tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/theories-physique-24561/articlesthéories physique – The Conversation2021-12-07T21:26:39Ztag:theconversation.com,2011:article/1729202021-12-07T21:26:39Z2021-12-07T21:26:39ZManon : « Qu’est-ce qu’il y aurait eu si le Big Bang n’avait pas eu lieu ? »<p>Pour pouvoir répondre à ta fascinante question, il faudrait déjà que l’on sache comment notre Univers est né. Or, pour le moment, nous ne le savons pas. Enfin, pas vraiment. Le problème est double. D’une part, nous ne pouvons pas retourner au tout début de l’univers pour vérifier ce qui s’est réellement passé. Ensuite, nos théories ne sont pas encore au point.</p>
<p>Pour comprendre pourquoi, il faut d’abord sur se pencher sur ce fameux Big Bang. Le mot évoque une explosion, et effectivement l’image est parlante. Notre Univers, c’est-à-dire toute la matière qu’il contient serait né à la suite d’une <em>gigantesque</em> explosion.</p>
<p>Comment pouvons-nous penser cela ? L’idée du Big Bang repose sur deux découvertes majeures faites au XX<sup>e</sup> siècle. La première est que les galaxies (ensembles d’étoiles et de planètes) s’éloignent les unes des autres, une découverte associée à Hubble, un astronome américain. Se pose la question de savoir ce qui a mis les galaxies en mouvement ? Mais en tout cas, si on remonte un peu dans le temps, les galaxies devaient être un peu plus proches les unes des autres. Et si l’on prolonge ainsi ce voyage vers le passé, on arrive à la conclusion que les galaxies, les étoiles qui les composent, etc., étaient trop comprimées pour pouvoir exister telles quelles.</p>
<p>Au lieu de cela, l’univers devait être beaucoup plus simple et contenir juste un gaz très chaud. Cette idée est corroborée par une deuxième découverte majeure du XX<sup>e</sup> siècle à savoir que notre univers baigne dans une lumière douce et diffuse qu’on appelle « le fond de rayonnement cosmique ». Lorsqu’on remonte dans le passé, comme nous venons de le faire pour les galaxies, cette lumière devait être beaucoup plus intense, identique à celle qui émane d’un gaz très chaud. Conclusion : l’Univers est en expansion et est passé par une phase très chaude.</p>
<p>Expansion ? Et oui, nous disons que l’univers est en expansion, à la manière d’un élastique qui s’étire. Pour comprendre cela, il faut faire intervenir la théorie de la Relativité d’Einstein. D’après cette théorie, l’éloignement des galaxies n’est pas dû à leur mouvement mais au fait que l’espace entre les galaxies s’étire…</p>
<p>C’est bizarre mais nous avons plein de raisons de penser que c’est ainsi. La théorie d’Einstein nous permet de décrire ce qui se passe, tout ce mouvement des galaxies, le gaz chaud, etc., tant vers le passé que vers le futur. On pense qu’on peut remonter très loin dans le passé. Très loin, ça veut dire jusqu’à il y a environ 14 milliards d’années et ainsi pouvoir parler ce qui s’est passé lorsque l’Univers n’était âgé que d’une petite fraction de seconde (ce qui est assez dingue quand on y pense).</p>
<p>Mais toute chose à ses limites, et la théorie d’Einstein ne nous permet pas de remonter jusqu’à l’instant zéro, ni même de garantir qu’il y a eu un instant zéro. Par exemple, certains pensent que l’univers existe de tout temps et est passé par des cycles. Cet instant zéro, c’est ce qu’on appelle le Big Bang. Pour aller jusque-là, ou simplement pour pouvoir en parler, il faudrait une nouvelle théorie.</p>
<p>Pour revenir à ta fascinante question, disons que malheureusement, dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne le savons pas encore. Mais pour que tu ne restes pas sur ta faim, permets-moi de mettre en avant une idée fascinante de plus et qui est beaucoup discutée par les experts. Il s’agit du « multivers ». Dans le « multivers » une multitude d’univers existent et sont créés en permanence. II faut imaginer un arbre dont les branches se sépareraient indéfiniment et dont notre Univers ne serait qu’une petite branche particulière parmi une multitude… Un infini dans un infini en quelque sorte. Jusque-là rien de bien extraordinaire, si j’ose dire. Les choses deviennent particulièrement intrigantes si je te dis que l’on envisage que les lois de la physique puissent être différentes dans chacun de ces univers ! Si c’est le cas, la majorité des univers serait très différente de notre Univers, tellement que la vie elle-même y serait probablement impossible. Dès lors, notre Univers possède une propriété remarquable, en tout cas de notre point de vue : il est tel que nous puissions en parler !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172920/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Tytgat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour répondre à cette question fascinante question, revenons d’abord sur ce qu’est le Big Bang, et imaginons ce qui aurait pu se passer autrement.Michel Tytgat, Physicien, Directeur de Recherches FNRS, Professeur ULB, Chargé de conférence ULg, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1383272020-06-30T18:57:58Z2020-06-30T18:57:58ZLes limites de la connaissance en physique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344498/original/file-20200629-155339-bp1ei5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C15%2C2560%2C1812&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fractale - une partie de l'ensemble de Mandelbrot.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mandel_zoom_12_satellite_spirally_wheel_with_julia_islands.jpg">Wolfgang Beyer / Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le XIX<sup>e</sup> siècle a cru au dogme du progrès scientifique illimité. Lord Kelvin, grand thermodynamicien s’il en fut, déclarait en 1900 avec assurance : « La physique n’a plus rien à découvrir, il ne reste qu’à affiner les mesures. » La « Vérité » semblait à portée d’instruments.</p>
<p>Le XX<sup>e</sup> siècle débuta en rebattant toutes les cartes avec ses deux révolutions, la relativité qui ôte au temps son caractère d’absolu et la mécanique quantique qui introduit l’indéterminisme dans les prédictions. Au cours du dernier siècle la connaissance progressa à pas de géant : nous voyons aujourd’hui des détails de la matière 100 millions de fois plus fins, et nous sondons un Univers 100 millions de fois plus profond, qu’au temps de Kelvin.</p>
<p>Toutes ces avancées reposent sur une analyse scientifique des phénomènes naturels fondée sur l’objectivité. Le credo de base est que le monde existe indépendamment de nos sens, les convictions personnelles sont bannies et l’expérimentation se charge de vérifier toutes les prédictions d’une théorie afin de la valider. Pourtant, il existe des bornes à notre désir de connaissance rationnelle complète.</p>
<h2>Les grandeurs primitives</h2>
<p>Une première limite vient du cerveau humain lui-même, ce dont les philosophes nous ont avertis depuis longtemps.</p>
<blockquote>
<p>« Ainsi, en poussant les recherches, on arrive à des mots primitifs qu’on ne peut plus définir… C’est ce que la géométrie nous enseigne parfaitement. Elle ne définit aucune de ces choses, espace, temps, mouvement, nombre, égalité, ni les semblables parce que ces termes désignent si naturellement les choses… que l’éclaircissement qu’on en voudrait faire apporterait plus d’obscurité que d’instruction. » (Blaise Pascal, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/De_l%27Esprit_g%C3%A9om%C3%A9trique_et_de_l%27Art_de_persuader">De l’esprit géométrique et de l’art de persuader</a>, vers 1658)</p>
</blockquote>
<p>Cela rappelle la réflexion de Saint Augustin qui écrivit dans ses Confessions, dès l’an 400 : « Si on ne me le demande pas, je sais ce qu’est le temps ; si on me le demande, je ne sais plus. »</p>
<p>Ainsi la science manipule quantité de grandeurs telles que masse, force, énergie, charge… qu’elle relie par des lois, mais les fondations demeurent inexpliquées. C’est un paradoxe de constater que la physique réussit à utiliser les grandeurs secondaires sans définir ses principaux objets : espace et temps.</p>
<h2>Le théorème d’incomplétude de Gödel</h2>
<p>Les arguments de vérités primitives à accepter sans démonstration trouvent leur couronnement rationnel dans le théorème mathématique « d’incomplétude » découvert dans les années 1930 par le logicien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kurt_G%C3%B6del">Kurt Goedel</a>. Ce dernier montra qu’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8mes_d%27incompl%C3%A9tude_de_G%C3%B6del">il est impossible de prouver la non-contradiction d’un système mathématique logique à l’aide des seuls moyens offerts par le système</a>.</p>
<p>Autrement dit, aucun ensemble ne peut définir sa propre structure, il faut admettre des propositions qu’on ne saura ni infirmer ni confirmer. Cela rejoint Spinoza qui avertissait que les efforts pour comprendre le fonctionnement du cerveau <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychosomatique-2004-1-page-165.htm">sont voués à l’échec</a> ; un fou ne sait pas qu’il est fou.</p>
<p>C’est aussi l’intuition de Karl Jaspers qui <a href="https://www.lisez.com/livre-de-poche/introduction-a-la-philosophie/9782264034441">dit vers 1950</a> : « L’homme ne peut saisir la totalité puisqu’il est à l’intérieur de cette totalité. » Comme au jeu des chaises musicales, les arguments tournent en rond et toujours l’un d’entre eux ne cadre pas avec les postulats de départ.</p>
<h2>On a beau être physicien.ne, on n’en est pas moins humain</h2>
<p>Une autre limitation à la rationalité vient de l’interférence procédant du chercheur. En mécanique quantique, on apprend que l’observateur influence le résultat car pour mesurer il faut manipuler, ce qui perturbe le système sous examen.</p>
<p>Mais il y a plus. Un résultat brut n’est jamais définitif, il faut le corriger des limitations venant de l’instrument, ce qu’on nomme les erreurs systématiques. Pour comparer les données d’une mesure à une hypothèse, les physiciens ont développé la technique du Monte Carlo, nom qui évoque bien sûr le jeu de roulette. Il s’agit d’une simulation informatique du problème envisagé qui met à l’épreuve les modèles possibles grâce à un programme d’ordinateur où entrent toutes les grandeurs recherchées, par exemple <a href="https://home.cern/fr/news/news/physics/cms-measures-higgs-bosons-mass-unprecedented-precision">masse du boson de Higgs</a> ou <a href="https://www.pourlascience.fr/sr/article/expansion-de-lunivers-un-probleme-de-vitesse-18621.php">vitesse d’expansion de l’Univers</a>. C’est une mise en scène moderne de l’allégorie des ombres perçues dans la caverne de Platon : les signaux recueillis (les « ombres » détectées dans l’ordinateur) demandent interprétation. Si le résultat de la simulation n’est pas en accord avec les données, on ajuste le modèle d’entrée et c’est le physicien qui décide en dernier ressort quand l’analyse est à point, enfreignant ainsi la pure objectivité.</p>
<p>Max Planck, le père des quanta, avait déjà souligné cet écueil :</p>
<blockquote>
<p>« Une mesure ne reçoit son sens physique qu’en vertu d’une interprétation qui est le fait de la théorie… Les résultats ne sont utilisables qu’après avoir subi nombre de corrections dont le calcul est déduit d’une hypothèse. » (<a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/champs-sciences/initiations-a-la-physique">Initiation à la physique</a>, 1941)</p>
</blockquote>
<p>Bien des annonces erronées, par exemple des <a href="https://neutrino-history.in2p3.fr/the-17-kev-neutrino/">masses non nulles attribuées aux neutrinos</a>, proviennent d’une analyse qu’un chercheur trop pressé arrêta sans aller jusqu’au bout des corrections. Dans une telle situation, il faut attendre une nouvelle expérience plus précise pour corriger la faute.</p>
<h2>De l’ultime savoir</h2>
<p>Les lois physiques tentent de former une image objective de la réalité du monde, mais la science est une création de l’intelligence humaine – d’où le soupçon de subjectivité qui s’introduit nécessairement dans le processus, ne serait-ce que par le choix de comités bien humains qui décident des recherches prioritaires.</p>
<p>Il existe d’ailleurs un problème de base : étant un idéal en devenir, le savoir progresse vers un état inconnu. Les autres activités humaines sont guidées vers un but, il n’en est pas ainsi pour la recherche fondamentale. Nous ne connaissons pas à l’avance le résultat d’une expérience. Or un but indéfini ne peut diriger sûrement une action et la science progresse selon un mouvement brownien, c’est-à-dire guidé par le hasard. Mais ce hasard n’est aléatoire que pour nous puisque le but est inscrit dans la Nature.</p>
<p>Avec les développements récents, une nouvelle limitation de la connaissance devient plus sensible. La physique contemporaine bute aujourd’hui contre le mur du gigantisme expérimental. Le <a href="https://home.cern/fr/science/physics/higgs-boson">boson de Higgs</a>, dont l’idée remonte aux années 1960, a exigé le travail continu de milliers de chercheurs avant sa découverte en 2012. La prochaine étape d’élémentarité prédite par certaines théories, comme la <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/physique-theorique/le-monde-des-cordes-966.php">théorie des cordes</a>, demanderait la réalisation d’un accélérateur ayant la taille de la galaxie puisque pour voir plus petit il faut bénéficier d’une énergie plus élevée. Mission impossible ! La connaissance aux extrêmes progresse de plus en plus laborieusement. Nous approchons asymptotiquement du savoir ultime, or l’asymptote est par définition une limite qu’on n’atteint jamais.</p>
<p>De leur côté, les théoriciens ne connaissent pas de contraintes, ils continuent à imaginer des hypothèses pour expliquer les énigmes du jour. Cela amène à une situation nouvelle. Certains critiquaient la science pour son dogmatisme rigide, elle qui assène les vérités qu’on ne peut réfuter. Elle devient plus débonnaire, laissant chacun choisir parmi des modèles qui tentent d’expliquer les phénomènes ultimes. L’<a href="https://www.pourlascience.fr/sd/cosmologie/le-multivers-quantique-9811.php">existence d’une infinité d’Univers</a> proposée depuis peu devient affaire de croyance, puisque l’expérience ne pourra probablement <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/peut-tester-les-univers-paralleles">jamais la confirmer</a>. Une théorie scientifique, c’est-à-dire une représentation en langage mathématique d’une loi imaginée à partir d’observations, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=sFbctDTNXTQ">doit être falsifiable</a>. Si l’expérience ne peut valider ses prédictions, elle reste une spéculation.</p>
<p>Malgré ces bornes réelles, l’homme, ce « milieu entre rien et tout » selon la <a href="https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-13612.php">percutante formule</a> de Pascal, a réussi par son intelligence à domestiquer le monde depuis l’échelle des particules élémentaires jusqu’à celle de l’Univers global. <a href="https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-23619.php">Einstein a dit</a> : « le plus incompréhensible est que le monde est compréhensible. » Certes, mais l’est-il entièrement ? La mécanique quantique nous présente une réalité qui transcende notre compréhension. En dépit de l’aiguillon constant de la curiosité qui nous impose le devoir de connaître, le savoir rationnel ne nous sera pas totalement accessible, alors laissons Descartes nous réconforter en acceptant nos limites :</p>
<blockquote>
<p>« Il le [physicien géomètre] démontrera que ce qu’il cherche dépasse les bornes de l’intelligence humaine, et par suite il ne s’en croira pas plus ignorant, parce que ce résultat n’est pas une moindre science que la connaissance de quoi que ce soit d’autre. » (René Descartes, <a href="https://philosophie.cegeptr.qc.ca/wp-content/documents/Discours-de-la-m%C3%A9thode.pdf">Discours de la méthode</a>, 1637)</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/138327/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Vannucci ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La démarche scientifique allie théories et expériences pour faire progresser notre connaissance du monde. Existe-t-il des bornes à cette démarche ?François Vannucci, Professeur émérite, chercheur en physique des particules, spécialiste des neutrinos, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1132612019-03-19T21:18:10Z2019-03-19T21:18:10ZMais où est passée l’antimatière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/264633/original/file-20190319-60964-fwl3tz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C229%2C5447%2C3293&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Peut être en bas à gauche, ou en haut à droite. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/9wH624ALFQA">Denis Degioanni/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le premier endroit connu, pour répondre à cette question, c’est bien dans le cerveau du physicien anglais Paul Dirac qui, en 1929, obtient une solution « bizarre » de l’équation (qui porte son nom maintenant) qu’il avait élaborée. Il cherchait à rendre compatible la toute nouvelle mécanique quantique et la relativité restreinte d’Einstein, et pour cela avait bâti une équation décrivant le comportement d’un électron ; et cette équation avait une autre solution, qui correspondait à un électron avec une énergie négative, ce qui ne pouvait être admis. Mais l’équation était si belle « que ça ne pouvait être faux », et Dirac a fini par proposer l’existence d’un électron positif (l’électron de la matière ordinaire a une charge électrique négative).</p>
<p>Bingo ! Trois ans plus tard, l’américain Anderson observait, dans les rayons cosmiques, un tel électron positif et le baptisait positron (que l’on traduisit positon en français). C’est donc dans les rayons cosmiques que l’on a trouvé les premières particules d’antimatière. Pourquoi « antimatière » ? Car ces particules sont les alter ego des particules composant notre matière, mais avec des charges opposées, de sorte que la réunion d’une particule et de son antiparticule voit toutes les charges s’annuler et peut se fondre en une particule de pure énergie comme les photons. L’antimatière est un ingrédient obligatoire pour transformer de l’énergie en matière, ou pour l’opération inverse, selon la formule d’Einstein. Mais plutôt que de parler de particules « opposées » ou « miroir », il est plus juste de parler de particules « complémentaires ».</p>
<p>On trouve donc des particules d’antimatière dans le rayonnement cosmique ; mais d’où viennent-elles ? La théorie du big bang, où tout serait créé à partir d’une « bulle d’énergie », implique qu’il s’est créé autant de matière que d’antimatière.</p>
<p>Y aurait-il des mondes, des galaxies d’antimatière ? Les observations du cosmos infirment cette idée, de sorte que la grande question de la cosmologie est en fait : où est passée l’antimatière ? Le peu d’antimatière observée dans les rayons cosmiques provient de l’interaction de particules de matière dans des accélérateurs cosmiques résultant, par exemple, de la chute vertigineuse de matière vers des trous noirs supermassifs, ou d’autres phénomènes cosmiques violents. Ce peu d’antimatière dans les rayons cosmiques continue à être scruté, par exemple dans l’expérience AMS installée dans la station spatiale ISS.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/264636/original/file-20190319-60986-hk9kyp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/264636/original/file-20190319-60986-hk9kyp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/264636/original/file-20190319-60986-hk9kyp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/264636/original/file-20190319-60986-hk9kyp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/264636/original/file-20190319-60986-hk9kyp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/264636/original/file-20190319-60986-hk9kyp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/264636/original/file-20190319-60986-hk9kyp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le détecteur AMS dans l’ISS.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://home.cern/news/news/experiments/samuel-ting-present-latest-results-ams">NASA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<h2>Quand les physiciens créent de l’antimatière</h2>
<p>Dès que les accélérateurs des physiciens l’ont permis, de l’antimatière a été créée dans les laboratoires, afin de l’étudier et la comprendre. Et ces accélérateurs ont permis, en bombardant des éléments avec des protons (qui sont le noyau de l’atome d’hydrogène) ou des neutrons, de créer des atomes radioactifs d’un type spécial, la radioactivité bêta-plus (β+). Ces atomes ont un noyau très riche en protons, et lors de leur désintégration émettent un positon : ils émettent de l’antimatière !</p>
<p>On a donc à disposition (mais à condition de les fabriquer) des sources de positons. Ces sources ont des durées de vie courtes, mais suffisantes pour envisager des applications. La première, développée dès les années 1960, est la tomographie par émission de positons, TEP, maintenant très utilisée dans l’imagerie médicale : les TEP-scan. C’est donc à l’hôpital que vous avez le plus de probabilités de trouver de l’antimatière !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/264638/original/file-20190319-60964-1ep16lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/264638/original/file-20190319-60964-1ep16lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/264638/original/file-20190319-60964-1ep16lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/264638/original/file-20190319-60964-1ep16lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/264638/original/file-20190319-60964-1ep16lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/264638/original/file-20190319-60964-1ep16lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/264638/original/file-20190319-60964-1ep16lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">PET scan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/calliope/15665197689">Liz West/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans cet examen, des atomes radioactifs de fluor-18 sont intégrés dans des molécules de sucre, qui sont injectées en solution au patient. Lorsque le fluor se désintègre, il émet un positon qui aussitôt s’annihile en donnant deux photons gamma que les détecteurs enregistrent. On peut ainsi visualiser où se concentre le sucre dans l’organisme : or les organes les plus consommateurs de cette énergie se trouvent être en particulier les cellules cancéreuses. L’oncologie est ainsi devenue le plus important utilisateur d’antimatière. Il faut aussi citer l’utilisation d’un autre élément radioactif β+, le sodium-22, mais cette fois pour des besoins plus industriels : l’analyse des rayonnements gamma émis lorsque les positons pénètrent dans certains matériaux (silicium, métaux, verres…) permet de déterminer le taux de porosité des surfaces à l’échelle nanométrique, ainsi que des connexions entre ces pores. C’est donc dans ces laboratoires d’analyses que l’on peut également trouver des positons.</p>
<p>Et bien entendu, les grands laboratoires de recherche continuent de fabriquer de l’antimatière, pour l’étudier. Dans la recherche sur les particules élémentaires, les expériences du grand accélérateur LHC du Cern à Genève étudient les propriétés de toutes les antiparticules et tentent de vérifier s’il n’y a pas des anomalies dans leur « complémentarité ». Par ailleurs le Cern dispose d’un anneau unique au monde destiné à ralentir des antiprotons créés à haute énergie. Ces antiprotons sont envoyés dans des expériences qui peuvent en faire des atomes d’antihydrogène, en leur associant un positon (produit séparément à l’aide de source de sodium-22). L’étude des niveaux atomiques de l’antihydrogène permet de tester l’universalité de l’interaction électromagnétique, prédite par les modèles actuels de la physique. Et depuis quelques années, trois expériences se sont lancées dans la mesure de l’effet de la gravitation terrestre sur ces antiatomes : une différence, même faible, violerait le principe d’équivalence d’Einstein, une des bases de la relativité, qui énonce que dans un champ gravitationnel la trajectoire d’un corps ne dépend pas de sa composition.</p>
<p>Les résultats à venir sont là aussi d’un intérêt cosmologique.</p>
<p>Enfin, l’antimatière fait rêver, et on la retrouve – de manière virtuelle – dans un certain nombre d’œuvres de science-fiction. Il est vrai qu’elle représente la forme la plus dense de stockage d’énergie que l’on puisse imaginer, mille fois plus dense que l’énergie de fission, elle-même déjà quelques millions de fois plus dense que nos énergies fossiles. En effet dans l’annihilation de l’antimatière avec la matière, toute la masse est transformée en énergie, sans résidus, déchets ou cendres.</p>
<p>D’où son intérêt pour propulser une mission spatiale lointaine, ou comme arme de destruction massive. Mais ne rêvons pas trop : toute l’antimatière jamais créée au Cern, si elle avait pu être conservée, n’aurait permis que de chauffer une tasse de café !</p>
<hr>
<p><em>Si vous voulez en apprendre encore plus sur l’antimatière, rendez-vous à la <a href="http://www.cnrs.fr/fr/evenement/nuit-de-lantimatiere">Nuit de l’Antimatière</a>, le 1<sup>er</sup> avril partout en France</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Sacquin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’antimatière est un ingrédient obligatoire pour transformer de l’énergie en matière selon la formule d’Einstein. Elle est finalement moins éloignée de nous que vous ne le pensez.Yves Sacquin, physicien expérimentateur, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/977372018-06-10T20:39:51Z2018-06-10T20:39:51ZZoologie quantique : le chat des possibles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/221557/original/file-20180604-175442-1kyqhh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chat sur glace</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Du chat de Schrödinger aux pigeons de <a href="https://www.closertotruth.com/contributor/jeff-tollaksen/profile">Tollaksen</a>, en passant par le poisson de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Dirac">Dirac</a> ou la mouche et le tigre de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Gamow">Gamov</a>, les métaphores animales abondent en mécanique quantique. À la différence d’autres domaines, elles n’ont pas été inventées par des vulgarisateurs mais par les scientifiques eux-mêmes. À quoi servent ces métaphores ? Que nous apprend la « zoologie quantique » ?</p>
<p>Le 8 août 1935, Albert Einstein écrivit une lettre à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Erwin_Schr%C3%B6dinger">Erwin Schrödinger</a> où il attirait son attention sur le caractère contre-intuitif de certaines conséquences de l’équation auquel ce dernier avait donné son nom. En effet, il découle de la structure de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_d%27onde">fonction d’onde</a> (que l’on écrit : fonction ψ) qu’une particule peut se trouver dans un état « superposé », c’est-à-dire la somme d’un état A et de l’état non-A. Cet état paradoxal nourrissait le scepticisme d’Einstein à l’égard de la complétude du formalisme quantique. Pour Schrödinger, cela montrait plutôt que la « particule » était un concept caduc à l’échelle quantique.</p>
<p><a href="http://www.worldcat.org/title/erwin-schrodinger-philosophy-and-the-birth-of-quantum-mechanics/oclc/28989841">Dans sa lettre</a>, pour exagérer l’étrangeté de la superposition, Einstein invente un stratagème qui la transpose jusqu’à notre échelle. Il imagine un baril de poudre métastable (prêt à exploser à la moindre étincelle) et, dans ce baril, un atome radioactif possédant une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9riode_radioactive">demi-période</a> d’un an :</p>
<blockquote>
<p>« Initialement, la fonction ψ du système caractérise un état macroscopique assez bien défini. Mais ton équation se charge de faire qu’au bout d’un an cela ne soit pas le cas. La fonction ψ décrit alors plutôt une sorte de mélange contenant le système qui n’a pas encore explosé et le système qui a déjà explosé. »</p>
</blockquote>
<h2>Etat superposé</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221540/original/file-20180604-175438-1mb4m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221540/original/file-20180604-175438-1mb4m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221540/original/file-20180604-175438-1mb4m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221540/original/file-20180604-175438-1mb4m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221540/original/file-20180604-175438-1mb4m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221540/original/file-20180604-175438-1mb4m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221540/original/file-20180604-175438-1mb4m1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Equation de Schrödinger, vue d’artiste.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dominique Sarraute/CEA</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>C’est dans sa réponse du 19 août que Schrödinger imagine une expérience de pensée similaire où un chat est enfermé dans une boîte avec un atome radioactif. En cas de désintégration, un ingénieux système de détection déclenche la brisure d’une ampoule contenant un gaz mortel : tant qu’on n’a pas ouvert la boîte, le système qu’elle forme avec l’atome, le mécanisme et le chat, est décrit par un vecteur d’état qui est la superposition d’un état où la désintégration a eu lieu et d’un état où elle n’a pas eu lieu, donc d’un état où le chat est mort et d’un autre où il est vivant. Contrairement à ce que véhicule la culture demi-savante, Schrödinger n’entend pas suggérer la possibilité d’un tel état de superposition macroscopique, il l’estime impossible et s’appuie sur le fait que nous ne l’avons jamais observé pour remettre en question la notion de particule en état superposé.</p>
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<figcaption><span class="caption">Mort et vivant.</span></figcaption>
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<p>Dans son commentaire de cet échange épistolaire, Étienne Klein a justement souligné que, d’un point de vue épistémologique, le passage du baril d’Einstein au chat de Schrödinger n’ajoute rien à l’expérience de pensée. La métaphore féline lui paraît superficielle et arbitraire : « N’importe quel animal ferait aussi bien l’affaire : un paradoxe de la poule, de l’oie ou de la truie de Schrödinger aurait eu, du strict point de vue heuristique, exactement la même portée que celui du chat. », écrit-il dans son ouvrage <em>Il était sept fois la révolution</em>. Pourtant, c’est bien l’image du chat mort et vivant qui en a assuré la popularité et, même si Schrödinger ne donne aucune indication à ce sujet, on peut s’interroger sur les raisons du choix de cet animal.</p>
<p>Une expérience de pensée est toujours, conjointement, un raisonnement basé sur des conditions irréalisables (des hypothèses a priori contrefactuelles même si on découvre parfois au terme du raisonnement qu’elles sont réelles) et un récit supposant une suspension de l’incrédulité à l’égard d’un autre « monde possible ». En général, Einstein expérimentait sur lui-même, chevauchant un photon ou chutant dans le vide. Contrairement à Galilée, il n’aurait jamais jeté un animal dans le vide, même par la pensée ! Dans ses expériences de pensée aboutissant à un résultat positif, il était attaché à restituer sa propre prise de conscience, à mettre en scène la réflexivité. Avec le baril, on sent qu’il reste à distance : même s’il dramatise le suspense lié à l’explosion, il manque quelque chose ; l’image ne nous implique pas.</p>
<h2>Les mystères du chat</h2>
<p>En mettant en jeu la vie d’un animal, Schrödinger accentue l’implication affective. Encore fallait-il que l’animal ne soit pas de ceux dont la mort nous indiffère comme les moustiques ou que certains d’entre nous mangent (poulet, porc…). Ce qui singularise la métaphore féline est qu’elle possède des résonances imaginaires particulières : le chat est à la fois domestique et indépendant, dedans et dehors, il est l’animal qui possède neuf vies et dont les prunelles sont un mystère insondable pour le poète. Chez Lewis Carroll, il soulevait même déjà l’énigme de la présence superposée à l’absence (le chat du Cheshire deviendra lui aussi le support d’une expérience de pensée quantique).</p>
<p>Ainsi, la métaphore était peut-être trop bien trouvée ! Alors que Schrödinger cherchait à rendre problématique l’application de son équation au concept de particule, la métaphore lui échappa pour devenir l’emblème de multiples réinterprétations de plus en plus réalistes de la superposition. De nos jours, des « chatons de Schrödinger » sont produits dans les expériences bien réelles de <a href="https://www.college-de-france.fr/site/serge-haroche/">Serge Haroche</a>. Du coup, la métaphore fait obstacle à la compréhension. Le chat de Schrödinger est l’exemple parfait d’une expérience de pensée dans un état superposé de réussite exemplaire et d’échec piteux.</p>
<p>Si les chercheurs recourent à des métaphores animales dans le contexte quantique, c’est peut-être pour apprivoiser une difficulté conceptuelle plus que pour la résoudre, c’est-à-dire pour fournir une représentation fictive des équations là où une représentation réaliste classique fait défaut. Nous ne pouvons mettre ici à l’épreuve cette hypothèse sur d’autres exemples, mais la zoologie quantique est sans doute destinée à surprendre plus qu’à apprendre.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec le CEA dans le cadre de la nouvelle formule du magazine Clefs dont le troisième numéro est consacré aux « Révolutions quantiques ». Il sera publié le 14 juin prochain.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97737/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Bontems ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le monde obscur de la physique quantique s'éclaircit à renforts de métaphores animales. Mais le chat à la fois mort et vivant permet-il vraiment de comprendre ?Vincent Bontems, philosophe des sciences, Laboratoire des recherches sur les sciences de la matière, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/973012018-06-03T19:28:41Z2018-06-03T19:28:41ZÀ la recherche des neutrinos : ces particules fantômes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/221440/original/file-20180603-142083-1bxurbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C1296%2C702&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue d'Heidelberg où se tient la conférence Neutrino 2018</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alex_hanoko/6312176742">Alex Hanoko / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À partir d’aujourd’hui et jusqu’au 9 juin, plus de 500 physiciens se rencontreront dans la charmante cité d’Heidelberg sur les bords du Neckar, en Allemagne pour discuter des dernières nouvelles concernant la <a href="https://www.mpi-hd.mpg.de/nu2018/">recherche sur les neutrinos</a>. Aucune annonce spectaculaire n’est attendue, en revanche un flux de récents résultats devrait animer les séances de la conférence exclusivement consacrée à ces remarquables particules.</p>
<h2>Les neutrinos, qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>Les neutrinos sont des particules élémentaires qui trouvent leur place à côté des électrons, protons et neutrons formant la matière ordinaire. Ils sont essentiels pour comprendre les comportements réciproques des particules mais leur contact avec notre monde est dérisoire. Ils n’interagissent pratiquement pas avec le reste de la matière, ce sont des particules fantômes qui nous assaillent et nous traversent de toutes parts sans que nous en ressentions le moindre frémissement ; en conséquence, ils sont très difficiles à détecter.</p>
<p>Malgré tout, leur connaissance a fortement progressé depuis l’<a href="https://journals.openedition.org/bibnum/811">audacieuse hypothèse de leur existence</a> par le physicien <a href="http://etienneklein.fr/wolfgang-pauli/">Wolfgang Pauli</a> et on mesure aujourd’hui précisément leurs attributs. On comprend pourquoi ces particules semblent vivre dans un monde parallèle, et le lancinant problème de leur masse a été résolu, leur octroyant un rôle primordial au niveau de l’Univers global.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Comprendre les neutrinos », Paris Diderot.</span></figcaption>
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<p>Les neutrinos sont d’utiles outils pour comprendre le monde. Particules pratiquement invisibles, ils permettent de capter une information venant de phénomènes très cachés. Ils révèlent les détails des processus intervenant au cœur du Soleil, ils espionnent le combustible à l’intérieur des réacteurs nucléaires. Mais cela a un prix et la détection de ces mystérieuses entités relève du tour de force.</p>
<h2>Le premier visiteur fantôme</h2>
<p>Jusqu’en 1930, il semblait que les trois objets élémentaires connus à l’époque, proton, neutron et électron, suffisaient pour expliquer tous les déguisements de la matière puisqu’ils permettaient de construire l’ensemble des éléments naturels, de l’hydrogène aux atomes lourds.</p>
<p>Comme souvent en recherche, une apparente anomalie exigea alors de réviser ce point de vue : de l’énergie semblait disparaître dans les désintégrations de certains éléments naturels qui émettent spontanément un électron. Or l’énergie se conserve toujours, c’est une règle d’or de la physique. Potentielle ou cinétique, calorique, l’énergie se transforme sans se perdre.</p>
<p>Pourtant, dans la désintégration appelée « Bêta », l’énergie emportée par l’électron détecté s’avérait variable. Le dilemme durât plusieurs années jusqu’à ce que Wolfgang Pauli, dans une <a href="http://www.laradioactivite.com/site/pages/lalettredepauli.htm">lettre de décembre 1930 restée fameuse</a>, suggérât l’existence d’une nouvelle particule, émise en même temps que l’électron et qui s’échappe sans laisser de trace.</p>
<p>Ce n’était qu’une solution « désespérée » selon son inventeur. Mais l’idée, a priori téméraire, expliquait si bien les résultats expérimentaux qu’elle fut rapidement acceptée. Dès 1933, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Enrico_Fermi">Enrico Fermi</a> écrivit la théorie sous-jacente ; il développa la phénoménologie d’un nouveau type de force, l’interaction dite faible, longtemps appelée interaction de Fermi. C’est lui qui baptisa l’objet encore hypothétique « neutrino », petit neutre en italien, symbolisé par la lettre grecque <em>nu</em>. Ainsi la force faible prenait toute sa place à côté des forces forte et électromagnétique, sans oublier la gravitation hégémonique à grande échelle.</p>
<p>Ne subissant que la force faible, le neutrino est une particule très spéciale. Mais cette originalité a un corollaire gênant : elle explique sa faible probabilité d’interaction et donc la difficulté de sa mise en évidence. Heureusement pour les chercheurs, le neutrino n’est pas une particule absolument indétectable, sinon son existence serait demeurée une pure spéculation. Mais subissant la seule interaction faible, cela implique que la très improbable détection doit bénéficier de sources très abondantes ainsi que de détecteurs très massifs, et cela explique qu’<a href="https://lappweb.in2p3.fr/neutrinos/nexp.html">il fallut attendre 1956 pour compter expérimentalement une poignée de neutrinos</a> au voisinage d’un réacteur nucléaire.</p>
<h2>Comment voit-on les neutrinos ?</h2>
<p>La détection des neutrinos pose un problème de taille, c’est la conséquence de la rareté des événements engendrés. Heureusement les émetteurs sont en général très généreux. Un réacteur nucléaire EdF produit quelque 1 021 neutrinos chaque seconde ; une supernova en crache 1 058 en une dizaine de secondes, le Soleil déverse chaque seconde 60 milliards de neutrinos sur chaque cm<sup>2</sup> de surface de la Terre, et ceci de jour comme de nuit puisque, pendant la nuit, ils nous arrivent par les pieds, la Terre entière étant transparente aux neutrinos.</p>
<p>Aux accélérateurs, une machine moderne fournit des salves atteignant quelque 109 neutrinos traversant un détecteur toutes les quelques secondes. Ces chiffres donnent le vertige et pourtant, pour en arrêter quelques-uns, il ne faut pas lésiner sur les dispositifs qui doivent être à la fois très élaborés et de grandes dimensions.</p>
<p>Il faut inventer des dispositifs plus volumineux pour accéder à des phénomènes naturels plus secrets. C’est le cas du gigantesque appareillage <a href="http://www-sk.icrr.u-tokyo.ac.jp/sk/index-e.html">SuperKamiokande</a> qui représente l’archétype des détecteurs de neutrinos.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221442/original/file-20180603-142086-1dutl2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221442/original/file-20180603-142086-1dutl2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221442/original/file-20180603-142086-1dutl2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221442/original/file-20180603-142086-1dutl2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221442/original/file-20180603-142086-1dutl2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221442/original/file-20180603-142086-1dutl2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221442/original/file-20180603-142086-1dutl2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le SuperKamiokande, l’archétype des détecteurs de neutrinos.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www-sk.icrr.u-tokyo.ac.jp/sk/gallery/index-e.html">Super Kamiokande</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Il s’agit d’un immense réservoir souterrain (pour être à l’abri du rayonnement cosmique) contenant 50 kilotonnes d’eau purifiée, soit sept fois le poids de la Tour Eiffel. De forme cylindrique, il mesure 40 mètres de haut et 40 mètres de diamètre, un immeuble de quinze étages pourrait s’y loger.</p>
<p>Dans la photo ci-dessus, on remarque un canot avec trois techniciens en train de contrôler, un par un, les « yeux » tapissant les parois intérieures du cylindre. Ces yeux constituent des capteurs très sensibles de lumière ; l’appareillage en compte 11 000. En effet, quand un neutrino interagit dans l’eau de la cuve, les particules chargées alors produites y laissent une évanescente trace lumineuse de couleur bleutée qu’il s’agit de détecter au mieux.</p>
<h2>Les neutrinos et l’Univers</h2>
<p>Comment des particules si légères et aux interactions si rares peuvent-elles influencer l’évolution de l’Univers ? La réponse est dans leur nombre. Il existe plusieurs milliards de fois plus de neutrinos que d’électrons ou de protons, à tel point que leur masse totale égale grosso modo celle de toutes les étoiles emplissant le firmament. Comment être sûr de ce paradoxal résultat ?</p>
<p>Parmi les nombreux producteurs de neutrinos, Soleil, réacteurs, accélérateurs, atmosphère, l’émetteur le plus puissant reste le Big Bang. Les neutrinos sont l’un des ingrédients pour comprendre la cohérence existant entre les particules, ils sont donc obligatoires pour suivre les phases successives qui se sont déroulées à la naissance de notre Univers.</p>
<p>Sans neutrinos, le Big Bang n’aurait pu se produire. On évalue la densité des neutrinos rescapés de l’explosion originelle à 300 dans chaque cm<sup>3</sup> de l’espace. Ces neutrinos dits cosmologiques ont la même source que les photons du fond cosmologique qui montent à 400 dans chaque cm<sup>3</sup>. Or le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fond_diffus_cosmologique">fond cosmologique</a> est aujourd’hui magnifiquement connu.</p>
<p>Leur détection est un défi qui restera en ligne de mire des physiciens pendant encore bien des décennies. Dommage, car leur détection permettrait d’obtenir une image unique du monde à l’âge d’une seconde, alors que le fond de photons ne renseigne que sur un Univers déjà âgé de 370 000 ans, quand photons et matière se sont découplés.</p>
<p>On sait aujourd’hui que les neutrinos ont une masse, et ce résultat clôt une longue interrogation qui a débuté dès l’hypothèse du premier neutrino. Les masses trouvées semblent dérisoires devant celles affectant les autres particules de matière. Pourtant, elles suffisent pour arriver au très surprenant résultat que les neutrinos contribuent autant que les dix mille milliards de milliards d’étoiles présentes à l’équilibre de l’Univers entier.</p>
<h2>Les questions en suspens</h2>
<p>Où est passée l’<a href="https://home.cern/fr/topics/antimatter/matter-antimatter-asymmetry-problem">antimatière</a> ? En effet notre Univers a débuté par une soupe très chaude où matière et antimatière étaient présentes à égalité, or l’antimatière a complètement disparu, sauf pour les neutrinos et antineutrinos présents à égalité.</p>
<p>Une autre question lancinante se pose sur la nature intime des neutrinos : sont-ils leur propre antiparticule comme suggéré par le modèle inventé par Majorana dès les années 1935 et toujours sans solution ? Là aussi des recherches sont en cours.</p>
<p>Les neutrinos subissent-ils les interactions électromagnétiques ? Bien que sans charge électrique, cela est permis par la théorie.</p>
<p>Existent-ils d’autres formes de neutrinos ? On sait que les trois types bien étudiés sont au complet, mais on parle de neutrinos stériles qui seraient encore plus évanescents que les neutrinos connus. De tels objets sont proposés par certains théoriciens pour expliquer la masse sombre à l’œuvre dans l’Univers.</p>
<p>Un autre axe très actif de recherche consiste à développer une nouvelle astronomie en sondant le ciel pour y découvrir des émetteurs neutriniques de très haute énergie. Les premiers signaux venant de sources extragalactiques ont été révélés grâce à un télescope 10 000 fois plus gros que SuperKamiokande construit dans la glace du Pôle Sud, et ce n’est qu’un début.</p>
<p>En somme, il y a encore beaucoup de pain sur la planche pour les physiciens des neutrinos, ils auront bien des motifs pour se rencontrer à nouveau, sans même aborder le thème de la détection des neutrinos cosmologiques qui reste le saint graal des chercheurs. Leur détection révélerait le Big Bang bébé, mais il faudra encore attendre bien des réunions biennales avant d’amorcer la moindre idée sérieuse quant à la résolution de cet emblématique problème.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francois Vannucci est membre de la Société française de physique et de la Société philomathique</span></em></p>Petit voyage dans l’infiniment petit à la recherche des neutrinos, ces particules fantômes qui ne réagissent pas avec la matière mais tout de même bien réelles et indispensables. En route !François Vannucci, Professeur émérite, chercheur en physique des particules, spécialiste des neutrinos, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/853582017-11-01T22:54:05Z2017-11-01T22:54:05ZQu’est-ce que le hasard quantique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/191672/original/file-20171024-30596-1jqviff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jeux quantiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pxhere</span></span></figcaption></figure><figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/190355/original/file-20171016-21959-51ycka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/190355/original/file-20171016-21959-51ycka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/190355/original/file-20171016-21959-51ycka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/190355/original/file-20171016-21959-51ycka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/190355/original/file-20171016-21959-51ycka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/190355/original/file-20171016-21959-51ycka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/190355/original/file-20171016-21959-51ycka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>L’auteure de cet article sera présente au <a href="http://leforum.cnrs.fr/">Forum du CNRS 2017</a> dont The Conversation France est partenaire. Elle interviendra le samedi 25 novembre après-midi à la Cité internationale universitaire de Paris.</em></p>
<hr>
<p>Le hasard en physique classique surgit lorsque le résultat d’une expérience ne peut être prédit avec certitude : sur quelle face tombera le dé ? Quel temps fera-t-il à Paris l’année prochaine ? Le hasard rend compte de façon effective du fait que nous ne disposons pas de toute l’information sur une situation physique complexe. Il nous permet de conserver une capacité prédictive, portant sur des statistiques (ainsi, ce dé a une chance sur six de tomber sur le « 1 »).</p>
<p>Le hasard apparaît aussi dans une autre branche célèbre de la physique : la mécanique quantique, qui vise à étudier à l’aide d’appareils de mesure macroscopiques des objets invisibles à l’œil nu. Du fait de leur petite taille, ces objets se trouvent dans des états extrêmement fragiles, qui sont violemment perturbés par l’appareil de mesure. On peut le comprendre, en réalisant que pour mesurer la position de cette table, je me sers de la lumière qu’elle renvoie. Or la lumière est constituée de grains, les photons. Imaginons maintenant que la table devienne microscopique : dans ce cas, le choc avec un seul photon va communiquer une vitesse à la micro-table, perturbant de façon aléatoire sa position et la rendant imprédictible.</p>
<p>De cet exemple idéalisé, on comprend que le hasard qui se manifeste à l’échelle quantique est d’une tout autre nature que le hasard classique. Aucune information supplémentaire ne peut l’éliminer, car il vient de l’opération de mesure même. On peut parler de hasard ontologique (fondamental, essentiel), par opposition au hasard classique, qui est épistémique (dû à l’ignorance).</p>
<h2>Interférences et superpositions quantiques</h2>
<p>Le hasard quantique est régi par des lois spécifiques très différentes de celles qui gouvernent le hasard classique. Rappelons dans un premier temps comment on traite le hasard classique, et prenons l’exemple d’une balle se trouvant dans une boîte fermée. Cette balle a 50 % de chances d’être noire (respectivement blanche). Elle a aussi 50 % de chances d’être en bois (resp. en métal). Lorsque je sors la balle de la boîte, j’ai au total 25 % de chances que la balle soit noire, et en métal.</p>
<p>Considérons maintenant un exemple issu du monde quantique, à savoir un photon unique polarisé. Comme évoqué ci-dessus, un photon est un grain de lumière, caractérisé non seulement par une couleur, mais aussi par une « direction de polarisation ». Cette direction de polarisation est représentée par une flèche, qui peut être horizontale <em>H</em> (resp. verticale <em>V</em>), ou bien diagonale <em>D</em> (resp. antidiagonale <em>A</em>). H, V, A, D sont ainsi des états quantiques possibles pour notre objet microscopique photon.</p>
<p>Si je mesure maintenant le photon, je constate qu’un photon A a 50 % d’être H ou V, tandis qu’un photon H a 50 % de chances d’être A ou D. En suivant le raisonnement classique, je trouve qu’un photon A a 50 % de chances… d’être mesuré dans l’état A ! Or un photon A a bien 100 % de chances d’être A (et 0 % d’être D). Ce phénomène est appelé interférence quantique. Il est dû au fait qu’un photon H n’est pas « soit A soit D », mais bien simultanément « A et D », en d’autres termes, dans une superposition quantique de A et D.</p>
<h2>Technologies quantiques</h2>
<p>Le phénomène de superposition quantique est particulièrement intéressant pour réaliser des processeurs quantiques. Un ordinateur effectue des calculs en traitant des <em>bits</em> d’information, un bit d’information étant une unité d’information ultime, codée sur 0 ou 1. Dans un ordinateur classique, les bits sont soit dans l’état 0, soit dans l’état 1. Dans un ordinateur quantique, l’information peut être encodée sur des « bits quantiques », pouvant eux-mêmes se trouver dans des états de superpositions « 0 et 1 ». Ces superpositions permettent en particulier d’effectuer des calculs plus efficaces (requérant moins d’étapes) que dans le monde classique.</p>
<p>Le hasard quantique permet également de rendre plus sûre la communication de données secrètes. Comme mentionné ci-dessus, la mesure perturbe l’état des systèmes quantiques, ce qui rend détectable la présence d’espions et constitue la base de la cryptographie quantique.</p>
<p>Ces promesses technologiques sont au cœur de la <a href="http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-il-etait-deux-fois-la-revolution-quantique-37673.php">« deuxième révolution quantique »</a>, qui exploite les caractéristiques les plus contre-intuitives de la mécanique quantique telles que les superpositions et le hasard quantiques pour révolutionner les technologies de l’information. La deuxième révolution quantique fait actuellement l’objet d’importants investissements, tant de la part des États que d’entreprises majeures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85358/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexia Auffèves ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un coup de dé jamais n’abolira le hasard, et encore moins le hasard quantique où les évènements sont imprédictibles, par essence.Alexia Auffèves, Directeur de recherche CNRS, Physique quantique, Institut Néel, CNRS/UGA, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/721532017-02-23T11:04:13Z2017-02-23T11:04:13ZLa théorie d’un évêque médiéval évoque les univers multiples de la physique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/154780/original/image-20170130-7689-1rylr59.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C50%2C917%2C565&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'image du monde.</span> <span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque de France, Fr.14964, fol. 117</span></span></figcaption></figure><p>La théorie d’un évêque anglais du XIII<sup>e</sup> siècle sur la formation de l’univers présente d’étranges parallèles avec la théorie des univers multiples, postulée en cosmologie. Une découverte du projet Ordered Universe de l’université de Durham en Angleterre, qui a réuni des chercheurs en humanités (études pluridisciplinaires en lettres et sciences humaines) et en sciences dans un travail collaboratif.</p>
<p>Ce projet explore le monde conceptuel de Robert Grossetête, l’un des esprits les plus étonnants de sa génération (1170 à 1253). Il fut évêque de la ville de Lincoln, réformateur de l’Église, théologien, poète, politicien, et l’un des premiers à aborder, enseigner et débattre de nouveaux textes sur les phénomènes naturels, récemment devenus accessibles aux intellectuels occidentaux. Ces textes, portant principalement sur la philosophie naturelle de l’érudit grec Aristote, ont été traduits de l’arabe en latin au cours des XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles, grâce une grande quantité de textes venant de commentateurs islamiques et juifs. Ils avaient à l’époque révolutionné les ressources intellectuelles des érudits occidentaux, remettant en question les façons de penser établies.</p>
<p>Aujourd’hui, il faut reconnaître que la réflexion qu’ils ont stimulée a également préparé la voie aux avancements scientifiques du XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles. Près de 800 ans plus tard, l’exemple du travail de Grossetête fournit une base pour un large travail interdisciplinaire, offrant des problèmes inattendus aussi bien aux scientifiques modernes qu’aux experts en humanités, leur donnant l’occasion de travailler étroitement ensemble.</p>
<h2>Un géant de la science</h2>
<p>Grossetête a été une figure proéminente dans l’histoire de la science, mais pourtant, jusqu’aux premières décennies du XX<sup>e</sup> siècle, son travail est resté méconnu, et l’importante édition de 1912 de ses travaux a besoin d’être revue : l’éditeur avait eu accès à moins de la moitié de ses manuscrits existants. Nous reprenons donc cette tâche.</p>
<p>Bien que Grossetête puisse ne pas être à l’origine de la science expérimentale occidentale, ses travaux scientifiques permettent d’en approcher la méthodologie. Ils présentent aussi des constructions mathématiques parfaitement équilibrées : ce n’est pas évidentlors d’une simple lecture littéraire, mais, pour les générations médiévales qui l’ont suivi, cette dimension était merveilleusement comprise. </p>
<p>Les compétences de l’équipe principale pour réaliser ce travail relèvent des domaines de l’histoire médiévale et de la théologie, de la science de la vision, de la physique et de la cosmologie, de la philosophie médiévale, avec de nombreux autres collègues engagés sur des aspects précis des manuscrits étudiés, allant des biologistes marins aux astronomes. Suivant un principe de lecture collaborative, tous les chercheurs ont contribué à la préparation de cette édition, à la traduction et à l’interprétation.</p>
<h2>La lumière fantastique</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/156938/original/image-20170215-19259-kia488.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156938/original/image-20170215-19259-kia488.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156938/original/image-20170215-19259-kia488.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156938/original/image-20170215-19259-kia488.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156938/original/image-20170215-19259-kia488.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156938/original/image-20170215-19259-kia488.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156938/original/image-20170215-19259-kia488.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156938/original/image-20170215-19259-kia488.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Portrait de Robert Grossetête (XIIIᵉ siècle).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Grosset%C3%AAte#/media/File:Grosseteste_bishop.jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le traité de Grossetête sur la lumière, appelé <em>De Luce</em> (<em>Sur la Lumière</em>) est le premier essai connu décrivant l’univers en utilisant un ensemble cohérent de lois physiques, des siècles avant Isaac Newton. Il propose que la même physique de la lumière et de la matière, qui explique la solidité des objets ordinaires, pourrait être appliquée au Cosmos comme un tout.</p>
<p>En expliquant la formation de l’ancien univers, géocentrique et composé d’une série de sphères imbriquées, Grossetête conçoit l’univers comme débutant d’un simple point de lumière, la fusion de la forme et de la matière, qui s’étend jusqu’à ce que la matière ne puisse être déplacée plus loin : la première sphère. Une forme différente de lumière rayonne à l’intérieur de la matière comprimée, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus se déplacer plus loin, générant la seconde sphère, et ainsi de suite.</p>
<p>Les calculs de Grossetête sont très pertinents et précis. S’il avait eu accès aux calculs modernes et aux méthodes informatiques, il les aurait sûrement utilisés. Dans un article publié en 2014 dans <a href="http://dx.doi.org/10.1098/rspa.2014.0025"><em>Proceedings of the Royal Society</em></a>, notre équipe a construit un modèle d’ordinateur pour expliquer les équations de Grossetête. En le faisant, cela suggère, bien que ce n’était probablement pas apparent pour Grossetête à l’époque, une série d’univers ordonné rappelant le concept moderne de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Multivers">« Multivers »</a>.</p>
<h2>Couleur et illumination</h2>
<p>Nous avons été conduits à faire d’autres découvertes étonnantes. Nous avons corrigé quelques grosses erreurs dans l’édition moderne sur la conception <a href="http://www.opticsinfobase.org/josaa/fulltext.cfm?uri=josaa-29-2-A346&id=227405">tridimensionnelle de la couleur</a> de Grossetête : les deux qualités de la lumière (abondante ou peu abondante, lumineuse ou faible) couplées à une troisième reliée à l’objet lui donnant corps (pur ou impur).</p>
<p>Nous avons pu utiliser la théorie de l’arc-en-ciel de Grossetête pour découvrir un nouveau système coordonné valable pour l’espace des couleurs en trois dimensions. Dans sa théorie, les trois dimensions de la couleur réapparaissent comme des différences entre, et dans, les arcs-en-ciel, sous une <a href="http://www.opticsinfobase.org/josaa/fulltext.cfm?uri=josaa-31-4-A341&id=280178">illumination solaire différente</a>. Ainsi, nous avons été à même de décrire un nouveau système coordonné de « spirale croisée » pour l’espace en couleur que les scientifiques utilisent aujourd’hui.</p>
<h2>Les humanités et la science</h2>
<p>Pour ceux travaillant en sciences humaines, ce travail met en lumière l’importance de Grossetête en tant que penseur, et a démontré, de manière profonde, comment les scientifiques modernes ont aidé à façonner les processus d’édition, de traduction et de commentaire de ses travaux. Pour les chercheurs en sciences expérimentales, ce travail a permis une <a href="http://www.nature.com/news/history-a-medieval-multiverse-1.14837">nouvelle perspective historique sur nos compréhensions modernes</a>, et sur une nouvelle science, comme dans le développement d’outils de calculs pour un type d’ondes de choc, ou une nouvelle carte des couleurs.</p>
<p>Tout comme pour inspirer cette surprenante nouvelle science, toutes nos investigations ont amélioré notre connaissance de ce penseur et de ses textes en nous permettant une lecture plus proche et « fonctionnelle » du texte. Chaque pas approfondit et agrandit également notre appréciation historique de Grossetête ainsi que de sa vive et intellectuelle imagination, créative et disciplinée.</p>
<p>Aussi longtemps qu’est maintenu le dialogue entre les disciplines, il n’y a pas de retour en arrière. Chaque suggestion contribue à comprendre où nous nous situons en relation au monde de Grossetête, et dans une perspective plus large comment la science vient de la culture humaine. Notre projet explore les questions scientifiques modernes et médiévales, et dessine entre les interprétations historiques et contemporaines une symbiose des techniques de la science et des humanités. Comme l’écrivain scientifique Michael Brooks l’a souligné dans <a href="http://www.newstatesman.com/sci-tech/2014/03/big-bang-theory-not-modern-you-think"><em>New Statesman</em></a>, cela illustre la curiosité intellectuelle et le talent créatif libérés lors de la rencontre de deux cultures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72153/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tom McLeish a reçu des financements de l'AHRC et EPSRC (UK).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Giles Gasper a reçu des financements de l'AHRC et le Leverhulme Trust.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hannah Smithson a reçu des financements de l'AHRC.</span></em></p>Robert Grossetête (1170 à 1253) fut l’évêque de la ville de Lincoln, poète et politicien. De nouveaux documents révèlent qu’il fut aussi l’un des premiers à aborder certains phénomènes naturels.Tom McLeish, Professor of Physics and former Pro-Vice-Chancellor for Research, Durham UniversityGiles Gasper, Senior Lecturer in Medieval History, Durham UniversityHannah Smithson, Associate Professor in Experimental Psychology (Perception), University of OxfordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/537822016-02-08T05:48:59Z2016-02-08T05:48:59ZLes physiciens du LHC ont-ils détecté une nouvelle particule ? Peut-être…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/110449/original/image-20160205-18253-1js6ljr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grand collisionneur de hadrons au CERN, près de Genève.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/11304375@N07/2046228644">Image Editor/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Début décembre 2015, la rumeur de la découverte d’une nouvelle particule au <a href="http://home.cern/fr/topics/large-hadron-collider">Grand collisionneur de hadrons</a> (LHC) s’est répandue sur Internet et dans les cafétérias des laboratoires de physique. Après trois ans de recherches sans succès dans la foulée de la découverte du <a href="https://theconversation.com/explainer-the-higgs-boson-particle-280">boson de Higgs</a>, était-ce le premier signe de la nouvelle physique que les spécialistes cherchent désespérément à identifier ?</p>
<p>Jusqu’au 14 décembre, rien n’a filtré des travaux des chercheurs du LHC. Ce jour-là, au grand auditorium du CERN, une réunion de physiciens venus écouter les présentations de leurs collègues sur les projets <a href="http://home.cern/fr/about/experiments/cms">CMS</a> et <a href="http://home.cern/fr/about/experiments/atlas">Atlas</a> (les deux détecteurs géants de particules qui ont découvert le boson de Higgs) a fait salle comble. Même chez ceux qui assistaient à la conférence par Internet, l’excitation était palpable.</p>
<p>Une nouvelle ère était-elle sur le point d’ouvrir ? La réponse est… peut-être.</p>
<h2>Un pic plutôt curieux</h2>
<p>La <a href="http://home.cern/fr/about/updates/2015/12/atlas-and-cms-present-their-2015-lhc-results">séance</a> a commencé par les résultats du CMS. Comme d’habitude, les spécialistes ont présenté toute une série de mesures qui ne laissaient pas entrevoir la moindre trace de nouvelle particule. Et puis, dans les dernières minutes, les courbes ont fait état d’un pic peu prononcé mais intrigant qui suggérait la désintégration possible d’une nouvelle particule lourde en deux photons (particules de lumière). Ce pic affichait une masse d’environ 760 GeV (le GeV, gigaélectronvolt, soit un milliard d’électrons-volts est l’unité de masse et d’énergie utilisée en physique des particules – la masse du boson de Higgs est d’environ 125 GeV) mais le signal était bien trop faible pour être probant. Atlas confirmerait-il cette hypothèse ?</p>
<p>Les résultats d’Atlas reflétaient l’absence d’événements constatés par le CMS, sauf vers la fin, où l’on observait un pic similaire, proche de l’endroit où le CMS avait détecté les 750 GeV. Plus prononcé, le signal était cependant trop ténu pour être statistiquement fiable. Mais qu’il ait été repéré indépendamment sur ces deux expériences est à lui seul exaltant.</p>
<p>La découverte du boson de Higgs, en 2012, a conforté le <a href="https://theconversation.com/explainer-standard-model-of-particle-physics-2539"><em>Modèle standard</em></a>, qui est actuellement la théorie la plus satisfaisante en physique des particules, même si elle continue à susciter de nombreuses interrogations. Celles-ci concernent notamment la <a href="https://theconversation.com/the-search-for-dark-matter-and-dark-energy-just-got-interesting-46422">matière noire</a> (une substance invisible constituant 85 % de l’univers), la faiblesse de la force de gravité, et la façon dont les lois de la physique semblent avoir été conçues pour permettre l’apparition de la vie, pour ne citer que quelques-unes des questions ouvertes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/110451/original/image-20160205-18300-1hr2i0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/110451/original/image-20160205-18300-1hr2i0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/110451/original/image-20160205-18300-1hr2i0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/110451/original/image-20160205-18300-1hr2i0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/110451/original/image-20160205-18300-1hr2i0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/110451/original/image-20160205-18300-1hr2i0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/110451/original/image-20160205-18300-1hr2i0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une nouvelle théorie de la physique pourra-t-elle un jour nous en dire plus sur la matière noire nichée dans les amas galactiques ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA/Wikipédia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plusieurs théories tentent d’expliquer ces phénomènes, la plus en vogue étant la <a href="http://home.cern/fr/about/physics/supersymmetry">supersymétrie</a>. Celle-ci postule qu’à chaque particule du modèle standard est associée une particule « superpartenaire », plus lourde. Cette théorie s’accorde avec des lois de la physique à la fois simples et parfaitement fonctionnelles et pourrait expliquer la présence de matière noire.</p>
<p>La supersymétrie prédit l’existence de nouvelles particules détectables par le LHC. Cependant, en dépit des espoirs générés au cours de sa première période d’exploitation (2009-2013), le grand collisionneur n’a révélé qu’un désert subatomique peuplé du seul boson de Higgs. Déçus, de nombreux théoriciens de la supersymétrie en sont venus à penser que nous ne trouverions peut-être jamais les réponses aux questions fondamentales que nous nous posons sur la physique.</p>
<p>L’été dernier, les 27 km du LHC ont été remis en service après deux ans de travaux visant à doubler l’énergie des collisions. Cette puissance devait permettre la production, jusqu’alors impossible, de particules plus lourdes. Les physiciens attendaient donc avec impatience les premiers résultats de ces travaux, et l’existence potentielle d’une nouvelle particule est particulièrement bienvenue.</p>
<h2>Un cousin du boson de Higgs ?</h2>
<p>« Si le pic donne bien naissance, en se décomposant, à deux photons, il s’agit forcément d’un boson, sans doute un boson de Higgs », indique Andy Parker, directeur du Laboratoire Cavendish de Cambridge, l’un des principaux collaborateurs de l’expérience Atlas. « De nombreux modèles, dont la supersymétrie, prédisent des Higgs supplémentaires ».</p>
<p>Plus enthousiasmant encore, il pourrait s’agir d’une forme de <a href="http://quarks.lal.in2p3.fr/afficheComposants/Images/clicGravitonl.pdf">graviton</a>, une particule hypothétique liée à la gravité. Les gravitons sont postulés dans les théories qui évoquent davantage de dimensions que les trois que nous connaissons (hauteur, longueur, profondeur).</p>
<p>Les physiciens restent néanmoins prudents. La confirmation ou l’infirmation de ce signal nécessite davantage de données. Andy Parker qualifie ces résultats de « préliminaires et non probants » mais ajoute « que, dans l’hypothèse où ils constitueraient le premier indice d’une physique hors modèle standard, ce serait – rétrospectivement – un événement historique ».</p>
<p>Que l’existence de cette nouvelle particule se confirme ou non, chacun s’accorde à dire que 2016 sera une année passionnante pour la physique des particules.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’histoire du LHC, un documentaire Arte.</span></figcaption>
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<p><em>Traduit par Julie Flanère pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/53782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Harry Cliff, de l'université de Cambridge, est un collaborateur de l'expérience LHCb au CERN.
</span></em></p>Après la découverte du boson de Higgs, les physiciens du CERN ont poursuivi leurs investigations avec le Grand collisionneur de hadrons (LHC). Auraient-ils découvert une particule révolutionnaire ?Harry Cliff, Particle physicist and Science Museum fellow, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.