tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/paris-21728/articlesParis – The Conversation2024-03-25T16:36:13Ztag:theconversation.com,2011:article/2255992024-03-25T16:36:13Z2024-03-25T16:36:13ZPourquoi prendre le métro nous expose à davantage de particules fines<p>Prendre le métro accroît-il notre risque de faire des AVC ? S’il y a quelque temps, une telle affirmation aurait pu sembler saugrenue, les études réalisées sur les taux de particules fines du métro parisien légitiment désormais une telle question. Afin de comprendre pourquoi, il faut d’abord s’attarder sur ce que sont ces particules fines, et la façon dont nous pouvons les mesurer.</p>
<p>Le terme « particules fines » désigne tous les aérosols solides et semi-volatiles en suspension dans l’air, ayant une taille allant de quelques nanomètres (nm), c’est-à-dire un milliardième de mètre à quelques centaines de micromètres (µm), c’est-à-dire un millionième de mètre. Pour comparer, le diamètre d’un cheveu est d’environ 70 µm et celui d’un globule rouge est de 7 µm. La mesure de la taille et de la concentration de ces particules fines est devenue un enjeu sanitaire du fait des nombreuses pathologies qu’elles génèrent lors des épisodes de pollution atmosphérique.</p>
<h2>La mesure des particules fines</h2>
<p>En France, les mesures de surveillance de la pollution sont menées par les agences de surveillance de la qualité de l’air (<a href="https://www.atmo-france.org/article/laasqa-de-votre-region">AASQA</a>), qui, pour les particules fines, se concentrent sur leurs concentrations massiques par m<sup>3</sup>. Y sont mesurées les PM<sub>10</sub> (masse cumulée de toutes les particules inférieures à 10 µm) et les PM2.5 (particules inférieures à 2,5 µm). La mesure des particules fines a commencé il y a 45 ans pour les PM<sub>10</sub>, suivie, une vingtaine d’années plus tard, par celles des PM2.5. Mais cette échelle de mesure pose de plus en plus question, car elle minimise la contribution des particules très fines et ultrafines respectivement inférieures à 1 µm et 0,1 µm.</p>
<p>L’intérêt pour les particules ultrafines est, de fait, plus récent, depuis les premiers travaux médicaux sur leur dangerosité jusqu’à la reconnaissance par la communauté scientifique depuis une dizaine d’années de la nécessité de les mesurer.</p>
<p>Pour le moment, nous nous contenterons cependant de scruter l’échelle des PM2.5 qui présente un compromis entre la nécessité de mesurer les plus petites particules et celle d’avoir une référence de mesure. La norme actuelle est de ne pas dépasser une moyenne annuelle de 25 µg/m<sup>3</sup>. L’OMS a récemment publié de nouveaux objectifs : 5 µg/m<sup>3</sup> en moyenne sur l’année et 15 µg/m<sup>3</sup> en valeur limite journalière. Pour aller vers ces recommandations, la Commission européenne vient d’abaisser en février 2024 la moyenne annuelle à <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/air-quality/">10 µg/m³</a>
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<h2>Mesurer les particules fines du métro</h2>
<p>Voici pour ce qui est des échelles de mesure. Mais vient ensuite une autre question, tout aussi importante : où effectuer ces mesures ?</p>
<p>Les normes de la qualité de l’air ne concernent que l’air ambiant extérieur. Néanmoins, il semble raisonnable de proposer d’étendre ces valeurs aux enceintes souterraines des métros et des trains, puisque l’air qui y circule provient d’une ventilation naturelle à partir de l’air en surface. De plus, les transports en commun sous-terrain sont utilisés quotidiennement par un grand nombre d’usagers : avec <a href="https://www.ratpdev.com/fr/groupe">12 millions de déplacements</a> chaque jour pour ce qui concerne la RATP. Dès lors la question de la qualité de l’air de ces lieux sous-terrain <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/les-francais-utilisent-toujours-plus-les-transports-en-commun-1152214#:%7E:text=Au%20niveau%20national%2C%20le%20mode,et%20le%20TER%20(18%20%25).">où transitent 72 % de la population française</a> est tout sauf négligeable.</p>
<p>Dans l’attente de normes qui ne sont toujours pas établies, différentes équipes scientifiques ont mené depuis une vingtaine d’années des études dans différents réseaux de métro, n’étant pas satisfaits des informations souvent rassurantes que donnaient certains opérateurs de ces réseaux.</p>
<h2>Pourquoi la qualité de l’air n’est pas bonne dans le métro ?</h2>
<p>Si l’on se penche maintenant sur la situation de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935115301705">qualité de l’air de la plupart des métros du monde entier, on constate rapidement qu’elle n’est pas bonne</a>. Cette réalité a en fait deux causes majeures :</p>
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<li><p>Le prélèvement de l’air extérieur, qui s’effectue souvent depuis des grilles au ras de la chaussée. L’air est alors très chargé des particules fines directement issues du trafic routier (moteurs, freins, pneus). Ainsi la pollution de l’air dans le métro ne peut être inférieure à celle de l’air extérieur.</p></li>
<li><p>La génération de particules fines liées à l’activité du métro. Ces particules proviennent principalement du freinage, mais aussi de l’usure des roues et des rails, de l’effritement naturel du ballast et de la voute des tunnels. Le passage des rames peut aussi entraîner un ressoulèvement des particules.</p></li>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’usure des rails et les systèmes de freinage du métro peut aggraver l’exposition aux particules fines des usagers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Falgui%C3%A8re_Paris_Metro_Station.jpg">Planespotter1/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les études précédemment menées considèrent la valeur globale en PM2.5 et en PM<sub>10</sub>. Elles sont localement représentatives de ce que respirent les usagers, mais ne permettent pas d’estimer la contribution du métro par comparaison à un voyage qui aurait été effectué à pied en air extérieur. Pour mesurer cela, nous avons introduit la notion de sur-pollution, c’est-à-dire la contribution uniquement liée au métro, qui est obtenue en soustrayant aux mesures effectuées dans les stations celles de l’air extérieur à proximité.</p>
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<p>Plusieurs campagnes ont été menées de manière indépendante par rapport à la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) pour évaluer cette sur-pollution. La plus récente a été réalisée avec les équipes du magazine « Vert de Rage » diffusé sur France 5, en utilisant des capteurs mobiles Pollutrack, qui servent normalement à <a href="https://www.mdpi.com/2073-4433/12/5/529">cartographier l’air extérieur de Paris</a>. La stratégie a consisté à effectuer les mesures pour toutes les stations du métro parisien aux heures de pointe, et à les comparer aux mesures à l’extérieur. Certaines stations mal ventilées présentent des valeurs de sur-pollution de plusieurs dizaines de µm/<sup>3</sup>, comme Charonne, Javel ou Pont de Neuilly, ainsi que certaines lignes où les rames de métro génèrent une usure significative des rails, telle la ligne n°5.</p>
<p>Une valeur moyenne d’environ 15 µg/m<sup>3</sup> a été obtenue en considérant toutes les stations souterraines, qui s’ajoute à la valeur moyenne d’environ 15 µg/m<sup>3</sup> de l’air ambiant parisien. Ainsi les usagers doublent en moyenne leur exposition aux particules fines journalière lorsqu’ils sont dans le métro.</p>
<p>Ce concept de sur-pollution pourrait être utilisé pour une première approche de normes dans l’air intérieur, en prenant en compte le temps d’exposition à cette sur-pollution et en l’ajoutant à l’exposition moyenne à l’air ambiant. Par exemple, 1h30 d’exposition dans les enceintes souterraines par jour augmenterait l’exposition moyenne journalière d’un citoyen de 1 µg/m<sup>3</sup>, ce qui devient significatif au regard des nomes de l’OMS. Bien sûr, un tel calcul n’est qu’une valeur moyenne, sachant que des valeurs bien plus élevées peuvent être obtenues pour les lignes de métros les plus polluées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7BDiUQFpHFg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait de l’émission Vert de Rage consacrée aux particules fines du métro.</span></figcaption>
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<h2>Qualité de l’air extérieur</h2>
<p>On le voit bien, la qualité de l’air dans les métros est donc intrinsèquement liée à la qualité de l’air extérieur. Dès lors, pour bien comprendre les causes originelles de la pollution de l’air, il faut considérer les différentes sources qui en altèrent la qualité en fonction des lieus de vie. Les activités industrielles et de constructions et le trafic (routier, aérien et maritime) sont les sources les plus souvent mises en avant, mais le chauffage au bois collectif et individuel, ainsi que la formation d’aérosols secondaires issus des épandages agricoles sont aussi des <a href="https://www.mdpi.com/1424-8220/20/4/1111">sources majeures</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-promouvoir-le-chauffage-au-bois-au-nom-de-lenvironnement-222828">Peut-on promouvoir le chauffage au bois au nom de l’environnement ?</a>
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<p>La pollution aux particules fines peut être locale, mais aussi importée suivant la direction et de la force des vents. Les situations anticycloniques sont celles qui favorisent la stagnation des polluants près des sources. Des vents de quelques m/s favorisent la dispersion de la pollution mais aussi son transport, sans toutefois la résoudre totalement. Les meilleurs alliés pour lutter contre la pollution sont de forts vents pour disperser les particules fines et les pluies fortes pour les rabattre au sol.</p>
<p>Certains lieux sont de surcroit plus propices à de forts taux de pollution, en fonction des activités industrielles, de la densité de pollution et de la topographie locale. À l’échelle de la France, la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, est un des endroits les plus pollués à cause de l’implantation d’activités très génératrices de particules fines en fond de vallée mal ventilée.</p>
<p>Paris est aussi une ville très polluée de fait de la forte concentration urbaine, du trafic routier, et de la configuration de la ville qui engendre une forte variabilité à l’échelle du km. Le périphérique reste l’endroit le plus pollué, mais le Nord et l’Est de Paris sont nettement plus pollués que l’Ouest du fait de la configuration de la ventilation de la ville avec notamment la présence de rues canyons où la pollution peut s’accumuler. Ainsi, Paris connaît un <a href="https://www.mdpi.com/1424-8220/23/20/8560">nombre de jours de dépassement de la recommandation de l’OMS qui va entre 100 et 200 par an</a> selon la localisation dans la ville. Ce résultat montre l’importance de l’emplacement des bouches de prélèvement de l’air pour les enceintes souterraines, ce qui n’est pas considéré actuellement pour le renouvellement de l’air alors que cela a des conséquences sur la santé des usagers des transports en commun.</p>
<h2>Conséquences sanitaires</h2>
<p>Face à cet enjeu-là, la recherche médicale progresse aussi : Les effets sanitaires des particules fines sont de mieux en mieux connus, bien que de nouvelles études augmentent encore régulièrement le nombre de pathologies liées à la pollution. Les effets à court terme concernent les crises d’asthme, l’augmentation des AVC et des crises cardiaques, et même la <a href="https://www.mdpi.com/2073-4433/14/8/1222">mortalité liée au Covid-19</a>.</p>
<p>Les effets à long terme sont mis en évidence à partir de nombreuses études épidémiologiques sur lesquelles l’<a href="https://www.who.int/fr/news/item/22-09-2021-new-who-global-air-quality-guidelines-aim-to-save-millions-of-lives-from-air-pollution">OMS</a> s’est basée pour fixer ses recommandations en PM2.5. Ces effets se manifestent notamment par une augmentation des allergies sévères, des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/10/17/la-pollution-de-l-air-exterieur-est-cancerigene-pour-l-oms_3497663_3244.html">cancers</a>, des maladies neurodégénératives, et du diabète de type 2. Les particules carbonées ultrafines, toxiques pour l’organisme, une fois entrées par les voies respiratoires, se retrouvent dans pratiquement tous les organes du corps humain.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-toutes-les-particules-fines-nont-pas-les-memes-effets-sur-la-sante-161261">Pollution de l'air : toutes les particules fines n’ont pas les mêmes effets sur la santé</a>
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<h2>En conclusion, comment améliorer la qualité de l’air ?</h2>
<p>Ces fléaux semblent d’ailleurs grandissants du fait notamment des concentrations en particules ultrafines qui semblent en augmentation, alors que celles en plus grosses particules diminuent. Ceci s’explique par le fait que les sources sont toujours là, mais que la nature de la production des particules a changé à cause de l’évolution de leur mode de production (évolution des rejets des moteurs diesel et du chauffage au bois).</p>
<p>Alors que faire ? Cette évolution n’est pas inexorable. Pour les enceintes souterraines, il faut améliorer les systèmes de freinage des rames, mieux gérer le renouvellement de l’air, et travailler sur des techniques de dépollution de l’air. Des expérimentations et des installations commencent à se mettre en place. À noter toutefois qu’un système d’extraction d’air, même s’il favorise le renouvellement de l’air dans les enceintes souterraines, rejette la pollution à l’extérieur et ne fait donc que déplacer le problème.</p>
<p>Pour la qualité de l’air extérieur, il faudrait limiter les émissions, notamment avec l’interdiction des moteurs diesel et des véhicules lourds en ville, la limitation du chauffage au bois dans les zones à forte densité de population, et la régulation des épandages agricoles en fonction du transport de leurs effluves par les vents.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'intérieur d'une voiture ne protège en rien de la pollution aux particules fines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jfgornet/4067266583">Jean-François Gornet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Si certains pourraient être tentés de faire primer la protection individuelle au bien collectif en remplaçant leurs trajets en métro ou RER par un même trajet en voiture, cette solution ne serait ni bénéfique individuellement ou collectivement car l'habitacle de la voiture ne protège en rien de la pollution aux particules fines. À certains endroits, comme les arrêts aux feux de circulation ou les embouteillages, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1352231015001193">l'exposition peut même y être jusqu'à 29 fois plus élevées</a> qu'à l'extérieur. </p>
<p>Enfin, le problème d’exposition aux particules fines est surtout critique les jours de forte pollution lors de situations anticycloniques. Il pourrait être proposé de limiter les activités lors de ces journées. Le port de masques FFP2 pourrait aussi être recommandé dans les enceintes souterraines pour les personnes les plus fragiles. Toutes ces actions impliquent une participation citoyenne constructive pour que chacun s’approprie ces règles afin que nous respirions mieux dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225599/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Renard est membre du conseil scientifique de RESPIRE. Après avoir débuté ses travaux sur la mesure de la pollution de l'air dans le métro parisien, il a été sollicité comme consultant pour la société Aerophilee SAS qui a notamment développé un appareil de dépollution pour grands volumes, et par les sociétés Pollutrack et MeteoModem qui vendent des compteur d'aérosols.</span></em></p>48% des Français prennent le métro. Ils sont de ce fait davantage exposés aux particules fines, ce qui augmente à court terme les risques de les crises d’asthmes, d'AVC et de crises cardiaques.Jean-Baptiste Renard, Directeur de recherches, Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251092024-03-07T16:18:48Z2024-03-07T16:18:48Z8 mars 1974 : inauguration de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, au carrefour de deux époques<blockquote>
<p>« La plus rigoureuse austérité aura présidé à l’inauguration officielle de l’aéroport Charles de Gaulle. Quel contraste avec la grande fête d’Orly il y a treize ans. »</p>
</blockquote>
<p>Tel est ce que l’on pouvait lire dans <em>Le Figaro</em> au lendemain de l’inauguration du <a href="https://theconversation.com/topics/aeroports-de-paris-adp-83584">troisième aéroport de la région parisienne</a>, le 8 mars 1974, il y a tout juste 50 ans. Annoncé à l’origine, le président <a href="https://theconversation.com/topics/georges-pompidou-73653">Georges Pompidou</a> envoie son premier ministre Pierre Messmer pour célébrer sobrement l’achèvement du chantier. Le président ne s’est pas déplacé en signe de deuil. Quelques jours auparavant, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Turkish_Airlines_981">DC-10 de la Turkish Airlines</a> s’est écrasé en forêt d’Ermenonville, provoquant la mort des 346 occupants de l’appareil. Surtout, il souffre d’une maladie grave qui l’emportera un mois plus tard.</p>
<p>À cette date, la France a bénéficié de la croissance fulgurante des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/une_autre_histoire_des__trente_glorieuses_-9782707175472">« trente glorieuses »</a>, avec des succès industriels dont la création franco-britannique du Concorde et la mise en place des premiers réacteurs nucléaires. Pourtant, au moment où s’inaugure Roissy, l’optimisme se voile du doute. Le premier choc pétrolier a redoublé l’instabilité géopolitique mondiale, exacerbant la critique de la société de consommation alors qu’a déjà sonné l’alerte sur les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/05775132.1973.11469961">limites planétaires</a>.</p>
<p>Le « moment » Roissy, qui a fait l’objet de nos <a href="https://hal.science/hal-02151540">travaux</a>, marque un tournant, un changement radical. Il se matérialise par le surgissement de l’aéroport dans le paysage agricole de la « Vieille France » qui, selon le quotidien <em>France Soir</em> du 12 février 1974, « provoque un choc ». Commémorer aujourd’hui Roissy permet de revenir sur le chemin parcouru par l’aéroport, témoin de la dérégulation d’une <a href="https://theconversation.com/transport-aerien-et-environnement-comment-poser-le-probleme-193672">économie aérienne</a> qui, en un demi-siècle, a connu un essor fulgurant dans le contexte des dérèglements globaux.</p>
<h2>Du silence au coup de tonnerre</h2>
<p>Le nouvel aéroport était dénommé à l’origine « Paris III » puis « Paris Nord », avant de prendre le nom d’un des villages qu’il colonise, Roissy-en-France, accolé à celui du président Charles de Gaulle à la mort de ce dernier. L’infrastructure est envisagée dès 1957, date à laquelle un site est repéré en Plaine de France à 25 kilomètres de Notre-Dame de Paris. Composés de terres agricoles libres de constructions, plus de 3 000 hectares sont préemptés, traduction de l’« appétit dévorant » de l’Aéroport de Paris, selon la formule de 1963 de <a href="http://www.patronsdefrance.fr/?q=sippaf-actor-record/21916">Pierre-Donatien Cot</a>, alors son directeur général.</p>
<p>Décidée par arrêté du 16 juin 1964, trois ans après la modernisation d’Orly dont la saturation est déjà certaine, la <a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=xGqszqcJbDQ&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.grand-roissy-tourisme.com%2F&source_ve_path=MTM5MTE3LDIzODUx">réalisation</a> de l’aéroport débute en 1966, portée par un État puissant engagé dans un grand mouvement d’aménagement du territoire. Elle participe de <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2426?lang=fr">l’extension régionale</a> du « nouveau Géant Paris-Banlieues », formule que l’on peut lire dans <em>Paris Match</em> en 1971, auquel concourent les réseaux autoroutiers et ferrés, les villes nouvelles, les grandes opérations de modernisation comme La Défense, Montparnasse ou les Halles.</p>
<p>Conçu par les équipes pluridisciplinaires d’Aéroport de Paris dont <a href="https://www.citedelarchitecture.fr/fr/publication/andreu">Paul Andreu</a> est l’architecte en chef, le « super-aéroport » est prévu pour accueillir 30 millions de passagers par an. Il est le premier au monde à être spécialement conçu pour les avions gros porteurs et les supersoniques. Aérogare, château d’eau, tour de contrôle, centrale d’énergie, hôtel, bureaux, voies d’accès : le chantier XXL se réalise en un temps record (huit ans), respectant l’enveloppe fixée des coûts (1,6 milliard de francs) que l’autorité aéroportuaire assume quasi intégralement.</p>
<p>Le silence avec lequel se construit l’aéroport contraste avec le coup de tonnerre que produit son ouverture. Plus d’une centaine d’articles sont publiés, relayés par la presse internationale qui célèbre, non sans ambivalences, le futurisme de l’aéroport. « La fantascienza è realtà » (<em>Il Sole</em>), « Der Koloss aus dem Jahr 2000 » (<em>Abendpost</em>), « Frightening look towards 2001 » (<em>The Sydney Morning Herald</em>). <em>2001 L’Odyssée de l’espace</em>, le film de Stanley Kubrick sorti en 1968, est présent dans les esprits.</p>
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<p>L’inauguration est un événement, largement couvert par la télévision et la radio. Le cortège officiel des DS noires salue le Concorde parqué sur le tarmac. Accompagné d’Olivier Guichard, ministre de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire, et André Decelle, président d’Aéroport de Paris, Pierre Messmer parcourt en une heure le dédale de l’aérogare avant de prononcer <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf97025131/inauguration-de-l-aeroport-roissy-charles-de-gaulle">son discours</a> en présence de nombreux invités, chefs d’État étrangers et personnalités. Quelques jours plus tard, le 13 mars, atterrit à Roissy le premier avion, un vol transatlantique de la compagnie TWA parti de l’aéroport de John Fitzgerald Kennedy à New York.</p>
<h2>Télescopage des futurs</h2>
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<p>« À peine terminé, on sait déjà qu’il est dépassé »</p>
</blockquote>
<p>Dès son ouverture, <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/03/08/une-machine-a-voyages_2513743_1819218.html">Le Monde</a> salue « une machine à prendre l’avion » qui doit absorber, écouler, contrôler des flux dont la croissance est anticipée comme massive (15 % par an).</p>
<p>Cette conscience d’un temps qui s’accélère fascine. Nombreux seront les premiers utilisateurs de Roissy qui chronomètrent leur « voyage » dans l’aéroport, célébrant les quelques minutes seulement qui les séparent de l’avion. <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/03/08/quand-le-train-court-apres-l-avion_2515167_1819218.html">« Quand le train court après l’avion »</a> : les louanges du nouvel aéroport contrastent d’ailleurs avec la critique de ses liaisons terrestres, dont l’insuffisance est déplorée, alors qu’un <a href="https://muse.jhu.edu/article/230906">projet d’aérotrain</a>, envisagé par ADP et porté par l’ingénieur Jean Bertin pour prolonger au sol la grande vitesse aérienne, a été abandonné. De fait, la question de la <a href="https://theconversation.com/hyperloop-les-reves-de-vitesse-a-lepreuve-189336">démocratisation de la vitesse</a> est posée. Est-elle accessible à tous ?</p>
<p>Comment projeter le futur sans modèle ? Cette autre question travaille l’imagination des concepteurs. L’an 2000 est l’horizon du plan d’aménagement de l’aéroport qui déploie en 1967, sur le modèle de Roissy 1, cinq autres terminaux de forme identique dite en « roue de bicyclette ». Mais alors que le chantier s’est engagé, le plan doit se transformer, pour s’adapter aux aléas des trafics.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Plan initial de l’aéroport.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Paul Andreu le dira en 1978 :</p>
<blockquote>
<p>« En 1970, tout est fixé du Roissy actuel mais le Roissy futur s’estompe. Un autre présent s’installe dans le futur. »</p>
</blockquote>
<p>Roissy 2 s’étudie dès 1969, dont l’expansion est ouverte et flexible. La nouvelle aérogare ouvrira son premier terminal (B) en 1982, et ne cessera de s’agrandir jusqu’à la mise en service, 40 ans plus tard, du dernier satellite d’embarquement. C’est tout l’enjeu des grands projets d’infrastructure. Du fait de <a href="https://enpc.hal.science/hal-03563645v1/file/2022_LeFuturDesM%C3%A9tropoles.pdf">leur destinée moderne</a>, ils semblent perpétuellement courir après le futur : le futur du passé qu’ils réalisent comme le futur du présent qu’ils anticipent. Ces deux futurs se télescopent.</p>
<p>Cette croissance ne se fait pas sans mal. L’activité de Roissy fait l’objet de nombreuses contestations qui, s’agissant des aéroports, ont une histoire longue. Ainsi, au moment où se réalise Roissy, New York se heurte à des oppositions vives, conduisant à l’abandon en 1971, de son <a href="https://www.nytimes.com/1971/01/09/archives/an-offshore-4th-jetport-is-suggested-by-lindsay.html">projet de 4ᵉ aéroport</a>. À Tokyo, la lutte contre la réalisation de l’aéroport de Narita donne lieu à l’un des <a href="https://jeudepaume.org/evenement/shinsuke-ogawa-ogawa-pro/">mouvements de résistance</a> les plus importants de cette période (1968-1978) dont la répression, violente, fera 10 morts.</p>
<p>En France, dès l’ouverture d’Orly-Sud, les riverains s’étaient mobilisés contre les nuisances de l’aéroport, obtenant un couvre-feu nocturne en 1968. Et, à l’approche de l’ouverture de Roissy, le quotidien <em>France Soir</em> souligne la présence encore invisible mais déjà imposante de l’aéroport.</p>
<blockquote>
<p>« 250 000 personnes autour de Roissy vivent leurs derniers jours de silence. »</p>
</blockquote>
<p>Il ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« Les techniciens [du district de la région parisienne] considèrent ces communes comme “sacrifiées”. La leçon d’Orly visiblement n’aura servi à rien. »</p>
</blockquote>
<h2>Conflictualité des intérêts</h2>
<p>Depuis, l’activité de l’aéroport a essaimé au-delà de son périmètre stricto sensu. Les sites et leurs dépendances, les clôtures et leurs rives, les voies terrestres et les routes aériennes ont conduit à la formation d’un <a href="https://blogs.mediapart.fr/j-lorthiois/blog/010722/le-fiasco-du-grand-roissy-en-dix-ans-2012-2022-deux-projets-realises-sur-25">« Grand Roissy »</a> cohabitant non sans mal avec les villes qui lui préexistent. L’écrivain François Maspero et la photographe Anaïk Frantz les avaient arpentées il y a plus de 30 ans, dans leur récit initiatique <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-passagers-du-roissy-express-francois-maspero/9782020124676"><em>Les Passagers du Roissy Express</em></a>.</p>
<p>L’intensification aéroportuaire est-elle compatible avec le droit commun de la ville ? Roissy est devenu une centralité métropolitaine alors même que son habitabilité reste à penser et que sa représentation démocratique est posée, comme l’a montré la controverse sur le projet gouvernemental de <a href="https://metropolitiques.eu/Aeroports-de-Paris-un-levier-strategique-pour-l-%C3%89tat.html">privatisation des Aéroports de Paris</a>.</p>
<p>Depuis le choc pétrolier inaugural, les événements de l’histoire n’ont cessé de marquer l’aéroport de ses stigmates (conflits armés, terrorismes, migrations, crises sanitaires), renforçant la dimension géopolitique de ce lieu banal et exceptionnel à la fois. Le demi-siècle écoulé doit enfin nous faire réfléchir à la place qu’occupent ces <a href="https://www.calameo.com/read/004309853100e9df78af2?authid=gMmtBLCKAwWd">infrastructures</a> dans nos devenirs écologiques.</p>
<p>Roissy est un <a href="https://shs.hal.science/halshs-00113275">paysage politique</a>, au sens où il porte une dimension fortement anthropique qui reformule des sols entiers, en même temps qu’il doit se défaire d’une emprise sur la terre dont nous ne sommes que les usufruitiers. <a href="https://www.babelio.com/livres/Merle-Madrapour/6256"><em>Madrapour</em></a>, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/les-iles-de-france-un-auteur-didier-daeninckx-un-roman-lumiere-noire-un-aeroport-roissy-en-france-1ere-diffusion-15-02-1988-1035023"><em>Lumière noire</em></a>, <a href="https://diaphana.fr/film/bird-people/"><em>Bird People</em></a>, <a href="https://www.ateliersmedicis.fr/le-reseau/projet/aeropolis-7570"><em>Aeropolis</em></a> : les multiples contre-regards produits par la littérature, le cinéma, la photographie n’ont cessé de repolitiser ces espaces et leurs usages, aujourd’hui plus que nécessaires pour mieux expliciter les aspirations d’un monde habitable.</p>
<p>La <a href="https://www.citedelarchitecture.fr/fr/agenda/exposition/paul-andreu-larchitecture-est-un-art">Cité de l’architecture et du patrimoine</a> consacre actuellement une rétrospective à l’œuvre architecturale de Paul Andreu, décédé en 2018. L’architecte de Roissy, pour qui l’aéroport devait incarner une expérience unique de l’espace du voyage, regrettait que la valeur du temps de transport soit trop souvent considérée comme faible, réduite à un « tunnel » que le « process » aéroportuaire a exacerbé. Si cette valeur (re) devenait positive, disait-il, alors nous pourrions décélérer et réconcilier les transports avec le paysage, la vie urbaine, l’écologie. Le demi-siècle de Roissy doit nous interroger sur la valeur de la <a href="https://books.openedition.org/pur/50876?lang=fr">vitesse</a>, celle des mobilités et des croissances, dont le coût environnemental est en question.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Roseau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’aéroport de Roissy a été construit dans une relative discrétion, son inauguration, il y a cinquante ans, a fait grand bruit et soulève des questions qui alimentent encore les débats aujourd’hui.Nathalie Roseau, Professeure d’urbanisme, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251102024-03-06T16:12:05Z2024-03-06T16:12:05ZLes JO, Mondiaux de football et consorts boostent-ils le tourisme ? Pas forcément…<p>Cela fait un sujet de dispute en moins. En maintenant cet été les <a href="https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/paris-2024/paris-2024-les-bouquinistes-sont-heureux-et-soulages-de-pouvoir-rester-sur-les-quais-de-seine_6364039.html">bouquinistes de Paris sur les quais de Seine</a>, le gouvernement français a clos une des nombreuses polémiques liées à l’organisation des Jeux olympiques à Paris.</p>
<p>À moins de six mois de l’événement, les Parisiens continuent toutefois de se plaindre de <a href="https://www.ouest-france.fr/jeux-olympiques/cest-aberrant-ce-maire-vient-dapprendre-que-sa-ville-accueillera-les-jeux-de-paris-ab1fa968-cfd1-11ee-89c0-6cefac77e04a">l’absence de consultation de la population locale</a>, des <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/transport-et-jo-2024-la-crainte-du-grand-embouteillage-reste-tres-presente-20231208">prévisions d’embouteillages</a>, de la fermeture de certaines stations de métro et de l’implantation renforcée de caméras de surveillance… Est-ce une manifestation supplémentaire de l’esprit frondeur des habitants de la capitale française ? Ou ces critiques sont-elles fondées ? Au-delà des Parisiens, la capitale française étant une destination prisée, que sait-on de l’impact de l’organisation des événements sportifs internationaux sur la fréquentation touristique ?</p>
<p>Quant à l’effet de l’accueil d’événements sportifs à grande échelle sur les visites touristiques, l’impact global doit prendre en compte deux effets qui peuvent être contradictoires. Même s’ils peuvent avoir un impact positif sur le nombre de visiteurs, ils peuvent aussi avoir des conséquences négatives si les touristes « réguliers » boudent soudain cette destination en raison de l’événement.</p>
<p>Cela peut être dû aux infrastructures surchargées, à la forte augmentation des coûts d’hébergement et aux inconvénients liés à la surpopulation ou à des visiteurs bruyants et/ou violents. En outre, les reportages sur la pauvreté ou la criminalité dans les médias mondiaux peuvent rendre certaines destinations beaucoup moins attrayantes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une vue de la tour Eiffel avec les anneaux olympiques ajoutés au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les villes hôtes doivent généralement franchir de nombreuses étapes avant de pouvoir commencer à profiter des retombées d’événements sportifs de grande envergure tels que les Jeux olympiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Peter Skitterians/Pixabay</span></span>
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<p>Dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/15270025231206393">article</a> publié récemment dans le <em>Journal of Sports Economics</em> avec Igor Drapkin et Ilya Zverev, nous avons évalué les effets de l’organisation d’événements sportifs à grande échelle, tels que les Jeux olympiques d’hiver et d’été et les Coupes du monde de la FIFA, sur la venue de touristes internationaux. Nous utilisons un ensemble complet de données sur les flux de touristes couvrant les plus grands pays de destination et d’origine du monde entre 1995 et 2019.</p>
<h2>Des effets contrastés</h2>
<p>Dans un premier temps, nous avons construit un modèle économétrique qui prédit efficacement le flux de touristes entre n’importe quelle paire de pays dans nos données. Nous avons ensuite comparé les flux touristiques prédits dans un scénario hypothétique où aucun événement sportif de grande envergure n’aurait eu lieu avec les chiffres réels.</p>
<p>Si les chiffres réels dépassent les prévisions, nous considérons que l’événement a un impact positif net. Dans le cas contraire, nous considérons qu’il a eu un effet d’éviction sur les touristes « réguliers ». Dans le cadre de cette analyse, nous avons fait la distinction entre le court terme (c’est-à-dire l’année de l’événement) et le moyen terme (l’année de l’événement et les trois années suivantes).</p>
<p>Nos résultats montrent que les effets des événements sportifs de grande envergure varient considérablement d’un pays hôte à un autre : les coupes du monde de 2002 au Japon et en Corée du Sud et de 2010 en Afrique du Sud ont donné lieu à une nette augmentation des arrivées de touristes, alors que toutes les autres éditions ont eu un effet neutre ou négatif.</p>
<p>En ce qui concerne les Jeux olympiques d’été, les Jeux de 2008 à Pékin sont les seuls à avoir un effet positif significatif sur les arrivées de touristes dans le pays. Les effets des quatre autres événements (Sydney 2000, Athènes 2004, Londres 2012 et Rio 2016) se sont révélés négatifs à court et à moyen terme. En ce qui concerne les Jeux olympiques d’hiver, le seul cas positif est celui de la Russie en 2014. Les cinq autres événements ont eu un impact négatif, à l’exception de l’effet neutre d’une année pour le Japon en 1998.</p>
<p>À la suite d’événements sportifs de grande envergure, les pays hôtes sont donc généralement moins visités par les touristes. Sur les 18 pays hôtes étudiés, 11 ont vu le nombre de touristes diminuer sur quatre ans et trois n’ont pas connu de changement significatif.</p>
<h2>Un effet incertain pour Paris</h2>
<p>Nos recherches indiquent que l’effet positif de l’organisation d’événements sportifs de grande envergure sur les flux touristiques est, au mieux, modéré. Si de nombreux touristes sont attirés par les Coupes du monde de la FIFA et les Jeux olympiques, l’effet d’éviction des touristes « réguliers » est important et souvent sous-estimé.</p>
<p>Cela signifie que l’afflux des touristes qui viennent assister à un événement tel que les Jeux olympiques dissuade généralement ceux qui seraient venus pour d’autres raisons. Par conséquent, les efforts visant à attirer de nouveaux visiteurs doivent s’accompagner d’efforts visant à retenir ceux qui viennent déjà en temps normal.</p>
<p>Les événements sportifs de grande envergure doivent être considérés comme un élément d’une politique à long terme de promotion d’un territoire auprès des touristes plutôt que comme une solution isolée. Nos recherches ont fait ressortir un élément révélateur. En effet, il est plus facile d’obtenir une augmentation nette des entrées de visiteurs dans les pays qui sont des destinations touristiques moins populaires en temps normal, par exemple, les pays d’Asie ou d’Afrique.</p>
<p>En revanche, les États-Unis et l’Europe, deux destinations traditionnellement très prisées des touristes, ne présentent aucun cas d’effet positif net. En d’autres termes, les événements sportifs de grande envergure organisés en Asie et en Afrique ont contribué à promouvoir leurs pays d’accueil en tant que destinations touristiques, ce qui semble justifier l’investissement initial. À l’inverse, les événements organisés au cours des dernières décennies aux États-Unis et en Europe n’ont guère rapporté, du moins en termes d’afflux de touristes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux d'Ivan Savin ont reçu le soutien de la Russian Science Foundation (grant number 19-18-00262).</span></em></p>Les grands événements sportifs comme les Jeux olympiques stimulent-ils la fréquentation touristique ? La réponse n’est pas simple car le public amateur de sport peut évincer les visiteurs habituels.Ivan Savin, Associate Professor of Quantitative Analytics, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240812024-02-28T15:37:59Z2024-02-28T15:37:59ZDensification des villes : comment les Français la perçoivent-ils ?<p>Les besoins en logement en France, très importants dans certaines zones géographiques attractives, conjugués à la loi ZAN qui prévoit un objectif <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/287326-zero-artificialisation-nette-zan-comment-proteger-les-sols">« zéro artificialisation nette »</a> des espaces naturels, agricoles et forestiers à l’horizon de 2050, amènent les villes à se densifier.</p>
<p>Si la limitation de l’étalement urbain a un effet vertueux sur la préservation des espaces de nature, des sols et de la biodiversité, elle permet aussi de limiter les émissions de gaz à effet de serre en réduisant les trajets en voiture.</p>
<p>Dans ce contexte, la ville de demain va se développer « sur » la ville d’aujourd’hui. Mais comment cette densification de la ville est-elle perçue et vécue par ses habitants ? Cette question constitue un enjeu fort pour les acteurs de la fabrique de la ville (collectivités, urbanistes, architectes, promoteurs) qui doivent concevoir des projets de transformation de la ville avec la population habitante.</p>
<h2>Formes et ambiances urbaines</h2>
<p>Selon une <a href="https://www.audencia.com/recherche-etudes/la-perception-de-la-densite-urbaine">enquête</a> ObSoCo/Chaire Qualités de Villes menée auprès d’un échantillon représentatif de la population française, 52 % des Français perçoivent leur environnement de vie comme dense. Cependant, une <a href="https://www.audencia.com/actualites/publication-etude-sur-la-perception-de-la-densite-urbaine">enquête</a> auprès d’acteurs de l’urbanisme dans le Grand Ouest montre que la densité peut avoir des visages très différents.</p>
<p>Ainsi, quel point commun entre un écoquartier apaisé à l’écart du tumulte urbain, un quartier prioritaire dont le renouvellement urbain permet d’introduire plus de mixité fonctionnelle (services, espaces renaturés, commerces et logements) et une nouvelle centralité représentative de la « ville intense et compacte » ? Tous trois peuvent participer de la densification de leur territoire.</p>
<p>Outre la <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/apprehender-la-densite-1/">pluralité de définitions</a> de la densité, son appréciation dépend notamment de la taille de l’agglomération urbaine, du type de constructions et plus généralement des ambiances urbaines. Ainsi, les bâtiments d’aspect massif ou monotone renvoient l’image d’une forte densité, ce qui n’est pas étranger à l’expérience des grands ensembles des années 1960 et 1970, devenus symboles de relégation et d’entassement, bien qu’assez peu denses (en nombre d’habitants rapporté à la surface).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Fort d’Issy-les-Moulineaux" src="https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La perception de la densité dépend des formes et des ambiances urbaines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fort_d%27Issy-les-Moulineaux_%2834984409671%29.jpg">Guilhem Vellut/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Des formes urbaines diversifiées et rythmées, la nature en ville et la mixité fonctionnelle permettent ainsi d’atténuer cette sensation de densité.</p>
<p>Si dans les représentations communes, la densité urbaine est souvent associée à la surpopulation et aux nuisances, l’enquête montre des perceptions plus nuancées : la densité est aussi perçue dans ses aspects positifs que sont l’accès et la proximité aux commerces, équipements et transports en commun.</p>
<p>Au-delà de la densité elle-même, c’est la densification et ses conséquences pour les habitants déjà installés qui provoque des réticences. Celles-ci se cristallisent notamment autour de l’axe « voir et être vu » : ensoleillement, vues depuis le logement, intimité. L’occupation de l’espace par les voitures est aussi un sujet de préoccupation majeur.</p>
<h2><strong>Une préférence pour la périphérie</strong></h2>
<p>Les espaces extérieurs sont effectivement essentiels pour les habitants, avec une forte préférence pour les jardins privés. Néanmoins, cette préférence est moins marquée pour les Français qui habitent dans des immeubles collectifs : 30 % choisissent le balcon ou la terrasse comme type d’espace extérieur idéal.</p>
<p>Une préférence pour les villes petites et moyennes par rapport aux grandes villes se double d’une inclination significative vers la vie dans les villages et en périphérie des villes. Par exemple, 10 % des Français choisissent le centre d’une ville moyenne comme lieu de vie idéal tandis que 20 % aimeraient habiter à proximité ou dans une ville moyenne mais en dehors du centre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Quartier Vauban : espaces verts collectifs et mare" src="https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La nature en ville permet d’atténuer la sensation de densité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/adeupa/2402424545">Adeupa Brest/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, si l’habitat individuel continue de concentrer les aspirations de la majorité des Français, les petits logements collectifs (1 à 3 étages) sont perçus favorablement pour leur calme, leur aspect aéré et fonctionnel. Ce type de forme urbaine, qui tend à se développer dans les nouveaux projets d’aménagement, pourrait représenter une alternative désirable (et environnementalement vertueuse) à l’habitat individuel.</p>
<p>Toutefois, malgré le développement des concepts de mutualisation dans le domaine du logement, la majorité des Français n’est pas encore disposée à partager des espaces intimes comme une buanderie, une cuisine ou une chambre d’amis. Par exemple, 87 % des Français n’aimeraient pas partager une cuisine dont 57 % « pas du tout ».</p>
<p>Les Français se déclarent en revanche plus ouverts au partage des lieux et installations qui impliquent moins d’interactions intimes et permettent l’autoproduction, comme l’électricité (40 %) ou les jardins partagés (39 %).</p>
<h2>Un défi culturel</h2>
<p>Plus qu’un changement profond des aspirations des Français, ce sont bien l’impératif de sobriété foncière et les autres enjeux de politiques publiques (besoins en logement, développement économique, attractivité…) qui semblent déterminants dans l’évolution des villes et des formes urbaines.</p>
<p>Il convient néanmoins de ne pas perdre de vue que densifier n’implique pas toujours de démolir ou même de construire. Réhabilitation de friches, rénovation, limitation des meublés touristiques de courte durée, densification douce en milieu pavillonnaire à travers des démarches de surélévation ou d’exploitation du micro-foncier privé… Les chantiers ouverts sont nombreux pour favoriser une densification désirable aux multiples facettes.</p>
<p>Les défis sont techniques, économiques, juridiques, organisationnels… mais peut-être avant tout d’ordre sociétal et culturel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La densité urbaine, souvent associée à la surpopulation et aux nuisances, peut aussi être appréciée pour la proximité du logement aux commerces, et aux équipements et transports en commun.Anne Launois, Professeur associée, AudenciaQuentin Missir, Chargé d'études - Aménagement et urbanisme, Chaire REALITES x Audencia, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2233872024-02-25T16:27:23Z2024-02-25T16:27:23ZComment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577081/original/file-20240221-20-u0u13t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C102%2C1537%2C960&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne. </span> </figcaption></figure><p>Les manifestations récentes par lesquelles le monde agricole français a fait entendre ses protestations et ses revendications ont, une fois de plus, fait apparaître des différences profondes, voire des fractures, <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-malaise-des-agriculteurs-127862">entre le monde rural et le monde urbain</a> et plus encore entre des images valorisantes de l’urbanité et <a href="https://www.cairn.info/manuel-indocile-de-sciences-sociales--9782348045691-page-864.htm">dévalorisantes de la ruralité</a>.</p>
<p>La France moderne a été construite depuis <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-paris--9782707182623-page-39.htm">Paris</a>, <a href="https://www.cairn.info/sociologie-historique-du-politique--9782707196477-page-19.htm">lieu de la puissance politique</a>, en développant un sentiment de supériorité de la capitale sur « la province » (le singulier est significatif) et des villes (supposées modernes) sur les campagnes (supposées arriérées). Au lieu d’être fédérale, vu sa diversité, « la France est un pays dont l’unité a été construite à coups de cravache […] par l’autorité de l’État central », <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/lantisemitisme-de-laffaire-dreyfus-a-miss-france-en-passant-par-laffaire-epstein">selon Jean Viard</a>.</p>
<p>Les normes sociales valorisées ont donc été celles, urbaines, de la <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-paris--9782707182623-page-39.htm">ville-capitale</a> érigée en phare de l’État hypercentralisé. On le voit, par exemple, dans le fait qu’en français le mot <a href="http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?13;s=802211895;r=1;nat=;sol=2;">urbain</a> a le double sens « de la ville » et « poli, courtois » et que le mot <a href="http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?71;s=802211895;r=2;nat=;sol=0;">paysan</a> a le double sens de « rural, agricole » et « rustre, grossier ». Ce mode de relation est clairement confirmé par une analyse sociolinguistique plus large, comme on va le voir ci-après. En effet, la sociolinguistique a pour but d’étudier principalement deux choses : les effets de l’organisation d’une société sur les langues qu’on y parle et ce que la place faite aux langues révèle de l’organisation de cette société.</p>
<h2>Paris, ses bourgeois et leur langue érigés en modèle</h2>
<p>C’est en effet la langue de la capitale qui a été imposée notamment <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s8_Revolution1789.htm">à partir de la Révolution française</a> à l’ensemble des populations progressivement rattachées à la France. Elle est considérée comme la <a href="https://theconversation.com/le-conseil-constitutionnel-a-deja-pris-des-decisions-plus-politiques-que-juridiques-lexemple-des-langues-dites-regionales-203771">langue « normale » en France</a>. Et c’est le français des classes supérieures parisiennes qui a été prescrit comme modèle d’expression. Ainsi le <a href="https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2018/01/Claude-Favre-de-Vaugelas.pdf">grammairien Vaugelas définissait-il ce « bon français » en 1647</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La façon de parler de la plus saine partie de la Cour […] Quand je dis la cour, j’y comprends les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le prince réside. »</p>
</blockquote>
<p>La prétendue supériorité universelle du français, par opposition à toutes les autres langues et d’autant plus aux « patois régionaux », affirmée dès 1784 par le pamphlétaire <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81622t.image">Rivarol</a>, est régulièrement reprise dans les discours étatiques <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/10/30/inauguration-de-la-cite-internationale-de-la-langue-francaise-a-villers-cotterets">jusqu’à aujourd’hui</a>, par exemple par le président de la République lui-même lorsqu’il inaugure une <a href="https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/141020/cite-de-la-langue-francaise-villers-cotterets-le-contresens-d-un-mythe-national">cité qui cultive les mythes</a> sur la langue française.</p>
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<p>Tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle, la construction de la nation française passe par cette vision de la langue française, que l’école de la III<sup>e</sup> République (1870-1940) est chargée de mettre en œuvre de façon particulièrement offensive.</p>
<p>En 1951, le phonéticien Pierre Fouché poursuit cette vision suprémaciste de la langue de Paris et de ses classes dominantes en établissant pour l’enseignement une <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2015-1-page-7.htm">norme de prononciation du français</a> sur le modèle d’une « conversation soignée chez des Parisiens cultivés ».</p>
<h2>Les « patois pauvres et corrompus » des campagnes « provinciales »</h2>
<p>Quant aux autres <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/langues_de_France.htm">langues de France</a>, comme on les appelle depuis 1999, elles ont, à l’inverse, été disqualifiées par le nom de « patois » au départ méprisant, par l’association au seul monde rural et à une arriération prétendue. L’origine du mot « patois » est discutée, mais il est très probable qu’il vienne du verbe « patoiller » qui veut dire soit « marcher dans la boue, barboter, patauger », soit « gesticuler, parler en faisant des signes avec les mains ». Dans les deux cas, c’est un terme péjoratif à l’origine.</p>
<p>Or, tout ceci est doublement faux : ces langues étaient aussi celles des villes (à Marseille par exemple le provençal était la langue générale jusque dans les années 1920) et d’intellectuels (Frédéric Mistral, licencié en droit, a reçu le prix Nobel de littérature pour son œuvre toute en provençal).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Frédéric Mistral.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais les préjugés sont fondés sur un aveuglement pour ne voir que ce que l’on veut voir. Ainsi, on lit dans <a href="http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/page/v12-p184/">l’Encyclopédie</a> (1765) :</p>
<blockquote>
<p>« Patois : Langage corrompu tel qu’il se parle presque dans toutes les provinces : chacune a son patois ; ainsi nous avons le patois bourguignon, le patois normand, le patois champenois, le patois gascon, le patois provençal, etc. On ne parle la langue que dans la capitale. »</p>
</blockquote>
<p>Le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3413126b">Dictionnaire de Furetière</a> (1690) précisait :</p>
<blockquote>
<p>« Langage corrompu et grossier tel que celui du menu peuple, des paysans, et des enfants qui ne savent pas encore bien prononcer. »</p>
</blockquote>
<p>À la création de la 1<sup>ere</sup> République française, ses responsables considéraient ainsi que dans les provinces on parlait « ces jargons barbares et ces idiomes grossiers » à « éradiquer » (<a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/barere-rapport.htm">Rapport Barrère</a>, publié en 1794). Pourquoi ? Parce que « nous n’avons plus de provinces et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms » dont « deux idiomes très dégénérés » et parce que « l’homme des campagnes, peu accoutumé à généraliser ses idées, manquera toujours de termes abstraits » à cause de cette « inévitable pauvreté de langage, qui resserre l’esprit » disait le <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/gregoire-rapport.htm">Rapport Grégoire</a> (publié en 1794). Il ajoutait « les nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d’idiome pauvre », ne mesurant pas le racisme linguistique de son propos. </p>
<p>Le mépris des provinciaux, des ruraux et de leurs langues, alimentés par ces préjugés conjugués, a été sans borne. Il a culminé au XIX<sup>e</sup> siècle sous la forme d’un véritable racisme, dont celui contre les <a href="https://hal.science/hal-00879629/document">Bretons</a> ou les <a href="https://www.codhis-sdgd.ch/wp-content/uploads/2020/11/Didactica-6_2020_Piot.pdf">Méridionaux</a>, bien attesté.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le rapport de l’Abbé Grégoire.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’époque <a href="http://www.sociolinguistique.fr/">l’étude scientifique des langues</a> n’existait pas encore. La sociolinguistique, qui se développe à partir des années 1950-1970, a montré par la suite que toutes les langues sont égales (y compris celles dites « patois ») : aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre en raison de ses caractéristiques proprement linguistiques. Ce sont les hiérarchisations sociales qui se reflètent en hiérarchisation des langues ou de leurs variétés locales ou sociales particulières.</p>
<p>Hélas, comme on l’observe trop souvent et encore plus à l’époque des « fake news », les connaissances scientifiques ont du mal à remplacer les croyances répandues dans l’opinion publique. C’est d’autant plus le cas quand il s’agit de langues en France, pays où a été instaurée une véritable <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/11/25/le-francais-religion-d-etat-par-bernard-cerquiglini_343309_1819218.html">religion nationale de la langue française</a> accompagnée d’une sorte d’excommunication des autres langues.</p>
<p>En conséquence, cette conception est encore présente de nos jours. Le <a href="http://atilf.atilf.fr/">Trésor de la Langue française</a> (CNRS) la décrit ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Patois : Parler essentiellement oral, pratiqué dans une localité ou un groupe de localités, principalement rurales. Système linguistique restreint fonctionnant en un point déterminé ou dans un espace géographique réduit, sans statut culturel et social stable […]. Langage obscur et inintelligible. Synonymes : baragouin, charabia, jargon. »</p>
</blockquote>
<h2>Le « plouc » et son parler aussi méprisés l’un que l’autre</h2>
<p>Aujourd’hui encore, le stéréotype du « plouc » est fortement voire principalement constitué de caractéristiques linguistiques (“phrase, accent, prononciation, langue”), comme le montre <a href="https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2018-1-page-55.htm?contenu=article">l’étude de Corentin Roquebert</a>, qui conclut :</p>
<blockquote>
<p>« On peut relever l’association forte entre des catégories et des objets plus ou moins valorisés socialement, ce qui favorise l’expression d’un jugement social positif ou négatif sur une population : le beauf comme personnage raciste et sexiste, le hipster branché et cool qui n’aime pas le mainstream, la prononciation et l’accent du plouc. »</p>
</blockquote>
<p>Les préjugés <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-glottophobie-219038">glottophobes</a> contre des « patois » supposés employés (uniquement) par des « paysans » <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/10/les-deux-bouts-de-la-langue-par-michel-onfray_1386278_3232.html">sont toujours là</a>. Et même quand les « paysans » et autres « provinciaux » ont finalement adopté le français, bon gré mal gré, on continue à stigmatiser les <a href="https://francaisdenosregions.com">traces de leurs “patois” dans leurs façons de parler français</a> : mots locaux, expressions, tournures, et <a href="https://www.lexpress.fr/societe/discrimination-a-l-embauche-moqueries-cette-france-allergique-aux-accents-regionaux_2126439.html">surtout accent</a>…</p>
<p>Le pseudo raisonnement, fondé sur des préjugés, est circulaire : les « patois » ne sont pas de vraies langues puisqu’ils sont parlés par des « paysans »/les « paysans » sont des rustres puisqu’ils parlent « patois ». Les deux stéréotypes négatifs projetés simultanément sur les « paysans » et sur les « patois » (ou les « accents » qu’il en reste), associés les uns aux autres, se renforcent réciproquement et produisent un mépris de classe renforcé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Blanchet est membre de la Ligue des Droits de l'Homme.</span></em></p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?Philippe Blanchet, Chair professor, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230562024-02-08T16:56:38Z2024-02-08T16:56:38ZChanger de stade, tout un enjeu pour les clubs sportifs s’ils veulent éviter la grogne des supporters<p>Coup de tonnerre dans le monde du <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a> français. Après plusieurs mois de négociations avec la mairie de Paris concernant un éventuel rachat du Parc des Princes, son résident historique, le <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/paris-sg/le-psg-et-le-parc-des-princes-cest-termine-f2707268-c67e-11ee-8011-b976796527e7">Paris Saint-Germain annonce quitter son stade de toujours</a>. Le club, qui souhaitait racheter l’enceinte afin notamment de porter sa capacité de 48 000 à 60 000 places, a vu sa demande rejetée par le Conseil de Paris mardi 6 février et son président Nasser Al-Khelaifi a déclaré à la presse ce jeudi 8 février :</p>
<blockquote>
<p>« C’est fini maintenant, on veut bouger du Parc des Princes. »</p>
</blockquote>
<p>Une déclaration non sans susciter l’émotion des supporters.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1755620691980759150"}"></div></p>
<p>Ce n'est pas non plus sans émotion que les fans du <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/basket/jeep-elite/les-emouvants-adieux-du-paris-basket-a-la-halle-carpentier_AV-202402080205.html">Paris Basket</a> ont, cette semaine, dit « au revoir » et « merci ! » à la Halle Carpentier du 13<sup>e</sup> arrondissement, salle qu'ils laissent pour la flambant neuve Adidas Arena, Porte de la Chapelle.</p>
<p>Le choix de quitter une infrastructure n’est pas toujours voulu. Cas récent, le 25 décembre dernier, le complexe Sportica, demeure du BCM Gravelines, club de l’élite nationale de <a href="https://theconversation.com/topics/basket-50855">basketball</a>, était ravagé par les flammes. Tristes fêtes de fin d’année. Les hommages envers ce qui n’était matériellement qu’une <a href="https://theconversation.com/topics/stade-107030">salle de sport</a> ont vite afflué sur la toile, du plus haut sommet de l’État, avec un post sur X d’Amélie Oudéa-Castéra – alors ministre des Sports –, aux anonymes venus afficher leur soutien, habitants de Gravelines, autres clubs sportifs, et même supporters rivaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1739328593027571839"}"></div></p>
<p>Dans tous les cas le mouvement n’est jamais anodin et différentes parties prenantes, supporters en tête, doivent être accompagnées pour que la transition s’opère au mieux.</p>
<h2>« Comme à la maison »</h2>
<p>Ce qui a pu frapper ces dernières semaines dans les messages liés au Sportica et ces dernières heures au Parc des Princes et à la Halle Carpentier est la dimension quasi humaine qui leur est donnée. L’article paru dans <a href="https://www.lequipe.fr/Basket/Article/Incendie-de-sportica-a-gravelines-le-cauchemar-de-noel/1438910"><em>L’Équipe</em></a> le lendemain de l’incendie à Gravelines est assez éloquent : on y lit ainsi, pêle-mêle, des expressions comme « le mal au cœur »,« un état de choc »,« le choc à peine digéré »,« reconstruction »,« surmonter tout ça ».</p>
<p>Il est vrai que ce complexe, inauguré en 1986 était un lieu de vie qui assurait un lien social indéniable dans cette ville de 12 000 habitants située entre Dunkerque et Calais. Cette petite salle de 3 003 places qui devait faire l’objet d’une modernisation et d’un agrandissement à l’horizon 2027 avait accueilli près d’un millier de matches de Pro A, division que le BCM, marque sportive de premier plan dans le Nord, n’a jamais quittée depuis 1988. Un projet de déménagement vers Dunkerque avait été envisagé il y a quelques années mais le projet était « mort dans l’œuf » tant il avait suscité d’émotions chez les amoureux du club, réticents à abandonner le centre-ville de Gravelines.</p>
<p>La <a href="https://www.tutor2u.net/psychology/reference/bowlbys-theory-of-maternal-deprivation">théorie de l’attachement</a>, que nous avons reprise et appliquée au sport dans nos <a href="https://hal.science/tel-03585446/document">travaux</a>, met l’accent sur le lien affectif et durable qui unit l’enfant avec certaines figures. Par extrapolation, les sciences de gestion s’en sont servi pour explorer d’autres contextes plus éloignés, comme les relations qui unissent les consommateurs aux <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-3-page-95.htm">biens possédés</a>, aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/281474999_L%E2%80%99attachement_a_la_marque_Proposition_d%E2%80%99une_echelle_de_mesure">marques</a> ou encore aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/271631149_Creating_consumer_attachment_to_retail_service_firms_through_sense_of_place">lieux de consommation</a>. Plus spécifiquement sur les enceintes sportives, la recherche a montré combien elle contribue à l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/288267205_Which_senses_matter_more_The_impact_of_our_senses_on_team_identity_and_team_loyalty">expérience sensorielle</a> des spectateurs et participe à l’identification des individus à l’équipe.</p>
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<p>Les supporters développent un sentiment de fierté et d’attachement au stade ou au gymnase, notamment lorsque celui-ci revêt une <a href="https://www.researchgate.net/publication/327400976_Sport_Fans_The_Psychology_and_Social_Impact_of_Fandom">dimension historique</a>. Certaines personnes considèrent les enceintes sportives comme des <a href="https://www.researchgate.net/publication/283867613_The_Shrines_of_Sport_Sacred_Space_and_the_World%E2%80%99s_Athletic_Venues">lieux sacrés</a> et y entrent de manière quasi religieuse. Le stade n’est pas un lieu comme les autres : c’est le symbole le plus durable d’une équipe ou d’un club et même un repère pour la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272494408000522">communauté locale</a>. Après tout, ne parle-t-on pas de « match à la maison », de « victoire à domicile » et de « l’avantage de recevoir chez soi » ?</p>
<h2>Déménager, c’est reconstruire une identité</h2>
<p>Construire le lien entre une communauté et un lieu est un processus dynamique : il a un début et une fin. Si l’attachement au lieu se développe lentement, tout peut s’arrêter brutalement et entraîner une longue période pendant laquelle l’individu va essayer de gérer cette perte, de la réparer ou de créer de nouveaux liens d’attachement avec d’autres personnes ou d’autres lieux.</p>
<p>Lorsque le lieu est amené à changer, les réactions sont bien souvent liées aux <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4684-8753-4_13">causes du mouvement</a>. Le déménagement peut être volontaire, auquel cas le changement suit un processus en trois phases. Avant le déménagement, l’individu commence à se détacher de son domicile et des obligations qui lui sont inhérentes. Puis il se projette et essaye d’anticiper et d’établir une connexion avec sa nouvelle résidence. Le déménagement en lui-même est généralement générateur de stress. Une fois celui-ci effectué, l’individu peut éprouver un mal du pays et une manière de se sortir de cet état est de maintenir des liens avec son ancien domicile et de fournir des efforts pour afficher son appartenance à une identité personnelle et collective au nouveau lieu. D’autres déménagements sont subis et suivent d’autres processus dans lesquels il s’agit parfois de gérer un traumatisme.</p>
<p>Tout cela explique pourquoi les supporters se sont souvent montrés réticents à ce que leur club change de stade. Lorsqu’ils y sont contraints, soit en raison d’accidents comme à Gravelines, soit par politique du club comme cela a été le cas, avant peut-être donc le PSG, ces dernières années en football pour l’Olympique lyonnais ou les Girondins de Bordeaux, l’urgence pour les clubs est de trouver des leviers pour créer de l’attachement au nouveau lieu. Nos <a href="https://www.theses.fr/2021TOUR1002">travaux</a> se sont notamment intéressés au déménagement du club de rugby du Racing 92, qui, en 2017, a migré depuis le stade Yves du Manoir de Colombes vers la salle flambant neuve de la Paris la Défense Arena.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034836770456776706"}"></div></p>
<p>Nous montrions dans pareil cas que la <a href="https://bpifrance-creation.fr/moment-de-vie/comment-ameliorer-valeur-percue-vos-produits-services">valeur perçue</a> du stade, celle qui existe dans l’esprit du consommateur, est un antécédent de l’attachement au lieu. D’où l’importance pour les clubs de bien la soigner en travaillant notamment sur les émotions ressenties lorsqu’on se retrouve dans le stade.</p>
<h2>Construire une continuité</h2>
<p>Comme toute étude de cas, l’exemple du Racing 92 présente des singularités. Le projet de déménager porté par le président Jacky Lorenzetti n’avait pas fait l’objet d’une résistance féroce de la part des supporters. Seuls les <a href="https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/nanterre-92000/a-nanterre-c-est-le-grand-soir-pour-la-u-arena-et-ses-riverains-18-10-2017-7341396.php">riverains</a> de la nouvelle infrastructure montraient une forme d’hostilité.</p>
<p>D’autres projets de relocalisation d’enceinte ont fait l’objet d’études : <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13606719.2011.532600">Arsenal</a>, club londonien de football, qui avait quitté son antre historique d’Highbury pour l’Emirates Stadium en 2006, par exemple, ou, plus récemment, sur le projet de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14660970.2024.2303851">déménagement du club d’Aberdeen vers le quartier de Westhill</a>. Ces études – peu nombreuses dans un contexte européen et quasi inexistantes en France (une étude est en cours sur le processus de déménagement du Stade Brestois 29 du stade Francis le Blé vers l’Arkéa Park à l’horizon 2027) – s’accordent pour dire que la réussite d’un projet de changement de stade passe par l’identification puis l’accompagnement des parties prenantes avant, pendant et après la réalisation du déménagement.</p>
<p>Cet accompagnement passe par des réunions publiques et des visites de chantier en amont, par exemple, mais aussi par des actions marketing concrètes : la commercialisation de produits dérivés à l’effigie des deux enceintes par exemple, ou pourquoi pas, la mise en vente de « reliques ». C’est ce qu’a fait West Ham en 2016, avec des pièces de son stade de Boleyn Ground, situé dans le quartier d’Upton Park et démoli depuis. Certains éléments de l’ancien stade peuvent aussi être incorporés dans le nouveau pour instaurer de la continuité, comme la célèbre horloge d’Highbury qui trône désormais au sommet d’une tribune de l’Emirates Stadium.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Boissel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’il soit choisi ou contraint, un changement d’enceinte sportive exige pour les clubs un accompagnement de leurs supporters qui peuvent se montrer particulièrement attachés aux lieux.Jérôme Boissel, Professeur Associé et Responsable de la Filière Passion Sport, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228362024-02-06T14:42:04Z2024-02-06T14:42:04ZLa série « Balenciaga », fenêtre sur l’histoire de la haute couture<p>Né dans un petit village de pêcheurs basques sur la côte nord de l’Espagne à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://www.cristobalbalenciagamuseoa.com/en/discover/cristobal-balenciaga/">Cristóbal Balenciaga</a> (1895-1972) est devenu l’un des créateurs de mode les plus novateurs et les plus influents du XX<sup>e</sup> siècle – et le roi de la mode à Paris.</p>
<p>Son dévouement au métier de couturier et de tailleur a été très tôt encouragé par sa mère couturière et reconnu par l’aristocratie espagnole locale qui a su reconnaître ses talents. La marquise de Casa Torres, sa protectrice, lui permet de faire un apprentissage de tailleur à Saint-Sébastien, où il a ouvert sa première entreprise de couture en 1919, à l’âge de 24 ans, et plus tard un atelier à Madrid.</p>
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<img alt="Un homme brun en costume élégant" src="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cristóbal Balenciaga ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Crist%C3%B3bal_Balenciaga#/media/File:Cristobal_Balenciaga.jpg">Louise Dahl-Wolfe, 1950/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ses coupes impeccables et ses compétences exceptionnelles en matière d’assemblage et de couture de vêtements à la main lui valent une position respectée dans le monde de la haute couture à Paris, où il ouvre sa <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/acref/9780199891573.001.0001/acref-9780199891573-e-4043">maison</a> en 1937.</p>
<p>La vie et l’œuvre de Balenciaga sont actuellement explorées dans une <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2024/jan/19/cristobal-balenciaga-review-this-classy-drama-is-utterly-gorgeous">série biographique espagnole en six épisodes</a> sur <a href="https://press.disney.co.uk/news/original-drama-series-crist%C3%B3bal-balenciaga-will-debut-january-19-exclusively-on-disney+-in-the-uk">Disney+</a>. La série retrace l’histoire de l’homme qui est devenu le « maître » de la <a href="https://www.businessoffashion.com/education/fashion-az/haute-couture">haute couture</a> grâce à ses créations innovantes de vêtements féminins et son utilisation originale des textiles pendant les années qu’il a passées à Paris, de 1937 à 1968.</p>
<p>La nouvelle série de Disney met en scène Alberto San Juan dans le rôle de Balenciaga et s’articule autour du créateur qui se remémore les événements de sa vie et de sa carrière lors d’une rare interview en 1971 avec la rédactrice de mode du <em>Times</em>, Prudence Glynn (Gemma Whelan).</p>
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<h2>La mode pour un monde d’après-guerre</h2>
<p>Nous rencontrons Balenciaga en 1937, un an après avoir accepté le statut très convoité de « couturier », conféré par les normes rigoureuses de la <a href="https://www.fhcm.paris/en/our-history">Chambre syndicale de la couture parisienne</a>. Les talents de tailleur et de couturier de Balenciaga, ainsi que ses créations innovantes, ont joué un rôle crucial dans le succès et l’impact durable de la haute couture du milieu du XX<sup>e</sup> siècle – un fait qui est soigneusement décrit dans la série.</p>
<p>Si la licence artistique embellit les moments intimes et émotionnels de la série, celle-ci est globalement fidèle à l’histoire, notamment en ce qui concerne les relations et les rivalités entre les couturiers <a href="https://www.vogue.co.uk/article/coco-chanel-biography">Coco Chanel</a> (Anouk Grinberg), <a href="https://www.vogue.co.uk/article/christian-dior">Christian Dior</a> (Patrice Thibaud) et le mentorat de <a href="https://www.vogue.co.uk/article/hubert-de-givenchy-biography">Hubert de Givenchy</a> (Adrien Dewitte).</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Dans l’épisode 2 (« L’occupation »), lorsque l’investisseur de Balenciaga cherche à se rassurer et rend visite à Chanel pour lui demander si le créateur peut réussir dans la haute couture parisienne, sa célèbre réponse est retentissante : « « Cristóbal était le seul vrai couturier parmi nous tous. Les autres n’étaient que des stylistes ».</p>
<p>La série retrace les turbulences politiques et économiques de la mode au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Les créateurs devaient protéger leur réputation et leur intégrité créative et faire face à l’espionnage industriel, dans un contexte international mouvementé. Pendant ce temps, les traditions artisanales de la couture devaient faire face à la montée et à l’expansion de la fabrication en masse du <a href="https://www.masterclass.com/articles/ready-to-wear-fashion-guide">prêt-à-porter</a>.</p>
<h2>Trouver l’inspiration</h2>
<p>L’influence de Balenciaga dans le domaine de la couture tient aussi à son inspiration issue des vêtements traditionnels espagnols et des vêtements liturgiques du catholicisme, qu’il a incorporés dans ses collections.</p>
<p>Au cours des épisodes 1 et 2, nous le voyons s’efforcer de définir le style de sa maison jusqu’à ce qu’il consulte ses livres d’art et de costumes historiques pour trouver l’inspiration. Cet engagement dans la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/memories-of-dress-9781350153813/">mémoire culturelle de l’habillement</a>, révèle l’authenticité, la signification et la profondeur de ses créations qui émergent de ses racines espagnoles.</p>
<p>Christian Dior a dit de Balenciaga qu’il était « notre maître à tous », et l’Espagnol était admiré pour son génie technique et ses innovations par les journalistes de mode, les critiques, les clients, les employés et ses pairs dans les cercles de la haute couture.</p>
<p>Les nouveaux créateurs de prêt-à-porter, dont il a été le mentor, ont repris ses principes de conception dans leurs lignes de vêtements de luxe fabriqués en série, notamment Givenchy, <a href="https://www.vogue.com/article/remembering-andre-courreges">André Courrèges</a> et <a href="https://www.vogue.co.uk/article/emanuel-ungaro-biography">Emanuel Ungaro</a>.</p>
<h2>Industrie et passion</h2>
<p>Il s’agit d’une série écrite, réalisée et dirigée par des personnes qui respectent la place des idées, des compétences et de l’innovation dans la pratique de la fabrication des vêtements de haute couture. La magie de Balenciaga repose sur un dévouement infatigable son art. Partout, nous voyons des mains, des outils, des textiles manipulés, coupés, pliés, cousus, ajustés et finalement formés sur un corps, prêt à être admirés et, en fin de compte, vendus.</p>
<p>Il s’agit là d’une des réussites de cette série. Dans le dernier épisode, « Je suis Balenciaga », l’Espagnol s’interroge sur l’avenir de la couture et de sa maison dans un contexte de prêt-à-porter en plein essor. Il se rend compte que l’une des options qui s’offrent à lui est de se retirer et de passer les rênes à un collaborateur de confiance. Cependant, il déclare : « Ce n’était pas seulement une entreprise, elle faisait partie de moi, comme une extension de mon corps. Comment un corps peut-il survivre sans cerveau ? »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Femme portant un tailleur noir à manches évasées et jupe au genou, assise sur un socle, la main droite levée et appuyée contre le mur" src="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Costume vintage Cristóbal Balenciaga, 1951.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/51248231@N04/4711015713">Bianca Lee/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La série montre aussi le pouvoir croissant des médias qui imposent le rythme des changements sur les marchés de la mode. <a href="https://www.harpersbazaar.com/culture/features/a92/bazaar-140-0507/">Carmel Snow</a> ((Gabrielle Lazure) est un personnage important de la série : c’était la responsable de la mode de l’édition américaine du très influent magazine lifestyle <a href="https://www.harpersbazaar.com/"><em>Harper’s Bazaar</em></a>. Snow avait le pouvoir de faire ou défaire la fortune des plus grands couturiers, car, sans l’exposition offerte par le prestigieux magazine, il n’y aurait eu ni clients, ni commandes.</p>
<p>L’épisode quatre – « Imitations » – montre les prémisses du débat sur les systèmes actuels de <a href="https://www.vogue.co.uk/fashion/article/article/history-of-paris-fashion-week"><em>fashion weeks</em></a>, afin de limiter l’accès de la presse aux défilés de couture intimes dans les maisons, par crainte de voir apparaître des copies et des contrefaçons.</p>
<p>Cette série, bien que dramatisée, représente avec une certaine fidélité un pan important de l’histoire. Ce que nous portons est une facette de notre identité, et la mode est au cœur des événements quotidiens et extraordinaires. Cette série témoigne du fait que la conception, la fabrication et la promotion des vêtements mêleront toujours passion et drame.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elizabeth Kealy-Morris ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La série Balenciaga offre un aperçu fascinant de l’univers de la haute couture au milieu du siècle dernier, en retraçant le destin d’un couturier d’exception.Elizabeth Kealy-Morris, Senior Lecturer in Dress and Belonging, Manchester Fashion Institute, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2225472024-02-02T15:38:58Z2024-02-02T15:38:58ZStationnement des SUV : nos voitures sont-elles devenues obèses ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572892/original/file-20240201-19-5af8iy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C0%2C1900%2C1039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les SUV sont encombrants à bien des égards.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Ce dimanche 4 février, les Parisiens sont amenés à voter <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">« Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes et polluantes »</a>. Si la proposition est adoptée, le tarif sera triplé pour ce type de voitures, qui correspond aux « véhicules thermiques ou hybrides rechargeables de 1,6 tonne ou plus » et aux « véhicules électriques de 2 tonnes ou plus ».</p>
<p>Mais en fait seuls les véhicules des visiteurs sont visés et non ceux des résidents de la Capitale. N’étant pas directement concernée par la mesure (faute d'avoir une voiture), il est très probable qu’une majorité de Parisiens se prononcera pour mais que la participation sera faible, <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">comme lors de la précédente votation sur les trottinettes électriques</a>.</p>
<p>Chacun tirera du scrutin les conclusions qu’il voudra, selon que l’on considère les résultats ou le taux de participation. Une certitude toutefois : les véhicules encombrants sont bel et bien là. Pour le meilleur… et surtout pour le pire ? Tour d’horizon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-lessor-du-suv-un-choix-avant-tout-politique-149781">Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique</a>
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<h2>Des voitures de plus en plus lourdes</h2>
<p>Dans les années 1960, les voitures pesaient en France en moyenne 800 kg. Puis elles ont progressivement pris 450 kg de plus pour atteindre 1 250 kg ces dernières années <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">malgré les efforts déployés pour réduire leur masse</a>.</p>
<p>Cette dérive s’explique par de nombreux facteurs : montée en gamme des véhicules, normes de sécurité renforcées, design plus affirmé, habitabilité accrue, nouveaux équipements de confort, diésélisation puis électrification du parc ou encore nouvelles normes Euro de dépollution.</p>
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<p>Or, tout alourdissement du véhicule entraîne un cercle vicieux, car il faut alors renforcer la motorisation, la chaîne de traction, les freins, les pneus et la sécurité active et passive. On a ainsi pu montrer que 100 kg d’équipements supplémentaires <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">conduisent à alourdir le véhicule de 200 kg !</a></p>
<p><iframe id="S5hg7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S5hg7/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un encombrement croissant</h2>
<p>Les dimensions des voitures ont, elles aussi, tendance à croître : entre les années 1960 et la fin des années 2010, toujours selon <em>L’Argus</em>, leur longueur a augmenté de 4 %, leur hauteur de 6 % et leur largeur de 15 %, passant de 1,55 m à 1,78 m.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un véhicule SUV mal garé en Californie, en 2007.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Malingering/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Résultat, les plus gros véhicules n’entrent plus dans les garages ou les boxes un peu anciens et se retrouvent contraints de stationner dans la rue en rentrant même difficilement dans les cases dessinées au sol.</p>
<p>Jadis, on pouvait presque toujours voir au-dessus des voitures quand on était à pied ou à vélo. C’est nettement moins le cas aujourd’hui : l’horizon se referme, barré par des toits de tôle.</p>
<h2>Un danger pour autrui</h2>
<p>La sécurité routière dépend essentiellement de l’<a href="https://www.adilca.com/ENERGIE_CINETIQUE.pdf">énergie cinétique des véhicules</a>, c’est-à-dire de leur masse et de leur vitesse. Lors d’un choc, un véhicule léger et lent « ne fait pas le poids » contre un engin lourd et rapide.</p>
<p>Une <a href="https://www.vias.be/publications/Hoe%20verplaatsen%20we%20ons%20het%20veiligst/Comment%20se%20d%C3%A9placer%20de%20la%20mani%C3%A8re%20la%20plus%20s%C3%BBre.pdf">étude récente</a> a montré que « lorsque la masse d’un véhicule augmente de 300 kg, le risque de perdre la vie chez les occupants de voiture diminue de moitié, tandis que ce même risque augmente de respectivement 77 % pour les opposants en voiture les [personnes qui sont dans la voiture percutée par la voiture lourde] et de 28 % pour les usagers vulnérables [piétons et cyclistes] ». Comprendre : les occupants d’un SUV sont mieux protégés… au détriment des autres usagers de la route, autres automobilistes, piétons et cyclistes confondus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/est-on-vraiment-plus-en-securite-dans-une-grosse-voiture-187454">Est-on vraiment plus en sécurité dans une grosse voiture ?</a>
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<h2>Des voitures électriques plus voraces en matières premières</h2>
<p>Oui, mais la voiture électrique permet d’éviter des émissions de gaz à effet de serre, vous dira-t-on. Aujourd’hui, la plupart des gens sont sensibilisés à l’empreinte carbone de leur véhicule – soit les émissions de gaz à effet de serre produites <a href="https://theconversation.com/et-si-lecologie-cetait-plutot-de-rouler-avec-nos-vieilles-voitures-214495">tout au long de son cycle de vie</a>.</p>
<p>De la même façon, il existe aussi une <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-matieres-un-indicateur-revelant-notre-consommation-reelle-de-matieres-premieres">empreinte matières</a>, soit toutes les ressources naturelles (énergies fossiles, minerais métalliques et non métalliques, biomasse) consommées tout au long de la chaîne de production d’une voiture, dans les mines, la métallurgie, la fabrication, le transport ou le recyclage.</p>
<p>Par rapport à la voiture thermique, la voiture électrique divise l’empreinte carbone par <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-15.htm">deux ou trois en fonction des hypothèses retenues</a>, mais elle multiplie par deux l’empreinte matières et par six les <a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">matériaux critiques</a> nécessaires, à cause des <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions">plus grandes difficultés pour extraire et raffiner</a> ces matériaux.</p>
<p>Plus précisément, l’empreinte matières d’une voiture thermique de 1,3 t est d’environ 13 t, soit dix fois plus. Celle d’une voiture électrique de 1,5 t (poids de la Zoé) est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652618333420">d’environ 30 t, soit 20 fois plus</a>, alors qu’une voiture ne transporte en moyenne que 110 kg de personnes et de charges.</p>
<p>Eh oui, avec les voitures électriques actuelles, pour transporter 1 kg, il faut 270 kg de matières : un fantastique gâchis ! C’est pourquoi, pour préserver les ressources de la planète, il sera indispensable de privilégier à l’avenir les véhicules électriques les plus légers possibles, notamment les <a href="https://www.mdpi.com/2032-6653/13/10/183">LEV (light electric vehicles)</a>, appelés aussi en France les <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1.htm">« véhicules intermédiaires »</a>, d’ailleurs <a href="https://xd.ademe.fr/">promus par l’Ademe</a> et <a href="https://invd.fr/">par certaines associations</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Malus poids, émissions de CO₂ : intéressons-nous enfin aux véhicules intermédiaires !</a>
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<h2>L’occasion manquée des véhicules consommant deux litres au 100 km</h2>
<p>Dans le cadre des Investissements d’avenir, le programme « Véhicule 2 l/100 km » lancé par le gouvernement en 2012, avait permis à Renault et à PSA de sortir des démonstrateurs prouvant que c’était <a href="https://www.renaultgroup.com/news-onair/actualites/renault-presente-eolab-le-prototype-au-1l100-km/">parfaitement possible</a>.</p>
<p>Ces véhicules étaient légers et aérodynamiques, mais aussi forcément moins équipés, peu puissants, et donc plutôt lents et avec de faibles capacités d’accélération. Des qualités bien peu séduisantes pour beaucoup d’automobilistes et à l’opposé de celles jusqu’ici mises en avant par les constructeurs : vitesse, vivacité, confort.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/R3fuOdJZyUw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Eolab, le prototype de Renault conçu pour ne consommer que 1 litre/100 km.</span></figcaption>
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<p>Mais las : ces derniers ont préféré développer une offre de SUV censée mieux répondre à la demande, aux antipodes des bonnes intentions de 2012. À tel point que la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">part des SUV dans les ventes de voitures neuves s’approche aujourd’hui des 50 %</a>.</p>
<p>De nombreux organismes et ONG (comme l’<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">Agence internationale de l’énergie</a>, l’<a href="https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2019/06/Communiqu%C3%A9-de-presse-Car-labelling-2019.pdf">Ademe</a> ou <a href="https://www.greenpeace.fr/lindustrie-automobile-moteur-du-dereglement-climatique/">Greenpeace</a> ont souligné l’absurdité de cette dérive puisque les SUV sont tout à la fois plus polluants, plus émetteurs de gaz à effet de serre, plus dangereux et plus chers que des berlines. Ainsi, le prix des voitures neuves s’envole et, avec un décalage de quelques années, celui des voitures d’occasion, rendant la voiture de moins en moins accessible aux revenus les plus modestes.</p>
<h2>Les constructeurs automobiles façonnent encore les imaginaires</h2>
<p>Leurs marges étant bien plus confortables, les constructeurs automobiles ont intérêt à pousser les consommateurs à acheter des véhicules toujours plus gros et plus équipés. Il n’est en effet <a href="https://www.caradisiac.com/plus-gourmands-moins-performants-et-plus-chers-que-les-berlines-a-quoi-servent-les-suv-182746.htm">pas plus coûteux de construire un SUV plutôt qu’une berline</a>, mais les consommateurs l’ignorent et sont prêts à payer plus cher un véhicule plus imposant, perçu comme plus sécurisant et plus confortable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fausse campagne publicitaire pour BMW en janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Merny Wernz/Twitter</span></span>
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<p>Loin de se contenter de répondre à une demande, comme ils le prétendent, les constructeurs y veillent et façonnent les imaginaires à coup d’investissements publicitaires massifs utilisant des stéréotypes éculés, comme l’ont fort bien montré le <a href="https://www.wwf.fr/sengager-ensemble/relayer-campagnes/stop-suv">WWF</a> puis la <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/la-suv-ification-du-marche-automobile-des-strategies-industrielles-aux-imaginaires-de-consommation/">fondation Jean Jaurès</a>. La grosse voiture, ce serait la liberté, la distinction, l’aventure, la sécurité, la famille et même le respect de l’environnement ! Cette publicité envahissante représente <a href="https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/lobsession-de-la-publicite-pour-les-suv">environ 10 % du coût total d’un SUV</a>.</p>
<p>De plus en plus conscients du problème, les pouvoirs publics ont ajouté au malus CO<sub>2</sub> un malus au poids appliqué aux véhicules neufs essence ou diesel de plus de 1,8 t au 1<sup>er</sup> janvier 2022, ce seuil ayant été abaissé à 1,6 t au 1<sup>er</sup> janvier 2024. L’initiative est louable, mais le seuil reste très élevé et ne s’applique pas aux véhicules électriques. France Stratégie – l’organisme d’expertise du gouvernement – a donc proposé <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/voiture-electrique-cout">d’étendre le malus au poids à ces véhicules</a>.</p>
<p>À vrai dire, si l’on prenait toute la mesure du problème, il faudrait élargir le bonus-malus à l’ensemble de la mobilité individuelle, y compris aux véhicules intermédiaires et même au vélo et à la marche (pour ces deux modes, les recettes du malus pourraient servir à améliorer les aménagements nécessaires à leur développement) en retenant un malus poids commençant à une tonne. <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Ce que nous proposions déjà il y a quatre ans !</a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222547/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au cours des dernières décennies, nos voitures sont devenues de plus en plus lourdes et larges et posent désormais des problèmes de stationnement, notamment à Paris. Un autre futur était pourtant possible.Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195092024-01-04T21:57:00Z2024-01-04T21:57:00ZLe vélo, meilleur atout pour réduire la pollution et les temps de trajet - L'exemple de l'Île de France<p>Marginal et en déclin partout en France au début des années 1990, le vélo a fait un retour remarqué à Paris. Entre 2018 et 2022, la fréquentation des aménagements cyclables y <a href="https://www.paris.fr/pages/le-bilan-des-deplacements-a-paris-en-2022-24072">a été multipliée par 2,7</a> et a encore doublé <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">entre octobre 2022 et octobre 2023</a>. Aux heures de pointe y circulent maintenant <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">plus de vélos que de voitures</a>.</p>
<p>Pour autant, Paris <a href="https://theconversation.com/dependance-a-la-voiture-en-zone-rurale-quelles-solutions-109016">n’est pas la France</a>, et pas même l’Île-de-France où la part du vélo reste bien inférieure à celle des transports en commun ou de la voiture. En 2018, dernière année pour laquelle on dispose de données, seuls 1,9 % des déplacements ont été effectués à vélo dans la région francilienne. Bien que ce chiffre ait certainement augmenté depuis, on part de très loin.</p>
<p>Certes, les transports en commun y ont une place nettement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3714237">plus importante que dans les autres régions</a>. Reste qu’environ la moitié des déplacements y sont faits en voiture individuelle, avec les <a href="https://theconversation.com/nous-sous-estimons-les-effets-negatifs-de-la-voiture-sur-la-sante-206911">nuisances</a> bien connues qu’elle entraîne : changement climatique, pollution de l’air, bruit, congestion, accidents, consommation d’espace…</p>
<p>De nombreuses pistes sont défendues pour réduire ces nuisances : développement des transports en commun, <a href="https://theconversation.com/le-velo-ce-mode-de-deplacement-super-resilient-138039">du vélo</a>, télétravail, électrification des véhicules… Pourtant, il existe peu de quantification de leur potentiel, qui varie bien sûr entre les régions. Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2023.107951">article récent</a>, nous avons donc tenté de le faire – en nous concentrant sur le cas de l’Île-de-France.</p>
<h2>Quelle substitution à la voiture ?</h2>
<p>Pour cela, nous avons utilisé la dernière enquête représentative sur les transports, l’<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/les-fiches-de-lenquete-globale-transport/">enquête globale des transports 2010</a>, qui couvre 45 000 déplacements en voiture géolocalisés effectués dans la région.</p>
<p>Grâce aux informations fournies par l’enquête sur les véhicules, nous avons estimé les émissions de CO<sub>2</sub> (le principal gaz à effet de serre anthropique), NO<sub>X</sub> et PM<sub>2.5</sub> (deux polluants atmosphériques importants) de chaque déplacement.</p>
<p>Bien que la voiture ne soit utilisée que pour la moitié des déplacements au sein de la région, elle entraîne 79 % des émissions de PM<sub>2.5</sub>, 86 % des émissions de CO<sub>2</sub> et 93 % des émissions de NO<sub>X</sub> dus aux transports.</p>
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<p>Pour tous ces déplacements en voiture, nous avons ensuite étudié s’ils pourraient être effectués à vélo – y compris vélo à assistance électrique – ou en transports en commun, en fonction du temps que prendrait alors chaque déplacement, d’après un simulateur d’itinéraires et en fonction des informations dont nous disposons sur ces déplacements.</p>
<p>Nous distinguons ainsi trois scénarios, qui présentent des contraintes de plus en plus strictes sur le type de déplacement en voiture « substituables ».</p>
<ul>
<li><p>Le scénario 1 suppose tous les déplacements substituables, sauf ceux réalisés par les plus de 70 ans.</p></li>
<li><p>Le scénario 2 exclut de plus les déplacements vers les hypermarchés et centres commerciaux (considérant qu’ils impliquent le transport de charges importantes) ainsi que les tournées professionnelles comme celles des artisans, plombiers, etc.</p></li>
<li><p>Le scénario 3 exclut en outre les trajets avec plus d’une personne par voiture.</p></li>
</ul>
<h2>Vélo ou transports en commun ?</h2>
<p>Nous avons ainsi calculé le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun (axe vertical) dans le cas d’une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à X minutes (axe horizontal).</p>
<p>La conclusion est la suivante : pour les scénarios 1 et 2, environ 25 % des automobilistes gagneraient du temps en utilisant l’un de ces types de mobilités – beaucoup moins dans le scénario 3.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sur l’axe vertical, le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun. Sur l’axe horizontal, la hausse du temps de trajet quotidien maximale à laquelle cela correspondrait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Leroutier, M., & Quirion, P. (2023). Tackling car emissions in urban areas : Shift, Avoid, Improve. Ecological Economics, 213, 107951</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qu’en est-il des baisses d’émissions polluantes ? Dans les scénarios 1 et 2, elles diminuent d’environ 8 % si le temps de trajet quotidien est contraint de ne pas progresser – chiffre quasiment identique pour chacun des trois polluants étudiés. Ce pourcentage est inférieur aux 25 % mentionnés précédemment, car les déplacements substituables sont de courte distance. La baisse d’émissions atteint 15 % pour une augmentation du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, et 20 % pour une hausse inférieure à 20 minutes.</p>
<p>Nous pouvons attribuer une valeur monétaire aux nuisances générées par ces émissions en utilisant les recommandations officielles en France (85 euros par tonne de CO<sub>2</sub>) et en Europe (28 euros par kg de NO<sub>X</sub> et 419 euros par kg de PM<sub>2.5</sub>). Pour une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, les bénéfices sanitaires et climatiques du report modal atteignent entre 70 et 142 millions d’euros par an, selon les scénarios.</p>
<p>Il est intéressant de noter que c’est le vélo qui permet l’essentiel du transfert modal et des réductions d’émissions, alors que les transports publics existants ont peu de potentiel. Toutefois, notre méthode ne permet pas de tester l’effet de nouvelles lignes de transports publics, ni de l’augmentation de la fréquence sur les lignes en place.</p>
<h2>Qui dépend le plus de sa voiture ?</h2>
<p>Selon nos calculs, 59 % des individus ne peuvent pas abandonner leur voiture dans le scénario 2 si l’on fixe un seuil limite de 10 minutes de temps supplémentaire passé à se déplacer par jour.</p>
<p>Par rapport au reste de la population d’Île-de-France, statistiquement, ces personnes ont de plus longs déplacements quotidiens (35 km en moyenne contre 9 pour les non-dépendants). Elles vivent davantage en grande couronne, loin d’un arrêt de transport en commun ferré, ont un revenu élevé, et sont plus souvent des hommes.</p>
<p>Concernant ceux de ces individus qui ont un emploi, travailler en horaires atypiques accroît la probabilité d’être « dépendant de la voiture », comme l’est le fait d’aller de banlieue à banlieue pour les trajets domicile-travail. Beaucoup de ces caractéristiques sont corrélées avec le fait de parcourir des distances plus importantes et d’être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140988322001189">parmi les 20 % des individus contribuant le plus aux émissions</a>.</p>
<h2>La place du télétravail et de la voiture électrique</h2>
<p>Nous avons ensuite étudié dans quelle mesure les individus « dépendants de la voiture » pourraient réduire leurs émissions en télétravaillant. En considérant que c’est impossible pour les artisans, patrons, agriculteurs, vendeurs et travailleurs manuels, un passage au télétravail deux jours de plus par semaine pour les autres professions amènerait une baisse d’environ 5 % d’émissions, en plus de ce que permet le report modal.</p>
<p>Pour réduire davantage les émissions, il est nécessaire de rendre moins polluants les véhicules, en particulier par le passage aux véhicules électriques. Nos données n’apportent qu’un éclairage partiel sur le potentiel de cette option, mais elles indiquent tout de même que l’accès à la recharge et l’autonomie ne semblent pas être des contraintes importantes : 76 % des ménages dépendants de la voiture ont une place de parking privée, où une borne de recharge pourrait donc être installée, et parmi les autres, 23 % avaient accès à une borne de recharge à moins de 500 mètres de leur domicile en 2020.</p>
<p>Ce chiffre va augmenter rapidement car la région Île-de-France a annoncé le triplement du nombre de bornes entre 2020 et fin 2023. L’autonomie ne constitue pas non plus un obstacle pour les déplacements internes à la région puisque moins de 0,5 % des personnes y roulent plus de 200 km par jour.</p>
<h2>Le vélo, levier le plus efficace</h2>
<p>Soulignons que la généralisation des véhicules électriques prendra du temps puisque des véhicules thermiques neufs continueront à être vendus jusqu’en 2035, et donc à être utilisés jusqu’au milieu du siècle.</p>
<p>Ces véhicules ne résolvent par ailleurs qu’une partie des problèmes générés par la voiture : des émissions de particules importantes subsistent, dues à l’usure des freins, des pneus et des routes. Ni la congestion routière, ni le <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">manque d’activité physique lié à la voiture</a> ne sont atténués.</p>
<p>Lever les obstacles à l’adoption du vélo partout dans la région devrait donc être une priorité. Le <a href="https://fifteen.eu/fr/resources/guides/velo-en-ile-de-france-resultats-de-l-etude-opinion-way-x-fifteen">premier facteur cité par les Franciliens</a> parmi les solutions pour accroître les déplacements quotidiens en vélo serait un meilleur aménagement de la voie publique, comprenant la mise en place de plus de pistes sécurisées et d’espaces de stationnement.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-17-EURE-0001">ANR- 17-EURE-0001</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion est président de l'association Réseau Action Climat France (activité bénévole) et membre de l'association négaWatt.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Leroutier a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (France) et de la Fondation Mistra (Suède) pour ce projet de recherche.</span></em></p>Des chercheurs ont quantifié la possibilité de substituer le vélo et les transports en commun à la voiture dans la région et les effets que cela aurait sur la pollution.Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Marion Leroutier, Postdoc Fellow, Institute for Fiscal StudiesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196662023-12-20T19:54:58Z2023-12-20T19:54:58ZUne forêt tropicale à Paris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566323/original/file-20231218-28-xc0jy3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C35%2C2939%2C2913&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paris a déjà connu un climat tropical, il y a plusieurs dizaines de millions d’années. Attention aux marécages en allant au travail&nbsp;!</span> <span class="attribution"><span class="source">Sophie Fernandez, MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avec l’augmentation moyenne des températures à la surface de la Terre, Paris verra-t-elle un climat tropical et des jungles marécageuses s’installer ?</p>
<p>Si, dans l’histoire de la Terre, Paris a déjà été une zone tropicale, les causes du réchauffement étaient alors extrêmement différentes, et les changements climatiques beaucoup plus lents, étalés sur quelques milliers ou millions d’années.</p>
<p>Je vous propose de mieux comprendre comment des plantes tropicales en sont venues à dominer la végétation du Bassin parisien il y a des dizaines de millions d’années, pour comprendre comment la situation est différente aujourd’hui.</p>
<h2>Un réchauffement brutal et sans précédent</h2>
<p>À la fin du Paléocène, il y a 56 millions d’années, il faisait déjà plutôt chaud sur la Terre par rapport à aujourd’hui. La <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a11">moyenne annuelle des températures avoisinait alors les 20 °C dans le nord de la France</a> et la moyenne des précipitations annuelles était supérieure à 1200 millimètres, contre environ 10 °C et 630 millimètres en moyenne aujourd’hui.</p>
<p>Puis, un relargage massif de carbone dans l’atmosphère, probablement d’origine volcanique, a provoqué une instabilité du cycle du carbone. Il aurait été suivi de la fonte du permafrost (partie du sol qui reste gelée pendant plus de deux ans), provoquant un autre relargage massif de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui aurait provoqué un emballement.</p>
<p>L’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a alors provoqué un réchauffement climatique sans précédent, global et « brutal » — brutal à l’échelle géologique, j’entends.</p>
<p>En quelques milliers d’années, au début de l’Éocène — époque géologique qui succède au Paléocène, et qui s’étend entre 56 et 47,8 millions d’années — on aurait enregistré jusqu’à 8 °C d’augmentation des températures continentales à l’échelle mondiale !</p>
<h2>Les forêts parisiennes s’adaptent au réchauffement</h2>
<p>À la fin du Paléocène, avant le réchauffement, la végétation autour de Paris était très différente de ce que l’on connaît actuellement : il s’agissait d’une mosaïque écologique fossile où les groupes tropicaux à subtropicaux dominent, tandis que les familles aujourd’hui dominantes des milieux tempérés (par exemple les <em>Fagaceae</em>, la famille du chêne) semblent être secondaires.</p>
<p>C’est le paléobotaniste Gaston de Saporta (1823-1895) qui l’a mis en évidence, à travers l’étude des feuilles fossilisées dans des <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/3091-prodrome-d-une-flore-fossile-des-travertins-anciens-de-sezanne">travertins anciens, dits « de Sézanne »</a>, dans la Marne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un fossile et une feuille actuelle" src="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un fossile de feuille de <em>Quercites</em> (famille du chêne) retrouvé dans les travertins de Sézanne dans la Marne, et un analogue, <em>Quercus glauca</em>, observé aujourd’hui au Japon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193862334">RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004) — Jocelyn FALCONNET — 2017, MNHN (gauche) et renshuchu, iNaturalist (droite)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De fait, la végétation et la faune ont réagi au bouleversement climatique. Mais celui-ci n’a pas représenté une crise de la biodiversité à proprement parler : certains groupes se sont réduits, tandis que d’autres se sont largement diversifiés. Côté animal, des groupes mammifères dits « modernes », comme les périssodactyles (l’ordre du zèbre ou du rhinocéros) et les primates, sont apparus et se sont diversifiés.</p>
<p>Chez les plantes, dans le Bassin parisien, les forêts subtropicales sont devenues plus riches en éléments tropicaux, avec en particulier la diversification des groupes lianescents — du style de celles que l’on trouve aujourd’hui dans les tropiques américains et les régions subtropicales africaines et asiatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une forêt subtropicale lianescente humide d’aujourd’hui, à Xishuangbanna dans le Yunnan, en Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Del Rio</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une flore similaire au Sud-Est asiatique d’aujourd’hui</h2>
<p>L’étude de l’Éocène, la période qui fait suite à ce réchauffement soudain, débute avec Adolphe Watelet (1839-1899). À partir de feuilles, de fruits et de graines, celui-ci a délimité 52 familles et 103 genres de végétaux, mais sans pour autant en déduire quoi que ce soit sur le climat et le type de flore présente à cette époque.</p>
<p>Puis, Paul-Honoré Fritel (1867-1927) a repris les études de Watelet en les critiquant sévèrement — les conflits scientifiques ne datent pas d’hier ! Il a ainsi pu réduire drastiquement le nombre d’espèces décrites par Watelet, mais a aussi augmenté son analyse avec les découvertes de feuilles de Sabal (palmiers) ainsi que d’inflorescences d’Aracées (la famille des arums).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="comparaison d’un fossile de palme et d’un palmier actuel" src="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un fossile de palme retrouvé dans le Bassin parisien et provenant de l’Éocène (gauche). À droite, un palmier Sabal — un analogue actuel — pris en photo en 2023 en Floride.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193524095">Cédric Del Rio (MNHN) et ryanhodnett, iNaturalist</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Paul-Honoré Fritel <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/2898-etude-sur-les-vegetaux-fossiles-de-l-etage-sparnacien-du-bassin-de-paris?offset=17">a exploité ces données ainsi que de nouvelles découvertes paléobotaniques</a> pour obtenir une approximation du climat de l’époque et de sa paléobiogéographie à l’aide d’une « approche actualiste » : il compare les tolérances climatiques des proches parents actuels des groupes éteints qu’il décrit.</p>
<p>Il en conclut que les analogues des fossiles présents durant l’Éocène sont à chercher dans les flores actuelles tropicales et subtropicales d’Amérique (<em>Sabal</em>, <em>Taxodium</em>, <em>Sequoia</em>) ainsi qu’Africaines et Asiatiques (<em>Asplenium</em>, <em>Salvinia</em>).</p>
<p>Avec les <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a2">études suivantes</a>, autant en botanique qu’en <a href="https://doi.org/10.1016/j.revpalbo.2005.02.005">paléobotanique</a>, les chercheurs contemporains ont conclu que les flores Éocène du bassin de Paris étaient finalement plutôt similaires aux flores actuelles du Sud-Est asiatique.</p>
<p>En somme, le réchauffement Paléocène-Éocène a vu la transition d’une végétation mosaïque qui incluait déjà des espèces tropicales et subtropicales, vers une végétation plus strictement tropicale.</p>
<h2>L’apport des pollens</h2>
<p>Si les premiers paléobotanistes nous ont appris ainsi quelles plantes étaient présentes à cette époque à partir de sites isolés, c’est l’avènement dans les années 1950 des études des grains de pollen et des spores, ou « palynologie », qui a permis d’avoir une vue régionale des écosystèmes présents au niveau du Bassin de Paris.</p>
<p>Au niveau du Bassin parisien, l’étude des grains de pollen a montré qu’<a href="https://www.abebooks.fr/Etude-palynologique-gisements-sparnacien-Bassin-Paris/16351549141/bd">on retrouvait essentiellement des forêts subtropicales à tropicales marécageuses et humides durant l’Éocène</a> à l’issue du réchauffement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une fleur conservée dans de l’ambre et une liane actuelle de la même famille" src="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une fleur retrouvée dans de l’ambre, de l’espèce <em>Icacinanthium tainiaphorum</em> (gauche). Si cette fleur appartient à un groupe éteint, on retrouve aujourd’hui des plantes de la même famille en Asie du Sud Est — ici une plante du genre <em>Iodes</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/83583160">Cédric Del Rio, MNHN (gauche) et inaturalist (droite)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En particulier, le site de Le Quesnoy, découvert en 1999 dans l’Oise, contient du pollen, ainsi que des fruits, graines, bois et <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-11536-y">même de l’ambre</a> (résine fossile produite par des conifères ou plantes à fleurs). Ce site, daté du début de l’Éocène, enregistre une palynoflore (flore décrite à partir du pollen) associée à des prairies et forêts marécageuses (par exemple <em>Gyptostrobus</em>, <em>Restionaceae</em>, <em>Sabal</em>) ainsi qu’à des forêts denses humides (par exemple <em>Icacinaceae</em>, <em>Sapotaceae</em>, <em>Myricaceae</em>).</p>
<h2>Réaction des flores au changement climatique</h2>
<p>Après le réchauffement, la forêt locale ne semble pas avoir de différences majeures dans sa composition. L’<a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">étude récente des noyaux de fruits d’Icacinaceae et d’Anacardiaceae (la famille du manguier)</a> a mis en évidence, au regard d’autres gisements plus anciens, une continuité des flores au niveau du bassin de Paris avant et après la limite Paléocène-Éocène/le réchauffement : l’évolution de la biodiversité dans le temps s’est faite sans rupture majeure.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="fossile de fruit et lame mince pour voir graine, noyau, et pulpe" src="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fossile de fruit d’<em>Anacardiaceae du genre _Cyrtocarpa</em>_, à droite. La lame mince présentée à gauche permet de distinguer la graine en blanc au centre, le noyau qui l’entoure en noir, et, sur la périphérie, les cellules blanches et allongées montrent la pulpe du fruit. Un représentant de la famille moderne est la mangue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">Cédric Del Rio, MNHN</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, les flores tropicales et subtropicales parisiennes, déjà adaptées à des climats tropicaux durant le Paléocène, n’ont pas particulièrement souffert du réchauffement brutal du début de l’Éocène. On observe même une légère tendance — à confirmer quantitativement par des études plus nombreuses — à l’accroissement de la diversité spécifique locale.</p>
<h2>Aujourd’hui, des impacts climatiques très différents</h2>
<p>Ce constat n’est pas transposable à la situation actuelle. Le réchauffement brutal du climat arrive dans un tout autre contexte floristique, où Paris et sa région sont dominés par une flore tempérée, adaptée aux périodes froides.</p>
<p><a href="https://hal.science/hal-00756083/">Notre flore est donc plus fragile aux chaleurs excessives</a>. C’est alors bien une <a href="https://www.onf.fr/vivre-la-foret/raconte-moi-la-foret/comprendre-la-foret/foret-et-changement-climatique">perte et non un gain de biodiversité</a> qu’attendent nos flores dans les années à venir, comme le <a href="https://www.ign.fr/files/default/2023-10/memento_oct_2023.pdf">montre déjà le dépérissement des arbres dans nos forêts</a>.</p>
<p>De nos jours, la végétation du Bassin parisien ne comprend pas d’espèces tropicales — pas à l’état sauvage du moins. La flore d’aujourd’hui est le résultat d’une histoire évolutive longue, marquée par une sélection positive des groupes tempérés au cours des refroidissements durant la fin du Paléogène, du Néogène (entre 23,03 et 2,58 millions d’années) et du Quaternaire (de 2,58 millions d’années à nos jours). Les températures excessives, ce n’est pas leur fort !</p>
<p>De plus, le réchauffement observé actuellement est bien plus brusque que le réchauffement considéré comme « brutal » par les géologues. Les changements climatiques de la limite Paléocène-Eocène, quoique rapides, permettent la mise en place de dynamiques de transitions au sein des écosystèmes à travers les générations. Le changement climatique actuel s’effectue, lui, à l’échelle d’une seule génération pour un arbre commun tel que le chêne ou le hêtre.</p>
<hr>
<p><em>Le dessin illustrant la tête de cet article est de Sophie Fernandez, illustratrice scientifique au Centre de recherche en Paléontologie-Paris, MNHN. L’auteur souhaite saluer le travail de ses collègues illustrateurs, qui permettent de donner vie à des données scientifiques parfois un peu brutes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Del Rio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il était une fois, il y a bien longtemps, une jungle tropicale à Paris. Partez à la découverte de ses fleurs, ses fruits, et ses lianes.Cédric Del Rio, Maître de conférences en Paléobotanique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181862023-11-30T16:51:11Z2023-11-30T16:51:11ZLa tour Eiffel, muse du cinéma muet français<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562467/original/file-20231129-23-ho3n03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1151%2C869&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photogramme de _La Course à la perruque_ de Georges Hatot, 1906.</span> </figcaption></figure><p>Le 27 décembre 2023 marque le centenaire de la disparition de Gustave Eiffel. De nombreuses études abordent la façon dont la tour qui porte son nom a inspiré les peintres (Bonnard, Chagall, Delaunay, De Staël, etc.) et les poètes (Apollinaire, Cendrars, Cocteau, Queneau, etc.) depuis sa construction en 1889 à l’occasion de l’Exposition universelle du centenaire de la Révolution française. Mais sa présence dans le cinéma muet, contemporain de la construction du monument, est restée dans l’ombre.</p>
<p>Pourtant, quand le cinématographe voit le jour en 1895, six ans donc après la dame de fer, ce nouveau moyen d’expression est d’emblée happé par la tour qui devient sa muse. Dans le catalogue numérisé GP Archives, 121 entrées sur 2 091 sont par exemple proposées pour « tour Eiffel » entre 1895 et le début du parlant en France. Et il s’agit pourtant d’une période pour laquelle beaucoup de bobines ne sont pas parvenues jusqu’à nous, notamment parce que la pellicule 35mm était en nitrate de cellulose, donc inflammable et fragile.</p>
<h2>Dans le cinéma documentaire dès 1897</h2>
<p>En 1897, un appareil de prises de vue Lumière est embarqué pour la première fois dans l’ascenseur de la tour et nous propose un panorama ascensionnel vertigineux de 42 secondes du palais du Trocadéro, avec en premier plan l’ossature métallique de la tour. Cette première n’est peut-être pas très surprenante de la part des Lumière, friands de capturer des images de lieux emblématiques, mais l’originalité réside dans la forme de la séquence, qui superpose audacieusement premier et deuxième plan pour mieux « embarquer » les spectateurs.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/D6gAGCNNjow?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La présence de la tour est plus surprenante dans les créations de Georges Méliès, mieux connu pour ses fééries et ses films à trucs. En effet, Méliès a réalisé une trentaine de films d’environ une minute consacrés à Paris, entre 1896 et 1900, dont certains donnent à voir le Champ-de-Mars et la tour Eiffel durant l’Exposition universelle de 1900.</p>
<p>La même année, les Lumière testent un format expérimental, le 75mm, et mettent à nouveau la tour Eiffel à l’honneur.</p>
<p>Leur idée un peu folle consiste à projeter cette bande sur un gigantesque écran de 720 m<sup>2</sup> durant l’Exposition universelle – pour repère, le plus grand écran d’Europe est aujourd’hui le « grand large » du Grand Rex, 282 m<sup>2</sup>. Malheureusement, la construction du projecteur adéquat n’est pas terminée à temps et la projection n’eut pas lieu.</p>
<p>Conservés aux archives du film du CNC à Bois-d’Arcy, ces négatifs extraordinaires ont été restaurés et numérisés en 8K sur un appareil conçu exprès. Projetés uniquement deux fois depuis 123 ans, ils le seront à l’université Gustave Eiffel le mardi 12 décembre 2023 à 19h, <a href="https://my.weezevent.com/2-soiree-cine-depoque-centenaire-gustave-eiffel">lors de la Soirée Ciné d’époque du Centenaire Eiffel</a>.</p>
<h2>Dans la fiction dès 1900</h2>
<p>En 1906, Georges Hatot met en scène pour Pathé frères <em>La Course à la perruque</em>, une bande comique de 6 minutes truffée de rebondissements, avec une séquence qui transporte le spectateur devant, puis dans la tour Eiffel.</p>
<p>Tous les genres cinématographiques semblent alors contaminés. Ainsi le pionnier du cinéma d’animation, Émile Cohl, créé en 1910 un film d’animation plein d’imagination et de poésie, <em>Les Beaux-Arts mystérieux</em>, une pépite d’inventivité tournée image par image, dans laquelle la tour Eiffel prend forme <em>via</em> un objet du quotidien… des allumettes !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562468/original/file-20231129-21-gfc98v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562468/original/file-20231129-21-gfc98v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562468/original/file-20231129-21-gfc98v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562468/original/file-20231129-21-gfc98v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562468/original/file-20231129-21-gfc98v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562468/original/file-20231129-21-gfc98v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562468/original/file-20231129-21-gfc98v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photogramme des <em>Beaux-Arts mystérieux</em> de Émile Cohl, 1910.</span>
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<p>Quelques années plus tard, l’engouement ne s’est pas éteint. Durant l’été 1923, René Clair, jeune cinéaste proche de l’avant-garde, tourne <em>Paris qui dort</em>, moyen métrage produit par les films Diamant qui se déroule majoritairement dans la tour Eiffel. Son gardien se réveille et découvre que les rues de la capitale sont vides… Et Clair récidivera cinq ans plus tard avec <a href="https://www.cinematheque.fr/henri/film/47521-la-tour-rene-clair-1928/"><em>La Tour</em></a>, 14 minutes d’une sorte de poème cinématographique qui offre des vues aux angles variés sur la dame de fer.</p>
<p>C’est dans les dernières années du muet que sort <em>Le Mystère de la tour Eiffel</em> de Jean Duvivier, film dans lequel le chef d’une mystérieuse organisation internationale de criminels cagoulés, nommée Ku-Klux Eiffel, envoie des signaux, <em>via</em> la tour Eiffel, à ses membres dispersés en Europe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562469/original/file-20231129-29-tw435f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562469/original/file-20231129-29-tw435f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562469/original/file-20231129-29-tw435f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562469/original/file-20231129-29-tw435f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562469/original/file-20231129-29-tw435f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562469/original/file-20231129-29-tw435f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562469/original/file-20231129-29-tw435f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photogramme du <em>Mystère de la tour Eiffel</em> de Jean Duvivier, 1928.</span>
</figcaption>
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<h2>La puissance inspiratrice de la tour Eiffel</h2>
<p>Ces exemples variés montrent bien à quel point la tour Eiffel inspire les pionniers du cinématographe et les metteurs en scène du muet.</p>
<p>S’ils l’insèrent dans des vues documentaires, c’est pour rendre compte de cette prouesse architecturale, construite en 26 mois, et pour signifier combien elle marque les esprits comme le paysage parisien. Rappelons que la tour ne fit pas l’unanimité et qu’elle n’était pas destinée à rester en place. En effet, sa construction a déclenché une <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Protestation_des_artistes_contre_la_tour_de_M._Eiffel_du_14_f%C3%A9vrier_1887">levée de boucliers</a> de la part de certains artistes qui sont allés jusqu’à clamer leur protestation le 14 février 1887 dans le grand quotidien <em>Le Temps</em>, publiant une lettre adressée à M. Adolphe Alphand, directeur des travaux de l’exposition universelle. Parmi ces signataires figurent François Coppée, Charles Garnier ou encore Guy de Maupassant.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/562471/original/file-20231129-17-1mmcgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562471/original/file-20231129-17-1mmcgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562471/original/file-20231129-17-1mmcgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1661&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562471/original/file-20231129-17-1mmcgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1661&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562471/original/file-20231129-17-1mmcgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1661&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562471/original/file-20231129-17-1mmcgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=2088&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562471/original/file-20231129-17-1mmcgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=2088&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562471/original/file-20231129-17-1mmcgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=2088&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>Incipit</em> de l’article publié dans <em>Le Temps</em> le 14 février 1887.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré cette opposition, la tour Eiffel a été érigée et a survécu à sa destruction programmée grâce à la dimension scientifique et stratégique insufflée par Gustave Eiffel : installation d’une station météorologique en 1889 et positionnement d’antennes pour la télégraphie sans fil à partir de 1903.</p>
<p>Quant à la présence de la tour dans les films de fiction, elle témoigne de l’impact de son audace architecturale, de son aura esthétique mystérieuse et de sa modernité ; la tour inspire des histoires atypiques, filmées grâce à des plans novateurs, montés de manière ingénieuse.</p>
<h2>Un éclairage sur l’histoire du cinéma muet</h2>
<p>Si l’on fait si peu état, dans les recherches historiques, de la présence de la dame de fer dans le cinéma muet, c’est sans doute par manque de considération et de légitimation du médium cinématographique lui-même.</p>
<p>Les premiers films, appelés des vues, sont très courts, quelques secondes puis quelques minutes. Ces vues sont projetées dans les foires, sur les places des villes et des villages, dans les cafés et dans certaines salles de théâtre… Le cinématographe est alors un divertissement très populaire, souvent méprisé par l’élite. Les bandes de pellicule sont achetées par des forains qui les usent jusqu’à la corde. Quand elles cassent, ils les coupent, les recollent, si bien que ce ne sont jamais tout à fait les mêmes bandes qui sont projetées.</p>
<p>À partir de 1907 se produit une révolution économique. La puissante société Pathé frères remplace la vente des copies par un système de location. Ce changement modifie l’organisation de la diffusion, et par ricochets la façon de faire et de voir des films. L’exploitation des films donne lieu à une industrie autonome ; des salles dédiées aux projections sont construites et la durée des films s’allonge.</p>
<p>On parle alors de métrage ; de 20 mètres, soit environ 60 secondes, on passe à 740 mètres soit 30 minutes en 1909 ; à 1 500 mètres soit une heure en 1912 ; on atteint même 3 000 mètres soit deux heures en 1913. Les spectacles cinématographiques hybrides mêlent bandes courtes (actualité, comique, animation…) avant ou autour d’un film plus long, noyau dur de la séance. L’ensemble contient des attractions, du jongleur au poète en passant par l’acrobate, et est accompagné de musique, d’un seul instrument à un orchestre, en fonction de l’importance de la salle. Si le cinéma était certes muet (le sonore et parlant n’arrivant qu’à partir de 1927), le cinéma était donc tout sauf silencieux !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carole Aurouet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Appréhender la présence de la tour Eiffel dans le cinéma muet permet de mieux comprendre les débuts du cinématographe, entre prouesses techniques et avènement d’un nouvel imaginaire.Carole Aurouet, Enseignante-Chercheuse en Etudes cinématographiques et audiovisuelles, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2180572023-11-22T17:19:13Z2023-11-22T17:19:13ZLa « maladie n°9 » : un symptôme de l’antisémitisme français<p>Depuis le 7 octobre 2023, jour de l’attaque du Hamas contre Israël, 1518 actes antisémites ont été <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/15/antisemitisme-1-518-actes-recenses-depuis-le-7-octobre-peu-de-condamnations_6200221_3224.html">recensés en France</a>. Tandis que la riposte de Tsahal se poursuit, le conflit au Moyen-Orient polarise les opinions dans notre pays comme ailleurs.</p>
<p>Alors que la marche contre l’antisémitisme a réuni <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/13/marche-contre-l-antisemitisme-une-foule-compacte-digne-soucieuse-de-montrer-aux-juifs-de-france-qu-ils-ne-sont-pas-seuls_6199730_823448.html">plus de 100 000 personnes</a> le 12 novembre à Paris, Joël Mergui, président du consistoire israélite de la ville, a regretté que les instances musulmanes n’aient <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/antisemitisme/video-antisemitisme-on-n-a-pas-vu-les-instances-musulmanes-appeler-massivement-a-venir-manifester-regrette-le-president-du-consistoire-israelite-de-paris_6181035.html">« pas appelé à venir massivement manifester »</a>. Pas un mot, en revanche, sur la présence dans le cortège de Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement national ; or, ce parti politique est proche d’une extrême droite au sein de laquelle l’antisémitisme français a trouvé son principal creuset.</p>
<p>Un épisode oublié peut nous le rappeler : il y a un peu plus de 100 ans, l’antisémitisme d’extrême droite se déchaînait contre les « Juifs d’Orient » et les « maladies » qu’ils étaient accusés de répandre dans Paris. En premier lieu, la peste, dont la dernière bouffée épidémique s’est déclenchée dans la capitale française en 1920.</p>
<p>En effet, comme le montre une recherche récente à paraître dans <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe.html"><em>Déviance et Société</em></a>, la tradition de l’extrême droite française a développé toute une rhétorique d’infamisation des Juifs et des minorités racisées. Sur le fond, ce texte pose la question des effets délétères de ces stigmatisations conduisant à opposer les minorités entre elles et à la nation.</p>
<h2>L’étrange « maladie n°9 »</h2>
<p>À l’été 1920 se répandent à Paris toutes sortes de rumeurs à propos de l’étrange « maladie n°9 ». Pour le moins singulière, cette dénomination intrigue autant que son origine est controversée. Selon les médecins, elle correspondrait à un simple numéro d’ordre dans le répertoire national des maladies contagieuses. Mais d’après une rumeur colportée par la <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8175324/f1.image">presse</a>, elle renverrait plutôt au numéro du pavillon de l’hôpital Claude-Bernard où les cas auraient été regroupés.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560735/original/file-20231121-4286-8tr3r9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560735/original/file-20231121-4286-8tr3r9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560735/original/file-20231121-4286-8tr3r9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560735/original/file-20231121-4286-8tr3r9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560735/original/file-20231121-4286-8tr3r9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560735/original/file-20231121-4286-8tr3r9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560735/original/file-20231121-4286-8tr3r9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560735/original/file-20231121-4286-8tr3r9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cité Trébert, intérieur d’un chiffonnier (1913) Photographie d’Eugène Atget, album « Zoniers ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">BNF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Sous ce nom d’emprunt, c’est la réalité du mal dont souffrent les malades que les autorités s’efforcent de cacher : celle d’une résurgence de la peste bubonique dans certains quartiers pauvres du nord de la ville, proches de la <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64821967/f25.item">zone des fortifications</a>.</p>
<p>Les journaux se saisissent de l’affaire. <em>Le Populaire</em>, un quotidien socialiste, entame en août 1920 une chronique de ce que l’on ne tarde pas à appeler la <a href="https://www.lhistoire.fr/la-peste-des-chiffonniers">« peste des chiffonniers »</a>. Car le métier comme les conditions de vie de ces récupérateurs de déchets sont directement incriminés. En tout et pour tout, sur 106 cas signalés, 91 ont été confirmés, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64821967/f33.item">dont 34 mortels</a>.</p>
<p>Si elle a donc été rapidement maîtrisée, la « maladie n°9 » et les débats qu’elle a suscités ont toutefois largement dépassé le seul registre médical. Et pour cause : le mal s’est déclaré dans ces classes qu’une grande part de la bourgeoisie considérait comme « dangereuses », tant du point de vue de la <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/les-sauvages-de-la-civilisation">salubrité que de la moralité</a>.</p>
<p>Dans son édition du 3 décembre 1920, le <em>Journal officiel</em> de la République française présente le compte rendu d’un débat tenu au Sénat à propos de la <a href="https://bibliotheques.paris.fr/Default/doc/SYRACUSE/189866/la-maladie-n-9-recit-historique-d-apres-le-journal-officiel-du-3-decembre-1920">« maladie n°9 »</a>.</p>
<p>L’interpellation est menée par Adrien Gaudin de Villaine, un sénateur antirépublicain proche de l’extrême droite et des royalistes de <a href="https://www.grasset.fr/livre/naissance-de-laction-francaise-9782246811602">l’Action française</a>.</p>
<p>Nés de l’affaire Dreyfus, ce mouvement et le journal du même nom défendent un « nationalisme intégral », qui s’illustre dans la croisade antibolcheviste et <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2012-4-page-97.htm">« l’antisémitisme d’État »</a> ; autant de positions affichées pour une défense de la France qui, après s’être défaite de ses « ennemis extérieurs » (les Allemands), aurait à se protéger de ses « ennemis intérieurs » au premier rang desquels compteraient les Juifs et les étrangers, tous « indésirables ».</p>
<h2>La peste, mais laquelle ?</h2>
<p>Gaudin de Villaine tient un discours qui se caractérise par un glissement rhétorique dans l’ordre des mises en cause. À l’urgence de lutter contre le bacille tueur s’ajoute l’incrimination d’autres « corps infectieux » : non pas tant ceux des chiffonniers que ceux de tous ces « étrangers » qu’il accuse de répandre leurs miasmes dans les interstices de la capitale, hors de tout contrôle sanitaire, social ou légal.</p>
<p>Développant sa rhétorique de l’infamie, le sénateur surenchérit en précisant que :</p>
<blockquote>
<p>« Ces étrangers – tous juifs ! – bien que se disant Polonais, Russes, Roumains, ne se solidarisent même pas avec les israélites français. Ils se déclarent nettement juifs – comme religion et comme race […] »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560736/original/file-20231121-29-luur34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560736/original/file-20231121-29-luur34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560736/original/file-20231121-29-luur34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560736/original/file-20231121-29-luur34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560736/original/file-20231121-29-luur34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560736/original/file-20231121-29-luur34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560736/original/file-20231121-29-luur34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560736/original/file-20231121-29-luur34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comment voter contre le bolchevisme ? (1919). Dessin d’Adrien Barrière, propagande antibolchevique lors des élections de 1919.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BNF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Or, de tels « indésirables » ne se contenteraient pas d’« essaimer leurs microbes ». <a href="https://www.senat.fr/comptes-rendus-seances/3eme/pdf/1920/12/S19201202_1837_1853.pdf">Ils répandraient</a> aussi « dans le bas peuple avec lequel ils prennent contact, les doctrines du bolchevisme défaitiste ».</p>
<p>Selon leurs détracteurs, tous ces juifs porteurs de maladies seraient également communistes et propagateurs de <a href="https://books.openedition.org/septentrion/39264">la « peste rouge »</a>. Peu importe que les familles pointées du doigt aient fui les pogroms <a href="https://www.fayard.fr/livre/les-travailleurs-immigres-juifs-la-belle-epoque-9782213013961/">d’Europe centrale et orientale</a>. Ennemi déclaré des « judéo-bolcheviques », <a href="https://www.senat.fr/comptes-rendus-seances/3eme/pdf/1920/12/S19201202_1837_1853.pdf">Gaudin de Villaine avertit</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Nombre de Français en ont assez d’être traités en outlaws dans leur propre patrie », de sorte que les Juifs « pourraient bien, ici comme ailleurs, attirer sur eux de terribles représailles. »</p>
</blockquote>
<h2>Complotisme et rhétoriques de l’infamie</h2>
<p>Les épidémies de peste, à l’instar de celle qui <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/la-grande-peste-l-empreinte-d-une-tueuse-le-podcast-4-8-quand-la-terreur-alimente-la-haine-les-juifs-6472285">a décimé la population européenne au XIVᵉ siècle</a>, ont régulièrement été associées à la fustigation des minorités – les <a href="https://academic.oup.com/past/article-abstract/196/1/3/1488091">Juifs en tête</a> – que l’on rendait responsables de la contagion avant de les constituer en <a href="https://www.calmann-levy.fr/livre/la-causalite-diabolique-9782702136799/">boucs émissaires à sacrifier</a>.</p>
<p>Aussi modeste fût-elle du point de vue de sa morbidité, la peste parisienne de 1920 n’a pas manqué de reproduire ce type d’accusation.</p>
<p>L’épidémie survient au moment même où <em>Les Protocoles des Sages de Sion</em> – brûlot antisémite et acte <a href="https://www.fayard.fr/livre/les-protocoles-des-sages-de-sion-9782213621487/">fondateur du complotisme moderne</a> – connaissent une sorte d’essor international dû à la publication de nombreuses traductions. Deux versions françaises paraissent coup sur coup, en octobre et décembre 1920. Elles colportent la rumeur d’une prétendue « internationale juive » dont les ramifications infecteraient toutes les nations.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560740/original/file-20231121-19-ctl49n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560740/original/file-20231121-19-ctl49n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560740/original/file-20231121-19-ctl49n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=679&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560740/original/file-20231121-19-ctl49n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=679&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560740/original/file-20231121-19-ctl49n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=679&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560740/original/file-20231121-19-ctl49n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=854&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560740/original/file-20231121-19-ctl49n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=854&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560740/original/file-20231121-19-ctl49n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=854&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Oui, mais… c’est c’piton-là qu’tu pourras jamais faire naturaliser ! » (1902) Caricature d’Émile Gravelle, éditée sous forme de carte postale par la Librairie antisémite.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque historique de la Ville de Paris</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Réinscrite dans un tel cadre d’infamisation, la « maladie n°9 » devient la <a href="https://bourgoisediteur.fr/catalogue/la-maladie-comme-metaphore-le-sida-et-ses-metaphores/">métaphore</a> d’une altérité dégradée par l’intensification des stigmates sociaux, biologiques et raciaux.</p>
<p>Si nombre de parlementaires républicains se sont déclarés choqués par de telles idées, l’effet des rhétoriques de l’infamie s’est tout de même produit en instillant le doute dans les esprits quant au potentiel fond de vérité sur lequel ces arguments pourraient bien s’appuyer. La peur entretenue par le choc prétendument révélateur est l’un des leviers argumentaires privilégiés par les polémistes d’extrême droite, <a href="https://sk.sagepub.com/books/the-politics-of-fear">hier comme aujourd’hui</a>.</p>
<p>Depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, la fantasmagorie antisémite, ses images et ses écrits haineux ont composé ce que l’historien Maurice Kriegel a proposé d’appeler un <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-2014-4-page-875.htm">« Juif textuel »</a>. À la différence des « Juifs réels », le premier n’existe que dans et par les caricatures dont il fait l’objet.</p>
<p>Façonnées par les droites extrêmes, ces caricatures sont parfois reprises à leur compte par certains <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2015-2-page-89.htm">fondamentalistes musulmans</a>. Sans nier cette facette de l’antisémitisme, faut-il pour autant l’utiliser comme levier d’une opposition des minorités religieuses en France, où le « Musulman textuel » apparaîtrait comme un nouvel « ennemi de l’intérieur » ?</p>
<h2>Antisémitisme et islamophobie, même infamie</h2>
<p>Tandis que, en 1920, la « maladie n°9 » déchaînait les passions fustigatrices des « corps étrangers » infiltrés dans la nation, leurs contempteurs voyaient dans les « Juifs d’Orient » autant d’indésirables constituant l’avant-garde d’un déferlement : celui du « judéo-bolchevisme » s’apprêtant à se répandre sur l’Occident.</p>
<p>D’autres voient aujourd’hui dans l’<a href="https://theconversation.com/islamo-gauchisme-sen-prendre-a-la-recherche-montre-limpossible-decolonisation-de-luniversite-149411">« islamo-gauchisme »</a> (un néologisme dont la forme composée n’est pas sans précédent) le cheval de Troie d’un autre déferlement d’« indésirables » : celui des musulmans venus d’un Orient toujours aussi fantasmé que détesté par celles ou ceux qui, en Occident, le constituent en une <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/islamophobie-9782707189462">inépuisable source d’altérités menaçantes</a>.</p>
<p>Alors que les discours antisémites et islamophobes manifestent d’indéniables proximités du point de vue des principes rhétoriques mobilisés, il y a toutes les raisons de comparer sans les opposer ces formes de rejet, de racisme et de mépris déjà rapprochées dans une perspective historique par des chercheurs tels que <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/semites-religion-race-et-politique-en-occident-chretien/">Gil Anidjar</a> et <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/antisemitisme-et-islamophobie/">Reza Zia-Ebrahimi</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iJf3MvuBa7A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reza Zia-Ebrahimi : Antisémitisme et islamophobie. Une histoire croisée, IREMAM.</span></figcaption>
</figure>
<p>Tandis que le premier montre comment la raciologie française du XIX<sup>e</sup> siècle a créé les Sémites en réunissant dans une même « race » les deux corps de l’« ennemi » – <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2017-1-page-338.htm?ref=doi">« le Juif et le Musulman »</a> –, le second nous fait voir la façon dont procède cette infamisation et quels pièges elle nous tend.</p>
<h2>S’opposer à tous les séparatismes</h2>
<p>Ici, la comparaison est la raison qu’il faut opposer à tous les séparatismes. Doit-on, contre l’antisémitisme dont la droite néo-conservatrice <a href="https://www.lepoint.fr/invites-du-point/l-antisemitisme-musulman-causes-consequences-et-remedes-16-11-2023-2543374_420.php">ne cesse d’accuser les musulmans</a>, accepter les compromissions qui rapprochent l’extrême droite des Juifs – ou les infamisés des infamants ?</p>
<p>Quels pires défenseurs pourraient avoir les Juifs de France que les héritiers de ceux qui ont collaboré à leur abaissement, <a href="https://www.nouveau-monde.net/catalogue/antisemythes">jusqu’à l’abjection ?</a></p>
<p>Faut-il donc oublier le passé et se laisser prendre au piège des rhéteurs de l’infâme qui, agitant la menace d’une épidémie ou d’une guerre, pointent du doigt la minorité exécrée tout en prétendant défendre l’intégrité d’une communauté ou d’une nation ? S’il faut un jour marcher ensemble, il sera difficile d’y arriver avec des membres fracturés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218057/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Beauchez a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et de l'Institut d'études avancées de l'Université de Strasbourg (USIAS).</span></em></p>L’extrême droite française a développé toute une rhétorique d’infamisation des Juifs et des minorités racisées qui poursuit son chemin et trouve des formes variées, comme lors de la peste de 1920.Jérôme Beauchez, Sociologue et anthropologue, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087972023-09-10T14:55:21Z2023-09-10T14:55:21ZEn matière de goûts cinématographiques, Paris et la province ne jouent pas dans la même salle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547273/original/file-20230908-27-fr2p37.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1987%2C1133&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Que Paris existe, et qu'on puisse choisir de vivre ailleurs sera toujours un mystère pour moi. »
(Woody Allen, _Midnight in Paris_, 2011).</span> <span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span></figcaption></figure><p>On ne regarde pas les mêmes films à Paris que dans le reste de la France.</p>
<p>Il y a quelques mois, des journalistes de France Inter s’étonnaient des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite/en-toute-subjectivite-du-jeudi-06-avril-2023-4610037">« films qui cartonnent hors de Paris mais dont les médias ne parlent pas »</a>, rebondissant sur le constat de leurs confrères et consœurs du <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/bac-nord-dun-cote-les-bodins-de-lautre-a-paris-ou-en-province-on-naime-pas-les-memes-films-19-03-2022-ZL3T7JDQRNCGRJHMCBW7UT4DWY.php"><em>Parisien</em></a> ou du <a href="https://www.lepoint.fr/cinema/cinema-les-bodin-s-un-carton-qui-ne-passe-pas-par-la-capitale-01-12-2021-2454613_35.php#11"><em>Point</em></a>, questionnant ces films à succès « qui ne passent pas à la capitale ».</p>
<p>Parmi les stéréotypes habituels gravitant autour de la vie à Paris, on évoque souvent l’argument économique : les salaires plus élevés à Paris qu’en Province (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4479260">à Paris, le revenu des ménages les plus aisés est le plus élevé de France métropolitaine</a>) ; l’argument démographique : Paris ville la plus peuplée de France (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4171583">l’agglomération parisienne représentant 1/6 de la population française</a>) ou encore l’argument (souvent désuet-fantasmé) des intellectuels à Paris (<a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/12/21/heureux-comme-un-intellectuel-americain-a-paris_6064048_4500055.html">« le prestige intellectuel parisien »</a>). Les données chiffrées sont parfois interprétées dans le sens que l’on veut bien leur donner, à tort ou à raison, et il s’est installé dans l’imaginaire collectif cette fracture entre Paris et le reste de la France, ou encore comme certains aiment l’appeler, « la Province ».</p>
<h2>Paris et la Province face à leurs différences culturelles</h2>
<p>Dans les faits, il existe bel et bien une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-crise-qui-vient-laurent-davezies/9782021086454">fracture territoriale entre régions, départements et villes, qui tend à se creuser</a>. La concentration de l’emploi dans les aires métropolitaines depuis des décennies, la succession de crises financières, de crises du logement et des politiques publiques valorisant les grands centres urbains au détriment des milieux ruraux <a href="https://editions.flammarion.com/la-france-peripherique/9782081312579">sont bien souvent tenus comme responsables de cette fracture</a>. Le sentiment « d’être les oubliés », voir un sentiment de <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/04/20/richard-ferrand-il-ny-a-pas-de-territoires-oublies-10246859.php">« mépris pour la « France d’en bas »</a>, <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-france-des-territoires-defis-et-promesses/">s’est développé dans les territoires</a>, et cette scission est encore plus marquée quand il est question de mener des comparaisons entre Paris et Province.</p>
<p>Cette fracture s’appuie sur des faits : par exemple, depuis la fin des années 90, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283880">part des emplois « qualifiés » (c’est-à-dire cadres et professions intellectuelles supérieures) a doublé à Paris</a>, et en <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3196776">2014, 34,7 % des postes étaient des emplois qualifiés, contre 14,2 % en province</a>. L’exode des cerveaux vers la capitale se poursuit rapidement et sûrement ; et on constate d’ailleurs que dans bien des études menées sur le territoire métropolitain (Elabe, Insee), on segmente les réponses : Paris/région parisienne vs reste de la France.</p>
<p>Les modes de consommation alimentaire n’y échappent pas (<a href="https://investir.lesechos.fr/budget/vie-pratique/ou-consomme-t-on-le-plus-de-produits-bio-en-france-1927360#:%7E:text=Paris%20en%20t%C3%AAte%20du%20classement,Maritimes%20(5%2C6%25)">c’est à Paris que les produits bio ont la plus grande part de marché</a>, mais plus surprenantes encore sont les préférences en matière cinématographique. A quoi sont-elles dues ?</p>
<h2>Qu’est ce qu’on a fait aux Parisiens ?</h2>
<p>À y regarder de plus près, à Paris, les comédies françaises sont communément boudées au profit d’autres genres cinématographiques : les films d’auteur, les polars, les thrillers, ou au profit de productions étrangères : les productions type blockbuster, ou les œuvres étrangères diffusées en version originale (VO).</p>
<p>À titre d’exemples extrêmement parlants, la comédie en trois volets <em>Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu</em> (2014) de Philippe de Chauveron a réalisé plus de 80 % de ces entrées en « régions » (le nom subtil donné à la Province) et la tétralogie de <em>Les Tuche</em> d’Olivier Baroux plus de 90 % pour le second opus.</p>
<p>Et les chiffres sont encore plus vertigineux quand on parle de la saga « Les Bodins » de Frédéric Forestier (<em>Les Bodin’s en Thaïlande</em>, 2021), diffusés dans <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/les-bodins-ne-passe-meme-pas-sur-les-champs-elysees-paris-snobe-t-il-le-film-qui-cartonne-en-province-27-11-2021-FDMNZSCERBEIFK7SNUDPCYOFDY.php">seulement deux salles parisienne</a>, ou encore <a href="https://jpbox-office.com/fichfilm.php?id=19635&view=2"><em>Les Municipaux</em></a>, des comédies grand public qui enregistrent moins de 2 % des entrées à Paris.</p>
<p>En guise de contre-exemple, le thriller <em>Boîte Noire</em> (2021) de Yann Gozlan avec Pierre Niney a réalisé près d’un <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=20696">tiers de ses entrées à Paris</a>. Les deux œuvres oscarisées danoise et coréenne, <em>Drunk</em> (2020) de Thomas Vinterberg et <em>Parasite</em> (2019) de Bong Joon Ho, initialement diffusées dans les salles en VO à leur sortie, ont respectivement enregistré <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=20748">35 %</a> et <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=19435">42 %</a> de leurs entrées en France dans des salles parisiennes.</p>
<h2>Comprendre la fracture cinématographique, une mission impossible ?</h2>
<p>Difficile de trouver une explication qui éluciderait ces différences de goûts cinématographiques entre la capitale et le reste de la France. Néanmoins, plusieurs clés de lecture et facteurs explicatifs permettent de mieux appréhender ces disparités.</p>
<p>Un premier facteur serait lié aux modes de consommation de l’activité cinéma. <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/1389917/Le+public+du+cin%C3%A9ma+en+2020.pdf/a6ca1f24-d2f0-8340-4b62-322be9f14347?t=1633512274915">Le cinéma est une pratique collective</a>, souvent familiale. Par ailleurs, les comédies grand public/comédies familiales françaises sont le type d’œuvre « cible » des entrées en salle en régions. Si nous corrélons cela avec des données démographiques, nous notons que Paris représente le taux le plus faible de ménages comprenant un couple avec enfant(s), <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-75056#chiffre-cle-2">16,6 % en 2020</a> contre <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039855?sommaire=5040030#tableau-figure3_radio2">34 % pour les chiffres nationaux</a>, donc très peu de familles.</p>
<p>Une autre clé de lecture de cet écart en termes de goûts cinématographiques peut être celle de la <a href="https://www.cairn.info/la-methodologie-de-pierre-bourdieu-en-action--9782100703845-page-79.htm">perspective sociologique de la distinction</a> de <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">Bourdieu (1979)</a>, une référence en sociologie appliquée à la culture. Ce <a href="https://www.cairn.info/sociologie-du-cinema--9782707144454.htm">point de vue montre</a> « une homologie entre caractéristiques des films (esthétiques, économiques, symboliques) et les caractéristiques sociales des publics (en termes notamment de capital culturel et de genre) », soit une stratification sociale des goûts en matière cinématographique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : Insee, 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En 2023, le <a href="https://www.bfmtv.com/people/cinema/on-a-fait-un-peu-le-deuil-de-paris-pourquoi-les-comedies-francaises-font-plus-rire-en-regions_AV-202304290120.html">réalisateur Philippe Guillard</a> (<em>Pour l’honneur</em> (2023), <em>Papi Sitter</em> (2020)) expliquait qu’il était compréhensible que les films type « comédies grand public » ne fonctionnent pas à Paris « puisqu’ils utilisent des codes que seuls les gens de province comprennent ». Paris converge de plus en plus vers un modèle commercial et culturel qui trahit les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/jerome-fourquet-et-jean-laurent-cassely-laureats-du-prix-du-livre-deconomie-2021-1372880">goûts et les préférences de ces classes</a> : les <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">goûts dépendent de la classe sociale</a> et des <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2017-4-page-369.htm">pratiques associées</a>. Une large portion des emplois qualifiés et des professions intellectuelles supérieures vivent à Paris, et les CSP+ vont deux fois plus au cinéma que les autres CSP : le syllogisme est rapide.</p>
<h2>Lost in Frenchlation</h2>
<p>Concernant la part de visionnage des œuvres étrangères diffusées en version originale – plus importante dans la capitale qu’en Province – plusieurs explications se côtoient. Dans un article de [<em>Télérama</em>](https://vodkaster.telerama.fr/actu-cine/la-v-o-v-f-cine-un-truc-de-parisiens-de-riches-de-snobs/1275889#:~:text=Parmi%20ses%20plusieurs%20dizaines%20de,le%20Path%C3%A9%20Wepler%20(18%C3%A8me), le délégué général de l’AFCAE (Association française des cinémas d’art et d’essai) et responsable programmation des plus gros cinémas indépendants de la ville de Paris expliquait l’importance de tenir des « standards parisiens » comme le fait de proposer les films en VO – en 2016, <a href="https://vodkaster.telerama.fr/actu-cine/la-v-o-v-f-cine-un-truc-de-parisiens-de-riches-de-snobs/1275889">61 % des multiplexes VO se situaient à Paris et périphérie parisienne</a> – qui permet selon lui de maintenir une « forme d’élitisme et de noblesse vis-à-vis des spectateurs locaux ».</p>
<p>Par ailleurs les goûts cinématographiques se forgent par l’éducation à l’image, notamment des jeunes publics. Malgré le <a href="https://www.cnc.fr/cinema/education-a-l-image">dispositif national du CNC</a>, des disparités se maintiennent au niveau social et géographique, et l’offre cinématographique est fortement territorialisée : la région parisienne se caractérise par une forte concentration des écrans induisant une diffusion plus large que dans le reste du pays (<a href="https://www.cairn.info/revue-culture-etudes-2022-3-page-1.htm">1 200 écrans pour la région Île-de-France sur les 6 300 écrans en métropole</a>), et le nombre moyen d’entrées en salles des spectateurs de l’agglomération parisienne est <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/1617915/Le+public+du+cin %C3 %A9ma+en+2021.pdf/2ea9dbee-4d5b-0a53-08a4-d761db46d860?t=1663767518046">deux fois plus élevé que dans les zones rurales</a>.</p>
<p>Cela facilite par ailleurs grandement l’accessibilité physique – au sens géographique – des Parisiens aux salles de cinéma quand il est question pour d’autres de prendre la voiture, les <a href="https://books.openedition.org/pufr/644?lang=fr">cinémas ayant été progressivement poussés hors des centres-villes depuis près d’un siècle</a>.</p>
<p>Cette éducation au cinéma se présente comme une approche compréhensive des diverses œuvres audiovisuelles ; on « apprend » à apprécier les différents genres cinématographiques, et pas seulement le cinéma populaire, plus accessible, comme on apprend à apprécier la musique classique ou les sorties du dimanche dans les musées parallèlement à d’autres loisirs.</p>
<p>Cette scission en matière de goûts cinématographiques entre Paris et la Province, plus qu’une fracture territoriale, représente bien une fracture sociale ; et bien souvent, les représentations présentes dans les œuvres coïncident aux codes de lecture dont seuls les publics correspondants disposent. Néanmoins, les explications de cette scission sont multiples et additionnelles et il est nécessaire de s’éloigner des questions de distinction de classes et de l’opinion publique (« Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ») car cette fracture est le fruit de données croisées entre capitaux économiques et capitaux culturels qui la façonnent.</p>
<p>Il ne s’agit pas ici de postuler que la seule <a href="https://www.cairn.info/La-culture-des-individus%20--%209782707149282-page-94.htm">culture légitime serait celle que les catégories de population les plus aisées cautionnent et consomment</a>, par opposition à une culture dite populaire qui aurait moins de valeur ou moins de sens – on sait depuis l’émergence des <em>cultural studies</em> (1964) que la réalité est bien <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/le-cinema-est-le-dernier-endroit-ou-la-pop-culture-rencontre-la-culture-legitime-2823244">plus poreuse et plus nuancée</a>. D’ailleurs, cette différence d’appréciation ne peut être généralisée à tous les films diffusés en salles. Par exemple, les films Star Wars (<em>Star Wars : Les derniers Jedi</em>, 2017 ; <em>Star Wars : Le Réveil de la Force</em>, 2015) semblent faire l’unanimité, ils arrivent en tête du nombre d’entrées à Paris et partout ailleurs en France.</p>
<p>Les goûts en matière cinématographique divisent autant qu’ils rassemblent. Dans une France où les tensions sociales sont omniprésentes, la quête de rationalité en la matière n’est pas forcément souhaitable, et le tableau des pratiques culturelles, s’il offre un baromètre politique intéressant, doit s’apprécier au-delà de la fréquentation des salles obscures ; il s’agirait plutôt d’accepter qu’autrui puisse être touché par une œuvre que nous ne trouvons pas à notre goût, sans jugement qui aggraverait cette fracture.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manon Chatel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs clés de lecture et facteurs explicatifs permettent de mieux appréhender des succès à géométrie variable en fonction du territoire où les films sont projetés.Manon Chatel, Doctorante contractuelle en Sciences de Gestion (Marketing territorial), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122872023-09-08T08:44:41Z2023-09-08T08:44:41ZAux frontières de Paris, apprendre de la Zone et de ses conflits<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545727/original/file-20230831-23-juguw6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5120%2C3395&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au fil des nuages, Place Jacques Duclos, Montreuil.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/9621377068/in/album-72157644984085889">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Après les <a href="https://theconversation.com/emeutes-au-dela-des-eclats-le-reflet-de-vies-brutalisees-209239">émeutes urbaines</a> de fin juin-début juillet 2023, le Conseil de la Métropole du Grand Paris a adopté une résolution qui doit « permettre aux quartiers en difficulté de retrouver une dynamique positive de développement ».</p>
<p>Cette résolution fait partie des 12 orientations du Schéma de cohérence territoriale – le <a href="https://www.metropolegrandparis.fr/fr/actualites/la-metropole-du-grand-paris-adopte-definitivement-963-son-schema-de-coherence">SCoT</a> –, voté le 13 juillet 2023 avec pour ambition de constituer « la colonne vertébrale de la Métropole pour les 15 années à venir ».</p>
<p>Comment cette nouvelle dynamique est-elle censée se réaliser au niveau des « quartiers en difficulté » ? Par un plan d’urbanisme surplombant et un ensemble de décisions politiques qui, depuis les hauteurs de l’expertise, se projetteraient au sol des banlieues ? Après le <a href="https://theconversation.com/medine-dans-lactualite-comment-le-rap-fait-parler-les-politiques-163022">rappeur Médine</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6sfVkZYIyik">ses différents collectifs</a> qui ont scandé « c’est nous le Grand Paris », les juristes Xavier Matharan et Serge Pugeault ont exprimé autrement leur volonté d’élargir le droit de participer pleinement à la ville. Aussi viennent-ils d’en appeler à la formation <a href="https://www.lejournaldugrandparis.fr/pour-une-assemblee-constituante-au-secours-du-grand-paris/">d’une assemblée constituante</a> pour réussir <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/le-pari-du-grand-paris/">« le pari du Grand Paris »</a> ; une réussite qui suppose d’inviter toutes les catégories de la population – dont celles des banlieues – à prendre part aux décisions.</p>
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<figcaption><span class="caption">Médine, Le Grand Paris 2.</span></figcaption>
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<p>Les recherches que j’ai menées seul et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/12063312231155353">avec d’autres collègues</a> m’ont appris que ces questions comme ces confrontations entre centre-ville et périphéries ont toutes un point de jonction qui mène à l’histoire largement oubliée de la « Zone ». Si cette dernière ne doit pas être confondue avec la banlieue, son histoire n’en reste pas moins celle des frontières urbaines et des conflits autour <a href="https://metropolitiques.eu/50-ans-apres-actualites-du-droit-a-la-ville-d-Henri-Lefebvre.html">d’un droit à la ville</a> dénié aux marginalisés. Hier comme aujourd’hui, ils restent le plus souvent mis au ban d’un projet métropolitain qui les traite en <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/les-sauvages-de-la-civilisation/">« sauvages de la civilisation »</a>.</p>
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<h2>La Zone, territoire « sauvage »</h2>
<p>« C’est la zone ! » Voilà ce que l’on dit en français courant d’un endroit dont on veut souligner la marginalité ou le dénuement. Peu savent cependant que, du milieu du XIX<sup>e</sup> au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, la Zone a été le toponyme d’un territoire annulaire qui se situait en lieu et place de l’actuelle autoroute du périphérique urbain : le « périph’ », dont les 50 ans viennent <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-le-periph-apres-tout">d’être fêtés</a> et qui continue de tracer une frontière entre Paris intramuros et la <a href="https://www.pavillon-arsenal.com/fr/edition-e-boutique/collections/19-x-30/11957-des-fortifs-au-perif.html">banlieue</a>.</p>
<p>C’est pendant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle que la Zone a pris forme au pied des fortifications de Paris, dont elle a usurpé (on dirait aujourd’hui « squatté ») une bande de terre initialement réservée <a href="http://www.editionsdelasorbonne.fr/fr/livre/?GCOI=28405100256560">aux manœuvres militaires</a>.</p>
<p>Au tournant du XX<sup>e</sup> siècle, ses roulottes, wagons désaffectés et autres baraquements de fortune abritaient une majorité de travailleuses et de travailleurs pauvres, ainsi qu’une minorité de « petits malfrats » exclus du centre bourgeois, comme de la banlieue ouvrière. La morphologie sociale des habitants de la Zone – les « zonières » et les « zoniers » – correspondait à celle du lumpenprolétariat tel que Karl Marx <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782710324140-les-luttes-de-classes-en-france-1848-1850-le-18-brumaire-de-louis-bonaparte-karl-marx">l’a décrit</a>, non sans mépris, lorsqu’il analysait les luttes de classes en France.</p>
<p>Dans les représentations savantes comme dans les représentations populaires, la Zone agrégeait toutes sortes de <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/les-sauvages-de-la-civilisation/">« sauvages de la civilisation »</a>, dont les chroniqueurs du fantastique social – journalistes, nouvellistes ou chansonniers – ont exploité la prétendue « dangerosité ».</p>
<p>Avant Victor Hugo qui a repris l’expression dans <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/hugo/miserables"><em>Les Misérables</em></a>, Alfred Delvau <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2045247.image">a dédié quelques pensées</a> à ces soi-disant « sauvages de Paris » composés de celles ou ceux – chiffonniers, truands, voleuses et prostituées – qu’aucune cause à part la leur ne pouvait rallier</p>
<p>S’il paraissait donc irrécupérable, ce peuple <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-bas-fonds-dominique-kalifa/9782020967624">« des bas-fonds »</a> semblait aussi ingouvernable que rétif à toute forme d’autorité, ou de vie un tant soit peu instituée par autre chose que les codes de son propre monde.</p>
<p>Ces disqualifications du « bas peuple » parisien sont une constante des traits appliqués <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2018-2-page-329.htm?ref=doi">à la description</a> des visages et du quotidien de la Zone. En 1907, Stéphane Courgey – un médecin hygiéniste d’Ivry-sur-Seine – a par exemple <a href="https://www.persee.fr/doc/bmsap_0037-8984_1907_num_8_1_7018">fustigé</a> ces « ramassis de cabanes, de voitures de nomades usées, de wagons déclassés » ; selon lui « une curiosité mais aussi une honte de Paris ».</p>
<p>En 1932, dans son <em>Voyage au bout de la nuit</em>, Céline a brossé <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070213047-voyage-au-bout-de-la-nuit-louis-ferdinand-celine/">avec le même dégoût</a> le portrait des venelles comme celui des personnages de ce « village qui n’arrive jamais à se dégager tout à fait de la boue ».</p>
<h2>Des zoniers aux zonards</h2>
<p>La Zone a toutefois subsisté aux portes de la capitale pendant plus d’un siècle, à cheval entre le milieu du XIX<sup>e</sup> et celui du XX<sup>e</sup>, avant que son démantèlement ne l’efface comme une <a href="http://www.lenouvelattila.fr/paris-insolite/#auteur">« tache de graisse »</a> – l’expression est de l’écrivain Jean-Paul Clébert – dont les dernières auréoles ont été bitumées.</p>
<p>Après les grands chantiers parisiens dirigés par le baron Haussmann au cours de la décennie 1850 – et dont la Mairie de Paris fête cette année les <a href="https://www.paris.fr/pages/haussmann-l-homme-qui-a-transforme-paris-23091">170 ans</a> –, d’autres travaux ont réalisé ce recouvrement. Achevés il y a tout juste 50 ans, ils ont tracé <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-zone-l-ancetre-du-peripherique-parisien-2123331">l’autoroute</a> du périphérique urbain en lieu et place de la Zone.</p>
<p>À sa manière, elle a tout de même résisté à cet effacement physique par les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/non-lieux-marc-auge/9782020125260">« non-lieux »</a> – autant d’espaces dédiés au seul passage, comme les périphériques urbains, les supermarchés, les gares et autres transports en commun – caractéristiques d’une modernité qui s’est accélérée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Périf.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/christian_bachellier/3281913517/in/photolist-611ExP-Qt9jyo-cgVK4U-PGQfiL-ChTeFb-uh6bM-2m5p8Gb-8U6Mee-dwzC5Y-4MVuy5-iFdd6L-7PhHR5-aTLLt6-23JdAFH-6TjcGF-2nuV7kR-9YEf1-2m6o8i8-xtGT2m-SAWjBm-2jgrhMk-6if1kF-2jgrhFt-7Qezse-DRQyF6-Fz23zm-9Typn6-8H9PUd-84p241-7MKv5s-5Waycs-eUMPLq-6o7qdy-4PoDi4-awF4Xw-6XbEZc-2jgonv1-2iYZDZW-82BsNW-PJNDm6-7KpjqW-2jgsxLn-9zC4Pc-G6wR5W-252hTMg-TqPYju-Fz1SmL-3UTrBP-qSu4ax-2j88X2a">Christian Bachellier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
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<p>C’est aussi à compter de ce moment que, dans le langage courant, la Zone s’est déplacée, puis reconstituée autour d’une signification aussi nouvelle que dérivée de l’ancienne. Au cours des années 1970, ses usages populaires l’ont redéfinie en nom des marges répandu bien au-delà de ses premières localisations parisiennes.</p>
<p>Tandis que c’en était fini du territoire annulaire des zoniers, les « zonards » se sont peu à peu imposés dans les manières de désigner celles ou ceux qui continuaient de porter les stigmates d’une Zone <a href="https://journals.openedition.org/terrain/17600">désormais dématérialisée</a>.</p>
<p>Comme d’autres signifiants ambivalents, « zonard » n’a pris tout son sens qu’au travers des usages qui en ont été faits : d’un côté l’assignation stigmatisante tenant de l’insulte faite au « marginal » que l’on disqualifie et, de l’autre, le retournement du stigmate opéré par celles ou ceux qui en sont affublés et décident de s’en revendiquer. Ces nouvelles façons de vivre, de choisir ou d’être assigné à la Zone ont été incarnées par les rockers, les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_generation_des_blousons_noirs-9782707139931">« blousons noirs »</a> et les bikers photographiés dans les marges parisiennes <a href="https://www.lamanufacturedelivres.com/livre/blousons-noirs">par Yan Morvan</a> ou Esaias Baitel, dont l’expérience a fait l’objet du documentaire <a href="https://www.itamaralcalay.net/four-years-of-night">Four years of night</a>. À leur suite, les <a href="https://archives.zonemondiale.fr/products/arno-rudeboy-nyark-nyark-livre">punks français</a> se sont également approprié ce signifiant des marges, dont une mémoire aussi vive que transgressive est conservée par le label les <a href="https://archives.zonemondiale.fr/products/rebelles-remi_pepin">Archives de la Zone Mondiale</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Four Years of Night, trailer, 2012.</span></figcaption>
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<h2>Des chemins alternatifs</h2>
<p>Au tournant des années 1990 et 2000, les routards, teufeurs et autres techno travellers français ont ajouté leurs subcultures aux usages d’une Zone qui, de leur point de vue, désigne les <a href="https://www.puf.com/content/Zonards_Une_famille_de_rue">chemins alternatifs</a> que tracent ces groupes plus ou moins nomades dans le dos des pouvoirs, des règles et, parfois, des lois de la société instituée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Sur la route », Photographie d'Emy, extraite du documentaire Zone 54, Amandine Turri Hoelken.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://amandineturrihoelken.fr/">Avec l’aimable autorisation d’Amandine Turri Hoelken</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Zone (ré) apparaît aussi dans le lexique des banlieues, dont elle désigne non pas l’ensemble, mais les espaces troubles et leurs styles de vie les plus marginaux. Si elle n’est en aucun cas une bannière sous laquelle se rassembleraient les groupes qui vivent selon le <a href="https://wwnorton.com/books/Code-of-the-Street/">« code de la rue »</a> – un ensemble de règles non-écrites qui forment une loi substitutive à celle que la société a instituée –, la Zone exprime autant qu’ elle situe leurs territoires et leurs expériences dans les dédales des banlieues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Iencli, Vald x Sofiane.</span></figcaption>
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<p>Parce qu’ils captent toutes les attentions, ces styles de vie et leurs personnages produisent sur la banlieue un effet de « zonification ». Comme dans le cas de la Zone historique, il oriente les perceptions et conduit le plus grand nombre à ne voir là que des espaces d’abandon peuplés de minorités rétives, ou coupables de toutes sortes de transgressions. Ce stéréotype est renforcé par les politiques qui pointent du doigt les « zones de non-droit » et tiennent, à l’exemple du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, des <a href="https://www.bfmtv.com/politique/gerald-darmanin-il-y-a-des-quartiers-qui-sont-reconquis_VN-202308250384.html">discours</a> de « reconquête » des quartiers prétendument « perdus » par la République.</p>
<h2>Un mot de passe</h2>
<p>Porter un tel regard sur les espaces périphériques pose une question qui, d’hier à aujourd’hui, conserve toute son actualité : celle de la (dis) qualification des marges, dont la Zone est un mot de passe.</p>
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<figcaption><span class="caption">SDM feat Booba, « La Zone ».</span></figcaption>
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<p>Il a beau s’exprimer différemment au fil du temps, cet « ensauvagement » ne cesse de réapparaître, avec ses appels au contrôle social qu’il faudrait exercer sur celles et ceux qui semblent toujours y échapper – parce qu’on ne les comprend pas plus qu’on ne les entend.</p>
<p>À partir d’une analyse des histoires comme des regards qui ont produit les récits de la Zone – et des différentes générations de « sauvages de la civilisation » qu’elle aurait abrités –, on peut continuer d’interroger les diverses façons de désigner, mépriser ou dominer les populations marginalisées.</p>
<p>On peut aussi étudier la violence qu’on leur prête, souvent pour mieux cacher <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0896920519880948?journalCode=crsb">celle qu’on leur fait</a>. Le boulevard périphérique dont Paris a fêté les 50 ans en avril 2023 aurait-il donc recouvert à jamais les traces de celles et ceux qui ont vécu là, en marge de la société instituée ? Peut-être pas tout à fait, ou pas tant que la Zone continuera de se faire entendre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212287/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Beauchez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les projets visant à renouveler les rapports entre centres-ville et périphéries oublient souvent un pan crucial de l’histoire parisienne et de ses conflits : celle de la « Zone ».Jérôme Beauchez, Sociologue et anthropologue, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2124782023-09-08T08:44:40Z2023-09-08T08:44:40ZZones commerciales périphériques : de l’eldorado économique au péril territorial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545501/original/file-20230830-25-se5vjb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C940%2C530&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le parc des Senteurs 3 : un nouvel ensemble commercial en cours d'aménagement.</span> <span class="attribution"><span class="source">S. Deprez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, annonçait en octobre dernier un plan de transformation des zones commerciales <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Le-gouvernement-lance-plan-transformer-commerces-2022-10-30-1201240014">doté de 24 millions d’euros en 2023</a>, avec pour principale ligne directrice la transformation des plus touchées par la vacance. Ce sujet du <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1982_num_91_506_20129">commerce périphérique</a> et de son évolution fait ainsi l’objet de projets ambitieux et nécessaires, également à l’agenda politique de cette rentrée, mais qui appellent des changements bien plus profonds que nous avons mis en évidence dans de précédents <a href="http://www.riurba.review/Revue/l-avenir-des-zones-commerciales-71/">travaux</a>.</p>
<p>Prenons un exemple concret, en Seine-Maritime. Au cœur de l’été normand, les engins de construction réalisent les derniers aménagements du Parc des Senteurs 3, un énième ensemble commercial qui, sur 8 500 m<sup>2</sup>, accueillera dans quelques mois cinq nouvelles enseignes, sises dans la commune de Pissy-Pôville. </p>
<p>Ce projet fut en première intention refusé (avis défavorable n°2018-01 du 27 mars 2018) par la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) en raison d’une vacance commerciale forte dans la zone voisine où de nombreux locaux attendent depuis longtemps d’accueillir de nouvelles activités et du non-recours aux énergies renouvelables. Il a finalement été accepté en seconde lecture et motivé par les réponses du requérant sur le volet environnemental (avis favorable n°2019-09 du 23 juillet 2019).</p>
<p>Ce volte-face résume à bien des égards toute la réalité du moment où, à travers des démarches plus « vertueuses » – un mur végétalisé sur un bâtiment, des panneaux photovoltaïques sur son toit, des bornes de recharges électriques, des arceaux pour les vélos, le tri des déchets… –, le « développement durable » est mobilisé pour légitimer la non-remise en question du modèle commercial à la française dont on observe à la fois l’essoufflement et les dérives.</p>
<h2>Illustration d’un mal français</h2>
<p>Cet équipement – la troisième réalisation du même promoteur après l’ouverture des parcs éponymes 1 et 2 en 2009 et 2015 – marque un nouveau temps d’un long processus de mise en commerce initié il y a 40 ans maintenant, avec l’inauguration de l’hypermarché Carrefour et de sa galerie marchande dans la commune voisine de Barentin. Autour de lui s’est développée pas à pas une vaste zone commerciale où se juxtaposent, sans cohérence d’ensemble, les différents modèles d’implantation.</p>
<p>On pense ainsi aux parcs <em>solos</em> dans les années 1970, aux parcs d’aménagement commercial de la décennie suivante et au plus récents <em>retail park</em>. Tous ont marqué avec la même brutalité, partout sur le territoire, les entrées de villes comme les périphéries urbaines et alimenté une <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/letalement-urbain-une-heresie-130807">consommation effrénée</a> de terres agricoles pour développer une offre toujours plus dense et diversifiée et créer les parking pour accueillir les clients. À titre d’exemple l’Île-de-France compte à elle seule <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/faciliter-la-mutation-du-foncier-commercial-vers-une-ville-mixte/">3 400 hectares de surface commerciale</a> : 48 % de l’emprise seraient occupés par le bâti, 28 % par des parkings et les 24 % restants par des « espaces libres, artificialisés, essentiellement dédiés aux circulations ».</p>
<h2>Un colosse au pied d’argile</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TIPtceGULZM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">4 septembre 1990 A Rennes, le centre commercial Alma s’agrandit avec la création d’une tour de verre, Alma CITY. Le journaliste Loïc MATHIEU en fait un billet d’humeur, regrettant l’ancienne épicerie de village qui disparaît derrière les centres commerciaux, signe de l’évolution des mentalités et de la consommation (Institut National de l’Audiovisuel/INA).</span></figcaption>
</figure>
<p>On a longtemps cru le modèle pérenne et difficile à contester. On le sait désormais fragilisé et vulnérable. Les inquiétudes transparaissent dans le discours alarmiste des professionnels du secteur.</p>
<blockquote>
<p>« Jamais la mise en place d’une politique publique du commerce n’a été aussi urgente et impérative. Il n’est plus possible d’attendre. Il faut à la fois stopper l’hémorragie, éviter une décommercialisation suite à la multiplication de fermetures de points de vente, les défaillances de réseaux et la vacance commerciale. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du taux de vacance commerciale par type de pôle marchand en France entre 2013 et 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Panel Institut pour la Ville et le Commerce 220 agglomérations, données Codata retraitées, ORF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les termes sont du directeur de la fédération pour la promotion du commerce spécialisé (<a href="https://www.procos.org/images/procos/presse/2023/Conf_2023/procos_cp_080223.pdf">PROCOS</a>) pour rappeler les difficultés du commerce spécialisé, omniprésent dans les zones périphériques. Et les prévisions de l’<a href="https://www.orf.asso.fr/">Observatoire régional du foncier d’Île-de-France</a> ne sont guère plus rassurantes : « Si cette dynamique nationale se poursuit, la vacance pourrait atteindre les 11 % en 2025 et 13 % en 2030 ».</p>
<h2>Surproduction immobilière : spéculation financière et déni territorial</h2>
<p>On observe pourtant une reprise rapide post-Covid de la production de mètres carrés dans l’immobilier commercial : s’il reste encore inférieur de 40 % à son niveau pré-pandémique de 2019 et se décline sous des projets plus petits, le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/immobilier-commercial-des-projets-toujours-plus-petits.2254286">volume global des surfaces (922 570 m²) augmente de 50 % sur un an</a>.</p>
<p><a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/les-mutations-de-l-immobilier-9782746713420/">La financiarisation de l’immobilier commercial</a> dans lequel chaque point de vente constitue un actif dans un portefeuille constitue le principal moteur de cette fuite en avant dans la production de surfaces de vente. Elle a porté un découplage croissant entre l’évolution des surfaces de commerce et <a href="https://theses.hal.science/tel-01529216">l’évolution de la consommation des territoires</a> bien identifié par Pascal Madry et alimenté, par effet rebond, dans un contexte de tassement des ventes et de recomposition des activités commerciales, le phénomène de vacance.</p>
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<p>Au gré de cessations d’activités, de rachats ou de repositionnements stratégiques des promoteurs et des franchises apparaissent et s’effacent ainsi des enseignes, se ferment et s’ouvrent de nouveaux points de vente sans que l’arrière-plan territorial ne dépasse la présence d’un marché rémunérateur. Ainsi les territoires sont-ils devenus de simples terrains de jeu, sans aucune attention ou presque sur les effets de leur implantation puis de leur départ sur l’économie locale et moins encore l’environnement.</p>
<h2>Gabegie et dérives environnementales</h2>
<p>On n’oublie en effet trop rapidement qu’à chaque nouveau mètre carré construit sont associées des consommations plurielles : de foncier, avec tous les effets de l’imperméabilisation des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">sols</a> sur la <a href="https://theconversation.com/la-biodiversite-des-sols-nous-protege-protegeons-la-aussi-88538">gestion des eaux</a>, la faune, la flore et les <a href="https://theconversation.com/il-y-a-de-la-vie-dans-nos-sols-urbains-104649">équilibres naturels</a> ; de matériaux, souvent non renouvelables, pour bâtir et aménager les parkings ; d’énergie pour chauffer, éclairer et climatiser des locaux ; de carburants aussi, par les véhicules des clients et ceux des professionnels pour approvisionner les points de vente ou évacuer les déchets.</p>
<p>Et d’autres consommations seront engagées demain pour le démantèlement des équipements sans occupation et la requalification de ces espaces pour évoluer vers d’autres usages.</p>
<hr>
<p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inondations-y-a-t-il-un-bon-urbanisme-48772">Inondations : y a-t-il un bon urbanisme ?</a>
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<h2>Penser l’urbanisme par la consommation : une nouvelle approche</h2>
<p>Aussi faut-il retenir de l’exemple des zones périphériques des enseignements bien plus profonds qui amènent à réinterroger les approches, les conceptions et les façons d’agir en matière d’urbanisme. Il invite à poser la consommation comme fil directeur et élément transverse dans les réflexions sur la <a href="https://www.univ-lehavre.fr/spip.php?article3920">fabrique des territoires et le projet urbain</a>.</p>
<p>La consommation est à la fois pratique et réponse à la satisfaction d’un besoin (ici l’approvisionnement et l’équipement des personnes et foyers, ailleurs des carburants ou de tout bien) ; fonctionnelle (électricité et flux divers dans un commerce, un logement ou tout autre équipement) ; matérielle au sens des éléments produits et mobilisés pour la construction des infrastructures et autres artefacts puis leur effacement. Elle concerne enfin aussi les ressources, foncières et naturelles, renouvelables ou non ainsi qu’un ensemble d’autres facteurs.</p>
<p>À cette croisée entre consommations et urbanisme prennent corps les fondements possibles d’une dialectique nouvelle, que j’appelle le consurbanisme, pour poser un regard original sur les divers processus d’urbanisation passés et présents et proposer une grille de lecture des futurs projets dans un contexte de dépassement des limites planétaires. Les trajectoires du moment dans certains secteurs – la création effrénée d’entrepôts logistiques par exemple – en rappellent avec force toute l’urgence.</p>
<p>Mais il nous faudra aussi réinterroger fondamentalement la <a href="https://www.blast-info.fr/emissions/2022/peut-on-sortir-de-la-societe-dhyperconsommation-CXL6iTDhQ5yJEJkfsPo_Lw">société de l’hyperconsommation</a> qui porte et alimente tous ces processus. Les échanges dans le cadre du <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-colloque-du-cercle-de-lobsoco-672633132807?aff=eemailordconf&utm_campaign=order_confirm&ref=eemailordconf&utm_medium=email&utm_source=eventbrite&utm_term=viewevent">prochain colloque du cercle de l’ObSoCo</a> nous y aideront sans nul doute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Deprez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle des zones commerciales s’essoufle et nécessite d’être repensé en profondeur pour allier consommation et urbanisme de façon plus vertueuse.Samuel Deprez, Maître de conférences habilité à diriger des recherches en aménagement de l'espace et urbanisme, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2095382023-09-05T17:04:50Z2023-09-05T17:04:50ZUne chasse au trésor pour retrouver des restes de Néandertal dans le Bassin parisien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545236/original/file-20230829-29-t0yocw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4031%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour trouver des restes de Néandertal ici, vous commenceriez où ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Léa Beaumont</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Vous rêvez de creuser au hasard au fond d’un jardin et de faire une découverte archéologique, ou de trouver un trésor grâce à un manuscrit laissé par des ancêtres ? Moi aussi.</p>
<p>Mais lorsqu’une <a href="https://www.lgp.cnrs.fr/le-terrain-se-poursuit-a-resson/">équipe de géologues et d’archéologues</a> s’est penchée sur des archives de <a href="https://patrimoine.mines-paristech.fr/document/G%C3%A9ol_Aube_1846_texte#?c=0&m=0&s=0&cv=0&z=0%2C-1472.03%2C5610%2C5307.06">Alexandre Leymerie de 1846</a>, d’<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58187693.texteImage">Eugène Belgrand de 1869</a>, et un <a href="https://data.bnf.fr/temp-work/c71c4c062019aa1a1fb66f11b9d09334/">inventaire de Fliche de 1884</a>, qui décrivent des restes d’hommes de Néandertal dans le Bassin parisien – alors que lesdits restes ont disparu – les choses se sont corsées.</p>
<p>L’équipe est donc partie à la chasse au trésor dans la région désignée par les archives. C’est non loin de Provins, que les archives mènent. Si le nom du village d’où ils proviennent, Resson, a été mentionné dans les archives, la carrière n’avait pas été précisément localisée. Il a donc fallu chercher une ancienne carrière dont le profil semble correspondre à la coupe géologique crayonnée par J.-P. Michel en 1967.</p>
<p>Après quelques missions de repérage, l’équipe a retrouvé une carrière de tuf creusée sur 10 mètres de haut, large d’une vingtaine de mètres, correspondant à ces indications. <a href="https://doi-org.inee.bib.cnrs.fr/10.4000/quaternaire.13778">Elle a pu confirmer</a> que cette ancienne carrière d’exploitation de tuf est riche en ossements de grands mammifères (mammouth, cerf…), en coquilles de mollusques et en restes végétaux – une partie de ces restes de mollusques et de végétaux exhumés par Belgrand, Fliche, Leymerie et de Mortillet à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle est bien <a href="https://doi-org.inee.bib.cnrs.fr/10.4000/quaternaire.15923">présente au Musée d’histoire naturelle de Troyes</a>.</p>
<p>Les restes paléontologiques de mollusques présents dans le tuf ont permis d’estimer l’âge du site à <a href="https://journals.openedition.org/quaternaire/13778">il a environ 125 000 ans</a>. Cette période géologique appelée l’Éemien fut une période chaude, assez similaire à la nôtre, à laquelle vivaient en Europe les hommes de Néandertal.</p>
<p>Si l’âge des roches correspond bien à la période où ont vécu les Néandertaliens, il est plus délicat de trouver des outils en silex de type moustérien et des restes humains mentionnés dans les archives et les synthèses de Fliche.</p>
<p>Heureusement, il est possible d’affiner la zone de recherche grâce à la géologie.</p>
<h2>Le tuf, une roche d’eau</h2>
<p>En effet, le tuf est une roche calcaire qui se dépose dans les cours d’eau : si des Néandertaliens ont bien occupé le site, il est peu probable qu’ils y aient vécu au moment du développement du tuf, puisqu’avoir les pieds dans l’eau n’est pas vraiment un lieu d’occupation confortable ou pratique. Mon rôle a été de guider mes collègues archéologues vers des niveaux dans la roche où il est plus plausible de trouver des restes de Néandertal… une telle découverte permettrait de mieux comprendre les populations de Néandertal, leur mode de vie et l’environnement dans lequel ils ont vécu.</p>
<p>Nous avons remarqué au sein du tuf certaines couches géologiques un peu différentes, des niveaux « gris », qui sont très riches en matière organique et sont généralement signe de périodes d’assèchement. Ce serait donc plutôt dans ces couches-ci qu’il faudrait chercher les restes archéologiques.</p>
<p>Pour en être sûr, nous avons coupé de très fines tranches de roches dans ces niveaux gris, des lames minces, que nous avons observées au microscope pour révéler en détail leur contenu minéralogique et paléontologique. Celles-ci servent à déterminer quel était l’environnement à cette époque et s’il était gorgé d’eau ou accessible à pied sec, ce qui aurait permis aux Néandertaliens d’occuper le site.</p>
<p>Dans certaines d’entre elles, nous avons retrouvé des « granules de vers de terre », qui sont de petites sphères en calcite, qui attestent de périodes d’assèchement permettant le développement de « petits » sols (car l’épaisseur du sol « fossile » est petite, 5 à 10 centimètres environ), qui auraient donc accueilli des vers de terre.</p>
<p>Nous pensons que c’est dans ces niveaux à granules de vers de terre qu’il faut chercher pour trouver des preuves de la présence de Néandertal. Les recherches sont encore en cours !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>A reçu des financements du LabEx DYNAMITE, du DIM MAP et de la Région Île-de-France.</span></em></p>Des archives font état de restes de Néandertal à côté de Provins. Enquête géologique et archéologique pour les retrouver.Léa Beaumont, Doctorante en Géographie physique au Laboratoire de Géographie Physique, CNRS, Inrap, UPEC, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115432023-08-28T16:52:57Z2023-08-28T16:52:57ZJeux olympiques Paris 2024 : une opportunité pour penser le sport<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544008/original/file-20230822-17-fy3tsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8000%2C4500&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Simulation de la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://presse.paris2024.org/photos/1-la-parade-des-athletes-51fc-e0190.html?lang=fr">Paris 2024</a></span></figcaption></figure><p>À moins d’un an de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, la communication du Comité d’Organisation et de ses partenaires (médias, entreprises, État…) bat son plein en vue de construire « l’héritage immatériel des jeux ». Émissions télévisées consacrées aux JOP, interviews d’athlètes, consultants et organisateurs, publicités se rejoignent pour mettre en avant le logo de Paris 2024 et délivrer ce message hérité de l’idéologie coubertinienne de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle : les Jeux olympiques et paralympiques constituent l’acmé d’un sport vertueux, porteur de valeurs positives qui irriguent la société tout entière. Le sport serait donc ouvert à la diversité, inclusif, éducatif, fraternel, moral.</p>
<p>Cependant, <a href="https://theconversation.com/les-jeux-olympiques-de-2024-suffiront-ils-a-donner-le-gout-du-sport-aux-jeunes-193815">au-delà de l’impact éventuel – et discutable – du spectacle des JOP sur le taux de pratique sportive</a>, la <a href="https://theconversation.com/jeux-olympiques-et-paralympiques-2024-quelles-seront-vraiment-les-retombees-pour-paris-199924">santé physique</a> ou sur le « moral » des Français (en cas de victoire des athlètes français), l’approche de ce méga-événement sportif devrait également être le moment privilégié pour mener une réflexion sur le sens du sport, ses valeurs, ses fonctions et son rôle dans notre société. Le sport est-il éthique en soi ? La compétition sportive a-t-elle des vertus et lesquelles ? Au-delà des effets d’annonce, le sport sera-t-il réellement paritaire en 2024 ? L’héritage évoqué n’est-il pas qu’un exercice de communication et parle-t-il aux citoyens ?</p>
<p>Les futurs Jeux devraient être l’occasion de susciter auprès des publics des réflexions touchant aux domaines <a href="https://theconversation.com/non-les-billets-pour-les-jo-2024-ne-sont-pas-un-privilege-de-riche-202898">économique</a>, politique, social ou environnemental à partir des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17430437.2021.1960312?journalCode=fcss20">recherches les plus récentes en sciences humaines et sociales</a> et des <a href="https://www.marianne.net/societe/jo-de-paris-le-collectif-saccage-2024-sorganise-pour-denoncer-unemutation-profonde-du-93-populaire">débats citoyens développés par des opposants aux Jeux olympiques</a>. Les arguments présentés constituent de précieux matériaux pour apprendre à penser nos sociétés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hNmImWY8olU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ils illustrent également « l’exigence de réflexivité scientifique » (selon les mots de Pierre Bourdieu) qui s’est imposé comme principe incontournable en sciences humaines et sociales. Lors de sa participation au colloque « Football et cultures » organisé au CNRS à l’occasion du Mondial de football de 1998 en France, le <a href="https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1968_num_11_1_1158">sociologue rappelait</a> en effet que, plus que tout autre objet social, le sport se pare d’un écran de discours préconstruits ou passionnés qui sont « le pire obstacle au travail scientifique ». Selon lui,</p>
<blockquote>
<p>« Il est difficile de parler scientifiquement de sport parce que c’est, en un sens, trop facile : il n’est personne qui n’ait sa petite idée sur le sujet et qui ne se sente en mesure de tenir des propos qui se veulent intelligents. »</p>
</blockquote>
<h2>Un fait social total</h2>
<p>Plus de 20 ans après, sa phrase est toujours d’actualité. À l’approche des JOP, tous se saisissent, à leurs fins, de « l’objet sport » : sponsors des grandes entreprises, chercheurs et consultants non spécialistes de sport, journalistes et commentateurs de shows télévisées, élus politiques et membres du gouvernement, chefs d’entreprise… Les sports de compétition présentés aux JOP reflètent-il la réalité des activités physiques et sportives dans notre société ?</p>
<p>À l’instar de l’intellectuel subversif Pier Paolo Pasolini, peut-on porter un regard critique sur les JO tout en célébrant le sport ? Passionné de football, le sport populaire par excellence (mais très critique à l’égard des JO « bourgeois »), il déclarait en 1970 :</p>
<blockquote>
<p>« Le sport est un phénomène de civilisation tellement important qu’il ne devrait être ni ignoré ni négligé par la classe dirigeante et les intellectuels. »</p>
</blockquote>
<p>Fait social total, le sport recouvre effectivement toutes les formes d’engagement physique et tous les secteurs de la vie sociale : santé, économie, politique, médias, diplomatie, éducation, formation universitaire, développement durable, jeux vidéo… Aucun de ces univers n’échappe désormais au sport.</p>
<h2>« Le » sport n’existe pas</h2>
<p>Par ailleurs, entre le sport de haut niveau des JOP et l’activité physique de loisir, il existe non seulement des degrés d’engagement mais également des controverses théoriques. De quoi parle-t-on ? Du sport ou des sports ? Du loisir à caractère sportif et des exercices d’entretien du corps – activités majoritaires dans notre société – ou du sport de compétition – activité largement minoritaire ? Définir le sport semble relever d’un pari intenable tant les pratiques sont diverses, les frontières incertaines et les liens entre les sports du passé et ceux d’aujourd’hui discutables.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jeux-olympiques-et-paralympiques-2024-quelles-seront-vraiment-les-retombees-pour-paris-199924">Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?</a>
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<p>Ainsi, même si les images et la scénographie perdurent (mouvement des corps, opposition entre athlètes…) et si le récit olympique construit une filiation « naturelle », le sport moderne apparu au XIX<sup>e</sup> siècle n’a pas grand-chose à voir avec les jeux de l’Antiquité ou les jeux populaires traditionnels du Moyen-Age. « Tradition inventée » (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Invention_de_la_tradition">au sens de l’historien Eric Hobsbawm</a>) dans les sociétés capitalistes, le sport moderne rassemble des pratiques d’exercice corporel dotées de règles universelles et d’espaces spécifiquement sportifs permettant notamment la comparaison des résultats de la compétition, à la différence des formes agonistiques précédentes.</p>
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<p>Enfin, la fabrication d’une éthique proprement sportive le distingue des fonctions sacrées passées. Le vocable « sport » au singulier n’a aucune réalité tant est extrême la diversité de formes et de rapports à l’activité physique. Présenter le sport comme intemporel, apolitique et englobant toutes les pratiques est une invention de ses premiers promoteurs issus de l’élite sociale. Cet objet désignait conjointement un idéal (l’éthique sportive ou l’esprit sportif) et une pratique physique de compétition régie par des règles communes.</p>
<h2>Le sport est-il éthique en soi ?</h2>
<p>Dès lors, pour le mouvement olympique, l’esprit sportif irrigue tous les sports. Pour les institutions (sportives ou éducatives), « faire du sport » c’est non seulement se dépenser physiquement dans un cadre sportif mais surtout acquérir une morale, un « esprit olympique » et, plus récemment, une forme de citoyenneté. Ainsi en est-il de la conviction largement partagée que la pratique sportive peut produire, au-delà des stades et de manière quasi mécanique, un <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-1-page-7.htm">comportement citoyen et éthique</a>.</p>
<p>Or, contrairement aux discours actuels dans la perspective de Paris 2024, le sport ne contient pas de valeurs positives intrinsèques. Il porte les valeurs qu’on lui attribue et que les cadres de l’action sportive ou de l’action publique lui assignent. De même que le sport n’est pas vertueux, éducatif ou intégrateur en soi, il n’existe pas un sport en soi.</p>
<p>Outre les activités qualifiées officiellement de sportives, toute activité peut être revendiquée aujourd’hui comme telle par les pratiquants eux-mêmes, du jeu d’échecs au jardinage, en passant par le fitness, l’aquagym, l’e-sport ou la marche urbaine (première activité physique pratiquée par les Français).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VvzqEGpL_r4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le sport de compétition pratiqué à l’occasion des JOP ne représente finalement qu’une infime partie de l’univers sportif.</p>
<h2>L’abomination du corps féminin</h2>
<p>Enfin, la légende olympique occulte généralement une autre réalité, plus androcentrée. Ainsi, Pierre de Coubertin, « père » des Jeux olympiques modernes, était hostile à la participation des femmes aux Jeux olympiques. Il déclarait en 1912 :</p>
<blockquote>
<p>« Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le sport comme dans les discours religieux, le corps des femmes a longtemps été un enjeu de domination masculine et un objet tantôt <a href="https://theconversation.com/ca-suffit-les-bikinis-les-uniformes-sportifs-feminins-doivent-arriver-au-21-si%C3%A8cle-172000">érotisé</a>, tantôt sacralisé par la maternité. Mais au cours du XX<sup>e</sup> siècle, des résistances s’organisent et les femmes s’engagent graduellement dans les pratiques physiques à mesure que la société se laïcise et que les femmes s’émancipent. Sportive, porte-parole pour la cause des femmes dans le sport mais oubliée de l’histoire, c’est <a href="https://www.cairn.info/revue-vingt-et-vingt-et-un-revue-d-histoire-2019-2-page-93.htm?ref=doi">Alice Milliat qui créa les jeux mondiaux féminins à Paris en 1922</a>, en réaction à ce refus d’accepter les <a href="https://theconversation.com/femmes-et-sport-un-ticket-gagnant-pour-paris-2024-60091">femmes aux JO</a>.</p>
<p>C’est en 1928 que les femmes participèrent pour la première fois aux Jeux en athlétisme. Enfin, c’est dans le contexte des mouvements féministes des années 1960-70 qu’elles conquirent une place croissante dans le monde du sport. Néanmoins, elles se heurtent toujours à un <a href="https://theconversation.com/equal-play-equal-pay-des-inegalites-de-genre-dans-le-football-208530">plafond de verre</a> non plus sur les terrains mais dans les instances du pouvoir sportif. Ainsi, aujourd’hui, seules deux femmes dirigent une fédération olympique. Et l’expression « sport féminin » banalisée dans le langage courant, matérialise et ancre encore et toujours la connotation masculine du terme <em>sport</em>, dénué d’adjectif quand il s’agit des hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Gasparini a reçu des financements de l'Union européenne (Chaire Jean Monnet, financement Erasmus+) </span></em></p>Le sport est-il éthique en soi ? L’héritage des JO se réduit-il à un exercice de communication ? Que signifie même le terme « sport » ? Réflexions sur un fait social total.William Gasparini, sociologue, professeur, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115322023-08-15T21:12:05Z2023-08-15T21:12:05ZParis est une des pires villes européennes en temps de canicule. Comment changer cela ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542559/original/file-20230814-20-c3uzzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C23%2C7915%2C4433&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/paris-streets-view-on-famous-eifel-1170214318">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En compilant des données sur plus de 800 villes européennes, une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(23)00023-2/fulltext">récente étude scientifique</a> a estimé que Paris était une des villes d’Europe les plus meurtrières en cas de canicule. </p>
<p>Pour comprendre pourquoi, il faut se pencher sur la notion d’îlot de chaleur urbain (ICU). Un phénomène bien connu des météorologues et qui exacerbe l’augmentation locale des températures avec la multiplication des pics de chaleur en période estivale. </p>
<p>Or toujours selon cette étude parue dans le <em>Lancet Planetary Earth</em> 90 % des Parisiens étaient exposés à un îlot de chaleur urbain de forte intensité (entre 3 et 6 °C de différence) et 10 % à un îlot de chaleur urbain de très forte intensité (plus de 6 °C de différence) en 2021.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de la Métropole du Grand Paris montrant les vulnérabilités géographiques face aux fortes chaleurs" src="https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La carte a été réalisée par interprétation visuelle des teintes dominantes de la carte de thermographie d’été de l’APUR à l’intérieur des îlots statistiques de l’Insee (Bouddad et al. 2017). Les zones laissées en blanc sur la carte correspondent soit à des espaces inhabités (zones industrielles et portuaires, aéroports), soit à des quartiers habités par des ménages de catégorie moyenne.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si aujourd’hui protéger des pics de chaleur les habitats des villes est devenu un enjeu de santé publique et d’environnement, ces enjeux ont rarement préoccupé les partisans du développement urbain aux siècles passés.</p>
<p>Les villes ont d’abord été construites pour protéger leurs habitants avant d’intégrer des <a href="https://www.pavillon-arsenal.com/fr/edition-e-boutique/collections/hors-collection/11876-histoire-naturelle-de-larchitecture.html">objectifs hygiénistes</a>. Plus récemment, le pétrole bon marché et la voiture individuelle ont favorisé la mise en place de politiques familiales et d’aménagement facilitant l’étalement urbain.</p>
<p>À Paris, on qualifie de canicule un épisode d’au moins 3 jours consécutifs où les températures maximales dépassent 31 °C et les températures minimales 21 °C. Celle de 2003 a constitué un évènement extrême qui a suscité une prise de conscience européenne, vu son ampleur géographique et son impact sanitaire. Depuis, les canicules se succèdent et vont encore s’amplifier <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rapport-synthese-du-giec">d’ici à 2050</a>, sans réelle mise en débat politique des modèles d’urbanisation <a href="https://cdn.paris.fr/paris/2023/04/21/paris_a_50_c-le_rapport-Jc4H.pdf">sauf exception</a>.</p>
<p>Les vagues de chaleur représentent pourtant un danger direct pour la santé des populations, et affectent particulièrement des quartiers déjà vulnérables. Tâchons donc de comprendre d’abord pourquoi l’effet d’îlot de chaleur urbain est particulièrement néfaste en Île-de-France, avant de voir comment nous pourrions y remédier. </p>
<h2>L’îlot de chaleur urbain</h2>
<p>Toutes les surfaces artificielles génèrent de la chaleur en excédent, la température moyenne en ville étant supérieure de quelques dixièmes de degrés (bourg de petite taille) à plusieurs degrés (métropole) par rapport à celle de la campagne environnante. Par exemple, un <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/ilots-chaleur-urbains-paris-cahier-1">écart de 4 °C</a> a été observé entre le centre de Paris et les bois périphériques lors de la canicule de 2003.</p>
<p>Pour comprendre pourquoi, <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/comprendre-les-ilots-de-chaleur-urbains">plusieurs facteurs</a> sont à prendre en compte.</p>
<p>L’ICU augmente avec :</p>
<ul>
<li><p>La chaleur due aux activités humaines (combustion, climatiseurs, chauffage, serveurs…).</p></li>
<li><p>La nature et la couleur des matériaux : béton, asphalte, tuiles et autres matériaux minéraux et synthétiques sombres qui absorbent l’énergie solaire le jour, et la réémettent la nuit (rayonnement thermique).</p></li>
<li><p>La hauteur et l’espacement entre les bâtiments : une forte densité de bâti piège l’air chaud et limite le refroidissement des surfaces et des murs. Les immeubles de haute taille et les extensions horizontales de la métropole provoquent un ralentissement aérodynamique, limitant l’évacuation de la chaleur.</p></li>
</ul>
<p>À l’inverse, les facteurs d’atténuation sont :</p>
<ul>
<li><p>Les sols naturels, la végétation et l’eau : un sol constitué de gravillons contient des poches d’air (isolantes), qui limitent l’absorption de chaleur et sa couleur claire réfléchit le rayonnement solaire. L’eau a, elle, un fort pouvoir rafraichissant, grâce à l’évaporation en surface. La végétation en bonne santé joue le même rôle, par sa transpiration. Elle peut se développer dans tous les interstices du bâti, plus facilement et durablement que des nappes d’eau.</p></li>
<li><p>L’ombre : les sols ombragés par les bâtiments riverains, des ombrières (structures destinées à fournir de l’ombre) ou par des arbres de haute taille accumulent moins de chaleur.</p></li>
<li><p>Les sols, murs et toits clairs réfléchissant la lumière du soleil. Ils emmagasinent donc moins de rayonnement que les matériaux sombres. En revanche, la réflexion du soleil peut aggraver la chaleur de l’air à proximité de la surface dans la journée.</p></li>
<li><p>Localement, les surfaces chaudes provoquent une dépression atmosphérique, qui favorise la circulation de l’air venant des périphéries plus fraîches (<a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/ilots-chaleur-urbains-coeur-agglomeration-parisienne-cahier-3-brises-thermiques">brise thermique nocturne</a>.</p></li>
</ul>
<p>De même, le relief favorise pendant la nuit la circulation de l’air vers le bas des pentes.</p>
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<p>Les différents paramètres énoncés ci-dessus font que la Métropole du Grand Paris (MGP) présente un très fort îlot de chaleur urbain. Le <a href="https://land.copernicus.eu/user-corner/technical-library/urban_atlas_2012_2018_mapping_guide_v6.3">tissu urbain continu</a> autour de Paris <em>intra muros</em> aggrave encore plus cette situation. </p>
<p>Dans les quartiers périphériques où habitent les ménages les plus modestes, le bâti est mêlé à des zones industrielles et commerciales, et les températures diurnes atteignent des valeurs extrêmes dues à des <a href="http://www.apur.org/fr/nos-travaux/ilots-chaleur-urbains-paris-cahier-4-influence-climatique-revetements-sol-paris">revêtements imperméables et sombres prépondérants</a>.</p>
<p>Au contraire, à l’ouest de Paris et dans la boucle de la Marne où vivent les ménages les plus aisés, les températures sont moindres, soit proches de la moyenne, soit plus fraîches, du fait de l’extension de zones pavillonnaires avec jardins, souvent situées à proximité de grands espaces verts.</p>
<p>La circulation de l’air y est également favorisée par les couloirs de fraîcheur rentrant dans la ville (air le long de la vallée de la Seine, ou venant des forêts proches sur les plateaux au Sud-Ouest). Inversement, la circulation de l’air est freinée dans le cœur de ville, dans les quartiers nord et de proches banlieues denses, par la minéralité et la hauteur des bâtiments (dont beaucoup d’immeubles sur dalle).</p>
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<img alt="La dalle minéralisée de la Défense" src="https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La dalle très minérale du quartier d’affaires de La Défense, vue depuis la Grande Arche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Certains modèles d’urbanisme, comme les cités-jardins ou les ceintures vertes, alternatives impulsées au tournant du XX<sup>e</sup> siècle pourraient être des sources d’inspiration, grâce à des surfaces plus importantes de végétation arborée, sols perméables, rivières et étangs pérennes, contribuant aussi au bien-être des habitants. </p>
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<img alt="La cité jardin de Payret-Dortail au Plessis-Robinson : construite dans les années 1920, elle mêle petits collectifs et pavillons, séparés par des jardins et des rues arborées" src="https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La cité jardin de Payret-Dortail au Plessis-Robinson : construite dans les années 1920, elle mêle petits collectifs et pavillons, séparés par des jardins et des rues arborées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurence Eymard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est le cas pour le Grand Londres, qui en plus d’être bordé de zones humides et de grands réservoirs d’eau jouit de grands parcs et d’un réseau hydrographique accentuant la fraîcheur maritime. Du fait de son urbanisme moins dense et de sa situation légèrement plus septentrionale le Grand Londres connaît des températures bien moindres que le <a href="https://theconversation.com/canicule-et-urbanisme-arretons-de-densifier-nos-villes-142504,">Grand Paris</a>. </p>
<p>Comme le Grand Paris est déjà largement construit, il s’agit ici de proposer avant tout des solutions d’adaptation et d’atténuation aux canicules et autres extrêmes climatiques, le tout sans aggraver les inégalités existantes.</p>
<h2>Un urbanisme à repenser face au changement climatique</h2>
<p>Densifier encore fortement le tissu urbain, comme le prévoit le <a href="https://www.institutparisregion.fr/planification/ile-defrance-2030/le-schema-directeur-de-laregion-ile-de-france-sdrif">schéma directeur de l’Île-de-France</a> aura pour effet d’augmenter la superficie du dôme de l’îlot de chaleur urbain, et exacerbera très probablement son intensité maximale au centre, étant donné que la circulation de l’air risque d’être bloquée en périphérie. </p>
<p>Comme les Parisiens ont pu le vivre, notamment en 2022, le centre de la métropole deviendra invivable en période chaude. Cela conduira à une aggravation des inégalités sociales, sans résoudre les problèmes structurels de l’Île-de-France, puisque la seule issue des ménages est de partir en périphérie voire en province pour les plus chanceux.</p>
<p>Afin de garantir une qualité de vie satisfaisante sans accroître sa superficie et ses disparités sociales et spatiales, la piste la plus prometteuse est donc d’exploiter les sources internes de rafraîchissement et d’optimiser la circulation de l’air à toutes les échelles. </p>
<h2>Ce qu’il faut préserver et améliorer</h2>
<p>Les arbres existants, qu’ils soient implantés dans des espaces verts, le long d’alignements, ou dans des cités-jardins, de même que les zones perméables non recouvertes de bitume, les terrains de sport non recouverts de revêtements synthétiques, doivent être préservés, multipliés et étendus.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le jardin du Trocadéro (Paris 16ᵉ), un espace vert à couvert végétal diversifié.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les zones agricoles situées à l’extérieur de la Métropole du Grand Paris pour la plupart (ex. Plateau de Saclay, Triangle de Gonesse), doivent aussi être conservées ou préservées, car les sols y sont perméables et relativement frais (hors longue période de sécheresse). À l’échelle du territoire, il est indispensable de conserver les zones de faible densité urbaine, car elles apportent une surface de sol naturel intéressante (jardins individuels ou de petits groupes d’immeubles), et un potentiel de circulation de l’air par la faible hauteur de bâti. </p>
<p>C’est pourtant l’inverse qui se produit dans la Métropole du Grand Paris. Les cités-jardins, du fait du vieillissement du bâti, sont menacées de destruction, alors qu’elles devraient être réhabilitées et classées, car ce modèle d’urbanisme est pertinent à la fois d’un point de vue social et bioclimatique.</p>
<p>Les nouvelles constructions dans d’anciennes zones pavillonnaires classées comme des îlots d’habitats dans le Mode d’Occupation des Sols (Inventaire numérique de l’occupation des sols en Île-de-France établi par l’Institut Paris Région) occupent l’essentiel du terrain, les jardins étant détruits. La multiplication des infrastructures souterraines limite également les possibilités de végétalisation. Les aménagements pour les Jeux olympiques et paralympiques sont à cet égard insuffisamment vertueux.</p>
<p>Les projets urbains en cours de réalisation pour cette échéance ont été conçus il y a dix ans à une époque d’insouciance aujourd’hui révolue. En témoigne la récente remise à jour du Schéma directeur de la Région Île-de-France. Ces projets devraient ainsi être amendés pour réduire l’impact des vagues de chaleur (notamment prohiber les revêtements sombres des immeubles (murs, volets et toits), favoriser la circulation de l’air dans les appartements, isoler les murs par l’extérieur, espacer les immeubles et les entourer de jardins arborés de pleine terre. </p>
<p>De même, les projections de croissance démographique et de besoins en logements de la Métropole du Grand Paris devraient être réactualisées à l’aune de l’ère post-pandémie de Covid-19, qui les a réduites.</p>
<h2>Végétaliser certes, mais comment ?</h2>
<p>La Métropole du Grand Paris est particulièrement dépourvue en végétation arborée, comme le montre la carte de l’Atelier parisien d’Urbanisme, <a href="https://opendata.apur.org/datasets/hauteur-vegetation-2021/explore?location=48.878516%2C2.367554%2C11.00">mise à jour en 2021</a>. Des compléments de plantations d’arbres sont donc hautement souhaitables, dans tous les <a href="https://theconversation.com/grand-paris-pourquoi-il-faut-suivre-lexemple-de-new-york-et-planter-1-million-darbres-141393">espaces appropriés</a>. Ces plantations devront être adaptées aux conditions climatiques des <a href="https://theconversation.com/a-paris-quels-arbres-pour-adapter-la-ville-au-changement-climatique-190030">prochaines décennies</a>. Elles pourront prendre des formes différentes et complémentaires en fonction des espaces :</p>
<ul>
<li>Multiplication des plantations <a href="https://paris.vivarbre.fr/info.php">d’essences variées</a> et <a href="https://sesame.cerema.fr/">adaptées</a> le long des avenues afin d’accroître l’ombrage des chaussées et trottoirs, de constituer des corridors favorables à la circulation de la biodiversité et de favoriser des voitures moins climatisées.
À l’origine, les plantations sur les grands boulevards ont été dominées par un petit nombre d’espèces. Sur 1900 arbres des Champs-Élysées, par exemple, 900 environ sont des marronniers et 560 des platanes. Ce type de monoculture n’est clairement pas à favoriser, de par le caractère d’adaptation limité de ces espèces face au dérèglement climatique, du danger que court une plantation avec seulement quelques espèces face à d’éventuelles <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/hauts-de-seine/platanes-danger-alerte-au-chancre-colore-ile-france-1726503.html">menaces pathogènes</a> et de la pauvreté de ce type de plantation pour la biodiversité.</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ensemble de Paulownia.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<ul>
<li><p>Création et/ou extension de nouveaux parcs, jardins et squares urbains, sur le modèle multifonctionnel des parcs haussmanniens de Paris constituant des espaces de récréation (et de refuge, même nocturne lors des épisodes de canicules) pour les <a href="https://theconversation.com/arbres-et-oiseaux-balade-au-parc-montsouris-ce-point-chaud-de-la-biodiversite-parisienne-139329">populations</a>.</p></li>
<li><p>Accroissement de la végétalisation (avec l’inclusion de végétaux arbustifs et herbacés) sur les places minéralisées de la métropole, sur le modèle des plantations d’arbres réalisées à la place de la Comédie de Montpellier ou à la place de la gare de Strasbourg.</p></li>
<li><p>Maintien de friches spontanées, à l’image de celles qui se sont développées en bordure de la <a href="https://www.paris.fr/pages/la-petite-ceinture-2537">« petite ceinture parisienne »</a>.</p></li>
<li><p>Création de nouvelles forêts ou de bosquets denses urbains, constituant des îlots de fraîcheur, à l’exemple des <a href="https://theconversation.com/microforets-urbaines-que-penser-de-la-methode-miyawaki-156822">« micro-forêts Miyawaki »</a> (de l’ordre de quelques centaines de m<sup>2</sup>) ou de projets sur des surfaces plus conséquentes (de l’ordre de l’hectare) comme celle en cours de réalisation de la <a href="https://theconversation.com/quels-arbres-choisir-pour-la-future-foret-urbaine-place-de-catalogne-a-paris-173781">place de Catalogne à Paris</a>.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ensemble végétal structuré avec strates arborescente, arbustive et herbacée, rue Vercingétorix (Paris 14ᵉ).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’ensemble de ces formations végétales, complémentaires et adaptées à chaque situation locale, contribuera à accroître <a href="https://www.itreetools.org/documents/485/Sustainable_Urban_Forest_Guide_14Nov2016_pw6WcW0.pdf">l’indice global de canopée</a> de la Métropole du Grand Paris et à tendre vers une réelle <a href="https://theconversation.com/de-quoi-se-compose-exactement-la-foret-urbaine-168450">« forêt urbaine »</a> qui constitue la meilleure adaptation possible des villes aux <a href="https://www.fao.org/3/i6210fr/i6210fr.pdf">canicules à venir</a>.</p>
<p>Il est aussi important, à l’échelle régionale, de relier ces zones végétalisées par des corridors de fraîcheur, orientés de façon à optimiser la circulation des brises dominantes arrivant des zones agricoles, forestières ou humides plus fraîches situées en périphérie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211532/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Muller, Laurence Eymard et Marianne Cohen sont membres du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE).
Serge Muller est en outre membre associé de l'Autorité environnementale de l'Inspection générale de l'Environnement et du Développement durable.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurence Eymard, Marianne Cohen et Romain Courault ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De par son urbanisme et son manque d’espaces verts, Paris est actuellement l’une des villes européennes les moins adaptées à la canicule.Marianne Cohen, Professeure des universités en Géographie, Sorbonne UniversitéLaurence Eymard, Directrice de recherche CNRS émérite, chercheuse dans le domaine du climat et de l'environnement, Sorbonne UniversitéRomain Courault, Maître de conférences en Géographie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneSerge Muller, Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104102023-07-30T15:04:40Z2023-07-30T15:04:40ZLes inégalités en termes d’accès au télétravail sont aussi une question de territoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539312/original/file-20230725-25-b32njk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=100%2C117%2C3664%2C2498&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et vous, serez-vous en «&nbsp;tracances&nbsp;» cet été&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/young-ethnic-woman-resting-at-poolside-after-distance-work-on-laptop-5269633/">Pexels/Armin Rimoldi </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Cet été, peut-être prenez-vous des « tracances », néologisme formé à partir des mots « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> » et « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vacances-38872">vacances</a> » qui désigne le fait de télétravailler hors de son lieu de résidence, le plus souvent sur son lieu de vacances. Ces « tracances » ont été particulièrement <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2023/07/03/l-argot-de-bureau-les-tracances-fausses-vacances-vrais-tracas_6180291_1698637.html">médiatisées</a> ces deux dernières années, à la suite de la pandémie de Covid-19. À l’instar des nomades digitaux travaillant tout en voyageant, un phénomène déjà exploré par la <a href="https://dro.dur.ac.uk/32460/1/32460.pdf">littérature scientifique</a>, ces nouvelles pratiques brouillent plus encore les frontières entre espaces-temps privés et professionnels.</p>
<p>L’essor des « tracances » a été rendu possible pour certains en raison du déploiement de plus en plus répandu du télétravail, devenu la norme pour <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/le-rapport-au-travail-post-Covid-teletravail-management-reconnaissance-sante-les-nouvelles-tendances/">presque un Français sur trois</a>. Or, si les secteurs d’activités et les niveaux de responsabilité sont souvent mis en avant pour expliquer une pratique plus ou moins régulière du télétravail, la zone de résidence permet encore davantage de mettre à jour de fortes disparités entre actifs sur le territoire français. Et ce, d’autant plus pendant la période estivale.</p>
<h2>Les nouvelles stratégies territoriales des actifs</h2>
<p>En effet, si <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6209490">70 % des salariés cadres à Paris télétravaillent régulièrement</a>, ce chiffre baisse à 50 % dans les grandes métropoles, et à 23 % dans des communes très peu denses, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Sur l’ensemble des salariés, 56 % des Parisiens télétravaillent régulièrement, contre 36 % pour le reste de l’Île-de-France. Notons à cet égard que la zone de résidence concentre également d’autres facteurs, comme le niveau de responsabilité, le type d’activité et de secteur.</p>
<p><iframe id="ZkebT" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZkebT/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/territoires-33611">territoire</a> est donc plus stratégique qu’on ne le pense en matière d’accès au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/teletravail-34157">télétravail</a>. Au cours de trois ateliers participatifs entre chercheurs et organisations (publiques, privées, et de l’économie sociale et solidaire), organisés en 2023 par la <a href="https://www.grenoble-em.com/territoires-en-transition">Chaire Territoires en Transition</a> de Grenoble École de Management (GEM), nous avons cherché à formaliser et discuter cet impensé managérial.</p>
<p>Lors de la pandémie de Covid-19, le terme d’« exode urbain » a émergé dans le discours médiatique : les habitants des grandes métropoles <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/perso/face-au-Covid-19-ces-citadins-qui-font-le-choix-de-la-campagne-1256218">quitteraient les grands centres urbains</a> pour s’installer dans de zones rurales d’où ils pourraient travailler, à distance. C’est l’exemple bien connu des <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2022/05/07/le-teletravail-est-un-des-sujets-qui-ont-le-plus-change-la-vie-en-bretagne-le-coworking-les-oiseaux-et-la-mer_6125092_4497916.html">Parisiens s’installant sur la côte bretonne</a>.</p>
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<p>Une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/DP_EXODEURBAIN.pdf">étude</a> récente sur les impacts de la pandémie de Covid-19 en termes de mobilités résidentielles nuance cette idée. En réalité, ce sont les pratiques plurirésidentielles qui se renforcent, avec des collaborateurs en mobilité entre des espaces de villégiatures et des grands centres urbains, voire, pour certains d’entre eux, entre plusieurs centres urbains. Une bi-voire une trirésidentialité a alors pu se développer pour une partie des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cadres-63175">cadres</a>, permettant de jongler entre territoires métropolitains centraux et d’autres plus éloignés, si bien que des chercheurs ont évoqué une <a href="https://metropolitiques.eu/L-exode-urbain-extension-du-domaine-de-la-rente.html">« extension du domaine de la rente »</a>, c’est-à-dire une extension du capital urbain hors des métropoles.</p>
<h2>De nouvelles inégalités au sein des organisations</h2>
<p>Les résultats de cette même étude montrent que les mobilités effectives et projetées ressemblent à ce qu’on connaissait avant la pandémie, c’est-à-dire, fortement concentrés au sein et <em>autour</em> des métropoles urbaines. La métropolisation concentre un fort pouvoir d’attraction et s’accompagne d’une périurbanisation toujours croissante, posant par ailleurs des enjeux de transition écologiques et sociaux. En 2021, une autre <a href="https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_almosni-etal.pdf">étude</a> pointait déjà ce risque d’étalement urbain des villes moyennes. Ces travaux, dont certains se situent en géographie critique, appellent à étudier les impacts de ces mobilités au sein des organisations elles-mêmes.</p>
<p>Le télétravail, qui reste un choix du salarié dans son acceptation légale, reste donc souvent contraint par des effets territoriaux. En conséquence, les politiques internes aux organisations se concentrant sur la faisabilité logistique du télétravail au domicile (par exemple, via la délivrance d’un matériel adapté, ou par une compensation financière des coûts liés à la dépense d’énergie au domicile) mettent de côté ces inégalités liées aux stratégies mobilitaires et résidentielles des individus. Ces inégalités sociales touchent donc autant l’accès que le vécu du télétravail lui-même.</p>
<p>En résumé, tout le monde ne peut pas télétravailler, et surtout, tout le monde ne peut pas télétravailler de la même manière. Faire fi des inégalités dans le travail à distance, que ce soit entre les territoires ou entre les actifs, constitue pourtant la politique la plus répandue dans les organisations. Si le télétravail est souvent perçu comme une flexibilité d’organisation pour les salariés, aux organisations d’ouvrir cette boîte noire pour compenser cette (absence de) possibilité de télétravailler. Un nouveau chantier managérial après la pérennisation du télétravail ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albane Grandazzi a reçu des financements de la Chaire Territoire en Transition, Grenoble Ecole de Management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hélène Picard a reçu des financements de la Chaire Territoire en Transition, Grenoble Ecole de Management.</span></em></p>Parmi la population des cadres, les Franciliens sont près de trois plus à pouvoir exercer leur activité à distance que les habitants des zones faiblement peuplées.Albane Grandazzi, Professeur Assistant, Grenoble École de Management (GEM)Hélène Picard, Professeure Assistante au département Homme, Organisations et Société. Chaire Territoires en Transitions et Chaire UNESCO pour une Culture de Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2073962023-07-10T15:46:20Z2023-07-10T15:46:20ZQuand la petite couronne de Paris était maraîchère<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533757/original/file-20230623-27-54axia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C2%2C845%2C556&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Famille de maraîchers à Bobigny, sans doute au début du XXe siècle, pratiquant la culture sous cloche.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bobigny.fr/fileadmin/bobigny/MEDIA/decouvrir_bobigny/expo_maraichers/galerie_promo/img781.jpg">Archives communales de Bobigny</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure où le ministère de l’Agriculture met en avant la nécessité d’augmenter notre <a href="https://theconversation.com/quatre-pistes-pour-une-souverainete-alimentaire-respectueuse-de-la-sante-et-de-lenvironnement-206947">souveraineté alimentaire en fruits et légumes</a>, le recensement décennal de l’agriculture de 2020 montrait un résultat encourageant pour l’Île-de-France.</p>
<p>Le nombre d’exploitations maraîchères a ainsi doublé depuis 2010, passant de 74 à 139, tout comme les surfaces en maraîchage diversifié (au moins 30 espèces différentes sur une même exploitation), qui sont passées de 1140 à 2040 ha.</p>
<p>Cela ne représente toutefois que <a href="https://driaaf.ile-de-france.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/RA2020_Etude_1ers_resultats_IDF_202112_cle85a54e.pdf">3 % des exploitations et moins de 0,4 % des surfaces</a>. Et on reste encore très loin de satisfaire les besoins en légumes (et encore plus en fruits !) de la région parisienne, qui <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1222">dépassent les 800 000 tonnes annuelles</a>.</p>
<p>Cependant, ce frémissement maraîcher est prometteur et se poursuit, souvent appuyé par des collectivités soucieuses de satisfaire une aspiration de consommation locale de leurs habitants. De même, se développent depuis une quinzaine d’années des formes de <a href="https://theconversation.com/agriculture-urbaine-en-france-le-jeu-des-sept-familles-107381">maraîchages intra-urbains</a> (y compris des jardins collectifs) qui <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03767150/document">témoignent aussi de cet intérêt renouvelé</a> pour le maraîchage de proximité.</p>
<h2>La petite couronne, historiquement maraîchère</h2>
<p>Renouvelé, car la déconnexion entre les citadins et le maraîchage en Île-de-France est finalement très récente. Les mouvements actuels retissent les liens d’une histoire multiséculaire, lorsque les jardins maraîchers étaient situés dans les interstices d’un tissu urbain en voie de densification.</p>
<p>L’urbanisation de la capitale s’est en effet faite dans de nombreux quartiers par une phase de transition entre le rural et l’urbain, la période maraîchère, où des champs ou des prés accueillent des activités maraîchères, avant d’être urbanisés.</p>
<p>Ainsi, 800 maraîchers œuvraient quotidiennement au XVIII<sup>e</sup> siècle, 1 800 en 1860, 2 500 en 1912 !</p>
<p>Plus de cinquante communes de l’actuel grand Paris ont été marquées par l’empreinte des maraîchers, avec une occupation géographique hétérogène. Si l’expression de « ceinture maraîchère » est communément admise, l’emprise maraîchère touchait essentiellement le nord, le sud et l’est de la capitale et très peu l’ouest.</p>
<p>Pour s’installer, un maraîcher a besoin d’un terrain relativement plat, très drainant, proche d’un axe de circulation et peu cher à l’achat. Il aime également se trouver à proximité de collègues, voire aménager un lotissement maraîcher. Ces conditions étaient réunies dans les banlieues nord et sud, mais pas à l’ouest (aux terrains très convoités par l’industrie et les rentiers et aux prix dissuasifs) ou à l’est (où les coteaux de Belleville, Bagnolet et Montreuil, ainsi que la taille très réduite des parcelles, empêchaient les installations).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Six cartes de 1859 à 1959 ; il y une croissance du nombre d’exploitations jusqu’à 1912, puis une décroissance rapide au XXᵉ siècle" src="https://images.theconversation.com/files/533753/original/file-20230623-25-jq63y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533753/original/file-20230623-25-jq63y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533753/original/file-20230623-25-jq63y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533753/original/file-20230623-25-jq63y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533753/original/file-20230623-25-jq63y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533753/original/file-20230623-25-jq63y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533753/original/file-20230623-25-jq63y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution de l’implantation des maraîchers en Île-de-France, avec une installation préférentielle au nord et au sud.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Michel Roy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En quittant les XII<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> arrondissements de Paris dans la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle (chassés par l’urbanisation), les maraîchers se sont donc installés au nord à Asnières, Clichy, Aubervilliers et Bobigny, et au sud entre Issy-les-Moulineaux et Créteil. Parmi l’ensemble de ces villes, Bobigny et Créteil ont été marquées durablement par des implantations maraîchères de centaines d’exploitations.</p>
<h2>Les maraîchers, rouage de l’économie circulaire périurbaine</h2>
<p>Gens de la ville et du <a href="https://theconversation.com/agriculture-urbaine-en-france-le-jeu-des-sept-familles-107381">périurbain</a> depuis le Moyen Âge, les maraîchers s’intégraient parfaitement dans une économie circulaire, utilisant les ressources de la ville, cherchant sans cesse à produire mieux et plus et à moindre coût.</p>
<p>Ils pouvaient ainsi s’adapter aux changements de consommations, à l’évolution des goûts et de la demande… mais aussi à l’expansion des villes, notamment en se déplaçant. Contrairement aux cultivateurs de légumes ou arboriculteurs installés et liés à leurs terroirs, les maraîchers peuvent en effet changer d’emplacement au gré des opportunités en emportant leur terreau pour recommencer sur des terrains vierges.</p>
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<p>Les maraîchers parisiens avaient ainsi élevé la culture des légumes au rang d’un art, d’une esthétique relationnelle entre le cultivateur, la terre, la nature et les innombrables légumes cultivés <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/000pack2/Etude_2435/NR_868_web.pdf">tout au long de l’année</a>. Ils ont décuplé le produit du sol, cultivé de façon quasi permanente au prix d’un investissement considérable en matériel, de quantités phénoménales de fumier et d’eau, et d’un savoir-faire unique (cloches à salades ou melons, couches chaudes, etc.).</p>
<p>À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, sur des surfaces de souvent moins d’un hectare, les maraîchers arrivaient ainsi à produire l’équivalent de 250 tonnes par hectare. À titre d’exemple, 100 millions de salades sortaient annuellement des exploitations avant la Première Guerre mondiale. Leur production était destinée aux marchés et bonnes tables de la capitale ou des capitales européennes, et parfois considérée comme un produit de luxe (carottes ou navets, primeurs, salades en plein hiver…).</p>
<p>Ainsi, la croissance de la population aux XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles s’est accompagnée de l’augmentation de l’effectif des chevaux (on comptera jusqu’à 100 000 chevaux dans Paris à la fin du XIX<sup>e</sup>). Pour les maraîchers, cela se traduit par plus de fumier pour faire des couches chaudes, et produire des primeurs l’hiver. Et quand les effectifs de chevaux viennent à chuter au XX<sup>e</sup> siècle, ils cherchent d’autres matières premières, des meules de champignons, par exemple.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vu de la plaine de Créteil, montrant des exploitations maraichères" src="https://images.theconversation.com/files/535035/original/file-20230630-15-wue7l3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535035/original/file-20230630-15-wue7l3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535035/original/file-20230630-15-wue7l3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535035/original/file-20230630-15-wue7l3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535035/original/file-20230630-15-wue7l3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535035/original/file-20230630-15-wue7l3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535035/original/file-20230630-15-wue7l3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 1969, la plaine de Créteil et de la Courneuve était encore maraîchère.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean Michel Roy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Leur itinérance, leur ingéniosité, leurs connaissances techniques et leur infatigable labeur leur ont permis de s’adapter durant des siècles aux mutations de la ville et aux transformations des consommations.</p>
<h2>Pour un retour vers une petite couronne maraîchère ?</h2>
<p>Porteuse de nombreuses innovations techniques en son temps, d’économie circulaire, contributrice majeure à l’alimentation de Paris, la ceinture maraîchère de Paris pourrait aujourd’hui être réactivée pour des raisons de sécurisation alimentaire et environnementale.</p>
<p>Certes pas aux mêmes endroits, souvent urbanisés de nos jours, mais selon une logique voisine de production maraîchère de qualité en proximité, orientée vers les besoins et les marchés de la ville : c’est donc surtout vers du périurbain qu’il faut s’orienter.</p>
<p>Il faut ainsi poursuivre l’installation de maraîchers sur les fonciers détenus par la puissance publique, sur des friches agricoles (plus de 4200 ha en Île-de-France), mais aussi inciter les exploitations de grande culture à se diversifier en maraîchage ou en légumes de plein champ.</p>
<p>Parallèlement, et avec une visée plus éducative que strictement productive, il faut poursuivre la multiplication des formes de jardinage potager, individuel et collectif, ou l’installation de microfermes maraîchères participatives, de préférence en milieu urbain dense où elles sont très demandées.</p>
<p>Il est probable que si reconquête maraîchère il y a en Île-de-France, elle prendra divers visages, des petites fermes maraîchères diversifiées en circuits courts à des exploitations de plus grande taille, individuelles et collectives, orientées notamment vers la satisfaction des besoins de la restauration collective.</p>
<p>C’est par une connaissance fine des leçons de l’histoire, en adaptant les techniques d’alors à nos possibilités, contraintes et objectifs d’aujourd’hui, bref en apprenant du passé avec les yeux du présent, que l’on pourra réaliser cette reconstruction. Cela porte un nom aujourd’hui, la « French method » en matière de cultures urbaines, selon le terme accolé outre-Atlantique à ce maraîchage parisien du passé.</p>
<p>Localiser ces zones de production au cœur des métropoles pourrait permettre de contribuer à réduire les îlots de chaleur, de retraiter les déchets urbains, de séquestrer du carbone, de réduire les émissions de CO<sub>2</sub> dues au transport alimentaire. Et de retrouver la joie ancienne de pouvoir déguster des produits ultra frais, sans intermédiaires, et locaux.</p>
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<p><em>Jean-Michel Roy, historien et anthropologue, spécialiste de l’agriculture urbaine, est co-auteur de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Aubry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Leur itinérance, leur ingéniosité, leurs connaissances et leur infatigable labeur auront permis aux maraîchers de s’adapter des siècles durant aux mutations de la ville et des consommations.Christine Aubry, Fondatrice de l’équipe de recherche « Agricultures urbaines », UMR Sadapt, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1999242023-06-22T18:58:17Z2023-06-22T18:58:17ZJeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530920/original/file-20230608-12385-dlan6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C0%2C7328%2C4933&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En plaçant les Jeux sous l’angle d’un projet de société les organisateurs se mettent eux-mêmes dans une situation délicate. Ils suscitent beaucoup d’espérance, alors même que le grand nombre d’inconnues liées à la candidature, puis à l’organisation, devrait inviter à la prudence.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 approchent pour Paris et avec eux leurs lots de controverses qui abondent une tendance claire : la raréfaction des candidatures pour l’accueil des Jeux ces dernières années. Depuis 1997, <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=evulDwAAQBAJ">plus de deux tiers des référendums</a> voient le « non » l’emporter.</p>
<p><a href="https://www.mov-sport-sciences.org/articles/sm/abs/2020/01/sm180064/sm180064.html">Les contestataires</a> dénoncent un gaspillage des deniers publics pour des projets qui n’auraient pas suffisamment d’utilité sociale. Pour contrer cela, le choix de candidater à un <a href="https://gisetudestouristiques.fr/encyclopedie/grands-evenements-sportifs-internationaux-gesi/">grand événement sportif international</a> (GESI) se justifie de plus en plus par la promesse d’un héritage économique et social durable qui profitera à toutes et tous, comme c’est le cas du <a href="https://medias.paris2024.org/uploads/2021/09/Paris2024-210830-Legacy-Plan-FR.pdf">Comité organisateur des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024</a>.</p>
<p>Mais, en plaçant les Jeux sous l’angle d’un projet de société, les organisateurs se mettent eux-mêmes dans une situation délicate. Ils suscitent beaucoup d’espérance, alors même que le grand nombre d’inconnues liées à la candidature, puis à l’organisation, devrait justifier la prudence. Un tour d’horizon de quelques effets économiques et sociaux après des éditions passées permet de comprendre quelles pourraient être les retombées réelles pour Paris et la France. Cerner la complexité de ces enjeux permet aussi de questionner la notion d’héritage, qui crée souvent le risque d’un décalage abyssal entre espérance et réalité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-continuer-a-organiser-des-mega-evenements-sportifs-174346">« Le pour et le contre » : Faut-il continuer à organiser des méga-événements sportifs ?</a>
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<h2>Quand les coûts dépassent les retombées</h2>
<p>Bien que sous certaines conditions favorables il semble possible d’obtenir un <em>boost</em> dans l’économie locale, les travaux sur l’impact économique des GESI illustrent surtout la manière dont les <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.30.2.201">coûts dépassent presque toujours les retombées</a> amenant les économistes à évoquer la <a href="https://shs.hal.science/halshs-00794056">« malédiction du vainqueur »</a> de la candidature olympique. Dans les faits, les études d’impact économique ne distinguent pas les gagnants et les perdants : elles mesurent simplement s’il y a un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19407960902992183">gain monétaire</a>.</p>
<p>La redistribution des ressources dans une région est souvent <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/j.1467-954X.2006.00650.x">socialement injuste</a> et ne profite pas équitablement à l’ensemble de la population. Il convient donc de distinguer l’impact du bénéfice économique. On aurait vite fait de s’enthousiasmer d’un impact de plusieurs millions, si l’on ne prenait pas la précaution de regarder précisément de <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2010-3-page-379.htm">quoi il est composé</a>.</p>
<p>De nombreuses olympiades présentent le cas d’une dépense publique dont la dette pour le contribuable s’est étirée sur plusieurs décennies <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/economie-internationale-du-sport-9782706116094/">à l’instar des Jeux de Montréal en 1976 ou de Rome en 1960</a>.</p>
<p>Finalement, les <a href="https://sustain.pata.org/wp-content/uploads/2015/02/FINAL_SpecialEvents-guide.pdf">économistes</a> eux-mêmes s’accordent pour souligner les <a href="https://journals.openedition.org/regulation/10215">limites méthodologiques du calcul d’impact économique</a> et encouragent à s’intéresser à des dimensions hors marché, à l’instar des impacts sociaux.</p>
<h2>Un impact durable sur la vie des Parisiens ?</h2>
<p>Malheureusement, l’analyse de ces derniers présente aussi des difficultés méthodologiques de taille et les études s’intéressent principalement à une dimension du problème : l’analyse de la perception d’un sentiment d’appartenance, du bonheur, etc. Une fois n’est pas coutume, on y apprend que le <a href="https://www.jstor.org/stable/41409381">GESI peut être source de fierté</a>, de satisfaction et de <a href="https://econpapers.repec.org/article/eeespomar/v_3a17_3ay_3a2014_3ai_3a2_3ap_3a121-132.htm">bien-être</a>, tout autant que de <a href="https://www.routledge.com/Mega-events-and-Urban-Image-Construction-Beijing-and-Rio-de-Janeiro/Broudehoux/p/book/9780367667948">nuisances</a> selon les contextes et les populations étudiées.</p>
<p>Suite aux Jeux olympiques de Londres en 2012, les travaux <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13604813.2012.754190">sur le renouvellement urbain dans le quartier de Stratford sont instructifs</a> : si les GESI sont des catalyseurs d’action publique qui permettent d’améliorer grandement l’offre de transport en peu de temps, ils s’accompagnent généralement d’une forte gentrification venant nuancer l’intensité des potentielles retombées positives.</p>
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<p>Idem sur la notion de cohésion sociale et d’identité locale : les GESI sont théoriquement le moment propice à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14775080601155126">l’abaissement des barrières sociales entre individus</a> et au développement de relations interpersonnelles spontanées qui s’avère être extrêmement rare dans la société – ce que l’on a communément appelé l’effet « black-blanc-beur » en 1998.</p>
<p>Ce mécanisme, perçu encore lors du récent mondial de football, pourtant controversé, au Qatar, convient d’être nuancé de deux manières : d’une part il semble très éphémère, d’autre part, ces moments de communion identitaires peuvent aussi être source de repli et de <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-impact-social-des-grands-evenements-sportifs-internationaux-processus-effets-et-enjeux-9782917465646.html">sentiment d’exclusion</a> comme nous l’avons observé lors de l’Euro 2016 dans certains quartiers parisiens peu concernés par la tenue de l’événement.</p>
<h2>Une hausse de l’activité physique ?</h2>
<p>Le développement de l’activité physique et sportive suite aux Jeux de Londres 2012 est aussi un bel exemple de cette complexité. Certains <a href="https://www.storre.stir.ac.uk/handle/1893/29216">articles</a> et <a href="http://londonsport.org/wp-content/uploads/2022/07/London-2012-report.pdf">sondages</a> pointent des effets légèrement positifs (le taux d’inactivité – moins de 30 minutes par semaine – passant de 29 % à 27 % entre 2012 et 2021), tout en faisant état <a href="https://committees.parliament.uk/committee/482/national-plan-for-sport-and-recreation-committee/news/159591/a-new-national-plan-for-sport-health-and-wellbeing-is-needed-to-tackle-inactivity-says-lords-committee/">d’un accroissement des inégalités entre catégories de populations</a>.</p>
<p>D’autres résultats sont encore moins probants 10 ans après, à l’instar de l’obésité infantile, un <a href="https://www.standard.co.uk/news/politics/london-olympic-boroughs-childhood-obesity-england-b1014919.html">problème de santé publique majeur en Angleterre</a> y compris dans les quartiers bordant les sites olympiques.</p>
<p>La plupart des études s’accordent pour identifier des <a href="https://journals.humankinetics.com/view/journals/jpah/20/1/article-p77.xml?content=abstract">effets mitigés</a>, l’impact sur la participation sportive relevant le plus souvent d’un <a href="https://www.easm.net/download/easm_essential_sport_management_collection/sport_governance_and_policy/The-Olympic-Games-and-raising-sport-participation-a-systematic-review-of-evidence-and-an-interrogation-of-policy-for-a-demonstration-effect.pdf">effet de mode</a> qui n’aura tendance à inspirer que les individus déjà engagés émotionnellement dans le sport.</p>
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<figcaption><span class="caption">Accueillir les Jeux olympiques : est-ce vraiment une bonne affaire ? (<em>Le Monde</em>).</span></figcaption>
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<h2>Le rôle clef des acteurs locaux</h2>
<p>Nous avons montré dans un <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-impact-social-des-grands-evenements-sportifs-internationaux-processus-effets-et-enjeux-9782917465646.html">ouvrage collectif</a> que plus de 50 % des projets sociaux liés à l’Euro 2016 ont été impulsés par l’État et les collectivités territoriales.</p>
<p>Autrement dit, un GESI n’a pas d’effet intrinsèque positif sur le territoire hôte : l’impact est produit par les acteurs locaux. Une volonté politique doit être incarnée sur le temps long pour dessiner les contours d’une stratégie d’héritage. Ce sont les ressources engagées en amont et pendant l’événement qui créeront son impact en aval.</p>
<p>Que pouvait-on attendre de Londres 2012 – un événement de quinze jours – sur le développement de la pratique sportive, si les politiques publiques afférentes ne permettent pas de répondre aux enjeux liés à l’alimentation, au mode de vie, aux inégalités économiques, au manque d’espace et d’équipements, ou encore au développement des possibilités de base telles que marcher ou faire du vélo pour se déplacer ? L’organisme <a href="https://www.sportengland.org/blogs/learning-london-2012-create-lasting-impact-ten-years">Sport England</a> indique d’ailleurs en juillet 2022 que « l’organisation de grands événements ne suffit pas à susciter un changement de comportement à long terme au niveau national » mais que « l’aspect positif est que nous en connaissons désormais les raisons et, plus important encore, les moyens d’y remédier ». Gageons que Paris 2024 sache s’inspirer de ces échecs répétés pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.</p>
<p>On nous rétorquerait ici à raison que la tâche est inextricable pour les organisateurs de GESI au XXI<sup>e</sup> siècle : une stratégie d’héritage ambitieuse s’impose pour garantir l’acceptabilité sociale de l’événement mais elle véhicule aussi son lot de désillusions. Toutefois à trop vouloir justifier de l’intérêt de son événement, on en vient presque à créer les conditions de son désenchantement.</p>
<p>Deux voies de sortie complémentaires peuvent être envisagées. La première serait de requestionner la place du sport dans notre société pour remettre l’événement à sa (juste) place. Les GESI ont le potentiel, sans équivalent dans nos sociétés, pour attirer les attentions et provoquer des enthousiasmes. Ils n’ont toutefois pas vocation à répondre à tous nos maux. Ils peuvent venir ponctuer, rythmer la vie sociale et dans le meilleur des cas, alimenter une action publique. La seconde, serait de s’appuyer davantage sur les résultats des travaux académiques car ceux-ci pointent des effets contradictoires. </p>
<p>Or la notion d’héritage, <a href="https://www.cairn.info/revue-staps-2021-4-page-113.htm">vague sur le plan scientifique</a> et trop souvent appréhendée seulement de manière quantitative (nombre de projets développés, nombres de jeunes mobilisés, etc.) présente un risque de dilution de ces résultats plus fins et contextualisés. Cela permettrait d’engager une voie plus nuancée pour souligner l’intérêt intrinsèque du projet, sans pour autant le charger implicitement d’une ambition démesurée, et donc potentiellement déceptive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Bourbillères ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face aux critiques qui dénoncent un gaspillage des deniers publics, les organisateurs promettent un héritage économique et social durable.Hugo Bourbillères, Maître de conférences en STAPS (sociologie et management du sport), Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2070412023-06-07T19:39:05Z2023-06-07T19:39:05ZLogement : un enjeu de santé publique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530376/original/file-20230606-22-6qgq9x.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C4031%2C2969&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Olympiades, Paris 13e, un des sites d'étude du programme SAPHIR (2023).</span> <span class="attribution"><span class="source">SAPHIR</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le gouvernement vient de proposer des <a href="https://www.lepoint.fr/societe/crise-du-logement-le-gouvernement-devoile-des-mesures-techniques-05-06-2023-2522994_23.php">mesures</a> pour relancer la construction, la rénovation et l’accession à la propriété. Mais ces mesures prendront-elles en compte les pollutions que présentent certains habitats ? En effet on considère souvent – à tort – les logements comme des abris à l’écart des toxicités de la vie urbaine. Celles-ci sont par ailleurs élevées. Selon le <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(22)0 0090-0/fulltext">The _Lancet_Planetary Health</a> du 18 mai 2022, neuf millions de personnes meurent ainsi chaque année dans le monde à cause de la pollution, de l’air, de l’eau ou des sols soit trois fois plus que les morts cumulés des suites du sida, de la tuberculose et du paludisme. En Île-de-France, le nombre de décès évitable est estimé à <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/article/mortalite-attribuable-a-la-pollution-atmospherique-en-ile-de-france.-quelle-evolution-depuis-10-ans-et-quels-benefices-d-une-amelioration-de-la-qua">8000 par an</a>.</p>
<p>Or, l’<a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/276001/9789241550376-eng.pdf">Organisation mondiale de la Santé (OMS)</a> a montré le rôle primordial de la qualité du logement dans la prise en charge de ces questions. Ainsi les maladies respiratoires et cardiovasculaires, les dépressions et le stress sont aussi à mettre en rapport avec la qualité de l’air et des matériaux, l’humidité, l’isolation phonique et thermique, le manque d’espace de nos logements.</p>
<p>Depuis une dizaine d’années, plusieurs équipes d’experts réfléchissent à la mise au point <a href="https://ehjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12940-022-00866-8">d’un index</a> des qualités de l’habitat en matière de santé.</p>
<p>Cependant, les mesures établies par ces chercheurs, qu’il s’agisse de l’Indice de salubrité du logement (2014), Healthy Homes Barometer (2015), HEQI (2019), ou Domiscore (2020), considèrent peu la santé comme un état de bien-être physique et mental (définition de l’OMS de 1946), et ne s’intéressent pas aux immeubles ordinaires non classés comme insalubres.</p>
<p>De plus les études nécessitent de tenir compte des évolutions démographiques comme le vieillissement de la population, ou l’augmentation des familles monoparentales qui montrent que les qualités attendues de l’habitat sont aussi plurielles que liées à la santé physique et mentale (chutes, accidents domestiques, stress…).</p>
<h2>La qualité architecturale des logements… sans la santé !</h2>
<p>Le problème de la qualité des logements est en effet général. Depuis une dizaine d’années, les architectes et les constructeurs réfléchissent à cette question. Après la loi <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-portant-evolution-du-logement-lamenagement-et-du-numerique-elan">Élan</a> (2018) qui propose de « construire plus, mieux et moins cher », trois rapports officiels abordent le sujet.</p>
<ul>
<li><p>Le rapport <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/remise-du-rapport-lemas-sur-qualite-des-logements-sociaux">Lemas/Badia (2020)</a>, met l’accent sur la question des surfaces des logements sociaux, leur modularité et leur adaptabilité, leur luminosité et leur rapport à l’extérieur.</p></li>
<li><p>Le rapport <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20Mission%20Logement%20210904.pdf">Laurent Girometti et François Leclerq (2021)</a> qui soutiennent « un référentiel destiné à améliorer la qualité d’usage des logements pour répondre aux nouveaux besoins des occupants et retrouver le désir d’habiter en ville ».</p></li>
<li><p>Le rapport de l’Institut des Hautes Études pour l’Action dans le Logement <a href="https://www.faire-face.fr/wp-content/uploads/2021/09/etude-Idheal-appartements-2021.pdf">IDHEAL (2021)</a> souligne la méconnaissance des usages et modes de vie de la part des concepteurs. Sur la base d’une analyse de 200 plans d’appartements construits depuis vingt ans, il constate une détérioration des surfaces aménageables dans les appartements, notamment la surface des pièces, les cuisines ouvertes, et les espaces extérieurs.</p></li>
</ul>
<p>En 2021, le gouvernement a lancé un vaste appel d’idées et d’expérimentations sur <a href="https://www.engages-pour-la-qualite-du-logement-de-demain.archi.fr/">« la qualité du logement de demain »</a> et désigné une centaine de lauréats faisant l’objet d’un <a href="https://www.chaire-logementdemain.fr/recherche/recherches-de-la-chaire.html">suivi scientifique et technique</a>.</p>
<p>Cependant, dans ces consultations, la notion de santé n’apparaît pas ou peu, du moins de façon explicite. Ceci illustre les difficultés des deux domaines du logement et de la santé à dialoguer, ce qui n’a pas toujours été cas.</p>
<h2>Santé et confort de l’habitat ont une longue histoire</h2>
<p>Le XIX<sup>e</sup> siècle correspond à l’entrée du logement comme question politique. En France, la loi sur l’habitat insalubre, adoptée en 1850, vise les appartements loués dont les caractéristiques sont « susceptibles de nuire à la vie ou à la santé des habitants ». En 1891, le docteur Jacques Bertillon, qui publie le <a href="https://www.cogitatiopress.com/urbanplanning/article/view/4706">premier recensement</a> des conditions de logement et cartographie le surpeuplement des ménages, compare cette carte avec <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30096478q">celle des décès</a> (Bertillon, 1894).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Docteur Jacques Bertillon, qui a parmi les premiers au XIXᵉ siècle conçu l’idée de logement sains" src="https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1025&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1025&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1025&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Docteur Jacques Bertillon, qui a parmi les premiers au XIXᵉ siècle conçu l’idée de logement sains.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Bertillon#/media/Fichier:Jacques_Bertillon_(1851-1922).png">Wikimedia</a></span>
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<p>Les architectes du mouvement moderne, guidé par Le Corbusier, mettront à profit ces constats. Au nom de l’hygiène, ils préconisent des logements aérés, lumineux et respectant des dimensions standardisées devant procurer à l’habitant un <a href="http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysInfos=1&sysLanguage=fr-fr&sysName=home">sentiment de bien-être et de confort</a>.</p>
<p>De son côté, la statistique publique des conditions de logement se fonde depuis l’après-guerre sur la présence d’équipements sanitaires comme indice de salubrité. À partir de 2000, observant que plus de 90 % des logements sont équipés, des chercheurs de l’Insee <a href="https://www.insee.fr/en/statistiques/1380823">ont montré</a> que d’autres défauts affectent l’habitat et la santé.</p>
<p>Ainsi, la qualité de l’habitat ne se réduit pas à des dimensions techniques. Elle comprend la possibilité pour l’habitant de partir ou de déménager (principe de mobilité) ; le principe d’adaptabilité du logement à tous les âges et cycles de la vie ; le principe d’identité qui permet ou non à l’habitant de <a href="https://sciences-et-bonheur.org/2017/09/18/yankel-fijalkow-du-confort-au-bonheur-dhabiter/">se reconnaître dans son lieu de vie et d’en parler</a> (principe de narrativité).</p>
<p>Ces éléments correspondent à la notion de santé dans le sens de l’OMS (un sentiment de bien-être physique et mental) on peut étudier l’effet de la représentation par les habitants de leur habitat sur leur santé. La qualité des habitats peut-elle être évaluée à partir de la notion de santé ?</p>
<h2>Impliquer les habitants</h2>
<p>La qualité des habitats peut-elle être évaluée à partir de la notion de santé ? Tel est le projet du programme SAPHIR, soutenu par <a href="https://www.crh.archi.fr/Projet-SAPHIR-Agence-Regionale-Sante-Paris-Habitat">L'Agence Régionale pour la Santé</a>. Il consiste en une recherche-action dans le cadre d’un partenariat entre le bailleur social Paris Habitat et IDHEAL.</p>
<p>Il s’appuie sur une typologie de 12 immeubles représentatifs, par leur taille, l’époque de construction du Nord-est parisien. Ils reflètent une gamme diversifiée de logements sociaux et très sociaux. Auprès des habitants de ces immeubles, il s’agit de mesurer la capacité des habitants à se saisir des questions d’habitat par le biais de la santé, qu’il s’agisse du chauffage, de l’humidité, de la qualité de l’air, des nuisances sonores, etc.</p>
<p>La recherche de la santé et le bien-être dans le logement sont ainsi des occasions d’évoquer le rapport des habitants à l’architecture qu’ils habitent, aux dispositifs techniques, et au gestionnaire.</p>
<p>Concrètement, dans chaque immeuble l’intervention des chercheurs correspond à plusieurs étapes :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Focus group 2 à Champigny-sur-Marne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SAPHIR 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<ul>
<li><p>Un « café pédagogique » où les habitants sont abordés dans l’espace d’accueil au moyen d’une affiche grand format présentant la recherche et les affections probables dans le logement</p></li>
<li><p>Une campagne d’entretiens individuels amenant les locataires à expliciter leurs parcours résidentiels, leurs pratiques de l’habitat et du quartier, leurs difficultés et le lien qu’ils font ou non avec les questions de santé.</p></li>
<li><p>Un premier focus group d’habitants dressant des éléments de diagnostics et de bilan partagés sur la qualité des logements. Il développe, amplifie ou minimise les éléments apparus lors des entretiens individuels.</p></li>
<li><p>Un second focus avec les équipes techniques.</p></li>
</ul>
<p>Les premiers résultats de la recherche montrent que si la préoccupation de la santé dans l’habitat se développe, elle n’aborde pas les mêmes thèmes selon les types d’immeubles et les phases du cycle de vie. De nouveaux critères de qualité de l’habitat émergent (comme la qualité de l’air, l’isolation phonique et thermique) à la fois plus subjectifs et techniques.</p>
<p>Des modalités de dialogues entre habitants et gestionnaires sont à inventer, les chercheurs ayant joué un rôle d’éveilleur, en posant la question de la santé comme un problème collectif. Cependant le rôle de la recherche ne s’arrête pas là. Elle consiste aussi à interroger les concepteurs, car si le consommateur d’aujourd’hui est exigeant à l’égard des produits qui lui sont proposés, il est permis de penser que l’habitant de demain le sera vis-à-vis de son cadre de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yankel Fijalkow a reçu des financements de l'Agence Régionale pour la Santé</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yaneira WILSON a reçu des financements de l'Agence Régionale pour la Santé. </span></em></p>Les atteintes de l’environnement à la santé humaine sont bien connues. Mais si l’intérieur des logements est aussi affecté, les habitants en sont plus en plus conscients.Yankel Fijalkow, Professeur, sociologue et urbaniste, Laboratoire LAVUE UMR 7218 CNRS, École nationale supérieure d’architecture de Paris Val de Seine (ENSAPVS) – USPCYaneira Wilson, Architecte - Docteure en Urbanisme, École nationale supérieure d’architecture de Paris Val de Seine (ENSAPVS) – USPCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056622023-05-31T16:20:51Z2023-05-31T16:20:51ZAvez-vous changé votre manière de vous déplacer depuis la pandémie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526507/original/file-20230516-21-m0hs5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=331%2C42%2C3751%2C2658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Y'a-t-il vraiment eu un « un monde d’après » concernant les mobilités ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/bqUX5QhlQUM">Overade Company / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Début mai 2023, le gouvernement a présenté son nouveau <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/20/le-plan-velo-sera-dote-de-250-millions-d-euros-en-2023-annonce-matignon_6142361_3234.html">plan vélo</a> et mobilités actives pour 2023-2027. Celui-ci acte un doublement des investissements de l’État en faveur du développement de la pratique du vélo, qui complète les investissements déjà très conséquents engagés récemment par les collectivités locales.</p>
<p>Ces financements s’inscrivent en continuité d’une intégration graduelle du cyclisme dans les politiques de mobilité depuis une dizaine d’années. Ceux-ci visent également à répondre à l’augmentation de la pratique du vélo accélérée par la crise du Covid-19. Mais, au-delà de cet engouement pour la petite reine, comment ont évolué les pratiques et les politiques de mobilité depuis la pandémie ?</p>
<p>Si la modification des mobilités pendant la crise est <a href="https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/13661/confinement">attestée</a> (diminution des déplacements en transports collectifs et en voiture, augmentation des <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">déplacements à pied et à vélo</a>, valorisation de la proximité spatiale), il apparaît plus difficile de caractériser une inflexion des pratiques après la pandémie.</p>
<p>Peu d’enquêtes sont disponibles pour documenter ces évolutions. L’Île-de-France fait office de précieuse exception : <a href="https://omnil.fr/spip.php?article262">8 enquêtes</a> y ont été menées entre 2020 et 2022 par l’Observatoire des Mobilités. Celles-ci soulignent une amplification des tendances existantes et infirment l’hypothèse d’« un monde d’après » radicalement différent. Cinq informations principales ressortent de ces études.</p>
<p>La première souligne une réduction du nombre de déplacements par jour, avec une baisse de 10 % (de 43 millions avant la crise sanitaire à 39 millions de déplacements en juin 2022). La seconde indique une augmentation du <a href="https://theconversation.com/teletravail-trois-ans-apres-le-premier-confinement-quelles-tendances-perdurent-203196">télétravail</a> avec une part des actifs télétravaillant au moins un jour par semaine en hausse (34 % en juin 2022 contre 29 % en juin 2021). La troisième information mesure une diminution de la fréquentation des <a href="https://theconversation.com/developper-le-reseau-de-transports-en-commun-beneficie-t-il-vraiment-aux-plus-pauvres-198261">transports collectifs</a> (-21 % de déplacements en juin 2022 par rapport à 2018) et de l’usage de la voiture (-22 % de déplacements en juin 2022 par rapport à 2018). La quatrième confirme la croissance de la marche comme premier mode de déplacement (17 millions de déplacements par jour) et de l’usage du vélo, même si sa part dans le total de déplacements reste faible (1,2 million de déplacements par jour). Enfin, la cinquième atteste du renforcement des logiques de proximité, déjà majoritaires dans la période pré-crise (49 % des déplacements dans la commune de résidence et 12 % dans une commune limitrophe en 2018), mais s’accentuant (62 % des déplacements dans la commune de résidence en juin 2022 et 13 % dans une commune limitrophe).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/To5oXucDWL8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ces enquêtes apportent des informations sur les déplacements mais également leur sociologie et leur géographie. Elles montrent par exemple que le développement du télétravail est réel, mais concerne principalement les cadres et les professions intermédiaires. Enfin, si ces enquêtes ne traitent pas de la mobilité des marchandises (4,3 millions de mouvements logistiques en Île-de-France en 2018), le chiffre d’affaires du commerce en ligne en France a connu une hausse importante (<a href="https://www.fevad.com/bilan-du-e-commerce-en-2020-les-ventes-sur-internet-atteignent-112-milliards-deuros-grace-a-la-digitalisation-acceleree-du-commerce-de-detail/">+37 % en 2020</a>). L’impact de cette croissance sur la réorganisation des circuits logistiques (livraison à domicile, drives, dark stores…) est <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/1er-octobre-e-commerce-metropole-grand-paris">considérable</a>. Elle implique des enjeux nouveaux de régulation.</p>
<h2>Une inflexion des politiques de mobilité ?</h2>
<p>Cette amplification des tendances préexistantes à la pandémie s’est-elle accompagnée d’une évolution des politiques de mobilité ? Ces politiques sont marquées depuis les années 2000 par des <a href="https://shs.hal.science/tel-01261303">objectifs de réduction des impacts environnementaux</a> associés à une boîte à outils standard (développement du transport collectif, réduction de la place de l’automobile, soutien aux modes actifs que sont la marche et le vélo, densification urbaine).</p>
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<p>À la fin du premier confinement, les collectivités locales ont eu recours à un urbanisme « tactique » pour aménager des espaces dédiés au vélo et aux piétons pour organiser la distanciation spatiale, fluidifier la circulation et décongestionner les transports publics. En Île-de-France, <a href="https://observatoire-coronapistes.velo-iledefrance.fr/">158 km de pistes temporaires</a> ont ainsi été aménagés durant la crise sanitaire, dont un tiers à Paris. Ces aménagements ont pris des formes différentes : pistes, espaces pacifiés, voies sur chaussée ou sur trottoir, etc. La pandémie a eu également un effet immédiat sur l’aménagement des espaces publics piétons de façon à organiser la distanciation sociale (extension des zones à priorité piétonne, réservation de rues aux modes actifs, création d’espaces d’attente et traversées piétonnes).</p>
<p>Une partie de ces aménagements temporaires a été ou est en cours de pérennisation, en lien avec des incitations de l’État, des appuis financiers de la Région et des revendications d’associations. La crise liée au Covid-19 a eu ainsi des effets sur l’intensification des politiques vélo, à l’échelle régionale (avec la consolidation du <a href="https://rerv.fr/">projet de RER vélo</a> engagé en 2020), métropolitaine (<a href="https://www.metropolegrandparis.fr/fr/plan-velo-metropolitain">Plan vélo métropolitain</a> soutenu par la métropole du Grand Paris) et locale, de manière différenciée – comme le souligne la <a href="https://velo-iledefrance.fr/accueil/cartecyclable/">carte ci-dessous</a>.</p>
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<img alt="Les aménagements cyclables d’Île-de-France" src="https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les aménagements cyclables d’Île-de-France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://velo-iledefrance.fr/accueil/cartecyclable/">Collectif Vélo Ile-de-France, Métropole du Grand Paris, OSM France</a></span>
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<p>Pour des communes déjà engagées en faveur du vélo, comme à <a href="https://www.paris.fr/pages/un-nouveau-plan-velo-pour-une-ville-100-cyclable-19554">Paris</a>, à <a href="https://www.montreuil.fr/vie-citoyenne/la-municipalite/espace-presse/detail/barometre-de-la-pratique-du-velo-la-politique-ambitieuse-de-montreuil-en-matiere-de-pistes-cyclables-et-de-stationnement-velo-placent-montreuil-dans-lesvilles-cyclables-en-plus-forte-progression-ces-deux-dernieres-annees">Montreuil</a> ou <a href="https://www.sevres.fr/dossiers/le-velo-a-sevres/">Sèvres</a>, la crise a conforté leurs actions. Pour d’autres, elle a accéléré la concrétisation d’une politique vélo en émergence (comme au Kremlin-Bicêtre autour du projet de <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-rd-7-requalifiee-en-boulevard-urbain.1120704">requalification de la RD 7</a>).</p>
<p>Pour d’autres, la pandémie n’a rien changé. Certaines communes, telles qu’Argenteuil ou Puteaux, ont en effet <a href="https://www.lemonde.fr/blog/transports/2020/06/03/ces-villes-qui-suppriment-des-pistes-cyclables-temporaires/">supprimé des aménagements cyclables temporaires</a>, pour ne pas contraindre la fluidité automobile. Ces exemples illustrent alors le caractère controversé de ces aménagements cyclables, comme l’illustrent les conflits médiatisés autour des voies cyclables de l’avenue de Saint-Ouen ou de l’avenue Michelet à <a href="https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/vegetalisation-mobilites-douces-stationnements-a-saint-ouen-le-reamenagement-de-lavenue-michelet-prend-forme-07-07-2022-F6JAGPXFGJGULCOEABEJBAS3W4.php">Saint-Ouen</a> – ou des aménagements temporaires à Drancy ou <a href="https://actu.fr/ile-de-france/noisy-le-grand_93051/seine-saint-denis-petition-et-manifestation-contre-les-nouvelles-pistes-cyclables-de-noisy-le-grand_35442191.html">Noisy-le-Grand</a>.</p>
<p>Au-delà de la question des modes « actifs », la crise liée au Covid-19 a également interpellé les politiques de mobilité sur d’autres points. Elle a révélé la fragilité du système de transport collectif en Île-de-France. En effet, le niveau de service peine à revenir à ces niveaux antérieurs, du fait du cumul de différents problèmes (recrutement de chauffeurs et conducteurs, retard dans des chantiers, <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/financement-de-lexploitation-des-transports-collectifs-en-ile-de-france/">difficultés de financements de l’exploitation</a>). Les effets du télétravail sur la fréquentation du transport collectif (<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/des-heures-de-pointe-aux-jours-de-pointe-effets-de-la-pandemie-sur-le-mass-transit-en-ile-de-france/">avec l’apparition de jours de pointe</a>) soulèvent également de nouvelles questions pour l’autorité organisatrice (Île-de-France Mobilités) et les exploitants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/developper-le-reseau-de-transports-en-commun-beneficie-t-il-vraiment-aux-plus-pauvres-198261">Développer le réseau de transports en commun bénéficie-t-il vraiment aux plus pauvres ?</a>
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<p>La crise sanitaire, combinée au surcoût de l’énergie en raison de la reprise de l’activité post-pandémie puis de la guerre en Ukraine, a creusé le déficit des transports franciliens que l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités peine à combler sans appui de l’État. Au plus fort de la pandémie, la perte de recettes d’Île-de-France Mobilités était estimée à <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-02/20220216-rapport-RPA-2022.pdf">1,4 milliard en 2020</a>. Cela pose la question controversée d’une augmentation de la contribution des usagers au financement des transports.</p>
<h2>Tout bouge, rien ne change ?</h2>
<p>Si l’hypothèse d’une évolution radicale des mobilités a pu être avancée au plus fort de la crise, les tendances en cours indiquent plutôt une inflexion relative des pratiques. On constate une baisse mesurée des déplacements, un renforcement des logiques de proximité, une croissance de la marche et du vélo, une fragilisation des transports collectifs et une inflexion de la mobilité automobile.</p>
<p>Cette évolution participe d’une modification des politiques publiques en particulier en faveur du vélo. Il sera intéressant d’en suivre la pérennité. Le monde « d’après » semble néanmoins ressembler beaucoup au monde « d’avant », car si cette pandémie a modifié pour un temps les conditions de mobilité, les modes de vie restent peu bousculés en sortie de crise. À l’exception de quelques ménages plus libres de leurs mouvements, la majorité reste dépendante de conditions de mobilité <a href="https://shs.hal.science/halshs-01230217">contraintes à l’échelle francilienne</a>. Les <a href="https://www.omnil.fr/IMG/pdf/20220802_resultats_Covid_juin_2022_p8_vf.pdf">inégalités sociales et spatiales persistent</a>, posant la question d’une évolution des politiques de mobilité pour mieux prendre en compte ces enjeux.</p>
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<p><em>Ce travail de recherche s’inscrit dans le cadre du programme <a href="https://geographie-cites.cnrs.fr/mama/">Du Monde d’avant au monde d’après</a> (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette recherche menée à l'UMR Géographie-cités s'inscrit dans le programme Monde d’Avant Monde d’Après (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cette recherche menée à l'UMR Géographie-cités s'inscrit dans le programme Monde d’Avant Monde d’Après (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS.</span></em></p>Comment ont évolué les pratiques et les politiques de mobilité depuis la crise de Covid-19 ? Y a-t-il vraiment eu un « un monde d’après » ? Étude du cas francilien.Jean Debrie, Professeur des Universités, Urbanisme et Aménagement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneJuliette Maulat, Maître de conférence en urbanisme et en aménagement , Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043772023-05-17T18:12:09Z2023-05-17T18:12:09ZÉboueurs : un métier essentiel mais souvent méprisé<p>La grève des éboueurs de la ville de Paris, menée et reconduite face à la réforme des retraites, a permis d’attirer l’attention sur la pénibilité d’un métier qui <a href="https://theconversation.com/travailler-plus-longtemps-mais-dans-quel-etat-le-cas-des-eboueurs-198888">met la santé à l’épreuve</a>, a un impact négatif sur <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2006-3-page-62.htm?contenu=article">l’espérance de vie</a> et condamne, lors du départ à la retraite, à la modestie des pensions perçues et à la vulnérabilité des corps usés par un travail qui concentre la plupart des contraintes qui caractérisent le <a href="https://www.cairn.info/travailleurs-des-dechets--9782749214368-page-145.htm">monde subalterne</a> – ouvrier et employé – d’aujourd’hui.</p>
<p>En effet, comme le soulignent plusieurs études, aux contraintes de temps et physiques s’ajoutent des formes plus insidieuses mais parfois lourdes de souffrance morale, psychique ou identitaire notamment liées aux <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2015-1-page-105.htm">relations avec les usagers-riverains</a>, en dépit des satisfactions (sociabilités, reconnaissance, dons, étrennes, etc.) que celles-ci offrent par ailleurs.</p>
<p>Ces contraintes relationnelles indiquent et actualisent concrètement, lors des interactions avec le public (riverains, automobilistes, commerçants, etc.), le <a href="https://www.cairn.info/travailleurs-des-dechets--9782749214368.htm">processus de stigmatisation et de disqualification sociale</a> dont les éboueurs font l’objet. L’exercice du métier conduit notamment à faire régulièrement l’expérience de la déconsidération et du mépris.</p>
<h2>Au-delà des pénibilités physiques : faire face au mépris</h2>
<p>Les agents doivent souvent apprendre à se défaire du regard des autres et du poids des stigmates associés à leur métier, toujours ancrés dans l’imaginaire collectif (échec scolaire, « travail d’immigrés » occupé faute de mieux, etc.).</p>
<p>Ils sont également confrontés à l’invisibilisation et à l’indifférence structurelle qui les assignent au statut de non-personne dans l’espace public (« Tu existes pas pour les gens », « Tu fais partie du décor »). Ces situations quotidiennement éprouvées entretiennent et renforcent un sentiment de dévalorisation déjà existant lié à l’exercice d’un « sale boulot » (« On ramasse la merde des autres », « On est de la merde pour les gens »).</p>
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<p>Le stress des ripeurs (ceux qui sont situés à l’arrière du camion et chargés de collecter les ordures), confrontés aux dangers de la circulation et aux contraintes de temps, est amplifié par l’impatience des automobilistes qui les pressent (klaxons, insultes, etc.) lors de la collecte des déchets. Les balayeurs sont chaque jour témoins des incivilités qui ont lieu sous leurs yeux (jeter une cigarette ou un papier par terre, ne pas ramasser une déjection canine, etc.). S’ils décident de réagir, leurs rappels à l’ordre entraînent parfois des réponses qui les relèguent au statut de « larbin » (« Je vous paye avec mes impôts »).</p>
<p>Invisibilisés sauf lorsqu’il s’agit d’être mal vus, rendus responsables de la malpropreté des rues ou surveillés, chaque seconde passée à ne pas mettre en scène le travail (par exemple lors d’une pause cigarette ou dans un bistrot) alimente le soupçon de fainéantise que des riverains ne manquent pas d’exprimer directement ou par le biais de plaintes adressées aux services techniques. Des agents subissent parfois des propos malveillants, racistes ou relatifs au genre (des balayeuses à qui on fait comprendre qu’elles ne devraient pas faire un « métier d’hommes »). Elles et ils sont aussi exposés à des provocations ainsi qu’à des risques d’agression verbale et physique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le quotidien d’un éboueur parisien (Brut).</span></figcaption>
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<p>D’autres formes de violence, en apparence plus euphémisées, peuvent marquer durablement les esprits. Par exemple, des passants qui expliquent à leurs enfants (souvent fascinés par les éboueurs), devant un agent en plein travail : « Si tu travailles pas à l’école, tu finiras comme ça », « Le monsieur balaye parce qu’il n’est pas directeur comme Papa », etc.</p>
<p>Ces contraintes s’inscrivent par ailleurs dans des rapports sociaux spécifiques. Par exemple, elles risquent d’être exacerbées par les effets de la distance sociale pour des agents qui exercent leur métier au sein de zones urbaines investies par des catégories sociales intermédiaires ou supérieures. Pour les agents, ces riverains, loin d’être systématiquement perçus comme étant irrespectueux ou hostiles, peuvent néanmoins manifester des comportements qui sont interprétés comme une forme spécifique de <a href="https://editions-croquant.org/sociologie/708-mepris-de-classe.html">mépris de classe</a>. Dans un contexte de creusement des inégalités et de renforcement des <a href="https://www.cairn.info/paris-sans-le-peuple--9782707191021.htm">processus de relégation spatiale</a> des catégories plus modestes en dehors de la capitale – la majorité des agents, issue des classes populaires, réside en banlieue –, ces expériences contribuent à nourrir un sentiment de marginalisation et à occasionner des blessures sociales parfois importantes.</p>
<h2>Les racines sociales du mal-être</h2>
<p>Cette expérience de la déconsidération est différemment appréhendée selon le profil, les propriétés ou la trajectoire sociales des agents. Mais elle révèle et ravive souvent un décalage, plus ou moins important selon leur situation, entre ce qu’ils sont professionnellement et ce qu’ils sont socialement (c’est-à-dire leurs ressources, leurs aspirations, leurs modes de vie, leur image de soi).</p>
<p>Ces ouvriers réalisent un « sale boulot » en « bas » de la fonction publique, investie pour ses vertus stabilisatrices et protectrices, sans être nécessairement en « bas » de la structure sociale. En effet, ils disposent souvent de ressources suffisantes pour aspirer à vivre simplement mais dignement, <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/etre-comme-tout-le-monde/">« comme tout le monde »</a>, mais qu’ils peinent à faire reconnaître, trop souvent réduits à un travail sans qualité (« Nous aussi on a des diplômes ! », « Je suis pas une merde, moi aussi j’ai un pavillon », « C’est pas parce que je suis éboueur que je sais pas lire ni écrire », etc.).</p>
<p>Mais si ces ressources (notamment l’emploi public) procurent une relative stabilité sur le plan socio-économique, leur modestie (notamment celle des salaires) rend la situation des agents fragile, incertaine, rarement débarrassée du risque de la précarisation (parfois éprouvée), empêche la pleine satisfaction des aspirations (par exemple l’accès à la propriété) ainsi que la possibilité de se soustraire totalement aux stigmates souvent associés au « bas » de l’échelle socioprofessionnelle.</p>
<p>C’est à l’aune de cette tension entre stabilité et insécurité que l’on peut sans doute comprendre l’indignation suscitée par la réforme des retraites.</p>
<h2>La réforme des retraites : autre indice de la déconsidération ?</h2>
<p>On peut en effet penser que cette réforme vient comme accentuer ce déficit de reconnaissance, celle à l’égard de la réalité du métier, de son utilité et de ses pénibilités, de la fragilité économique et de la vulnérabilité physique des agents.</p>
<p>Rappelons que la condition des éboueurs parisiens a été fragilisée dans les années 1980 (<a href="https://www.persee.fr/docAsPDF/rfeco_0769-0479_2008_num_22_3_1653.pdf">externalisation, affaiblissement syndical et baisse de la valeur des salaires</a>) puis 2000 (<a href="https://journals.openedition.org/nrt/1624">intensification du travail</a>).</p>
<p>Les agents, craignant pour leur avenir, la perçoivent comme menacée. D’autres indices nourrissent l’inquiétude, notamment : la difficile prise en charge par l’employeur des problèmes de santé (qui interviennent parfois tôt dans la carrière) et de l’absentéisme qui en résulte au sein d’un groupe vieillissant ; une mobilité professionnelle limitée ; l’état de santé des anciens qui partent à la retraite, le montant des pensions qu’ils perçoivent et l’âge auquel certains décèdent.</p>
<p>Dans ce contexte, on peut comprendre l’incompréhension mais aussi l’angoisse provoquée par la réforme, qui prévoit de reculer l’âge de départ à la retraite (57 à 59 ans dans le public, 62 à 64 ans dans le privé), chez celles et ceux qui exercent un métier indispensable au bon fonctionnement de la cité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les agents doivent souvent apprendre à se défaire du regard des autres et du poids des stigmates associés à leur métier.Hugo Bret, Sociologue - chercheur associé au CERLIS, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033482023-05-03T20:47:03Z2023-05-03T20:47:03ZLutte contre le réchauffement : comment les villes montrent la voie par l’expérimentation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524133/original/file-20230503-25-xvfehm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C426%2C4128%2C2669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur les bords du Rhône à Lyon. </span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Girot / Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Novembre 2022 : la COP27 s’achève sur des engagements <a href="https://theconversation.com/cop27-will-be-remembered-as-a-failure-heres-what-went-wrong-194982">manquant d’ambition</a>, <a href="https://www.reuters.com/business/cop/cop27-climate-summit-missed-chance-ambition-fossil-fuels-critics-say-2022-11-28/">étouffés</a> par les producteurs d’énergies fossiles et des garanties financières nettement insuffisantes ; cette fin de conférence mondiale sur le réchauffement climatique avait ainsi laissé les observateurs <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-03812-3">frustrés</a> et <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20221107-why-are-we-here-climate-activists-shunted-to-cop27-sidelines">déçus</a>. </p>
<p>Malgré la déception, <a href="https://theconversation.com/6-reasons-2023-could-be-a-very-good-year-for-climate-action-197680">l’espoir de trouver des solutions</a> à la hauteur de ces problématiques de plus en plus complexes demeure.</p>
<p>Le constat est bien connu : les politiques ambitieuses, à l’image d’un <a href="https://theconversation.com/green-deal-seeks-to-make-europe-the-first-climate-neutral-continent-by-2050-128887">Green New Deal</a> européen ou des traités approuvés par l’ONU, se heurtent à l’éternelle difficulté d’emporter l’adhésion politique, et sont en outre notoirement peu fiables. </p>
<p>Parmi les échecs récents, citons le fiasco qu’a constitué en 2017 la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Donald Trump avait alors <a href="https://edition.cnn.com/2017/06/01/politics/paris-pittsburgh-trump-nationalist-decision/index.html">clamé</a> avoir été élu pour représenter « les habitants de Pittsburgh, pas ceux de Paris ».</p>
<h2>De Pittsburgh à Paris</h2>
<p>Ce qui aurait pu apparaître comme une mise en garde contre l’imprévisibilité des États à s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique a finalement servi à nous rappeler que les actions concrètes s’opèrent souvent à d’autres échelles. </p>
<p>En 2017, il a ainsi fallu moins d’une semaine aux maires de Pittsburgh et de Paris, Bill Peduto et Anne Hidalgo, pour publier un <a href="https://www.nytimes.com/2017/06/07/opinion/the-mayors-of-pittsburgh-and-paris-we-have-our-own-climate-deal.html">communiqué commun</a> réaffirmant les objectifs de l’Accord de Paris. Depuis, des centaines de villes aux États-Unis et dans le monde ont adhéré à des pactes pour le climat, à l’image de la campagne <a href="https://www.wearestillin.com/">« We’re Still In »</a> ou le <a href="https://www.globalcovenantofmayors.org/">Global Covenant of Mayors</a>, initiatives soutenues par des philanthropes et des personnalités politiques.</p>
<p>La volonté des maires de jouer un rôle significatif dans la résolution des problèmes les plus urgents de la planète suggère qu’un des moyens d’inverser le cours du changement climatique est de se concentrer sur l’expérimentation et l’innovation à partir de la base.</p>
<p>Au lieu d’essayer de mettre en œuvre de grands projets ambitieux, les villes et les communautés peuvent continuer à montrer la voie par l’expérimentation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La maire de Paris Anne Hidalgo s’exprimant sur les villes durables lors de la COP21 de 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cop21/23460775051">Public domain</a></span>
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<p>Les villes méritent-elles un tel optimisme ? Oui, avec une réserve, comme le montre l’exemple de la construction économe en énergie, que j’ai étudiée ces dernières années au sein du <a href="https://pacscenter.stanford.edu/research/civic-life-of-cities-lab/">Laboratoire de la vie civile des villes</a> de l’université de Stanford et à l’<a href="https://miurban.uchicago.edu/">Institut Mansueto d’innovation urbaine</a> de l’université de Chicago. </p>
<p>La construction verte représente une part essentielle de la solution au problème du changement climatique. Selon les <a href="https://architecture2030.org/why-the-building-sector/">estimations</a>, 40 % des émissions carbone dans les villes industrialisées sont générées par le secteur du bâtiment, tandis que la construction verte connaît depuis deux décennies une croissance rapide et constante.</p>
<p>Les innovations technologiques utilisées dans la construction de bâtiments verts <a href="https://theconversation.com/a-green-trifecta-how-a-concrete-alternative-can-cut-emissions-resource-use-and-waste-192501">existent déjà</a>. Leur application généralisée, en introduisant des standards raisonnablement élevés dans la construction et la rénovation de bâtiments, pourrait <a href="https://www.c40.org/what-we-do/scaling-up-climate-action/energy-and-buildings/">marquer une différence significative</a> dans la lutte contre le changement climatique à l’échelle mondiale. </p>
<p>Si les investissements dans l’efficacité énergétique des bâtiments n’ont jamais été aussi élevés, un <a href="https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/co2-emissions-buildings-and-construction-hit-new-high-leaving-sector">rapport de situation</a> de la COP27 indique toutefois que l’augmentation des émissions de CO<sub>2</sub> engendrées par les nouvelles constructions surpasse l’efficacité énergétique des bâtiments. Si construire des bâtiments plus écologiques n’est <a href="https://theconversation.com/we-cant-afford-to-just-build-greener-we-must-build-less-170570">pas suffisant</a>, la construction verte montre que les villes peuvent se trouver à l’avant-garde de profonds changements.</p>
<p>Pour autant, la recherche globale de solutions techniques ne rend pas compte d’un élément essentiel dans l’action menée par les villes en faveur du climat : toutes n’ont pas adhéré d’emblée à ce mouvement en direction de constructions plus vertes, et certaines demeurent à la traîne. Les municipalités de plus petite taille, plus pauvres et dirigées de manière plus conservatrice sont moins susceptibles de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique. </p>
<p>Mes <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0275074020930362">recherches</a> suggèrent que cette situation n’est pas seulement liée à des raisons politiques ou à un manque de moyens financiers, mais aussi à l’absence d’une société civile dynamique.</p>
<h2>L’écologisation par la base</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/722965">nouvelle étude</a> publiée dans la revue <em>American Journal of Sociology</em>, j’ai analysé le recours au <a href="https://www.usgbc.org/leed">LEED</a> (Leadership in Energy and Environmental Design) – une certification développée par le US Green Building Council qui promeut la haute qualité environnementale des bâtiments – dans plus de 10 000 villes et villages aux États-Unis. </p>
<p>Dans ce cadre, j’ai répertorié les villes qui se sont tournées les premières vers la construction verte. Puis j’ai inventorié le nombre de bâtiments d’une ville faisant partie des quelque <a href="https://www.statista.com/statistics/323383/leed-registered-projects-in-the-united-states/">60 000</a> à avoir reçu la certification LEED, 15 ans après être devenue un standard disponible dans le domaine du bâtiment.</p>
<p>Je montre que les villes qui témoignent d’une présence plus importante d’organisations à but non lucratif et d’une volonté à prendre des risques pour s’engager dans une mission sociale ont emprunté plus tôt le virage vers la construction verte. Les villes qui jouissent d’un secteur associatif plus vigoureux comptent également un nombre plus élevé de bâtiments efficaces sur le plan énergétique. </p>
<p>Washington DC, par exemple, fait partie des villes leaders aux États-Unis en termes de construction verte et bénéficie d’un riche réseau d’organisations à but non lucratif. Un des planificateurs urbains de cette ville m’a dit en 2017 que « le nombre de bâtiments LEED représente un critère de référence important de l’impact du secteur du bâtiment sur le climat ».</p>
<p>Pourquoi ce lien si étroit ? Dans des villes comme Chicago, Cincinnati et San Francisco, ce sont les musées, les laboratoires et les fondations qui, au début des années 2000, ont ouvert la voie aux premiers bâtiments verts. Les immeubles de bureaux, les résidences d’habitation et les commerces leur ont emboîté le pas lorsqu’il est apparu évident que les bâtiments possédant une bonne efficacité énergétique permettaient à la fois de réaliser des économies et de bénéficier d’une reconnaissance nationale. Le lien manifeste entre organisations à but non lucratif et construction verte demeure, même lorsque l’on prend en compte les mesures de réglementation municipales qui relèvent les standards environnementaux.</p>
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<img alt="Le Plateau Mont-Royal" src="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C3159%2C2085&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du Plateau Mont Royal, à Montréal, l'un des quartiers les plus densément peuplés au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Cela ne signifie pas que les maires peuvent se contenter de déléguer les initiatives pour le climat aux communautés locales. La législation locale crée une réelle différence. D’après mes analyses, environ 10 à 18 bâtiments écologiques supplémentaires sont construits chaque année après que la mairie a adopté une mesure d’incitation ou d’obligation d’obtention d’une certification verte pour les nouveaux bâtiments.</p>
<p>Le législateur adopte surtout de telles mesures dans des villes qui possèdent déjà une forte proportion de bâtiments écologiques, construits par des promoteurs passionnés de durabilité. Les États peuvent alors s’inspirer des réglementations locales réussies en matière de construction verte et <a href="https://www.usgbc.org/articles/illinois-and-california-lead-green-building-practices">placer la barre plus haut</a> pour les municipalités et les promoteurs.</p>
<h2>Faire pression en faveur de la neutralité carbone</h2>
<p>En conclusion, ces résultats suggèrent que les initiatives en faveur de la construction écologique ne sont pas issues des politiques nationales et internationales, ni même des politiques proactives développées par les maires. </p>
<p>La solution provient des organisations à but non lucratif qui attestent concrètement de la validité d’un concept, des organismes spécialisés engagés (tels que le <a href="https://worldgbc.org/">World Green Building Council</a> ou encore le <a href="https://www.usdn.org/index.html">Urban Sustainability Directors Network</a>), qui élaborent et diffusent des protocoles d’action, ainsi que des administrations des villes qui rendent les meilleures pratiques visibles – voire obligatoires lorsqu’elles ont fait leurs preuves.</p>
<p>De nombreuses villes, de New York à Buenos Aires en passant par Copenhague, s’engagent sur la voie de la <a href="https://www.bbc.com/future/article/20211115-how-cities-are-going-carbon-neutral">neutralité carbone</a>. Si nous voulons atteindre cet objectif, nous devons faire en sorte que dans les villes du monde entier puisse s’épanouir une société civile qui aura la place d’expérimenter et de partager ses expériences. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/contre-la-clim-concevoir-des-villes-eoliennes-en-zone-tropicale-132483">Contre la clim, concevoir des « villes éoliennes » en zone tropicale</a>
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<p>Il est donc primordial de soutenir le tissu associatif et les communautés locales qui œuvrent pour lutter contre le dérèglement climatique, même lorsque les retours sur investissement ne sont pas immédiats. Cela veut dire fournir à ces structures les moyens financiers et les ressources qui leur permettront de prendre des risques.</p>
<p>Les solutions de « haut niveau », mobilisant de grandes ambitions, ne régleront pas le problème du changement climatique. Les événements tels que la COP demeurent un lieu essentiel pour que les administrations infranationales partagent leurs meilleures pratiques. Néanmoins, la majeure partie de l’action devra s’opérer aux interfaces entre les administrations locales et les organisations citoyennes. </p>
<p>La prochaine grande idée sur la manière dont nous parviendrons à enrayer le changement climatique ne viendra pas de Dubaï, qui accueillera la COP28 en 2023, mais de Lyon, Montréal, Nairobi, Grenoble ou Vienne. Pour que cela se concrétise, nos dirigeantes et dirigeants doivent s’inspirer d’expérimentations et d’innovations vues sur le terrain et s’employer à cultiver une société civile dynamique avec au moins autant de sérieux qu’elles et ils mènent les pourparlers entre États centrés sur leurs propres intérêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christof Brandtner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus que les maires, ce sont les organisations à but non lucratif qui constituent la véritable force des villes pour réaliser les transitions locales face aux dérèglements climatiques.Christof Brandtner, Assistant professor in organisational and economic sociology, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.