tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/reforme-de-lorthographe-25009/articlesréforme de l'orthographe – The Conversation2021-11-25T20:43:52Ztag:theconversation.com,2011:article/1723382021-11-25T20:43:52Z2021-11-25T20:43:52Z« Iel » : itinéraire d’une polémique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/433429/original/file-20211123-23-z76ywb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C20%2C1920%2C1258&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le dictionnaire n'impose pas l'usage de mots mais accompagne les évolutions d'une langue vivante.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/dictionnaire-livre-apprendre-613910/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La langue française nous fait-elle perdre la tête ? Comme régulièrement dans l’actualité, les jugements de valeur et les attachements affectifs nourrissent les débats dès que quelque chose bouge dans la langue – une passion très française qui montre les <a href="https://www.revuepolitique.fr/une-relation-ambigue-a-propos-du-rapport-des-francais-a-leur-langue">différences de perception</a> sociohistorique et politique des langues en fonction des pays. Ainsi la langue espagnole <a href="https://lactualite.com/societe/evolution-de-la-langue-lexemple-espagnol/">a déjà connu plusieurs réformes</a> tandis que la <a href="https://www.bbc.com/news/newsbeat-49754930">langue anglaise</a> voyait le « they » <a href="https://www.20minutes.fr/societe/2609167-20190921-langue-anglaise-they-desormais-pronom-non-genre-dictionnaire-americain-webster">singulier élu mot de la décennie</a>, sans que cela ne déclenche d’excessives passions.</p>
<p>Et bien évidemment, la polémique n’a pas manqué d’enfler lorsque le très sérieux dictionnaire Le Robert, dans son édition en ligne, a choisi d’y faire figurer le pronom <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/definition/iel">« iel »</a> qui consiste en une proposition de contraction des pronoms français « il » et « elle ». Comme « they » en anglais, ce pronom a pour objectif d’aider les personnes ne s’identifiant pas à un genre biologique à se définir.</p>
<p>Contrairement à ce que l’on a pu entendre de la part des <a href="https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/l-ideologie-woke-a-l-assaut-du-dictionnaire-le-robert-20211115">commentateurs les plus émus</a>, les éditions Le Robert ne constituent pas une « armada militante » déterminée à malmener la langue française, mais simplement une équipe de lexicographes qui, avec patience et méthode, observent les <a href="https://books.openedition.org/pum/139?lang=fr">évolutions lexicales</a> et décident ensuite de faire entrer ou sortir les mots de leurs éditions – comme le souligne <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/dis-moi-robert/raconte-moi-robert/mot-jour/pourquoi-le-robert-a-t-il-integre-le-mot-iel-dans-son-dictionnaire-en-ligne.html">leur impeccable mise au point</a></p>
<p>Mais en France, lorsque quelque chose se passe au niveau de la langue, même certain·e·s linguistes y perdent leur latin, confondant attention aux évolutions de la langue et tentations prescriptivistes.</p>
<h2>Pas UNE mais bien DES langues françaises</h2>
<p>La langue est une chose complexe, quel que soit le pays, et les sciences du langage s’attellent à le montrer dans nombre d’initiatives. On peut citer (sans ordre de préférence ni désir d’exhaustivité) le remarquable ouvrage <a href="https://www.lerobert.com/autour-des-mots/francais/parler-comme-jamais-9782321016687.html"><em>Parler comme jamais</em></a> coordonné par Maria Candea et Laélia Véron (issu du populaire podcast du même nom), le passionnant <a href="https://www.grasset.fr/auteurs/julie-neveux"><em>Je parle comme je suis</em></a> de Julie Neveux qui décortique les liens entre mots et représentations sociales, ou encore les chroniques sociolinguistiques de Médéric Gasquet-Cyrus sur France Bleu, <a href="https://www.francebleu.fr/les-equipes/mederic-gasquet-cyrus">« Dites-le en marseillais »</a>, qui nous rappelle à juste titre qu’il n’y a pas UNE mais bien DES langues françaises.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation de l’ouvrage <em>Parler comme jamais</em>.</span></figcaption>
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<p>Ces initiatives de popularisation linguistique ne suffisent pas toujours à calmer les velléités de réaction passionnelle lorsqu’un simple pronom fait une entrée dans un dictionnaire.</p>
<p>S’ensuit alors une cascade de commentaires : Brigitte Macron <a href="https://www.leparisien.fr/societe/ajout-de-iel-dans-le-robert-pour-brigitte-macron-il-y-a-deux-pronoms-il-et-elle-18-11-2021-TQS3W5QBFZAL3INCXPCUVF4LJA.php?ts=1637582349967">rappelle</a> (à tort) qu’il n’y aurait que deux pronoms dans la langue française. Pourtant <em>La Grande Grammaire du Français</em> en <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/la-grande-grammaire-du-francais">indique bien plus</a> – sans compter « on » ou la neutralisation par le « je ». Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, ne rate évidemment pas l’occasion de rapprocher cette entrée lexicographique du « wokisme » qui chercherait à renverser la République française.</p>
<p>La réalité est cependant plus simple et moins idéologique : d’abord, si les occurrences de « iel » restent rares, elles sont suffisamment régulières pour motiver cette entrée – comme une multitude d’autres termes techniques ou régionaux par exemple, que l’on emploie dans des contextes précis, sans que cela crée de remous particulier. On pourra par exemple penser au gourmand et <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/klouker_/188420">breton « klouker »</a> (se goinfrer) ou au plus toxique <a href="https://www.lerobert.com/mots-nouveaux-petit-robert.html">« perfluoré »</a> (en référence à des composants organisés dont la chaîne carbonée est totalement fluorée).</p>
<p>Pour « iel » en particulier, le limpide fil de Laélia Véron sur Twitter donne les indications qui permettent de comprendre posément le phénomène.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1462449336265195524"}"></div></p>
<h2>Un problème plus complexe</h2>
<p>Au-delà de « iel », le problème est plus vaste – et aussi plus complexe. Les débats autour de la langue française reprennent les vieilles querelles entre évolution de la société et normativisme – en d’autres termes, un affrontement qui oppose anciens et modernes, ou bien encore conservateurs et progressistes, dès qu’un changement socioculturel tend à poindre. Ainsi, dans l’histoire récente, des entrées de mots comme « kiffer » ou « start-up », en raison des origines populaires ou anglo-saxonnes des termes, avaient également provoqué quelques <a href="https://www.humanite.fr/vous-aimez-ou-vous-kiffez-586835">polémiques</a>, bien que plus réduites.</p>
<p>Ainsi, se pose la question du langage comme fait social : en d’autres termes, pour un linguiste spécialisé comme moi en analyse du discours (qui constitue l’un des nombreux courants scientifiques des sciences du langage), ce n’est pas tant « iel » en tant que tel qui m’intéresse, mais les discours qui se construisent autour de ce pronom, notamment du côté de celles et ceux qui s’en émeuvent.</p>
<p>En effet, dans l’usage, les mots peuvent être réutilisés pour satisfaire des intentions diverses – et notamment politique, pour ce qui concerne le cas présent. Ces usages provoquent la transformation de mots en ce que Marc Angenot appelait des <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/1977-v13-n1-2-etudfr1685/036642ar">idéologèmes</a>, une notion historique qui explique que certains mots peuvent être chargés de représentations idéologiques et ne peuvent donc être considérés comme neutres. Cette idée a depuis permis de générer des travaux complémentaires en sciences du langage.</p>
<p>Ainsi, si « iel » devient un idéologème, ce n’est pas tant en tant que pronom – il a été conçu et proposé pour répondre à des manques grammaticaux patents qui n’existent d’ailleurs pas dans d’autres langues – mais en tant que pratique langagière commentée du point de vue des présupposés sociaux et politiques qu’on lui prête.</p>
<p>En d’autres termes, c’est la manière dont les opposants au « iel » en parlent et le dénigrent qui le transforme en objet de controverse idéologique, alors que la création de « iel » (comme de « celleux », du reste) constitue une création de contraction lexicale qui propose de combler un manque grammatical, afin de permettre une visibilité sociale de communautés qui ne se sentent pas représentées, y compris du point de vue linguistique.</p>
<p>Du reste, c’est finalement la polémique qui fait monter la fréquence d’occurrences du pronom « iel », lui assurant probablement un avenir certain dans plusieurs dictionnaires.</p>
<h2>Le dictionnaire n’impose rien</h2>
<p>L’affaire peut paraître étrange, puisque le fait qu’« iel » entre dans le dictionnaire ne signifie pas pour autant qu’on en impose l’usage : de nombreux mots sont dans le dictionnaire sans qu’on les utilise tous. Le but du dictionnaire n’est d’ailleurs pas d’obliger à utiliser les mots, mais simplement de proposer un inventaire des pratiques linguistiques communes, répandues et en émergence.</p>
<p>En résumé, personne n’oblige la population à utiliser « iel » avec un pistolet sur la tempe. Mais paradoxalement, les contempteurs du pronom, en le mettant au centre de l’attention, contribuent à le rendre inévitablement populaire.</p>
<p>Bien sûr, on a parfaitement le droit de ne pas apprécier ce pronom, de le trouver inutile ou inesthétique – le jugement des locutrices et des locuteurs sur leur propre langue est un fait sociolinguistique inévitable et parfaitement normal. Simplement, ce jugement ne doit pas empêcher d’autres locutrices et locuteurs de créer de nouveaux mots – comme c’est le cas depuis que les langues existent, tout simplement. Tous les mots sont créés, tous les mots sont littéralement inventés ; ils résultent de processus plus ou moins longs, de créations plus ou moins immédiates, mais toujours situé·e·s socialement.</p>
<p>« Iel » n’est pas un parangon du wokisme – mot qui, d’ailleurs, n’est pas dans le dictionnaire et, est-il besoin de le souligner, procède d’un import direct de la langue anglaise (« woke », par ailleurs différent de « wokisme » dans son acception sémantique), assorti d’un suffixe permettant de le franciser (le fameux « -isme »).</p>
<p>Il est par ailleurs plutôt intéressant de noter que les adversaires les plus farouches de ce malheureux pronom l’accusent de dévoyer la langue française en utilisant un anglicisme. La preuve, s’il en fallait une, que les langues évoluent en s’influençant entre elles, s’enrichissant mutuellement pour le plus grand bonheur des locutrices et des locuteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172338/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albin Wagener ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Paradoxalement, les contempteurs du pronom « iel », en le mettant au centre de l’attention, contribuent à le rendre inévitablement populaire.Albin Wagener, Chercheur associé l'INALCO (PLIDAM) et au laboratoire PREFICS,, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1473362020-11-08T17:31:19Z2020-11-08T17:31:19ZDébat : Faut-il enseigner l’écriture inclusive ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367191/original/file-20201103-17-1n8x8e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C162%2C2041%2C1115&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les doublets, complets (enseignants et enseignantes) ou abrégés (les enseignant(e)s, les enseignant/e/s) , sont l'une des formes emblématiques de l'écriture inclusive. (Photo à Fontenay-sous-Bois, 2018).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Panneau_Relais_Assistant_Maternel_%C3%89criture_inclusive_rue_Dalayrac_Fontenay_Bois_1.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Quels objectifs poursuit ce qu’on appelle l’écriture inclusive ? Pour l’essentiel, cette écriture vise à rendre les femmes davantage visibles, en indiquant explicitement leur présence, et à mettre fin à la supposée domination du masculin grammatical.</p>
<p>Sur le plan linguistique et sociolinguistique, on peut distinguer trois volets qui nous renseignent sur le traitement que l’école devrait leur réserver.</p>
<h2>Noms de professions : une féminisation à intégrer</h2>
<p>Depuis près d’un demi-siècle, les organismes officiels en matière de langue préconisent d’utiliser des mots au féminin pour désigner une ou des femmes : on dira ainsi <em>une avocate</em> et non <em>un avocat</em> ; <em>les substitutes</em> et non <em>les substituts</em> ; pour la diplomate, <em>Madame l’Ambassadrice</em> et non <em>Madame l’Ambassadeur</em> ; etc.</p>
<p>En effet, si la très grande majorité des noms qui désignent des femmes sont depuis toujours au féminin (<em>fermière, chanteuse, marchande, monitrice, régente</em>…), les secteurs où les femmes ont longtemps été minoritaires, les postes à responsabilité, l’armée, le monde de la justice, etc. opposaient (et opposent encore parfois) certaines résistances. Mais les sociétés évoluent, les femmes accèdent à toutes les fonctions, et utiliser un mot au masculin pour les désigner contrevient au principe général de la langue.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/H79qNTCmLNM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Féminisation des noms de métiers : un casse-tête ? (TV5 Monde, 2018).</span></figcaption>
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<p>Cette féminisation concerne le lexique, qui est aussi employé à l’oral. Les règles de féminisation sont bien intégrées par les enfants dès leur plus jeune âge. Des <a href="http://www.languefrancaise.cfwb.be/index.php?id=16744">guides</a> sont disponibles. Elles ne posent aucun problème à l’écrit, et l’école ne devrait avoir aucun mal à en intégrer l’apprentissage.</p>
<h2>Bannir les expressions sexistes</h2>
<p>Un certain nombre d’expressions peuvent être considérées comme sexistes, parce qu’elles présentent de manière déséquilibrée la répartition des rôles entre les hommes et les femmes. C’est le cas du <em>panier de la ménagère</em> ou de <em>en bon père de famille</em>, qu’on peut facilement remplacer par des formulations neutres, comme <em>le panier du ménage</em> ou <em>en personne responsable</em>.</p>
<p>Une expression particulièrement controversée aujourd’hui, et à juste titre, est celle qui décrit l’accord de <em>contents</em> dans, par exemple, <em>Pierre et Élisa sont contents</em> : « Le masculin l’emporte sur le féminin. » La formulation de la règle est assurément navrante. Elle permet à certains des transpositions inadéquates, hors du cadre de la grammaire, où les hommes « l’emporteraient » sur les femmes. Mais quand la formulation d’une règle est sexiste, ce qu’il faut changer, c’est la formulation, pas la règle.</p>
<p>Ce n’est d’ailleurs plus ainsi que s’expriment les manuels de français, la plupart se bornant à dire : « L’accord se fait au masculin. » La formule continue néanmoins à circuler, mais plus aucun enseignant, plus aucun parent ne devrait l’utiliser.</p>
<p>L’école a un rôle à jouer dans la dénonciation des idéologies qui sous-tendent certaines façons de s’exprimer, et dans la diffusion de substituts irréprochables.</p>
<h2>Le masculin pluriel : inclusif ou exclusif ?</h2>
<p>Ce que le grand public entend souvent par « écriture inclusive », ce sont les indications explicites de la présence d’hommes et de femmes, au travers, notamment, de doublets complets (<em>les enseignants et les enseignantes</em>) ou abrégés selon différents moyens graphiques (<em>les enseignant(e)s, les enseignant/e/s, les enseignant-e-s, les enseignant·e·s, les enseignantEs…</em>).</p>
<p>Ces choix se répercutent sur les accords, où les deux genres devraient figurer systématiquement : une phrase comme <em>Tous les agriculteurs sont concernés</em> serait alors réécrite sous la forme <em>Tou-te-s les agriculteurs et agricultrices sont concerné-e-s</em>. De même pour les anaphores : au lieu du pronom <em>ils</em> dans <em>Anne et François viendront, mais ils arriveront en retard</em>, on aurait <em>elle et lui</em> ; au lieu de <em>… les riverains. Ceux-ci recevront…</em>, on aurait <em>… les riverain·e·s. Ceux-ci et celles-ci recevront…</em>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1315489244245352450"}"></div></p>
<p>Pour contourner à la fois le masculin et les doublets, on peut recourir à des solutions comme les suivantes :</p>
<ul>
<li><p>choisir des mots épicènes (qui ont la même forme aux deux genres) : <em>les profs et les titulaires d’un abonnement</em>, par exemple, au lieu de <em>les enseignants et les abonnés</em>…</p></li>
<li><p>préférer les noms collectifs : <em>le corps enseignant</em> au lieu de <em>les enseignants</em> ; <em>la population migrante</em> pour <em>les migrants</em>…</p></li>
<li><p>des formulations sans marque de genre : <em>Si vous déposez votre candidature, on vous informera…</em> est préféré à <em>Les candidats seront informés…</em></p></li>
</ul>
<p>Les partisans de l’écriture inclusive proposent aussi des néologismes pour fusionner en une seule forme un mot au masculin et un mot au féminin : <em>toustes</em> pour <em>tous et toutes</em> ; <em>iels</em> pour <em>ils et elles</em> ; <em>agriculteurice</em> pour <em>agriculteur et agricultrice</em>…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/violences-symboliques-la-part-du-langage-124242">Violences symboliques : la part du langage</a>
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<p>Dans les différents cas, ce qu’ils remettent en cause, c’est la possibilité pour le masculin de pouvoir renvoyer aussi à une ou à des femmes. Cependant, dans la langue française, rappelons qu’il faut distinguer au moins deux situations :</p>
<p><strong>1. Masculin exclusif</strong>
<br>Derrière les noms <em>maçons</em> ou <em>soudeurs</em>, nous imaginons sans doute spontanément des hommes. Même chose si l’on dit <em>Nos voisins portaient une moustache</em>. Nous interprétons le masculin selon notre connaissance du monde. Celle-ci nous indique que seuls les hommes portent une moustache et que les maçons et les soudeurs se recrutent essentiellement parmi les hommes. On dira que le masculin, dans de tels emplois, est exclusif. Il pourrait être utile, dans certains contextes notamment dans des offres de formation ou d’emploi, d’indiquer que l’on parle à la fois d’hommes et de femmes, avec la double mention <em>soudeurs et soudeuses</em>.</p>
<p><strong>2. Masculin inclusif</strong>
<br>Comparons les exemples évoqués ci-dessus avec l’annonce en gare <em>Les voyageurs pour Paris doivent se rendre sur le quai 3</em>. Le masculin de <em>voyageurs</em> occulte-t-il vraiment la présence de femmes ? Imaginons-nous vraiment lorsque nous recevons l’annonce que les voyageuses devraient aller ailleurs ? Et pour rendre les femmes visibles, doit-on vraiment dire les <em>voyageurs et les voyageuses</em> ou <em>les voyageureuses</em> ? Dans <em>Les lecteurs doivent rapporter les livres empruntés</em> ; <em>Les étudiants sont en période d’examen</em>, on désigne évidemment, à travers les mots <em>lecteurs</em> et <em>étudiants</em> des groupes mixtes, composés d’hommes et de femmes.</p>
<p>C’est, ici aussi, notre connaissance du monde qui nous guide dans cette interprétation englobante du masculin. Le masculin est alors inclusif, il permet de désigner des ensembles mixtes, et il en est ainsi depuis la naissance du français. Autrement dit, c’est dans une analyse très sommaire du fonctionnement de la langue qu’on peut penser que le masculin grammatical renvoie systématiquement à des hommes seulement.</p>
<h2>Contexte scolaire</h2>
<p>Les nouvelles formes se révèlent par ailleurs problématiques à plus d’un égard, notamment pour l’école.</p>
<p>Les exemples l’indiquent à suffisance, l’adoption de ces nouvelles normes se traduit par un plus grand écart entre l’oral et l’écrit : comment lit-on à voix haute <em>Certain-e-s employé-e-s communaux-ales sont mécontent-e-s ?</em> Cela engendre aussi une complexification évidente des règles orthographiques, alors que les modifications proposées sont loin d’être stabilisées et qu’elles entrent en conflit avec les normes ordinaires.</p>
<p>Si on sait qu’une proportion importante d’enfants – <a href="https://www.education.gouv.fr/les-performances-en-orthographe-des-eleves-en-fin-d-ecole-primaire-1987-2007-2015-1991">plusieurs recherches</a> sont là-dessus convergentes – maitrisent mal les accords orthographiques en genre et nombre à l’entrée dans le secondaire, on peut pressentir que les nouvelles formes seront moins libératrices que génératrices de difficultés accrues, et donc d’exclusion.</p>
<p>La lecture de textes avec de nombreuses formes doubles se trouve également complexifiée. Or plusieurs <a href="https://events.uliege.be/pirls-fwb/">enquêtes internationales</a> indiquent qu’en Belgique et en France, <a href="https://www.education.gouv.fr/pirls-2016-evaluation-internationale-des-eleves-de-cm1-en-comprehension-de-l-ecrit-evolution-des-11429">à 10 ans</a>, et encore <a href="https://www.education.gouv.fr/enquete-pisa-2018-stabilite-des-resultats-des-eleves-francais-de-15-ans-7589">à 15 ans</a>, les élèves restent nombreux à rencontrer des difficultés dans la compréhension de textes.</p>
<p>Parce qu’elles compliquent les tâches de décodage lors de la lecture, les nouvelles normes risquent d’alourdir ces déficits et d’exclure de la communication écrite encore plus d’enfants, mais aussi, parmi les adultes, ceux qui ont des rapports tendus avec l’écrit.</p>
<p>Pour la rédaction, les procédés qui permettent de contourner le masculin et les doublets ne sont souvent pas à la portée du plus grand nombre. Écrire un texte clair, précis et stylistiquement satisfaisant pourrait devenir l’apanage d’une élite, et la rédaction appropriée d’un texte (une lettre, un post, un courriel…) serait ressentie comme un objectif inaccessible par bon nombre de personnes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367176/original/file-20201103-17-1sh3u4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367176/original/file-20201103-17-1sh3u4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367176/original/file-20201103-17-1sh3u4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367176/original/file-20201103-17-1sh3u4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367176/original/file-20201103-17-1sh3u4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367176/original/file-20201103-17-1sh3u4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367176/original/file-20201103-17-1sh3u4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=930&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Dans les trois volets distingués ici, les intentions des partisans de l’écriture inclusive sont dictées par un même souci d’assurer une meilleure égalité des hommes et des femmes. Dans les deux premiers, les changements linguistiques souhaités ne rencontrent pas de réels obstacles, si ce n’est la résistance habituelle de beaucoup aux innovations.</p>
<p>Dans le troisième, en revanche, le projet démocratique se heurte à un autre objectif tout aussi démocratique : assurer un accès égal de tous, femmes et hommes, petites filles et petits garçons, à la pratique de la langue. Or, en voulant atteindre le premier, on risque sérieusement de handicaper la poursuite de l’autre. <a href="http://www.federation-wallonie-bruxelles.be/index.php?id=detail_article&no_cache=1&tx_cfwbarticlefe_cfwbarticlefront%5Baction%5D=show&tx_cfwbarticlefe_cfwbarticlefront%5Bcontroller%5D=Document&tx_cfwbarticlefe_cfwbarticlefront%5Bpublication%5D=3364&cHash=721ff6bf49adf0cacd5897db3758912c">Inclure sans exclure</a>, serait-il si difficile ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147336/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Visant à assurer une meilleure égalité entre hommes et femmes, l’écriture inclusive peut creuser l’écart entre l’oral et l’écrit. Quelles règles transmettre aux élèves, pour inclure sans exclure ?Anne Dister, Chargée de cours en linguistique française à l’Université Saint-Louis - Bruxelles, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)Dominique Lafontaine, Professeure en sciences de l'éducation, Université de LiègeMarie-Louise Moreau, Professeure émérite de l’Université de Mons, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1095172019-01-22T23:41:27Z2019-01-22T23:41:27ZOrthographe : qui connait les rectifications de 1990 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254805/original/file-20190121-100267-o41lzy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=41%2C5%2C931%2C592&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis 1990, l'accent circonflexe n'est plus obligatoire sur les lettres « i » et « u ».</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Peut-on écrire le verbe « entraîner » sans accent circonflexe ? Non, pense encore une bonne partie de nos concitoyens. Pourtant, depuis 1990, ce signe n’est plus obligatoire sur les lettres « i » et « u », sauf dans les terminaisons verbales (exemple : qu’il dût, qu’il fût) et les cas où cela induirait une confusion de sens (exemple : mûr/mur).</p>
<p>Cette évolution fait partie d’un ensemble de <a href="http://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rectifications_1990.pdf">modifications</a> de l’orthographe publiées au Journal officiel en 1990, dont voici une synthèse :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253844/original/file-20190115-152992-15ws8x6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253844/original/file-20190115-152992-15ws8x6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253844/original/file-20190115-152992-15ws8x6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253844/original/file-20190115-152992-15ws8x6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253844/original/file-20190115-152992-15ws8x6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253844/original/file-20190115-152992-15ws8x6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253844/original/file-20190115-152992-15ws8x6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Résumé des rectifications orthographiques de 1990.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Journal Officiel de la République française</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des modifications limitées</h2>
<p>Les rectifications touchent quatre points précis : le trait d’union, le pluriel des noms composés, l’accent circonflexe et le participe passé des verbes pronominaux. Dans le détail, on peut signaler aussi :</p>
<ul>
<li><p>la généralisation du trait d’union à tous les numéraux formant un nombre complexe ;</p></li>
<li><p>l’emploi du È pour transcrire le son « e ouvert » pour tous les verbes se terminant en <em>-eler</em> ou <em>-eter</em> (à l’exception de <em>appeler</em> et <em>jeter</em>) ;</p></li>
<li><p>la graphie <em>nénufar</em>, qui a fait couler beaucoup d’encre, alors que ce mot s’est écrit ainsi jusqu’en 1932.</p></li>
</ul>
<p>Bref, des modifications raisonnables et très limitées, visant à rendre l’orthographe plus régulière et donc la langue écrite accessible à tous. Mais comme le souligne une <a href="http://glottopol.univ-rouen.fr/telecharger/numero_19/gpl19_08_ROh.pdf">enquête</a> menée en 2010, les étudiants et enseignants français sont assez peu nombreux à les connaitre, en tout cas nettement moins nombreux que les Belges, Suisses et Canadiens. Et ils sont peu nombreux à les appliquer.</p>
<p>Cela provient du fait qu’une fois ces modifications actées, le pouvoir politique français n’a pas fait beaucoup d’effort pour les promouvoir auprès des enseignants. Or, si les professeurs ne les transmettent pas en classe, comment cette nouvelle orthographe pourrait-elle se retrouver dans l’usage ? On peut aussi signaler que les dictionnaires usuels ont mis un certain temps à les faire apparaitre et qu’aucun journal de référence français ne les applique. Et la virulente campagne de dénigrement relayée par les journaux, chaines de télévision et radio a eu un fort impact négatif.</p>
<h2>Une demande de linguistes et de professeurs</h2>
<p>Deux événements importants ont été à l’origine des rectifications de 1990. Tout d’abord, une prise de position de la part de professeurs d’écoles et de collèges réclamant une simplification de l’orthographe. Ensuite, un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/02/07/un-appel-de-linguistes-sur-l-orthographe-moderniser-l-ecriture-du-francais_4112476_1819218.html">appel</a> en faveur d’une modernisation de l’orthographe est signé par dix linguistes et paru dans le journal <em>Le Monde</em> en 1989. Le pouvoir politique s’empare alors de la question par l’entremise du premier ministre de l’époque, Michel Rocard.</p>
<p>Pour arbitrer, il fait appel à trois instances, à savoir l’Académie française, le Conseil supérieur de la langue française et un comité d’experts. Michel Rocard prend une position active et volontariste dans l’entreprise. Le comité d’experts se met au travail le 12 décembre 1989 et rend un rapport quatre mois plus tard. Ce rapport contient les propositions de rectifications que les membres du comité d’experts jugent pertinentes. L’Académie française l’approuve à l’unanimité des présents. Le premier ministre les soutient également.</p>
<p>Il est alors prévu que ces rectifications soient enseignées dès la rentrée 1991. Sans toutefois les imposer aux adultes qui pourront conserver l’ancienne orthographe en attendant que la nouvelle se généralise. Le texte est publié au Journal officiel le 6 décembre 1990. Les réactions médiatiques hostiles furent presque immédiates. Allant jusqu’à un retournement spectaculaire de la position des membres de l’Académie française.</p>
<p>Pour finir, la circulaire ne fut pas publiée, contrairement à ce qui était prévu. Il faudra attendre 18 ans pour que les rectifications apparaissent timidement dans les programmes scolaires. Et 8 ans de plus pour que les manuels scolaires les adoptent, ce qui a eu pour conséquence de relancer les hostilités.</p>
<h2>Des actualisations périodiques</h2>
<p>Ces écueils ne représentent pas des exceptions. Depuis plus d’un siècle, toutes les propositions de modification de l’orthographe se sont heurtées à des <a href="https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1994_num_28_114_1678">campagnes de dénigrement</a>. Or il faut bien voir que des strates de rectifications ont été empilées au cours des siècles sans vue d’ensemble.</p>
<p>Cela a abouti à de multiples sous-systèmes pas toujours cohérents entre eux. D’où l’importance d’actualiser périodiquement notre orthographe afin de la rendre plus régulière. Sans parler du fait que si on ne le fait pas, on s’éloigne lentement mais sûrement de la prononciation.</p>
<p>Pour des raisons historiques, le français avait une orthographe très proche du latin, dont il est issu. C’est la raison pour laquelle il possède un certain nombre de lettres étymologiques muettes. Certaines de ces lettres étymologiques ont d’ailleurs été réintroduites alors qu’elles avaient disparu ou bien ont été supprimées. C’est le cas dans <em>tiLtre</em> et <em>aDvocat</em>. De plus, l’alphabet du français est directement hérité de celui du latin. Or, le français comporte plus de sons que le latin. Pour compenser cela, on y a ajouté quelques lettres ainsi que des accents et la cédille.</p>
<p>Ces ajouts ont été décidés par des grammairiens et imprimeurs codifiant la transcription de notre idiome. Il faut en plus ajouter, aux divers procédés orthographiques utilisés, le recours à la combinaison des lettres pour transcrire un son : CH, EAU, OU, ON, etc. Et aussi l’importance accordée à la différenciation des homographes, c’est-à-dire au fait de distinguer, par la forme graphique, des mots se prononçant de la même façon comme <em>vert</em>, <em>verre</em>, <em>vers</em>, <em>ver</em>. La liste des mots possédant un pluriel irrégulier est également touchée par ces choix, ainsi qu’un ensemble de règles d’orthographe grammaticale : conjugaisons des verbes, absence d’accord quand on a affaire à un substantif épithète (<em>des rideaux orangE</em>)…</p>
<p>Ce très rapide tour d’horizon montre bien que l’orthographe française est le résultat de choix, et non d’une évolution naturelle. Bien sûr, on peut critiquer, à raison, tel ou tel cas modifié en 1990. Par exemple, on peut se demander pourquoi le comité d’experts a décidé de conserver certaines exceptions plutôt que d’élaborer des règles systématiques. Mais il ne faut jamais perdre de vue que l’on a besoin de rendre notre orthographe plus régulière et donc plus accessible. C’est un enjeu démocratique majeur à une époque où l’écrit est indispensable et où l’on souhaite agrandir la famille de la francophonie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Benzitoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 1990, une réforme publiée au Journal Officiel est revenue sur le pluriel des noms composés, l’usage des traits d’union et des accents circonflexes. Des changements encore peu connus.Christophe Benzitoun, Maître de conférences en linguistique française, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1025992018-09-06T18:33:05Z2018-09-06T18:33:05ZFaut-il modifier les règles d’accord du participe passé ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/234999/original/file-20180905-45178-905p03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1022%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les règles autour du participe passé seraient source de confusion, parasitant l'apprentissage d'autres règles. (Dictée d'ELA, 2014)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/educationfrance/15340418538/in/album-72157648318480129/">Flickr/Education France</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>En commençant la lecture de cet article, vous vous demandez sans doute comment un simple mortel ose poser une question comme celle formulée en guise de titre. Car vous pensez que l’évolution des règles encadrant l’usage du français est du seul ressort des immortels abrités sous la coupole de l’Académie française. Mais, comme le rappelle à juste titre l’Académie dans la préface de la première édition de son <a href="http://www.academie-francaise.fr/le-dictionnaire-les-neuf-prefaces/preface-de-la-premiere-edition-1694">dictionnaire</a>, en 1694 :</p>
<blockquote>
<p>« il faut reconnoistre l’usage pour le Maistre de l’Orthographe aussi bien que du choix des mots. C’est l’usage qui nous mène insensiblement d’une manière d’escrire à l’autre, & qui seul a le pouvoir de le faire ».</p>
</blockquote>
<p>De plus, depuis sa création, l’Académie met un point d’honneur à rappeler régulièrement qu’elle ne crée pas l’usage. C’était le cas, par exemple, en 2016 quand elle a pris une position vigoureuse contre les <a href="http://www.academie-francaise.fr/actualites/declaration-de-lacademie-francaise-sur-la-reforme-de-lorthographe">rectifications orthographiques</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’Académie a réaffirmé qu’il n’appartient ni au pouvoir politique ni à l’administration de légiférer ou de réglementer en matière de langage, l’usage, législateur suprême, rendant seul compte des évolutions naturelles de la langue, qui attestent sa vitalité propre ».</p>
</blockquote>
<p>D’ailleurs, un rapide coup d’œil sur ces deux citations provenant de la même illustre institution montre bien une nette évolution des normes graphiques entre 1694 et 2016. On remarque, par exemple, l’ajout d’accents et la disparition de la lettre <em>s</em> modifiant la prononciation de <em>e</em> comme dans <em><strong>es</strong>crire</em> (à prononcer <em>écrire</em>). Ces évolutions sont notamment dues aux habitudes de lecture, les <em>s</em> de ce type ayant commencé à se prononcer. C’est ce qui explique pourquoi aujourd’hui nous avons des doublets tels que <em>fenêtre</em>/<em>défenestrer</em> et <em>hôpital</em>/<em>hospitalier</em>. De même pour <em>oi</em> se prononçant <em>è</em> et ayant évolué vers la graphie <em>ai</em>.</p>
<h2>L’enjeu de la prononciation</h2>
<p>On le voit bien ici, la prononciation est l’un des moteurs du changement graphique. Et ça tombe bien car les résultats de la recherche montrent que la correspondance graphie-prononciation facilite l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.532.8271&rep=rep1&type=pdf">G. Thorstad</a> montrait en 1991 qu’il faut un an à un enfant italien pour s’approprier la lecture et l’orthographe, là où il faut entre trois et cinq ans pour un enfant anglais. En italien, la correspondance entre graphie et prononciation est justement plus régulière qu’en anglais ou en français.</p>
<p>Les deux moteurs principaux de l’évolution seraient donc d’une part l’usage des locuteurs et d’autre part la prononciation. Qu’en est-il de l’accord du participe passé à la lumière de ces deux paramètres ?</p>
<p>Si l’accord du participe passé avec l’auxiliaire <em>être</em> est encore bien vivant, il n’en va pas de même avec l’auxiliaire <em>avoir</em>. Il existe de très nombreuses études en français contemporain qui l’attestent, tant à l’oral qu’à l’écrit. Tout d’abord, remarquons qu’il existe peu de contextes où celui-ci est susceptible d’être audible. <a href="http://www.academia.edu/3355324/L_accord_du_participe_pass%C3%A9_%C3%A0_l_oral_comme_variable_sociolinguistique">D. Gaucher</a>, dans un article de 2013, n’en a trouvé que 330 exemples dans près de 6 millions de mots à l’oral (soit 536 heures d’enregistrements). Et sur ces 330 exemples, un peu plus de la moitié ne sont pas accordés.</p>
<h2>Des règles sources de confusion</h2>
<p>Du côté de l’écrit, les contextes où une marque d’accord est attendue sont plus fréquents. Pour autant, les études montrent qu’elle est souvent absente ou incorrecte. Dans une étude parue en 2008, <a href="https://www.linguistiquefrancaise.org/articles/cmlf/abs/2008/01/cmlf08105/cmlf08105.html">C. Brissaud et D. Cogis</a> proposent le graphique suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/234768/original/file-20180904-45166-1kfwl6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/234768/original/file-20180904-45166-1kfwl6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/234768/original/file-20180904-45166-1kfwl6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/234768/original/file-20180904-45166-1kfwl6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/234768/original/file-20180904-45166-1kfwl6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/234768/original/file-20180904-45166-1kfwl6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/234768/original/file-20180904-45166-1kfwl6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Différentes formes finales réalisées pour <em>réunie</em> dans la phrase dictée : <em>Les branches distribuent en divers canaux la sève que les racines avaient réunie dans le tronc.</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Source : Catherine Brissaud et Danièle Cogis</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On voit bien ici que l’accord correct est systématiquement minoritaire du CM2 à la classe de troisième. Mais pire : les règles entourant le participe passé seraient source de confusion, parasitant l’apprentissage d’autres règles. Et il ne faut pas sous-estimer le nombre de règles à connaître pour le seul participe passé : une trentaine de pages dans le <em>Bon Usage</em> de M. Grevisse lui sont consacrées !</p>
<p>En français, l’accord sujet-verbe est déjà difficile à maîtriser. Mais en plus, les locuteurs doivent se demander s’il n’y a pas un COD quelque part, celui-ci contrôlant alors l’accord du verbe. Et comme l’illustre parfaitement le graphique ci-dessus, il est hypocrite de considérer que cet accord est maîtrisé à la fin du collège.</p>
<p>De plus, ces règles sont contraires à la manière dont on apprend une langue, à savoir en automatisant des opérations. Or, ces règles sont quasiment impossibles à automatiser. Cela explique pourquoi un grand nombre de locuteurs ne les maîtrisent pas (ou de manière superficielle) et pourquoi nous créons spontanément à l’oral d’<a href="https://www.persee.fr/doc/lsoc_0181-4095_1992_num_61_1_2573">autres règles</a> ressemblant fortement à celles que l’on trouvait dans des grammaires anciennes.</p>
<h2>Un débat ancien</h2>
<p>À ce moment-là de l’article, vous devez vous demander pourquoi on n’a pas essayé de changer ces règles plus tôt. En fait, ce débat existe depuis que l’accord du participe passé est utilisé en français. Pour ne parler que de tentatives plus ou moins récentes, en 1900 un arrêté prônant l’absence d’accord quand il y a l’auxiliaire <em>avoir</em> est publié. Il sera supprimé et remplacé en 1901.</p>
<p>En 1976, un <a href="https://www.weblettres.net/guidetice/complements/arrete_1976.pdf">texte</a>, toujours en vigueur, demande de ne pas compter comme erreurs une partie des accords s’ils ne sont pas faits. Mais sans en réformer son enseignement et sans que cette circulaire soit réellement appliquée ou juste connue. Et les <a href="https://savoirs.rfi.fr/fr/communaute/langue-francaise/bon-a-savoir-rectifications-de-lorthographe-de-1990">rectifications orthographiques de 1990</a> introduisent une modification mineure. La conscience que l’accord du participe passé pose problème est donc ancienne, mais comme toute évolution de la norme à enseigner, elle se heurte à l’hostilité d’une partie de la population.</p>
<p>Deux anciens professeurs de français en Belgique ont décidé de <a href="http://www.liberation.fr/debats/2018/09/02/les-crepes-que-j-ai-mange-un-nouvel-accord-pour-le-participe-passe_1676135">relancer ce débat</a>. Espérons que les <a href="http://participepasse.info/">propositions</a> qu’ils défendent pourront enfin être débattues sereinement, en tenant compte des connaissances scientifiques sur la question. Ces propositions sont soutenues par le conseil de la langue française et de la politique linguistique de la fédération Wallonie Bruxelles, le conseil international de la langue française et la fédération internationale des professeurs de français.</p>
<p>La langue évolue. La norme et son enseignement doivent en faire de <a href="http://vidberg.blog.lemonde.fr/files/2009/06/droledecole1.1243857209.gif">même</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102599/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Benzitoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Belgique remet au goût du jour le débat autour de l’accord du participe passé. Pourquoi est-ce une question importante ?Christophe Benzitoun, Maître de conférences en linguistique française, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/881102017-11-29T20:38:30Z2017-11-29T20:38:30ZLe premier ministre, l’Académie et la langue française<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196343/original/file-20171124-21795-ikj45m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C573%2C376&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Miss.Tic : le masculin l'emporte, mais où ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/24275015@N03/4606362889">Magali Vacherot/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs semaines, un débat autour des traces de sexisme dans la langue française fait rage. Ce débat s’est centré autour d’un procédé appelé <a href="http://www.ecriture-inclusive.fr/"><em>écriture inclusive</em></a> dont l’objectif est « d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes » dans la langue. La plupart de ses détracteurs et détractrices l’ont réduite au point pour marquer à la fois le masculin et le féminin (ex : <em>étudiant·e·s</em>). Au-delà de la polémique, ce débat a permis de montrer l’existence d’un large consensus sur la nécessité de faire évoluer les normes linguistiques. Et aussi d’illustrer les liens entre langue et politique. Parfois masqué sous une couche de mauvaise foi, à l’image de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036068906">circulaire</a> prise par le premier ministre français.</p>
<h2>Édouard Philippe défenseur de l’écriture inclusive</h2>
<p>Que dit cette circulaire ? Comme l’a très bien souligné <a href="http://www.huffingtonpost.fr/eliane-viennot/edouard-philippe-et-le-camp-retrograde-siffle-la-fin-de-la-recree-pour-lecriture-inclusive_a_23286147/">Éliane Viennot</a>, Édouard Philippe entérine assez largement les principes de l’écriture inclusive, contrairement à ce qu’affirment les articles de <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/11/21/01016-20171121ARTFIG00179-edouard-philippe-bannit-l-ecriture-inclusive-de-l-administration.php">presse</a> et le texte lui-même :</p>
<blockquote>
<p>« Je vous invite […] à ne pas faire usage de l’écriture dite inclusive. »</p>
</blockquote>
<p>Cette affirmation n’est compréhensible que si l’on réduit l’écriture inclusive à l’usage du point, ce qui est à l’évidence un stratagème grossier à visée politicienne. En effet, cette circulaire demande à féminiser les noms associés à des fonctions lorsque ces fonctions sont assurées par des femmes. On remarque même l’usage du mot <em>auteure</em> dans la circulaire. De plus, le premier ministre recommande l’usage de <em>le candidat ou la candidate</em> dans les actes de recrutement.</p>
<p>Suite à cette circulaire, un <a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/ecriture-inclusive-dans-documents-publics-pour-69-francais-c-est-non-mais-que-recherchent-donc-ceux-qui-tentent-imposer-debat-3234853.html">sondage</a> a été réalisé pour mesurer l’adhésion de la population à la décision du premier ministre. En voici un extrait :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196354/original/file-20171125-21816-ni52qx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/196354/original/file-20171125-21816-ni52qx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/196354/original/file-20171125-21816-ni52qx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/196354/original/file-20171125-21816-ni52qx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/196354/original/file-20171125-21816-ni52qx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/196354/original/file-20171125-21816-ni52qx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/196354/original/file-20171125-21816-ni52qx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sondage sur l’adhésion des Français à la décision du premier ministre vis-à-vis de l’écriture inclusive.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Atlantico</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La question qui se pose à la lecture de ce sondage est la suivante : comment interpréter les résultats ? En tant que partisan de l’écriture inclusive (mais pas forcément de l’usage du point), j’aurais pu répondre que j’étais plutôt d’accord avec le premier ministre pour peu que je lise la circulaire en question…</p>
<p>Ainsi, en dépit d’une posture clairement politicienne, le premier ministre défend une évolution de la norme tendant à rendre plus visible la place des femmes dans la langue. Et après des propos alarmistes, dont le désormais célèbre <a href="http://www.academie-francaise.fr/actualites/declaration-de-lacademie-francaise-sur-lecriture-dite-inclusive">« péril mortel »</a> qui frapperait la langue française à cause de l’écriture inclusive, même l’Académie française a prévu d’évoluer sur la question. C’est ce que l’on peut lire dans un <a href="https://www.courdecassation.fr/venements_23/relations_institutionnelles_7113/academie_fran_aise_8441/change_lettres_38070.html">courrier</a> de son Secrétaire perpétuel (une femme, contrairement à ce que laisse supposer sa dénomination) en réponse à une question posée par le Premier président de la Cour de cassation.</p>
<h2>L’Académie française a le pouvoir qu’on veut bien lui donner</h2>
<p>Le responsable de la Cour de cassation, observant un certain décalage entre l’usage et la position de l’Académie française relative à la féminisation des noms de fonctions dans les actes officiels, a pris sa plume pour demander l’avis de la vénérable institution. Il souhaite savoir si la position de l’Académie française a évolué depuis <a href="http://www.academie-francaise.fr/actualites/la-feminisation-des-noms-de-metiers-fonctions-grades-ou-titres-mise-au-point-de-lacademie">sa déclaration</a> du 10 octobre 2014. Or, comme le précisait elle-même l’Académie dans sa déclaration :</p>
<blockquote>
<p>« Les règles qui régissent dans notre langue la distribution des genres remontent au bas latin et constituent des contraintes internes avec lesquelles il faut composer. »</p>
</blockquote>
<p>On aurait peine à croire que cela ait changé en seulement trois ans. Pourtant, elle s’engage à émettre des « propositions propres à assurer la rectitude et la cohérence de ces nécessaires évolutions. »</p>
<p>Cet échange de courriers illustre une question intéressante sur le lien qu’il existe en France entre les sphères linguistique, juridique et politique. Le Premier président de la Cour de cassation précise que son institution souhaite se conformer à l’autorité de l’Académie, alors même que les usages des milieux politique et judiciaire autour de lui ont changé. Pourtant, il aurait pu se tourner vers les documents officiels que représentent le <a href="http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hcefh__guide_pratique_com_sans_stereo-_vf-_2015_11_05.pdf">guide pratique</a> du Haut conseil à l’égalité ou bien la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000866501">circulaire</a> du 11 mars 1986 relative à la féminisation des noms de métier, fonction grade ou titre et rédigée par le premier ministre de l’époque. Il y a donc plus de trente ans…</p>
<p>On le voit bien ici, la question de savoir qui détient l’autorité de réglementer la langue semble passablement embrouillée en France, y compris pour des professionnels de justice. Et les textes récents émanant du pouvoir politique ne permettent pas vraiment d’éclairer la situation. On a pu s’en rendre compte à l’occasion de l’application des rectifications orthographiques dans les manuels scolaires à la rentrée 2016 ou plus récemment par les positions prises par l’actuel ministre de l’Éducation nationale Jean‑Michel Blanquer.</p>
<h2>La loi, l’orthographe et la grammaire</h2>
<p>Dans un <a href="http://www.gouvernement.fr/argumentaire/reforme-de-l-orthographe-3763">communiqué</a> du précédent gouvernement de Manuel Valls, il est affirmé que la responsabilité de déterminer les règles en vigueur dans la langue française revient à l’Académie française. L’objectif de cette précision est de signifier que le ministère de l’Éducation nationale n’est nullement responsable de l’évolution de l’orthographe dans les manuels. On voit donc bien que la langue est un sujet sensible qui embarrasse les responsables politiques, d’autant plus quand cela touche l’enseignement. Mais que dit ce communiqué au sujet des textes de référence encadrant l’enseignement de l’orthographe ?</p>
<p>Trois sources sont citées : les rectifications orthographiques de 1990, le dictionnaire de l’Académie française et un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000485229">arrêté</a> du 28 décembre 1976. Concernant le dictionnaire, le premier tome de la neuvième édition est sorti il y a 25 ans et le dernier tome n’est pas encore paru à ce jour. Or, en 25 ans, de nombreux mots ont été créés et d’autres sont sortis de l’usage. Et le communiqué ne dit pas comment procéder dans les cas où les mots ne se trouvent pas dans le dictionnaire. De plus, il est peu probable que les enseignants consultent assidûment ce dictionnaire avant de préparer leurs leçons d’orthographe ou qu’ils demandent aux élèves de le consulter.</p>
<p>Pour ce qui est de l’arrêté de 1976, il s’agit d’un texte peu connu qui n’est sans doute pas appliqué. Cet arrêté stipule par exemple que les noms propres de personnes peuvent comporter un <em>s</em> au pluriel (ex : <em>les Duponts</em>). En conséquence, on ne peut normalement pas considérer qu’il s’agit là d’une faute. Par ailleurs, les programmes scolaires officiels ne descendent pas à un niveau de détail aussi fin que la forme orthographique de l’ensemble des mots, ni ne listent de manière explicite l’ensemble des règles de grammaire en vigueur. Dans les programmes, nulle trace de la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin ni même du masculin considéré comme neutre.</p>
<p>À la lumière de ce qui précède, on ne peut qu’être étonné de la réponse de <a href="http://www.lcp.fr/la-politique-en-video/ecriture-inclusive-une-grammaire-comme-il-ny-quune-republique-repond-jean">Jean‑Michel Blanquer</a> à l’Assemblée nationale à propos d’une <a href="https://www.slate.fr/story/153492/manifeste-professeurs-professeures-enseignerons-plus-masculin-emporte-sur-le-feminin">tribune</a> d’enseignants affirmant qu’ils n’enseigneront plus cette règle. En guise de réponse, le ministre précise que « le programme comporte une grammaire ». Et il fait référence à l’autorité de l’Académie française sur la question. Mais la seule et unique grammaire de l’Académie date de 1932. Et on ne peut pas dire qu’elle ait fait l’unanimité. En conséquence, on ne voit pas sur quel texte législatif pourrait s’appuyer le ministre pour obliger les professeurs à enseigner cette fameuse règle.</p>
<h2>La langue au cœur de la démocratie</h2>
<p>Comme nous venons de le voir, malgré les circonvolutions politiques, il existe un large consensus pour faire évoluer les normes du français relatives à la féminisation. Certaines sont même déjà en usage depuis de nombreuses années. Et l’Académie française est visiblement en retard sur ce point. Or, dans la sphère politique, on fait très souvent référence à l’Académie dès qu’il est question de langue française. Et on accrédite l’idée que la langue est homogène et qu’il suffirait de faire appel à une autorité supérieure pour nous dicter ce que nous devons dire ou écrire. « Une grammaire, une langue, une République », comme l’a dit Jean‑Michel Blanquer devant la représentation nationale. Cependant, non seulement la langue est diverse, mais en plus l’Académie française n’a reçu aucun mandat démocratique pour remplir cette fonction.</p>
<p>On reproche beaucoup à l’Europe son manque de transparence et de démocratie. En même temps, les Français et les Françaises acceptent de se soumettre collectivement à une institution dont les membres se cooptent entre eux depuis près de quatre siècles. Et cela, sur une question aussi fondamentale que la langue française. Il est sans doute temps de mettre les questions relatives à la langue française au cœur de la démocratie. Afin que chaque citoyen et chaque citoyenne puissent se faire sa propre opinion en disposant d’<a href="https://www.revue-ballast.fr/lacademie-tienne-langue/">informations fiables</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Benzitoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La langue représente un enjeu de pouvoir fondamental. On a encore pu le voir récemment dans une circulaire du premier ministre portant sur l’écriture inclusive.Christophe Benzitoun, Maître de conférences en linguistique française, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/852332017-10-12T19:07:21Z2017-10-12T19:07:21ZDébats sur l’école… halte au feu !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189427/original/file-20171009-6971-1tsvb1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C23%2C3880%2C2311&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Attention école !</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zigazou76/4205367075/">Frédéric Bisson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Triste nouvelle pour l’École. Depuis l’arrivée de Monsieur Blanquer à la tête du ministère de l’Éducation, et alors qu’avait été annoncée la mise en œuvre d’une « démarche moderne », fondée sur la science, l’expérience et l’évaluation (<a href="http://bit.ly/2g5dSeA">discours d'investiture du 17 mai</a>), la guerre idéologique paraît repartir de plus belle (<a href="http://lemde.fr/2yeHe1n"><em>Le Monde</em> du 1ᵉʳ octobre 2017</a>).</p>
<p>Après un quinquennat Hollande s’étant traduit, sur le plan éducatif, par « cinq années de défilés, de bruit médiatique, d’attaques <em>ad personam</em> » (<a href="http://abonnes.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/12/hollande-et-l-education-la-valse-des-ministres-des-reformes-et-des-polemiques_5126797_4854003.html"><em>Le Monde</em> du 13 mai 2017</a>), on était en droit d’espérer toute autre chose qu’une réactivation des guérillas dans lesquelles la France se complaît quand il s’agit de débattre de l’École, et, éventuellement, de la réformer. C’est pourquoi il nous paraît urgent de crier « halte au feu », tant cette guerre idéologique est puérile, mystificatrice, et vaine.</p>
<h2>Une guerre idéologique puérile</h2>
<p>Comment pourrait-on ne pas voir que, s’agissant de l’École, une guerre idéologique est puérile ? Ce n’est pas parce qu’il est question d’enfants qu’il faut se comporter comme des enfants. Des enfants qui se gargarisent de mots ronflants, lesquels prennent très vite valeur d’injure, que l’on s’envoie à la tête, comme dans une cour de récréation. « Pédagogiste », « égalitariste », « laxiste », d’un côté ; « passéiste », « conservateur », « élitariste », de l’autre. Des mots, que l’on choisit, ou forge, à dessein, pour blesser ceux que l’on se donne comme ennemis, introduisant ainsi une fracture aussi artificielle qu’inutile dans les rangs des éducateurs.</p>
<p>Pour les hommes politiques, ces mots sont autant de signes que l’on adresse à son électorat, à qui l’on veut plaire ; ou au grand public, que l’on souhaite séduire, quitte à le conforter dans ses préjugés, et ses rancœurs. Dans le combat, ils font fonction du chiffon rouge que l’on agite pour exciter « les gens ». Même si on ne voit pas très bien à quelle réalité ils correspondent (« Méthode globale » ? « Prédicat » ?), l’effet est assuré : l’école est très vite reprise par une fièvre (ex. : fièvre des rythmes scolaires ; fièvre de l’évaluation) qui, pour elle, n’augure rien de bon.</p>
<p>On peut (pour plaire aux enfants ?), pousser la perversion jusqu’à transformer le « débat » en enquête policière, en invitant, par exemple, à partir sur la piste des assassins de l’école. Tristes jeux de foire où, comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yYRxsG5txNc">dans la chanson de Béart</a> : </p>
<blockquote>
<p>Les petits gars<br>
Cassent des pipes<br>
Et s’y étripent<br>
Pour du nougat.</p>
</blockquote>
<p>Un ministre ne devrait-il pas éviter de se jeter dans une telle foire d’empoigne ?</p>
<h2>Une guerre idéologique mystificatrice</h2>
<p>Comment pourrait-on ne pas voir que la guerre idéologique est mystificatrice ? En occupant les esprits avec des polémiques qui, par nature, restent à la surface des choses, sans jamais entrer dans la réalité des faits et des pratiques, elle les détourne de ce qui fait vraiment problème, comme, par exemple, le poids des déterminants socio-économiques dans la réussite scolaire. La France est l’un des pays où l’origine sociale pèse le plus lourdement sur cette réussite. Est-il possible, et comment, d’améliorer cette situation ? Voilà une question qui devrait hanter les esprits des penseurs comme des acteurs de l’éducation.</p>
<p>On ne peut pas laisser croire qu’il suffirait de « s’occuper » (comme le dirait Trump) des « assassins » de l’école pour redonner à celle-ci le lustre et l’efficacité d’antan. Ce n’est pas en éradiquant le « pédagogisme » que l’on fera disparaître les ségrégations scolaires. Il faudrait consacrer ses forces à analyser les causalités en jeu, pour identifier, à partir de là, des pistes pour une action ayant quelque chance d’être efficace.</p>
<p>Par exemple, si l’appartenance sociale est le premier déterminant de la valeur scolaire d’un élève, ne conviendrait-il pas d’abord, et avant tout, d’augmenter la mixité sociale ? Ce qui exigerait des mesures à la fois scolaires, et extra-scolaires, car ni l’École ne peut tout, ni elle est indépendante du milieu social qui l’entoure. Ainsi, des mesures « volontaristes » de restructuration de la carte scolaire, ou d’instauration de quotas, pourraient être d’autant plus efficaces qu’elles s’inscriraient dans une politique de remodelage territorial et urbain. Un ministre ne devrait-il pas s’attacher en priorité à cerner tous les tenants et les aboutissants de la question scolaire, pour pouvoir mettre en synergie les vecteurs possibles de progression ?</p>
<h2>Une guerre idéologique fondamentalement vaine</h2>
<p>Comment pourrait-on ne pas voir que la guerre idéologique est vaine ? L’action éducative a besoin à la fois d’un temps long, et d’une conduite éclairée. Si elle peut se conclure par la victoire d’un clan, la guerre idéologique ne peut pas déboucher sur des solutions pertinentes et pérennes aux problèmes rencontrés par l’action éducative. Pour la bonne raison que sa logique propre, lui faisant ignorer les vrais problèmes, ne la met pas en position de les résoudre !</p>
<p>Toute l’histoire des réformes scolaires le montre. Une réforme n’a pour raison d’être que d’améliorer une situation, en apportant des réponses à un problème dûment diagnostiqué. Pour qu’une réforme réussisse, il faudrait ne jamais perdre de vue ce qui peut lui donner son sens, et en constituer le cœur : le lien entre un diagnostic, qui soit le plus possible partagé, et un traitement, qui soit le plus possible cohérent. Seul un tel lien peut donner sa pertinence à la gestion politique des problèmes éducatifs.</p>
<p>L’urgence est donc d’établir des diagnostics réfléchis, pour rechercher, à partir de là, des solutions intelligentes. De s’entendre sur un « bien commun », en prenant en compte prioritairement les intérêts des premiers concernés, c’est-à-dire des élèves. De substituer à une logique de suppression/restauration, qui installe dans un climat de guerre permanente, une logique de diagnostic/traitement, qui seule peut conduire à identifier, puis à mener, les combats dont l’École a vraiment besoin. Un ministre ne devrait-il pas avant tout s’attacher à relever les vrais défis ?</p>
<p>Mais cela soulève alors une question de légitimité. Car à qui, finalement, appartient-il de crier « halte au feu », pour rappeler les règles devant présider à un traitement sain des problèmes d’éducation, sinon, d’abord, au ministre lui-même ? Encore faudrait-il pour cela qu’il possédât, entre autres, les qualités qu’il exige du futur président du Conseil supérieur des programmes : être une personne « ouverte », et « sereine » ! Ne revient-il pas au ministre de donner l’exemple ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85233/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi la guerre idéologique autour de l’école est puérile, mystificatrice, et vaine.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/853042017-10-11T19:03:09Z2017-10-11T19:03:09ZPortrait de chercheur Christophe Benzitoun : à quand, la révolution de l’orthographe française ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189051/original/file-20171005-9788-bfnena.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=60%2C0%2C816%2C339&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Christophe Benzitoun par Sébastien Di Silvestro</span> </figcaption></figure><p><em>Pour ses 10 ans, la <a href="http://msh-lorraine.fr/">Maison des Sciences de l'Homme Lorraine</a> a commandé à <a href="https://iwsy-face.com/">Sébastien Di Silvestro</a> un recueil de portraits – textes et photos – de chercheurs en Sciences humaines et sociales : <a href="http://www.msh-lorraine.fr/actualites/details/ouvrage-anniversaire-de-la-msh-l-archipel-des-possibles/">L'Archipel des Possibles</a>. Retrouvez chaque semaine l’un de ces portraits.</em></p>
<hr>
<blockquote>
<p>« Saviez-vous que la complexité de l’orthographe du français était tout à fait intentionnelle ? Qu’elle a été décidée par une poignée de lettrés élitistes soucieux de conserver leur primauté. Dans une confusion entre langue et orthographe, le mythe entretenu « du génie de la langue française » fait toujours obstacle à toute tentative de réforme. »</p>
</blockquote>
<p>Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira, les fautes d’orthographe on les pendra. Est-ce une impossible (r)évolution d’une langue française intouchable et la plus conservatrice de toutes les langues romanes ? Combien de centaines, de milliers d’heures un enfant s’échine-t-il paradoxalement à apprendre à écrire correctement une langue natale qui lui vient à l’oral aisément ? La codification écrite de la langue incarne une bastille de l’Ancien Régime autant qu’un mythe républicain. Elle constitue d’ailleurs, le seul sujet d’accord entre les politiques de tous bords : on ne touche pas à l’orthographe de la langue française, comme si langue et orthographe constituaient un même objet. Tout au plus envisage-t-on, comme un sparadrap sur l’hémorragie « d’une langue qui ne fait que se perdre depuis des siècles », des réformes improductives de son enseignement. </p>
<p>Au prolongement de normes purement arbitraires datant en grande partie du XVIII<sup>e</sup> siècle, à l’usage d’une élite latiniste, à l’exemple du Bescherelle et de sa soixantaine de conjugaisons, ses litanies d’exceptions, à mémoriser sans autre possibilité, perdure comme un livre saint, un objet du rituel d’ascension vers la perfection de la norme. Et un vecteur de discrimination selon qu’on naît dans un milieu ou un autre. Alors que la langue orale est à tout le monde et libre par nature. Le passage à l’écrit pourrait être considérablement simplifié comme dans nombre de pays ayant procédé à ces réformes, libératoires d’autant d’heures d’apprentissage des savoirs vivants et non conventionnels. N’y a-t-il pas matière à nous interroger sur nos intransigeances à voir le français balafré par des fautes d’une orthographe sans raison scientifique, sans référence à une quelconque origine donnée ?</p>
<blockquote>
<p>« Ces réactions épidermiques, ce sens du sacrilège fautif, ne proviendrait-il pas de la façon dont le mystère du signe nous serait inculqué ? »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/189052/original/file-20171005-9797-au9eyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189052/original/file-20171005-9797-au9eyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189052/original/file-20171005-9797-au9eyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189052/original/file-20171005-9797-au9eyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189052/original/file-20171005-9797-au9eyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189052/original/file-20171005-9797-au9eyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189052/original/file-20171005-9797-au9eyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189052/original/file-20171005-9797-au9eyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Christophe Benzitoun par Sébastien Di Silvestro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://iwsy-face.com/">(https ://iwsy-face.com/)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme une lente et douloureuse conformation dont les diplômes attesteraient de la communion, faisant de chaque locuteur victorieux un prosélyte inflexible. En clair, le culte d’une orthographe impeccable relève-t-il d’un phénomène purement anthropologique, d’une croyance ? Ah, le fameux génie de la langue française… Avec ses 26 lettres héritées en grande partie du latin pour transcrire 36 sons, auxquelles l’orthographe ajoute des accents, combine des lettres (par exemple <em>ch</em>, <em>gn</em>, <em>in</em>) pour transcrire des sons déjà codés par d’autres caractères (<em>ph/f</em>, <em>au/o</em>, <em>ai/é</em>, <em>ç/s</em>).</p>
<p>Mais il n’existe aucune différence audible entre <em>où</em> et <em>ou</em> et pourtant on est capable de savoir s’il s’agit d’un adverbe ou d’une conjonction de coordination.</p>
<p>Et comment savoir, pour le restituer spontanément, qu’il y a un « r » à la fin de <em>monsieur</em> ? Mais cela s’apprend, monsieur, et par cœur… Cette combinatoire de lettres permet effectivement de représenter les 36 sons du français, mais au prix d’une effroyable complexité hérissée d’une centaine de possibilités. Par comparaison le <a href="https://theconversation.com/lortografe-ca-sert-a-koi-75876">finnois n'en possède qu'une vingtaine</a>.</p>
<p>Voici pêle-mêle, quelques questions délicates voire explosives, que soulève méthodiquement Christophe Benzitoun, chercheur en sciences du langage à l’Université de Lorraine et membre du laboratoire <a href="http://www.atilf.fr/">ATILF</a>. L’écoute de son argumentaire linguistique étayé par une vision nourrie des dimensions historiques, sociologiques et anthropologiques heurte durement toutes les préconceptions, pointe les incohérences en cascade et porte des propositions frappées du sceau de l’évidence.</p>
<p>Le chercheur a parfaitement conscience que la diffusion de ses travaux porte comme un vent de tempête et qu’il récoltera l’ire collective de toute une société cabrée autour de ce sujet politique, emblématique de l’identité nationale. Et c’est justement pourquoi il veut en découdre. Tout en contenant sa propre radicalité pour faire valoir sa logique implacable. Parce qu’il s’agit d’un sujet hautement politique, Christophe Benzitoun défend l’idée qu’une langue, comme tout objet, doit être pensée dans son caractère pratique, totalement occulté pour l’écriture du français qui constitue selon lui un modèle de sélection renforçant les inégalités sociales au sein même du système d’enseignement censé les résorber. Il parle de la souffrance des professeurs ne disposant pas du temps nécessaire pour inculquer toutes ces normes, de celle des élèves, pour des résultats médiocres et sans solution. De toutes ces heures gaspillées dans une société où l’échange par écrit n’a jamais été aussi vaste et aussi déterminant.</p>
<blockquote>
<p>« Le chercheur établit également un lien de cause à effet entre le déclin de la francophonie et cette surnorme que d’autres pays ont considérablement allégée. »</p>
</blockquote>
<p>Le plus drôle, dit-il, c’est qu’au fond personne n’a de pouvoir direct sur l’orthographe du français. En pratique chaque réforme intervient par un jeu de transactions obscures et se diffuse principalement à travers l’école et les concours, sans aucun cadre législatif ou juridique clair en dehors de ces deux secteurs.</p>
<p>Le chercheur rappelle, que la discrimination par la langue ne constitue en aucun cas un dommage collatéral, mais bien une conséquence tout à fait intentionnelle comme en atteste cette célèbre citation de Mézeray en 1673 : « [L’Académie] déclare qu’elle désire suivre l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes. » Et voilà, poursuit-il, pourquoi les formes orthographiques ont été sciemment éloignées, et le plus possible, d’une écriture à base de règles intuitives. Et que <em>sonneur</em> prend deux « n » alors que <em>sonore</em> n’en prend qu’un. </p>
<blockquote>
<p>Non content d’arrêter les rayons du soleil,<br>
Brave l’effort de la tempête.<br>
Tout vous est Aquilon ; tout me semble Zéphyr<br>
(La Fontaine, <a href="http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/chenroso.htm">« Le chêne et le roseau »</a>). </p>
</blockquote>
<p>Même si l’on ne savait plus immédiatement à « quel sein » se vouer, peut-être qu’à la lumière de ses travaux frondeurs, l’heure d’une vraie réforme pourrait enfin sonner.</p>
<p>À force de baigner dans le milieu des laboratoires de linguistique et à l’usure des pluies du nord, Christophe Benzitoun a perdu son accent de Marseille. Si certains travaillent dur pour se défaire de ce marqueur régional, lui ne le souhaitait pas. Les politiques qui prennent ou perdent leur accent à l’envi, au gré des lieux et des moments, bref ces aigrefins de la parole, l’amusent en mode mineur. Les instrumentalisations, les faux discours qu’il décortique en moins d’une seconde ont tendance à le faire sortir de ses gonds. Christophe Benzitoun incarne un mélange d’ouvertures et de profondes convictions armées et souvent à contre-courant. Mais parler de lui serait donner prise à des représentations qu’il juge largement inopportunes. Le chercheur met toujours en avant le collectif, le laboratoire, les échanges. Ses prises de fonction font valoir les valeurs d’une nouvelle génération. Cependant cette discrétion au versant privé est inversement proportionnelle à une véritable soif d’interaction et de partage de ses sujets de recherches.</p>
<p>Au milieu de toutes ces polémiques sur la complexité du langage où interviennent des académiciens et des auteurs de littérature, il regrette l’absence remarquable des spécialistes de la linguistique, très présents des années soixante aux années quatre-vingt, et puis d’un coup passés à la trappe. La faute à trop de jargon, à une trop faible accessibilité, ou à un manque d’implication dans la société ? L’autocritique de sa profession se fait sévère. Pour lui, l’image publique du chercheur concentre les mêmes suspicions que celle des politiques, avec une égale perte d’influence.</p>
<hr>
<p><em>Lisez la suite de cet article en téléchargeant <a href="http://www.univ-lorraine.fr/sites/www.univ-lorraine.fr/files/documents/MSH2017/benzitoun_christophe.pdf">« Christophe Benzitoun, À quand, la révolution de l'orthographe française ? »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85304/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De questions délicates voire explosives, que soulève méthodiquement le chercheur en sciences du langage.Christophe Benzitoun, Enseignant-chercheur en sciences du langage, Université de LorraineSylvie Camet, Professeure de littérature comparée, directrice de la MSH Lorraine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/791452017-06-14T20:30:30Z2017-06-14T20:30:30ZÀ qui appartient la langue française ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173477/original/file-20170612-10193-mkf093.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C741%2C414&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dictionnaire de l'Académie française.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:DictionaryFrenchAcademy1835.jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Depuis 2008, le <a href="http://www.projet-voltaire.fr">projet Voltaire</a> s’est spécialisé dans la certification et la remise à niveau en orthographe. Et depuis 2015, il publie un <a href="http://www.projet-voltaire.fr/documents/barometre-voltaire-2017.pdf">baromètre</a> du niveau d’orthographe des Français, baromètre largement repris dans la presse début juin 2017. Or, de l’orthographe à la langue, il n’y a qu’un pas que certains journaux s’empressent de franchir, à l’image de ce sous-titre lu dans <a href="http://www.midilibre.fr/2017/06/04/langue-francaise-l-occitanie-recolte-des-bons-points-en-orthographe,1516815.php"><em>Midi Libre</em></a> : « Au baromètre annuel publié par Projet Voltaire, la région joue les élèves modèles sur la maîtrise de la langue française ».</p>
<h2>Le bon usage n’est pas la langue</h2>
<p>Cet amalgame entre orthographe et langue française est assez généralisé dans la population. D’où les levées de boucliers quand on aborde la question d’une réforme de l’orthographe. Ne pas respecter l’orthographe est souvent considéré comme une absence de maîtrise de la langue. Mais, si langue et orthographe se confondent, n’est-il pas étonnant d’avoir besoin d’une remise à niveau dans sa propre langue maternelle ? Et quand on regarde les résultats du baromètre, les étudiants à l’université arrivent péniblement à maîtriser 45 % des règles de base (sans parler des collégiens et des lycéens). Est-ce à dire qu’après plus d’une quinzaine d’années d’études, ils ne connaissent pas une grande partie de leur langue ?</p>
<p>En réalité, derrière l’orthographe se cache la notion de norme ou bon usage. C’est cette norme et non la langue qui n’est pas bien assimilée par un grand nombre de locuteurs du français. Et la norme ne se limite pas à la seule orthographe mais touche d’autres secteurs. Par exemple, la norme recommande de proscrire l’emploi de <em>à cause que</em> ou bien de <em>si j’aurais su</em>. Et effectivement, lorsque l’on entend ou lit l’une de ces tournures, ça pique les yeux ou les oreilles. Mais d’où nous vient ce réflexe quasi épidermique ? Est-ce le génie de la langue qui prend possession de notre corps ? Évidemment non. C’est le cercle familial et notre passage à l’école qui nous ont conditionnés à réagir ainsi depuis plusieurs générations. À force de se faire reprendre quand on est enfant, on acquiert une sorte de radar à tournures fautives.</p>
<p>Mais quel problème grammatical pose <em>à cause que</em> ? Aucun ! Il se forme sur la même base que <em>à condition que</em> et <em>à mesure que</em> qui appartiennent tous deux au bon usage. Et <em>si</em> suivi d’un conditionnel se retrouve dans les autres langues de la même famille que le français (italien et espagnol, par exemple). Alors, pourquoi rejeter ces tournures ?</p>
<h2>Des jugements à géométrie variable</h2>
<p>À propos d’<em>à cause que</em>, l’<a href="http://www.academie-francaise.fr/cause-que">Académie française</a> considère qu’il s’agit d’un emploi vieilli. On retrouve ce point de vue dans des dictionnaires, parfois accompagné d’autres qualificatifs comme <em>populaire</em> ou <em>vulgaire</em>. Mais on ne sait pas à partir de quand ou de quoi on doit considérer qu’une tournure est vieillie, populaire ou vulgaire. Par exemple, pour le verbe <em>pallier</em>, voici ce qui est écrit sur le site de l’<a href="http://www.academie-francaise.fr/pallier">Académie française</a> pour justifier qu’il ne se construit pas avec la préposition <em>à</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Un rappel de l’étymologie de ce verbe aidera peut-être à garder en mémoire tant sa signification que sa construction : le latin tardif_ palliare_, dont le français a fait <em>pallier</em>, signifiait à l’origine Couvrir d’un pallium, c’est-à-dire d’un manteau qui cache, dissimule. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le cas de <em>à cause que</em>, pourtant défendu par Bescherelle et Littré avec comme cautions Baudelaire et Sand, on considère que c’est une locution vieillie, et pour justifier l’emploi de <em>pallier</em> sans <em>à</em> on remonte jusqu’au latin ! Se pose alors la question de savoir à quel moment on considère que le bon usage a évolué. Entre 1650 et 1835 s’opèrent des aménagements substantiels de l’orthographe tous les douze ans en moyenne. Durant cette période, les différentes éditions du dictionnaire de l’Académie française enregistrent ces modifications. Mais à partir de la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, le statut de l’orthographe, et plus largement celui de la norme, change suite à la démocratisation de la scolarité. C’en est alors fini des mises à jour régulières et très peu de choses a bougé depuis 1835 dans les ouvrages de référence.</p>
<h2>Qui édicte le bon usage ?</h2>
<p>On se retrouve donc dans une situation paradoxale : la langue française ne s’est pas figée une fois pour toutes en 1835 contrairement à son usage de référence. Et l’école tout comme les certifications du type de projet Voltaire ont besoin d’une certaine stabilité de la grille d’évaluation. Mais pourquoi ne pas considérer, pour reprendre les exemples du baromètre Voltaire, que <em>à l’attention/à l’intention</em> (considérée comme l’alternance la moins bien maîtrisée), <em>avoir à faire à</em> et <em>biensûr</em> ne sont pas des fautes mais représentent au contraire des évolutions de la langue française ?</p>
<p>Et qui décide du choix des formes correctes ? La chaîne des intervenants a été parfaitement décrite par Alain Berrendonner en 1982 dans son ouvrage sur le discours normatif :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’on demande au maître de français comment il justifie son pouvoir normatif, il dira peut-être qu’il ne fait qu’enseigner ce qu’il y a dans le manuel. L’auteur du manuel, quant à lui, s’abritera derrière les instructions officielles, auxquelles il se conforme. Les inspecteurs responsables de ces instructions, si on arrive à les trouver, se retrancheront derrière les arrêts de l’Académie française, qui, elle, nous renverra au Bon Usage, au sentiment universel, à tout le monde. Mais tout le monde tient ses normes de son maître de français, bien sûr. Ainsi, la circularité des transferts-cautions est évidente : chacun est doté d’un certain pouvoir grammatical par le voisin, et c’est ainsi que le pouvoir s’exerce sur chacun. »</p>
</blockquote>
<p>On voit bien, à travers cette citation, la place qu’occupe l’Académie française dans la définition du bon usage. Le ministre de l’Éducation nationale, <a href="http://www.leparisien.fr/societe/jean-michel-blanquer-il-n-est-pas-normal-d-interdire-le-redoublement-07-06-2017-7028271.php">Jean‑Michel Blanquer</a>, propose même de consulter les académiciens pour savoir ce qu’il doit advenir de la notion de <a href="https://www.ccdmd.qc.ca/media/rubri_p_50Prdicat.pdf">prédicat</a> dans les cours de grammaire. Mais l’Académie n’a aucun pouvoir législatif sur la langue. En réalité, seul l’État a le pouvoir de modifier la forme considérée comme référence. Et c’est principalement à travers les programmes scolaires et les concours que la réglementation de l’État s’applique.</p>
<p>En résumé, il y a donc la langue, d’un côté, et la norme et l’orthographe, de l’autre. La langue a sa vie propre, évolue au gré des inspirations du moment des locuteurs qui la parlent ou qui l’écrivent. Elle ne se laisse pas dicter la forme qu’elle est censée revêtir et obéit à sa logique propre. C’est l’instrument démocratique par excellence et nous avons tout intérêt à ce que la norme colle au plus près de l’évolution de la langue. C’est donc tout le contraire de l’outil de <a href="https://theconversation.com/lortografe-ca-sert-a-koi-75876">sélection</a> truffé de pièges redoutables qu’est devenue la norme. Et avec l’arrivée d’une certification, il y a un risque de freiner encore plus l’évolution de la norme. La langue française appartient à tous les francophones et il faut que chacun s’empare de la question de l’évolution de la forme de référence et de ses finalités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79145/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Benzitoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le français possède un usage ordinaire quotidien et une forme de référence utilisée notamment pour évaluer les locuteurs. Mais qui arrête cette forme de référence et comment se décide ses évolutions ?Christophe Benzitoun, Enseignant-chercheur en sciences du langage, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/758762017-04-18T20:06:11Z2017-04-18T20:06:11ZL’ortografe, ça sert à koi ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164573/original/image-20170409-2918-lr2cdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C241%2C1544%2C1033&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Soupe de lettres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://maxpixel.freegreatpicture.com/Spoon-Cup-Letters-Eat-Soup-Alphabet-Soup-2034919">Maxpixel</a></span></figcaption></figure><p>L’invention de l’écriture représente une avancée technologique majeure ayant révolutionné la pensée humaine. Elle a rendu possible la confection de listes et de tableaux, une moindre sollicitation de la mémoire, l’émergence de la pensée scientifique. Pour cela, l’humain a dû se doter d’une forme de représentation conventionnelle de la langue par écrit.</p>
<p>Ainsi, une réponse simple à la question posée en guise de titre pourrait être que l’orthographe permet de transcrire, de passer de l’oral à l’écrit. Concrètement, on utiliserait des lettres codant des sons (pour les langues comportant un alphabet). Mais la situation du français contemporain est très loin de cette relation directe entre parlé et écriture.</p>
<h2>La complexité de l’orthographe française</h2>
<p>Pour ce qui est du français, un des problèmes majeurs, c’est que l’on dispose de 26 lettres (héritées en grande partie de l’alphabet latin) pour transcrire 36 sons. Pour surmonter cette difficulté, on a ajouté des accents et combiné des lettres (par exemple <em>ch</em>, <em>gn</em>, <em>in</em>). Mais si l’on y regarde de près, on s’aperçoit que les combinaisons de lettres et les diacritiques transcrivent des sons qui sont déjà codés par d’autres caractères (<em>ph/f</em>, <em>au/o</em>, <em>ai/é</em>, <em>ç/s</em>). Et que dire de <em>ù</em> qui n’est utilisé que dans le mot <em>où</em> ? Ou bien encore de <em>monsieur</em> dans lequel <em>on</em> et <em>eu</em> renvoient au même son et où le <em>r</em> final ne se prononce pas. En conséquence, cela a effectivement permis de représenter tous les sons mais au prix d’une complexité énorme : plus d’une centaine de possibilités pour coder 36 sons alors qu’une langue comme le finnois en possède seulement une vingtaine.</p>
<p>De plus, il y a plusieurs siècles, à une époque où les rares lettrés maîtrisaient aussi le latin, des lettres étymologiques muettes ont été volontairement introduites en parallèle de l’évolution naturelle calquée sur la prononciation. Et à cela, on peut ajouter toutes les règles d’orthographe grammaticale qui sont venues encore complexifier l’ensemble (marques d’accord, conjugaison, pluriel, accord du participe passé…). On se retrouve alors avec des cas comme le suivant où il y a une seule marque de pluriel à l’oral (la différence de prononciation entre <em>le</em> et <em>les</em>) pour cinq à l’écrit : Le_s_ joli_s_ petit_s_ tableau_x_ multicolore_s_. L’orthographe française est donc très peu transparente c’est-à-dire que le passage du français parlé au français écrit est extrêmement complexe et difficile à prévoir à partir de règles. Elle comporte également de nombreuses lettres muettes.</p>
<p>Pourtant, l’orthographe est une construction issue de choix explicites d’un petit nombre de personnes et non d’une évolution naturelle. L’orthographe, ce n’est pas la langue mais seulement sa codification écrite. En <a href="http://bit.ly/2pmPtju">1835 par exemple, l’Académie française</a> a proposé et obtenu la modification graphique de plusieurs milliers de mots dont la suppression du <em>h</em> ou la substitution de <em>ph</em> par <em>f</em> dans certains mots comme <em>fantaisie</em>, <em>flegme</em> et <em>trône</em> (qui précédemment s’écrivaient <em>phantaisie</em>, <em>phlegme</em> et <em>thrône</em>). Et <em>nénufar</em> n’est devenu « officiellement » <em>nénuphar</em> qu’en 1935.</p>
<p>Bref, les choix d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux d’hier ou de demain, comme le montrent ces deux extraits des <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50996b">« Observations de l’Académie Françoise sur les Remarques de M. de Vaugelas »</a> (1704) qui exhibent les formes recommandées à l’époque : du parti de ceux qui cro_yent__ et ne sont plus employ_ez_. Mais, si cela dépend de choix, pourquoi avoir conservé une orthographe aussi compliquée ?</p>
<h2>Les raisons de la complexité</h2>
<p>De manière assez étonnante, l’orthographe du XVII<sup>e</sup> siècle, élaborée par et pour les lettrés connaissant le latin, n’a pas été repensée à l’époque de la démocratisation de la scolarité en France, période durant laquelle l’école représentait le seul contact avec le français pour des millions d’enfants. On a donc conservé des conventions fort complexes et depuis 1835 aucun changement notable n’est intervenu.</p>
<p>Cette situation a pour conséquence qu’aujourd’hui l’orthographe pose des problèmes dans l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, avec un nombre élevé d’enfants dyslexiques ou dysorthographiques et d’adultes en situation d’illettrisme. De plus, le français écrit est central dans la scolarité. C’est lui qui donne accès aux autres matières. Il est donc la cause d’une part importante de l’échec scolaire. Par ailleurs, l’orthographe sert d’outil de sélection dans le cadre d’examens, de concours, de recrutements professionnels voire même de <a href="https://www.scienceshumaines.com/l-orthographe-ca-compte-sur-les-sites-de-rencontre_fr_37950.html">rencontres amoureuses</a>.</p>
<p>Or, l’aspect discriminant n’est pas, comme on pourrait le penser, un dommage collatéral. C’est au contraire une conséquence tout à fait voulue, comme l’atteste la célèbre citation de <a href="http://www.idref.fr/031877931">Mézeray (1673)</a>, membre de l’Académie française :</p>
<blockquote>
<p>« [L’Académie] déclare qu’elle désire suivre l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes. »</p>
</blockquote>
<p>Tout ceci explique pourquoi, quand on écrit en français, on a l’impression que celui-ci a été truffé de pièges, de formes les plus éloignées que possible d’une écriture à base de règles intuitives, à l’image de <em>sonneur</em> qui prend deux <em>n</em> et <em>sonore</em> qui n’en prend qu’un.</p>
<p>Cette situation oblige à consacrer un temps considérable à l’enseignement de l’orthographe du français, au détriment des autres matières et des autres compétences langagières (savoir structurer un texte, présenter de manière claire et ordonnée une argumentation). Et cela pour un résultat somme toute assez modeste et qui <a href="http://bit.ly/2f4OVfQ">empire dans le temps</a>. Par comparaison, les petits Finlandais obtiennent des <a href="http://bit.ly/2pmMWWr">résultats meilleurs</a> que les Français en lecture pour un temps d’enseignement de l’orthographe nettement plus faible, le finnois étant une langue beaucoup plus transparente que le français. Dans ces conditions, n’est-il pas temps de regarder notre orthographe avec lucidité afin de trouver de véritables solutions ?</p>
<h2>Pour une réelle démocratisation de l’écrit</h2>
<p>L’orthographe n’est pas intouchable et elle n’a pas atteint une sorte de perfection indépassable, ce qui n’aurait aucun sens. Heureusement, le français n’est pas une langue morte et continue d’évoluer. Il est donc important de lancer un grand débat sur le rôle que la société souhaite assigner à l’orthographe (outil de sélection ou moyen d’accès facilité vers l’écrit). Cela conditionnera notre capacité à améliorer l’apprentissage des élèves et à amplifier la diffusion du français à l’étranger.</p>
<p>Le perfectionnement des méthodes d’enseignement seul ne permettra pas d’avancées significatives. Le temps consacré à l’orthographe, aussi important soit-il, est insuffisant et le restera si l’on continue à enseigner sa forme actuelle. Sauf à diminuer le temps dévolu aux autres matières, ce qui n’est pas souhaitable. Il faut donc une réflexion sur les conventions orthographiques elles-mêmes, dont la complexité doit être étudiée avec toute la rigueur nécessaire.</p>
<p>Pour qu’une grande langue comme le français puisse apporter toutes ses richesses au plus grand nombre, pour que l’apprentissage de ces formidables outils que sont la lecture et l’écriture ne soit plus synonyme de supplice, il est urgent que la société s’empare de ce sujet, sans se laisser aveugler par une conception élitiste de la langue. Il en va de notre capacité à partager ce bien commun que représente l’écrit, d’autant plus dans le monde contemporain où nous n’avons jamais autant eu besoin de savoir lire et d’écrire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Benzitoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’orthographe du français cumule deux propriétés contradictoires : c’est un moyen d’accès vers l’écrit et un instrument de distinction sociale. Quels problèmes cela pose-t-il et comment y remédier ?Christophe Benzitoun, Maître de conférences en linguistique française, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/691602016-11-29T20:55:47Z2016-11-29T20:55:47ZNiveau d’orthographe : la dictée autrement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/148297/original/image-20161201-25682-gw4k1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La sacro-sainte dictée…</span> </figcaption></figure><p>La Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance (DEPP) vient de publier dans sa <a href="http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/depp-ortho2016.pdf">note 28 de novembre 2016</a> les résultats d’une dictée proposée en 2015 à des élèves de CM2. La même dictée a été proposée en CM2 en 1987 et en 2007 dans l’étude <a href="http://bit.ly/2gBbl6f"><em>Lire, écrire, compter</em></a>. Le constat est sans appel : la baisse, déjà enregistrée en 2007, est confirmée en 2015. Et c’est bien l’orthographe grammaticale qui est en recul.</p>
<p>Il convient néanmoins de réfléchir à l’utilisation de la dictée pour apprendre l’orthographe.</p>
<p>Curieusement, on dispose de peu d’études destinées à mesurer l’évolution du niveau orthographique dans le temps. Une <a href="http://bhef.ish-lyon.cnrs.fr/simple_search.php?AUTEUR=Anne-Marie+Chartier&order_by=_titre%2Cid&offset=10">étude de la DEP</a> a porté non pas sur une dictée mais sur un ensemble de 26 dictées du <a href="http://www.r-lecole.fr/Lois/certif2095.html#R%C3%A9sultats%20%C3%A0%20l%E2%80%99%C3%A9preuve%20d%E2%80%99orthographe%20(dict%C3%A9e)">certificat d’études des années 1920</a>, proposées en 1995 à 2876 collégiens de la 6<sup>e</sup> à la 4e. Elle a permis de conclure à la baisse du niveau orthographique <a href="http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1996-06-0119-003">entre 1920 et 1995</a>.</p>
<p><a href="http://www.editions-retz.com/auteur/anne-marie-chartier.html">Anne-Marie Chartier</a>, intriguée par la variation dans les moyennes obtenues aux 26 dictées (de 1,9/20 en moyenne à 10,9/20), a <a href="http://bit.ly/2gBgBXs">cherché à déterminer</a> ce qui faisait la plus ou moins grande facilité d’une dictée. Elle a identifié trois facteurs : la longueur du texte ; le lexique et le registre d’écriture ; le nombre de marques inaudibles à l’oral. En somme, une dictée en soi n’est pas un instrument de mesure fiable. Oui, la dictée type certificat d’études, c’est la loterie !</p>
<p>Ce n’est pas parce qu’on dicte le même texte à 20 ans de distance, ou même 8 ans, que les conditions sont identiques ou strictement comparables. Il y a eu, depuis 1987, tant de mutations dans la société et dans l’école ! À commencer par la révolution informatique : que l’on songe au chemin parcouru depuis le plan <em>Informatique pour tous</em> en 1985. Sans oublier les évolutions des missions de l’école avec l’introduction des langues vivantes étrangères, de la sécurité routière, etc.</p>
<p>La pratique du redoublement a elle aussi beaucoup évolué en 30 ans : la DEPP rappelle dans sa note 28 que le taux de retard en fin de CM2 est passé de 33 % en 1987 à environ 10 % aujourd’hui. Les programmes ont eux aussi été modifiés à un rythme soutenu, en 2002, 2008, puis en 2015. Les attentes de la société ne sont pas, à l’évidence, les mêmes aujourd’hui qu’il y a trente ans.</p>
<p>Si le choix d’un texte de dictée n’est pas anodin, si les situations ne sont jamais vraiment comparables, il n’en reste pas moins qu’on n’a pas trouvé mieux que la dictée d’un texte pour évaluer les éventuelles évolutions du niveau des élèves. Et les performances semblent bel et bien s’effondrer. Alors que faire ?</p>
<h2>Reconnaitre d’abord la complexité de l’orthographe du français</h2>
<p>La première des choses, qui ne semble pas tomber sous le sens commun, est de reconnaître que l’orthographe du français est complexe, précisément à cause de ses marques inaudibles à l’oral, notamment grammaticales. Sans doute l’une des plus complexes au monde. Il n’est que de comparer avec l’italien, l’espagnol, l’allemand ou même l’anglais. La recherche a bien montré qu’il fallait au moins 10 ans en moyenne pour apprendre l’orthographe du français si l’on veut répondre aux standards requis par la société. Qu’on reconnaisse au moins la difficulté que constitue son apprentissage !</p>
<p>S’engager dans un apprentissage dont la difficulté est reconnue (on a donc le droit de faire des erreurs) ou dans un apprentissage dont on laisse entendre qu’il est « simple » (l’erreur devient vite pathologique), ce n’est pas la même chose.</p>
<p>Les structures syntaxiques de la dictée proposée en CM2 ne sont pas si simples qu’on veut bien s’en persuader : les participes passés sont éloignés du donneur d’accord dans <em>leurs quatre garçons n’étaient pas rentrés</em> ; <em>les gamins se sont certainement perdus</em> ; <em>nous les verrons arriver très fatigués à la maison</em>.</p>
<p>De nombreux travaux ont montré que l’éloignement du donneur d’accord est un obstacle à la réalisation de l’accord, pour l’adulte comme pour l’élève. D’autres travaux ont montré qu’il est difficile de déroger à l’application de la règle d’accord sujet-verbe et de ne pas mettre un <em>s</em> au participe passé dans <em>ils n’ont pas encore retrouvé leur chemin</em>. Mieux, deux des accords de la dictée proposée en CM2 sont hors programmes de l’école élémentaire : l’accord du participe passé d’un verbe pronominal (<em>les gamins se sont certainement perdus</em>) et l’accord avec le complément antéposé du participe passé employé avec avoir (<em>elle les a déjà peut-être vus</em>), deux accords attendus en fin de collège, dans les programmes de 2008 comme dans ceux de 2015, et que bien peu d’adultes maitrisent. Au total, cette dictée, qui ne présente pas moins de 22 zones potentielles d’erreurs sur les seules finales nominales et verbales, met effectivement l’accent sur la gestion des chaines d’accord.</p>
<p>Reconnaitre la complexité de l’orthographe du français, et donc la complexité de son apprentissage, implique une réflexion en termes de priorités, d’objectifs mesurés, de progressions, de tolérance aussi. Sortons de la logique des exceptions et de la valorisation de l’accord du participe passé, et entrons dans une logique de progression.</p>
<p>Tâchons de ne pas tout exiger tout de suite, et de déterminer ce qui, à chaque étape, est essentiel. Faisons appel aux capacités d’observation des élèves à propos de notions centrales, de fonctionnements récurrents de leur langue ; soyons attentifs à leur renvoyer une image de leurs progrès, à les encourager quotidiennement afin qu’ils ne se découragent pas. Les programmes pour l’école et pour le collège publiés en 2015 vont dans ce sens.</p>
<h2>Se servir de la dictée pour travailler quotidiennement l’orthographe</h2>
<p>Pour venir à bout de ce système d’écriture complexe, il vaut donc mieux travailler l’orthographe tous les jours dans un climat de confiance, sans peur de l’erreur. Certains dispositifs commencent à faire leurs preuves qui sont autant de formes de dictées d’apprentissage (zéro faute, dialoguée, frigo, phrase dictée du jour, etc.), qui mettent les élèves en réflexion sur leurs erreurs récurrentes et permettent de fructueux échanges dans la classe.</p>
<p>Des dispositifs où ils apprennent à analyser, à réfléchir aux accords, à les contrôler, à les justifier, à partir de phrases ou de textes soigneusement sélectionnés par des enseignants attentifs à la fréquence du vocabulaire, à la complexité des structures syntaxiques, à la progressivité des apprentissages, à ce qui est hors de portée de leurs élèves.</p>
<h2>Valoriser les progrès</h2>
<p>L’accent mis sur la baisse à un niveau donné fait oublier la progression des élèves d’un niveau à l’autre. Si l’on dictait ce texte aux collégiens, on obtiendrait à n’en pas douter une diminution du nombre d’erreurs au fil de la scolarité, comme on a pu l’observer aux trois moments où le texte de Fénelon a été dicté à plusieurs générations d’élèves, du CM2 à la classe de 3e, d’abord par l’inspecteur Beuvain en 1873, puis par André Chervel, Danièle Manesse et Danièle Cogis en <a href="http://bit.ly/2gzIH9h">1987</a> et en <a href="http://bit.ly/2gD1vlu">2005</a>. Les études conduites sur plusieurs niveaux montrent une progression lente mais sure d’un niveau à l’autre.</p>
<h2>Remettre la dictée à sa place</h2>
<p>Quelle est la demande sociétale ? Apprendre à écrire ses propres textes et non pas apprendre à faire des dictées. Beaucoup de systèmes éducatifs se passent d’ailleurs de la dictée d’évaluation et évaluent l’orthographe en production de texte. Évaluer les progressions des élèves dans des études contrôlées est une chose, et une dictée soigneusement composée a alors son utilité ; avoir foi en l’évaluation par la dictée type certificat d’études en est une autre. Le temps est compté. Faisons de la dictée un vrai dispositif d’apprentissage et apprenons à travailler l’orthographe en lien avec la production d’écrit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Brissaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.</span></em></p>Analyse de la place de la dictée dans l’apprentissage et le contrôle de l’orthographe en France.Catherine Brissaud, Professeure en Sciences du Langage, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/552102016-02-24T22:06:54Z2016-02-24T22:06:54Z« Réforme de l’orthographe » : le débat est-il de (au) bon niveau ?<p><em>Face aux réactions provoquées par la réforme de l’orthographe en France et la fameuse disparition programmée de l’accent circonflexe, nous publions cette semaine des textes venus de l’étranger, mais aussi des points de vue décalés et informés sur un sujet qui passionne.</em></p>
<p>La (prétendue) réforme de l’orthographe a provoqué un tumulte considérable, et déclenché un véritable pataquès. Pourquoi tant de fureur et de bruit, à propos d’une réforme qui, pour la ministre de l’Éducation nationale, « n’existe pas » ?</p>
<p>Sans prendre parti sur la validité de l’effort de « rectification orthographique » qui est à l’origine de ce tumulte (nous laisserons cela aux linguistes et aux didacticiens), nous voudrions simplement faire observer que le débat se situe à trois niveaux différents, qu’il y a lieu de bien distinguer, sous peine d’être englouti dans une bataille dont le sens même nous échapperait.</p>
<h2>Un enjeu technique</h2>
<p>Le premier niveau est technique. Il concerne la nature des changements proposés en 1990 par le « Conseil supérieur de la langue française », et approuvés par l’Académie française, comme en témoigne le Journal officiel de la République française du 6 décembre 1990.</p>
<p>Les commentateurs les plus lucides paraissent s’accorder à reconnaître que les rectifications orthographiques ne bouleversent pas les règles, mais s’efforcent de les renforcer, dans le sens d’une rationalisation de la langue écrite. On pourra certes discuter des motivations de ces rectifications : faut-il vouloir simplifier l’apprentissage du français ? De leur opportunité : faut-il vouloir harmoniser et simplifier le lexique, et supprimer les signes obsolètes ? De leur étendue : 2 400 mots, est-ce trop, ou trop peu ? Et enfin de leur force normative : les rectifications doivent-elles être, ou non, obligatoires ?</p>
<p>Mais on devra en discuter d’autant plus calmement que l’on sait que le dernier mot appartient toujours à l’usage, qui tranche finalement entre ce qui est admis, et ce qui ne l’est pas. D’où vient alors la passion qui enflamme le débat ? Sans doute du fait qu’il engage deux autres niveaux.</p>
<h2>Une enjeu social</h2>
<p>Le deuxième niveau est social. Il a pour enjeu la place et le statut de l’écrit dans la vie des Français. C’est en ce sens, par exemple, que la responsable des correcteurs du journal <em>Le Monde</em> « regrette que la langue parlée, avec ses impropriétés, ait tendance à se substituer à la langue écrite » (<a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/02/19/au-bonheur-des-correcteurs_4868373_3232.html">20/O2/16</a>).</p>
<p>Un combat pour la défense de l’écrit peut être jugé aujourd’hui nécessaire. Dans un pays qui révère la littérature, c’est une affaire sérieuse. D’autant plus que l’utilisation massive de moyens de communication tels que les SMS, voire les tweets, se traduit, de fait, par un moindre respect des exigences de la langue écrite.</p>
<p>Ce combat pourra rencontrer celui de ceux qui prônent un retour de la dictée, ou affirment la nécessité de continuer à offrir à tous la richesse de la langue classique. Mais le souci d’éviter une dégradation de la langue française doit-il se traduire par un respect religieux de toutes ses particularités ? La question mérite d’être posée, et traitée, avec sérénité. Car la défense d’une langue riche ne peut se limiter au seul immobilisme orthographique.</p>
<h2>Un enjeu politique</h2>
<p>Mais c’est au troisième niveau, quand le débat devient politique, que le risque de sombrer dans une « polémique absurde » (Najat Vallaud-Belkacem) devient très fort.</p>
<p>L’enjeu est alors de terrasser des adversaires politiques, et la passion de la victoire l’emporte sur celle de la langue ! L’orthographe n’est plus qu’un prétexte à une bataille de chiffonniers. Que voit-on en effet ? Des combattants partir sabre au clair contre leurs ennemis politiques.</p>
<p>L’Académie (du moins son actuelle secrétaire perpétuelle) proclame son « opposition à toute réforme de l’orthographe »… pour mieux sabrer la réforme du collège (<em>Le Monde</em> du <a href="http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2016/02/13/l-academie-francaise-contre-toute-reforme-de-l-orthographe_4864931_3224.html">13/2/16</a> ).</p>
<p>Et la ministre a alors beau jeu de parler de « tartufferie » et d’« imposture ». Les uns, en se posant en défenseurs de la langue, volent au secours d’une identité nationale qu’ils jugent menacée. Les autres font valoir que l’urgence est à promouvoir l’égalité des développements. Chacun accuse son adversaire de vouloir occulter un débat nécessaire, celui sur « notre système éducatif », et « l’éducation de nos enfants », soit en tentant d’imposer une réforme dérisoire, soit en polémiquant sur une réforme qui n’existe pas.</p>
<p>Dans une telle guerre de postures, c’est l’idéologie qui triomphe.</p>
<p>Le bon sens exigerait que l’on retournât aux deux premiers niveaux de débat, en s’interrogeant sur les plus intelligentes façons de défendre la langue écrite, et de permettre à tous de devenir, selon le mot de Cécile Ladjali (<em>Le Monde</em> du <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/02/18/oublier-l-histoire-des-mots-c-est-renoncer-a-nous-memes_4867687_3232.html">19/02/16</a> ), « riche de mots ». L’éducation de nos enfants exige mieux qu’un bal des hypocrites.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/55210/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span> </span></em></p>Le brouhaha autour de la réforme de l’orthographe s’explique par son enjeu technique, social et surtout politique.Charles Hadji, Professeur émérite (Sciences de l'education), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/546032016-02-23T21:51:45Z2016-02-23T21:51:45ZÀ Dieu l’Orthographe !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/111813/original/image-20160217-20129-16ci701.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Livres libres</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/livre-exposition-composition-436507/">Michal Jarmoluk</a></span></figcaption></figure><p><em>Face aux réactions provoquées par la réforme de l’orthographe en France et la fameuse disparition programmée de l’accent circonflexe, nous publions cette semaine des textes venus de l’étranger, mais aussi des points de vue décalés et informés sur un sujet qui passionne.</em></p>
<p>Depuis peu, c’est la panique ; le français a perdu la tête et, avec elle, certains de ses plus beaux chapeaux ! Une correction vieille de 26 ans qui divise en soustrayant à nos habitudes d’écriture d’inutiles vestiges du vieux français, ainsi que quelques erreurs ayant fait l’unanimité. La résistance surprenante de mes étudiants, dont la plupart ne supportent pas l’idée que la graphie de l’oignon ne bouge d’un <em>iota</em> – alors même qu’ils sont plus souvent victimes ou bourreaux de l’orthographe que complices –, me pousse à me demander ce qui provoque ce refus puritain et dogmatique des mouvements de langue.</p>
<h2>La Réforme ou le dernier concile de Nicée</h2>
<p>Avant toute chose, il est important de clarifier la situation.
En 1990, le Conseil supérieur de la langue française, appuyé par l’Académie française, a proposé un ensemble de rectifications orthographiques en vue de simplifier et de moderniser la graphie d’environ cinq mille mots, parmi lesquels :</p>
<p>connaître → connaitre/<em>Suppression de l’accent circonflexe.</em></p>
<p>entre-déchirer → entredéchirer/<em>Suppression du trait d’union.</em></p>
<p>réglementer → règlementer/<em>Modification d’accent (prononciation).</em></p>
<p>persifler → persiffler/<em>Ajout d’un f : uniformisation par rapport à siffler.</em></p>
<p>señorita → séniorita/<em>Graphie francisée.</em></p>
<p>des cache-misère → des cache-misères/<em>Pluriel normalisé.</em></p>
<p>En 2016, alors que le ministère de l’Éducation nationale annonce l’apparition de ces rectifications dans les manuels scolaires pour la rentrée suivante, la toile s’embrase et le <a href="https://theconversation.com/asterix-et-le-smiley-de-cesar-50936">mot-dièse</a> (j’ose le mot) <em>#JeSuisCirconflexe</em> fait son apparition.</p>
<p>Le gouvernement s’étonne, l’Académie française se désolidarise, et une arrière-garde de prêcheurs se met au pas sur chaque réseau social, prête à défendre chaque tiret avec une ferveur aveugle, à la manière d’un exégète <em>2.0</em>. La croisade est lancée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"695052727437639684"}"></div></p>
<h2>Les mots croisés</h2>
<p><strong>Réforme :</strong> <em>nom féminin</em>,
rétablissement de la règle primitive dans un ordre religieux.</p>
<p>Parmi les rectifications proposées par cette révision, il semble en être des plus hérétiques que d’autres. La nouvelle graphie du nénufar, par exemple, irrite. Il ne faut, certes, pas plaisanter avec ces choses-là – Chloé en est morte, après tout –, mais il est surprenant de constater l’anathème lancée contre cette correction. Pour rappel, « nénufar » vient de l’arabe <em>nīnūfar</em>, absorbé par le latin et ainsi transformé en « nenufar », avant qu’un scribe zélé ne le prenne pour un mot grec et ne le glorifie d’un <em>-ph</em> instruit – loin d’être neutre – qui acheva de faire éclore dans nos cœurs ce vénéré « nénuphar ». Je vous rassure, cependant, les nymphéas, eux, ne sont pas concernés.</p>
<p>La rectification orthographique privant l’oignon de son <em>-i</em> semble également choquer les adeptes. Bien que j’admette qu’il soit difficile de couper un oignon sans verser quelques larmes, l’explication est toute aussi rationnelle ; « ognon » provient du latin <em>unio</em>, lentement mâché par la paysannerie jusqu’à ce que l’on ne sache plus l’écrire correctement et qu’un <em>-i</em> parasite ne vienne perturber le <em>-gn</em> prévu à cet effet. Ce <em>-i</em> divise, alors on le soustrait. C’est mathématique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"695220477292318720"}"></div></p>
<p>La rectification orthographique poursuit son schisme en mettant à l’index les accents circonflexes dès lors qu’ils n’appellent pas un <em>-s</em> disparu ou qu’ils ne sont plus au service d’une prononciation spécifique. Cependant, si le mot souffre l’existence d’un paronyme – jeûne et jeune –, l’accent est rigoureusement épargné.</p>
<p>Les explications s’amoncellent, mais la grogne demeure. Ni la raison, ni la praticité, ni la liberté d’adoption laissée par ces rectifications ne semblent pouvoir conforter les croisés des mots, outrés de cette atteinte à la pureté de l’écriture. Deux postures, donc : fidèle ou iconoclaste.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"696342243981058048"}"></div></p>
<h2>Ortho (graphe + doxe)</h2>
<p>Tout Français semble entretenir un rapport sensible à l’orthographe, du fait de la violence de son apprentissage. Outre les mathématiques – l’autre religion (orthonormée et verbophobe) proposée par le lycée –, l’orthographe est l’une des lois les plus austères, rigides ou rigoristes à laquelle nous sommes confrontés lors de notre instruction.</p>
<p>De la manière dont elle est enseignée, l’orthographe n’appartient plus à la grammaire et n’est plus la graphie de la parole. Dès lors que l’oignon s’articule « ognon » ou que l’accent circonflexe n’influe plus sur l’intonation, l’orthographe cesse d’être l’interprétation graphique du mot « dit » pour devenir un objet en soi, en dehors du langage. Un objet de culte. Une idole.</p>
<p>De la manière dont elle est enseignée, l’orthographe ne provient de rien. Sans le latin ou le grec pour la rendre étymo-logique, elle se contente d’« être ainsi », comme la volonté impalpable d’un dieu ou d’un messie disparu. Éternelle et dogmatique.</p>
<p>Ainsi, l’orthographe est sacrée. Elle ne se conteste pas, ne se justifie pas et, pour éviter l’excommunication – être exclu du système ou se convertir aux mathématiques pour sauver son âme –, nous nous plions à cet état de fait, sans réellement réussir à le comprendre. C’est alors une question de foi. Les enjeux du langage disparaissent au profit du respect de la règle, aussi arbitraire soit-elle. Pas d’erreurs – pardonnables – d’orthographe, juste des fautes à expier.</p>
<p><strong>Faute :</strong> <em>nom féminin</em>,</p>
<p><em>moderne</em> – Manquement à un engagement moral, mauvaise conduite.</p>
<p><em>spécialement</em> – Entrave à une loi morale, aux prescriptions d’une religion, péché.</p>
<p>À l’image de la flagellation, le fautif est traditionnellement appelé à s’infliger « cent fois » l’écriture d’un ou de plusieurs mots pour s’absoudre. Ainsi, durant les quinze premières années de scolarité et sous les coups du stylo rouge sang, les notes diminuent au rythme des fautes – morales – d’orthographe.</p>
<p><strong>Fauter :</strong> <em>verbe intransitif</em>,</p>
<p><em>Afrique</em> – Faire une faute d’orthographe.</p>
<p><em>familier, vieilli</em> – En parlant d’une femme, avoir des relations sexuelles avant le mariage.</p>
<p>On triomphe, fier et immaculé, ou l’on n’écrit plus.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/112025/original/image-20160218-1240-1cgpkhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/112025/original/image-20160218-1240-1cgpkhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=539&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/112025/original/image-20160218-1240-1cgpkhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=539&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/112025/original/image-20160218-1240-1cgpkhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=539&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/112025/original/image-20160218-1240-1cgpkhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/112025/original/image-20160218-1240-1cgpkhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/112025/original/image-20160218-1240-1cgpkhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Discussion profane.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien VEY</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Ortho- : <em>préfixe grec</em>, droit et correct.</h2>
<p>Dans les deux cas, nous conservons un respect mystique pour ceux qui ont fini par maitriser (sans <em>-î</em>, sans dieu, ni maistre) ce livre saint qu’est le dictionnaire en cours de validité. Nous faisons de l’orthographe un outil de tri sélectif. Dans notre société de l’image, à l’heure de la diffusion numérique à grande échelle, le flacon importe tout autant que l’ivresse, et nous nous retrouvons parfois contraints de passer plus de temps sur la forme que sur le fond. La pertinence du sens est alors conditionnée par le respect du code. Certaines remarques, aussi pertinentes soient-elles, peuvent être évacuées à cause d’un <em>-e</em> manquant. Certains talents sont ignorés suite à un excès de <em>-m</em> ou à un manque de <em>-n</em>.</p>
<p>Pour les transfigurés de l’orthographe, il ne s’agit plus de fautes, mais d’étourderies, et ils peuvent rejoindre le paradis littéraire des <em>biens-écriveurs</em>. Garants du dico, devenus parfois plus royalistes que le roy, ils regardent alors avec suspicion la moindre liberté d’expression écrite. Le moindre néologisme est suspecté de bi-nationalité – la déchéance est prévue – ou de ne pas être inscrit dans le registre.</p>
<p>Pour les autres, les défigurés, cette fascination est empreinte de peur et de résignation. La lecture de leurs lettres de motivation ou de leurs curriculum vitae s’arrête à la première lettre manquante, et leur candidature passe à l’autodafé. La mise au ban était prophétisée dès les bancs de l’école et la sanction leur parait (sans <em>-î</em>) logique. Ils s’appliqueront davantage la prochaine fois, angoissés, relisant encore et encore le contenu du divin message, et oublieront la pièce jointe au moment de l’envoi. Pourtant, lorsque vient la réforme, ils se rangent du côté des prêcheurs pour lutter contre l’Hérétique.</p>
<p>Ceux-là n’ont rien à envier à Artaud, Van Gogh ou Jésus. Mais après tout, que serait une religion sans ses martyrs ?</p>
<p><strong>Martyr :</strong> <em>nom masculin, du grec ancien μάρτυς/mártus, « témoin »</em>.</p>
<p>Personne qui souffre ou qui meurt pour une cause.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Vey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis peu, c’est la panique ; le français a perdu la tête, et avec elle, certains de ses plus beaux chapeaux…Julien Vey, Directeur de Création et professeur de Design, de Sémiologie et d’Étude culturelle, ECV Digital (École de Communication Visuelle)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/549192016-02-22T22:03:36Z2016-02-22T22:03:36ZLa chaussetrappe du faussaire ou le piège du circonflexe : contrepropagande contrerévolutionnaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/112408/original/image-20160222-25871-lbnvyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C'est la soupe à l'ognon ou la soupe à la grimace ? </span> <span class="attribution"><span class="source">Sasha Miller</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Face au réactions provoquées par la réforme de l’orthographe en France et la fameuse disparition programmée de l’accent circonflexe, nous publions cette semaine des textes venus de l’étranger, mais aussi des points de vue décalés et informés sur un sujet qui passionne.</em></p>
<p>Ça a débuté comme ça.</p>
<p>J’étais en train de rédiger un appel à communication pour un projet de colloque sur Georges Perec, auteur de <em>La disparition</em>, quand la nouvelle tomba : on avait assassiné l’accent circonflexe. Comprenez que je suis resté circonspect mais perplexe devant cet événement (pardon, évènement) décidément grave.</p>
<p>Je crus d’abord qu’il s’agissait d’une plaisanterie montée de toutes pièces par mes étudiantes de français ayant une phobie aiguë (ou aigüe, plutôt) des accents – circonflexes ou autres. Comprenez par là que certaines miss(es) de la classe semaient la pagaille en omettant systématiquement les diacritiques de leurs rédactions, prétextant que Webster avait bien simplifié la langue anglaise (enfin, états-unienne), et qu’il était temps de faire de même avec celle de Molière.</p>
<p>Cependant, je compris assez vite qu’elles ne furent nullement impliquées dans cette traitrise. La mafia de la réforme siégeait à l’académie et obéissait aux ordres de leur maitresse, la ministre de l’Éducation, qui avait formulé ce complot alors qu’elle était en cinquième. Bon, me dis-je alors, il faudra monter une contrattaque. A force, elle cèdera. Je vais jouer mon vatout.</p>
<p>Mais enfin, sur quels bons soldats combattifs pouvais-je m’appuyer afin de corriger cette vilénie ? Messieurs Philippot (Filippot ?), Baille-roues (et son légendaire charisme d’une huitre) ou encore Dors-mais-son (champion en titre de la mauvaise foi), n’avaient-ils pas expliqué que la réforme compromettait l’avenir de la France (tout comme l’avenir du collège que l’on complait si souvent à mettre dans le même sac) ? D’autres voix ne s’étaient-elles pas jointes à ces dandys littéraires pour récuser ce dénivèlement par le bas ?</p>
<h2>Le correcteur au courant</h2>
<p>Je décidai alors d’embrigader mon collègue sociolinguiste dans cette controffensive et courus le retrouver dans son bureau. C’est ainsi que je le vis s’empiffrer de cornflakes et de beurre de cacahouète.</p>
<p>Salut, tu vas bien ? Me demanda-t-il avec son habituelle bonhommie. Je suis vraiment dégouté d’avoir loupé ton intervention l’autre jour dans le cadre du symposium « le renouvèlement de la langue ».</p>
<p>Je le regardais comme s’il eût été un extraterrestre. N’était-il pas au courant que la langue française se faisait trainer dans la boue par des…</p>
<p>Arrête ton char. On ne soucie plus de ces imbécilités. On a appliqué les recommandations il y a des années maintenant. Tu ne vas pas nous faire un scandale pour un trait d’union de plus ou de moins. Ou alors, ta nouvelle tocade c’est de proposer des contreréformes à tout bout de champ ?</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/112498/original/image-20160223-16451-erfx84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/112498/original/image-20160223-16451-erfx84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/112498/original/image-20160223-16451-erfx84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/112498/original/image-20160223-16451-erfx84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/112498/original/image-20160223-16451-erfx84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/112498/original/image-20160223-16451-erfx84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/112498/original/image-20160223-16451-erfx84.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">et le i qui s'en va….</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sasha Miller</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Je ne souhaitais pas argüer avec lui. Puis, faut dire que cela ne revêtait sans doute pas la même importance pour un québécois. Prétextant ainsi un besoin urgent de me rendre à la papèterie d’en face, je pris mon portemonnaie et lui donnai congé. Je le vis se rassoir et se remettre à planifier ses différentes sorties du weekend.</p>
<p>Je descendis à la cafétéria m’acheter une boisson chaude et des spéculos. Sur le chemin, le collègue bibliothécaire faillit me rentrer dedans avec son charriot aux roues disjointes (qu’il faudra embattre). J’allai m’assoir et observer enseignants et étudiants se régaler de leurs casse-croutes achetés à moindre cout. La saccarine dissoute, le café perdit de son amertume et se révéla d’une saveur douçâtre.</p>
<p>Il fallut alors envoyer un texto à ma femme pour l’informer de la stupéfiante nouvelle. Je lui expliquai que la réforme n’était pas du tout à mon gout. Le gouvernement n’avait pas à se mêler de ce qui ne les regardait pas : ce n’était pas leurs oignons et encore moins leurs ognons. Cette guilde d’académiciens mafiosos n’avait-elle pas conscience du cout de cette réforme ? Ils croivent peut-être (merci, Alain Finkielkraut) que cela aidera les élèves du collège et étudiants étrangers à mieux saisir l’orthographe criminelle du français ?</p>
<h2>Même les nénufars tremblent</h2>
<p>Nous touchions le fond de l’abime. Plus le temps de blablater, il fallait passer à l’action. Je décidai de héler un vélotaxi et de me rendre à la gare internationale. Fini la rigolade : j’allai obliger ces hippys fumeurs de hachich de l’académie à revenir sur la réforme (et à commettre un harakiri au passage). Je m’armai d’un révolver et d’arguments imparables : enlever le trait d’union sera interprété dans les iles britanniques comme une volonté de ressembler à l’Allemagne et renforcera la position des partisans du Brexit.</p>
<p>Je pris place dans le train et commandai un ponch. Suivi d’un kirch, d’un croquemonsieur et d’un croquemadame pour la forme. Et puis de trois whiskys encore. Et d’un verre de tous les tord-boyaux sur la carte. Fallait bien les gouter. Et faut dire que l’alcool fort renforçait ma fibre ultrarévolutionnaire. Arrivé à Paris, j’étais complètement déchainé. Ils vont voir ce qu’ils vont voir : à moi la révision des curriculums !</p>
<p>C’est alors qu’en sortant de la gare, un individu emboita le pas et m’interpela.</p>
<p>Bon, j’ai bien compris que vous êtes un ultraroyaliste révolutionnaire, et que ce j’ai à vous dire aura peu d’effet sur vous. Mais, je tenais à vous informer que la réforme ne porte que sur 4 % du lexique : dans une page de texte, on peut compter les modifications sur les doigts d’une main, nulle traitrise. Après, si vous voulez poursuivre votre projet, c’est à vous de voir, je ne veux absolument pas jouer au trouble-fête, mais sachez que vous risquez gros depuis que l’Assemblée a voté le projet de loi sur la déchéance de nationalité pour les binationaux.</p>
<p>Je sentis mes impulsions décroitre comme ça d’un coup. Décrescendo.</p>
<p><em>Comme le lecteur l’aura compris, au moins un mot de chaque phrase de ce texte est écrit avec l’orthographe qui sera celui de la réforme.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54919/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominic Glynn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Chronique satirique : un texte venu de Grande Bretagne qui s’emploie à utiliser la nouvelle orthographe prévu dans la réforme.Dominic Glynn, Lecturer in French Studies, School of Advanced Study, University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/547052016-02-21T23:16:42Z2016-02-21T23:16:42ZRéforme ou rectification de l’orthographe ? Le point sur la question<p><em>Face aux réactions provoquées par la réforme de l’orthographe en France et la fameuse disparition programmée de l’accent circonflexe, nous publions cette semaine des textes venus de l’étranger, mais aussi des points de vue décalés et informés sur un sujet qui passionne.</em></p>
<p>Des rectifications ont été apportées à l’orthographe du français et elles ont fait les manchettes en ce début de l’année 2016 parce que le ministère de l’Éducation nationale en France a rédigé ses nouveaux programmes scolaires pour la rentrée 2016-2017 en appliquant ces changements orthographiques.</p>
<p>Les éditeurs scolaires préparant les nouveaux manuels pour la rentrée de l’automne 2016 ont alors senti le besoin d’emboiter le pas en employant eux aussi cette orthographe rectifiée recommandée dans leurs ouvrages.</p>
<p>Le grand public a alors réagi, croyant qu’il s’agissait de niveler par le bas ou qu’il était question d’une nouvelle réforme en profondeur. Or, il n’en est rien. Faisons le point.</p>
<h2>Des changements sages et limités</h2>
<p>Les rectifications dont on parle ici sont sages et limitées. Elles touchent en moyenne un mot par page, et il s’agit souvent d’un pluriel régularisé, d’un accent corrigé, ou de l’emploi moins aléatoire du trait d’union. Elles n’ont donc pas l’ampleur d’une réforme.</p>
<p>Elles apportent de la francisation et de la régularisation à notre système graphique, sans bouleverser nos habitudes d’écriture.</p>
<p>Ces rectifications ne sont pas récentes : elles ont été mises en place en 1990 par le Conseil supérieur de la langue française à Paris, et l’Académie française les a approuvées.</p>
<p>Elles sont intégrées aujourd’hui dans tous les grands correcteurs informatiques (<em>Word, OpenOffice.org, Antidote, ProLexis, Cordial</em>…) et dans la majorité des dictionnaires récents. Les usagers et usagères du français la côtoient donc déjà depuis de nombreuses années, mais peut-être sans vraiment s’en rendre compte.</p>
<h2>Des exemples</h2>
<p>Qui, de nos jours, écrit encore « des raviolis » sans « s » ? L’ancienne orthographe, issue de l’italien, était « des ravioli », mais elle n’est plus de mise : elle a disparu des dictionnaires récents.</p>
<p>Qui écrit « référendum » sans accents ? On ne voit guère « referendum » de nos jours dans les journaux même si, en latin, les accents étaient absents. On francise donc l’orthographe de mots empruntés en leur appliquant les règles du pluriel régulier et de l’accentuation française. On renforce les règles. On protège notre langue française en respectant les principes qui la gouvernent.</p>
<p>Qui savait que « boursoufler » ne prenait qu’un seul « f » avant 1990 ? Voilà une exception bien inutile et incohérente, puisque sa famille de mots contient deux « f » : « souffle, souffler, essouffler… ». Heureusement, tous les dictionnaires donnent maintenant les deux formes : « boursoufler » par respect pour les générations antérieures qui ont appris durement des exceptions, et « boursouffler » en orthographe rectifiée, par respect pour les mots de sa famille. Les nouvelles générations d’élèves n’auront pas ou plus à apprendre l’exception illogique « boursoufler », qui n’en est plus une maintenant.</p>
<p>Souhaitons que tous les enseignants soient mis au courant de cette évolution orthographique, qui est normale pour toutes les langues : pour le français écrit, des ajustements ont été apportés environ deux fois par siècle depuis la création de l’Académie française.</p>
<p>Les derniers changements apportés à l’orthographe française datent de 1990 et sont en vigueur, comme le confirme le ministère de l’Éducation nationale en les employant maintenant dans ses programmes scolaires ; les précédents changements dataient de 1932-35.</p>
<p>L’orthographe ne change donc pas tous les cinq ans, comme certains le pensent. Mais elle change, oui, une fois ou deux au cours de la vie d’un être humain. Il faut cependant plusieurs décennies avant que leur intégration et leur application deviennent visibles. C’est ce que nous vivons ces années-ci.</p>
<h2>Les dictionnaires</h2>
<p>Les dictionnaires font l’objet de légères modifications périodiquement, c’est un processus normal. Puis, ils subissent des refontes plus globales au bout de plusieurs années. Par exemple, le <em>Petit Larousse illustré</em> a subi une refonte importante en 2012 ; la précédente refonte avait eu lieu sept ans plus tôt, en 2005. Voyons où en est la « nouvelle orthographe » dans les dictionnaires du XXIe siècle.</p>
<h2><em>Dictionnaire Hachette</em></h2>
<p>Le <em>Dictionnaire Hachette</em> a été un précurseur : dès 2002, il intégrait dans ses pages l’orthographe moderne recommandée. La graphie rectifiée est parfois donnée en gras au début (avant la définition), parfois en gras légèrement plus petit à la fin de la définition. Dans les deux cas, on la voit très clairement.</p>
<h2><em>Petit Larousse illustré</em></h2>
<p>Depuis sa refonte de 2012, le <em>Petit Larousse illustré</em> intègre toute cette « nouvelle » orthographe. Les graphies rectifiées ne sont pas toujours données en gras, mais elles sont presque systématiquement données au début, donc avant la définition du mot, ce qui est un avantage certain : on la voit tout de suite. Dans un dictionnaire de l’ampleur du <em>Petit Larousse illustré</em>, environ 3400 mots sont touchés. Si vous avez l’édition 2012 (ou plus) du <em>Petit Larousse illustré</em>, vous avez un dictionnaire à jour qui atteste les rectifications de l’orthographe du français.</p>
<h2>Dictionnaire <em>Usito</em></h2>
<p>Le dictionnaire en ligne <a href="http://www.usito.com">Usito</a>, conçu au Québec, fait le pont entre l’usage québécois du français et son usage européen. <em>Usito</em> est un dictionnaire complet de la langue française d’usage standard, il contient de nombreux exemples et citations, des modèles de construction syntaxique, des informations grammaticales, des tableaux, etc.</p>
<p><em>Usito</em> intègre l’orthographe rectifiée en mentionnant explicitement les formes recommandées, que ce soit en entrée dans la zone « RO » spécialement dédiée aux rectifications orthographiques, ou dans le tableau des formes morphologiques pour les singuliers ou pluriels régularisés, ou dans les tableaux de conjugaison pour les verbes touchés par les rectifications de l’orthographe. Tout y est.</p>
<h2>Word, de la suite Office de Microsoft</h2>
<p>Depuis 2007, le dictionnaire de Word accepte par défaut l’orthographe traditionnelle et l’orthographe rectifiée lors de la frappe, mais le grand public n’en est parfois pas conscient. Par exemple, puisque l’accent circonflexe devient facultatif sur « i » et sur « u » avec les rectifications de l’orthographe du français, Word reconnaitra la forme « bruler » et la forme « brûler ». Ni l’une ni l’autre ne peut être considérée comme fautive, comme le stipule l’Académie française.</p>
<p>On peut même modifier les réglages pour exiger uniquement l’orthographe rectifiée, si désiré. Dans ce cas, Word signalera les graphies « boursoufler », « referendum » et « brûler » comme étant des formes à remplacer, à moderniser dans votre texte.</p>
<p>C’est très pratique : le scripteur n’a pas besoin d’avoir toutes les règles de l’orthographe rectifiée en tête. Le correcteur de Word est là pour l’aider à repérer les mots dont l’orthographe a légèrement changé.</p>
<h2>Dictionnaire d’Antidote</h2>
<p>Le dictionnaire de définitions du logiciel Antidote signale explicitement depuis 2003 les graphies rectifiées ou recommandées, et elles sont accompagnées d’un bref descriptif de la règle moderne en jeu.</p>
<p>Antidote permet aussi de vérifier la cohérence orthographique dans un texte, qui consiste à s’assurer que la même orthographe est utilisée pour un même mot, par exemple toujours « événement » (forme traditionnelle) ou toujours « évènement » (forme moderne recommandée).</p>
<p>Bien que le fait d’employer tantôt l’orthographe traditionnelle et tantôt l’orthographe rectifiée pour un même mot ne constitue pas une faute d’orthographe (aucun élève ne doit être pénalisé pour avoir mélangé les deux orthographes), on aime bien que, dans un document impeccable de grande qualité, la cohérence soit de mise.</p>
<p>Les filtres des rectifications d’Antidote (dans le menu Inspection du correcteur) sont également un bon moyen de voir en quelques secondes les graphies traditionnelles laissées dans un texte, afin de les moderniser. Les graphies rectifiées sont traitées avec la plus grande exhaustivité dans tous les dictionnaires du logiciel Antidote : dictionnaires de définitions, de synonymes, d’antonymes, de cooccurrences, etc.</p>
<h2>Les dictionnaires scolaires</h2>
<p>Les dictionnaires destinés au public scolaire (aux élèves) sont nombreux et variés. Pour savoir si un dictionnaire intègre l’orthographe rectifiée, il suffit normalement de vérifier sous un mot avec « û » (comme <em>bûche</em> ou <em>brûler</em>) si l’orthographe sans accent circonflexe est donnée également (<em>buche, bruler</em>). Si oui, ce dictionnaire est généralement à jour pour l’ensemble des règles de la nouvelle orthographe.</p>
<p>La liste orthographique pour le primaire du ministère de l’Éducation au Québec, notamment, contient l’orthographe traditionnelle et l’orthographe rectifiée lorsqu’un mot est touché. Ex. : <em>connaître/connaitre</em> (RO) ; <em>s’asseoir/s’assoir</em> (RO). Les graphies rectifiées font donc partie de l’orthographe admise dans l’enseignement.</p>
<p>Pour connaitre les mots à mettre à jour pour l’enseignement au primaire dans toute la francophonie, voyez <a href="http://www.nouvelleorthographe.info/echelle_de_mots.html">« Échelle de mots »</a>, par la linguiste Chantal Contant.</p>
<h2>Liste de mots</h2>
<p>Pour une liste détaillée de tous les mots touchés par les rectifications de l’orthographe du français et des explications complètes, on pourra consulter en librairie ou en bibliothèque le <a href="http://www.nouvelleorthographe.info/grandvademecum.pdf"><em>Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée</em></a> (plus de 5 000 mots) ou sa version de poche <a href="http://www.nouvelleorthographe.info/listesimplifiee.pdf"><em>Nouvelle orthographe : la liste simplifiée</em></a> (4 000 mots). En ligne, on pourra s’informer sur www.nouvelleorthographe.info, sur www.orthographe-recommandee.info et sur www.renouvo.org.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54705/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chantal Contant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réforme annoncée n’est en est pas vraiment une. Elle touche en moyenne un mot par page et ne bouleverse pas nos habitudes d'écriture.Chantal Contant, linguiste et chargée de cours, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.