tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/politique-21233/articlespolitique – The Conversation2024-03-18T15:33:14Ztag:theconversation.com,2011:article/2246792024-03-18T15:33:14Z2024-03-18T15:33:14ZPourquoi y a-t-il encore des élections présidentielles en Azerbaïdjan ?<p>Dans un <a href="https://eurasianet.org/perspectives-azerbaijans-boringest-election-campaign-ever">article récent</a>, Bahruz Samadov, chercheur à l’Université Charles de Prague, spécialiste du Caucase et plus particulièrement de l’Azerbaïdjan contemporain, qualifiait la campagne en vue de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/07/azerbaidjan-apres-sa-victoire-dans-le-haut-karabakh-le-president-ordonne-une-election-presidentielle-anticipee_6204400_3210.html">présidentielle anticipée</a> de l’élection du 7 février 2024 de campagne « la plus ennuyeuse de tous les temps ». Il est vrai que ce scrutin, qui s’est soldé par la cinquième victoire, avec 92 % des suffrages dès le premier tour, d’Ilham Aliev – au pouvoir depuis 2003, après dix années de présidence de son père Heydar Aliev – était dénué du moindre soupçon de suspense.</p>
<p>Les libertés fondamentales sont <a href="https://www.amnesty.fr/pays/azerbaidjan">régulièrement bafouées en Azerbaïdjan</a>, et toutes les manifestations d’opposition véritable, quelles que soient leur échelle ou leur forme, sont muselées. Le pays, qui dispose des <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/03/11/le-secteur-des-hydrocarbures-en-azerbaidjan-une-lente-transition-du-petrole-vers-le-gaz-et-la-petrochimie#">20èmes réserves mondiales prouvées de pétrole (0,4 % du total) et des 25èmes réserves mondiales prouvées de gaz (0,5 % du total)</a>, fait pourtant office de partenaire de choix de nombreux acteurs internationaux, car il a acquis une position inespérée avec à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En effet, les sanctions adoptées contre Moscou ont officiellement interdit aux Européens de se fournir en gaz russe, et l’Europe a donc choisi de <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/es/statement_22_4583">doubler ses exportations en provenance d’Azerbaïdjan</a>.</p>
<p>En novembre 2022, Bakou a conclu un accord avec Moscou : les Russes y exportent du gaz, officiellement destiné uniquement à la consommation intérieure, <a href="https://www.eiu.com/n/azerbaijans-gas-exports-to-the-eu-face-challenges/">mais en réalité réexporté ensuite par l’Azerbaïdjan vers l’Europe</a>. Le respect de cet accord Aliev-Poutine devient alors une condition <em>sine qua non</em> de la politique énergétique européenne. En retour, les partenaires internationaux ferment les yeux sur la réalité de la situation politique dans le pays : il s’agit d’une dictature <a href="https://www.hrw.org/news/2023/12/19/azerbaijan-prominent-opposition-figure-arrested">impitoyable envers ses opposants</a>, à la tête de laquelle se trouve une seule et même famille pratiquement depuis la chute de l’Union soviétique.</p>
<h2>Un pays transmis de père en fils</h2>
<p>À la chute de l’URSS, c’est Aboulfaz Eltchibeï, président du Front populaire azerbaïdjanais, un parti antisoviétique favorable à la dissolution de l’URSS, formé quelques années plus tôt, qui prend le pouvoir. Le gouvernement nouvellement créé fait face, dans le même temps, aux <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/armenie-guerre-haut-karabakh-azerbaidjan">victoires successives de l’armée arménienne au Haut-Karabakh</a>.</p>
<p>Au printemps 1993, après la prise par les troupes arméniennes de la ville de Kelbajar (Haut-Karabakh), Eltchibeï déclare l’état d’urgence. Une alliance est alors formée entre l’ancien directeur du KGB, Heydar Aliev, et Souret Husseïnov, qui était à la tête de milices de volontaires azerbaïdjanais et avait été renvoyé par Eltchibeï après la perte du district. Les défaites successives conduisent l’Azerbaïdjan vers une crise politique : Souret Husseïnov prend les armes face au pouvoir en place, et le président Eltchibeï est contraint de fuir la capitale.</p>
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<p>Aliev arrive à Bakou le 8 juin 1993. Il prend la tête du Parlement le 15, et annonce quelques jours plus tard qu’il assume les fonctions présidentielles en l’absence d’Eltchibeï. Le Parlement approuve son arrivée au pouvoir. En octobre, des élections sont organisées, et Aliev est élu président avec près de 99 % des suffrages. Husseïnov devient son premier ministre. Aliev établit peu à peu son contrôle sur la vie politique et économique, et est réélu avec 78 % des voix cinq ans plus tard.</p>
<p>En 2003, sa santé devenant trop fragile, il renonce à se présenter une nouvelle fois à la présidentielle et « demande » à ses concitoyens de porter au pouvoir son fils Ilham, alors âgé de 42 ans. Ce dernier est élu le 15 octobre 2003, à l’issue d’un <a href="https://www.hrw.org/news/2003/10/20/azerbaijan-stolen-election-and-oil-stability">scrutin marqué par des fraudes massives</a>. Son père décède deux mois plus tard.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582333/original/file-20240316-24-8rpgx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582333/original/file-20240316-24-8rpgx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582333/original/file-20240316-24-8rpgx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582333/original/file-20240316-24-8rpgx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582333/original/file-20240316-24-8rpgx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582333/original/file-20240316-24-8rpgx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582333/original/file-20240316-24-8rpgx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fresque murale à Bakou représentant le fils et le père Aliev.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/chiaraneve/9443220671/">Chiara Neve/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Ilham Aliev remporte toutes les présidentielles suivantes avec une marge plus que confortable : 88,73 % des suffrages en 2008, 84,55 % en 2013, 80 % en 2018, et donc 92 % en février dernier.</p>
<p>Chaque fois, les fraudes sont systématiques. Il fait face à des candidats d’opposition très conciliants, cooptés par le pouvoir, et la véritable opposition n’a que peu de relais. Certains, comme le blogueur <a href="https://www.lefigaro.fr/international/la-vie-dans-l-ombre-de-mahammad-mirzali-refugie-azeri-le-plus-menace-de-france-20230131">Mahammad Mirzali</a>, ont été contraints de fuir. D’autres, comme le chercheur <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/09/azerbaijan-authorities-must-immediately-release-prominent-scholar-gubad-ibadoghlu">Gubad Ibadoghlu</a>, qui a été arrêté en juillet 2023, ont tenté de retourner en Azerbaïdjan. Il a été arrêté à l’été 2023 et est, à ce jour, toujours emprisonné. Les choses ont largement empiré au cours des dix dernières années. Illustration particulièrement éclatante : en 2013, les autorités ont accidentellement <a href="https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2013/10/09/oops-azerbaijan-released-election-results-before-voting-had-even-started/">publié les résultats des élections la veille de celles-ci</a>.</p>
<h2>La fabrication de prétendus opposants politiques</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579563/original/file-20240304-22-whwqac.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579563/original/file-20240304-22-whwqac.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579563/original/file-20240304-22-whwqac.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579563/original/file-20240304-22-whwqac.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579563/original/file-20240304-22-whwqac.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579563/original/file-20240304-22-whwqac.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579563/original/file-20240304-22-whwqac.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579563/original/file-20240304-22-whwqac.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capture d’écran du site de Reporters sans frontières montrant le classement de l’Azerbaïdjan en matière de liberté de la presse. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://rsf.org/fr/pays/azerba%C3%AFdjan">RSF</a></span>
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<p>Si les élections ne sont que poudre aux yeux, et dans la mesure où chacun connaît les résultats à l’avance, pourquoi la dynastie au pouvoir continue-t-elle à en organiser tous les cinq ans ? Il y a, d’une part, la question du droit et de la <a href="https://www.wipo.int/wipolex/fr/legislation/details/9384">Constitution</a>, qui « proclame la création d’un État démocratique, juridique, laïque et unitaire, où le pouvoir de l’État est fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs » et dont la famille régnante se prétend garante.</p>
<p>Par ailleurs, la tenue de ces simulacres de scrutins permet d’afficher l’existence d’une chimérique opposition qui serait autorisée à agir et à se présenter. Nous l’avons dit, Ilham Aliev a fait face, en 2024 comme lors des présidentielles précédentes, à plusieurs « adversaires ». Mais ils sont tous acquis au pouvoir ; ainsi, Zahid Oruj, arrivé deuxième cette année avec 2 % des suffrages, n’a pas vraiment de critique à formuler à l’égard du gouvernement. Idem pour les autres candidats.</p>
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<p>Ce mirage d’une opposition autorisée permet de semer la confusion sur la scène intérieure et de servir un récit acceptable sur la scène internationale. Ainsi, en 2024, le gouvernement britannique, par exemple, <a href="https://www.gov.uk/government/news/azerbaijan-presidential-election-2024-uk-statement">déclare</a> partager « un certain nombre de préoccupations concernant les élections qui se sont déroulées dans un environnement restrictif, en l’absence de véritables alternatives politiques », et ajoute que « de graves violations ont été observées, dont certaines vont à l’encontre du document de Copenhague de 1990, qui énonce un certain nombre de droits de l’homme et de libertés fondamentales ». Cependant, Londres se dit dans le même temps « prêt à soutenir des réformes électorales et des progrès dans le processus démocratique ».</p>
<p>C’est l’existence même de ce « théâtre démocratique » selon la formule de l’écrivain et activiste <a href="https://oc-media.org/authors/samadshikhi/">Samad Shiki</a>, qui permet aux puissances étrangères de maintenir l’illusion selon laquelle Bakou serait un partenaire peu ou prou acceptable du point de vue des droits humains.</p>
<h2>Un moyen de museler toute forme d’opposition véritable</h2>
<p>Pourtant, il existe une opposition véritable en Azerbaïdjan, qui soutient la mise en place d’une démocratie. Ce fut le cas du mouvement <a href="https://oc-media.org/azerbaijani-democracy-1918-movement-shuts-down-citing-government-pressure/">Democracy 1918</a> dont les membres ont été arrêtés et assignés à résidence en août 2023, et qui a cessé ses activités à l’automne 2023. Son ancien leader, Ahmad Mammadli, a publié très récemment avec le chercheur Cesare Figari Barberis un <a href="https://www.ispionline.it/en/publication/the-emergence-of-democratic-movements-and-their-systematic-repression-in-azerbaijan-162642">article</a>, qui analyse ces différents mouvements et l’impact qu’ils ont eu au cours de la dernière décennie. Les deux auteurs soulignent que le renforcement de la répression observé ces dernières années ne concerne pas uniquement les mouvements démocratiques, mais aussi les musulmans chiites, accusés de collusion avec l’Iran, les universitaires, les médias indépendants et les journalistes d’investigation.</p>
<p>Samad Shiki, qui a été observateur lors de la dernière présidentielle, relate avoir été témoin d’un grand nombre de fraudes :</p>
<blockquote>
<p>« Il y avait des électeurs non enregistrés qui venaient voter, et qui ont voté plusieurs fois ; on a amené des gens en bus pour voter. Plutôt que de falsifier les élections, les autorités souhaitaient montrer que la participation était élevée. Ils voulaient montrer aux observateurs internationaux et aux médias que les gens venaient voter. Les votes ne sont pas comptés comme il faut. Même si les observateurs notent que 300 personnes sont venues, les autorités annoncent 500 participants. Le pourcentage des votes est même connu à l’avance. Les urnes ne sont pas montrées aux observateurs lorsque les votes sont comptés. »</p>
</blockquote>
<p>Les observateurs internationaux sont autorisés et participent de ce théâtre <a href="https://forbiddenstories.org/azerbaijan-business-of-election-observation/">dénoncé par l’écrivain</a>. À la fin de l’année 2023, un certain nombre d’opposants et de journalistes ont été arrêtés, notamment les journalistes d’investigation d’AbsazMedia, une plate-forme qui proposait des enquêtes de fond sur différents sujets, et avait par exemple couvert les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/enquete-en-azerbaidjan-l-opposition-a-un-projet-de-mine-d-or-derange-le-pouvoir_6339079.html">manifestations de Soyudlu</a> contre la construction d’un second réservoir d’eau de l’été 2023. Les protestataires accusent l’Anglo Asian Mining PLC, qui administre la mine d’or de Gedabek, située près de leur village, de rejeter des substances toxiques dans le lac artificiel, polluant la région. Les manifestations ont été durement réprimées.</p>
<p>À cause de ces investigations, qui s’inscrivent d’ailleurs dans une enquête plus vaste menée avec le projet indépendant de <a href="https://forbiddenstories.org/from-azerbaijan-to-smartphones-how-tainted-gold-ends-up-in-high-tech-products/">Forbidden Stories</a> sur l’Azerbaïdjan cité précédemment, <a href="https://www.frontlinedefenders.org/fr/profile/ulvi-hasanli">Ülvi Hasanli</a>, Mohammed Kekalov, Sevinç Vaqifqizi, Nargiz Absalamova, Hafiz Babali et Elnara Gasimova ont été arrêtés et placés en détention provisoire au mois de novembre 2023.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1755593803820618196"}"></div></p>
<p>Pourtant, certaines manifestations écologistes ont été autorisées, et même encouragées par le gouvernement, dans le corridor de Latchine, à partir de décembre. Celles-ci, toutefois, servaient de prétexte pour contribuer à organiser une <a href="https://theconversation.com/le-haut-karabakh-condamne-a-la-famine-dans-lindifference-de-la-communaute-internationale-212229">famine au Haut-Karabakh et contraindre l’intégralité des Arméniens de la région à l’exil après des bombardements en septembre</a>. Ces <a href="https://theconversation.com/nagorno-karabakh-slowly-but-surely-baku-is-weaponising-the-green-movement-to-cut-off-the-regions-supplies-200495">fausses manifestations</a> ont été organisées par les autorités elles-mêmes, et s’y trouvaient de jeunes volontaires et des soutiens du régime.</p>
<p>Les autorités azerbaïdjanaises poursuivent leurs opposants jusqu’à des milliers de kilomètres : <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/temoignage-un-jour-ils-vont-me-tuer-il-a-fui-lazerbaidjan-sa-vie-est-en-sursis-a-nantes-79481e34-f3e0-11ed-9f02-f7c1b8f6226c">Mahammad Mirzali, déjà cité, réfugié à Nantes</a>, en a fait les frais, réchappant à plusieurs tentatives d’assassinat. En Allemagne, <a href="https://providencemag.com/2022/09/azerbaijan-brutally-hunting-down-azeri-dissidents/">Gabil Mammadov a été battu dans la rue en 2020</a>, par « des individus non identifiés ». En Suisse, Manaf Jalilzade été brutalement attaqué en avril 2022.</p>
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<figcaption><span class="caption">Nantes : tentatives de meurtres et menaces de mort, un journaliste azéri vit cloîtré chez lui, France 3 Pays de la Loire, 1er avril 2021.</span></figcaption>
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<p>La fausse opposition existant en Azerbaïdjan est finalement un outil politique comme un autre destiné à la fois à museler toute forme d’opposition véritable et à servir de relais au régime en politique intérieure. Sur la scène internationale, elle permet aux partenaires de Bakou de fermer les yeux sur les exactions et les <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/reporters/20240201-torture-en-azerba%C3%AFdjan-quand-europe-regarde-ailleurs">faits de torture</a> commis à l’encontre de tous ceux qui rêvent d’un Azerbaïdjan plus démocratique. La <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20231015-haut-karabakh-president-azerba%C3%AFdjanais-ilham-aliev-drapeau-national-stepanakert">victoire d’Ilham Aliev au Haut-Karabakh</a> lui a par ailleurs offert un <a href="https://www.courrierinternational.com/article/scrutin-presidentielle-en-azerbaidjan-les-electeurs-ont-remercie-aliev-pour-le-haut-karabakh">regain de popularité certain</a>, ce qui n’annonce certainement pas une future démocratisation du pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224679/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Élodie Gavrilof ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ilham Aliev, aux affaires depuis 2003, vient d'être reconduit à la présidence pour un cinquième mandat, à l'issue d'un simulacre d'élection.Élodie Gavrilof, Historienne, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177092024-03-11T16:11:57Z2024-03-11T16:11:57Z« L’école, c’était mieux avant ! » : les enjeux d’un leitmotiv politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580180/original/file-20240306-16-3u4ddu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1022%2C722&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une affiche de publicité des années 1920 autour de la rentrée des classes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/rentree-des-classes-vetements-trousseaux-articles-pour-pensions#infos-principales">Henri Genevrier (dit Grand'Aigle), via Wikimedia Commons - Musée Carnavalet</a></span></figcaption></figure><p>On ne parle plus, dans les médias, de « retour » de l’uniforme pour <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/16/derriere-la-solution-du-port-de-l-uniforme-a-l-ecole-de-rares-etudes-scientifiques-et-une-absence-de-consensus_6216874_3224.html">qualifier l’expérience lancée par Gabriel Attal</a>. Chacun commence à savoir que, dans les écoles publiques de France métropolitaine, les <a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">écoliers n’ont jamais été astreints au port de l’uniforme</a>, ni même de la blouse.</p>
<p>Il reste que cette initiative, au milieu d’autres éléments de langage et de marqueurs symboliques, sur le « retour » aux fondamentaux ou la « restauration » de la discipline, semble faire système, <a href="https://theconversation.com/luniforme-a-lecole-reflet-du-clivage-entre-la-droite-et-la-gauche-213298">contribuant à dessiner un modèle scolaire ancien</a>, érigé aujourd’hui en référence du débat public. L’historien Claude Lelièvre rappelle régulièrement à quel point <a href="https://www.cahiers-pedagogiques.com/lecole-daujourdhui-a-la-lumiere-de-lhistoire/">l’image de l’école passée est un pur fantasme</a> et n’a guère de fondements historiques. Pourtant, ce qu’on aime à présenter comme « la tradition de notre école » s’est pour de bon imposé comme un repère positif.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lecole-en-panne-de-projet-politique-212040">L’école, en panne de projet politique ?</a>
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<p>Il n’en a pas toujours été ainsi. <a href="https://journals.openedition.org/rhc/6639">En menant une étude systématique de la presse nationale d’information générale</a>, on voit que cette école traditionnelle n’était mentionnée dans les années 1960 que comme un repoussoir. <a href="https://www.cairn.info/refus-et-refuses-d-ecole--9782706145605-page-61.htm">Son progressif retour en grâce</a>, à partir de 1968, est en fait une illustration très éclairante des limites de nos débats éducatifs.</p>
<h2>Un modèle scolaire bien peu défini</h2>
<p>Si, dans les années 1960, la dénonciation délibérément provocatrice du « faux prestige des humanités classiques » ou de rites comme le baccalauréat (qualifié de « mort en sursis » par le vice-recteur de l’Université de Paris lui-même, dans son allocution solennelle de rentrée de 1961) paraît si consensuelle, c’est peut-être parce que <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/2730">cette école-repoussoir</a> est, hier comme aujourd’hui, bien peu définie par ceux qui la condamnent. C’est Raymond Aron qui, dans les colonnes du <em>Figaro</em> du 4 juin 1965, le dit le mieux :</p>
<blockquote>
<p>« Les porte-parole officiels commencent tous leurs discours par les formules aujourd’hui à la mode et, en un sens, incontestables : “les structures craquent de toutes parts… L’enseignement doit suivre son époque… il faut adapter méthodes et programmes” […] Qui ne souscrirait à de tels propos, dont la vérité s’impose avec d’autant plus d’évidence que la portée en est plus équivoque ? En quoi consiste l’"adaptation" ? Quelles sont “les structures qui craquent” ? »</p>
</blockquote>
<p>Mais l’ambivalence joue aussi dans l’autre sens. En 1984, il suffit à Jean-Pierre Chevènement, devenu ministre de l’Éducation, de faire allusion, dans la lettre qu’il envoie pour la rentrée à tous les enseignants, à « la tradition de notre école, (qui) est l’une des plus belles qui soient », pour que la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1984/09/06/un-ministre-simple-et-pratique_3020418_1819218.html">presse glose à loisir</a>. Alors enfiévré par la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1984/10/11/vues-et-revues-quand-l-education-redevient-nationale_3136550_1819218.html">publication de petits livres au ton vengeur</a> accusant les « réformes » ou le « pédagogisme » d’avoir dénaturé une école passée désormais parée de toutes les vertus, le débat éducatif embraye facilement.</p>
<p>Un mot suffit ainsi à activer tout un univers de représentations qu’à partir de ce moment, on qualifie de « républicain » alors qu’il était jusqu’ici cantonné au monde conservateur. Il n’est pas jusqu’au nom de Jules Ferry, rarement cité avant 1983, qui ne reprenne du service, mais dorénavant pour exalter les mérites d’une école de la discipline et de la verticalité, donc <a href="https://centrehenriaigueperse.wordpress.com/2022/02/05/claude-lelievre-lecole-republicaine-ou-lhistoire-manipulee/">bien loin de la vérité historique</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">1960 : Pour ou contre l’uniforme au lycée ? (Archive INA, 2018).</span></figcaption>
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<p>L’organisation en 2004 de la <a href="https://www.liberation.fr/societe/2004/09/01/les-evidences-de-fillon-agacent-les-enseignants_490953/">conférence de presse de rentrée de François Fillon</a> dans un des musées de l’école qui se sont multipliés entre-temps vient ainsi fort logiquement illustrer l’enracinement d’un discours devenu banal : « (je suis) porteur d’une vision finalement assez simple de l’éducation : […] il faut restaurer l’autorité des maîtres d’hier » (<em>Le Figaro Magazine</em>, 11 septembre 2004.).</p>
<h2>L’école de Jules Ferry, otage de priorités politiciennes</h2>
<p>On le devine, cette référence à l’école d’autrefois, à laquelle on peut faire dire beaucoup de choses, sert des préoccupations plus politiques que pédagogiques.</p>
<p>Les anathèmes consensuels des années 1960 apparaissent comme un moyen d’éviter le vrai débat, à savoir ce qu’il faudrait faire face à ce que Louis Cros a appelé, dans un <a href="https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1962_num_17_3_10199">livre qui a fait date</a>, « l’explosion scolaire ». La <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-culture-de-masse-et-societe-de-classes-le-gout-de-lalterite-172438">massification</a> à l’œuvre, qui multiplie en dix ans les effectifs du collège par deux, ne suscite pas la réflexion qui aurait permis de lui trouver une réponse institutionnelle à la hauteur, et la dénonciation des archaïsmes semble être le seul moyen de mettre tout le monde d’accord.</p>
<p>Sous l’effet de l’ébranlement provoqué par les événements de Mai-68, la stabilité, face aux <a href="https://journals.openedition.org/histoirepolitique/4863">craintes de déstabilisation</a>, devient brutalement une valeur désirable. On voit le ministre Olivier Guichard se féliciter publiquement en 1970 qu’il n’y ait pas cette année-là de réforme du baccalauréat, comme si l’absence de changement était devenue une vertu (<em>Le Nouvel Observateur</em>, 15 juin 1970), tandis qu’en 1973, le premier ministre, Pierre Messmer, se retrouve contraint de revenir sur ses propos lorsqu’il suggère que la disparition de cet examen « ne serait pas une catastrophe nationale ».</p>
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<p>La charge de la preuve s’est inversée : ce n’est plus désormais la défense du <em>statu quo</em> qui doit être justifiée, mais la volonté de réforme en profondeur qui est perçue comme un projet déraisonnable. Alors que la très sélecte association des Anciens des collèges et lycées se félicitait dans <em>Le Figaro</em> du 18 mai 1959, que « l’enseignement secondaire de papa (soit) mort », le même journal publie le 12 février 1980 une tribune de Guy Bayet, président de la Société des agrégés, sous le titre « Vive le bac de papa ! », illustrant le renversement du consensus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-repenser-lautorite-a-lecole-209541">Pourquoi repenser l’autorité à l’école</a>
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<p>En 1984, l’invention du « républicanisme » par Chevènement joue sur une demande d’ordre, et se diffusera avec succès au cours des années suivantes aux thèmes de la sécurité et de l’immigration.</p>
<p>Deux décennies plus tard, c’est à la droite que l’école traditionnelle fournit une base de refondation idéologique. Le référentiel libéral, auquel elle a longtemps lié son destin, a alors perdu de son efficience politique. De la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 à la fondation du parti Les Républicains en 2015, l’école devient un appui majeur d’un discours fondé désormais sur l’ordre et la tradition.</p>
<h2>La célébration du passé éclaire-t-elle sur l’avenir ?</h2>
<p>Pour que cette célébration de ce qu’on imagine être l’école d’autrefois aide à répondre aux questions que nous pose l’école d’aujourd’hui, il faudrait au moins que les mérites de celle-ci soient rigoureusement établis et non pas simplement fantasmés.</p>
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<img alt="Portrait de Jules Ferry" src="https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=832&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=832&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=832&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1046&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1046&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580200/original/file-20240306-22-aukpbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1046&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jules Ferry.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jules_Ferry_-_photo_Franck.jpg">Franck, via Wikimedia</a></span>
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<p>Ce qui a fait, en définitive, la <a href="https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1993_num_57_1_2649">réussite bien réelle de l’école de Jules Ferry</a>, c’est sa capacité à ouvrir la société paysanne et ouvrière sur la modernité et sur l’extérieur bien plus que les coups de règle sur les doigts et l’apprentissage par cœur des listes de départements. Et c’est le consensus établi autour de ce projet cohérent qui a permis de susciter une dynamique à même de mettre à mal le modèle clérical jusque-là dominant. L’évocation de ce qui ressemble aujourd’hui surtout à une photo sépia peut-elle suffire à relancer un mouvement comparable ?</p>
<p>Quel fut, au fond, le vrai moteur de cette réinvention couronnée de succès d’une école qui n’a pas vraiment existé ? On pourrait fort bien la mettre au rang des <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1957/05/06/mythologies_2336212_1819218.html">« mythologies » de Roland Barthes</a>, qui nous rappelle fort opportunément que la fonction de ces mythes est avant tout d’essentialiser une structure sociale qui bénéficie à ceux qui les entretiennent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/blanquer-lire-ecrire-compter-et-les-savoirs-fondamentaux-111676">Blanquer, « lire, écrire, compter » et les « savoirs fondamentaux »</a>
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<p>Dans les médias, entre 1983 et 2015, la réduction du débat scolaire au <a href="https://journals.openedition.org/ries/3993">retour cyclique de la confrontation entre ceux qui veulent changer l’école et ceux qui veulent la « sauver »</a> a fini par faire de ce modèle ancien, jamais vraiment décrit, une référence obligée, d’autant mieux naturalisée que, n’étant pas mise en débat, elle est généralement sous-entendue.</p>
<p>S’impose ainsi une confusion entre cette école mythique, le savoir et la République, comme si la remise en cause de l’une menaçait les deux autres. Confusion qui se fait au profit exclusif des <a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2016-1-page-117.htm">personnalités médiatiques et intellectuelles qu’on a appelées « ceux qui aiment l’école »</a> : ayant construit leur identité sur leur maîtrise de l’école à l’ancienne, ils ont continuellement attiré l’attention sur cette question en assurant l’encadrement intellectuel du débat dans la presse et l’édition.</p>
<p>« Ceux qui aiment l’école » se rassurent ainsi sur leur positionnement dans le champ intellectuel tandis que, dans le champ politique, des conservateurs, assumés ou non, peuvent qualifier de « républicain » leur tropisme nostalgique. Il va de soi que, ce faisant, on relègue au second plan l’enjeu de l’invention d’une école capable de faire face aux défis des inégalités sociales, de l’explosion des cultures médiatiques ou de l’internationalisation des savoirs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217709/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Forestier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Du retour aux fondamentaux à la « restauration » de la discipline, l’école d’autrefois est régulièrement érigée en modèle dans le débat public. Cela n’a pas toujours été le cas.Yann Forestier, Chercheur associé au Centre Amiénois de Recherche en Education et Formation (CAREF). Professeur agrégé d'histoire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246852024-03-01T16:29:07Z2024-03-01T16:29:07ZCrise agricole : quels défis pour demain ?<p>Produire bio, en circuit court, en agriculture raisonnée. Et, « en même temps », accepter la concurrence de producteurs étrangers soutenus par des subventions internationales ou ne respectant pas les normes sanitaires. Produire toujours plus, mais si possible sans les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pesticides-25901">pesticides</a> difficilement dissociables du modèle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-intensive-61354">production agricole intensif</a>. Respecter des réglementations plus ou moins strictes quant à leur usage, et devoir rétropédaler lorsque l’exécutif choisit de les « mettre en pause ». Nourrir la France, tout en restant invisible…</p>
<p>Les agricultrices et agriculteurs français ont marqué leur opposition à des normes et des injonctions contradictoires toujours plus nombreuses, dans un contexte où les consommateurs eux-mêmes ont parfois du mal à s’y retrouver. Retour sur les principaux points économiques, scientifiques, réglementaires ou historiques de ces colères.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les agriculteurs sont en première ligne en matière d’exposition aux pesticides.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Les effets des pesticides sur la santé des agriculteurs ont été constatés dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Depuis, un lien clair a été établi entre ces produits et certains cancers plus fréquents dans la profession.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement</a></h2>
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<span class="caption">Pour comprendre ce qui se joue à travers les indicateurs Ecophyto défendus par les uns ou les autres, il faut d’abord définir de quoi on parle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Usaid Egypt/Flickr, CC BY-NC</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Comment s’y retrouver dans la jungle des indicateurs du plan Ecophyto, QSA, NoDU, HRI… et en quoi posent-ils problème ? L’éclairage de plusieurs experts du Comité scientifique et technique du plan.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La souveraineté alimentaire est devenue un argument d’autorité, trop souvent invoqué afin de poursuivre des pratiques agricoles délétères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibaut Marquis/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La souveraineté alimentaire est régulièrement invoquée pour justifier le productivisme agro-alimentaire. Une vision restrictive qui ignore bon nombre des services écosystémiques rendus par la nature.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/mobilisations-agricoles-ou-en-sont-les-femmes-224106">Mobilisations agricoles : où (en) sont les femmes ?</a></h2>
<p>Le secteur agricole continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance. Décryptage d’une invisibilisation.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-la-societe-francaise-a-appris-a-mepriser-les-paysans-et-leurs-patois-223387">Comment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/agriculture-comment-napoleon-iii-a-permis-le-productivisme-a-la-francaise-222775">Agriculture : comment Napoléon III a permis le productivisme à la française</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La récolte des foins. Huile sur toile, 1881, Julien Dupré. L’agriculture de subsistance qui co-existait avec l’agriculture commerciale connaît un bouleversement sans précédent sous Napoléon III et laissera peu à peu place au modèle intensif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Dupré</span></span>
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<p>La crise agricole française et sa logique productiviste est un facteur héréditaire de l’identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224685/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Retour sur les principaux points économiques, scientifiques et historiques des récentes colères agricoles.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceSarah Sermondadaz, Cheffe de rubrique environnement et énergieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241062024-02-25T16:26:54Z2024-02-25T16:26:54ZMobilisations agricoles : où (en) sont les femmes ?<p><a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/21/colere-des-agriculteurs-gabriel-attal-annonce-un-nouveau-projet-de-loi-d-ici-l-ete-pour-renforcer-le-dispositif-egalim_6217681_823448.html">« Colère des agriculteurs »</a>, « Manifestation des agriculteurs », « Blocage des agriculteurs ». Ces titres de presse éclairent à double titre l’invisibilisation de la participation et de l’expression syndicale des femmes dans le <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">secteur agricole</a> : numériquement, en signifiant leur absence des scènes médiatiques et des terrains de la mobilisation, symboliquement, en renvoyant la <a href="https://theconversation.com/les-mouvements-de-contestation-des-agriculteurs-servent-ils-a-quelque-chose-221889">grogne</a> de la profession à des considérations uniquement portées par les hommes.</p>
<p>Les femmes représentaient en 2020 <a href="https://www.msa.fr/lfp/documents/98830/28556362/Population+f%C3%A9minine+en+agriculture+en+2020.pdf">26 % des chef·fe·s d’exploitation</a>, une part qui reste relativement stable. Elles sont majoritairement présentes en élevage et exercent davantage dans les filières de petits ruminants (caprins, ovins lait et viande), équine et avicole, qui généralement renvoient à des structures économiques de taille moyenne et petite.</p>
<p>Les <a href="https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2023/02/Oxfam_mediabrief_agriculture_Vdef.pdf">études</a> montrent que les femmes doivent se confronter à des représentations sociales qui peuvent décrédibiliser leur projet agricole : visions stéréotypées de ce qu’est « un exploitant agricole », remise en cause de la légitimité, remarques sexistes émanant des professionnel·le·s des instances agricoles telles que les commissions d’attribution des terres, banques, techniciens, bailleurs/futurs cédants, associations de développement agricole, etc. Plus généralement, des doutes persistent quant à la capacité d’une jeune femme à s’installer seule et les femmes sont soumises au test répété de leurs compétences.</p>
<p>Un constat qui par ailleurs contraste avec la féminisation des trois principales directions syndicales agricoles, à la tête desquelles œuvrent ou ont œuvré <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/christiane-lambert-lagricultrice-la-plus-courtisee-de-france-2076504">Christiane Lambert</a> (pour la FNSEA), <a href="https://www.lecese.fr/membre/veronique-le-floch">Véronique le Floch</a> (pour la coordination rurale) et <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/salon-de-l-agriculture-emmanuel-macron-prevoit-un-moment-de-discussion-un-peu-long-avec-avec-les-syndicats-lors-de-l-inauguration-selon-la-confederation-paysanne_6373798.html">Laurence Marandola</a> (pour la Confédération paysanne).</p>
<p>Comment éclairer ce paradoxe d’une profession qui continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance du monde agricole ?</p>
<h2>Des rôles genrés dans la mobilisation</h2>
<p>Une première manière de répondre à cette apparente contradiction est de s’intéresser à la place qu’occupe objectivement les femmes dans l’organisation des événements manifestants. Malgré l’accaparement de la parole par les hommes depuis le coup d’envoi de la mobilisation, les agricultrices n’en sont pas pour autant absentes mais les rôles attribués aux hommes et aux femmes ne sont pas les mêmes : aux premiers les actions commandos et coups de force médiatiques, aux secondes les opérations de sensibilisation.</p>
<p>Les agricultrices invoquent alors un style « manifestant » complémentaire à celui des hommes.</p>
<p>Elles se présentent comme celles qui « prennent la relève » des hommes mobilisés, comme dans le cas <a href="https://www.ladepeche.fr/2024/01/27/colere-des-agriculteurs-les-femmes-prennent-la-releve-sur-le-barrage-de-demu-dans-le-gers-11725617.php">du barrage gersois de Dému</a> le 28 janvier dernier où est organisé, à l’initiative des agricultrices du département, une <a href="https://www.ladepeche.fr/2024/01/27/colere-des-agriculteurs-les-femmes-prennent-la-releve-sur-le-barrage-de-demu-dans-le-gers-11725617.php">journée dédiée aux femmes et aux familles</a>. Elles se représentent aussi comme celles qui « prennent le relais » sur les exploitations, en apportant <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/temoignages-sur-une-exploitation-une-femme-c-est-primordial-conjointes-meres-exploitantes-les-femmes-soutien-indefectible-des-agriculteurs-2914130.html%C3%A0">leur soutien à l’arrière</a>, incarnant ainsi les <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2013-3-page-99.htm">« épouses honorables et les gardiennes indéfectibles »</a> de la communauté familiale.</p>
<p>Leur prise de parole repose sur un <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?download=1&ID_ARTICLE=SR_024_0043">mode d’argumentation moral et humaniste</a>, plutôt que directement politique ou syndical. Tout autant qu’elle vise l’apaisement après les excès de violence masculins, leur participation, parce que rare, a comme objectif de convaincre l’opinion publique de la profondeur du <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">« malaise »</a> paysan. Produit d’une conception relativement traditionnelle des rôles de genre dans la profession, cette tactique de mobilisation (assurer l’arrière/prendre le relais/incarner une parole apaisante) est également un ressort de mobilisation stratégiquement encouragé par les organisations dominantes du gouvernement de l’agriculture et ses fractions les plus conservatrices.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/loin-de-leternel-paysan-la-figure-tres-paradoxale-de-lagriculteur-francais-169470">Loin de « l’éternel paysan », la figure très paradoxale de l’agriculteur français</a>
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<h2>Observer plus finement les actions de basse intensité</h2>
<p>Une seconde réponse à apporter est de regarder autrement les façons de militer pour la profession agricole. Si les médias portent les coups de projecteurs sur des répertoires d’action à forte dimension protestataires, une analyse du travail syndical agricole attentive aux rapports de genre réclame que l’on dépasse ces seuls temps forts de mobilisation pour davantage envisager les actions de promotion professionnelle dites <a href="https://www.theses.fr/2017REN1G038">« de basse intensité »</a>.</p>
<p>Nous entendons par ce terme l’ensemble des événements festifs, ludiques et récréatifs où se construit « discrètement » la défense de la cause agricole. Très régulièrement en effet, les agricultrices, réunis en collectif, mènent des actions de promotion de leur métier destinées à qui repose sur l’ouverture au public de leur territoire professionnel.</p>
<p>On pense ainsi aux portes ouvertes sur les exploitations, l’accueil de groupes scolaires, l’organisation d’animations autour de l’agriculture lors de salons agricoles locaux, les manifestations sportives ou des festivals…</p>
<p>Rien de surprenant alors que l’opération baptisée « sur la paille », lancée par la Coordination rurale de la Vendée au lendemain de l’annonce des mesures par le premier ministre Gabriel Attal, soit venue <a href="https://www.challenges.fr/economie/les-agriculteurs-sur-la-paille-se-deshabillent-pour-repondre-a-attal_881579">d’une agricultrice</a>. Rompant avec les habituels feux de pneus et épandages de lisiers, les manifestants présents ont exprimé leur ras-le-bol en entonnant, dévêtus derrière une large banderole, des chants.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pZDi4oped0o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Premier week-end de mobilisation pour les agriculteurs de Vendée (TV Vendée Actu, 29 janvier 2024).</span></figcaption>
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<p>Un registre humoristique qui n’est pas nouveau : des agricultrices avaient déjà posé en maillot de bain en 2014 <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-des-agricultrices-en-maillots-de-bain-pour-un-calendrier-2906455">pour la réalisation d’un calendrier</a> dont les bénéfices avaient été reversés à la recherche contre le cancer du sein.</p>
<h2>Les mandats agricoles de plus en plus tenus par des femmes</h2>
<p>Une autre forme d’engagement politique fort des femmes néanmoins peu analysée est leur place croissant au sein d’organisations professionnelles ou syndicales.</p>
<p>Certes le nombre d’agricultrices occupant des postes à responsabilité dans les organisations agricoles augmente tendanciellement. Ainsi, depuis 2012, les assemblées des chambres d’agriculture comptent un tiers de femmes. Globalement, les organisations agricoles cherchent à ce que leurs conseils d’administration soient composés d’au moins 30 % de femmes afin d’atteindre la représentation dite « miroir », c’est-à-dire <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2014-2-page-183.htm">descriptive</a>.</p>
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<p>Cependant, un très fort plafond de verre limite la progression des femmes dans la hiérarchie des mandats. Ainsi le nombre de femmes présidentes de chambres départementales d’agriculture reste très limité, <a href="https://www.senat.fr/rap/r16-615/r16-61512.html">on en compte trois à ce jour</a> : Drôme, Lozère et Côtes-d’Armor.</p>
<p>C’est également un mur de verre qui contribue à une répartition stéréotypée des mandats entre, d’une part, une surreprésentation des femmes dans les fonctions relevant des domaines considérés comme typiquement féminins (le social, la communication, la diversification) et, d’autre part, leur quasi-absence dans les mandats économiques et techniques les plus prestigieux. Au sein des coopératives d’utilisation de matériel agricole mais surtout dans les grands groupes industriels qui pèsent pourtant dans les orientations stratégiques et économiques de la profession, les femmes sont encore très peu présentes.</p>
<h2>Le manque de ressources</h2>
<p>Un ensemble de facteurs expliquent cette dichotomie. D’abord, comme elles sont rarement héritières de leurs entreprises par transmission familiale, elles estiment que les connaissances clefs du « milieu » leur font défaut (maîtrise enjeux fonciers, des données techniques, faible familiarité avec l’environnement institutionnel de la profession) pour évaluer l’opportunité d’une proposition, trancher des litiges et être la porte-voix de leurs homologues.</p>
<p>Ensuite, comme elles se sentent moins habilitées à manier les référents idéologiques, à émettre un avis syndical et à le défendre et à s’exposer publiquement aux jugements des pairs, elles se sentent éloignées des deux composantes gestionnaire et protestataire centrales du répertoire syndical agricole et incarnent moins immédiatement le rôle du « parfait » militant doté d’ambition, de tonus, de hauteur de vue et de charisme. Enfin, comme elles sont moins habituées à endosser ces fonctions, quand elles franchissent le pas, elles partagent une définition exigeante l’engagement porteuse de stress et de sentiment d’inconfort.</p>
<p>Pourquoi alors, certaines agricultrices et paysannes font figure d’exceptions ? Parce qu’elles sont dotées de ressources familiales, culturelles et sociales qui répondent aux qualités attendues du « bon » syndicaliste. Soit elles sont elles-mêmes filles de syndicaliste et ont été dès l’enfance socialisées aux rôles de responsables agricoles, soit elles ont eu des expériences scolaires et professionnelles antécédentes à l’agriculture qui leur ont permis de nourrir une aisance oratoire et argumentative ou encore de se forger des habitudes des négociations avec les pouvoirs publics, à l’instar de Danielle Even, qui a été présidente de la Chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor.</p>
<p>Reste enfin une dernière hypothèse qu’il conviendrait de tester plus finement. <a href="https://www.cairn.info/revue-geneses-2007-2-page-45.htm">Les recherches</a> montrent en effet que certains contextes organisationnels favorisent l’accession des femmes : lorsque la valeur des mandats décroît ou en cas de conflits politiques internes.</p>
<p>C’est par exemple les difficultés financières et l’épuisement militant que rencontre l’UDSEA, version finistérienne de la Confédération paysanne, après six années de gestion de la chambre d’agriculture, qui éclairent la nomination d’une femme à la tête du syndicat en 2001.</p>
<p>Dans ces cas, la concurrence pour l’accès aux postes est moindre et l’ascension militante des femmes facilitée. La situation de crise qui mine actuellement la profession agricole est-elle donc un terreau fertile à l’engagement des femmes ?</p>
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<a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Clémentine Comer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur agricole continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance. Décryptage d’une invisibilisation.Clémentine Comer, Sociologue, IRISSO, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241372024-02-23T15:52:33Z2024-02-23T15:52:33ZHéritage d’Alexeï Navalny : ce sont aux Russes de poursuivre son combat, loin des «idéaux» occidentaux<p>La <a href="https://www.ledevoir.com/monde/europe/807355/alexei-navalny-principal-opposant-poutine-est-mort-prison">mort récente d’Alexeï Navalny</a> a suscité des condamnations immédiates de la part des dirigeants du monde entier, le <a href="https://www.forbes.fr/societe/joe-biden-poutine-est-responsable-de-la-mort-dalexei-navalny/">président américain pointant aussitôt Vladimir Poutine du doigt</a>.</p>
<p>On ne peut <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-68318742">affirmer avec certitude</a> que le président russe a fait assassiner Navalny. Mais la mort du dissident <a href="https://www.reuters.com/world/europe/russias-putin-run-again-president-2024-2023-12-08/">avant les élections présidentielles russes</a> de mars a des airs de déjà-vu. Dans le passé, de nombreux détracteurs de Vladimir Poutine sont décédés <a href="https://www.lessentiel.lu/fr/story/plusieurs-deces-suspects-dans-l-entourage-de-poutine-405586624221">dans des circonstances suspectes</a>.</p>
<p>Cependant, des déclarations comme celle de Joe Biden, qui a accusé Vladimir Poutine <a href="https://www.leparisien.fr/international/direct-mort-de-navalny-ses-avocats-en-route-vers-la-prison-poutine-informe-de-son-deces-16-02-2024-MQBOAQRMVVCUXMBVO4KDCFOIRA.php">d’être personnellement responsable</a> de la mort d’Alexeï Navalny, alimentent la propagande du Kremlin.</p>
<h2>« Agent de l’Occident »</h2>
<p>Le président Poutine est parvenu à diviser ceux qui soutiennent Navalny en conjuguant complaisance à leur égard et condamnation du dissident en tant <a href="https://www.reuters.com/world/europe/obituary-alexei-navalny-russian-opposition-politician-putin-nemesis-reported-2024-02-16/">qu’agent de l’Occident</a>.</p>
<p>La passion et l’ampleur de l’indignation occidentale apportent de l’eau à son moulin. La possibilité que <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wx3vHdFRvMo">Yulia Navalnaya</a>, veuve du dissident et d’autres réformateurs puissent provoquer des changements en Russie pourrait être compromise si leur cause est associée à l’Occident.</p>
<p>La popularité de Navalny en Russie va au-delà des positions démocratiques et <a href="https://acf.international/ru">anticorruption</a> qui lui ont valu d’êtr e <a href="https://www.nytimes.com/2022/04/24/movies/navalny-review.html">admiré en Occident</a>. Pour les Russes, il était avant tout un <a href="https://news.yahoo.com/alexei-navalny-russian-opposition-leader-122409296.html">nationaliste</a>.</p>
<p>Il représentait une menace pour Poutine parce qu’il <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1060586X.2013.872453">inspirait les nationalistes</a>, un mouvement politique russe qui a déjà été critique à l’égard du président.</p>
<p>Vladimir Poutine est assurément un dirigeant autoritaire qui dispose de <a href="https://www.pbs.org/wgbh/frontline/article/russia-putin-press-freedom-independent-news/">pouvoirs extrajudiciaires</a> considérables. Mais il a toujours eu besoin du soutien des citoyens russes. Depuis plus d’une décennie les <a href="https://imrussia.org/en/analysis/3265-putin%E2%80%99s-dangerous-flirting-with-nationalism">nationalistes russes</a> lui permettent un règne d’une durée exceptionnelle.</p>
<p>Les troubles politiques des années 1990 et du début des années 2000 ont conduit de nombreux Russes à s’interroger sur leur place dans le monde. La Russie est passée d’une des superpuissances mondiales à une position que certains Russes percevaient comme leur valant d’être <a href="https://foreignpolicy.com/2022/03/03/putin-ukraine-russia-nato-kosovo/">ignorés ou dénigrés</a> pas les États-Unis.</p>
<h2>Successeur de Boris Eltsine</h2>
<p>En tant que successeur du premier président de la Russie, Boris Eltsine, Poutine a <a href="https://www.irishtimes.com/news/yeltsin-immunity-suggests-a-deal-done-with-putin-1.230365">hérité d’une position politique</a> quelque part entre les communistes, qui prônaient un retour à une nation du même type que l’Union soviétique, et les nationalistes, qui cherchaient à redonner à la Russie son statut de grande puissance.</p>
<p>Cet exercice d’équilibrisme a été évident dès le début du premier mandat de Poutine. Les nationalistes russes ont crié au scandale parce que les puissances occidentales ont mené des guerres pour préserver les droits de la personne dans divers pays, alors que les Russes des États postsoviétiques ont été négligés.</p>
<p>Vladimir Poutine, qui ne devait rien aux nationalistes à ce stade, a même <a href="https://www.lepoint.fr/monde/le-jour-ou-poutine-voulait-integrer-l-otan-24-11-2021-2453563_24.php#11">envisagé d’adhérer à l’OTAN</a>, bastion de l’Occident.</p>
<p>Les États-Unis <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/stone-interviews-putin-says-asked-russia-joining-nato">n’ont pas considéré sérieusement</a> la suggestion de Poutine. Par conséquent, et comme <a href="https://www.dw.com/en/russia-us-clash-over-russian-election-protests/a-15589210">ce dernier avait l’impression</a> que les Américains soutenaient ses adversaires politiques, il a cherché à cultiver une autre source de stabilité en se tournant vers les nationalistes russes.</p>
<p>Le <a href="https://carnegieendowment.org/politika/88451">sentiment anti-occidental</a> est une composante essentielle de l’idéologie de certains nationalistes russes. Aujourd’hui, Poutine adhère pleinement à cette vision. Sa crainte de voir les nationalistes remettre en cause sa position intérieure a d’ailleurs <a href="https://doi.org/10.5612/slavicreview.75.3.0702">alimenté ses manœuvres</a> en Ukraine au cours de la dernière décennie.</p>
<p>Vladimir Poutine ne pouvait se désengager de la région ukrainienne du Donbas — à majorité russophone — sans risquer de perdre le soutien des nationalistes russes. C’est un des facteurs qui l’a poussé à <a href="https://www.cnn.com/2022/09/13/europe/ukraine-advance-russia-war-analysis-intl-hnk-ml/index.html">envahir l’Ukraine</a> en février 2022.</p>
<h2>L’attrait de Navalny</h2>
<p>D’abord <a href="https://www.newyorker.com/news/our-columnists/the-evolution-of-alexey-navalnys-nationalism">très à droite</a> sur l’échiquier politique, <a href="https://www.aljazeera.com/news/2024/2/16/obit-navalny-putins-archenemy-and-anti-corruption-champion">Navalny est devenu plus modéré</a> au fil du temps. Néanmoins, sa vision de la Russie ne correspondait pas toujours aux idéaux occidentaux.</p>
<p>Ainsi, Navalny considérait que la Crimée <a href="https://www.themoscowtimes.com/2014/10/16/navalny-wouldnt-return-crimea-considers-immigration-bigger-issue-than-ukraine-a40477">ne devait pas être automatiquement restituée</a> à l’Ukraine après son annexion à la Russie en 2014. Cette position est cohérente avec les arguments nationalistes selon lesquels la <a href="https://www.usatoday.com/story/news/world/2014/03/18/crimea-ukraine-putin-russia/6564263/">Crimée fait partie de la Russie</a>. En outre, si les opinions de Navalny sur l’immigration ont évolué, elles sont restées <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/2/25/navalny-has-the-kremlin-foe-moved-on-from-his-nationalist-past">teintées de populisme</a>.</p>
<p>Navalny était tout à fait conscient qu’il pouvait séduire le peuple russe et représenter un danger pour Vladimir Poutine. En 2020, il a été transporté à Berlin pour y recevoir un traitement médical après avoir été empoisonné au <a href="https://www.themoscowtimes.com/2020/10/06/watchdog-says-novichok-type-nerve-agent-found-in-navalny-samples-a71674">Novitchok</a>. Il convient de noter que cet agent neurotoxique a été <a href="https://www.forbes.fr/politique/l-empoisonnement-la-strategie-russe-pour-faire-taire-les-opposants-de-vladimir-poutine/">fréquemment utilisé contre des dissidents russes</a>.</p>
<p>Avant de retourner en Russie pour continuer à défier Vladimir Poutine, Navalny a publié une vidéo au cas où il mourrait en détention.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1758477103962468366"}"></div></p>
<p>Voici ce qu’il y disait au peuple russe :</p>
<blockquote>
<p>S’ils décident de me tuer, cela signifie que nous sommes extrêmement puissants. Nous devons faire usage de ce pouvoir et nous souvenir que nous sommes une immense force qui est oppressée par de mauvaises personnes. Nous n’avons pas conscience de la force que nous possédons. </p>
</blockquote>
<h2>Nuire à l’héritage d’Alexeï Navalny</h2>
<p>En défendant Navalny, l’Occident risque d’amoindrir son héritage en tant que héros du peuple russe en raison du <a href="https://www.globalpolicyjournal.com/blog/22/09/2022/russian-anti-western-intellectualism">sentiment anti-occidental qui prévaut en Russie</a>.</p>
<p>Pendant des années, Vladimir Poutine a <a href="https://www.cnn.com/2024/02/17/europe/putin-navalny-existential-threat-analysis-intl/index.html">refusé de prononcer</a> le nom de Navalny. Ses partisans et son gouvernement n’ont toutefois pas été aussi circonspects. Le Kremlin est même allé jusqu’à accuser celui-ci d’être un <a href="https://www.reuters.com/article/idUSKBN26M4JA/">agent de la CIA</a>.</p>
<p>Les leaders mondiaux qui ont exprimé le plus d’indignation après le décès de Navalny sont occidentaux. Parmi eux figurent Joe Biden, le <a href="https://www.leparisien.fr/international/mort-de-navalny-macron-accuse-la-russie-de-condamner-a-mort-les-esprits-libres-16-02-2024-TGGHVJHPYFHS3OQXHBYUKFJTDQ.php">président français Emmanuel Macron</a> et le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/mort-de-navalny-loccident-accuse-poutine-2077009">premier ministre britannique Rishi Sunak</a>.</p>
<p>Le contraste entre leurs déclarations et celles du président brésilien <a href="https://www.msn.com/en-us/news/world/brazil-s-lula-says-navalny-s-death-should-be-probed-before-accusations/ar-BB1isWRR">Luiz Inácio Lula da Silva</a> et des <a href="https://www.msn.com/en-us/news/world/china-s-state-media-repeat-russian-talking-points-after-navalny-s-death/ar-BB1iwbko">médias d’État chinois</a> est saisissant. Ni l’un ni les autres n’ont condamné Poutine pour la mort de Navalny.</p>
<p>Que leur non-positionnement soit bien fondé ou non, ces dirigeants ont aidé le Kremlin à associer davantage <a href="https://www.tasnimnews.com/en/news/2024/02/19/3041870/kremlin-calls-western-politicians-statements-on-navalny-s-death-boorish">Navalny à l’Occident</a>.</p>
<p>Alexeï Navalny a fait preuve d’un grand courage dans ses convictions en revenant en Russie, tout en sachant qu’il allait très certainement être victime de <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2024-02-18/mort-d-alexei-navalny/pourquoi-est-il-revenu.php">répression et d’emprisonnement</a>.</p>
<p>Ce sont des personnes comme son épouse, Yulia Navalnaya, et non les dirigeants occidentaux, qui sont les mieux placées pour poursuivre le combat pour l’avenir de la Russie. Mais pour que cela soit possible, il faut que la cause de Navalny ne soit pas perçue par les nationalistes russes comme étant ancrée dans les idéaux occidentaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224137/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les successeurs de Navalny sont les mieux placés pour poursuivre le combat pour la Russie. Mais ils ne réussiront que si la cause de Navalny n’est pas perçue comme ancrée dans les idéaux occidentaux.James Horncastle, Assistant Professor and Edward and Emily McWhinney Professor in International Relations, Simon Fraser UniversityJack Adam MacLennan, Associate Professor of International Relations and National Security Studies and Graduate Program Director for National Security Studies, Park UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235712024-02-21T11:45:55Z2024-02-21T11:45:55ZPlan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576541/original/file-20240219-30-szydzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour comprendre ce qui se joue à travers les indicateurs Ecophyto défendus par les uns ou les autres, il faut d'abord définir de quoi on parle.</span> <span class="attribution"><span class="source">USAID Egypt / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Face aux manifestations des agriculteurs début 2024, le gouvernement français a annoncé une <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/pause-du-plan-ecophyto-cest-une-grave-erreur-pour-la-biodiversite-mais-aussi-pour-les-agriculteurs">« mise à l’arrêt » du plan Ecophyto</a> jusqu’au salon de l’Agriculture fin février. Cette pause devait permettre de revoir les indicateurs utilisés pour évaluer la <a href="https://theconversation.com/pour-en-finir-avec-les-pesticides-il-faut-aussi-des-agriculteurs-dans-les-champs-106978">baisse de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques</a> (pesticides appliqués sur les cultures) en France.</p>
<p>Certains indicateurs développés au niveau européen étaient fortement mis en avant avec le soutien de certains syndicats d’agriculteurs. À l’inverse, des organisations de défense de l’environnement et de la santé défendaient l’indicateur NoDU, indicateur actuel du plan Ecophyto. Le gouvernement a finalement tranché le 21 février, avec l'annonce par Gabriel Attal de <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/pesticides-lindicateur-de-mesure-conteste-par-les-agriculteurs-est-abandonne-2077724?xtor=CS4-6235">l'abandon du NoDU, au profit de l'indicateur européen HRI-1</a>.</p>
<p>Comment s’y retrouver dans cette jungle d’acronymes ?</p>
<p>En tant que membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto, comité indépendant des pilotes du plan, nous avons notamment pour mission de guider le choix des indicateurs. Dans ce texte, nous souhaitons préciser la nature de ces derniers et en clarifier les enjeux.</p>
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<a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a>
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<h2>À l’origine des indicateurs, un besoin d’évaluation</h2>
<p>La mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques publiques nécessitent la définition d’indicateurs quantitatifs. Mais pour construire des indicateurs pertinents, il faut faire des choix quant à la nature de ce que l’on mesure, et à la façon dont on le définit.</p>
<p>Du fait de ces choix, les indicateurs, y compris agro-environnementaux, sont par nature <a href="http://www.agro-transfert-rt.org/wp-content/uploads/2016/03/Evaluation-agri-environnementale-et-choix-des-indicateurs.pdf">imparfaits</a>. Une quantification des ventes décrira imparfaitement la toxicité et l’écotoxicité des produits, mais même un indicateur spécifique de la toxicité pose le problème de la définition des écosystèmes et espèces touchées : humains, insectes, faune du sol ou des cours d’eau… tous sont différents par leur exposition, mais surtout par leur sensibilité aux différentes substances actives.</p>
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<p>Face à cette complexité, il est utile de se rappeler qu’un indicateur doit éclairer une décision. Il faut trouver un compromis entre pertinence et accessibilité des données mobilisées pour le calculer.</p>
<h2>Les ventes de produits phytopharmaceutiques en France comme prérequis</h2>
<p>Devant la difficulté de connaître l’utilisation de produits dans les champs, il a été choisi, aux niveaux français comme européen, de mesurer les ventes au niveau des distributeurs, par année civile.</p>
<p>Il faut garder à l’esprit que la quantification des ventes ne permet pas de suivre les pratiques agricoles en temps réel, puisque les produits sont achetés à l’avance et que les agriculteurs adaptent leur utilisation au statut agronomique de leurs parcelles (mauvaises herbes, maladies, infestations par des insectes…).</p>
<p>En France, le suivi des ventes a été rendu possible par la création de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006195230/2021-02-14">redevance pour pollutions diffuses</a> (RPD) en 2008, qui est une taxe payée par les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques. Sa mise en œuvre a permis l’enregistrement de toutes les ventes de produits phytopharmaceutiques en France dans une base de données (<a href="https://www.eaufrance.fr/actualites/mise-en-ligne-du-site-bnv-d-tracabilite">BNVD</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-france-une-taxation-des-terres-agricoles-qui-favorise-leur-artificialisation-216194">En France, une taxation des terres agricoles qui favorise leur artificialisation</a>
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<p>À partir des données de vente, plusieurs indicateurs ont été proposés dans le débat public. Nous les présentons brièvement ci-après.</p>
<h2>La quantité de substance active (QSA)</h2>
<p>La QSA correspond à la masse totale de substances actives dans les produits vendus au cours d’une année civile. Sa simplicité d’utilisation apparente voile un travers majeur : elle cumule des substances ayant des doses d’application par hectare très différentes, ce qui revient à additionner des choux et des carottes.</p>
<p>Par analogie, c’est comme si l’industrie pharmaceutique additionnait les masses de médicaments ayant des posologies radicalement différentes. Or, pour les traitements phytopharmaceutiques, les « posologies » varient fréquemment d’un facteur 1 à 100. Des substances potentiellement très toxiques, mais actives à beaucoup plus faible dose peuvent ainsi se retrouver « masquées » par d’autres substances.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La simplicité d'utilisation de l'indicateur QSA est entachée d'un problème de taille : elle cumule des substances ayant des doses d'application par hectare très différentes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LeitenbergerPhotography</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, les insecticides sont généralement efficaces à très faibles doses. Par conséquent, ces derniers ne représentent que 1,8 % de la QSA moyenne annuelle sur la période 2012-2022, alors qu’ils représentent environ 15 % des traitements.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-bioinsecticides-miracle-ou-mirage-147050">Les bioinsecticides, miracle ou mirage ?</a>
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<p>Par ailleurs, l’industrie phytopharmaceutique tend à produire des substances de plus en plus légères pour une efficacité donnée. Par conséquent, la QSA peut baisser au cours du temps sans que cela soit lié à une diminution du nombre de traitements, ou à une baisse de toxicité des substances utilisées.</p>
<p>Par exemple, un herbicide en cours d’homologation serait efficace à un gramme par hectare, soit plus de 1000 fois moins que le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/glyphosate-40177">glyphosate</a>, efficace à plus d’un kilogramme à l’hectare. Si cette substance venait à remplacer les herbicides actuels, et notamment le glyphosate, la QSA pourrait baisser soudainement d’un tiers, sans que les pratiques ni leur toxicité potentielle n’aient changé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/glyphosate-et-apres-ou-va-le-droit-des-pesticides-219999">Glyphosate et après : où va le droit des pesticides ?</a>
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<h2>Le nombre de doses unité (NoDU)</h2>
<p>Le <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-nodu">NoDU agricole</a> est l’indicateur de référence du plan Ecophyto depuis sa création en 2008. Historiquement, il a été construit par des scientifiques d’INRAE en lien avec les pouvoirs publics pour pallier les faiblesses de la QSA.</p>
<p>Sans rentrer dans les détails, on peut dire qu’il corrige le problème de la grande diversité des doses auxquelles sont utilisées les substances actives, en divisant chaque quantité de substance commercialisée par une dose de référence à l’hectare, appelée « dose unité » (DU).</p>
<p>Le NoDU correspond ainsi au cumul des surfaces (en hectares) qui seraient traitées à ces doses de référence. Cette surface théorique est supérieure à la surface agricole française, puisque les cultures sont généralement traitées plusieurs fois.</p>
<p>Le calcul de la dose unité, complexe et détaillé au paragraphe suivant, s’appuie sur les doses maximales autorisées lors d’un traitement (doses homologuées). Ces doses sont validées par l’Anses sur la base de l’efficacité et de la toxicité et écotoxicité de chaque produit.</p>
<p>Dans le NoDU, les substances appliquées à une dose inférieure à 100 g par hectare sont bien prises en compte : elles représentent la large majorité du NoDU. Dans la QSA au contraire, les quelques substances appliquées à plus de 100 g par hectare représentent la grande majorité de la QSA et invisibilisent les autres substances.</p>
<h2>Le calcul de la dose unité, ou quand le diable est dans les détails</h2>
<p>Bien que les indications données par le NoDU permettent de caractériser l'évolution du recours aux produits phytopharmaceutiques, il pose néanmoins des problèmes, liés notamment à la complexité du calcul des doses unités.</p>
<p>Commençons par préciser que lorsqu’une substance est présente dans plusieurs produits commercialisés, chaque produit va être homologué sur plusieurs cultures et pour différents usages, potentiellement à différentes doses. </p>
<p>La dose unité est définie, de manière complexe mais précise, comme la moyenne des maxima, par culture, des doses homologuées pour une substance une année civile donnée. Cette moyenne est pondérée par la surface relative de chaque culture en France.</p>
<p>Chaque année, le NoDU est calculé avec les doses unités de l'année et les NoDU des années précédentes sont recalculés avec ces doses unités pour éviter que les changements réglementaires affectent les tendances observées. </p>
<p>Le calcul des doses unités, tout à fait justifié du point de vue conceptuel, entraîne en pratique d'importantes difficultés :</p>
<ul>
<li><p>la définition est difficile à comprendre, ce qui en soi est un problème pour un indicateur aussi important ; </p></li>
<li><p>l’utilisation des surfaces de culture implique d’attendre la publication de ces valeurs, ce qui retarde d’autant le calcul du NoDU. Pourtant, tenir compte des surfaces cultivées n’a <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu">qu’un impact très faible sur le résultat obtenu au niveau national</a>. C'est également un frein à la généralisation du calcul à d'autres échelles géographiques ;</p></li>
<li><p>l’utilisation des maxima des doses homologuées <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">augmente la sensibilité du calcul</a> aux évolutions réglementaires, ainsi qu’aux erreurs potentiellement présentes dans les bases de données.</p></li>
</ul>
<p>Cependant, et malgré les évolutions de surfaces de culture et de réglementation d'une année à l'autre, l’utilisation des doses unités d’une année ou d’une autre ne font varier la valeur du NoDU que de <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">quelques pourcents au niveau national</a>.</p>
<h2>Notre proposition pour simplifier le NoDU</h2>
<p>Pour faciliter la compréhension et le calcul du NoDU, tant au niveau régional qu’européen, nous recommandons de définir la dose unité d'une substance comme la médiane de toutes ses doses homologuées – plutôt que la moyenne des maxima des doses homologuées par culture, pondérée par la surface relative de chaque culture.</p>
<p>Cette modification ne remettrait pas en cause le principe général du NoDU pour caractériser les ventes des produits phytopharmaceutiques en tenant compte des doses homologuées.</p>
<p>Enfin, les variations du NoDU en fonction l’année de calcul des doses unités deviendraient indétectables. De plus, nous avons montré que l’indicateur résultant est <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">extrêmement corrélé au NoDU actuel</a>. De sorte que même si les valeurs absolues sont différentes, les évolutions restent identiques.</p>
<h2>Bilan du plan Ecophyto à l’aune du NoDU</h2>
<p>Depuis 2009, première année de collecte des données de vente, le NoDU a augmenté de 15 à 20 % jusqu’en 2014, puis s’est stabilisé jusqu’en 2017. S'en est suivi deux années exceptionnelles d'augmentation (stockage en 2018) puis de diminution (déstockage en 2019) liées à l'annonce, en 2018, de l'augmentation de la RPD au 1er janvier 2019. Depuis 2020, la valeur du NoDU s'est alors stabilisée à nouveau à un niveau proche de celui de 2009-2012.</p>
<p>Cette dernière baisse pourrait être liée à l’augmentation de la RPD en 2019 mais aussi à des conditions climatiques globalement défavorables aux pathogènes et aux ravageurs ces trois dernières années.</p>
<p>La relative stabilité du NoDU pour l'ensemble des substances entre 2009 et 2022 peut donner une impression d'immobilisme. Cependant, le plan Ecophyto prévoit aussi le calcul du NoDU sur la base plus restreinte des substances identifiées dans le code du travail comme <a href="https://www.anses.fr/fr/content/substances-canc%C3%A9rog%C3%A8nes-mutag%C3%A8nes-et-toxiques-pour-la-reproduction-cmr">cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction</a> (CMR) aux effets avérés ou supposés (CMR1) ou suspectés (CMR2). Ces substances particulièrement toxiques doivent en effet être éliminées en priorité.</p>
<p>Or, le NoDU pour les CMR1, les plus dangereuses, a baissé de 88 % entre 2009 et 2020 (voir graphe ci-dessous), avant <a href="https://agriculture.gouv.fr/une-nouvelle-strategie-nationale-en-construction-sur-les-produits-phytopharmaceutiques">d’approcher 0 % en 2022</a>. Les CMR dans leur ensemble ont vu leur NoDU diminuer de 40 % entre 2009 et 2020. Cette baisse met en évidence les changements importants permis par l’évolution réglementaire d’une part, et par l’adaptation des agriculteurs à ces évolutions d’autre part.</p>
<p>Autrement dit, oui, le NoDU a été utile pour quantifier la limitation de l’usage des produits phytopharmaceutiques dangereux. De plus, et contrairement à ce qui aurait pu arriver, cette élimination des produits les plus dangereux, et potentiellement les plus efficaces, n’a pas entraîné une augmentation des traitements dans leur ensemble.</p>
<p>C'est d'autant plus remarquable que l'interdiction de traitements de semences (par exemple <a href="https://theconversation.com/faut-il-simplement-interdire-les-neonicotino-des-pour-en-sortir-184268">néonicotinoïdes</a> sur colza), non inclus dans le NoDU, a sans doute entraîné l'utilisation de traitements en végétation (par exemple contre les altises à l'automne) qui eux sont comptabilisés dans le NoDU. Il faudrait donc profiter de la réflexion actuelle sur les indicateurs pour intégrer l’ensemble des substances actives utilisées pour les traitements de semences dans le calcul.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">Pesticides : les alternatives existent, mais les acteurs sont-ils prêts à se remettre en cause ?</a>
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<h2>HRI, F2F… Les indicateurs européens</h2>
<p>Au niveau européen, d’autres indicateurs ont été proposés : les <a href="https://agriculture.gouv.fr/les-indicateurs-de-risque-harmonises-etablis-au-niveau-europeen">HRI-1 et 2 (Harmonized Risk Indicator, prévu par la directive n°2009/128)</a> et les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/21/le-parlement-europeen-adopte-a-une-large-majorite-la-strategie-de-la-ferme-a-la-fourchette_6099346_3244.html">F2F-1 et 2</a> (Farm to Fork, prévu dans la stratégie de la Ferme à la Table).</p>
<p>Les indicateurs HRI-1 et F2F-1 sont jumeaux, puisqu’ils ne diffèrent que par l’éventail des substances prises en compte et par les périodes de référence considérées. Tous deux prennent en compte la masse de substances actives, comme le fait la QSA, mais en les pondérant en fonction de leur appartenance à des groupes de « risque » : 1 pour les substances de faible risque, 8 pour les substances autorisées, 16 pour les substances dont l’interdiction est envisagée, et enfin 64 pour les substances interdites.</p>
<p>Ces indicateurs européens sont problématiques pour plusieurs raisons :</p>
<ul>
<li><p>tout d’abord les masses ne sont pas rapportées à des doses d’usage ;</p></li>
<li><p>de surcroît, en France, environ 80 % des substances vendues sont par défaut classées dans le second groupe (substances « autorisées »), ce classement est donc peu discriminant ;</p></li>
<li><p>enfin, les valeurs de pondération utilisées pour le calcul de ces indicateurs sont arbitraires et ne sont étayées par aucun résultat scientifique.</p></li>
</ul>
<h2>Faut-il en finir avec le NoDU ?</h2>
<p>Le NoDU n'est aujourd’hui utilisé qu'en France mais il suffirait de simplifier son calcul, tel que nous le proposons, pour le rendre utilisable à l’échelle européenne.</p>
<p>Les doses maximales autorisées par application peuvent varier entre pays européens, la dose unité pourrait donc correspondre à la médiane de toutes les doses homologuées en Europe. Le calcul serait simple, pertinent et applicable partout en Europe. Cette méthode pourrait aussi être utilisée pour calculer l’évolution des ventes pour chaque groupe de « risque » défini actuellement au niveau européen.</p>
<p>Une autre option acceptable pourrait être que les indicateurs européens soient modifiés pour utiliser, au sein de chaque groupe, un équivalent au NoDU et non une masse totale de substance. C'est fondamentalement ce que l’agence environnementale allemande propose dans son <a href="https://www.umweltbundesamt.de/sites/default/files/medien/11740/publikationen/factsheet_zum_hri1.pdf">rapport de mai 2023</a> bien qu'elle critique aussi les coefficients de pondération du HRI-1.</p>
<p>Par ailleurs, il apparaît difficile d’embrasser la complexité de la question de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques avec un unique indicateur. Idéalement, il faudrait que le plan Ecophyto se dote d’un panel d’indicateurs complémentaires permettant de décrire :</p>
<ul>
<li><p>l’intensité de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ;</p></li>
<li><p>les services agronomiques rendus par les produits phytopharmaceutiques ;</p></li>
<li><p>les risques pour la santé humaine ;</p></li>
<li><p>les risques pour la biodiversité.</p></li>
</ul>
<p>Quelles que soient les options choisies, le comité alerte sur la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU. Cet indicateur doit continuer d'une part d'être appliqué à l’ensemble des ventes pour caractériser la quantité totale de traitement et d'autre part d'être appliqué aux substances les plus préoccupantes pour quantifier l’effort d'arrêt des substances les plus dangereuses.</p>
<hr>
<p><em>Pour citer cet article : Barbu Corentin, Aulagnier Alexis, Gallien Marc, Gouy-Boussada Véronique, Labeyrie Baptiste, Le Bellec Fabrice, Maugin Emilie, Ozier-Lafontaine Harry, Richard Freddie-Jeanne, Walker Anne-Sophie, Humbert Laura, Garnault Maxime, Omnès François, Aubertot JN. « Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement », The Conversation, 21 février 2024.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Corentin Barbu est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements de l'ANR et du plan Ecophyto. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexis Aulagnier est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Walker est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Labeyrie est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emilie Maugin est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabrice Le Bellec est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Omnes représente l'OFB au sein du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Freddie-Jeanne Richard est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harry Ozier-Lafontaine est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Noël Aubertot est président du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Gallien est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maxime Garnault est chargé de mission au sein du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Véronique Gouy Boussada est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laura Humbert est chargée de mission pour le Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p>Comment s’y retrouver dans la jungle des indicateurs du plan Ecophyto, QSA, NoDU, HRI… et en quoi posent-ils problème ? L’éclairage de plusieurs experts du Comité scientifique et technique du plan.Corentin Barbu, Chargé de recherche sur le contrôle des ravageurs et maladies des grandes cultures, InraeAlexis Aulagnier, Chercheur postdoctoral, projet APCLIMPTER au Centre Emile Durkheim, Sciences Po BordeauxAnne-Sophie Walker, Ingénieure de recherche, InraeBaptiste Labeyrie, Ingénieur de recherche en arboriculture, Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes (CTFIL)Emilie Maugin, Ingénieure recherche conseil en horticulture, Astredhor (Institut technique de l’horticulture)Fabrice Le Bellec, Directeur de l'unité de recherche HortSys, CiradFrançois Omnes, Chef du Service Usages et Gestion de la Biodiversité à l'Office français de la biodiversitéFreddie-Jeanne Richard, Enseignante chercheuse en écologie et comportement des invertébrés, Université de PoitiersHarry Ozier-Lafontaine, Directeur de Recherche INRAE, InraeJean-Noël Aubertot, Senior research scientist, InraeMarc Gallien, Chargé de prévention de la santé et de la sécurité au travail, DREETS de NormandieMaxime Garnault, Ingénieur de recherche, InraeVéronique Gouy Boussada, Ingénieur de l'Agriculture et de l'Environnement, HDR, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231332024-02-17T13:13:08Z2024-02-17T13:13:08ZLa crise politique perdure au Sénégal : ce qui doit changer<p><em>Le 3 février, moins de trois semaines avant le scrutin, le président sénégalais Macky Sall a pris un décret <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240203-s%C3%A9n%C3%A9gal-l-%C3%A9lection-pr%C3%A9sidentielle-du-25-f%C3%A9vrier-report%C3%A9e-sine-die">reportant indéfiniment l'élection</a>, en attendant une enquête sur des allégations de corruption de juges du Conseil constitutionnel. Le 5 février, le Parlement <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20240205-s%C3%A9n%C3%A9gal-le-report-de-la-pr%C3%A9sidentielle-au-15-d%C3%A9cembre-approuv%C3%A9-%C3%A0-l-assembl%C3%A9e-nationale">a décidé</a>, de son côté, de reporter le vote de près de 10 mois, le fixant au 15 décembre.</em></p>
<p><em>Cependant, le Conseil constitutionnel <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/crgk12vd22no">a déclaré</a> le jeudi 15 février que la loi adoptée par le Parlement était contraire à la Constitution et a ordonné l'annulation du décret de M. Sall reportant l'élection.</em></p>
<p><em>La décision inattendue et sans précédent de Sall depuis l'introduction des élections multipartites dans le pays a eu l'effet d'un choc. Dans un discours à la nation, il a justifié le report par un différend entre l'Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, l'arbitre du jeu électoral. Cette situation a plongé le Sénégal dans une crise politique dont l'issue est désormais incertaine. Elle soulève également des questions juridiques.</em></p>
<p><em>Abdoul Aziz Mbodji est enseignant-chercheur sur<a href="https://base.afrique-gouvernance.net/docs/gouvernance_et_constitutionnalisation_des_ressources_naturelles.pdf"> l'organisation et le fonctionnement de l'Etat et le droit constitutionnel</a>, à l'université Alioune Diop de Bambey, au Sénégal. Il analyse la décision de Macky Sall, la décision du Conseil constitutionnel et les réformes pour éviter de futures crises similaires.</em></p>
<h2>Y a-t-il une base légale au report de la présidentielle?</h2>
<p>La réponse est claire : il n'existe aucune base légale pour un tel report de la présidentielle.</p>
<p>Tout d’abord, le décret qui a stoppé le processus est arbitraire, ne s'appuie sur aucun texte et viole d'ailleurs la Constitution en son 31 article qui dispose : </p>
<blockquote>
<p>Le scrutin pour l’élection du président de la République a lieu quarante-cinq jours francs au plus et trente jours francs au moins avant la date de l’expiration du mandat du président de la République en fonction.</p>
</blockquote>
<p>Il viole aussi l'article LO 137 du code électoral qui dispose que “les électeurs sont convoqués par décret publié au journal officiel au moins 80 jours avant le jour du scrutin”. Le décret défie la décision du juge constitutionnel portant proclamation de la liste des candidats à l'élection présidentielle. Cette décision est contraignante pour tous, en vertu de l'article 92 de la Constitution qui dispose : </p>
<blockquote>
<p>Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.</p>
</blockquote>
<p>Ensuite, la loi constitutionnelle est intervenue dans un domaine protégé, dans une matière qui ne peut pas faire l’objet de révision conformément à l’article 103 alinéa 7 de la Constitution qui dit clairement que la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République ne peuvent faire l’objet de révision. Encore, elle agit dans le sens contraire de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à <a href="https://conseilconstitutionnel.sn/2018/08/29/decision-n-1-c-2016-du-12-fevrier-2016-affaire-n-1-c-2016/">l’avis du 12 février 2016</a> sur le référendum de mars 2016. </p>
<p>Le juge déclare dans le considérant 31 que “considérant, en effet, que ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à l’occasion de changements de majorité, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quel que soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée.</p>
<h2>Comment tenir l'élection à bonne date, après l'annulation du report par le Conseil constitutionnel?</h2>
<p>Le Conseil constitutionnel a été saisi de deux types de requête :</p>
<ol>
<li><p>des requêtes contre le décret portant abrogation du décret portant convocation du corps électoral;</p></li>
<li><p>des recours contre la loi portant report de l’élection du 25 février au 15 décembre 2024.</p></li>
</ol>
<p>Dans <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/crgk12vd22no">sa décision du 15 février</a>, les juges du Conseil constitutionnel ont décidé de que la loi repoussant de 10 mois l'élection prévue le 25 février et permettant le maintien du Président Sall à son poste au-delà du terme de son mandat était contraire à la constitution.</p>
<p>En annulant également le décret présidentiel qui modifiait de facto le calendrier électoral, le Conseil constitutionnel ne propose pas de nouvelle date pour le scrutin. Reconnaissant le retard accumulé dans le processus, il constate simplement "l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue” du 25 février et “invite les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais. </p>
<h2>Dans ces conditions, comment tenir l'élection à bonne date?</h2>
<p>C’est simple! Deux hypothèses peuvent être décidées par le juge.
Le processus devra se poursuivre comme prévu. Dans ces circonstances, l'administration devra continuer à organiser les élections dans le temps restant, ce qui entraînera malheureusement une campagne électorale courte.</p>
<p>Le Conseil constitutionnel peut, en vertu d'une interprétation de l'article 34 de la Constitution, fixer une nouvelle date pour permettre à l'administration de rattraper les retards et de remédier aux manquements. </p>
<h2>Quelles réformes à envisager, compte tenu de la crise actuelle pour ne plus tomber dans le scénario actuel ?</h2>
<p>Il est quasi difficile de reformer contre l’abus de pouvoir et le coup de force. Mais je crois qu'il serait important de doter le Conseil constitutionnel des moyens pour sauvegarder l’intégrité du processus électoral. </p>
<p>Il est crucial d'élargir le champ de compétence du Conseil constitutionnel en précisant sa compétence face aux lois de révision ainsi qu'à toutes les matières relatives aux élections nationales. De même, une réforme du mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel est nécessaire pour briser le monopole présidentiel sur les nominations.</p>
<p>L'extension du droit de saisine aux partis politiques, aux citoyens et aux organisations de la société civile est également importante.</p>
<p>Enfin, cette pratique devrait être constitutionnalisée et perpétuée. La présence au moins d’un théoricien en droit public parmi les membres du Conseil constitutionnel est aussi souhaitable</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223133/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abdoul Aziz Mbodj est affilié à un parti d'oppostion au Sénégal. </span></em></p>Le Conseil constitutionnel n'a pas fixé une nouvelle date pour l'élection présidentielle, laissant planer le doute sur la manière de procéder.Abdoul Aziz Mbodj, Enseignant-chercheur en droit public, Université Alioune Diop de BambeyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230442024-02-07T16:43:44Z2024-02-07T16:43:44ZMacky Sall remet en cause les fondements démocratiques du Sénégal<p>Le président <a href="https://www.britannica.com/biography/Macky-Sall">sénégalais Macky Sall </a> <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/senegal/au-senegal-le-president-reporte-lelection-presidentielle-et-plonge-le-pays-dans-lincertitude-066e7ec6-c36f-11ee-8bc3-7b463e0b059b">a annoncé</a> début février le report sine die de l'élection présidentielle, initialement prévue pour le 25 février. Cette annonce a suscité des craintes quant à d'éventuelles manifestations populaires, une répression violente. Des inquiétudes subsistent aussi sur la mutation du président précédemment démocratique en leader autoritaire, voire sur un éventuel nouveau coup d'État en Afrique de l'Ouest. </p>
<p>La région a connu une série de coups d'État depuis 2020 : le Mali en août de la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2020/10/ROBERT/62316">même année</a>, suivi d'un <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/05/31/au-mali-la-semaine-ou-le-colonel-goita-s-est-couronne-president_6082131_3212.html">deuxième</a> en 2021. <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20210906-coup-d-%C3%A9tat-en-guin%C3%A9e-la-pr%C3%A9visible-chute-du-pr%C3%A9sident-alpha-cond%C3%A9">La Guinée</a> a également connu un coup d'État cette année-là et le <a href="https://africacenter.org/fr/spotlight/comprendre-le-dernier-coup-detat-au-burkina-faso/">Burkina Faso</a> un an plus tard. En juillet 2023, les militaires ont pris le contrôle du <a href="https://theconversation.com/niger-un-coup-detat-pas-comme-les-autres-211242">Niger</a>.</p>
<p>Le Sénégal n'a jamais subi de coup d'État et a été considéré comme la <a href="https://2012-2017.usaid.gov/senegal/newsroom/fact-sheets/senegal-democracy-and-governance-fact-sheet#:%7E:text=Senegal%20has%20a%20reputation%20de,place%20suivant%20des%20%C3%A9lections%20d%C3%A9mocratiques%20cr%C3%A9dibles.">démocratie la plus stable de la région</a>. </p>
<p>Depuis <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/312">l'indépendance en 1960</a>, il a connu trois transitions pacifiques du pouvoir. D'abord en 1980, de <a href="https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/leopold-sedar-senghor">Léopold Sédar Senghor</a> à <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/560">Abdou Diouf</a> ; puis, en 2000, de Diouf à <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Abdoulaye_Wade/149378">Abdoulaye Wade</a> ; et enfin, en 2012, de <a href="https://www.britannica.com/biography/Abdoulaye-Wade">Wade à Sall</a>.</p>
<p>Dans la terminologie de la science politique, une démocratie n'est considérée comme consolidée qu'après une “<a href="https://www.britannica.com/topic/two-turnover-test">double alternance</a>”. C'est le cas lorsqu'un parti d'opposition qui a accédé au pouvoir à l'issue d'élections démocratiques (la première alternance) cède lui-même le pouvoir à son opposition après avoir perdu des élections démocratiques (la deuxième alternance).</p>
<p>Je suis <a href="https://www.ags.edu/international-relations/agsird-faculty/douglas-a-yates">politologue et chercheur</a> et je m'intéresse à la politique africaine et à la construction de la démocratie. En me basant sur mon expérience, je pense que le Sénégal est un cas exceptionnel en Afrique de l'Ouest. </p>
<p>Le pays a bénéficié d'une “triple alternance” au pouvoir par le biais d'élections démocratiques. Cependant, avant ces trois transitions démocratiques pacifiques, le pays a traversé des crises avec des présidents en exercice tentant de prolonger leur mandat au-delà des limites constitutionnelles. </p>
<p>Les fondements démocratiques du Sénégal semblent avoir été cimentées par le fait qu'aucun des présidents n'a réussi à prolonger son mandat de manière inconstitutionnelle.</p>
<p>Ce bilan devrait être pris en compte pour évaluer l'avenir d'un nouveau président.</p>
<h2>Une démocratie modèle en Afrique de l'Ouest</h2>
<p>Au cours des quatre dernières décennies, le Sénégal s'est fait connaître pour ses médias <a href="https://www.afrobarometer.org/publication/senegals-internet-shutdowns-are-another-sign-of-a-democracy-in-peril/">relativement indépendants</a> et sa liberté d'expression. Tous les présidents sénégalais ont tous fini par quitter le pouvoir. Cela a contribué à faire des élections la seule possibilité d'accéder au pouvoir. </p>
<p>Le Sénégal est classé “<a href="https://freedomhouse.org/country/senegal/freedom-world/2023">partiellement libre</a>” par Freedom House dans son rapport <a href="https://freedomhouse.org/sites/default/files/2023-03/FIW_World_2023_DigtalPDF.pdf">Freedom in the World 2023</a>. Le think tank utilise un ensemble de critères tels que les droits politiques et les libertés civiles pour classer les pays en trois catégories : libres, partiellement libres et non libres. Le Sénégal obtient de bons scores dans certains domaines, comme la liberté académique et le droit des individus à pratiquer et à exprimer leur foi ou leur non-croyance en public. En revanche, il pèche dans d'autres domaines, comme les restrictions sur la liberté de réunion des citoyens et la dispersion violente de certaines manifestations. </p>
<p>Malgré la tenue d'élections régulières, chaque dirigeant a bien amorcé son mandat avant avant de tenter par la suite de rester au pouvoir plus longtemps que prévu.</p>
<p><a href="https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/leopold-sedar-senghor">Léopold Sédar Senghor</a> est devenu le premier président du Sénégal après l'indépendance en 1960. Il est arrivé au pouvoir grâce à sa réputation d'intellectuel du mouvement de la “négritude”, d'opposant démocratique au colonialisme français et de combattant de la liberté. </p>
<p>Mais, en 1963, 1968, 1973 et 1978, il a organisé des <a href="https://www.britannica.com/topic/plebiscite">plébiscites présidentiels</a> pour se maintenir au pouvoir. </p>
<p>Puis, en décembre 1980, après 22 ans de pouvoir, il <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/560">décide</a> de se retirer et de passer le relais à son successeur désigné, Abdou Diouf. </p>
<p><a href="https://www.presidence.sn/en/presidency/abdou-diouf">Abdou Diouf</a> a eu la même tentation. Il s'est accroché à la présidence jusqu'à ce que des décennies d'opposition pacifique, démocratique et fondée sur des principes, menée par Abdoulaye Wade, le contraignent à accepter sa défaite lors des l'élection de 2000.</p>
<p>Après de longues années de lutte pour le pouvoir,<a href="https://www.presidence.sn/en/presidency/abdoulaye-wade">Wade</a> a été emprisonné et contraint de s'exiler à Paris. Il a ensuite pris la tête d'un mouvement populaire qui a renversé le Parti socialiste, longtemps resté au pouvoir, ainsi que M. Diouf. </p>
<p>Il a promis de mettre fin à la corruption inhérente au régime de parti unique. Mais vers la fin de son second mandat, en 2009, il a lui aussi commencé à imiter ses prédécesseurs. Wade a passé ses dernières années au pouvoir à <a href="https://www.france24.com/fr/20120131-s%C3%A9n%C3%A9gal-portrait-abdoulaye-wade-presidentiell-karim-pds-opposition">essayer</a> de remporter un troisième mandat. Lorsque cela n'a pas abouti, il a désigné son fils <a href="https://www.africa-confidential.com/profile/id/254/page/4">Karim Wade</a> comme son successeur à la tête de son parti. Mais Karim Wade a été <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/03/23/senegal-karim-wade-condamne-a-six-ans-de-prison_4599445_3212.html">condamné pour enrichissement illicite</a> et les voeux de son père n'ont pas été exaucés.</p>
<p><a href="https://www.presidence.sn/en/presidency/biography">Macky Sall</a> de <a href="https://www.senegel.org/en/movements/political-parties/poldetails/2">l'Alliance pour la République</a> est arrivé au pouvoir en 2012 en tant qu'homme politique intègre et anti-corruption. Mais lui aussi est tombé dans ces travers. </p>
<p>Après sa réélection en 2019, il a nommé un Premier ministre technocrate peu charismatique, <a href="https://www.enqueteplus.com/content/tourn%C3%A9es-%C3%A9conomiques-du-premier-ministre-amadou-ba-en-qu%C3%AAte-de-l%C3%A9gitimit%C3%A9-populaire">Amadou Ba</a>, comme numéro deux. Son ancienne Première ministre <a href="https://www.unwomen.org/fr/news/stories/2013/9/senegal-appoints-female-pm">Aminata Touré dite Mimi</a> (elle a été candidate à la présidence) est ainsi devenue son adversaire. Cela lui a également permis de s'assurer qu'il n'aurait pas à faire face à un Premier ministre devenant plus populaire que lui.</p>
<p>M. Sall souhaitait manifestement briguer un troisième mandat. Pourtant, il <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/07/04/au-senegal-macky-sall-renonce-a-un-troisieme-mandat-une-decision-face-a-l-histoire_6180405_3212.html#:%7E:text=S%C3%A9n%C3%A9gal-,Au%20S%C3%A9n%C3%A9gal%2C%20Macky%20Sall%20renonce%20%C3%A0%20un%20troisi%C3%A8me%20mandat%2C%20une,se%20repr%C3%A9senterait%20pas%20en%202024.">a renoncé</a> à cette option en 2023 et a soutenu Amadou Ba comme candidat à sa succession.</p>
<p>Le dernier candidat de l'opposition en lice en 2023, après l'exclusion de Karim Wade, était <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/ck5yky1d48xo">Ousmane Sonko</a>. Personnalité des réseaux sociaux, il est parfois surnommé le “Trump du Sénégal” en raison de ses déclarations choquantes, qui lui ont valu l'affection des jeunes Sénégalais.</p>
<p><a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-66086570">Par exemple</a>, il a déclaré que “ceux qui ont gouverné le Sénégal depuis le début méritent d'être fusillés”. </p>
<p>Il convient également de noter un aspect plus sérieux concernant Sonko, qui, en tant qu'ancien inspecteur des impôts, a mené des enquêtes sur la corruption au sein du gouvernement de Sall. Il a écrit un <a href="https://www.fauves-editions.fr/catalogue/couv/aplat/9791030200607.pdf">livre</a> sur la corruption dans les secteurs pétrolier et gazier au Sénégal, mettant en cause le gouvernement de Sall.</p>
<p>En 2023, des accusations d'agression sexuelle ont été portées contre lui et <a href="https://foreignpolicy.com/2023/06/01/senegal-ousmane-sonko-trial-conviction-protests-macky-sall-election/#:%7E:text=On%20Thursday%2C%20Sonko%20was%20convicted,allowed%20to%20appeal%20the%20decision.">il a été poursuivi en justice</a>. Cela l'a empêché de se présenter aux élections de 2024. Sonko <a href="https://www.africanews.com/2024/01/30/ousmane-sonko-chooses-bassirou-diomaye-faye-as-replacement-in-senegals-presidential-race//">a soutenu</a> Bassirou Diomaye Faye pour le remplacer.</p>
<p>Ses partisans ont toujours soutenu que les accusations avaient été <a href="https://www.reuters.com/world/africa/police-fire-tear-gas-supporters-senegal-opposition-leader-sonko-2023-02-16/">montées de toutes pièces</a> en raison de son opposition au gouvernement Sall.</p>
<p>Sonko a été acquitté de l'accusation de viol mais <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20230601-ousmane-sonko-condamn%C3%A9-deux-ans-de-prison-ferme-pour-corruption-de-la-jeunesse">condamné</a> pour “corruption de la jeunesse”. Les jeunes <a href="https://theconversation.com/senegal-behind-the-protests-is-a-fight-for-democratic-freedoms-208612">sont descendus dans la rue pour protester</a>, qualifiant Sall de tyran. Ce dernier a eu recours à l'appareil répressif de l'État pour étouffer les protestations.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
Read more:
<a href="https://theconversation.com/senegal-behind-the-protests-is-a-fight-for-democratic-freedoms-208612">Senegal: behind the protests is a fight for democratic freedoms</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Puis, le 4 février, alors que la campagne électorale était sur le point de commencer, M. Sall a <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/senegal-le-president-macky-sall-annonce-le-report-de-lelection-presidentielle-2707783">annoncé</a>, dans une démarche sans précédent, qu'il reportait l'élection pour une durée indéterminée, invoquant un différend au sujet de la liste des candidats.</p>
<p>Des <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/02/05/au-senegal-premieres-manifestations-et-repressions-apres-le-report-de-l-election-presidentielle_6214833_3212.html">affrontements ont éclaté</a> entre les manifestants et la police à Dakar.</p>
<p>Les tensions ont continué à monter. Alors que les dirigeants et les partisans de l'opposition organisaient des manifestations, le gouvernement a imposé des <a href="https://fr.africanews.com/2024/02/05/senegal-internet-coupe-les-deputes-discutent-du-report-des-elections//">restrictions</a> sur l'accès à Internet.</p>
<p>Le 5 février, les parlementaires ont été invités à voter une loi reportant l'élection au 15 décembre 204. Un débat long et houleux s'en est suivi. Plusieurs députés de l'opposition ont été expulsés de force de l'hémicycle, tandis que la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants rassemblés à l'extérieur du bâtiment du parlement.</p>
<p>Finalement, la décision de reporter le scrutin au mois de décembre a été adoptée en l'absence des députés de l'opposition. Un certain nombre d'entre eux <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240205-s%C3%A9n%C3%A9gal-l-assembl%C3%A9e-nationale-vote-le-report-de-la-pr%C3%A9sidentielle-des-d%C3%A9put%C3%A9s-%C3%A9vacu%C3%A9s-manu-militari">ont été arrêtés</a>.</p>
<h2>Quelles suites ?</h2>
<p>Selon moi, le Sénégal est une démocratie consolidée. Il a connu trois alternances démocratiques pacifiques du pouvoir d'un parti au pouvoir à l'opposition. </p>
<p>La situation actuelle n'est certainement pas favorable. Mais l'expérience passée suggère qu'un nouveau président pourrait encore prendre ses fonctions, qu'il soit issu du parti au pouvoir ou de l'opposition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223044/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Douglas Yates does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le Sénégal est considéré comme la démocratie la plus stable d'Afrique de l'Ouest, car il n'a jamais connu de coup d'État. Mais tous ses anciens présidents ont tenté de prolonger leur mandat.Douglas Yates, Professor of Political Science , American Graduate School in Paris (AGS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177242024-01-31T15:56:36Z2024-01-31T15:56:36ZPourquoi le salafisme attire-t-il certains jeunes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568636/original/file-20240110-15-1xi2zx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C1629%2C3535%2C2043&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quête de soi, désaffiliation sociale, besoin d'engagement : les raisons de l'adhésion au salafisme sont multiples.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/photogaphie-en-niveaux-de-gris-dun-homme-assis-sur-un-banc-en-beton-kX9lb7LUDWc">Matthew Perry/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Samedi 2 décembre 2023, un <a href="https://theconversation.com/attaques-terroristes-conflits-comment-exister-face-aux-tragedies-du-monde-215719">terroriste</a> armé d’un couteau a tué un touriste allemand et blessé deux autres personnes. Quelques semaines après <a href="https://theconversation.com/face-aux-attaques-terroristes-comment-proteger-les-enseignants-215724">l’attentat à Arras qui a coûté la vie au professeur Dominique Bernard</a>, cet événement interroge à nouveau le processus de <a href="https://theconversation.com/terrorisme-ces-individus-instables-qui-se-dopent-aveuglement-a-la-foi-ideologique-215818">radicalisation</a> qui touche certains jeunes.</p>
<p>Il souligne l’urgence de comprendre <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-soft-power-salafiste-de-larabie-saoudite-84308">l’influence grandissante du salafisme</a> en France, courant souvent au cœur des processus de radicalisation, et les ressorts de l’adhésion à cette mouvance religieuse.</p>
<p>Si l’on s’en tient aux résultats de nos <a href="https://theses.hal.science/tel-04145508v1/document">récentes recherches</a>, ce sont les jeunes adultes dont les repères sociaux et professionnels ne sont pas encore bien établis, voire incertains, qui sont attirés par le salafisme. Et c’est pour recouvrer une stabilité identitaire qu’ils empruntent parfois le chemin de l’extrémisme. Mais alors, de quoi le salafisme est-il le nom ?</p>
<p>Les salafistes, en général, cherchent à revenir aux pratiques et aux croyances des pieux « ancêtres » – désignant les générations fondatrices de l’islam appelés <em>Al Salaf Al Sâlih</em>, considérés comme les plus authentiques. Il existerait <a href="https://www.cairn.info/qu-est-ce-que-le-salafisme--9782130557982.htm">trois formes principales de salafisme</a> :</p>
<ul>
<li><p>Le salafisme quiétiste, majoritaire, prône l’ascétisme, la retraite spirituelle et l’abstention de l’engagement politique</p></li>
<li><p>Le salafisme politique aspire à établir un État islamique fondé sur la charia (loi islamique)</p></li>
<li><p>Le salafisme djihadiste, très minoritaire, considère la violence terroriste comme un moyen légitime pour imposer sa vision de l’islam.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, toutes les personnes se revendiquant du salafisme sont très rarement impliquées dans des activités violentes. Cependant, certains aspects mis en avant par cette mouvance tel que le principe d’<em>Al-wala’ wal-bara</em> (« allégeance et désaveu ») ont pour effet d’encourager la distance sociale voire le séparatisme. Un séparatisme pouvant prendre la forme d’une désempathie ou d’une déshumanisation des autres.</p>
<h2>Pourquoi le salafisme « fait sens » pour certains jeunes ?</h2>
<p><a href="https://theses.hal.science/tel-04145508v1/document">L’enquête que nous avons menée en 2019</a> dans le cadre d’une recherche en sociologie permet de comprendre pourquoi le salafisme attire certains jeunes. À ce sujet, trois dimensions ont été révélées par nos observations :</p>
<ul>
<li><p>une quête identitaire</p></li>
<li><p>une vision du monde structurée et un mode de vie clair</p></li>
<li><p>une volonté de se démarquer et de se sentir appartenir à une communauté</p></li>
</ul>
<p>Autrement dit, l’attraction pour le salafisme trouve son origine dans sa capacité à proposer un modèle social alternatif. En fournissant des repères moraux et existentiels ; il constituerait une réponse à la <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2023-1-page-65.htm">crise d’identité et de valeurs éprouvée par ces jeunes en quête de sens</a>. En offrant une alternative radicale à une culture dominante sécularisée, mue par l’individualisme, le salafisme s’apparente, pour certains, à un sanctuaire psychique. Les propos du jeune Othmâne, l’un de nos enquêtés, sont à cet égard éloquents :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai trouvé dans l’Islam ce que je ne trouvais pas dans les autres religions… Une communauté d’accueil, une communauté chaleureuse et disponible pour moi, des frères qui me guident et me conseillent dans ce que je veux faire… C’est dans cette chaleur humaine que mon vide a été comblé et que ma vie a totalement changé <em>Hamdoulillah</em> (Dieu merci). »</p>
</blockquote>
<p>Le salafisme semble séduire en premier lieu parce qu’il offre l’occasion d’un ancrage existentiel pour ces jeunes dont l’identité n’est pas encore bien établie. Ensuite, en procurant un sentiment d’appartenance et de communauté, il constitue un bouclier contre une <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_societe_du_mepris-9782707153814">société perçue et vécue comme méprisante</a>. En d’autres termes, cette mouvance religieuse offre l’occasion d’une appartenance à une communauté de valeurs et de pratiques. Elle nourrit un sentiment de cohésion et, par ricochet, de sécurité psychique. Ces jeunes trouvent donc dans cette voie un refuge contre le sentiment d’exclusion, d’assignation à <a href="https://theses.hal.science/tel-04145508v1/document">résidence identitaire et géographique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/terrorisme-ces-individus-instables-qui-se-dopent-aveuglement-a-la-foi-ideologique-215818">Terrorisme : ces individus instables qui se dopent aveuglement à la foi idéologique</a>
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<p>Précisons aussi que les réseaux sociaux et la propagande en ligne jouent un rôle non négligeable dans ce processus d’adhésion : les <a href="https://www.cairn.info/revue-quaderni-2017-3-page-29.htm">jeunes y trouvent un soutien et une validation de leurs croyances</a>. À noter également que la frustration face aux difficultés économiques, aux discriminations ou à l’absence d’opportunités peut <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-fabrique-de-la-radicalite-laurent-bonelli/9782021397932">conduire certains à rechercher dans le salafisme un espace de rébellion</a>. Comme on peut le voir, les jeunes les plus vulnérables constituent des proies faciles.</p>
<h2>Proposer un contre-horizon</h2>
<p>En explorant la question de la perte de sens, le sociologue et philosophe allemand <a href="https://www.philomag.com/philosophes/hartmut-rosa">Hartmut Rosa</a> offre un perspective précieuse pour appréhender les questions existentielles dans les sociétés modernes.</p>
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<p>Dans son ouvrage <a href="https://editions.flammarion.com/remede-a-l-acceleration/9782080241900"><em>Remèdes à l’accélération</em></a>, il montre comment la vie moderne se caractérise par une accélération constante qui impacte tous les aspects de l’existence. Ces changements, de plus en plus rapides, affectent en premier lieu la relation à soi, à son bien-être et, plus largement, aux autres.</p>
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<p>Dans cet ouvrage, Rosa interroge les notions d’autonomie, de progrès, le rapport au temps et, surtout, la notion de résonance comme une forme de relation au monde susceptible de se prémunir des écueils du phénomène d’accélération. Selon le sociologue, la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/resonance-9782707193162">résonance</a> se produit lorsque les individus établissent des connexions significatives avec leur environnement humain, physique et – point important ici – transcendantal.</p>
<p>Par ailleurs, pour donner à voir les alternatives à la modernité, l’auteur distingue trois types de sujets : les surfeurs, les dériveurs et celui qui cherche un ancrage existentiel. Et c’est précisément de ce dernier groupe que peuvent émerger les comportements terroristes.</p>
<ul>
<li><p>Le surfeur est celui qui saute de vague en vague, essayant de déchiffrer et maîtriser les éléments sans y parvenir. Tout comme Sisyphe, il est condamné à la répétition et donc à ne jamais accéder au repos et au bien-être.</p></li>
<li><p>Le dériveur, quant à lui, balloté de toute part, navigue sans amer dans un océan dépourvu de havres de paix. Ce faisant, il est condamné à l’errance.</p></li>
<li><p>En contraste du surfeur et du dériveur, le troisième type de sujet est celui qui, en quête de stabilité, pour échapper à l’accélération, cherche à jeter l’ancre pour se (re)poser.</p></li>
</ul>
<p>C’est alors que les groupes terroristes (au sens large) apparaissent comme des rives stables et sécurisantes pour ces jeunes en quête d’existence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des chercheurs se sont penchés sur les raisons pour lesquelles les jeunes Français sont séduits par le salafisme. Une quête de sens existentielle semble être leur principal moteur.Djamel Bentrar, CTER à l'IUT du Mans, Le Mans Université, Le Mans UniversitéOmar Zanna, Sociologue, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2214512024-01-29T15:49:25Z2024-01-29T15:49:25ZLe rétrécissement de l’imaginaire politique<p>La composition du gouvernement Attal a suscité chez les éditorialistes des interrogations sur un déficit de « poids lourds » dans le vivier des ministrables, propos qui fait écho à ce qui est perçu comme un manque de figures qui « impriment » véritablement chez les Républicains et à la difficile relève des présidentiables au sein de la France insoumise. Les élus seraient-ils moins talentueux qu’hier ?</p>
<p>Évitons la nostalgie d’un imaginaire âge d’or. Une approche plus sociologique des doutes qui visent de façon croissante les professionnels de la politique pourrait nous aider à questionner certaines perceptions. Cette perception notamment que les hommes et les femmes engagés en politique disposent d’une capacité d’innovation anesthésiée et produisent plus d’effets d’annonce que de changements</p>
<h2>Un rétrécissement social</h2>
<p>Le recrutement du personnel politique n’a jamais été le décalque de la diversité sociale. Il y a aujourd’hui aux échelons ministériel et parlementaire un remarquable élitisme. Agriculteurs et artisans-commerçants, ouvriers et employés représentaient moins de 7 % des députés élus en 2012 pour 57 % de cadres et professions intellectuelles supérieures et 16 % de collaborateurs d’élus. Ce dernier chiffre est important. La biographie de candidats à la présidentielle pouvait rendre visible que certains d’entre eux comme <a href="https://www.europe1.fr/politique/en-dehors-de-la-politique-quont-fait-les-candidats-a-la-presidentielle-3009467">François Fillon ou Benoît Hamon</a> n’avaient jamais exercé de métier hors de la politique ou d’activités liées.</p>
<p><iframe id="oHq5I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oHq5I/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais, comme l’a montré un renouveau des travaux de <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/metier-depute/">sociologie des élus</a>, le poids croissant de trajectoires marquées par l’insertion dès la fin des études dans le périmètre des métiers liés à la politique – collaborateurs d’élus, membre de cabinets ministériels – révèle une dynamique de clôture. Les travaux de l’équipe stéphanoise du <a href="https://www.centre-max-weber.fr/Presentation">Centre de recherches et d’études sociologiques appliquées de la Loire (CRESAL)</a> invitent à relier cela aux liens défaits entre mondes associatifs et partisans.</p>
<p>Jusqu’aux années 1980, de multiples connexions reliaient partis et tissus associatifs chrétien, laïc ou communiste. Mais l’<a href="https://www.cairn.info/la-fin-des-militants--9782708232822.htm">affaiblissement de ces réseaux</a> a restreint les lieux de recrutement. On peut penser à la fonction de vivier de militants remplie hier par les mouvements de jeunesse chrétiens (<a href="https://www.erudit.org/fr/revues/recma/2015-n338-recma02157/1033879ar/">JEC</a>, <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/60437">JOC</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-paysan-et-societe-2020-2-page-21.htm">JAC</a>) et au rôle des <a href="https://www.fdal.fr/histoire-des-amicales-laiques/">Amicales Laïques</a>.</p>
<p>Cela s’est accompagné d’une graduelle <a href="https://www.cairn.info/sociologie-des-mouvements-sociaux--9782707169358-page-70.htm">dépréciation de la figure du militant</a>, moins identifié au don de soi et à l’adhésion à des idéaux que perçu comme dogmatique, naïf ou suspect de « trop » croire quand la réussite en politique supposerait de s’adapter promptement à ce que seraient tendances de l’opinion et exigences de la communication.</p>
<p>Le financement public des partis fait d’ailleurs que les cotisations et l’énergie des militants sont moins nécessaires puisqu’on peut faire campagne en rémunérant des spécialistes pour organiser une campagne en ligne ou un prestataire pour de l’affichage.</p>
<p>Il est devenu banal d’être sollicité dans une rue piétonne par des militants d’organisations écologistes ou caritatives : que veulent-ils ? Une signature et un relevé d’identité bancaire qui ajoutera aux effectifs une adhérente. Celle-ci ne risque guère de jamais contrarier la hiérarchie, puisque sa seule action sera de verser quelques euros chaque mois. La perception du parti comme tremplin à carrières, vidé de sociabilités chaleureuses a ainsi provoqué depuis les années Mitterrand <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2022-5-page-867.htm">l’exode des militants ouvriers et populaires</a> au Parti socialiste.</p>
<p>Exit alors ce que le vocabulaire politique américain nomme « grass-rooted party », un parti enraciné dans le monde social ordinaire. Faut-il être ouvrier ou infirmier pour concevoir de bonnes politiques sociales ou sanitaires ? Pas forcément. Mais l’absence d’expérience sensible et le confinement dans un entre-soi élitiste, n’y aident pas et ne facilitent pas l’empathie qui est une ressource en politique. C’est ainsi que se bâtit un « bestiaire » social peuplé de <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/people/la-polemique-sur-les-sans-dents-en-cinq-actes_691461.html">« sans-dents »</a>, de <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2017/07/03/31001-20170703ARTFIG00167-les-gens-qui-reussissent-et-les-gens-qui-ne-sont-rien-ce-que-revele-la-petite-phrase-de-macron.php">« gens qui ne sont rien »</a> ou – selon le mot de Benjamin Griveaux – <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/pour-griveaux-wauquiez-est-le-candidat-des-gars-qui-fument-des-clopes-et-qui-roulent-au-diesel-3788789">« de gars qui fument des clopes et roulent au diesel »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les députés nous ressemblent-ils ? France Culture, octobre 2021.</span></figcaption>
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<h2>Rétrécissements idéologiques et intellectuels</h2>
<p>La vivacité des débats à l’Assemblée nationale depuis 2017 a fait parler de <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2020-1-page-215.htm">repolarisation</a>. Mais la tendance première ne demeure-t-elle pas à un rétrécissement de l’espace des politiques pensables ? Les élus aux trajectoires et scolarités peu diverses, intérioriseraient que la politique, soumise aux lois d’airain d’une économie mondialisée, n’aurait que de modestes marges ?</p>
<p>Max Weber dans son texte fameux sur <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1960_num_15_1_421754_t1_0180_0000_3">« La vocation d’homme politique »</a> évoquait la « passion » d’un « objet à réaliser » comme sens du politique. Dans les faits, la modeste taille des « objets » réalisés déçoit les électeurs et les éloigne des partis politiques dits « de gouvernement ». Elle nourrit le désenchantement démocratique qu’exprime l’abstention. Elle donne une force d’attraction a ceux qui promettent d’en finir avec la « caste », ou les « élites mondialistes », force redoublée par les stratégies demi-habiles qui entendent exorciser le danger d’extrême droite en s’emparant de son lexique, puis de ses projets.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-rn-est-il-devenu-un-parti-comme-les-autres-201690">Le RN est-il devenu un parti comme les autres ?</a>
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<p>Rétrécissement culturel et intellectuel enfin : non que les responsables politiques soient sans culture, mais parce que leur rapport à la culture a évolué. Leur savoir est aujourd’hui plus lié à la gestion, aux technologies de gouvernance <a href="https://www.lefigaro.fr/culture/2014/10/28/03004-20141028ARTFIG00244-modiano-fleur-pellerin-fait-honte-a-la-france.php">qu’aux humanités</a> et plus encore aux sciences sociales.</p>
<p>Les politiques lisent… jusqu’à être accablés des piles de dossiers techniques, de « notes » remarquablement synthétiques mais souvent produites par des collaborateurs sans expérience sensible des enjeux traités, dans l’illusion que quelques pages peuvent donner diagnostic et solutions.</p>
<p>L’énorme masse d’enquêtes et d’analyses issues des sciences sociales qui pourrait donner, non pas les solutions, mais une intelligence fine des chaînes causales et d’autres conceptualisations des enjeux leur est fort peu familière. Selon une source au sein de la communauté universitaire, après les tueries de <em>Charlie Hebdo</em> et de l’Hyper Cacher en 2015, la ministre des universités s’était alarmée d’un déficit de recherches sur l’Islam et la radicalisation. La direction du CNRS lui a aussitôt fourni une importante bibliographie de travaux universitaires financés par ses services, mais jamais lus par les décideurs, plus attentifs aux diagnostics simples d’experts médiatiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/troubles-psy-et-radicalisation-quelques-enseignements-du-centre-de-deradicalisation-de-pontourny-158841">Troubles psy et radicalisation : quelques enseignements du centre de déradicalisation de Pontourny</a>
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<h2>Nez collés dans le présentisme</h2>
<p>Être un professionnel de la politique aujourd’hui c’est aussi être immergé dans un monde marqué par l’urgence, le conflit et le stress. Le sentiment d’« en être », de décider et régir peut-être gratifiant. Il se paie cher. Même en supposant un peu de complaisance dans leurs récits, des élus rédigeant leurs mémoires ont su <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/Jours-de-pouvoir">rendre sensibles ces rythmes épuisants</a>, ces constantes tensions et des films comme « L’exercice de l’état » lui donnait chair.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’exercice de l’État.</span></figcaption>
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<p>Des travaux récents sur les emplois du temps d’élus objectivent ces vies colonisées par des <a href="https://books.openedition.org/pur/72302">déplacements, rituels, dossiers et réunions</a>, par la contrainte de manifester qu’on agit, ou du moins d’en produire les signes. À des niveaux élevés de responsabilité, la vie politique est aussi un univers d’une intense conflictualité, marqué par la contrainte d’anticiper les menaces, de surveiller ennemis comme amis, de gérer les gaffes ou les « affaires », de surveiller et d’entretenir sa popularité sondagière.</p>
<p>La présence en France de quatre chaînes d’information en continu, sans cesse en quête de ce qui fera événement à peu de frais en fait de redoutées machines à ériger en fait du jour une bourde, à feuilletoner une affaire un peu consistante. Voilà qui oblige en retour les élus à dédier un fort budget-temps à une activité de déminage que Jéremie Nollet appelle un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/16279">« travail politique orienté vers les médias »</a>, dans lesquels il faut désormais inclure les réseaux sociaux.</p>
<p>Si tout cela invalide le cliché de fonctions politiques qui ne seraient que prébende et privilèges pour des élus peu assidus, en ressort aussi la question de ce que Bourdieu appelait la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/meditations-pascaliennes-pierre-bourdieu/9782020320023">Skholé</a>, ce temps sinon libre, du moins apaisé et disponible qui permet d’observer et d’enquêter, d’écouter et de réfléchir. Il n’est pas excessif de suggérer qu’il est pour le moins rare, d’autant plus inaccessible qu’on est aux affaires. Or une politique démocratique attentive à l’état de la société, des décisions innovantes et acceptables supposeraient ces moments de recul.</p>
<h2>Gulliver entravé</h2>
<p>Saisir les singularités de l’activité politique aujourd’hui c’est encore penser les gouvernants comme Gulliver, le personnage de Jonathan Swift, si ce n’est que les multiples fils et câbles d’interdépendances qui contraignent les décideurs ne sont plus le fait de minuscules lilliputiens.</p>
<p>Gouverner en 2024, c’est agir à l’ombre et sous la contrainte d’institutions supranationales (Union européenne, OMC, BCE). C’est dépendre des « marchés » pour des politiques économiques ou énergétiques, se confronter à la puissance d’acteurs économiques capables de peser sur le contenu des législations (industries de l’agrochimie concernant le glyphosate par exemple) ou de les contourner comme l’illustre tant le rapport à l’impôt ou encore la modération des contenus <a href="https://matheo.uliege.be/bitstream/2268.2/14225/4/CARABIN%20Florine%20M%C3%A9moire%20Droit-Gestion.pdf">par les GAFAM en Europe</a>.</p>
<p>Être ministre quand la rotation sur certains postes se traduit par une <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/le-vrai-du-faux-la-duree-de-vie-d-un-ministre-est-de-18-mois_1837169.html">présence de quelques semestres</a> c’est encore être confronté à une administration plus au fait des dossiers que celui ou celle censée la diriger. Dans <a href="https://www.fayard.fr/livre/verbatim-9782213594248/"><em>Verbatim</em></a>, Jacques Attali reproduit à la date du 26 décembre 1984 une notation accablée du président Mitterrand sur un ministre visiblement « parlé » par sa direction du Trésor : « Je refuse de croire que Pierre Bérégovoy a rédigé lui-même cette lettre qu’il a signé »</p>
<p>Mieux valait – et pas seulement en politique ! – commencer par se demander en quoi institutions et mécanismes sociaux peuvent stériliser talents et engagements, clore le pensable. Mais comprendre ce qui rétrécit l’imaginaire et l’action c’est aussi discerner des leviers de changement : déprofessionnaliser la politique, faire des travaux scientifiques un vrai aliment de la délibération politique, ouvrir les fenêtres vers des citoyens <a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/">plus réflexifs qu’on ne le croit</a> et explorer – <a href="https://www.youtube.com/watch?v=d7rjqyI2KGs">comme y invite l’économiste Julia Cagé</a> – des mécanismes qui diversifient le recrutement social des élus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221451/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Erik Neveu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre absence de grandes figures et rétrécissement du possible, quelles sont les raisons du désenchantement de la politique ?Erik Neveu, Sociologue, Université de Rennes 1 - Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213242024-01-22T15:19:40Z2024-01-22T15:19:40ZL’enseignement musulman sous contrat dans le viseur des pouvoirs publics français<p>Les affaires récentes concernant l'établissement catholique <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/stanislas-et-l-affaire-oudea-castera">Stanislas</a> à Paris et le lycée musulman <a href="https://www.marianne.net/societe/education/rapport-elogieux-manquements-graves-comment-les-autorites-ont-navigue-a-vue-sur-le-lycee-averroes">Averroès</a> de Lille prouvent que l’enseignement confessionnel sous contrat reste un sujet de controverses politiques et médiatiques.</p>
<p>En août 2021, les parlementaires français votent <a href="https://www.seine-maritime.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Securite-et-Defense/Securite-publique/Lutte-contre-la-radicalisation-et-le-terrorisme/Loi-du-24-aout-2021-confortant-le-respect-des-principes-de-la-Republique-loi-CRPR/Loi-n-2021-1109-du-24-aout-2021-confortant-le-respect-des-principes-de-la-Republique-loi-CRPR#:%7E:text=La%20loi%20n%C2%B02021,Mureaux%20le%202%20octobre%202020.">la loi confortant les principes de la République</a>, créant un nouveau délit de séparatisme et instaurant un contrôle renforcé sur les établissements scolaires confessionnels hors contrat et sous contrat, notamment « musulmans ».</p>
<h2>Le cas emblématique du lycée Averroès</h2>
<p>C’est dans ce contexte que le préfet du Nord Georges-François Leclerc a annoncé le 8 décembre dernier <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/11/a-lille-le-lycee-averroes-de-l-excellence-a-la-chute_6205111_3224.html">la résiliation du contrat d’association</a> qui lie le lycée Averroès à l’État, invoquant entre autres des dysfonctionnements administratifs majeurs, des financements illicites et des contenus pédagogiques non conformes aux principes républicains, points qui ne figurent pourtant pas dans <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/lycee-musulman-averroes-syndicats-politiques-directeur-de-grande-ecole-tour-d-horizon-des-soutiens-affiches-2884994.html">les différents rapports d'inspection</a>.</p>
<p>Ouvert à Lille en 2003, il s’agit du plus ancien des trois lycées musulmans contractualisés par l’État en France métropolitaine. La mobilisation de moyens financiers, humains et administratifs consistants lui a permis de s’imposer rapidement comme un établissement scolaire d’excellence. Classé <a href="https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/France/Le-lycee-musulman-Averroes-de-Lille-meilleur-lycee-de-France-2013-03-28-926203">meilleur lycée de France</a>, puis <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1309270/article/2023-03-29/lille-averroes-et-faidherbe-dans-le-top-3-des-lycees-de-la-region">de la région</a>, la décision préfectorale prend donc une valeur fortement symbolique et politique.</p>
<p>Depuis sa création, ce lycée a déjà connu plusieurs épisodes intenses de <a href="https://www.liberation.fr/societe/2015/02/05/pourquoi-j-ai-demissionne-du-lycee-averroes_1196424/">controverses</a>. Au niveau local, l’extrême droite puis la droite se sont régulièrement opposées à son financement public, mettant en avant <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1271299/article/2022-12-26/subventions-regionales-le-conseil-d-etat-tranche-en-faveur-du-lycee-averroes">ses liens financiers (avérés et bien légaux) avec le Qatar</a>.</p>
<p>Mais le cas Averroès ne pose pas tant <a href="https://www.cairn.info/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-nouvelle-2020-1-page-11.htm">la question anciennement portée par le camp laïque</a> de la fin du financement de l’enseignement privé. Il interroge fondamentalement la possibilité pour des établissements musulmans — derniers arrivés dans le paysage de l’enseignement confessionnel —, de bénéficier des mêmes <a href="https://www.boutique-dalloz.fr/l-ecole-et-la-republique-p.html">« accommodements »</a> que les autres cultes. Au-delà de cela, il questionne la tolérance par les pouvoirs publics d’organisations islamiques (c’est-à-dire se référant à l’islam) autonomes dans le champ social français.</p>
<h2>Un système d'aides publiques qui n'a cessé de se renforcer</h2>
<p>Le financement public du secteur d’enseignement privé est le point crucial de l’approche de la laïcité qui s’est déployée sous la Vème République. Il scelle le contrat d’association instauré par <a href="https://books.openedition.org/pur/109889?lang=en">la loi Debré (1959)</a> entre l’État et les établissements d’enseignement privé qui le demandent.</p>
<p>Ce contrat permet le versement de fonds publics aux écoles privées moyennant le respect des règles et des programmes de l’enseignement public et l’accueil de tous les élèves sans discrimination. <a href="https://www.boutique-dalloz.fr/l-ecole-et-la-republique-p.html">Ce régime d’accommodement </a> a longtemps suscité l’ire des militants pour le service public unifié et laïque de l’Éducation nationale qui y voient une grave atteinte à l’interdiction du financement public des religions posée par la loi de 1905, dont le point culminant de la mobilisation a été les manifestations de 1984 pour la défense de <a href="https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000005866/la-mobilisation-des-partisans-de-l-ecole-privee-provoque-l-echec-de-la-loi-savary.html">la version initiale de loi Savary</a>.</p>
<p>Cependant, ce système d’aide n’a cessé de se renforcer. Les financements publics versés par l’État et les collectivités territoriales représentent aujourd’hui <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/06/02/enseignement-prive-8-milliards-de-fonds-publics-et-pas-de-controles/">73 % des dépenses de fonctionnement des établissements sous contrat</a>. Ces subventions atteignent annuellement environ 8 milliards d’euros, <a href="https://www.lgdj.fr/l-ecole-et-la-republique-9782247221158.html">soit 14 % du budget total de l’Éducation nationale</a>. Elles bénéficient d’abord aux établissements catholiques, très majoritaires parmi les établissements privés.</p>
<p>La légitimation du dispositif de la loi Debré s’est complexifiée avec le temps. Argumentée au départ par les besoins scolaires et la liberté d’éducation, l’existence d’un secteur d’enseignement privé financé par l’État est devenue dans les années 2000 un appui à la mise en œuvre d’une <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/05/25/seize-propositions-dans-le-rapport-sur-la-laicite-de-francois-baroin_4262905_1819218.html">« nouvelle laïcité »</a> exigeant des élèves <a href="https://www.senat.fr/seances/s200403/s20040302/s20040302003.html#int996">en établissement public</a> qu’ils et elles n’arborent aucun signe ostensible de leur affiliation religieuse.</p>
<p>Lors du vote de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000417977">la loi du 15 mars 2004</a> interdisant aux élèves, « en application du principe de laïcité », le port de signes et tenues manifestant ostensiblement une religion, la possibilité pour les élèves voilées exclues de rejoindre des établissements privés a été présentée comme <a href="https://esprit.presse.fr/article/patrick-weil/lever-le-voile-7559">un gage de leur liberté de conscience</a>.</p>
<h2>Des contrôles inégaux</h2>
<p>La question du contrôle des établissements sous contrat a été soulevée périodiquement. Dans un <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lenseignement-prive-sous-contrat">rapport paru en 2023</a>, la Cour des comptes estime que celui prévu par la législation, est au mieux minimaliste (du côté pédagogique), au pire inappliqué (concernant le financier).</p>
<p>Nos recherches nous amènent à nuancer ce constat : <a href="https://www.theses.fr/2021UPSLP080">les modalités de contrôle varient</a> considérablement <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01416200.2022.2131735">d’un réseau à l’autre</a>. Du côté de l’enseignement catholique, les inspections suivent en gros le rythme de celles qui sont réalisées dans le public <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lenseignement-prive-sous-contrat">(dans le cadre des trois « rendez-vous de carrière » des enseignants)</a>. En outre, ces établissements peuvent choisir sur des critères scolaires les élèves qu’ils accueillent. Cette sélection sur le niveau correspond peu ou prou à un tri social, ce qui aggrave <a href="https://laviedesidees.fr/Enseignement-prive-et-segregation-scolaire">la structure ségrégative du système scolaire français</a>. </p>
<p>Les collèges sous contrat scolarisent moins de 17 % d’élèves d’origine sociale défavorisés et concentrent 40 % d’élèves très favorisés, proportions qui sont <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/13/mixite-sociale-a-l-ecole-pap-ndiaye-face-a-la-delicate-implication-de-l-enseignement-prive_6169320_3224.html">strictement inverses dans le public</a>. En 2022, le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye a <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/mixite-sociale-a-l-ecole-l-enseignement-prive-catholique-signe-un-protocole-finalement-peu-contraignant_5829536.html">renoncé à imposer des obligations de mixité sociale</a> à l’enseignement catholique qui y était très hostile.</p>
<p>En raison des réticences des responsables administratifs et communautaires, l’enseignement juif a quant à lui historiquement été peu inspecté, malgré des entorses au contrat <a href="https://www.lgdj.fr/l-ecole-et-la-republique-9782247221158.html">bien documentées</a>. Il n’est pas rare que <a href="https://books.openedition.org/pur/109985?lang=fr">les établissements juifs</a> sélectionnent leurs élèves sur des critères religieux ou communautaires. </p>
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<p>L’enseignement musulman est à l’inverse <a href="https://www.theses.fr/265451752">très contrôlé</a>, qu’il s’agisse <a href="https://doi.org/10.1177/09571558221151001">des établissements hors contrat</a> (on compte environ 70 groupes scolaires musulmans ayant moins de dix ans d’existence), ou des rares établissements contractualisés partiellement (en métropole, aucun ne l’est pour l’ensemble de ses classes). À ce titre, l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche notait <a href="https://static.blast-info.fr/attachments/stories/2023/gS9HjS-QQnumCrLXl7NLOw/attachment-kaCAkdjcQz2hkp2n1H3ixA.pdf">en 2020</a> que treize inspections d’enseignants avaient été menées au sein du lycée Averroès depuis 2015, « ce qui doit en faire l’établissement le plus contrôlé de l’académie, sans que jamais aucune remarque défavorable n’ait été formulée à l’encontre des pratiques enseignantes observées ».</p>
<h2>De la surveillance à la sujétion de l’islam : une tendance lourde</h2>
<p>Si les écoles musulmanes ont initialement été conçues par leurs promoteurs ainsi que par les pouvoirs publics, comme une solution au « problème du voile à l’école », force est de constater qu’elles sont devenues aujourd’hui un nouveau problème public. Les attentats de 2015 ont porté <a href="https://journals.openedition.org/lectures/58369">le soupçon sur ce secteur</a>. </p>
<p>Bien qu’il n’existe aucun lien connu entre ces établissements et le terrorisme islamiste, les gouvernements successifs ont depuis lors cherché à restreindre l’ouverture d’établissements privés musulmans. Trois lois - <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036798673/">la loi Gatel du 13 avril 2018</a>, <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/269264-loi-ecole-de-la-confiance-du-26-juillet-2019-loi-blanquer">la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019</a> et <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/277621-loi-separatisme-respect-des-principes-de-la-republique-24-aout-2021">la loi « séparatisme » du 24 août 2021</a> - ont accru leurs contrôles.</p>
<p>La suppression du contrat d’association du lycée Averroès, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/16/la-decision-de-deconventionner-le-lycee-averroes-a-lille-est-inequitable-et-disproportionnee_6206186_3232.html">dénoncée par certains observateurs comme inéquitable et disproportionnée</a> est à resituer dans l’ensemble plus vaste des dispositions qui tendent aujourd’hui à disperser les collectifs islamiques et à dévitaliser les institutions qu’ils tentent d’édifier.</p>
<p>La dissolution en janvier 2022 <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/09/25/le-conseil-d-etat-valide-la-dissolution-du-ccif-et-de-barakacity_6095981_3224.html">du Collectif contre l’islamophobie en France</a>, structure associative dédiée à la défense juridique des victimes, partenaire de plusieurs organisations internationales de défense des droits humanitaire en est un exemple. Le remplacement du Conseil français du culte musulman établi en 2003 avec une certaine autonomie par des <a href="https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Actualites/Assises-territoriales-de-l-Islam-de-France-lancement-de-la-concertation">Assises départementales de l’islam</a> dont les membres sont choisis par les préfets en est un autre. Autant de décisions qui témoignent d’une politique résolue d’affaiblissement des capacités d’organisation autonome de l’islam en France.</p>
<p>De manière générale, les établissements musulmans qui demandent à s’inscrire dans la continuité du service public par le biais du contrat obtiennent <a href="https://www.millenaire3.com/Interview/2018/les-difficultes-d-ouvrir-une-ecole-confessionnelle">rarement une réponse positive</a>. Au nom de la lutte contre le séparatisme islamiste, on en vient à entraver le développement d’un secteur d’enseignement privé musulman sous contrat qui, outre ses performances scolaires et sa conformité à <a href="https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2013-1-page-35.htm">la rhétorique méritocratique républicaine</a>, est très étroitement contrôlé par les autorités de tutelle tout en envoyant aux musulmans un message de reconnaissance de leur légitimité à exister en France en tant que tels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221324/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Geisser est membre de organisation. Président du Centre d'information et d'études sur les migrations internationales (CIEMI, Paris)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carol Ferrara et Françoise Lorcerie ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les écoles musulmanes ont initialement été conçues par leurs promoteurs ainsi que par les pouvoirs publics comme une solution au « problème du voile à l’école .»Françoise Lorcerie, Professeure, Aix-Marseille Université (AMU)Carol Ferrara, Anthropologist & Assistant Professor, Department of Marketing Communication, Emerson CollegeVincent Geisser, Sociologue, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208562024-01-22T10:08:18Z2024-01-22T10:08:18ZTchad: les défis qui attendent le Premier ministre Succès Masra<p>Le 1er janvier 2024, l'opposant et président du parti Les Transformateurs, Succès Masra, a été <a href="https://www.jeuneafrique.com/1520538/politique/au-tchad-succes-masra-nomme-premier-ministre/">nommé Premier ministre</a> par Mahamat Idriss Déby Itno, le président de transition en remplacement de <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/c0w5nyzxl3wo">Saleh Kebzabo</a>, ex-opposant lui aussi au régime des Déby. Kebzabo est l’un des artisans de <a href="https://www.eeas.europa.eu/eeas/tchad-d%C3%A9claration-de-la-porte-parole-sur-l%E2%80%99accord-de-doha_fr">l’accord de Doha</a> dont la nomination au poste de Premier ministre avait été perçue comme une récompense pour services rendus au régime.</p>
<p>Le discours de cet ancien opposant tchadien a objectivement changé dès son retour d’exil. Un changement de stratégie qui n’a pas plu à une grande partie de ses alliés qui ont préféré garder leur position. A titre d’exemple, pendant les derniers jours de la <a href="https://www.jeuneafrique.com/1520258/politique/au-tchad-la-nouvelle-constitution-definitivement-adoptee-et-promulguee/">campagne référendaire</a> du 17 décembre 2023, Succès Masra a appelé ses partisans à voter oui. Pourtant, il a boycotté le dialogue national qu'il a qualifié de <a href="https://lendjampost.com/dialogue-national-succes-masra-menace-de-passer-a-une-vitesse-superieure/">monologue</a>. Aujourd'hui, il doit appliquer les conclusions de ce même dialogue. C'est d'ailleurs ce paradoxe qui caractérise sa nouvelle approche politique.</p>
<p>L'exil de Masra faisait suite à la chasse aux sorcières lancée par le régime en place contre les hauts cadres de son parti politique ainsi que les autres organisateurs (société civile, <a href="https://www.dw.com/fr/wakit-tama-le-mouvement-tchadien-qui-appelle-%C3%A0-manifester-ce-samedi/a-56934129">Wakit Tama</a>) suite à la <a href="https://www.jeuneafrique.com/1387229/politique/tchad-pourquoi-les-manifestations-du-20-octobre-ont-tourne-au-drame/">manifestation sanglante</a> du 20 octobre 2022 contre la prorogation de la transition pour une période supplémentaire de 18 mois. L'opposant avait alors qualifié cette décision de processus de la <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/tchad-lopposant-succ%C3%A8s-masra-nomm%C3%A9-premier-ministre-/3097519">succession dynastique</a> au sommet du pouvoir.</p>
<p>Tout compte fait, cette nomination est un virage à 180 degrés pour celui qui était devenu, depuis quelques temps, l’opposant farouche des Déby. Cette nomination oscille entre réalisme politique de l’un et un coup de poker de l’autre. Elle ressemble à un pari difficile à l’approche de la présidentielle à haut risque et avec plusieurs enjeux et défis. Elle suscite en même temps <a href="https://cameroonvoice.com/actualite/2024/01/04/succes-masra-un-mauvais-genie-a-la-primature/">des critiques </a> au sein de son propre parti, au sein de l'opinion tchadienne, surtout dans la classe politique, mais aussi au niveau africain et de la diaspora.</p>
<p>Cette nomination intervient à moins de 8 mois de l’élection présidentielle qui devrait mettre fin à la transition entamée en avril 2021 après <a href="https://www.courrierinternational.com/article/inconnu-tchad-deby-est-mort-et-maintenant-le-chaos">le décès brutal d'Idriss Déby Itno</a> (père du président de Transition), selon le calendrier issu du dialogue national. Elle fait également suite au retour d’exil de Succès Masra, le 3 novembre 2023, après <a href="https://fr.africanews.com/2023/11/01/tchad-signature-dun-accord-entre-lopposition-et-le-pouvoir//">l’accord de réconciliation de Kinshasa </a>du 31 octobre. </p>
<h2>De l'opposition à l'exil</h2>
<p>Visé par un mandat d’arrêt international, Succès Masra a réussi à nouer des contacts avec plusieurs partenaires du Tchad qui œuvrent pour la résolution de cette crise interne. Il s'est s’attaché les services de cabinets de lobbying occidentaux afin de plaider sa cause à Washington, Paris, Kinshasa, Bruxelles, etc. Sa stratégie a été payante. Elle a joué fortement en faveur de son retour au pays. En même temps, elle a crédibilisé les autorités de la Transition auprès de la communauté internationale qui serait favorable au financement de l'élection présidentielle dans le sens où, ce retour vient légitimer le caractère inclusif de la transition et parfaire le processus de la réconciliation nationale.</p>
<p>La reconnaissance de l’actuel régime par les bailleurs de fonds est l’un des objectifs des autorités de transition sous pression mais qui en même temps avaient réussi à bloquer en exil Succès Masra qui était devenu leur plus grand problème. L'exil n'était pas avantageux pour Succès Masra dont l’objectif principal était de participer à la présidentielle. Il n’avait pas d’autre choix que de saisir cette occasion qui va à contresens de son idéologie politique de départ. Mais cela devrait lui permettre de garder sa place de leader après un an d'absence sur le terrain politique en perpétuelle mutation.</p>
<h2>Les premières décisions</h2>
<p>Ceci étant, cette nomination acte un changement de paradigme qui n'a pas été <a href="https://afrique.tv5monde.com/information/tchad-la-nomination-de-succes-masra-au-poste-de-premier-ministre-une-decision-attendue">accueilli</a> comme une surprise par de nombreux Tchadiens parmi lesquels les partisans du parti les Transformateurs qui étaient conscients du climat politique en défaveur de Masra après les évenements du 20 octobre 2022. Elle a été plutôt perçue comme une décision imposée par la communauté internationale en général et la France en particulier, selon <a href="https://fr.africanews.com/2024/01/02/tchad-masra-nomme-premier-ministre-reactions-mitigees-a-ndjamena/">les avis</a> de certains Tchadiens. </p>
<p>Entre trahison, rétropédalage, changement de paradigme, coup de poker, Succès Masra n’a pas, cette fois-ci, lancé la consultation de sa base - qui lui voue une allégeance sans faille - avant d’accepter d’être nommé Premier ministre. Le soutien aveugle de ses partisans est l’une des principales forces sur laquelle il compte pour réussir sa mission de chef du gouvernement. </p>
<p>Par contre, Succès Masra va devoir faire face à des adversaires politiques qui sont constitués en grande partie de certains membres du gouvernement et de hauts cadres du pays qu'il tenaient par des mots forts pour responsables de la situation catastrophique du pays.</p>
<p>Les grands défis du <a href="https://www.rfi.fr/fr/en-bref/20240101-tchad-succ%C3%A8s-masra-nouveau-premier-ministre">nouveau Premier ministre</a>, sont, entre autres, la grève des enseignants, l’organisation d'une élection présidentielle libre et transparente. A cela s'ajoutent la résolution des problèmes courants à l'image du problème de l’énergie, de la cherté de vie, de la santé, de l’eau, l’insécurité, la corruption, de la corruption, etc. </p>
<p>Tout compte fait, le nouveau Premier ministre a réussi son baptême du feu en convaincant les syndicats d'enseignants de lever la grève en vigueur depuis deux mois. Il a également <a href="https://www.agenceecofin.com/politique/0801-115011-tchad-succes-masra-dit-renoncer-a-son-salaire-de-premier-ministre">renoncé entièrement à son salaire</a> de Premier ministre, lancé une opération de recrutement des membres de son cabinet par voie de candidature, etc. </p>
<p>Des <a href="https://www.afrique-sur7.ci/tchad-succes-masra-renonce-a-son-salaire">actes salués</a> par une grande partie de la population et qui lui ont permis de glaner de nouveaux partisans et sympathisants. Mais les grands défis restent à venir parmi lesquels, l’organisation de l’élection présidentielle.</p>
<h2>Cap sur la présidentielle</h2>
<p>Si Succès Masra a tout fait pour <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/01/tchad-l-ancien-opposant-succes-masra-nomme-premier-ministre_6208651_3212.html">rentrer au pays</a> afin d’être au centre des grands événements politiques, c’est pour un objectif bien déterminé, celui d’avoir toutes les chances de participer à l’élection présidentielle qui se profile à l'horizon. Il a choisi de briguer la magistrature suprême par la voie des urnes et semble pouvoir profiter de son statut de Premier ministre et de la position de son équipe qui a glané <a href="https://www.dw.com/fr/succ%C3%A8s-masra-premier-ministre-du-tchad-un-pi%C3%A8ge/a-67873465">quelques portefeuilles ministériels</a> afin d’organiser une élection présidentielle transparente et crédible. </p>
<p>Mais toute la question est de savoir s'il pourra atteindre son objectif face à un régime qui a su mettre en place des stratégies pour engloutir tous ses opposants les plus farouches. Le président Mahamat Idriss Déby Itno semble être le grand gagnant de cette nomination qui marque un tournant décisif dans le processus de la réconciliation nationale et une avancée notable dans sa conquête du pouvoir par les urnes. il vient d'être investi comme candidat du Mouvement patriotique du salut (MPS) pour la présidentielle. Pourra-t-il réduire l’influence de l’actuel Premier ministre en lui faisant goûter à l’une des fonctions politiques les plus élevées du pays ?</p>
<h2>Risque d'embrasement</h2>
<p>Il faut rappeler que Masra hérite d’un gouvernement en crise qui traverse une zone de turbulences, un volcan qui menace d'exploser. Bref, cette troisième phase de la transition est la dernière et vient compléter la première ayant conduit à <a href="https://www.state.gov/translations/french/signature-par-le-tchad-dun-accord-de-paix-a-doha/">l'accord de Doha</a> entre le gouvernement et les politico-militaires suite au dialogue national et la deuxième dont l'aboutissement a été l'organisation du référendum et la mise en place d'une nouvelle Constitution. Elle pourrait aller dans tous les sens en cas de rupture de l’accord de Kinshasa dont on ne connaît pas tous les contours. </p>
<p>Le signe d’un bras de fer au niveau de l’État menace avec une sorte de bicéphalisme. Il y a un risque d’embrasement futur si l’élection présidentielle ne se passe pas de façon régulière. Le non-respect de l’accord de Kinshasa par par une partie pourrait déboucher sur une crise qui peut plonger tout le pays dans un nouveau cycle la violence dont les signes sont visibles. Le climat d'insécurité et de tensions socio-politiques dans lequel se trouve actuellement le pays et surtout la position du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT), le mouvement politico-militaire tenu pour responsable de <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/direct-le-president-tchadien-idriss-deby-est-mort-un-conseil-militaire-dirige-par-son-fils">la mort de Déby</a>, de pas participer au processus de transition, montrent à suffisance le risque que comporte cette dernière phase.</p>
<p>Les deux hommes les plus forts du pays aujourd’hui visent la magistrature suprême tout en sachant que le code électoral n’est pas encore établi pour <a href="https://www.dw.com/fr/succ%C3%A8s-masra-premier-ministre-du-tchad-un-pi%C3%A8ge/a-67873465">déterminer les règles</a> du jeu, y compris la mise en place de l'Agence nationale de gestion des élections (Ange), l’organe qui va s’occuper de l’élection présidentielle. Telles sont les sujets sur lesquels des dissensions peuvent surgir et mettre à mal le processus électoral tout entier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bourdjolbo Tchoudiba does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Entre trahison, rétropédalage, changement de paradigme, coup de poker Succès Masra n’a pas consulté la base comme d’habitude avant d’accepter d’être nommé Premier ministre.Bourdjolbo Tchoudiba, Chercheur au Laboratoire Interdisciplinaire d'Études du Politique Hannah Arendt (LIPHA), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213672024-01-21T14:41:55Z2024-01-21T14:41:55Z« Emmanuel Macron préfère se passer des journalistes dès qu’il le peut »<p><em>La conférence de presse d’Emmanuel Macron, mardi 16 janvier 2024, a fait l’objet de nombreuses remarques, à la fois sur la forme – deux heures et quart face à son auditoire – mais aussi le fond. Au-delà des axes politiques et des choix ministériels défendus, l’historien des médias Alexis Lévrier (CRIMEL-Université de Reims/GRIPIC-Sorbonne Université) qui a notamment publié l’ouvrage <a href="https://www.lespetitsmatins.fr/collections/essais/medias-politique-et-communication/252-jupiter-et-mercure-le-pouvoir-presidentiel-face-a-la-presse.html">« Jupiter et Mercure. Le pouvoir présidentiel face à la presse »</a> (2021) revient sur ce que ce moment dit du rapport très ambivalent que le chef de l’état entretient avec les médias, et ce que cela révèle aussi de la V<sup>e</sup> République.</em></p>
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<p><strong>La conférence de presse du 16 janvier 2024 marque-t-elle une étape nouvelle dans l’histoire des rapports entre <a href="https://www.lespetitsmatins.fr/collections/essais/medias-politique-et-communication/252-jupiter-et-mercure-le-pouvoir-presidentiel-face-a-la-presse.html">Emmanuel Macron et la presse</a> ?</strong></p>
<p>Il faut d’abord rappeler que le chef de l’État n’aime pas particulièrement cet exercice : il a donné très peu de grandes conférences de presse depuis son élection, alors même qu’il s’agissait d’un rituel prisé par les présidents de la République depuis le général de Gaulle. De la même manière, Emmanuel Macron a eu tendance à plusieurs reprises à se passer des vœux à la presse, autre tradition qui suppose la rencontre entre le président et les journalistes. L’an dernier, il a par exemple remplacé au dernier moment ce cérémonial par un échange en « off » avec une <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/v%C5%93ux-president-macron-presse-rituel-off-annulation-2023">dizaine d’éditorialistes choisis</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-resilience-du-journalisme-face-au-pouvoir-jupiterien-160264">La résilience du journalisme face au pouvoir « jupitérien »</a>
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<p>Il a malgré tout donné quelques conférences de presse au cours de son premier mandat, par exemple en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=h36VYBX5lD4">2021 au moment de la présidence française de l’Union européenne</a>, ou en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=s_0VbuU6XNg">mars 2022 pour lancer sa campagne pour l’élection présidentielle</a>. Auparavant, en avril 2019, un événement très similaire à celui qui vient de se tenir avait eu lieu pour clore la séquence du Grand débat national : le président s’était exprimé pendant deux heures trente devant un parterre de plusieurs centaines de journalistes, qui avaient eu la possibilité de lui poser des questions après un discours liminaire prononcé sur un <a href="https://www.dailymotion.com/video/x76lrxn">ton très solennel</a>.</p>
<p>Cette fois, le président semble avoir opté pour un format un peu plus souple et moins daté : son discours était plus court (une demi-heure contre une heure) et ses réponses plus brèves, ce qui a permis à plus d’une vingtaine de journalistes de l’interroger. La spécificité de cette intervention (et son importance pour l’Élysée) apparaît aussi dans le « teasing » qui l’a précédé : en annonçant un « rendez-vous avec la nation » dès la fin 2023, Emmanuel Macron a su créer une attente auprès de la population, encore renforcée par des <a href="https://twitter.com/EmmanuelMacron">rappels au cours des derniers jours</a> et par le choix d’un horaire en « prime time » destiné à toucher un public le plus large possible.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hymBfhTlob8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence d’Emmanuel Macron, mardi 16 janvier 2024, France 24.</span></figcaption>
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<p>Malgré les quelques efforts dont témoigne cette dernière conférence de presse, il est évident que le chef de l’État est peu à l’aise dans l’exercice et privilégie d’autres moyens de s’adresser aux Français.</p>
<p>D’une manière générale, c’est un président qui préfère se passer des journalistes dès qu’il le peut. Il l’avait du reste théorisé en amont de sa première élection, comme en témoignent les propos retranscrits par Philippe Besson, qui l’a accompagné durant sa campagne de 2017. Dans son essai <a href="https://www.lepoint.fr/livres/un-personnage-de-roman-nomme-macron-07-09-2017-2155117_37.php"><em>Un personnage de roman</em></a>, le romancier rapporte ainsi les jugements sévères tenus par Emmanuel Macron sur cette profession : le futur Président aurait même déclaré que beaucoup de journalistes « sont à la déontologie ce que mère Teresa était aux stups ».</p>
<p>Il en aurait tiré l’idée que cette corporation doit être contournée autant que possible pour s’adresser aux Français : « Il faut tenir les journalistes à distance […], trouver une présence directe, désintermédiée au peuple » (<em>Un Personnage de roman</em>, Julliard, 2017, p. 105).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570088/original/file-20240118-25-r0m0vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570088/original/file-20240118-25-r0m0vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=983&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570088/original/file-20240118-25-r0m0vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=983&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570088/original/file-20240118-25-r0m0vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=983&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570088/original/file-20240118-25-r0m0vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1235&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570088/original/file-20240118-25-r0m0vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1235&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570088/original/file-20240118-25-r0m0vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1235&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Un personnage de roman</em>, Philippe Besson, 2017 (collection 10-18).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fnac.com/a11269087/Philippe-Besson-Un-personnage-de-roman">Fnac</a></span>
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<p>Ce rêve d’une « désintermédiation » est illusoire, puisqu’un responsable politique a de toute façon besoin d’utiliser des médias pour communiquer. Mais Emmanuel Macron a tendance à le faire sans journalistes, par le biais d’allocutions solennelles face caméra (au moment de la crise sanitaire notamment) ou en recourant aux réseaux sociaux.</p>
<p>Cette méfiance à l’égard de la presse constitue évidemment une rupture spectaculaire avec le modèle incarné par François Hollande : <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/non-classe/francois-hollande-le-president-qui-voulait-etre-normal-60381">« le président normal »</a> ouvrait constamment les portes de l’Élysée aux journalistes et n’a cessé de communiquer avec eux pendant son mandat.</p>
<p>À l’inverse, Emmanuel Macron a revendiqué dans deux entretiens programmatiques – <a href="https://le1hebdo.fr/journal/macron-un-philosophe-en-politique/64/article/j-ai-rencontr-paul-ricoeur-qui-m-a-rduqu-sur-le-plan-philosophique-1067.html">dans <em>Le 1</em> en 2015</a> puis dans <a href="https://www.challenges.fr/election-presidentielle-2017/interview-exclusive-d-emmanuel-macron-je-ne-crois-pas-au-president-normal_432886"><em>Challenges</em> en 2016</a>- sa volonté de renouer avec une verticalité dans l’exercice du pouvoir. Plus encore que l’exemple gaullien, souvent cité, il a suivi les leçons du communicant de François Mitterrand, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Pilhan">Jacques Pilhan</a>, qui a théorisé la notion de président « jupitérien » : il a voulu une parole arythmique, maîtrisée, en choisissant ses propres moments et ses propres formats pour intervenir dans l’espace médiatique. Cette rareté a pour vertu de créer une attente : ce 16 janvier 2024, 8 chaînes de télévision ont par exemple diffusé en direct la conférence de presse du président.</p>
<p><strong>Comment expliquer cette méfiance à l’égard des journalistes ?</strong></p>
<p>Là aussi c’est assez particulier à Emmanuel Macron. Bien sûr il s’agit pour lui de revenir à une forme d’âge d’or de la V<sup>e</sup> République, qu’incarneraient les présidences de Gaulle et Mitterrand. Mais même ces deux prestigieux prédécesseurs ont su créer des liens de proximité et parfois d’amitié avec des journalistes. Certains de leurs successeurs sont allés beaucoup plus loin, à l’image de François Hollande donc, mais aussi de Nicolas Sarkozy, qui a cultivé des relations souvent passionnelles avec la presse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-1-la-jouer-people-167197">« Moi, président·e » : Règle n°1, la jouer people</a>
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<p>Il me semble que l’attitude assez singulière d’Emmanuel Macron à l’égard de la presse s’explique d’abord par son parcours. Contrairement à ses prédécesseurs, il n’a jamais été élu. Or, quand vous êtes élu à l’échelle territoriale ou locale, vous devez construire une forme de compagnonnage avec la presse. Parfois cela créé des relations de connivence, ce qui pose question bien sûr. Mais au moins ce lien, cette médiation existe. Emmanuel Macron a voulu pour sa part créer une « saine distance » avec la presse, selon une formule utilisée <a href="https://video-streaming.orange.fr/actu-politique/macron-plaide-pour-une-saine-distance-entre-pouvoir-et-medias-CNT000000UVWwg.html">lors de ses premiers vœux à la presse, en 2018</a>. Le problème est que cette distance s’est souvent accompagnée d’une incompréhension, et parfois d’une forme de brutalité.</p>
<p><strong>La « saine distance » voulue par Emmanuel Macron suffit-elle à expliquer pourquoi la presse française est à ce point dépendante des interventions du président pour construire l’agenda médiatique ?</strong></p>
<p>Cette dépendance de la presse française ne date pas de l’élection d’Emmanuel Macron, bien au contraire. Elle s’explique d’abord par le fonctionnement de la V<sup>e</sup> République, qui attribue un pouvoir écrasant au président de la République. Le chef de l’État a la possibilité de fixer le rythme de ses interventions, et les grands médias se trouvent donc en situation de subordination à cette parole.</p>
<p>La situation actuelle puise même son origine dans une histoire plus ancienne encore : il existe une faiblesse culturelle de la presse française à l’égard de l’État depuis l’Ancien Régime, période durant laquelle les journaux ont été assujettis au pouvoir dans des proportions considérables. Il n’est pas anodin que les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-journalistes-en-france-1880-1950-christian-delporte/9782020235099">grandes conquêtes du journalisme</a> (de la loi de 1881 à la création de la carte de presse) aient eu lieu sous la III<sup>e</sup> République, seul régime parlementaire durable que la France ait connu. À chaque fois que la France a renoué avec un pouvoir centralisé, personnalisé et incarné, cela s’est accompagné <a href="https://www.lespetitsmatins.fr/collections/essais/medias-politique-et-communication/252-jupiter-et-mercure-le-pouvoir-presidentiel-face-a-la-presse.html">d’une tentation de limiter la liberté de la presse</a>.</p>
<p>Avec la V<sup>e</sup> République nous sommes ainsi revenus à un système très hiérarchisé, dans lequel le pouvoir maintient une relation pyramidale avec les journalistes : au sommet les éditorialistes politiques, souvent reçus et choyés par l’Élysée, et tout en bas les journalistes de terrain, dont le travail d’enquête est pourtant indispensable à la démocratie. Avec ces éditorialistes qui vivent dans l’entre-soi avec le pouvoir, c’est l’héritage de notre culture de Cour qui persiste.</p>
<p>Dans un premier temps, Emmanuel Macron avait voulu rompre avec ces « relations poisseuses », selon une confidence <a href="https://www.albin-michel.fr/le-tueur-et-le-poete-9782226398055">rapportée par Maurice Szafran et Nicolas Domenach</a>, qui incarnent précisément cette forme de journalisme politique. Mais il aura fini par rejoindre cette tradition française si favorable au pouvoir. </p>
<p>La méfiance à l’égard du journalisme d’investigation était par exemple flagrante le 16 janvier. Alors que <em>Libération</em> et <em>Mediapart</em> ont fait paraître des enquêtes défavorables à Amélie Oudéa-Castéra au cours des jours précédents, ils ont été oubliés par les attachés de presse de l’Élysée qui ont distribué la parole tout au long de la soirée. Ainsi, alors que la question de l’école a occupé une très large partie de la conférence de presse, jamais <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/160124/affaire-oudea-castera-mediapart-publie-le-rapport-sur-stanislas-cache-par-les-ministres">l’enquête sur l’école Stanislas</a> publiée par Mediapart le jour même n’a été mentionnée.</p>
<p>La presse française a cependant une responsabilité dans cette situation, et là encore la conférence de presse du 16 janvier l’a montré de manière parfois gênante. Dans le monde anglo-saxon, il est en effet courant, lorsqu’un responsable politique esquive une question, que la même question lui soit posée par les journalistes désignés ensuite. Or, le 16 janvier, personne n’a vraiment relancé Emmanuel Macron quand le président a choisi de botter en touche, et aucun journaliste n’a choisi de reprendre à son compte les questions que ne pouvait pas poser Mediapart.</p>
<p>Certains journalistes ont bien sûr manifesté à titre individuel leur exaspération d’être ainsi privés de parole, à l’image de Paul Larrouturou.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1747368669628293343"}"></div></p>
<p>Mais on aurait pu imaginer une forme de résistance collective, et elle n’a pas eu lieu. Le plus inquiétant dans la conférence de presse du 16 janvier était sans doute cette incapacité de la presse française à se penser elle-même comme un contrepouvoir face au chef de l’État.</p>
<p>**Quel bilan tirer des relations entre Emmanuel Macron et les journalistes sept ans après son arrivée au pouvoir ? Peut-on déjà considérer que sa présidence aura été marquée par un recul de la liberté de la presse ?</p>
<p>Le constat est forcément nuancé puisque ce jeune chef de l’État venu de la gauche, et qui se réclame du <a href="https://theconversation.com/lechec-du-en-meme-temps-macroniste-une-repetition-dun-phenomene-du-xix-si%C3%A8cle-204627">« progressisme »</a>, a fait l’éloge à plusieurs reprises de la fonction démocratique du journalisme. Dans ses vœux à la presse, en janvier 2022, il avait par exemple célébré le travail des journalistes et cité la formule célèbre de Zola : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=0EHb0xb8Hrs">« Je suis pour et avec la presse »</a>. Il s’agissait alors de s’opposer à Éric Zemmour, qui venait de mettre en cause le rôle joué dans l’Affaire Dreyfus par l’auteur de « J’accuse ».</p>
<p>Ce président du « en même temps » semble parfaitement conscient des contradictions françaises en la matière. S’il a souvent souligné l’attachement des Français à l’héritage de l’Ancien Régime, il a aussi présenté la France comme un « pays de monarchistes régicides » dans un entretien au Spiegel, en <a href="https://www.spiegel.de/international/europe/interview-with-french-president-emmanuel-macron-a-1172745.html">octobre 2017</a>. Il sait que l’une de ces Révolutions, en <a href="https://www.retronews.fr/histoire-de-la-presse-medias/long-format/2018/03/22/la-suspension-de-la-liberte-de-la-presse-en-1830">juillet 1830</a>, a justement eu pour origine la volonté de défendre la liberté de la presse. On peut donc considérer qu’il a voulu tenir compte de cette double aspiration dans l’exercice du pouvoir.</p>
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<figcaption><span class="caption">Retronews, archives BNF.</span></figcaption>
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<p>Mais cet équilibre apparaît aujourd’hui de plus en plus précaire, et l’on peut s’interroger sur le legs que laissera le macronisme après dix années d’exercice très vertical du pouvoir. Il semble presque banal aujourd’hui que les journalistes soient pris pour cibles par les forces de l’ordre lors des manifestations, et le projet de loi sécurité globale prévoyait même dans sa version originelle de rendre presque <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/05/20/le-conseil-constitutionnel-censure-l-ex-article-24-de-la-proposition-de-loi-securite-globale_6080897_3224.html">impossible de publier des images de policiers</a>. On peut constater par ailleurs que les convocations à la DGSI ont été particulièrement nombreuses depuis 2017 : il est devenu courant d’essayer d’identifier les sources des journalistes d’investigation, au mépris des lois qui protègent leur travail. L’exemple d’Ariane Lavrilleux, qui a subi 39 heures de garde à vue en septembre 2023, apparaît de ce point de vue comme <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/ariane-lavrilleux-en-garde-a-vue-une-attaque-sans-precedent-contre-la-protection-du-secret-des-sources-alertent-des-societes-de-journalistes-20230921_5UWBOPZ4DNG3XFQ4PCQDFYFUL4/">particulièrement inquiétant</a>.</p>
<p>La conférence de presse du 16 janvier a montré malgré tout qu’Emmanuel Macron se considère toujours comme le défenseur des libertés face aux risques que représenterait l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national. Tourné désormais vers les élections européennes, il a voulu mettre en scène l’affrontement de deux projets de civilisation qui se dessinerait à l’échelle du continent. Mais le paradoxe de cette défense des valeurs démocratiques est qu’elle survient au moment même où la France est à la manœuvre, au niveau européen, pour limiter la liberté de la presse.</p>
<p>Notre pays figure en effet parmi les pays qui militent activement pour autoriser la <a href="https://disclose.ngo/fr/article/espionnage-des-journalistes-la-france-fait-bloc-aux-cotes-de-six-etats-europeens">surveillance des journalistes par des logiciels espions</a>. Le « en même temps » finit ici par se perdre et par aboutir à une évidente contradiction : Emmanuel Macron se veut le héraut du camp du progrès à l’échelle européenne mais, en matière de journalisme, il défend des pratiques autoritaires qui sont d’habitude l’apanage des démocraties illibérales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Lévrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La conférence de presse d’Emmanuel Macron, mardi 16 janvier 2024, montre l’ambivalence du rapport qu’entretient le chef de l’état avec les médias.Alexis Lévrier, Historien de la presse, maître de conférences Université Reims Champagne Ardenne, chercheur associé au GRIPIC, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207932024-01-21T07:07:01Z2024-01-21T07:07:01ZLes jeunes africains pourraient perturber les États autoritaires, mais ils ne le font pas : voici pourquoi<p>L'Afrique a la <a href="https://www.un.org/ohrlls/news/young-people%E2%80%99s-potential-key-africa%E2%80%99s-sustainable-development#:%7E:text=Africa%20has%20the%20youngest%20population,to%20realise%20the%20best%20potential.">plus population jeune la plus importante au monde</a>. D'ici 2030, <a href="https://www.prb.org/resources/africas-future-youth-and-the-data-defining-their-lives/">75%</a> de la population africaine aura moins de 35 ans. Le nombre de jeunes Africains âgés de 15 à 24 ans devrait atteindre <a href="https://www.worldbank.org/en/news/feature/2023/06/27/investing-in-youth-transforming-afe-africa">500 millions</a> en 2080. </p>
<p>Bien que la dynamique démographique varie sur le continent, la plupart des pays subsahariens ont un <a href="https://www.wilsoncenter.org/blog-post/africas-median-age-about-19-median-age-its-leaders-about-63">âge médian inférieur à 19 ans</a>. Le Niger est le pays le plus jeune du monde avec un âge médian de 14,5 ans, tandis que l'Afrique du Sud, les Seychelles, la Tunisie et l'Algérie ont des âges médians supérieurs à 27 ans. </p>
<p>Ces données démographiques constituent une <a href="https://www.brookings.edu/articles/three-myths-about-youth-employment-in-africa-and-strategies-to-realize-the-demographic-dividend/">force de croissance potentielle</a>. Toutefois, le potentiel du dividende démographique de l'Afrique a été éclipsé par les préoccupations des gouvernements et des donateurs internationaux concernant la relation entre les fortes populations de jeunes, les taux de chômage et l'instabilité politique. </p>
<p>De nombreux pays ayant une forte population de jeunes et des taux élevés de chômage et de sous-emploi des jeunes <a href="https://ugapress.org/book/9780820348858/the-outcast-majority/">vivent dans la paix</a>. Mais le discours politique dominant soutient que les jeunes chômeurs constituent une menace pour la stabilité. </p>
<p>En outre, le rôle des jeunes dans les manifestations populaires - comme au <a href="https://www.cmi.no/publications/7420-after-the-uprising-including-sudanese-youth">Soudan en 2019</a> - a suscité de grandes attentes quant à leur rôle dans la lutte contre les gouvernements autocratiques et la contribution à la démocratie. </p>
<p>En tant que politologue et sociologue, nous souhaitons comprendre l'interaction entre les jeunes et les régimes autocratiques, d'autant plus que les autocraties élues <a href="https://alinstitute.org/images/Library/RetreatOfAfricanDemocracy.pdf#page=1">s'imposent</a> en Afrique. </p>
<p>Les autocraties électorales sont des régimes élus au pouvoir en utilisant des stratégies autoritaires. Celles-ci comprennent la manipulation des élections et la répression de l'opposition, des médias indépendants et de la société civile.</p>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre recherche</a> se concentre sur les interactions entre les jeunes et les régimes en Éthiopie, au Mozambique, en Ouganda et au Zimbabwe. Il s'agit dans tous les cas d'autocraties électorales.</p>
<p>Ces régimes sont conscients de l'importance de leur population de jeunes qui les défient parfois. <a href="https://theconversation.com/bobi-wine-has-shaken-up-ugandan-politics-four-things-worth-knowing-about-him-153205">Bobi Wine</a>, musicien populaire devenu candidat à la présidence, en est un exemple. </p>
<p>Les quatre pays étudiés ont également connu des guerres civiles, au cours desquelles les groupes armés victorieux ont pris le pouvoir et y sont restés depuis la fin de la guerre. Cela a créé une dynamique particulière entre les gouvernements rebelles vieillissants et la majorité des jeunes.</p>
<p>Dans des contextes autocratiques comme ceux-ci, les efforts visant à responsabiliser les jeunes peuvent facilement être manipulés pour servir les intérêts du régime. Certains jeunes peuvent décider de jouer le jeu et de saisir les opportunités offertes par les acteurs du régime. D'autres peuvent y résister. Certains saisissent les opportunités en espérant qu'elles servent leurs propres intérêts et non ceux du régime. Cependant, cela pourrait reproduire des formes de clientélisme. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/abiy-ahmed-gained-power-in-ethiopia-with-the-help-of-young-people-four-years-later-hes-silencing-them-195601">Abiy Ahmed gained power in Ethiopia with the help of young people – four years later he's silencing them</a>
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<p>Tout cela est important parce que l'avenir de la démocratie est en jeu et que l'utilisation des opportunités offertes par l'État pourrait contribuer à la reproduction de l'autoritarisme.</p>
<p>Nos équipes de recherche dans chaque pays ont <a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">étudié</a> la panoplie de politiques mises en place par les gouvernements pour “s'occuper” des jeunes. Elles ont notamment accordé des prêts aux jeunes entrepreneurs et mis en place des conseils de jeunes et des quotas de jeunes dans les institutions politiques. </p>
<p>Nous avons constaté que les stratégies ciblées sur les jeunes - qui visent essentiellement à promouvoir l'emploi et la participation politique - font partie des règles du jeu dans les quatre pays que nous avons étudiés. Les programmes d'emploi et d'entreprenariat sont suscpetibles de faire l'objet d'abus par le biais des réseaux clientélistes du parti au pouvoir et ont été orientés vers les partisans du régime. </p>
<h2>Les jeunes ne parviennet pas à sauver la démocratie</h2>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre recherche</a> a révélé que les jeunes d'Éthiopie, du Mozambique, d'Ouganda et du Zimbabwe se sentaient lésés par le fait que ces opportunités étaient canalisées vers les partisans du régime. Ils ont également une restriction des opportunités pour s'exprimer de manière significative. Les institutions mises en place pour permettre la participation des jeunes ont été cooptées et ont manqué d'indépendance par rapport aux gouvernements. </p>
<p>Certains jeunes expriment leurs griefs par des manifestations en faveur de la démocratie, comme au <a href="https://www.reuters.com/world/africa/violent-protests-break-out-mozambique-after-local-elections-2023-10-27/">Mozambique en octobre 2023</a>. Mais dans l'ensemble, <a href="https://www.theafricareport.com/221141/why-africas-youth-is-not-saving-democracy/">la jeunesse africaine n'est pas en train de sauver la démocratie</a>. </p>
<p>Ils ne sont pas plus en train de contrer la tendance <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17531055.2022.2235656">croissante</a> de l'autocratisation sur le continent, où les gouvernements en place de plus en plus <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/60999">concentrent le pouvoir</a> entre les mains de l'exécutif. Nos recherches l'ont confirmé au Zimbabwe, au Mozambique, en Éthiopie et en Ouganda.</p>
<h2>Études de cas par pays</h2>
<p>Au <a href="https://www.cmi.no/publications/8797-the-risk-of-authoritarian-renewal-in-zimbabwe-understanding-zanu-pf-youth">Zimbabwe</a>, le Zanu-PF est au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1980. Le parti au pouvoir et bon nombre de ses dirigeants, aujourd'hui vieillissants, se servent de leur passé de vétérans de la guerre de libération des années 1970 <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01436590600842472?casa_token=B53EF1Ev0XcAAAAA:7W-Izw-iDMuOCRc8RZiW8UcDpXn7kH5E-siDc2W1ux_L9w1WpyB-2mnTSMzmAXrLM5YmfFCx3Mlo4YA">pour conserver leur emprise sur le pouvoir</a>. </p>
<p>Pour ce faire, ils créent des récits autour de l'histoire de la libération du pays et du patriotisme, et accusent la génération “née libre” (ceux qui sont nés après l'indépendance) d'avoir trahi la guerre de libération. Cela délégitime tout mécontentement que les jeunes pourraient ressentir. Le Zanu-PF cible les jeunes parmi ses <a href="https://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/handle/20.500.12413/14906">larges variétés d'options stratégiques</a> pour se maintenir au pouvoir.</p>
<p>Au <a href="https://www.cmi.no/publications/8798-poorly-designed-youth-employment-programmes-will-boost-the-insurgency-in-mozambique">Mozambique</a>, le Frelimo, le parti au pouvoir, a remporté toutes les élections depuis 1992. Le parti a concentré le pouvoir et les ressources entre les mains de l'élite politique. Les jeunes continuent d'être sous-représentés et ont de grandes difficultés à accéder aux ressources. Cette situation, qui s'ajoute à d'autres dynamiques de conflit, a contribué à une insurrection dans la région septentrionale de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17531055.2020.1789271">Cabo Delgado à partir de 2017</a>. Elle est dirigée par un groupe religieux radical appelé localement Al-Shabaab, ou parfois “machababo” (les jeunes).</p>
<p>Les manifestations organisées par les jeunes en <a href="https://www.cmi.no/publications/7829-neglect-control-and-co-optation-major-features-of-ethiopian-youth-policy-since-1991">Éthiopie</a> ont contribué à la chute en 2018 du parti au pouvoir depuis 1991. Elles ont également conduit à <a href="https://theconversation.com/how-change-happened-in-ethiopia-a-review-of-how-abiy-rose-to-power-110737">l'arrivée au pouvoir</a> d'Abiy Ahmed cette année-là. </p>
<p>La mobilisation des jeunes a depuis <a href="https://theconversation.com/abiy-ahmed-gained-power-in-ethiopia-with-the-help-of-young-people-four-years-later-hes-silencing-them-195601">été réduite au silence</a>. Seuls les loyalistes ont accès aux programmes de création d'emplois. On a également assisté à une militarisation des mouvements ethniques dominés par les jeunes. On l'a vu, par exemple, avec le <a href="https://www.theafricareport.com/322001/ethiopia-understanding-the-fano-and-the-fate-of-amhara/">groupe Fano Amhara</a> dans la guerre du Tigré en <a href="https://theconversation.com/ethiopia-tigray-war-parties-agree-pause-expert-insights-into-two-years-of-devastating-conflict-193636">2020-2022</a>.</p>
<p><a href="https://www.cmi.no/publications/8801-moving-ugandas-national-development-planning-to-the-grassroots-whats-in-it-for-youth">L'Ouganda</a> a été un pionnier dans l'institutionnalisation de la participation des jeunes à la prise de décision. L'engagement des jeunes dans les structures politiques est considéré comme un outil de contrôle du gouvernement. Nous avons constaté que les jeunes politiciens estimaient que ce système de représentation imparfait offrait des opportunités de mobilisation à la fois contre et en faveur du régime actuel. Les jeunes candidats qui se présentent à l'un des sièges du parlement réservés aux jeunes, par exemple, ne peuvent pas facilement se soustraire à la tutelle du parti au pouvoir.</p>
<h2>La voie à suivre</h2>
<p>La jeunesse africaine est très diversifiée. Cependant, elle a souvent été caractérisée comme étant soit <a href="https://www.un.org/africarenewal/magazine/december-2019-march-2020/african-youth-and-growth-violent-extremism">violente</a>, soit comme <a href="https://press.un.org/en/2019/sc13968.doc.htm">des artisans du changement et militants de la paix</a>. Ces caractérisations représentent les extrémités opposées d'un spectre. </p>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre projet de recherche</a> a impliqué une diversité de jeunes dans différentes positions et en mouvement constant entre les différentes parties du spectre. Cela nous a permis de mieux comprendre la façon dont ils se comportent et réagissent face à la manière dont les régimes cherchent à les gérer.</p>
<p>Selon nous, la recherche et les initiatives politiques en faveur des jeunes dans les États autoritaires doivent reconnaître que les interventions bien intentionnées en faveur des jeunes peuvent reproduire les politiques autoritaires lorsqu'elles sont canalisées vers les militants du parti. </p>
<p>Les interventions visant à promouvoir la création d'emplois et l'autonomisation des jeunes devraient exercer un contrôle sur la manière dont les jeunes bénéficiaires sont sélectionnés et les fonds déboursés afin d'éviter toute interférence de la part d'acteurs partisans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lovise Aalen est financée par le programme Norglobal du Conseil norvégien de la recherche (subvention n° 288489).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marjoke Oosterom a reçu un financement du Conseil de la recherche économique et sociale (ESRC).</span></em></p>La jeunesse africaine ne s'oppose pas à l'aggravation de l'autocratie sur le continent.Lovise Aalen, Research Professor, Political Science, Chr. Michelsen InstituteMarjoke Oosterom, Research Fellow and Cluster Leader, Power and Popular Politics research cluster, Institute of Development StudiesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210002024-01-18T19:26:58Z2024-01-18T19:26:58ZNapoléon le législateur : la gênante omission du film de Ridley Scott<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568962/original/file-20240105-27-wtm75j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=177%2C262%2C3633%2C2662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Joaquin Phoenix dans le rôle de Napoléon, dans le film de Ridley Scott. Napoléon était un législateur prolifique qui a parrainé le « Code civil des Français » à l’influence planétaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Apple TV+)</span></span></figcaption></figure><p>Les conquêtes napoléoniennes sur le champ de bataille et sur l’oreiller forment la trame narrative du film biographique « Napoléon », de Ridley Scott.</p>
<p>Mais devant cette <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/culture/joachim-murat-le-napoleon-de-ridley-scott-est-bourre-de-defauts-mais-allez-le-voir-20231122">caricature</a> des excès de la masculinité, qui sacrifie la <a href="https://www.geo.fr/histoire/que-vaut-le-napoleon-de-ridley-scott-histoire-incoherences-reconstitutions-217638">cohérence narrative</a> et <a href="https://variety.com/2023/film/news/napoleon-inaccuracies-french-historians-pyramids-1235823975/">l’exactitude historique</a> sur l’autel du sensationnalisme vendeur, ma principale réserve d’<a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780367808471-31/fugitives-france-kelly-summers?context=ubx&refId=f0b06c28-a29a-49b5-a5ba-d37bee069054">historienne</a> de la <a href="https://ageofrevolutions.com/2021/01/25/a-cross-channel-marriage-in-limbo-alexandre-darblay-frances-burney-and-the-risks-of-revolutionary-migration/">Révolution française</a> tient moins aux inventions du cinéaste qu’à ses omissions.</p>
<p>Car à trop appuyer sur le génie tactique de Napoléon, ses erreurs de jugement et ses frasques sexuelles, on en oublie son principal héritage : celui d’un législateur visionnaire, mais paradoxalement égocentriste.</p>
<p>Après dix ans <a href="https://www.cairn.info/tous-republicains--9782200272821-page-9.htm">d’expérimentations postrévolutionnaires</a>, Napoléon Bonaparte a promulgué une série de réformes qui ont fini d’effacer les hiérarchies sociales, <a href="https://www.jewishvirtuallibrary.org/napoleon-bonaparte">religieuses</a> et féodales de l’époque.</p>
<p>Ce qui, par ailleurs, n’a jamais empêché ce personnage contradictoire de renier ses idéaux révolutionnaires chaque fois que ceux-ci entraient en conflit avec son insatiable ambition dans son empire continental ou ses colonies d’outre-mer.</p>
<h2>Achever la Révolution française en droit</h2>
<p>Reconnaissons l’habileté de Ridley Scott dans les quelques séquences humoristiques de son film qui décapent à la fois l’hagiographie et les contempteurs du mythe napoléonien. Joaquin Phoenix y incarne davantage la figure du <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/5133">Petit Caporal</a> lourdaud que l’ogre corse.</p>
<p>Mais ce portrait d’un guerrier socialement inepte néglige les plus grandes réalisations et les plus grands échecs d’un législateur prolifique.</p>
<p>Dès sa prise de pouvoir en 1799, ce jeune général de 30 ans a entrepris une série de vastes réformes tout aussi marquantes que les exploits <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-napoleonic-wars-9780199951062?cc=ca&lang=en&">militaires</a> et <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-27435-1_11">politiques</a> qui forment la geste napoléonienne.</p>
<p>L’homme d’État a laissé une marque indélébile en tant que promoteur énergique de nouvelles institutions et procédures, dont un <a href="https://www.revuepolitique.fr/la-politique-scolaire-de-napoleon-et-son-heritage/">système éducatif laïc pour former les cadres d’une bureaucratie en croissance</a>, un ambitieux programme de <a href="https://www.napoleon.org/en/history-of-the-two-empires/articles/bullet-point-30-did-napoleon-transform-paris/">travaux publics</a> et, par-dessus tout, un système de lois uniforme.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OAZWXUkrjPc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La bande-annonce du « Napoléon » de Ridley Scott.</span></figcaption>
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<h2>La fin réelle de la féodalité</h2>
<p>Dès l’été de 1789, les députés avaient voulu abolir la féodalité et son système de gestion des terres issu du Moyen-Âge. Ils ont rapidement balayé les droits, les corvées et les dîmes qui, pendant des siècles, avaient lié la paysannerie aux seigneurs et au clergé.</p>
<p>Mais comme l’a montré l’historien Rafe Blaufarb, les gouvernements successifs n’ont pas su régler le problème le plus épineux : la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1057/9780230236738_8">conversion des biens féodaux en propriété au sens moderne</a>.</p>
<p>Le code civil des Français de 1804 a facilité ce processus en instituant un système transparent de droit de la propriété et de la famille.</p>
<p>Mais Napoléon ne s’est pas arrêté là. Ses <a href="https://archive.org/details/napoleonhiscolla0000wolo">infatigables collaborateurs</a> ont élaboré divers codes complémentaires — commercial, pénal, rural et <a href="https://www.napoleon-series.org/military-info/organization/France/Miscellaneous/c_FrenchMilitaryCode.html">militaire</a>. Ensemble, ils ont assaini le marécage des privilèges féodaux, des ordonnances royales de l’Ancien Régime, ainsi que des lois romaines, coutumières et canoniques.</p>
<h2>Vocation didactique du nouveau droit</h2>
<p>Ce Code napoléonien était le projet des Lumières par excellence : à la fois nécessité pratique et outil de consolidations des réformes révolutionnaires.</p>
<p>Sa prose directe et son organisation rationnelle avaient également valeur didactique. Il informait le citoyen des <a href="https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/lhistoire-du-senat/dossiers-dhistoire/bicentenaire-du-code-civil/code-civil-6.html">« principes de sa conduite »</a> et réconciliait une population divisée avec l’idée de son égalité devant la loi.</p>
<p>Dans le contexte d’un empire en croissance, le zèle de Napoléon pour la normalisation anticipait bon nombre des <a href="https://www.thenation.com/article/archive/enlightened-elitist-undemocratic/">objectifs politiques et économiques</a> de la future <a href="https://www.justice.gouv.fr/actualites/espace-presse/archives-code-civil-leurope-influences-modernite">Union européenne</a>. Il envisageait déjà « une Cour de cassation européenne, une même monnaie, les mêmes poids et mesures, les mêmes lois », relate <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109845d/f279.image.r=216">Joseph Fouché dans ses mémoires</a>.</p>
<h2>Détournement et trahison</h2>
<p>Si Napoléon a exporté un cadre juridique égalitaire en Europe, il l’a trop souvent imposé par les armes.</p>
<p>L’homme qui a transformé la Première République française durement gagnée en un <a href="https://www.upress.virginia.edu/title/3424/">« État policier »</a> n’a pas livré « les Lumières à cheval », contrairement à ce que <a href="https://www.andrew-roberts.net/books/napoleon-a-life/">prétendent</a> ses <a href="https://www.napoleon.org/en/history-of-the-two-empires/articles/napoleon-hegelian-hero/">admirateurs</a>.</p>
<p>Tout en défendant la <a href="https://revolution.chnm.org/exhibits/show/liberty--equality--fraternity/item/277">liberté de conscience</a>, la souveraineté nationale et le gouvernement représentatif, Napoléon a emprisonné un pape, truqué des plébiscites, rétabli la monarchie héréditaire et plongé l’Europe dans un état de guerre permanente.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme portant un chapeau bicorne et un manteau bleu à simple boutonnage avec des détails dorés devant un paysage désertique" src="https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Napoléon — incarné par Joaquin Phoenix dans le film éponyme — et ses collaborateurs ont remplacé l’Ancien Régime par de nouveaux codes commerciaux, pénaux, ruraux et militaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Apple TV+)</span></span>
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</figure>
<p>Malgré ses mérites, le Code civil annulait plusieurs acquis révolutionnaires pour les travailleurs et les <a href="https://officedelaportedemars-reims.notaires.fr/article-le-statut-de-la-femme-dans-le-code-civil-de-1804-a-nos-jours-6.html">femmes</a>. Une femme adultère risquait la maison de correction, alors que son mari infidèle se voyait simplement interdit de recevoir sa concubine au domicile conjugal.</p>
<p>La <a href="https://francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/40099">liberté d’expression</a> s’est trouvée compromise par la conviction de Napoléon qu’une presse libre contrôlée par le gouvernement peut devenir un allié solide. Ses agents réprimaient toute dissidence par la détention préventive, l’exil et la censure.</p>
<p>Ridley Scott se contente de faire défiler en silence des personnages de première importance. <a href="https://fr.linkedin.com/pulse/cambac%C3%A9r%C3%A8s-et-napol%C3%A9on-moins-quun-num%C3%A9ro-un-plus-deux-thierry-lentz">Comme son numéro deux</a>, l’archichancelier Jean-Jacques-Régis de Cambacérès, qui a rédigé le code civil. Ou son Ministre de la police, Joseph Fouché, qui supervisait les opérations de surveillance.</p>
<h2>Tentative de rétablissement de l’esclavage</h2>
<p>Le film passe également sous silence sa violation la plus flagrante des valeurs révolutionnaires : <a href="https://theconversation.com/the-napoleon-that-ridley-scott-and-hollywood-wont-let-you-see-218878">sa tentative de rétablir l’esclavage dans les Antilles en 1802</a>.</p>
<p>Cet épisode inclut la trahison de Toussaint Louverture, figure de proue de la Révolution haïtienne, et <a href="https://www.cairn.info/revue-africultures-2005-3-page-88.htm">personnage tout aussi digne d’une superproduction hollywoodienne par son importance et sa complexité</a>.</p>
<p>Cette violence <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00313220500106196">génocidaire</a> a eu son prix : la France y a perdu non seulement <a href="https://www.nytimes.com/2022/05/20/world/americas/haiti-aristide-reparations-france.html">plus de soldats qu’à Waterloo</a>, mais sa colonie la plus rentable et sa stature morale.</p>
<p>Et la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1953/10/17/les-etats-unis-achetaient-il-y-a-cent-cinquante-ans-a-la-france-une-louisiane-vingt-fois-plus-etendue-que-la-louisiane-actuelle_1985193_1819218.html">vente de la Louisiane</a> viendra anéantir son rêve d’empire nord-américain.</p>
<h2>Un héritage mondial</h2>
<p>Ridley Scott saisit bien les angoisses d’un despote exilé sur <a href="https://www.geo.fr/histoire/pourquoi-napoleon-exile-sainte-helene-204106">l’île Sainte-Hélène</a>, privé d’autorité, mais toujours orgueilleux et incapable d’admettre ses erreurs et ses crimes.</p>
<p>Ce que le film ne montre pas, cependant, c’est la lucidité de Napoléon quant à son héritage le plus durable.</p>
<p>« <a href="https://www.geo.fr/histoire/code-civil-histoire-du-chef-doeuvre-de-napoleon-204373">Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon code civil !</a> », souffle-t-il au général Charles-Tristan Montholon, son compagnon d’exil.</p>
<p>La chose est avérée, même au-delà des pays occupés ou colonisés par la France. Le Japon de l’ère Meiji et l’Iran prérévolutionnaire ont utilisé le modèle napoléonien pour codifier leurs lois. Des versions du code sont encore en vigueur dans de <a href="https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/lhistoire-du-senat/dossiers-dhistoire/bicentenaire-du-code-civil/bicentenaire-du-code-civil-la-diffusion-a-letranger.html">nombreux pays aujourd’hui</a>.</p>
<p>Si les tactiques napoléoniennes ont échoué à Trafalgar, Vertières et Waterloo, le Code civil s’est révélé invincible.</p>
<p>Malheureusement, les subtilités juridiques ne font pas <a href="https://bigthink.com/high-culture/napoleon-ridley-scott/">« du bon cinéma »</a>, comme le déclarait <a href="https://www.bloomsbury.com/ca/europe-under-napoleon-9781350157675/">l’historien Michael Broers</a>, qui a conseillé Ridley Scott.</p>
<p>Pourtant cela s’est vu, dans la comédie musicale <a href="https://www.stlouisfed.org/on-the-economy/2020/november/unleasing-hamilton-financial-revolution">Hamilton</a> ou la minisérie <a href="https://www.imdb.com/title/tt0472027/">John Adams</a>, qui placent les subtilités légales au centre de l’intrigue. Peut-être Ridley Scott osera-t-il défier les attentes avec la <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1496691-napoleon-ou-est-version-longue-ridley-scott-sortie-apple">« version longue »</a>, attendue ce printemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221000/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kelly Summers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En mettant l’accent sur les triomphes tactiques, les erreurs de calcul et les frasques sexuelles de Napoléon, Ridley Scott néglige l’héritage paradoxal qu’il a laissé en tant que législateur.Kelly Summers, Assistant Professor of History, Department of Humanities, MacEwan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205052024-01-15T08:30:26Z2024-01-15T08:30:26ZElection présidentielle en RD Congo : les clés de la victoire de Félix Tshisekedi<p>La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a proclamé, le dimanche 31 décembre 2023, les résultats provisoires du scrutin présidentiel organisé le 20 du même mois. </p>
<p>Le président sortant, Félix Tshisekedi, a été déclaré vainqueur avec <a href="https://fr.africanews.com/2023/12/31/presidentielle-en-rdc-tshisekedi-declare-vainqueur-avec-73-des-voix/#:%7E:text=F%C3%A9lix%20Tshisekedi%20rempile%2C%20le%20pr%C3%A9sident,la%20commission%20%C3%A9lectorale%20nationale%20ind%C3%A9pendante.">73,34 % des votes exprimés, tandis que Moise Katumbi était crédité de 18,03 % et Martin Fayulu de 5,33 %</a>. Célébré par les partisans de Tshisekedi, ce plébiscite est taxé de frauduleux par <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/journal-de-l-afrique/20240102-rdc-tshisekedi-%C3%A9lu-pr%C3%A9sident-l-opposition-d%C3%A9nonce-des-fraudes-et-r%C3%A9clame-l-annulation-du-vote">une frange de l’opposition dont, notamment Moise Katumbi, Martin Fayulu et Denis Mukwege, qui en réclame son annulation</a>. Les protagonistes du recours en annulation des élections se présentent comme étant les victimes d’un complot ourdi entre la CENI et le président sortant pour favoriser ce dernier. Toutefois, la formulation de ce contentieux rend difficile l'analyse de leurs propres erreurs de campagne et de l'incidence de celles-ci sur le vote. Une analyse des stratégies de campagne de chacun des trois principaux candidats nous permettrait de voir sous un jour nouveaux le débat autour du plébiscite de Felix Tshisekedi. </p>
<p>Deux camps ont concouru au scrutin présidentiel du 20 décembre 2023 : l’opposition et la majorité sortante. Au-delà de l'expression de son intransigeance pour des élections inclusives, transparentes, apaisées et respectueuses du délai constitutionnel, l’opposition a brillé par ses divisions internes. <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231118-rdc-%C3%A0-pretoria-l-opposition-ach%C3%A8ve-ses-discussions-en-adoptant-un-programme-commun">L’échec des pourparlers de Pretoria pour désigner son candidat commun</a> en est un révélateur. </p>
<p>Cet échec peut être considéré comme un prélude à sa déroute électorale. S’étant lancée en ordre dispersé à la conquête du pouvoir, l’opposition a émietté ses voix et compromis ses chances de succès dans un scrutin à tour unique. Dans ce mode de scrutin, toute voix engrangée ou perdue compte énormément. La multiplication des candidats de l'opposition ne peut avoir comme effet logique que l'affaiblissement de celle-ci, en principe au profit du président sortant. </p>
<h2>Une opposition divisée</h2>
<p>Moise Katumbi a difficilement négocié sa campagne. Hormis sa puissance financière dont il ne s’est pas privé de faire étalage, il a manqué de dresser un maillage socio-politique efficace du pays. L’absence des puissants relais locaux à même de répercuter son message auprès des couches profondes de la population et de forger une image de rassembleur a constitué un gros handicap pour lui. Ses alliés – dont Matata Ponyo,un ancien premier ministre de Joseph Kabila, Franck Diongo,député et président du Mouvement Lumumbiste progressiste, Seth Kikuni, businessman et président du parti Piste pour l'émergence, et Delly Sessanga, député et président du partipolitique Envol, se sont avérés très peu performants. </p>
<p>La rhétorique sécessionniste des faucons du Katanga dont, par exemple, <a href="https://www.mediacongo.net/article-actualite-120332_propos_secessionniste_l_irdh_condamne_le_discours_du_depute_national_christian_mwando_a_kalemie_communique.html">Christian Mwando Simba</a> a profondément desservi sa cause dans un pays qui, depuis trois décennies, fait face à une agression étrangère sous couvert d’un <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2023/02/06/rd-congo-les-atrocites-de-la-rebellion-du-m23-soutenue-par-le-rwanda">mouvement rebelle (le M23)</a>, et qui lutte pour sauvegarder son intégrité. Le patriotisme a eu raison de la menace sécessionniste. Le leitmotiv de sa campagne consistant à critiquer le bilan du président sortant s’est révélé très peu productif, faute d’originalité. </p>
<h2>Contradiction récurrentes</h2>
<p>Candidat malheureux au scrutin présidentiel de 2018, Martin Fayulu est de nouveau récalé en 2023. Ses contradictions récurrentes lui ont valu l’image d’un leader instable et dépourvu de stratégie propre. Obnubilé par sa revendication de la <a href="https://www.jeuneafrique.com/736979/politique/rdc-lopposant-fayulu-en-campagne-pour-la-verite-des-urnes/">vérité des urnes</a>, il n’a pas pris la mesure des enjeux du scrutin du 20 décembre dernier. </p>
<p>Partant, Fayulu n’a pas préparé ses troupes pour une véritable <a href="https://www.la-croix.com/rdc-martin-fayulu-l-opposant-qui-veut-sa-revanche-20231213">revanche politique</a>. A l’occasion de cette dernière campagne, il a brillé par une improvisation politique fatale. Sa famille politique - Engagement pour la citoyenneté et le développement (Ecidé) avait décidé de ne pas participer au scrutin en préparation, dont il dénonçait le manque de transparence. Et donc, consigne avait été donnée aux militants de Ecidé de ne pas déposer leurs candidatures comme députés au national ou même provincial. Faisant fi de cette instruction, Fayulu fut le seul de son parti à déposer sa candidature pour l’élection présidentielle. </p>
<p>Il voyait en son geste une façon de répondre aux attentes de la <a href="https://www.voaafrique.com/a/lamuka-devient-une-plateforme-politique/4894112.html">plateforme Lamuka</a> qui l’avait soutenu au scrutin présidentiel de 2018. Seulement, Fayulu avait oublié que cette plateforme n’était plus la même qu’en 2018. Beaucoup d’alliés et pourvoyeurs des voix d'alors dont, par exemple, Jean-Pierre Bemba, Moise Katumbi, Adolphe Muzito, etc., avaient changé de camp et récupéré chacun sa mise. Ainsi Fayulu est-il allé, en solitaire, dans une bataille électorale exténuante et hasardeuse. Ce paradoxe peut expliquer sa déroute et sa chute comme leader de l’opposition.</p>
<h2>L'expérience de Félix Tshisekedi</h2>
<p>Instruit par sa longue expérience de lutte politique, Félix Tshisekedi <a href="https://fr.africanews.com/2023/11/08/rdc-felix-tshisekedi-entre-realisations-et-engagements-non-tenus//">avait préparé</a> sa campagne minutieusement. Aussitôt libéré de <a href="https://theconversation.com/qui-detient-les-renes-du-pouvoir-en-republique-democratique-du-congo-152462">l’étau du Front commun pour le Congo (FCC)</a>) de Joseph Kabila avec qui il avait signé un accord pour constituer la majorité parlementaire et gouverner ensemble, Tshisekedi a ratissé large recrutant les grandes figures politiques parmi lesquelles Jean-Pierre Bemba, Bahati Lukwebo, Vital Kamerhe, Christophe Mboso, de nombreux transfuges du FCC, réunis sous la bannière politique de l’Union sacrée de la nation. L’implication de ces acteurs dans sa campagne lui a servi de maillage territorial serré et de point d’ancrage sociologique dans différentes régions du pays.</p>
<p>Jouant sur la fibre patriotique en dénonçant l’agression de la RDC par le Rwanda au travers des groupes armés, Tshisekedi s’est attiré davantage de sympathie et d’adhésion des Congolais, malgré <a href="https://www.voaafrique.com/a/rdc-avant-les-%C3%A9lections-le-bilan-entre-engagements-non-tenus-et-r%C3%A9alisations/7346711.html">le bilan</a> plutôt mitigé de son premier mandat. Sans se voiler la face, notamment en ce qui concerne les déficits et les réalisations accomplies durant ce premier mandat, Tshisekedi a placé le peuple devant un choix entre l’amélioration des acquis, comme par exemple la construction des hôpitaux et des routes, la gratuité de l'enseignement primaire, la mise en route de la couverture santé universelle, etc., et la pénible tâche de reprendre tout à partir du néant. Le peuple lui a répondu par les urnes. </p>
<h2>Un processus de longue haleine</h2>
<p>Cheville ouvrière du processus électoral, la CENI a affronté des nombreuses contraintes dont, notamment, le respect du calendrier électoral, l’inclusion et l’égalité de traitement des candidats, la transparence, la logistique et la sécurité du système électoral, etc. Un éventail des défis qui ont mis en lumière les forces et les faiblesses de cette institution d'appui a la démocratie. <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231221-rdc-plusieurs-missions-d-observations-d%C3%A9voilent-des-rapports-contrast%C3%A9s-sur-les-%C3%A9lections-g%C3%A9n%C3%A9rales">Les missions d’observation électorale</a> accréditées à l’occasion de ce scrutin ont salué le travail réalisé par la CENI. Leurs rapports convergent concernant non seulement les dysfonctionnements et actes d'incivisme constatés ici et là, mais aussi l'ordre d'arrivée des candidats au fauteuil présidentiel, avec provisoirement en tête le président sortant, Félix Tshisekedi. </p>
<p>Tout en déplorant les actes d’incivisme avérés ici et là, ces missions ont émis diverses recommandations pour l’amélioration du processus électoral. Mais elles ont toutes relativisé l’incidence des irrégularités constatées sur l’ordre d’arrivée des candidats. </p>
<h2>Tendre vers l'avenir</h2>
<p>Une frange des prétendants dont, par exemple, Constant Mutamba et Noël Tshianyi Muadiamvita, s’est inclinée devant le verdict provisoire de la CENI et a félicité le vainqueur proclamé. Certes, un autre groupe d’opposants dont Moise Katumbi, Martin Fayulu, Seth Kikuni, conteste ce résultat qu’il qualifie de frauduleux. En plus, ces derniers refusent d’aller devant les cours et tribunaux chargés des contentieux post-électoraux pour faire valoir leurs droits. Ce refus repose sur l'idée que la Cour constitutionnelle serait à la solde du régime sortant, pire encore sous l’emprise du groupe ethnique du président Tshisekedi. </p>
<p>En tout état de cause, il est à craindre que les protagonistes du refus de recours au profit des manifestations de rue ne soient en train de mal négocier le tournant démocratique en cours. La démocratie est un processus de longue haleine, qui évolue en dents de scie. Chaque peuple en pose les jalons au gré de son histoire. La RDC n’en est encore qu’à ses balbutiements. Apprendre des erreurs et tendre résolument vers l’avenir, et ce dans un esprit constructif, seraient la meilleure option. Une vigilance critique s’impose afin de prévenir les manipulations subséquentes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220505/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albert Kasanda does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Il est à craindre que les protagonistes du refus de recours au profit des manifestations de rue ne soient en train de mal négocier le tournant démocratique en cours.Albert Kasanda, Researcher in Political Philosophy and social sciences, Center of Global studies, Institutes of Philosophy, Czech Academy of SciencesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199392023-12-28T17:09:27Z2023-12-28T17:09:27ZLFI : dissidence, verrouillage du parti et déficit de démocratie, comment comprendre la crise ?<p>La France Insoumise (LFI) se retrouve au cœur d’une crise touchant à la fois l’image publique et la cohésion du mouvement comme le révèle un nouveau différend entre un militant breton et la direction du parti <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/24/a-la-france-insoumise-le-recadrage-d-un-militant-illustre-un-probleme-de-democratie-interne_6207513_823448.html">lors d'une assemblée le 16 décembre à Rennes</a>. </p>
<p>Cette situation s'inscrit dans une suite de controverses et de tensions entourant son leader, Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier avait suscité de nouveau les polémiques en refusant de qualifier les attaques du Hamas du 7 octobre dernier comme des « actes terroristes », les désignant plutôt comme des « crimes de guerre », et <a href="https://www.liberation.fr/politique/attaques-du-hamas-en-israel-les-politiques-francais-reagissent-20231007_HV33CT243ZEULAH3WM4X7TES4Q/">renvoyant dos-à-dos les deux camps</a>.</p>
<p>Selon certains sondages, Jean-Luc Mélenchon est désormais la personnalité politique la moins appréciée des Français avec <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/sondage-jean-luc-melenchon-devient-la-personnalite-politique-qui-suscite-le-plus-de-rejet-dans-lopinion">62 % d’opinions défavorables</a>. Un autre sondage, quant à lui, affecte l’image du mouvement, le considérant <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/la-france-insoumise/lfi-considere-comme-plus-dangereux-pour-la-democratie-que-le-rn-selon-un-sondage_6113646.html">plus dangereux pour la démocratie que le Rassemblement national</a> (RN) et révèle également que 60 % des Français estiment que LFI est un parti qui « attise la violence » contre 52 % pour le RN.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-divisions-sur-le-conflit-israelo-palestinien-montrent-les-faiblesses-de-la-gauche-215540">Comment les divisions sur le conflit israélo-palestinien montrent les faiblesses de la gauche</a>
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<p>Cette crise dépasse la simple perception du mouvement par les Français et touche également son fonctionnement interne. Depuis les élections législatives de 2022, des <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/12/12/lfi-les-critiques-de-clementine-autain-et-francois-ruffin-balayees-par-manuel-bompard_6154037_823448.html">voix s’élèvent au sein du mouvement</a>, critiquant le déficit de démocratie et de pluralisme au sein de LFI. Cette crise sans précédent, tant dans son ampleur que dans sa médiatisation, est le symptôme d’un verrouillage de l’organisation partisane par son fondateur. LFI s’apparente davantage à un parti personnel, centré sur la figure de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1369148117750819">son leader-fondateur</a>, qu’à un <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/15/la-france-insoumise-est-moins-un-parti-mouvement-qu-un-parti-personnel_6154468_3232.html">parti-mouvement</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, Jean-Luc Mélenchon est perçu par ses dissidents, avec Clémentine Autain et François Ruffin en tête, et plus largement au sein de la gauche, comme un <a href="https://www.lexpress.fr/politique/melenchon-lagent-perturbateur-la-nupes-sapprete-a-passer-larme-a-gauche-ZROKGRMLVZGVJIN55VBNYU37XA/">agent perturbateur</a>. Sa capacité à nuire est jugée supérieure à sa capacité à unir, et <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/melenchon-feint-de-ne-pas-savoir-pourquoi-les-partis-de-gauche-ont-mis-fin-a-la-nupes-20231202">l’implosion de la Nupes</a> est citée comme un exemple de cette dynamique par ses opposants à gauche. Cela soulève des interrogations quant à la capacité de Jean-Luc Mélenchon à continuer d’incarner une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aU1tHUXjQ6c">figure de stabilité et de présidentialité</a> pour son mouvement.</p>
<h2>L’ombre d’un leader toujours présent</h2>
<p>Malgré <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tI4kWSn5Awk&themeRefresh=1">son retrait annoncé</a>, Jean-Luc Mélenchon garde une influence centrale sur la direction et la ligne politique de LFI. Cela est devenu évident lors de la nomination à l’unanimité de Manuel Bompard, un fidèle de l’ancien candidat, à la tête de la <a href="https://theconversation.com/la-france-insoumise-et-renaissance-crise-ou-metamorphose-de-partis-singuliers-214521">coordination du mouvement</a>. Les 21 membres de la « Coordination des Espaces » impliqués dans cette décision comprennent des proches du leader tels que Sophia Chikirou, Gabriel Amard, Mathilde Panot, Louis Boyard, Danièle Obono, Clémence Guetté et Manon Aubry, tous membres de sa garde rapprochée. En revanche, certains, tels qu’Alexis Corbière, Clémentine Autain, François Ruffin et Eric Coquerel, affirment ne pas avoir été consultés et se retrouvent écartés des instances opérationnelles.</p>
<p>Cette désignation est perçue par certains membres en interne comme <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-brief-politique/la-france-insoumise-se-dechire-apres-une-reorganisation-qui-exclut-les-figures-montantes-du-parti_5507295.html">« une purge »</a>, un acte de « verrouillage » ou encore une forme d’« autodésignation ». Cette nomination est révélatrice de l’influence persistante de Jean-Luc Mélenchon sur la direction du parti.</p>
<p>En parallèle, en assumant la co-présidence avec Clémence Guetté de <a href="https://www.leparisien.fr/politique/lfi-les-contours-de-la-fondation-la-boetie-de-jean-luc-melenchon-se-precisent-22-11-2022-HQ4WHQWWGBCKTOZCWJCNFKPMTY.php">l’Institut La Boétie</a>, il conserve une position stratégique au sein du mouvement. Cet institut est conçu comme un laboratoire d’idée pour le parti et de formation des futurs cadres, axant ses programmes sur les thématiques chères à l’ancien candidat, lui permettant de continuer à exercer une emprise idéologique et de <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/institut-la-boetie-bienvenue-a-la-melenchon-academy-20230222_6HX6HXYAZVGHDHUZOJ6TFS26YQ/">façonner les futurs leaders du parti</a> selon ses principes et sa vision politique.</p>
<h2>Une société de cour</h2>
<p>Malgré les critiques et les dissidences, Jean-Luc Mélenchon reste le centre de gravité du mouvement, renforcé par une garde rapprochée qui fonctionne comme une <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-histoire/qu-est-ce-qu-une-societe-de-cour-6543140">société de cour</a>. Ce cercle d’intimes, composé de proches et de fidèles, joue un rôle clef dans la direction et les stratégies du parti, écartant critiques et dissidents.</p>
<p><a href="https://www.liberation.fr/politique/lfi-raquel-garrido-sanctionnee-pour-quatre-mois-apres-avoir-critique-la-ligne-officielle-du-mouvement-20231107_MVEOVRNUQBDC7PXVSQZALFQ3NA/">Raquel Garrido</a> sera la première à en subir les conséquences, suspendue de son rôle de porte-parole à l’Assemblée nationale pour une durée de quatre mois par le « bureau politique », un organe qui ne figure dans aucun organigramme du mouvement. Cette sanction fait suite à ses critiques publiques de la stratégie et de la direction de LFI, et notamment contre son leader.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1721681537412841671"}"></div></p>
<p>Des reproches se sont rapidement élevées, condamnant la sanction prise contre Garrido et établissant un parallèle avec celle d’<a href="https://www.liberation.fr/politique/exclu-du-groupe-lfi-adrien-quatennens-de-retour-a-lassemblee-20230111_RIJREA2W5RAN7N5GCA5PUHA4B4/">Adrien Quatennens</a>, exclu du groupe parlementaire pour quatre mois suite à sa condamnation pour violences conjugales. Clémentine Autain considère cette sanction comme un cas de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/les-sanctions-prises-contre-raquel-garrido-ouvrent-une-nouvelle-crise-a-la-france-insoumise_6198798_823448.html">« deux poids, deux mesures »</a>. Elle note que les députées Danièle Obono et Sophia Chikirou, proches du leader, n’ont pas été inquiétées par ce bureau pour leurs différentes affaires : Obono ayant qualifié le Hamas de « mouvement de résistance », et Chikirou risquant une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/03/pourquoi-la-justice-enquete-sur-la-deputee-lfi-sophia-chikirou_6192142_3224.html">mise en examen pour escroquerie aggravée</a>.</p>
<h2>Un blocage systématique des velléités de démocratie</h2>
<p>Le verrouillage et le déficit de démocratie interne laissent à Jean-Luc Mélenchon le rôle de seul décideur au sein du mouvement. Cette position est <a href="https://www.liberation.fr/politique/avec-melenchon-en-premiere-ligne-la-france-insoumise-deja-lancee-vers-2027-20231214_OJQGTWVHJZEIVOIW3CLXRDGKTE/">renforcée par l’arrivée de primo-députés</a>, élus lors des dernières législatives, qui lui manifestent une grande loyauté.</p>
<p>Cette dynamique solidifie non seulement sa position prééminente au sein du mouvement, mais garantit également l’engagement fidèle de ses alliés. La loyauté et l’interdépendance entre leader et ses « courtisans » consolident son influence et son pouvoir au sein de LFI. En d’autres termes, cette situation lui permet de maintenir son emprise sur le parti et de s’appuyer sur leur loyauté inébranlable. En reprenant l’image de la <a href="https://www.calmann-levy.fr/livre/la-societe-de-cour-9782702105177/">société de cour de Norbert Elias</a>, on peut comparer le mouvement à une monarchie absolue.</p>
<p>Dans ce système, le fonctionnement est informel et arbitraire, dicté par la volonté d’un seul homme ou de quelques-uns de ses fidèles. Quant à sa base militante, elle n’exerce, aucune influence sur les décisions du parti. Le sociologue français Manuel Cervera-Marzal qui a publié en 2021 une enquête sociologique sur la France Insoumise, caractérise les militants insoumis comme étant <a href="https://www.cairn.info/le-populisme-de-gauche--9782348054921-page-179.htm">« sans droits et sans devoirs »</a>.</p>
<p>La mainmise exercée par l’entourage fidèle à Jean-Luc Mélenchon au sein du mouvement cristallise un blocage systématique des velléités de démocratie et de <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/clementine-autain-demande-a-lfi-plus-de-pluralisme-et-d-ancrage-territorial-20220822">pluralisme internes</a>. Cette stratégie de verrouillage, centrée sur la figure de son leader, étouffe toute tentative de renouveau ou de divergence idéologique. En réaction, les figures dissidentes pourraient trouver un second souffle en forgeant une alliance en marge du mouvement, s’affranchissant ainsi de la tutelle du leadership établi.</p>
<h2>Une nouvelle union de la gauche sans Jean-Luc Mélenchon ?</h2>
<p>Parmi les dissidents les plus médiatisés figurent François Ruffin, Clémentine Autain, Alexis Corbière et <a href="https://www.challenges.fr/politique/raquel-garrido-tourne-le-dos-aux-monstres-staliniens-de-la-france-insoumise_876485">Raquel Garrido</a>. Ces derniers, aux côtés de trois députés d’autres formations politiques – Jérôme Guedj (PS), Julien Bayou (EELV), et Elsa Faucillon (PCF) –, ont constitué un groupe informel, <a href="https://www.liberation.fr/politique/les-unionistes-ce-petit-groupe-de-deputes-qui-veut-sauver-le-rassemblement-de-la-gauche-et-preparer-lapres-20231020_QNDRKYXEPJHRBF7PY6JZIQ26BE/">« les unionistes »</a>.</p>
<p>Ils envisagent une <a href="https://www.challenges.fr/politique/ruffin-garrido-autain-la-sourde-revolte-des-insoumis-des-insoumis_871675">alliance</a> pour la nomination d’un candidat unique aux prochaines élections présidentielles, en organisant des primaires de la gauche, contournant ainsi le verrouillage et le déficit de démocratie de LFI. Cette stratégie pourrait ne pas produire les résultats escomptés dans un parti personnel et fortement <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti-cartel">cartelisé</a> comme LFI, moins dépendant de ses militants du fait de son financement étatique et donc moins influencé par leur avis, et qui demeure la première force à gauche avec ses 75 députés à l’Assemblée nationale.</p>
<p>En outre, la décision de Jean-Luc Mélenchon de ne pas participer à la <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/01/19/jean-luc-melenchon-refuse-d-etre-associe-a-la-primaire-populaire-selon-les-insoumis_6110031_6059010.html#:%7E:text=Jean%2DLuc%20M%C3%A9lenchon-,Jean%2DLuc%20M%C3%A9lenchon%20refuse%2C%20selon%20les%20%C2%AB%20insoumis%20%C2%BB%2C,gauche%20%C3%A0%20l%E2%80%99%C3%A9lection%20pr%C3%A9sidentielle">Primaire populaire de 2022</a> illustre la complexité et les défis des primaires en tant qu’outil d’unification. L’histoire récente, notamment des primaires de 2017 des républicains et du parti socialiste, montre que celles-ci peuvent <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1167.htm">exacerber les divisions internes</a>.</p>
<p>Cette dynamique risque de reproduire le même schéma au sein de la gauche, où la multiplication des candidatures pourrait davantage fragmenter l’électorat plutôt que de consolider une véritable alternative à Jean-Luc Mélenchon, dont la voix et celle de ses fidèles restent dominantes à gauche. Cette situation s’explique en partie par la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/05/la-strategie-du-conflit-permanent-de-jean-luc-melenchon-de-polemique-en-polemique_6203937_823448.html">stratégie de conflictualité permanente</a> du leader, qui lui permet d’occuper l’espace médiatique, ainsi que par une rhétorique populiste visant à mobiliser ses sympathisants et les abstentionnistes. Toutefois, cette « stratégie de la conflictualité dans une société de plus en plus fragmentée et polarisée est très risquée », et pourrait se retourner contre la gauche, comme l’analyse le politologue <a href="https://www.nouvelobs.com/opinions/20231207.OBS81814/tribune-mais-que-cherche-donc-jean-luc-melenchon.html">Rémi Lefebvre</a>.</p>
<p>La situation actuelle de LFI, caractérisée par des tensions internes et une critique croissante de la centralisation du pouvoir autour du leadership charismatique de Jean-Luc Mélenchon, constitue un tournant qui pourrait s’avérer décisif pour l’avenir du mouvement. Les fidèles à la figure du fondateur sont peu enclins à remettre en question sa prééminence, ouvrant ainsi la possibilité à l’ancien candidat de se présenter une quatrième fois à l’élection présidentielle, tant sa position paraît inébranlable au sein de LFI.</p>
<p>Les appels à la démocratisation et à une ouverture plus large émanant des dissidents les amènent à envisager leur avenir en dehors du mouvement jugé trop verrouillé par l’entourage du leader. La question est de savoir si ces dissidents, en s’appuyant sur leurs propres ressources, sont capables de se détacher de l’orbite insoumise et de son fondateur, afin de se positionner en tant qu’alternative crédible à Jean-Luc Mélenchon. Aujourd’hui rien n’en est moins sûr.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219939/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ludovic Grave ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une crise sans précédent touche LFI, tant dans son ampleur que dans sa médiatisation, et semble être le symptôme d’un verrouillage de l’organisation par son fondateur.Ludovic Grave, Doctorant en science politique, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2180872023-12-15T15:29:17Z2023-12-15T15:29:17ZCOP28 : un accord inédit, mais sans l’urgence d’agir<p>Lors de la <a href="https://unfccc.int/cop28">COP28</a> qui vient de se terminer à Dubaï, la communauté internationale avait la lourde responsabilité de produire un bilan de la mise en œuvre de <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris">l’Accord de Paris</a>, huit ans après son adoption. </p>
<p>Ce bilan avait pour but <a href="https://unfccc.int/fr/themes/global-stocktake/about-the-global-stocktake/pourquoi-le-bilan-mondial-est-un-moment-critique-pour-l-action-climatique#tab_home">d’évaluer les progrès collectifs, d’actualiser et de renforcer les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques</a>.</p>
<p><a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/GST_2.pdf">La décision adoptée</a> à Dubaï par la communauté internationale relève du compromis. C’est une COP qui a su éviter l’échec, sans pour autant annoncer des changements substantiels nécessaires pour éviter le pire.</p>
<p>Chercheurs et chercheures à l’UQAM, à l’Université d’Ottawa et à l’Université Laval, nous étions observateurs et observatrices pour le <a href="https://www.cqde.org/fr/">Centre québécois du droit de l’environnement</a> et le <a href="https://www.uottawa.ca/faculte-droit/common-law/centre-droit-environnement-durabilite-mondiale">Centre du droit de l’environnement et de la durabilité mondiale</a>. Nous avons suivi la COP28 à distance et en personne. Voici les éléments clés que nous en retenons.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cop-27-une-decision-historique-et-un-terrible-statu-quo-194151">COP 27 : une décision historique… et un terrible statu quo</a>
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<h2>Une organisation logistique qui en a exclu plusieurs</h2>
<p>La COP28 restera dans les mémoires des délégués non-VIP présents sur place comme un événement où les déplacements et l’orientation sur l’immense site d’Expo City Dubaï étaient difficiles. Cela a rendu la participation aux rencontres et aux événements ardue. Le nombre d’entre eux annulés ou retardés, sans préavis, était également notable.</p>
<p>Lorsqu’au bout de ce <a href="https://www.lalibre.be/planete/environnement/2023/12/04/avec-plus-de-88000-accredites-la-cop28-cest-disneyworld-cest-trop-grand-il-y-a-trop-dinformations-en-meme-temps-L326BHKHAVFSZC3AACV4HP4CN4/">parcours du combattant</a>, le ou la délégué lambda parvenait à se rendre à un événement ou une rencontre en cours, l’accès à la salle pouvait encore lui être refusé, faute de places assises disponibles, très limitées. Il ou elle pouvait aussi se heurter à la barrière de la langue, puisque les traductions dans les langues officielles des Nations unies, autres que l’anglais, n’étaient pas systématiques. </p>
<p>Les rares manifestants ont dû composer avec les <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/12/global-cop28-agreement-to-move-away-from-fossil-fuels-sets-precedent-but-falls-short-of-safeguarding-human-rights/">restrictions à l’espace civique</a> et les changements à l’agenda qui <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-12-09/la-presse-a-la-cop28/la-plus-aseptisee-de-toutes-les-cop.php">limitaient leur marge de manœuvre et leur impact</a>.</p>
<p>Autant d’obstacles qui, en pratique, traduisaient un certain manque d’inclusion et d’équité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nous-etions-a-la-cop26-voici-nos-constats-sur-ses-resultats-en-demi-teinte-172031">Nous étions à la COP26 : voici nos constats sur ses résultats en demi-teinte</a>
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<h2>L’avenir des énergies fossiles : verre à moitié vide ou à moitié plein ?</h2>
<p>Les négociations sur le sort des énergies fossiles ont été âpres entre le Nord et le Sud. Fruit d’un compromis, le <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cma2023_L17_adv.pdf">texte adopté mercredi</a> invite le monde à « transitionner hors des énergies fossiles […], d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ». </p>
<p>L’accord final n’évoque donc plus la sortie des énergies fossiles (phase-out), mais une transition hors de celles-ci (transitioning away). Cette formule imprécise et vague laisse perplexe, même si le texte a le mérite de mentionner pour la première fois toutes les énergies fossiles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cop28-voici-les-fondements-scientifiques-pour-une-elimination-rapide-des-combustibles-fossiles-219565">COP28 : voici les fondements scientifiques pour une élimination rapide des combustibles fossiles</a>
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<p>Le texte appelle aussi à <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cma2023_L17_adv.pdf">« tripler la capacité des énergies renouvelables au niveau mondial » et à « accélérer »</a> le développement du nucléaire, en tant que source d’électricité qui génère peu de carbone. L’accord de Dubaï est donc inédit, mais il n’apparaît pas historique dans la mesure où l’urgence climatique suppose des décisions plus ambitieuses, courageuses et contraignantes.</p>
<h2>Finances climatiques : un énième échec et une lueur d’espoir</h2>
<p>Une nouvelle fois, la communauté internationale n’a pas été capable de mobiliser les 100 milliards de dollars par année nécessaires pour financer l’atténuation des changements climatiques. Il faut rappeler que <a href="https://unstats.un.org/sdgs/tierIII-indicators/files/13.a.1_Background.pdf">cet objectif devait être atteint en 2020</a>, à la suite d’un engagement pris à la COP15, en 2009.</p>
<p>Au premier jour de la COP28 (c’est suffisamment rare pour être noté), un accord sur <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cp2023_L1_cma2023_L1_adv.pdf">l’opérationnalisation d’un fonds pour les pertes et les préjudices</a> a néanmoins été adopté. Ce dernier a pour but de financer les dommages inévitables résultant des changements climatiques. Malgré tout, peu de pays développés se sont engagés à financer ce fonds. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/dec/06/700m-pledged-to-loss-and-damage-fund-cop28-covers-less-than-02-percent-needed">Environ 700 millions de dollars ont été promis, comparativement aux 400 milliards annuels qui seraient nécessaires</a>.</p>
<p>La concrétisation du fonds « pertes et préjudices » outille certes la communauté internationale, mais cela ne garantit pas que les contributions financières seront à la hauteur des besoins. Et, nous l’avons vu avec l’historique de la finance climatique, les États ne se bousculent pas pour sortir le chéquier.</p>
<h2>Une COP aux allures de foire commerciale</h2>
<p>Entre les salles d’exposition pour les voitures électriques, les conférences sur les opportunités d’affaires générées par la transition énergétique et les occasions de réseautage, la COP28 avait des airs de <a href="https://www.courrierinternational.com/article/climatiques-les-folles-nuits-de-la-cop28">sommet pour les gens d’affaires</a>, plus nombreux que jamais à participer à une COP Climat. </p>
<p>Près de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/05/cop28-a-dubai-presence-massive-des-lobbyistes-des-energies-fossiles_6203988_3244.html">2500 lobbyistes affiliés au secteur des énergies fossiles</a> étaient accrédités pour l’événement, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/cop/infographies-cop28-a-dubai-la-presence-massive-et-sans-precedent-des-lobbyistes-des-energies-fossiles_6224418.html">certains faisant partie des délégations officielles des États</a>. Présentes aux négociations et ayant un accès privilégié aux négociations, l’influence de ces personnes sur le processus a été déplorée par les autres membres de la société civile.</p>
<p>Les entreprises et institutions financières présentes à la COP28 ont insisté sur la nécessité de davantage mobiliser le secteur privé et de miser sur les mécanismes de marché et leur potentiel, afin de faciliter la transition énergétique en créant des opportunités pour toutes et tous. </p>
<p>Toutefois, certains projets ne sont pas <em>bankable</em>, selon les institutions financières. Les projets fondés sur une valeur sociale ou environnementale ne sont pas forcément dotés d’une grande valeur monétaire. Peut-on alors les laisser décider de prioriser certains projets plus économiquement porteurs, lorsque le bien commun est en jeu ?</p>
<h2>Un bilan canadien assombri par les tensions sur le plan national</h2>
<p>Le ministre canadien de l’Environnement et du changement climatique, Steven Guilbeault, a qualifié l’accord conclu lors de la COP28 de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2023/12/le-canada-contribue-a-lobtention-de-resultats-historiques-sur-le-plan-de-lambition-climatique-et-de-lenergie-propre-a-la-cop28.html">consensus historique pour s’éloigner des énergies fossiles et garder en vie l’objectif de limiter à 1,5° le réchauffement de la planète</a>. </p>
<p>Il a agi au cours des négociations comme <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2023/11/le-ministre-guilbeault-est-a-la-tete-de-la-delegation-canadienne-a-la-conference-des-nations-unies-sur-les-changements-climatiques-cop28-afin-denco.html">l’un des ministres facilitateurs pour les moyens de mise en œuvre (par exemple, le soutien financier)</a>, plaçant le Canada dans un rôle d’avant-plan lors de cette COP. Il a en outre annoncé la publication d’un <a href="https://www.canada.ca/fr/services/environnement/meteo/changementsclimatiques/plan-climatique/plafonnement-emissions-secteur-petrolier-gazier/cadre-reglementaire.html">cadre réglementaire national pour plafonner les émissions de GES du secteur pétrolier et gazier</a>.</p>
<p>Cependant, ce rôle de premier plan et cette annonce notable n’auront pas été suffisants pour effacer les tensions fortes sur le plan national. L’Alberta, d’ailleurs récipiendaire <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-12-06/cop28/l-alberta-remporte-le-prix-satirique-fossile-du-jour.php">d’un des prix « Fossile du jour » remis par le Réseau Action Climat</a>, n’a pas tardé à critiquer l’annonce d’un plafonnement des émissions de GES, la <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-12-07/industrie-petrogaziere/ottawa-veut-reduire-les-emissions-du-tiers.php#">qualifiant d’attaque envers l’économie albertaine</a>. La Saskatchewan, présentant elle aussi plusieurs divergences sur les politiques environnementales, a de son côté loué <a href="https://ici.radio-canada.ca/sujet/changements-climatiques/actualites/document/nouvelles/article/2028670/cop28-jim-reiter-ecologie-industrie">son propre pavillon sur le site de la COP28</a> plutôt que de partager l’espace du gouvernement fédéral. </p>
<p>Le Québec s’est relativement fait discret, mais il a toutefois profité de l’événement pour annoncer son nouveau rôle de coprésident de l’Alliance « Au-delà du pétrole et du gaz », avec le Costa Rica et le Danemark. L’accomplissement des engagements climatiques canadiens ne sera pas facilité par ces fortes divergences entre les provinces, et sur les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre.</p>
<h2>Cap sur Bakou</h2>
<p>Le bilan de cette COP varie selon si l’on voit le verre à moitié plein, ou à moitié vide… Au moins, il y a un verre et un contenu. Il y a eu des avancées notables, même si l’ambition sur les énergies fossiles a été limitée alors que le temps presse. </p>
<p>Dubaï semble avoir manqué l’occasion de constituer une véritable rupture dans la manière de lutter contre les changements climatiques. Les regards se tournent désormais vers Bakou, en Azerbaïdjan, où se déroulera la COP29. Le profil de ce pays pétrolier et autoritaire devrait faire couler beaucoup d’encre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218087/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lynda Hubert Ta est membre du Centre du droit de l'environnement et de la durabilité mondiale de l'Université d'Ottawa, duquel elle a reçu un financement pour participer à la COP 28.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les recherches de Nessan Akemakou sont financées par le Forum de l'Université d'Ottawa sur le droit et la gouvernance de l'eau. Nessan est par ailleurs président de L'Afrique des Idées, un think tank indépendant et à but non lucratif.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les recherches doctorales de Rachel Nadeau sont financées par le Fonds de recherche du Québec - Société et culture. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandre Lillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décision adoptée à Dubaï par la communauté internationale relève du compromis. C’est une COP qui a su éviter l’échec, sans pour autant annoncer des changements substantiels pour éviter le pire.Alexandre Lillo, Professeur au Département des sciences juridiques, Université du Québec à Montréal (UQAM)Lynda Hubert Ta, Professeur en droit, L’Université d’Ottawa/University of OttawaNessan Akemakou, Chercheur postdoctoral, L’Université d’Ottawa/University of OttawaRachel Nadeau, Candidate au doctorat, Université Laval, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2191052023-12-13T10:44:30Z2023-12-13T10:44:30ZMadagacar : la réélection d'Andry Rajoelina ouvre une nouvelle phase politique<p>La réélection d'Andry Rajoelina à la présidence de Madagascar a été confirmée par la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/12/01/a-madagascar-la-reelection-andry-rajoelina-confirmee_6203341_3212.html*">Haute cour constitutionnelle</a>. Ainsi, Andry Rajoelina a obtenu 58.96 % des suffrages exprimés, contre 14,39 % pour Siteny Randrianasoloniako et 12,09 % pour Marc Ravalomanana. En fait, on pourrait aussi dire que <a href="https://theconversation.com/madagascar-une-election-presidentielle-a-haut-risque-216327">cette élection a été jouée d'avance</a> du moment que la grande majorité des candidats (10 sur 13), y compris le concurrent qui aurait le plus de chance de gagner, c'est-à-dire Marc Ravalomanana, ont décidé finalement de ne pas y participer, laissant ainsi le champ tout à fait libre à Andry Rajoelina. </p>
<p>Le président sortant est ainsi réélu dès le premier tour, malgré un taux de participation de 46,35 % plutôt bas à cause du boycott par les dix candidats de l’opposition. </p>
<p>J'ai étudié la politique malgache pendant plusieurs années, en me focalisant sur le processus de démocratisation, les conflits et transitions politiques. Cet article analyse les résultats de l'élection, le taux de participation, les contestations de l'opposition et examine les perspectives post-électorales dans un contexte de polarisation politique.</p>
<h2>Un faible taux de participation</h2>
<p>La violence électorale, tant redoutée par de nombreux acteurs politiques et observateurs quelques jours avant l’élection n’a pas eu lieu finalement. Tout au contraire, l’élection s’est déroulée dans le calme le plus absolu. Cette crainte de la violence aurait justifié la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/13/election-a-madagascar-la-presidente-de-l-assemblee-nationale-fait-appel-a-la-sadc-pour-sortir-de-la-crise_6199925_3212.html">tenue d’urgence d’une “négociation” </a>sous la houlette de la présidente de l’Assemblée nationale, Christine Razanamahasoa et du Conseil œcuménique des églises chrétiennes (FFKM).</p>
<p>Les dix candidats membres du collectif <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/16/a-madagascar-jour-de-vote-sous-tension-pour-l-election-presidentielle_6200527_3212.html">se sont opposés</a> à cette élection. ils avaient en outre donné la consigne à leurs partisans de ne pas voter. Par conséquent, il y avait très peu de monde dans les rues, surtout dans la capitale, et aux alentours des bureaux de vote le jour de l’élection. </p>
<p>Dès lors, le faible taux de participation est descendu jusqu’à 31,65% dans la capitale et ses environs. Il est devenu le plus important sujet de conversation aussi bien pour l'opposition que pour les observateurs nationaux et internationaux. Par contre, on a noté l’enthousiasme des électeurs dans les régions périphériques, comme à Toliara où le taux de participation a atteint 62,03 %, ou comme à Fianarantsoa, 55,06 %. </p>
<p>De plus, il faut rappeler que le taux de participation du premier tour de l’élection présidentielle en 2018 était de 53,95 %. Au second tour, qui avait marqué la victoire d'Andry Rajoelina, il n'avait atteint que de 48,09 %. Ainsi, le taux de participation <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/12/01/a-madagascar-la-reelection-andry-rajoelina-confirmee_6203341_3212.html">de 46,35 % selon les résultats définitifs</a> de l’élection du 16 novembre 2023 n’a rien de catastrophique. </p>
<p>Au lendemain du scrutin, malgré les conditions calmes du vote et ce taux de participation officiel plutôt correct, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF)<a href="https://www.francophonie.org/elections-presidentielles-madagascar-loif-prend-acte-des-resultats-provisoires-3008">a pris une position forte en conseillant aux acteurs malgaches de privilégier la discussion et le dialogue</a>. Elle les a ainsi invités “à privilégier la concertation et le dialogue en vue de créer les conditions d’un retour à une vie politique plus apaisée, gage de la préservation de la paix, de la stabilité et du développement intégral et durable de Madagascar”.</p>
<h2>Une victoire contestée</h2>
<p>D’ores et déjà, les membres du Collectif de candidats ont déclaré qu’ils rejetaient ces résultats en bloc et qu’ils considèrent que “cette élection n’a même pas eu lieu”, selon les mots de leur porte-parole et président du parti Malagasy Miara Miainga (MMM), Hajo Andrianainarivelo. Ils réclament l'organisation d'une nouvelle élection. </p>
<p>Transparency International – Initiative Madagascar <a href="https://www.transparency.mg/communiques-de-presse/presidentielles-2023-le-triomphe-de-la-corruption-de-largent-et-de-la-complaisance-sur-la-democratie/">a accusé la communauté internationale d’être complaisante envers Andry Rajoelina</a>. Elle a cependant noté que les observateurs internationaux seraient “unanimes” en affirmant que l’élection présidentielle du 16 novembre à Madagascar s’était déroulée “sans incident majeur”. </p>
<p>L'ONG souligne aussi la position générale de la communauté internationale qu'elle considère inquiétante, selon laquelle “les quelques manquements et imperfections constatés çà et là ne peuvent remettre en cause de façon globale le bon déroulement et la crédibilité de cette élection”. </p>
<p>Ceci laisse déjà présager que la communauté internationale, dans son ensemble, ne va pas s’opposer à l’investiture d’Andry Rajoelina en tant que nouveau président se succédant à lui-même. En effet, les félicitations de la part des grandes puissances telles que les États-Unis, la Chine et l'Inde n'ont cessé de parvenir à Antananarivo dès la proclamation des résultats officiels. </p>
<p>De son côté, sans qu'il soit encore investi officiellement de ses fonctions, Andry Rajoelina s'est déjà permis de faire le déplacement à Dubai pour assister à la COP 28. Il a reçu les félicitations de ses pairs africains et arabes dont les présidents des Comores, Azali Assoumani, du Sénégal, Maki Sall, du Congo, Denis Sassou Nguesso, et des Seychelles, Wavel Ramkalawan. Cependant, la France est curieusement restée muette jusqu'à maintenant. Paris se garde bien de féliciter ou de rejeter <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/madagascar-la-nationalite-francaise-presumee-du-president-andry-rajoelina-provoque-une">le “Français” Andry Rajoelina</a>!</p>
<p>L'après-élection s'annonce donc positif pour Andry Rajoelina sur le plan international. Mais au niveau national, des combats acharnés avec l'opposition se profilent déjà à l'horizon. En effet, au cours de son premier mandat, Andry Rajoelina (2018-2023) a déjà fait face à des attaques de la part de l'opposition, et en particulier de Marc Ravalomanana lui-même, visant à renverser son pouvoir. </p>
<p>Des associations regroupant tous les opposants ont été créées et des slogans (voire “cris de guerre”) ont été lancés. Quelques mois seulement après son investiture en janvier 2019, Andry Rajoelina devait ainsi affronter un “rodoben'ny mpanohitra” (<a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220723-%C3%A0-madagascar-les-forces-de-l-ordre-emp%C3%AAchent-un-rassemblement-de-l-opposition">rassemblement de tous les opposants</a>), ensuite une opération <a href="https://www.madagascar-tribune.com/Affaire-Appollo-21-Des-hauts-politiciens-impliques-selon-Andry-Rajoelina.html">“Appolo 21” (une tentative d'assassinat qui impliquait des hauts responsables de son gouvernment et des ressortissants Francais)</a>, et finalement une plateforme dénommée “<a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230202-madagascar-la-plateforme-d-opposition-c-lera-f%C3%A9d%C3%A9r%C3%A9e-par-le-rejet-du-pouvoir-avant-la-pr%C3%A9sidentielle-2023">Lera</a>” (“l'heure de renverser Andry Rajoelina est venue”). Cependant, l'une après l'autre, ces attaques ont échoué. Et au début de cette année, l'opposition n'avait plus le choix que d'affronter Andry Rajoelina dans une élection présidentielle pour tenter de le bouter hors du pouvoir. </p>
<h2>Une nouvelle phase politique</h2>
<p>Toutefois, au lieu de jouer le jeu et accepter ses règles, biaisées ou non (ce qui est encore discutable), l'opposition a misé sur la disqualification d'Andry Rajoelina lui-même et le contrôle des institutions avant l'élection et elle a perdu. </p>
<p>Aujourd'hui, malgré sa défaite électorale, l'opposition ne s'avoue pas encore vaincue. Une “cellule de crise” pour continuer la lutte est déjà mise sur pied. Les réunions et déclarations se succèdent.</p>
<p>En définitive, l'élection présidentielle de 2023 a commencé avec des batailles juridiques, politiques, et même physiques dans les rues d'Antananarivo. Elle s'est terminée dans un calme relatif avec la victoire d'Andry Rajoelina au premier tour. La question est maintenant de savoir si Andry Rajoelina parviendra à se maintenir au pouvoir pour son second mandat, ou bien si l'opposition réussira cette fois-ci à le renverser. C'est en effet comme si “les alternances, à Madadagascar, devaient toujours se faire en dehors des cadres constitutionnels”, pour <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/16/a-madagascar-toutes-les-alternances-se-sont-faites-en-dehors-des-regles_6194827_3212.html">paraphraser un collègue</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrien Ratsimbaharison does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La victoire d'Andry Rajoelina ouvre une nouvelle phase politique. Les défis persistants et les perspectives incertaines nécessitent la restauration de la confiance entre les acteurs.Adrien Ratsimbaharison, Professor of Political Science, Benedict CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187832023-12-04T16:33:53Z2023-12-04T16:33:53ZEn quête de transparence : la réglementation canadienne sur les pesticides a besoin d’une refonte. Voici pourquoi<p><a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2021/08/le-gouvernement-du-canada-suspend-sa-decision-au-sujet-du-glyphosate-pendant-quil-renforce-la-capacite-et-la-transparence-du-processus-dexamen-des-.html">En 2021, Santé Canada a annoncé le gel de la modification des limites maximales de résidus (LMR)</a> – soit le maximum autorisé de résidus de pesticides en vertu de la loi canadienne. Cette décision fait suite à un tollé général important découlant de l’<a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/public/consultations/limites-maximales-residus-proposees/2021/glyphosate/document.html">augmentation proposée de la LMR pour le glyphosate</a>, l’herbicide le plus largement utilisé au Canada.</p>
<p>Cette année, trois ministères (dont Santé Canada) ont accepté de <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2023/06/le-gouvernement-du-canada-donne-suite-aux-engagements-federaux-en-matiere-de-pesticides.html">lever le gel de la modification des LMR</a> pour procéder aux ajustements des limites de résidus moins complexes. Par le fait même, ils ont lancé un programme de <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/directions-generales-agences/agence-reglementation-lutte-antiparasitaire/transformation/comment-nous-transformons.html">transformation</a> au sein de l’<a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/directions-generales-agences/agence-reglementation-lutte-antiparasitaire.html">Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA)</a>.</p>
<p>Cette décision visait à accroître la transparence, à moderniser leurs pratiques commerciales, à améliorer l’accès aux informations liées à la prise de décision en matière de pesticides et à accroître l’utilisation de données du monde réel et de conseils indépendants.</p>
<p>Cependant, la confiance envers l’ARLA demeure un enjeu ; <a href="https://publications.gc.ca/collections/collection_2023/sc-hc/H114-39-2023-eng.pdf">seulement 60 % des Canadiens croient que le système de réglementation suit le rythme des progrès scientifiques</a> en matière d’évaluation des pesticides. Une pression supplémentaire qui érode la confiance des Canadiens envers la science.</p>
<h2>Défis et controverses</h2>
<p>Malgré les inquiétudes persistantes concernant les risques pour la santé humaine et environnementale, l’utilisation mondiale de pesticides <a href="https://www.fao.org/faostat/fr/#data/RP/visualize">a augmenté au cours des 30 dernières années</a>.</p>
<p>Au Canada, le recours accru aux pesticides est largement lié à l’intensification de l’agriculture dans les principales régions agricoles des <a href="https://doi.org/10.3389/fenvs.2020.556452">Prairies canadiennes, du sud de l’Ontario et du Québec</a>.</p>
<p>Faire progresser la réglementation des pesticides pour répondre aux besoins du secteur agricole canadien, tout en protégeant la santé humaine et environnementale, constitue un défi croissant.</p>
<p>Il existe <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/rapports-publications/pesticides-lutte-antiparasitaire/plans-rapports/rapport-annuel-2020-2021.html">plus de 600 ingrédients actifs dans plus de 7 600 produits pesticides homologués</a> – un nombre impressionnant, qui continue d’augmenter.</p>
<p>De 2011 à 2021, l’ARLA a homologué entre 7 et 27 nouveaux ingrédients actifs annuellement. Entre-temps, il n’a interdit que <a href="https://doi.org/10.3390/toxics11020121">32 des 531 ingrédients actifs de pesticides qui sont proscrits et réglementés dans 168 autres pays</a>.</p>
<p>Cet afflux de substances exerce une pression supplémentaire sur l’agence, qui doit examiner les volumes de données scientifiques produites à la fois par le titulaire d’homologation (le fabricant du pesticide) et par des scientifiques indépendants. Et ce, tout en évaluant en permanence la liste croissante de produits existants quant à leur sécurité pour les humains et leurs risques pour la santé environnementale.</p>
<p>Certaines décisions d’homologation de pesticides, y compris les homologations conditionnelles, ont été très controversées, soulignant le manque de transparence ou la perception de parti pris de l’industrie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6i2sJwxw5Uc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une exploration des liens entre l’utilisation des pesticides et les maladies humaines, produite par les documentaires de la Deutsche Welle.</span></figcaption>
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<p>Dans le cas du glyphosate, les ventes au Canada ont dépassé près de 470 millions de kilogrammes entre 2007 et 2018. Les inquiétudes du public concernant les risques pour la santé humaine et les utilisations réglementées ont même donné lieu à des <a href="https://www.ctvnews.ca/health/advocates-thrilled-as-court-orders-health-canada-to-reassess-glyphosate-decision-1.5772134">contestations juridiques</a>.</p>
<p>De surcroît, la décision proposée en 2018 d’éliminer progressivement trois <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/agriculteurs-utilisateurs-commerciaux/insecticides-classe-ndonicotinoides.html">insecticides néonicotinoïdes</a> neuroactifs les plus largement utilisés, les plus persistants et les plus toxiques dans l’environnement, a été <a href="https://www.nationalobserver.com/2021/04/08/news/feds-wont-ban-pesticides-deadly-bees-bugs-ecosystems">annulée en 2021</a>. Les citoyens et les scientifiques ont dû chercher des réponses pour savoir si l’influence de l’industrie avait provoqué cette <a href="https://www.wildernesscommittee.org/news/federal-pesticide-regulator-flip-flops-proposed-neonics-ban-after-years-delay">volte-face</a>.</p>
<h2>De nouveaux rôles</h2>
<p>L’année dernière, dans le cadre de son programme de transformation, Santé Canada avait pour objectif de renforcer ses processus d’examen des pesticides en établissant un <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires.html">comité consultatif scientifique indépendant</a>.</p>
<p>Composé actuellement de huit experts universitaires, dont les antécédents ont été examinés pour identifier les conflits d’intérêts, le comité a été chargé de fournir des conseils objectifs et fondés sur la science pour éclairer les décisions réglementaires sur les produits antiparasitaires. Nous sommes quatre d’entre eux.</p>
<p>Depuis sa création en juillet 2022, le comité s’est réuni cinq fois avec l’ARLA de Santé Canada dans le cadre d’un <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires/reunions.html">forum public</a>.</p>
<p>Le comité a été chargé de fournir des commentaires sur diverses questions telles que la communication des LMR, l’utilisation de sources de données indépendantes, la création de bases de données en libre accès sur la toxicité et l’accès aux données des titulaires d’homologation utilisées dans la prise de décision.</p>
<p>En découle un premier signe positif : l’ARLA a répondu aux <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires/rapports-consultatifs.html">conseils et aux recommandations du comité</a>, ce qui devrait renforcer la confiance du public et garantir que la prise de décisions fondées sur des données scientifiques est au cœur de ses processus.</p>
<h2>Informer les nouvelles politiques</h2>
<p>Le Canada aurait dû établir depuis longtemps un <a href="https://canadacommons.ca/artifacts/1191021/a-canada-wide-framework-for-water-quality-monitoring/1744148/">programme coordonné de surveillance de l’eau</a> pour mesurer systématiquement les niveaux de pesticides à l’échelle nationale.</p>
<p>Le comité fournit des conseils scientifiques externes sur la nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/public/proteger-votre-sante-environnement/programmes-initiatives/surveillance-pesticides-eau/programme-pilote.html">initiative pilote du cadre de surveillance des eaux</a>.</p>
<p>Les experts du comité donnent leur avis sur les orientations concernant la sélection des sites, la fréquence de surveillance des différents types d’eaux de surface et les mesures analytiques des composés utilisés actuellement et de leurs produits de dégradation.</p>
<p>L’objectif est de garantir que ces données indispensables sur la qualité de l’eau soient rigoureuses et utilisables pour les futures évaluations des risques et la recherche scientifique indépendante.</p>
<p>Depuis peu, l’ARLA a la responsabilité supplémentaire d’améliorer les objectifs plus larges du Canada en matière de biodiversité et de protection de l’environnement en alignant ses travaux réglementaires sur le <a href="https://www.cbd.int/article/cop15-final-text-kunming-montreal-gbf-221222">Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal de 2022 – qui vise à réduire les risques liés aux pesticides d’au moins 50 % d’ici 2030</a>. Et ce, parallèlement à la promulgation du <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2023/06/projet-de-loi-s-5--loi-sur-le-renforcement-de-la-protection-de-lenvironnement-pour-un-canada-en-sante.html">Projet de loi S-5, mettant à jour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999</a> afin de tenir compte de l’exposition cumulative aux pesticides dans les évaluations des risques. Le comité élabore actuellement des recommandations pour éclairer les approches permettant de répondre au mieux à ces initiatives politiques importantes.</p>
<h2>Vers une gestion des pesticides plus transparente</h2>
<p>La progression vers une réglementation des pesticides plus transparente et plus solide sur le plan scientifique au Canada est attendue depuis longtemps. Et est essentielle.</p>
<p>Il est urgent de mettre davantage l’accent sur la transparence et la communication des données scientifiques qui sous-tendent le processus décisionnel en matière de réglementation des pesticides. Le manque d’accès aux données et aux informations utilisées dans l’évaluation des risques mine la confiance du public.</p>
<p>Dans la même optique, la dépendance excessive à l’égard des études confidentielles fournies par l’industrie, une application limitée des données provenant de scientifiques indépendants, un manque de données accessibles au public sur les ventes, l’utilisation et la surveillance environnementale des pesticides à base d’ingrédients actifs, exacerbent le scepticisme.</p>
<p>À mesure que l’ARLA évolue vers une plus grande transparence et réaffirme son processus décisionnel fondé sur des données probantes en matière de réglementation des pesticides, l’avis des chercheurs scientifiques indépendants qui font partie du comité jouera un rôle essentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218783/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie S. Langlois reçoit du financement du programme des Chaires de recherche du Canada (CRC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), d'Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), du Ministère de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques, Faune et Parcs du Québec (MELCCFP), entre autres. La Prof. Langlois est la coprésidente du Comité consultatif scientifique (CCS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christy Morrissey reçoit actuellement un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de la Fondation canadienne pour l'innovation, d'Environnement et Changement climatique Canada, de Mitacs, du ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan et de la Fondation Molson. Elle est membre du Comité consultatif scientifique (CCS) de l'ARLA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le Prof. Eric Liberda reçoit un financement des IRSC et de Services aux Autochtones Canada pour mener des recherches sur les pesticides et l'exposition aux métaux/métalloïdes. Il est membre de la Société de toxicologie et de la Société de toxicologie du Canada. Le Prof. Liberda est le coprésident du Comité consultatif scientifique (CCS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sean Prager reçoit du financement du CRSNG, de la Fondation canadienne pour l'innovation, de Génome Canada, du ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan, de plusieurs bureaux de commercialisation et d'ONG. Il est affilié au Comité consultatif scientifique (CCS) de l'ARLA.</span></em></p>Le Canada aurait dû se doter depuis longtemps d’une réglementation sur les pesticides qui soit scientifiquement fondée, solide et transparente. Un comité consultatif scientifique nouvellement créé vise à répondre à ce besoin.Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Christy Morrissey, Professor in Biology and Ecotoxicology, Toxicology Centre, University of SaskatchewanEric Liberda, Professor, School of Occupational and Public Health, Toronto Metropolitan UniversitySean Prager, Associate Professor and Entomologist, University of SaskatchewanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2176452023-12-01T14:17:39Z2023-12-01T14:17:39ZCOP28 : la crise climatique est aussi un enjeu de santé publique<p>Le sommet sur les changements climatiques (COP28) a débuté jeudi dernier aux Émirats arabes unis et se poursuit jusqu’au 12 décembre. Avant même son lancement, ce sommet a fait l’objet de nombreuses critiques. Pourquoi ? Notamment parce que <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/802652/environnement-elephant-petrolier-salle-cop28">son organisation a été confiée à un PDG d’une compagnie pétrolière</a>. </p>
<p>Néanmoins, le calendrier dévoilé nous donne plusieurs raisons d’entrevoir une lueur d’espoir. L’une d’entre elles provient du fait qu’une journée (le 3 décembre) sera consacrée à des discussions quant aux effets des changements climatiques sur la santé. Une première mondiale. </p>
<p>Mais pourquoi devrions-nous donc nous intéresser à la dimension santé du problème ? </p>
<p>Doctorante en science politique à l’Université de Montréal, mes travaux portent sur la construction sociale des problèmes publics. Je m’intéresse notamment aux effets de cadrage de la crise climatique et leur rôle dans l’apport de changements de politique publique.</p>
<h2>Quels effets sur notre santé ?</h2>
<p>Si les liens entre santé et environnement ne sont pas nouveaux, les liens entre santé et changements climatiques relèvent quant à eux d’un phénomène plus récent. </p>
<p>Dans les années 80, on parlait déjà de supposés <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1524-4725.1988.tb03589.x">problèmes dermatologiques causés par le trou dans la couche d’ozone</a>. </p>
<p>Le lien avec les changements climatiques s’est toutefois fait plus tard, à la fin des années 2010. C’est à ce moment que le prestigieux journal médical <em>The Lancet</em> a publié un <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)60935-1/fulltext">rapport</a> indiquant que le réchauffement climatique constituait « la plus grande menace sanitaire mondiale du XXI<sup>e</sup> siècle ».</p>
<p>D’après ce même rapport, on souligne que le réchauffement climatique entraîne une intensification et une multiplication des évènements météorologiques extrêmes, lesquels peuvent être en retour dangereux pour notre santé. </p>
<p>Les inondations peuvent entraîner l’apparition de maladies transmises par l’eau, telles que le choléra ou la malaria. </p>
<p>Les sécheresses, en réduisant la productivité agricole, mènent quant à elles à de graves cas de malnutrition et de déshydratation. </p>
<p>Les vagues de chaleur ainsi que les feux de forêt endommagent notre système cardiorespiratoire et entraînent un ralentissement du rythme de travail ainsi que de la pratique de loisirs en extérieur. </p>
<p>Plus généralement, la hausse des températures nous expose davantage à des maladies transmises par des rongeurs ou à transmission vectorielle, comme la maladie de Lyme ou la dengue, car elle permet à certaines espèces animales d’étendre leur zone d’habitat dans des latitudes plus au nord du globe. </p>
<p>Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces risques sont inégalement répartis sur les territoires et peuvent se superposer les uns avec les autres. De telles expériences ont aussi des conséquences sur le plan psychologique, en entraînant notamment l’apparition du syndrome de stress post-traumatique.</p>
<h2>Parler de santé : une opération de communication efficace ?</h2>
<p>Depuis leur apparition sur l’agenda public et politique, les changements climatiques ont été essentiellement définis comme un problème environnemental ou économique. Or, la <a href="https://psycnet.apa.org/record/1982-30300-001">façon dont on cadre un problème détermine souvent les solutions</a> mises sur la table pour y répondre. </p>
<p>Aujourd’hui, on constate que les cadrages dominants montrent des signes d’essoufflement. À ce sujet, le <a href="https://www.ulaval.ca/developpement-durable/actualites/4e-editions-du-barometre-de-laction-climatique">Baromètre de l’action climatique</a> (constats du Groupe de recherche sur la communication marketing climatique de l’Université Laval) indique par exemple qu’un écart persiste entre les intentions de la population québécoise à en faire plus pour la crise climatique et sa prise d’actions concrètes. La mise en place de politiques climatiques efficaces soulève également encore des controverses et l’on constate la <a href="https://www.ouranos.ca/fr/projets-publications/communiquer-et-favoriser-engagement">présence d’une fatigue informationnelle sur l’enjeu</a>.</p>
<p>Plusieurs études, dont <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12889-023-15105-z">certaines réalisées au Canada</a>, montrent que le cadrage santé pourrait aider à contourner cette problématique. </p>
<p>La population étant déjà familière avec ces risques sanitaires dans d’autres contextes, <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-10-299">elle se sentirait plus concernée par la crise climatique</a> que lorsqu’elle est confrontée à une image d’un ours polaire sur une banquise qui fond. </p>
<p>Parler des cobénéfices santé – comme celui de prendre le vélo pour aller travailler parce que c’est bon pour la santé et la planète – permettrait aussi un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-012-0513-6">discours plus optimiste</a>. </p>
<p>De plus, des experts montrent que le cadrage santé rejoint une plus grande proportion de la population, <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-10-299">y compris les personnes considérées comme climatosceptiques</a>. </p>
<h2>Quels objectifs santé à la COP28 ?</h2>
<p>D’une part, les discussions du 3 décembre auront pour but d’élaborer des stratégies de financement pour décarboniser les systèmes de santé à travers le monde. À titre d’exemple, un <a href="https://aspq.org/app/uploads/2023/11/dunsky_decarbonation-sante_rapport_21-novembre-2023.pdf">récent rapport de l’Association pour la Santé publique du Québec</a> indique que le réseau de la santé est responsable de 3,6 % des émissions de gaz à effet de serre de la province (en particulier en raison du chauffage de l’air et de l’eau chaude sanitaire, de l’usage de gaz médicaux, mais aussi des transports de patients par ambulances, navettes et avions). On nous dit qu’il faudrait investir près de 3,8 milliards de dollars d’ici 2040 pour atteindre l’objectif zéro-émission dans le secteur. De ce fait, il existe une réelle nécessité de rendre les systèmes de santé moins énergivores. </p>
<p>D’autre part, on peut s’attendre à ce que les acteurs présents à la COP28 insistent pour une plus grande reconnaissance des effets des changements climatiques sur la santé afin que ceux-ci soient davantage pris en considération dans les plans gouvernementaux d’adaptation et autres initiatives. En 2021, un <a href="https://www.who.int/publications/i/item/9789240038509">sondage de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)</a> montrait que seulement 52 % des pays répondants possédaient un plan d’adaptation en santé et que 25 % étaient en train d’en développer un. </p>
<p>Le Canada, quant à lui, faisait partie des 23 % restants n’ayant aucun plan.</p>
<p>Cependant, il se pourrait bien que le vent soit en train de tourner, tant au niveau national qu’international. </p>
<p>Au pays, le <a href="https://www.canada.ca/en/public-health/corporate/publications/chief-public-health-officer-reports-state-public-health-canada/state-public-health-canada-2022/report.html">rapport 2022 de l’administratrice en chef de la Santé publique du Canada</a> était par exemple dédié aux effets des changements climatiques.</p>
<p>De plus, les <a href="https://natural-resources.canada.ca/simply-science/canadas-record-breaking-wildfires-2023-fiery-wake-call/25303">feux de forêt sans précédent</a> durant l’été 2023 et la toxicité dans l’air qui s’en est suivie, ont possiblement engendré un changement de mentalité.</p>
<p>Dans les dernières années, les <a href="https://www.thelancet.com/countdown-health-climate">rapports du <em>Lancet Countdown</em></a> dénotent une hausse de la visibilité de l’enjeu dans les médias ainsi qu’une présence plus récurrente dans les débats à l’Assemblée générale des Nations unies. </p>
<p>Le fait que la COP28 fasse de la santé une de ses thématiques centrales est, somme toute, un pas dans la bonne direction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217645/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alizée Pillod est affiliée au Centre d'Études et de Recherches Internationales de l'UdeM (CERIUM), au Centre de recherche sur les Politiques et le Développement Social (CPDS) et au Centre pour l'Étude de la citoyenneté démocratique (CECD). Ses recherches sont subventionnées par les Fonds de Recherche du Québec (FRQ). Alizée a aussi obtenu la Bourse départementale de recrutement en politiques publiques (2021) ainsi que la Bourse d'excellence Rosdev (2023). Elle a également été la coordonnatrice pour un projet financé par Ouranos et le MELCCFP sur la communication climatique en contexte pandémique.</span></em></p>Le 3 décembre, la COP28 aura une journée consacrée aux discussions sur les effets des changements climatiques sur la santé, soit une première mondiale. En quoi est-ce important ? À quoi s’attendre ?Alizée Pillod, Doctorante en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2182212023-11-22T16:18:24Z2023-11-22T16:18:24ZLe style de leadership de JFK inspire toujours, 60 ans après sa mort<p>John F. Kennedy demeure une figure publique exemplaire, une source d’inspiration, et son style de leadership constitue une référence depuis des décennies.</p>
<p>L’ancien président américain (1961-1963) a projeté une image idéalisée du <a href="https://independentaustralia.net/politics/politics-display/john-f-kennedy-a-leader-for-our-time,13059">leadership</a>, qui, dans sa meilleure version, démontre que le système politique peut relever les plus grands défis de la société. Il a exercé une présidence optimiste et ambitieuse et, bien que sa fin ait été tragique, il a remporté des succès considérables dans des domaines aussi divers que la <a href="https://millercenter.org/president/kennedy/domestic-affairs">réduction de la pauvreté</a>, <a href="https://www.jfklibrary.org/learn/about-jfk/jfk-in-history/nuclear-test-ban-treaty#:%7E:text=Kennedy%20signed%20the%20ratified%20treaty,the%20nation%20conducting%20the%20test">l’interdiction des essais d’armes nucléaires</a> et les programmes spatiaux Mercury et <a href="https://history.nasa.gov/moondec.html">Apollo</a>.</p>
<p>Porté au pouvoir en novembre 1960, à l’âge de 43 ans, JFK demeure à ce jour le <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/1600/presidents/johnfkennedy">plus jeune président américain</a> élu. Son âge aurait pu être vu comme un handicap, en particulier en matière de politique étrangère, mais il a approfondi ses connaissances grâce aux nombreux voyages à l’étranger qu’il a effectués pendant son mandat au Congrès et son service militaire. En outre, il a choisi des personnes <a href="https://www.jfklibrary.org/learn/about-jfk/life-of-john-f-kennedy/fast-facts-john-f-kennedy/officials-of-the-kennedy-administration">hautement qualifiées et instruites</a> pour son cabinet.</p>
<h2>Un leadership éclairé</h2>
<p>Pour le 60<sup>e</sup> anniversaire de la mort de Kennedy, il est bon de rappeler que sa présidence a posé les <a href="https://www.jstor.org/stable/23631185">jalons</a> d’un style de leadership ambitieux, éclairé et progressiste. Jack, Robert et Edward Kennedy ont contribué, chacun à sa manière, aux causes politiques démocrates, telles que l’élargissement des droits civiques et la réforme des soins de santé.</p>
<p>Le style de leadership de JFK a eu une influence considérable et servi de <a href="https://theconversation.com/when-image-trumps-ideology-how-jfk-created-the-template-for-the-modern-presidency-78073">modèle</a> politique et culturel à des présidents aussi différents que Ronald Reagan, Bill Clinton et Barack Obama. </p>
<p>Bien que plus à droite que Kennedy, Reagan (un ancien acteur) partageait sans doute avec ce dernier un sens du <a href="https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/books/first/f/fitzgerald-blue.html">théâtre politique</a>. Clinton s’est efforcé de se forger une image <a href="http://www.espn.com/espn/photos/gallery/_/id/7964385/image/3/version/mobile/bill-clinton-presidents-playing-football">jeune, vigoureuse</a> et idéalisée <a href="https://www.jstor.org/stable/41940033">inspirée de JFK</a>, même si plusieurs de ses tentatives pour faire adopter des lois dans le but d’atteindre d’importants objectifs démocrates (comme la réforme des soins de santé) ont fini par échouer. Clinton, comme JFK, aimait réunir de grands groupes <a href="https://eu.recordnet.com/story/news/1995/01/01/clinton-parties-with-thinkers-s/50877460007/">d’intellectuels et de leaders de leur domaine</a> pour discuter de politique et de divers enjeux. <a href="https://books.google.co.uk/books?id=q6G96iX0xW8C">Selon Ted Sorensen</a>, ancien rédacteur de discours de JFK, Obama croyait, comme Kennedy, à la diplomatie et aux négociations, même avec ses adversaires.</p>
<p>Le style ouvert et captivant de Kennedy a fait en sorte que le gouvernement et le service public paraissaient intéressants et <a href="https://news.gallup.com/poll/165902/americans-rate-jfk-top-modern-president.aspx">pertinents</a>. Même si les méthodes utilisées pour établir les classements des présidents <a href="https://www.york.ac.uk/business-society/research/management/policy/archive/trump_presidential_performance_evaluation/">ont souvent été contestées</a>, JFK a toujours figuré parmi les <a href="https://scri.siena.edu/2022/06/22/american-presidents-greatest-and-worst/">dix premiers</a>, bien qu’il n’ait été au pouvoir qu’un peu plus de 1 000 jours. La famille Kennedy a prospéré grâce à l’ambition et au pouvoir, mais son désir de <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2013/08/the-legacy-of-john-f-kennedy/309499/">servir le public</a> semblait sincère, tout comme celui d’apprendre et de progresser.</p>
<h2>Les séminaires de Hickory Hill</h2>
<p>JFK a gouverné à partir du centre, en nommant des personnes aux antécédents politiques variés dans son cabinet. <a href="https://www.historyextra.com/period/20th-century/jfk-style-over-substance/">Il a réussi</a> à faire adopter de nombreuses lois pendant son mandat et a contribué à l’adoption de la législation historique sur les droits civiques par son successeur, Lyndon Johnson.</p>
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<figcaption><span class="caption">Discours de JF Kennedy sur l’exploration spatiale.</span></figcaption>
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<p>Dans le cadre de nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/17427150211042153">recherches</a> archivistiques, nous nous sommes intéressés à l’évolution de ce que l’on a appelé les « séminaires de Hickory Hill », une série de discussions et de rencontres sociales qui se déroulaient généralement au domicile de Robert et Ethel Kennedy à McLean, en Virginie. </p>
<p>Ces événements permettaient d’explorer les problèmes sociaux et leurs solutions, et constituaient en quelque sorte des précurseurs des groupes de développement du leadership. Les échanges portaient sur des sujets aussi variés que les grandes œuvres littéraires et la pauvreté des enfants. <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/438908/rachel-carson-printemps-silencieux-ddt-environnement">Rachel Carson</a> et le philosophe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Jules_Ayer">A.J. Ayer</a> ont figuré parmi les orateurs invités. Le cercle intime de l’administration Kennedy collaborait avec des personnes de l’extérieur, ce qui contraste avec les <a href="https://doi.org/10.1177/1742715016680666">styles de leadership</a> partisans, secrets et souvent cloisonnés si courants aujourd’hui.</p>
<p>La présidence et le leadership de JFK ont été marqués par quelques succès notables. Le président a utilisé le gouvernement fédéral pour faire respecter la déségrégation raciale dans plusieurs <a href="https://www.nps.gov/articles/000/the-kennedys-and-civil-rights.htm">affaires</a> très médiatisées. Son administration a également préparé le terrain pour la législation sur les droits civiques mentionnée plus haut, qui a été adoptée après sa mort. Parmi les aspects moins positifs, le pouvoir de Kennedy était délibérément cultivé et contrôlé à la manière d’une marque par son entourage proche. Son père s’est vanté d’avoir vendu l’image de son fils comme des <a href="https://www.theguardian.com/film/2017/jan/07/jackie-natalie-portman-behind-the-creation-of-jfk-camelot-movies">savonnettes</a>.</p>
<h2>Éviter la pensée de groupe</h2>
<p>JFK a également commis des erreurs. Il a accepté le débarquement de la <a href="https://doi.org/10.2307/2149944">baie des Cochons</a>, à Cuba, après que des experts militaires ont prédit à tort qu’il serait facile de renverser le régime de Fidel Castro. Le président a appris, à la dure, qu’il fallait parfois se méfier des conseils militaires. Après l’incident de la baie des Cochons, JFK a introduit de nouvelles méthodes de travail pour <a href="https://hbr.org/2013/11/how-john-f-kennedy-changed-decision-making">éviter la « pensée de groupe</a> ». Son succès dans la crise des missiles de Cuba découle en partie de cette leçon.</p>
<p>Kennedy a également intensifié la terrible intervention américaine <a href="https://millercenter.org/the-presidency/educational-resources/kennedy-commitment">au Viêt Nam</a>. Il a souscrit à la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1179/072924701791201576">« théorie des dominos »</a> sur la prétendue nécessité pour les États-Unis d’affronter le communisme en Asie, quel qu’en soit le prix. Son administration a entraîné l’Amérique dans une guerre perdue d’avance en soutenant le régime instable du Sud Viêt Nam et en participant à un <a href="https://nsarchive2.gwu.edu/NSAEBB/NSAEBB101/index.htm">coup d’État</a> sanglant contre l’un de ses dirigeants.</p>
<p>Des rédacteurs de discours et des historiens tels que Ted Sorensen et Arthur Schlesinger Jr ont déployé des efforts considérables pour préserver et promouvoir l’image de la famille Kennedy en présentant son leadership comme progressiste, voire héroïque (Schlesinger était chargé de la gestion quotidienne des séminaires de Hickory Hill et a joué un rôle clé dans l’élaboration des <a href="https://www.jstor.org/stable/2657937">classements</a> de leadership présidentiel). Ces efforts ont assurément influencé la portée et la longévité de la popularité des Kennedy.</p>
<p>D’autres liens existent entre JFK et l’étude du leadership. James MacGregor Burns, théoricien du leadership, a écrit un <a href="https://books.google.co.uk/books?id=cm2LCwAAQBAJ">livre de campagne</a> sur JFK, et <a href="https://books.google.co.uk/books?id=lhrPS_s7EawC">l’œuvre de Burns</a> a servi à promouvoir l’idée d’un <a href="https://doi.org/10.1080/135943299398410">« leadership transformationnel »</a>, selon laquelle les formes de leadership les plus efficaces et les plus éthiques sont celles qui mettent l’accent sur la vision, le changement et l’inspiration, plutôt que celles qui se limitent à tenir boutique.</p>
<p>On se souvient généralement de JFK comme d’un bon président, mais l’image idéalisée de Camelot est <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0018726702055002181">assurément exagérée</a>.</p>
<h2>L’anti-Trump</h2>
<p>Lors de ce qui s’est avéré son dernier voyage, JFK devait <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2022/06/10/jfk-foresaw-donald-trumps-america-00038627">prononcer un discours à Dallas</a> dans lequel il mettait en garde contre « des voix qui prêchent des doctrines totalement étrangères à la réalité » – et qui, craignait-il, risquaient « d’entraver la sécurité de ce pays ». Ce leadership agressif et populiste qu’il décriait, incarné de nos jours par Donald Trump, est en plein essor.</p>
<p>Plutôt que de collaborer avec leurs rivaux politiques, ces personnes préfèrent les rejeter et les attaquer. Robert Kennedy Jr, par exemple, se présente à l’élection présidentielle en suivant le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1350508419870901">modèle Trump</a> de dénigrement et de populisme, se positionnant comme quelqu’un de l’extérieur qui « va assainir le système », plutôt que comme un rejeton de l’une des familles les plus influentes d’Amérique.</p>
<p>L’héritage de JFK conserve néanmoins le potentiel de promouvoir une approche sérieuse et éthique du leadership. Il valorise des visions d’idéalisme et de service public, et non d’égoïsme et de dénigrement. Toutefois, <a href="https://www.theguardian.com/film/2016/sep/13/jackie-review-natalie-portman-kennedy-jfk#:%7E:texilsils%20t=Portman%20is%20altogether%20astonishing%20in,had%20on%20those%20around%20her.">cette présentation</a> omet souvent de tenir compte des défauts et des échecs de John F. Kennedy.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218221/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le style de leadership de JFK a eu une influence considérable et a servi de modèle tant à Ronald Reagan, qu'à Bill Clinton ou à Barack Obama.Leo McCann, Professor of Management, University of YorkSimon Mollan, Reader in Management, University of YorkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166902023-11-21T16:53:13Z2023-11-21T16:53:13ZTechnocratie : oui, il existe des élites attachées à l’intérêt général<p>La présidence Macron a réactivé le <a href="https://theconversation.com/le-macronisme-ou-la-privatisation-du-politique-102376">procès des élites technocratiques françaises</a>, de la défense de l’intérêt général et du devenir de la démocratie. La réforme de la haute fonction publique engageant la suppression de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) et son remplacement le 1<sup>er</sup> janvier 2022 par <a href="https://insp.gouv.fr/sites/default/files/2023-02/INSP-FeuilleRoute-2023-plaquette-web_0.pdf">l’Institut national du service public</a> (INSP) en est un exemple saillant.</p>
<p>C’est l’historien et essayiste Jacques Julliard, disparu en septembre dernier, qui, dans son ouvrage <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070407569-la-faute-aux-elites-jacques-julliard/"><em>La faute aux élites</em></a> publié en 1997 avait initié le débat en France. Malgré son titre provocateur, ce livre ne faisait pas le procès des élites, mais celui de « ceux et de celles qui ne les aiment pas ! » Une ligne d’écriture peu tenue depuis, tant il est rentable politiquement d’alimenter la critique <a href="https://theconversation.com/lelite-de-lanti-elitisme-un-paradoxe-francais-182177">antiélitiste</a>.</p>
<p>Les récente critiques des technocrates d’État à la française, par ceux qui en font partie, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aquilino_Morelle">d’Aquilino Morelle</a>, énarque et inspecteur général des affaires sociales, à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Moatti">Alexandre Moatti</a>, polytechnicien et ingénieur au Corps des mines affirment que rien ne change. Mes recherches récentes sur la transformation des systèmes de protection maladie aux États-Unis et en France confirme qu’il existe des élites technocratiques attachées à la promotion de l’intérêt général.</p>
<h2>La prégnance de « l’Ancien régime »</h2>
<p>Il suffit de lire les deux récents essais d’Alexandre Moatti, <a href="https://store.cassini.fr/fr/documents-essais-culture-scientifique/143-un-regard-sur-les-elites-francaises.html">« Un regard sur les élites françaises »</a> (2022) et <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/technocratisme/">« Technocratisme »</a> (2023), pour penser qu’en France rien ne change : la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Noblesse_d%27%C3%89tat">noblesse d’État</a> des grandes écoles et l’esprit de corps détient toujours le pouvoir. Cette caste de technocrates constituerait une survivance de « l’Ancien régime ».</p>
<p>Le premier ouvrage relate l’histoire de L’institut Auguste-Comte (1977-1981) dont l’objectif était « d’ouvrir » la formation des élèves de l’École Polytechnique, école qui forme les élites économiques et industrielles en France. Inauguré en 1977, il est supprimé dès l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 ! L’auteur dévoile comment, à l’abri des regards, différentes coteries polytechniciennes s’affrontent sur la réforme de leur formation. Les porteurs d’un projet visant à « parfaire » le cursus scolaire d’un des fleurons de l’élitisme français sont défaits par les partisans de « l’Ancien régime » et du rien ne doit changer. Les guerres picrocholines d’alors préfigurent celles occasionnées, 45 ans plus tard, autour du <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/273449-rapport-thiriez-vers-une-modernisation-de-la-haute-fonction-publique">« Rapport Thiriez »</a> sur la réforme des grands corps et de l’ENA…</p>
<p>Alexandre Moatti confirme l’impossibilité d’ouvrir une brèche dans la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_recrutement_des_elites_en_europe-9782707124555">« tyrannie du diplôme initial »</a> lié au concours d’entrée, un système reléguant la reconnaissance de la formation scientifique (doctorat) au second plan. Ce diplôme constitue pourtant le <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2017/03/07/doctorat-et-phd-des-valeurs-sures-a-l-international_5090488_4401467.html">standard pour les cadres dirigeants</a> dans la quasi-totalité des démocraties avancées… Tout d’abord, il permet de former les jeunes élites par la pratique de la recherche, ensuite, le doctorat pourrait constituer un pré requis permettant de sélectionner au mérite les candidats qui en milieu de carrière souhaitent accéder aux fonctions de directions supérieures.</p>
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<h2>Et la Révolution se fait toujours attendre !</h2>
<p>Dans un deuxième ouvrage, <em>Technocratisme. Les grands corps à la dérive</em>, Alexandre Moatti reprend des idées déja mobilisées (le <a href="https://dokumen.tips/documents/ifrap-le-dossier-noir-de-lena.html">dossier noir de l’ENA</a> ou en <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/ceux-d-en-haut-herve-hamon/9782021071375">« Ceux d’en haut. Une saison chez les décideurs »</a>) par d’autres avant lui, pour reprocher à la « technocratie d’État », celle des <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100448450">« grands corps »</a>, d’avoir pavé la voie au néolibéralisme au détriment de l’intérêt général, et d’avoir généré un lot de bérézinas industrielles et financières.</p>
<p>Avec sa « rétro-histoire des grands corps de l’État », il entend prolonger le regard sur les <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1979_num_34_4_294088_t1_0828_0000_002">élites en France</a> du politologue états-unien, Ezra Suleiman, tout en occultant d’autres <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-ressorts-caches-de-la-reussite-francaise-ezra-n-suleiman/9782020218412/">références clefs</a>. La défense de l’intérêt général par les corps des ingénieurs d’État influencés confiant des les vertus du progrès technique et les énarques durant les trente glorieuses s’est effacée au profit d’une « technocratie affairiste intimement liée aux grandes entreprises et aux grands cabinets de conseils ».</p>
<p>Bien que séduisante, l’assimilation du technocratisme à la seule « super élite » des grands corps de l’État, « où entrent les premiers classés à la sortie de polytechnique et de l’ENA », n’en est pas moins réductrice. Une « description minutieuse » de logiques de carrière – un diplôme prestigieux (Polytechnique, ENA, etc.), une appartenance aux grands corps (Inspection des finances, Conseil d’État, Mines, Ponts, etc.) et l’occupation d’un poste de cabinet ministériel ou d’un conseil d’administration – permettrait d’attester la formation d’une « techno-tyrannie (sic) ». La <a href="https://www.cairn.info/sociologie-politique-des-elites--9782200268534.htm">sociologie politique</a> enseigne que ces indicateurs sont insuffisants pour témoigner de la réalité du pouvoir de l’élite.</p>
<p>De son côté, dans <a href="https://www.grasset.fr/livre/lopium-des-elites-9782246815280/"><em>L’opium des élites</em></a>, Aquilino Morelle partage le constat du renoncement de la technocratie française à ces valeurs originelles de l’intéret général et national. Pour lui, « l’européisme » des élites françaises, notamment de gauche, a favorisé le développement des idées néo-libérales.</p>
<p>La <a href="https://www.cairn.info/sociologie-politique-des-elites--9782200268534-page-13.htm">sociologique des élites</a>, comme les comparaisons, nous invite à ne pas céder à ces « grandes simplifications » à la mode sur la technocratie.</p>
<h2>Des technocrates en Amérique</h2>
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<img alt="Portrait d’Alexis de Tocqueville (1805-1859), précurseur de la sociologie et auteur de l’ouvrage « De la démocratie en Amérique »." src="https://images.theconversation.com/files/559107/original/file-20231113-15-y1y2wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559107/original/file-20231113-15-y1y2wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=810&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559107/original/file-20231113-15-y1y2wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=810&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559107/original/file-20231113-15-y1y2wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=810&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559107/original/file-20231113-15-y1y2wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559107/original/file-20231113-15-y1y2wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559107/original/file-20231113-15-y1y2wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alexis de Tocqueville (1805-1859), précurseur de la sociologie et auteur de l’ouvrage <em>De la démocratie en Amérique</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikicommons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans son ouvrage <a href="https://www.wikiwand.com/fr/De_la_d%C3%A9mocratie_en_Am%C3%A9rique"><em>De la démocratie en Amérique</em></a>, l’historien et philosphe Alexis de Tocqueville a montré l’intérêt de comparer la démocratie française et la démocratie étatsunienne. La question des élites technocratiques n’y échappe pas. Leur rôle politique est souvent perçu comme une obstruction au bon fonctionnement de la démocratie représentative. Le concept de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Technocracy"><em>technocracy</em></a> y est justement apparu sous la plume d’un ingénieur californien, William Henry Smyth en 1919.</p>
<p>Avec la Présidence Trump, la critique du technocratisme a connu un nouveau succès : avec la dénonciation de la contagion du gouvernement par les <a href="https://www.amazon.com/Inside-Job-Government-Insiders-Interest/dp/1316607771">« insiders »</a> et l’évocation du mythe du l’État profond (<a href="https://aoc.media/analyse/2020/10/29/trump-lobamacare-et-le-deep-state/"><em>deep state</em></a>) renvoyant à l’existence d’un groupe informel contrôlant l’appareil administratif et le gouvernement washingtonien.</p>
<p>Mon livre, <a href="https://www.press.jhu.edu/books/title/12877/government-insiders"><em>A Government of Insiders</em></a>, prend le contrepied de cette rhétorique. Dans mon étude, la technocratie prend les traits « des élites gouvernementales non-élues » qui, sous l’administration Obama, se sont engagées sur la question de l’extension de la couverture maladie aux États-Unis. Une série de 45 portraits sociologiques de ces collaborateurs (<em>staffers</em>) des élus au Congrès ou conseillers politiquement nommés à la Maison Blanche et au ministère de la santé, montre sur la longue durée que leur parcours de carrière explique la face cachée du succès de cette réforme. </p>
<p>Le rôle clef des vétérans de l’administration Clinton sous la présidence Obama prouvent l’attachement des ces « insiders » à la promotion de l’intérêt général. Ces élites ont défendu une réforme étendant la couverture maladie à plus de 25 millions de citoyens américains qui en étaient démunis jusqu’alors. Ainsi définit, les technocrates ne sont plus perçus comme le factotum des <em>lobbies</em> économiques ou encore de leurs propres intérêts.</p>
<p>De surcroît, l’étude du travail concret des élites gouvernementales non élues montre, non seulement que ces technocrates ne sont pas les ennemies de la démocratie représentative mais un élément clefs de son fonctionnement.</p>
<h2>Un « outre-regard » sur la technocratie à la française</h2>
<p>Inspiré par le cas des États-Unis, on peut observer les mutations de la technocratie française avec un autre regard. La transformation de l’administration de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2022-5-page-701.htm">Sécurité sociale</a> en France fournie un excellent exemple. L’étude des <a href="https://link.springer.com/book/9783031415814">technocrates de l’administration de la Sécurité sociale</a> (cabinets ministériels, directeurs d’administration centrales ou de caisses d’assurance maladie) confirme le déclin des grands corps et l’émergence de nouvelles élites engagées dans la défense du bien commun.</p>
<p>La sociologie des portraits de ces technocrates montre que, dès les années 1980-90, les conseillers d’État ont été supplantés dans les fonctions de direction par des magistrats de la Cour des comptes. Dès les années 2000, ces derniers sont remplacés, à leur tour par, des hauts fonctionnaires de la Direction de la sécurité sociale (ministère des affaires sociales). Leur carrière est façonnée en circulant de postes en postes entre la direction de la Sécurité sociale, la direction de l’union des caisses d’assurance maladies et les hautes autorités du secteur, ils façonnent leur carrière de façon originale à l’abri de l’influence des groupes d’intérêts.</p>
<p>Ces nouveaux technocrates partagent un leitmotiv : « rendre la sécurité sociale durable (sic) ». La politique de contrôle des dépenses avec l’<a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/37919-definition-ondam-objectif-national-des-depenses-dassurance-maladie">Objectif national de dépenses d’assurance maladie</a> (ONDAM) constitue une réponse à l’augmentation de la demande et des coûts du progrès de la médecine.</p>
<p>Face au défaut de la médecine libérale sur l’hôpital public (urgences), leur but n’est pas de réduire les dépenses selon la logique macro-économique de Bercy, ni de privatiser la « Sécu » mais plutôt de financer l’extension de son périmètre avec la Protection maladie universelle et la <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/11/10/autonomie-qu-est-ce-que-la-cinquieme-branche-de-la-securite-sociale_1805176/">5ᵉ branche « Autonomie »</a> (Handicap et Grand âge). En 2023, le choix de la Direction de la Sécurité sociale par le <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/06/le-major-de-l-institut-national-du-service-public-ex-ena-a-choisi-la-direction-de-la-securite-sociale_6192867_823448.html">major de l’INSP, ex-ENA</a>, confirme le changement en cours.</p>
<p>Pour sortir de ces poncifs convenus, ne faudrait-il pas s’inspirer du peintre <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/peinture/quand-pierre-soulages-definissait-l-outrenoir-un-autre-pays-que-celui-emotionnel-du-noir-simple_5441179.html">Pierre Soulages</a> sculptant la lumière dans ses tableaux avec l’outrenoir, en proposant une « outre-regard » sociologique sur les élites technocratiques ? Ce choix permet de réfléchir le comportement réel – bien que caché – des technocrates. It’s the « outre-elites », stupid !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Genieys ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’assimilation du technocratisme à la seule « super élite » des grands corps de l’État est réductrice.William Genieys, Directeur de recherche CNRS au CEE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2174812023-11-13T19:34:57Z2023-11-13T19:34:57Z« Provocation implicite » et salades arrachées : les raisons de la dissolution annulée des Soulèvements de la Terre<p>Le 27 octobre 2023 avait lieu une audience particulière au Conseil d’État : celle du recours sur le fond de la dissolution d’un collectif écologiste, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/soulevements-de-la-terre-slt-147784">Soulèvements de la Terre</a>. Le 9 novembre 2023, l’institution publique annulait finalement le décret de dissolution. Mais cette audience est-elle particulière au point de se distinguer de celles des autres collectifs politiques (contre l’islamophobie, antifasciste et identitaire) jugés au cours de la même séance ?</p>
<p>C’est d’abord sa durée, plus d’une heure et demie pour le collectif écologiste, contre à peine quelques minutes pour les autres collectifs politiques jugés au cours de la même séance, qui la distingue. Une différence de durée qui s’explique en partie par le nombre des plaidoyers et de parties co-requérantes pour les écologistes, mais qui est aussi révélatrice des difficultés, pour le pouvoir, à à appréhender la <a href="https://theconversation.com/la-desobeissance-civile-climatique-les-etats-face-a-un-nouveau-defi-democratique-214988">cause écologiste</a> au même titre que toutes les autres causes politiques.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cette dissolution, quand bien même annulée, est en effet une mesure de police administrative historique envers un <a href="https://theconversation.com/comment-les-soulevements-de-la-terre-federent-une-nouvelle-ecologie-radicale-et-sociale-204355">mouvement écologiste</a>. Par cet acte, la question de l’écologie politique citoyenne fait son entrée en contentieux dans l’un des piliers de l’État de droit. Comme le faisait remarquer un militant à l’intérieur du Conseil d’État en désignant une imposante étagère sur un mur : « Regarde ! C’est les volumes des décisions depuis 1875… On va être dedans quoi qu’il arrive. » Mais cette portée historique est originale à plus d’un titre, et peut poser question.</p>
<h2>Aux origines des dissolutions administratives</h2>
<p>Rappelons d’abord que l’actuelle pratique des dissolutions administratives plonge ses racines historiques dans une crise politique douloureuse : celle des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-histoire/comment-les-fascistes-ont-ils-failli-abattre-la-republique-le-6-fevrier-1934-6939185">manifestations armées de droite et d’extrême droite du 6 février 1934</a>, qui ont causé de nombreux morts du côté des forces de l’ordre et des civils. Ce traumatisme républicain entraîna une série de mesures dont la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000325214">loi du 10 janvier 1936</a> permettant par décret du Président de la République rendu en conseil des ministres : « la dissolution d’associations et de groupements de faits provoquant des manifestations armées dans la rue. »</p>
<p>Récemment, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043964778">loi du 24 août 2021</a> a rajouté un élément important à l’article L-212-1 du code de la sécurité intérieure justifiant une dissolution : celui de provocation à des « violences envers des personnes ou des biens ». Or, c’est précisément autour de ces deux notions, de « provocation à » d’une part et de « violence contre les biens » d’autre part que semble s’agiter le débat législatif et politique.</p>
<h2>Police des mots et judiciarisation de l’intention</h2>
<p>Comme l’a rappelé le début de l’audience du recours sur le fond, la dissolution porte sur la « provocation à » et non pour « l’acte de violence ». Faire n’est pas inciter à faire. Ce qui est jugé est le fait que : « sous couvert de défendre des opinions, certaines associations soufflent sur un brasier à pleins poumons. » Mais cette quête du souffle de la violence au travers des « provocations à » pose le problème épineux de l’administration de la preuve. <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/dissolution-et-soulevements-retour-sur-l-audience-au-conseil-d-etat-declaration-commune-et-appel-a-la-vigilance">Certains plaidoyers du collectif écologiste</a> et des parties co-requérantes posent d’ailleurs la question : le juge doit-il faire la police des mots ? Et dans ce cas, le mot de « désarmement » n’est-il pas pacifiste ?</p>
<p>Pour palier ces difficultés, le rapporteur a proposé en séance une définition volontairement extensive de la notion de provocation. On se souvient que déjà le 13 juin 2023, <a href="https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13573317_6488837a98697.organisation-des-groupuscules-violents-en-manifestations--representants-de-la-fnsea--mme-pascale-l-13-juin-2023">lors de son audition par la commission d’enquête sur les groupuscules violents</a>, la directrice des liberté publiques et des affaires juridiques avait tracé cette voie, parlant de provocation « implicite », « subliminale » même, et pourtant « bien comprise par celui qui la reçoit ». Elle y évoquait une tentative de faire évoluer la jurisprudence, avant de proposer tout simplement que si le conseil d’État « retoquait leur décision » il faudrait inscrire dans la loi « de manière directe ou indirecte », moins stricte que « qui provoque à ».</p>
<p>Or, ce couple de l’implicite et de la provocation, outre un risque possible de criminalisation de l’intention, mettrait en tension une question démocratique majeure. En effet, quel cadre interprétatif permettrait de juger l’implicite sans tomber dans des doubles standards qui pourraient se révéler arbitraires et délétères pour la liberté d’expression ?</p>
<p>Les éléments de preuve apportés pendant l’audience ? Il s’agissait par exemple de l’organisation d’une conférence avec <a href="https://theconversation.com/la-terre-a-lepoque-de-lanthropocene-comment-en-est-on-arrive-la-peut-on-en-limiter-les-degats-206523">Andreas Malm</a>, qualifiée de « provocation implicite à la violence ». Par contre, un tweet du mouvement identitaire clamant « avoir des armes et des cartouches et étant prêt à s’en servir » n’a pas été considéré comme tel… Heureusement, les appels à la haine en font bien partie. Enfin, une vidéo provenant des rangs du mouvement antifasciste, montrant le lynchage d’un militant d’extrême droite, a été considérée comme une provocation explicite à la violence. Un mystère demeure : où se place le curseur d’incitation à la violence en ce qui concerne les salades arrachées dans une <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/loire-atlantique-des-serres-de-salades-et-de-muguets-ont-ete-saccagees-par-des-activistes-ecologiques_5885981.html">action du collectif écologiste en Loire-Atlantique</a> ?</p>
<h2>L’atteinte aux biens, ou la souffrance de la salade arraché</h2>
<p>Les éléments jugés mettent aussi en exergue une différence typologique majeure des violences écologistes. Le rapporteur l’a d’ailleurs souligné : à ce jour, l’appel à la violence envers les personnes est étranger au mouvement écologiste, sauf peut-être dans le cas des <a href="https://theconversation.com/sainte-soline-un-tournant-pour-les-mouvements-ecologistes-203304">affrontements avec les forces de l’ordre lors des manifestations</a>. Il semblerait donc que les écologistes appellent essentiellement à la violence contre les biens. Or, cette notion de violence contre les biens cristallise le débat politique : l’atteinte aux biens doit-elle être jugée comme une violence ?</p>
<p>Du point de vue du code pénal, la réponse semble de prime abord évidente : la violence est en effet historiquement appréhendée comme une atteinte à l’intégrité physique des personnes. Cependant rappelons à toute fin utile que la loi du 9 juillet 2010 introduit un article, celui du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022469908/2010-07-11">222-14-3</a> précisant que : « les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques », indiquant par là déjà une extension du périmètre pénal de ce qui relève ou non de la violence. Du point de vue politique, on peut également rappeler que la violence a été définie par le Conseil de l’Europe en 1987 comme suit : « la violence se caractérise par tout acte ou omission commis par une personne, s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique ou à la liberté d’une autre personne ou compromet le développement de sa personne et/ou porte atteinte à sa sécurité financière ».</p>
<p>On le concède, il peut sembler douteux de mettre sur le même plan une vidéo de lynchage physique d’une personne et une vidéo indiquant comment donner un coup de cutter dans la bâche d’une réserve hydrique de substitution. Mais imaginer que l’atteinte aux biens puisse être un acte pacifique serait méconnaître la dynamique interactionnelle de la violence. L’atteinte aux biens est une violence dans sa potentialité, du fait que la destruction de l’objet est l’un des facteurs possibles de la montée aux extrêmes du conflit, <a href="https://www.grasset.fr/livre/de-la-violence-la-divinite-9782246721116/">comme l’écrivait René Girard dans De la violence à la divinité</a>. Dans cette perspective, l’atteinte à la propriété privée est une <a href="https://www.grasset.fr/livre/la-violence-et-le-sacre-9782246000518/">substitution sacrificielle de l’atteinte de l’acteur social</a>, l’objet étant considérée comme une partie de lui-même par son propriétaire. Ici se trouve la logique de la souffrance et de la violence contre la salade de Loire-Atlantique précédemment évoquée</p>
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<p>On pourrait d’ailleurs s’interroger sur les silences et l’aspect sélectif des enquêtes menées par l’autorité répressive dans sa prise en compte des violences intenses que subissent les écologistes. Il serait trop long de faire la liste et le récit des activistes que nous avons rencontrés et qui ont fait les frais d’insultes, de menaces de mort, d’intrusions ou saccages de leur propriétés privées, voire de passages à tabac par des milices cagoulées. Bien sûr, ces violences entraînent régulièrement des conséquences psychopathologiques importantes.</p>
<p>Mais on ne peut réduire l’origine de ces violences à la seule pratique de l’action directe offensive et de la « violence contre les biens ». La frontière est floue, et certaines actions catégorisées comme non-violentes (sitting, désignation, boycott…) peuvent entraîner elles aussi en retour des violences, à partir du moment où elles sont vécues par les agents sociaux comme étant des obstacles à leurs intérêts. À ce titre, le fait d’être assis pacifiquement et de manière non violente devant une assemblée d’actionnaires fut une expérience ethnographique désagréablement intéressante. Cette non-violence eut pour effet une série d’insultes, certains actionnaires ne se gênant pas pour piétiner allègrement notre malheureuse personne. Et nous le comprenons, car dans l’absolu, la violence peut s’entendre comme <a href="https://www.cairn.info/les-formes-de-la-violence--9782707153630-page-3.htm">« une mise à l’épreuve intentionnelle de la volonté de l’autre, génératrice de douleur »</a>. Dit autrement, c’est une attaque de la volonté de l’autre, ressentie comme obstacle.</p>
<p>Si le politique est avant tout une manière de <a href="https://sciencespo.hal.science/hal-01719387/">réguler la violence endogène qui menace la collectivité humaine</a>, les évolutions juridiques et répressives pourraient donc apparaître comme des tentatives de contenir le cercle infini des réciprocités violentes. Mais que sont vraiment les actions directes offensives écologistes, jugées comme « violence contre les biens » et en quoi viendraient-elles troubler un certain ordre établi ? À l’heure de l’<a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070448104-les-guerres-du-climat-pourquoi-on-tue-au-XXIe-si%C3%A8cle-harald-welzer/">Anthropocène et de ses menaces existentielles</a>, il semble fondamental de se poser cette question sous un renversement de paradigme. C’est-à-dire, en n’appréhendant non pas « la crise écologique dans nos systèmes politiques » mais <a href="https://www.puf.com/content/Dix_th%C3%A8ses_sur_Tchernobyl">« nos systèmes politiques dans la crise écologique »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217481/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Porchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décision de dissoudre les Soulèvements de la Terre, même annulée par le Conseil d’État, interroge la définition de l’incitation à la violence. Et rappelle pourquoi l’atteinte aux biens provoque des réactions épidermiques.David Porchon, Doctorant en sciences politiques, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166482023-11-12T10:58:35Z2023-11-12T10:58:35ZÉlection présidentielle de Madagascar : comprendre les stratégies et risques pris par les candidats<p>Initialement prévue le 9 novembre 2023, l’élection présidentielle à Madagascar a été <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/madagascar-lelection-presidentielle-est-reportee-dune-semaine-2671181">reportée au 16 novembre</a> à cause d’une blessure qui a handicapé l'un des candidats. Treize candidats sont en lice, dont le président sortant, Andry Rajoelina, qui a dû démissionner conformément aux dispositions de la Constitution.</p>
<p>Onze (mais finalement dix) d'entre eux, regroupés sous le nom de “Collectif des candidats”, contestent le déroulement du processus électoral. Ils exigent la disqualification d'Andry Rajoelina en tant que candidat en raison de sa <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/15/madagascar-le-president-rajoelina-est-bien-francais_6177722_3212.html">nationalité française qui aurait entraîné la perte de sa nationalité malgache</a>. Ils exigent aussi le remaniement (sinon le remplacement) de l'actuelle Commission électorale nationale indépendante (Ceni), de la Haute cour constitutionnelle (HCC) et du gouvernement collégial dirigé par le Premier ministre Christian Ntsay. Ils sont en effet convaincus que ces institutions sont biaisées et soutiennent officieusement la candidature de Rajoelina. </p>
<p>Enfin et surtout, ils demandent une négociation (une “discussion sur table ronde”, comme ils disent) pour résoudre le conflit et répondre à leurs demandes. Pour le moment, la Fédération des églises chrétiennes (FFKM) et la présidente de l'Assemblée nationale, Christine Razanamahasoa, essayent d'offrir en vain leur médiation.</p>
<p>Je suis un enseignant-chercheur en science politique. J'ai étudié la politique malgache pendant plusieurs années, en me focalisant sur <a href="https://scholar.google.com/citations?user=RLyAnTAAAAAJ&hl=en">le processus de démocratisation, les conflits et transitions politiques</a>. Je pense que cette élection présidentielle est cruciale pour l'avenir du pays, et il convient d'analyser les stratégies et les risques pris par chacun des candidats.</p>
<h2>Les revendications de l'opposition</h2>
<p>L'analyse des revendications du “Collectif des dix candidats” suggère qu'il est impossible de les satisfaire compte tenu du contexte actuel. D'une part, forcer Andry Rajoelina à participer à une négociation qui pourrait aboutir à sa propre disqualification en tant que candidat est tout à fait inconcevable. D'ailleurs, il a été révélé dernièrement qu'au moins deux autres candidats ont aussi une double nationalité franco-malgache : <a href="https://www.madagascar-tribune.com/Jean-Jacques-Ratsietison-interpelle-a-ete-libere.html">Jean Jacques Ratsietison</a> et Sendrison Raderanirina.</p>
<p>Deuxièmement, l’actuel gouvernement collégial, la Ceni et la HCC n’accepteront jamais de cautionner une telle négociation, ni de se dissoudre et de céder le pouvoir à un nouveau gouvernement de consensus, à de nouvelles Ceni et HCC rebaptisée <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20130813-madagascar-nouvelle-cour-electorale-speciale-prete-serment">“Cour électorale spéciale” comme en 2013</a>. La satisfaction de ces revendications suppose qu'une nouvelle crise politique grave ou guerre civile survient. Ce qui pourrait justifier une implication de la communauté internationale, en particulier des institutions régionales telles que la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et l’Union africaine, pour faciliter <a href="https://rowman.com/ISBN/9781442272354/The-Political-Crisis-of-March-2009-in-Madagascar-A-Case-Study-of-Conflict-and-Conflict-Mediation">une transition</a> similaire à celle de 2009 à 2013 afin de résoudre le conflit et sortir le pays de la crise politique.</p>
<p>Le Collectif des candidats a entamé ses <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/02/a-madagascar-l-opposition-a-andry-rajoelina-descend-dans-la-rue-a-un-mois-de-la-presidentielle_6192052_3212.html">manifestations de rue le 2 octobre 2023.</a> Il entend les poursuivre jusqu'à ce que ses revendications soient satisfaites. </p>
<p>Cependant, de leur côté, Andry Rajoelina et deux autres candidats, Siteny Randrianasoloniaiko et Sendrison Raderanirina, ont lancé leur campagne électorale. Bien que les manifestations du Collectif soient généralement pacifiques, dès le début, les autorités locales et nationales ont recouru à des moyens sévères (particulièrement, l’utilisation à outrance des gaz lacrymogènes) et à <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/madagascar-lonu-sinquiete-de-la-repression-de-manifestations-lapproche-des-elections">des arrestations pour les réprimer</a>. </p>
<h2>Une situation volatile</h2>
<p>Dès lors, la question qui se pose à l'heure actuelle est de savoir si l'élection présidentielle aura lieu, comme prévu, au 16 novembre. Jusqu’à maintenant, rien n’est sûr car la situation est très volatile et la tension entre les deux camps risque de dégénérer à tout moment, surtout à l’approche de la date fatidique. Malgré tout, une chose est sûre : le gouvernement en place, la Ceni et la HCC, qui soutiennent dans une certaine mesure leur ancien patron, Andry Rajoelina, sont déterminés à ce que l’élection présidentielle se tienne à la date prévue. Reste à savoir alors s’ils réussiront dans cette entreprise.</p>
<p>Une autre question qui mérite d’être examinée est de savoir si une élection, qui risque de se dérouler dans un contexte de manifestations massives de rue et peut-être de violences, sera considérée comme “libre, équitable et acceptée par tous”. Cela dépendra des évaluations des différents observateurs électoraux et surtout des partenaires financiers dont le pays dépend pour sa survie économique. Plusieurs organisations de la société civile et la <a href="https://midi-madagasikara.mg/sadc-pour-lapaisement-a-madagascar/">SADC ont déjà annoncé leur participation en tant qu'observateurs</a>. </p>
<p>D'autres organisations nationales et internationales sont aussi attendues. De plus, la plupart des partenaires financiers ont contribué aux <a href="https://www.madagascar-tribune.com/Les-premiers-fonds-du-Basket-Fund-arrivent.html">fonds de financement de l’ élection</a>. </p>
<p>Pourtant, cette élection comporte des risques importants aussi bien pour Andry Rajoelina et son équipe que pour les membres du Collectif des candidats. Pour les premiers, s’ils s’entêtent à organiser l’élection dans de telles conditions, sans essayer de diminuer la tension, ils risquent de faire face à un durcissement du mouvement de l’opposition et éventuellement à une guerre fratricide. De plus, même s’ils réussissent à tenir l’élection dans ces conditions, ils pourraient finalement aboutir à des résultats qui ne seront reconnus ni au niveau national, ni à l’échelle internationale. Dans ce cas, le <a href="https://rowman.com/ISBN/9781442272354/The-Political-Crisis-of-March-2009-in-Madagascar-A-Case-Study-of-Conflict-and-Conflict-Mediation">scénario de 2009</a> pourrait encore réapparaitre.</p>
<p>Pour les membres du Collectif des candidats, le risque le plus apparent serait de perdre l’élection sans y participer, c’est-à-dire que ses membres se seront disqualifiés eux-mêmes au lieu de disqualifier Andry Rajoelina. </p>
<p>Le Collectif et ses partisans doivent être convaincus de la légitimité de leurs revendications pour risquer leur santé, leur liberté, et même leur vie dans les manifestations de rue. Ils doivent aussi avoir à leur disposition les moyens (matériels, financiers, et autres) nécessaires pour faire face à un gouvernement déterminé à tout faire pour tenir l’élection. </p>
<p>En définitive, les risques sont énormes pour toutes les parties impliquées. Il est important de peser attentivement les actions de chaque camp dans cette situation tendue. La stabilité politique et sociale du pays et son avenir dépendent, en grade partie, de la manière dont ces défis seront relevés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrien Ratsimbaharison does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Pour l'opposition malgache, le risque serait de perdre l’élection sans y participer, c’est-à-dire que ses membres se seront disqualifiés eux-mêmes au lieu de disqualifier Andry Rajoelina.Adrien Ratsimbaharison, Professor of Political Science, Benedict CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.