tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/youtube-38371/articlesYouTube – The Conversation2024-01-29T11:10:29Ztag:theconversation.com,2011:article/2219022024-01-29T11:10:29Z2024-01-29T11:10:29ZQuand l’« effet Streisand » joue à plein contre Guerlain et amène à questionner le rôle du marketing<p>La sortie mondiale, le 2 janvier dernier, du tout nouveau produit de la marque <a href="https://theconversation.com/topics/lvmh-46603">Guerlain</a> « Orchidée impériale Gold Nobile » a généré de <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/guerlain-sort-une-creme-anti-age-quantique-a-650-et-les-reactions-n-ont-pas-tarde_227866.html">virulentes critiques</a> sur les réseaux sociaux et dans plusieurs grands médias. La raison de ce <em>bad buzz</em> : le recours à des allégations au caractère scientifique mis en cause pour faire la promotion de cette crème « quantique » qui serait capable de rajeunir la peau (moyennant 650 euros le pot).</p>
<p>C’est l’influenceur G Milgram qui a commencé à dénoncer ce qu’il appelle un « bullshit marketing ». Et la demande de la marque auprès de ce youtubeur aux 176 000 abonnés de retirer sa vidéo n’a fait que donner plus d’écho à ses dénonciations.</p>
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<p>Cet exemple constitue une belle illustration de ce que l’on connaît en <a href="https://theconversation.com/topics/communication-21313">communication</a> sous le nom d’<a href="https://www.jstor.org/stable/24582908">effet « Streisand »</a>. Il souligne peut-être surtout le besoin pour les professionnels du marketing de réfléchir aux responsabilités qu’ils portent.</p>
<h2>Chronique d’un bad buzz</h2>
<p>Le jour de la sortie mondiale, le 2 janvier dernier, de la toute nouvelle crème Guerlain « Orchidée impériale Gold Nobile », le youtubeur G Milgram met donc en ligne sa vidéo qui, plus de 20 minutes durant, dénonce les affirmations de la marque autour de cette nouvelle crème anti-âge. Réalisée en collaboration avec des chercheurs, elle met en exergue les arguments fallacieux utilisés par Guerlain, arguments soi-disant scientifiques ayant présidé à la création de ce produit.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1749124121110179855"}"></div></p>
<p>La marque défendait en effet « une nouvelle voie de réjuvénation cosmétique pour la peau, née de la science quantique » et soulignait qu’elle est le fruit d’un partenariat avec des chercheurs de l’université Palacky en Tchéquie.</p>
<p>Dans la journée même, plusieurs scientifiques, le physicien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Klein">Étienne Klein</a> par exemple, dont le tweet est vu par plus de 365 000 personnes (au 22 janvier), partagent la vidéo et dénoncent ces allégations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1742474069361012788"}"></div></p>
<p>24 heures après la sortie de la vidéo, la marque contacte le youtubeur pour lui demander de la retirer. Elle réagit également sur X (ex-Twitter) en réaffirmant ses fondements scientifiques, tweet vu par plus d’un million de personnes et qui suscite de la part des internautes l’ajout d’informations contextuelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1742944810682536126"}"></div></p>
<p>Dès le 4 janvier, de nombreux médias comme le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/guerlain-sort-une-creme-anti-age-quantique-a-650-et-les-reactions-n-ont-pas-tarde_227866.html"><em>Huffington Post</em></a>, <a href="https://www.liberation.fr/checknews/cosmetique-quantique-de-guerlain-un-fin-vernis-scientifique-et-une-grosse-louche-de-foutaises-20240105_ZAVUDZ7EB5EG3NAHY7GDBW4MAI/"><em>Libération</em></a>, <a href="https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/cosmetiques-guerlain-cree-la-polemique-avec-sa-creme-quantique_6301623.html">France 3</a> ou encore <a href="https://www.nouvelobs.com/sciences/20240104.OBS82866/la-creme-quantique-de-guerlain-moquee-sur-les-reseaux-sociaux.html"><em>L’Obs</em></a> reviennent sur cette polémique. Les arguments avancés par la marque sont parodiés par de très nombreux internautes, le produit fait également l’objet de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bQ33jpe50Lk">chronique</a> de l’humoriste Matthieu Noël sur France Inter. La 2<sup>e</sup> vidéo de G Milgram dans laquelle le youtubeur répond à la demande de suppression de sa vidéo par Guerlain génère plus de 235 000 vues en 13 jours. Dans ce contexte, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) se saisit de l’affaire.</p>
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<p>Face au déluge de critiques, la marque a procédé à des modifications substantielles de sa communication : c’est ainsi que toute mention du terme « quantique » a été supprimée dans le descriptif du produit. De même, le texte mettant en avant les évocations scientifiques de la publicité vidéo et sa voix off ont été supprimés pour être remplacés par de la musique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Descriptif du produit avant et après la polémique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">France 3</span></span>
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<h2>Quand vouloir cacher donne davantage de visibilité</h2>
<p>Dans cette histoire, l’« effet Streisand » semble avoir joué à plein. Pareil nom a été donné à ce phénomène communicationnel par le journaliste Mike Masnick sur son blog en 2005. Sébastien Liarte, professeur des universités en sciences de gestion, en a donné la <a href="https://www.jstor.org/stable/24582908">définition</a> suivante :</p>
<blockquote>
<p>« L’effet Streisand décrit le phénomène qui assure une plus grande publicité et une diffusion plus importante de toute information qui serait restée confidentielle sur Internet, si on n’avait pas cherché à la cacher ou à la retirer. »</p>
</blockquote>
<p>En 2003, l’actrice américaine Barbra Streisand avait intenté une action en justice pour violation de sa vie privée et demandé le retrait d’une photo aérienne de sa demeure californienne. La photo, prise dans le cadre d’un projet sur l’érosion côtière, aurait pu passer inaperçue au milieu des quelque 12 000 autres clichés réalisés dans ce cadre. Or, cette demande de l’actrice déclenche un véritable intérêt pour cette photo en particulier. Téléchargée 6 fois avant son action en justice, elle est par la suite vue par plus de 400 000 personnes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Guerlain n’est pas la seule marque à avoir eu à faire face à pareil effet. <a href="https://www.numerama.com/politique/14266-ralph-lauren-tente-d-exploiter-le-droit-d-auteur-pour-censurer-la-critique.html">Ralph Lauren</a>, par exemple, a fait en 2009 l’objet d’une forte polémique après la publication d’une photo publicitaire d’une mannequin très fortement retouchée et amincie. Les tentatives de censure de la marque n’ont alors fait qu’amplifier l’intérêt envers cette publicité. <a href="https://media.greenpeace.org/archive/Give-the-Orangutan-a-Break--Nestle-KitKat-Spoof-Video-27MZIF20N4P6.html">Nestlé</a> a également connu des déboires similaires lorsqu’en 2010 la marque a tenté de faire retirer une parodie de sa publicité Kitkat réalisée par Greenpeace pour dénoncer l’usage massif de l’huile de palme dans la fabrication des produits de la marque.</p>
<h2>Pour un marketing qui apporte de la valeur à tous</h2>
<p>Comme le souligne Sébastien Liarte :</p>
<blockquote>
<p>« Les réponses communicationnelles ne font, le plus souvent, qu’amplifier la diffusion de l’audience du message qui lui est défavorable et provoquent cet effet “Streisand”. »</p>
</blockquote>
<p>Au regard de cet argument, il est donc raisonnable de penser que Guerlain n’aurait dû ni contacter G Milgram pour lui demander de supprimer sa vidéo ni prendre la parole sur X pour tenter de répondre à la 1<sup>re</sup> vidéo de l’influenceur. Mais est-ce là l’enseignement principal à tirer de cet épisode ? Non.</p>
<p>Il serait en effet dommage de ne pas profiter de cet événement pour mener une réflexion plus profonde sur la responsabilité des marques et des responsables marketing.</p>
<p>Le marketing jouit d’une image négative dans l’opinion publique. Le terme est souvent utilisé comme synonyme d’arnaque, manipulation ou tromperie. <a href="https://theconversation.com/le-marketing-souffre-dune-image-negative-aupres-dun-tiers-des-francais-200584">L’étude</a> de l’Association française du marketing (AFM) réalisée en 2023 met bien en évidence que « les croyances négatives renvoient à deux fonctions, le potentiel aliénant et l’opportunisme des actions marketing ». Pourtant, la discipline est définie par <a href="https://www.ama.org/the-definition-of-marketing-what-is-marketing/">l’American Marketing Association</a> comme « l’activité et les processus mis en place par les organisations pour créer, communiquer, délivrer et échanger des offres qui ont de la valeur pour les consommateurs, les clients, les partenaires et la société au sens large ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1631197299358531584"}"></div></p>
<p>Le cas de la « crème quantique » Guerlain soulève à la fois des questionnements sur la valeur apportée aux consommateurs et aux clients et la valeur sociétale. Si l’on conçoit que proposer une crème anti-âge à 13 000 euros le litre, avec la proposition de payer le produit en 4 échéances, peut être génératrice de valeur pour le groupe LVMH, celle apportée au consommateur est nettement moins perceptible.</p>
<p>La responsabilité de la fonction marketing est d’inscrire ses pratiques dans le respect du consommateur et non dans la crainte des réactions suscitées, notamment de celles des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/07673701221146300">influenceurs</a> sur les réseaux sociaux. Elle se doit également de développer des pratiques génératrices de valeur pour l’ensemble de la société. </p>
<p>Comme l’indique <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807335516-marketing-plus-durable">Pierre Volle</a>, professeur à l’université Paris-Dauphine, le marketing doit « être mis au service d’une société plus durable ». Le responsable marketing ne devrait ainsi pas déployer son énergie à la multiplication d’offres de produits présentant des bénéfices douteux mais œuvrer pour le développement de pratiques respectueuses sur les plans sociétal et environnemental. Il en va de la responsabilité des praticiens du marketing mais également des enseignants-chercheurs dans leurs activités de formation et de recherche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Euzéby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En demandant au youtubeur G Milgram de supprimer la vidéo dans laquelle il critique la campagne marketing d’une crème anti-âge, Guerlain a sans doute contribué à lui donner davantage de visibilité.Florence Euzéby, Maitresse de conférences en sciences de gestion, IAE La Rochelle, IAE La RochelleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2002912023-03-02T20:03:07Z2023-03-02T20:03:07Z#deinfluencing : quand les internautes disent non aux influenceurs !<p>Les influenceurs ont largement investi la sphère digitale depuis ces dix dernières années. Avec l’essor des réseaux sociaux numériques tels que TikTok, YouTube ou bien encore Instagram, ils ont acquis de larges audiences, de quelques milliers à plusieurs millions d’internautes pour certains d’entre eux, devant lesquelles ils partagent leurs passions, style de vie ou encore bons plans et astuces.</p>
<p>Si leur pouvoir d’influence est incontestable, leurs recommandations sont aujourd’hui de plus en plus remises en cause. À la frontière entre conseil amical et publicité, les pratiques d’une partie des influenceurs restent floues, ambiguës, voire trompeuses. Des scandales ont notamment éclaté concernant des « <a href="https://theconversation.com/les-dropshippers-ces-entrepreneurs-atypiques-et-peu-qualifies-qui-achetent-et-vendent-en-ligne-195768">dropshipping</a> » abusifs (achat de produits sur des sites pour les revendre plus cher sur son propre magasin en ligne), des recommandations vantant les mérites d’un produit jamais testé ni même acheté ou encore de la promotion d’arnaques.</p>
<p>Alors qu’en France, les victimes d’influenceurs s’organisent <a href="https://www.lepoint.fr/justice/un-celebre-couple-d-influenceurs-accuse-d-escroquerie-par-un-collectif-23-01-2023-2505807_2386.php">à travers le collectif AVI</a>, la résistance des internautes s’organise également via les réseaux sociaux : c’est la désinfluence.</p>
<h2>Expériences négatives</h2>
<p>Le hashtag <a href="https://vm.tiktok.com/ZMYj2L283/">#deinfluencing</a> accumule aujourd’hui plus de 277 millions de vues sur TikTok (réseau social où cette tendance est apparue). La « désinfluence » (« deinfluencing » en anglais) constitue la dernière tendance digitale de résistance à la surconsommation.</p>
<p>Elle renvoie à une prise de parole des internautes qui questionnent leur rapport à l’influence et à la surconsommation et qui dénoncent des pratiques d’influence peu éthiques, voire fallacieuses. Alors que les réseaux sociaux ont permis aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/influenceurs-81090">influenceurs</a> (et aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marques-39209">marques</a>) de produire un flot incessant de recommandations, leur impact économique et environnemental est questionné.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/512168/original/file-20230224-823-nrgfca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512168/original/file-20230224-823-nrgfca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512168/original/file-20230224-823-nrgfca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1083&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512168/original/file-20230224-823-nrgfca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1083&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512168/original/file-20230224-823-nrgfca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1083&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512168/original/file-20230224-823-nrgfca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512168/original/file-20230224-823-nrgfca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512168/original/file-20230224-823-nrgfca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemples de posts avec le hashtag #defluencing sur TikTok.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les contenus produits avec ce hashtag peuvent prendre la forme de listes de produits « tendance » sur la plate-forme qu’ils n’achèteront pas (« things you cannot convince me to buy ») ou encore le partage d’expériences négatives de consommation visant à convaincre de ne pas acheter ces produits.</p>
<p>Pour l’instant très viral sur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tiktok-89289">TikTok</a>, notamment à l’encontre de certains influenceurs beauté, ce mouvement pourrait s’étendre vers d’autres réseaux sociaux et d’autres domaines face à des influenceurs parfois peu regardants sur les produits qu’ils recommandent.</p>
<h2>Relation « para-sociale »</h2>
<p>La recherche académique permet de mieux comprendre ce mouvement de défense des consommateurs contre les tentatives de persuasion existantes sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a>. De nombreuses théories sociologiques et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> traitant de la création virtuelle de liens sociaux et de pratiques publicitaires éclairent ce phénomène.</p>
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<p>Tout d’abord, les influenceurs créent une <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/13/19/10919">relation « para-sociale »</a> avec leurs abonnés. Cette relation est développée à distance avec un personnage médiatique. Bien qu’unilatérale, elle se fonde sur le <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JCM-10-2019-3474/full/html">sentiment d’intimité et un lien psychologique affectif</a>. Le public croit et comprend le personnage médiatique. Une telle relation peut se développer avec des personnages de séries télévisées, des artistes et… des producteurs de contenu.</p>
<p>Plusieurs recherches ont mis en avant qu’une relation parasociale constituait un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0747563218302553">vecteur puissant de l’intention d’achat</a> sur les réseaux sociaux. Les professionnels du marketing ayant fait le même constat, les influenceurs sont devenus un outil de publicité très populaire. Le marketing de l’influence représente une industrie dépassant les <a href="https://influencermarketinghub.com/influencer-marketing-statistics">16 milliards de dollars en 2022</a>.</p>
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<p>Cette collaboration entre marques et influenceurs peut prendre de multiples formes, comme des envois de produits gratuits, des vidéos sponsorisées, des voyages luxueux… Et elle ne passe pas inaperçue aux yeux des consommateurs.</p>
<h2>Sentiment de trahison</h2>
<p>Cette remise en question de l’activité des influenceurs découle d’une perte de confiance des consommateurs, ainsi qu’à un environnement économique et écologique qui semble plus fragile et qui invite à la remise en question. Les consommateurs participant au mouvement #deinfluencing s’inscrivent dans une forme de rejet du contenu publicitaire déguisé, souvent très éloigné des valeurs actuelles de durabilité.</p>
<p>Cette perte de confiance peut provenir de déceptions à la suite d’achat de produits, de l’accroissement des contenus rémunérés ou encore de l’apparition de pratiques abusives. Ainsi, la sponsorisation est source de méfiance de la part des consommateurs, car il devient difficile de faire confiance au jugement d’un influenceur lorsque celui-ci est rémunéré par la marque. Le manque de transparence crée un sentiment de défiance, voire un sentiment de trahison.</p>
<p>Nous pouvons prendre l’exemple récent de Mikayla Noguiera, maquilleuse et star américaine des réseaux sociaux, qui a fait <a href="https://www.independent.co.uk/life-style/mikayla-noguiera-mascara-drama-tiktok-b2274850.html">scandale</a> en faisant un placement de produit pour un mascara L’Oréal considéré comme mensonger par les internautes (ceux-ci la soupçonnant d’avoir utilisé de faux cils). Les <a href="https://www.liberation.fr/societe/dylan-thiry-linfluenceur-philanthrope-qui-en-fait-beaucoup-trop-20230123_OG7NN4J4ZREBZHUA2A3DT3LT64/">rumeurs d’escroquerie et d’abus de confiance</a> se développent également en France, ce qui participe d’autant plus à cette remise en question de la crédibilité des influenceurs.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512169/original/file-20230224-772-j2ktnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512169/original/file-20230224-772-j2ktnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512169/original/file-20230224-772-j2ktnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512169/original/file-20230224-772-j2ktnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512169/original/file-20230224-772-j2ktnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512169/original/file-20230224-772-j2ktnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1632&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512169/original/file-20230224-772-j2ktnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1632&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512169/original/file-20230224-772-j2ktnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1632&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Post appelant au defluencing sur TikTok.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://vm.tiktok.com/ZMYACEBHt/">TikTok</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au-delà de ce problème de confiance dans la performance des produits conseillés par les influenceurs, ceux-ci, en se professionnalisant, développent un style de vie de plus en plus éloigné de celui de leurs <em>followers</em>. Ils perdent en proximité avec eux et ne représentent plus le consommateur. Leur statut se rapproche alors d’un ambassadeur de marque, peu connecté aux problématiques réelles de leurs abonnés.</p>
<p>Dernièrement, la marque de cosmétiques Tarte a organisé un voyage très luxueux pour un groupe d’influenceurs, afin de promouvoir un lancement de produit. Ce voyage a été <a href="https://www.voguebusiness.com/beauty/tartes-dubai-backlash-are-influencer-trips-tone-deaf-in-2023">décrié par les internautes</a> qui y ont vu un manque de sensibilité de la marque aux questions écologiques et à la situation économique actuelle (les influenceurs ayant été envoyés à Dubaï par avion en classe business puis logés dans un hôtel luxueux).</p>
<h2>Contre-discours</h2>
<p>Cette tendance à la désinfluence vise donc à rompre le discours positif d’influenceurs sur certains produits, en le remplaçant par un contre-discours de consommateurs ordinaires soumis à des contraintes plus proches de la majorité des consommateurs (budgétaires, de limitation d’espace de stockage, de prise en compte de l’écologie, etc.).</p>
<p>Mieux éduqués, les consommateurs développent une conscience croissante des différentes tentatives de persuasion auxquelles ils sont soumis. Lorsqu’ils perçoivent une tentative de persuasion, ils vont développer des <a href="https://www.jstor.org/stable/2489738">stratégies afin d’y échapper</a> (zapping des publicités télévisuelles ; changement de radio pendant la coupure publicitaire, etc.). Or l’influence digitale reste un outil relativement nouveau à l’échelle de l’histoire des pratiques publicitaires, car il est lié au développement des réseaux sociaux. La connaissance des consommateurs et donc leurs pratiques d’évitement sont ainsi encore au stade de développement.</p>
<p>Ceci fait alors écho à d’autres phénomènes de <a href="https://shs.hal.science/halshs-02530495/document">résistance des consommateurs</a> tels que le <a href="https://www.jstor.org/stable/41432232">boycott</a>, les techniques d’évitement de la publicité (<em>ad blockers, zapping</em>…), les mouvements anticonsuméristes (ou minimalistes) ou encore le téléchargement illégal.</p>
<p>Face au <em>deinfluencing</em>, deux axes sont envisageables pour les marques : recréer de la confiance et se rapprocher des problématiques des consommateurs. Ceci se fondera d’une part sur une transparence irréprochable de la part des influenceurs mais également sur un cadre législatif plus clair qui viendra protéger les consommateurs des abus.</p>
<p>Le contenu même des influenceurs est appelé à s’adapter en incitant moins à la surconsommation non réfléchie, en faisant des analyses plus complètes (basées sur un essai-produit réalisé sur une longue période, montrant différents modes d’utilisation d’un même produit, contextualisant la performance du produit…) ou encore en promouvant des achats plus durables et limitant le gaspillage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les expériences négatives d’achat de produits vantés par les stars des réseaux sociaux incitent certains consommateurs à entrer en résistance face aux nouvelles pratiques du marketing en ligne.Camille Lacan, Maître de Conférences en Sciences de Gestion et du Management, IAE de Perpignan, Université de PerpignanAlice Crépin, Professeure assistante en marketing, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1860672022-07-05T18:51:43Z2022-07-05T18:51:43ZPeut-on faire des sondages politiques avec YouTube ?<p><em>Cet article est publié en collaboration avec <a href="https://www.lemonde.fr/blog/binaire/">Binaire</a>, le blog pour comprendre les enjeux du numérique.</em></p>
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<p>Les algorithmes de recommandations utilisés par les grandes plates-formes du web tel YouTube ne sont pas connus ou accessibles. Des chercheurs essaient d’en découvrir le fonctionnement. Leurs travaux permettent de mieux comprendre ce que font ces algorithmes, et aussi d’observer les relations entre les recommandations et les sondages d’intention de vote.</p>
<p>Un système de recommandation est un objet informatique ayant pour but de sélectionner de l’information pertinente pour les utilisateurs d’une plate-forme (vidéos, articles, profils…). Sur YouTube par exemple, ces recommandations sont omniprésentes : en 2018, <a href="https://qz.com/1178125/youtubes-recommendations-drive-70-of-what-we-watch/">70 % des vues de vidéos</a> provenaient de recommandations (par opposition à des vues provenant des recherches intentionnelles). On comprend alors que cet objet est à la fois critique pour l’entreprise, qui compte sur son efficacité pour maintenir l’utilisateur sur sa plate-forme le plus longtemps possible, mais aussi critique pour l’utilisateur lui-même, pour qui la recommandation façonne l’exploration, puisque c’est principalement via ce prisme qu’il accède à l’information.</p>
<p>Cette double importance conduit la recherche en informatique à s’intéresser à la conception de tels recommandeurs. Il s’agit ainsi tout d’abord de prendre la perspective de la plate-forme afin d’améliorer la mise au point de la machinerie complexe qui permet à celles-ci de produire des recommandations, en général en exploitant les historiques de consommation des utilisateurs (principe du filtrage collaboratif).</p>
<h2>L’algorithme cette boîte noire</h2>
<p>D’un autre côté et plus récemment, la recherche s’intéresse à la perspective utilisateur de la situation. Pour analyser les algorithmes de recommandation, on les observe comme des boîtes noires. Cette notion fait référence au peu de connaissance qu’à l’utilisateur sur le fonctionnement du recommandeur qui est généralement considéré par les plates-formes comme un secret industriel. L’objectif de ces recherches est de comprendre ce qu’on peut découvrir du fonctionnement de la boîte noire sans y avoir accès, simplement en interagissant avec comme tout autre utilisateur.</p>
<p>L’approche consiste ainsi, en créant des profils ciblés, à observer les recommandations obtenues afin d’extraire de l’information sur la politique de la plate-forme et son désir de pousser tel ou tel catégorie ou produit, ou bien de mesurer une éventuelle censure apportée aux résultats de recherche. On notera qu’un des buts du <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52020PC0825"><em>Digital Services Act</em></a> récemment discuté au parlement européen est de permettre l’audit indépendant des grandes plates-formes, c’est-à-dire de systématiser les contrôles sur le comportement de ces algorithmes.</p>
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<p>Une illustration de ce qu’il est possible d’inférer du côté utilisateur a vu le jour dans le cadre de la campagne présidentielle de 2022 en France. Il a été tentant d’observer les recommandations « politiques », et ce pour étudier la question suivante. Puisqu’un recommandeur encode le passé des actions sur la plate-forme (ici des visualisations de vidéos), est-ce que, par simple observation des recommandations, on peut apprendre quelque chose sur l’état de l’opinion française quant aux candidats en lice pour l’élection ? Le rationnel est la boucle de rétroaction suivante : si un candidat devient populaire, alors de nombreuses personnes vont accéder à des vidéos à son sujet sur YouTube ; le recommandeur de YouTube va naturellement mettre en évidence cette popularité en proposant ces vidéos à certains de ses utilisateurs, le rendant encore plus populaire, etc.</p>
<h2>Une expérience : les recommandations pour approximer les sondages</h2>
<p>Pouvons-nous observer ces tendances de manière automatisée et du point de vue de l’utilisateur ? Et en particulier, que nous apprend la comparaison de ces mesures avec les sondages effectués quotidiennement durant cette période ?</p>
<p>Dans le cadre de cette étude, nous avons pris en compte les douze candidats présentés officiellement pour la campagne. Nous avons mis en place des scripts automatisés (bots) qui simulent des utilisateurs regardant des vidéos sur YouTube. À chaque simulation, « l’utilisateur » se rend sur la catégorie française « Actualités nationales », regarde une vidéo choisie aléatoirement, et les 4 vidéos suivantes proposées en lecture automatique par le recommandeur.</p>
<p>Cette action a été effectuée environ 180 fois par jour, du 17 janvier au 10 avril (jour du premier tour des élections). Nous avons extrait les transcriptions des 5 vidéos ainsi vues, et recherché les noms des candidats dans chacune. La durée d’une phrase dans laquelle un candidat est mentionné est comptée comme temps d’exposition et mise à son crédit. Nous avons agrégé le temps d’exposition total de chaque candidat au cours d’une journée et normalisé cette valeur par le temps d’exposition total de tous les candidats. Nous avons ainsi obtenu un ratio représentant le temps d’exposition partagé (TEP) de chaque candidat. Cette valeur est directement comparée aux sondages mis à disposition par le site <a href="https://www.contexte.com/pollotron/">Pollotron</a>.</p>
<p>La figure présente à la fois l’évolution des sondages (en ordonnée) et les valeurs de TEP (en pointillés) pour les cinq candidats les plus en vue au cours des trois mois précédant le premier tour des élections (score normalisé en abscisse) ; les courbes sont lissées (fenêtre glissante de 7 jours). Les valeurs TEP sont moins stables que les sondages ; cependant les deux présentent généralement une correspondance étroite tout au long de la période. Cette affirmation doit être nuancée pour certains candidats, Zemmour étant systématiquement surévalué par le TEP et Le Pen inversement sous-évaluée. Il est intéressant de noter que les sondages et le TEP fournissent tous deux une bonne estimation des résultats réels des candidats lors du premier tour de l’élection (représentés par des points), présentant respectivement des erreurs moyennes de 1,11 % et 1,93 %. L’erreur moyenne de prédiction est de 3,24 % sur toute la période pour tous les candidats. L’ordre d’arrivée des candidats a été respecté par le TEP, pour ceux présents sur la figure tout au moins.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472566/original/file-20220705-20-lmvdkf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472566/original/file-20220705-20-lmvdkf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472566/original/file-20220705-20-lmvdkf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472566/original/file-20220705-20-lmvdkf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472566/original/file-20220705-20-lmvdkf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472566/original/file-20220705-20-lmvdkf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472566/original/file-20220705-20-lmvdkf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Évolution des sondages et du TEP de YouTube sur la campagne, pour les 5 candidats les mieux placés. Nous observons une proximité importante entre les courbes pleines et pointillées pour chacune des 5 couleurs. Les ronds finaux représentent les résultats officiels du premier tour : les sondages ainsi que le TEP terminent relativement proche de ceux-ci, et tous sans erreur dans l’ordre d’arrivée des candidats..</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les sondages sont effectués auprès de centaines ou de milliers d’utilisateurs tout au plus. Le recommandeur de YouTube interagit avec des millions de personnes chaque jour. Étudier de manière efficace l’observabilité et la corrélation de signaux de ce type est certainement une piste intéressante pour la recherche. Plus généralement, et avec l’introduction du <em>Digital Services Act</em>, il parait urgent de développer une compréhension fine de ce qui est inférable ou pas pour ces objets en boîte noire, en raison leur impact sociétal majeur et toujours grandissant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186067/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En analysant quelles vidéos sont recommandées par YouTube, il serait possible de connaître les intentions de vote.Erwan Le Merrer, Chercheur en informatique, InriaAli Yesilkanat, Ingénieur en machine learning, InriaGilles Trédan, Chargé de recherche en informatique, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1786622022-03-12T19:15:25Z2022-03-12T19:15:25ZFace à la guerre en Ukraine, des réseaux sociaux en ordre de bataille<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">La guerre qui fait rage en Ukraine</a> a renversé bien des convictions établies. Quelle qu’en soit l’issue, elle marquera un avant et un après dans notre histoire au même titre que <a href="https://theconversation.com/derriere-le-mur-de-berlin-les-cliches-fantomes-pris-par-les-appareils-photo-caches-de-la-stasi-126560">la chute du mur de Berlin en 1989</a> ou les attaques du <a href="https://theconversation.com/comment-le-11-septembre-sest-imprime-dans-nos-memoires-167674">11 septembre 2001</a>.</p>
<p>Face à ce bouleversement, de nombreux acteurs politiques et économiques - États, organisations supranationales, multinationales… - ont pris des mesures qui, il y a quelques semaines encore, auraient relevé de l’inconcevable. </p>
<p>Ce n'est pas le cas des réseaux sociaux : leur réaction au contraire, s’inscrit plutôt dans la continuité de ce qu’ils avaient déjà montré lors de plusieurs crises récentes.</p>
<h2>L’impossible passivité des réseaux sociaux</h2>
<p>Les dernières années n’ont pas été avares en événements de grande ampleur qui ont secoué nos certitudes et nos modes de vie. Face à ceux-ci, les plates-formes numériques, qui ont investi toutes les dimensions de nos sociétés, ont été contraintes d’assumer un rôle de protagonistes.</p>
<p>Longtemps, ces compagnies se sont présentées comme de simples intermédiaires techniques, destinés à « connecter le monde ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5Xv6dLMmx8o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>À partir du moment charnière de l'élection présidentielle étasunienne de 2016, ces discours, déjà fragilisés par l’expérience, sont devenus intenables. Depuis, il semble admis que face à tout événement d’ampleur, les réseaux sociaux <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/les-reseaux-sociaux-doivent-etre-responsables-des-contenus-qu-ils-hebergent-20201026">se doivent</a> d’adopter des mesures spécifiques et de communiquer à leur sujet.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-blocage-des-articles-de-presse-sur-facebook-quels-enjeux-et-quelles-consequences-155726">Le blocage des articles de presse sur Facebook : quels enjeux et quelles conséquences ?</a>
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<p>La guerre en cours ne peut évidemment pas faire exception. L’ampleur des sanctions prononcées par les gouvernements occidentaux a jeté dans l’arène de nombreux acteurs privés, contraints de participer à cet <a href="https://www.dw.com/fr/gros-plan-sur-les-sanctions-impos%C3%A9es-%C3%A0-la-russie/a-60978294">effort collectif de pression</a> contre le régime de Poutine.</p>
<p>Que ce soit dans le domaine du transport aérien, de l’énergie, des technologies, des finances, voire des événements culturels ou sportifs, ils ont dû revoir leurs relations avec la Russie, soit par obligation légale, soit en réponse aux pressions de sociétés civiles (et, donc, de consommateurs) outrées par l’agression perpétrée par Moscou.</p>
<p>Dans ce contexte de mobilisation générale, les réseaux sociaux sont forcément en <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/02/28/guerre-en-ukraine-les-reseaux-sociaux-durcissent-leurs-mesures-contre-la-russie_6115560_4408996.html">première ligne</a>, par la place qu’ils occupent désormais dans nos vies, mais aussi du fait de la dimension informationnelle que revêt toute guerre… Et celle-ci sans doute plus qu’aucune autre.</p>
<p>D’une part, la Russie a une longue histoire d’utilisation de la propagande comme pilier de son propre régime. Ce n’est pas un hasard si la remise en cause de cette pratique par la <a href="https://cpj.org/2015/04/attacks-on-the-press-death-of-glasnost-russia-attempt-at-openness-failed/"><em>Glasnost</em></a> de Gorbatchev a précipité la chute de l’URSS. Actuellement, la mainmise de Poutine sur son pays repose en grande partie sur un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MMQlEdv13vo">strict contrôle des organes d’information</a>, combinant lois liberticides, intimidations et répression.</p>
<p>D’autre part, le gouvernement ukrainien, son président en tête, s’est révélé extrêmement habile <a href="https://www.franceinter.fr/monde/videos-tutoriels-comment-le-gouvernement-ukrainien-mobilise-la-population-sur-les-reseaux-sociaux">dans sa communication de crise</a>, tant auprès de sa propre population qu’en direction de la communauté internationale, principalement par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Ceux-ci sont devenus les canaux officiels de diffusion de ses bilans officiels, de son narratif, de ses appels à l’aide et au combat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1499861364260708357"}"></div></p>
<p>On voit donc s’affronter en ligne un camp qui a besoin de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/vladimir-poutine/guerre-en-ukraine-linformation-sous-controle-en-russie_4993089.html">contrôler l’information</a> pour tenter de légitimer l’injustifiable, face à un autre pour qui la communication est un moyen essentiel dans ce combat asymétrique. Dans ce cadre, les vecteurs de transmission que sont les réseaux sociaux se trouvent sous pression.</p>
<h2>Des plates-formes aguerries</h2>
<p>Les actions mises en place dans l’urgence par les plates-formes après l’invasion du territoire ukrainien par les forces russes ont toutes été extraites d’une « boîte à outils ». Au gré des crises passées, les plates-formes ont dû improviser des réponses <em>ad hoc</em>, avant de les améliorer progressivement. Grâce à cet apprentissage dans la douleur, <a href="https://about.fb.com/news/2022/02/metas-ongoing-efforts-regarding-russias-invasion-of-ukraine/">Meta</a>, <a href="https://twitter.com/TwitterSafety/status/1497353965419257860?s=20&t=LPjuLmAFN203-eLs835fPQ">Twitter</a> et <a href="https://twitter.com/googleeurope/status/1497312484247707651?s=20&t=CyH8wdAlSQKJMPUmWszbcw">YouTube</a> ont su répondre aux exigences nées de la guerre en Ukraine de façon plus rapide et moins tâtonnante.</p>
<p>En effet, chacune des mesures annoncées et mises en œuvre par les trois compagnies citées peut être reliée à une action semblable remontant à un passé encore récent.</p>
<p>D’abord, les entreprises concernées se sont rapidement emparées du sujet et ont mobilisé des équipes spécifiques chargées de surveiller au plus près l’évolution de la situation en Ukraine pour agir en conséquence. Réorientation subite des priorités et redéploiement de moyens : cette prise en main n’a en fait plus rien d’exceptionnel depuis 2017, une fois tirées les leçons de la présidentielle remportée par Donald Trump l’année précédente.</p>
<p>Ainsi, après avoir dans un premier temps rejeté avec véhémence voire dérision sa part de responsabilité dans ce fiasco, le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg a fait volte-face et s’est même donné comme objectif de « <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/mark-zuckerberg-protecting-democracy-is-an-arms-race-heres-how-facebook-can-help-win-it/2018/09/04/53b3c8ee-b083-11e8-9a6a-565d92a3585d_story.html">protéger la démocratie</a> ». Dans les faits, cet engagement s’est traduit par l’annonce d’une importante mobilisation en interne à l’approche d’échéances électorales, Facebook faisant même connaître à l’occasion sa fameuse <a href="https://www.nytimes.com/2018/09/19/technology/facebook-election-war-room.html"><em>war room</em></a>, un nom aujourd’hui tristement adapté aux circonstances.</p>
<p>Certes, les révélations en septembre de la lanceuse d’alerte <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/qui-est-frances-haugen-la-lanceuse-d-alerte-de-facebook-431702">Frances Haugen</a> ont mis au jour les insuffisances de ces dispositifs chez Meta, dans le <a href="https://time.com/6104899/facebook-reckoning-frances-haugen/">temps</a> comme dans <a href="https://www.theverge.com/22743753/facebook-tier-list-countries-leaked-documents-content-moderation">l’espace</a>. Mais ces compagnies ont intégré dans leur <em>modus operandi</em> la mise en place, planifiée ou dans l’urgence, de capacités de suivi et de réponse rapide lorsqu’elles perçoivent ou anticipent que certaines circonstances leur imposent de réagir.</p>
<p>Les équipes mobilisées ont ensuite pioché des mesures dans un répertoire d’actions préexistant, notamment pour faire face à la démultiplication de la désinformation et l’intensification de ses conséquences en temps de guerre.</p>
<p>Fin 2016, Meta a établi un partenariat avec des vérificateurs indépendants pour détecter les fausses nouvelles. Depuis l’invasion russe, des moyens additionnels, tant techniques que financiers, ont été <a href="https://about.fb.com/news/2022/02/metas-ongoing-efforts-regarding-russias-invasion-of-ukraine/">redirigés</a> vers ceux de ces acteurs qui travaillent en langues russe et ukrainienne.</p>
<p>En outre, Facebook et Twitter ont commencé à signaler ouvertement que les comptes de RT, Sputnik, RIA Novosti et autres sont administrés par des médias dépendants du pouvoir russe.</p>
<p>Or, depuis 2018, YouTube <a href="https://blog.youtube/news-and-events/greater-transparency-for-users-around/">procède</a> déjà à un signalement explicite des diffuseurs de nouvelles qui « reçoivent un certain niveau de financement public ou gouvernemental ».</p>
<p>Si cette pratique n’existait pas encore en tant que telle chez Meta, le recours aux « étiquettes » n’est pas nouveau : à l’approche des élections de mi-mandat aux États-Unis, Facebook a commencé en 2018 à en <a href="https://about.fb.com/news/2018/05/ads-with-political-content/">placer</a> sur les publicités qu’il diffuse dans ce pays sur des thèmes sociétaux ou politiques, pour identifier qui les finance. Depuis 2019, la plate-forme <a href="https://www.poynter.org/fact-checking/2019/tech-platforms-step-up-their-anti-misinformation-game-before-2020/">barre</a> d’une légende non équivoque les contenus que son programme de fact-checking a établis comme faux.</p>
<p>Pour sa part, Twitter s’est également <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/05/29/twitter-masque-un-message-de-donald-trump-sur-minneapolis-juge-a-risque_6041210_4408996.html">distingué</a> en mai 2020, en plaçant un avertissement sur des messages publiés par Trump. Dans un contexte de tensions liées au mouvement Black Lives Matter, il s’agissait alors de signaler qu’un contenu publié par une personnalité publique violait ses règles d’utilisation, tout en restant visible pour des raisons d’intérêt public.</p>
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<p>Twitter a étendu cette pratique en 2020 aux <a href="https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/2020-election-changes">déclarations pré et post-électorales</a>, et <a href="https://about.fb.com/news/2020/09/additional-steps-to-protect-the-us-elections/">Meta</a> s’en est inspiré. Les insuffisances de la mise en œuvre de cette politique ont cependant été <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/11/05/election-americaine-les-rates-des-reseaux-sociaux-pour-contenir-le-deluge-de-fausses-informations_6058617_4408996.html">pointées du doigt</a>.</p>
<p>Les trois entreprises ont en outre appliqué de nouvelles mesures visant la publicité sur leurs plates-formes : YouTube (et même <a href="https://edition.cnn.com/2022/02/28/tech/google-russia-media-cut-off-ad-revenue-intl-hnk/index.html">Google</a> dans son ensemble), <a href="https://about.fb.com/news/2022/02/metas-ongoing-efforts-regarding-russias-invasion-of-ukraine/">Facebook</a> et <a href="https://twitter.com/TwitterSafety/status/1497353976588689411?s=20&t=yYGEXugLMEznOmihQXYFwg">Twitter</a> en ont rendu la diffusion impossible par tout acteur établi en Russie, et/ou vers tout utilisateur russe.</p>
<p>Là encore, il s’agit d’une recette éprouvée. Compte tenu des antécédents de 2016 et du profil du président sortant, la présidentielle étasunienne de 2020 était attendue avec appréhension par les principales plates-formes. Entre autres mesures préventives, <a href="https://twitter.com/jack/status/1189634360472829952?s=20&t=_8Sum_2fZQQ7H-mAzdPQYQ">Twitter</a>, puis <a href="https://www.facebook.com/zuck/posts/10112270823363411">Facebook</a> avaient annoncé la fin des publicités à caractère politique, de façon <a href="https://business.twitter.com/en/help/ads-policies/ads-content-policies/political-content.html">permanente</a> pour la première, et <a href="https://www.nytimes.com/2021/03/03/technology/facebook-ends-ban-on-political-advertising.html">transitoire</a> pour la seconde.</p>
<p>Les plates-formes ont également veillé à ne pas constituer une source de revenus pour les acteurs liés au pouvoir russe, en <a href="https://www.protocol.com/bulletins/meta-twitter-alphabet-russian-ads">démonétisant</a> les contenus publiés par ceux-ci. Ce procédé, mis en place par <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2056305120936636">YouTube</a> dès août 2016, sanctionnait les vidéos contenant des « images explicites et un langage excessivement cru ». Il s’agissait de réduire les incitations économiques à la diffusion de messages dommageables, sans porter atteinte à la liberté d’expression. L’application de cette technique s’est depuis étendue à un vaste champ de contenus et d’autres plates-formes ont suivi.</p>
<p>Enfin, Meta a annoncé la mise à disposition de nouvelles options pour ses utilisateurs en Ukraine et en Russie, pour leur permettre de protéger plus facilement leur identité. Cette même précaution a été prise l’an dernier au Myanmar, pour <a href="https://about.fb.com/news/2021/02/an-update-on-myanmar/">éviter</a> que les comptes Facebook des opposants au coup d’État ne soient exploités par l’appareil répressif du nouveau régime.</p>
<p>Cette série d’initiatives, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, montre que le récent développement par les plates-formes de normes et de pratiques dans des contextes critiques particuliers (souvent aux États-Unis, mais pas seulement) leur a permis d’acquérir des capacités d’action rapide et des réponses prêtes à l’emploi. L’apprentissage nourri par ces expériences leur a permis de réagir promptement (mais <a href="https://www.protocol.com/bulletins/twitter-russia-ukraine">non sans erreurs</a>) à cette crise sans précédent.</p>
<h2>Le cas TikTok</h2>
<p>En contraste, TikTok, plate-forme plus récente n’ayant pas ou que peu développé ce savoir-faire, s’est montrée bien plus <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/05/technology/tiktok-ukraine-misinformation.html">empruntée et incertaine</a> au moment de définir sa ligne de conduite.</p>
<p>Ce n’est que le 4 mars – 10 jours après le début de la guerre en Ukraine – que <a href="https://newsroom.tiktok.com/en-us/bringing-more-context-to-content-on-tiktok">l’entreprise a annoncé</a> en termes généraux les quelques actions mises en œuvre face à cette situation. Une réaction en décalage avec l’abondance des <a href="https://www.tiktok.com/@martavasyuta/video/7068478605428346117">contenus</a> liés à la guerre qui ont <a href="https://www.newyorker.com/culture/infinite-scroll/watching-the-worlds-first-tiktok-war">inondé son application</a>.</p>
<p>Cette relative passivité n’est peut-être pas uniquement liée à la « jeunesse » de la plate-forme : son appartenance à ByteDance, un groupe chinois, pourrait également expliquer ces différences avec ses homologues occidentales. À ce jour, ce paramètre ne semble cependant pas décisif car TikTok a spécifiquement été développée comme la version « pour le reste du monde » de son équivalent Douyin, réservé au seul marché du géant asiatique.</p>
<p>Elle démontre en outre sa docilité face aux injonctions des pouvoirs publics des deux côtés. Au même titre que ses homologues américaines, TikTok a récemment annoncé que les comptes de RT et Sputnik seraient désormais bloqués dans l’UE, en application d’une <a href="https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2022/03/02/eu-imposes-sanctions-on-state-owned-outlets-rt-russia-today-and-sputnik-s-broadcasting-in-the-eu/">décision</a> prise le 2 mars par le Conseil de l’Union.</p>
<p>De même, le 6 mars elle a annoncé <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/06/technology/tiktok-russia-ukraine.html">suspendre</a> la mise en ligne de tout nouveau contenu depuis la Russie. Elle s’adapte ainsi avec la plus grande prudence à la loi hautement restrictive et répressive adoptée par le régime russe au nom de la lutte contre les « fausses nouvelles ». En revanche, ni YouTube, ni Twitter n’ont pris une décision aussi radicale. Meta non plus, même quand <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/03/11/facebook-fera-preuve-d-indulgence-envers-les-messages-hostiles-aux-soldats-et-aux-responsables-russes_6117069_4408996.html">Instagram</a>, à la différence de <a href="https://www.npr.org/2022/03/04/1084580235/russia-blocks-facebook-twitter">Facebook</a>, était encore autorisée sur le sol russe.</p>
<p>En somme, le timing comme le contenu des récentes décisions de TikTok révèlent une absence de proactivité et une surréaction face aux nouvelles exigences normatives. L’entreprise a investi avec grand succès dans la dimension commerciale de son activité, mais semble encore bien loin de ses concurrentes en matière de réponse aux attentes qui découlent de sa capacité d’influence.</p>
<p>De leur côté, Meta, Twitter et YouTube ne peuvent pas non plus prétendre avoir démontré qu’elles sont à présent pleinement capables d’assumer leurs responsabilités dans les nombreux domaines où leur impact se fait sentir. La guerre actuelle en Ukraine leur a cependant donné l’opportunité de mobiliser rapidement des outils pertinents, développés auparavant sous la pression de crises diverses durant lesquelles, à juste titre, leur impréparation avait été pointée du doigt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barthélémy Michalon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les plates-formes montrent qu’elles ont appris des crises passées.Barthélémy Michalon, Professeur au Tec de Monterrey (Mexique) - Doctorant en Sciences Politiques, mention RI, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1755342022-02-02T18:37:51Z2022-02-02T18:37:51ZÉlection présidentielle : deux idées fausses à propos des réseaux sociaux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442252/original/file-20220124-23-3khnbb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C14%2C1920%2C1063&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les candidats à l'élection présidentielle (au 24 janvier 2022) n'hésitent pas à utiliser les réseaux sociaux : Twitch (Yannick Jadot), Twitter (Anne Hidalgo), Tiktok (Emmanuel Macron, Telegram (Marine Le Pen), Youtube (Jean-Luc Mélenchon).</span> </figcaption></figure><p>Fabien Roussel et la <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/medias/fabien-roussel-le-vin-et-le-fromage-twitter-theatre-de-l-indignation-permanente-20220111">défense de la gastronomie française</a>, Éric Zemmour et <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/zemmour-indigne-apres-ses-propos-sur-les-enfants-handicapes-il-sexplique_fr_61e2a53be4b05645a6e79b62">l’école inclusive</a>, etc. : autant de polémiques qui sont soit nées en ligne (sur Twitter notamment), soit ont reçu un écho retentissant sur la toile.</p>
<p>En effet, le numérique et en particulier les réseaux sociaux jouent désormais un rôle majeur dans la médiatisation des campagnes électorales en France. Tant les candidats que les citoyens s’en saisissent, tantôt pour faire écho aux débats initiés dans les médias plus traditionnels (radio, presse écrite, télévision, etc.), tantôt pour contourner ces mêmes médias traditionnels. Les candidats en profitent ainsi pour s’adresser directement à leurs potentiels électeurs alors que ces derniers peuvent soutenir, mieux connaître, voire dialoguer avec les premiers.</p>
<p>L’intérêt pour le numérique en communication politique apparaît d’autant plus fort un peu moins de deux ans après le début de la crise sanitaire déclenchée par le Covid. En effet, comment mener campagne en temps de distanciation sociale, alors qu’il est conseillé d’éviter de se serrer la main ou même de se regrouper en trop grand nombre ?</p>
<p>Mais même avant la crise, il suffit de regarder de l’autre côté de l’Atlantique et de penser au précédent président des États-Unis ou même tout simplement de se remémorer l’interview donnée par le président de la République en exercice, Emmanuel Macron, aux youtubeurs Mcfly et Carlito pour prendre conscience de l’importance que revêt désormais le numérique en politique, entraînant avec lui de multiples questions : les réseaux sociaux permettent-ils à un plus grand nombre de citoyens de s’exprimer ? Leur permettent-ils d’entrer plus facilement en contact avec les candidats ? Du côté des candidats, être présent en ligne offre-t-il la possibilité de défendre différemment ses idées, en se passant des journalistes ? Est-ce un avantage pour les « petits » candidats, l’accès à la médiatisation ne nécessitant plus obligatoirement de passer par les journalistes ? Plus encore, Internet favorise-t-il la démocratisation du débat public ?</p>
<p>Autant de questions qui restent, aujourd’hui encore, relativement débattues par la littérature scientifique. C’est pourquoi, à l’occasion de l’élection présidentielle qui se déroulera en avril prochain, nous proposons ici de revenir sur deux idées fausses largement reprises dans l’espace public à propos des médias sociaux en politique. Pour ce faire, nous avons observé, entre la semaine du 4 au 10 octobre 2021 (semaine 1) et la semaine du 27 décembre au 2 janvier 2022 (semaine 14) les comptes sur les médias sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, YouTube) des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2022.</p>
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<figcaption><span class="caption">Mcfly et Carlito avec Emmanuel Macron, 23 mai 2021.</span></figcaption>
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<h2>Idée fausse n°1 : Les médias sociaux rééquilibrent les écarts entre petits et gros candidats</h2>
<p>Issue tant de la <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=5DMSVPEv86gC">littérature scientifique sur l’Internet politique à ses débuts</a> que des espoirs cyber-optimistes qui voyaient dans Internet une solution technique à un bon nombre de problèmes démocratiques, l’idée que les médias sociaux rééquilibrent les écarts entre petits et gros candidats est un préjugé qui a la vie dure.</p>
<p>En effet, a priori, le numérique favorise la baisse des coûts de publication pour les acteurs politiques, tant en termes d’accès aux médias (qui ne sont plus « gardés », notamment en ligne, par les seuls journalistes professionnels), qu’en termes de coûts économiques (on peut ouvrir gratuitement des comptes sur les médias sociaux alors que le moindre tract nécessite de pouvoir payer tant le papier que l’impression).</p>
<p>De même en termes de temps, il est bien plus simple de publier un post qui sera directement diffusé en ligne et sera susceptible de rencontrer instantanément un large public que de distribuer des tracts en grand nombre. Ainsi, les petits candidats pourraient en profiter pour accéder plus facilement à la notoriété, se retrouvant moins dépendants des médias et des problèmes de financement durant les campagnes.</p>
<p>Or, nos données démontrent, à la suite de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13572334.2021.1941544">nombreux travaux</a>, que l’espace politique en ligne, loin de favoriser les petits candidats, semble reproduire les hiérarchies politiques préexistantes (voir Figure 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/442213/original/file-20220124-23-1me7w2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442213/original/file-20220124-23-1me7w2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442213/original/file-20220124-23-1me7w2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442213/original/file-20220124-23-1me7w2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442213/original/file-20220124-23-1me7w2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442213/original/file-20220124-23-1me7w2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442213/original/file-20220124-23-1me7w2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442213/original/file-20220124-23-1me7w2d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1. Nombre d’abonnés aux comptes Twitter, Facebook, YouTube et Instagram de potentiels candidats à l’élection présidentielle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données People2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>On constate en effet que si Emmanuel Macron, actuel président de la République et, du fait de cette fonction, très exposé en ligne, compte 7,5 millions d’abonnés sur Twitter, 4,2 millions sur Facebook, 230 000 sur YouTube ou encore 2,7 millions sur Instagram, les autres candidats sont loin derrière.</p>
<p>Notons que Marine Le Pen compte 2,7 millions d’abonnés sur Twitter ou encore 1,6 sur Facebook et que Jean-Luc Mélenchon attire 2,3 millions d’abonnés sur Twitter, 1,2 million sur Facebook et tout de même 630 000 sur YouTube (dépassant par là même Emmanuel Macron).</p>
<p>Éric Zemmour, ancien journaliste, compte lui aussi plus d’abonnés YouTube qu’Emmanuel Macron (360 000). Tous ces candidats sont chacun établis depuis un long moment dans les champs politique ou médiatique et occupent pour certains des postes à responsabilité politique (présidence de parti, présidence de groupe parlementaire, etc.). Ils sont certes relativement bien positionnés en ligne, mais arrivent donc globalement derrière Emmanuel Macron.</p>
<p>À l’inverse, ils distancent l’ensemble des autres candidats dont les nombres d’abonnés paraissent très faibles, notamment si on les compare au nombre d’individus inscrits sur les listes électorales, et donc susceptibles de voter à la présidentielle (47,9 millions en 2021), ou même aux nombres d’inscrits sur ces différentes plates-formes (que ce soit Facebook, Twitter, Instagram ou YouTube). Or, ces résultats ne sont pas dûs à une plus faible activité en ligne de leur part. En effet, Yannick Jadot publie par exemple 13 posts sur Facebook et Anne Hidalgo 45 tweets en une semaine quand Emmanuel Macron n’en publie respectivement que 5 et 10 sur la même période.</p>
<p>Ainsi, l’espace politique en ligne, contrairement à ce que l’on pourrait penser, reste extrêmement hiérarchisé. En effet, ce n’est pas parce que les acteurs politiques peuvent désormais diffuser leurs propres messages en ligne, qu’ils rencontrent tous un large public. Différents <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0267323114531383">éléments sociopolitiques</a> déterminent en effet l’<a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=HWnDDwAAQBAJ">audience des candidats en ligne</a> : notoriété initiale, travail sur le long terme des équipes de communication des candidats, nombre de militants et plus ou moins fortes prédispositions de ceux-ci à utiliser les outils numériques, recours à des entreprises de consulting, etc.</p>
<h2>Idée fausse n°2 : Les médias sociaux permettent aux citoyens d’interagir avec les candidats</h2>
<p>Un autre avantage des réseaux sociaux serait de permettre aux citoyens d’interagir plus directement et plus informellement avec les acteurs politiques, via les commentaires notamment – favorisant ainsi le fonctionnement démocratique. Or, nos données (voir tableau 1) semblent attester du contraire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/442214/original/file-20220124-19-1xbtrx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442214/original/file-20220124-19-1xbtrx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442214/original/file-20220124-19-1xbtrx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442214/original/file-20220124-19-1xbtrx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442214/original/file-20220124-19-1xbtrx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442214/original/file-20220124-19-1xbtrx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442214/original/file-20220124-19-1xbtrx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442214/original/file-20220124-19-1xbtrx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tableau 1. Nombre de likes et de commentaires sur les publications Twitter et Facebook de potentiels candidats durant la première semaine de janvier 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données People2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>En effet, les commentaires suite à des messages de candidats restent relativement peu nombreux tant sur Twitter que sur Facebook. Ainsi, si Jean-Luc Mélenchon, récolte respectivement 23 491 et 126 465 commentaires, ce qui en fait le candidat le plus commenté, cela reste peu par rapport au nombre d’inscrits sur les listes électorales ou même au nombre de personnes inscrites sur ces réseaux sociaux en France (40 millions d’utilisateurs mensuels de Facebook, 8 sur Twitter, 22 sur Instagram, 50 sur YouTube). Surtout, certains candidats ne récoltent que quelques centaines de commentaires – ou même moins.</p>
<p>Même si l’on regarde le nombre de likes, pratique beaucoup moins coûteuse pour les internautes que le commentaire, les réactions aux posts restent relativement rares, a fortiori lorsqu’on les compare au nombre d’abonnés aux différents candidats. Pour ne prendre que quelques exemples, les likes recueillis par Emmanuel Macron sur Twitter durant la première semaine de janvier ne représentent que 2,6 % de ses abonnés, ceux reçus par Jean-Luc Mélenchon 4,4 %, ceux reçus par Marine Le Pen 1,8 %, et ceux reçus par Anne Hidalgo 0,8 %. Malgré tout, on constate que certains candidats suscitent plus de réactions que d’autres. Emmanuel Macron, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon sont relativement bien placés quels que soient la pratique et le réseau social étudiés, alors que Nathalie Arthaud, Philippe Poutou, Fabien Roussel ou même Yannick Jadot paraissent à la traîne. Nicolas Dupont-Aignan, pour sa part, semble faire beaucoup réagir en ligne.</p>
<p>La campagne électorale, qui a gagné en intensité depuis octobre 2021, ne semble pas avoir entraîné un accroissement uniforme de la participation des internautes. Ainsi, l’évolution du nombre de likes et de comentaires recueillis par les candidats en une semaine entre début octobre et début janvier (voir Tableau 2) fait apparaître des dynamiques contrastées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442215/original/file-20220124-21-tlfy3k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442215/original/file-20220124-21-tlfy3k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442215/original/file-20220124-21-tlfy3k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442215/original/file-20220124-21-tlfy3k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442215/original/file-20220124-21-tlfy3k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442215/original/file-20220124-21-tlfy3k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442215/original/file-20220124-21-tlfy3k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tableau 2. Progression du nombre de likes et de commentaires sur les publications Twitter et Facebook de potentiels candidats entre octobre 2021 et janvier 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données People2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Alors que Valérie Pécresse semble avoir bénéficié de la dynamique de sa victoire à la primaire de la droite puis de son entrée en campagne en affichant des pourcentages de progression en termes de likes et de commentaires tant sur Facebook que sur Twitter à trois chiffres ou plus, d’autres candidats paraissent à la peine. C’est notamment le cas d’Anne Hidalgo, de Philippe Poutou ou de Nathalie Arthaud qui, sur au moins un réseau social, recueillent moins de réactions en janvier qu’en octobre – alors même que la campagne a gagné en intensité. Cette faiblesse semble particulièrement dérangeante pour Anne Hidalgo, dans la mesure où elle pourrait être une illustration de ses difficultés plus globales dans le cadre de la campagne. Les chiffres sont plus contrastés pour Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, candidats par ailleurs traditionnellement peu visibles en ligne.</p>
<p>La relative faiblesse de la participation des internautes sur les comptes de candidats nous rappelle un constat parfois ignoré. Les réseaux sociaux ne sont que des outils techniques. D’une part, tous les individus ne sont pas également prédisposés à s’en saisir et, d’autre part, tous ceux présents sur ces réseaux n’y développent pas une activité politique. En ce sens, ils ne permettent pas de résoudre des problèmes plus structurels à commencer par les <a href="https://laviedesidees.fr/Extinction-de-vote.html">transformations contemporaines des rapports à la pratique électorale</a>, aujourd’hui de plus en plus intermittente et de moins en moins ritualisée.</p>
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<p><em>Les auteurs remercient Candy Rasolofondraibe, Clara Cauquil, Imane Saifi, Loma Dayot, Manon Savournin, Noémie Pottier, Solène Morin, Tristan Jacquier, Danil Falguière et Tiphaine Barbier pour le codage des différents comptes de candidats qu’ils ont effectué durant 14 semaines.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175534/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Neihouser a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tristan Haute a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p>L’intérêt pour le numérique en communication politique apparaît d’autant plus fort un peu moins de deux ans après le début de la crise sanitaire déclenchée par le Covid.Marie Neihouser, Chercheuse en science politique, Université Fédérale Toulouse Midi-PyrénéesTristan Haute, Maître de conférence, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1740052021-12-26T10:20:37Z2021-12-26T10:20:37ZEt si les youtubeurs pouvaient aider les ados à manger sain ?<p>Depuis son rachat par Google en 2006, YouTube a connu une ascension fulgurante. Se dressant sur le podium des sites les plus consultés au monde, avec près d’<a href="https://wearesocial.com/fr/blog/2021/04/digital-report-avril-2021-les-dernieres-donnees-de-notre-etat-des-lieux-du-digital-dans-le-monde/">1,8 milliard d’utilisateurs</a> uniques par mois, la plate-forme rencontre un vif engouement auprès des jeunes générations. <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-15-25-ans-et-les-youtubers-scientifiques">Une étude Ipsos</a> (2020) révèle que 76 % des 15-25 ans la consultent quotidiennement.</p>
<p>Celle-ci est à l’image du concept de web 2.0 : des espaces numériques mettant au cœur de leur fonctionnement un processus de co-création. Autrement dit, ce sont les utilisateurs qui construisent collectivement ce qu’est la plate-forme. Cette liberté de création représente un atout majeur pour séduire les jeunes générations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-adolescents-construisent-ils-leur-identite-avec-youtube-169503">Comment les adolescents construisent-ils leur identité avec YouTube ?</a>
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<p>L’un des faits marquants qui s’imposent à tout visiteur de YouTube est la profusion de contenus disponibles. Si des catégories de vidéos « mainstream » sont mises en avant par les algorithmes, comme la beauté, la musique, les jeux vidéo ou encore le divertissement, il existe également une profusion de chaînes de « niche ». Ces dernières illustrent toute la richesse et la diversité de l’offre YouTube. Ainsi, chaque internaute est quasiment assuré de trouver des contenus en lien avec ses centres d’intérêt.</p>
<p>D’ailleurs, la plate-forme, gagnant en maturité, de nouvelles thématiques apparaissent, comme <a href="https://www.youtube.com/channel/UC8yf282kr402FHFrx5X5cpg/videos">l’aquariophilie</a>, le jardinage, ou encore la programmation. On peut aussi réviser son baccalauréat ou apprendre une langue étrangère. A l’image du <a href="https://www.mit.edu/">Massachussets Institute of Technology (MIT)</a>, des institutions éducatives prestigieuses <a href="https://www.youtube.com/c/mitocw/featured">diffusent gratuitement</a> des cours dans de nombreuses disciplines.</p>
<h2>Recettes et astuces</h2>
<p>Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que YouTube occupe une place particulière pour apprendre à bien manger. Les vidéos sur l’alimentation représentent la <a href="https://blog.digimind.com/fr/tendances/food-digital-etreseaux-sociaux-en-30-chiffres/">cinquième thématique</a> la plus fréquentée de la plate-forme. Ces visionnages se sont d’ailleurs amplifiés depuis l’arrivée de la crise sanitaire, témoignant de la <a href="https://doi.org/10.1016/j.appet.2021.105430">prise de conscience</a> des consommateurs des enjeux d’une bonne alimentation sur leur santé.</p>
<p>Le VLOG (contraction de « vidéo » et « blog » en particulier est un format plébiscité par les jeunes internautes pour partager des expériences ordinaires ou extraordinaires avec les internautes. On peut citer l’exemple des VLOGs « une journée dans mon assiette » où des youtubeuses filment leur repas tout au long d’une journée, de la préparation à la dégustation des plats.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0iEE-HH24as?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Une journée dans mon assiette », un exemple de VLOG sur la chaîne HealthyClemsy en 2020.</span></figcaption>
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<p>Des recettes, des astuces, sont proposées pour faire ses courses, préparer des plats, choisir les ingrédients les mieux adaptés et participent, à ce titre, à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24462490/">culture alimentaire</a> des internautes.</p>
<p>D’ailleurs, la promotion d’une alimentation saine transparait dans la majorité de ces contenus. Au regard de ces mises en scène de recettes alliées aux recommandations des influenceurs, la plate-forme se laisse voir comme un nouveau support d’éducation alimentaire pour les 18-25 ans, en quête de repères nutritionnels. Dès lors, ces vidéos viennent renforcer les connaissances acquises ou bousculer les savoirs antérieurs façonnés par le cercle familial et/ou les <a href="https://doi.org/10.1017/S1368980019001046">messages de santé publique</a>.</p>
<h2>Processus d’identification</h2>
<p>Les campagnes de prévention à destination des jeunes publics soulignent l’efficacité des messages conçus par et pour les pairs. Or, sur YouTube, cette forme d’éducation horizontale est un principe clé qui légitime, sans doute, l’engouement suscité par les vidéos portant sur l’alimentation. Ce sont pour les jeunes adultes des vecteurs d’éducation alimentaire qui reposent sur trois leviers fondamentaux induits par les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02308644/">codes de communication numérique</a>.</p>
<p>Le premier levier concerne la qualité pédagogique du message. Sur les vidéos, il est possible de présenter ses opinions, de développer une argumentation, de transmettre des connaissances et des savoir-faire, <a href="https://hal-normandie-univ.archives-ouvertes.fr/hal-02020209">tout en faisant de l’humour</a>. On peut les visionner plusieurs fois, reprendre un passage pour bien assimiler une recommandation, commenter un message.</p>
<p>Le second levier porte sur l’authenticité du message. Les youtubeurs revendiquent le fait d’exposer « du vrai ». Ils disent se montrer tels qu’ils sont dans leur quotidien et non tels que les internautes souhaiteraient qu’ils soient. Cette volonté assumée de s’ancrer dans le réel et d’incarner le message renforce le sentiment de confiance des jeunes à l’égard des conseils prodigués.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/N8wzPaZCwbw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo en cuisine de Squeezie, influenceur plébiscité par les adolescents.</span></figcaption>
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<p>Enfin, la proximité sociale avec la cible, engendrée par la prise de paroles d’un jeune comme eux et l’immersion dans son intimité tend à renforcer la légitimité des messages diffusés. La vidéo permet au YouTuber de dérouler sa trame narrative, de se raconter en soulignant les traits de sa personnalité, ses valeurs mais aussi ses failles. Tout au long de la vidéo, le spectateur est transporté dans la vie de « quelqu’un qui lui ressemble », favorisant un sentiment d’identification.</p>
<h2>Enjeux de santé publique</h2>
<p>En revanche, cette communication entre pairs pour promouvoir une alimentation saine n’est pas exempte de risques car les informations véhiculées <a href="https://doi.org/10.1016/j.nupar.2021.01.083">peuvent être erronées</a>. En effet, la confiance suscitée par les recommandations de semblables trouve ses limites dans le fait que certains youtubeurs tirent leurs propres enseignements d’expériences personnelles ou de lectures de publications académiques <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03237185">qui sont parfois mal assimilées</a>.</p>
<p>Face à ces risques, il est important que les pouvoirs publics investissent plus massivement ce média pour promouvoir une alimentation auprès des jeunes. Dans une optique de santé publique, la plate-forme constitue, en effet, une alternative pertinente pour communiquer autrement auprès des 18-25 ans. Encore faut-il être crédible en adoptant les codes d’usage et de communication de YouTube pour séduire ce public jeune.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1417391334084812803"}"></div></p>
<p>Dans ce contexte, la transposition des techniques mobilisées en marketing d’influence, en santé publique offre une piste intéressante à explorer, prenant la forme d’une collaboration entre un influenceur et des acteurs de santé, mêlant leurs expertises (numériques pour les uns, nutritionnels pour les autres).</p>
<p>L’efficacité de ce dispositif s’illustre dans une campagne de communication d’intérêt général, récompensée récemment par le prix Or Effie France. Elle repose sur un partenariat entre le premier YouTuber français, Squeezie, cumulant 16,5 millions d’abonnés et Santé publique France pour promouvoir les recommandations du programme manger-bouger auprès des 18-25 ans.</p>
<p>À l’issue de cette campagne, le compte Instagram de manger-bouger recense une augmentation de 95 % de ses abonnés, entre octobre et novembre 2020, passant de 4200 à 8200. À l’heure actuelle, le compte cumule plus de 19000 abonnés. De plus, 30 % les 18-25 ans <a href="https://www.cb-expert.fr/2021/12/06/cas-effie-2021-manger-bouger-cuisiner-jeunes-squeezie/">déclarent</a> avoir reproduit au moins une recette, suite au visionnage d’une des six vidéos issues de la collaboration entre Squeezie et mangerbouger.</p>
<p>Ces résultats très encourageants penchent en faveur de l’utilisation des plates-formes en ligne pour mener des campagnes de communication publique centrées sur l’éducation alimentaire des jeunes adultes, visant à préserver leur bien-être et leur santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174005/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascale Ezan a reçu des financements de l'Institut Danone et de la Fondation pour la Recherche médicale (FRM)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maxime David a reçu des financements de l'Institut Danone et de la Fondation pour la Recherche médicale (FRM)</span></em></p>La nourriture et la cuisine sont la cinquième thématique la plus consultée sur YouTube. Signe de son potentiel pour déployer l’éducation à l’alimentation ?Pascale Ezan, professeur des universités - comportements de consommation - alimentation - réseaux sociaux, Université Le Havre NormandieMaxime David, Chercheur en marketing, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1731122021-12-08T09:56:55Z2021-12-08T09:56:55ZComment l’« alt-right » à la française s’approprie les codes de TikTok, Instagram ou YouTube<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/436126/original/file-20211207-25-1ub2buj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=458%2C144%2C3549%2C2275&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Navigation sur des chaines YouTube de l'Alt-Right française.</span> <span class="attribution"><span class="source">J.G/The Conversation</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Nul doute que les plates-formes en ligne constituent des espaces d’engagement civique et d’expression politique, plus particulièrement chez les jeunes. Les médias sociaux et les sous-cultures qu’elles renforcent remplissent une fonction non seulement d’organisation et de recrutement, mais aussi d’espace d’éducation et de socialisation politique pour adolescents et jeunes adultes.</p>
<p>Pour diffuser leurs idées, aux États-Unis comme en France, les influenceurs de la droite alternative <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/le-tour-du-monde-des-idees-du-mardi-29-janvier-2019">« alt-right »</a> se sont, sans surprise, approprié la grammaire et les gabarits prédéfinis de YouTube, Instagram ou TikTok.</p>
<p>Le terme <em>alt-right</em> est complexe à définir. Il peut être compris comme un terme générique désignant une coalition d’activistes en ligne opérant principalement dans les pays anglophones. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09502386.2020.1714687">Dans la recherche</a>, l’alt-right est considérée comme une alliance englobant la culture de trolls en ligne, la mouvance masculiniste et les identitaires, avec des variations significatives des influences et des pratiques.</p>
<h2>Sentiment de déclin civilisationnel</h2>
<p>L’alt-right s’adresse spécifiquement aux jeunes générations partageant le sentiment d’un déclin civilisationnel corrélé aux poussées « immigrationnistes », « multiculturalistes » et plus récemment « wokistes ».</p>
<p>La fréquente convocation des termes de <em>réacosphère</em> ou de <em>fachosphère</em> dans le champ médiatique français atteste de l’importance accordée en France à ce phénomène. Pour Philippe-Joseph Salazar, professeur de rhétorique à l’université du Cap et auteur de « Suprémacistes. L’Enquête mondiale chez les gourous de la droite identitaire », le terme <em>fachosphère</em> désigne l’ensemble des acteurs ayant, depuis une dizaine d’années, appris à exploiter Internet et à redéployer le militantisme « grassroots », c’est-à-dire un activisme émanant de mobilisations spontanées et favorisant une organisation horizontale et participative.</p>
<p>En France, les <a href="https://www.tf1.fr/tmc/martin-weill">médias témoignent d’un intérêt grandissant</a> pour une nouvelle galaxie d’idéologues hexagonaux ayant dressé leur camp sur YouTube, Twitter, ou TikTok. Ceux-ci mènent une lutte métapolitique d’inspiration <a href="https://www.liberation.fr/les-idees/2018/05/30/metapolitique-notion-magique-de-la-frontiste_1655515/">gramscienne</a> – l’idée que le combat se mène d’abord sur le terrain culturel – avec pour objectif de développer un imaginaire alternatif, capable de rivaliser avec le « politiquement correct » véhiculé par les médias <em>mainstream</em>.</p>
<h2>Faire un « contre Canal+ culturel »</h2>
<p>Dans une interview datant de 2018, le <a href="https://theconversation.com/papacito-ou-comment-les-youtubeurs-dextreme-droite-gagnent-leurs-abonnes-162690">youtubeur, pamphlétaire et influenceur d’extrême droite Papacito</a>, évoquait déjà sa volonté de « faire un contre Canal+ culturel. Qui soit aussi fun, mais porteur d’idées patriotes et plus réactionnaires ».</p>
<p>À mille lieues du duo de youtubeurs stars Mcfly et Carlito, à l’humour potache dépolitisé (ce qui ne les a pas empêchés d’être reçus à l’Élysée), les influenceurs de l’alt-right française véhiculent des messages politiquement chargés : opération de « reconquista idéologique » à travers des tutoriels « lifestyle » masculinistes et volonté affichée de renouer avec un art de vivre enraciné, libéré de sa tutelle <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/l-article-a-lire-pour-comprendre-ce-que-signifie-le-mot-woke-qui-s-installe-dans-le-debat-public_4770865.html">« woke »</a>.</p>
<p>Proposant une socialisation politique alternative aux jeunes électeurs, les idéologues des réseaux oscillent entre parcours « en solo » et activisme coordonné. Le casque vissé sur les oreilles, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/qui-est-raptor-dissident-le-porte-etendard-de-la-fachosphere-aux-millions-de-vues-sur-youtube_2480131.html">youtubeur Raptor</a>, commente l’actualité dans ses <a href="https://www.youtube.com/c/LeRaptor/videos">« Raptor Talks »</a> (capsules dépassant régulièrement les 600 000 vues) à grand renfort de <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/m%C3%A8me/10910896">mèmes</a>. Son credo ? « Une revue d’actualité avec une bonne grosse dose de haine », comme il le dit lui-même.</p>
<h2>Les codes de la dissidence s’américanisent</h2>
<p>Comme le note le journaliste Paul Conge, auteur d’une <a href="https://www.arkhe-editions.com/livre/les-grands-remplaces/">enquête sur les « Les Grand-remplacés »</a>, ces figures se sont habilement fondues dans la LOL-culture, « gameuse », née sur les forums très fréquentés de <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/11/16/jeuxvideo-com-les-moderateurs-racontent-les-coulisses-du-forum-18-25_5215777_4408996.html">jeuxvideo.com</a>.</p>
<p>On remarquera au passage que les codes de la dissidence s’américanisent. Le discours « patriote » jadis francocentré s’efface régulièrement au profit d’un humour transgressif franchisé : ressorts humoristiques « netflixisés », icônes alt-right globalisées (à l’instar de <a href="https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2017/05/08/le-createur-de-pepe-the-frog-tue-sa-grenouille-contaminee-par-l-extreme-droite_5124342_4832693.html">« Pepe the frog »</a>).</p>
<p>Aux États-Unis, cette mouvance alt-right a produit une sémantique propre au groupe avec des termes comme <em>cuckservative</em> (conservateur cocu, c’est-à-dire assujetti au « politiquement correct ») ou « SJW » (<em>social justice warrior</em>, « guerrier de la justice sociale », issu du camp progressiste).</p>
<h2>TikTokeurs identitaires</h2>
<p>Le pseudonyme d’Estelle RedPill, influenceuse d’extrême droite, renvoie également à la pilule rouge du film Matrix (1999), censée dévoiler le réel. <a href="https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/estelle-redpill-la-tiktokeuse-de-lextreme-droite-chez-renaud-camus-06591269.html">Très médiatisée cette année</a>, bien que récemment bannie de TikTok <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kXOLP8tZrU8">pour la neuvième fois</a>, l’influenceuse (de son vrai nom Estelle Rodriguez) a longtemps incarné cette nouvelle génération de TikTokeurs « patriotes » ou identitaires, multipliant les formats courts caractéristiques de la plate-forme, depuis sa chambre.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4vZO1ALnONU?wmode=transparent&start=14" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’influenceuse Estelle Redpill en compagnie de l’écrivain français d’extrême droite Renaud Camus, théoricien du « Grand remplacement ».</span></figcaption>
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<p>On notera que le processus de production de contenu simplifié et favorable aux mèmes, ainsi que l’extrême jeunesse des utilisateurs, font de TikTok un terrain particulièrement fertile pour l’observation des engagements des jeunes, comme l’indique <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/20563051211012344">cette étude récente</a>.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1057610X.2020.1780027">autre recherche sur l’utilisation de TikTok par l’extrême droite</a> [« Far-right »], Gabriel Weimann et Natalie Masri épinglent la page <a href="https://apps.apple.com/us/app/id835599320">« For You »</a> de ce réseau social.</p>
<p>Dans leur étude, les chercheurs ont constaté qu’après avoir visionné des vidéos d’extrême droite, la page « For You » commençait à recommander des vidéos similaires basées sur le contenu visionné, alors qu’ils n’interagissaient avec aucun de ces utilisateurs et ne les suivaient pas.</p>
<p>TikTok pourrait de ce fait amener les jeunes utilisateurs qui commencent à être exposés à ce type de contenu (parfois par accident) à visualiser quantité de ces mêmes vidéos dans le futur, offrant à cette plate-forme un haut potentiel métapolitique.</p>
<h2>Convivialité gaillarde</h2>
<p>D’autres acteurs choisissent de s’inscrire dans une dynamique collaborative. Papacito et l’ancien président du Front national de la jeunesse, l’essayiste Julien Rochedy, signent ainsi un <a href="https://www.papacitorochedy.com">ouvrage commun</a>.</p>
<p>Ces deux figures sont régulièrement accueillies par <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/24/bagarre-viande-rouge-et-supremacisme-voyage-au-pays-reve-des-youtubeurs-virilistes_6085430_3224.html">Baptiste Marchais</a> sur <a href="https://www.youtube.com/channel/UC_j8ZL-oFltXtJKH9EzF1QA">sa chaîne YouTube</a> « Bench & Cigars », aux 234 000 abonnés, diffusant des idées de droite identitaire, sous couvert d’humour et de bonne chère.</p>
<p>Cette dynamique conversationnelle fonctionne sur le principe de l’hypertexte : des contenus renvoyant vers d’autres contenus, consolidant de la sorte un corpus référentiel (culturel, historique et spirituel) commun. Une convivialité gaillarde qui se distingue notamment par l’expression d’une grivoiserie fustigeant l’esprit de sérieux du camp d’en face.</p>
<p>Citons, à titre d’exemple, cette vidéo récente postée sur YouTube (dépassant les 700 000 vues) dans laquelle les protagonistes susmentionnés décortiquent <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ku7RBdxvXyk&t=495s">l’émission « d’Arrêt sur images » consacrée à l’humour dans la fachosphère sur YouTube</a>. Une performance ludique sous forme de mise en abyme.</p>
<p>L’interaction entre ces acteurs suit une logique « socio-sémiotique ». La « <a href="https://journals.openedition.org/communicationorganisation/3139">socio-sémiotique</a> » conçoit les productions signifiantes d’un ensemble d’acteurs comme un processus réflexif plus complexe par lequel ils organisent le monde et s’organisent en son sein – une dynamique d’association se présentant ici sous l’aspect d’une camaraderie numérique.</p>
<p>Dans <a href="https://doi.org/10.1080/13183222.2018.1423947">son article sur l’alt-right américaine</a>, Philippe-Joseph Salazar démontre comment celle-ci parvient à rassembler une communauté d’acteurs et un collectif d’auteurs esquissant les contours d’une « communauté [<em>fellowship</em>] de discours » tournée vers l’avenir.</p>
<p>Dans son dernier <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wc61LTDTSAM">« Entretien Choc »</a>, Papacito partage ainsi sa volonté de fédérer un ensemble de personnalités susceptibles de « parler à différentes strates de la société » – une ambition se matérialisant par le lancement prochain d’un trimestriel intitulé <a href="https://lafuria.fr/">« La Furia »</a> regroupant un collectif d’auteurs élargi. La revue se présente comme « occasion unique d’occuper l’espace, de réarmer les esprits. D’offrir à la reconquête un vaisseau amiral ».</p>
<h2>Gettr, nouveau réseau de l’alt-right</h2>
<p>Enfin, pour maintenir le lien avec son audience agrégée, l’objectif de cette nébuleuse en voie de consolidation est de s’immuniser contre toute possibilité de censure de la part des plates-formes.</p>
<p>Le risque – réel – a récemment convaincu certains acteurs à rejoindre <em>Gettr</em> (voir à ce sujet <a href="https://www.franceinter.fr/societe/lol-trumpistes-et-logorrhees-reacs-voici-gettr-le-nouveau-reseau-social-de-l-extreme-droite">l’analyse de France Inter</a>), un réseau social créé par un ex-conseiller de Donald Trump et présenté comme un lieu « indépendant des grands médias, indépendant de la “cancel culture” et embrassant la liberté d’expression ».</p>
<p>À côté de l’équipe de campagne d’Éric Zemmour, d’ores et déjà présente sur ce réseau, on y retrouve justement Baptiste Marchais et Papacito. Cette migration numérique d’une « diaspora alt-right » vers d’autres plates-formes est plus que jamais susceptible d’accroître le phénomène de sécession de la « réacosphère », à savoir la dislocation d’un espace public en ligne en chambres d’écho autoréférentielles ; d’écosystèmes médiatiques en vase clos soumis, de part et d’autre, aux biais de confirmation et au renforcement idéologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Baygert dirige le think tank PROTAGORAS rattaché à l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales – IHECS (Bruxelles).</span></em></p>Les influenceurs de la droite alternative française utilisent habilement les codes de YouTube, Instagram ou TikTok pour diffuser leur idéologie auprès des jeunes générations.Nicolas Baygert, Maître de conférences à l'Université libre de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1695032021-10-13T19:14:44Z2021-10-13T19:14:44ZComment les adolescents construisent-ils leur identité avec YouTube ?<p>L’adolescence est une étape critique de redéfinition de soi. Les modifications importantes de la personnalité, en lien avec les transformations physiques et psychologiques caractéristiques de la période, fragilisent l’estime de soi. Le groupe de pairs (camarades, amis, partenaires amoureux…) peut être un moyen de remédier à ce problème dans la mesure où il procure à l’adolescent une sécurité. Ainsi, une étude, que nous avons menée auprès de plus de 600 adolescents, âgés de 14 à 18 ans, a montré qu’ils tendent à avoir moins confiance en leurs propres jugements et cherchent davantage une approbation extérieure en <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02055542">s’intégrant à un groupe</a>.</p>
<p>L’adolescence marque donc un déplacement du centre de gravité de la vie quotidienne : alors que l’enfant est avant tout circonscrit au cercle familial, l’adolescent cherche à s’éloigner de ses parents et à adopter les normes d’un groupe de pairs. En se confrontant ainsi à ses camarades, il construit son identité sociale.</p>
<h2>Sociabilité numérique</h2>
<p>Auparavant, les adolescents se retrouvaient dans des lieux publics – cinéma, cafés, places de villages – ou dans la nature. Aujourd’hui, d’autres espaces de dialogue s’ouvrent à eux sur la toile, d’autant qu’ils sont équipés de plus en plus tôt en technologies : dès 11 ans, 87 % des jeunes possèdent un smartphone. Le <a href="https://blog.digimind.com/fr/tendances/moins-13-ans-medias-sociaux-france-youtube-devant-snapchat">pic d’équipement</a> en smartphone s’effectue à la fin du primaire avec 5 % de possession à 9 ans, contre 40 % à 10 ans.</p>
<p>Selon l’enquête Ipsos menée en 2020 auprès de 1 000 jeunes Français âgés de 15 à 25 ans, YouTube est le réseau social le plus consulté par les jeunes : près de 9 jeunes sur 10 s’y rendent au moins une fois par semaine et les ¾ d’entre eux y vont tous les jours ou presque. Selon une autre <a href="https://static.adweek.com/adweek.com-prod/wp-content/uploads/2017/05/data-Generation-Now-20171.gif">étude récente, menée par Defy Media</a> auprès de 1 500 jeunes de 13 à 20 ans, 66 % d’entre eux se servent de YouTube pour se former, notamment avec des tutoriels, 51 % pour se divertir et 24 % pour trouver des recommandations d’achats et découvrir de nouveaux produits.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WAt8B6r-K08?wmode=transparent&start=98" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">YouTube, un espace pour apprendre ? (« La famille tout-écran », série de la Caisse des allocations familiales, 2020).</span></figcaption>
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<p>Le genre est une variable clé pour comprendre les <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-15-25-ans-et-les-youtubers-scientifiques">différents usages des jeunes</a> en termes de réseaux sociaux. Par exemple, les garçons se rendent plus régulièrement sur YouTube (81 %) que les filles (71 %), qui privilégient Instagram (68 % soit +14 points) et Facebook (64 %, soit +13 points).</p>
<p>Aujourd’hui, les plates-formes de vidéo courtes ont le vent en poupe, au point de bousculer le géant YouTube. Selon le dernier rapport de la société App Annie, spécialisée dans l’analyse des applications, <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/tiktok-depasse-youtube-en-termes-de-temps-passe-par-utilisateur-n168033.html">TikTok devance désormais YouTube</a> en temps mensuel moyen par utilisateur aux États-Unis et au Royaume-Uni avec une durée moyenne de visionnage de près de 26 heures mensuelles, contre moins de 16 heures pour YouTube. Néanmoins, à l’échelle mondiale, YouTube conserve la première place si on se réfère au temps total passé par les utilisateurs, et TikTok occupe la sixième place, alors qu’elle ne figurait pas dans le top 10 en 2019.</p>
<h2>Partage d’expériences vécues</h2>
<p>En visionnant et en partageant des vidéos d’autres sur YouTube, les adolescents se positionnent par rapport à eux. La sociabilité virtuelle s’expérimente dans le prolongement de la sociabilité réelle, et les personnes ayant une sociabilité très développée hors ligne ont également une activité sociable importante en <a href="https://injep.fr/wp-content/uploads/2018/07/synthese-2017-04-socialisation-numerique.pdf">ligne</a>.</p>
<p>YouTube, comme d’autres réseaux sociaux, fournit à l’adolescent la possibilité de sculpter l’impression voulue, avec l’objectif « d’avoir l’air cool » et de recevoir l’approbation des pairs. Des milliers de jeunes y postent des vidéos dans lesquelles ils s’expriment face caméra, très souvent depuis <a href="https://www.airofmelty.fr/les-millennials-une-generation-plumard-a689849.html">l’environnement domestique</a> leur chambre. Être chez soi n’est plus synonyme d’isolement, bien au contraire.</p>
<p>De nombreux sociologues ont mis en évidence que le travail de construction identitaire s’inscrit dans le jeu avec l’espace et les objets : la chambre de l’adolescent devient le <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_2007_num_87_1_2280_t15_0107_0000_1">prolongement de lui-même</a>. Les jeunes ont recours à YouTube comme un outil de « bricolage identitaire », si on reprend les propos de <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/5591">Kaufmann</a>. Ils expérimentent de nouvelles présentations de soi, en se créant une <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2018-1-page-124.htm">multitude de communautés d’appartenance</a>, autour de thématiques variées, que ce soit autour des mangas, des jeux vidéos, en passant par la beauté ou la mode, mais qui toutes expriment une quête de soi.</p>
<p>Ce qui prime, c’est le partage d’expériences vécues, jalonnées d’étapes et/ou de questionnements, par exemple une rupture amoureuse, le harcèlement moral ou encore l’annonce d’un coming-out… Mais au-delà de consommer des vidéos, les adolescents sont aussi des co-producteurs de contenu et d’information en ligne (« User Generated Content, UGC) : ils créent leurs propres films et les partagent avec la communauté via les <a href="https://theconversation.com/qui-sont-les-ados-qui-aident-les-marques-a-innover-133391">réseaux sociaux numériques</a>.</p>
<p>Face à l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ils ont su développer des aptitudes particulières. Certains vont même jusqu’à créer leur société, comme Squeezie qui, à 22 ans, a lancé sa <a href="https://www.dynamique-mag.com/article/raisons-lancer-chaine-youtube.5443">chaîne YouTube</a> en 2011 et sa marque de vêtements Yoki en 2019 à son effigie.</p>
<h2>Des youtubeurs stars</h2>
<p>Aujourd’hui, les adolescents réclament du « user-generated vidéo » : 8 adolescents sur 10 préfèrent des publicités qui montrent de <a href="https://siecledigital.fr/2019/01/29/fini-la-publicite-les-gen-z-veulent-du-user-generated-video/">vraies personnes</a> dans la vie de tous les jours. Dans cette sociabilité sur YouTube émergent alors des figures stars, qui deviennent des modèles pour des adolescents en quête de conseils.</p>
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<figcaption><span class="caption">La dure vie des youtubeurs (Le Monde, 2018).</span></figcaption>
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<p>Les jeunes filles s’identifient à des blogueuses de mode, telles qu’Enjoy Phoenix qui rassemble 3.7 millions d’abonnés sur YouTube, autour de sujets comme la mode, la beauté, la cuisine… Dans ses vidéos, elle dépasse les conseils « lifestyle » pour raconter son expérience personnelle douloureuse, liée au harcèlement au lycée, et les actions à entreprendre pour y faire face. Elle devient ainsi une sorte de grande sœur – rôle qu’elle revendique –, de meilleure amie virtuelle, voire de « coach de vie ». Beaucoup d’autres youtubeurs battent les records et affichent des millions d’abonnés au compteur.</p>
<p>En France, Squeezie, Cyprien, Norman, Natoo, Mcfly & Carlito, Le monde à l’envers… Tous ces youtubeurs emploient le même langage que les adolescents, en s’exprimant sur leurs émotions, leurs impressions, leurs expériences au travers de mini-vidéos, et les adolescents ont le sentiment d’être entendus en émettant des commentaires.</p>
<p>YouTube peut représenter un danger en termes d’incitation à la consommation, puisque les entreprises vont tenter d’impliquer directement ou indirectement (idées, suggestions, communication, etc.) les adolescents <a href="https://www.afm-marketing.org/en/system/files/publications/20120603212449_S25_2_Batat.pdf">dans le processus créatif de l’offre</a>. Par ailleurs, il faut garder en tête <a href="https://theconversation.com/reseaux-numeriques-trois-gestes-barrieres-a-cultiver-en-famille-149843">les bases essentielles</a> d'éducation aux médias et les réflexes d'esprit critique quand on navigue parmi les propositions de vidéos pour déjouer les pièges de fake news qui pourraient se présenter. Néanmoins, il s’agit d’un terrain offrant des outils intéressants pour aider les jeunes à s’exprimer et s’individualiser. D’où l’enjeu de mieux connaître ces usages pour mieux les accompagner et les encadrer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169503/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Gentina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les plates-formes de vidéo courtes comme TikTok ont le vent en poupe, les adolescents sont encore très présents sur YouTube qui leur permet d’expérimenter différentes présentations de soi.Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1626902021-06-15T16:59:28Z2021-06-15T16:59:28ZPapacito ou comment les youtubeurs d’extrême droite gagnent leurs abonnés<p>La réaction de Jean‑Luc Mélenchon à la vidéo de Papacito – Ugo Gil Jimenez de son vrai nom – a donné une visibilité sans précédente à son auteur, le leader de la France Insoumise <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/jean-luc-melenchon-annonce-une-plainte-contre-papacito-youtubeur-dextreme-droite_fr_60be1bbde4b019366ad533da">ayant porté plainte</a>. Dans la vidéo désormais supprimée de YouTube, Papacito et Code-Reinho – un autre youtubeur spécialisé dans les armes à feu – tirent sur un mannequin habillé en « gaucho » tout en expliquant comment se procurer des armes légalement.</p>
<p>Beaucoup de citoyens ont alors découvert l’existence du personnage autant que de ses opinions. Si Papacito se présente dans une tribune vidéo de 40 minutes pour <em>Valeurs Actuelles</em> comme un « polémiste professionnel » et « humoriste », il affiche également sa sympathie à l’égard des idées de Jean‑Marie Le Pen et d’Éric Zemmour, une sympathie qui est d’ailleurs mutuelle pour ce dernier.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IncxoYScNk0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Malgré la controverse publique de ces derniers jours qui porte d’une part sur le caractère illégal ou non de la vidéo, et d’autre part sur la prétendue utilisation de cette vidéo à l’avantage de l’agenda politique de Jean‑Luc Mélenchon, il est intéressant de se pencher non sur la vidéo, mais sur le contexte général dans lequel elle est produite.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’une vidéo isolée, d’un billet d’humour. La vidéo s’inscrit dans un projet politique que son auteur explicite dans d’autres interviews données pour <em>Valeurs actuelles</em> et <em>Boulevard Voltaire</em> : Papacito se présente comme un passeur d’idées qui cherche à populariser des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pDgHjC23jHw">idéologies d’extrême droite</a>. Il est un des acteurs les plus actifs d’un phénomène récent de popularisation sur les réseaux sociaux en général et YouTube en particulier d’idéologies antidémocratiques et illibérales autrefois cantonnées à des cercles restreints.</p>
<h2>Définir le phénomène : influenceurs d’extrême droite</h2>
<p>Dans le cadre de <a href="https://www.politics.ox.ac.uk/visitors/tristan-boursier.html">mes recherches</a>, j’observe depuis plus d’un an une vingtaine de chaînes YouTube qui développent des idées politiques d’extrême droite. J’étudie les contenus produits – l’évolution de leurs discours et de leur idéologie – mais aussi la croissance de leur nombre d’abonnés, de vues ainsi qu’une partie des interactions autour des vidéos générées par leurs auteurs sur Twitter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406689/original/file-20210616-15-16eyvmg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406689/original/file-20210616-15-16eyvmg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406689/original/file-20210616-15-16eyvmg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406689/original/file-20210616-15-16eyvmg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406689/original/file-20210616-15-16eyvmg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406689/original/file-20210616-15-16eyvmg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406689/original/file-20210616-15-16eyvmg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombre de vues de différentes chaînes YouTube proches de celle de Papacito.</span>
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<p>Les chaînes étudiées varient fortement en termes de visibilité. Les chaînes les plus vues cumulent depuis leur création entre 10 millions et 30 millions de vues. En termes d’abonnés, c’est-à-dire de personnes qui souhaitent être informées des activités de la chaîne en étant notifiées par YouTube, un petit groupe d’entre elles se situent entre 200 000 et 400 000 abonnés, la plupart dépassent péniblement les 50 000 abonnés. Seule exception notable, la chaîne du Raptor qui est la plus populaire avec plus de 700 000 abonnés. La chaîne principale de Papacito atteint 120 000 abonnés et plus de 2 millions de vues pour seulement quatre vidéos et trois ans d’existence.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406690/original/file-20210616-3808-1cb8k8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406690/original/file-20210616-3808-1cb8k8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=207&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406690/original/file-20210616-3808-1cb8k8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=207&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406690/original/file-20210616-3808-1cb8k8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=207&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406690/original/file-20210616-3808-1cb8k8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=260&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406690/original/file-20210616-3808-1cb8k8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=260&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406690/original/file-20210616-3808-1cb8k8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=260&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombre d'abonnés de différentes chaînes YouTube proches de celle de Papacito.</span>
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<p>S’il n’existe pas de terme précis pour les désigner, il semble pertinent de parler d’influenceurs d’extrême droite.</p>
<p>Le terme est volontairement vague, car il tente de capter une activité qui consiste avant tout à influencer l’opinion publique et de populariser des idées hétéroclites. Si la plupart d’entre eux seraient d’accord pour se revendiquer de la droite et du conservatisme, des études approfondies, notamment celles de <a href="https://irisso.dauphine.fr/fr/membres/detail-cv/profile/samuel-bouron.html">Samuel Bouron</a> <a href="https://vimeo.com/480311060">Benjamin Tainturier</a> et d’<a href="https://oxford.academia.edu/EveGianoncelli">Eve Gianoncelli</a>, tous trois chercheurs à Sciences Po, permettent de faire des distinctions plus fines en précisant la diversité de leurs projets politiques qui mélangent de façon pas toujours cohérente et à différents degrés des messages suprémacistes blancs, masculinistes, mais aussi pour certains qui apparaissent clairement racistes et fascistes.</p>
<p>Le terme fasciste est souvent utilisé à outrance pour désigner ces acteurs. Des controverses académiques existent par ailleurs sur la pertinence de son emploi pour désigner des <a href="http://cqfd-journal.org/Le-fascisme-a-mute">phénomènes contemporains</a>. Il est donc important de préciser ce qu’il désigne ici. La définition de <a href="https://1lib.fr/book/2495339/3cbb39?id=2495339&secret=3cbb39">Roger Griffin</a> permet le mieux de comprendre les discours observés récemment sur Internet.</p>
<p>Pour l’historien et politologue oxonien, l’idéologie fasciste se présente comme une solution à « la décadence » provoquée par la démocratie libérale et le communisme. Aujourd’hui il s’agit du « gauchisme » en général – qu’il faut éradiquer à travers la <a href="https://www.routledge.com/The-Nature-of-Fascism/Griffin/p/book/9780415096614">mobilisation de masse, le nettoyage national et la renaissance nationale</a>. Le nettoyage national réfère ici à l’idée que le corps de la nation aurait été rendu impure par des « parasites ». Pour les influenceurs étudiés, il s’agit principalement des immigrés, des musulmans, des féministes et des militants de gauche. <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/586030/how-fascism-works-by-jason-stanley/">Des études plus récentes</a> permettent de montrer en quoi il existe une rhétorique fasciste propre à certains discours contemporains diffusés sur Internet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1396448192041033728"}"></div></p>
<h2>Devenir populaire sans perdre en radicalité et en cohérence</h2>
<p>Le message fasciste n’est pas toujours clairement identifiable et des désaccords existent parmi les influenceurs étudiés. Par exemple, Papacito tend à critiquer les ethno-racialistes (représentés en France par certains groupes suprémacistes blancs comme « Belvedere : État blanc ») en rappelant qu’après la Première Guerre mondiale le peuple français a subi « une sélection génétique des faibles » allant ainsi à l’encontre du darwinisme social. Il se dit donc plus attentif à l’apport d’élément extraeuropéen pour « raffermir le peuple français ».</p>
<p>Si l’appropriation d’internet par <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/la-fachosphere-comment-lextreme-droite-remporte-la-bataille-du-net">l’extrême droite n’est pas nouvelle</a>, elle était jusqu’à présent cantonnée à des sites dédiés – tels que <a href="http://fdesouche.fr">fdesouche.fr</a>. L’enjeu est donc pour ces influenceurs de réussir à faire passer un message suffisamment cohérent sur le plan idéologique pour convaincre, sans pour autant prendre des positions trop radicales sur des sujets clivants au sein même de l’extrême droite.</p>
<p>Les influenceurs vont alors se répartir l’effort de propagation des idées dans un esprit gramscien : d’un côté des influenceurs idéologues, comme Julien Rochedy, qui développe des messages antiféministes et suprémacistes blancs <a href="https://theconversation.com/le-message-supremaciste-blanc-en-france-un-nouveau-discours-et-de-nouveaux-outils-de-diffusion-153988">sophistiqués</a>, et de l’autre, des influenceurs passeurs d’idée comme Papacito, qui cherchent à capter le plus grand nombre pour ensuite les rediriger vers les idéologues.</p>
<p>Cette stratégie semble payante puisque durant la seule année dernière, la plupart des chaines ont ainsi doublé leur nombre d’abonnés et pour certaines, l’ont triplé. En parallèle à YouTube, ces influenceurs tirent parti de Telegram et de Signal pour diffuser leurs idées les plus extrêmes sans tomber sous le coup de la loi. Ces réseaux également plébiscités par les <a href="https://ijoc.org/index.php/ijoc/article/view/9861">réseaux terroristes islamiques</a>, permettent d’échanger des messages de façon cryptée et à un public choisi.</p>
<p>Les vidéos YouTube constituent ainsi une vitrine qui permet ensuite de diriger le spectateur vers ces plates-formes plus discrètes où le message diffusé est bien plus radical car il n’est pas aussi contrôlé que sur YouTube.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406506/original/file-20210615-13-1pnstli.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406506/original/file-20210615-13-1pnstli.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406506/original/file-20210615-13-1pnstli.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406506/original/file-20210615-13-1pnstli.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406506/original/file-20210615-13-1pnstli.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406506/original/file-20210615-13-1pnstli.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406506/original/file-20210615-13-1pnstli.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans ses « Entretiens chocs », Papacito utilise l’actualité et l’humour comme support à un message viriliste et conservateur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=9Dm8Ezsj2Ys&t=1s&ab_channel=PAPACITO">Papacito/YouTube</a></span>
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<h2>Un projet politique nourri par des sources idéologiques variées</h2>
<p>Les influenceurs d’extrême droite développent des stratégies rhétoriques efficaces et sophistiquées afin de faire passer un message qui bien souvent est à la limite de ce qui est autorisé dans le cadre de la loi française.</p>
<p>Ainsi, régulièrement, certains d’entre eux vont parler indirectement de race en faisant des allers-retours entre différentes catégories vagues qui désignent les blancs – occidentaux, européens, Français « profonds » – et celles qui désignent les non-blancs en ironisant sur la rhétorique libérale multiculturelle – par exemple <a href="https://www.youtube.com/watch?v=mx2SwlCf5hk">« chances pour la France »</a> pour désigner les immigrés extra-européens.</p>
<p>Bien qu’ayant une posture de passeur d’idées, Papacito développe un projet politique précis : anti-républicain, royaliste, masculiniste et qui rejoint un certain nombre de caractéristiques propres aux franges les plus radicales de l’extrême droite tel que l’opposition à l’État de droit et la promotion de la violence. Sa pensée est basée en partie sur des références à la mode depuis une dizaine d’années à l’extrême droite : la figure du surhomme chez <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/07255136211005989">Nietzsche</a>, le concept d’hégémonie culturelle du philosophe de gauche <a href="https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2017-1-page-128.htm">Antonio Gramsci</a> et l’idée de grand remplacement de <a href="https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2020-1-page-50.htm">Renaud Camus</a>.</p>
<p>Sa pensée n’est pas toujours cohérente, ce qui constitue un atout pour lui, car cette flexibilité idéologique lui permet de convaincre une plus grande audience. Ainsi, si Papacito admire l’autoritarisme illibéral de Franco, l’idée d’État libertarien – avec un État minimal qui laisse les citoyens posséder des armes et s’en servir librement dans leur propriété – ne lui parait pas mauvaise.</p>
<p>Sa rhétorique est construite autour d’un champ lexical guerrier : les adversaires politiques sont des ennemis et leurs alliés sont des collabos. Il fait régulièrement référence à la guerre civile et à la figure de l’épuration d’après-guerre. Lorsqu’un membre de <em>Valeurs Actuelles</em> l’interroge sur l’État de ses rêves, il évoque l’idée de cellules afin de « purger les collabos », puis l’importance de « désinfecter le corps français » avec des camps de rééducation basée sur une « pédagogie carcérale ».</p>
<p>La dimension masculiniste est également omniprésente. Il décrit la République française comme ayant été fondé par des « fils de putes » buvant des « thés de folles » en collants et rubans. À l’inverse de la royauté qui a pour lui été inventée par de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vaWlDNdiMk4">« gros rois germains avec des glaives d’un mètre »</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CObtJW7n8jj","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Un phénomène difficile à étudier</h2>
<p>Il est important, en tant que chercheur, de considérer avec sérieux ce phénomène qui tend à développer un discours structuré, argumenté qui possède ses propres références idéologiques. Il ne faut pas tomber dans la tentation de décrédibiliser ces discours, mais essayer de les caractériser et de comprendre la spécificité du projet politique qu’ils portent. Il est ainsi important de ne pas seulement considérer ce phénomène sous le <a href="https://editions.flammarion.com/la-fachosphere/9782081354906">prisme des mouvements sociaux</a> ou avec des <a href="https://www.routledge.com/The-Discourse-of-YouTube-Multimodal-Text-in-a-Global-Context/Benson/p/book/9780367366339">outils quantitatifs</a> comme le fait déjà la littérature académique contemporaine, mais il est également important de l’aborder avec les outils de la théorie politique et de l’étude des idéologies.</p>
<p>Pour autant, il ne s’agit pas non plus d’accorder à ce phénomène plus de place que ce qu’il n’a déjà, et de ne pas contribuer à la diffusion de ces idées qui ne sont pas seulement des opinions, mais parfois des délits au regard de la loi lorsqu’elles incitent à la haine raciale ou au crime.</p>
<p>Il ne faut pas oublier que ces discours restent minoritaires dans l’opinion publique bien que le contexte politique général français et européen <a href="https://www.fondapol.org/etude/la-conversion-des-europeens-aux-valeurs-de-droite/">voit la droite et l’extrême droite institutionnelle gagner du terrain</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tristan Boursier reçois des financements du Fonds de recherche du Québec dans le cadre de sa thèse.</span></em></p>Avec la controverse publique causée par la vidéo du youtubeur Papacito, il est intéressant de se pencher non sur la vidéo, mais sur le contexte général dans lequel elle est produite.Tristan Boursier, Doctorant en Science politique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1614702021-05-27T18:22:59Z2021-05-27T18:22:59ZDébat : Le politique et l’influenceur, une alliance gagnant-gagnant ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/402716/original/file-20210525-15-gi2e65.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C5%2C1914%2C1072&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron avec Mcfly et Carlito lors du « Concours d’anecdotes » </span> <span class="attribution"><span class="source">Chaîne YouTube de Mcfly et Carlito</span></span></figcaption></figure><p>Après plus de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IX_HdFFjSGs">trois mois de teasing</a>, la fameuse vidéo du « Concours d’Anecdotes » des youtubeurs Mcfly et Carlito avec le président de la République est sortie le dimanche 23 mai à 10h. Pour la neuvième édition de ce concours, Emmanuel Macron a accepté de se prêter au jeu pour récompenser les efforts de Mcfly et Carlito qui ont relevé son défi : créer une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=t4h8j9xLyxQ">chanson sur les gestes barrières</a> pour lutter contre la pandémie de Covid-19. L’objectif des 10 millions de visualisations a été atteint en 3 jours et le président a donc tenu sa promesse de les inviter pour tourner une vidéo à l’Élysée en sa présence.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/neqCdyadqFA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La vidéo du « Concours d’anecdotes » de Mcfly et Carlito contre le président de la République.</span></figcaption>
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<p>La vidéo a atteint 6 millions de vues en 12 heures et plus de 10 millions en 2 jours. Positionnée durablement en tête des tendances de YouTube France, c’est donc un succès incontestable en termes d’audience. <a href="https://www.nrj.fr/actus/mcfly-carlito-avec-emmanuel-macron-les-moments-les-plus-improbables-de-la-video-71354051">Le côté invraisemblable de ce divertissement</a> est ce qui a le plus interloqué et fait rire les internautes : voir ces deux trublions incontrôlables à l’humour potache et absurde face à un président maniaque du contrôle issu des élites politico-économiques est pour le moins cocasse. Évidemment, la démarche d’Emmanuel Macron n’a rien d’innocent, mais elle n’est pas non plus si surprenante ou innovante que cela. Elle n’est pas sans risques non plus.</p>
<h2>Une vidéo qui fait le buzz</h2>
<p>Mcfly et Carlito animent la 9<sup>e</sup> plus grande chaîne YouTube française (hors musique) avec 6,61 millions de fidèles abonnés. <a href="https://theconversation.com/les-youtubeurs-stars-des-entrepreneurs-creatifs-et-innovants-145512">Ces entrepreneurs créatifs et innovants</a> cumulent un 1,5 milliards de vues et sont devenus des stars avec leurs vidéos de défis improbables, de clips parodiques et de concepts cultes comme « YouTube Warriors », « Méli-Mélo », « On appelle des gens au hasard », « Mario Carte Bleue », et donc le fameux « Concours d’Anecdotes ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-youtubeurs-stars-des-entrepreneurs-creatifs-et-innovants-145512">Les youtubeurs stars : des entrepreneurs créatifs et innovants</a>
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<p>Le 2 avril 2020, en plein confinement, Mcfly et Carlito avaient passé la journée chacun chez lui, mais réunis par la vidéo avec de nombreux invités venus faire des happenings en direct sur YouTube. Ils avaient réussi à <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-les-youtubeurs-mcfly-et-carlito-recoltent-400-000-euros-de-dons-pour-les-soignants_3897863.html">récolter 404 000 euros au profit des hôpitaux de Paris</a> dans le cadre de la lutte contre la pandémie. <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/macron-felicite-mcfly-carlito-pour-leur-aide-aux-hopitaux_fr_5e8606dfc5b6f55ebf499677">Emmanuel Macron les avait remerciés</a> sur le chat au cours de l’événement, à la grande surprise des deux comparses.</p>
<p>Le 4 février 2021, alors que le président de la République fait tout pour éviter un troisième confinement, le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IX_HdFFjSGs">responsable de la communication digitale de l’Élysée contacte Mcfly et Carlito</a> pour leur dire qu’Emmanuel Macron a enregistré une vidéo pour leur lancer un défi : écrire une chanson sur les gestes barrières. « Faites une vidéo pour réexpliquer ces gestes, l’importance de les respecter, de ne pas nous rassembler, de ne prendre aucun risque, de ne pas avoir de grand regroupement, faire au maximum le télétravail. Faites cette vidéo toute simple et si vous avez 10 millions de vues, je prends un engagement : vous venez tourner à l’Élysée ».</p>
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<figcaption><span class="caption">La chanson « Je me souviens (des gestes barrières) » de Mcfly et Carlito.</span></figcaption>
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<p>Même s’ils peuvent être amenés à utiliser occasionnellement leur notoriété pour défendre certaines causes, comme ce fut le cas pour le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hLq-DMPwHy8">« Maradon »</a>, Mcfly et Carlito ne se revendiquent pas comme des influenceurs, et ils ne le sont pas plus que n’importe quel artiste ou présentateur qui a de l’influence, mais dont ce n’est pas le métier. Ce sont des créateurs de contenus de divertissement, des animateurs de radio et de <a href="https://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/tmc-qui-sont-mcfly-carlito_57cad1ea-56e8-11ea-b68e-c494a10977e5/">télévision</a>, et des humoristes, mais pas des influenceurs professionnels. Par ailleurs, ils ont exprimé à plusieurs reprises leurs réserves et leurs hésitations, et expliqué être complètement conscients du risque d’être perçus comme faisant la promotion des idées politiques du président de la République.</p>
<p>Carlito précise d’ailleurs bien à plusieurs reprises que, de son point de vue, <a href="https://www.rollingstone.fr/cest-arrive-ultra-vomit-en-live-dans-le-jardin-de-lelysee/amp/">cette vidéo n’a pas été tournée dans un but politique</a> : « vous ne votez pas pour quelqu’un parce qu’il vous semble sympathique », dit-il. Mcfly et Carlito ont respecté leur format et ont eu le même comportement qu’apprécient leurs fans. Ceux-ci ont d’ailleurs été très positifs dans les commentaires et n’ont pas relevé de flatterie, de complaisance ou de trucage, mais au contraire une certaine insolence et irrévérence vis-à-vis du chef de l’État. Les voir aussi naturels et détendus en pareille situation a majoritairement ravi leurs abonnés.</p>
<p>C’est aussi ce que <a href="https://www.ozap.com/actu/-ils-ont-fait-un-super-boulot-bruce-toussaint-salue-la-prestation-de-mcfly-et-carlito-face-a-emmanuel-macron/604854">souligne Bruce Toussaint sur BFMTV</a> : « je trouve que les deux ont fait un super boulot, qu’ils sont formidables dans leur façon de rester eux-mêmes dans une séquence tellement difficile, où on est écrasé par les dorures, le palais et le président lui-même ». Si certains affirment que la vidéo peut être considérée comme un <a href="https://www.nrj.fr/amp/mcfly-carlito-avec-emmanuel-macron-les-moments-les-plus-improbables-de-la-video-71354051">triomphe</a> et un <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/macron-contre-mcfly-et-carlito-match-nul-et-deux-gagnants-23-05-2021-I3L2H7OL7ZG7NGNVV3E4UIGWTU.php">coup de maître</a> pour les deux parties impliquées, d’autres, plus dubitatifs, n’y voient rien de très nouveau.</p>
<h2>Une démarche pas vraiment originale</h2>
<p>Le fait de vouloir casser les codes de la <a href="https://books.google.com.br/books?hl=fr&lr=&id=jcKEDwAAQBAJ">communication politique traditionnelle</a> et de vouloir cibler les jeunes en jouant sur la forme plus que sur le fond n’est pas très original. C’est même une pratique assez banale. Début 2017, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/medias/interview-d-hollande-sur-konbini-le-site-lol-s-immisce-dans-le-debat-politique_1898183.html">François Hollande donne une interview décalée au média en ligne Konbini</a>, plébiscité par les jeunes de moins de 20 ans. Son conseiller en communication, l’omniprésent Gaspard Gantzer, explique que <a href="https://journals.openedition.org/sds/7300">« le quinquennat de François Hollande aura été un véritable laboratoire pour la communication numérique dans le champ politique »</a>.</p>
<p>Le 9 octobre 2016, M6 diffuse l’émission « Une Ambition intime » dont l’invité est Nicolas Sarkozy. Karine Le Marchand y évoque « l’énergie légendaire » de son invité, ainsi qu’un « trait de caractère bluffant » – son pouvoir de persuasion – le tout installée avec le président dans un canapé posé dans un salon de style haussmannien. Tout est fait pour que Nicolas Sarkozy fasse des confidences personnelles et <a href="https://www.challenges.fr/politique/sarkozy-et-le-pen-a-ambition-intime-un-pur-moment-de-verite-politique_432133">paraisse le plus aimable possible</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’émission <em>Une Ambition intime</em> avec Nicolas Sarkozy.</span></figcaption>
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<p>Le 14 avril 2005, Jacques Chirac est interrogé dans la salle des fêtes de l’Élysée par un groupe de 83 jeunes de 18 à 30 ans dans l’émission <a href="http://www.jacqueschirac-asso.fr/archives-elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/dialogues_et_debats/2005/fi001111.html"><em>Référendum : en direct avec le président</em></a>, présentée par Patrick Poivre d’Arvor, Marc-Olivier Fogiel et Jean‑Luc Delarue et diffusée sur TF1. Une « confusion entre débat et spectacle » est dénoncée par les journalistes. Cet événement organisé par Claude Chirac, la fille du président en charge de sa communication, sera plus tard analysé comme un échec total, la popularité du président s’étant fortement dégradée, et l’opposition à la constitution européenne en sortant renforcée.</p>
<p>Même <a href="https://www.ina.fr/video/I08091317">François Mitterrand avait voulu parler jeune et paraître « chébran »</a> le 28 avril 1985 lors d’une célèbre interview au cours de laquelle Yves Mourousi l’interroge sur certaines expressions et références de la jeunesse de l’époque. Valéry Giscard d’Estaing tentait déjà de séduire les électeurs avec un style qui se voulait jeune et moderne, très différent de ses prédécesseurs. </p>
<p>Une fois élu président, le 24 décembre 1974, il invitera des éboueurs à prendre le petit-déjeuner avec lui, séquence évidemment mise en scène et filmée. Puis il prendra l’habitude d’aller avec son épouse déjeuner une fois par mois chez une famille française pour « regarder la France au fond des yeux », ce qui sera considéré par la suite comme la <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-ephemeride/22-janvier-1975-valery-et-anne-aymone-dinent-chez-des-francais-ordinaires_1770287.html">première expérimentation de la télé-réalité par la communication politique</a>. C’est Valéry Giscard d’Estaing qui abaissera l’âge légal de la majorité de 21 à 18 ans, faisant de la jeunesse un enjeu électoral.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment Valéry Giscard d’Estaing a bousculé les codes de la communication politique.</span></figcaption>
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<h2>Une opportunité réciproque</h2>
<p>La réunion d’Emmanuel Macron et de Mcfly et Carlito s’inscrit <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2017-3-page-283.htm">dans la continuité de ces tentatives souvent ratées</a> de séduire les jeunes et d’avoir une communication décalée et impactante. S’associer à des humoristes particulièrement bienveillants et non politisés est le meilleur moyen de toucher un public le plus large et le plus divers possible. <a href="https://www.europe1.fr/politique/un-psy-analyse-la-personnalite-demmanuel-macron-deux-ans-de-presidence-ont-transforme-un-ado-tout-feu-tout-flamme-en-quelquun-qui-sest-aguerri-3899089">Le narcissisme et le désir de séduction du président</a> peuvent s’exprimer pleinement dans la compétition du « Concours d’Anecdotes » qui correspond bien à son caractère conquérant.</p>
<p>Pour Mcfly et Carlito, c’est une incroyable aubaine. Après avoir eu comme adversaires Michaël Youn et Vincent Desagnat, Guillaume Canet et Gilles Lellouche, Bigflo et Oli, Philippe Lacheau et Tarek Boudali, Éric et Ramzy, Dany Boon et Philippe Katerine, puis David Guetta, comment aller encore plus loin dans ce concours d’anecdotes ? Après avoir <a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/youtube/mcfly-et-carlito-qui-sont-ces-deux-youtubeurs-qui-ont-releve-le-defi-d-emmanuel-macron_4306999.html">reçu des célébrités</a> telles que Gad Elmaleh, Omar Sy, ou Will Smith, quelle « guest star » pouvait impressionner la communauté qui suit les aventures des deux acolytes depuis des années ? Évidemment, l’opportunité de faire une vidéo avec le Chef de l’État lui-même était inespérée.</p>
<p>Il serait faux de penser que les influenceurs seraient les idiots utiles des politiques, et dans ce cas, du président. En effet, <a href="https://dial.uclouvain.be/downloader/downloader.php?pid=thesis%3A24491&datastream=PDF_01&cover=cover-mem">ce métier est aujourd’hui exercé par des professionnels</a> qui savent très bien ce qu’ils font. Ils sont généralement encadrés par une équipe de production et par des conseillers, quand ils ne travaillent pas directement pour une agence qui gère leur carrière et les guide dans leurs choix. Les risques sont évalués et tout est scénarisé, mis en scène, tourné, puis monté, pour ne garder que ce qui correspond à l’image et aux messages souhaités.</p>
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<figcaption><span class="caption">Johanna Lifschutz, fondatrice de l’agence d’influence digitale J-LINK, raconte son parcours et sa formation.</span></figcaption>
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<p>Les Français ne sont pas dupes, et encore moins les jeunes, qui savent parfaitement reconnaître un placement de produit, même quand ce produit est un président. Ici, la stratégie de communication n’est pas non plus d’une très grande subtilité : Emmanuel Macron qui a <a href="https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/emmanuel-macron-ou-le-mepris-du-premier-de-la-classe">pu paraître méprisant et antipathique</a> depuis le début de son mandat s’invite dans un des concepts les plus puissants et populaires de YouTube pour redorer son image.</p>
<h2>Une bascule numérique qui s’amplifie</h2>
<p>L’utilisation de plates-formes numériques et de modes de communication plus directs et orientés vers la jeunesse est forcément amenée à se développer puisque les jeunes <a href="http://dante.univ-tlse2.fr/10800/">utilisent de moins en moins les médias traditionnels</a>, presse, radio et télévision. Beaucoup ne vont même plus sur YouTube. Les conseillers en communication accompagnent les évolutions de l’audiovisuel et les modes de représentation des politiques.</p>
<p>Aux États-Unis, l’ancien président Donald Trump cherchait en permanence à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2056305118776010">fuir et discréditer ce qu’il nomme les « fake news media », faisant de Twitter son mode de communication privilégié</a>, avant d’en être banni. Il a bénéficié du <a href="https://www.newsweek.com/jake-paul-facetimes-donald-trump-lists-top-achievements-1588748">soutien d’influenceurs comme Jake Paul</a> et ses 15 millions de followers sur Instagram et 20 millions d’abonnés sur YouTube. Deux semaines avant les dernières élections présidentielles américaines, <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/10/21/apres-l-incursion-de-joe-biden-dans-animal-crossing-alexandria-ocasio-cortez-triomphe-sur-twitch_6056869_4408996.html">Alexandria Ocasio-Cortez a joué à <em>Among Us</em> en live sur Twitch</a> devant 430 000 personnes, soit la troisième plus grosse audience de l’histoire de la plate-forme. Cette initiative de l’élue démocrate très populaire sur les réseaux sociaux avait pour but d’appeler les jeunes à aller voter et à inciter ceux qui les entourent à le faire.</p>
<p>En France, le 8 mars 2021, <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/03/09/francois-hollande-invite-par-samuel-etienne-sur-twitch-mon-plus-grand-regret-cest-de-ne-pas-metre-represente-en-2017-9416476.php">François Hollande est interviewé par Samuel Étienne sur Twitch</a> au cours du deuxième « stream » le plus regardé au monde ce jour-là. Il expliquera que son plus grand regret est de ne pas s’être représenté à la Présidence de la République en 2017. Le gouvernement investit lui aussi la plate-forme principalement utilisée pour le gaming et fréquentée par un public très jeune : <a href="https://www.therollingnotes.com/2021/03/22/twitch/">20 % d’adolescents et 50 % de jeunes adultes de moins de 34 ans</a>. Le 24 février 2021, le <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pourquoi-le-marketing-d-influence-investit-la-communication-politique-879504.html">porte-parole du gouvernement Gabriel Attal y anime l’émission mensuelle #SansFiltre</a> en direct depuis l’Élysée en présence de cinq jeunes dont l’influenceuse EnjoyPhoenix. Le 14 mars 2021, Samuel Étienne recevra également sur Twitch <a href="https://www.franceinter.fr/societe/twitch-invite-sur-la-chaine-de-samuel-etienne-jean-castex-fait-du-jean-castex">Jean Castex qui n’a pas réussi à convaincre le jeune public</a> lors de sa prestation au sujet de la crise sanitaire.</p>
<p>Dans le domaine de la communication politique numérique, Jean‑Luc Mélenchon est très en avance et particulièrement actif depuis 2016. Sur <a href="https://www.youtube.com/user/PlaceauPeuple">sa chaîne YouTube</a> qui rassemble plus de 520 000 abonnés, il diffuse ses interventions dans les médias et à l’Assemblée nationale ainsi que ses « Revue de la semaine » dont il a déjà atteint 138 numéros. Il est également <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/08/07/de-twich-a-tiktok-melenchon-seduit-sur-les-reseaux-sociaux_6048333_823448.html">présent sur TikTok et sur Twitch</a> où il a animé plusieurs directs pour répondre aux questions des jeunes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jean‑Luc Mélenchon invite les jeunes à twitcher et répond à leur questions en live.</span></figcaption>
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<h2>Une démarche en apparence payante</h2>
<p>Si une partie de la presse salue une opération de communication efficace, un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/05/24/macron-face-aux-youtubeurs-mcfly-et-carlito-disruption-ou-depolitisation_6081309_823448.html">joli coup marketing</a>, et une <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20210524.OBS44392/emmanuel-macron-ou-la-ruse-du-youtubeur-politique.html">stratégie médiatique habile</a>, la prise de risque est aussi perçue comme inquiétante, déraisonnable voire même puérile. Certes, le président de la République semble avoir bien maîtrisé les codes de ce genre de vidéos : il s’est montré à l’aise, spontané, plein d’autodérision et de répartie, souriant et charmant, dégageant de la sympathie et de la convivialité, et faisant preuve d’un certain humour, ce qui est le but principal d’un tel divertissement. Mais tout cela ne <a href="http://www.slate.fr/story/209579/president-macron-mcfly-carlito-youtubeurs-youtube-concours-anecdotes-devalorisation-fonction-lieu-pouvoir">dessert-il pas la fonction présidentielle</a> et ne le décrédibilise-t-il pas dans son rôle ?</p>
<p>Certains analystes politiques voient dans la prestation du président de la République une forme de déclin et l’ultime étape de la désacralisation de sa fonction. Selon <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/politique/philippe-de-villiers-mcfly-et-carlito-les-pitreries-d-etat-d-emmanuel-macron-20210525">Philippe de Villiers</a> : « Emmanuel Macron, avec les youtubeurs Mcfly et Carlito, s’est livré à un exercice honteux d’infantilisation à l’Élysée. Il déshonore la fonction. C’est le pitre de la République ». <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/yannick-jadot/yannick-jadot-tacle-emmanuel-macron-apres-sa-video-avec-mcfly-et-carlito-099221ca-bbd4-11eb-9106-d3785ca1c775">Yannick Jadot n’est pas non plus convaincu que les jeunes apprécient</a> : « Ce n’est pas en faisant des clips d’influenceurs qu’on va les aider ni dans leurs difficultés sociales, ni dans leurs aspirations ». Pour <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/politique/emmanuel-macron-mcfly-et-carlito-une-video-qui-ne-fait-honneur-ni-a-la-politique-ni-aux-influenceurs-ni-a-la-jeunesse-20210523">l’analyste politique Mathieu Slama</a>, « Considérer qu’il n’y a que de cette façon qu’on peut toucher la jeunesse, c’est d’une certaine manière exprimer à l’égard de la jeunesse une forme de mépris ».</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/03/15/la-jeunesse-obsession-d-emmanuel-macron_6073136_823448.html">La jeunesse apparaît comme une obsession pour Emmanuel Macron</a>. Ces derniers jours, il semble vouloir leur faire oublier un an et demi de privations, les jeunes ayant été les <a href="https://savoirs.rfi.fr/fr/comprendre-enrichir/sante/les-jeunes-sont-ils-les-victimes-collaterales-du-coronavirus">victimes collatérales de la crise sanitaire</a>. La semaine de la sortie de cette vidéo, grâce à la deuxième étape du déconfinement, les jeunes pouvaient enfin se retrouver sur les terrasses des bars et des restaurants, dans les cinémas et les salles de spectacle.</p>
<p>Toujours la même semaine, Cyril Hanouna a consacré une émission entière au dispositif <a href="https://www.cnews.fr/divertissement/2021-05-21/1-jeune-1-solution-cyril-hanouna-recoit-ce-vendredi-la-ministre-du-travail">« 1 jeune 1 solution »</a> en présence de la ministre du Travail, Élisabeth Borne. 800 000 jeunes de 18 ans ont également appris qu’ils avaient le droit à <a href="https://pass.culture.fr/">300 euros de Pass Culture</a> à utiliser pour l’achat de produits ou d’activités culturels. Simultanément, le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/ces-stories-instagram-de-macron-sur-le-pass-culture-ne-sont-pas-passees-inapercues_fr_60a79d03e4b0a2568311b995">président a multiplié les tweets et les « stories » Instagram</a> avec des références culturelles destinées aux jeunes. Cette conjonction d’événements révèle une offensive massive pour reconquérir cet électorat qui a tendance à s’abstenir ou à voter pour les extrêmes.</p>
<p>Quant à la fin de la vidéo, Emmanuel Macron dit la phrase de conclusion rituelle des vidéos de Mcfly et Carlito « souscrivez à un abonnement », on ne peut s’empêcher de se demander si ce n’est pas à lui qu’il souhaite que l’on s’abonne, en le réélisant président de la République en 2022.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161470/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le président de la République s’invite sur une des chaînes les plus puissantes et populaires de YouTube pour redorer son image auprès des jeunes. Une démarche risquée destinée à faire le buzz.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1608102021-05-17T18:54:50Z2021-05-17T18:54:50ZInstagram, Twitch, TikTok… Six règles d’or pour devenir un influenceur à succès<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/400349/original/file-20210512-19-1wn8ajb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=151%2C4%2C1096%2C762&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Être influenceur&nbsp;: beaucoup de prétendants mais peu d’élus comme la chaîne d’histoire «&nbsp;Nota Bene&nbsp;».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/user/notabenemovies">Capture d'écran YouTube</a></span></figcaption></figure><p>L’engouement de consommateurs hyperconnectés sur les réseaux sociaux porte depuis plusieurs années le développement d’un marketing dit « d’influence ». Celui-ci permet aux marques d’aller à la rencontre d’un public qui se méfie des communications publicitaires, en se rendant visible par l’intermédiaire d’influenceurs – qui apportent proximité et crédibilité – sur les plates-formes recherchées comme Instagram, Snapchat, Twitch, ou autre TikTok.</p>
<p>La pandémie et les confinements ont encore renforcé le <a href="https://theconversation.com/le-confinement-va-t-il-accelerer-notre-dependance-au-smartphone-136117#comment_2196106">besoin de rester connecté</a> et les réseaux sociaux sont en ébullition. Le marché de l’influence représente maintenant près de <a href="https://www.statista.com/statistics/748630/global-instagram-influencer-market-value/">150 millions de dollars</a> et ce chiffre devrait monter à 350 millions en 2027.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1258741691659563009"}"></div></p>
<p>Devenir influencer, c’est le rêve de nombreux aficionados qui se voient déjà en haut de l’affiche. Par exemple, <a href="https://www.telemediaonline.co.uk/young-affiliates-nearly-a-fifth-of-british-children-aspire-to-be-social-media-influencers/">17 % des jeunes Britanniques</a> de moins de 17 ans indiquent ainsi que leur job de rêve serait d’être YouTuber ou Vlogger. Pour autant, seulement quelques-uns parviendront à être repérés et à en faire leur métier.</p>
<p>Alors, comment mettre toutes les chances de son côté quand on se lance dans le marketing d’influence ? La question qui se pose est de savoir comment s’y prendre pour que sa voix soit entendue. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296318303229">études</a> récentes que nous avons menées mettent en lumière des facteurs clés pour comprendre comment certains tirent leur épingle du jeu.</p>
<h2>Éviter de butiner</h2>
<p><strong>Thèmes, Talent et Travail</strong>, c’est une « règle des trois T » que nous proposons en premier lieu pour se faire remarquer. Les « followers » (« suiveurs »), viennent chercher des contenus correspondant à leurs centres d’intérêt. Les attentes sont multiples et dépendent du domaine concerné.</p>
<p>Dans la beauté, la cuisine, le tourisme et la mode, l’attente des internautes reste centrée sur la recherche de nouvelles idées et de sources d’inspiration originales. Dans les domaines liés aux jeux et à l’humour, il s’agit avant tout d’une motivation hédonique, centrée sur la recherche du plaisir et du divertissement. Enfin, dans les domaines spécialisés, liés par exemple au sport, à la politique, à la culture ou au bricolage, la motivation est souvent utilitaire avec la recherche d’une information pertinente et transparente.</p>
<p>Dans tous les cas, il est important de créer un dialogue autour de ce que recherche sa communauté pour qu’elle soit engagée et ait envie de suivre régulièrement l’influenceur. Il s’agit ainsi d’éviter de butiner avec un sujet différent chaque jour, car il est important d’être reconnu sur une zone d’expertise. Certains influenceurs réussissent ainsi à rassembler des communautés impressionnantes sur des thèmes très spécialisés à propos desquels ils développent une forte crédibilité.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/400351/original/file-20210512-23-rwntev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/400351/original/file-20210512-23-rwntev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/400351/original/file-20210512-23-rwntev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/400351/original/file-20210512-23-rwntev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/400351/original/file-20210512-23-rwntev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/400351/original/file-20210512-23-rwntev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/400351/original/file-20210512-23-rwntev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/400351/original/file-20210512-23-rwntev.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">3,89 millions d’abonnés pour le Dr Nozman et ses vidéos de biochimie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Caputre d’écran YouTube</span></span>
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<p>Citons par exemple, sur les sujets politiques, « <a href="https://www.instagram.com/hugodecrypte/?hl=fr">hugodecrypte</a> » qui possède 1 million d’abonnés sur Instagram, « <a href="https://www.youtube.com/user/DrNozman">Dr Nozman</a> » et ses 3,89 millions de followers YouTube qui suivent ses vidéos sur la biochimie, ou encore la chaîne portant sur l’histoire de France « <a href="https://www.youtube.com/user/notabenemovies">Nota Bene</a> » à laquelle 1,7 million de personnes sont abonnées.</p>
<p>Les entretiens avec des influenceurs ont été enrichis par un avis d’expert du marketing d’influence, Édouard Crémer, directeur général Sampleo et Talent Web Academy au sein de Webedia Creators. Pour celui qui travaille au quotidien avec des influenceurs, il faut déjà s’entendre sur ce que l’on entend par « faire entendre sa voix ». Le nombre de followers n’est pas le seul critère pour mesurer l’influence. Le taux d’engagement de sa communauté illustre aussi l’intérêt que porte une audience sur un contenu.</p>
<p>Ainsi, avec des petites communautés sur la mode ou la beauté, certains influenceurs affichent des taux d’engagements records, au-delà de 20 %, et peuvent prétendre avoir une voix qui porte, comme <a href="https://www.instagram.com/niiawrg/">« Niia »</a> ou encore <a href="https://www.instagram.com/miriams_curls/">« Miriam »</a>.</p>
<p>La créativité, l’originalité et le charisme sont ensuite des éléments essentiels pour proposer une voix inspirante. Il est difficile de donner une méthode pour être un « créateur », il n’y a pas une recette toute prête pour inspirer son public.</p>
<p>Un influenceur de mode doit démontrer qu’il a l’œil pour repérer les futures tendances, qu’il a « bon goût » et le sens de l’esthétique, mais il est délicat de définir comment cela s’acquiert : c’est un talent rare. Pour savoir si on a ce grain de génie, il faut se lancer en partageant sa passion, et vérifier si l’on parvient à transmettre sa vision de façon engageante.</p>
<p>À ce stade, tout n’est pas gagné pour autant car le talent ne suffit pas.</p>
<p>Comme tout métier, celui de l’influence a des codes et des techniques qui s’apprennent et ne s’improvisent pas. Les influenceurs connaissent le ton qu’il convient d’adopter pour s’adresser à leur audience, la bonne fréquence et le meilleur moment pour poster dans la journée en choisissant les réseaux sociaux adaptés à leur lectorat. Ils savent aussi se faire remarquer grâce à l’utilisation de nouvelles fonctionnalités, à une compréhension fine des algorithmes de chaque réseau social et aux mécanismes du partage de visibilité avec d’autres créateurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/400313/original/file-20210512-15-19jnl9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/400313/original/file-20210512-15-19jnl9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/400313/original/file-20210512-15-19jnl9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/400313/original/file-20210512-15-19jnl9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/400313/original/file-20210512-15-19jnl9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/400313/original/file-20210512-15-19jnl9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/400313/original/file-20210512-15-19jnl9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/400313/original/file-20210512-15-19jnl9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La vidéo, format privilégié mais qui exige un savoir-faire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui, la vidéo est le format qui fonctionne le mieux en termes d’attention et d’intérêt. Cependant, créer et poster un contenu vidéo de qualité demande de la technique. Les influenceurs doivent aussi accepter de prendre le temps nécessaire pour répondre rapidement à leurs followers afin de les fidéliser et de favoriser l’engagement futur de leur audience qui se sentira valorisée.</p>
<h2>Face aux intentions commerciales</h2>
<p>Et quand le succès arrive, comment ne pas perdre son âme dans la collaboration avec les marques ?</p>
<p>Une des difficultés majeures réside dans le fait de gérer la tension entre les intentions commerciales des marques et la recherche d’authenticité des followers. Il existe cependant des stratégies gagnantes pour la surmonter. Nous avons décortiqué une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296318303229">dizaine de collaborations</a> entre des marques et une quarantaine d’influenceurs.</p>
<p>Les analyses de près de 500 posts dans le cadre de ces collaborations et l’analyse textuelle de plus de 5 000 mots ont permis de dégager, en complément de la règle des trois T, la proposition des « trois C » dans les collaborations : <strong>choix, créativité et contrat</strong>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/400355/original/file-20210512-18-gg7h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/400355/original/file-20210512-18-gg7h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/400355/original/file-20210512-18-gg7h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=696&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/400355/original/file-20210512-18-gg7h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=696&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/400355/original/file-20210512-18-gg7h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=696&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/400355/original/file-20210512-18-gg7h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=875&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/400355/original/file-20210512-18-gg7h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=875&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/400355/original/file-20210512-18-gg7h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=875&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’instagrammeuse Sophia Li prend soin de choisir les marques avec lesquelles elle noue un partenariat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span></span>
</figcaption>
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<p>Le bon choix des marques constitue un premier élément essentiel dans cette stratégie. Ces marques doivent être pertinentes et attrayantes pour l’audience, tout en étant cohérentes avec les centres d’intérêt et le positionnement de l’influenceur. Par exemple, spécialisée dans les voyages porteurs de sens autour du respect de l’environnement, l’influenceuse <a href="https://www.instagram.com/sophfei/?hl=fr">Sophia Li</a> n’accepte des collaborations qu’avec des marques socialement responsables.</p>
<p>Selon l’étude 2020 Kantar x Sampleo menée auprès de 300 influenceurs, 61 % d’entre eux se sont déjà vu proposer des partenariats avec des marques dont ils ne partageaient pas les valeurs. Parmi ceux-ci, <a href="https://pro.sampleo.com/fr/news/article/10440/etude-kantar-x-sampleo-en-2020-le-lien-vaut-plus-que-le-bien">67 % les refusent systématiquement</a>.</p>
<p>Une fois la marque partenaire sélectionnée, il s’agit de ne pas se cantonner à un rôle de transmission d’un message publicitaire. L’influenceur doit obtenir de la liberté pour créer son contenu et sa propre mise en forme, correspondant à son style et aux attentes de sa communauté. Il reste un créateur, qui propose une vision personnelle et différente dans toutes ses prises de paroles, même lorsqu’il s’agit de s’exprimer sur les produits de marques partenaires.</p>
<p>Enfin, afin de créer les conditions d’une coopération efficace et sur le long terme, il est essentiel que les parties se mettent d’accord sur une charte de conduite et sur les devoirs de chacun sur le court et moyen terme. Le contrat ne doit pas être vu comme un manque de confiance mutuel mais comme un code de bonne conduite qui permet de partir sur des bases saines pour construire une relation durable. Les deux parties doivent accepter la transparence sur le caractère sponsorisé ou non des contenus liés à la collaboration.</p>
<p>En conclusion, pour percer un influenceur doit trouver les bons thèmes, proposer un point de vue original et acquérir les codes du métier. Ensuite, pour perdurer, il doit se rapprocher de marques pertinentes et définir des règles claires de collaboration en conservant sa liberté créative.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwarlann De Kerviler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le choix du thème, le travail et le talent permettent de se démarquer ; les partenaires, les contrats et la créativité contribuent à perdurer.Gwarlann De Kerviler, Associate Professor - Head of Marketing & Sales Department, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1539882021-01-28T18:08:31Z2021-01-28T18:08:31ZLe message suprémaciste blanc en France : un nouveau discours et de nouveaux outils de diffusion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/381058/original/file-20210128-13-1kgiopk.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C2380%2C1236&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Différents épisodes de la chaîne Youtube de Julien Rochedy, ancien président du Front National de la jeunesse.</span> <span class="attribution"><span class="source">Author</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Gérald Darmanin a pour la première fois <a href="https://twitter.com/GDarmanin/status/1353989650596188164?s=20">réagi</a> à la dernière <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/26/gerald-darmanin-met-a-l-etude-la-dissolution-de-generation-identitaire_6067638_3224.html">« opération antimigrants »</a> de Génération identitaire. Ce mouvement politique qui se propose de résister contre <a href="https://generationidentitaire.org/le-mouvement">« la racaille », « le raz de marée de l’immigration massive » et « l’uniformisation des peuples »</a> n’est pas une exception politique en France.</p>
<p>Depuis la médiatisation l’été dernier des discours critiques à l’égard du racisme systémique et de la colonisation, sont en même temps apparus des mouvements radicaux d’opposition, qui refusent le débat démocratique sur ces questions.</p>
<p>À la manière des <a href="https://theconversation.com/mrs-america-portrait-dune-antifeministe-redoutable-et-controversee-137297">antiféministes</a>, les mouvements <a href="https://journals.openedition.org/labyrinthe/1251">post-coloniaux</a> ont leurs anti-post-colonialistes, leur anti-anti-racistes. Si les formules sont maladroites pour désigner ces groupes qui promeuvent publiquement des opinions racistes, c’est qu’il est bien difficile pour les sciences sociales de les identifier et de les analyser.</p>
<p>Beaucoup de journalistes, et parfois même des universitaires, utilisent le terme <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/fachosphere-lextreme-droite-envahit-le-net">fachosphère</a>, pour désigner de manière vague les personnes qui défendent des idées d’extrême droite. Le terme viendrait de Daniel Schneidermann qui se revendique en être l’auteur dans un <a href="https://editions.flammarion.com/la-fachosphere/9782081354906">entretien</a> mené par Dominique Albertini et David Doucet.</p>
<h2>Que veut dire « fachosphère » ?</h2>
<p>Le terme fachosphère est en soi l’objet d’une controverse. Pour ses utilisateurs, il est une façon de <a href="https://editions.flammarion.com/la-fachosphere/9782081354906">dénoncer l’extrême droite</a> dans ce qu’elle a plus diversifié. Pour les intéressés, il s’agit d’une insulte, et ces derniers préfèrent identifier leur activité comme une opération de réinforamation face à une « vague de médias gauchos », d’où l’expression « réinfosphère ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ExEX48nkNYU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Politique : La « Fachosphère » a-t-elle gagné la bataille du Net ?</span></figcaption>
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<p>Dans la fachosphère, on retrouve des groupuscules néonazis bien sûr, mais aussi des masculinistes, des antiféministes en tout genre, des catholiques intégristes, des impérialistes, des royalistes, des personnes désirant la fin de la république, d’autres voulant une république plus autoritaire. Le seul point commun de tous ces groupes est finalement qu’ils sont <a href="https://lahorde.samizdat.net/cartographie-de-lextreme-droite-francaise-mise-a-jour-hiver-2019-2020">perçus comme un tout</a> par les acteurs de gauche en général.</p>
<p>Le terme fachosphère est donc davantage utilisé dans un cadre militant, surtout pour discréditer le discours de l’adversaire. Il est donc impératif de trouver un autre outil conceptuel, plus précis afin de nommer et de mener à bien l’analyse d’un phénomène aux dynamiques complexes : celui de la diffusion sur Internet d’un rejet radical des débats autour des questions postcoloniales.</p>
<h2>Parler de suprémacisme plutôt que de fachosphère</h2>
<p>Dans un travail qui sera publié en juillet, je propose d’utiliser le terme suprémacisme. Si en Europe et particulièrement en France, il est peu utilisé, il semble être le plus à même de définir l’esprit « antipostcolonial » d’une partie de la fachosphère.</p>
<p>En effet, ses acteurs ne font pas seulement une critique des théories postcoloniales (ce qui serait légitime dans un cadre démocratique), mais ils rejettent les questions posées par ces théories ainsi que toute possibilité de débat en affirmant une position de supériorité « naturelle ou morale » de la culture majoritaire occidentale blanche.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hWuF5NW_ito?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qui sont les suprémacistes blancs ?</span></figcaption>
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<p>Le suprémacisme est un concept fortement connoté en France qui évoque immédiatement les grands prêtres à capuches blanches du Ku Klux Klan. Pourtant, le terme désigne avant tout un type de discours bien particulier. Deux éléments composent <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2006-1-page-97.htm">ce discours</a> : une croyance en l’existence biologique de races chez les humains, et une hiérarchisation de celles-ci qui conduit à placer la « race blanche » au-dessus de toutes les autres.</p>
<p><a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/les-interminables-combats-pour-legalite-aux-etats-unis-24-le-supremacisme-blanc-le-mal-persistant-de">Le suprémacisme</a> n’est donc pas seulement un discours raciste. Il s’agit de penser que la couleur de peau permet de comprendre le comportement des individus, car elle le détermine. De là, le discours suprémaciste va induire une hiérarchie entre des humains ou cultures plus civilisés que d’autres, plus <a href="https://www.intelligence-humaine.com/europeens/">intelligents que d’autres</a>.</p>
<h2>Les nouveaux discours suprémacistes</h2>
<p>Certaines organisations de surveillance du suprémacisme états-unien font état d’une évolution de cette approche classique.</p>
<p>Par exemple, la <a href="https://www.adl.org/">Anti-Defamation League</a> (ADL) révèle l’existence d’un suprémacisme qui serait davantage dans la posture <a href="https://www.researchgate.net/publication/270024931_Introduction_Interculturalism_Ethnocentrism_and_Dialogue">victimaire</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’idéologie de la suprématie blanche aux États-Unis est aujourd’hui dominée par la croyance que la race blanche est condamnée à l’extinction par une marée montante de non-blancs […] à moins que des contre-mesures ne soient prises immédiatement. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1352711733454934016"}"></div></p>
<p>Cette posture victimaire est également très présente dans l’espace Internet français. Le discours suprémaciste ne s’exprime plus aujourd’hui comme il s’exprimait au XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>La supériorité de la prétendue race blanche est évoquée indirectement par un discours qui cherche à convaincre de l’existence d’une guerre des « races » ou des « civilisations » dont l’objectif serait l’extermination des blancs.</p>
<h2>Un exemple de suprémacisme français</h2>
<p>Le suprémacisme blanc connaît une sophistication qui peut s’observer depuis quelques années, notamment par la diffusion de ses thèses sur les chaînes vidéo.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/u61iVvV0dCY?wmode=transparent&start=306" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ainsi, un des YouTubers suivis lors de mon enquête, <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/front-national-lex-president-des-jeunes-julien-rochedy-demissionne-3492037">Julien Rochedy</a>, ancien président de la section jeune du FN, utilise une posture académique pour justifier une thèse suprémaciste.</p>
<p>Il s’appuie sur les travaux de <a href="https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%AB%C2%A0le-chrysanth%C3%A8me-et-le-sabre%C2%A0%C2%BB-de-ruth-benedict">Ruth Benedict</a> afin de montrer en quoi les occidentaux blancs ont une supériorité morale par rapport aux « autres civilisations » qui seraient « primitives ». Pour lui, la culpabilité est une qualité morale dont les occidentaux ont hérité et qui est aujourd’hui manipulée par « certaines personnes issues d’autres cultures » afin de faire du profit sur le dos des blancs.</p>
<p>Julien Rochedy concède que si cette stratégie est efficace, elle ne peut pas durer, car la situation va finir par « exploser au visage de ceux qui l’utilisent » avant de terminer en rappelant que « quand l’homme occidental s’énerve, en général c’est très sérieux », avec pour illustration une explosion nucléaire.</p>
<p>Dans cette vidéo, Julien Rochedy ne tient pas un propos fasciste, même si dans une autre vidéo publiée par la suite, le 9 septembre 2020 il en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RR_uOnr8qWQ">revendique l’étiquette</a>. Il développe une pensée suprémaciste élaborée et argumentée. Il construit son propos sous couvert de scientisme afin d’être audible sur un média qui touche un large public. On est loin des processions à comité réduit du Ku Klux Klan.</p>
<p>Julien Rochedy parle à des dizaines de milliers de personnes qui peuvent arriver rapidement sur ses vidéos en faisant des recherches basées sur des mots clefs très simples comme « antiracisme » ou « Black Lives Matter ».</p>
<h2>L’état de la sphère suprémaciste française sur YouTube</h2>
<p>Le terme suprémaciste blanc est donc plus adéquat pour qualifier sa position. Dans le cadre de mes recherches, j’ai été amené à suivre et repérer les chaînes YouTube qui développent des propos suprémacistes.</p>
<p>J’ai jusqu’à présent pu analyser seulement sept chaînes YouTube. Cependant, un premier repérage révèle qu’au moins une quarantaine de chaînes composeraient la sphère suprémaciste française. Concernant les sept chaînes analysées, elles cumulent déjà presque deux millions d’abonnées et leurs vidéos les plus visionnées dépassent les 300 000 vues pour aller jusque’à plusieurs dizaines de millions.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/380747/original/file-20210126-13-6kv9r6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/380747/original/file-20210126-13-6kv9r6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380747/original/file-20210126-13-6kv9r6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380747/original/file-20210126-13-6kv9r6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380747/original/file-20210126-13-6kv9r6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=252&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380747/original/file-20210126-13-6kv9r6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380747/original/file-20210126-13-6kv9r6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380747/original/file-20210126-13-6kv9r6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=317&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nombre d’abonnés des chaînes YouTube politisées les plus populaires en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tristan Boursier</span></span>
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<p>Ces chiffres sont impressionnants comparés à des chaînes YouTube de médias institutionnels, tels que TF1 qui possède 251 000 abonnés et dont les vidéos ne dépassent que rarement le million de vues. Cependant, cette visibilité des suprémacistes doit être relativisée et comparée à des chaînes identifiées à gauche sur YouTube.</p>
<p>Par exemple, l’émission <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JLKEVKyWiR4">« Ouvrez les Guillemets »</a> présentée par Usul sur la chaîne de Médiapart dépasse régulièrement les 200 000 vues les jours qui suivent sa mise en ligne.</p>
<h2>Le YouTube des « bonhommes »</h2>
<p>Qui sont ces suprémacistes ? La quasi-totalité des vidéos repérées met en scène des hommes, d’apparence jeune (moins de 30 ans). Beaucoup d’entre eux cultivent une certaine idée de la masculinité hégémonique en donnant des conseils de drague à leurs abonnés ou des formations de musculation pour lutter contre la <a href="https://journals.openedition.org/lectures/31663">« crise de la masculinité »</a>. Pour eux, les idées et le corps sont liés. Il faut donc être fort physiquement pour être supérieur intellectuellement. Le physique de leurs adversaires est d’ailleurs souvent attaqué et dépeint comme « fragile » ou « efféminé ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vKcNj33gTh4?wmode=transparent&start=163" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de Valek publiée le 21 septembre 2020 où le youtubeur explique comment les hommes perdent leur masculinité à cause de féministes.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces YouTubers ne font donc pas que défendre une théorie de la suprématie blanche, ils prétendent l’incarner en cultivant et exposant leurs corps et leur force physique.</p>
<h2>Le défi des suprémacistes : devenir mainstream</h2>
<p>Pour l’instant, il est encore facile d’identifier la composante suprémaciste de ces discours. Leur radicalité a permis à leurs auteurs de se faire des communautés de niche qui ont progressé rapidement, n’ayant pas d’autres alternatives sur la plate-forme de vidéos.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cwqqeEKl6NM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Facebook se lance à l’attaque des « suprémacistes blancs ».</span></figcaption>
</figure>
<p>Cependant, cette radicalité comporte ses propres limites. Tout d’abord, la plupart d’entre eux ont été victimes de suppression de la monétisation de leurs vidéos, si ce n’est de leurs vidéos ou de leur chaîne.</p>
<p>Certains sont donc revenus en ouvrant une ou plusieurs chaînes, en perdant au passage une partie de leurs abonnés. Une autre limite tient au discours suprémaciste en lui-même. Ces YouTubers n’ont pas intérêt à être perçus comme tels. Le mot suprémaciste effraie.</p>
<p>Ils tendent donc à dissimuler la dimension raciste de leur opinion politique en présentant leurs réflexions comme « du bon sens », en utilisant des catégories larges comme « occident », « autres cultures » et « racaille » pour éviter d’utiliser le mot race, et ainsi s’inscrivent dans un suprémacisme sans race qui fait écho au concept bien établi de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rel/2013-n763-rel0461/68515ac.pdf">racisme sans race</a> ou de <a href="https://www.persee.fr/doc/ierii_1764-8319_1972_mon_2_1">racisme culturel</a>.</p>
<p>Ces concepts permettent de rendre compte de la catégorisation arbitraire des humains en fonction de critères qui ne sont normalement pas innés mais qui sont présentés comme tels. Par exemple, on va réduire l’identité d’une personne à sa religion et déduire de cette religion une série de comportements présentés comme innés.</p>
<p>Qualifier ces YouTubers de suprémacistes au lieu de « fachosphère » permet donc de révéler plus précisément la nature raciste de leurs discours, qui ne vise pas seulement à offenser, mais à construire un propos politique d’organisation du vivre ensemble qui considère une partie de l’humanité comme inférieure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tristan Boursier a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec société et culture dans le cadre de sa thèse.</span></em></p>Se positionnant contre les « anti-racistes » et les « postcoloniaux » de nombreux internautes issus de l’extrême droite française font passer leur message par vidéo, notamment sur YouTube.Tristan Boursier, Doctorant en Science politique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1521892021-01-19T18:35:45Z2021-01-19T18:35:45ZComment fonctionne l’algorithme de recommandation de YouTube ? Ou comment j’ai découvert le rap hardcore<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379549/original/file-20210119-18-sxu82f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C5168%2C3437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment YouTube vous connaît-il ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/VLzAkbs5afg">Rachit Tank / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>YouTube, comme la plupart des plates-formes numériques mondiales, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Who_Owns_the_Future%3F">est un « serveur-sirène »</a>. Elle est en effet capable de capter notre attention et de la conserver, jalousement, au point de ne plus naviguer nulle part ailleurs sur le web. Ce qui nous retient sur YouTube, c’est principalement son algorithme de recommandation : en 2018, 70 % des vidéos que nous voyions étaient des <a href="https://www.cnet.com/news/youtube-ces-2018-neal-mohan/">recommandations</a>. Pour chaque vidéo visionnée, l’algorithme en recommande d’autres et, immanquablement, les vidéos s’enchaînent sans que l’on s’en aperçoive.</p>
<p>Comment fonctionne l’algorithme de recommandation de YouTube ? Imaginons que YouTube (donc Google) ne me connaisse pas encore car j’accède à la plate-forme sans être identifié, depuis un lieu inconnu du cyberespace français (possible avec un VPN, par exemple).</p>
<p>Je vois depuis la page d’accueil des vidéos récentes et les « tendances » du moment. Une des tendances en France semble être la chanson “<a href="https://www.youtube.com/watch?v=bCWYV8pO-w8">Kobe (feat. Zola)</a>”, du groupe 13 Block. Je clique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/bCWYV8pO-w8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Kobe (feat. Zola)/13 Block.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est un morceau de rap – YouTube ne me connaît effectivement pas – et sans information préalable, une liste de recommandations s’affiche déjà à la suite de la vidéo. On y trouve avant tout d’autres morceaux du groupe (issus du même album, sorti quelques jours plus tôt). Logique. Pourtant, déjà, on peut constater l’étendue de la « connaissance » de l’algorithme, qui n’aura pu produire ces recommandations que s’il a eu accès à une base de données de disques régulièrement mise à jour. Et en effet, Google possède le <a href="https://lesjours.fr/obsessions/la-fete-du-stream/ep-10-youtube-droits/">plus gros catalogue musical au monde</a>, devant ceux de Spotify et Deezer. Ce sont les labels eux-mêmes qui alimentent ce catalogue, motivés par les droits d’auteur·e qui vont avec (le descriptif de la vidéo indique « Provided to YouTube by Elektra France », le label de 13 Block).</p>
<p>Grâce à son catalogue fourni, l’algorithme de recommandation de YouTube peut proposer d’autres artistes que 13 Block. La liste de vidéos recommandées inclut par exemple Vald, un autre rappeur qui sortait un morceau dans la même période intitulé <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hhuvQGoGNWw">GOTAGA</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hhuvQGoGNWw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vald – GOTAGA (Clip officiel).</span></figcaption>
</figure>
<p>Encore une fois, c’est logique : 13 Block et Vald font tous les deux du rap. Mais comment l’algorithme le sait-il ? Le descriptif des deux vidéos donne un label, un producteur, un réalisateur mais pas de genre. Il existe bien des <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/860435.860487">algorithmes avancés d’apprentissage automatisé</a> pour reconnaître un genre à partir de l’enregistrement audio… mais il y a plus simple : Wikipedia.</p>
<p>En effet, les fiches Wikipedia respectives des deux artistes ont le tableau récapitulatif suivant (appelé « infobox » sur Wikipedia) :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/379505/original/file-20210119-20-mtv45u.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379505/original/file-20210119-20-mtv45u.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379505/original/file-20210119-20-mtv45u.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379505/original/file-20210119-20-mtv45u.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379505/original/file-20210119-20-mtv45u.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379505/original/file-20210119-20-mtv45u.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=241&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379505/original/file-20210119-20-mtv45u.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=241&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379505/original/file-20210119-20-mtv45u.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=241&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fiches Wikipedia de 13 Block et Vald.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Source</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de ces informations, l’algorithme peut établir que 13 Block et Vald sont deux artistes français stylistiquement proches : « rap hardcore » apparaît sur les deux fiches. L’algorithme peut même arriver à saisir, malgré les subtilités du genre, que la « trap » et le « horrorcore » sont deux sous-genres du rap qui rapprochent encore les deux artistes. En lisant la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rap_hardcore">fiche dédiée au rap hardcore</a>, on lit en effet que le hardcore trouve ses origines culturelles dans le hip-hop et que la trap et le horrorcore en sont des genres dérivés, tout comme le « gangsta rap ». Sur la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hip-hop">fiche « hip-hop »</a>, on trouve d’autres sous-genres, comme le « hip-hop chrétien » (sûrement assez distinct de son homologue <em>gangsta</em>).</p>
<p>En proposant d’écouter Vald après 13 Block, YouTube met en avant des relations qui n’apparaissent sur Wikipedia que lorsque l’on navigue de fiche en fiche, comme on navigue sur le web. Ce type de navigation a donné naissance à une structure particulière en informatique : le « graphe de connaissance » (« <em>Knowledge Graph »</em>, en anglais). Voici un aperçu de graphe de connaissance extrait de Wikipedia :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/379506/original/file-20210119-13-1gfoo6c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379506/original/file-20210119-13-1gfoo6c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379506/original/file-20210119-13-1gfoo6c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379506/original/file-20210119-13-1gfoo6c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379506/original/file-20210119-13-1gfoo6c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379506/original/file-20210119-13-1gfoo6c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379506/original/file-20210119-13-1gfoo6c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379506/original/file-20210119-13-1gfoo6c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exemple de graphe de connaissance.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Source</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’aide de ce réseau de concepts reliés entre eux par des relations dites « sémantiques », l’algorithme de YouTube peut passer d’une œuvre à l’autre en parcourant les concepts voisins. Parcourir des concepts dans un graphe s’apparente alors à la pensée humaine, notamment les associations d’idées que l’on pourrait faire en tant qu’humain. C’est du moins l’hypothèse qui est faite dans la conception d’un graphe de connaissance. On peut donc naviguer par genre, par titre, par label, par discographie ; autant de manières de concevoir une liste de lecture sans fin, qu’exploite subtilement la sirène YouTube. Le graphe de connaissance ci-dessus révèle même des relations indirectes entre concepts. 13 Block et Vald sont par exemple tous deux originaires de Seine-Saint-Denis (comme beaucoup de rappeurs français).</p>
<p>L’idée d’utiliser des graphes de connaissance pour structurer l’information n’est pas nouvelle mais c’est Google qui lui donne ce nom, en <a href="https://blog.google/products/search/introducing-knowledge-graph-things-not/">2012</a>, pour une campagne de communication autour de son nouveau produit : « <em>the</em> <em>Knowledge Graph</em> », qui est une base de données centrées sur les concepts décrits dans Wikipedia. Le Knowledge Graph de Google avait été précédé de projets académiques pionniers (<a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/1242572.1242667"><em>Yet Another Great Ontology</em></a> et <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-540-76298-0_52">DBpedia</a>) et il sera suivi par d’autres graphes de connaissance « industriels », construits par de grandes entreprises du numérique (entre autres, <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/3329781.3332266">Facebook, Microsoft, IBM et eBay</a>). La fondation Wikimedia, qui assure l’accès à Wikipedia, a elle aussi lancé récemment son graphe de connaissance collaboratif : <a href="https://www.wikidata.org/">Wikidata</a>.</p>
<p>Wikidata incorpore (encore partiellement) les données structurées de Wikipedia. Pourquoi alors copier-coller ces données d’un wiki à l’autre ? Si l’opération est intéressante sur plusieurs points, elle a un avantage technique considérable. En passant d’infobox sous forme de tableaux à un graphe unifié, accéder à son contenu de manière automatisée est plus efficace. Lorsque l’algorithme de YouTube cherche les praticien·ne·s du « rap hardcore » autres que 13 Block, il peut le faire en un saut, du concept « rap hardcore » à ses voisins selon la relation « genre ». C’est beaucoup plus rapide que de parcourir les infobox de toutes les fiches Wikipedia une à une. Sur Wikidata, accéder aux 399 artistes de rap hardcore <a href="https://query.wikidata.org/">prend 750 ms</a>. Des requêtes plus complexes prennent à peine plus de temps. Vérifier, par exemple, que les habitant·e·s de Seine-Saint-Denis sont légèrement surreprésentés dans le rap français, <a href="https://query.wikidata.org/">prend 1,1 s</a> : selon Wikidata, les Séquano-Dionysien·ne·s représentent effectivement 6,9 % du rap français pour seulement 2,4 % de la population française.</p>
<p>Accéder à Wikidata de manière automatisée et l’intégrer dans des applications tierces est fortement encouragé par la fondation Wikimedia. À l’inverse, utiliser le <em>Knowledge Graph</em> de Google est strictement réservé à ses ingénieur·e·s. Le seul indice que laisse Google sur le contenu de son graphe de connaissance est l’encart qui apparaît, à côté de la liste des résultats, lorsque l’on cherche « 13 Block », « Vald » ou « rap hardcore » sur Google Search. L’encart qui s’affiche ressemble beaucoup à l’infobox de Wikipedia (qu’il référence d’ailleurs souvent) et est le signe que l’information affichée est extraite du <em>Knowledge Graph</em> de Google et non de pages web.</p>
<p>Ainsi, lorsque des recommandations YouTube peuvent surprendre, il n’est pas facile de reconstruire le cheminement de l’algorithme. C’est le cas avec une recommandation à la suite de « Kobe », la vidéo tendance de 13 Block : pourquoi l’algorithme recommande-t-il <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8DY9WaHFmIE">« Je vous présente ma copine »</a>, une vidéo qui semble n’avoir aucun lien avec le rap ? L’algorithme n’a pas d’historique de visionnage pour personnaliser mes recommandations ; prend-il cependant en compte la seule popularité d’une vidéo comme critère ? L’auteur de la vidéo, Lonni, est un youtubeur très suivi, ce qui rend l’hypothèse plausible. Mais pour un algorithme, faire ce choix est souvent dangereux car il laisse la place à des boucles infinies, de type œuf-poule : la vidéo recommandée est-elle populaire parce que Lonni est « people »… ou l’inverse ?</p>
<p>Lorsque l’on cherche qui est Lonni sur Google Search, pour sonder le <em>Knowledge Graph</em> de Google, on entrevoit une autre piste. Car, avec la liste de résultats s’affiche un encart mentionnant « Lonni – groupe de musique ». Lonni n’est ni sur Wikidata, ni sur Wikipedia. Seul Google semble savoir que le youtubeur est aussi producteur de musique. Dans son graphe de connaissance, 13 Block et Lonni seraient alors voisins, ce qui expliquerait la recommandation faite par YouTube. On peut aussi constater que les thèmes principaux de la chaîne YouTube de Lonni sont la culture manga et le rap. Mais impossible de savoir si Google le sait. L’encart de Google Search n’est pas exhaustif. On remarque au passage que le <em>Knowledge Graph</em> ne semble pas non plus parfait car l’encart mélange les informations de Lonni avec celles d’un homonyme, groupe de punk estonien.</p>
<p>Au-delà de la justification du choix de Lonni, combien d’autres rappeurs français auraient pu apparaître parmi les recommandations ? Wikidata en donne <a href="https://query.wikidata.org/">218</a> mais beaucoup d’artistes n’ont pas encore été incorporé·e·s dans Wikidata. 13 Block ne l’est pas, par exemple. Il est impossible pour le public de savoir ce que YouTube promeut et ce que la plate-forme cache. La question est pourtant cruciale pour les artistes car de leur visibilité en ligne dépend une grande partie de leur rémunération. Celle des youtubeurs aussi et il serait difficile de justifier la promotion dont bénéficie Lonni-youtubeur par le biais de Lonni-producteur-de-musique. Deux semaines après leur mise en ligne, la vidéo de 13 Block totalise 280k vues et celle de Lonni 580k (Vald, lui, totalise 5,3 millions de vues)…</p>
<p>« Justifier » est d’ailleurs la seule chose que je peux faire à propos de l’algorithme de recommandation de YouTube. Je ne peux pas le décrire dans toute sa complexité mais seulement proposer une justification aux choix particuliers qu’aura fait l’algorithme. Du peu que l’on sait de son fonctionnement, il n’utilise en fait pas explicitement de graphe de connaissance. Il utilise plutôt un <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/2959100.2959190">réseau de neurones artificiels</a>, qui ne cherche qu’à maximiser aveuglément le temps de visionnage par recommandation. Les termes comme « rap » ou « Seine-Saint-Denis » sont certes « perçus » par le réseau de neurones (comme des suites de lettres) mais ils ne sont pas interprétés comme étant des concepts interconnectés. Si l’algorithme recommande Vald ou Lonni après 13 Block, c’est surtout parce que d’autres utilisateur·trice·s de YouTube avaient navigué de l’un aux autres, partageant la connaissance apprise d’autres sources que tous ces artistes sont aussi rappeurs.</p>
<p>Un graphe de connaissance est donc la représentation structurée d’une connaissance commune (parfois même universelle). C’est parce que cette connaissance est commune que je peux espérer justifier de manière convaincante de « comment fonctionne l’algorithme de recommandation de YouTube » avec un graphe de connaissance. Ce « commun » émerge en grande partie des millions de contributions publiques sur Wikipedia. Lorsque l’algorithme consomme des données qui ne sont pas publiques (parce qu’elles sont, par exemple, fournies par les labels à YouTube plutôt qu’à un organisme public de gestion des droits d’auteur·e), en justifier les choix est difficile sinon impossible. Les graphes de connaissances publics en tant que communs sont pour cette raison un outil essentiel à la compréhension des algorithmes modernes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152189/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Charpenay est membre du World Wide Web Consortium (W3C).</span></em></p>Vous avez déjà passé des heures sur YouTube à enchaîner les vidéos ? Voilà comment la plate-forme sait quoi vous recommander à la fin de chaque visionnage.Victor Charpenay, Enseignant-chercheur en informatique, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1482112020-10-20T17:19:05Z2020-10-20T17:19:05ZQAnon est banni de Facebook, mais la bataille contre les théories du complot n'est pas gagnée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364582/original/file-20201020-21-13bon9s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des partisans du mouvement QAnon manifestent contre les mesures prises par le gouvernement roumain pour empêcher la propagation de la Covid-19, lors d'un rassemblement à Bucarest en août.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Vadim Ghirda)</span></span></figcaption></figure><p>La décision de Facebook de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1739841/qanon-facebook-banni-conspiration-radio-quebec">retirer toutes les pages et tous les groupes associés à la mouvance de théories du complot de l’extrême droite QAnon</a> compromettra la capacité des communautés virtuelles dangereuses à répandre leurs messages radicaux, mais cela ne les enrayera pas complètement.</p>
<p><a href="https://about.fb.com/news/2020/08/addressing-movements-and-organizations-tied-to-violence/">L’annonce faite par Facebook</a> le 6 octobre du retrait par l’entreprise de tous les « comptes représentant QAnon, même s’ils ne contiennent aucun contenu violent » suit une précédente décision du média social de déclasser le contenu de QAnon dans les résultats de recherche sur Facebook. <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/10/06/facebook-et-instagram-retirent-tous-les-comptes-lies-aux-conspirationnistes-de-qanon">Elle a été suivie par Instagram</a>. Le 15 octobre, <a href="https://www.cnbc.com/2020/10/15/youtube-tightens-rules-on-conspiracy-videos-but-no-qanon-ban.html">YouTube a dicté de nouvelles règles concernant la diffusion de vidéos conspirationnistes</a>, mais le réseau n’a pas ordonné une interdiction complète.</p>
<p>Ce mois-ci marque le troisième anniversaire de la mouvance qui a commencé lorsqu’une personne connue sous le nom de Q a publié une série de théories du complot en ligne sur le forum 4chan. Q mettait les gens en garde contre un réseau d’élites mondiales de l’État profond satanique s’adonnant à la pédophilie et au trafic sexuel et affirmait que le président américain Donald Trump travaillait à un plan secret pour démanteler le réseau.</p>
<h2>QAnon est désormais un phénomène mondial</h2>
<p>Avant cette année, la majorité des gens n’avaient jamais entendu parler de QAnon. Mais au cours de 2020, la mouvance marginale a rallié de nombreux adeptes <a href="https://www.mediamatters.org/qanon-conspiracy-theory/here-are-qanon-supporters-running-congress-2020">aux États-Unis</a> et <a href="https://www.voanews.com/usa/how-qanon-conspiracy-theory-went-global">ailleurs dans le monde</a>, <a href="https://www.cnn.com/2020/08/12/politics/qanon-congressional-candidates/index.html">y compris nombre de politiciens républicains qui ont fait ouvertement campagne en tant qu’adeptes de Q</a>.</p>
<p>Cela fait plus de deux ans que mes recherches portent sur QAnon et je dois admettre que j’ai moi-même été choqué par l’évolution récente du mouvement.</p>
<p>Ce que la majorité des gens ne réalisent pas est que QAnon en juillet et en août était un mouvement différent de ce qu’est maintenant QAnon en octobre. Je n’ai jamais vu un mouvement évoluer ou se radicaliser aussi rapidement que QAnon. Et tout cela se passe à un moment où l’environnement sociopolitique mondial est bien différent de ce qu’il était cet été.</p>
<p>Tous ces facteurs ont pesé dans la balance lorsque Facebook a décidé d’agir contre les « mouvements sociaux militarisés et QAnon ».</p>
<p>Dans les semaines qui ont précédé le retrait des pages, j’ai remarqué une tendance de contenu plus violent sur Facebook, en particulier avec la circulation de mèmes et de vidéos faisant la promotion des « attaques à la voiture bélier » et du slogan « all lives splatter » (toutes les vies éclaboussent) et d’autres messages racistes envers les Noirs.</p>
<p>Pour expliquer le retrait de ces pages, Facebook note que bien qu’elle ait « retiré le contenu de QAnon qui célébrait et approuvait la violence, nous avons vu apparaître du contenu de QAnon sur d’autres sujets qui pouvaient réellement causer du tort, comme les affirmations récentes selon lesquelles certains groupes de personnes sont à l’origine des incendies de forêt sur la côte ouest (des États-Unis), ce qui a détourné l’attention des autorités locales occupées à lutter contre ces incendies et à protéger la population ».</p>
<h2>Les actions précédentes ont été inefficaces</h2>
<p>Avant de retirer complètement les pages, les tentatives précédentes de Facebook d’empêcher les groupes de la mouvance QAnon de s’organiser sur Facebook et Instagram n’ont pas été suffisantes pour empêcher son message trompeur de se répandre.</p>
<p>Les adeptes de Q se sont adaptés par l’entremise de formes plus subtiles de propagande, un <a href="https://www.sbs.com.au/news/the-feed/pastel-qanon-the-female-lifestyle-bloggers-and-influencers-spreading-conspiracy-theories-through-instagram">phénomène que j’appelle QAnon pastel</a>. Pour contourner les sanctions initiales de Facebook, les femmes qui croyaient aux conspirations de QAnon ont utilisé des images chaleureuses et colorées pour répandre les théories de QAnon au sein de <a href="https://www.brisbanetimes.com.au/lifestyle/health-and-wellness/playing-with-fire-the-curious-marriage-of-qanon-and-wellness-20200924-p55yu7.html">communautés axées sur la santé et le bien-être</a> et en <a href="https://www.nytimes.com/2020/09/28/technology/save-the-children-qanon.html">infiltrant des campagnes légitimes menées par des organismes à but non lucratif pour lutter contre la traite des enfants</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les adeptes de QAnon ont utilisé des messages plus subtils et de l’imagerie centrée sur les femmes pour infiltrer les communautés axées sur le style de vie sur les médias sociaux, une tactique que le chercheur Marc-André Argentino appelle QAnon pastel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Twitter</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La dernière initiative de Facebook permettra à QAnon pastel de continuer d’exister dans les communautés axées sur le style de vie, la santé et la mise en forme, un adoucissement des messages traditionnellement crus de QAnon, mais une façon efficace de répandre les théories du complot à de nouveaux auditoires.</p>
<h2>Certaines pages de QAnon ont survécu au retrait</h2>
<p>Facebook surveillera sans doute toute tentative de la communauté QAnon de contourner l’interdiction. Bien que l’initiative de Facebook ait réduit le nombre de comptes associés à QAnon, elle ne les a pas éliminés complètement et, d’un point de vue réaliste, la société n’y arrivera pas. Selon mes recherches :</p>
<ul>
<li><p>Nombre de groupes publics de QAnon avant leur interdiction : 186 ; après leur interdiction : 18.</p></li>
<li><p>Nombre de pages publiques de QAnon avant leur interdiction : 253 ; après leur interdiction : 66.</p></li>
<li><p>Nombre de comptes Instagram avant leur interdiction : 269 ; après leur interdiction : 111.</p></li>
</ul>
<p>L’initiative de Facebook causera des dommages permanents à la présence de QAnon sur la plate-forme à long terme. À court et à moyen terme, nous verrons que les pages et les groupes se reformeront en essayant de déjouer l’algorithme de Facebook pour voir s’ils peuvent éviter d’être repérés.</p>
<p>Cependant, avec une présence réduite sur Facebook pour amplifier les nouveaux groupes et les nouvelles pages et les changements à l’algorithme de recherche, leurs efforts ne seront pas aussi efficaces qu’auparavant.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tandis que Facebook a interdit les groupes et les pages affiliés à QAnon, les adeptes des théories du complot invraisemblables se sont tournés vers d’autres médias sociaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Ben Margot</span></span>
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<p>Vers quoi les adeptes de QAnon se tourneront-ils si Facebook n’est plus la plate-forme la plus efficace pour répandre ses théories ? Déjà, la mouvance QAnon s’est fragmentée en communautés sur Telegram, Parler, MeWe et Gab. Ces médias sociaux de rechange ne sont pas aussi efficaces pour promouvoir du contenu ou des marchandises, ce qui aura des répercussions sur les arnaqueurs qui profitaient de QAnon et limitera les efforts de prosélytisme.</p>
<p>Mais l’interdiction a poussé ceux qui étaient déjà convaincus par QAnon à migrer sur des plates-formes où ils interagiront avec du contenu extrême qu’ils n’auraient peut-être pas trouvé sur Facebook. Cela aura pour effet de radicaliser certaines personnes encore plus qu’elles ne le sont déjà ou d’accélérer le processus pour d’autres déjà engagées dans cette voie.</p>
<h2>Comme un mouvement religieux</h2>
<p>Éventuellement, nous sommes susceptibles d’assister à la fragmentation de l’idéologie QAnon. Il sera important de commencer à considérer que la mouvance QAnon est plus qu’une théorie du complot et qu’elle se rapproche davantage d’un <a href="https://religiondispatches.org/in-the-name-of-the-father-son-and-q-why-its-important-to-see-qanon-as-a-hyper-real-religion/">nouveau mouvement religieux</a>. Il faudra aussi examiner les façons dont QAnon a été capable d’absorber et d’assimiler les autres idéologies ou de s’y adapter.</p>
<p>Bien que Facebook ait pris cette importante initiative, il y aura toujours beaucoup de travail à accomplir pour s’assurer que QAnon ne réapparaît pas sur la plate-forme.</p>
<p>YouTube a déclaré que ses nouvelles règles pour « gérer les théories de conspiration nuisibles » sont destinées à « freiner la haine et le harcèlement en supprimant plus de contenu de la théorie de conspiration utilisée pour justifier la violence du monde réel ».</p>
<p>Dans la vague initiale de démantèlement, YouTube a fermé les canaux de certains influenceurs et prosélytes des QAnon, en particulier l’influenceur canadien Amazing Polly, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1741301/youtube-chaines-complotistes-menage-qanon-alexis-cossette-trudel">et l’influenceur québécois Alexis Cossette-Trudel</a>. Même si cela va couper l’accès à certains grands influenceurs, il y a du contenu QAnon sur YouTube qui ne respecte pas les nouvelles règles de la plate-forme.</p>
<p>Ces nouvelles règles ne mettront pas fin au rôle que YouTube joue dans la radicalisation des individus en faveur des QAnon, ni ne freineront ceux qui se radicaliseront vers la violence.</p>
<p>La vidéo est le véhicule le plus utilisé pour diffuser le contenu de QAnon dans tous les écosystèmes numériques. Tant que la mouvance QAnon sera hébergée sur YouTube, nous continuerons à voir son contenu sur toutes les plates-formes sociales – il n’y a pas grand-chose que Facebook puisse faire seule pour l’en empêcher. Pour lutter contre QAnon, il faudra en fin de compte un effort concerté multiplateforme.</p>
<p>La technologie et les plates-formes fournissent un vecteur aux mouvances extrémistes comme QAnon. Cependant, à la base, il s’agit d’un problème humain. L’environnement sociopolitique mondial est un terreau fertile et favorable à la pérennité et à la croissance de QAnon.</p>
<p>L’initiative de Facebook est un pas dans la bonne direction, mais la partie n’est pas terminée. Il y a encore du travail à accomplir pour les personnes qui œuvrent dans cet espace.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148211/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc-André Argentino reçoit un financement de l'Université Concordia. Il est affilié au Réseau mondial sur l'extrémisme et la technologie, à l'Institut pour le dialogue stratégique et au Centre d'expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation.</span></em></p>Facebook et YouTube tentent d’arrêter la propagation des conspirations QAnon, mais les membres de la communauté ont trouvé de nouvelles façons de promouvoir de fausses théories sur les médias sociaux.Marc-André Argentino, PhD candidate Individualized Program, 2020-2021 Public Scholar, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1463572020-09-17T17:18:32Z2020-09-17T17:18:32ZVagues de picotements, transe, euphorie… Votre cerveau est-il sensible à l’ASMR ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/358695/original/file-20200917-24-1jo2hz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">file weq</span> </figcaption></figure><p>Le sigle « ASMR » est <a href="https://ahrefs.com/blog/top-youtube-searches/">la seconde requête la plus populaire au monde</a> sur le site d’hébergement de vidéos Youtube. Si ces quatre lettres ne vous sont pas familières, sachez qu’il s’agit de l’abréviation de l’expression anglophone <a href="https://www.ted.com/talks/craig_richard_asmr_the_whispered_revolution_of_relaxation">« autonomous sensory meridian response »</a>, qui peut être traduite par « réponse autonome sensorielle culminante ». </p>
<p>L'ASMR est un état émotionnel complexe, qui n’est pas expérimenté par tous. Il survient chez personnes qui y sont sensibles lorsqu’elles entendent, voient ou ressentent certains « déclencheurs » : chuchotements, mouvements délicats des mains, caresses légères… La sensation qui en résulte est décrite comme un picotement qui commence au sommet de la tête et peut s'étendre au cou et aux membres. Elle se présente sous forme de vagues et génère un état d'immersion : la personne se retrouve « en transe », ressentant euphorie et détente.</p>
<p>L'intérêt pour l'ASMR a explosé depuis que le terme a été inventé, voici une dizaine d’années. Tout a commencé par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IHtgPbfTgKc">une courte vidéo de chuchotement</a>. Publiée sur YouTube en 2009, elle est devenue virale. Onze ans plus tard, les vidéos des <a href="https://www.youtube.com/user/WhispersRedASMR">« ASMRtists »</a> (mot-valise anglais constitué des termes « ASMR » et « artist »), destinées à engendrer cet état de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-45821-001">transe euphorique relaxante</a>, récoltent des millions de vues.</p>
<p>Malheureusement, l'enthousiasme de la recherche n’a pas été le même que celui du public, et on dénombre seulement une poignée d'articles scientifiques sur le sujet à l’heure actuelle. Afin de mieux comprendre ce phénomène complexe et alors que le futur de la recherche sur l’ASMR se dessine, notre équipe a mis en place un <a href="http://bit.ly/ASMR_NET">réseau scientifique destiné à mettre en relation personnes, idées et ressources</a>.</p>
<p>Voici ce que nous savons déjà.</p>
<h2>Des déclencheurs communs</h2>
<p>Tout le monde n’est pas capable de ressentir l’ASMR, mais ceux qui en font l'expérience relatent des similitudes dans ses effets. En premier lieu, l’ASMR se manifeste généralement dès l'enfance (les premiers exemples couramment cités sont les picotements ressentis lors des contrôles anti-poux à l'école ou lors du jeu de devinette « quelle lettre suis-je en train de tracer sur ton dos ? »). Il est intéressant de noter que lorsque les gens découvrent que l'ASMR est une chose « à part », ils rapportent souvent que, lorsqu’ils l’ont ressenti pour les premières fois, ils ont cru <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK453209/">soit que tout le monde avait déjà vécu la même expérience qu’eux, soit qu’ils étaient les seuls à l’avoir jamais ressenti</a>.</p>
<p>Seconde constatation : bien que les personnes sensibles à l’ASMR aient chacune leurs propres préférences, il existe des constantes remarquables dans les <a href="https://peerj.com/articles/3846/">déclencheurs de cet état émotionnel</a>. Les plus courants sont les touchers légers, le chuchotement, les paroles douces, le fait de se trouver très proche de l’individu qui leur manifeste une attention personnelle, les mouvements délicats des mains et la clarté de certains sons.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/--uP5ckfcz4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Quelques exemples de « déclencheurs ».</span></figcaption>
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<p>Les situations qui induisent l’ASMR reposent souvent sur une combinaison de plusieurs de ces déclencheurs. Il peut s’agir de se faire couper les cheveux, ou de regarder quelqu'un accomplir une tâche banale telle que le pliage du linge. Sans surprise, les vidéos ASMR les plus populaires simulent cette <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gf_MqDBBMPI">superposition de déclencheurs</a>.</p>
<h2>Quand le cerveau picote</h2>
<p>L'ASMR a fait l'objet de trois études par imagerie cérébrale. L'une d'entre elles a examiné en temps réel les zones activées lorsque survenaient les picotements caractéristiques de cet état. Pour cela, dix participants sensibles ont pris place dans un appareil d’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6209833">ont été exposés à des vidéos censées déclencher l’ASMR</a>.</p>
<p>Ces travaux ont révélé une activation accrue des régions du cerveau impliquées dans les émotions, l'empathie et les <a href="https://sk.sagepub.com/reference/behavioralsciences/n72.xml">comportements affiliatifs</a> (qui permettent de transmettre au partenaire une <a href="https://journals.openedition.org/communicationorganisation/1979#:%7E:text=11*%20la%20capacit%C3%A9%20%C3%A0%20privil%C3%A9gier,%C2%BB%2C%20%C2%AB%20d%C3%A9sajustement%20%C2%BB%20ou%20%C2%AB">intention d'interaction sociale sécurisante</a>) durant les périodes où les picotements se produisaient. Ces résultats sont préliminaires et basés sur un échantillon de petite taille. Ils sont cependant intéressants, car les auteurs y comparent l'ASMR à des comportements de soins et de toilettage : cela suggère que l'ASMR activerait les voies neurologiques impliquées dans les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18662717/">liens socioémotionnels</a>. Cette idée est quelque peu soutenue par d’autres recherches, qui ont mis en évidence le fait que <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0196645">les personnes qui font l'expérience de l’ASMR peuvent se sentir davantage connectées aux autres</a>.</p>
<p>Deux autres études d'imagerie cérébrale ont adopté une approche différente. Elles ont examiné les différences d’activité cérébrale au repos (lorsque les personnes sont simplement allongées dans le scanner) chez des individus sensibles à l’ASMR, et chez des individus non sensibles. Les auteurs ont découvert que les personnes sensibles ont <a href="https://peerj.com/articles/7122/">des réseaux neuronaux moins distincts et plus intriqués</a> que les autres, ce qui suggère que l’ASMR pourrait se produire en raison d'une capacité réduite à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27196787">réprimer les réponses émotionnelles résultant des stimulations sensorielles</a>.</p>
<p>Ce résultat peut sembler négatif, mais ce n'est pas forcément le cas. Nous intégrons tous des informations provenant du monde extérieur (images, sons, odeurs), ce qui nous procure des expériences émotionnelles. Cependant, la manière dont sont intégrées ces informations et les émotions qui en résultent varie d’une personne à l’autre.</p>
<p>Être moins capable d'inhiber les connexions entre le monde extérieur et notre monde intérieur peut signifier vivre des expériences émotionnelles positives plus intenses. On peut avoir <a href="https://mp.ucpress.edu/content/27/1/61">la chair de poule</a> en entendant notre musique préférée, ou ressentir <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/hbm.24616">un puissant émerveillement</a> – ou d’autres émotions complexes – face à une œuvre d’art.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IHtgPbfTgKc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L'une des premières vidéos ASMR jamais uploadées sur YouTube.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les personnes qui sont sensibles à l’ASMR sont plus susceptibles de vivre des expériences multisensorielles complexes tels que des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6086079/">frissons musicaux</a> ou <a href="https://peerj.com/articles/851/">la synesthésie</a> (<em>ndlr : chez les gens affectés par cette « union des sensations », un seul stimulus sollicite simultanément plusieurs sens : les sons sont à la fois perçus en tant que tel et « vus » comme des <a href="http://writingscience.web.unc.edu/2017/09/synesthesia-colorful-sounds-and-flavored-colors/">couleurs en mouvement</a>, par exemple</em>). Malheureusement, les individus réceptifs à l’ASMR sont également plus susceptibles de faire l’expérience de la <a href="https://www.revmed.ch/RMS/2015/RMS-N-462/La-misophonie-ou-l-aversion-pour-le-bruit-a-propos-d-un-cas-clinique">misophonie</a>, (littéralement « haine du son »), une aversion pour les bruits produits par les autres.</p>
<h2>Plus empathique</h2>
<p>Outre les aspects neurologiques, les chercheurs ont exploré les autres différences entre personnes réceptives à l’ASMR et personnes non réceptives. Dans l'ensemble, les recherches suggèrent que les premières ont davantage tendance à vivre des expériences <a href="https://peerj.com/articles/8588/">plus immersives ou plus captivantes</a>.</p>
<p>Elles obtiennent aussi un score plus élevé pour le trait de personnalité <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2017.00247/full">« ouverture à l'expérience »</a>, qui reflète l'imagination, la curiosité intellectuelle et l'appréciation de l'art et de la beauté.</p>
<p>Elles sont enfin <a href="https://psycnet.apa.org/record/2017-49212-009">plus empathiques</a>, au moins concernant deux critères, à savoir la compassion et le souci des autres ainsi que la capacité à s’immerger dans leur imagination ou dans la fiction.</p>
<h2>Un outil de thérapie ?</h2>
<p>Un rapide coup d'œil aux commentaires des vidéos ASMR suffit pour se convaincre que cet état émotionnel est une réelle source de réconfort pour ceux qui visionnent ces films censés l’induire : ils améliorent leur humeur, soulagent leurs insomnies et vont même jusqu’à atténuer les effets de la solitude.</p>
<p>Certes, ces affirmations sont anecdotiques. Cependant nous disposons à présent de <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0196645">preuves scientifiques préliminaires</a> pour les étayer. Des réductions significatives du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ufyk1z62FVA">rythme cardiaque</a> de personnes sensibles à l’ASMR ont par exemple été enregistrées pendante qu’elles regardaient des vidéos destinées à déclencher cet état. Ces changements traduisent une réduction du niveau de stress comparables à celles observées lors de la méditation de pleine conscience ou de l’écoute de musique. Toutefois, la question de savoir si l'ASMR peut constituer une forme de thérapie efficace (et si elle devrait être utilisée comme telle) demeure pour l’instant sans réponse.</p>
<p>C'est une période passionnante pour la recherche sur l'ASMR, car nous ignorons encore énormément de choses… De futures études seront nécessaires pour déterminer si tout le monde a le potentiel de ressentir l'ASMR, si cette approche pourrait constituer une nouvelle forme de thérapie, etc. Espérons aussi que la recherche permettra un jour de déterminer pourquoi seules certaines personnes semblent capables d’expérimenter ce phénomène unique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Giulia Poerio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cela fait dix ans que les premières vidéos d’ASMR ont été mises en ligne sur YouTube. Aujourd’hui, des millions d’utilisateurs visionnent ce type de contenus, source de détente. Qu’en dit la science ?Giulia Poerio, Associate lecturer, University of EssexLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1455122020-09-13T15:20:35Z2020-09-13T15:20:35ZLes youtubeurs stars : des entrepreneurs créatifs et innovants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/357768/original/file-20200913-16-h2g058.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C29%2C830%2C468&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Squeezie annonce la sortie de son premier album le 25 septembre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/user/aMOODIEsqueezie">YouTube</a></span></figcaption></figure><p>Leurs vidéos réalisent en quelques heures sur YouTube des <a href="https://www.challenges.fr/media/comment-youtube-ecrase-la-television-claassique_33662">audiences que n’importe quelle émission de télévision révérait de faire</a>. Leurs fans sont très fidèles et les suivent pratiquement dans tous leurs projets. Mais devenir un des youtubeurs les plus suivis n’est pas donné à tout le monde. En effet, les créateurs vidéastes populaires ont dû faire preuve d’inventivité, d’engagement et de persévérance pour parvenir à constituer leur communauté, abonné par abonné. Au début, le <a href="https://start.lesechos.fr/societe/culture-tendances/10-choses-a-savoir-avant-de-vous-lancer-sur-youtube-1194136">temps et les moyens sont investis à perte</a>, et très peu parviennent à en faire leur métier.</p>
<p>Contrairement à Instagram, YouTube est un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01994999/document">média techno-genré dominé par des hommes</a> qui font des <a href="https://mbamci.com/youtubers-stars-2-0-influenceurs-daujourdhui/">vidéos humoristiques</a>. Difficile pour les femmes de se faire une place dans <a href="https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2691927-20200110-video-youtubeur-game-spectrum-met-lumiere-masculinite-geek-jeu-video">cet univers de masculinité geek</a> incarné par Squeezie, Cyprien, Norman, TiboInshape, McFly et Carlito, ou Mister V, malgré quelques exceptions notables comme Natoo, EnjoyPhoenix, Juju Fitcats, Léna Situations, L’Atelier de Roxanne, ou Dooms. Les youtubeurs les plus connus sont souvent issus du milieu du gaming, et évoluent vers d’autres secteurs comme le rap ou le stand-up, autant de domaines très masculins.</p>
<h2>Créativité et collaboration</h2>
<p>Le phénomène Michou, 18 ans, publie des vidéos et assure des retransmissions en direct avec une constance extrême depuis qu’il a 13 ans, sans se soucier des critiques et railleries. Comme il le dit lui-même, sur YouTube, la régularité est essentielle. Au début, il joue en live a Clash Royale et interagit avec ses abonnés presque tous les jours, jusqu’à ce que <a href="https://www.courrier-picard.fr/art/127264/article/2018-08-01/16-ans-lalertin-michou-compte-un-million-dabonnes-sur-sa-chaine-youtube-video">Fortnite le propulse</a> en lui faisant dépasser le million d’abonnés. Aujourd’hui <a href="https://fr.webedia-group.com/article/les-youtubeurs-michou-et-inoxtag-rejoignent-talent-web-premier-label-de-nouveaux-createurs-en-france_a1078/1">il a son propre studio chez Webedia</a>, la plus grande agence française de divertissement en ligne. <a href="https://stephanelarue.com/les-youtubeurs-michou-et-inoxtag-rejoignent-talent-web/">Il a intégré le label Talent Web avec son complice Inoxtag</a>, et rejoint des collègues comme Cyprien, Norman, Natoo, et le duo McFly et Carlito.</p>
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<figcaption><span class="caption">Michou présente son nouveau studio chez Webedia.</span></figcaption>
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<p>Bien qu’il s’en défende, Michou est devenu une véritable <a href="https://ptitlibe.liberation.fr/p-tit-libe/2019/05/09/michou-fait-des-videos-sur-fortnite_1725420">star pour les enfants et les jeunes</a> et ne peut plus marcher dans la rue sans créer un attroupement. Avec plus de followers que Soprano, Black M ou Bigflo et Oli, quand il sort un clip, même s’il ne prétend pas être chanteur et si ce n’est que pour célébrer avoir atteint les 4 millions d’abonnés, <a href="https://www.bfmtv.com/people/dans-le-club-le-premier-clip-du-you-tubeur-michou-fait-un-carton_AN-202008090043.html">c’est un succès</a> avec plus de 10 millions de vues et 600 000 likes en à peine six jours. La plupart des stars du rap n’atteignent pas ce score en un mois. Sorti ce dimanche, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IFcxEfRO3n4">son deuxième clip</a> qui retrace son parcours et rend hommage à ses parents a dépassé le million de vues en 4 heures.</p>
<p>Michou apparaît très régulièrement en première place des tendances YouTube France, seul ou associé aux six autres membres de <a href="https://www.20minutes.fr/arts-stars/web/2847787-20200827-michou-inoxtag-team-crouton-prend-pouvoir-youtube">l’équipe d’e-sport <em>Team Croûton</em> créée dans <em>Fortnite</em></a>. Sa contribution à l’essor du jeu en France est telle qu’Epic Games l’a invité à prêter sa voix pour y animer une des radios. <a href="https://www.youtube.com/c/Valouzz_Ec/featured">Diffusés sur la chaîne de Valouzz</a>, les vlogs quotidiens des vacances de Michou et sa bande au Maroc, au Canada, et cet été en Corse, dépassent en quelques jours les 2 millions de vues, plus que la plupart des émissions de télé-réalité actuelles. La semaine dernière, Michou a publié une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hoHkm4UJPHU">vidéo sponsorisée par Sony et Marvel</a> sur le jeu Marvel’s Avengers qui a atteint 1,5 million de vues en une journée.</p>
<p>Avant lui, Squeezie, l’un de ses modèles, a construit son univers créatif depuis ses 15 ans. Il est devenu en 2019 le <a href="https://mcetv.fr/mon-mag-buzz/people/squeezie-devient-premier-youtubeur-francais-devant-cyprien-29062019/">youtubeur français numéro 1</a> avec 15 millions d’abonnés, si on ne compte pas les artistes David Guetta, 22 millions, et DJ Snake, 19 millions. Squeezie a créé sa chaîne en 2011 avec des vidéos sur le gaming qui basculent sur sa chaîne secondaire Squeezie Gaming en septembre 2018. Depuis sa chaîne principale est dédiée à des contenus plus personnels et créatifs. Particulièrement prolifique, <a href="https://start.lesechos.fr/societe/culture-tendances/la-peur-a-le-vent-en-poupe-sur-internet-au-grand-bonheur-des-youtubeurs-1233842">ses vidéos parlent de sujets divers comme d’histoires d’horreur</a>, d’activités artistiques, d’objets insolites ou de voyages.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les quatre vidéos des Réunions de Cyprien cumulent plus de 110 millions de vues.</span></figcaption>
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<p>Les youtubeurs s’invitent dans les vidéos les uns des autres comme les chanteurs qui font des featurings (participations). Ces collaborations peuvent parfois évoluer vers la création d’une chaîne commune, comme <a href="https://www.youtube.com/user/CyprienGaming"><em>Bigorneaux & Coquillages</em></a>, la chaîne qui réunit Squeezie et Cyprien, ou <a href="https://www.youtube.com/channel/UCFtaxL-IZiZHJqzxvv1LmZQ"><em>Des Cuts & Des Zooms</em></a> proposée par Amixem et Joyca. Certains concepts deviennent culte comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IB9iVl-geRM"><em>Les Réunions</em></a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EDCL3dLfs_4"><em>Les Instagrameuses</em></a> de Cyprien, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=4o8Qk1NUiyQ"><em>Le Pire Stagiaire</em></a> de Greg Guillotin, ou le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AwdfloSJrtA"><em>Méli-Mélo</em></a> de McFly et Carlito associés aux rappeurs Bigflo et Oli.</p>
<h2>Des activités multiples</h2>
<p>En juillet 2019, <a href="https://www.dexerto.fr/divertissement/amixem-pewdiepie-squeezie-ces-youtubeurs-lance-marque-vetements-1039991">Squeezie lance avec son frère une marque de vêtements</a> streetwear baptisée Yoko, portée par de nombreux youtubeurs et gamers. Aujourd’hui, une équipe de cinq personnes est chargée de maintenir le rythme de sortie d’une collection tous les deux mois sous la supervision de Squeezie, égérie et responsable des vidéos promotionnelles. En 2020, après avoir <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/le-youtubeur-squeezie-annonce-son-depart-de-webedia-1377191">quitté Webedia et créé sa société Bump</a>, il <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3QU0Iv7KcWw">emménage dans des nouveaux locaux</a> où il installe son studio ainsi que le showroom de Yoko.</p>
<p>Après avoir créé des dizaines de clips parodiques ou expérimentaux, Squeezie se lance dans le rap et sort le clip <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DMp3V4BHyRQ"><em>Guépard</em></a>, en collaboration avec le rappeur Némir, qui fait 2 millions de vues en 24 heures. Il annonce son premier album, Oxyz, pour septembre 2020. Il prévoit une série de 20 concerts pour lesquels il a créé une scénographie spéciale. Le youtubeur Mister V avait déjà lancé <a href="https://www.dexerto.fr/divertissement/mvp-a-peine-sorti-le-deuxieme-album-de-mister-v-fait-le-buzz-1247471">son premier album certifié disque de platine</a> en 2017, et le second sorti le 31 janvier 2020 a reçu un accueil très favorable. Squeezie a aussi produit des courts métrages, doublé des personnages de fiction et écrit un livre interactif.</p>
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<figcaption><span class="caption">Squeezie présente son premier album, Oxyz, et annonce une tournée de 20 concerts.</span></figcaption>
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<p>Cyprien, deuxième youtubeur en nombre d’abonnés, a désormais quatre chaînes : la principale <a href="https://www.youtube.com/user/MonsieurDream"><em>Cyprien</em></a>, <a href="https://www.youtube.com/user/CyprienGaming"><em>Bigorneaux & Coquillages</em></a> en collaboration avec Squeezie, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCi7MkdJLwvV99438YeUhZeg"><em>L’Autre chaîne de Cyprien</em></a> avec l’émission hebdomadaire <em>301 vues</em>, et <a href="https://www.youtube.com/channel/UCpu0d1JHqLwZwZsHX9Lyo1w"><em>Roger et ses Humains</em></a> où sort chaque semaine un nouvel épisode du dessin animé issu de sa bande dessinée. Cyprien a aussi écrit et réalisé plusieurs courts métrages, et sorti deux jeux pour smartphone : <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=9SuJ2CE54ds"><em>Nope Quiz</em></a> en 2016 et <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=FIoDza7t0ew"><em>Make More Views</em></a> en 2020.</p>
<p>Après avoir fait ses débuts d’acteur et de doubleur, Norman s’est lancé dans une carrière d’humoriste de stand-up avec beaucoup d’engagement et de préparation, répétant tous les soirs pendant deux ans. <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=IgOs7JlFHyQ">Son premier spectacle <em>Norman sur Scène</em></a> produit et mis en scène par Kader Aoun ayant fait salle comble, il en a écrit un deuxième, <a href="https://www.purebreak.com/news/norman-thavaud-remonte-sur-scene-de-quoi-va-parler-son-nouveau-spectacle/184000"><em>Le Spectacle de la Maturité</em></a>, également très bien reçu par le public. Sa tournée des zéniths est interrompue par la crise du Covid-19, mais il devrait la poursuivre en 2021.</p>
<p>Bien que la plupart des youtubeurs soient réfractaires à ce média qui n’a par ailleurs pas grand intérêt pour eux, certaines chaînes de télévision tentent de les enrôler, comme avec la minisérie <a href="https://www.tf1.fr/tf1/presque-adultes"><em>Presque adultes</em></a> de Cyprien, Norman et Natoo diffusée par TF1 pendant l’été 2017, ou <a href="https://www.tf1.fr/tmc/mcfly-et-carlito"><em>L’émission de McFly & Carlito</em></a> proposée en prime time sur TMC le 25 février 2020.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’émission de McFly et Carlito avec Pascal Obispo, Michaël Youn, Dany Boon, Philippe Katerine, Maurice Barthélémy, Pierre-François Martin-Laval….</span></figcaption>
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<h2>Revenus, investissement et solidarité</h2>
<p>Les youtubeurs se rémunèrent principalement grâce aux dispositifs suivants :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://support.google.com/youtube/answer/6362278 ?hl=fr">La monétisation des vidéos</a> grâce aux publicités diffusées avant et pendant le visionnage, selon un algorithme qui associe des annonces à des contenus ;</p></li>
<li><p>Les revenus issus du <a href="https://www.arobasenet.com/2017/11/sponsoriser-video-youtube-4281.html">parrainage des vidéos ou des chaînes</a> par des marques comme NordVPN ou Rhinoshield ;</p></li>
<li><p>Les <a href="https://blog.wizdeo.com/fr/ressources/blog/55-general/1038-superchat-youtube-live-dons">dons dans les Super Chat</a> pendant les retransmissions en direct ;</p></li>
<li><p>Le <a href="https://www.ionos.fr/digitalguide/web-marketing/vendre-sur-internet/youtube-souscription/">bouton de soutien <em>Rejoindre</em></a> qui donne accès à un espace membre contre un abonnement mensuel ;</p></li>
<li><p>Le <a href="https://www.epicgames.com/affiliate/fr/overview ?lang=fr">programme <em>Soutenez un Créateur</em> d’Epic Games</a> qui permet aux joueurs de Fortnite de soutenir leurs youtubeur préféré.</p></li>
</ul>
<p>En plus des marques de vêtements de Squeezie, Amixem ou VodK, certains youtubeurs proposent d’autres produits dérivés, comme des accessoires, des jeux de société ou de <a href="https://www.fitnessboutique.fr/tibo-in-shape-lance-sa-marque-inshape-nutrition/cc-444.html">la nutrition sportive</a>. Amazon propose même aux youtubeurs une <a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/reseaux-sociaux/comment-les-youtubeurs-ont-diversifie-leurs-sources-de-revenu/">plateforme de création de produits dérivés</a> clé en main sans avoir à avancer de frais.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RC_tjzAsBYs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Tibo InShape, 4ᵉ plus gros youtubeur français, détaille ses différentes sources de revenus.</span></figcaption>
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<p>Les youtubeurs consacrent aussi parfois leur notoriété à des événements caritatifs comme le Z-Event. Au cours de l’édition 2019, des streamers comme Squeezie, Joueur du Grenier, et Gotaga ont permis de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/montpellier/zevent-2019-gamers-pulverisent-leur-record-plus-trois-millions-dons-institut-pasteur-1726369.html">récolter 3,5 millions d’euros pour l’Institut Pasteur</a>. Pendant la crise du Covid-19, McFly et Carlito se sont mobilisés et ont <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-les-youtubeurs-mcfly-et-carlito-recoltent-400-000-eu-pour-le-personnel-soignant-6799130">collecté 400 000 euros au profit des hôpitaux de France</a> grâce à leur journée en live, le <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=hLq-DMPwHy8"><em>Maradon</em></a>.</p>
<h2>Des idoles et des modèles pour les jeunes</h2>
<p>Alors que certains youtubeurs font des vidéos depuis une dizaine d’années, la fidélité de leur communauté est très forte. Leurs abonnés ont l’impression de les connaître et qu’ils sont leurs amis. Ils ont grandi avec eux et ils s’identifient à eux. Ils connaissent une grande partie de la vie de ceux qui les appellent les p’tit potes, la team, la family, les frérots… <a href="https://variety.com/2014/digital/news/survey-youtube-stars-more-popular-than-mainstream-celebs-among-u-s-teens-1201275245/">Les youtubeurs sont les stars des adolescents</a> bien plus que les célébrités issues d’autres secteurs artistiques.</p>
<p>Ces fans imitent leurs idoles dans des simulations très réalistes. Sorti en novembre 2018 sur Playstation 4, Xbox One et Nintendo Switch, le jeu <em>Youtubers Life</em> permet de vivre la vie d’un youtubeur et de créer ses chaînes, développer des partenariats avec des marques, collaborer avec d’autres youtubeurs, améliorer son matériel et ses compétences, et construire sa communauté et son réseau. <a href="https://www.lefigaro.fr/medias/le-youtubeur-cyprien-sort-un-nouveau-jeu-mobile-20200828">Le tout nouveau jeu de Cyprien, <em>Make More Views</em></a>, est basé sur le même principe, comme l’était déjà <a href="https://www.gamesparks.com/blog/pewdiepies-tuber-simulator-how-to-keep-up-with-the-kardashians/"><em>Pewdiepie Tuber Simulator</em></a>, le jeu du plus grand youtubeur du monde, dès 2016.</p>
<p>Les youtubeurs cumulent donc des compétences créatives, techniques, managériales et relationnelles. Ils savent s’adapter aux évolutions de YouTube qui démonétise de plus en plus de vidéos et se diversifier dans des activités commerciales ou artistiques. Ils savent développer et entretenir leur communauté en ligne dont la fidélité et la proximité sont essentielles à leur succès.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145512/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les youtubeurs stars sont de véritables entrepreneurs créatifs avec des compétences techniques, managériales, relationnelles et artistiques.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1446132020-08-18T17:57:45Z2020-08-18T17:57:45ZSur YouTube, la critique cinéma se conjugue aussi au féminin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/353238/original/file-20200817-20-1408un6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De gauche à droite: Demoiselles d'horreur/Cinémaniaque/La Manie du cinéma/Perle ou navet</span> </figcaption></figure><p>Paru début juillet dans The Conversation, mon article <a href="https://theconversation.com/la-critique-cinema-francaise-sur-youtube-un-etat-des-lieux-141810">« La critique cinéma française sur YouTube : un état des lieux »</a> proposait un bref tour d’horizon de ce qui se fait dans le domaine. Mais la réception du texte sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, ne s’est pas faite sans heurts et j’ai reçu de nombreuses critiques, pleinement justifiées : le texte était bien trop centré sur les représentants masculins du milieu, comme le symbolise le photomontage de couverture. Car les Youtubeuses cinéma sont bien là, et elles me l’ont fait savoir. Prolifiques et influentes (plusieurs milliers d’abonné·e·s et de vues pour leurs vidéos) elles sont bien souvent invisibilisées au profit de leurs compères, un phénomène systémique dans lequel s’est malheureusement inscrit le précédent article.</p>
<h2>Une scène féminine très active</h2>
<p>La rubrique Internettes Explorer du site associatif <a href="https://www.lesinternettes.com/">Les Internettes</a> dénombre pour le seul mot clé « cinéma » une quarantaine de Youtubeuses francophones spécialisées dans le domaine de l’audiovisuel, qu’il s’agisse de critiques, d’analystes et de journalistes parmi lesquelles <a href="https://www.youtube.com/channel/UCJVtE8BwsjVxt6W-lTA-8sA">La Manie du Cinéma</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCVcECecc_kaV9PeZVfm6TiA">Vidéodrome</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCvz05GTijmDGtkSUa8T6-4w">Cinémaniaque</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCRDHe-FRUu6clDMm4O_3whQ">Demoiselles d’Horreur</a> ou encore <a href="https://www.youtube.com/channel/UCReeyP-k8T1qT8PryFav_hg">Perle ou Navet</a> dont les contenus s’intéressent aussi bien au cinéma classique qu’au cinéma de genre pur et dur, sans éluder la dimension politique des films.</p>
<p>Malgré cette diversité, ces femmes bénéficient d’une visibilité moindre, un phénomène qui n’est pas nouveau dans l’histoire du septième art : les premières fictions cinématographiques sont signées <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_0SHuseACTY">Alice Guy</a>, pionnière de la production et du making of, que les livres d’histoire et les médias ont bien souvent oubliée ou reléguée à un rôle secondaire, préférant se concentrer sur les premiers hommes cinéastes.</p>
<p>D’autres créatrices de contenu, en parallèle de leurs travaux d’analyse, mettent aussi en lumière leurs consœurs cinéphiles comme le blog <a href="https://bonchicbongenre.fr/">Bon Chic Bon Genre</a>, spécialisé dans le cinéma de genre(s) et traitant de féminisme et de représentations des minorités, à travers la galerie d’entretiens disponible sur son site dont un <a href="https://twitter.com/GenreChic/status/1280138871527952392">thread Twitter</a> liste les différentes intervenantes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au sortir des Césars 2020, Cinémaniaque revient sur la cérémonie qui s’est ouvertement placée contre les victimes de viols et d’agressions sexuelles ainsi que le mouvement #Metoo.</span></figcaption>
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<h2>Pourquoi cette moindre visibilité ?</h2>
<p>Interrogée par <a href="https://www.lequotidienducinema.com/interviews/youtube-cinema-la-manie-du-cinema/">Le Quotidien du Cinéma</a>, Mélanie Toubeau, de la chaîne « La Manie du Cinéma » qui traite de nombreuses thématiques aussi bien analytiques que techniques et historiques sur le septième art, voit ce phénomène comme lié à l’individualisme propre à la plate-forme :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a plusieurs raisons au fait que les femmes soient invisibilisées sur la plate-forme, en tout cas, quand elles parlent de sujets autres que “féminins”. Pour le cinéma, c’est dû à deux gros points : le premier, c’est l’individualisme des créateurs. Étant cofondatrice des « Internettes », partager est pour moi normal, car c’est ainsi qu’on diffuse la culture. Mais beaucoup de créateurs·rices n’ont pas le réflexe de partager le travail des autres. Autant par égo ou parce qu’ils ne se rendent pas compte de la réelle utilité du partage. D’autant plus que, en tant que femme qui parle de cinéma sur YouTube, nous sommes minoritaires. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/C4piZvMBc8o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La Manie du Cinéma propose analyses de film ou éléments sociologiques et économiques qui l’entourent ainsi que des entretiens et des points historiques.</span></figcaption>
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<p>Si les créatrices de contenu partagent les travaux des un·e·s et des autres, les créateurs le font bien moins systématiquement, tout cela étant également lié au <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/travail-syndrome-imposteur-15636/">« syndrome de l’imposteur »</a> dont souffrent plus souvent les Youtubeuses, selon Mélanie Toubeau. Le manque de rôle modèle, qui tendrait à une forme de bien-être lorsqu’il s’agit de partager du contenu est également en cause : un sentiment d’illégitimité handicapant lorsqu’il s’agit de mettre en lumière son travail car de nombreux a priori genrés subsistent : </p>
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<p>« [C]ertains créateurs du milieu et public se permettent de dire que les créatrices féminines sont moins intéressantes que les hommes. »</p>
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<p>L’étude des communautés semble ici aussi nécessaire : pour qu’une chaîne ait de la visibilité, il lui faut marquer son public et une incarnation – tout simplement être visible à l’écran, donner un visage au contenu. Même si certaines vidéastes qui n’apparaissant pas à l’écran, comme Sarah de Videodrome, ont une communauté conséquente.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NnPRna8CSz0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La chaîne Demoiselles d’Horreur se consacre aux figures féminines du cinéma d’épouvante. Si l’on pense évidemment à quelques créatures mythiques comme Sadako dans <em>The Ring</em>, Judith se penche également sur les héroïnes aux prises avec les figures maléfiques, bien souvent relayées au second plan derrière leurs bourreaux.</span></figcaption>
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<h2>Troubles dans le genre ?</h2>
<p>Pour Judith de la chaîne « Demoiselles d’Horreur », consacrée aux figures féminines du cinéma horrifique, cela tient aussi, dans le même registre d’idées, à l’infantilisation de la femme qui a conduit au tropisme selon lequel la parole d’un homme est plus légitime :</p>
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<p>« Je pense donc qu’il y a un réflexe plus ou moins conscient et généralisé (et qu’il faut combattre) qui conduit à cliquer en premier sur des vidéos d’hommes. De la même manière, la société nous apprend tellement, à travers les représentations du quotidien, que “femme” = “sexe” ou “romance”, qu’on va d’abord les juger sur ce à quoi elles ressemblent avant de les écouter parler. »</p>
</blockquote>
<p>On retrouve ici la problématique de l’identification à la chaîne : se montrer, c’est s’exposer et parfois à des internautes toxiques et/ou entretenir l’idée selon laquelle une femme doit forcément se montrer, et si possible, être séduisante. Parmi les thématiques qui travaillent aussi la fiction, la façon de faire du cinéma et de mettre en scène les femmes, la notion de male gaze (l’objectivation d’un sujet qui devient alors objet au regard de la caméra) mérite également d’être évoquée. Judith Butler, en 1990, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/avoir-raison-avec/avoir-raison-avec-emission-du-mardi-21-juillet-2020">dans son essai <em>Gender Trouble</em></a>, soulignait déjà que le corps est systématiquement rattaché au féminin et l’esprit au masculin. Pour Judith, la Youtubeuse de « Demoiselles d’Horreur » :</p>
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<p>« Tout ça constitue des barrières très ancrées qui sont très difficiles à dépasser, justement parce que les gens n’en ont pas conscience et qu’ils ne veulent pas sortir de leur zone de confort. C’est tout simplement le cercle vicieux de toute la société qui se reflète sur YouTube comme partout ailleurs. Par copinage, certains vidéastes hommes sont solidaires entre eux sans se rendre compte qu’ils ont tendance à exclure les femmes comme dans la cour de récré, et ensuite disent que ce n’est pas leur rôle de nous mettre en avant, et qu’ils sont apolitiques. Mais du coup c’est beaucoup plus de l’invisibilisation active qu’une passivité apolitique. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rzuNHp50ik4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La chaîne Cinéma et Politique propose d’analyser de grandes thématiques sociales et historiques à travers des films afin de mettre en avant leur dimension politique.</span></figcaption>
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<p>La plate-forme synthétise et reproduit le phénomène d’invisibilisation qui peut en définitive être contré de la même façon que dans notre société : non seulement en offrant une part réelle à la parité avec des mises en avant des contenus de manière générale mais également par une solidarité collective. Youtubeurs et Youtubeuses cinéma travaillent de la même façon sur des contenus culturels qui leur sont propres et le partage doit alors prendre une tournure propre aux arts alchimiques : l’échange équivalent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Labrude ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les chroniqueuses cinéma sur YouTube sont nombreuses, mais leurs comparses masculins sont plus souvent mis en avant. Pourquoi ?Guillaume Labrude, Docteur en études culturelles, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1418102020-07-06T20:20:23Z2020-07-06T20:20:23ZLa critique cinéma française sur YouTube : un état des lieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/345038/original/file-20200701-159793-1c4zz44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Couverture Youtube</span> </figcaption></figure><blockquote>
<p>« Tout le monde a deux métiers : le sien, et critique de cinéma »</p>
</blockquote>
<p>Cette citation de François Truffaut dans <em>Les Cahiers du cinéma</em> n’a jamais semblé aussi vraie qu’au cours des dix dernières années : les chaînes YouTube se multiplient et chacun y va de son avis personnel sur les productions sorties en salles, sur les plates-formes de VOD et même parfois directement sur support physique.</p>
<p>En termes de succès public sinon critique, on dénombre en France quatre podcasteurs dominant le marché de la critique : <a href="https://www.youtube.com/user/Durendal1">Le Cinéma de Durendal</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/INTHEPANDA">Inthepanda</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/KarimDebbache">Karim Debbache</a> et <a href="https://www.youtube.com/user/deadwattsofficiel">Le Fossoyeur de films</a>.</p>
<p>Ils ont été parmi les premiers à investir ce créneau, ont su allier connaissances et talents oratoires et même parfois un peu de poil à gratter, notamment Durendal et sa fameuse rubrique <a href="https://www.youtube.com/watch?v=0_OMRTrPyBA">« Pourquoi j’ai raison et vous avez tort »</a> qui met en avant ses avis à contre-courant. Pourtant, ce quatuor exclusivement masculin n’est pas l’unique représentant de cette mouvance.</p>
<p>Au-delà de ces <em>Fab Four</em> du web, il existe d’autres Youtubeurs et Youtubeuses au succès plus mitigé mais à l’activité soutenue qui continuent, non pas de faire la pluie et le beau temps, mais bien de poursuivre une longue tradition franco-française, qui consiste à donner son avis sur tout et surtout son avis.</p>
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<figcaption><span class="caption">« La Manie du cinéma », une des rare Youtubeuses sur le sujet du cinéma.</span></figcaption>
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<h2>Ligue 2 : YouTube avant le cinéma</h2>
<p><a href="https://www.youtube.com/channel/UCReeyP-k8T1qT8PryFav_hg">Perle ou Navet</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCz0yrDEjbd68clSkcWbYXwA">Clapman</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/TheVNuggets">Valwho Artwork</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/Regelegorila">Regelegorila</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCZKa1gQ-VZgDOxWJojByXyQ">Dirty Tommy</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCJVtE8BwsjVxt6W-lTA-8sA">La Manie du Cinéma</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCEw1kZ_UNotqLEaW9dqPeVQ">The FilmTalker</a> : autant de chaînes et de profils différents qui se sont, pour certains et certaines, regroupés un temps sous la bannière du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NFziGniQ1J8">« Critique Cinematique Universe »</a>, un tir groupé autour de micros et de paquets de chips visant à ouvrir le débat sur certaines thématiques comme l’avait fait le podcast <a href="https://www.youtube.com/channel/UC38YBAhVBEDRmXSe1uCyNxg">NoCiné</a> avec quelques professionnels.</p>
<p>La référence au Marvel Cinematic Universe est évidente, pourtant la comparaison tient mieux avec le DC Extended Universe, son concurrent, qui a pendant plusieurs années cherché à rattraper son retard en brûlant les étapes : Clapman, Valwho, Regelegorila ou Dirty Tommy produisent bien souvent du contenu en tant que « personnalités de YouTube » plutôt qu’en tant que « critiques cinéma ».</p>
<p>Ces épisodes ont souvent pour objet des règlements de comptes face caméra sur ce qu’il se dit sur Twitter, sont parfois des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=r8w380cqQCI&t=212s">réponses aux « haters »</a> (des critiques n’acceptant finalement pas la critique) et des explications sur certains points qui sont reprochés aux Youtubeurs (Dirty Tommy <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ioBfa1NZ1F8&t=487s">vis-à-vis de son machisme notoire</a>).</p>
<p>Au final, rares sont ceux qui conservent envers et contre tout leur blason « cinéma » comme <a href="https://www.youtube.com/channel/UCoqv780OLddAx57X0PCoNbA">Les Séances de Marty</a>, dont le rendement est bien moindre mais offre des émissions bien plus travaillées, ou <a href="https://www.youtube.com/channel/UCMAOGbM65D7VzbVTmpKeKgQ">Le Ciné-Club de M. Bobine</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Règlements de comptes à KO Corral : quand la critique, l’analyse et, plus généralement, le cinéma passent au second plan.</span></figcaption>
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<p>Si l’erreur de certains fut parfois de jouer sur leurs personnages de Youtubeurs plutôt que sur l’analyse filmique, le bébé n’est pas pour autant à jeter avec l’eau du bain. Certaines propositions, bien plus longues à mettre en place et à produire, offrent de véritables moments de culture au public, que ce soit le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=HWavs-G3QGI&t=1009s">documentaire de Valwho sur Chris Pratt</a>, entre mise en abyme égocentrique et travail classique de documentariste, ou la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Zs_2lgDK8QQ">trilogie de Filmtalker</a> et <a href="https://www.youtube.com/channel/UCIuXzWHPFizzsGs2IS3Sf8g">Merej</a> consacrée à la carrière de Brian De Palma.</p>
<p>Les volontés de réalisation ne sont pas uniquement le propre de cette « Ligue 2 de la critique », Inthepanda s’étant déjà brillamment essayé à l’exercice avec sa trilogie finale consacrée à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XE_6E5BPHOg&t=2079s">Disney</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=sn9BSVTka2o&t=3026s">Burton</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=YWQptr5lPxE&t=6088s">Tarantino</a> (retraçant le cheminement émotionnel d’un cinéphile) ou ses films consacrés <a href="https://www.youtube.com/watch?v=CACgGim5Amg">au genre</a> ou à l’adaptation de mangas en Occident.</p>
<p>Avec une recherche moins frénétique de notoriété et d’inclusion dans le fameux « Youtube Game », ces quelques vidéastes pourraient reprendre le flambeau de leurs aînés qui, cependant, ne sont pas encore sortis de la boucle.</p>
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<figcaption><span class="caption">A l’occasion de la sortie d’<em>Alita : Battle Angel</em> (Robert Rodriguez, 2019), Victor Bonnefoy a transformé son interview de Christoph Waltz en documentaire sur les adaptations de manga par le cinéma occidental.</span></figcaption>
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<h2>Ligue 1 : vers l’infini et l’au-delà ?</h2>
<p>Les chaînes de Durendal (Timothée Fontaine), Inthepanda (Victor Bonnefoy), Karim Debbache (avec les programmes <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wCgs8edZGfE">Crossed</a> sur jeuxvideo.com et <a href="https://www.dailymotion.com/karimdebbache">Chroma</a> sur Dailymotion) et Le Fossoyeur de films (François Theurel) sont considérés encore aujourd’hui comme les plus influentes dans le cadre de la critique et de l’analyse cinématographique.</p>
<p>La première est extrêmement portée sur l’aspect technique voire technologique des films (étudiant en cinéma oblige), la seconde est davantage axée sur l’émotion et le ressenti du public, la troisième est un mélange d’humour absurde et d’érudition couplée à de fortes références théoriques et la dernière se développe avant tout sur le cinéma de genre avec un apport universitaire non négligeable (Theurel est docteur en information-communication après un <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00942685/document">doctorat sous la direction d’Emmanuel Ethis</a>).</p>
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<figcaption><span class="caption">Avec un financement participatif qui a explosé ses plafond, Karim Debbache, Jeremy Morvan et Gilles Stella ont donné naissance à Chroma, une série documentaire tintée d’humour et de fiction qui se propose de revenir sur des films parfois oubliés en traitant non seulement de leur contenu mais aussi de leur production et de leur réception. Une véritable référence pour tout cinéphile qui se respecte.</span></figcaption>
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<p>Si Durendal poursuit ses travaux critiques avec un débit assez soutenu en matière de publications de vlogs et autres vidéos thématiques, les trois autres semblent se focaliser sur un après qui souligne des ambitions plutôt enthousiasmantes.</p>
<p>S’il continue à écumer les festivals et à travailler sur des thèmes bien précis, délaissant quelque peu la vidéo critique pure et dure sur un film unique, Victor Bonnefoy a su s’entourer de quelques valeureux professionnels pour donner naissance à un podcast audio destiné à tous les amoureux et toutes les amoureuses du septième art – <a href="https://podcast.ausha.co/pardon-le-cinema">Pardon le cinéma</a> – entre analyse d’une actualité toujours généreuse et retour en arrière sur des films d’autrefois car, comme il le souligne toujours au grand dam de ses comparses « le cinéma se conjugue au présent mais aussi au passé ».</p>
<p>Debbache, lui, s’en est retourné écrire pour <a href="https://www.youtube.com/user/joueurdugrenier">Le Joueur du Grenier</a> après une (première ?) saison de Chroma adoubée par le public et François Theurel, alias le Fossoyeur, propose de son côté des séances en intérieur avec <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Zy8rcpiX3dY">« Cut »</a>, un concours de remontage particulièrement ludique inspiré de la chaîne anglo-saxonne <a href="https://www.youtube.com/user/CorridorDigital">Corridor Digital</a>, et des séances en extérieur avec « Les Virées cinéma » qui propose de partir à la découverte de certaines régions du monde dans lesquelles se sont tournées des œuvres majeures.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Les Virées cinéma », nouveau concept de François Theurel pour sa chaîne Le Fossoyeur de Films. Un épisode consacré à la Suisse, qui a accueilli bien plus de tournages qu’on ne le pense.</span></figcaption>
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<p>S’ils laissent à la « jeune génération » le champ libre pour faire leurs armes et apprendre le dur métier de critique, ces Youtubeurs qui ont démocratisé le concept se sont majoritairement tournés aujourd’hui vers des chemins différents sans pour autant délaisser le septième art qui innerve encore et toujours leur verve et leurs images.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Labrude ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tour d’horizon des différentes chaînes YouTube consacrées à la critique cinéma, des plus célèbres aux plus confidentielles.Guillaume Labrude, Docteur en études culturelles, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1397682020-06-10T18:18:25Z2020-06-10T18:18:25ZZététiciens et autres « debunkers » : qui sont ces vulgarisateurs 2.0 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/340929/original/file-20200610-34710-1pns0bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5472%2C3637&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jeune fille se filmant.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/makati-philippines-april-8-2018-camera-1066879841">Aldarinho/Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Quiconque s’intéresse à la vulgarisation scientifique sera sans doute familier des chaînes YouTube <a href="https://www.youtube.com/user/TroncheEnBiais/featured">La Tronche en Biais</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UC8Ux-LOyEXeioYQ4LFzpBXw/featured">Aude WTFake</a>, le <a href="https://www.youtube.com/channel/UCOuIgj0CYCXCvjWywjDbauw">Chat sceptique</a> ou encore <a href="https://www.youtube.com/user/SamuelBuisseret">Mr. Sam</a>. Si ces nouveaux venus de la communication scientifique s’avèrent souvent étrangers aux scientifiques des universités, ils se sont néanmoins rapidement imposés comme des acteurs de poids dans le paysage de la vulgarisation, s’appuyant notamment sur des communautés qui se comptent parfois en plusieurs centaines de milliers d’abonnés.</p>
<p>Leur point commun ? Pratiquer la « zététique ». Si ce néologisme fut introduit dans la langue française par <a href="http://sites.unice.fr/site/broch/broch.html">Henri Broch</a> pour désigner un scepticisme critique face aux phénomènes paranormaux, le sens du terme s’est rapidement élargi pour englober toute modalité d’application de la « méthode scientifique » – comprenant en particulier la pratique du doute raisonnable – à des sujets divers (allant de la vaccination au changement climatique en passant par le créationnisme).</p>
<p>La mission que se donnent les zététiciens du web est double. Dans un esprit constructif, l’enjeu de leur démarche consiste d’abord à éduquer à penser correctement, et cela en introduisant le public aux techniques d’autodéfense intellectuelle inspirées des sciences du langage, de la logique ou encore des mathématiques. Ensuite, de manière critique, il s’agira pour eux d’agir en « debunkers », c’est-à-dire, en substance, en pourfendeurs de mythes et autres croyances pseudoscientifiques à la fiabilité douteuse (comme celles selon lesquelles la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TG3l8N7f7kc">terre serait plate</a> ou le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IGh663zSdgw">vaccin contre l’hépatite B causerait la sclérose en plaques</a>).</p>
<p>Aujourd’hui, la zététique en ligne s’est érigée en un véritable marché, se jouant dans un microcosme d’acteurs en marge des institutions scientifiques conventionnelles. Si aucune étude n’est à ce jour disponible pour soutenir cette hypothèse, il y a fort à parier que cette vulgarisation 2.0 surpasse la vulgarisation traditionnelle en termes de captation d’audience, cela d’autant plus qu’elle s’invite aisément – et surtout gratuitement – chez les publics de tous âges (à titre indicatif, la seule chaîne <a href="https://www.youtube.com/user/fauxsceptique/about">Hygiène mentale</a> capitalise non moins de 325 000 abonnés).</p>
<p>Face à une telle montée en puissance, la question de la légitimité de l’approche ne peut être esquivée. S’il est vrai que la zététique en ligne n’est pas à l’abri de certaines dérives, <a href="https://theconversation.com/dossier-face-a-l-infodemie-des-cles-pour-aiguiser-lesprit-critique-des-jeunes-136131">à l’heure des infodémies</a>, la démarche se doit d’être louée et soutenue.</p>
<h2>Un déficit d’expertise ?</h2>
<p>La zététique exige une maîtrise des arcanes de la « méthode scientifique ». Au-delà du fait qu’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1949-8594.1996.tb10205.x">il est douteux qu’une telle méthode puisse être précisément délimitée</a>, on est en droit de s’interroger sur l’expertise particulière que les zététiciens du web auraient à cet égard. Si l’on se réfère en effet <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/episteme/article/democracy-public-policy-and-lay-assessments-of-scientific-testimony1/C96369F581A9091635E522D4ED671DBE">aux travaux de l’épistémologie du témoignage</a>, les indicateurs canoniques d’expertise – la compétence, l’honnêteté et la responsabilité épistémique – tourneraient rapidement au rouge.</p>
<p>En l’absence de formation ou de parcours professionnel orienté méthodologie ou, éventuellement, épistémologie, la plupart des zététiciens, lorsqu’ils ont un bagage scientifique, se révèlent souvent autodidactes. L’épineuse question de leur rémunération respire par ailleurs ce qui s’apparenterait, en science, au conflit d’intérêt, dans la mesure où celle-ci provient principalement de donations de fans envers lesquels une certaine complaisance se retrouve vite encouragée. En outre, aucun contenu zététique publié ne doit faire l’objet d’un processus de validation (qui serait par exemple l’analogue informel du <em>peer-review</em>). À ces indicateurs en faillite s’ajoute celui – pourtant crucial – du rattachement institutionnel (par exemple à une université ou une société savante), pourtant garant de ce <a href="https://www.cairn.info/sociologie-des-sciences--9782130588177-page-53.htm">scepticisme organisé constitutif de l’éthos scientifique</a>. À ce dernier égard, accorder sa confiance à un expert sans attache institutionnelle, sur le modèle d’un zététicien n’ayant de compte à rendre qu’à lui-même, <a href="https://www.pum.umontreal.ca/catalogue/experts-sciences-et-societes">peut se révéler hasardeux</a>.</p>
<p>Qu’on ne s’y trompe toutefois pas : le zététicien-type est le plus souvent compétent (car bien informé sur les sujets qu’il traite), honnête (car volontairement, en vertu de la nature même de sa pratique, anti-complaisant), responsable épistémiquement (car engagé dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iJR1YIBttew">constante autocritique</a>, parfois d’ailleurs renforcée par des échanges intracommunautaires en amont et en aval de toute publication) et, enfin, partie prenante d’une communauté veillant à la fiabilité de ses contenus (comme le <a href="https://www.cafe-sciences.org/">Café des sciences</a>, association loi 1901 fédéralisant les vulgarisateurs du web et établissant des exigences informelles de qualité). Cela étant, comme dans toute activité peu régulée, les dérives liées à l’absence de garantie d’expertise sont immanquables, et trouvent comme symptômes immédiats : erreurs factuelles, confusions conceptuelles et autres maladresses contre-productives.</p>
<h2>Dissiper le spectre du « retour de flamme »</h2>
<p>Plus dangereux sans doute pour l’esprit de toute l’entreprise est le risque d’un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11109-010-9112-2">effet « retour de flamme »</a>, conduisant les personnes adhérant à une croyance battue en brèche à y adhérer plus fortement encore face aux arguments contraires présentés. À l’aune d’un tel effet, particulièrement vif lorsque les croyances en jeu revêtent une certaine valeur émotionnelle, la zététique dans sa composante « debunking » encourt le risque de crisper plutôt que d’éduquer, ou de polariser plutôt que d’ouvrir à un dialogue constructif entre partis contraires. Une telle polarisation stérilisante se retrouve d’ailleurs exacerbée aussitôt que le <a href="https://www.rep.routledge.com/articles/thematic/charity-principle-of/v-1">principe de charité</a> se voit abandonné au profit d’une dialectique arrogante ou condescendante (pratique qui se révèle toutefois plutôt l’exception que la règle).</p>
<p>Cela étant, de récentes études viennent amoindrir la portée d’un tel risque, et pointent même en réalité dans la direction opposée. Ce à quoi la zététique entend précisément s’engager – à savoir présenter les faits contraires à une croyance donnée et mettre à jour les techniques rhétoriques fallacieuses pour la soutenir – <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-019-0632-4">se révèle constituer une approche efficace de lutte contre la désinformation</a>. Même plus, au regard de la problématique spécifique de la vaccino-hésitation, <a href="https://www.nature.com/articles/s41590-019-0488-9">il a été suggéré</a> que les approches « top-down » ou coercitives s’avèrent faiblement impactantes, alors même que se révèlent prometteurs les nouveaux modes de communication allant au-delà de la simple transmission d’informations, et ce au profit de l’établissement d’une relation de confiance et de proximité.</p>
<h2>De l’importance sociétale de la zététique en ligne</h2>
<p>Aussi longtemps que subsistera <a href="https://theconversation.com/dix-idees-fausses-que-se-font-les-scientifiques-de-la-vulgarisation-89191">l’image pernicieuse d’une vulgarisation vulgaire</a>, exhortant les scientifiques à déserter la place de marché socratique pour se murer dans le monde compétitif de leurs laboratoires, les zététiciens du web auront le mérite de participer de cette entreprise parfois ingrate qui consiste à s’exposer à la vindicte dans le but de mettre publiquement le nez des charlatans dans les insuffisances de leurs discours. À cet égard, ils demeurent un élément à chérir dans cette stratégie plus large qu’il incombe aux institutions de la science d’ériger contre la recrudescence des « fake news ».</p>
<p>Le récent « cas Raoult » est ici riche d’enseignements. Profitant d’un désalignement certain entre opinion publique et institutions scientifiques, l’infectiologue, à l’origine de maintes controverses, ne manqua pas de capitaliser sur une communication directe et percutante, en marge des canaux traditionnels, pour susciter un engouement mal avisé que les meilleurs billets d’humeur d’éminences scientifiques n’ont pu réussir à endiguer. À cet égard, en privilégiant un canal similaire et une communication accessible, les « debunkers » du web ont investi un espace médiatique quasiment déserté par l’institution scientifique pour participer à mettre en lumière, aux yeux d’un public très large, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=4bVQwJdwG5o">potentielles limites méthodologiques de la démarche entourant le truculent médecin marseillais</a>.</p>
<p>En parallèle à d’autres approches novatrices de la vulgarisation – qu’elles soient <a href="https://theconversation.com/debat-en-confinement-reinventons-la-vulgarisation-scientifique-135236">« confinées »</a>, articulées à la <a href="https://www.belial.fr/roland-lehoucq/faire-des-sciences-avec-star-wars_numerique">science-fiction</a>, l’<a href="https://theconversation.com/cosmos-artistes-et-scientifiques-a-la-conquete-de-linvisible-71247">art</a>, l’<a href="https://plus.lesoir.be/281339/article/2020-02-19/fake-news-et-culture-scientifique-une-recommandation">épistémologie</a> ou même les <a href="https://theconversation.com/scientific-game-jam-comment-mettre-la-science-en-jeu-81698">jeux vidéo</a> –, la vulgarisation 2.0 offerte par la zététique en ligne participe d’un mouvement de rapprochement entre science et grand public que les institutions de la science ne peuvent aujourd’hui ignorer.</p>
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<p><em>Je tiens à remercier Samuel Buisseret (alias Mr. Sam), Marie-Noëlle Maes, Marie-Françoise Meurisse et Karim Zouaoui Boudjeltia.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139768/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Sartenaer a reçu un financement du Fonds ISDT Wernaers (géré par le FNRS) dans le cadre de sa bourse bisannuelle de spécialisation en communication et vulgarisation scientifiques. </span></em></p>Plusieurs chaînes YouTube de vulgarisation scientifique s’appuient sur la zététique : la pratique du scepticisme ou doute raisonnable. Si les contenus sont en général de qualité, des limites existent.Olivier Sartenaer, Chercheur en communication et vulgarisation scientifiques (FNRS-ULB) / Chargé de cours en épistémologie (UCLouvain), Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1329202020-03-06T15:15:39Z2020-03-06T15:15:39ZDes filles et des jeunes femmes font de l’éducation sexuelle sur YouTube<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318907/original/file-20200305-106589-1e219b6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreuses filles et jeunes femmes qui offrent sur YouTube des vidéos sur le consentement sexuel tiennent compte des contextes culturel, juridique et politique. Ici, la youtubeuse Laci Green.</span> <span class="attribution"><span class="source">(YouTube/Laci Green)</span></span></figcaption></figure><p>L’éducation sexuelle demeure très politisée dans les écoles canadiennes, et ce sont les jeunes qui en paient le prix.</p>
<p>Au Québec, par exemple, le <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/enseignants/dossiers/education-a-la-sexualite/">programme d’éducation à la sexualité a été modifié à quelques reprises au cours des vingt dernières années</a>. Les enseignants et les écoles se sont souvent sentis <a href="http://dx.doi.org/10.3138/cjhs.243-C01">déconcertés quant à l’approche et aux directives de mise en œuvre</a> de ce cours. En Ontario, le programme d’éducation sexuelle <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/sex-education-ontario-canada-curriculum-1.4786045">dépend largement du climat politique</a>.</p>
<p>Dans de nombreuses salles de classe, des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14681811.2011.615606">facteurs tels que la formation inadéquate et l’inconfort des professeurs</a> ont une incidence sur les sujets abordés ou évités. Pour ces raisons, les jeunes n’obtiennent malheureusement pas toujours les renseignements dont ils ont besoin pour vivre des relations sexuelles saines et positives.</p>
<p>Pendant ce temps, les ressources en santé sexuelle abondent en ligne. Des études montrent que de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19317611.2013.823899">nombreux jeunes recherchent des informations sur la sexualité dans les espaces numériques</a>. Beaucoup des ressources présentées dans les plates-formes et réseaux sociaux participatifs sont produites par les jeunes, pour les jeunes. Les filles et les jeunes femmes y sont particulièrement actives en matière d’éducation sexuelle.</p>
<p>En tant que doctorante à l’Université McGill et enseignante en éducation sexuelle, j’ai eu le privilège d’observer comment les jeunes Youtubeurs parlent de violence sexuelle et de consentement, à la fois pour ma thèse et pour une <a href="https://www.berghahnjournals.com/view/journals/girlhood-studies/10/2/ghs100204.xml">recherche collaborative</a>. Dans le cadre de ces études, j’ai examiné différents vidéos et vlogues (ou blogues vidéo) sur YouTube publiés par des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=v7IL1gLZbR8&feature=youtu.be">jeunes de tous les sexes</a>, âgés de 14 à 30 ans.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TD2EooMhqRI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de Laci Green.</span></figcaption>
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<h2>L’éducation sexuelle par des Youtubeuses</h2>
<p>Les Youtubeuses de mon étude, dont des vlogueuses célèbres comme <a href="https://www.youtube.com/channel/UChZUCgX-hBXDpnpB8O1XQbA">Meghan Hughes</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/lacigreen">Laci Green</a> et <a href="https://www.youtube.com/user/hannahgirasol">Hannah Witton</a>, abordent diverses facettes du consentement et de la violence sexuelle. Ils vont au-delà du message simplifié « non, c’est non » et « oui, c’est oui » que véhicule l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14681811.2017.1393407">éducation au consentement</a>.</p>
<p>En plus de définir le consentement et l’agression sexuelle, de nombreuses filles et jeunes femmes de mes échantillons inscrivent ces concepts dans les contextes culturel, juridique et politique dans lesquels ils existent.</p>
<p>Voici qui est important : en étudiant la violence sexuelle avec cette large perspective, on arrive à mettre en lumière les mythes du viol ainsi que le phénomène de culpabilisation de la victime. Aider les jeunes à reconnaître les conséquences de la violence sexuelle et les structures et croyances sociales qui la sous-tendent est une étape positive vers la mise en place d’une culture du consentement.</p>
<p>J’ai constaté que des filles et jeunes femmes se tournent vers YouTube pour de nombreuses raisons, notamment pour s’exprimer, éduquer leur public et lui répondre, partager leurs récits et promouvoir le changement social. Dans leurs vidéos, plusieurs Youtubeuses que j’ai étudiées encouragent activement les gens à respecter le consentement sexuel, à soutenir les victimes et à lutter contre la culture du viol (au moment de voter, entre autres).</p>
<p>À la manière de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09589236.2016.1211511">jeunes militantes féministes dans d’autres espaces en ligne</a>, ces Youtubeuses se présentent comme des agentes de changement et utilisent leurs vastes réseaux pour faire bouger les choses (certaines ont des centaines de milliers d’abonnés). Le public qui écoute leurs vidéos peut découvrir les compétences et les connaissances nécessaires pour s’engager dans des relations saines et contribuer à prévenir la violence sexuelle.</p>
<p>J’ai constaté que ces filles et jeunes femmes abordent la question du consentement et de la violence sexuelle de façon créative et attrayante. Elles ont recours à des récits pleins d’émotion, des effets percutants, de la musique, un langage informel et des exemples tirés de la réalité des jeunes.</p>
<p>Les choix de production donnent une impression d’authenticité dans un mode conversationnel. Ces vidéos offrent un contenu ludoéducatif sur la sexualité, par leur combinaison d’éléments éducatifs et de divertissement, pour attirer le jeune public de YouTube.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vWU4bDYgwD8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de Pillow Talk.</span></figcaption>
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<h2>Les pièges de YouTube</h2>
<p>Il y a plusieurs avantages à s’informer sur YouTube : on y trouve un grand choix de vidéos, qu’on peut regarder n’importe quel jour à n’importe quelle heure et participer à des discussions. Cette accessibilité laisse aussi la porte ouverte à des gens au discours dangereux.</p>
<p>J’ai remarqué que certains Youtubeurs (hommes et femmes) perpétuent des stéréotypes néfastes et des informations erronées sur les victimes et la violence sexuelle. On lit souvent des commentaires de trolls. Dans les contes de fées, les trolls se cachent sous les ponts en attendant que passent des victimes potentielles ; dans les espaces numériques que j’ai étudiés, ils se cachent derrière le prétexte de la liberté d’expression et se moquent ouvertement des Youtubeuses, des femmes en général et des féministes.</p>
<p>Cela n’a rien de surprenant, car il est bien connu qu’Internet peut être un espace dangereux pour les filles et les femmes. <a href="https://doi.org/10.1215/9781478002772">Sarah Banet-Weiser</a>, professeure de médias et communications à la London School of Economics, décrit à juste titre le féminisme et la misogynie populaires comme des idéologies qui se font une guerre, dont les espaces numériques constituent l’un des champs de bataille. YouTube ne fait pas exception à la règle.</p>
<p>Le public doit être conscient de la nature commerciale de YouTube. Comme le souligne Sophie Bishop, chercheuse et conférencière, dans son étude sur les vlogueuses beauté, à cause de son <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1354856517736978">« économie politique algorithmique »</a>, YouTube donne priorité aux vidéos jugées plus viables sur le plan commercial. Certaines célébrités de YouTube sont soutenues financièrement par des entreprises, tandis que d’autres recherchent des commanditaires ; ces deux facteurs peuvent influencer le contenu et le style des vidéos. Les algorithmes empêchent également la diversité des voix.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/h6sk1usAu00?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de Meghan Hughes.</span></figcaption>
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<h2>Soutenir la jeunesse</h2>
<p>Les parents peuvent aider les jeunes à naviguer sur YouTube et ailleurs. Voici différentes manières qui permettront à vous et à votre enfant de jouer un rôle important dans la prévention de la violence sexuelle et la promotion de la culture du consentement :</p>
<p><strong>Posez des questions et écoutez.</strong> Montrez de l’intérêt pour ce que les jeunes regardent, sans porter de jugement. En prenant le temps de les écouter parler des espaces où ils sont actifs, vous pourrez créer la confiance nécessaire pour discuter des messages auxquels ils ont accès.</p>
<p><strong>Aidez vos enfants à développer une littératie numérique et une attitude critique face aux médias</strong>. Nous ne pouvons pas contrôler ce qui se dit sur Internet. Cependant, nous pouvons apprendre aux jeunes à être critiques à l’égard des messages partagés sur les médias et à devenir des producteurs de contenu responsables. <a href="https://habilomedias.ca/">HabiloMédias</a> offre des conseils aux parents.</p>
<p><strong>Parlez des trolls.</strong> Les jeunes connaissent leur existence. Il peut toutefois être utile de discuter de la façon de traiter les commentaires haineux en ligne. Il n’y a pas de solution parfaite : en <a href="https://habilomedias.ca/faire-face-haine-sur-internet-page-portail">savoir plus à ce sujet peut être un bon début</a>.</p>
<p><strong>Préparez-vous à avoir des conversations sur la sexualité et la violence sexuelle.</strong> Si vous êtes à l’aise pour parler de consentement et de sexualité, ayez des échanges <a href="https://canadianwomen.org/blog/five-ways-parents-can-teach-healthy-relationship-skills/">ouverts, sans porter de jugement</a>. Si vous n’êtes pas à l’aise, ou si vous savez que vos opinions ne sont pas tout à fait saines, aidez votre enfant à trouver des ressources (<a href="https://www.teljeunes.com/Tel-jeunes/Tous-les-themes/Sexualite?fbclid=IwAR0cBE4GXX6-WOk20R16wf2vlrWbissT_4TVfxEb9u7pTxlsDbn9UXwWdJo">telles que Tel-Jeunes</a>) et une personne de confiance à qui il peut parler (un membre de la famille, un ami ou un organisme communautaire local).</p>
<p><strong>Renseignez-vous et soyez prêt à « désapprendre »</strong>. Les mythes sur les violences sexuelles, la culpabilisation de la victime et d’autres perceptions qui sont préjudiciables aux survivants sont véhiculés dans tous les types de médias et de plates-formes. <a href="http://www.cpivas.com/mythes-et-prejuges-cpivas.html">Apprenez à les connaître</a> et réfléchissez aux moyens de cultiver des valeurs et des croyances positives qui favorisent des relations saines et une culture du consentement.</p>
<p>Gardez l’esprit ouvert ! Cela peut nécessiter de remettre en question vos attitudes, vos présomptions et vos comportements. Vos conversations vous feront découvrir les réalités sociales et culturelles dans lesquelles les jeunes évoluent chaque jour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132920/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La recherche doctorale de Chloe Krystyna Garcia a été principalement financée par le Fonds de recherche du Québec et les IMPACTS : Collaborations pour lutter contre la violence sexuelle, projet de partenariat. Elle a également reçu la bourse Jackie Kirk en 2018-2019.</span></em></p>Les youtubeuses abordent diverses facettes du consentement et de la violence sexuelle.Elles pallient ainsi les lacunes de l'éducation sexuelle dans les écoles.Chloe Krystyna Garcia, Instructor, Integrated Studies in Education, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1282562019-12-03T17:19:28Z2019-12-03T17:19:28ZAlex, 10 ans : « Comment les YouTubeurs gagnent de l’argent ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304974/original/file-20191203-67011-uiheyq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C215%2C886%2C602&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quand tu regardes un vidéo, tu peux faire gagner de l'argent aux YouTubeurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://cdn.pixabay.com/photo/2016/08/23/15/12/youtube-1614709_960_720.png">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Comme des centaines de millions de personnes dans le Monde, tu utilises probablement la plate-forme YouTube pour regarder des vidéos de tes artistes préférés. Tu es d’ailleurs très certainement abonné à plusieurs chaînes qui te permettent de suivre les nouvelles créations de ces personnes que l’on appelle les « YouTubeurs », c’est-à-dire des personnes qui produisent pour la plate-forme des tas de contenus vidéo réguliers dans plein de domaines qui t’intéressent.</p>
<p>Il faut que tu saches que la très grande majorité de ces YouTubeurs ne gagne pas d’argent et ne fait des vidéos que pour s’amuser, apprendre à communiquer ou essayer de se faire connaître. Quelques-uns d’ailleurs y parviennent et deviennent de véritables « stars » de YouTube. Tu dois sûrement connaître l’humoriste Norman, PewDiePie qui filme et commente ses parties de jeu vidéo, l’experte en mode et beauté EnjoyPhoenix, ou encore Néo et Swan qui se font filmer tandis qu’ils déballent et testent de nouveaux jouets. Ces stars ont trois moyens de gagner beaucoup d’argent grâce à YouTube, et voici comment ils s’y prennent.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DHwsncPDGbo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« On déballe nos calendriers de l’avent ! », Neo & Swan.</span></figcaption>
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<p>Tu ne le sais peut-être pas, mais YouTube est la propriété de l’entreprise Alphabet (à qui appartient Google) qui a pour métier de vendre des espaces publicitaires pour toutes les marques comme M&Ms, Nike ou Nintendo qui veulent faire connaître leurs produits. Or, YouTube est le deuxième site Internet le plus fréquenté au Monde. Cela en fait une des plus grandes vitrines publicitaires qui soit.</p>
<p>En conséquence, les marques paient YouTube pour que leurs propres vidéos publicitaires soient visionnées juste avant les vidéos de tes YouTubeurs préférés. Et comme YouTube a besoin des YouTubeurs pour créer de nouvelles vidéos, il leur redistribue une partie de l’argent de la publicité. En moyenne, à chaque fois qu’une vidéo est vue 1 000 fois, le YouTubeur gagne environ 60 centimes d’euro. On estime alors que la seule vidéo « Luigi clashe Mario » de Norman, qui a totalisé près de 79 millions de vues depuis sa publication, lui aurait rapporté plus de 47 000 euros.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GP7aP67qQjQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Luigi bashes Mario », Norman fait des vidéos.</span></figcaption>
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<p>Tu as dû le remarquer, les pages des YouTubeurs stars affichent le nombre de leurs abonnés et le nombre de fois où chaque vidéo a été vue. Cela montre combien ils sont populaires. Comme ils sont appréciés par beaucoup de fans, les marques peuvent avoir envie de travailler directement avec eux. Les marques cherchent toujours à faire connaître leurs produits, mais cette fois-ci en les faisant apparaître (ou prononcer) directement dans la vidéo du YouTubeur. Si le YouTubeur accepte, il sera d’une façon ou d’une autre récompensé par la marque pour la visibilité qu’il lui apporte auprès des fans (par de l’argent et/ou des produits gratuits). C’est pourquoi on appelle souvent ces YouTubeurs des « influenceurs », car ils ont la capacité d’influencer les actes d’achat de leurs fans.</p>
<p>Enfin, les YouTubeurs profitent parfois de leur popularité acquise sur YouTube pour gagner de l’argent en dehors de la plate-forme. Des artistes comme Norman ou Cyprien organisent des spectacles. Squeezie a lancé sa marque de vêtements, et Sananas sa marque de cosmétiques. Pour eux, YouTube a surtout été un tremplin pour se faire connaître, et pour gagner de l’argent grâce à d’autres activités.</p>
<p>En lisant tous ces exemples de réussites, tu te dis peut-être que c’est facile de gagner beaucoup d’argent grâce à YouTube. Détrompe-toi ! Pour un PewDiePie qui aurait gagné 15 millions de dollars en 2016, combien de millions de YouTubeurs resteront à jamais dans l’anonymat et ne pourront jamais gagner leur vie de cette activité ? La concurrence est très forte pour se faire connaître et, même si tu as du talent à revendre, il te faudra beaucoup de travail et un zeste de chance pour devenir un YouTubeur star. Mais si c’est ton rêve, et que tu as lu attentivement cet article, alors tu sauras déjà comment gagner de l’argent grâce à tes vidéos. Sans oublier, bien sûr, de bien t’amuser !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un.e scientifique pour te répondre.</em></p>
<p><em>Illustration : <a href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128256/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Sur les millions de YouTubeurs que compte la plate-forme, seuls quelques uns arrivent à gagner de l’argent voire vivre de leur passion. Voici comment.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1227282019-10-02T17:53:39Z2019-10-02T17:53:39ZPas besoin d’être canon pour devenir une influenceuse beauté !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294074/original/file-20190925-51425-19iyeac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C8%2C994%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les influenceuses beauté sont suivies par des millions de fans sur les réseaux sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jacob Lund / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’engouement autour des médias sociaux (réseaux sociaux numériques, blogs, wikis, jeux en ligne, etc.) est sans doute l’un des phénomènes sociétaux les plus marquants du début du XXI<sup>e</sup> siècle. De larges communautés à la fois virtuelles et réelles se constituent autour de ces espaces de communication médiée. On dénombrait par exemple plus de <a href="https://www.statista.com/statistics/264810/number-of-monthly-active-facebook-users-worldwide/">2,41 milliards d’utilisateurs actifs</a> par mois au second semestre 2019 rien que pour le réseau social Facebook.</p>
<p>De la masse d’utilisateurs des réseaux sociaux, certains profils émergent et se distinguent par le rôle d’influence qu’ils jouent sur les autres. On retrouve ces influenceurs dans le monde politique, journalistique et dans tous les secteurs marchands : des produits de consommation courante aux produits de luxe, en passant par les sports, le tourisme, l’art de vivre et les jeux. Il y a des influenceuses et des influenceurs partout et pour tout.</p>
<p>Mais y a-t-il un profil d’influenceurs à succès ? Et quelles sont les caractéristiques qui les ont aidés à émerger de la masse ? Nous avons cherché à le savoir en menant une <a href="https://doi.org/10.1016/j.jretconser.2019.01.011">recherche</a> sur les influenceuses beauté, ce secteur étant parmi les premiers à avoir intégré le marketing d’influence dans les stratégies de communication digitale.</p>
<h2>L’attractivité physique non significative</h2>
<p>Nous avons mesuré et comparé l’impact du contenu produit par trois influenceuses parmi les plus populaires en France dans ce domaine : <a href="https://www.youtube.com/user/EnjoyPhoenix">EnjoyPhoenix</a>, <a href="https://www.youtube.com/channel/UCVoDMXLU_UNpljm83m-Ds4w">Sananas2016</a> et <a href="https://www.youtube.com/channel/UCN3ddwDWUTdvHEXsn5qAj4A">Georgia Horackova</a>, qui sont suivies par plusieurs centaines de milliers de fans sur le réseau social Instagram ou encore sur la plate-forme de vidéos YouTube.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BIll86myLuk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« MES 8 PLAISIRS COUPABLES… », vidéo d’Enjoy Phoenix vue plusieurs centaines de milliers de fois en quelques jours (septembre 2019).</span></figcaption>
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<p>Pour cela, nous avons modélisé les effets des facteurs liés à l’attractivité physique, l’attractivité sociale et l’homophilie sociale, c’est-à-dire la propension à se rapprocher d’individus perçus comme étant des semblables ou des pairs. Nous avons ensuite mesuré l’impact de ces trois effets sur le degré de proximité entre un communicant et son public (l’interaction para-sociale), et sur la confiance qu’inspire l’influenceur à son audience et son expertise du domaine, c’est-à-dire sa crédibilité.</p>
<p>Il ressort d’abord de notre étude que ce n’est pas l’attractivité physique qui permet de devenir influenceuse. La beauté ne semble avoir aucun impact sur la crédibilité ou l’interaction para-sociale qui sont eux, comme nous le verrons par la suite, des éléments décisifs. Ce résultat, pour le moins contre-intuitif, signifierait donc que l’apparence physique est loin de constituer le principal atout dans la mécanique de l’influence liée aux produits cosmétiques et de beauté.</p>
<p>L’attractivité physique n’est ainsi pas retenue comme facteur significatif pour EnjoyPhoenix et Sananas2016. Elle affecte même négativement l’interaction para-sociale pour Georgia Horackova, perçue comme la plus « sophistiquée » des trois influenceuses.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/BwpXlDCHds_","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>En revanche, Georgia Horackova est reconnue comme crédible dans son rôle de coach sportif et d’art de vivre, ce qui explique son succès. C’est en effet la crédibilité qui affecte le plus significativement l’impact des contenus mis en ligne par ces influenceuses. Lorsqu’elles mettent en avant un produit en particulier, cette crédibilité peut alors favoriser l’intention d’achat chez les fans.</p>
<h2>De nouvelles égéries pour les marques</h2>
<p>L’analyse textuelle que nous avons menée par la suite sur les contenus générés par les utilisateurs (UGC) appartenant aux communautés étudiées soulignent également l’importance de l’interaction para-sociale, la proximité perçue entre l’influenceuse et son public. Selon nos conclusions, seuls les profils perçus comme proches des consommateurs, à la fois dans l’apparence et dans le mode vie, semblent les plus attirants et les plus à même de construire des liens de confiance durables avec leurs communautés.</p>
<p>Le cas d’EnjoyPhoenix confirme le poids de ces différents facteurs. Il s’agit en effet de l’influenceuse française qui génère, selon nos résultats, le plus d’interaction para-sociale, de crédibilité et d’intention d’achat. Or, c’est également celle qui compte le plus de fans, avec plus de 3,6 millions d’abonnés à sa chaîne YouTube.</p>
<p>Le temps où seuls les top models à l’esthétique parfaite peuvent jouer le rôle d’ambassadeurs des grandes marques de beauté semble donc désormais révolu. Les marques ne s’y sont d’ailleurs pas trompées, à l’image de Sanasas2016 qui, au-delà de son activité en ligne, est devenue l’égérie d’une marque de crème de beauté.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/B2hRV2Jo6Bm","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122728/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Bien plus que l’apparence physique, la crédibilité et la proximité perçue avec la communauté expliquent le succès de ces stars des réseaux sociaux.Hajer Kefi, Full Professor, PSB Paris School of BusinessKarina Sokolova, Associate professor, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1193442019-07-21T22:55:56Z2019-07-21T22:55:56ZDirective droit d’auteur sur Internet : un filtrage « proportionné » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285015/original/file-20190721-116539-1fm55j6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelle liberté pour les utilistaeurs de YouTube ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/search/photos/youtube">rachit tank / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Il ne fait plus de doute que la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32019L0790">nouvelle directive européenne sur le droit d’auteur</a> impose un filtrage préalable des contenus uploadés sur les plateformes, en dépit de nombreux démentis durant le processus législatif, comme nous l’avons vu <a href="https://theconversation.com/la-directive-europeenne-sur-le-droit-dauteur-impose-t-elle-le-filtrage-des-contenus-117035">dans un précédent article</a>.</p>
<p>Toutefois, sur le plan juridique, un important débat reste ouvert : cette obligation implicite de filtrage imposée par <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32019L0790#d1e1475-92-1">l’article 17</a> (ancien <a href="https://www.youtube.com/watch?v=nKdGM4ZRI8w">article 13</a>), constitue-t-elle une mesure proportionnée, réalisant un « juste équilibre » entre droits fondamentaux, dont la liberté d’expression ? Autrement dit, les garanties et limites assorties à cette mesure suffiront-elles à satisfaire aux exigences des cours européennes ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-directive-europeenne-sur-le-droit-dauteur-impose-t-elle-le-filtrage-des-contenus-117035">La directive européenne sur le droit d’auteur impose-t-elle le filtrage des contenus ?</a>
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<h2>Des garanties effectives ?</h2>
<p>Pour rappel, l’art. 17 de la directive prévoit que les plateformes commerciales de partage de contenu (comme Youtube, Instagram, ou Facebook) devront négocier des accords de licence avec tous les ayants droit des œuvres protégées qui pourraient y être uploadées, et à défaut d’accord, devront faire leurs « meilleurs efforts » pour assurer « l’indisponibilité » sur leurs services des œuvres non couvertes. Ce qui revient à imposer à ces plateformes une obligation implicite de filtrage algorithmique.</p>
<p>Mais, pourrait-on objecter, ce filtrage n’est-il pas encadré par suffisamment de garde-fous pour lever les inquiétudes face aux risques de suppressions abusives ? </p>
<p>Ainsi, le paragraphe 7 de l’article 17 prévoit explicitement que le dispositif prévu par la directive ne doit pas conduire à empêcher les utilisations légitimes, comme l’exercice des exceptions de citation et de parodie.</p>
<p>Toutefois, ce paragraphe 7 ne prévoit aucune sanction en cas d’empêchement de mise en ligne de contenu ne portant pas atteinte au droit d’auteur, et reste essentiellement au niveau de la déclaration d’intention. Il y a fort à craindre qu’il connaisse le même sort que d’autres mesures du même genre, comme la clause de sauvegarde prévue à l’article 6.4 de la précédente directive droit d’auteur (dite « Infosoc »), visant à prévenir que des mesures techniques anticopies (les « DRM ») n’empêchent l’exercice des exceptions au droit d’auteur. La formulation byzantine de cette clause de sauvegarde avait conduit à en faire <a href="https://www.communia-association.org/2017/10/11/european-parliament-talking-drm-right-now/">une mesure largement ineffective</a>, n’offrant aucune protection réelle aux utilisateurs.</p>
<p>Que penser alors du paragraphe 9, qui prévoit un mécanisme de « plaintes et de recours rapide et efficace » contre les décisions de retrait ou blocage, et un droit à un contrôle humain des décisions de blocage ou de retrait ?</p>
<p>Notons d’abord qu’un mécanisme de recours similaire existe déjà en droit américain depuis 1998, avec une efficacité plutôt douteuse : comme l’ont montré <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2755628">de nombreuses</a> <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3214214">études</a>, les utilisateurs n’exercent que très rarement leur faculté de recours face à une décision de blocage, soit par manque d’information, soit par crainte de suites judiciaires. En outre, même si on pouvait rendre ce mécanisme de recours effectif, il ne constituerait toujours qu’un remède <em>curatif</em>. Le dispositif de l’article 17 n’en demeurerait pas moins une restriction <em>préventive</em> à la liberté d’expression, dont les éventuels dommages collatéraux ne pourront être corrigés qu’a posteriori, souvent trop tard. Une telle mesure, comme toute mesure préventive, fait peser sur les épaules de l’utilisateur le poids de l’inertie du censeur. </p>
<p>Plus fondamentalement, toutes ces garanties ne changent rien au déséquilibre qui affectent structurellement les décisions des intermédiaires d’Internet face aux demandes de retrait par les ayants droit : les plateformes ayant plus à craindre des poursuites judiciaires des ayants droit que de la frustration de leurs utilisateurs, elles auront forcément tendance de pencher plutôt pour l’excès de zèle que pour un délicat examen de chaque cas particulier. <a href="https://www.law.upenn.edu/journals/lawreview/articles/volume155/issue1/Kreimer155U.Pa.L.Rev.11(2006).pdf">Comme certains l’ont montré</a>, les intermédiaires sont le « maillon faible » dans la protection de la liberté d’expression. Il y a fort à craindre que ces mesures de garanties ne restent que des déclarations sans doute bien intentionnées, mais déconnectées d’une réalité critiquée depuis déjà par une <a href="https://digitalcommons.law.scu.edu/chtlj/vol22/iss4/1/">quinzaine d’années de littérature</a> <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2755628">sur les retraits de contenu</a> <a href="https://scholarship.law.nd.edu/ndlr/vol87/iss1/6/">par les intermédiaires d’Internet</a>.</p>
<h2>Un filtrage proportionné ?</h2>
<p>Reste la question de savoir si le recours à cette obligation (implicite) de filtrage constitue une limitation proportionnée aux droits fondamentaux protégés par le droit européen. La question sera centrale aux recours qui seront vraisemblablement intentés à l’encontre de la directive auprès des cours européennes. </p>
<p>Au minimum, l’article 17 constitue une restriction à la liberté d’expression des utilisateurs (restriction préventive due aux filtres d’upload), et la liberté d’entreprise des opérateurs de plateformes (obligation implicite de mettre en place des filtres d’upload). Les objectifs poursuivis sont la protection des droits de propriété intellectuelle, et l’objectif de « réaliser un marché performant et équitable pour le droit d’auteur » (en encourageant à la conclusion d’accords de licence entre plateformes et ayants droit).</p>
<p>Si l’on s’inspire des standards européens de protection des droits fondamentaux (Cour de justice de l’UE et Cour européenne des droits de l’homme), le législateur ne peut imposer une restriction à un droit fondamental que si celle-ci est <em>proportionnée</em> à l’objectif poursuivi : ce test de proportionnalité implique notamment de vérifier s’il existait une voie moins attentatoire aux droits fondamentaux, ainsi que de mettre en balance l’étendue du bénéfice attendu et du dommage causé au droit fondamental. </p>
<p>L’article 17 satisfait-il à ce test de proportionnalité ? Deux difficultés semblent se poser.</p>
<p>Premièrement, il semble clair qu’il existait d’autres voies moins attentatoires pour réaliser les objectifs poursuivis par la directive (protéger les droits de propriété intellectuelle, ainsi que de « réaliser un marché performant et équitable pour le droit d’auteur »). En effet, plutôt que d’utiliser les filtres d’upload comme levier pour inciter les plateformes à négocier des accords de licence avec les ayants droit, une solution plus directe aurait été d’imposer une licence légale (similaire à celle applicable en matière de radiodiffusion) pour la diffusion des œuvres protégées sur les plateformes commerciales en ligne : ainsi, le législateur autoriserait de manière générale la diffusion de certains types d’œuvres (par exemple les œuvres musicales) sur les plateformes en ligne, en contrepartie d’une rémunération équitable au bénéfice des ayants droit. </p>
<p>De cette manière, les plateformes ne seraient plus soumises à l’obligation très exigeante de faire leurs « meilleurs efforts » pour négocier des accords de licence avec tous les ayants droit, et surtout les filtres d’upload ne seraient plus nécessaires. Notons qu’on peut également concevoir des alternatives plus souples, comme <a href="http://www.crid.be/pdf/public/6836.pdf">le modèle de la gestion collective obligatoire</a>, ou des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1535230">licences collectives étendues mises en œuvre dans les pays nordiques</a>.</p>
<p>C’est d’ailleurs une proposition de ce genre que le CDU allemand a récemment proposé, à la surprise générale (et sans doute sous la pression populaire), dans <a href="https://www.cdu.de/artikel/kompromiss-zum-urheberrecht-keine-uploadfilter">un « compromis » pour la transposition nationale de la directive</a>, qui garantirait l’absence de filtre d’upload, et proposerait à la place une « licence forfaitaire juridiquement contraignante » permettant de rémunérer les auteurs ; une proposition qui s’est toutefois déjà attirée <a href="https://www.politico.eu/pro/gunther-oettinger-eu-copyright-rules-interview/">les critiques du Commissaire européen Günther Oettinger</a> (également membre du CDU).</p>
<p>Deuxièmement, du point de vue de la mise en balance et de la recherche d’un « juste équilibre » entre bénéfices et dommages de la mesure prévue à l’article 17 pour les droits fondamentaux, il y a également de quoi être sceptique.
En ce qui concerne la limitation à la liberté d’expression, une difficulté majeure est que les limitations préventives sont les mesures les plus radicales que l’on puisse prendre en matière de liberté d’expression, qui appellent le contrôle le plus scrupuleux de la part des cours ; le fait qu’un tel filtrage risque de ne pas être capable de faire la distinction entre utilisations licites et illicites semble aggraver l’étendue de l’atteinte à la liberté d’expression.
Concernant la limitation à la liberté d’entreprises des opérateurs des plateformes, c’est paradoxalement l’obligation prévue au paragraphe 7 de ne « pas empêcher » les utilisations légitimes lors de la mise en œuvre de l’obligation implicite de filtrage, qui rend d’autant plus complexes et coûteuses les obligations imposées aux plateformes, et donc l’atteinte au droit fondamental. Sans compter l’obligation de fournir leurs « meilleurs efforts » pour conclure des accords de licence avec les ayants droit de toutes les œuvres susceptibles d’être uploadées.</p>
<p>Dès lors, pour défendre la proportionnalité de l’article 17, il faudra pouvoir contrebalancer ces limitations très fortes aux droits fondamentaux (liberté d’expression et liberté d’entreprise) par des bénéfices particulièrement importants du point de vue des objectifs poursuivis par la directive. On peut se demander si les bénéfices du point de vue de la protection des droits de propriété intellectuelle (marginal par rapport aux mesures existantes pour lutter contre les atteintes aux droits) ou du pouvoir de négociation accru des ayants droit face aux plateformes suffiront vraiment à satisfaire à ce test.</p>
<p>En conclusion, il y a de bonnes raisons de douter que les garanties et exceptions dont est assorti cet article 17 de la directive seront suffisantes pour que les mesures préventives et restrictions aux droits fondamentaux qu’il implique puissent satisfaire à l’exigence de proportionnalité et de « juste équilibre » requise par la justice européenne. Vu les nombreuses difficultés juridiques que ne manqueront pas de susciter la transposition et l’application de ce texte, ainsi que les risques pour la protection des droits fondamentaux (et en particulier la liberté d’expression), on peut se demander si le jeu en valait vraiment la chandelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119344/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxime Lambrecht est membre de Creative Commons Belgium. </span></em></p>Assurer une juste rémunération des auteurs sur internet sans pour autant empêcher la liberté des utilisateurs. La nouvelle directive européenne réussit-elle le pari ?Maxime Lambrecht, Professeur invité, chercheur en éthique et en droit d'Internet, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1164332019-05-05T19:44:18Z2019-05-05T19:44:18ZPodcast : Quelle place pour Deezer dans le concert mondial du streaming ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272174/original/file-20190502-103060-nh3xkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=176%2C47%2C821%2C579&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2018, le marché du streaming musical a dépassé celui de la musique physique en France pour la première fois.
</span> <span class="attribution"><span class="source">MichaelJayBerlin / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Après plusieurs années de repli ininterrompu, la tendance semble bel et bien inversée sur le marché français de la musique. Le streaming musical, cette capacité à monétiser un service de lectures illimitées de titres stockés sur des serveurs distants, est la raison de ce rebond. Deezer profite bien entendu de ce contexte favorable, même si la licorne française a encore de nombreux défis à relever pour consolider sa place dans un paysage concurrentiel complexe…</p>
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<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>Le marché français de la musique enregistrée en France</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/272177/original/file-20190502-103045-13477ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272177/original/file-20190502-103045-13477ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272177/original/file-20190502-103045-13477ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272177/original/file-20190502-103045-13477ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272177/original/file-20190502-103045-13477ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272177/original/file-20190502-103045-13477ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272177/original/file-20190502-103045-13477ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272177/original/file-20190502-103045-13477ty.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/bilan-2018-du-marche-de-la-musique-enregistree/"> SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique), 2018.</a></span>
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<p><strong>L’écrasante domination de YouTube</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/272181/original/file-20190502-103060-zbcs1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272181/original/file-20190502-103060-zbcs1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272181/original/file-20190502-103060-zbcs1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272181/original/file-20190502-103060-zbcs1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272181/original/file-20190502-103060-zbcs1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272181/original/file-20190502-103060-zbcs1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272181/original/file-20190502-103060-zbcs1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272181/original/file-20190502-103060-zbcs1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pénétration et pratiques commerciales des principaux services de streaming.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Information is beautiful</span></span>
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<p><strong>Étude de cas : le streaming peut-il rapporter aux artistes ?</strong></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"984086173210509314"}"></div></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p><em>« C’est dans la boîte ! », le podcast de la stratégie d’entreprise signé The Conversation France, vous propose l’étude de cas d’une multinationale bien connue des consommateurs et des citoyens. Julien Pillot, enseignant-chercheur à l’INSEEC School of business and economics, et Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise, vous donnent rendez-vous deux fois par mois pour décrypter les aspects stratégiques les moins visibles… qui sont aussi les plus essentiels !</em></p>
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<p><em>Retrouvez tous les épisodes précédents sur <a href="https://theconversation.com/fr/podcasts/strategie-entreprise-etude-cas-numerique-podcast">The Conversation France</a>, <a href="https://www.deezer.com/fr/show/345262">Deezer</a> et <a href="https://open.spotify.com/show/6IBNs4HbMEmLbrQuzgDFpx">Spotify</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116433/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Lorsque l’on évoque le marché de la musique en ligne, on pense immédiatement au duel Spotify-Deezer. Mais le paysage concurrentiel reste nettement plus complexe…Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1142472019-04-03T20:25:31Z2019-04-03T20:25:31ZQuand le corps mort devient objet érotique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/266630/original/file-20190330-70982-19ktpm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C19%2C1189%2C772&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La _Venerina_, au Musée du Palazzo Poggi, Bologne du sculpteur Clemente Susini. Ce type d'objet suscite les passions.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Clemente_Susini#/media/File:Museo_Palazzo_Poggi.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>L’exposition <a href="https://descartesinfo.parisdescartes.fr/chronique-de-la-thanatopraxie-exposition-au-musee-dhistoire-de-la-medecine/">« Chroniques de la thanatopraxie »</a> a pris fin le 28 mars 2019 au Musée d’histoire de la Médecine de l’Université Paris Descartes. L’occasion pour la thanato-archéologue et ethnologue Jennifer Kerner – <a href="https://www.youtube.com/channel/UC7ktqoCpxEbP9TV-xQLTonQ">qui anime la chaîne YouTube « Boneless »</a> – de revenir sur un outil très particulier mais essentiel aux pratiques de l’embaumement : la cire anatomique. Décryptage en texte et vidéo.</em></p>
<hr>
<p>Ouvrir le corps du mort pour atteindre la compréhension des phénomènes naturels nous semble être un geste transgressif. Une transgression que l’homme n’a pas mis longtemps à dépasser cependant, puisque les preuves archéologiques nous permettent de dater la toute première nécropsie du <a href="https://www.hominides.com/html/actualites/neolithique-aube-medecine-occidentale-0699.php">Néolithique</a>…</p>
<p>À en juger par la dextérité des médecins de la Préhistoire, qui pratiquaient aussi bien les <a href="https://www.inrap.fr/la-medecine-prehistorique-6609">amputations que les trépanations</a>, le savoir médical a été transmis de génération en génération bien avant l’invention de l’écriture. Dès l’apparition de celle-ci, on voit se multiplier les mentions de maladie et leurs remèdes, dont l’aboutissement sont les grands textes médicaux antiques et médiévaux que nous connaissons bien avec leurs illustrations parfois fantaisistes pour le médecin moderne…</p>
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<figcaption><span class="caption">La cire anatomique expliquée par l’archéologue Jennifer Kerner.</span></figcaption>
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<h2>Divertir en enseignant</h2>
<p>Rien ne remplaçant la 3D, à une époque où les lunettes à verre bleu et rouge n’existaient pas encore, les médecins se mettent à créer des modèles en papiers mâchés, des mannequins anatomiques et des squelettes montés.</p>
<p>Très vite, ces objets quittent l’intimité des amphithéâtres de médecine pour entrer au musée… Musée dans lequel se pressent les curieux, badauds braillards, artistes et intellectuels en recherche d’inspiration ou de connaissance. La morgue de Paris et le <a href="https://journals.openedition.org/insitu/14142">fameux musée forain du Dr. Pierre Spitzner dans les années 1920</a>, remplissent alors deux rôles apparemment antagonistes lorsqu’il s’agit du corps sacré de l’homme : pourvoir en divertissement et en enseignement.</p>
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<span class="caption"><em>Vénus anatomique</em>, collection Spitzner, no inv. DOR-1214. Classé MH le 19/08/2004. Hélène Palouzié et Caroline Ducourau, « De la collection Fontana à la collection Spitzner, l’aventure des cires anatomiques de Paris à Montpellier » (2017).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://journals.openedition.org/insitu/docannexe/image/14142/img-3.jpg"> Faculté de médecine/Université de Montpellier</a></span>
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<h2>Des fragments de corps putrides… aux Vénus sublimes en cire</h2>
<p>Ne pouvant conserver les fragments de corps longtemps pour l’apprentissage des étudiants, l’idée de créer des représentations naturalistes des organes apparaît très tôt. Elle s’exprime dans toute sa splendeur avec l’usage de la cire.</p>
<p>La plus ancienne cire anatomique connue est une tête créée par l’artiste sicilien Gaetano Giuliano Zumbo à la fin du XVII siècle.</p>
<p>Cependant, la cérisculpture atteindra son apogée entre le XVIII<sup>e</sup> et le XX<sup>e</sup> siècle. Parmi les artistes iconiques de cet art, l’histoire se souviendra de <a href="https://journals.openedition.org/insitu/14142">Félix Fontana</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Clemente_Susini">Clemente Susini</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Baptiste_Laumonier">Jean‑Baptiste Laumonier</a>, <a href="https://insculpture.hypotheses.org/276">Jules Baretta</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Talrich">Jules Talrich</a>.</p>
<p>Les cires anatomiques reproduisent des organes grandeur nature, mais également des manifestations pathologiques, notamment dermatologiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266625/original/file-20190330-71006-ehwm4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266625/original/file-20190330-71006-ehwm4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266625/original/file-20190330-71006-ehwm4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266625/original/file-20190330-71006-ehwm4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266625/original/file-20190330-71006-ehwm4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266625/original/file-20190330-71006-ehwm4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266625/original/file-20190330-71006-ehwm4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Tête d’un vieillard », cérisculpture de l’artiste Gaetano Zumbo, Paris, 1701, actuellement au Musée de l’Homme.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ac/Mus%C3%A9e_de_l%27Homme_T%C3%AAte_de_vieillard_Gaetano_Giulio_Zumbo_04022018_1.jpg">Vassil/Wikimedia</a></span>
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<h2>Erotisme médical</h2>
<p>Bizarrement, et peut-être pour contrer tout ce macabre, un érotisme médical naît aux XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles : à travers les peintures, les sculptures… Mais il s’exprime avec beaucoup plus de puissance à travers les représentations de femmes sublimes, appelées les <a href="https://www.buzzfeed.com/fr/hayleycampbell/letrange-beaute-des-venus-anatomiques-cadavres-de-cire-du-xv">vénus anatomiques</a>, qui exposent leurs organes internes aux yeux des curieux, le tout dans des poses lascives.</p>
<p>La sublime cire anatomique moderne, présentée au Musée de la Médecine de Paris pendant l’exposition « Chroniques de la Thanatopraxie » renoue avec cette tradition d’une sensualité étrange. À l’origine de cette création, l’artiste Natalie Latour tente de reproduire les techniques de cérisculpture anciennes… Tout du moins, celles dont on a conservé le souvenir car bons nombres de secrets de fabrication ont été emporté dans les tombes !</p>
<h2>Voyeurisme contemporain</h2>
<p>Vous pensez peut-être que le macabre qui s’offre immédiatement à l’œil sur nos écrans, sur simple demande d’un clic de souris, a fait baisser le succès des musées médicaux et des cires anatomiques ?</p>
<p>Les expositions controversées créées par Gunther von Hagens, de « Our Body » à « Body Worlds » sont là pour témoigner du contraire. De réels corps humains écorchés, découpés et « plastinés » sont donnés à voir – et même à toucher ! – dans des positions quotidiennes, parfois très équivoques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266631/original/file-20190330-71006-1d9mzxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266631/original/file-20190330-71006-1d9mzxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266631/original/file-20190330-71006-1d9mzxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266631/original/file-20190330-71006-1d9mzxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266631/original/file-20190330-71006-1d9mzxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266631/original/file-20190330-71006-1d9mzxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266631/original/file-20190330-71006-1d9mzxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exposition « Body Worlds », <em>Basketball Man</em>, 2008. Les corps utilisés sont des cadavres réels traités par l’artiste Gunther von Hagens.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pss/2252443224">Paul Stevenson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>De même, il n’y a rien à faire de plus branché à Brooklyn que de siroter un verre dans le très victorien bar <a href="https://www.youtube.com/watch?v=67ijGY9KioY&list=PL77xKnmfooqSNfP-xWxFarlMNj40x8LGO&index=1">House of Wax</a>. Dans ce joli petit écrin de velours, vous pourrez admirer avec délectation des fœtus à divers stades de développement, des visages déformés par la syphilis et des femmes en pleine délivrance par césarienne…</p>
<p>Ces expositions jouent sur les mêmes ressorts que ceux employés par les musées itinérants anatomiques et forains des siècles passés : la fascination malsaine pour l’étrangeté anatomique, la pulsion scopique (voyeurisme) tournée vers le macabre.</p>
<p>À l’heure où l’imagerie médicale se met au service de l’observation non invasive – post mortem et in vivo ! –, les <a href="http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/01/29/24549-revolution-autopsies-virtuelles">« autopsies virtuelles »</a> n’ont toujours pas la cote auprès du grand public… C’est bien les deux mains dans les chairs molles et odorantes des cadavres ouverts comme des plaies béantes que le public se complaît. Et comment l’en blâmer ?</p>
<p>Quand braver l’interdit suprême d’ouvrir le corps de son prochain se met au service de la curiosité malsaine, tout est réuni pour nous faire déguster quelques cadavres exquis.</p>
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<p><em>L’auteure a co-publié l’ouvrage <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/sciences/retour-vers-le-paleo">« Retour vers le paléo, Et si nos ancêtres avaient tout inventé ? paru aux éditions Flammarion le 3 avril 2019 »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114247/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jennifer Kerner a reçu des financements du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac et de la Fondation Martine Aublet. </span></em></p>C’est bien les deux mains dans les chairs molles et odorantes des cadavres ouverts comme des plaies béantes que le public se complaît. Et comment l’en blâmer ?Jennifer Kerner, Archéologue, éthnologue, spécialiste des rites funéraires, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.