tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/reseaux-sociaux-20567/articlesréseaux sociaux – The Conversation2024-03-27T16:47:52Ztag:theconversation.com,2011:article/2247662024-03-27T16:47:52Z2024-03-27T16:47:52ZDes SMS aux réseaux sociaux, comment le numérique transforme le dialogue entre parents et enfants<p>Les outils numériques font aujourd’hui partie intégrante du quotidien et amènent les enfants à avoir de nouvelles expériences et à se développer dans de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-022-02738-3">nouveaux environnements</a>.</p>
<p>La place de ces technologies dans les interactions familiales peut varier en fonction d’un certain nombre d’éléments, tels que la qualité des liens, la dynamique familiale, l’environnement de vie de la famille, le stress des parents, l’âge de l’enfant et de l’adolescent…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446">« L’envers des mots » : Technoférence</a>
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<p>Ces outils peuvent créer des obstacles à la communication, ce que les recherches étudient notamment à travers le concept de technoférence, au cours de la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2024-52598-001">petite enfance</a> et de l’enfance notamment. Mais ils peuvent aussi constituer de nouveaux canaux d’échanges, <a href="https://www.cairn.info/revue-dialogue-2017-3-page-57.htm">soutenant les échanges parent-enfant</a>.</p>
<p>Cela peut se faire par exemple à travers le <a href="https://journal.unj.ac.id/unj/index.php/jpud/article/view/34862">co-visionnage</a> de contenus : regarder un dessin animé avec son enfant, faire une activité interactive sur tablette, lire des livres numériques… Les parents commentent alors ce que l’enfant voit et peuvent stimuler son attention, sa curiosité et son <a href="https://theconversation.com/sept-pistes-pour-enrichir-le-vocabulaire-de-votre-enfant-126576">vocabulaire</a> (même si pour ce dernier point, les résultats de la recherche ne vont pas tous dans le même sens…).</p>
<h2>L’âge du premier smartphone</h2>
<p>La place des écrans dans la famille évolue à mesure que l’enfant grandit. <a href="https://www.open-asso.org/presse/2020/02/smartphones-les-enfants-recoivent-leur-premier-telephone-a-9-ans/">9 ans et 9 mois</a>, c’est l’âge moyen d’acquisition du premier téléphone portable en France. Et on peut dire que cette acquisition amène un tournant dans la vie et la communication au sein de la famille.</p>
<p>C’est souvent lorsque les jeunes commencent à avoir plus d’autonomie que les parents envisagent de leur offrir un smartphone. En effet, les parents souhaitent assurer la sécurité de leur enfant, le téléphone leur permettant de rester en contact avec leur enfant en cas d’urgence ou de besoin. Mais l’outil favorise aussi le développement de leur <a href="https://psycnet.apa.org/record/2020-79295-001">autonomisation</a> et son acquisition est une véritable étape développementale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">Les écrans, atouts ou freins du dialogue familial ?</a>
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<p>Néanmoins, la communication parent-enfant est aussi une motivation à cet achat, au-delà de l’aspect uniquement lié à la sécurité. La possibilité de pouvoir joindre ses parents ou d’être joints par eux à tout instant permet aux jeunes adolescents d’agrandir leur champ d’exploration, d’aller à la découverte du monde.</p>
<h2>Les outils numériques comme soutiens à la communication</h2>
<p>Comme évoqué précédemment, la communication via les outils numériques s’est accrue à mesure que les préadolescents en étaient équipés. On pourrait même dire qu’elle s’est banalisée. Son atout réside dans l’instantanéité, pour transmettre rapidement une information ou faire une demande à l’autre, partager un moment vécu ou des états émotionnels, gérer une situation conflictuelle, favorisant ainsi un sentiment de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0192513X18793924">proximité</a>.</p>
<p>Échanger par messagerie ou par les réseaux sociaux peut aussi être parfois un moyen de se dire les choses <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-018-0003-8">plus facilement</a>. Il pourrait ainsi être plus aisé pour certains adolescents de faire passer des messages à leur parent de façon plus ou moins « déguisée », par l’intermédiaire du partage de posts sur les réseaux sociaux, ou d’envoi d’émojis pour traduire leurs émotions.</p>
<p>Le partage de publications en ligne peut aussi être une façon pour les parents d’aborder des sujets perçus comme sensibles ou tabous en fonction des familles, par exemple le rapport au corps, la découverte de la sexualité. La communication parent-adolescent peut ainsi être soutenue par les outils numériques, et cela de plus en plus à mesure que l’adolescent grandit et s’éloigne physiquement de ses parents.</p>
<h2>Des échanges en face à face incontournables</h2>
<p>Sans s’y limiter, les échanges entre les parents et les enfants passent de plus en plus par une messagerie, à l’instar de ce qu’on observe dans tout type de relations. Pour autant, bien que pratique lorsqu’on ne se trouve pas en présence de l’autre, ce mode de communication pourrait aller en l’encontre de la qualité des interactions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/geolocalisation-des-enfants-une-nouvelle-forme-de-surveillance-parentale-193281">Géolocalisation des enfants : une nouvelle forme de surveillance parentale</a>
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<p>Des échanges passant essentiellement par les outils numériques peuvent donner au parent le sentiment d’être proche de son enfant, sans que la relation soit vraiment sécure, avec peu de possibilités d’échanges en face-à-face. En effet, un niveau important d’interactions via les outils numériques peut correspondre à une <a href="https://ttu-ir.tdl.org/items/67ce09e8-e7c2-454a-bb6d-b59d6a4776a1">relation d’attachement où les émotions sont difficiles à partager</a> et exprimer directement.</p>
<p>Par ailleurs, les interactions par messageries instantanées ou SMS sont généralement brèves. Elles ne sont donc pas comparables avec un échange en face-à-face où parent comme enfant peuvent s’engager dans des conversations plus approfondies, étayées par les comportements non verbaux de l’autre qui peuvent renseigner sur ses états émotionnels.</p>
<h2>Des codes de conversation à acquérir</h2>
<p>Outre la qualité de la relation parent-enfant, le type de communication présent dans la famille pourrait jouer sur l’usage plus ou moins important des outils numériques. Par exemple, dans les familles « <a href="https://psycnet.apa.org/record/2002-06584-004">tournées vers les échanges</a>, les conversations », les adolescents y auraient plus facilement recours pour <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0044118X14560334">échanger avec leurs parents</a> que ceux issus d’une famille peu orientée vers les discussions.</p>
<p>Les adolescents communiqueraient aussi via téléphone ou messagerie davantage avec <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10826-018-1054-z">leur mère qu’avec leur père</a>, dans les familles bi- comme monoparentales, reproduisant ce que l’on peut observer dans les <a href="https://www.researchgate.net/publication/367539605_The_Ways_of_Communication_with_Parents_and_The_Parenting_Styles_During_Adolescence">interactions « en personne »</a>.</p>
<p>Pour ce qui est du <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10826-018-1054-z">motif de communication</a>, il semblerait que les adolescents, lorsqu’ils ont le choix, auraient une préférence pour les interactions par messages pour des questions logistiques, d’organisation, de planification. En revanche, s’ils souhaitent exprimer des émotions ou rechercher du soutien, ils se tournent plutôt vers des appels téléphoniques. Les échanges verbaux permettraient en effet un meilleur partage des émotions et un plus grand sentiment de proximité.</p>
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<p>Même si les services de messagerie occupent une part grandissante dans les échanges parent-enfant, les échanges en face-à-face (et les appels téléphoniques pour les plus jeunes mais <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0044118X13499594">pas les adolescents</a>) restent malgré tout prépondérants.</p>
<p>Les échanges textuels sont importants en ce sens qu’ils participent au processus d’autonomisation des jeunes ainsi qu’à leur apprentissage des échanges dans les environnements virtuels. Ils peuvent ainsi acquérir certains codes conversationnels qui peuvent être différents des codes en vigueur dans les échanges « en personne », par exemple, prendre conscience que la personne qu’on essaie de contacter par téléphone ou message peut ne pas être disponible en même temps, apprendre à respecter les moments où on peut contacter une personne ou pas en fonction du type de communication…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Danet a reçu des financements de la fondation I-SITE ULNE. </span></em></p>Si l’omniprésence des smartphones peut être un frein aux échanges directs, passer par le numérique permet également d’aborder plus facilement certains sujets entre parents et enfants. Explications.Marie Danet, Maîtresse de conférence en psychologie - HDR, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239232024-03-26T11:24:12Z2024-03-26T11:24:12ZRéseaux sociaux : quels usages favorisent le bien-être ?<p>Les <a href="https://theconversation.com/fr/search?q=r%C3%A9seaux+sociaux+">réseaux sociaux</a> ont « un impact sur le développement affectif, sensoriel, cognitif d’un enfant ». <a href="https://theconversation.com/faut-il-avoir-peur-des-ecrans-retour-sur-une-annonce-presidentielle-224456">Ces paroles sont celles du président Emmanuel Macron</a> qui appelle à mettre en œuvre des recommandations pour « le bon usage des écrans […] parce qu’il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties ».</p>
<h2>Quel impact psychologique de l’excès de médias numériques ?</h2>
<p>Mais comment éduquer les enfants si les parents sont eux-mêmes très souvent devant des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ecrans-52265">écrans</a> ? Cette question est d’autant plus importante que des recherches ont montré que <a href="https://theconversation.com/mobile-deprime-et-e-anxiete-quand-les-reseaux-sociaux-nous-rendent-malades-84986">nombres d’usages des écrans, et surtout des réseaux sociaux, sont également liés à des problèmes psychologiques chez les adultes</a> et ce, sans même que les utilisateurs aient conscience de ces liens.</p>
<p>Mais il y a une bonne nouvelle : on peut se protéger de ces problèmes et les <a href="https://www.dunod.com/connectes-et-heureux-du-stress-digital-au-bien-etre-numerique-du-stress-digital-au-bien-etre">solutions</a> ne passent pas nécessairement par la diminution du temps d’écran.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>D’une manière globale, des études sur de larges populations montrent que plus on utilise les médias numériques (smartphones, Internet, réseaux sociaux, jeux vidéo…) et plus on est susceptible de souffrir de problèmes psychologiques (émotions négatives, anxiété, symptômes dépressifs…).</p>
<p>Les récentes recherches montrent que si les liens entre les utilisations de ces médias et l’altération du bien-être sont significatifs, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33187873">l’ampleur n’est tout de même pas très élevée</a>.</p>
<p>Par exemple, chez les adolescents, jusqu’à présent, les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2167702621994549">écrans ne causeraient pas le « tsunami délétère »</a> que certains annoncent parfois.</p>
<p>Cependant, ces résultats globaux masquent de grandes différences entre individus, certains seraient plus touchés que d’autres. Analysons les deux grands processus impliqués dans les états affectifs négatifs et les altérations du bien-être.</p>
<h2>Se comparer sur les réseaux présente des effets délétères</h2>
<p>Dans notre vie, se comparer aux autres est un besoin social fondamental qui permet d’obtenir des informations sur soi, de s’autoévaluer et de construire son identité sociale.</p>
<p>Si ce processus, normal, est souvent mis en œuvre de manière automatique, c’est-à-dire non intentionnelle et non consciente dans notre vie quotidienne, il est <a href="https://econtent.hogrefe.com/doi/full/10.1027/1864-1105/a000304">mis en œuvre de la même manière sur les réseaux sociaux</a>. Toutefois, sur les réseaux, chacun essaye de présenter l’image de soi et ses activités d’une manière fortement valorisée. Les photos sont, par exemple, judicieusement construites et travaillées dans ce but.</p>
<p>Nombreuses sont alors les comparaisons en notre défaveur : à partir de son profil et de ses posts, nous allons considérer que telle personne, que nous connaissons plus ou moins, est « mieux que nous » (sur le plan physique, sur le plan de ses compétences dans la vie…) ou a « une plus belle vie que la nôtre ».</p>
<p>Ainsi, comme notre image de soi et notre estime personnelle est construite à la suite de nos interactions avec les autres, ces comparaisons dites ascendantes, peuvent altérer notre propre image et <a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-45315-074">augmenteraient tristesse et mal-être</a>.</p>
<h2>Attention aussi aux situations de vulnérabilité accrue !</h2>
<p>Dans le processus de comparaison, les récentes recherches montrent que nous sommes différents les uns des autres. Examinons quelques cas où les personnes se comparent plus que les autres sur les réseaux sociaux, ce qui les rend plus vulnérables aux problèmes psychologiques.</p>
<p>En effet, il faut savoir que certains individus ressentent davantage, dans leur vie, le besoin de se comparer aux autres. Ils vont alors, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0144929X.2018.1545049">bien plus souvent que les autres, se comparer sur les réseaux sociaux</a> et ce, sans même qu’ils en aient conscience.</p>
<p>D’autre part, certaines personnes sont plus « matérialistes » que d’autres (les matérialistes pensent que le bonheur réside dans la possession matérielle). Globalement, elles passent plus de temps sur les réseaux sociaux que les personnes « non matérialistes ». Dans les informations qu’elles postent, elles affichent plus souvent que les autres les biens qu’elles possèdent et vont fortement se comparer pour entrer « en compétition » avec les autres et tenter de les surpasser. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0747563217300687">Les conséquences sont souvent délétères pour elles</a>.</p>
<p>On sait également que les personnes qui n’ont pas une bonne image d’elles-mêmes, plutôt anxieuses, timides et hypersensibles sont également fortement sensibles aux comparaisons sociales.</p>
<p>Sur les réseaux sociaux, des <a href="https://econtent.hogrefe.com/doi/full/10.1027/1864-1105/a000304">études</a> ont montré qu’elles utilisent des stratégies de présentation de soi plus valorisantes afin de diminuer l’angoisse sociale et d’accroître leur estime de soi.</p>
<p>Ces personnes sont également plus sensibles aux commentaires des autres qui, s’ils sont positifs, les rassurent quant à leur appartenance à des groupes sociaux et à leur identité sociale. À l’inverse, des commentaires négatifs altèrent facilement leur bien-être.</p>
<p>D’autres recherches ont également montré que plus les personnes présentent des <a href="https://psycnet.apa.org/record/2024-29223-001">symptômes dépressifs</a>, plus elles se comparent aux autres. Elles entrent ensuite dans un cercle vicieux : plus elles se comparent et plus cela augmente leurs symptômes dépressifs initiaux.</p>
<h2>Développer son intelligence numérique plutôt que diminuer son temps d’écran</h2>
<p>On comprendra, dès lors, qu’une première solution n’est pas de diminuer le temps d’écran mais davantage de modifier la manière d’utiliser les médias numériques et notamment les réseaux sociaux. Globalement, le défi pour l’être humain aujourd’hui est de mieux s’adapter à ce nouvel environnement digital en développant une nouvelle forme d’intelligence : l’intelligence numérique.</p>
<p><a href="https://www.dunod.com/connectes-et-heureux-du-stress-digital-au-bien-etre-numerique-du-stress-digital-au-bien-etre">Celle-ci est définie</a> comme la capacité à bien s’adapter, grâce à des procédures mentales spécifiques, à un environnement numérique en mutation permanente et à interagir de manière optimale avec cet environnement pour satisfaire nos besoins psychologiques, et sociaux. Et ce, tout en préservant, voire en améliorant notre santé physique et mentale.</p>
<p>Ainsi, une fois que l’usager prend conscience du processus de comparaison à l’œuvre sur les réseaux sociaux, il peut mettre en place des « stratégies cognitives » conscientes pour corriger les conséquences potentiellement délétères pour lui.</p>
<p>Il peut par exemple chercher, d’une part, à diminuer le temps qu’il passe à regarder les infos que les autres postent sur eux-mêmes pour se valoriser, et d’autre part, se construire un “beau profil” et poster des informations sur lui-même dont il pourra être fier, aussi bien sur un plan personnel que social. En effet, <a href="https://www.liebertpub.com/doi/abs/10.1089/cyber.2009.0411">poster des informations valorisantes pour soi contribue à améliorer son estime personnelle</a>.</p>
<h2>Des « usages passifs » qui nuisent aux relations avec nos proches</h2>
<p>Le deuxième processus impliqué dans les états affectifs négatifs et l’altération du bien-être concerne les relations que nous entretenons sur les réseaux sociaux avec nos proches, c’est-à-dire les personnes psychologiquement et socialement importantes pour nous (famille, amis chers).</p>
<p>Les <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/developpement-personnel/ces-liens-qui-nous-font-vivre_9782415003685.php">récentes recherches</a> montrent que le bien-être dépend avant tout des relations positives et chaleureuses que nous établissons avec nos proches.</p>
<p>Or, de <a href="https://academic.oup.com/jcmc/article/24/5/259/5583692">nombreuses pratiques sur Internet</a> nuisent à ses relations si précieuses pour nous. C’est notamment le cas des jeux vidéo qui se jouent seul ou avec des inconnus en ligne. De même, lorsque nous passons du temps à naviguer sur les réseaux sociaux simplement pour lire ou regarder les posts ou vidéos mis en ligne par des individus que nous ne connaissons pas ou peu. C’est ce que les chercheurs nomment les « usages passifs ». Autant de temps non consacré à interagir avec nos proches.</p>
<h2>Émoticônes, vocaux et autres modes de partage positifs</h2>
<p>À l’inverse, toutes les pratiques qui favorisent les relations sociales et affectives avec les proches comme des appels téléphoniques, les messages vocaux (entendre la voix d’un proche aimé apporte des émotions positives) ou écrits (les émoticônes affectivement chargés transmettent « de bonnes émotions »).</p>
<p>Pour être précis, les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/09637214211053637">relations qui accroissent le plus le bien-être</a> sont celles qui, d’une part, sont perçues comme réciproques, chacun montrant de l’intérêt pour l’autre, et, d’autre part, sont perçues comme véritablement chaleureuses.</p>
<p>De même, les vidéos et les divertissements sont bénéfiques lorsqu’ils favorisent l’interaction avec les proches en permettant de vivre des expériences socio-émotionnelles positives qui rapprochent affectivement.</p>
<p>Par exemple, lorsque les divertissements sont regardés ensemble en présentiel, offrant alors des moments de partages sociaux agréables lors desquels, par exemple, on rit ensemble, ou lorsqu’ils font l’objet d’un partage en ligne où on sait que nous allons surprendre ou faire rire nos proches, par écrans interposés.</p>
<p>Enfin, n’oublions pas que les médias numériques facilitent également les rencontres en présentiel (sorties, soirées…) avec les proches. Ainsi, s’ils sont bien utilisés, les médias numériques sont bénéfiques pour le bien-être, nous donnent le sentiment que nous sommes bien intégrés socialement et favorisent les relations affectives chaleureuses avec ceux que nous apprécions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223923/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Courbet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Poster des informations qui nous valorisent plutôt que de se comparer les uns aux autres ou encore privilégier les moments de partage… Quand le bon usage des réseaux sociaux favorise le bien-être.Didier Courbet, Professeur et Chercheur en Sciences de la Communication, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260932024-03-20T13:26:40Z2024-03-20T13:26:40ZTikTok représente-t-il une menace pour la sécurité des Canadiens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582615/original/file-20240315-30-xv5fae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C5472%2C3571&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">TikTok ne représente pas plus une menace pour la démocratie que les autres plateformes de médias sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la Chambre des représentants a adopté le 13 mars une proposition de loi qui prévoit <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/point-du-jour/segments/entrevue/485186/tiktok-application-mobile-renseignement-informations-privees-risque">l’interdiction de TikTok aux États-Unis</a>, les inquiétudes concernant les menaces que TikTok fait peser sur la vie privée et la liberté des personnes ont de nouveau été soulevées. </p>
<p>De son côté, le gouvernement fédéral du Canada a révélé qu’il avait commencé à enquêter il y a plusieurs mois pour déterminer si le contrôle étranger de l’application <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057224/ottawa-canada-tiktok-securite-nationale">constituait une menace pour la sécurité nationale</a>. </p>
<p>Les représentants du gouvernement canadien considèrent que TikTok représente une menace pour les Canadiens de deux manières : en violant leur vie privée par la collecte d’un grand nombre de données ; en sabotant la démocratie par le biais de la désinformation et de la manipulation.</p>
<p>Ces menaces sont-elles théoriques ou réelles ? Existe-t-il des preuves étayant les craintes que le gouvernement chinois exerce un contrôle sur <a href="https://www.bloomberg.com/profile/company/1774397D:CH">ByteDance Ltd</a>, l’entreprise basée à Pékin qui possède TikTok ?</p>
<p>Il y a de bonnes raisons de penser que TikTok peut constituer une menace pour notre vie privée, mais pas pour notre démocratie. La plate-forme collecte peut-être trop de données, mais les craintes que la Chine utilise TikTok pour nous désinformer ou nous manipuler à des fins politiques sont injustifiées. </p>
<p>La Chine n’a pas besoin de contrôler TikTok pour influencer nos élections. Elle peut le faire assez facilement sans cette application. Les efforts actuels du Canada pour minimiser la menace que TikTok représente pour la sécurité nationale ne neutraliseront pas la menace que les médias sociaux font peser sur la démocratie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/z63aqNZZm4k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Radio-Canada se penche sur l’interdiction potentielle de TikTok.</span></figcaption>
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<h2>Les préoccupations en matière de protection de la vie privée sont bien réelles</h2>
<p>Mais TikTok représente une menace pour notre vie privée. Les régulateurs européens ont notamment <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">infligé des amendes à TikTok pour avoir collecté des données</a> auprès d’utilisateurs trop jeunes pour donner un consentement valable. Ils ont aussi condamné l’application pour avoir utilisé les données privées à mauvais escient et pour avoir « incité » les utilisateurs, par le biais de leurs paramètres par défaut, à adopter un comportement portant atteinte à la vie privée des personnes. </p>
<p>Des recours collectifs au Canada et aux États-Unis ont présenté un <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">argumentaire similaire</a>.</p>
<p>Les experts en cybersécurité ont <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">mis en garde contre le caractère invasif de l’application</a>, car elle suit la localisation de l’utilisateur, les messages qu’il reçoit et les réseaux auxquels il accède. Les autorisations sont enfouies dans les paramètres de l’application, mais la <a href="https://www.forbes.com/sites/emilsayegh/2022/11/09/tiktok-users-are-bleeding-data/">plupart des utilisateurs ne sont pas au courant de leur existence</a> ou ne prennent pas la peine de les vérifier.</p>
<p>Fin mars, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et ses trois homologues provinciaux devraient <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/nouvelles-du-commissariat/nouvelles-et-annonces/2023/an_230223/">présenter un rapport d’enquête</a> sur la manière dont TikTok recueille et utilise nos données. La Commission recommandera très probablement de suivre l’exemple de l’Europe en adoptant une législation exigeant une plus grande transparence des données collectées par TikTok et des restrictions supplémentaires quant à leur utilisation.</p>
<h2>Craintes d’ingérence de la Chine</h2>
<p>Le 1<sup>er</sup> mars, le gouvernement fédéral a publié une nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/innovation-sciences-developpement-economique/nouvelles/2024/03/le-canada-resserre-les-lignes-directrices-sur-les-investissements-etrangers-dans-le-secteur-des-medias-numeriques-interactifs.html">politique selon laquelle les plates-formes étrangères</a>, comme TikTok, feraient l’objet d’un « examen approfondi » en vertu des pouvoirs conférés par la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/I-21.8/index.html">loi sur l’investissement au Canada</a>. En vertu de cette loi, le gouvernement peut imposer des conditions aux investisseurs ou entreprises étrangers lorsqu’il existe des « motifs raisonnables de croire » que leur présence au Canada « pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ».</p>
<p>Les ministres ont été <a href="https://www.canadianlawyermag.com/practice-areas/crossborder/federal-government-issues-additional-directions-for-interactive-digital-media/384566">clairs et directs quant à leurs préoccupations</a> : « des acteurs hostiles soutenus ou influencés par l’État pourraient tenter de tirer parti des investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs pour diffuser de la désinformation et manipuler l’information ».</p>
<p><a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">Vingt-six pour cent des Canadiens utilisent désormais TikTok</a>. La filiale canadienne de TikTok pourrait-elle prendre des mesures pour empêcher le gouvernement chinois de se livrer à la désinformation ou à la manipulation ?</p>
<h2>Pourquoi les inquiétudes sont injustifiées</h2>
<p>En février, la direction du renseignement national des États-Unis a publié une <a href="https://www.dni.gov/files/ODNI/documents/assessments/ATA-2024-Unclassified-Report.pdf">évaluation des menaces</a>, révélant que des comptes TikTok gérés par un « organe de propagande » du gouvernement chinois « ont ciblé des candidats des deux partis politiques pendant le cycle électoral américain de mi-mandat en 2022 ».</p>
<p>Cependant, comme l’a fait remarquer un commentateur dans le <em>New York Times</em>, le rapport du renseignement national ne dit pas <a href="https://www.nytimes.com/2024/03/14/opinion/tiktok-ban-house-vote.html">si les algorithmes de TikTok ont favorisé ces comptes malveillants</a>. La Chine a peut-être utilisé TikTok pour désinformer et manipuler, mais elle n’avait pas besoin de le faire en dirigeant ByteDance.</p>
<p>Une étude réalisée en 2021 par le Citizen Lab de l’université de Toronto a examiné en profondeur le code de TikTok et ses capacités de collecte de données. Ses conclusions confirment que <a href="https://citizenlab.ca/2021/03/tiktok-vs-douyin-security-privacy-analysis/">TikTok n’est pas plus invasif</a> que Facebook, Instagram ou d’autres plates-formes de médias sociaux. </p>
<p>L’étude a révélé que TikTok et sa version chinoise, Douyin, « ne semblent pas présenter de comportements ouvertement malveillants similaires à ceux que l’on trouve dans les logiciels malveillants ». Bien que Douyin contienne « des caractéristiques qui posent des problèmes de confidentialité et de sécurité, telles que le chargement de code dynamique et la censure des recherches côté serveur », l’étude révèle que « TikTok ne contient pas ces caractéristiques ».</p>
<p>Cela ne signifie pas que la Chine n’est pas en mesure d’ordonner à ByteDance de faire des choses qui pourraient nuire aux Canadiens. Mais cela confirme l’idée que la Chine n’a pas besoin de mobiliser ByteDance pour le faire ; un agent du gouvernement chinois (ou toute autre personne) peut facilement le faire en se faisant passer pour un utilisateur ordinaire.</p>
<p>En bref, les craintes d’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes et américaines peuvent être justifiées. Mais tout comme la Russie a pu utiliser de faux comptes sur Facebook pour interférer dans <a href="https://www.intelligence.senate.gov/sites/default/files/documents/Report_Volume2.pdf">l’élection présidentielle américaine de 2016</a>, la Chine peut nous désinformer et nous manipuler en utilisant n’importe quel autre des médias sociaux, contre nous. </p>
<p>Cela met en évidence la véritable menace qui pèse sur notre démocratie : les médias sociaux que nous ne pouvons pas contrôler.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226093/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Diab ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Environ le quart des Canadiens utilisent TikTok. Réglementer l’application au Canada est-il la meilleure approche pour éviter toute influence politique extérieure ?Robert Diab, Professor, Faculty of Law, Thompson Rivers UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247162024-03-12T14:06:48Z2024-03-12T14:06:48ZVoici comment les données d’audience façonnent le journalisme canadien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580776/original/file-20240308-18-9gbysh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4091%2C2733&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La façon dont les journalistes considèrent leur audience dans les salles de rédaction a beaucoup évolué. Ce changement est largement dû aux données d'audience.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les grands groupes médiatiques <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2024-02-08/bce-elimine-4800-emplois-vend-des-stations-de-radio-et-ecorche-ottawa.php">suppriment des emplois, réduisent leur programmation</a>, et des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2010982/medias-metro-cession-actifs-annonce">publications mettent fin à leurs activités</a>. Face aux défis de <a href="https://www.cem.ulaval.ca/publications/dnr-2023-canada-fr/">l’évitement des nouvelles et de la baisse de confiance</a> à l’égard du journalisme, c’est devenu une question de survie pour les journalistes que de trouver des moyens d’attirer, d’intéresser et de fidéliser leur public.</p>
<p>La manière dont ils considèrent leur public dans les salles de rédaction a beaucoup évolué. Ce changement est dû en grande partie aux <a href="https://j-source.ca/heres-how-metrics-and-analytics-are-changing-newsroom-practice/">données d’audience</a>, de plus en plus abondantes.</p>
<p>En effet, les journalistes reçoivent presque constamment des rétroactions sur le contenu qu’ils créent. Qu’ils travaillent en ligne, à la télévision, à la radio ou dans la presse traditionnelle, ils fournissent des informations à de multiples plates-formes. Ils sont donc exposés chaque jour à des données quantitatives (mesures du comportement de l’audience sur les sites web et les médias sociaux) et qualitatives (commentaires sur les médias sociaux).</p>
<p>Comme nous l’a dit un journaliste de télévision :</p>
<blockquote>
<p>On sait exactement jusqu’où quelqu’un fait défiler une page, combien de secondes il passe sur une page, quel appareil il utilise. Nous en savons tellement sur notre public, tout comme Google en sait sur le sien.</p>
</blockquote>
<p>Mais quel est l’impact de toutes ces données sur la façon dont les journalistes perçoivent leur public et le contenu qu’ils publient ? C’est ce nous explorons dans un <a href="https://doi.org/10.1080/17512786.2024.2310712">article récemment publié</a> sur le journalisme orienté vers l’auditoire.</p>
<h2>Le journalisme orienté vers l’auditoire</h2>
<p>Il implique trois rôles spécifiques :</p>
<ul>
<li><p>un rôle d’infodivertissement — utilisation de stratégies narratives et d’un style s’alignant sur des médias plus axés sur le divertissement ; </p></li>
<li><p>un rôle civique — contenus visant l’éducation des citoyens à leurs droits ou la défense de leurs revendications ; </p></li>
<li><p>un rôle de service — promotion de produits ou aide à la résolution de problèmes de la vie quotidienne.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="site web du Toronto Star" src="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Trouver des moyens d’attirer, d’intéresser et de fidéliser un public est devenu une question de survie pour les professionnels de l’information.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons <a href="https://j-source.ca/a-global-study-on-pandemic-era-news-explores-the-gap-between-journalists-ideals-and-realities/">analysé plus de 3 700 articles</a> publiés en 2020, réalisé une enquête par questionnaire à 133 journalistes en 2020 et 2021, et interviewé 13 journalistes au cours de la même période. Les médias à l’étude sont TVA, CBC/Radio-Canada, <em>La Presse</em>, le <em>Toronto Star</em>, <em>Globe and Mail</em>, <em>National Post</em>, CTV, Global News et <em>HuffPost Canada</em>. Ayant nous-mêmes travaillé dans des salles de rédaction, nous avons pu contextualiser nos résultats en fonction de nos propres expériences.</p>
<p>Nous avons constaté que les données d’audience ont un impact important sur les pratiques des médias d’information canadiens. Au sein du défunt <a href="https://theconversation.com/bottom-up-audience-driven-and-shut-down-how-huffpost-canada-left-itsan-media-175805"><em>HuffPost Canada</em></a>, par exemple, l’audience était segmentée en types ou profils de lecteurs sur la base des données d’audience. Comme l’a expliqué un rédacteur en chef, « nous faisons X, Y et Z pour ce type d’article et pour ce type de personne ». En fait, la manière de rédiger un article était adaptée au profil de son destinataire.</p>
<p>Les journalistes sont également conscients de l’importance des données d’audience d’un point de vue commercial. Comme l’a fait remarquer l’un d’eux :</p>
<blockquote>
<p>Il s’agit d’algorithmes que je ne comprends pas tout à fait, mais qui aident nos experts à déterminer comment personnaliser l’expérience de l’utilisateur lorsqu’il se rend sur le site web. Il vous montre donc des choses qui vous intéressent, de la même manière que Facebook et Twitter, ce qui maintient l’intérêt des gens pour votre site web, ce qui signifie plus d’abonnés, ce qui signifie que je peux conserver mon emploi rémunéré.</p>
</blockquote>
<p>Les réponses à notre enquête confirment l’importance des données d’audience dans la sélection, le développement et la promotion des sujets, ainsi que dans la mesure de leur valeur. <a href="https://doi.org/10.1177/1464884913504259">D’autres études</a> ont montré que les journalistes peuvent minimiser <a href="https://doi.org/10.1177/1464884915595474">l’importance des données</a> dans leurs décisions éditoriales, de sorte que l’impact pourrait être encore plus important que ce que nous avons mesuré.</p>
<h2>Infodivertissement et sensationnalisme</h2>
<p>On déplore souvent que l’omniprésence des données dans les salles de rédaction favorise le clickbait ou les articles à sensation qui stimulent le trafic au détriment de reportages sur des enjeux plus importants — et <a href="https://doi.org/10.1080/21670811.2018.1504626">c’est parfois le cas</a>. </p>
<p>Le sensationnalisme fait partie de notre catégorie d’infodivertissement. Cependant, notre analyse de contenu a révélé qu’une grande partie de ce qui est qualifié d’infodivertissement dans le journalisme canadien implique des qualificatifs descriptifs et la présence de détails pertinents et personnels sur le sujet traité. Si cela est fait de manière appropriée, cela peut donner plus de nuances et de contexte à un article.</p>
<p>En outre, au Canada, l’infodivertissement est souvent associé à la partie « éducative » du rôle civique. Par exemple, un rédacteur en chef nous a expliqué qu’il cherchait à trouver l’aspect « plus amusant » (infotainment) d’un article qui peut constituer un « point d’entrée » pour informer le public sur des sujets tels que les règles parlementaires.</p>
<p>En outre, les rôles civiques et de service sont souvent combinés : par exemple, des informations pertinentes à la vie quotidienne peuvent aussi influencer la compréhension des processus politiques ou éclairer le public sur les droits des citoyens.</p>
<p>Près de 80 % des articles que nous avons sélectionnés comportaient au moins un rôle orienté vers le public, et près de 40 % en comportaient plus d’un. Cela prouve bien que les publics sont au centre des préoccupations dans les salles de rédaction. </p>
<p>Nos conversations ont également révélé que même si les rédactions ne sont pas toujours en mesure <a href="https://slate.com/technology/2021/03/imagined-audiences-journalism-analytics-intuition.html">d’interpréter avec précision</a> les attentes du public, elles consacrent beaucoup de temps et de ressources à essayer de le faire.</p>
<h2>L’importance des médias sociaux</h2>
<p>La plupart des journalistes avec lesquels nous nous sommes entretenus utilisent les médias sociaux, parce qu’ils les considèrent comme un outil important pour atteindre le public, trouver des sources et promouvoir leur travail. Plus de 78 % des journalistes interrogés reconnaissent qu’il s’agit d’un outil important pour entrer en contact avec le public.</p>
<p>Cependant, les journalistes ont également noté les inconvénients des médias sociaux, notamment en ce qui concerne la polarisation politique. Un journaliste de la presse écrite a déclaré : </p>
<blockquote>
<p>S’ils permettent de trouver un public, ce dont nous avons absolument besoin, ils ont aussi créé un forum où l’on peut attaquer les journalistes et la presse libre.</p>
</blockquote>
<p>Cet environnement hostile a poussé une autre journaliste à faire attention à son choix de mots afin de toucher un public plus large :</p>
<blockquote>
<p>Je fais délibérément des efforts pour essayer d’atteindre les gens qui essaient de m’ignorer. En fait, c’est le public cible que vous visez lorsque vous écrivez. Vous évitez donc d’utiliser inutilement des termes qui sont tournés en dérision, non pas parce que nous ne méritons pas d’utiliser ces termes… mais parce que ce que vous essayez de faire, c’est d’atteindre ces personnes.</p>
</blockquote>
<p>Même si les gens ne font pas confiance à l’information ou à un certain média, la recherche montre qu’ils peuvent reconnaître et apprécier le <a href="https://doi.org/10.4324/9781003257998">journalisme de qualité</a>. </p>
<p>Les journalistes canadiens doivent trouver des moyens de comprendre et d’atteindre un public qui ne veut pas toujours les écouter. Ils s’efforcent de le faire. Il reste à voir si cela fonctionne et quel impact durable auront leurs efforts sur les normes journalistiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224716/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicole Blanchett a reçu des financements de Mitacs, du Centre d'études sur les médias, du Journalism Research Centre de la Toronto Metropolitan University, de la Creative School de la Toronto Metropolitan University, de la Toronto Metropolitan University et du CRSH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les travaux de Colette Brin sont financés en partie par le ministère de la Culture et des Communications du gouvernement du Québec et le Fonds de recherche du Québec - Société et culture. L'édition canadienne du Digital News Report est financée par Patrimoine canadien par l'intermédiaire de Médias d'info Canada. La professeure Brin est directrice du Centre d'études sur les médias, entité de recherche indépendante à but non lucratif hébergée à l'Université Laval en partenariat avec l'Université de Montréal et l'Université du Québec à Montréal. Elle est également présidente du Conseil consultatif indépendant sur l'admissibilité aux mesures fiscales pour le journalisme, en collaboration avec l'Agence du revenu du Canada. </span></em></p>Une nouvelle étude sur le journalisme canadien examine l’impact des données d’audience sur l’information dans les médias et la perception qu’ont les journalistes de leur public.Nicole Blanchett, Associate Professor, Journalism, Toronto Metropolitan UniversityColette Brin, Professor and Director, Centre d'études sur les médias, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2249402024-03-06T16:13:14Z2024-03-06T16:13:14ZRT et Sputnik : comment les médias internationaux russes se restructurent après leur interdiction dans les pays occidentaux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579388/original/file-20240303-26-j1qrt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1880%2C1156&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vladimir Poutine visite les locaux de RT à Moscou, le 10 décembre 2015, en compagnie de Margarita Simonian, rédactrice en chef de la chaîne RT, du site Sputnik et de l'agence d'informations Rossia Segodnia (en russe, la Russie aujourd'hui, soit le même nom que Russia Today). </span> <span class="attribution"><span class="source">Kremlin.ru</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Le chercheur Maxime Audinet est l’un des meilleurs spécialistes français du complexe dispositif d’influence de la Russie, au cœur duquel se trouve le réseau RT (anciennement Russia Today). Son ouvrage très complet, <a href="http://www.inatheque.fr/publications-evenements/publications-2021/russia-today-rt-un-m-dia-d-influence-au-service-de-l-tat-russe-.html">« Un média d’influence d’État »</a>, paru en 2021, faisait déjà référence ; il ressort ces jours-ci, toujours aux éditions de l’INA, dans une version mise à jour et enrichie au regard des nombreux développements observés depuis que, le 24 février 2022, la confrontation entre la Russie et l’Ukraine, en cours depuis 2014, a pris une ampleur nouvelle. Nous vous en présentons ici quelques extraits où l’auteur revient sur les répercussions qu’a eues l’invasion à grande échelle de l’Ukraine sur la galaxie RT.</em></p>
<hr>
<h2>Un média sanctionné et interdit dans les pays occidentaux</h2>
<p>Saper les capacités informationnelles de l’État agresseur russe après son invasion de l’Ukraine s’impose rapidement comme un objectif prioritaire parmi les « mesures restrictives » émises par l’Union européenne contre Moscou. Les médias russes transnationaux RT et Sputnik se retrouvent à ce titre en ligne de mire.</p>
<p>Le 1<sup>er</sup> mars 2022, quelques jours après le lancement de l’offensive, le Conseil de l’Union européenne adopte un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32022R0350">règlement</a> visant à lutter contre les « actions de propagande » mises en œuvre par la Russie pour « justifier et soutenir son agression de l’Ukraine ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/11nlrJpiYxk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Le texte de mars 2022 […] conduit à la suspension de l’ensemble des canaux de diffusion numérique et audiovisuelle de RT et Sputnik sur le territoire de l’Union, à leur déréférencement des principaux moteurs de recherche, ainsi qu’à leur <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-ukraine-plateformes-numeriques-gafam-deplateformisation-interdiction">« déplateformisation »</a>, autrement dit la fermeture de leurs comptes et chaînes sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, Instagram, Telegram, etc.).</p>
<p>[…]</p>
<p>Certaines rédactions cessent purement et simplement leurs activités, comme RT America (abandonné par ses plates-formes de distribution), RT UK (après la révocation définitive de la licence accordée par le régulateur britannique Ofcom), ainsi que les branches grecque, italienne, tchèque, polonaise et allemande de Sputnik.</p>
<p>[…]</p>
<p>En Allemagne, où la chaîne RT DE, à peine lancée, est interdite quelques semaines avant l’invasion […], la double rédaction berlinoise de RT (composée du site RT DE et de l’agence Ruptly) fait face à des <a href="https://www.tagesspiegel.de/gesellschaft/medien/russischen-medien-in-berlin-laufen-mitarbeiter-davon-4314460.html">départs massifs après le 24 février</a>.</p>
<p>[…]</p>
<p>En France, les fonds de RT France sont gelés par la Direction générale du Trésor, rendant impossible la poursuite de ses activités. Dans une atmosphère particulièrement tendue, RT France est d’abord placée en redressement judiciaire en mars 2023, avant qu’un jugement en liquidation judiciaire ne soit <a href="https://www.bodacc.fr/pages/annonces-commerciales-detail/?q.id=id:A202300763039">acté par le tribunal de commerce de Nanterre</a> le 7 avril 2023, entraînant avec lui le licenciement de plusieurs dizaines de salariés de la chaîne et du site qui avaient décidé de rester après les sanctions de mars 2022.</p>
<p>Un certain nombre d’employés de RT France <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/020923/le-jdd-nouveau-porte-voix-du-kremlin">trouvent progressivement des emplois dans l’écosystème médiatique « alternatif » ou de droite radicale et d’extrême droite française</a> (CNews, <em>Journal du dimanche</em>, Omerta, Sud Radio, Prisma, Europe 1, etc.). Un de mes enquêtés, ancien de RT France, parle même d’un « effet de vase communicant » et de « passerelle » avec la chaîne d’opinion CNews, et plus largement des médias détenus par le groupe Vivendi de Vincent Bolloré, tout en indiquant que la plupart des autres rédactions ne répondent pas aux sollicitations de recrutement des anciens employés de la chaîne russe.</p>
<p>Après une phase de transition « saisissante » et marquée par un « sentiment de dépassement » de la direction, pour reprendre les mots de ce même enquêté à Paris, les rédactions de RT France et RT DE, et avec eux une partie importante de la production de leurs contenus, sont relocalisées au cours de l’année 2023 en Russie, au siège moscovite.</p>
<h2>En quête de nouvelles audiences depuis 2022</h2>
<p>Au-delà de ces manœuvres, RT tente de compenser la perte d’une partie des audiences occidentales par la recherche de nouveaux débouchés médiatiques.</p>
<p>[…] C’est surtout vers l’Afrique subsaharienne que les regards se tournent, parallèlement à une <a href="https://www.irsem.fr/media/5-publications/etude-irsem-83-audinet-le-lion-ok.pdf">nouvelle phase d’expansion de la présence russe sur le continent</a>. Ce tournant vers l’Afrique – principalement dans ses régions francophone et anglophone – concerne en premier lieu la rédaction francophone de Sputnik.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1550492119395082244"}"></div></p>
<p>Sputnik France avait déjà consolidé son réseau de correspondants dès 2018, en amont du sommet Russie-Afrique de Sotchi. En août 2022, après avoir quitté la France et cessé de produire des contenus entre mars et juillet, le site en français de Sputnik, rebaptisé « Sputnik Afrique », rouvre dans les locaux moscovites de Rossia Segodnia avec une nouvelle identité éditoriale et un nouveau site (« sputniknews.africa »), qui remplace l’ancien nom de domaine « fr.sputniknews.com ». Sa branche anglophone Sputnik Africa ouvre en avril 2023, et la croissance de ses audiences africaines se confirme depuis lors.</p>
<p>[…]</p>
<p>En dépit des [déclarations des autorités russes sur la nécessité de développer la présence de RT en Afrique], de l’enregistrement en 2022 par TV-Novosti de plusieurs noms de domaine sans ambiguïté (rt-afrique.com, rtafrica.media, etc.), d’une campagne de recrutement de journalistes avortée au Kenya et de plusieurs annonces <a href="https://mid.ru/ru/foreign_policy/news/themes/id/1898648/">prônant un élargissement du réseau sur le continent</a>, RT n’a toujours pas ouvert un bureau en Afrique subsaharienne au moment de l’écriture de ces lignes, fin 2023. La tendance n’en reste pas moins à la conquête de nouvelles audiences non occidentales, alors que la Russie cherche à préserver sa réputation et <a href="https://meduza.io/en/feature/2022/11/11/putin-the-anti-colonialist">engranger des soutiens dans les pays du « Sud global »</a>, en parallèle du conflit de haute intensité dont elle est responsable en Ukraine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224940/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxime Audinet a reçu des financements du CNRS (CEFR/UMIFRE) pour mener des recherches en Russie.</span></em></p>Porte-voix du Kremlin, RT et Sputnik, interdits en Europe depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, tentent de continuer d’émettre vers l’Occident et développent leur présence en Afrique.Maxime Audinet, Chercheur « Stratégies d’influence » à l’Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM). chercheur associé au Centre de recherches pluridisciplinaires multilingues (CRPM) de l’Université Paris Nanterre, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2245232024-02-29T16:20:00Z2024-02-29T16:20:00Z« Enfants influenceurs » : est-ce bien raisonnable ?<p>Ils s’appellent Swan, Kalys, Athena, Ryan, Mila, Lili-Rose ou Hugo. Ils ont entre 3 et 15 ans, et ils sont suivis par des millions de fans sur YouTube, TikTok, Instagram ou Snapchat. Ce sont des enfants influenceurs. Ces enfants mineurs, parfois même encore bébés, sont exposés quotidiennement par leurs parents aux « vues » et au su de toute la toile.</p>
<p>Derrière ces publications en apparence innocentes et spontanées se cache souvent un véritable business. En France, pas moins de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/le-juteux-business-des-parents-influenceurs-sur-les-reseaux-sociaux-07-02-2023-2507820_23.php">70 % des parents influenceurs déclarent ainsi gagner jusqu’à 5 000 euros</a> par mois grâce aux nombreux partenariats commerciaux qu’ils signent avec les marques, de quoi donc en tirer leur principale source de revenus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-familles-precieux-ambassadeurs-des-marques-sur-le-marche-convoite-des-jeunes-parents-223986">Les « influenceurs familles », précieux ambassadeurs des marques sur le marché convoité des jeunes parents</a>
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<p>Pour ce faire, ils n’hésitent pas à mettre en scène leurs enfants, le but étant de capter et de fidéliser leur audience à tout prix. Déballages de cadeaux, sketchs humoristiques, challenges, tests de jouets, les enfants sont mis à rude épreuve pour faire grimper les audiences.</p>
<p>Certains enfants, dits « kid influencers » possèdent même leur propre compte. C’est le cas de <a href="https://www.instagram.com/tiagotanti/">Tiago</a>, 4 ans, dont le compte Instagram, créé par ses parents Manon et Julien Tanti, stars de la téléréalité, dénombre plus de 1,3 million d’abonnés.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/Co74Ip_SwxR","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ces parents influenceurs se présentent le plus souvent comme des modèles de réussite, capables d’offrir à leurs enfants une existence de rêve, remplie de voyages, de cadeaux, de loisirs… Mais à quel prix ?</p>
<h2>Une enfance parfois mise en danger</h2>
<p>En effet, cette exposition n’est pas sans conséquence sur le développement psychologique et social et social de l’enfant. En témoigne la <a href="https://www.tiktok.com/@iam.moana">youtubeuse Emma</a>, star de TikTok, qui affiche près de 2 millions d’abonnés sur le réseau social. La jeune femme de 20 ans confie sans détour avoir été victime de cyberharcèlement durant ses années lycée à travers les moqueries et les messages haineux de certains internautes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1475513829740138502"}"></div></p>
<p>Encore plus inquiétant, Ruby Franke, une influenceuse américaine en parentalité suivie par près de 2,5 millions d’abonnés pour ses conseils éducatifs, <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/une-influenceuse-americaine-en-parentalite-ecope-de-30-ans-de-prison-pour-avoir-maltraite-de-ses-enfants-21-02-2024-XA6WGR55CVGPTB2CXF3QQ7JUKI.php">a été condamnée en février 2024</a> à une peine pouvant aller jusqu’à 30 ans de prison pour maltraitance sur ses enfants. Elle affichait pourtant une vie parfaite avec son mari et ses 6 enfants sur une chaîne YouTube « 8 Passengers », désactivée depuis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1760363705747861821"}"></div></p>
<p>Le scandale a éclaté lorsque l’un de ses enfants, âgé de 12 ans, s’est échappé par la fenêtre de leur domicile, révélant des conditions de malnutrition et de maltraitance extrêmes. Les autorités ont découvert qu’elle malmenait également ses autres enfants, allant jusqu’à les forcer à effectuer des travaux physiques pénibles sans eau ni nourriture en pleine chaleur.</p>
<h2>Une prise de conscience nécessaire</h2>
<p>Le 6 février 2024, une <a href="https://www.actu-juridique.fr/civil/personnes-famille/le-respect-du-droit-a-limage-des-enfants-et-les-5-apports-de-la-loi-du-19-fevrier-2024/">nouvelle proposition de loi</a> visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants est venue compléter la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/exploitation_commerciale_image_enfants">précédente</a>, datée du 19 octobre 2020. Le texte vient renforcer l’obligation des parents de veiller à la vie privée de leur enfant, y compris son droit à l’image, et leur interdit de publier ou de diffuser toute image de leur enfant sans son consentement éclairé. Elle permet également au juge aux affaires familiales d’interdire à un parent de publier ou de diffuser toute image de son enfant sans l’accord de l’autre parent, notamment en cas de conflit ou de danger pour l’enfant.</p>
<p>Il s’agit bien là d’une avancée importante en faveur de la protection des enfants influenceurs. Pourtant, il reste encore du chemin à parcourir. En effet, le fait même que le législateur ait été obligé d’apporter un cadre juridique à ces nouvelles pratiques devrait nous interroger, en tant que société, sur nos pratiques numériques et sur la responsabilité collective mais aussi avant tout individuelle, de tous les acteurs.</p>
<p>En premier lieu, les parents influenceurs doivent davantage se responsabiliser. Leur rôle reste essentiel dans l’encadrement de cette pratique, et pour le respect de l’épanouissement de leurs enfants à travers leur droit à l’image et à leur intimité. Tout signe de stress ou de fatigue présenté par l’enfant doit les alerter sur le potentiel mal-être de leur progéniture. Après tout, leurs enfants sont des enfants comme les autres ; ils ont aussi droit à une enfance comme les autres.</p>
<p>En parallèle, les marques qui font appel à des « kid influencers » ou à leurs parents pour promouvoir leurs produits doivent assumer une responsabilité essentielle. En effet, notre travail de recherche présenté à une <a href="https://oui.ethz.ch/">conférence</a> en 2022 met en lumière une relation de co-création de contenu entre l’influenceur et la marque, incitant les entreprises à accorder une certaine liberté aux influenceurs dans la création de contenu. Cependant, il reste crucial que cette approche ne détourne pas l’attention des marques des conditions de travail des enfants impliqués.</p>
<h2>« Je protège mon enfant »</h2>
<p>Les plates-formes en ligne doivent également assumer leur mission de protection en garantissant la sécurité et la modération des contenus impliquant des enfants. Cela passe par des campagnes de sensibilisation, à <a href="https://www.economie.gouv.fr/campagne-sensibilisation-dediee-parentalite-numerique">l’image de celle proposée par le gouvernement en février 2023</a>, et d’accompagnement des parents influenceurs. Tout contenu dérangeant ou sensible concernant les enfants doit ainsi être retiré et déréférencé.</p>
<p>Enfin, les internautes ont eux aussi leur part de responsabilité dans cette situation. Leurs réactions, parfois empreintes de violence, peuvent sérieusement affecter le bien-être des enfants. De plus, ils possèdent le pouvoir, à travers un simple clic, de signaler voire de boycotter les contenus qui portent atteinte aux droits des enfants.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vidéo de la campagne « Je protège mon enfant » lancée par le gouvernement en février 2023.</span></figcaption>
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<p>En France, il existe des exemples de bonnes pratiques ou d’initiatives visant à protéger les droits et l’intérêt des enfants sur les réseaux sociaux. Par exemple, l’association <a href="https://e-enfance.org/">e-Enfance</a>, reconnue d’utilité publique, propose des actions de sensibilisation, d’accompagnement et de défense des enfants et des adolescents sur Internet. Elle anime notamment le dispositif Net Ecoute, qui offre un service gratuit et anonyme d’écoute, de conseil et d’orientation pour les jeunes victimes de cyberharcèlement, de cybersexisme, ou encore de cyberpornographie.</p>
<p>Un autre exemple est celui de la chaîne YouTube <a href="https://lespetitscitoyens.com/">« Les petits citoyens »</a>. Créés par l’association éponyme, ses contenus visent à éduquer les enfants aux valeurs de la République, à la citoyenneté et aux droits de l’homme. Cette chaîne propose des vidéos ludiques et pédagogiques qui abordent de nombreux sujets de société tels que la liberté d’expression, la laïcité pour n’en citer que quelques-uns.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Exposés par leurs parentes sur les réseaux sociaux, les « kid influencers » constituent un phénomène lucratif mais controversé en raison des questions éthiques et juridiques qu’il soulève.Elodie Jouny-Rivier, Enseignant-chercheur en marketing, ESSCA School of ManagementDouniazed Filali-Boissy, Professeure Associée - Département Marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239862024-02-29T16:19:54Z2024-02-29T16:19:54ZLes « influenceurs familles », précieux ambassadeurs des marques sur le marché convoité des jeunes parents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576740/original/file-20240220-20-7uyyob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C11%2C1943%2C1053&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur les quelque 150 000 influenceurs recensés en France, près de 4000 sont des influenceurs parentaux.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/30478819@N08/51124035822">Flickr/Marco Verch</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Appelés « Influenceurs parentaux » ou « Influenceurs familles », de nombreux parents deviennent des prescripteurs de produits auprès d’autres parents. Certains sont même considérés comme de véritables « stars » sur les réseaux sociaux. Leurs comptes, à l’image de celui de Roxanne sur Instagram (<a href="https://www.youtube.com/channel/UCtYPbnf2so6O-YaxES2ZFsg">@Babychoufamily</a> qui affiche plus de 630 000 abonnés, sont devenus des ambassadeurs incontournables pour les marques cherchant à promouvoir des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ajODkBmSXNk">produits liés à la parentalité</a>.</p>
<p>Selon une étude de <a href="https://www.open-asso.org/nos-etudes/">l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique</a>, 1,1 % des parents français d’enfants de moins de 16 ans sont influenceurs aujourd’hui et tirent un avantage de leurs publications. Selon une étude de <a href="https://www.reech.com/fr/blog/parents-influenceurs-en-france">l’Institut Reech</a> menée en 2022, cela représente environ 3 875 influenceurs parentaux sur un total de 150 000 influenceurs recensés en France. Pour la moitié de ces influenceurs, cette activité est même devenue leur principale source de revenus.</p>
<p>Le point commun de ces influenceurs familles ? Leur capacité à toucher un segment de marché très spécifique et convoité : les nouveaux parents.</p>
<h2>Une dose de second degré</h2>
<p>Comment réussissent-ils à influencer ces parents ? Leur arme secrète, c’est le « parler vrai », le récit de leur quotidien avec son lot de réussites et de difficultés, le tout saupoudré de conseils et de bons plans.</p>
<p>La méthode est toujours la même : les influenceurs testent des produits liés à la parentalité, le plus souvent des jouets, des vêtements de maternité, de la nourriture pour enfants ou encore des couches pour bébés. Ils partagent leurs expériences de parentalité de manière naturelle et authentique et créent peu à peu les conditions d’une connexion ressentie comme « personnelle » par leur communauté.</p>
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<figcaption><span class="caption">Halloween et tout le reste (Babychoufamily).</span></figcaption>
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<p>L’influenceuse <a href="https://www.instagram.com/jenesuispasjoli/">@jenesuispasjoli</a> partage ainsi son quotidien intense de jeune maman entre son travail et sa vie de famille. Et le succès est au rendez-vous : elle est suivie par une communauté de plus d’un million d’abonnés sur Instagram et <a href="https://www.youtube.com/@jenesuispasjolie">YouTube</a>. Ce qui est le plus prégnant chez ces influenceurs, c’est la manière dont ils racontent leur histoire et celle de leur famille. Ces champions de la narration usent souvent de beaucoup de légèreté et d’humour pour expliquer comment ces produits les ont aidés dans leur vie de parents.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/C2-c8rsNsdp","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Mais attention : il est essentiel de garder à l’esprit que derrière ces récits à l’apparence naturelle et décomplexée, l’objectif est bien de promouvoir les produits envoyés par les marques. L’influenceur <a href="https://papachouch.com/">Papa Chouch</a>, un ancien animateur et éducateur spécialisé, a fait de sa capacité à divertir les parents sa marque de fabrique. La particularité de ses posts : raconter sa vie quotidienne de père avec une bonne dose de second degré.</p>
<h2>Le nombre de « likes » ne fait pas tout</h2>
<p>Devant cet accroissement du nombre d’influenceurs parentaux, le défi pour les marques consiste dès lors à sélectionner le représentant le plus adéquat pour incarner leurs produits. Mais attention aux idées reçues : les marques ont parfois la tentation de choisir les influenceurs en fonction du nombre de « likes » et de la taille de sa communauté. Or, il s’agit là d’une erreur. L’essentiel est avant tout de mesurer la bonne adéquation entre les valeurs de l’influenceur et celles de la marque, comme nous l’avons montré dans une recherche récente (<em>L’influenceur, un moyen de communication pour la marque sous le prisme de la co-création de contenu</em>, présenté au 20<sup>e</sup> colloque sur le marketing digital en 2021).</p>
<p>Les influenceurs parentaux ont également un rôle important à jouer en sélectionnant les marques qui correspondent le mieux à leurs valeurs en termes d’éthique, à leurs goûts personnels et à ceux de leur fidèle communauté. Maintenir une cohérence entre leur vision et celle de la marque est essentiel pour garantir l’authenticité de leur contenu. C’est ce que préconise <a href="https://www.instagram.com/annelauresmd/">@annelauresmd</a>, une maman influenceuse inspirante qui est également cofondatrice de <a href="https://alenore.com/">Alénore</a>, une marque de maroquinerie haut de gamme dont les produits sont fabriqués en France à partir de déchets de pommes.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/C3TNDsMNB7z","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Les stratégies de collaboration utilisées par les marques s’appuient souvent sur l’envoi aux influenceurs de produits gratuits en échange d’un avis, d’une démonstration, ou d’un témoignage sur les réseaux sociaux. Autre technique : la rémunération pour créer du contenu sponsorisé sur les réseaux sociaux, en respectant les consignes et les messages clés de la marque.</p>
<h2>Une image parfois idéalisée</h2>
<p>Le défi pour ces influenceurs parentaux et de manière plus générale pour le métier, au-delà de livrer un contenu créatif, spontané et récurrent, est l’usage de nouveaux outils afin de promouvoir leur « personal branding » (« marketing de soi-même ») auprès de leur audience. Ainsi, ils doivent en permanence se mettre à jour sur l’usage du live streaming, qui consiste à diffuser des vidéos spontanées, répondre en direct à leur audience, créer des stories, des réels ou des podcasts, ou encore créer du contenu exclusif sur les nouvelles plates-formes ou réseaux sociaux comme Threads, Substack ou Twitch.</p>
<p>Les influenceurs parentaux doivent être également conscients de l’importance de leur rôle auprès de leur audience et de l’impact significatif de leur image, parfois perçue comme trop idéalisée, sur les nouveaux parents qui peuvent de leur côté éprouver des difficultés à gérer leur vie quotidienne avec un nouveau-né.</p>
<p>Les influenceurs doivent donc rester vigilants et respectueux des <a href="https://www.village-justice.com/articles/statut-juridique-des-influenceurs-enjeux-responsabilites,45838.html">règles éthiques et déontologiques</a> qui encadrent leur activité afin de protéger les intérêts de leur communauté ainsi que ceux des marques. Charge à eux, donc, d’annoncer explicitement le caractère publicitaire ou sponsorisé de leur contenu afin de ne pas induire leur public en erreur sous peine d’être soumis à des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGISCTA000047665797">sanctions</a>.</p>
<p>La youtubeuse parentale <a href="https://www.youtube.com/c/CindyGredziak">@CindyGredziak</a> en a fait l’amère expérience en janvier 2024 : elle a reçu une <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/influenceur-injonction-lencontre-de-cindy-gredziak-de-cesser-ses-pratiques-commerciales">injonction</a> de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) pour plusieurs manquements, notamment le défaut d’indiquer le fait qu’elle avait reçu gratuitement un aspirateur de la part d’une grande marque renommée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223986/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Jouets, vêtements, nourriture pour bébés, couches… pour certains parents, les vidéos de tests produits mis en ligne sur les réseaux sociaux constituent désormais leur principale source de revenus.Elodie Jouny-Rivier, Enseignant-chercheur en marketing, ESSCA School of ManagementDouniazed Filali-Boissy, Professeure Associée - Département Marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224412024-02-12T16:10:53Z2024-02-12T16:10:53ZApplications de rencontres : comment en faire bon usage<p>Les rencontres amoureuses peuvent s’accompagner de nouveaux défis, et sont parfois source de frustration. Par le passé, les relations étaient souvent <a href="https://www.ucpress.edu/ebook/9780520917996/consuming-the-romantic-utopia">arrangées par les familles et guidées par les normes sociétales</a>, ce qui limitait les options mais nous épargnait le supplice lié à la nécessité de faire des choix. Aujourd’hui, les célibataires ont à leur disposition une infinité de partenaires potentiels. Une étude réalisée en 2019 par le Pew Research Center a montré que les couples qui se sont rencontrés en ligne sont <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2019/06/24/couples-who-meet-online-are-more-diverse-than-those-who-meet-in-other-ways-largely-because-theyre-younger/">plus diversifiés</a>, que ce soit en termes de revenus, d’éducation, d’orientation politique ou d’appartenance ethnique.</p>
<h2>Le coût de la liberté</h2>
<p>Selon le <a href="https://www.amazon.fr/Escape-Freedom-Erich-Fromm/dp/0805031499">psychanalyste Erich Fromm</a>, la liberté peut parfois susciter un sentiment d’impuissance, voire d’isolement. Notre équipe de chercheurs en marketing explore le monde des rencontres en ligne pour déterminer dans quelle mesure le marché des rencontres amoureuses, qui s’appuie sur des principes de liberté et de choix infinis, s’étend à tous les aspects de la vie humaine. Nos <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0267257X.2022.2033815">recherches révèlent</a> que les sentiments d’anxiété et de frustration des utilisateurs découlent d’un conflit entre la perception de la marchandisation des relations et les valeurs sociétales.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.</em> <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Certains participants à l’étude ont qualifié les rencontres en ligne d’« épuisantes », exprimant l’espoir de pouvoir « enfin » terminer le processus. Didier, un ingénieur de 51 ans vivant à Paris, qualifie les rencontres en ligne de « manipulation de masse » ; Ella, une rédactrice de 25 ans, déclare qu’au début, les rencontres en ligne étaient « excitantes et nouvelles », mais qu’au fil du temps, elle a trouvé l’expérience déprimante.</p>
<p>Alors pourquoi, face aux promesses d’options amoureuses illimitées, avons-nous parfois l’impression que l’amour a tendance à s’éloigner ?</p>
<h2>La modernité « liquide » et la montée du capitalisme émotionnel</h2>
<p>Dans son livre <a href="https://www.amazon.fr/Liquid-Love-Frailty-Human-Bonds/dp/0745624898"><em>L’amour liquide</em></a>, le sociologue britannique Zygmunt Bauman affirme que le monde moderne a inauguré l’ère de « l’individu sans attaches », qui privilégie la liberté et la flexibilité à l’attachement. Cela a transformé les notions traditionnelles d’amour et de relations en des formes plus éphémères et « liquides ».</p>
<p>La sociologue franco-israélienne Eva Illouz <a href="https://www.fnac.com/a5926310/Eva-Illouz-Why-love-hurts">fait écho à ces observations</a>, affirmant que nos sociétés capitalistes d’aujourd’hui sont confrontées à de nouveaux défis en raison de l’évolution des normes et des valeurs. Certes, nous avons désormais un plus grand contrôle de nos vies amoureuses et nous pouvons aspirer à une plus grande égalité entre les sexes. Mais les injonctions sociales continuent de véhiculer des normes irréalistes en matière d’amour, ce qui n’encourage pas à s’investir dans le travail émotionnel nécessaire à l’établissement de liens plus profonds.</p>
<h2>Des valeurs mal alignées</h2>
<p>Dans le cadre des rencontres en ligne, que se passe-t-il lorsque les valeurs ou les attentes de deux personnes en matière de relations amoureuses ne sont pas les mêmes ? Comme le montre notre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0267257X.2022.2033815">étude</a>, ces décalages peut être source de frustration. Par exemple, un participant peut être à la recherche d’une relation à long terme, tandis qu’un autre est plus intéressé par des relations occasionnelles ou par l’élargissement de ses horizons. Tous deux perçoivent alors les actions de l’autre comme inappropriées.</p>
<p>Mark, un consultant en gestion de 26 ans, fait part de son sentiment de frustration lorsque les femmes qu’il a rencontrées sur une application voulaient se connecter avec lui sur les médias sociaux ou l’appeler fréquemment, car il préférait établir des limites. En revanche, Alice, une administratrice de 54 ans, déclare que certains des hommes qu’elle a rencontrés en ligne n’étaient souvent pas clairs quant à leur état civil. Elle a même mis au point des techniques pour savoir si un partenaire potentiel était en couple, par exemple s’il raccrochait le téléphone très rapidement ou payait toujours en liquide.</p>
<p>Il arrive même que ces désirs contradictoires traversent une seule et même personne : elle peut aspirer à l’engagement, à la confiance et à la proximité, tout en ne voulant pas ou en ne pouvant pas renoncer au choix illimité de partenaires. Derek, un entrepreneur de 38 ans, a réfléchi à l’écart entre ses attentes en matière de relations et son expérience des rencontres en ligne :</p>
<blockquote>
<p>« Pour moi, les relations à long terme sont une question de valeurs – de valeurs humaines. Mais si j’ai un rendez-vous et que le lendemain matin, avec un nouveau profil, je me dis “Oh, super”, et la personne que j’ai vu hier soir se retrouve en bas de la liste. »</p>
</blockquote>
<p>Ce décalage peut conduire à des expériences négatives, à de mauvais traitements, voire à des abus en ligne. Rose, maître de conférences de 23 ans, déclare que les rendez-vous galants lui font peur en raison des « histoires horribles » qu’elle a entendues. En effet, les récits d’autres participants à l’étude (dont nous avons choisi de taire les noms) font état d’expériences allant de la détresse au traumatisme, y compris des agressions verbales, des rencontres avec des personnes qui ne ressemblent pas du tout à leur photo, et même une agression sexuelle commise par une personne utilisant un faux profil.</p>
<h2>La gamification des rencontres</h2>
<p>Le cadre social désinstitutionnalisé des rencontres en ligne peut conduire à des situations où il n’y a parfois que peu ou pas de liens sociaux partagé entre les partenaires. Les personnes rencontrées en ligne sont perçues comme moins « réelles » que celles rencontrées par l’intermédiaire d’amis ou de membres de la famille. Ce rapport déformé de la réalité peut rendre les comportements moins prévisibles, car il n’y a pas de sanctions spécifiques pour ce qui serait normalement considéré comme un comportement contraire à l’éthique.</p>
<p>Si de nombreux participants à l’étude apprécient le choix offert par les applications de rencontres, certains hésitent à dire qu’ils les utilisent – ou prétendent qu’ils n’y ont recours que de manière exceptionnelle. La peur du jugement social est encore très présente : certaines personnes se disent que si elles trouvent un partenaire de cette manière, les membres de leur cercle social se diront qu’il s’agit d’un échec, parce qu’elles n’ont pas réussi à trouver un partenaire dans la « vraie vie » par des moyens traditionnels.</p>
<p>L’incertitude survient lorsque nous ne sommes pas sûrs des codes en vigueur et des résultats de nos interactions sociales. Cela peut se produire lorsque le cadre dans lequel se déroule l’interaction n’est pas bien défini. Comme les termes de la relation ne sont pas clarifiés, les deux parties se sentent vulnérables et préfèrent ne pas trop s’ouvrir pour éviter d’être potentiellement blessées. Les codes de communication sont également souvent peu clairs, ce qui donne lieu à de <a href="https://www.reddit.com/r/OnlineDating/">multiples discussions dans les communautés en ligne</a>, où les utilisateurs demandent des conseils pour expliquer les comportements de leurs partenaires.</p>
<h2>Quelques stratégies de survie</h2>
<ul>
<li>Choisissez l’authenticité.</li>
</ul>
<p>Si vous utilisez une application de rencontre, envisagez une stratégie audacieuse : l’authenticité. L’autopromotion, c’est bien, c’est même nécessaire, mais la conviction, le réalisme et l’honnêteté le sont tout autant. De cette façon, vous pouvez essayer de rencontrer des partenaires qui vous voient comme la personne que vous êtes et non comme celle que vous projetez. Choisissez des photos flatteuses et mettez en valeur vos traits de caractère, mais montrez aussi vos convictions et votre vraie personnalité.</p>
<ul>
<li>Utilisez les fonctions de l’application pour affiner votre choix</li>
</ul>
<p>Lorsque vous cherchez une relation en ligne, il est important de tirer le meilleur parti des ressources disponibles, afin de ne pas passer à côté de connexions potentielles. Pensez à utiliser des filtres et des outils de recherche pour affiner votre recherche de partenaires compatibles. Précisez vos préférences, telles que l’âge, le lieu de résidence et les centres d’intérêt communs, afin d’augmenter vos chances de trouver une relation sérieuse.</p>
<ul>
<li>Appréciez les petites choses</li>
</ul>
<p>Il est essentiel d’adapter votre approche et de redéfinir ce qui a de la valeur dans ce contexte unique. Au lieu de juger le succès à l’aune d’un seul critère, envisagez de le redéfinir pour y inclure d’autres aspects – par exemple, des conversations enrichissantes ou des intérêts partagés. Cette flexibilité vous permettra de recalibrer vos attentes et de découvrir la valeur de votre expérience de l’application, même si elle ne correspond pas à vos objectifs initiaux. L’amour se construit sur des émotions partagées.</p>
<ul>
<li>Parlez, mais écoutez aussi</li>
</ul>
<p>N’ayez pas peur de discuter de vos attentes avec des partenaires potentiels. Plus important encore, lorsqu’une personne dit qu’elle ne cherche pas une relation sérieuse, croyez-la, plutôt que d’essayer de la changer ou d’espérer qu’elle revienne sur sa décision. Montrez-lui que vous l’écoutez et que vous ne vous contentez pas d’émettre des idées préconçues.</p>
<ul>
<li>Continuez à explorer, mais sachez quand vous arrêter</li>
</ul>
<p>Enfin, n’abandonnez pas. Les rencontres en ligne étant de mieux en mieux acceptées, un nombre croissant de personnes trouvent de vraies relations en ligne. Malgré tous les obstacles, <a href="https://www.pewresearch.org/internet/2020/02/06/the-virtues-and-downsides-of-online-dating/">plus de 12 % des mariages</a> commencent en ligne, selon une étude du Pew Research Center. Considérez les applications de rencontres non pas comme une recherche sans fin, mais comme un moyen de parvenir à une fin – et potentiellement à une fin heureuse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222441/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les applications de rencontre sont de plus en plus utilisées et offrent une multitude de choix. Mais face à tant d’options, certains utilisateurs peuvent se sentir dépassés et épuisés.Alisa Minina Jeunemaître, Associate Professor of Marketing, EM Lyon Business SchoolJamie Smith, Director of Undergraduate Programmes, ISC Paris Business SchoolStefania Masè, Associate professor of marketing and communication, IPAG Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231062024-02-08T16:54:47Z2024-02-08T16:54:47ZSuper Bowl : 7 millions de dollars les trente secondes de pub, pour quel résultat ?<p>Pendant que les Chiefs de Kansas City se préparent à affronter les San Francisco 49ers lors du Super Bowl 2024 (dans la nuit de dimanche à lundi pour la France), une conversation s’engage sérieusement en parallèle des terrains de <a href="https://theconversation.com/topics/football-americain-82544">football américain</a> sur les <a href="https://theconversation.com/topics/publicite-24275">publicités</a> qui seront diffusées lors de l’un des <a href="https://theconversation.com/topics/television-20491">événements télévisés</a> les plus regardés de l’année aux États-Unis (<a href="https://www.billboard.com/culture/tv-film/super-bowl-2023-viewership-numbers-1235253521/">110 millions de téléspectateurs</a>). Si certains habitués seront bien présents à l’antenne, d’autres brillent par leur absence.</p>
<p>Professeurs spécialistes du <a href="https://harbert.auburn.edu/directory/linda-ferrell.html">marketing</a> et de l’<a href="https://harbert.auburn.edu/directory/oc-ferrell.html">éthique des affaires</a>, nous nous sommes intéressés de près à la liste des annonceurs et notamment aux absents. Parmi ces derniers, on retrouve notamment les <a href="https://finance.yahoo.com/news/america-4-largest-car-makers-224356471.html">quatre grands constructeurs automobiles</a> que sont Ford, General Motors, Chrysler (groupe Stellantis) et Toyota. Tous ont choisi de consacrer leurs budgets publicitaires à des campagnes de marketing plus ciblées. Seuls Kia et BMW seront bien là pour promouvoir leurs nouveaux véhicules électriques, tandis que Volkswagen a prévu de consacrer son budget publicitaire au 75<sup>e</sup> anniversaire de la marque aux États-Unis.</p>
<p>GoDaddy, gestionnaire de noms de domaines sur Internet dont les publicités du Super Bowl ont fait parler d’elles au fil des ans, ne sera pas non plus de la partie cette année. La direction de l’entreprise a indiqué qu’elle <a href="https://adage.com/article/ad-age-podcast/why-godaddy-still-sitting-out-super-bowl/2534516">explorait d’autres options marketing</a> susceptibles de susciter davantage d’engagement de la part de ses marchés cibles.</p>
<h2>7 millions de dollars les trente secondes</h2>
<p>Les publicités du Super Bowl de cette année, dont les créneaux avaient déjà <a href="https://variety.com/2023/tv/news/super-bowl-commercials-sold-out-cbs-tv-advertising-1235777413">tous été vendus au début du mois de novembre 2023</a>, sont dominées par des marques de produits alimentaires et de boissons qui s’adressent à un large public. Les nouveaux annonceurs comme Popeyes, Drumstick, Nerds et le nouveau soda au citron vert de Pepsi, Starry, rejoindront les habitués comme Reese’s, M&M’s, Pringles, Frito-Lay ou Mountain Dew.</p>
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<p>Le plus grand brasseur du monde, Anheuser-Busch InBev, prévoit de diffuser de <a href="https://www.benzinga.com/news/24/01/36779729/bud-light-to-make-a-comeback-at-super-bowl-2024-with-humorous-ad">nombreuses publicités</a> pour ses différentes marques. Cela inclut notamment Bud Light, dont une campagne marketing récente avec une influenceuse transgenre a viré au <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/suite-a-un-fiasco-marketing-la-biere-bud-light-decroche-aux-etats-unis-1952277">fiasco</a>, dans l’espoir de poursuivre l’histoire de ses publicités emblématiques pour le Super Bowl.</p>
<p>À <a href="https://www.msn.com/en-us/sports/nfl/cbs-reportedly-selling-super-bowl-lviii-ads-at-staggering-price-nearly-sold-out-before-2024/ar-AA1jtQs2">7 millions de dollars</a> la diffusion du spot de 30 secondes, même tarif que l’an passé, le passage à l’antenne n’est pas bon marché. Et c’est sans compter le <a href="https://finance.yahoo.com/news/most-expensive-super-bowl-commercials-130041725.html">coût de création des publicités elles-mêmes</a>, souvent plus de deux fois supérieur à ce qu’elles coûteront pour être diffusées le jour du match. Au total, un spot peut coûter aux entreprises plus de 20 millions de dollars.</p>
<p>Qu’espèrent alors les annonceurs ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour certains, c’est clairement le cas.</p>
<h2>Des spots qui ont marqué leur époque</h2>
<p>Il faut tout d’abord rappeler que les publicités les plus efficaces – celles qui sortent du lot – sont visibles bien avant le début du match et pendant des semaines, voire des années, après celui-ci. Des accroches, des bandes-annonces et parfois les publicités elles-mêmes sont généralement diffusées dans les semaines précédant le Super Bowl et font l’objet d’analyse à la télévision, en ligne et sur les médias sociaux.</p>
<p>Cette couverture se poursuit également après le match, avec des sondages et des articles de fond qui classent les publicités qui ont fonctionné et celles qui n’ont pas fonctionné. Certaines des meilleures publicités du Super Bowl ont même une vie propre qui dure longtemps après leur diffusion. Beaucoup n’ont pas oublié <a href="https://davidjdeal.medium.com/hey-kid-catch-how-coca-cola-and-mean-joe-greene-launched-a-legend-ab7b9492c84d%23:%7E:text=The%252520Reinvention%252520of%252520a%252520Football%252520Legend&text=NBC%252520turned%252520the%252520commercial%252520into,of%252520the%252520ad%252520for%252520Downy">l’emblématique publicité Coca-Cola de 1980</a> mettant en scène le joueur de Pittsburgh, Mean Joe Greene, lançant son maillot à un jeune fan. Diffusée à la fin de l’année 1979, cette publicité a touché un public beaucoup plus large pendant le match, quelques mois plus tard.</p>
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<p>Le spot est resté si populaire qu’il a été repris 30 ans plus tard sous la forme d’une publicité pour le Coca Zero mettant en scène Troy Polamalu, un autre joueur des Steelers. Ces dernières années, la couverture avant et après le Super Bowl a souvent fait revivre ces deux publicités, ainsi que d’autres publicités emblématiques, des décennies plus tard.</p>
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<h2>Choisir ailleurs une publicité plus ciblée ?</h2>
<p>Pourquoi alors les quatre grands constructeurs automobiles, GoDaddy et d’autres anciens annonceurs du Super Bowl délaissent-ils le grand jeu ? Un argument peut-être : la génération Z (personnes nées entre 1997 et 2010), en particulier, ne se montre <a href="https://www.forbes.com/sites/petersuciu/2023/02/08/super-bowl-ads-may-need-to-evolve-to-target-gen-z--that-will-include-a-social-media-component/?sh=4e70a3162b3e">pas impressionnée par les publicités du Super Bowl</a> et ne s’intéresse pas spécialement à la télévision.</p>
<p>Les spécialistes du marketing savent que TikTok et d’autres sites sociaux deviennent de <a href="https://www.shopify.com/blog/tiktok-marketing">meilleures plates-formes</a> pour diffuser des messages à des groupes démographiques ciblés. Le retour sur investissement de la publicité est beaucoup plus facile à suivre sur ces sites, et les dépenses publicitaires plus faciles à justifier, surtout si l’on considère la fréquence à laquelle ces publicités sont partagées avec la famille et les amis, en quelques secondes et en appuyant sur quelques touches.</p>
<p>Dans le paysage médiatique fragmenté d’aujourd’hui, le Super Bowl reste malgré tout un événement rare dont l’attrait demeure véritablement massif : selon la National Football League (NFL), <a href="https://www.nfl.com/news/super-bowl-lvii-total-viewing-audience-estimated-at-200-million">plus de 60 % des Américains</a> ont regardé le match de l’année dernière. Cela fait beaucoup de spectateurs.</p>
<p>En fin de compte, les responsables marketing d’aujourd’hui reconnaissent que les publicités télévisées du Super Bowl fonctionnent mieux lorsqu’elles promeuvent des produits de grande consommation – grâce à <a href="https://doi.org/10.1080/13527266.2011.581302">l’humour, à l’utilisation d’animaux, à la nostalgie et aux célébrités</a> – ainsi que des causes sociales qui trouvent un écho auprès des consommateurs. Associer une marque à un storytelling marquant et créatif est également un moyen efficace d’accroître sa <a href="https://www.cnn.com/2020/02/03/perspectives/super-bowl-ads-google-loretta/index.html">visibilité globale</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Reste-t-il intéressant pour les entreprises de dépenser 7 millions de dollars pour trente secondes de publicité autour du Super Bowl, même s’il reste un des événements les plus regardés de l’année ?Linda Ferrell, Professor of Marketing, Auburn UniversityO.C. Ferrell, Professor of Ethics, Auburn UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201052024-01-11T16:40:40Z2024-01-11T16:40:40ZEt si les réseaux sociaux devenaient une chance pour nos démocraties ?<p>Alors que le président libertarien Javier Milei, récemment élu en Argentine, a largement <a href="https://www.politis.fr/articles/2023/12/javier-milei-un-as-libertarien-des-reseaux-sociaux-a-la-tete-de-largentine/">profité des réseaux sociaux lors de sa campagne présidentielle</a>, notamment pour séduire les plus jeunes générations, d’autres personnalités politiques envisagent au contraire de quitter ces mêmes réseaux. En France, c’est la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui a initié ce mouvement, déclarant en novembre dernier que X (ex-Twitter) constituait <a href="https://www.liberation.fr/politique/anne-hidalgo-quitte-x-ex-twitter-devenu-arme-de-destruction-massive-de-nos-democraties-20231127_5HUQFSF3WNHSJBBTVC3JBVCWQ4/">« une arme de destruction massive de nos démocraties »</a>. Force est de constater que depuis de nombreuses années, les réseaux sociaux dominants, dont le modèle d’affaires repose sur <a href="https://cnnumerique.fr/votre-attention-sil-vous-plait-quels-leviers-face-leconomie-de-lattention">l’économie de l’attention</a> favorise structurellement le clash et la polarisation des opinions.</p>
<p>Selon ce modèle économique, il s’agit de « maximiser l’engagement » des utilisateurs afin de vendre leur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_de_cerveau_humain_disponible">« temps de cerveau »</a> et leurs données personnelles à des entreprises susceptibles de les cibler avec leurs publicités. Dès lors, tout ce qui compte pour gagner en visibilité sur ce type de réseau, est de trouver la ligne de fracture – chez chaque utilisateur ou dans la société – et d’enfoncer le coin, afin d’obtenir plus de clics et plus de vues, alimentant ainsi le <a href="https://www.calmann-levy.fr/livre/le-business-de-la-haine-9782702184554/">« business de la haine »</a> des géants du numérique, qui tirent profit de cette cacophonie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/captologie-et-economie-de-lattention-87140">Captologie et économie de l’attention</a>
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<p>Le résultat, tel que décrypté par l’écrivain et politologue italien Giuliano da Empoli, est le suivant : tandis qu’hier la politique était « centripète » – il fallait rallier autour d’un point d’équilibre –, elle est devenue aujourd’hui centrifuge. L’expression d’<a href="https://www.editions-jclattes.fr/livre/les-ingenieurs-du-chaos-9782709664066/">« ingénieurs du chaos »</a> trouve alors tout son sens : pour conquérir le pouvoir, la politique consiste désormais à exploiter au mieux les dynamiques d’infrastructures, ici de communication, pour éclater la société en tous points.</p>
<h2>Faire évoluer le modèle économique et l’architecture des réseaux sociaux</h2>
<p>Comment changer la donne ? Il parait difficile d’imaginer l’ensemble des démocrates pratiquer la politique de la terre brûlée et quitter les réseaux sociaux dominants tant que l’espoir est encore à leur régulation. De même, nous ne pouvons uniquement nous en remettre à la bonne volonté de quelques autres réseaux dominants faisant pour l’instant office de refuge, tant que leur modèle demeure fondé sur la captation de l’attention.</p>
<p>Si nous devons poursuivre nos efforts pour <a href="https://www.nouvelobs.com/idees/20240103.OBS82815/populisme-fake-news-algorithmes-entretien-avec-giuliano-da-empoli-le-decodeur-du-chaos.html">« trouver des réponses politiques à la colère »</a>, nous ne pouvons pas non plus nous aveugler sur les velléités autoritaires ou nationalistes exploitant les failles des réseaux sociaux les plus utilisés. Néanmoins, nous pouvons les priver de l’infrastructure qui les fait émerger comme forces politiques de premier plan partout dans le monde. Pour cela, nous devons faire évoluer le modèle économique et l’architecture des réseaux sociaux. Car il faut bien se rendre compte, dans la lignée de la pensée du professeur de droit <a href="https://en-academic.com/dic.nsf/enwiki/11646941">Lawrence Lessig</a>, que <a href="https://cyber.harvard.edu/works/lessig/camkey.pdf">l’architecture numérique est normative</a> : de même que l’architecture de nos rues détermine nos comportements, l’architecture des réseaux sociaux détermine la façon dont nous nous y exprimons et dont nous y interagissons.</p>
<p>De manière générale et par définition, le principe des « followers », qui consiste à suivre des personnalités en particulier, ne favorise pas l’expression de points de vue diversifiés, mais plutôt les comportements mimétiques, la concurrence, la rivalité et in fine la dévalorisation de soi comme des autres.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Plus spécifiquement, X/Twitter et Thread sont construits pour faire se rencontrer absolument tous les sujets, points de vue et personnes d’opinions très diverses sur un flux unique et assurer des interactions directes au vu et au su de tous.</p>
<p>Autre architecture, autre ambiance, il en va autrement si l’on se rassemble autour d’un sujet, que ce soit pour en débattre ou seulement pour échanger. Sans qu’ils soient exempts de très nombreux défauts, TrustCafé, Reddit, <a href="https://theconversation.com/streaming-en-direct-pourquoi-tout-le-monde-meme-les-politiques-se-rue-sur-twitch-163454">Twitch</a>, Discord donnent l’opportunité de créer des salons de discussion thématiques ou de regrouper des communautés en un espace et in fine d’avoir un débat plus approfondi. <a href="https://joinmastodon.org/fr">Mastodon</a> repose quant à lui sur une structure décentralisée, c’est-à-dire que « chaque serveur Mastodon est totalement indépendant, mais capable d’interagir avec les autres pour former un réseau social mondial ». Cela permet d’éviter de cultiver l’animosité sociale. Des communautés irréconciliables n’ont pas à se côtoyer, ce qui permet d’éviter de propager le conflit de manière inopportune.</p>
<h2>Reprendre la main sur les algorithmes</h2>
<p>C’est pour orienter les réseaux sociaux vers des architectures permettant de créer des espaces de débat, d’apprentissage, d’échanges et de coopération que nous devons agir en premier lieu, avant même de nous intéresser à la modération des contenus qui y circulent. Le règlement européen sur les services numériques le permet en théorie, mais il faudra que la <a href="https://cnnumerique.fr/communique/cp-suite-la-resolution-du-parlement-ue-visant-agir-sur-les-interfaces-addictives">Commission européenne</a> se mobilise en ce sens. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Jusqu’à présent, le débat a bien plus porté sur le nombre de modérateurs de tel ou tel réseau ou le nombre de contenus retirés que sur la structure des réseaux sociaux en elle-même. Ce qui risque surtout de nous épuiser pour un résultat très relatif.</p>
<p>Pour nous assurer que les réseaux servent une société démocratique où le débat, la construction collective et l’écoute sont privilégiés, nous devrions nous préoccuper de la manière dont les infrastructures numériques sont conçues, développées et financées. Comme les réseaux sociaux dominants sont structurellement fondés sur <a href="https://cnnumerique.fr/votre-attention-sil-vous-plait-quels-leviers-face-leconomie-de-lattention">l’économie de l’attention</a>, l’enfermement de leurs utilisateurs et l’amplification des contenus polémiques et choquants, nous devrions aussi décider de ne plus laisser aux mains du seul réseau social, c’est-à-dire d’une entreprise privée, le monopole de déterminer le flux algorithmique, soit le choix des contenus apparaissant sur nos fils d’actualités.</p>
<p>Une telle proposition est une exigence minimale pour tendre vers une plus grande réappropriation des réseaux sociaux par les utilisateurs. Elle a d’ailleurs déjà été faite sous diverses formes, que ce soit par des <a href="https://www.calmann-levy.fr/livre/le-business-de-la-haine-9782702184554/">spécialistes du numérique</a>, la <a href="https://www.cncdh.fr/actualite/adoption-de-lavis-sur-la-lutte-contre-la-haine-en-ligne-2021-9">Comission nationale consultative des droits de l’homme</a> (CNCDH), des <a href="https://www.eff.org/fr/interoperablefacebook">journalistes</a> ou des <a href="https://www.journalofdemocracy.org/articles/making-the-internet-safe-for-democracy/">chercheurs</a>. Ainsi, il s’agit non plus seulement de forcer la plate-forme à accentuer tel ou tel paramètre de leur algorithme mais de contester le fait que la recommandation soit le seul fait de la plate-forme.</p>
<p>Pour justifier ce principe, nous pouvons nous demander si une fois une taille critique et une certaine concentration du marché atteintes, il est bien légitime de laisser uniquement à des entreprises privées le soin de décider ce qui doit être vu ou ce qui doit être invisibilisé dans l’espace médiatique numérique. Quand bien même certains d’entre nous souhaiteraient s’abandonner aux algorithmes de TikTok ou de Twitter, pourquoi tout un chacun devrait-il s’y plier ? Est-ce à un acteur unique de déterminer les critères en fonction desquels les contenus apparaissent ou disparaissent de nos écrans ?</p>
<h2>Reconnaître les réseaux sociaux comme des espaces publics</h2>
<p>La chose doit encore être affirmée : oui les réseaux sociaux dominants sont des espaces publics. Ce ne sont plus seulement des cafés que l’on est libre ou non de fréquenter. L’analogie ne fonctionne plus. Ils ont un impact structurant sur nos sociétés, que l’on y soit ou non.</p>
<p>De plus, si tout le monde peut virtuellement s’exprimer sur les réseaux, ceux qui auront le plus de vues sont ceux qui joueront les codes du réseau et sponsoriseront leurs comptes ou publications. Ce qui laisse sur le bas-côté ceux qui ne peuvent pas ou refusent de jouer à ce jeu malsain de la mésestime de soi, des autres et du clash constant.</p>
<p>La prétendue liberté d’expression masque le sévère contrôle qui s’exerce sur la recommandation et la hiérarchie qu’elle recèle : l’apparence d’horizontalité (celle de tous les usagers exprimant leurs opinions ou leurs avis publiquement) masque une extrême verticalité (celle des entreprises décidant des critères de ce qui sera vu ou non).</p>
<p>Pour restaurer les libertés d’expression et de pensée, il nous faut donc décorréler l’intérêt du réseau social à voir promu tel ou tel contenu et l’intérêt social ou personnel à s’informer ou échanger sur tel ou tel sujet.</p>
<h2>Œuvrer pour des infrastructures numériques démocratiques</h2>
<p>Cela n’est désormais plus une seule affaire d’imagination ou de prospective. Regardons <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bluesky_Social">Bluesky</a> (le réseau social alternatif créé par Jack Dorsey, l’un des fondateurs de Twitter) ou Mastodon : les flux algorithmiques y sont à la main des utilisateurs.</p>
<p>Sur Bluesky, les utilisateurs les plus chevronnés, des médias ou autres tiers de confiance peuvent proposer à l’ensemble des utilisateurs des algorithmes de leur cru. Et le choix est particulièrement simple à opérer pour un effet immédiat. Sur Mastodon, le classement chronologique reste la clef d’entrée vers les contenus publiés, mais le principe même du logiciel libre permet à l’administrateur comme à l’utilisateur de développer les fonctionnalités de curation de contenus qu’il souhaite. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit savoir coder, mais que nous pouvons avoir le choix entre de nombreux algorithmes, paramètres ou critères de recommandations qui ne sont pas seulement le fait de la plate-forme.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cinwk2b17m0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment bien débuter sur Mastodon, le réseau social qui attire les déçus de Twitter (BFMTV).</span></figcaption>
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<p>Regardons aussi des projets comme <a href="https://tournesol.app/">Tournesol</a> : cette plate-forme de recommandation collaborative de contenus permet à de nombreux citoyens de participer en évaluant les contenus en fonction de leur utilité publique (et non en fonction d’intérêts privés ou d’agendas politiques déterminés). Grâce à de telles initiatives, il devient possible de découvrir des vidéos pertinentes et pédagogiques que des réseaux sociaux dominants ou une plate-forme comme YouTube n’auraient probablement pas recommandées.</p>
<p>Toutes ces initiatives nous montrent qu’il est possible d’œuvrer pour des infrastructures numériques démocratiques. Nous ne sommes qu’à un pas politique de les valoriser. Et entendons-nous bien, l’objectif n’est pas de nous anesthésier en empêchant le désaccord. Bien au contraire ! Le but est de vivifier la démocratie et renforcer l’intelligence collective en exploitant tout le potentiel des réseaux sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Nous ne pouvons pas uniquement nous en remettre à la bonne volonté des réseaux sociaux dominants tant que leur modèle demeure fondé sur la captation de l’attention.Anne Alombert, Chercheuse associée à l'IRePh (Institut de Recherches Philosophiques), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresJean Cattan, Secrétaire général du Conseil national du numérique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188762023-12-25T20:23:45Z2023-12-25T20:23:45ZLa guerre de l’information tous azimuts de la Russie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567164/original/file-20231221-25-uac9ue.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C11%2C1862%2C989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d’écran provenant de l’un des dessins animés produits par la CMP Wagner à destination des pays africains. On voit ici un combattant de Wagner, avec sur la manche un chevron de la CMP et le drapeau russe, voler au secours d’un soldat malien qui défend son pays face à une agression militaire française.
</span> </figcaption></figure><p>Dans sa <a href="https://www.sgdsn.gouv.fr/publications/revue-nationale-strategique-2022">Revue nationale stratégique (RNS) de 2022</a>, la France a porté l’influence <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=23071">au rang de priorité stratégique</a>. La précédente RNS, <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/2017-revue_strategique_dsn_cle4b3beb.pdf">publiée en 2017</a>, avait déjà été révisée en 2021 afin de préciser les priorités stratégiques françaises à l’horizon de 2030 ; mais les tensions observées en 2022 ont poussé à sa révision anticipée.</p>
<p>L’influence est un sujet majeur des relations internationales. Les acteurs étatiques et privés en ont douloureusement pris conscience avec le début de la guerre dans le Donbass en 2014, puis avec l’affaire <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Le-scandale-Cambridge-Analytica-raconte-linterieur-2020-03-09-1201082963">Cambridge Analytica en 2016</a>. Depuis, la prégnance de cette thématique n’a fait que croître, et elle est devenue incontournable avec la guerre de l’information observée dès l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la sphère informationnelle y étant un <a href="https://theconversation.com/ukraine-la-guerre-se-joue-egalement-dans-le-cyberespace-178846">enjeu de conflictualité significatif</a>.</p>
<p>Marquée par <a href="https://theconversation.com/la-russie-est-elle-vraiment-en-train-de-perdre-la-guerre-de-la-communication-contre-lukraine-183761">différentes étapes</a>, cette guerre de la communication a comporté des <a href="https://theconversation.com/face-a-la-contre-offensive-ukrainienne-la-russie-hesite-sur-la-communication-a-adopter-190622">phases d’hésitation dans la gestion de la rhétorique russe</a> lorsque, au cours de l’été 2022, l’Ukraine gagnait du terrain lors de sa contre-offensive. Moscou a ensuite adapté son discours de façon à survaloriser la portée de victoires de moyenne importance, par exemple <a href="https://theconversation.com/la-bataille-de-soledar-lecons-militaires-et-communicationnelles-198422">lors de la prise de Soledar</a> en janvier 2023.</p>
<p>Enfin, alors que le Kremlin doit gérer une invasion de l’Ukraine plus longue et plus délicate que prévu, son action informationnelle s’étend à d’autres théâtres et domaines pour affaiblir les alliés de Kiev. Pour autant, ces opérations ne sont pas toujours couronnées de succès, comme l’a montré, par exemple, le récent épisode de la peinture au pochoir d’étoiles de David sur les murs de Paris, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/07/pochoirs-d-etoiles-de-david-a-paris-la-piste-d-une-operation-d-ingerence-russe-privilegiee_6198775_3224.html">imputée à la Russie</a>. Rapidement détectée par le <a href="https://www.sgdsn.gouv.fr/notre-organisation/composantes/service-de-vigilance-et-protection-contre-les-ingerences-numeriques">Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum)</a>, l’opération n’a pas eu les conséquences sans doute souhaitées par ses organisateurs.</p>
<h2>L’Occident, une cible de plus en plus cruciale au fil du temps</h2>
<p>Si, au début du conflit, la Russie a davantage axé ses efforts d’influence sur le continent africain et le Moyen-Orient que sur les Occidentaux, l’inscription du conflit dans la durée a infléchi cette orientation. En effet, Moscou parie sur l’usure des soutiens de l’Ukraine et sur leurs divisions que pourraient alimenter des tensions sociales internes, des agendas politiques propres ou des intérêts divergents. L’Ukraine restant profondément dépendante de l’appui occidental, notamment en matière d’armement, tout événement de nature à fragiliser ce soutien aura une importance majeure sur la poursuite du conflit.</p>
<p>En ce sens, l’opération <a href="https://theconversation.com/operation-doppelganger-quand-la-desinformation-russe-vise-la-france-et-dautres-pays-europeens-208071">Dôppelganger</a>, si elle n’était pas originale sur le fond, a revêtu une ampleur inédite. Rappelons que la Russie a, dans ce cadre, créé des « clones » de nombreux journaux occidentaux afin d’y diffuser des contenus visant à nuire à la réputation de l’Ukraine, voire à diviser les Européens. La campagne Dôppelganger a été accompagnée d’un intéressant dispositif de suivi destiné à évaluer la pénétration de cette opération au sein des populations et à mesurer l’effet réel de la campagne.</p>
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<p>Cette opération avait duré plusieurs mois mais avant d’être officiellement démasquée à l’été 2023. Pour autant, la révélation de l’existence du projet Dôppelganger n’a pas mis un terme aux opérations informationnelles, qui sont la trame de la <a href="https://www.rfi.fr/fr/france/20230929-guerre-cognitive-le-cerveau-nouveau-champ-de-bataille">guerre cognitive</a> à laquelle nous assistons actuellement. Plus récemment, alors que l’attaque du Hamas du 7 octobre a profondément <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/11/le-hamas-fait-tout-pour-attirer-israel-dans-le-piege-d-une-operation-terrestre_6193806_3232.html">déstabilisé le Moyen-Orient</a> et que les Occidentaux craignent que l’onde de choc de cette explosion de violence ne se traduise par des troubles sur leurs territoires, une nouvelle opération a été identifiée.</p>
<p>C’est Viginum qui, en tirant la sonnette d’alarme, a permis à l’État français de <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/russie/evenements/evenements-de-l-annee-2023/article/russie-nouvelle-ingerence-numerique-russe-contre-la-france-09-11-23">mettre officiellement en cause le site « Recent Reliable News » (RNN)</a> pour avoir sciemment amplifié sur la toile l’impact des images d’étoiles de David taguées dans le X<sup>e</sup> arrondissement de Paris.</p>
<p>Outre le millier de bots employés pour relayer l’information au travers de quelque 2 600 tweets, les <a href="https://www.lejdd.fr/societe/etoiles-de-david-taguees-paris-le-couple-interpelle-en-flagrant-delit-ete-renvoye-en-moldavie-139642">ressortissants moldaves</a> interpellés en flagrant délit fin octobre ont indiqué avoir agi moyennant rémunération. Par ailleurs, les enquêteurs sont remontés jusqu’à un <a href="https://www.bfmtv.com/police-justice/etoiles-de-david-taguees-a-paris-le-commanditaire-presume-choque-par-les-accusations-d-antisemitisme_AV-202311100167.html">personnage trouble</a>, connu pour ses anciennes accointances pro-russes en Moldavie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1720333601391124855"}"></div></p>
<p>L’action tentait de capitaliser sur une crise existante et sur un contexte social tendu, marqué par <a href="https://www.la-croix.com/france/Actes-antisemites-France-justice-elle-moyens-sanctionner-2023-11-02-1201289161">l’augmentation des agressions physiques contre des personnes juives</a>, afin d’en tirer profit en termes d’influence et de guerre cognitive.</p>
<h2>La démultiplication des zones de crises</h2>
<p>Cette instrumentalisation de contextes perturbés dans le but de les exacerber et d’en tirer profit pour la Russie est une méthode qui a été souvent employée, y compris assez récemment sur le continent africain, nouveau théâtre de confrontation avec l’Occident, et spécialement avec la France. Des versions africaines des médias <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-medias-influence-rt-sputnik-afrique-nouveau-rideau-de-fer">Sputnik et RT</a> ont été lancées dès 2014, et on a également constaté, dès 2018, la présence de groupes de mercenaires, comme Wagner, <a href="https://www.irsem.fr/media/report-irsem-97-russia-mali-en.pdf">notamment au Soudan et en République centrafricaine (RCA)</a>.</p>
<p>Dans le même sens, ont fait leur apparition des films produits par des agences de la constellation Prigojine comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210603-centrafrique-touriste-une-fiction-au-service-de-la-propagande-russe">« <em>Le Touriste</em> »</a> ou « <em>Granit</em> », produits par la <a href="https://www.areion24.news/2022/06/10/le-geant-endormi-lessor-du-cinema-comme-instrument-de-soft-power-russe/6/">société Aurum</a>.</p>
<p>Plus récemment encore, des dessins animés présentant la France et ses forces armées tour à tour comme des serpents, des rats ou des zombies ont déferlé sur l’Afrique de l’Ouest, et plusieurs pseudo-fondations et ONG ont repris des dialectiques servant les intérêts russes.</p>
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<p>En outre, après que le président Bazoum au Niger, considéré comme proche de la France, a été <a href="https://theconversation.com/niger-le-putsch-de-trop-211846">renversé par un coup d’État militaire</a> rapidement soutenu par la sphère informationnelle rattachée à la Russie, l’armée française a été <a href="https://www.tf1info.fr/international/niger-une-campagne-de-desinformation-menee-par-moscou-accuse-l-armee-francaise-d-avoir-enleve-des-enfants-enlevements-2266282.html">accusée d’avoir enlevé des enfants dans ce pays dans le cadre d’un trafic pédophile</a>. Ces contenus, diffusés par une « fondation de défense des droits de l’homme » <a href="https://fondfbr.ru/fr/articles_fr/france-niger-minors-fr/">connue pour être une officine de désinformation rattachée à la Russie</a> et pour avoir gravité dans la mouvance d’Evguéni Prigojine, seront repris par Dimitri Poliansky, représentant permanent de la Russie auprès des Nations unies <a href="https://archive.ph/ZsFZP">sur son compte Telegram</a>.</p>
<h2>La psychologie humaine, un champ de bataille parmi d’autres</h2>
<p>La guerre cognitive peut être définie comme la militarisation de tous les aspects de la société, y compris de la psychologie humaine et des relations sociales, afin de modifier les convictions des individus et, in fine, leur façon d’agir.</p>
<p>Ce thème, et le concept qui le sous-tend, sont pris au sérieux au point d’avoir été le sujet du défi d’innovation de l’OTAN de l’automne 2021, organisé par le Canada cet automne-là, qui s’intitulait <a href="https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/campagnes/defi-d-innovation-de-l-otan-automne-2021.html">« La menace invisible : Des outils pour lutter contre la guerre cognitive »</a>.</p>
<p>Dans le cas présent, la démultiplication des crises peut, en tant que telle, représenter une forme de « stress test » visant à mesurer la capacité des Occidentaux à gérer une pluralité de désordres. En outre, le continent africain est un enjeu d’autant plus important pour la Russie que les sanctions européennes consécutives à l’invasion de l’Ukraine poussent le Kremlin à diversifier ses sources de financement, par exemple en recourant à des sociétés militaires privées afin de capter des fonds et des matières premières pour concourir au soutien d’une économie russe contrainte d’assumer l’effort de sa guerre contre l’Ukraine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En de nombreux points du globe, la Russie mène de nombreuses opérations informationnelles visant à affaiblir les alliés de l’Ukraine.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197312023-12-18T19:02:52Z2023-12-18T19:02:52ZBienvenue dans l’ère de la haute pâtisserie<p>La pâtisserie, douceur réconfortante et régressive aux effluves d’enfance, c’est ce « péché mignon », qui n’a pas vocation à nous nourrir mais à faire plaisir. En ces temps de morosité et d’inquiétude, le gâteau promet une parenthèse de légèreté.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/la-revanche-sucree-des-patissiers-216546">La pâtisserie française, forte de trois siècles de tradition et de pratiques</a>, est devenue une référence mondiale, maîtrisée par des artisans d’excellence. Elle a même accédé ces dernières années au statut de produit de luxe. Mais un luxe qui reste abordable comparé au coût d’un dîner dans un restaurant étoilé, un plaisir accessible. En quelques années seulement, la pâtisserie française a atteint un niveau esthétique et gustatif de plus en plus raffiné, à tel point que l’on parle de « haute pâtisserie » comme on parle de haute couture. Mais quels en sont les codes, les origines, et comment s’explique le succès de ces pâtisseries d’exception ?</p>
<h2>Pierre Hermé, inventeur du concept de haute pâtisserie</h2>
<p><a href="https://podcasts.apple.com/fr/podcast/lenvers-du-dessert/id1513906733?i=1000535398502">Pierre Hermé</a> a été le premier pâtissier en France à s’associer, dès 1993, à l’architecte designer <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yan_Pennor%27s">Yan Pennor’s</a>, auquel il demande une forme simple et spectaculaire pour son gâteau au chocolat au lait. C’est ainsi que naît l’emblématique « cerise sur le gâteau ».</p>
<iframe src="https://www.facebook.com/plugins/post.php?href=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2Fpierre.herme.paris%2Fposts%2Fpfbid0ocLDWseCHvVLoQzZMYJMpYZiMhTB2ZNUcWXnNt2fFyYMxZjMeFDCTSr99EHovC7Fl&show_text=true&width=500" width="100%" height="687" style="border:none;overflow:hidden" scrolling="no" frameborder="0" allowfullscreen="true" allow="autoplay; clipboard-write; encrypted-media; picture-in-picture; web-share"></iframe>
<p>En 1997, il fonde avec l’ancien publicitaire et expert en communication Charles Znaty ce qui deviendra le groupe <em>Pierre Hermé Paris</em>. Leur idée est alors de créer une marque de luxe dans le domaine de la pâtisserie, où cela n’existe pas. A l’époque, personne ne croit en ce concept. C’est ainsi que celui qui, au départ, n’aimait pas les macarons va en faire son produit phare. Il le réinvente, moins sucré, introduit de nouveaux goûts, souvent de saison, associe des textures et des saveurs très originales pour l’époque, par exemple le mariage de la framboise et du litchi avec des pétales de roses dans son désormais iconique <em>Ispahan</em>, travaille sur les doubles garnitures, sur les inclusions comme le chocolat à la fleur de sel, et crée ainsi, année après année, de nouvelles associations.</p>
<p>Pour celui que le magazine <em>Vogue</em> a surnommé « le Picasso de la pâtisserie » et qui est aujourd’hui l’un des plus reconnus de sa profession, y compris à l’étranger, le goût est essentiel. Il a ainsi simplifié l’apparence des gâteaux, enlevé tous les décors inutiles afin de se concentrer sur les émotions procurées par les saveurs et les textures.</p>
<p>Pierre Hermé a ainsi révolutionné la pâtisserie en modifiant ses codes et en y transposant ceux de la mode. C’est à lui que l’on doit les termes de collection, de ligne, de lancement. Il est <a href="https://youtu.be/1qVKuqyhO3w?si=68RKMYAqyjjjHJ2F">l’inventeur du concept de « haute pâtisserie »</a>, repris depuis par de nombreux chefs pâtissiers, de Christophe Michalak à Cyril Lignac jusqu’à Yann Couvreur et Nina Métayer. Or ce concept repose sur des codes très précis.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/C0Tycg0izrn/?img_index=1","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Produits de qualité, esthétique et service</h2>
<p>Si les premiers éléments déjà évoqués sont la créativité dans les goûts, les formes et les textures, en haute pâtisserie la qualité des produits est désormais primordiale. En effet, face à des consommateurs de plus en plus avertis et <a href="https://www.lemonde.fr/m-gastronomie/article/2016/10/14/les-dessous-de-la-patisserie-de-luxe_5013853_4497540.html">demandeur de transparence dans un secteur qui ne l’était pas toujours</a> (concernant la quantité de sucre, de gras, de colorants), les pâtissiers mettent davantage en lumière la provenance de leurs matières premières et les ingrédients qu’ils utilisent. Nina Métayer explique ainsi qu’elle connaît l’origine de sa farine et de son beurre ainsi que les artisans avec lesquels elle travaille, tandis que Jessica Préalpato précise qu’elle évite au maximum la crème, le beurre, les mousses et le sucre afin de proposer des produits de saison travaillés dans leur totalité, de la façon la plus brute possible.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/Cz-pjpcBoOs/?utm_source=ig_web_copy_link\u0026igshid=MzRlODBiNWFlZA==","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ensuite, l’esthétique est un élément clé, car la pâtisserie se déguste d’abord avec les yeux. L’environnement dans lequel les gâteaux sont proposés joue donc un rôle essentiel. C’est ainsi que dans des boutiques, qui peuvent vendre simplement un monoproduit comme c’est le cas avec les <em>Eclairs de Génie</em> de Christophe Adam, le minimalisme règne, aussi bien en termes de design que de couleurs. Peu de produits sont présentés, parfois sous des cloches en verre, tels de véritables bijoux à déguster, par exemple à la <em>Pâtisserie des rêves</em> de Philippe Conticini.</p>
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<p>Une fois ces petits bijoux choisis, ils sont disposés dans des emballages sublimes – semblables à des écrins – qui ont souvent été imaginées par des artistes. Cet emballage-écrin fait partie intégrante de l’expérience haut de gamme. C’est un canal de communication à part entière et il est même souvent le support d’une image de marque clairement identifiable, par exemple le renard de Yann Couvreur. Enfin, la haute pâtisserie implique aussi un service de qualité. Comme dans toutes les boutiques de luxe, les vendeurs se doivent d’être aux petits soins pour leurs clients.</p>
<h2>La haute pâtisserie 2.0</h2>
<p>Depuis l’avènement des réseaux sociaux, la haute pâtisserie, si séduisante visuellement, est visible partout sur le web. Les représentants de la nouvelle génération de pâtissiers de luxe (parmi lesquels on retrouve Cédric Grolet, François Perret, <a href="https://www.instagram.com/amauryguichon/">Amaury Guichon</a>, <a href="https://www.instagram.com/ninametayer/">Nina Métayer</a> ou Jessica Préalpato) ont intégré dès leurs débuts ces nouveaux codes et offrent une signature travaillée, un « storytelling », une mise en scène de leur travail ou de leur vie personnelle.</p>
<p>Avec Instagram en particulier, créer un nouveau bijou sucré signifie songer à son nom, sa photogénie, son pouvoir de séduction. La communication digitale apporte ainsi une formidable visibilité, et est devenue un atout de croissance fondamental, car elle permet de fidéliser la clientèle et d’atteindre de nouveaux publics.</p>
<h2>Les limites ont-elles été dépassée ?</h2>
<p>La pâtisserie de luxe n’a jamais autant été mise en avant qu’aujourd’hui. Et pourtant l’offre reste très parisienne, malgré une renommée mondiale. Pour déguster ces petits bijoux, les clients venus du monde entier sont prêts à patienter dans de longues files d’attente et à y mettre le prix (une bûche signature d’un grand chef pâtissier coûte entre 90 et 200 euros).</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/loopsider/reel/C0TbT6cgprR","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Mais cet univers est aussi devenu très concurrentiel et pour se démarquer il faut parfois <a href="https://theconversation.com/faire-le-mauvais-buzz-sur-les-reseaux-sociaux-ca-vous-tente-voici-comment-214317">« faire le buzz »</a> sur les réseaux sociaux. Au point même de provoquer, de créer un sentiment de rejet plutôt qu’une attirance visuelle. C’est le sujet de la polémique qui a eu lieu suite aux photos de la dernière bûche de Noël du très <a href="https://youtu.be/L9nj1s-VbUY?si=wXMEcdC7f0clb-WR">célèbre chef pâtissier Cédric Grolet</a>, vendue au prix de 95 euros. Nommée « Bonhomme des neiges » cette bûche été moquée pour son aspect assez basic, très éloignée de ses gâteaux raffinés en trompe-l’œil qui ont fait la renommée du grand pâtissier. La surmédiatisation de la pâtisserie de luxe ne risque-t-elle pas, à terme, de lui faire du tort et de la détourner de ses intentions premières ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219731/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pâtisserie française, forte de trois siècles de tradition et de pratiques, a accédé ces dernières années au statut de produit de luxe, et créé de nouveaux codes.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175782023-12-06T17:45:34Z2023-12-06T17:45:34ZDe Twitter à X : un an après, les suprémacistes blancs sont-ils de retour ?<p>Le 28 octobre 2022, un jour seulement après avoir fait l’acquisition de Twitter, Elon Musk publie un message qui résume à lui seul sa vision pour le futur de la compagnie : « L’oiseau est libéré ».</p>
<p>Le bleu symbolique, partagé par les premiers réseaux sociaux, cède rapidement sa place au <a href="https://theconversation.com/desinformation-et-souverainete-des-continents-virtuels-de-linternet-113523">X noir du dark web</a> lorsque la X Corp., filiale de X Holdings Corp. et détenue par Elon Musk, prend le contrôle de Twitter. Dans la foulée, le milliardaire annonce la <a href="https://www.platformer.news/p/why-some-tech-ceos-are-rooting-for">restauration de 62 000 comptes préalablement suspendus</a>, y compris, ce qui fera les gros titres, de celui de Donald Trump.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/twitter-2-0-le-populisme-assume-delon-musk-195476">Twitter 2.0 : le populisme assumé d’Elon Musk</a>
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<p>De fait, le magnat de la technologie énonce clairement son dessein : métamorphoser Twitter en une plate-forme où la liberté de parole se rapprocherait de l’absolu. Il se place ainsi en <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/14/twitter-supprime-une-grande-partie-de-ses-capacites-de-moderation_6149773_4408996.html">rupture radicale</a> avec les dispositifs de modération encouragés par le <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/10/27/facebook-twitter-et-google-devant-le-senat-americain-pour-repondre-de-leur-responsabilite-sur-les-contenus-publies_6057588_4408996.html">Congrès états-unien</a> pour tenter de contenir les discours haineux et de contrer l’épidémie de désinformation.</p>
<p>Cette nouvelle orientation engendre des réactions polarisées aux États-Unis. Certains craignent une montée de l’extrémisme, en particulier des mouvements suprémacistes, en raison de la possibilité de voir se propager et normaliser des <a href="https://www.tf1info.fr/international/elon-musk-accuse-de-faire-une-promotion-abjecte-de-l-antisemitisme-sur-x-twitter-par-la-maison-blanche-2276594.html">contenus à caractère raciste et antisémite</a>. Parallèlement, de nombreuses voix s’élèvent sur Twitter pour réclamer le rétablissement des comptes de leaders nationalistes blancs qui aspirent à retrouver leur place sur la plate-forme, appels manifestés par des interpellations directes faites à Musk.</p>
<p>Un peu plus d’un an plus tard, alors que, à l’occasion de l’anniversaire de son rachat, Musk a retweeté son message initial en l’agrémentant du mot « Freedom », quelle est la situation effective des comptes nationalistes blancs sur le réseau social, et quelles sont les implications prévisibles pour l’évolution de l’extrémisme dans le discours public ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1717917213301055508"}"></div></p>
<h2>La suspension persistante des leaders nationalistes blancs</h2>
<p>Les équipes de X ont procédé à une première vague de restaurations des comptes suspendus <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/24/elon-musk-annonce-le-retablissement-des-comptes-suspendus-sur-twitter_6151502_4408996.html">à partir de novembre 2022</a>.</p>
<p>Parmi les comptes dont le retour était le plus craint se trouvent ceux de leaders nationalistes blancs suspendus de 2017 à 2021, lors de vagues de <a href="https://dictionary.cambridge.org/fr/dictionnaire/anglais/deplatform">déplatforming</a> consécutives aux <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/aux-etats-unis-les-reseaux-sociaux-mobilises-contre-les-extremistes-blancs_115584">événements de Charlottesville</a> puis à <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/direct-violences-au-capitole-twitter-suspend-le-compte-de-donald-trump-de-facon-permanente_4250747.html">l’assaut du Capitole</a>.</p>
<p>Avaient alors été suspendus les comptes de personnalités notoires comme la figure emblématique du Ku Klux Klan, <a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/twitter/twitter-suspend-le-compte-de-david-duke-l-ancien-chef-du-ku-klux-klan_4063395.html">David Duke</a>. La mesure avait également concerné des individus moins médiatisés mais tout aussi importants, tels le théoricien du « réalisme racial » <a href="https://www.cnet.com/culture/white-nationalist-jared-taylor-american-renaissance-sues-twitter-for-account-suspension/">Jared Taylor</a>, fondateur du site suprémaciste blanc <a href="https://www.amren.com/">American Renaissance</a>, ou encore <a href="https://academic.oup.com/book/25370/chapter-abstract/192454202?redirectedFrom=fulltext">Greg Johnson</a>, éditeur du magazine nationaliste blanc <a href="https://counter-currents.com/">Counter-Currents</a>.</p>
<p>Contre toute attente, même avec l’arrivée de Musk, ces comptes sont demeurés inaccessibles. Ayant en commun la promotion organisée d’un État racial aux États-Unis, basé sur une identité blanche homogène, leurs contenus sont restés en contradiction avec les nouvelles règles de sécurité de la plate-forme X, qui interdisent les <a href="https://help.twitter.com/en/rules-and-policies/x-rules">associations avec les entités violentes ou haineuses</a>. D’autres comptes clés ont ainsi été désactivés par les équipes d’Elon Musk, comme celui du psychologue antisémite et nationaliste blanc <a href="https://www.splcenter.org/fighting-hate/extremist-files/individual/kevin-macdonald">Kevin MacDonald</a> en avril 2023.</p>
<p>Si l’absence persistante de ces leaders prive un mouvement fragmenté de points de convergence idéologique, cela ne signifie pas pour autant que le racialisme anti-démocratique est absent de la plate-forme. De nombreux comptes de personnalités secondaires, déjà présents sur Twitter, sont parvenus à passer entre les mailles du filet des nouvelles règles de X et à exploiter la situation pour s’établir comme les nouvelles voix à suivre.</p>
<p>En outre, X a procédé à une deuxième vague de restaurations en janvier 2023. Sans rétablir les théoriciens du racialisme, des groupes que l’on peut qualifier d’adjacents au nationalisme blanc tels que les <a href="https://www.isdglobal.org/explainers/groypers/">Groypers de Nick Fuentes</a> ont ainsi tenté de réinvestir la plate-forme.</p>
<h2>Le dark web intellectuel ou l’authentique X de droite</h2>
<p>Le Twitter de Musk tend à ouvrir ses portes à une ligne essentialisante de <a href="https://intellectualdarkweb.site/">l’Intellectual dark web</a>, ensemble hétéroclite de personnalités médiatiques revendiquant leurs qualifications académiques pour se définir comme penseurs. Leur idéologie commune s’appuie néanmoins sur une conception biologique des genres, cristallisant des rôles traditionalistes qui confinent l’homme à une puissance masculine productive, tout en assignant à la femme une féminité délicate et protectrice du foyer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1604080906746355719"}"></div></p>
<p>Le compte de l’influenceur Stefan Molyneux, qui a fait partie de la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/08/16/etats-unis-qu-est-ce-que-l-alt-right-et-le-supremacisme-blanc_5173096_4355770.html">mouvance alt-right</a>, est l’un de ceux qui ont été rétablis dès novembre 2022. Suivi par plusieurs centaines de milliers d’abonnés, il est connu pour ses prises de position libertariennes au sein des sphères de la <a href="https://unherd.com/2021/12/why-the-right-is-obsessed-with-masculinity/">« manosphère »</a>. Cette manosphère est une version particulièrement réactionnaire du masculinisme, largement caractérisée par une hostilité militante à l’encontre de tout ce qui relève, aux yeux de ses membres, du wokisme. Cette tendance idéologique a été confortée par la <a href="https://www.tvqc.com/2022/11/19/news/video/twitter-jordan-peterson-remercie-elon-musk-davoir-reactive-son-compte/">réactivation des comptes de Jordan B. Peterson</a> et de <a href="https://www.louderwithcrowder.com/james-lindsay-exclusive-part-one">James Lindsay</a>, deux figures controversées de ce mouvement.</p>
<p>La manosphère tend en outre à servir de porte d’entrée à d’autres groupes adjacents au nationalisme blanc. La synthèse identitaire est incarnée par le retour sur X de Bronze Age Pervert – dit « BAP » par ses followers – pseudonyme provocateur du philosophe roumano-américain <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2023/09/bronze-age-pervert-costin-alamariu/674762/">Costin Alamariu</a>. Son marketing repose sur une hiérarchie sexuelle explicite dominée par des mâles alpha amateurs de séductions éphémères. Il y rajoute également l’ambiguïté d’amitiés viriles marquées par une esthétique guerrière.</p>
<p>Depuis le feu vert offert par Elon Musk, le contenu proposé par « BAP » rencontre un public croissant qui dépasse désormais les 130 000 fidèles, soit une augmentation de deux tiers en un an. Sa présence a permis de rendre sa structure pyramidale à un mouvement qui se désigne couramment comme l’authentique Twitter de Droite (Right-Wing Twitter). Elle favorise en outre un glissement du libertarianisme anti-woke vers le néofascisme.</p>
<p>En effet, BAP n’est pas si différent des comptes nationalistes blancs pourtant inaccessibles sur X. <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2023/07/16/bronze-age-pervert-masculinity-00105427">Promoteur décomplexé d’un projet antidémocratique</a>, il souscrit à une philosophie néo-nietzschéenne qui oppose sa notion élitiste de la fraternité à des groupes ethniques qu’il décrit comme de simples « ferments ». Les rapports sociaux sont essentialisés à leur paroxysme : ils ne sont plus euphémisés, mais sublimés par l’illusion d’appartenir à une communauté basée sur la célébration d’une force qui se réalise dans la seule domination d’autrui.</p>
<h2>Vers une même cohérence politique masculiniste anti-woke, la mouvance NatCon</h2>
<p>Il peut de prime abord sembler paradoxal de refuser, comme le fait actuellement Twitter-X, la présence de comptes explicitement racialistes ou antisémites tout en admettant la présence et la croissance d’un réseau néofasciste adjacent. Plusieurs explications sont envisageables.</p>
<p>D’un point de vue sémiotique, cette faction de la droite extrême a développé ses propres codes de langage qui lui permettent de contourner les algorithmes de recommandation. Au niveau thématique, les discours masculinistes, qui se positionnent contre les théories du genre, semblent <a href="https://www.europe1.fr/people/elon-musk-une-biographie-depeint-les-obsessions-et-les-methodes-brutales-du-milliardaire-4203220">rencontrer les faveurs d’Elon Musk</a>. Celui-ci a en effet exprimé sans détour son opposition au « virus woke » quand il a rétabli le <a href="https://www.foxnews.com/media/the-babylon-bees-twitter-account-reinstated-elon-musk-suspension-transgender-joke-back">compte satirique Babylon Bee</a>. Enfin, les influenceurs de la droite extrême réadmis sur la plate-forme répondent à une cohérence idéologique qui tend à étayer un projet politique convergent.</p>
<p>En effet, ces acteurs gravitent autour de la mouvance NatCon, un <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2019/07/national-conservatism-conference/594202/">conservatisme nationaliste</a> rassemblant diverses branches politiques illibérales, <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2019/07/national-conservatism-conference/594202/">sous la houlette de Yoram Hazony</a>. Alors qu’il ne peut être catégorisé comme conservateur nationaliste, BAP a <a href="https://newrepublic.com/article/174656/claremont-institute-think-tank-trump">bénéficié dès 2019 du relais du Claremont Institute</a>, un think tank étroitement associé au réseau NatCon, pour la <a href="https://claremontreviewofbooks.com/are-the-kids-altright/">promotion de son ouvrage _Bronze Age Mindset</a>_.</p>
<p>Cette inclusion dans une organisation clé du conservatisme national établit un lien vers le <a href="https://reason.com/2020/08/02/wait-wasnt-peter-thiel-a-libertarian">libertaire Peter Thiel</a>, fondateur de Palantir, co-fondateur de Paypal et ancien associé d’Elon Musk, devenu l’un des principaux influenceurs du mouvement. La relation entre un magnat de la Silicon Valley et un philosophe masculiniste peut sembler ténue. Pourtant, Thiel est un important donateur du Parti républicain et n’a jamais caché son adhésion à une idéologie antidémocratique proche de la <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/28/opinion/marc-andreessen-manifesto-techno-optimism.html">pensée néo-réactionnaire de Curtis Yarvin</a>. Bénéficiant d’importants soutiens, le BAPtisme se situe à l’extrême du <a href="https://www.vanityfair.com/news/2022/04/inside-the-new-right-where-peter-thiel-is-placing-his-biggest-bets">continuum promouvant une « Nouvelle Droite »</a>. Cette New Right est une actualisation de la faction non racialiste de l’alt-right qui tente de gagner en prépondérance en utilisant la plate-forme X.</p>
<p>La question du nationalisme blanc peut donc se poser en termes stratégiques. Malgré une proximité idéologique, le refus des organisateurs des conférences NatCon d’accepter la présence des leaders du mouvement est justifié par le <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/rosiegray/national-conservatism-trump">souci de ne pas voir leur image liée à une mouvance aussi ouvertement extrême</a>. L’association avec ce qui est étiqueté « nationalisme blanc » est considérée comme dommageable à l’attraction d’une audience large et diversifiée. La mise en scène de son rejet permet au contraire de rassurer et de renforcer la respectabilité du NatCon.</p>
<p>Dans les salles de conférence comme sur X, le NatCon semble avoir entrepris de reconstruire un mouvement sur la base de nouveaux codes et de nouvelles figures. Ce sont ces choix qui détermineront si le projet antidémocratique peut être perçu comme acceptable par le plus grand nombre. Et si l’extrémisme masculiniste peut devenir la norme politique du Parti républicain. En 2022 déjà, le républicain Blake Masters, candidat malheureux à la fonction de Sénateur de l’Arizona, a su rassembler le soutien de la droite dure grâce à un programme à la fois traditionaliste et protectionniste.</p>
<p>L’oiseau Twitter est peut-être libéré, mais le X se montre sélectif. Un an après la prise de contrôle du réseau social par Elon Musk, il apparaît que les craintes sur la montée en puissance du nationalisme blanc ont plus que jamais besoin d’être contextualisées et rationalisées. L’étude des comptes influents effectivement actifs montre que les termes du débat risquent de passer de l’alt-right à la New Right. À l’approche des élections de 2024, ce cadre sera d’une grande importance pour analyser la résurgence de toutes les formes de suprémacisme aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217578/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Après la prise de contrôle de Twitter par Elon Musk en octobre 2022, beaucoup s’inquiètent de la réapparition des comptes nationalistes qui avaient été suspendus auparavant.Sarah Rodriguez-Louette, Doctorante à l’Université Sorbonne Nouvelle, membre de la Chaire Unesco « Savoir Devenir à l'ère du développement numérique durable»., Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 Divina Frau-Meigs, Professeur des sciences de l'information et de la communication, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2168512023-11-29T17:20:49Z2023-11-29T17:20:49ZUkraine : la bataille des opinions publiques dans la guerre de l’information<p>Si l’information, devenue un terrain de confrontation amplifié et magnifié par sa diffusion digitale, a désormais atteint la conscience d’une grande partie des publics occidentaux, la bataille pour l’opinion desdits publics demeure insuffisamment étudiée. Or c’est à partir de la perception et de l’interprétation des informations que se forme l’opinion. <a href="https://books.openedition.org/psn/5046">Le rôle des opinions publiques dans l’issue de nombreux conflits</a> n’est pas à tant il a contribué à faire basculer des situations complexes, parfois de façon inattendue.</p>
<p>La guerre russo-ukrainienne et sa <a href="https://www.slate.fr/story/243911/tribune-premiere-guerre-numerique-histoire-russie-ukraine-satellites-big-data-intelligence-artificielle-cyber">dimension numérique</a> placent les opinions publiques littéralement au cœur des combats, les <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-zelensky-propagande-narratifs-opinion-osint-twitter-telegram-tiktok-youtube-facebook">usagers des réseaux sociaux devenant souvent les relais d’un camp ou de l’autre</a>. Les stratégies informationnelles ukrainiennes et russes s’inscrivent dans <a href="https://www.oecd.org/ukraine-hub/policy-responses/disinformation-and-russia-s-war-of-aggression-against-ukraine-37186bde/">cette adversité cognitive</a>.</p>
<h2>L’information, un terrain de bataille</h2>
<p>La Russie, en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/10/infiltration-des-conversations-privees-et-recours-a-l-intelligence-artificielle-les-techniques-novatrices-de-l-etat-russe-pour-surveiller-l-internet_6161227_3210.html">isolant son espace informationnel interne</a>, a pris en otage son opinion publique, dépossédée de ses capacités de réaction, tout en poursuivant une stratégie à destination des publics étrangers et européens dont les <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/autres-commissions/commissions-enquete/ce-ingerences-etrangeres">gouvernements commencent à comprendre</a> les objectifs et les effets.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-manuel-de-survie-numerique-pour-sinformer-et-eviter-la-censure-en-russie-181889">Un manuel de survie numérique pour s’informer et éviter la censure en Russie</a>
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<p>L’Ukraine, quant à elle, a lancé sa contre-offensive informationnelle dès 2014, avant d’y adjoindre depuis l’invasion russe, un <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-zelensky-propagande-narratifs-opinion-osint-twitter-telegram-tiktok-youtube-facebook">vecteur multidirectionnel</a> – à savoir le maintien de la mobilisation nationale et la conquête des opinions publiques des pays alliés. Aujourd’hui, 21 mois après le début du conflit, cette stratégie montre des <a href="https://time.com/6329188/ukraine-volodymyr-zelensky-interview/">signes d’essoufflement</a>.</p>
<p>Le tableau ne serait pas complet si l’on n’ajoutait pas à ces stratégies informationnelles concurrentes l’analyse du travail collectif d’interprétation du conflit effectué par les médias français et européens. En 2018, le ministère français des Armées <a href="https://www.irsem.fr/institut/actualites/rapport-conjoint-caps-irsem.html">reconnaissait le champ informationnel comme un espace d’affrontement</a>. Puis la menace que représente la manipulation de l’information a pris une nouvelle dimension avec la décision de l’Union européenne de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/bannir-russia-today-un-casse-tete-juridique-pour-paris-et-bruxelles-01-03-2022-2466616_24.php">bannir les deux médias russes RT France et Sputnik</a> dès le début du conflit.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/u6rmNLYsvKE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les médias européens développèrent de nouveaux outils (en particulier par le <em>fact checking</em>, version moderne de la vérification des sources, inscrite dans le <a href="https://www.spj.org/pdf/ethicscode/spj-ethics-code-french.pdf">code de déontologie du journalisme</a>) pour contrer les <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/pdf/28590">opérations d’influence mises en œuvre par des pays extérieurs</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/operation-doppelganger-quand-la-desinformation-russe-vise-la-france-et-dautres-pays-europeens-208071">Opération Doppelgänger : quand la désinformation russe vise la France et d’autres pays européens</a>
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<p>C’est dans ce contexte particulier que ces médias, notamment français, eurent à interpréter le phénomène d’une nouvelle guerre conventionnelle, sur le sol européen, après le choc et la surprise du 24 février 2022 et face à <a href="https://www.ifop.com/publication/le-regard-des-francais-sur-la-guerre-en-ukraine/">l’inquiétude des populations</a>.</p>
<p>Comment interpréter l’inconnu et le rendre familier et compréhensible ? Et quels peuvent en être les effets sur l’opinion publique ?</p>
<h2>L’invocation de références historiques</h2>
<p>Serge Moscovici, <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2015-1-page-305.htm">l’un des fondateurs de la psychologie sociale en France</a>, définissait l’ancrage comme un phénomène de pensée par lequel l’interprétation de phénomènes nouveaux s’opère en enracinant ces phénomènes dans des modes de pensée existants.</p>
<p>En effet, pour rendre un événement compréhensible, à partir d’une mise en commun des informations, des représentations partagées vont se former et ainsi rendre familier ce qui est inconnu (<a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807330504-psychologie-sociale">Yzerbyt et Klein, <em>Psychologie sociale</em>, 2019</a>). Ainsi, les médias français vont, dès le début du conflit, mobiliser les éléments consensuels au sein de la communauté française au sens large et, en premier lieu, les représentations sociales de l’Histoire.</p>
<p>Ce sont les références aux deux guerres mondiales, qui restent des repères majeurs pour les Français comme pour les autres Européens, qui vont servir de toile de fond à l’interprétation de la guerre d’Ukraine. Ces représentations partagées, destinées à rendre familier l’inconnu, ont également pour résultat de renforcer l’essence identitaire du groupe européen face aux représentations et aux narratifs de la Russie.</p>
<p>Depuis le 24 février 2022, la presse française s’est fait l’écho du rappel d’une mémoire collective « européenne » plus que nationale, en lien avec les deux guerres mondiales : l’attitude d’Emmanuel Macron, jugée conciliante envers Poutine lui a valu d’être taxé de <a href="https://www.courrierinternational.com/article/vu-de-l-etranger-emmanuel-macron-un-nouveau-chamberlain-face-a-poutine">« nouveau Chamberlain »</a>, les appels à abandonner l’Ukraine aux appétits russes ont été assimilés à un <a href="https://www.lefigaro.fr/international/face-a-la-russie-les-occidentaux-hantes-par-le-syndrome-de-munich-20220109">« syndrome de Munich »</a>, les soldats ukrainiens comparés aux <a href="https://www.lepoint.fr/monde/en-ukraine-un-air-de-premiere-guerre-mondiale-10-05-2022-2475001_24.php">« Poilus »</a> dans leurs tranchées et aux <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-le-mal-etre-des-gueules-cassees_5524392.html">« gueules cassées »</a> quand leurs blessures les ont défigurés, les pays soutenant Kiev ont été surnommés <a href="https://www.la-croix.com/international/Guerre-Ukraine-allies-face-risque-lessoufflement-2023-10-03-1201285289">« les Alliés »</a>, les forces russes appelées <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/le-fantome-de-l-armee-rouge-923731.html">« Armée rouge »</a>, certaines batailles ou bombardements ont donné lieu à l’invocation de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/les-separatistes-prorusses-admettent-encore-combattre-des-milliers-d-ukrainiens-a-marioupol-20220407">Stalingrad</a> ou de <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/ces-chansons-qui-font-l-actu/l-ukraine-sous-les-bombes-apres-dresde-londres-ou-brest_4992582.html">Dresde</a>, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1660574506170163205"}"></div></p>
<p>La mémoire collective européenne, nourrie de mythes et de symboles, est ainsi mobilisée à travers l’ensemble des représentations partagées du passé se basant sur une identité commune aux membres d’un groupe, selon la définition donnée par le précurseur de la psychologie sociale en France, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/memoire-collective-psychologie-sociale/">Maurice Halbwachs</a>. La mémoire collective, en façonnant cette représentation partagée du passé du groupe, en préserve aussi l’image positive.</p>
<p>Les événements moins flatteurs et potentiellement plus menaçants pour l’identité du groupe sont donc écartés ou mis en retrait. Ainsi, certains aspects controversés de l’histoire de l’Ukraine – comme la <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2018-1-page-211.htm">conduite durant la Seconde Guerre mondiale de Stepan Bandera</a>, personnage célébré par certains pans de la classe politique ukrainienne – n’ont pas fait l’objet d’une large couverture médiatique côté français ; en revanche, ils ont été <a href="https://www.slate.fr/story/249292/histoire-invasion-ukraine-2014-2022-crimee-russie-guerre-jade-mcglynn-nazis-rhetorique">largement mis en avant côté russe</a> pour justifier les actions actuelles de Moscou.</p>
<p>L’imaginaire social, vecteur de la mémoire collective, puise dans les images les éléments contribuant à une construction de la réalité. Les émotions liées aux images y jouent un rôle prépondérant car ce sont elles qui vont réveiller la mémoire collective (les références à l’histoire, à d’autres images de la Première et de la Seconde Guerre mondiale dans les méthodes de combat, l’exode des réfugiés, les destructions… ) et enraciner les nouvelles représentations de l’Ukraine, comme faisant partie intégrante de notre passé mais aussi de notre futur européen. Les médias contribuent à la construction d’une réalité dont découle la formation d’un consensus, particulièrement en situation d’incertitude.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lukraine-peut-elle-adherer-rapidement-a-lue-178842">L’Ukraine peut-elle adhérer rapidement à l’UE ?</a>
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<h2>L’intériorisation des influences inconscientes</h2>
<p>Au-delà du rôle sociologique tenu par les médias, les influences inconscientes sur les opinions ne peuvent être écartées de l’analyse. Les influences inconscientes (influence psychologique conduisant à un jugement ou à un comportement à l’insu des personnes qui en ont été la cible <a href="https://www.scienceshumaines.com/les-influences-inconscientes_fr_5129.html">selon Jean-Léon Beauvois</a>) peuvent découler du façonnage d’un univers idéologique (opinion dominante) dans lequel certains thèmes de discussion sont jugés plus ou moins légitimes, tandis que des comportements ou des opinions sont valorisés ou stigmatisés, comme le souligne <a href="https://www.cairn.info/le-pouvoir-des-medias--9782706126376.htm">Grégory Derville (2017)</a>.</p>
<p>Le processus sociocognitif du modelage des idées et des jugements peut agir sur les représentations, valeurs et systèmes de croyance, en présentant des modèles et des anti-modèles, comme les associations verbales très souvent utilisées au début du conflit, les Ukrainiens étant par exemple perçus comme <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-la-lecon-d-heroisme-d-un-peuple-martyrise-par-poutine_2178741.html">« héroïques »</a>, <a href="https://multimedia.europarl.europa.eu/fr/video/2022-sakharov-prize-awarded-to-the-brave-people-of-ukraine_N01_AFPS_221215_SCWU">« courageux »</a>, et « travailleurs ». Une fois qu’ils ont acquis le statut de structures cognitives ou de noyaux informationnels stables et actifs, les stéréotypes dirigent le traitement de l’information et les jugements, sans que les personnes ne s’en rendent compte.</p>
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<p>Parallèlement, ces processus cognitifs sont également sollicités pour fixer des stéréotypes opposés, mobilisés à travers le narratif des médias russes puis <a href="https://www.lexpress.fr/societe/anti-imperialistes-anti-systemes-et-complotistes-enquete-sur-les-relais-de-poutine-en-france_2180276.html">repris par certains médias « alternatifs » occidentaux</a> : les Ukrainiens « nazis », l’instrumentalisation occidentale de l’Ukraine destinée à détruire la Russie et ses valeurs traditionnelles, etc. Ces noyaux informationnels sont d’autant plus aisément fixés chez les personnes dont le sentiment de défiance envers les médias traditionnels, <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/11/du-militantisme-antivax-a-la-tentation-du-soutien-a-vladimir-poutine_6117066_4355770.html">renforcé durant la crise du Covid</a>, prédomine. Le questionnement des médias, en situation d’incertitude, pourrait être l’instant T du point de rupture et du basculement vers une <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2023-3-page-47.htm?ref=doi">attitude « anti-consensus » et « anti-système »</a> qui favoriserait l’acceptation du narratif contraire.</p>
<p>Il est intéressant de noter que le traitement de l’information par les médias au sujet du conflit Israël-Hamas n’a pas formé un consensus partagé, tel que nous avons pu le voir avec la guerre en Ukraine : les mémoires collectives plurielles, les représentations concurrentes, représentent autant de difficultés à la formation d’un consensus et au renforcement d’une identité collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216851/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carole Grimaud est vice présidente de l'Observatoire Géostratégique de Genève
Membre de l'IHEDN
Rattachée au programme doctoral Sécurité et Défense intérieure de l'AMU (Aix-Marseille Université) </span></em></p>Les médias traditionnels comme les réseaux sociaux sont les théâtres d’affrontements verbaux dont la violence reflète celle des vrais champs de bataille.Carole Grimaud, Chercheure Sciences de l'Information IMSIC, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2182642023-11-28T17:13:08Z2023-11-28T17:13:08ZMédias : les jeunes ont envie d’une information qui leur ressemble<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561102/original/file-20231122-17-6jk9h8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C38%2C5168%2C3406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les jeunes ont un rapport à l'information différent de celui de leurs aînés, mais subissent peut-être davantage la fatigue émotionnelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/livre-de-lecture-de-personne-2118463/">Pexels/Hasan Zahra</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Beaucoup d’idées simples (quand elles ne sont pas tout bonnement fausses) circulent sur le rapport des adolescents et jeunes adultes à l’information. Ils manqueraient d’appétence pour l’information, seraient frivoles dans leurs centres d’intérêt, délaisseraient la télévision, seraient plus prompts à être bernés par les fake news…</p>
<p>Ces idées reçues trahissent une incompréhension des adultes vis-à-vis d’une jeunesse qui n’adoptent pas tous leurs réflexes et usages lorsqu’il s’agit de s’informer. Et un <a href="https://www.meta-media.fr/2021/03/13/consommation-media-le-fossee-se-creuse-entre-les-generations.html">fossé générationnel s’est en effet creusé</a> en la matière qui engendre des incompréhensions et des jugements de valeur hâtifs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
<p><strong>À lire aussi :</strong></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">Comment les jeunes s’engagent</a></p></li>
</ul>
<hr>
<p>Heureusement, de nombreuses données d’enquête permettent de dresser un portrait très différent des jeunes face à l’information, y compris l’enquête exclusive « Jeune(s) en France ». Il apparaît notamment que les jeunes restent intéressés par les actualités, mais pas forcément les mêmes que leurs parents et grands-parents, pas avec la même priorité thématique, pas sur les mêmes supports.</p>
<h2>Des pratiques d’information qui explorent davantage de nouveaux supports</h2>
<p>Dans l’imaginaire social des pratiques d’information jugées les plus sérieuses et légitimes, on trouve une série d’usages établis : être abonné à un journal ou un magazine de presse écrite (régional ou national) ; regarder un journal télévisé (souvent en famille) ; écouter une tranche matinale d’information sur une des grandes radios périphériques ; manifester un intérêt prononcé pour les informations citoyennes par excellence que sont l’actualité politique, économique et sociale ou internationale ; affirmer une fidélité à un média qui devient son média quotidien et à quelques figures journalistiques phares et donc leur faire confiance durablement.</p>
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<p>Les études sur la consommation d’informations dressent un panorama des pratiques de la jeunesse française contemporaine assez divergentes. Tout d’abord le rendez-vous matinal avec les tranches infos des radios est en voie d’affaiblissement notable chez les jeunes. Selon le <a href="https://www.kantarpublic.com/fr/barometres/barometre-de-la-confiance-des-francais-dans-les-media/barometre-2023-de-la-confiance-des-francais-dans-les-media">baromètre annuel de la confiance dans les médias</a> Kantar/<em>La Croix</em>, fin 2022, 26 % des 18-24 ans écoutent la radio pour s’informer contre 42 % des 35 ans et plus.</p>
<p>Les jeunes perdent le réflexe de la radio d’actualité au réveil, soit qu’ils écoutent des radios plutôt musicales, soit qu’ils se jettent avec gourmandise sur leur smartphone pour accéder à leurs comptes de réseaux socionumériques. Soit qu’ils ouvrent la télévision du côté d’une chaîne d’information continue.</p>
<p>Leurs pratiques d’information sont beaucoup plus digitales que celle de leurs aînés, ils sont même souvent pionniers dans le développement de nouveaux supports pour s’informer, que ce soit historiquement Facebook, ou l’application Discover au sein de Snapchat, et plus récemment TikTok ou Twitch par exemple. 54 % s’informent chaque jour via les réseaux socionumériques fin 2022, contre 17 % des plus de 65 ans. Les médias ne s’y trompent pas qui multiplient les productions sur ces supports en espérant capter l’attention des plus jeunes pour les fidéliser un jour, <a href="https://cahiersdujournalisme.org/V2N6/CaJ-2.6-R051.pdf">comme avec Snapchat</a>.</p>
<p>Les jeunes goûtent aussi avec joie aux podcasts pour trouver des informations qu’ils ne trouvent pas forcément ailleurs ou aiment les formats vidéo courts comme peuvent leur offrir des chaînes en ligne comme Brut ou Loopsider.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3Z6HnUJ3hcw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La chaine Hugo Décrypte est devenue une référence incontournable de l’information, ici son interview d’Emmanuel Macron en septembre 2023.</span></figcaption>
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<p>Ils apprécient également le style de traitement de l’information plus décontracté que dans les médias traditionnels, avec un code vestimentaire et un parler qui leur ressemble (chaîne You Tube Hugo décrypte), un ton mêlant désir d’informer et de distraire (l’émission télévisée <em>Quotidien de Barthès</em> : fin 2022, 29 % des 18-24 ans regardent ce type d’émission tous les jours contre 14 % seulement des plus de 65 ans), animations graphiques et stories de Snapchat…</p>
<p>Déjà dans <a href="https://www.editions-msh.fr/livre/info/">notre étude début 2016</a> auprès de 1 820 étudiants, 74 % de ceux qui déclaraient s’informer via Facebook reconnaissaient que les informations reçues étaient un mixte entre infos sérieuses et divertissement. Autant de formats que la plupart de leurs aînés ne fréquentent pas, voire ignorent jusqu’à leur existence.</p>
<h2>Des pratiques d’information différentes entre les générations</h2>
<p>Cela ne signifie néanmoins pas que les jeunes se détournent totalement de la télévision pour s’informer. Elle reste bien présente dans leur patchwork informationnel. D’après le baromètre Kantar/<em>La Croix</em>, 42 % des 18-24 ans déclaraient regarder un journal télévisé tous les jours (contre 73 % chez les plus de 65 ans, il est vrai).</p>
<p>Ils ont recours aux chaînes d’information continue surtout si un événement fort survient. À cette occasion d’ailleurs, les réflexes de visionnage en famille resurgissent, la télévision restant fédératrice d’audience en temps de crise. On l’a bien vu durant la pandémie. En mars 2020, <a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/tv-et-nouvelles-images/jt-grand-gagnant-confinement-pas-netflix/">selon Médiamétrie</a>, 57 % des 15-24 ans ont regardé la télé contre 36 % un an avant. Dans la catégorie des 15-34 ans, les JT de TF1 et France ont cumulé 1,3 million de téléspectateurs en plus chaque soir.</p>
<p>En revanche, les jeunes regardent plus volontiers l’information produite par les chaînes de télévision sur un autre support que l’écran télé. Leur smartphone, ou leur ordinateur pourra chez certains offrir un accès prioritaire à ces programmes, et sans attacher une importance aussi grande qu’avant à la ritualité des horaires fixes, comme la fameuse et désormais dépassée <a href="https://theconversation.com/le-journal-televise-francais-un-rituel-populaire-au-service-du-public-207162">« grande messe du 20h »</a>.</p>
<h2>Un faible engagement partisan qui induit une autre hiérarchie de l’information</h2>
<p>C’est aussi sur les priorités thématiques que les jeunes se distinguent en partie de leurs aînés. Relevons d’abord que dans l’enquête exclusive The Conversation, la note d’intérêt des 18-24 ans pour les rubriques jugées les plus prestigieuses ne sont jamais en dessous de 5 sur 10 : politique nationale 5,54 ; économie 5,46 ; politique internationale 5,38.</p>
<p>Et dans ces notes transparaissent un écart sociologique, bien connu dans l’ensemble de la population entre les moins diplômés (note moyenne d’intérêt pour l’actualité en dessous de 5/10) et les plus diplômés (note supérieure à 6/10). Mais ce résultat sur la politique est tout à fait en phase avec une difficulté de la jeunesse à se passionner pour l’action politique et partisane traditionnelle.</p>
<p>L’enquête pour The Conversation montre ainsi que l’engagement partisan est jugé peu désirable au contraire de l’engagement pour des causes précises (environnement, égalité hommes/femmes, luttes contre les discriminations…).</p>
<p>Engagement pour des causes qui explique que les jeunes vont chercher une information politique ailleurs que dans les médias traditionnels qui abordent encore massivement la politique par le truchement des luttes partisanes, des groupes parlementaires, etc. En lieu et place, les jeunes trouvent dans des médias plus de niche mais plus engagés, une offre informationnelle adaptée à leur engagement par les causes. On songe au bon écho reçu chez les jeunes femmes aux <a href="https://www.telerama.fr/radio/les-meilleurs-podcasts-feministes-pour-faire-exploser-le-patriarcat-5516-7011938.php">podcasts féministes</a> ou dénonçant des discriminations de genre ou de sexe, par exemple.</p>
<p>D’autres rubriques d’information bénéficient donc de meilleures notes dans l’enquête précitée. Arrive en tête la culture (ce qui tord définitivement le cou au cliché d’une jeunesse mal informée, car abêtie) avec la note de 7, puis les sujets science et environnement (6,63) ou les sujets dits de société (dans lesquels leurs combats sont souvent traités) avec 5,9. L’enjeu environnemental correspondant à ces deux dernières catégories. Pas de totale dépolitisation de l’information dans la jeunesse donc, mais une politique autrement, ce qui induit une information politique ailleurs, sur d’autres canaux, avec d’autres tiers de confiance (blogueurs par exemple plutôt que chroniqueurs politiques à l’ancienne).</p>
<h2>Le désir pour une autre information</h2>
<p>Et sur la culture, il faut aussi noter que ce n’est pas la même culture que leurs aînés. C’est aussi un facteur expliquant le désir de trouver sur d’autres médias une information qui leur parle, qui correspond à leurs goûts. Car les médias traditionnels ont tendance à privilégier les pratiques et acteurs culturels les plus établis et conformes aux canons d’une culture traditionnelle (variété française et rock, considérés comme par les jeunes comme des « musiques de vieux », expositions de peinture, littérature consacrée depuis les grands classiques jusqu’aux prix littéraires de l’année, films d’auteur, festivals d’art lyrique et de musique classique).</p>
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<figcaption><span class="caption">Des sites comme Konbini reflètent des codes informationnels et des intérêts plus proches des 18-24 ans.</span></figcaption>
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<p>Ce qui revient pour ces médias <em>mainstream</em> à exclure peu ou prou, le rap, le raï, la R’n’B Mix, les jeux vidéo, les films d’horreur, les mangas, certains programmes de téléréalité…</p>
<p>Mais après tout, leurs parents ou grands-parents n’ont-ils pas fait de même, en écoutant les radios libres musicales, ou en achetant une presse jeunesse de leur temps, comme <a href="https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2010-2-page-87.htm?contenu=article"><em>Salut les copains</em></a>, rock et folk ou plus tard <a href="https://www.slate.fr/story/111689/presse-ados-excitait"><em>Podium</em></a> ?</p>
<h2>Des jeunes plus touchés par la fatigue informationnelle</h2>
<p>La baromètre annuel de la confiance dans les médias nous aide à y voir plus clair sur toutes ces différences générationnelles. Dans l’enquête publiée en janvier 2023, 68 % des 18-24 ans déclarent suivre l’actualité avec un grand intérêt, certes contre 80 % pour les 35 ans et plus, mais on est loin de l’apathie informationnelle.</p>
<p>Et sur la confiance dans les divers supports médiatiques pour exposer une information fiable, difficile de trouver des divergences significatives entre les générations. Les jeunes conservent la même confiance toute relative dans les médias que leurs aînés. Toutefois, la confiance dans les médias Internet est nettement plus forte que celle des plus âgées, témoignant du fait qu’ils les pratiquent et qu’ils ont su trouver des médias de confiance dans cet univers où le meilleur côtoie il est vrai le pire. 48 % des 18-24 ans pensent que les faits se sont passés plutôt comme les médias en ligne en parlent, contre 29 % seulement des plus de 35 ans qui pensent ça.</p>
<p>Et dans le <a href="https://www.la-croix.com/economie/Barometre-medias-rapports-linfo-differents-selon-ages-2023-11-22-1201291825">nouveau baromètre annuel</a> Kantar/<em>La Croix</em> de novembre 2023, 24 % des 18‐34 ans disent s’informer via des influenceurs (comme Hugo décrypte), contre seulement 6 % des plus de 35 ans. Le tiers de confiance est donc moins une figure de journaliste connu et reconnu. Les jeunes font davantage confiance que leurs aînés à des figures qui leur ressemblent et qui leur offrent une relation vécue comme plus horizontale et égalitaire, dans la façon de leur parler, dans le choix des sujets, dans les valeurs véhiculées.</p>
<p>Un point de vigilance sur le rapport des jeunes à l’information concerne le sentiment de fatigue informationnelle. Nous sommes tous confrontés à un défi anthropologique majeur : notre capacité à être tenus informés de tout ce qui se passe de terrible de par le monde est quasi illimitée mais notre capacité à agir n’a pas progressé, ce qui nous confronte fatalement à un sentiment d’impuissance très frustrant voire décourageant :</p>
<blockquote>
<p>« A quoi bon continuer à s’informer sur la misère du monde, si cela me déprime et génère un profond sentiment d’impuissance ? »</p>
</blockquote>
<p>On ajoutera la multiplication des sollicitations permanentes à s’informer (alertes <em>push</em> sur nos téléphones, messages partagés sur nos réseaux socionumériques, chaînes d’information continue…) qui peuvent provoquer une saturation. Le sentiment se développe donc que l’information est anxiogène, démoralisante.</p>
<p>Si toutes les tranches d’âge sont touchées, les études montrent que les jeunes la ressentent plus que d’autres. En 2022, 15 % des Français <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-et-la-fatigue-informationnelle-mutations-et-tensions-dans-notre-rapport-a-linformation/">se déclarent épuisés ou stressés</a> par les informations reçues « régulièrement » et 35 % « de temps en temps ». Dans l’évaluation de l’état d’esprit des jeunes face à l’information, dans l’étude pour The Conversation, on constate que jusqu’à 41 % peuvent se déclarer « inquiets », 34 % fatigués et 25 % angoissés. Sentiments négatifs plus prégnants chez les jeunes femmes, qui sont plus inquiètes (48 % vs 33 % des hommes) plus fatiguées (39,5 % vs 26 %), plus angoissées (31,8 % vs 18 %).</p>
<p>Et dans le baromètre Kantar/<em>La Croix</em> de janvier 2023, le sentiment de « lassitude » face à l’information est le plus fort chez les 18-24 ans (58 %) contre 47 % chez les 65 ans et plus. Et deux raisons majeures explique cette lassitude chez eux : « je me sens angoissé ou impuissant face aux informations » (33 %) et « les médias ne parlent pas des sujets importants pour moi » (30 %). Et ici l’effet générationnel est massif puisque seulement 16 % des 35 ans et plus pensent cela. Il faut dire que sur les causes qui les mobilisent (racisme, lutte contre les discriminations, environnement…) les médias leur donnent à voir de nombreux exemples déprimants (bavures policières, violences, dégâts climatiques).</p>
<p>On voit que la relative défiance des jeunes vis-à-vis des médias traditionnels d’information n’est pas un retrait total, dédaigneux et irresponsable, mais bien le symptôme d’une difficulté de ces médias à s’adresser aux jeunes, à capter leur intérêt en offrant des contenus renouvelés, qu’ils vont donc chercher ailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218264/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une récente étude confirme que les jeunes n’adoptent pas les mêmes réflexes et usages d’information que leurs aînés, ce qui génère une incompréhension des adultes allant jusqu'aux clichés injustes.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse (Université Paris-Panthéon-Assas), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179622023-11-21T16:52:55Z2023-11-21T16:52:55ZContenus haineux en ligne : oui, les modérateurs humains ont les moyens de l’emporter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559947/original/file-20231116-27-dle1wd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C4031%2C2824&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les principales plates-formes de services numériques, le règlement européen DSA est entré en vigueur le 25&nbsp;août dernier.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> sont devenus les « places publiques numériques » de notre époque. Ils permettent la communication et l’échange d’idées à l’échelle mondiale. La nature non réglementée de ces plates-formes y a toutefois permis la prolifération de contenus préjudiciables, de <a href="https://theconversation.com/topics/desinformation-49462">désinformation</a> et de <a href="https://theconversation.com/topics/messages-haineux-110208">discours haineux</a>.</p>
<p>Bien qu’il s’avère difficile de réglementer le monde en ligne, une voie prometteuse a été ouverte par le <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/285115-dsa-le-reglement-sur-les-services-numeriques-ou-digital-services-act"><em>Digital services act</em></a> (DSA), adoptée en novembre 2022. Le règlement est entré en vigueur depuis le 25 août dernier pour les plates-formes les plus importantes et vaudra pour toutes à partir du 17 février prochain.</p>
<p>Cette loi prévoit que des « signaleurs de confiance » (« trusted flaggers ») rapportent certains types de contenus problématiques aux plates-formes, qui doivent alors les retirer dans les 24 heures. Qu’en attendre étant donnée la rapidité et de la complexité de la dynamique virale des médias sociaux ? Pour le savoir, nous avons simulé l’effet de la nouvelle règle, dans une <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2307360120">recherche</a> publiée dans la revue <em>Proceedings of the National Academy of Sciences</em>. </p>
<p>Nos résultats montrent que cette approche peut effectivement réduire la diffusion de contenus préjudiciables. Nous proposons également quelques pistes pour une mise en œuvre optimale des règles.</p>
<h2>Modérer après 24h n’est pas inefficace</h2>
<p>Nous avons pour cela utilisé un modèle mathématique de propagation de l’information pour analyser la manière dont les contenus préjudiciables sont diffusés sur les réseaux sociaux. Chaque message préjudiciable y est traité comme un <a href="https://www.jstor.org/stable/2334319">« processus ponctuel auto-excitant »</a>. Cela signifie qu’il attire de plus en plus de personnes dans la discussion au fil du temps et génère d’autres messages préjudiciables, dans un processus de bouche-à-oreille. L’intensité de l’autopropagation d’un message diminue, certes, avec le temps. Toutefois, s’il n’est pas contrôlé, sa « progéniture » peut générer d’autres progénitures, ce qui conduit à une croissance exponentielle.</p>
<p>Dans notre étude, nous avons utilisé deux mesures clés pour évaluer l’efficacité du type de modération prévu par la loi sur les services numériques : le préjudice potentiel et la demi-vie du contenu. Le potentiel de nuisance d’un message représente le nombre de descendants nuisibles qu’il génère. La demi-vie du contenu estime le temps nécessaire pour que la moitié de tous les « descendants » du message soient générés. Autrement dit, nous évaluons à la fois le nombre de messages haineux ou de désinformation généré par un message à la racine et leur vitesse d’apparition.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1625764066202382338"}"></div></p>
<p>Nous avons constaté que les mécanismes mis en place par le DSA peuvent réduire efficacement le préjudice, même sur les plates-formes dont la demi-vie du contenu est des plus courtes, comme X (anciennement Twitter). Bien qu’une modération plus rapide soit toujours plus efficace, nous avons observé qu’une modération même après 24 heures pouvait encore réduire le nombre de descendants nuisibles jusqu’à 50 %. </p>
<p>Par ailleurs, plus la demi-vie est longue, plus le temps de réaction efficace s’allonge : une intervention plus tardive permet encore d’éviter de nombreux posts ultérieurs préjudiciables. Un temps de réaction plus tardif est également plus efficace pour les contenus dont le potentiel de nuisance est plus élevé. Bien que cela semble contre-intuitif, par ailleurs, nos résultats indiquent qu’il est pertinent de cibler la génération des descendants : cela rompt le cycle du bouche-à-oreille.</p>
<h2>Cibler les efforts</h2>
<p>Des recherches antérieures ont montré que les outils fondés sur l’intelligence artificielle peinent à détecter les contenus préjudiciables en ligne. Les auteurs de ces contenus sont en effet souvent au fait du fonctionnement des outils de détection et adaptent leur langage pour éviter d’être repérés. L’approche de la modération prévue par la loi sur les services numériques repose ainsi sur le marquage manuel des messages par des « signaleurs de confiance », qui disposent néanmoins d’un temps et de ressources limités. Pour tirer le meilleur parti de leurs efforts, les signaleurs doivent donc se concentrer sur les contenus à fort potentiel de nuisance.</p>
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<p>Les plates-formes de réseaux sociaux emploient déjà des équipes de modération de contenu, et nos recherches suggèrent que les principales d’entre elles ont déjà suffisamment de personnel pour appliquer la législation de la loi sur les services numériques. Des questions se posent toutefois quant à la sensibilité culturelle du personnel existant, car certaines de ces équipes sont localisées dans des pays différents de la majorité des auteurs de contenu qu’elles modèrent.</p>
<p>Le succès de la législation dépendra ainsi de la nomination de signaleurs de confiance ayant des connaissances culturelles et linguistiques suffisantes, de la mise au point d’outils pratiques de signalement des contenus préjudiciables et de la garantie d’une modération en temps utile.</p>
<p>Alors que les plates-formes de médias sociaux continuent de façonner le discours public, il est essentiel de relever les défis posés par les contenus préjudiciables. Nos recherches sur l’efficacité de la modération des contenus préjudiciables en ligne offrent des indications aux décideurs politiques. En comprenant la dynamique de la diffusion des contenus, en optimisant les efforts de modération et en mettant en œuvre des réglementations telles que la loi sur les services numériques, nous pouvons aspirer à une place publique numérique plus saine et plus sûre, où les contenus préjudiciables sont atténués et où le dialogue constructif prospère.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217962/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marian-Andrei Rizoiu a reçu des financements du Département australien des affaires intérieures, du Groupe australien de science et technologie de la défense et du Réseau d'innovation de la défense.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philipp Schneider ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche démontre les avantages du délai de 24 heures accordé aux plates-formes pour retirer un contenu haineux prévu dans le récent « Digital Services Act » européen.Marian-Andrei Rizoiu, Senior Lecturer in Behavioral Data Science, University of Technology SydneyPhilipp Schneider, Doctoral Student, EPFL – École Polytechnique Fédérale de Lausanne – Swiss Federal Institute of Technology in LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143172023-11-21T14:39:11Z2023-11-21T14:39:11ZFaire le mauvais buzz sur les réseaux sociaux, ça vous tente ? Voici comment !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559387/original/file-20231114-25-wra0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C989%2C750&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parce qu'elles prennent l'esprit au dépourvu, les ruptures de cadre sont des facteurs potentiels de dégradation des relations sociales.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://semji.com/fr/guide/quest-ce-qu-un-bad-buzz/">Faire l’objet d’une popularité négative et incontrôlable sur Internet</a>, c’est-à-dire « faire le mauvais buzz », ça peut arriver à n’importe qui, même aux gens les mieux intentionnés.</p>
<p>C’est manifestement ce qui est arrivé aux trois personnes dont je présente ici les cas embarrassants, avec le projet de décrypter les raisons de leur mauvaise fortune. Mon objectif n’est pas de mettre en cause la valeur de leurs idées ou de leurs combats (féminisme, LGBTisme ou antispécisme), mais plutôt d’examiner leurs stratégies de communication à partir de mon point de vue d’<a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">artiste anthropologue</a>.</p>
<p>Plus spécifiquement, je souhaite mettre en lumière les <a href="https://ifftb.com/wiki/cadrage-effet-de/">effets de cadrage</a> qui les ont desservies et que je soupçonne être la principale cause de l’énorme dégât de commentaires désobligeants qui ont été formulés à leur endroit, avec atteinte à leur réputation sur les réseaux sociaux. </p>
<p>Construit sur les fondements de mon étude du <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/27428">changement d’état d’esprit</a>, cet article s’intéresse aux ruptures de cadre provoquées par des communicateurs malhabiles ainsi qu’aux répercussions psychiques de leurs prestations sur l’humeur d’internautes mal préparés à cette expérience. </p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-talk-shows-quon-aime-des-machines-a-broyer-la-dignite-198044">Les talk-shows qu’on aime : des machines à broyer la dignité ?</a>
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<h2>La « théorie des cadres » en communication</h2>
<p>Les techniques de <a href="https://books.openedition.org/editionsehess/10320?lang=fr">cadrage</a> et de <a href="https://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2006-4-page-377.htm">recadrage</a> soutenues par les principes fondamentaux de la communication sont utilisées en psychiatrie, en thérapie familiale, en publicité, en arts et en gestion médiatique des comportements sociaux ou privés, principalement. </p>
<p>La théorie générale qui sous-tend ces différentes applications est souvent attribuée au sociologue Erving Goffman, dont la pensée sur le sujet fait l’objet du livre intitulé <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Les_Cadres_de_l%E2%80%99exp%C3%A9rience-2094-1-1-0-1.html">« Les cadres de l’expérience »</a>. Le principe central de cette théorie est que <a href="https://tactics.convertize.com/fr/definitions/framing-effect-effet-de-cadrage">« nous réagissons différemment aux messages ou aux choix que l’on nous soumet en fonction de la manière dont on nous les présente »</a>.</p>
<p>La théorie des cadres est toutefois antérieure aux travaux de Goffman. Elle prend racine dans l’œuvre de l’anthropologue Gregory Bateson et de ses partenaires de l’<a href="https://www.cairn.info/l-ecole-de-palo-alto--9782130606628.htm">École de Palo Alto</a>. Cette équipe de recherche a établi des rapports significatifs entre <a href="http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/bateson/eco-esprit/2-3-0-formes-pathologies-relations2.htm">pathologies de la communication et pathologies des relations sociales</a>. </p>
<p>C’est sous le nom de <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2001-1-page-229.htm">« syndrome trancontextuel »</a> que Bateson a regroupé les réactions émotives et psychiques observées chez des personnes confrontées à l’expérience brutale d’une rupture de cadre – ou d’une « transgression » des contextes de communication – lorsque celle-ci se produit dans le cours d’un échange significatif. C’est cette épreuve cognitive à la fois troublante et risquée que parodie avec humour la scène suivante construite sur le modèle de la « caméra cachée ».</p>
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<p>Si les ruptures de cadre peuvent provoquer le rire lorsqu’elles sont mises en scène, elles peuvent aussi entraîner la perplexité, la colère ou même la <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/430">souffrance psychique</a> lorsqu’elles se produisent dans la réalité.</p>
<h2>Trois buzz négatifs</h2>
<p>Les trois vidéos qui suivent présentent des cas d’espèce dont les conséquences sur les internautes sont facilement discernables grâce à la présence visible de commentaires, d’apartés et de réactions exprimées au moyen de <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/dis-moi-robert/raconte-moi-robert/mot-jour/meme.html">mèmes</a>, comme celui que constitue le <a href="https://www.rtl.fr/culture/cine-series/qui-etait-juan-joya-borja-alias-el-risitas-l-homme-derriere-le-rire-culte-d-internet-7900026236">rire culte de l’humoriste espagnol El Risitas</a>. </p>
<p>Le premier cas est celui d’une entrevue donnée par Typhaine D, une militante dont l’apostolat est de <a href="https://typhaine-d.com/index.php/actualites/234-manifeste-de-la-feminine-universelle">promouvoir une langue « féminine universelle »</a>.</p>
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<p>L’effet déjanté de ses prestations, que ce soit dans la vidéo ci-dessus ou dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=v4J3m7VnlS8">conférence TEDx Talks de 2022</a>, est une conséquence de sa manière d’enchevêtrer des cadres discursifs réciproquement incompatibles sans avoir l’air de s’en apercevoir : celui du débat d’idées et celui de la comédie burlesque. Pour les personnes qui en ressentent les effets, il en résulte un paradoxe qui les coince entre des émotions contradictoires, comme en témoignent les commentaires laissés sous ses vidéos :</p>
<ul>
<li><p>😂 Franchement, j’ai beaucoup ri ! Puis après je me suis souvenu que cette personne existe pour de vrai et qu’elle n’est pas internée en psychiatrie…</p></li>
<li><p>😵💫 Il n’y a pas de mot assez fort pour décrire le malaise que j’ai éprouvé durant cette vidéo… </p></li>
<li><p>🤔 Je n’ai pas su définir si c’était de l’humour ou un exposé féministe. Je ne sais pas s’il faut que je pleure ou que je rigole ?</p></li>
</ul>
<p>Le deuxième cas concerne Arnaud Gauthier-Fawas, responsable d’une association militante pour les <a href="https://www.inter-lgbt.org/">droits des personnes LGBT</a>.</p>
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<p>Le paradoxe avec lequel il faut composer ici est à la fois d’ordre <a href="https://journals.openedition.org/lcc/180">perceptif</a> (comme dans une illusion d’optique) et <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/paradoxe/2-paradoxes-scientifiques/">cognitif</a> (comme lorsque deux visions du monde s’opposent). L’échange auquel on assiste est déconcertant parce qu’il met en doute notre capacité d’évaluer la réalité sur la seule base de nos perceptions : bien qu’on puisse être d’avis que Gauthier-Fawas présente bien l’apparence d’un <em>homme blanc</em>, il faut réviser notre estimation en conséquence de l’arbitraire de son identité psychique : « <em>Je ne suis pas un homme, monsieur ! Je ne suis pas blanc</em> ! » L’effet surréaliste qui en résulte pour l’observateur est comparable à celui qu’entraîne la contemplation du célèbre tableau de Magritte, <a href="https://artshortlist.com/fr/journal/article/trahison-des-images-magritte">La trahison des images (1928)</a>.</p>
<p>Le troisième et dernier cas s’alimente à la source de plusieurs performances médiatiques de Solveig Halloin, activiste <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-rurales-2022-2-page-58.htm">végétaliste</a> se portant, entre autres, à la <a href="https://www.femmeactuelle.fr/actu/news-actu/qui-est-solveig-halloin-la-militante-activiste-qui-a-fait-le-buzz-dans-touche-pas-a-mon-poste-2112721">défense des animaux d’abattage</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B08OfmfGKV8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le mode paradoxal sur lequel s’exprime cette militante – notamment lorsqu’elle affirme « <em>se battre</em> pour que la violence cesse » – garantit à lui seul l’apparition du syndrome de Bateson chez ses interlocuteurs. En sublimant la cause animale qu’elle défend, Solveig Halloin franchit le seuil critique qui relie le profane au sacré, forçant dès lors une promiscuité de sens choquante entre <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=343310679576397">élevage et holocauste</a>. Cela appelle des commentaires acides à lire sous plusieurs de ses <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rJIOez7-G_s">vidéos</a>.</p>
<h2>Trois cadres rompus</h2>
<p>Ces trois cadres rompus de la communication entraînent des réactions à classer dans des catégories distinctives du syndrome transcontextuel de Bateson. Le premier cas – qui fait sauter les frontières entre le sérieux du débat et le jeu du théâtre – exploite les effets déroutants d’un changement de règles qui survient en plein cours d’un événement social significatif. Les personnes qui s’aventurent sur un tel terrain doivent savoir qu’elles entreprennent un <a href="https://web.archive.org/web/20220718093758id_/https://journals.openedition.org/communication/7002">jeu sans fin</a>, c’est-à-dire un jeu « qui ne peut pas engendrer de l’intérieur les conditions de son propre changement ».</p>
<p>Le deuxième cas – qui abolit les <a href="http://www.lyber-eclat.net/lyber/korzybski/glossaire.html">différences entre la carte des perceptions et le territoire de l’expérience</a> – exploite les effets pervers d’un changement de niveau d’abstraction non maîtrisé. </p>
<p>Le troisième cas – qui culbute le sacré dans la cour du profane et vice-versa – exploite les effets catastrophiques d’un changement de paradigme, lequel commande une conversion irréversible de l’humanité tout entière. Ce dernier type de rupture peut causer des troubles psychiques d’une très grande gravité.</p>
<h2>Les réseaux sociaux comme « méta cadre » de communication</h2>
<p>Parce qu’elles prennent l’esprit au dépourvu, les ruptures de cadre sont des facteurs potentiels de dégradation des relations sociales. Lorsqu’on les envisage dans le « méta cadre » des réseaux sociaux, toutefois, leurs conséquences pathologiques se trouvent diminuées par les ripostes créatives de personnes (youtubeurs, tiktokeurs, instagrameurs et autres influenceurs) pratiquant l’art de la <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-du-dialogue-en-entreprise--9782100798711-page-96.htm"><em>métacommunication</em></a>, c’est-à-dire l’art de « communiquer sur la communication ». </p>
<p>Grâce à la mise en abîme que leurs <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/region-zero-8/segments/chronique/195001/technologie-youtube-tendance-musique-reaction-video">« vidéos de réaction »</a> accomplissent dans nos esprits – c’est-à-dire grâce à des « vidéos de vidéos » dans lesquelles on peut observer des « réactions humaines à des réactions humaines » – notre sort collectif sur les réseaux sociaux s’en trouve amélioré par la présence de dispositifs nous indiquant comment nous conduire en cas de rupture de cadre : <em>Attention ! Indignez-vous ici ! Riez maintenant ! Soyez méfiant en tout temps !</em></p>
<p>Par leur capacité à recadrer les communications cabossées, ces méta vidéos confirment – au grave détriment de malheureux attiseurs de rumeurs – l’une des plus belles hypothèses de Bateson : « chaque fois qu’on introduit une confusion dans les règles qui donnent un sens aux relations importantes, on provoque une douleur et une inadaptation qui peuvent être graves. Or, si on peut éviter ces aspects pathologiques, l’expérience a des chances de déboucher sur la créativité ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214317/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest est membre de l'Institut de recherches et d'études féministes (IREF) de l'Université du Québec à Montréal ; de SAS-Femmes, Collectif de recherches et d'actions pour la sécurité, l'autonomie et la santé de toutes les femmes ; et du Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI) de l'Université de Montréal.</span></em></p>Faire l’objet d’une popularité négative et incontrôlable sur Internet, ça peut arriver à n’importe qui, même aux gens les mieux intentionnés.Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167792023-11-14T13:48:15Z2023-11-14T13:48:15ZLes utilisateurs de X doivent lutter seuls contre la désinformation qui y sévit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558711/original/file-20231109-19-8ft176.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C988%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans une optique de gestion de la désinformation, la plateforme X a déployé graduellement une nouvelle fonctionnalité à partir de décembre 2022: « les notes de la communauté». </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Après <a href="https://theconversation.com/rachat-de-twitter-par-elon-musk-le-risque-sous-estime-dune-fuite-des-utilisateurs-194033">l’acquisition de Twitter par Elon Musk</a> en octobre 2022, la plate-forme, rebaptisée X, a connu d’importants changements. Et ils vont bien au-delà de son nom et de son logo. </p>
<p>Ces modifications incluent l’introduction d’un abonnement Premium X qui offre un badge d’authentification à ceux qui le souhaitent, la réactivation de comptes auparavant suspendus pour non-respect des conditions d’utilisation, une fonctionnalité pour sauvegarder les tweets, ainsi qu’un compteur de vues affiché sous chaque publication.</p>
<p>Résultat ? X est devenu un champ de bataille où fausses nouvelles et désinformation foisonnent. Si bien que le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2017603/union-europeenne-desinformation-israel-hamas">ouvert une enquête sur le sujet</a>. En réponse à ce fléau, la plate-forme délègue désormais une partie de cette responsabilité à ses utilisateurs et utilisatrices, les plaçant en première ligne de la lutte contre la désinformation.</p>
<p>Cette initiative a-t-elle véritablement le potentiel d’être efficiente dans la lutte quotidienne contre la désinformation en ligne ?</p>
<p>Doctorante et chargée de cours à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, j’étudie les médias socionumériques ainsi que la circulation et les troubles de l’information en ligne. Dans cet article, je propose une analyse critique du fonctionnement de X.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-comment-elon-musk-favorise-la-desinformation-sur-x-214206">Voici comment Elon Musk favorise la désinformation sur X</a>
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<h2>Impliquer les utilisateurs</h2>
<p>Dans une optique de gestion de la désinformation, la plate-forme X a déployé graduellement une nouvelle fonctionnalité à partir de <a href="https://twitter.com/CommunityNotes/status/1601753552476438528">décembre 2022</a> : <a href="https://communitynotes.twitter.com/guide/fr/about/introduction">« les notes de la communauté »</a> (anciennement connue sous le nom de <a href="https://blog.twitter.com/en_us/topics/product/2021/introducing-birdwatch-a-community-based-approach-to-misinformation"><em>Birdwatch</em></a>, qui représentait la phase pilote du programme).</p>
<p>Bien que les motifs n’aient pas été énoncés, il y a une corrélation à faire avec les <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2022-11-05/twitter-a-licencie-pres-de-4000-employes-sans-preavis-vendredi.php">licenciements de novembre 2022</a> et le <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/16/elon-musk-reporte-le-lancement-du-nouvel-abonnement-controverse-de-twitter_6150034_4408996.html">premier lancement désastreux de <em>Twitter Blue</em></a> (maintenant Premium X). Ce dernier avait généré un lot important de fausses nouvelles et d’identités usurpées. </p>
<p>Les notes de la communauté permettent aux utilisateurs de X de contribuer activement à la lutte contre la désinformation en fournissant un contexte aux tweets potentiellement trompeurs. Si des évaluateurs suffisamment nombreux et aux avis diversifiés jugent ces notes utiles, elles deviennent alors publiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1720544745200484667"}"></div></p>
<p>N’importe quelle personne peut évaluer les notes. Mais, pour devenir un <a href="https://communitynotes.twitter.com/guide/fr/contributing/writing-notes">rédacteur</a> de contexte, il faut respecter certains critères : ne pas avoir contrevenu aux règles de X récemment, être membre de la plate-forme depuis au moins six mois, avoir un numéro de téléphone vérifié par un opérateur fiable et ne pas être associé à d’autres comptes de contributeurs.</p>
<p>Le programme s’appuie sur la transparence : les notes ne sont pas modifiées par X et les employés ne sont pas impliqués dans le processus, sauf en cas de violation des conditions d’utilisation ou de la politique de confidentialité. En outre, toutes les contributions sont publiées quotidiennement, et l’algorithme de classement des notes est disponible en ligne et accessible à tous.</p>
<h2>Une contribution bénévole</h2>
<p>Les notes de la communauté sont avant tout une forme de <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/quest-ce-que-le-digital-labor"><em>digital labour</em></a>, ou « travail numérique ». En d’autres termes, c’est une forme de travail non rémunéré qui est dissimulé dans les actions des utilisateurs de médias socionumériques, qui créent de la valeur pour le réseau social.</p>
<p>Ici, X délègue à moindres coûts le travail dont il est responsable, au lieu d’investir dans les ressources nécessaires et les technologies appropriées.</p>
<p>D’emblée, même si X continue de proposer un abonnement gratuit à ses membres, l’utilisation de cette plate-forme n’est pas dénuée de coûts. En effet, les utilisateurs investissent leur temps dans l’utilisation de la plate-forme et dans la création de contenu. Ce contenu est ensuite consommé sur X grâce à un système de recommandation algorithmique, qui suggère des contenus susceptibles d’intéresser l’utilisateur. Cette captation de l’attention est précieuse, car elle est par la suite monétisée auprès des annonceurs pour le placement publicitaire. Ce processus génère des revenus pour X, s’inscrivant ainsi dans un modèle économique basé sur <a href="https://www.worldcat.org/fr/title/892725761">l’économie de l’attention</a>.</p>
<p>De ce fait, une exigence accrue est imposée à la communauté de contributeurs aux notes : celle de contextualiser davantage les publications. Cette tâche supplémentaire s’inscrit dans la volonté de la plate-forme d’optimiser l’engagement des utilisateurs et, par conséquent, sa rentabilité. </p>
<p>Le tout est offert aux utilisateurs dans un emballage de belles valeurs : <a href="https://communitynotes.twitter.com/guide/fr/contributing/values">« contribuer de manière authentique et constructive à l’information des autres utilisateurs »</a>. </p>
<p>Mais cet apport bienveillant a un prix : temps et efforts de recherche. La vérification des faits est un travail méticuleux et méthodique, qui devrait être rémunéré.</p>
<h2>Accroître la méfiance envers les médias</h2>
<p>Bien que le concept des annotations puisse sembler séduisant et donne une première impression de libre arbitre, il est crucial de reconnaître que X a lui-même engendré la nécessité de contextualiser certaines publications. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2017338/titres-article-presse-aveugle-twitter">Depuis le 4 octobre 2023, les publications contenant des articles de presse n’affichent plus les titres et sous-titres desdits articles</a>. Seuls l’image de l’article ainsi qu’un lien vers le média en question sont visibles en vignette.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1720434929933423093"}"></div></p>
<p>Non seulement cette censure entrave le repartage des articles et leur contextualisation, mais <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2017338/titres-article-presse-aveugle-twitter">elle crée un problème d’accessibilité pour les personnes atteintes de cécité utilisant des lecteurs d’écrans</a>. Le tout a pour effet de nuire à la circulation d’information journalistique provenant d’organes de presse sur X.</p>
<p>De plus, en s’appuyant sur un consensus d’amateurs très engagés plutôt que sur des journalistes professionnels ou des modérateurs de contenu pour identifier et démystifier le contenu problématique, X accentue le manque de confiance envers l’institution du journalisme. Et il s’agit principalement d’un choix économique. </p>
<p>Le 12 novembre 2022, Twitter a supprimé une grande partie de ses capacités de modération après avoir mis fin aux contrats de <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/14/twitter-supprime-une-grande-partie-de-ses-capacites-de-moderation_6149773_4408996.html">4 400 prestataires, sur un total de 5 500</a>. </p>
<h2>Les dérives potentielles des notes</h2>
<p>Plusieurs possibilités de dérives des notes de la communauté sont envisageables : harcèlement, mobilisation opportune, critiques non constructives, annotations destinées à dénaturer le contenu original.</p>
<p>Prenons pour exemple cette annotation ajoutée à une publication du quotidien <em>Le Parisien</em>, qui révèle une autre forme de déviation de l’utilité des notes. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1692088046181654759"}"></div></p>
<p>Cette contextualisation fournit des informations supplémentaires, qui ne sont pas divulguées dans la publication X originale du <em>Parisien</em>, qui exige un abonnement pour la lecture intégrale de l’article en question. L’hyperlien de la note redirige le lecteur vers un site web que l’on peut qualifier d’« amateur », qui résume et cite le texte payant du <em>Parisien</em>. Comme l’auteur de la note et les évaluateurs demeurent anonymes, il est difficile de déterminer si ces personnes sont biaisées et ont un intérêt à orienter les lecteurs intéressés par le sujet vers un autre site Internet.</p>
<p>Nous retrouvons également les notes sur les contenus publicitaires. L’évaluation de tout type de « contenu » ouvre la voie non pas à la vérification factuelle, mais à l’expression d’opinions. Ce risque est exacerbé dans le cas des publicités politiques payantes qui sont de retour sur la plate-forme. </p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/08/30/twitter-autorise-a-nouveau-les-publicites-politiques_6187055_4408996.html">X a en effet levé l’interdiction sur ce genre de contenu publicitaire</a> le 30 août 2023, d’abord pour les États-Unis. Twitter avait initialement proscrit ces publicités en 2019 sous la direction de Jack Dorsey, alors PDG. Il affirmait à l’époque que « la portée des messages politiques devrait être gagnée, pas achetée ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1189634360472829952"}"></div></p>
<h2>Une défaite contre la désinformation</h2>
<p>Les chercheurs qui analysent les origines et la diffusion de la désinformation ne peuvent plus traquer automatiquement les <em>hashtags</em>, les mots-clés et d’autres données en temps réel. En février 2023, Twitter <a href="https://theconversation.com/voici-comment-elon-musk-favorise-la-desinformation-sur-x-214206">a révoqué l’accès gratuit à son interface de programmation d’application (API)</a> pour les recherches académiques. Cet outil était crucial pour la récolte et l’analyse des données.</p>
<p>Les utilisateurs de Twitter doivent désormais lutter seuls contre les troubles de l’information, et à leurs frais. </p>
<p>Les notes de la communauté ne sont qu’un accessoire supplémentaire de X pour amasser des données, entraîner ses algorithmes, maintenir la présence d’utilisateurs actifs, capter leur attention et vendre cette dernière aux annonceurs. </p>
<p>Sur la base de ce constat, la <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/agenda/briefing/2023-10-16/6/appliquer-la-loi-de-l-ue-pour-lutter-contre-la-diffusion-de-contenus-illicites">décision de X</a> de se désengager du <a href="https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/code-practice-disinformation">code de bonnes pratiques contre la désinformation en ligne de l’Union européenne</a> apparaît comme rationnelle, compte tenu du manque de détermination manifeste à lutter efficacement contre ce fléau. Toutefois, cette démarche met également en lumière les préoccupations légitimes exprimées par le commissaire Thierry Breton face à cette situation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216779/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Grondin-Robillard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La plateforme X délègue désormais une partie de la lutte contre la désinformation à ses utilisateurs et utilisatrices, les plaçant en première ligne. Cette stratégie n’est pas exempte de dérives.Laurence Grondin-Robillard, Chargée de cours à l'École des médias et doctorante en communication, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171482023-11-08T13:50:47Z2023-11-08T13:50:47ZContenu des médias sociaux en temps de guerre : un guide d'experts sur la manière d'éviter la violence sur vos fils d'actualité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557803/original/file-20231030-25-2np8f3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il existe des moyens pratiques de filtrer la quantité de contenus violents et graphiques que vous voyez sur les médias sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">bubaone</span></span></figcaption></figure><p>Les plateformes de médias sociaux sont une importante source d'information et de divertissement. Elles nous permettent également de rester en contact avec nos amis et notre famille. Mais les réseaux sociaux peuvent aussi devenir - <a href="https://theconversation.com/mounting-research-documents-the-harmful-effects-of-social-media-use-on-mental-health-including-body-image-and-development-of-eating-disorders-206170">et sont</a>, <a href="https://doi.org/10.1093/joc/jqab034">souvent devenus</a> - un environnement toxique où se propagent la désinformation, la haine et les conflits. </p>
<p>La plupart des gens ne peuvent pas ou ne veulent pas se passer des réseaux sociaux. Les mesures prises par les tribunaux et des <a href="https://foreignpolicy.com/2022/04/25/the-real-threat-to-social-media-is-europe/">organismes publics</a> pour les réguler ou les contrôler sont en train de rattraper lentement leur retard, mais ont jusqu'à présent infructueuses. Et les entreprises de médias sociaux ont l'habitude de <a href="https://www.bfmtv.com/economie/desinformation-facebook-a-dissimule-un-rapport-qui-risquait-de-ternir-son-image_AD-202108220068.html">donner la priorité à l'interaction</a> au détriment du bien-être social.</p>
<p>Les utilisateurs se retrouvent face à un dilemme : comment tirer profit des réseaux sociaux sans s'exposer à des contenus qui génèrent du stress, nuisibles ou illégaux? Cette question se pose avec encore plus d'acuité en période de tensions et de conflits mondiaux. Le conflit en Ukraine et maintenant la guerre de Gaza ont augmenté le risque de voir des <a href="https://www.ledevoir.com/monde/moyen-orient/800452/guerre-israel-hamas-guerre-images-images-guerre">images horribles et nuisibles</a> sur son fil d'actualité. </p>
<p>Cet article, basé sur <a href="https://orcid.org/0000-0001-5171-663X">mes recherches</a> sur l'actualité dans les médias sociaux, est un guide de sélection et d'édition de vos flux de médias sociaux afin de vous assurer que le contenu que vous voyez est adapté à vos besoins et n'est pas offensant ou dérangeant. </p>
<p>Il est organisé selon les catégories de médias sociaux les plus grands. Je ne couvre pas les nouveaux services tels que <a href="https://www.threads.net/login">Threads</a>, <a href="https://mastodon.social/explore">Mastodon</a>, <a href="https://post.news/feed">Post</a> et <a href="https://bsky.app/">Bluesky</a>, bien que les principes leur soient généralement applicables. Je me suis focalisée sur l'utilisation de ces applications sur un téléphone portable, car c'est ce que font <a href="https://www.pewresearch.org/global/2022/12/06/internet-smartphone-and-social-media-use-in-advanced-economies-2022/">la majorité des utilisateurs</a>, plutôt que de les utiliser sur un navigateur web. Je me concentre principalement sur le contenu vidéo.</p>
<p>Les réseaux sociaux peuvent être un outil puissant d'information et d'apprentissage, mais ils sont imparfaits. Quelle que soit l'approche que vous adoptez pour gérer vos flux, restez prudents et sceptiques. Soyez attentifs aux mises à jour des politiques et des accords d'utilisation et réfléchissez bien aux personnes auxquelles vous faites confiance et que vous suivez. </p>
<h2>Est-ce votre choix ou le leur ?</h2>
<p>De nombreux réseaux sociaux proposent un flux sélectionné de manière algorithmique comme premier point de contact. Les détails des algorithmes ne sont pas connus du public et les entreprises les affinent constamment. Le flux est en grande partie basé sur votre localisation et sur les sujets et les personnes pour lesquels vous avez manifesté un intérêt précédemment (que vous ayez suivi ou simplement regardé ou interagi avec le contenu). Il peut également inclure d'autres informations telles que votre âge et votre sexe, que vous avez peut-être déjà communiquées au service. </p>
<p>Les organisations et les particuliers investissent de l'argent et du temps pour s'assurer que leur contenu soit vu. Les annonceurs paieront également pour que leur contenu soit montré aux clients qui répondent à leurs critères. Il est également important de se rappeler que les contenus payants ne sont pas seulement des biens et des services à vendre, mais qu'ils peuvent aussi avoir un objectif politique ou social, souvent caché. C'est la base des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13278-023-01028-5">fake news et de la désinformation</a>.</p>
<p>Voici quelques outils pour gérer vos fils d'actualité sur les réseaux sociaux</p>
<h2>Soyez prudents dans le choix de vos abonnements</h2>
<p>Sur tous les réseaux, à l'exception de TikTok, la clé consiste à sélectionner avec soin les personnes que vous suivez.</p>
<p>Sur Twitter (X), la meilleure solution consiste à s'éloigner de la page “Pour vous” (qui est l'interface par défaut) et à se concentrer sur la page “Abonnements”. Vous ne pouvez pas supprimer entièrement la page “Pour vous”. Le flux “Abonnements” comprend toutes les personnes que vous suivez, leurs tweets et leurs retweets. </p>
<p>Si vous voyez des contenus que vous ne souhaitez pas voir, vous pouvez vous désabonner, les bloquer ou les masquer.</p>
<p>La manière la plus simple de nettoyer votre fil d'actualité Facebook est “défreinder” (cesser d'être l'ami de quelqu'un sur le réseau social). Une autre option est de ne plus suivre quelqu'un: vous restez amis, la personne concernée peut voir votre contenu et s'y intéresser, mais ses publications n'apparaîtront pas dans votre fil d'actualité, à moins qu'elle ne vous mentionne ou que vous ne la recherchiez. Vous pouvez également “faire une pause” avec quelqu'un, ce qui constitue une sorte de blocage temporaire. Le blocage est l'option la plus extrême. Il supprime la personne et tout son contenu, et cache tout le vôtre.</p>
<p>Instagram propose des options similaires pour supprimer un utilisateur et le masquer (à l'instar de l'option “prendre une pause” de Facebook).</p>
<p>TikTok n'offre aux utilisateurs que des options limitées pour filtrer ou organiser leur fil d'actualité. La page “Abonnements” n'affiche que les créateurs que vous suivez (et les publicités). Elle n'est pas et ne peut pas être définie comme l'affichage par défaut.</p>
<p>La page “Pour vous” est entièrement pilotée par des algorithmes. Cliquer sur un créateur vous permet uniquement de le suivre, et non de le masquer ou de le bloquer. Vous pouvez toutefois bloquer des utilisateurs spécifiques. Cliquez sur leur profil, puis sur l'icône de partage. Les options “Signaler” et “Bloquer” se trouvent sous les différentes options de partage. Le blocage supprime le contenu de l'utilisateur, mais pas le contenu des autres utilisateurs qui le présentent.</p>
<h2>Explorez vos paramètres</h2>
<p>De nombreuses plateformes proposent des options permettant de limiter les contenus violents ou graphiques. Sur Facebook, ces options se trouvent dans le menu Paramètres. De là, cliquez sur “Fil d'actualité”, puis sur “Réduire”. Vous ne pouvez pas supprimer ce contenu, mais vous pouvez le déplacer vers le bas de votre fil d'actualité. </p>
<p>Sur TikTok, un appui long sur l'écran fait apparaître le panneau des options. De là, vous pouvez signaler une vidéo ; il y a aussi une option “pas intéressé” pour supprimer cette vidéo et d'autres avec des hashtags similaires de votre fil d'actualité. Si vous cliquez sur “détails” pour voir quels hashtags seront filtrés, vous pouvez en sélectionner certains à bloquer. Toutefois, la fiabilité de cette option n'est pas évidente : les hashtags changent au fil du temps. Un certain nombre de hashtags ne peuvent apparemment pas être filtrés, mais on ne sait pas exactement de quoi il s'agit ni pourquoi ils ne peuvent pas l'être.</p>
<p>L'option “Préférences de contenu” sous “Paramètres” vous permet de filtrer les mots-clés vidéo. Cela permet de les supprimer de votre page “Pour vous”, de votre page “Abonnements”, ou des deux.</p>
<p>Vous pouvez également mettre TikTok en “mode restreint”. Cela limite l'accès aux “contenus inappropriés” – une description opaque.</p>
<h2>Attention aux utilisateurs</h2>
<p>Il ne s'agit pas d'un guide parfait, car les médias sociaux ne sont pas conçus pour être contrôlés par l'utilisateur. Ces entreprises sont basées sur l'engagement des utilisateurs : plus vous passez de temps sur leur application, plus elles gagnent de l'argent. Elles ne s'intéressent pas particulièrement à l'utilité ou à l'exactitude du contenu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217148/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Megan Knight does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Quelle que soit l'approche que vous adoptez pour gérer vos flux, restez prudents et sceptiques.Megan Knight, University of HertfordshireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2169432023-11-05T18:27:09Z2023-11-05T18:27:09ZComment protéger les enfants exposés à des images de guerre violentes ?<p>Dans le monde actuel rempli d’écrans, de nombreux enfants et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/adolescents-21823">adolescents</a> ont un accès quasi permanent aux médias. Selon des estimations américaines, les enfants d’âge scolaire passent quatre à six heures par jour à regarder ou <a href="https://www.aacap.org/AACAP/Families_and_Youth/Facts_for_Families/FFF-Guide/Children-And-Watching-TV-054.aspx">à utiliser des écrans</a>. Les adolescents passent jusqu’à neuf heures par jour sur des écrans.</p>
<p>(<em>En France, des <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1414345/duree-utilisation-ecran-france-jeunes/">données statistiques</a> montrent une forte hausse du temps passé par les enfants mineurs devant un écran. L’augmentation la plus importante concerne la tranche 13-19 ans dont le temps passé devant un écran (télévision, jeux vidéos ou sur Internet), mesuré sur une base hebdomadaire, a augmenté de six heures par semaine entre 2011 et 2022, pour atteindre 36 heures par semaine, ndlr</em>).</p>
<p>Si les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/medias-20595">médias</a> peuvent ouvrir la voie à l’apprentissage et favoriser les liens relationnels des enfants, ils comportent également un risque d’exposition à la violence.</p>
<p>Les médias d’information, en particulier, font courir des risques en diffusant des actualités qui traitent de guerres, de génocides, de morts violentes, de terrorisme et de souffrance, ces actualités étant couvertes de manières répétées tout au long d’un cycle d’information de 24 heures. Des recherches montrent que la violence et la criminalité font l’objet d’une <a href="https://scholarship.law.marquette.edu/mulr/vol103/iss3/14/">couverture médiatique disproportionnée</a>. Cela s’explique en partie par le fait que nous sommes attirés par ces récits ; il a été constaté que les <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-023-01538-4">titres négatifs</a> suscitent plus d’intérêt et de clics que les titres positifs.</p>
<p>Aujourd’hui, sur Internet, les enfants et les adolescents ont accès à des images de conflits armés, d’attaques terroristes, de violences policières, de fusillades de masse et d’homicides. Les médias qui retransmettent ces informations violentes, en presse écrite, audiovisuelles ou via des vidéos peuvent être consultés à tout moment et diffusent leurs informations en boucle. Celles-ci sont accompagnées de commentaires, d’analyses et véhiculent des représentations que les enfants peuvent être susceptibles d’intérioriser.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-les-ados-face-aux-ecrans-171232">Dossier : Les ados face aux écrans</a>
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<p>En tant que <a href="https://doi.org/10.1080/15299732.2019.1572043">chercheuse en traumatologie</a> et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10783903231171590">infirmière en psychiatrie</a>, j’étudie l’impact des traumatismes et des traumatismes vicariants sur les enfants.</p>
<p>(<em>On parle de <a href="https://www.cairn.info/pratique-de-la-psychotherapie-emdr--9782100737802-page-269.htm">traumatisme vicariant</a> quand une personne est « contaminée » par le vécu traumatique d’une autre personne avec laquelle elle est en contact, ndlr</em>).</p>
<p>Les médias qui diffusent des informations violentes et les <a href="https://www.business-school.ed.ac.uk/research/blog/media-framing-and-how-it-shifts-the-narrative">représentations qu’ils véhiculent</a> sur Internet ne peuvent être ignorés lorsqu’il s’agit de la santé mentale des enfants. Même les parents les plus avertis, à propos des médias, ne peuvent pas totalement contrôler les contenus que leurs enfants consomment ou les représentations qu’ils intériorisent. Néanmoins, je pense que certaines mesures peuvent être prises pour en atténuer les effets.</p>
<h2>Quand la peur est amplifiée</h2>
<p>Dans certains cas, les analyses faites par les médias d’information peuvent se révéler utiles pour comprendre les événements qui font l’actualité. Mais toutes les personnes avec un accès à Internet peuvent s’exprimer, qu’il s’agisse d’experts reconnus ou d’adolescents influents sur les réseaux sociaux. Ces personnes peuvent amplifier la peur d’un enfant, sans tenir compte du contexte.</p>
<p>Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, des chercheurs ont inventé le terme <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1111%2Fj.1468-2850.2007.00078.x">« terrorisme secondaire »</a> pour décrire la manière dont les représentations véhiculées par les médias d’information augmentaient la perception d’une menace et d’une situation de détresse.</p>
<p>À force d’être exposés à des médias violents et aux représentations qu’ils véhiculent, les enfants peuvent développer une <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-023-01538-4">vision déformée</a> du monde, perçu comme un endroit dangereux et hostile. Cela peut, en retour, amener chez eux de l’anxiété et entraver leur capacité à être en confiance et à s’engager dans le monde.</p>
<p>Le sentiment de sécurité des enfants peut également être altéré, ce qui rend difficile le développement chez eux d’un sentiment d’optimisme.</p>
<p>Des études ont révélé que, parmi les enfants exposés aux médias violents sous leurs <a href="https://www.aafp.org/about/policies/all/violence-media-entertainment.html">nombreuses formes</a>, certains risquaient de souffrir d’une perte de sensibilité, de peur, d’anxiété, de troubles du sommeil, d’agression et de symptômes de stress traumatique.</p>
<h2>Comment les parents peuvent-ils réagir ?</h2>
<p>Les parents doivent concilier deux priorités opposées.</p>
<p>D’une part, il est important d’élever les enfants pour qu’ils deviennent des citoyens informés, pour qu’ils cultivent des compétences adaptées à leur âge afin qu’ils s’impliquent, de manière critique, face aux événements et aux injustices du monde. On évoquera la réalité dévastatrice des fusillades dans les écoles (<a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-un-nombre-ahurissant-d-eleves-exposes-a-la-violence-par-armes-a-feu-dans-les-ecoles-americaines"><em>un nombre important de fusillades ont lieu dans des établissements scolaires aux États-Unis</em></a><em>, ndlr</em>) et d’autres lieux publics qui représentent une menace réelle pour les enfants, tout comme les conflits armés et les attaques terroristes qui ont lieu dans de nombreuses régions du monde.</p>
<p>D’autre part, les parents doivent surveiller la consommation que leurs enfants font des médias afin de réduire leur exposition à la violence et de contrôler la façon dont les enfants intériorisent des représentations fondées sur la peur, qui nuisent à leur bien-être psychologique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avec-de-jeunes-enfants-comment-guider-lusage-des-ecrans-153310">Avec de jeunes enfants, comment guider l’usage des écrans ?</a>
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<p>Les parents, les grands-parents, les enseignants et tous les autres adultes responsables d’enfants au sein de diverses communautés peuvent prendre des mesures pour atteindre cet équilibre délicat. Dans une vie d’enfants remplie par les médias, ils doivent offrir un cadre constant et sécurisé.</p>
<p>Tout d’abord, il est important que les adultes encouragent la réflexion critique sur ce que les enfants voient et entendent sur Internet et dans les médias. Les enfants et les adolescents doivent participer à des conversations adaptées à leur âge concernant les situations dont ils sont témoins et le contexte dans lequel surviennent des événements violents, en particulier quand ils ont lieu près de chez eux. Les conversations ouvertes, l’exploration des sentiments et la reconnaissance d’expériences vécues par les enfants et marquées par la tristesse, l’inquiétude, la colère ou la peur peuvent favoriser un dialogue réfléchi et une sécurité psychologique.</p>
<p>Ensuite, les adultes doivent veiller à fixer des limites à la consommation de médias et surveiller les contenus auxquels les enfants sont exposés. Regarder ou écouter les médias avec eux et créer un espace de discussion peut aider les enfants à donner un sens aux informations difficiles qu’ils reçoivent et cela permet aux parents de surveiller la réaction de l’enfant.</p>
<p>Enfin, les adultes doivent être des modèles pour leurs enfants concernant les médias d’information. Les enfants copient souvent le comportement de leurs parents et d’autres adultes. Nos propres <a href="https://www.insiderintelligence.com/content/us-time-spent-with-media-2019">habitudes de consommation des médias</a>, nos réactions et notre capacité à avoir une vie en ligne contrebalancée par des activités positives dans la vie réelle, cela parle aux enfants.</p>
<p>La violence du monde étant entre les mains des enfants et des adolescents, il incombe aux adultes de les guider vers une compréhension nuancée du monde, tout en leur assurant une sécurité psychologique.</p>
<p>Il est essentiel d’encourager l’esprit critique, de fixer des limites et de montrer un modèle de consommation responsable des médias.</p>
<p>Si les adultes mènent à bien ces actions des adultes, cela peut permettre à la prochaine génération de naviguer dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté, en faisant preuve d’empathie, de résilience émotionnelle et d’esprit critique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristen Choi est financée par les National Institutes of Health et la Gordon and Betty Moore Foundation.</span></em></p>À force d’être exposés à des médias violents et aux représentations que ces médias véhiculent, les enfants peuvent développer une vision déformée du monde, perçu comme un endroit dangereux et hostile.Kristen Choi, Assistant Professor of Nursing & Public Health, University of California, Los AngelesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166642023-11-02T20:57:59Z2023-11-02T20:57:59ZSport féminin : les médias sociaux ont-ils réussi là où les médias traditionnels ont échoué ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556605/original/file-20231030-19-owtjmy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=70%2C19%2C1115%2C777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Serena Williams, l’une des sportives américaines les plus présentes sur les réseaux sociaux.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bosstweed/9666265544">Boss Tweed/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les médias sociaux (terme qui désigne les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> comme Facebook ou Instagram, mais aussi les sites de partage de contenus, les blogs ou les forums) ont ouvert de nouvelles voies aux athlètes féminines, qui peuvent désormais non seulement montrer leurs prouesses athlétiques, mais aussi façonner leur <a href="https://theconversation.com/pourquoi-creer-son-image-de-marque-personnelle-110164">« marque personnelle »</a> (<em>personal branding</em>).</p>
<p>Par exemple, la superstar du tennis Serena Williams, retraitée des courts depuis octobre 2022, n’est pas seulement connue pour ses talents de joueuse mais aussi pour sa forte présence sur les médias sociaux. L’Américaine aux 23 titres du Grand Chelem utilise des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> telles qu’Instagram et Twitter pour partager son parcours de mère, ses projets de mode et son plaidoyer en faveur de <a href="https://www.marca.com/en/tennis/us-open/2022/09/02/63117a05e2704e4e188b4579.html">l’égalité des sexes dans le sport</a>. La joueuse a ainsi été une figure de proue dans la lutte pour les droits des femmes dans le tennis, et sa présence sur les médias sociaux lui a permis d’étendre son influence au-delà du court.</p>
<p>Un autre exemple est celui de Megan Rapinoe, membre de l’équipe nationale féminine de football des États-Unis, qui a été reconnue non seulement pour ses talents de footballeuse, mais aussi pour son activisme social et politique. La joueuse utilise notamment les médias sociaux pour s’exprimer sur des questions telles que l’égalité des sexes, les droits des personnes <a href="https://olympics.com/en/news/megan-rapinoe-lgbtq-community-inspiration">LGBTQI+</a> et la justice raciale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1654567971337977856"}"></div></p>
<p>Le troisième cas est celui de Simone Biles, une sensation de la gymnastique, qui s’est emparée des médias sociaux pour inspirer ses adeptes et se rapprocher d’eux. La gymnaste américaine partage ses routines, ses séances d’entraînement et ses moments personnels. Elle s’exprime également sur des questions telles que la <a href="https://www.turnbridge.com/news-events/latest-articles/simone-biles-mental-health/">santé mentale</a>, l’autonomisation des jeunes filles et la positivité du corps.</p>
<h2>Le sport féminin sous-représenté dans les médias traditionnels</h2>
<p>Mais qu’est-ce qui pousse les consommateurs à suivre ces athlètes féminines sur les plates-formes ? Nous avons publié une <a href="https://cgscholar.com/bookstore/works/instagram-users-motives-of-social-media-engagement-with-female-athletes?category_id=cgrn&path=cgrn%2F282%2F287">étude</a> sur ces motivations, qui révèle également comment ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/influenceurs-81090">influenceurs</a> s’emparent de ces outils pour s’émanciper du traitement historiquement réservé au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sport-feminin-113654">sport féminin</a>.</p>
<p>L’idée est que, tout au long de l’histoire, les athlètes féminines ont souvent été <a href="https://www.thenation.com/article/archive/slide-show-6-ways-media-represents-female-athletes/">jugées davantage pour leur apparence</a> que pour leurs compétences athlétiques dans les médias grand public. Cette focalisation erronée a créé une <a href="https://www.sportanddev.org/latest/news/15-rules-sports-media-representation-female-athletes">pression supplémentaire</a> pour les athlètes féminines, souvent au détriment de leurs véritables capacités et de leur potentiel. Cette situation a longtemps entretenu un <a href="https://rm.coe.int/bis-factsheet-gender-equality-sport-media-en/1680714b8f">manque persistant d’égalité</a> entre les hommes et les femmes dans le sport.</p>
<p>En fait, les sports féminins ont été globalement <a href="https://insider.fitt.co/changing-the-game-a-new-era-in-womens-sports/">mis à l’écart</a>, confrontés à des problèmes de sous-représentation ou de sous-financement par rapport aux sports masculins. Mais les médias sociaux contribuent désormais à changer la donne. Les athlètes féminines disposent en effet des outils nécessaires pour développer leurs propres récits, définir leur identité et amplifier leur voix.</p>
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<p>En créant du contenu et en interagissant avec les fans, ces athlètes ne sont donc plus seulement reconnues pour leurs prouesses sur le terrain : elles encouragent <a href="https://www.heraldsun.com.au/sport/womens-sport/insight/social-media-posts-pay-up-to-50k-each-for-australian-athletes-who-tops-the-rich-list/news-story/711551b4917ebd64473fb0a15b279079">l’esprit d’entreprise</a>, le sens de la communauté et l’autonomisation de leurs <em>followers</em>.</p>
<p>Par exemple, Olivia Dunne, gymnaste de l’université d’État de Louisiane, influenceuse et mannequin pour le magazine Sports Illustrated, a lancé le Livvy Fund en juillet 2023 pour aider les athlètes féminines de son université à obtenir des contrats de <a href="https://deadline.com/2023/07/lsu-gymnast-and-influencer-olivia-dunne-sets-fund-to-promote-lsu-women-college-athletes-1235432481/">nom, d’image et de licence (NIL)</a>. Dunne, considérée comme l’une des athlètes féminines les mieux payées en raison de ses gains considérables sur les médias sociaux, cherche ainsi à partager ses connaissances du secteur et ses relations avec d’autres étudiantes-athlètes et à élever le sport féminin dans le processus.</p>
<p><div data-react-class="TiktokEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.tiktok.com/@livvy/video/7278801190639537454 ?lang=fr"}"></div></p>
<p>Alors que les médias traditionnels n’ont pas réussi à capturer la véritable essence des athlètes féminines, les médias sociaux ont semble-t-il été en mesure d’ouvrir la voie à cet égard. Les consommateurs se sont ainsi détournés de la tendance des médias traditionnels à se focaliser sur l’apparence des athlètes féminines plutôt que sur leurs exploits sportifs.</p>
<h2>Au-delà des performances sportives</h2>
<p>En effet, les médias sociaux ont pu développer de nouveaux types de liens entre les consommateurs et leurs idoles.</p>
<p>D’abord, <strong>l’inspiration et l’autonomisation</strong> (<em>empowerment</em>) : de nombreuses personnes, en particulier les jeunes filles, considèrent les athlètes féminines comme des figures d’inspiration. Elles admirent le dévouement, le travail acharné et la persévérance dont ces athlètes font preuve dans leur carrière sportive. Les athlètes féminines utilisent les médias sociaux pour partager leurs histoires personnelles, leurs luttes et leurs réussites, ce qui constitue une source de motivation et d’encouragement pour ceux qui les suivent.</p>
<p>De même, de nombreuses athlètes féminines représentent des groupes sous-représentés dans le monde du sport, tels que les femmes, les personnes de couleur et la communauté LGBTQI+. Les fans sont attirés par ces athlètes parce qu’elles incarnent l’esprit d’autonomisation et de dépassement des barrières. Les fans peuvent s’identifier à leur parcours et éprouver un sentiment de fierté à soutenir des athlètes qui remettent en cause le statu quo.</p>
<p>Les <em>followers</em> apprécient également <strong>l’authenticité et les liens créés par le biais du divertissement</strong> : les médias sociaux offrent en effet une ligne de communication directe entre les athlètes et leurs fans. Les athlètes féminines utilisent ces plates-formes pour donner à leurs fans un aperçu des coulisses de leur vie, de leurs routines d’entraînement et des défis quotidiens auxquels elles sont confrontées. Cette authenticité aide les fans à se connecter à un niveau plus personnel, ce qui rend les athlètes accessibles.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, le divertissement peut également provenir de l’esprit de communauté créé par les athlètes sur les médias sociaux. Les fans se divertissent en se connectant avec des personnes partageant les mêmes idées et en partageant leur enthousiasme pour les athlètes et les sports qu’ils aiment.</p>
<p>Enfin, <strong>le militantisme par le biais de la popularité</strong> constitue un dernier levier d’engagement des utilisateurs de médias sociaux : les athlètes féminines tirent souvent parti de leur notoriété pour défendre des causes sociales et politiques importantes. Cela permet non seulement de sensibiliser les gens, mais aussi de les encourager à les suivre pour qu’ils relayent à leur tour les messages.</p>
<p>Ce faisant, les athlètes féminines, autrefois peu appréciées, transforment aujourd’hui le paysage sportif, inspirent une nouvelle génération, défendent une culture d’égalité et de respect. Leurs activités en ligne ont un impact positif sur le développement de jeunes talents dans une variété de sports.</p>
<p>De cette manière, ces sportives brisent les barrières, créent une image accessible et alignent leur marque sur des causes sociales et politiques importantes, attirant ainsi des supporters qui partagent leurs valeurs et leurs croyances. En ce sens, ils établissent une marque personnelle polyvalente et durable qui va au-delà de leurs performances sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis quelques années, les athlètes de haut niveau s’emparent des plates-formes comme Instagram ou TikTok pour changer la perception du public sur l’image traditionnellement véhiculée.Helmi Issa, Professeur assistant, Burgundy School of Business Roy Dakroub, UX Research Manager - Sports Research Lead at EPAM Systems, Adjunct Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2117662023-10-19T20:38:01Z2023-10-19T20:38:01ZPrésenter l’IA comme une évidence, c’est empêcher de réfléchir le numérique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547202/original/file-20230908-21-g6utdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=108%2C94%2C899%2C573&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une des 7 stratégies discursives caractéristiques de l'impensé est le fait de «jouer à se faire peur» (extrait de la bande dessinée de science-fiction MediaEntity de Simon & Émilie).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mediaentity.net/">MediaEntity, Simon & Emilie</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au printemps dernier, des personnalités aussi diverses que Elon Musk, Yuval Noah Harari ou Steve Wozniak s’associaient à plus de 1 000 « experts » pour mettre en garde face aux « risques majeurs pour la société et l’humanité » que représente l’intelligence artificielle et demander une <a href="https://futureoflife.org/open-letter/pause-giant-ai-experiments/">pause de six mois</a> dans d’entraînement des modèles plus puissants que GPT-4. Du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/29/elon-musk-et-des-centaines-d-experts-reclament-une-pause-dans-le-developpement-de-l-ia_6167461_3234.html"><em>Monde</em></a> au <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/elon-musk-et-des-centaines-d-experts-reclament-une-pause-dans-l-ia-evoquant-des-risques-majeurs-pour-l-humanite-20230329"><em>Figaro</em></a>, en passant par <a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/securite-sur-internet/intelligence-artificielle-elon-musk-et-des-centaines-d-experts-veulent-stopper-les-recherches-par-crainte-de-risques-majeurs-pour-l-humanite_5739509.html">FranceInfo</a> ou <a href="https://www.liberation.fr/economie/economie-numerique/lintelligence-artificielle-risque-majeur-pour-lhumanite-une-petition-mondiale-reclame-un-moratoire-de-six-mois-20230330_FCER5AORZBATBFQPZAMNNGCVD4/"><em>Libération</em></a>, les médias ont volontiers relayé les termes de ce courrier qui appelle à une pause pour mieux affirmer le caractère inéluctable et la toute-puissance des systèmes d’IA à venir.</p>
<p>Ce qui frappe dans la réception médiatique immédiate de ce courrier, c’est la myopie face à un processus théorisé depuis maintenant <a href="https://www.theses.fr/1994PA010549">bientôt 30 ans</a> : <a href="https://www.archivescontemporaines.com/publications/9782813003577">« l’impensé numérique »</a> (ou <a href="https://doi.org/10.17184/eac.9782813000743">informatique</a>, avant lui). Ce concept d’« impensé » désigne les stratégies discursives par lesquelles la technologie est présentée comme une évidence, souvent sous l’influence des acteurs dont elle sert les intérêts économiques ou politiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lia-profite-dune-couverture-partiale-des-medias-204238">L'IA profite d'une couverture partiale des médias</a>
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<p>La lettre ouverte de l’institut <em>Future of Life</em> en est un cas d’école : selon elle, l’intelligence artificielle est un outil puissant, il est déjà là, et il est appelé à être encore plus présent et plus puissant à l’avenir pour le plus grand bien de l’humanité.</p>
<h2>Comment repérer l’impensé numérique ?</h2>
<p>Sept marqueurs discursifs devraient vous mettre la puce à l’oreille. Pour illustrer cette « boîte à outils », la lettre ouverte d’Elon Musk et consorts, qui prétend pourtant appeler à faire une pause, présente avantageusement tous les marqueurs discursifs de l’impensé, quoique l’on puisse également l’<a href="https://dx.doi.org/10.48611/isbn.978-2-406-14569-1.p.0171">appliquer au très sérieux rapport Villani</a> qui plaidait en 2018 pour une stratégie nationale et européenne en matière d’IA :</p>
<iframe src="https://blog.profluens.com/impense/index.html" width="100%" height="580px" title="Les 7 marques discursives de l'impensé numérique"></iframe>
<p>Dans ce type de discours, l’objet technique se présente comme neutre : il revient à l’humanité de s’en servir à bon escient, sa seule existence lui sert de justification.</p>
<p>Pourtant, si l’on nous dit que l’IA représente des « risques majeurs pour l’humanité », n’est-ce pas la preuve que nous sommes devant une technique qui n’est pas neutre justement ?</p>
<p>Voilà sans doute le mécanisme le plus retors de l’impensé : diaboliser l’objet technique contribue à la fois à affirmer sa puissance et son potentiel lorsqu’il est utilisé à bon escient, et à alimenter le pseudodébat sans lequel l’intérêt médiatique retomberait. L’informatique, le numérique, l’IA sont <em>déjà là</em>, nul besoin de produire un travail historique sérieux à leur sujet, le storytelling des réussites entrepreneuriales suffit.</p>
<h2>L’impensé forme un cercle vicieux avec le glissement de la prérogative politique…</h2>
<p>L’impensé est indissociable de deux autres processus avec lesquels il forme un véritable cercle vicieux : le <a href="https://books.openedition.org/pub/31561">glissement de la prérogative politique</a> et la <a href="https://journals.openedition.org/communicationorganisation/4587">gestionnarisation</a>.</p>
<p>À la faveur de l’impensé numérique, des outils détenus par des acteurs privés sans légitimité électorale ou régalienne déterminent jusqu’à l’accès du public à l’information. Un exemple en est la plate-forme X (anciennement Twitter), qui est scrutée par les <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/twitter-ou-mastodon-dilemme-journalistes-medias-debat-en-ligne-elon-musk">journalistes</a> parce qu’elle est alimentée par les personnalités publiques et politiques, ainsi que par les institutions publiques. Lorsqu’une plate-forme privée porte une parole politique, nous sommes dans ce que l’on appelle le « glissement de la prérogative politique ».</p>
<p>En effet, lorsque des acteurs privés déploient des technologies de manière systématique, depuis les infrastructures (câbles, fermes de serveurs, etc.) jusqu’aux logiciels et applications, cela revient à leur déléguer des prises de décisions de nature politique. Ainsi, face à un moteur de recherche qui <a href="https://theconversation.com/les-20-ans-de-google-ami-ou-ennemi-de-la-culture-et-de-la-circulation-des-idees-85940">domine notre accès à l’information</a> et occupe une place qui relèverait d’un véritable service public, nous sommes en plein dans un glissement de la prérogative politique.</p>
<p>On observe le même phénomène lorsque le gouvernement français préfère recourir aux <a href="https://theconversation.com/depenses-manque-de-transparence-pourquoi-le-recours-aux-cabinets-de-conseil-est-si-impopulaire-180805">cabinets de conseil</a> plutôt qu’à l’expertise universitaire. Des cabinets, dont les recommandations privilégient volontiers le recours systématique aux technologies numériques et font le lit de la gestionnarisation.</p>
<h2>… et avec la gestionnarisation</h2>
<p>Aujourd’hui, les outils numériques ne nous permettent pas seulement de gérer diverses activités (banque, rendez-vous médicaux…), ils sont aussi et surtout devenus incontournables pour effectuer ces tâches. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous fondre dans les catégories que ces outils nous imposent. Il n’est pas toujours facile de prendre rendez-vous avec un ou une secrétaire médical, par exemple, ou de faire sa déclaration d’impôts sur papier. C’est ce que l’on appelle la « gestionnarisation ».</p>
<p>Cette gestionnarisation témoigne aussi d’un glissement. Par exemple, l’outil d’accès à l’enseignement supérieur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/parcoursup-55513">Parcoursup</a> s’impose désormais aux lycéens et à leurs familles. Or cet outil porte une <a href="https://doi.org/10.3917/scpo.simio.2022.01.0061">dimension politique</a> aux conséquences critiquables, telles que l’exclusion de certaines catégories de bacheliers ou l’accentuation de la mise en concurrence des formations. Dans la gestion, l’outil est second par rapport à l’activité ; avec la gestionnarisation, l’outil devient premier : Parcoursup a pris le pas sur le besoin auquel il est censé répondre.</p>
<p>Dans notre quotidien, pour visiter une nouvelle région, choisir le menu de son dîner comme pour rencontrer l’âme sœur, chacun saisit docilement les informations attendues par les <a href="https://doi.org/10.3917/ecop.215.0001">plates-formes de consommation numérique</a>. Lorsque l’on mène une activité sportive en <a href="https://doi.org/10.3917/res.216.0017">s’équipant d’un bracelet</a> qui traite, mémorise et fait circuler un ensemble de données biométriques, celles-ci deviennent le modèle que l’on suit, plutôt que le ressenti de son corps, dans une sorte d’« auto-gestionnarisation ».</p>
<p>Dûment identifiés et profilés par nos outils, nous contribuons sans réserve aux profits économiques de <a href="https://doi.org/10.3917/comla.188.0061">firmes</a> dont l’essentiel des revenus échappe à l’impôt… Et donc au pouvoir démocratique déjà ébranlé par le glissement de la prérogative politique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wrIfKjhQfN0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Productivité du numérique et management numérique (<em>Enjeux sociopolitiques du numérique</em>, Dominique Boullier).</span></figcaption>
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<h2>Critiquer… et agir</h2>
<p>Le numérique n’est pas cet avenir tantôt infernal et tantôt radieux que nous promettent ses impenseurs : ce n’est qu’une catégorie pour désigner un ensemble d’objets techniques et de dispositifs sociotechniques qui doivent être <a href="https://doi.org/10.17184/eac.9782813003577">interrogés et débattus</a> au regard de leur action politique et sociétale.</p>
<p>Alors que l’impensé focalise notre attention sur l’IA, peut-être avons-nous davantage besoin outils nouveaux (dans lesquels il peut y avoir de l’IA) afin de mieux organiser l’expression (numérique) de notre intelligence face aux enjeux qui exigent des décisions collectives inédites. Climat, démocratie, environnement, santé, éducation, vivre-ensemble : les défis ne manquent pas.</p>
<p>Dans cette perspective, nous vous invitons à découvrir la nouvelle version du service de navigation web contributive <a href="https://needle.univ-lorraine.fr/">Needle</a>. <a href="https://doi.org/10.17184/eac.2649">Nourrie</a> par le concept d’impensé, cette proposition radicalement différente d’accès et de partage de contenus numériques mise sur l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-collective-59378">intelligence collective</a>. Needle est une plate-forme de mise en relation qui matérialise l’espérance d’un environnement numérique riche du <a href="https://revuecaptures.org/image/figure-31-connecter-traverser-longer-2011">maillage</a> et de <a href="https://doi.org/10.4000/books.pressesmines.3669">l’exploration curieuse</a> de toutes et tous, en lieu et place du réseau de lignes droites par l’entremise desquelles des intelligences artificielles devraient nous désigner quels documents consulter.</p>
<p>Cette technologie est désormais <a href="https://www.profluens.com/">portée par une start-up</a>, preuve qu’il est possible de concevoir des propositions concrètes qui tiennent compte de la nécessaire critique de la place accordée à la technique dans nos sociétés.</p>
<iframe src="https://ultv.univ-lorraine.fr/video/15478-needle-et-si-vous-pouviez-croiser-toutes-les-personnes-pour-qui-cette-page-web-a-compte/?is_iframe=true" width="100%" height="360" style="padding: 0; margin: 0; border:0" allowfullscreen="" title="Needle: et si vous pouviez croiser toutes les personnes pour qui cette page web a compté ?"></iframe><img src="https://counter.theconversation.com/content/211766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Falgas est Président et cofondateur de Profluens SAS, la start-up qui valorise la technologie Needle, issue de ses recherches à l'Université de Lorraine.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascal Robert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sept stratégies dans les discours autour de l’IA, qui nous empêchent de débattre des implications politiques de nos technologies.Julien Falgas, Maître de conférences au Centre de recherche sur les médiations, Université de LorrainePascal Robert, Professeur des universités, École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques ; laboratoire elico, Université de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2142942023-10-09T17:46:20Z2023-10-09T17:46:20ZEnfants placés : le numérique, un recours pour « faire famille » ?<p>La généralisation des écrans fait résonner dans l’espace public de nombreuses inquiétudes sur le développement des enfants comme sur les pratiques à risque des adolescents. Les réactions sociales liées à leurs usages numériques se centrent principalement sur les risques et les dangers.</p>
<p>Les questions de sexualité juvénile éveillent les attentions qu’il s’agisse de <a href="https://theconversation.com/pornographie-en-ligne-des-risques-preoccupants-pour-les-adolescents-158472">l’accessibilité des contenus pornographiques en ligne</a>, de l’échange et de la diffusion de sextos ou de la prostitution des mineurs. Du côté de l’école, l’accent est mis sur le harcèlement, le <a href="https://theconversation.com/le-cyberharcelement-ou-lagression-par-internet-49919">cyberharcèlement</a> constituant là une nouvelle catégorie du langage courant et un problème public. Enfin, pour le développement neurologique et cognitif des enfants, l’exposition aux écrans fait l’objet de mobilisations du côté des experts en santé publique.</p>
<p>Sans vouloir faire fi de la réalité des risques et des dangers que comportent les écrans, il s’agit ici de décaler la focale du problème public vers des usages qui bénéficient de moins de visibilité. Or, dans la diversité des dispositifs techniques, les usages socionumériques s’inscrivent dans un large spectre de possibilités.</p>
<p>Au vu des inquiétudes affichées publiquement aujourd’hui, s’intéresser à leur intérêt relationnel <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4566/le-smartphone-des-enfants-places">pour des mineurs concernés par une mesure de protection de l’enfance</a> peut s’apparenter à une forme de provocation. Sans pour autant développer une vision enchantée des usages de ces dispositifs, il est important de comprendre en quoi et comment ils permettent de se raccrocher à des univers sociaux et familiaux.</p>
<p>Rappelons que la mesure de placement au titre de l’assistance éducative sépare, en termes de lieu de vie, enfant, fratrie et parent au nom du danger pour le mineur <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006150091/">(art. 375 du code civil)</a>. Les droits de visite, d’hébergement et de <a href="https://journals.openedition.org/efg/5303#entries">correspondance</a> attribués par le juge des enfants aux parents assurent le maintien du lien familial malgré la séparation.</p>
<p>À côté de ces droits, et de manière progressive, se sont développées des correspondances numériques qui font partie aujourd’hui de « l’ordinaire » des pratiques de communication. Elles ouvrent un champ des possibles dans le « faire famille » à distance. Dans les trajectoires des mineurs séparés de tout ou partie de leur entourage, sur quels registres la mobilisation des dispositifs socionumériques se réalise-t-elle ?</p>
<h2>Ajuster la relation à distance</h2>
<p>Le premier registre est celui d’un ajustement des liens sur l’espace socionumérique. <a href="https://univ-rennes2.hal.science/hal-02863293/document">Les dispositifs socionumériques</a> offrent une scène qui accompagne la trajectoire résidentielle du mineur (de la famille d’origine à la famille d’accueil, d’un lieu d’accueil à un autre…) et les recompositions relationnelles dans son (ou ses) espace(s) de vie (rester en lien avec un beau-parent, une sœur d’accueil…). Les relations socionumériques peuvent préexister ou s’activer lors de la séparation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/famille-daccueil-une-profession-dans-laquelle-on-est-heureux-200761">Famille d’accueil : une profession dans laquelle on est heureux ?</a>
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<p>Au moment du départ ou de la recomposition, des droits d’équipement ou d’accès sont offerts aux mineurs : obtention d’un smartphone, ouverture d’un compte sur un réseau social ou encore accompagnement des plus jeunes sur des dispositifs spécifiques (échanges vidéophoniques par exemple).</p>
<p>Le choix du mode de communication (se voir en visio, envoyer un message écrit, adresser une photo, publier une vidéo sur les réseaux…) permet au mineur d’ajuster les dispositifs mobilisés au type de relation souhaitée sur un registre allant de forme de co-présence continue à des échanges ponctuels, de la mobilisation d’une multitude d’applications à l’exclusion de l’espace socionumérique. La transposition technique recompose également les supports de la relation et conséquemment l’amène à se transformer.</p>
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<p>Dans le cadre de relations horizontales soutenues, certaines fratries se servent des dispositifs socionumériques pour prolonger la relation à distance malgré l’éloignement des lieux de vie et la faiblesse des rencontres physiques. Les échanges sont des récits du quotidien qui s’alimentent par des photos, des textos, des appels téléphoniques ou visiophoniques.</p>
<p>Les plus jeunes cherchent des conseils auprès des aînés. Les plus grands cherchent à contrôler ce qui se passe en leur absence, à avoir un œil sur la vie familiale, les activités sociales et le travail scolaire, comme le raconte cette jeune femme de 18 ans, en accueil en Maison d’enfants à caractère social :</p>
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<p>« Par SMS, je demande (à ma sœur) si ça va. Si l’école, ça se passe bien, si ses notes remontent. Si le foot ça se passe bien. Ce n’est pas trop son truc, l’école. J’essaie de suivre un peu. Mais je n’arrive pas à me connecter sur son truc (ENT). Du coup, je lui demande. Et, je sais si elle ment. Si elle ment, c’est que, elle ne veut pas me donner toutes les notes qu’elle a eues. Quand elle ne ment pas, elle me dit : “Si tu veux, je te montre une photo.” Elle me demande, quand elle a des disputes avec ses amis, quand elle veut acheter des vêtements et tout, je la conseille un peu. Quand on est sur Skype, elle me montre des tenues aussi. »</p>
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<h2>Se retrouver</h2>
<p>Le deuxième registre relève de <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2018-4-page-179.htm">l’activation des liens via les ressources des réseaux en ligne</a>. Dans beaucoup de situations de placement, les frères et sœurs connaissent des expériences familiales éloignées, résidant tantôt avec la mère, tantôt avec le père, ou éventuellement pris en charge au sein de la famille élargie (grands-parents, oncle ou tante).</p>
<p>Dans la trajectoire familiale, ces modes de vie très différents au sein de la fratrie sont alimentés par des ruptures conjugales, des recompositions familiales pour l’un et/ou l’autre parent, des difficultés parentales dans la prise en charge des enfants. Ces différents éléments créent des tensions qui peuvent alimenter de la distance dans les relations familiales horizontales et verticales. La mesure de placement accentue ce phénomène, car les décisions de placement sont rarement synchronisées pour l’ensemble de la fratrie et les lieux d’accueil diffèrent d’un enfant à l’autre.</p>
<p>Teddy a neuf frères et sœurs et il est le seul enfant de la fratrie à être placé. Ses parents ont eu deux enfants en commun mais sa sœur réside avec son père à l’étranger et il n’a jamais vécu avec elle. Son père a par ailleurs quatre enfants issus de deux unions différentes que Teddy n’a jamais rencontrés. Sa mère a cinq enfants, dont trois avec des compagnons autres que son père et il a vécu quelques années avec son demi-frère, à la charge aujourd’hui de son beau-père.</p>
<p>De dimension variable, les situations familiales offrent un canevas de liens qui se nourrit des lieux de vie, des trajectoires conjugales, des recompositions, des âges et des expériences afférentes dans la fratrie. Certains membres de la famille se sont seulement « croisés » par le passé (quand l’arrivée des uns s’est faite après, ou au moment, du départ des autres) ou ont été informés tardivement des existences mutuelles (quand les secrets de famille ou les conflits ont gommé une partie de l’arbre de famille). Dans ce cas, la mise en visibilité par les réseaux socionumériques des réseaux familiaux permet une accessibilité inédite. Elle amène à activer ou à réactiver des liens avec un parent ou celui qui est reconnu comme tel, qu’il soit père ou mère, beau-père ou belle-mère, parent d’accueil, frère ou sœur, demi-frère ou demi-sœur, frère ou sœur d’accueil…</p>
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<p>« Je pense que si je n’avais pas eu les réseaux, j’aurais attendu peut-être encore 10 ans avant de les retrouver, quoi. Parce que, déjà, mon frère, mon grand frère et, ma petite sœur, mon autre grand frère, mes petits frères. Je pense que je ne les aurais jamais rencontrés… En fait, sans Internet, je n’aurais pas pu les retrouver. » (Jeune homme, 17 ans, accueil en MECS)</p>
</blockquote>
<p>Se retrouver et prendre contact ne présage pas de la force des liens pour demain mais permet aux mineurs de participer à la constitution/reconstitution de leur réseau relationnel.</p>
<h2>Garder les liens en mémoire</h2>
<p>Enfin, le troisième registre rend compte de la mémorisation des liens. Carnets de contact dans la mémoire électronique, archives enregistrées ou traces numériques marquent des affiliations qui se sont inscrites dans la trajectoire du mineur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">Les écrans, atouts ou freins du dialogue familial ?</a>
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<p>Cependant, parce que les trajectoires individuelles sont inscrites sur des aspirations et des expériences singulières, parce que la protection s’inscrit sur un contrat d’accueil délimité dans le temps, avoir fait partie du même univers familial ou d’accueil ne suffit pas pour vouloir alimenter le lien. Dès lors, sans être pour autant méconnus ou défaits, ces liens restent en mémoire et sont potentiellement mobilisables.</p>
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<p>« Mon grand frère [vit à 800 km] maintenant, en fait, on est un peu loin. Du coup, je le laisse un peu… vivre sa vie. Mais il est conscient que je suis là. Que je suis toujours là. Mais on se laisse un peu vivre. Ma petite sœur, c’est à peu près pareil. C’est ma vraie petite sœur. Mais vu qu’on a été séparés, et on a grandi tous les deux, chacun de notre côté. Maintenant, c’est un peu difficile de lui parler. » (Jeune homme, 17 ans, accueil en MECS)</p>
</blockquote>
<p>De la continuité à la rupture, du partage du quotidien à la veille, les liens peuvent s’étendre à la famille élargie et les fréquences, les dispositifs et les destinataires se gèrent en fonction des volontés réciproques, de manière autonome. Les relations familiales par la correspondance numérique s’ajustent aux conjonctures individuelles plus qu’à la manière dont le maintien des liens est pensé par le système de protection de l’enfance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214294/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emilie Potin a reçu des financements pour ses recherches de plusieurs organisations publiques ou associatives.</span></em></p>Si les usages numériques des plus jeunes suscitent des inquiétudes, ils ont aussi un intérêt relationnel, permettant dans le cas des enfants placés d’ajuster la relation à distance ou de se retrouver.Emilie Potin, Sociologue - Maîtresse de conférence HDR, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125802023-10-01T15:44:54Z2023-10-01T15:44:54ZRéseaux sociaux : le pouvoir insoupçonné des influenceurs sur notre santé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545563/original/file-20230830-21-vp9dea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C0%2C1122%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le médecin Michel Cymes compte aujourd’hui 140&nbsp;000 followers sur Instagram et 371&nbsp;800 sur TikTok.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/50/Michel_Cymes_Strasbourg_30_janvier_2015.jpg/1024px-Michel_Cymes_Strasbourg_30_janvier_2015.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les réseaux sociaux constituent un territoire <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> et commercial essentiel pour toutes les entreprises. Un état de fait qui place les influenceurs au centre du jeu, y compris dans le secteur de la santé, pourtant considéré comme « non marchand » en France. Comme dans d’autres domaines, ces personnalités suivies, voire adulées sur les plates-formes en ligne, sont pourtant en mesure d’influencer la perception des consommateurs envers les acteurs de la santé.</p>
<p>Parmi les plus suivis, citons : Michel Cymes (140 000 followers sur Instagram et 371 800 sur TikTok) ou encore Marine Lorphelin (984 000 followers sur Instagram et 17 800 sur TikTok) au sein de l’hexagone, mais aussi de Dr Mike Varshavski (4,5 millions de followers sur Instagram et 2 millions sur TikTok), outre-Atlantique.</p>
<h2>Conseiller virtuel de confiance</h2>
<p>La réalité de cette influence constitue l’une des conclusions de notre dernière étude (à paraître), réalisée dans le cadre de la <a href="https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/centres-et-chaires/chaire-management-innovative-health">chaire « Management in Innovative Health »</a> de <a href="https://theconversation.com/institutions/edhec-business-school-2218">l’EDHEC Business School</a>. Nous relevons notamment dans cette enquête menée auprès de 630 personnes que les influenceurs jouent un rôle clé dans la confiance que les individus accordent aux marques. Autrement dit, dans un monde où les patients cherchent souvent des conseils fiables dans la mer agitée des informations en ligne, l’influenceur parlant de santé reste perçu comme un conseiller virtuel de confiance.</p>
<p>Au travers de notre étude, menée en France auprès de plus de 600 répondants (dont une grande partie est constituée des jeunes et utilisateurs des réseaux sociaux), il apparait que près de 40 % de la population interrogée semble attribuer une certaine importance à l’homophilie, c’est-à-dire la similarité perçue, lorsqu’il s’agit d’évaluer le niveau d’expertise des influenceurs.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CxP5rVNsuJG/ ?hl=fr","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>De plus, près d’un tiers des participants estime que l’interaction avec des influenceurs du domaine de la santé les incite à considérer ces derniers comme des experts en médecine. Enfin, dans environ un cas sur quatre, la fiabilité des informations médicales diffusées par les influenceurs dépend non seulement des similitudes perçues avec ces derniers, mais également de la manière dont ils interagissent avec leur communauté.</p>
<p>Ainsi, plus la ressemblance est forte et plus il existe un niveau d’interaction élevé, plus cela impactera positivement la fiabilité des recommandations émises, augmentant de façon significative la confiance vis-à-vis des marques de médicaments précis.</p>
<p>Nos résultats confirment donc d’autres études récentes qui montrent que ces influenceurs, de par leur dynamique interpersonnelle unique avec leurs followers, peuvent être <a href="https://doi.org/10.1016/j.techfore.2021.121246">plus efficaces que les célébrités</a> ou les publicités traditionnelles dans la construction de la confiance des consommateurs envers une marque.</p>
<h2>Transparence nécessaire</h2>
<p>Ces analyses ont des implications clés pour les praticiens du marketing et les entreprises de santé. La recherche souligne la nécessité d’une évaluation plus nuancée des influenceurs, prenant en compte leur expertise, leur interactivité, leur fiabilité et leur homophilie, pour accroître la confiance envers une marque et atteindre des résultats marketing souhaitables. Pour les influenceurs eux-mêmes, maintenir leur expertise et leur fiabilité est par ailleurs essentiel pour rester pertinents.</p>
<p>Cependant, il est essentiel que les acteurs pharmaceutiques et les parties prenantes impliquées dans la délivrance de soins de santé appréhendent et ne mésestiment pas la place et le rôle de ces influenceurs. Bien que le contexte réglementaire français impose un cadre strict concernant la communication et la publicité dans le domaine de la santé, il devient nécessaire pour toutes les parties prenantes du secteur médical d’investir ce champ de réflexion duquel elles ne peuvent se tenir à distance.</p>
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<p>L’accélération du phénomène des influenceurs santé aux États-Unis – songeons par exemple au scandale de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/02/alerte-sur-l-ozempic-un-antidiabetique-detourne-pour-perdre-du-poids_6163816_3224.html">l’Ozempic</a>, un antidiabétique détourné pour perdre du poids abondamment recommandé en ligne –, doit notamment nous faire prendre conscience de l’anticipation nécessaire de phénomènes sur lesquels les acteurs pharmaceutiques et médicaux n’auraient plus le pouvoir, notamment en termes de communication et de message transmis aux patients.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1631165083278618624"}"></div></p>
<p>Alors que les réseaux sociaux influencent notre perception de l’information et de la santé, les entreprises sont donc confrontées à un réel défi engendré par la nécessité de s’adapter et de naviguer dans ce paysage complexe dans le respect qu’imposent les normes éthiques.</p>
<p>Dans un monde hyperconnecté, si les influenceurs de santé constituent des alliés précieux pour les entreprises, seules les marques du secteur qui sauront établir des relations de confiance authentiques avec leur public parviendront à obtenir un avantage décisif sur leurs concurrents. Or, cette confiance ne pourra être acquise et soutenue que par des pratiques éthiques irréprochables, impliquant de fait une transparence totale vis-à-vis du bien-être du public. En définitive, c’est en alliant pouvoir d’influence et éthique que les marques du secteur de la santé se forgeront une réputation solide et durable, fondée sur une confiance sincère et réciproque des principaux acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sur TikTok ou Instagram, certains profils très suivis façonnent notre confiance envers les marques de l’industrie pharmaceutique.Loick Menvielle, Professor, Management in Innovative Health Chair Director, EDHEC Business SchoolLéna Griset, Research Assistant, EDHEC Business SchoolRupanwita Dash, Senior Research Assistant, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125732023-10-01T15:44:11Z2023-10-01T15:44:11ZPeut-on détecter automatiquement les deepfakes ?<p>En mars 2022, environ un mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une vidéo de Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine, est diffusée sur une chaîne nationale ukrainienne. Dans cette vidéo, le président demande à son peuple de rendre les armes et de rentrer dans leurs familles. Cette vidéo a rapidement été identifiée comme un deepfake à cause de sa <a href="https://www.wired.com/story/zelensky-deepfake-facebook-twitter-playbook/">faible qualité</a> et aura donc eu peu de répercussions sur les combats, mais cet exemple illustre parfaitement les dangers que peuvent poser les deepfakes.</p>
<p>Un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/deepfake-120434">deepfake</a> est une vidéo dans laquelle le visage ou l’expression d’un individu a été volontairement modifié, afin d’altérer son identité ou ses propos. Les techniques permettant de modifier les expressions faciales ne datent pas d’hier, puisqu’il existe, par exemple, un <a href="https://cseweb.ucsd.edu/%7Eravir/6998/papers/p187-blanz.pdf">article scientifique</a> de 1999 utilisant des modèles 3D pour reconstruire et modifier des visages. Les deepfakes ont de nombreuses applications légitimes, par exemple dans le <a href="https://studios.disneyresearch.com/2020/06/29/high-resolution-neural-face-swapping-for-visual-effects/">cinéma</a>, la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QiiSAvKJIHo">publicité</a> et même plus récemment la <a href="https://developer.nvidia.com/maxine">compression vidéo</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QiiSAvKJIHo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de David Beckham parlant 9 langues dans une vidéo pour <em>Malaria Must Die</em>.</span></figcaption>
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<p>Cependant, soutenus par l’essor du <em>deep learning</em> (une branche de l’intelligence artificielle dont le mot deepfake tire son nom), des modèles de génération de deepfakes grand public ont été développés. Ces modèles permettent à n’importe qui de créer gratuitement des deepfakes de bonne qualité et ainsi d’usurper n’importe quelle identité dans des vidéos. Aujourd’hui, les deepfakes sont notamment <a href="https://www.wsj.com/articles/fraudsters-use-ai-to-mimic-ceos-voice-in-unusual-cybercrime-case-11567157402">utilisés dans des arnaques</a> dans lesquelles l’identité de personnes de confiance est usurpée, poussant les victimes à effectuer des virements en pensant connaître leur interlocuteur.</p>
<p>Si, il y a quelques années, une vidéo pouvait toujours être considérée comme authentique, ce n’est aujourd’hui plus le cas. On peut aussi se pose la question : peut-on détecter automatiquement ces fausses vidéos grâce à l’intelligence artificielle… alors qu’elles sont elles-mêmes générées par des IA ?</p>
<h2>Comment modère-t-on les deepfakes sur les réseaux sociaux ?</h2>
<p>La modération des vidéos deepfake sur les réseaux sociaux est un sujet compliqué qui demande le développement de nouveaux outils.</p>
<p>Généralement, la modération des vidéos permet de filtrer les contenus violents ou haineux en <a href="https://transparency.fb.com/enforcement/detecting-violations/technology-detects-violations/">utilisant des modèles d’intelligence artificielle</a> spécifiquement entraînés à détecter ce genre de contenu. Cependant, dans le cas d’un deepfake, la vidéo peut être en apparence tout à fait inoffensive et ne pourra donc pas être détectée par ce genre de modèle. Par exemple, une vidéo de Volodymyr Zelensky demandant aux Ukrainiens de capituler n’a en apparence rien qui puisse justifier une suppression ; celle-ci ne devient un problème que lorsque l’on sait qu’il s’agit d’un deepfake.</p>
<p>Dans les cas où les modèles d’intelligence artificielle ne sont pas capables de modérer les contenus, les réseaux sociaux s’appuient sur leurs utilisateurs ou des <a href="https://transparency.fb.com/enforcement/detecting-violations/how-review-teams-work/">modérateurs humains</a> pour filtrer le contenu. Mais encore une fois, ce genre de modération ne peut pas se transposer aux deepfakes, puisque les <a href="https://www.theguardian.com/technology/2023/aug/02/humans-can-detect-deepfake-speech-only-73-of-the-time-study-finds">humains ne sont pas capables de détecter les deepfakes avec une grande précision</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/clonage-de-voix-et-synthese-vocale-des-ia-qui-parlent-presque-comme-des-humains-205668">Clonage de voix et synthèse vocale : des IA qui parlent (presque) comme des humains</a>
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<p>Les outils de modération n’étant pas adaptés pour lutter contre les deepfakes, de nouveaux outils ont dû être développés, justifiant l’émergence d’un nouveau domaine de recherche : la <a href="https://arxiv.org/pdf/2103.00484.pdf">détection automatique de deepfake</a>.</p>
<h2>Des détecteurs passifs</h2>
<p>Les détecteurs sont généralement également basés sur le <em>deep learning</em> et peuvent être passifs ou actifs.</p>
<p>L’objectif d’un détecteur passif est de prédire si une image a été modifiée ou non sans connaître son origine. Un tel détecteur peut être utilisé par un utilisateur de réseau social, par exemple, pour tester la légitimité d’une vidéo en cas de doute.</p>
<p>Pour ce faire, le détecteur va utiliser des caractéristiques jugées comme discriminantes, c’est-à-dire qui permettent de distinguer facilement les deepfakes des images originales. Par exemple, en remarquant que les premiers deepfakes ne clignaient jamais des yeux, des chercheurs ont proposé de <a href="https://arxiv.org/pdf/1806.02877.pdf">compter la fréquence des clignements</a>. En dessous d’un certain seuil, les vidéos étaient alors étiquetées comme deepfakes.</p>
<p>Malheureusement, les modèles de génération se sont améliorés depuis, et ce genre de méthode n’est plus efficace, ce qui a poussé les chercheurs à développer de nouvelles techniques. Ainsi, la plupart des techniques récentes n’utilisent pas de connaissances d’experts, c’est-à-dire des caractéristiques choisies par l’homme, mais entraînent plutôt des modèles de <em>deep learning</em>, à l’aide de <a href="https://openaccess.thecvf.com/content_ICCV_2019/papers/Rossler_FaceForensics_Learning_to_Detect_Manipulated_Facial_Images_ICCV_2019_paper.pdf">grandes bases de données</a> contenant des vidéos étiquetées « real » ou « fake », à trouver leurs propres caractéristiques discriminantes.</p>
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<p>Le problème majeur de ces techniques est qu’elles ne sont efficaces que pour détecter les deepfakes générés avec les méthodes utilisées pour constituer la base de données d’entraînement : elles ne se généralisent donc pas bien à des méthodes « inédites » de générations de deepfakes. Ce problème est récurent avec les modèles de <em>deep learning</em>, bien que des <a href="https://openaccess.thecvf.com/content_CVPRW_2020/papers/w39/Khalid_OC-FakeDect_Classifying_Deepfakes_Using_One-Class_Variational_Autoencoder_CVPRW_2020_paper.pdf">propositions</a> récentes commencent à y apporter des solutions.</p>
<h2>Les détecteurs actifs : protéger l’image avant qu’elle ne soit détournée</h2>
<p>À l’inverse d’un détecteur passif, un détecteur actif permet de protéger l’image originale avant que celle-ci ne soit modifiée. Ce genre de détecteurs est beaucoup moins populaire que les détecteurs passifs, mais pourrait notamment permettre aux journalistes de protéger leurs images et ainsi d’éviter que celle-ci ne soit reprise à des fins de désinformation.</p>
<p>Une première méthode pour protéger une image consiste à y ajouter un filigrane, c’est-à-dire un message caché, qui peut être ensuite extrait de l’image. Ce message peut par exemple <a href="https://arxiv.org/pdf/2009.09869.pdf">contenir des informations sur le contenu original de la vidéo</a>, ce qui permet de comparer le contenu actuel de l’image avec celui caché. Dans le cas d’un deepfake, ces deux informations ne devraient pas concorder.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550037/original/file-20230925-24-chu55b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550037/original/file-20230925-24-chu55b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550037/original/file-20230925-24-chu55b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550037/original/file-20230925-24-chu55b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550037/original/file-20230925-24-chu55b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550037/original/file-20230925-24-chu55b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550037/original/file-20230925-24-chu55b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le filigrane d’un billet de 20 euros, visible en transparence. Les filigranes sont utilisés depuis 1800 en France pour éviter la contrefaçon de billets de banque.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Watermarks_20_Euro.jpg">Manfred Sauke, Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Une autre méthode de détection active consiste à appliquer une « attaque adverse » sur l’image afin d’empêcher la création de deepfakes. Une attaque adverse est une perturbation imperceptible d’une image, similaire à un filigrane, qui pousse un modèle de deep learning à l’erreur.</p>
<p>Par exemple, une attaque adverse ajoutée sur un panneau de signalisation « stop » pourrait perturber un modèle de deep learning qui n’y verrait pas un panneau-stop, <a href="https://institut-europia.eu/lattaque-adverse-une-fragilite-des-systemes-dia-une-arme-pour-les-cyberdelinquants/">mais par exemple une limitation à 130 km/h</a>.</p>
<p>Dans le cas des deepfakes, une attaque adverse peut <a href="https://www.ecva.net/papers/eccv_2022/papers_ECCV/papers/136740053.pdf">perturber le générateur</a> de deepfakes et ainsi l’empêcher de produire un résultat de qualité.</p>
<p>Le problème des méthodes de détection actives est qu’elles modifient l’image et donc détériorent sa qualité, puisque les modifications appliquées aux pixels ne sont pas naturelles. De plus, les messages cachés étant de faible intensité, ils peuvent facilement être retirés, bien que leur suppression nécessite de réduire encore davantage la qualité de l’image, réduisant les chances que le deepfake soit confondu avec une image réelle.</p>
<h2>Le chat et la souris</h2>
<p>Le problème de la détection de deepfakes est encore aujourd’hui non résolu et risque malheureusement de ne jamais l’être complètement. En effet, les domaines de la détection et de la génération de deepfakes s’adaptent en permanence aux innovations de l’autre, avec un avantage évident pour la génération qui a toujours un coup d’avance sur la détection.</p>
<p>Ce constat ne signifie pas pour autant qu’investir dans la détection est une mauvaise idée. Les deepfakes disponibles sur Internet sont rarement issues des modèles de génération dernier cri et sont possiblement détectables. Dans le cas où un modèle de génération récent venait à être utilisé, la meilleure arme restera probablement de vérifier l’information véhiculée par la vidéo en utilisant différentes sources.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Beuve a reçu des financements de l'Agence de l'innovation de défense (AID). </span></em></p>Ces fausses vidéos qui semblent vraies sont générées avec des systèmes d’intelligence artificielle. Peut-on automatiser leur détection ?Nicolas Beuve, Doctorant en détection automatique de vidéo deepfake, INSA RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.