
<p>Nous voici désormais loin à l’ouest, dans l’immense vallée du Rhône…</p>
<p>Perché à environ 100 mètres d’altitude à l’ouest des contreforts des Préalpes, un abri-sous-roche fait face au Nord et domine la vallée du Rhône. Ce lieu est stratégique dans le paysage, car le Rhône s’écoule à cet endroit dans un couloir d’environ 1 km entre les Préalpes à l’Est et le Massif central à l’Ouest. Pendant des millénaires, les habitants de cet abri ont pu scruter les hordes d’animaux migrant entre la région méditerranéenne et les plaines d’Europe du Nord. Aujourd’hui, ce sont les TGV et lors des pics estivaux près de 180 000 véhicules par jour qui parcourent la vallée du Rhône sur l’une des autoroutes les plus empruntées du continent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="woodsy landscape with rock outcropping against blue sky" src="https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445214/original/file-20220208-36884-116o8hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La Grotte Mandrin est quelque peu camouflée en un affleurement rocheux lorsqu’elle est vue de loin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ludovic Slimak</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le site, reconnu depuis les années 1960 et nommé Mandrin d’après le brigand Louis Mandrin, a été un lieu de vie privilégié depuis plus de 100 000 ans.</p>
<p>Les outils en pierre taillée et les ossements d’animaux laissés par les chasseurs-cueilleurs par le passé ont été rapidement recouverts par les loess, ces poussières déposées par le vent glacial venu du Nord, le Mistral, préservant ainsi ces éléments. Les couches de sédiments supérieures <a href="https://www.britannica.com/event/Paleolithic-Period">contiennent du matériel</a> datant de l’Âge du Bronze et du Néolithique il y a 4 à 5 millénaires.</p>
<p>Depuis 32 ans, notre équipe de chercheurs menée par Ludovic Slimak (CNRS) a fouillé près de 3 mètres de dépôts sédimentaires qui fossilisent sur 80 millénaires les passages de chasseurs du Paléolithique entre le 100<sup>e</sup> et le 40<sup>e</sup> millénaire. Les hommes modernes avaient alors vraisemblablement commencé leur conquête de l’Europe <a href="https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2014.08.011">il y a 43 000 à 45 000 ans</a>, les Néandertaliens et les autres populations fossiles d’Eurasie disparaissant quelques millénaires plus tard. Ce scénario sur l’évolution humaine en Europe est établi depuis des décennies.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes agenouillées sur le sol, travaillant dans la poussière" src="https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=986&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=986&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445223/original/file-20220208-13-1ea5wyf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=986&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue des fouilles à l’entrée de la Grotte Mandrin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ludovic Slimak</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Mais en plein milieu de ces enregistrements archéologiques, intercalée entre 11 autres niveaux contenant des milliers d’outils de silex et des fossiles néandertaliens, une couche de la Grotte Mandrin fossilise une incursion très ancienne d’un groupe d’hommes modernes au cœur même des territoires néandertaliens.</p>
<h2>Des indices provenant de petites pointes de pierre et d’une dent</h2>
<p>Durant la première décennie de fouilles du site, le premier signal intrigant fut la découverte de 1500 petites pointes triangulaires en silex, ressemblant à des pointes de flèches, dont certaines mesuraient moins d’un centimètre de longueur, et inconnues ailleurs, tant dans les riches enregistrements archéologiques de la Grotte Mandrin que dans les autres sites néandertaliens recensés à travers l’Eurasie.</p>
<p>Qui les a produites ? L’étude d’assemblages d’outils en pierre de quelques autres gisements de la moyenne vallée du Rhône montre que ces pointes sont attestées dans 4 autres sites sur la rive opposée du fleuve. Cependant, ces gisements ont été fouillés il y a longtemps, à la pioche, et les informations qu’ils fournissent s’avèrent très limitées, notamment pour comprendre si ces pointes sont présentes sur une longue période de temps, ou si elles apparaissent là aussi de manière abrupte, et donc si les Néandertaliens avaient développé ces étonnantes technologies. Cette culture fut alors individualisée dès 2004 et dénommée <a href="https://doi.org/10.1016/j.jas.2008.02.005">« Néronien »</a>, d’après la Grotte de Néron où de petites pointes similaires avaient été découvertes dès 1870.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pointes de pierre triangulaires sur fond noir." src="https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445229/original/file-20220208-21-1y943e2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ces pointes néroniennes n’ont pas de technologie équivalente chez les groupes néandertaliens qui ont vécu avant et après l’arrivée des premiers hommes modernes à la Grotte Mandrin..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laure Metz and Ludovic Slimak</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>En l’absence d’autres sites locaux comparables, Laure Metz et Ludovic Slimak partirent en 2016 étudier certains gisements archéologiques de l’Est de la Méditerranée. L’un des plus importants, le site de <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1501529112">Ksar Akil</a> près de Beyrouth, allait nous révéler des collections archéologiques en tout point identiques aux étonnantes collections du Néronien.</p>
<p>Les petites pointes de la vallée du Rhône n’étaient plus isolées, mais pouvaient désormais se rattacher très directement à ces collections levantines où les mêmes catégories de pointes étaient réalisées très précisément suivant les mêmes traditions techniques que celles de la Grotte Mandrin. Cette étonnante constatation allait permettre de proposer dès 2017, alors à titre d’hypothèse, que le Néronien n’était probablement pas le produit d’artisanats Néandertaliens, mais bien de populations modernes issues du Levant méditerranéen et arrivées en Europe bien plus tôt qu’on ne le pensait.</p>
<p>À cette époque l’analyse directe des collections de Ksar Akil et leur comparaison avec celles de la Grotte Mandrin nous permettait déjà de dire qu’elles “…<em>illustrent une stricte réplication des systèmes ; les systèmes techniques du Néronien à l’ouest de la Méditerranée sont semblables à ceux documentés au début de ce que l’on reconnaît sous l’appellation d’Initial Upper Paleolithic dans l’Est de la Méditerranée</em>” permettant de proposer, il y a 5 ans déjà, leur attribution à l’homme moderne.</p>
<p>La pièce finale de ce vaste puzzle anthropologique et culturel n’arriva que plus tard, en 2018, lorsque les 9 dents retrouvées en 32 ans de recherche <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.abj9496">furent analysées</a> par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microtomographie_aux_rayons_X">microtomographie à rayons X</a>, permettant la caractérisation détaillée de la structure externe et interne de cette dent. L’analyse du seul reste humain du niveau étudié de Mandrin, une dent de lait d’un enfant âgé entre 2 et 6 ans, permit de démontrer, sans aucun doute possible, qu’elle appartenait à un homme moderne du Pléistocène et non à un Néandertalien.</p>
<p>La démonstration de notre étude s’est construite sur ce croisement de connaissances issues de domaines scientifiques très différents et qui aboutissent tous, de manière indépendante, aux mêmes conclusions.</p>
<p>C’est sur la base à la fois de l’analyse des structures techniques de ces artisanats, d’approches comparatives transméditerranéennes très précises, et de la détermination de morphologies dentaires singulières que la toute première migration des hommes modernes sur le continent européen a pu être démontrée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="map of Mediterranean region with sketches of stone points superimposed" src="https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445450/original/file-20220209-23-39hgqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">On opposite sides of the Mediterranean, similar stone points were made by <em>Homo sapiens</em> around the same time.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laure Metz and Ludovic Slimak</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Lire dans le passé avec des traces de feu</h2>
<p>Mais les découvertes à Mandrin ne s’arrêtent pas là. En 2006 Ludovic Slimak repère d’étonnants dépôts grisés sur des fragments de paroi tombés dans l’ensemble des couches archéologiques. Une nouvelle enquête commence. À travers le temps la paroi de la grotte s’est lentement effritée, produisant des épandages de cailloutis progressivement ensevelis avec les milliers d’objets archéologiques abandonnés par les préhistoriques. <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01610057/document">Il nous aura donc fallu 16 ans</a> pour prendre conscience que ces cailloutis avaient préservé la trace des dépôts de suie des anciennes parois de la grotte. À chaque campement dans la cavité les parois se noircissaient de suies. Et ces suies se recouvraient rapidement de calcite au départ des hommes, générant des successions de dépôts noirâtres (suies) et blanchâtres (calcite) créant un véritable code-barres sur la paroi de la grotte et un témoignage unique de la succession des installations humaines dans la cavité. L’un des membres de l’équipe, Ségolène Vandevelde, mettra alors en place les outils permettant de déterminer la fréquence et le rythme des feux fossilisés dans ces témoins pariétaux et dans lesquels se profilent l’organisation de ces sociétés à travers le temps. L’analyse de ces dépôts successifs allait aussi permettre de déterminer qu’une seule année s’était écoulée entre le dernier feu Néandertalien et le premier feu des hommes modernes, il y a 54 000 ans. Et ce n’est qu’après avoir occupé le site pendant une quarantaine d’années, une vie humaine, que les hommes modernes allaient abandonner soudainement la Grotte Mandrin, disparaissant aussi rapidement et aussi mystérieusement qu’ils y étaient arrivés. Par la suite, et durant 12 millénaires, ne reviendront plus à Mandrin que des chasseurs Néandertaliens.</p>
<p>Ces découvertes fascinantes nous interrogent profondément.</p>
<p>Comment ces populations modernes sont-elles arrivées si précocement dans l’Ouest de l’Europe ? Les données archéologiques montrent que les humains sont arrivés en Australie il y a <a href="https://doi.org/10.1038/nature22968">au moins 65 000 ans</a> et ont nécessairement dû utiliser des moyens de navigation pour traverser l’océan. Les hommes de Mandrin se seraient-ils eux aussi déplacés par voie maritime il y a 54 000 ans ?</p>
<p>Et par la suite, comment ces populations ont-elles acquises en si peu de temps une connaissance aussi précise de l’ensemble des ressources naturelles, silex et roches rares, du vaste territoire qu’elles ont exploité autour de la cavité pendant 40 années ? Étaient-elles en contact avec des populations aborigènes néandertaliennes avec qui elles auraient échangé des informations ou qui auraient pu les guider, partageant leurs connaissances millénaires du territoire ? Ces populations se sont-elles évitées ? Ou ont-elles essayé de se métisser aux populations locales ?</p>
<p>Les découvertes à venir de la Grotte Mandrin pourraient apporter des réponses à certaines de ces questions et pourraient bien nous éclairer, un peu, sur ce que représenta réellement cette colonisation de l’Europe et la remarquable incidence de ce fait historique majeur sur le destin des populations néandertaliennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176919/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Des artefacts en pierre et une dent fossile indiquent qu’Homo sapiens vivait à la Grotte Mandrin il y a 54 000 ans, à une époque où les Néandertaliens vivaient encore en Europe.
Ludovic Slimak, CNRS Permanent Member, Université Toulouse – Jean Jaurès
Clément Zanolli, Paleoanthropologist, Université de Bordeaux
Jason E. Lewis, Lecturer of Anthropology and Assistant Director of the Turkana Basin Institute, Stony Brook University (The State University of New York)
Laure Metz, Archaeologist at Aix-Marseille Université and Affiliated Researcher in Anthropology, University of Connecticut
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/176425
2022-02-10T16:04:38Z
2022-02-10T16:04:38Z
L’évolution du cerveau humain : clichés et réalité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445628/original/file-20220210-21-1rtgh0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C14%2C1931%2C1429&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un modèle 3D du crâne fossile d'_Homo sapiens_ Cro-Magnon 1.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Voici probablement la partie du corps humain qui inspire le plus de fantaisies quand il s’agit de dépeindre son évolution au cours de la grande histoire de l’humanité. Un facteur limitant évident est qu’il est impossible de trouver un cerveau fossile. Ses tissus, mous, ne se conservent pas au fil du temps. C’est évidemment contrariant pour arpenter les méandres de la paléoneurologie.</p>
<p>Par chance, les os restent bien présents et puisque le cerveau appuie sur la surface interne du crâne tout au cours de la vie de l’individu, il y dépose des marques. Enveloppe osseuse et cerveau sont imbriqués, ils se mettent en place conjointement durant la croissance. Ainsi, la forme du crâne adulte rappelle le moment du summum du développement du cerveau. Quand nous découvrons un crâne fossile, sa surface interne est moulée, soit physiquement, soit virtuellement grâce aux méthodes d’imagerie, pour reconstituer son endocrâne. C’est le reflet de la forme d’ensemble du cerveau ainsi que de fins détails, comme les limites entre les lobes et autres petits sillons qui traduisent l’extension des zones cérébrales. L’honneur est sauf, les <a href="https://paleobrain.jimdofree.com/">paléoanthropologues ont bien de quoi travailler</a> sur les cerveaux des humains préhistoriques.</p>
<p>Dans l’animation ci-dessous, on voit un modèle 3D du crâne fossile d’<em>Homo sapiens</em> Cro-Magnon 1. Le crâne est en gris et s’efface pour montrer l’endocrâne (le moulage interne du crâne qui reflète les empreintes laissées par le cerveau).</p>
<iframe src="https://gfycat.com/ifr/PotableHandsomeIrishredandwhitesetter" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen="" width="100%" height="640"></iframe>
<h2>Un cerveau de plus en plus gros</h2>
<p>Il est d’ailleurs généralement clamé que le cerveau <a href="https://www.hominides.com/html/dossiers/cerveau.php">croît en taille sans interruption depuis les premiers humains jusqu’à nous</a>. Globalement, c’est vrai. Mais cela n’a pas été une croissance régulière et continue. L’augmentation n’a pas été linéaire, la variation a connu plusieurs plateaux, des accélérations, mais aussi des diminutions avec plusieurs espèces extraordinaires.</p>
<p>Toumaï, le plus ancien bipède connu et premier humain de fait, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/nouvelles-lumieres-sur-7-millions-dannees-devolution-du-cerveau-1313351">a un endocrâne d’environ 370 cm³, ce qui représente à peine plus d’un tiers de litre</a>. C’est aussi un peu moins que le cerveau moyen des chimpanzés actuels. Poursuivons avec les Australopithèques qui vécurent sur une longue période, entre 4,5 et 1,5 millions d’années. Leur cerveau mesurait 400 à 550 cm<sup>3</sup>. Avec l’apparition du genre <em>Homo</em>, il y a environ 2,5 millions d’années, la moyenne du volume cérébral atteint 650 cm<sup>3</sup>. La stature, c’est-à-dire la taille du corps, augmente un peu aussi. Mais ces chiffres sont des moyennes globales pour des groupes. Certains Australopithèques avaient un endocrâne plus gros que certains <em>Homo</em> anciens. Ainsi, il y a une petite hausse de la moyenne, mais ce n’est pas une révolution. Pas de « Rubicon cérébral », une image longtemps employée pour dire que le cerveau d’<em>habilis</em> était proche du nôtre et bien différent de celui des Australopithèques. Cela ne se vérifie finalement pas.</p>
<p>Une rupture s’observe à partir d’<em>Homo erectus</em>. Cette espèce vécut pendant presque 2 millions d’années et fut la première à visiter tout l’ancien monde. Son cerveau atteint un volume moyen autour de 1 000 cm<sup>3</sup> avec une variation entre 600 et 1 300 cm<sup>3</sup>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C3%2C646%2C647&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le crâne fossile d’<em>Homo sapiens</em> Cro-Magnon 1, vue du spécimen original et de toutes les structures internes visualisées grâce à l’imagerie. L’endocrâne, visible à gauche, est montré en orange, en avant les sinus maxillaire, sphénoïdal et frontaux sont visibles, enfin la partie droite montre les variations d’épaisseur de l’os crânien. Toutes ses structures sont maintenant accessibles et peuvent être étudiées et comparées entre de nombreux spécimens fossiles afin de mieux comprendre l’évolution humaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Balzeau</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Les plus gros cerveaux furent ceux des Néandertaliens, avec une moyenne de 1 600 cm<sup>3</sup>. Les représentants préhistoriques de notre espèce, <em>Homo sapiens</em>, avaient un endocrâne à peine plus petit, aux alentours de 1 500 cm<sup>3</sup>. Puis, la taille de cet organe a diminué et la moyenne actuelle n’est plus que de 1 350 cm<sup>3</sup>.</p>
<p>Terrible révélation : notre encéphale a rétréci au cours des derniers milliers d’années. Par ailleurs, il y a des exceptions à la tendance générale à la hausse. « l’Homme de Flores » a vécu au moins entre 800 000 et 50 000 ans en Indonésie. L’individu le plus complet avait un endocrâne de 430 cm<sup>3</sup>. Tous les spécimens sur des centaines de milliers d’années avaient une stature similaire, et donc probablement une petite tête. Sur une île voisine, Luzon, des humains dénommés <em>Homo luzonensis</em> et datés d’il y a environ 50 000 ans avaient aussi une toute petite stature. Enfin, <em>Homo naledi</em> est une autre originalité, avec ses 500 à 600 cm<sup>3</sup> de cerveau alors qu’il vivait il y a environ 300 000 ans en Afrique du Sud. Tous ces humains ont été contemporains d’autres avec des cerveaux bien plus volumineux.</p>
<h2>Intelligence et taille du cerveau</h2>
<p>Il n’y a donc pas de croissance infinie et dirigée du cerveau au cours de l’évolution humaine. Ceci démontré, il reste un sujet à aborder. Celui de savoir s’il existe une relation entre taille du cerveau et intelligence.</p>
<p>Premier élément de réponse, indiscutable. Sur 7 millions d’années, la hausse du volume cérébral s’effectue en parallèle de l’acquisition de nouvelles compétences. Cela concerne la fabrication de nombreux outils, dont la complexité croît avec le temps, l’émergence d’une forme du langage articulé, l’apparition de la culture, de comportements symboliques et des arts… Ainsi, le lien se vérifie plutôt à une large échelle mais le détail entre espèces, ou parmi des individus choisis, est plus compliqué. <em>Homo floresiensis</em> naviguait peut-être, les premiers fabricants d’outils en pierre étaient des Australopithèques, ou les différentes espèces qui cohabitaient il y a 50 000 avaient des cerveaux de grande taille mais de structure clairement différente. N’oublions pas que la taille du cerveau ne saurait être le seul critère qui permet toutes les avancées de l’humanité.</p>
<p>L’organisation interne, la forme et diverses autres paramètres biologiques sont des facteurs déterminants et font aujourd’hui l’objet de nombreux travaux. Entre autres, il a été montré que les humains fossiles partagent un cerveau asymétrique depuis des millions d’années. Ces aspects sont impliqués dans de nombreuses fonctions chez les humains d’aujourd’hui, comme le langage ou la latéralité manuelle. Des caractères communs de structure ont aussi été observés chez la plupart des fossiles du genre <em>Homo</em>, même chez les espèces plus récentes qui ont un cerveau plus petit. Ainsi, les variations de forme et structure du cerveau sont complexes chez les humains fossiles. Le cerveau des terriens d’aujourd’hui a ses particularités, une grande hauteur par rapport à sa longueur et des lobes pariétaux étendus par exemple, mais des cerveaux humains très différents ont permis à leurs propriétaires de disposer de capacités cognitives élaborées.</p>
<p>Prenons pour finir un exemple mémorable d’étude sur le lien entre taille du cerveau et intelligence. Un chercheur a exploité les bases de données de l’armée américaine pour comparer des dizaines de milliers de spécimens. Il a calculé que les individus noirs avaient un cerveau plus petit que les blancs. C’est une démonstration mathématique, la moyenne est en effet plus faible. Cette petite différence est connue, il y a bien des variations de taille entre populations. Ce chercheur a aussi mis en évidence des résultats aux tests de QI plus faibles chez les noirs que chez les blancs. Pour lui, c’était la preuve que la taille de l’encéphale est directement corrélée à l’intelligence. Il justifiait ainsi la supériorité intellectuelle des blancs sur les noirs. Ce monsieur, bien que scientifique, avait sa petite idée en tête en menant cette recherche. Ce travail est vraiment publié comme un article scientifique. </p>
<p>Mais si le résultat est « juste » d’un point de vue purement mathématique, les <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/lideologie-du-racisme-un-mauvais-usage-de-la-science-pour-justifier-la-discrimination-raciale">interprétations sont totalement fausses</a>. En effet, les données étaient biaisées, et le scientifique le savait. L’échantillon d’hommes noirs comprenait exclusivement des soldats jeunes, sans formation, issus de milieux pauvres. Les blancs étaient des militaires âgés, gradés et de milieux aisés. Ainsi, la relation observée n’était pas entre taille du cerveau et QI, mais entre ce dernier et les conditions de vie et la formation suivie !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Variation de la taille du cerveau (en cm³) au cours du temps (en millions d’années) au sein des différentes espèces humaines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Balzeau</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Un lien existe bien entre le cadre socio-économique, la formation et les résultats à des tests de QI. Par contre, la taille du crâne, la couleur de peau ou tout critère biologique ne déterminent pas les capacités intellectuelles. Il existe une variation de taille du cerveau, entre 1 000 et 2 000 cm<sup>3</sup> pour une moyenne de 1 350 cm<sup>3</sup> chez <em>Homo sapiens</em>. Les femmes ont un cerveau plus petit que les hommes, les populations européennes que les populations asiatiques, etc. Aucune étude n’a pu différencier hommes et femmes ou les différentes populations à travers la planète selon leurs capacités intellectuelles. Au final, la seule vraie relation observée lie taille du cerveau et climat. C’est pour cela qu’il faut garder un esprit critique en sciences, une éventuelle corrélation n’est pas la preuve d’une relation de causalité. Inutile de développer des thèses racistes ou sexistes basées sur l’origine, le genre, la couleur ou la supposée puissance civilisationnelle ! Pour ce qui est du cerveau, il est démontré que ce n’est pas la taille qui compte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176425/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Balzeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Peut-on établir un lien entre intelligence et taille du cerveau ?
Antoine Balzeau, Paléoanthropologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/175199
2022-01-30T19:09:20Z
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Ce dinosaure était-il bipède ou quadrupède ? Comment savoir ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/443042/original/file-20220127-8422-4gj6lo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2041%2C1361&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Squelettes de _Dromaeosaurus albertensis_ exposés au _Natural History Museum_ de Londres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/11327456@N00/120035623">James Offer/flickr</a></span></figcaption></figure><p>Dès la découverte des premiers dinosaures fossiles au début du XIX<sup>e</sup> siècle, des questions se sont posées au sujet de leur posture : sur deux pattes, ou sur quatre pattes ? Face à un <em>Diplodocus</em> ou à un T. rex, peu d’hésitation. Mais pour de nombreux autres, le message des os n’est pas aussi limpide. Alors comment les paléontologues font-ils pour déterminer quelle pouvait être la posture de ces créatures du passé ?</p>
<h2>Des erreurs corrigées au fil du temps</h2>
<p>Parlons-en du premier dinosaure connu ! Il s’agit de <em>Megalosaurus</em>, alias « grand lézard », qui vivait au Jurassique moyen (il y a env. 168-166 millions d’années) dans l’actuelle Angleterre et dont la description scientifique date de 1824.</p>
<p>À cette époque, William Buckland, son descripteur, ne possédait qu’une mâchoire pourvue de plusieurs dents, ainsi que des vertèbres et os longs des membres. Les premières représentations le figurent en lézard géant, d’une quinzaine de mètres de long, et donc en quadrupède avec les pattes disposées sur les côtés. Suite aux découvertes ultérieures, et notamment aux travaux de Richard Owen, les dinosaures ne sont plus représentés avec des pattes écartées du corps latéralement, mais avec des membres plus verticaux. C’est dans cette posture quadrupède érigée que <em>Megalosaurus</em> est représenté au <em>Crystal Palace Park</em> de Londres, où sont exposées en 1853 des reconstitutions grandeur nature de dinosaures. Aujourd’hui, les paléontologues savent que cette espèce, qui mesurait 6 à 7 mètres de long, était en réalité bipède.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/442898/original/file-20220127-28-1slm3eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Gauche : le dinosaure est sur 4 pattes, il ressemble à un gros varan, avec des pattes et un corps massif et une tête plus fine ; Droite : deux dinosaures dressés sur leurs pattes arrières, avec deux pattes avant très petites, l’allure est plus élancée" src="https://images.theconversation.com/files/442898/original/file-20220127-28-1slm3eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442898/original/file-20220127-28-1slm3eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442898/original/file-20220127-28-1slm3eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442898/original/file-20220127-28-1slm3eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442898/original/file-20220127-28-1slm3eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442898/original/file-20220127-28-1slm3eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442898/original/file-20220127-28-1slm3eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Représentations de <em>Megalosaurus</em>, dans une version quadrupède du <em>Crystal Palace Park</em> (gauche) et bipède (droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gauche : Cgp Grey/Flickr ; Droite : LadyofHats/Wikimedia commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres erreurs de reconstitution ont ainsi été corrigées au cours du temps et de l’avancée des connaissances en paléontologie. C’est le cas par exemple pour l’<em>Iguanodon</em>, représenté comme un quadrupède massif, puis comme un bipède dont la queue trainait par terre et enfin, aujourd’hui, comme un quadrupède capable d’être facultativement bipède (comme dans le dessin animé de Disney <em>Dinosaure</em>).</p>
<p>Ces changements de posture accompagnent également un changement dans la perception des dinosaures qui s’est produit dans les années 70, notamment lorsqu’il a été reconnu que les oiseaux sont bien des dinosaures. On est passé d’une image de créatures lourdes assez amorphes à celle d’animaux dynamiques relativement agiles.</p>
<h2>D’abord bipèdes ! Puis plusieurs retours à la quadrupédie</h2>
<p>Les dinosaures sont un groupe intéressant pour étudier les transitions posturales. Ils montrent en effet au moins quatre cas de transition de la bipédie à la quadrupédie : chez les sauropodomorphes (groupe du <em>Diplodocus</em>) et à au moins trois reprises chez les ornithischiens (autres herbivores tels que <em>Triceratops</em>, <em>Stegosaurus</em> et <em>Ankylosaurus</em>).</p>
<p>En effet, les premiers dinosaures étaient bipèdes. Une hypothèse suggère d’ailleurs que les dinosaures doivent leur succès évolutif, et donc leur grande et rapide diversification (radiation) dès le début du Trias, aux avantages liés à leur posture bipède. Ils auraient ainsi été plus rapides et agiles que leurs contemporains, les pseudosuchiens, groupe représenté actuellement par les crocodiliens. Cette hypothèse porte le nom <a href="https://youtu.be/BZR96Y5Rgr4">d’hypothèse de la supériorité locomotrice</a>.</p>
<p>Mais lorsque l’on devient massif, la bipédie n’est plus forcément la posture la plus avantageuse, d’où les retours à la quadrupédie.</p>
<h2>Comment nous renseignent les os ?</h2>
<p>Il y a un certain nombre de caractéristiques au niveau du squelette des membres qui permettent de distinguer la posture des dinosaures. C’est notamment le cas de rapports de longueurs et de la présence de certaines structures osseuses, telles que des attaches musculaires. Ces attaches sont en effet généralement relativement plus développées chez les quadrupèdes sur l’humérus (os du bras), l’ulna (ou cubitus, os de l’avant-bras) et moins développées sur le fémur (os de la cuisse), où s’attachent les muscles de la queue. Les dinosaures quadrupèdes ont également des membres antérieurs proportionnellement plus longs et des métatarsiens (os du pied) plus courts que les dinosaures bipèdes. La masse musculaire des bipèdes se concentre en effet davantage vers le haut des membres postérieurs, éloignant le centre de gravité de l’animal du sol, ce qui permet notamment des mouvements rapides et de meilleures capacités de course.</p>
<p>Les pieds sont positionnés verticalement sous le bassin chez les dinosaures quadrupèdes tandis qu’ils sont plus proches de la ligne médiane du corps (qui passerait verticalement au milieu du corps) chez les bipèdes, comme chez l’humain chez qui le genou est plus près de cette ligne que le haut de la cuisse. En effet, éloigner les pieds de la ligne médiane chez un bipède lui ferait perdre beaucoup de stabilité, du fait de la répartition du poids sur seulement deux membres et de son centre de masse situé plus en arrière du corps et plus loin du sol.</p>
<p>Le passage bipède-quadrupède chez les dinosaures est généralement lié à une forte augmentation de taille, si bien que des caractéristiques liées à un poids massif sont souvent associées à celles liées à la quadrupédie et il n’est pas toujours évident de les distinguer. Par exemple, les formes géantes présentent un allongement encore plus marqué des membres antérieurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/442904/original/file-20220127-16-1gk5otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Allosaurus : les os sont plus fins et plus courbés ; Giraffatitan : les os sont plus massifs et plus droits" src="https://images.theconversation.com/files/442904/original/file-20220127-16-1gk5otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442904/original/file-20220127-16-1gk5otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442904/original/file-20220127-16-1gk5otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442904/original/file-20220127-16-1gk5otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442904/original/file-20220127-16-1gk5otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442904/original/file-20220127-16-1gk5otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442904/original/file-20220127-16-1gk5otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Membres postérieurs du théropode <em>Allosaurus</em> (bipède) et du sauropode <em>Giraffatitan</em> (quadrupède géant) en vue postérieure (à gauche) et de profil gauche (à droite) montrant les membres plus verticaux chez <em>Giraffatitan</em> et les différences de proportions entre les os des membres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://gspauldino.com/HunteriaBrachio.pdf">Romain Pintore, illustrations modifiées à partir de G. S. Paul et F. Trip & G. S. Paul (1988)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La détermination de la posture s’appuie généralement sur l’identification de plusieurs de ces différentes caractéristiques anatomiques. Elle nécessite d’avoir une bonne représentation des proportions globales du squelette et donc des restes assez complets. Cependant, des chercheurs ont tenté de trouver des caractéristiques permettant de prédire si un organisme était bipède ou quadrupède à partir d’un seul os. C’est ce qu’a fait une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/joa.13598">équipe internationale</a> sur le fémur. Leur étude permet non seulement de mettre en évidence les caractéristiques morphologiques liées à une augmentation de taille (comme les extrémités de l’os plus robustes chez les plus massifs) et liées à un changement de posture (comme un os plus courbé chez les bipèdes), mais aussi de les différencier. Comme quoi, avec un seul os, on peut parfois en apprendre beaucoup !</p>
<h2>Et à partir de représentations de l’animal entier ?</h2>
<p>Des chercheurs ont modélisé la position du centre de masse (CoM) chez divers dinosaures. Une <a href="https://www.researchgate.net/profile/Susannah-Maidment/publication/265733436_What_drove_reversions_to_quadrupedality_in_ornithischian_dinosaurs_Testing_hypotheses_using_centre_of_mass_modelling/links/5823064d08aeb45b588916f4/What-drove-reversions-to-quadrupedality-in-ornithischian-dinosaurs-Testing-hypotheses-using-centre-of-mass-modelling.pdf">équipe anglo-canadienne</a> a étudié cela chez plusieurs ornithischiens chez lesquels une position trop antérieure du CoM, rendant naturellement la locomotion bipède impossible, a permis d’identifier un mode de locomotion quadrupède. Cette étude a également suggéré que le développement d’excroissances au niveau du crâne, mais également du dos et de la queue (telle la massue des ankylosaures) avait pu avoir un rôle important dans l’évolution de la position du CoM, en le tirant vers l’avant pour les collerettes et cornes par exemple, et ainsi de la posture, au moins au sein des cératopsiens (comme <em>Triceratops</em>).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/442907/original/file-20220127-18-7w3z8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Gauche : dinosaure bipède penché vers l’avant, le CoM est proche de la hanche, aligné avec la pointe du pied ; Droite : dinosaure sur 4 pattes, le CoM est au niveau du ventre, entre les deux articulations des pattes avant et arrières" src="https://images.theconversation.com/files/442907/original/file-20220127-18-7w3z8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442907/original/file-20220127-18-7w3z8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=127&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442907/original/file-20220127-18-7w3z8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=127&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442907/original/file-20220127-18-7w3z8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=127&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442907/original/file-20220127-18-7w3z8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=159&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442907/original/file-20220127-18-7w3z8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=159&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442907/original/file-20220127-18-7w3z8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=159&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Reconstitution des silhouettes et de la position du centre de masse (ainsi que des articulations de l’épaule et de la hanche) chez le cératopsien primitif <em>Psittacosaurus</em> (inféré bipède, gauche) et le cératopsien plus dérivé <em>Chasmosaurus</em> (inféré quadrupède, droite). Échelles : 1 mètre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs00114-014-1239-2">Alexandra Houssaye, modifié d’après Maidment et al. (2014)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des changements de posture au cours de la croissance ?</h2>
<p>Une équipe internationale a également analysé si des critères pouvaient permettre d’étudier des changements de posture au cours de la croissance. Ces <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/pala.12451">chercheurs</a> ont ainsi suggéré, sur la base des circonférences des humérus (os du bras) et fémur (cuisse), un changement de posture de quadrupède à bipède chez le sauropode primitif <em>Mussaurus</em> et chez le cératopsien primitif <em>Psittacosaurus</em>. <em>Mussaurus</em> et <em>Psittacosaurus</em> occupent des positions dans l’arbre évolutif des dinosaures proches de là où des transitions évolutives de la posture (entre adultes de différentes espèces et non entre juvéniles et adultes d’une même espèce) semblent s’être produites (passage bipédie-quadrupédie chez les sauropodomorphes et chez les cératopsiens). Cette découverte suggère ainsi que ces caractères posturaux juvéniles auraient ensuite été retenus chez les adultes au cours de l’évolution.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/442917/original/file-20220127-28-1bzconi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Éclosion : dinosaure entièrement quadupède ; 1 an : quadrupède, mais la posture commence légèrement à se redresser et les pattes avant à rétrécir ; Adulte : bipède, les pattes arrières, la posture reste penchée vers l’avant" src="https://images.theconversation.com/files/442917/original/file-20220127-28-1bzconi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442917/original/file-20220127-28-1bzconi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442917/original/file-20220127-28-1bzconi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442917/original/file-20220127-28-1bzconi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442917/original/file-20220127-28-1bzconi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=139&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442917/original/file-20220127-28-1bzconi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=139&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442917/original/file-20220127-28-1bzconi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=139&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Reconstitutions de <em>Mussaurus</em> à éclosion, à un an et adulte, marquées par un changement de posture de quadrupède à bipède au cours de la croissance.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-44037-1">Alexandra Houssaye, modifié d’après Otero et al. (2019)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Et si on n’a pas de squelette ?</h2>
<p>En plus des caractéristiques morphologiques, les empreintes peuvent aussi être un très bon indicateur quant à la posture. L’étude des empreintes s’appelle l’ichnologie. Malheureusement, il reste très difficile d’associer de façon précise des empreintes au dinosaure qui les a laissées. Elles permettent néanmoins de caractériser la locomotion de groupes de dinosaures identifiés à un rang taxonomique plus large (comme le genre ou la famille).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/442914/original/file-20220127-4708-9xk1dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo d’une portion de pierre marquée de trois jeux d’empreintes ; un dessin de la zone permet de les mettre en évidence" src="https://images.theconversation.com/files/442914/original/file-20220127-4708-9xk1dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442914/original/file-20220127-4708-9xk1dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442914/original/file-20220127-4708-9xk1dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442914/original/file-20220127-4708-9xk1dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442914/original/file-20220127-4708-9xk1dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442914/original/file-20220127-4708-9xk1dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442914/original/file-20220127-4708-9xk1dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Pistes de sauropodes du Jurassique du Maroc. LM : main gauche (left manus), RP : pied droit (right pes).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.researchgate.net/profile/Jens-Lallensack/publication/330703643_Forelimb_Orientation_and_Locomotion_of_Sauropod_Dinosaurs_Insights_from_the_Middle_Jurassic_Tafaytour_Tracksites_Argana_Basin_Morocco/links/5dfb9241299bf10bc368afee/Forelimb-Orientation-and-Locomotion-of-Sauropod-Dinosaurs-Insights-from-the-Middle-Jurassic-Tafaytour-Tracksites-Argana-Basin-Morocco.pdf">Alexandra Houssaye, modifié d’après Lallensack et al. (2018)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chez les sauropodes, de nombreuses empreintes de mains chez des formes petites à moyennes montrent une orientation latérale, tandis qu’elles sont davantage orientées vers l’avant chez des formes de grandes tailles. Cela a conduit des chercheurs à suggérer une réduction de la mobilité de la main liée à l’augmentation de la taille du corps ou causée par l’ossification continue des articulations avec l’augmentation de l’âge des individus. Ces <a href="https://www.researchgate.net/profile/Jens-Lallensack/publication/330703643_Forelimb_Orientation_and_Locomotion_of_Sauropod_Dinosaurs_Insights_from_the_Middle_Jurassic_Tafaytour_Tracksites_Argana_Basin_Morocco/links/5dfb9241299bf10bc368afee/Forelimb-Orientation-and-Locomotion-of-Sauropod-Dinosaurs-Insights-from-the-Middle-Jurassic-Tafaytour-Tracksites-Argana-Basin-Morocco.pdf">chercheurs</a> ont également mis en évidence, en comparant les empreintes de mains et de pieds, qu’une orientation plus antérieure des mains était également utilisée à des vitesses plus élevées, permettant au membre antérieur d’être lui aussi impliqué dans la propulsion de l’animal. En effet, la propulsion est toujours essentiellement assurée par les membres postérieurs chez les quadrupèdes. De plus, leur étude a montré un découplage dans les variations de posture et d’orientation des membres antérieurs et postérieurs, reflétant probablement des différences anatomiques et fonctionnelles marquées. Donc même sans squelette, on arrive à obtenir des informations sur la posture.</p>
<p>Ainsi, de nombreuses études sont en cours pour tenter d’élucider la posture des dinosaures, qu’il s’agisse de préciser la locomotion de formes pour lesquelles il n’y a plus d’ambigüité entre bipédie et quadrupédie, ou de comprendre le mode de locomotion de formes dont la posture reste bien plus énigmatique. Il y a notamment encore du travail avec toutes ces formes essentiellement quadrupèdes, mais capables de se déplacer de façon bipède et celles essentiellement bipèdes, mais capables de se mouvoir de façon quadrupède. Car elles ne sont pas rares ! Les études combinées de diverses équipes de recherche utilisant des approches différentes permettent au fur et à mesure de compléter nos connaissances dans ce domaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175199/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Houssaye a reçu des financements du CNRS et de l'ERC</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Romain Pintore ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les dinosaures sont-ils bipèdes ou quadrupèdes ? Pour répondre à cette question, les paléontologues peuvent s’aider de plusieurs indices, squelettiques mais pas que !
Alexandra Houssaye, Chercheuse Paleobiologie/Morphologie fonctionnelle, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Romain Pintore, Doctorant en Paléobiologie et Morphologie Fonctionnelle, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/171552
2021-12-02T19:17:06Z
2021-12-02T19:17:06Z
Les populations de chasseurs-cueilleurs du Paléolithique connaissaient-elles la violence ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435281/original/file-20211202-18590-gt2ghq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C0%2C4128%2C2743&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photographie d’archive illustrant la tombe double des individus JS 20 et JS 21 avec l’indication par les crayons de la position des artéfacts lithiques associés.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Fond d’Archives Wendorf du British Museum.</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La violence est-elle le propre de l’Homme ? Vaste question, surtout dans une ère médiatique où les comportements violents alimentent régulièrement les informations. Mais qu’en est-il dans les périodes anciennes ? La violence est-elle consubstantielle au genre humain ou, au contraire, s’est-elle construite au fil de l’histoire avec l’émergence des sociétés modernes ?</p>
<p>Cette question a très tôt alimenté les controverses constitutives de la philosophie moderne à travers l’opposition classique entre Hobbes et Rousseau. Pour le premier, la violence est constitutive des humains qui, dans leur forme naturelle, sont dans un état de guerre et de violence permanent. Des lois sont donc nécessaires pour réguler ces comportements et passer de l’état de nature à l’ordre politique artificiellement crée. Rousseau s’oppose lui à cette vision en faisant des humains des êtres naturellement bons, innocents et purs qui seraient peu à peu pervertis par les constructions politiques.</p>
<h2>Faire parler les traces archéologiques</h2>
<p>Centrale en philosophie, la question de la violence est aussi présente très tôt en archéologie classique. Parmi les épisodes violents les plus célèbres, on peut citer l’épopée légendaire de Gilgamesh, ce roi de la première dynastie d’Uruk datée du 3<sup>e</sup> millénaire avant J.-C dans le Sud mésopotamien. D’autres exemples pourraient être convoqués dans l’Antiquité, mettant en scène des peuples celtes ou gaulois en guerre face à des Grecs ou des Romains. Mais là n’est pas notre objet puisque nous voulons ici enquêter sur les origines de la violence dans les sociétés humaines très anciennes, celles du Paléolithique. Pour ce faire, il nous faut quitter l’écriture et les récits et accepter de nous concentrer uniquement sur des traces archéologiques, qu’il faut décrypter puis faire parler.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-larcheologie-enquete-sur-lorigine-de-la-violence-organisee-149382">Quand l’archéologie enquête sur l’origine de la violence organisée</a>
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<p>Pendant des centaines de milliers d’années d’évolution humaine, disons jusqu’à l’avènement d’Homo sapiens, il faut bien avouer que les préhistoriens n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent ! En effet, s’il existe bien quelques traces synonymes de coups violents sur des ossements humains, elles ne suffisent pas à attester l’homicide volontaire entraînant la mort. En archéologie, prouver l’action de donner volontairement la mort relève d’une enquête multiméthode particulièrement difficile et les archéologues doivent souvent se contenter de l’identification d’une seule modalité qui consiste à briser le bon fonctionnement de la physiologie humaine en lui faisant subir des traumatismes violents.</p>
<h2>Pratiques anthropophages</h2>
<p>Chez les Néandertaliens, on trouve ça et là des traces de fracturation intentionnelle sur des os frais ou des traces de découpe provoquées par des tranchants en pierre sur les os, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.271.5247.277">traduisant une désarticulation et l’ablation des parties molles du corps</a>. Dans certains cas, ces modalités d’intervention post-mortem reflètent une pratique anthropophage, aujourd’hui clairement attestée dès 800 000 ans avant le présent. Sur le site de Gran Dolina à Atapuerca, en Espagne, 170 restes humains appartenant à 11 individus ont été découverts et la plupart portent des stigmates d’intervention anthropiques, correspondant à des traces de découpes laissées par des outils tranchants en pierre taillée, des marques de raclage indiquant sans doute le prélèvement des muscles ou encore des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004724849990324X">marques de percussion laissées par un galet pour briser les os et en récupérer la moelle</a>. Des pratiques cannibales qui sont donc très anciennes et ici attribuées pour les premières connues à Homo antecessor, espèce humaine fossile qui serait proche du dernier ancêtre commun entre les Néandertaliens et Homo sapiens. Nous retrouverons d’autres témoignages probants d’une pratique cannibale chez les Néandertaliens, entre 100 et 50 000 avant le présent sur au moins 6 gisements européens. Mais rien dans ces pratiques, souvent interprétées comme des pratiques anthropophages à visée gastronomique, ne vient plaider pour l’homicide volontaire entraînant la mort !</p>
<p>La première évidence significative d’une violence entre individus est illustrée par un cas isolé vieux d’environ 450 000 ans. Toujours à Atapuerca mais cette fois-ci sur le site archéologique de La Sima de los Huesos, des individus se sont affrontés au corps à corps et les coups ont alors entraîné la mort, <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0126589">comme en témoignent certaines traces évidentes</a>.</p>
<p>Un crâne en particulier porte les stigmates de deux perforations létales sur l’os frontal, interprétées comme le résultat de deux coups portés par la même arme contondante dans un conflit interpersonnel face à face. Il y a plusieurs centaines de milliers d’années, un individu en a donc tué un autre, deux humains ont pu s’affronter pour des raisons à jamais inconnues qui nous renseignent sur l’ancienneté d’un comportement agressif, mais pas sur des phénomènes violents collectivement constitués ni sur les structures sociales qui les sous-tendent.</p>
<p>Devant l’opacité des données pour les périodes très anciennes du Paléolithique, tournons-nous maintenant vers le Paléolithique récent qui, à partir de 45 000 ans avant le présent, marquent l’arrivée des populations d’Homo sapiens à l’origine de la diversité actuelle en Eurasie. De nouveaux registres archéologiques apparaissent et l’on pense en particulier à la multiplication drastique des armes de chasse en silex ou en bois de cervidés comme celle des objets ostensibles que sont les parures ornementales faites en coquillages, en pierre ou en matières dures animales. En dépit de toutes ces innovations et de la rencontre avérée entre plusieurs humanités qui donnent lieu à un métissage entre Néandertal et Homo sapiens, les traces irréfutables de violence collective restent minces. Sur les parois des grottes, l’art figuratif qui s’affiche désormais ne représente pas, ou très peu, d’êtres humains et a fortiori de scènes de violence, hormis les quelques humains transpercés de traits que l’on découvre à Cougnac ou Pech Merle et qui peuvent très bien figurer des scènes d’accidents de chasse ou des sacrifices symboliques. D’autres exemples d’interprétation délicate viennent des sépultures, à l’image de cette pointe de silex fichée dans la colonne vertébrale d’un des enfants de Grimaldi, <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/204594">retrouvé dans une grotte près de Menton</a>.</p>
<h2>Jebel Sahaba : une découverte fondatrice</h2>
<p>C’est du nord du Soudan que nous vient une découverte tout à fait exceptionnelle <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Prehistory_of_Nubia.html?id=JWdyAAAAMAAJ&redir_esc=y">réalisée au début des années 1960 par Wendorf</a>. Elle a eu lieu dans le cadre des campagnes de fouilles de sauvetage mises en place par l’Unesco afin de sauver le riche patrimoine archéologique de Basse Nubie qui allait être inondé par le lac Nasser suite à la construction du haut barrage d’Assouan. La nécropole fouillée, appelée Jebel Sahaba, est très singulière : à la toute fin du Paléolithique récent, aux alentours de 13 500 ans avant le présent, au moins 64 sujets y ont été inhumés en position fléchie, le plus souvent déposés dans des fosses ovales recouvertes de dalles peu épaisses. La majorité des tombes sont individuelles, mais certaines contiennent plusieurs individus (4 tombes doubles et 4 tombes multiples, renfermant jusqu’ à 5 individus). Pour ces périodes du Paléolithique, trouver une telle concentration d’individus inhumés est déjà remarquable : il s’agit du premier grand ensemble funéraire de l’histoire de l’humanité, le premier cimetière en quelque sorte.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/435293/original/file-20211202-19-ocnjqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435293/original/file-20211202-19-ocnjqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435293/original/file-20211202-19-ocnjqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435293/original/file-20211202-19-ocnjqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435293/original/file-20211202-19-ocnjqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435293/original/file-20211202-19-ocnjqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1128&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435293/original/file-20211202-19-ocnjqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1128&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435293/original/file-20211202-19-ocnjqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1128&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photographie d’archive illustrant la fouille du cimetière de Jebel Sahaba en 1965.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fond d’Archives Wendorf du British Museum.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ce qui est encore plus surprenant, c’est le nombre de traces de violence présentes sur plus de la moitié des individus. <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Prehistory_of_Nubia.html?id=JWdyAAAAMAAJ&redir_esc=y">Les premiers travaux sur cette collection</a> avaient mis en évidence la présence de traces de violences interpersonnelles sur les squelettes de vingt individus dont certains avaient encore des fragments d’armatures en pierre taillée fichés dans les ossements. Le site de Jebel Sahaba avait depuis cette découverte acquis un statut presque iconique dans les travaux portant sur les premiers moteurs du comportement violent et de guerres organisée.</p>
<p>Récemment, une équipe pluridisciplinaire dirigée par l’une d’entre nous (IC) a pu réétudier l’ensemble de la collection conservée au British Museum afin de caractériser la <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-021-89386-y">nature des lésions présentes sur ces individus</a>. Ces nouveaux travaux confirment que les lésions osseuses sont bien le résultat de la violence humaine et qu’elles ont été réalisées principalement avec des armes à projectiles, notamment des lances et des flèches. D’autres lésions, comme les fractures cicatrisées des avant-bras ou des os de la main, ou certains traumatismes crâniens, témoignent, elles, de combats rapprochés. La violence dont ont été victimes au moins deux tiers des personnes inhumées n’est désormais plus considérée comme résultant d’un événement unique. En effet, plusieurs individus présentent en plus des traces d’impact de projectiles ayant causé la mort, des blessures par arme de jet antérieures qui ont cicatrisé, indiquant de multiples événements violents tout au long de la vie d’une personne.</p>
<p>L’analyse de la distribution anatomique des lésions à Jebel Sahaba montre également que, contrairement à la plupart des exemples archéologiques de l’époque, les traces de violences sont étendues et ne se limitent pas à une catégorie de personnes : les femmes, les hommes ainsi que les enfants ont été touchés de façon indiscriminée.</p>
<p>Enfin, la démographie du cimetière et la réutilisation de certaines tombes pour le dépôt différé d’individus soutiennent l’idée d’épisodes de violence interpersonnelle récurrents à petite échelle entre membres de communauté différentes, sous forme d’escarmouches, de raids ou d’embuscades. Ce type de guerre au long cours, de faibles magnitudes, est assez similaire aux exemples documentés par les ethnologues et ethnoarchéologues <a href="https://www.google.fr/books/edition/Violence_and_Warfare_among_Hunter_Gather/nVmTDAAAQBAJ?hl=en&gbpv=0">au sein des sociétés de chasseurs-pêcheur-cueilleurs plus récentes</a>. Le site du début de l’Holocène de Nataruk au Kenya, légèrement plus récent que Jebel Sahaba, pourrait d’ailleurs représenter un instantané de ces types de conflits dont les <a href="https://www.nature.com/articles/nature16477">victimes n’auraient pas pu être ramenées au sein de leur communauté et inhumées</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435292/original/file-20211202-13-1rlopmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435292/original/file-20211202-13-1rlopmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435292/original/file-20211202-13-1rlopmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435292/original/file-20211202-13-1rlopmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435292/original/file-20211202-13-1rlopmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435292/original/file-20211202-13-1rlopmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435292/original/file-20211202-13-1rlopmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trace d’impact de projectile avec éclat lithique fiché dans le percement au niveau de la surface postérieure de l’os coxal gauche de l’individu JS 21.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Crevecœur/Marie-Hélène Dias-Meirinho</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<p>Les travaux ethnographiques nous montrent que les raisons de ces conflits intergroupes peuvent être extrêmement diverses, entre motifs culturels souvent difficilement accessibles au niveau de l’archive archéologique, pression démographique, ou contraintes environnementales, sans exclure un mélange de ces différents composants pour justifier un point de basculement au sein de ces équilibres précaires.</p>
<p>Dans le cas de Jebel Sahaba, des changements climatiques sévères sont documentés dans la vallée du Nil à la fin du Pléistocène supérieur, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379115301517">entre environ 20 000 et 11 000 ans avant le présent</a>. Les données archéologiques montrent en outre une très forte concentration d’occupations humaines dans une zone réduite de la Vallée du Nil à cette époque associée à une grande diversité d’industries de pierre taillée interprétées <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/feart.2020.607183/full">comme de fortes composantes culturelles des groupes humains de la région</a>. Les changements environnementaux documentés à cette période et la pression démographique sur une zone géographie restreinte sont susceptibles d’avoir été une source de rivalité pour l’accès aux ressources entre des groupes humains culturellement déjà très structurés. L’exemple de Jebel Sahaba permet d’ores et déjà d’affirmer que la violence socialement constituée précède l’avènement des sociétés agricoles et pastorales du Néolithique, souvent citées comme étant les premières dans l’histoire de l’humanité à documenter ce type de comportements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Crevecoeur a reçu des financements de la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société in Toulouse (MSHS-T), et de l'Agence national de la recherche (ANR-14-CE31 BIG DRY).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Teyssandier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Centrale en philosophie, la question de la violence est aussi présente très tôt en archéologie classique.
Isabelle Crevecoeur, Chargée de recherche au CNRS, Paléoanthropologue, Université de Bordeaux
Nicolas Teyssandier, Chargé de recherche CNRS, Préhistorien, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
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