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algues – The Conversation
2023-08-22T20:48:05Z
tag:theconversation.com,2011:article/198746
2023-08-22T20:48:05Z
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Morbihan : comment la désertification des paysages sous-marins bouleverse les écosystèmes côtiers
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541985/original/file-20230809-15-kf1a77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Champs d'algues laminaires dans le courant à Ouessant, Finistère.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.ifremer.fr/data/00565/67735/hd/24712.jpg">Olivier Dugornay, Ifremer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Mai 2022, Morbihan, dans le sud de la Bretagne. Jean-Claude Ménard, président et fondateur d’<a href="https://www.assoloirevilaine.fr/">Estuaires Loire & Vilaine</a>, une association qui veille depuis plus de 30 ans sur les fonds marins de la région, effectue une plongée de suivi annuel dans la zone des récifs du Mor Braz, la « grande mer » délimitée à l’ouest par la presqu’île de Quiberon et Belle-Île et à l’est par Guérande (par opposition à la « petite mer » que constitue le Golfe du Morbihan).</p>
<p>Cette plongée a pour but d’examiner l’état des forêts d’algues, notamment celles formées par les laminaires, ce groupe d’algues brunes capables de créer des forêts arbustives structurantes pour des centaines d’espèces marines, comme l’ormeau, l’étrille ou le bar.</p>
<p>C’est à l’occasion de cette plongée que Jean-Claude Ménard découvre le véritable bouleversement en cours au sein des récifs bretons du Mor Braz. Sur des hectares, ces champs d’algues, denses et productifs, ont disparu pour laisser place à de véritables déserts sous-marins. Le responsable ? L’oursin <em>Psammechinus miliaris</em>, une espèce présente le long des côtes atlantiques européennes dont les individus adultes mesurent entre 4 et 6 cm. La prolifération de cet herbivore vorace peut entraîner la déforestation des champs algaux, par certains égards équivalente à une désertification des paysages sous-marins.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="En broutant les algues qui constituent les forêts sous-marines, l’espèce _Psammechinus miliaris_ a désertifié de nombreux récifs du Mor Braz dans le Morbihan" src="https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Premier constat en mai 2022 de l’apparition de déserts sous-marins dans le Morbihan. Le responsable ? L’espèce <em>Psammechinus miliaris</em> dont plusieurs individus sont ici visibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Claude Ménard, Association Estuaires Loire et Vilaine</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Parc éolien, réchauffement, densités humaines…</h2>
<p>Que ce soit en France, en Europe ou dans le monde, les pressions exercées par les activités humaines sur les écosystèmes côtiers, comme ici dans le Mor Braz, sont nombreuses et variées.</p>
<p>Elles peuvent être ponctuelles – comme la construction du premier <a href="https://parc-eolien-en-mer-de-saint-nazaire.fr">parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire</a> – ou <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-47201-9">chroniques</a>, à l’image des activités de pêche côtière, du réchauffement des eaux sous l’effet du changement climatique ou encore de l’augmentation des densités humaines sur la frange littorale du Morbihan ou de Loire-Atlantique.</p>
<p>On sait aujourd’hui que, tels des réfugiés climatiques, la plupart des espèces marines ont tendance à déplacer leurs aires de population des tropiques vers les hautes latitudes plus tempérées <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-020-1198-2">six fois plus vite que les espèces terrestres</a>. Les conséquences de ces migrations à l’échelle régionale peuvent engendrer des bouleversements complexes, <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10021-015-9913-6">parfois irréversibles</a>, dans la structure et le fonctionnement des communautés d’espèces qui jusqu’alors cohabitaient depuis des générations.</p>
<h2>Des changements abrupts qui bouleversent tout</h2>
<p>Contrairement à d’autres régions du globe où réchauffement des eaux côtières et/ou pêche intensive des prédateurs sont identifiés comme facteurs déclencheurs, les causes de la prolifération de l’oursin dans le sud de la Bretagne restent à ce stade méconnues. On peut cependant constater que les déserts sous-marins qu’il laisse derrière lui ont conduit à un appauvrissement drastique de la diversité des espèces sous-marines et de la complexité des habitats sous-marins de la région.</p>
<p>L’apparition de ces « déserts d’oursins », se substituant à des forêts sous-marines complexes, productives et cruciales au maintien de la biodiversité, représente un phénomène <a href="http://dx.doi.org/10.1098/rstb.2013.0269">bien documenté dans plusieurs régions du globe</a> ; il est souvent lié au déclin des prédateurs de ces herbivores voraces (comme les langoustes en <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10021-015-9913-6">Tasmanie</a> ou les poissons de récifs en <a href="http://dx.doi.org/10.1111/oik.05060">Méditerranée occidentale</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Aux antipodes, dans le sud-est de l’Australie, profitant d’une conjoncture favorable (déclin de ses prédateurs et réchauffement des eaux côtières), une autre espèces d’oursin <em>Centrostephanus rodgersii</em> a transformé des centaines d’hectares de forêts sous-marines en véritables déserts comme visible au premier plan sur cette photo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">John Turnbull www.marineexplorer.org</span></span>
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</figure>
<p>Cette désertification sous-marine est <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10021-015-9913-6">souvent difficile à inverser</a>, mais peut parfois être remédiée, grâce par exemple à des mesures de restauration de certains prédateurs, comme les loutres de mer sur la côte ouest canadienne pour lutter contre la prolifération de l’oursin pourpre (<em>Strongylocentrotus purpuratus</em>).</p>
<p>Les déserts d’oursins, tels que ceux observés récemment en Bretagne sud, ne sont qu’un exemple parmi d’autres des bouleversements recensés parmi les écosystèmes marins côtiers de la planète. L’eutrophisation, un enrichissement excessif en nutriments des eaux côtières liée à l’agriculture intensive ou aux fortes densités humaines (notamment les eaux usées), peut entraîner le remplacement des forêts sous-marines par des parterres dominés par des algues filamenteuses courtes. Ces dernières piègent les sédiments et maintiennent ainsi les récifs dans un état dégradé associé à une faible productivité et à un véritable anéantissement de la structure complexe des forêts sous-marines. On qualifie cet état de <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/68/2/64/4797262">« turf » </a>(gazon en anglais). </p>
<p>On le voit, les conditions et facteurs qui contribuent à l’apparition de tels changements abrupts s’avèrent complexes et multiples. Même si ces modifications d’états vers des écosystèmes « déprimés » chamboulent profondément à la fois leur fonctionnement et celui des activités humaines qui en dépendent, elles demeurent souvent difficiles à prévoir et à inverser.</p>
<h2>Des écosystèmes côtiers à la loupe</h2>
<p>Alors que la perte d’habitats reste la <a href="https://www.ipbes.net/sites/default/files/inline/files/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers.pdf">cause première</a> d’érosion de la biodiversité à l’échelle globale, notre compréhension des conséquences de tels bouleversements des habitats sous-marins demeure aujourd’hui parcellaire et limitée.</p>
<p>C’est dans ce contexte que notre <a href="https://dyneco.ifremer.fr/Nos-equipes/LEBCO/Recherche/Projets/TRIDENT">projet de recherche TRIDENT</a> mettra en œuvre de nouvelles approches de modélisation, à la fois de l’analyse de données et de la simulation numérique, afin de mieux comprendre et prédire la répartition spatiale ainsi que les changements passés et en cours des habitats sous-marins et leurs conséquences sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes côtiers.</p>
<p><a href="https://dyneco.ifremer.fr/Nos-equipes/LEBCO/Recherche/Projets/TRIDENT">Le projet TRIDENT</a> devrait permettre de recenser les changements d’états observés dans les écosystèmes côtiers de fonds au niveau mondial grâce aux suivis en plongée réalisés dans le cadre de <a href="https://reeflifesurvey.com/">Reef Life Survey</a>, un programme de sciences participatives. Ce travail en cours a identifié plus d’une quinzaine d’habitats sous-marins selon différents états écologiques (par exemple forêts d’algues laminaires, <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/fuco%C3%AFde">champs d’algues fucoides</a>, déserts d’oursins, récifs coralliens, ou encore gazons d’algues filamenteuses en cours de formation…) sur les récifs observés le long des côtes mondiales.</p>
<h2>Prédire les conséquences de scénarios futurs</h2>
<p>Il s’agit ensuite d’identifier les mécanismes sous-jacents le maintien ou l’apparition de ces états pour prédire la manière dont les écosystèmes côtiers réagiront à des scénarios de changements futurs. Des approches d’apprentissage par la machine viseront à identifier comment les facteurs humains ou environnementaux locaux – la pêche, l’augmentation de la température des eaux côtières, la proximité d’infrastructures portuaires, de grandes villes associées à de fortes densités humaines, de fleuves qui peuvent être vecteurs de pollution urbaines ou agricoles, etc.- influent sur l’état des paysages sous-marins.</p>
<p>Le projet vise aussi à mieux comprendre le rôle de ces espèces sous-marines qui, comme les forêts d’algues sur les récifs bretons, forment des habitats fortement structurants pour les écosystèmes marins de fonds.</p>
<p>Un des enjeux du projet consiste à mieux comprendre la manière dont les espèces formatrices d’habitats – comme les champs d’algues, les herbiers, les récifs d’huîtres, bancs de moules ou encore les récifs coralliens en milieu tropical –, endossent différents rôles pour par exemple apporter des sources de nourriture et d’abris face à la prédation ou faciliter la coexistence d’une multitude d’espèces. Pour caractériser les liens entre les caractéristiques des paysages sous-marins et la diversité des espèces associées, le projet TRIDENT s’appuie à la fois sur une synthèse systématique de la littérature scientifique (soit plus de 400 articles), et sur l’analyse de suivis faunistiques existants réalisés dans différents habitats côtiers.</p>
<p>Les résultats attendus à l’issu du projet TRIDENT permettront ainsi de mieux appréhender les changements en cours et à venir sur les fonds marins qui jouxtent nos littoraux. Les connaissances acquises et les projections des conséquences de scénarios seront mobilisables pour guider la bonne gestion des activités humaines qui interfèrent avec les paysages sous-marins et les dynamiques complexes des écosystèmes côtiers associés.</p>
<hr>
<p><em>Le projet TRIDENT a débuté en mars 2022 pour une durée de 4 ans et implique des chercheurs du <a href="https://dyneco.ifremer.fr/en/Our-teams/LEBCO">laboratoire d’Écologie Benthique Côtière</a> de l’Ifremer à Brest, en collaboration avec <a href="https://sites.google.com/view/srobin-lpsm/accueil?pli=1">Sorbonne-Université</a> et l’<a href="https://www.imas.utas.edu.au">IMAS</a> en Australie</em>.</p>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-CE02-0006">TRIDENT</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Marzloff a reçu des financements de l'Agence National de la Recherche (projet TRIDENT ANR-21-CE02-0006). </span></em></p>
Sur des hectares, des champs d’algues, denses et productifs, ont disparu pour laisser place à de véritables déserts sous-marins. Explications.
Martin Marzloff, Research scientist in marine ecology, Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204352
2023-05-09T18:23:44Z
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Dans les eaux de baignade, les cyanobactéries, amies ou ennemies ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523444/original/file-20230428-22-ao2mgv.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1536&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsqu'elles sont trop nombreuses, les cyanobactéries peuvent rendre les eaux des lacs impropres à la baignade. Ici, une efflorescence de cyanobactéries sur un lac d'Ile-de-France en août 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sébastien Duperron</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’été 2022 a été le <a href="https://theconversation.com/troisieme-vague-de-chaleur-une-secheresse-sans-precedent-cet-ete-2022-184792">plus chaud enregistré en France</a> depuis 1900. Et s’il vous est venu l’idée de vous rafraîchir en allant vous baigner dans un lac, une rivière ou une base de loisirs, vous en avez peut-être été empêché en raison d’une fermeture pour cause de <a href="https://theconversation.com/eaux-de-baignade-comment-mieux-detecter-les-cyanobacteries-toxiques-99913">prolifération de cyanobactéries</a>, qui peuvent s’avérer toxiques pour notre santé ou celles de nos animaux.</p>
<p>Mais qui sont ces cyanobactéries ? Quels problèmes posent-elles ? Sont-elles nos amies ou nos ennemies ?</p>
<h2>Les cyanobactéries, ingénieures de la biosphère</h2>
<p>Peut-être faut-il commencer par les présentations. Les cyanobactéries sont, comme leur nom l’indique, des bactéries microscopiques, de couleur bleu-vert.</p>
<p>Mais elles ne sont pas seulement des micro-organismes qui gâchent nos baignades ! Loin d’être de simples « nuisibles », ce sont avant tout les <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.earth.33.092203.122711">inventeuses de la photosynthèse oxygénique</a> (qui utilise du CO<sub>2</sub> et produit de l’O<sub>2</sub>, comme celle utilisée par les arbres). Elles sont donc à l’origine de toute la photosynthèse et de l’oxygénation de notre planète… sans lesquelles nous n’existerions pas. Rien que ça !</p>
<p>Petit retour en arrière. L’origine des cyanobactéries remonte aux temps très anciens de l’Archéen, entre 2,7 et 3,5 milliards d’années. À cette époque, d’autres bactéries utilisent déjà des machineries moléculaires appelées photosystèmes, capables de convertir l’énergie lumineuse en énergie chimique, permettant leur croissance et leur multiplication. Grâce à ces photosystèmes, ces bactéries peuvent déjà convertir du carbone inorganique (comme le dioxyde de carbone atmosphérique) en molécules complexes nécessaires au vivant (comme les sucres, les lipides ou les acides nucléiques).</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Mais pour la première fois, les cyanobactéries vont associer deux photosystèmes distincts et complémentaires. Cela va leur permettre de réaliser une <a href="https://doi.org/10.1016/j.freeradbiomed.2019.05.007">forme alors inédite de photosynthèse</a>, particulièrement productive, qui produit comme « déchet » du dioxygène.</p>
<p>Grâce à cette productivité, le succès écologique des cyanobactéries est très rapide, et elles se développent très largement… transformant au passage toute la chimie de la biosphère.</p>
<p>Jusque-là, en effet, océans et atmosphère ne contenaient que très peu d’oxygène, et abritaient donc des micro-organismes anaérobies. Or, le développement de ces cyanobactéries pratiquant la photosynthèse oxygénique va produire beaucoup, beaucoup d’oxygène ! Cet oxygène s’accumule d’abord dans les océans puis, au cours du dernier milliard d’années écoulé, dans l’atmosphère.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout. Il y a environ un milliard d’années, les cyanobactéries sont entrées en symbiose avec une lignée d’organismes unicellulaires dotés d’un noyau. Elles ont ainsi donné naissance aux <a href="https://www.theses.fr/2022UPASL069">chloroplastes</a>, des petits compartiments verts responsables de la photosynthèse présents dans les cellules des micro- et macro-algues, et des végétaux terrestres.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Eau brouillée par des microalgues vert/bleu" src="https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Efflorescence de cyanobactéries sur un lac d’Ile-de-France en août 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sébastien Duperron</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les cyanobactéries sont donc à l’origine de toute la photosynthèse et de l’oxygénation de notre planète ! Notre existence même en est une conséquence, d’une part puisque l’oxygène est indispensable à toute vie animale, et d’autre part puisque nous dépendons largement des plantes pour notre alimentation.</p>
<h2>Les effets néfastes des cyanobactéries</h2>
<p>Mais revenons au présent, et à nos cours d’eau ou nos lacs. Quand la température s’élève, la photosynthèse s’accélère. Si l’on ajoute à cela l’eutrophisation, c’est-à-dire l’enrichissement des eaux par des nutriments comme le phosphore ou l’azote de nos engrais, le résultat ne se fait pas attendre : les cyanobactéries prolifèrent. L’eau claire du lac devient une <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-couleur-des-oceans-revele-du-changement-climatique-113725">soupe verte ou rouge</a>, selon les espèces… Une simple conséquence de leur redoutable efficacité !</p>
<p>Ces phénomènes sont connus depuis l’Antiquité, ou encore chez les Aztèques et les <a href="https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.2109919118">Mayas</a>, dans certains plans d’eau douce tout comme dans les Océans. Cependant, le réchauffement climatique ainsi que l’augmentation des activités humaines (agriculture, rejet d’eaux usées insuffisamment traitées…) au cours des dernières décennies ont augmenté la fréquence et l’intensité de ces épisodes.</p>
<p>Or, ces proliférations de cyanobactéries sont néfastes pour la faune, la flore et la santé humaine.</p>
<p>Ainsi, même si la photosynthèse produit de l’oxygène, la biomasse de cyanobactéries produite lors des proliférations est rapidement dégradée par des bactéries qui vont consommer cet oxygène. Cela conduit <em>in fine</em> à l’anoxie des eaux (c’est-à-dire un manque d’oxygène) et à l’asphyxie des animaux, en particulier les poissons qui peuvent ainsi mourir brusquement.</p>
<p>D’autre part, certaines espèces de cyanobactéries (dites cyanobactéries toxinogènes) synthétisent de puissantes toxines, appelées cyanotoxines. Les plus préoccupantes pour la santé humaine sont les microcystines, les cylindrospermopsines, les anatoxines, les saxitoxines et les nodularines.</p>
<p>Après ingestion, contact ou inhalation, elles agissent sur différents organes comme le foie (effets hépatotoxiques), le système nerveux (effets neurotoxiques), les systèmes reproducteurs (effets reprotoxiques) ou les muqueuses (effets dermatotoxiques), avec des conséquences pouvant aller jusqu’à la mort. Des cas d’intoxications, dont celles mortelles de chiens, sont ainsi rapportés chaque année en période estivale.</p>
<p>En France, les cyanotoxines les plus fréquentes sont réglementées et <a href="https://theconversation.com/eaux-de-baignade-comment-mieux-detecter-les-cyanobacteries-toxiques-99913">régulièrement dosées</a> dans les eaux de consommation et de loisirs. Lorsque les <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-cyanobact%C3%A9ries-en-questions">valeurs seuils de cyanobactéries toxinogènes ou de cyanotoxines</a> sont dépassées, les autorités peuvent être amenées à limiter les activités voire fermer l’accès aux plans d’eau, ou limiter l’utilisation ou la consommation de l’eau.</p>
<h2>Les cyanobactéries sont aussi des alliées pour la santé</h2>
<p>Heureusement, toutes les cyanobactéries ne produisent pas de toxines, et elles ne produisent pas <em>que</em> des toxines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une dizaine de longs filaments verts, chacun formant un serpentin ou une spirale" src="https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La microalgue <em>Limnospira fusiformis</em> observée grâce à un microscope optique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Charlotte Duval/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Elles sont en effet considérées comme des chimistes hors pair, produisant une grande diversité de molécules bioactives, dont certaines trouvent des applications dans le domaine de la santé. Dans une synthèse récente, notre équipe a ainsi recensé la production par les cyanobactéries de 10 classes de composés chimiques, présentant au moins <a href="https://www.mdpi.com/1660-3397/17/6/320">14 types d’activités potentiellement bénéfiques</a>, et dont la plupart demeurent à explorer.</p>
<p>Parmi les exemples les plus emblématiques, la dolastatine 10 est à l’origine de la commercialisation d’un médicament anticancéreux (le brentuximab vedotin) utilisé dans le traitement du lymphome dans la maladie de Hodgkin.</p>
<p>Un autre exemple est celui de la cyanobactérie <em>Limnospira</em> (anciennement nommée <em>Arthrospira</em>) utilisée comme complément alimentaire depuis des siècles et commercialisée sous le nom générique de « Spiruline ». Cette cyanobactérie est riche en protéines, en minéraux, en vitamines et acides gras insaturés.</p>
<p>Avec plus de 1700 espèces connues et bien davantage encore restant à décrire, les cyanobactéries représentent donc une ressource importante pour l’innovation bioinspirée.</p>
<h2>Les cyanobactéries, sentinelles avant tout</h2>
<p>Il est probable que les proliférations de cyanobactéries soient encore fréquentes l’été prochain, et qu’elles nous priveront parfois d’activités nautiques, de pêche, ou de baignade. Plus grave, dans de nombreuses régions du monde, elles affectent directement les <a href="https://www.inrae.fr/actualites/wasaf-proteger-ressources-eau-potable-surface-afrique">ressources en eau potable</a> dont dépendent les populations.</p>
<p>Mais au-delà de leur impact sur nos activités, ces épisodes révèlent avant tout les déséquilibres et la mauvaise santé des écosystèmes aquatiques.</p>
<p>Fortement liée aux activités humaines qui contribuent à l’eutrophisation des eaux, l’augmentation des proliférations de cyanobactéries partout dans le monde doit nous interpeller sur les menaces qui pèsent sur la qualité de l’eau et la biodiversité, et soulignent à quel point le bien-être de l’humain est intimement lié à celui des écosystèmes aquatiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204352/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Duperron a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du CNRS, du MNHN et de l'Institut Universitaire de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Marie a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du MNHN, de la Région Ile de France, du CNRS et de l'ANSES</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécile Bernard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du MNHN, de la Région Ile de France, du CNRS et de l'ANSES . </span></em></p>
Microalgues dont la prolifération est dangereuse pour l’humain et l’environnement, les cyanobactéries sont aussi à la base de la production d’oxygène terrestre, et de bien d’autres apports.
Sébastien Duperron, Professeur d'écotoxicologie microbienne, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Benjamin Marie, Research scientist, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Cécile Bernard, Professeure du Muséum national d'Histoire naturelle., Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/202076
2023-04-03T17:52:11Z
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Climat : des microalgues virtuelles pour mieux comprendre le rôle de l’océan
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516094/original/file-20230317-3576-w20ftn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3024%2C2008&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Efflorescence de diazotrophes (_Trichodesmium_) dans la mer de Corail, capturée le 1<sup>er</sup> septembre 2019 par le satellite Landsat 8. L’interaction entre la physique et la biologie de l’océan se manifeste dans ces filaments verts qui serpentent au grès des courants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://earthobservatory.nasa.gov/images/145610/a-bloom-of-nitrogen-fixing-bacteria">Joshua Stevens/NASA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’océan absorbe un <a href="https://www.nature.com/articles/s43017-022-00381-x">quart du CO₂</a> émis par les activités humaines, jouant un rôle majeur dans l’atténuation du changement climatique. Mieux connaître les processus impliqués est crucial pour comprendre le rôle de l’océan dans le système climatique global et mieux appréhender les bouleversements induits par le changement climatique.</p>
<p>Pour cela, les <a href="https://theconversation.com/les-oceans-bientot-dotes-de-jumeaux-virtuels-pour-quoi-faire-160425">modèles numériques</a> sont parmi les outils les plus utilisés. Ils représentent le climat sur une Terre virtuelle et sont essentiels pour explorer les climats passés, prédire les climats futurs ou comprendre comment fonctionne notre climat actuel.</p>
<h2>Modéliser les océans, un exercice difficile</h2>
<p>Ces modèles reposent sur une série d’équations qui gouvernent les principaux phénomènes physiques, chimiques et biologiques influençant le climat terrestre.</p>
<p>La difficulté de représenter ces phénomènes repose sur la complexité des processus physiques et biologiques à simuler et leurs interactions.</p>
<p>Du côté de la physique de l’océan, les équations sont assez bien connues et définies. L’amélioration des modèles se cantonne surtout à une plus grande résolution, pour l’instant limitée par la capacité de calcul et de stockage de données de nos ordinateurs.</p>
<p>Pour les aspects biologiques, cependant, de nombreuses questions persistent sur la façon de formaliser et simplifier au mieux des processus d’une grande complexité. Schématiquement, la captation du CO<sub>2</sub> est notamment médiée par le phytoplancton. Ces algues microscopiques vivent à la surface de l’océan et absorbent le CO<sub>2</sub> via la photosynthèse ; à leur mort, une partie d’entre elles coulent au fond des océans, stockant le carbone pour des centaines voire des milliers d’années.</p>
<p>Pour représenter le phytoplancton, l’une des approches les plus répandues est de le diviser en « types fonctionnels », c’est-à-dire différents groupes de phytoplancton qui ont des traits majeurs en commun comme la taille ou la stratégie trophique. Cette approche part du principe que chacun de ces types peut avoir un impact différent sur le cycle du carbone et un rôle différent dans l’écosystème.</p>
<h2>Les diazotrophes, alliés du climat</h2>
<p>Un type en particulier focalise actuellement l’attention : les <a href="https://theconversation.com/ces-petites-creatures-marines-sont-essentielles-pour-combattre-le-changement-climatique-149566">diazotrophes</a>. Comme leur nom l’indique, ces microalgues peuvent utiliser le diazote (N<sub>2</sub>) pour leur croissance – étymologiquement pour leur alimentation (« trophos » en grec). En transformant ce diazote, les diazotrophes fournissent des nutriments qui sont essentiels au reste du phytoplancton et lui permettent de fixer le CO<sub>2</sub>. Ils ont donc un rôle fondamental de fertiliseurs naturels des océans.</p>
<p>Des études récentes, sur le terrain et en laboratoire, ont révélé la grande diversité des diazotrophes et leur <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aay9514">adaptation à des environnements différents</a>. Par exemple, alors qu’on les pensait confinés aux eaux chaudes et transparentes des tropiques, certains types de diazotrophes unicellulaires ont été découverts dans les <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1813658115">eaux arctiques</a> ou dans l’obscurité des <a href="https://ami-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1462-2920.15645">profondeurs</a>.</p>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>Par ailleurs, les chercheurs sont longtemps partis du principe que les diazotrophes contribuaient peu à la séquestration du carbone, car le <em>Trichodesmium</em> (le diazotrophe historiquement le plus étudié) a tendance à rester en surface et à être peu soumis à la prédation. Or, les preuves s’accumulent et prouvent que d’autres types de diazotrophes (tels que les assemblages symbiotiques de diatomées-diazotrophes) sont responsables <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2012GL053356">d’importants flux de carbone</a> vers les profondeurs.</p>
<p>Malgré leur importance, les diazotrophes sont souvent représentés de façon très sommaire dans les modèles numériques. C’est le résultat à la fois de notre compréhension encore limitée de leur physiologie et des contraintes en termes de capacité de calcul : quand on ajoute de la complexité dans les modèles, les simulations prennent plus de temps et/ou nécessitent des ordinateurs plus puissants.</p>
<p>De nombreux modèles globaux, comme ceux utilisés dans le cadre du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), les représentent encore de manière implicite : de l’azote est ajouté artificiellement à la surface de l’océan lorsque certaines conditions environnementales, supposées favorables aux diazotrophes, sont présentes.</p>
<p>D’autres modèles les représentent de manière explicite, mais se contentent de reproduire un seul type de diazotrophe, reprenant les caractéristiques du <em>Trichodesmium</em>. Cette approche est pourtant très réductrice au vu des avancées, et limite d’autant nos capacités à capturer la distribution globale de ces microalgues, à évaluer leur impact sur le reste de l’écosystème et à prédire les conséquences du changement climatique sur l’ensemble du phytoplancton et la séquestration du carbone.</p>
<h2>Mieux représenter les diazotrophes dans les modèles numériques</h2>
<p>Pour répondre à ces lacunes, nous avons développé, dans le cadre du projet <a href="https://twitter.com/notion_project?lang=fr">NOTION</a>, une toute nouvelle représentation des diazotrophes, qui en inclut cette fois trois types différents.</p>
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<img alt="Représentation schématique de l’océan pacifique, avec des bandes de couleurs différentes s’étendant entre l’Amérique centrale et l’Afrique centrale, avec une autre bande moins étendue à la hauteur de l’espagne" src="https://images.theconversation.com/files/517767/original/file-20230327-1352-kegjgq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517767/original/file-20230327-1352-kegjgq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517767/original/file-20230327-1352-kegjgq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517767/original/file-20230327-1352-kegjgq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517767/original/file-20230327-1352-kegjgq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517767/original/file-20230327-1352-kegjgq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517767/original/file-20230327-1352-kegjgq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemple de taux de fixation d’azote simulé pour une journée en Novembre (conditions moyennes). Chaque couleur correspond à un type de diazotophe différent. Parfois, les couleurs se superposent, indiquant une communauté de diazotrophe mélangée. Simulation réalisée par Domitille Louchard à ETH Zurich.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Domitille Louchard, Mar Benavides</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si les équations qui décrivent leur croissance et leur mortalité sont les mêmes, chaque type se différencie des autres par des paramètres distincts. Ces paramètres représentent la façon dont chaque diazotrophe réagit à différentes conditions de température, luminosité ou concentration en nutriment.</p>
<p>Cette représentation novatrice des diazotrophes a été intégrée à un modèle numérique régional à haute résolution appliqué à l’Océan Atlantique, hotspot de la diazotrophie marine.</p>
<p>Cette prise en compte de la diversité des diazotrophes a débouché sur une expansion de la fixation du diazote dans les simulations et une meilleure concordance avec les observations. Les flux verticaux de carbone ont aussi été accrus, notamment dans des régions comme l’Atlantique tropical ouest, où les assemblages symbiotiques de diatomées-diazotrophes prospèrent.</p>
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<img alt="Représentation schématique de l’océan pacifique identique à la figure 2 ; la présence d’azote fixé augmente fortement àpartir d’avril, puis rediminue à partir de novembre" src="https://images.theconversation.com/files/517428/original/file-20230324-22-ibaffr.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517428/original/file-20230324-22-ibaffr.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517428/original/file-20230324-22-ibaffr.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517428/original/file-20230324-22-ibaffr.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517428/original/file-20230324-22-ibaffr.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517428/original/file-20230324-22-ibaffr.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517428/original/file-20230324-22-ibaffr.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un an de fixation d’azote en surface dans le nouveau système numérique développé dans le cadre du projet NOTION. Simulation réalisée par Domitille Louchard à ETH Zurich.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Domitille Louchard, Mar Benavides</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ce nouveau modèle nous permet par ailleurs de défricher de nouvelles questions, comme la compétition entre les diazotrophes, mais aussi de mieux appréhender le rôle que ces microalgues joueront dans un contexte de changement global. Quelle sera leur importance comme source d’azote pour le reste des producteurs primaires ? Les diazotrophes peuvent-ils aider à atténuer les effets du changement climatique ? Vastes sont les possibilités de recherche offertes par cette représentation plus réaliste.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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</figcaption>
</figure>
<p><em>Le projet de recherche « Notion » dans lequel s’inscrit cette publication a bénéficié du soutien de la <a href="https://group.bnpparibas/decouvrez-le-groupe/fondation-bnp-paribas/environnement">Fondation BNP Paribas</a> dans le cadre du <a href="https://group.bnpparibas/tempsforts/climate-biodiversity-initiative">programme Climate and Biodiversity Initiative</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Domitille Louchard a reçu des financements de la Fondation BNP Paribas (Climate & Biodiversity initiative). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mar Benavides a reçu des financements de Climate & Biodiversity Initiative Fondation BNP Paribas, projet NOTION.</span></em></p>
L’océan absorbe un quart du CO₂ émis par l’homme, notamment grâce au phytoplancton, dont les diazotrophes. Savoir modéliser ces microalgues est crucial pour comprendre le rôle de l’océan dans le climat.
Domitille Louchard, Assistant researcher, Swiss Federal Institute of Technology Zurich
Mar Benavides, Research scientist, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194588
2022-11-28T19:03:23Z
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Dans l'océan, des «pollinisateurs» aident les algues à se reproduire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497592/original/file-20221128-4861-2f40cx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C43%2C1185%2C1070&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ce petit crustacé marin habite sur les algues rouges Gracilaria gracilis. Les gamètes mâles libérés par les algues adhèrent aux idotées, qui les déposent sur les algues femelles, de la même manière que certains insectes pollinisent les plantes à fleurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://images.cnrs.fr/photo/20220103_0008">© Sebastien COLIN / Max Planck Institute For Biology / Station biologique de Roscoff / CNRS / SU</a></span></figcaption></figure><p>Les pollinisateurs comme les abeilles aident plus de 90 % des espèces de plantes à fleurs à se reproduire. Sur Terre, la pollinisation est bien connue et un exemple parfait de la «co-évolution» de plantes et d'animaux, qui a permis aux plantes d’augmenter l’efficacité de leur reproduction et aux animaux de bénéficier d’une source de nourriture.</p>
<p>De nombreuses études explorent la <a href="https://pelagicpublishing.com/products/pollinators-and-pollination-ollerton-9781784272289">vulnérabilité de ces interactions</a> face au changement climatique et à ses répercussions sur le maintien des écosystèmes terrestres – mais personne, ou presque, ne s’est intéressé à ces relations entre animaux et végétaux dans l'océan.</p>
<p>Pourtant, le milieu marin est soumis à une pression anthropique croissante, et est lui aussi victime d’un effondrement de la biodiversité, qu’il est difficile d’enrayer sans comprendre les relations complexes entre les organismes peuplant l'écosystème.</p>
<p>Notre équipe s’est intéressée aux relations animaux-végétaux dans le cadre de la reproduction des algues, et nous avons montré <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abo6661">dans une étude récemment publiée dans <em>Science</em></a> que des animaux facilitaient la rencontre des gamètes chez les algues: ces sont les «pollinisateurs des mers».</p>
<h2>La reproduction sexuée en mer</h2>
<p>Dans le milieu marin, de nombreuses espèces animales et végétales relâchent leurs cellules reproductrices mâles et femelles (les gamètes) directement dans l’eau de mer. Ils sont, pour la plupart, guidés par des phéromones sexuelles et pourvus de flagelle, un filament leur permettant de nager la distance finale jusqu’à leur partenaire. Mais, pour parcourir la majeure partie de la distance, les gamètes sont dépendants des mouvements d’eau, longtemps considérés comme le principal vecteur entrant en jeu dans leur rencontre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/497588/original/file-20221128-20-c23n0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C1196%2C876&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Petit invertébré sur une branche d’algue rouge" src="https://images.theconversation.com/files/497588/original/file-20221128-20-c23n0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C1196%2C876&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497588/original/file-20221128-20-c23n0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497588/original/file-20221128-20-c23n0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497588/original/file-20221128-20-c23n0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497588/original/file-20221128-20-c23n0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497588/original/file-20221128-20-c23n0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497588/original/file-20221128-20-c23n0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une idotée agrippé à une algue rouge, dont elle transporte les gamètes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://images.cnrs.fr/photo/20220103_0004">Wilfried Thomas/Station biologique de Roscoff/SU/CNRS</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce dogme a récemment été levé en 2016 chez la <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms12980">plante à fleurs <em>Thalassia testudinum</em></a>, qui constitue le premier cas connu de pollinisation en milieu marin. Nous avons cherché à savoir si les animaux jouent aussi un rôle dans la reproduction d’une autre espèce végétale emblématique de la mer : les algues ?</p>
<h2>Des gamètes mâles sans flagelle</h2>
<p>Cette question est particulièrement pertinente pour l’<a href="https://doris.ffessm.fr/Especes/Gracilaria-gracilis-Gracilaire-gracile-3425">algue rouge <em>Gracilaria gracilis</em></a> dont les mâles libèrent dans l’eau de mer des gamètes dépourvus de flagelle, appelés « spermaties » tandis que les femelles gardent leurs gamètes qui ne sont pas relâchés dans l’environnement.</p>
<p>De même que le grain de pollen, la spermatie est totalement incapable de se déplacer seule et est dépendante des courants marins pour atteindre la femelle, sur laquelle se déroule la fécondation, comme chez les plantes. Comparé aux gamètes flagellés des algues brunes ou vertes par exemple, qui peuvent se déplacer d’eux-mêmes, nous pouvons penser que la probabilité qu’ont les spermaties d’atteindre la femelle est faible. Pourtant, la reproduction chez <em>G. gracilis</em> n’est pas rare comme on a pu le montrer dans des études précédentes sur une population suivie depuis plus de 20 ans, située au Cap Gris-Nez dans le Nord de la France, ce qui en fait un modèle de choix.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="aquarium avec algues et invertébrés" src="https://images.theconversation.com/files/497591/original/file-20221128-13-pugkh5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497591/original/file-20221128-13-pugkh5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497591/original/file-20221128-13-pugkh5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497591/original/file-20221128-13-pugkh5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497591/original/file-20221128-13-pugkh5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497591/original/file-20221128-13-pugkh5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497591/original/file-20221128-13-pugkh5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Aquarium contenant algues rouges et idotées, pour tester le transport de gamètes par ces invertébrés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://images.cnrs.fr/photo/20220103_0001">Christophe DESTOMBE/EBEA/Station biologique de Roscoff/SU/CNRS</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une étude montre même que la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-the-marine-biological-association-of-the-united-kingdom/article/abs/reproductive-ecology-of-an-intertidal-red-seaweed-gracilaria-gracilis-influence-of-high-and-low-tides-on-fertilization-success/982E5D50960F70CBF991E9147E28D7F2#access-block">majorité des fécondations dans cette population se fait à marée basse</a> lorsque les individus sont immergés dans les flaques avec très peu de mouvements d’eau.</p>
<p>Sur le terrain, l’<a href="https://doris.ffessm.fr/Especes/Idotea-balthica-Idotee-de-la-Baltique-1800">invertébré marin <em>Idotea balthica</em></a> – qui appartient au même ordre que les cloportes (Isopoda) – est souvent associé à l’algue rouge <em>G. gracilis</em>.</p>
<p>Cet animal, couramment appelé « idotée », <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s002270100545">se nourrit des « épiphytes » de <em>G. gracilis</em></a>, c’est-à-dire des petites algues parasites qui poussent sur l’algue rouge. Chez les plantes, c’est l’activité alimentaire des animaux – lorsqu’ils se nourrissent du pollen – qui seraient l’origine involontaire du processus de pollinisation. Notre équipe a donc exploré si l’idotée pouvait participer à la dispersion des spermaties lors de son activité alimentaire, comme l’abeille transporte le pollen.</p>
<h2>Les invertébrés facilitent la fécondation chez l’algue rouge <em>Gracilaria gracilis</em></h2>
<p>Nous avons mis en place des expériences en laboratoire afin de démontrer que les <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abo6661">idotées favorisent la dispersion et la rencontre des gamètes chez <em>G. gracilis</em></a>.</p>
<p>Nous avons placé des algues mâles et femelles dans des aquariums, soit en présence, soit en absence d’idotées. Lorsqu’une fécondation a lieu, une structure visible à l’œil nu, le « cystocarpe », se forme sur l’algue femelle. Ainsi à l’issue de l’expérience, le nombre de fécondations a pu être estimé en comptant les cystocarpes formés sur les algues femelles. Et le résultat est net : il y a vingt fois plus de fécondation lorsque les idotées sont présentes.</p>
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<p>Mais à ce stade de l’expérience, rien ne permettait d’affirmer que l’idotée agissait comme un pollinisateur en transportant les gamètes mâles jusqu’aux femelles. En effet, les idotées pourraient participer simplement à la dispersion des spermaties par les mouvements d’eau créés lorsqu’elles nagent dans l’aquarium.</p>
<p>Dans une deuxième expérience, des algues femelles seules (sans algues mâles) ont été placées dans un aquarium en présence d’idotées préalablement « incubées » avec des algues mâles. Là encore, de multiples fécondations ont été observées, permettant d’affirmer que ces fécondations n’avaient pu être réalisées qu’avec des spermaties transportées par les idotées. Ces résultats ont été confirmés grâce à des images en microscopie montrant les spermaties accrochées sur le corps et les pattes de l’idotée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/497590/original/file-20221128-22-cn3ydy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="pattes d’invertébré marin en violet avec des boules en vert" src="https://images.theconversation.com/files/497590/original/file-20221128-22-cn3ydy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497590/original/file-20221128-22-cn3ydy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497590/original/file-20221128-22-cn3ydy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497590/original/file-20221128-22-cn3ydy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497590/original/file-20221128-22-cn3ydy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497590/original/file-20221128-22-cn3ydy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497590/original/file-20221128-22-cn3ydy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Accumulation de gamètes d’algue rouge Gracilaria gracilis sur une idotée vue en microscopie confocale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://images.cnrs.fr/photo/20220103_0009">Sebastien COLIN/Max Planck Institute For Biology/Station biologique de Roscoff/CNRS/SU</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des implications écologiques et évolutives</h2>
<p>Cette étude démontre pour la première fois le rôle d’un animal dans la fécondation chez les algues rouges, et cette relation pourrait être bien plus forte qu’on ne le pense, puisque les deux partis tirent des bénéfices réciproques de leur association.</p>
<p>Les idotées bénéficient d’une source de nourriture en broutant les épiphytes en surface de l’algue. Ils pourraient également s’en servir d’abris contre les prédateurs grâce à leur pigmentation leur permettant de se dissimuler parfaitement dans l’algue. D’un autre côté, l’élimination des épiphytes par les isopodes permet une meilleure croissance de l’algue et notre présente étude montre que les idotées augmentent le succès reproducteur des algues.</p>
<p>Ce résultat montre que les associations entre végétaux et animaux sont bien plus complexes qu’on ne le pense dans le milieu marin, et questionne sur la spécificité de cette relation : d’autres algues rouges pourraient-elles bénéficier de ce système de dispersion des gamètes ? D’autres invertébrés y participent-ils ? Il est important de répondre à ces questions et de découvrir la place que ces associations occupent dans le fonctionnement des écosystèmes marins, surtout dans un contexte où l’anthropisation et les changements globaux qui en découlent menacent la dynamique de ces écosystèmes.</p>
<p>Ces résultats questionnent également sur l’histoire évolutive des relations entre les végétaux et les animaux. En effet, la pollinisation animale serait apparue il y a 140 millions d’années, avec les premières plantes à fleurs. Or, nos résultats montrent que des relations similaires existent en milieu marin. Les premières algues rouges se sont différenciées <a href="https://www.nature.com/articles/srep21361">il y a environ 900 millions d’années</a> et les premiers animaux pluricellulaires il y a environ 650 millions d’années, soit bien avant la différenciation des plantes à fleurs. L’apparition des associations entre plantes et animaux pourrait ainsi être bien plus ancienne que nous le pensons actuellement et avoir eu lieu bien avant la colonisation du milieu terrestre par les plantes.</p>
<p>Bien sûr, il est également possible que le rôle des animaux dans la fécondation des végétaux ait évolué plus récemment en parallèle dans les milieux terrestre et marin. Un des moyens d’aborder cette question est d’étudier la fréquence de la pollinisation par les animaux dans les différentes espèces d’algues rouges. Si elle est largement répandue, cela suggère que le rôle des animaux est probablement très ancien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194588/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Faure a travaillé dans l'unité internationale "Evolutionary Biology and Ecology of Algae (EBEA)" de la Station biologique de Roscoff et participé à la réalisation de l'étude qui a mené à cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emma Lavaut ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Des invertébrés marins jouent pour les algues le même rôle que les abeilles pour les fleurs, et transportent les gamètes.
Emma Lavaut, Doctorante dans l'unité internationale "Evolutionary Biology and Ecology of Algae (EBEA)" IRL3614, CNRS, SU, Station biologique de Roscoff,, Sorbonne Université
Antoine Faure, Doctorant en sciences de l'eau, Institut national de la recherche scientifique (INRS)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/191722
2022-11-09T23:44:45Z
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Et si les océans tropicaux piégeaient plus de CO₂ que prévu
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494144/original/file-20221108-14-qvarus.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C1868%2C903&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d e cran a</span> </figcaption></figure><p>L’océan constitue un puits de carbone, porteur d’enjeux majeurs dans l’évolution du climat. Parmi les phénomènes impliqués dans ce piégeage de CO<sub>2</sub> par l’océan, le plancton végétal (ou phytoplancton) absorbe le CO<sub>2</sub> par photosynthèse, fabrique de la matière organique constituée de carbone, qui est transférée le long de la chaîne alimentaire marine. À la mort des organismes, une partie de cette matière carbonée sédimente au fond des océans soustrayant ainsi du CO<sub>2</sub> à l’atmosphère. C’est ce que l’on appelle la pompe biologique de carbone en terme scientifique.</p>
<p>Les océans tropicaux et subtropicaux (environ 50 % de la surface de l’océan global) sont considérés comme peu efficaces pour piéger du CO<sub>2</sub> par voie biologique car ce sont des zones pauvres en azote (nitrates) (Fig. 1A). L’absence de ce nutriment essentiel limite la croissance du phytoplancton, et par extension la pompe biologique de carbone. Ces vastes régions peu productives et donc dites « oligotrophes » (Fig. 1B) abritent pourtant un type de plancton particulier appelé « diazotrophe ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494152/original/file-20221108-16-vwogxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494152/original/file-20221108-16-vwogxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494152/original/file-20221108-16-vwogxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494152/original/file-20221108-16-vwogxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494152/original/file-20221108-16-vwogxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494152/original/file-20221108-16-vwogxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494152/original/file-20221108-16-vwogxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1. A : Carte mondiale des concentrations en nitrates de surface, World Ocean Atlas. B : Concentrations en chlorophylle (une estimation du contenu en phytoplancton) de surface montrant les zones dites « oligotrophes » en bleu et violet, essentiellement en zone (sub)tropicale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">World Ocean/NASA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces microorganismes fixent du CO<sub>2</sub> comme le phytoplancton classique mais sont également capables de transformer l’azote gazeux dissous dans l’eau (le N<sub>2</sub>, une ressource inépuisable), en azote disponible pour le métabolisme.</p>
<p>Cet azote nouvellement apporté à l’océan soutient la photosynthèse et la chaîne alimentaire marine qui en découle, maintenant ainsi en partie la production biologique dans ces régions pauvres en nitrates. Parmi ces diazotrophes, l’espèce <em>Trichodesmium</em> est la plus étudiée à ce jour car elle est de grande taille (>100 µm) et peut former de vastes floraisons s’étendant sur plusieurs centaines de kilomètres, pouvant ainsi être détectée par satellite (Fig. 2).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494153/original/file-20221108-14-3i7qrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494153/original/file-20221108-14-3i7qrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494153/original/file-20221108-14-3i7qrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494153/original/file-20221108-14-3i7qrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494153/original/file-20221108-14-3i7qrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494153/original/file-20221108-14-3i7qrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494153/original/file-20221108-14-3i7qrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 2. A : Efflorescence de Trichodesmium détectée par satellite dans l’océan Pacifique subtropical Sud, NASA. B : Colonie de Trichodesmium erythraeum (x100). C : Diazotrophes unicellulaires (x400).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sophie Bonnet/NASA</span></span>
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<p>D’autres diazotrophes de plus petite taille (1 à 8 µm), appelés unicellulaires, sont également omniprésents dans l’océan (sub)tropical, l’aire de répartition de certains groupes s’étendant même jusqu’aux régions tempérées et polaires. Mais alors, si ces organismes soutiennent la production biologique dans ces vastes régions océaniques, quel est leur rôle dans la pompe biologique de carbone ? Cette question est de la plus grande actualité car les simulations de l’océan du futur prédisent une expansion géographique de l’océan (sub)tropical, et avec elle une probable expansion de l’aire de répartition des diazotrophes. Malheureusement, les recherches sur ce sujet restent rares, et ce, pour plusieurs raisons.</p>
<h2>Des diazotrophes dans l’océan profond ?</h2>
<p>Tout d’abord, il est généralement admis que les diazotrophes ne sédimentent pas vers l’océan profond, mais sont recyclés dans la couche de surface, restituant leur CO<sub>2</sub> à l’atmosphère. En effet, la taille et la densité des cellules ne seraient pas suffisantes pour pouvoir engendrer une chute vers les profondeurs océaniques (au-delà de 100 m)</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/s41396-022-01319-3">Nos récentes études</a> menées dans le cadre du projet <a href="http://tonga-project.org/web/#">TONGA</a> (Pacifique Sud) viennent néanmoins de remettre en cause ce paradigme : en effectuant des mesures dans l’océan profond (entre 100 et 1 000 m) à l’aide d’un couplage d’outils collectant la matière carbonée qui sédimente, nous avons démontré que les diazotrophes chutent vers l’océan profond, contribuant à certains endroits à la majeure partie du flux d’export de carbone.</p>
<p>L’étude révèle en outre que les organismes sont peu dégradés (Fig. 3), voire quasi intacts à cette profondeur, suggérant une chute rapide et donc un faible recyclage en CO<sub>2</sub> pendant la descente. Dans une <a href="https://www.nature.com/articles/s41396-022-01289-6">étude complémentaire</a>, nous révélons que certains de ces organismes (Trichodesmium) sont encore vivants à 1000 m de profondeur, confirmant leur chute rapide et donc leur export direct vers l’océan profond, où ce carbone sera piégé sur le long terme. Par des études en laboratoire, nous avons par la suite mesuré la vitesse à laquelle cette « neige marine » issue de diazotrophes coule (100 à 400 m par jour), confirmant les observations de terrain. Ces vitesses de chute relativement élevées seraient dues au fait que les petites cellules de diazotrophes (1-8 µm) ont la capacité de s’agglomérer pour former des agrégats de neige marine suffisamment grands (50-500 µm) et volumineux pour couler.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494169/original/file-20221108-20-z5ey73.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494169/original/file-20221108-20-z5ey73.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494169/original/file-20221108-20-z5ey73.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494169/original/file-20221108-20-z5ey73.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494169/original/file-20221108-20-z5ey73.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494169/original/file-20221108-20-z5ey73.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494169/original/file-20221108-20-z5ey73.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Diazotrophes (Trichodesmium sp. et unicellulaires) collectés dans les pièges à particules dans l’océan profond (170, 270, et 1000 m) dans le Pacifique Sud (Campagne TONGA). À, B, C : Photos prises en microscopie à épifluorescence. D, E, F : Photos prises en microscopie électronique à balayage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Bonnet, K. Leblanc</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’inextricable lien entre diazotrophes et cycle du carbone</h2>
<p>En plus de la sédimentation directe des diazotrophes, d’autres voies possibles de piégeage du carbone dérivées des diazotrophes existent (des voies indirectes), qui sont extrêmement complexes et difficiles à saisir avec les méthodes actuelles. En effet, dans ces régions où les diazotrophes soutiennent majoritairement la production biologique en surface, la neige marine résultante en profondeur peut être composée de diazotrophes (export direct), de phytoplancton non diazotrophe, de zooplancton, de détritus, de déjections ou d’un mélange de ces éléments, dont la taille varie de quelques µm à plusieurs cm.</p>
<p>À ce jour, il est impossible de déchiffrer ces différentes voies, de quantifier l’efficacité relative de chacune, et de savoir quels paramètres physico-chimiques et biologiques les contrôlent. Pour compliquer le tout, les processus biologiques qui contrôlent la production et la sédimentation de carbone dérivé des diazotrophes se produisent sur une large gamme d’échelles spatiales et temporelles, souvent difficiles à saisir dans l’océan. En particulier, les systèmes d’observation actuels manquent de résolution temporelle pour évaluer comment les changements environnementaux rapides (horaires, quotidiens ou saisonniers) influencent la communauté des diazotrophes en surface et, par conséquent, la quantité et la qualité du carbone exporté vers l’océan profond. Il est urgent de développer des approches appropriées pour déchiffrer ces voies si nous voulons comprendre comment et dans quelle mesure les diazotrophes exportent du carbone vers l’océan profond.</p>
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<p>Le <a href="https://www.ird.fr/sophie-bonnet-laureate-de-lappel-erc-consolidator-2021">projet HOPE</a> financé par l’ERC à hauteur de 2,5 millions d’euros, a pour ambition de contribuer à lever ces verrous technologiques grâce à un couplage d’approches à l’interface entre l’océanographie microbienne, la géochimie et la technologie des capteurs autonomes, qui examinent les processus se produisant à différentes échelles spatio-temporelles, et sont capables de saisir les caractéristiques transitoires et saisonnières de la pompe biologique soutenue par les diazotrophes.</p>
<p>Dans sa phase finale, HOPE a pour ambition de produire des cartes globales et spatialement résolues de la contribution des diazotrophes à l’export global de carbone, et les métriques nécessaires pour alimenter la composante marine des modèles de climat. Ces modèles prévoient un océan du futur plus chaud et plus stratifié, dans lequel l’aire de répartition des diazotrophes pourrait encore s’étendre. Explorer en détail leur rôle dans la pompe biologique à carbone est donc de la plus grande actualité.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191722/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Bonnet a reçu des financements de l'ERC, de l'ANR, de l'IRD et du CNRS-INSU. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric A.C. Le Moigne a reçu des financements de ANR, CNRS-INSU. </span></em></p>
Les océans assurent un rôle primordial dans la régulation du climat en piégeant du carbone.
Sophie Bonnet, Directrice de recherche IRD, Océanographe, Institut Méditerranéen d’Océanologie (M.I.O), Institut de recherche pour le développement (IRD)
Frédéric A.C. Le Moigne, Frédéric Le Moigne, Chargé de recherche CNRS, océanographe, Laboratoire des Sciences de l'Environnement Marin (LEMAR), Université de Bretagne occidentale
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/178288
2022-08-24T13:30:32Z
2022-08-24T13:30:32Z
Un renouveau gastronomique pour les algues marines du Saint-Laurent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474694/original/file-20220718-76291-oa88a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des algues dans le fleuve Saint-Laurent. Les eaux froides du Québec sont propices à leur croissance. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Ce n’est pas d’hier que les algues marines font partie de l’alimentation des humains. En Asie, leur consommation est bien ancrée dans les traditions culinaires. Pensons au fameux <a href="https://ici.radio-canada.ca/mordu/recettes/4770/bouillon-dashi">dashi</a>, ce bouillon japonais des plus savoureux.</p>
<p>Moins connues en Occident, les <a href="https://merinov.ca/wp-content/uploads/2021/10/Merinov-Strategie-Algues.pdf">algues sont une source d’aliments traditionnels dans quelques zones côtières</a> de l’Islande, de l’Irlande, de la France, du Danemark, de la Norvège, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0268005X1630532X">États-Unis et du Canada</a>.</p>
<p>Une cinquantaine d’algues sont consommées dans le monde. Les plus courantes retrouvées dans le commerce sont notamment le nori (utilisé pour les sushis), la dulse, le haricot ou spaghetti de mer, la laitue de mer, le wakamé et celui d’Atlantique, la fougère de mer, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007996017300792">et le kombu royal (lasagne de mer)</a>.</p>
<p>Nous retrouvons plusieurs de ces algues marines dans le fleuve Saint-Laurent.</p>
<p>Leur abondance, leur polyvalence et leur qualité font de cette ressource un véritable atout du Québec. Un atout qu’il faut absolument découvrir.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
<hr>
<p>Je m’intéresse au potentiel des algues marines et à leur mise en valeur en alimentation depuis une douzaine d’années. Mes activités de recherche portent sur l’étude des algues du Saint-Laurent et leurs composantes. Récemment, notre équipe de recherche à <a href="https://www.inaf.ulaval.ca">l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l’Université Laval</a> a investigué le potentiel gastronomique du dashi issu des algues québécoises.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Un Océan De Saveurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Manuel AÑÒ -- Explorateur par l’image)</span></span>
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</figure>
<h2>Les algues du Saint-Laurent</h2>
<p>Les grandes algues marines vivent dans les eaux salées, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1319016409000462">sur le littoral des océans, des mers et des fleuves</a>. Elles sont d’une très grande diversité de taille, de forme et de couleur. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1529-8817.2012.01222.x">On classe les algues marines par leur couleur selon les pigments qu’elles contiennent : vertes, brunes, rouges</a>.</p>
<p>Les eaux froides du Québec sont propices à leur croissance. Le très faible niveau de pollution d’origine industrielle ou urbaine dans certains endroits y est un atout. Des activités de culture <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-016-0850-3">peuvent être mises en place sans problème associé à l’accumulation de métaux lourds ou de microorganismes pathogènes</a> (pouvant causer une maladie).</p>
<p>Avec ses 6 000 km de côtes, réparties notamment dans les régions de la Gaspésie, de la Côte-Nord, et du Bas-Saint-Laurent <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/natcan/2016-v140-n2-natcan02523/1036505ar.pdf">l’estuaire maritime et le golfe regroupent 346 espèces d’algues</a>. <a href="http://exploramer.qc.ca/fourchette-bleue/">On en retrouve quinze parmi les espèces certifiées « Fourchette bleue » 2022</a>, une certification québécoise qui vise à faire découvrir de nouveaux produits marins à la population tout en appuyant l’utilisation durable de la ressource.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/476096/original/file-20220726-22290-9s8vat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476096/original/file-20220726-22290-9s8vat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476096/original/file-20220726-22290-9s8vat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476096/original/file-20220726-22290-9s8vat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476096/original/file-20220726-22290-9s8vat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476096/original/file-20220726-22290-9s8vat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476096/original/file-20220726-22290-9s8vat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Récolte d’Alaria esculenta (Wakamé d’Atlantique).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Merinov)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les algues sont disponibles sous différentes formes, soit fraîches, séchées, blanchies, congelées, en flocons ou épices, et même déjà transformées (prêt-à-manger comme le <a href="https://gaspesiegourmande.com/producteurs-transformateurs?id=598">pesto</a>, la relish, le <a href="https://gaspesiegourmande.com/producteurs-transformateurs?id=597">mélange à tartare</a>). L’incorporation des algues du Saint-Laurent dans des produits communs comme les <a href="https://www.lokkodelicieux.com/products/vinaigrette-la-kombu">vinaigrettes</a>, le pain, la <a href="http://lamateurdebiere.com/2018/07/gose-aux-algues-de-riverbend/">bière</a>, le <a href="https://couleurchocolat.panierdachat.app/fr/produit/tablette-chocolat-noir-framboises-et-algues-nori">chocolat</a>, le <a href="https://ifst.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ijfs.13681">fromage</a>, le <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/les-annees-lumiere/segments/reportage/401473/inaf-acfas-yogourt-algue-beaulieu-nutriment-">yogourt</a>, le sel et les épices, <a href="https://gaspesiegourmande.com/producteurs-transformateurs?id=603">comme en Gaspésie</a> ou <a href="https://www.lesjardinsdelamer.org/boutique/produits/">dans le Bas-Saint-Laurent</a>, est de plus en plus courue.</p>
<p>Dans les restaurants, les <a href="https://www.mapaq.gouv.qc.ca/pechesicimangesici/Pages/index.aspx">chefs cuisiniers ont aussi apprivoisé les algues du Québec</a> : elles les incitent à revisiter des recettes traditionnelles et à ouvrir des voies pionnières en gastronomie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pêchés ici, mangés ici. (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec).</span></figcaption>
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<h2>Les vertus des algues pour la santé</h2>
<p>Ces légumes de mer contiennent des fibres, des protéines, des vitamines et des minéraux qui les rendent attrayants d’un point de vue nutritionnel et pour prévenir certaines maladies, <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/abs/10.1139/h11-115">comme l’obésité</a>. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34597023/">L’intérêt de les intégrer en alimentation est donc grandissant</a>.</p>
<p>Outre le désir de manger sainement, le mouvement locavore (qui fait prendre conscience de l’importance des ressources locales durables), la mise en valeur des terroirs, la gastronomie et l’innovation culinaire <a href="https://findresearcher.sdu.dk/ws/portalfiles/portal/169333091/Umamipot1.pdf">inspirent aussi l’introduction des algues marines dans nos assiettes</a>. Les plus communes sont celles que l’on utilise dans les sushis, les salades, les <a href="https://www.delachauxetniestle.com/livre/algues-marines">soupes, voire dans les desserts ou comme assaisonnement et rehausseur de saveurs</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/476097/original/file-20220726-33182-tn8vvn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476097/original/file-20220726-33182-tn8vvn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476097/original/file-20220726-33182-tn8vvn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476097/original/file-20220726-33182-tn8vvn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476097/original/file-20220726-33182-tn8vvn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476097/original/file-20220726-33182-tn8vvn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476097/original/file-20220726-33182-tn8vvn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Filet de truite cuit à la vapeur d’algues et sauce à la laitue de mer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(INAF)</span></span>
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<h2>La saveur des algues</h2>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-022-02731-0">La phycogastronomie</a> (gastronomie scientifique des algues) a récemment fait son apparition afin de développer une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-022-02731-0">approche collaborative entre chercheurs et chefs cuisiniers professionnels</a>. Elle a pour but d’appuyer les créations culinaires sur des bases scientifiques, et d’encourager la consommation des algues auprès du grand public.</p>
<p>L’acceptation par les consommateurs de ces nouveaux produits à base d’algues dépend cependant de leurs propriétés organoleptiques, en particulier l’arôme, le goût et une combinaison des deux, la flaveur.</p>
<p>Les algues possèdent une saveur bien spécifique produite par des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0268005X1630532X">minéraux, des sucres et de nombreux composés organiques volatils</a>. Ce goût est étroitement lié à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Umami">saveur umami</a>, qu’on désigne comme la cinquième saveur s’ajoutant aux quatre autres connues (l’acide, le sucré, le salé, l’amer).</p>
<p>Les composés acides aminés, comme le glutamate et l’aspartate ainsi que des substances dérivées des acides nucléiques dissous dans les cellules de certaines algues, en particulier le nori, <a href="https://www.researchgate.net/publication/257883487_Seaweeds_for_umami_flavour_in_the_New_Nordic_Cuisine">constituent une source de saveur umami</a></p>
<p>Le glutamate, un acide aminé naturellement trouvé dans les aliments, est utile comme rehausseur de saveurs en cuisine. On le retrouve entre autres dans le parmesan, les tomates mûres, mais aussi dans les poissons et la sauce soja. Certaines espèces, particulièrement le kombu et plusieurs autres algues brunes, ont un goût d’iode prononcé. Avec l’iode, le potassium et le sodium apportent aussi un goût marin. La laminaire sucrée (kombu royal) quant à elle contient un sucre, le mannitol, qui lui confère son goût doux et sucré caractéristique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/476313/original/file-20220727-1306-adlfsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476313/original/file-20220727-1306-adlfsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476313/original/file-20220727-1306-adlfsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476313/original/file-20220727-1306-adlfsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476313/original/file-20220727-1306-adlfsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476313/original/file-20220727-1306-adlfsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476313/original/file-20220727-1306-adlfsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Culture de laminaire sucrée (Saccharina latissima).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Élizabeth Varennes)</span></span>
</figcaption>
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<p>Les algues peuvent aussi exhaler des odeurs ou révéler des saveurs associées à des composés organiques volatils. Des descripteurs sont couramment utilisés pour définir les arômes des algues (marin, soufré, végétal, boisé, épicé), qui sont associés à de multiples composés. Les caractéristiques sensorielles étant liées à l’acceptation d’un aliment par les consommateurs, de <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.jafc.1c04409">nombreuses études permettent d’explorer les arômes des algues</a>, et l’impact de leur incorporation à un aliment.</p>
<h2>Dashi à base d’algues québécoises</h2>
<p>L’un des plats les plus célèbres à base d’algues est une spécialité japonaise appelée dashi, qui signifie « un extrait cuit », un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0268005X1630532X">bouillon de soupe à base d’algues japonaises kombu</a>).</p>
<p>Le dashi est un très bon représentant du goût umami, car son procédé de cuisson permet l’extraction d’une grande quantité de glutamate. Afin de mener à bien notre recherche en vue de produire un dashi québécois, nous en avons sélectionné deux en raison de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-019-01846-1">leur historique de consommation</a>, <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/natcan/2016-v140-n2-natcan02523/1036505ar.pdf">leur disponibilité</a> et leur intérêt culinaire : l’algue rouge dulse (bacon de mer) et l’algue brune kombu royal (lasagne de mer).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/476310/original/file-20220727-19-l8rbm0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476310/original/file-20220727-19-l8rbm0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476310/original/file-20220727-19-l8rbm0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476310/original/file-20220727-19-l8rbm0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476310/original/file-20220727-19-l8rbm0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476310/original/file-20220727-19-l8rbm0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476310/original/file-20220727-19-l8rbm0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plat de dulse (Palmaria palmata).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Merinov)</span></span>
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<p>La production de bouillons a été suivie à différentes températures et temps de cuisson. Elle a été analysée pour leur composition chimique (minéraux, protéines et glucides) ainsi que pour leurs caractéristiques physico-chimiques sensorielles (couleur, texture, composés umami et composés organiques volatils).</p>
<p>Les résultats ont montré que les nutriments des algues étaient préservés dans les bouillons. Ceux produits avec la lasagne de mer étaient plus colorés, plus riches en minéraux, et avaient des arômes salés, marins et végétaux. Les bouillons de la dulse étaient plus visqueux, avec une plus grande quantité de glucides, et démontraient des arômes sucrés, fruités, herbacés, et un potentiel intéressant de saveur umami.</p>
<p><a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Impact-of-temperature-and-cooking-time-on-the-and-Lafeuille-Francezon/79e2fb5c61649ff3dd4dfae0afb51f34e98de2cf">La dulse est donc l’algue qui produisait un dashi plus diversifié en arômes et riche en saveurs umami</a>.</p>
<p>Les consommateurs sont intrigués par l’idée de manger des algues du Saint-Laurent et ils sont curieux d’en apprendre davantage sur leur origine. Les algues peuvent ainsi gagner une place dans les menus et, dans le futur, être encore plus présentes dans nos repas au quotidien !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178288/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucie Beaulieu est directrice du groupe d’intérêt sur les produits et co-produits marins de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) et directrice de la thématique – Ressources et économie maritime durable du Réseau Québec maritime (RQM). Elle a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du Fonds de recherche du Québec - Nature et technologie (FRQNT), du Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec (CRIBIQ), du Consortium de Recherche, en Innovation et en Transformation Alimentaire (RITA), de MITACS, du programme Sentinelle Nord, du programme RFI Food for tomorrow - Cap Aliments, de l'Institut France-Québec maritime (IFQM), de plusieurs ministères provinciaux et fédéraux (ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ministère de l'Économie et de l'Innovation, ministère des Relations Internationales, Fonds des Pêches du Québec, Conseil National de Recherche du Canada).</span></em></p>
L’abondance, la polyvalence et la qualité des algues marines du Saint-Laurent font de cette ressource un véritable atout du Québec. Il faut désormais les intégrer dans nos cuisines.
Lucie Beaulieu, Professeure en Sciences des aliments, Université Laval
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183996
2022-06-05T16:19:23Z
2022-06-05T16:19:23Z
Dans les Caraïbes, des microalgues qui engendrent des intoxications alimentaires
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466405/original/file-20220531-24-30gkws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C850&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La consommation de certaines espèces de poissons (ici un barracuda) contaminées par des toxines synthétisées par des microalgues peut provoquer des cas de ciguatera, une intoxication alimentaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.ifremer.fr/data/00543/65520/">Marc Taquet/Ifremer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La ciguatera, aussi appelée « gratte », est l’intoxication alimentaire d’origine non bactérienne la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0041010109004590?via%3Dihub">plus répandue</a> à travers le monde.</p>
<p>Elle survient suite à la consommation d’organismes marins (poissons et invertébrés) contaminés par des toxines de microalgues (algues microscopiques) appartenant au genre <em>Gambierdiscus</em>.</p>
<h2>Ciguatera et microalgues</h2>
<p>Ces microalgues sont des dinoflagellés (groupe de microalgues) benthiques, qui ont besoin d’un support pour se développer (rochers, algues, cordages, plastiques…).</p>
<p>C’est généralement à la suite de perturbations environnementales des récifs coralliens ayant perdu leur capacité de résilience (comme dans les cas de blanchissement) que s’installent des macrophytes (algues macroscopiques ou plantes supérieures aquatiques) propices au développement de dinoflagellés épiphytes (vivant fixés sur des végétaux) tels que <em>Gambierdiscus</em>. Ces dinoflagellés peuvent également proliférer sur des substrats inertes d’origine anthropique (cordes, plastiques immergés).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cellule de <em>Gambierdiscus</em> (diamètre : 85 µm) observée au microscope électronique à balayage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Chomérat/Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Précédemment restreinte aux régions tropicales, l’aire de répartition de <em>Gambierdiscus</em> s’étend depuis les années 2000 vers les régions subtropicales et tempérées.</p>
<p>Le changement climatique global, l’absence de traitement des eaux de ballasts et la dégradation du milieu marin sont autant de conditions à l’origine des <a href="https://www.novapublishers.com/wp-content/uploads/2020/08/978-1-53617-888-3.pdf">problèmes sanitaires, socio-économiques et écologiques</a> liés aux épisodes de ciguatera.</p>
<p>À ce jour, le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7999458/">genre <em>Gambierdiscus</em> comprend 18 espèces</a> formellement décrites, qui possèdent des caractéristiques morphologiques et génétiques distinctes, et présentent des toxicités et des profils toxiniques différents.</p>
<p>Actuellement, des composés identifiables à des ciguatoxines (toxines impliquées dans le syndrome de la ciguatéra) n’ont été retrouvés que dans le Pacifique, notamment chez <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0041010109002955"><em>G. polynesiensis</em></a>.</p>
<p>Ces toxines deviennent problématiques quand elles sont intégrées dans le <a href="https://www.milieumarinfrance.fr/Nos-rubriques/%C3%89tat-du-milieu/Reseaux-trophiques">réseau trophique</a>. Par le processus de bio-amplification, la concentration en ciguatoxines augmente à chaque niveau trophique pour atteindre de fortes concentrations chez les prédateurs supérieurs (comme chez les carangues et les barracudas), les rendant impropres à la consommation.</p>
<p>De plus, des phénomènes de bio-transformation interviennent et les composés sont modifiés dans les organismes marins. Cela rend leur étude particulièrement complexe, car les composés présents chez les poissons peuvent être bien différents de ceux produits par les dinoflagellés.</p>
<p>Les ciguatoxines étant thermostables (elles ne sont dégradées ni pendant la congélation ni lors de la cuisson), la consommation de poisson contaminé expose la population humaine à un risque sanitaire.</p>
<p>Ce syndrome <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4824207/">rarement fatal</a> toucherait chaque année au moins <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/0742841393902179">25 000 personnes</a> dans le monde, une estimation qui ne représenterait que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1773035X14724037">20 % du nombre réel de cas</a>, compte tenu de la variabilité des symptômes (plus de 170 rapportés) liés à cette intoxication.</p>
<h2>La ciguatera aux Antilles</h2>
<p>Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1773035X14724037">bassin caribéen</a> est la deuxième région au monde la plus touchée par la ciguatera, après l’océan Pacifique.</p>
<p>Aux Antilles, elle se manifeste généralement par des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5367029/">symptômes</a> gastro-intestinaux (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées). Ils peuvent être accompagnés ou suivis de troubles neurologiques (démangeaisons, sensations de brûlure au contact d’objets froids, céphalées, fatigue) qui sont moins observés que dans les autres foyers de la ciguatera. Bien que les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-21373-2">symptômes cardiovasculaires</a> les plus fréquemment observés soient des hypotensions et bradycardies, la proportion de ces derniers varie d’une étude à l’autre.</p>
<p>Des études épidémiologiques ont montré que la répartition des taux d’incidence de la ciguatera n’est pas homogène dans cette région : sa prévalence est plus forte dans les îles du nord de l’arc antillais que celles au sud, la <a href="https://www.dcbd.nl/sites/default/files/documents/Olsen%201984%20Ciguatera%20in%20Eastern%20Caribbean.pdf">Martinique étant la zone charnière</a>.</p>
<p>Les taux d’incidence annuels entre 1996 et 2006 excédaient 15 cas/10 000 habitants au niveau de l’épicentre (zone de plus forte prévalence), qui s’étend des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0041010110000978">Iles Vierges à Montserrat</a>, alors que le taux annuel le plus élevé dans la zone de faible prévalence était de 0,67 cas/10 000 habitants entre 2012 et 2018 et concernait la <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02083290/document">Martinique</a>.</p>
<p>Dans les Antilles françaises, les cas de ciguatera font l’objet de déclaration systématique auprès de l’Agence Régionale de la Santé.</p>
<p>Récemment, le taux d’incidence annuel de la ciguatera en <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-21373-2">Guadeloupe</a> a fortement augmenté, atteignant 1,43 cas/10 000 habitants entre 2013 et 2016, ce qui représente une augmentation d’un facteur 5 en 10 ans.</p>
<p>Cette augmentation pourrait être due à la consommation de nouvelles espèces potentiellement vectrices de la ciguatera (comme les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-21373-2">barbarins</a>), qui ne figurent pas sur la liste des espèces à risque.</p>
<p>Les espèces interdites sont variables d’un pays voire d’une région à l’autre.</p>
<p>Ainsi, il existe depuis 2002 un <a href="https://www.guadeloupe.ars.sante.fr/ciguatera-informations">arrêté préfectoral en Guadeloupe</a> encadrant la pêche et la commercialisation de certaines espèces de poissons. Dans cet arrêté, 15 espèces de poissons sont répertoriées comme étant les plus ciguatoxiques.</p>
<p>La pêche et la vente de certaines espèces sont interdites en tous lieux et quel que soit le poids des spécimens capturés, alors que pour d’autres les restrictions ne concernent que la zone de pêche ou le poids des individus pêchés.</p>
<p>À l’inverse, il n’existe à ce jour aucune restriction en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1568988318301732">Martinique</a>, bien que le taux d’incidence de la ciguatera ait été <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02083290/document">multiplié par 3</a> en 10 ans.</p>
<p>Des <em>Gambierdiscus</em> observés sur le littoral de cette île pourraient expliquer en partie les cas d’intoxications <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02083290/document">survenus localement</a>, remettant alors en question la croyance locale quant à l’origine des poissons ciguatoxiques en Martinique.</p>
<h2>Carmina, un projet pour le bassin caribéen</h2>
<p>La ciguatera étant en lien étroit avec la dégradation des écosystèmes marins, l’étude de cette intoxication doit être appréhendée selon l’approche <a href="https://www.anses.fr/fr/content/one-health"><em>One Health</em></a> (« Une seule santé »).</p>
<p>Malgré la présence du risque ciguatérique dans les Caraïbes, peu d’études récentes menées à grande échelle ont porté conjointement sur l’étude de la diversité, la toxicité et les profils toxiniques des <em>Gambierdiscus</em>. C’est dans ce contexte qu’a émergé le projet Carmina.</p>
<p>Le projet Carmina est un projet scientifique financé par l’<a href="https://www.afd.fr/fr">Agence française du Développement</a>, qui a pour objectif d’étudier la diversité et la toxicité des microalgues responsables de la ciguatera dans le bassin caribéen.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Pays impliqués : Antigua et Barbuda, France, Trinité-et-Tobago, Venezuela, Colombie, Panama, Costa Rica, Guatemala, Mexique, Cuba, Jamaïque" src="https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pays caribéens impliqués dans le projet Carmina, financé par l’Agence Française du Développement (AFD).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aurélie Boisnoir & Nicolas Chomérat/Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En collaboration avec les laboratoires de la <a href="https://www.noaa.gov/">NOAA</a> et de <a href="https://www.anses.fr/fr/content/one-health">l’Anses</a>, les équipes de <a href="https://wwz.ifremer.fr/">l’Ifremer</a> ambitionnent d’améliorer les connaissances sur les microalgues associées à la ciguatera pour permettre une meilleure gestion du risque dans cette région.</p>
<p>Les espèces ciblées dans cette étude sont celles appartenant au genre <em>Gambierdiscus</em>, mais aussi celles des genres <em>Fukuyoa</em> et <em>Coolia</em>. En effet, des métabolites synthétisés par <em>Gambierdiscus</em> ont été retrouvés chez certaines espèces des genres <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1568988320301323"><em>Fukuyoa</em> et <em>Coolia</em></a>, laissant supposer qu’elles pourraient elles aussi contribuer à la survenue de la ciguatera.</p>
<p>Ce projet, qui implique 11 états caribéens, a débuté en mai 2022 et permettra de renforcer la coopération scientifique sur la thématique de la ciguatera, qui pourrait prendre de l’ampleur dans les années à venir.</p>
<p>Les premiers résultats de cette étude seront présentés lors d’une réunion d’avancement qui aura lieu en 2023 en Martinique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183996/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélie Boisnoir a reçu des financements de l'Agence Française du Développement (AFD). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Chomerat a reçu des financements de l'Agence Française de Développement (AFD). </span></em></p>
La ciguatera est une intoxication alimentaire causée par des toxines synthétisées par des algues microscopiques. Elle pourrait émerger dans de nouvelles régions en raison du changement climatique.
Aurélie Boisnoir, Chercheure en écologie et physiologie des microalgues tropicales, Ifremer
Nicolas Chomerat, Chercheur en taxinomie et systématique des microalgues marines, Ifremer
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tag:theconversation.com,2011:article/178950
2022-05-24T17:58:21Z
2022-05-24T17:58:21Z
Images de science : « Watersipora subatra », voyageuse au long cours
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451023/original/file-20220309-25-1mfm9sg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4495%2C3000&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bryozoaire _Watersipora subatra_ est originaire du Japon. Ici dans la rade de Brest, où sa présence est attestée depuis 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Olivier Dugornay/Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Originaire du Japon, <em>Watersipora subatra</em> envahit progressivement les océans et mers du globe. L’introduction d’une espèce dans un nouvel écosystème peut engendrer des déséquilibres écologiques parfois irrémédiables. En milieu marin, leurs conséquences peuvent être graves du fait de la difficulté d’intervention.</p>
<p>Il existe quelques exemples spectaculaires, tels l’<a href="https://gisposidonie.osupytheas.fr/?p=399">algue verte tropicale <em>Caulerpa taxifolia</em> en Méditerranée</a> ou encore le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crabe_royal_du_Kamtchatka">crabe royal du Kamchatka</a>. Ces crabes, originaires de la mer de Béring entre l’est de la Russie et l’Alaska, ont été introduits en mer de Barents pour y développer une pêcherie et soutenir l’emploi local. Trouvant des écosystèmes favorables, cette espèce a rapidement étendu son aire de distribution vers l’ouest et colonisé les côtes de Norvège, actuellement jusqu’aux îles Lofoten. Elle représente une menace pour les écosystèmes qu’elle colonise dont elle perturbe profondément le fonctionnement, notamment en ingérant les œufs de poissons, notamment ceux du tacaud et de la morue.</p>
<p>Fort heureusement, dans la majorité des cas, les espèces introduites sont plus discrètes, ce qui n’exclut pas de les surveiller afin de déceler toute perturbation du fonctionnement au sein des écosystèmes ou la disparition d’autres espèces.</p>
<p>Le bryozoaire <em>Watersipora subatra</em> illustre l’exemple d’une introduction discrète mais d’une capacité de colonisation de nouveaux milieux très efficace – originaire du Japon, elle s’est largement implantée sur tout le <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00612/72370/">littoral breton</a> en seulement une décennie.</p>
<p>Si son arrivée en Europe peut être due à la présence de colonies dans du naissain (juvéniles) d’huître japonaise, son expansion pourrait aussi se faire via la fixation de ses larves ou de ses colonies sur les coques de navires (phénomène communément appelé « fouling »), ou encore par des algues dérivantes sur lesquelles les colonies pourraient se développer.</p>
<h2>Des « animaux mousses » variés à travers le monde</h2>
<p>Les bryozoaires, littéralement « animaux mousses », sont des animaux coloniaux, fixés pour la plupart sur un substrat, inerte ou vivant, et majoritairement marins. Chaque individu, appelé zoïde ou zoécie, vit dans une loge millimétrique au sein d’une colonie, le zoarium, qui peut être encroûtante, dressée ou arbustive et mesurer de quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres. La nutrition et la respiration des bryozoaires sont assurées par un courant d’eau créé par une couronne de tentacules appelée « lophophore ». Les loges étant le plus souvent carbonatées, plusieurs espèces contribuent ainsi dans les mers chaudes à la construction des récifs coralliens. La forme, la taille et l’agencement des loges permettent de reconnaître les différentes espèces.</p>
<p>Par leurs larves ou leurs colonies présentes dans le « fouling », quelques espèces sont facilement transportées de port en port et colonisent actuellement le littoral européen.</p>
<p>Tel est le cas de <em>Watersipora subatra</em>, originaire du Japon, qui est actuellement recensée comme une espèce introduite dans l’Atlantique Nord-Est, dans l’Indopacifique (Indonésie), le Pacifique sud-ouest (Australie, Nouvelle-Zélande) et le Pacifique nord-est (Californie). La taxonomie de ce genre, qui compte 13 espèces quelquefois <a href="https://www.biotaxa.org/Zootaxa/article/view/zootaxa.3857.2.1">très proches morphologiquement</a>, a induit de nombreuses hésitations avant que l’identification définitive des Watersipora présents sur les côtes européennes ne soit fixée.</p>
<p>Le long des côtes atlantiques européennes, cette espèce a été initialement identifiée comme <em>Watersipora aterrima</em> dans le bassin d’Arcachon entre 1968 et 1973, puis comme <em>Watersipora subovoidea</em> en Bretagne en <a href="https://www.vliz.be/imisdocs/publications/334935.pdf">2005</a>, revue comme <em>Watersipora subtorquata</em> en <a href="https://www.biotaxa.org/Zootaxa/article/view/zootaxa.2093.1.3">2009</a>. Il est désormais avéré que l’espèce présente en Bretagne, autour des îles Britanniques et en mer du Nord est en fait <em>Watersipora subatra</em> et que quatre autres espèces sont présentes sur le <a href="https://www.biotaxa.org/Zootaxa/article/view/zootaxa.3857.2.1">reste des côtes européennes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Financement de projets de recherche provenant de guichets divers (EC2CO, ANR, Agences de l'eau, Région Bretagne, FEAMP, INTERREG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eric Thiébaut a reçu des financements pour des projets de recherche provenant de différents financeurs ou programmes (ex. PNEC-EC2CO, ANR, Agence de l'eau Loire-Bretagne, OFB, FEAMP, Inter-Reg, Europe). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérôme FOURNIER et Laurent Godet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
L’arrivée d’une espèce invasive peut perturber l’écosystème, même quand elle reste discrète.
Nicolas Desroy, Chercheur en faune benthique, Ifremer
Eric Thiébaut, professeur en océanographie biologique, Sorbonne Université
Jérôme FOURNIER, chercheur au CNRS, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Laurent Godet, Chercheur au CNRS, Université de Nantes
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tag:theconversation.com,2011:article/179166
2022-03-22T19:00:45Z
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L’accumulation des sels de déglaçage dans les lacs menace ceux qui y vivent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/452519/original/file-20220316-7982-y68pp3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=86%2C10%2C3521%2C2390&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les sels de déglaçage appliqués pour la sécurité des routes ne disparaissent pas au printemps ; ils ruissellent et s'accumulent dans les cours d'eau.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Comme bien des pays qui ont des hivers froids, le Canada épand des millions de tonnes de sels de déglaçage sur les routes chaque année. Bien qu’on ne les voit plus sous nos pieds au printemps, les sels de voirie ne disparaissent pas par magie : ils se dissolvent, ruissellent et s’accumulent (en partie) dans les plans d’eau.</p>
<p>La pollution saline peut toutefois devenir rapidement toxique pour certains organismes d’eau douce.</p>
<p>Certaines espèces d’animaux microscopiques, comme le zooplancton crustacé (incluant les fameuses <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/puce-deau">« puces d’eau »</a>), peuvent être sensibles à l’augmentation de la salinité dans leur milieu. La perte de ces petits brouteurs aquatiques pourrait entraîner d’importantes conséquences environnementales, comme la prolifération d’algues (normalement broutées par le zooplancton) ou la réduction d’apport alimentaire pour les jeunes poissons.</p>
<p>En tant qu’écologiste aquatique, j’étudie comment les écosystèmes et les organismes d’eau douce répondent aux changements mondiaux. Avec des collègues d’une vingtaine d’universités dans le monde, comprenant une équipe du groupe de recherche interuniversitaire en limnologie (GRIL) à l’UQAM et à l’Université McGill, j’ai participé à une série d’études internationales afin de mieux comprendre la réponse du plancton d’eau douce à la salinisation.</p>
<h2>Un enjeu environnemental à l’échelle mondiale</h2>
<p>Souvent mesurée sous forme de chlorure (ion communément retrouvé dans les sels), la salinité de plusieurs lacs, rivières, étangs et milieux humides augmente progressivement en raison des activités humaines. Les causes sont multiples. Le ruissellement des sels de déglaçage (comme le chlorure de sodium) épandus en hiver peut jouer un rôle majeur dans les régions plus froides, mais d’autres pratiques comme l’application d’engrais agricoles, l’extraction minière, l’élévation du niveau de la mer ou le déboisement des terres contribuent aussi à la salinisation des eaux douces.</p>
<p>Le hic, c’est qu’une fois que les sels infiltrent nos réserves d’eau douce, il est difficile, voire parfois impossible, de les extraire. La contamination par le chlorure peut persister pendant des décennies. L’accumulation des sels de déglaçage, par exemple, peut entre autres poser problème pour la gestion d’eau potable et la libération de substances nocives dans les plans d’eau. De fait, la salinisation des eaux douces représente aujourd’hui un enjeu environnemental au niveau mondial.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/452525/original/file-20220316-8334-1a3ov4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="lac au printemps qui commence à dégeler" src="https://images.theconversation.com/files/452525/original/file-20220316-8334-1a3ov4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452525/original/file-20220316-8334-1a3ov4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452525/original/file-20220316-8334-1a3ov4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452525/original/file-20220316-8334-1a3ov4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452525/original/file-20220316-8334-1a3ov4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452525/original/file-20220316-8334-1a3ov4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452525/original/file-20220316-8334-1a3ov4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les effets négatifs de la salinisation des eaux douces sur la vie aquatique ont été observés à plusieurs endroits dans le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Perte de zooplancton et conséquences associées</h2>
<p>Pour évaluer le seuil de fragilité du plancton des lacs à grandes échelles, notre équipe de recherche internationale s’est coordonnée afin d’effectuer la même étude en enclos expérimentaux dans 16 lacs en Amérique du Nord et en Europe. Nos travaux de recherche indiquent que l’augmentation de la salinité peut causer une perte de <a href="https://aslopubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/lol2.10239">biodiversité</a> et une grande <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2115033119">mortalité</a> chez le zooplancton, et ce, à des niveaux de chlorure similaires à ceux mesurés dans les lacs pollués par les sels de déglaçage.</p>
<p>De même, dans près de la moitié des sites expérimentaux de l’étude, la perte massive de zooplancton-brouteur a permis aux algues de proliférer. Dans les lacs, la prolifération algale peut réduire la clarté de l’eau (ce qui peut, entre autres, nuire aux organismes vivant plus en profondeur) et compromettre certains « services » rendus par ces écosystèmes, comme la qualité de l’eau potable, les pêcheries ou les activités récréatives. Autrement dit, la sensibilité du zooplancton à la pollution saline peut créer un effet domino sur d’autres maillons de la chaîne alimentaire aquatique, pouvant ainsi déstabiliser l’équilibre écologique des lacs et nuire à leur santé.</p>
<p>Ces résultats de recherche viennent renforcer les conclusions issues d’autres études, mais à plus grandes échelles. La plupart des études sur le sujet se concentrent sur un seul plan d’eau ou sur des espèces-modèles en laboratoire. En unissant nos forces à celles de chercheurs ailleurs dans le monde, cet effort collectif a permis de montrer qu’une multitude d’espèces de zooplancton couramment retrouvées dans les lacs sont sensibles à la salinisation, et ce, même si les conditions environnementales diffèrent.</p>
<p>Comme dans bien des sphères en science, il y a toujours certaines limites à ce qu’on peut conclure à partir d’une étude. Cela dit, quand on obtient les mêmes résultats à plusieurs reprises et à plusieurs endroits, on peut commencer à penser à la prochaine étape : l’application des résultats de recherche et les enjeux sociopolitiques.</p>
<h2>Appels aux autorités publiques</h2>
<p>Un important constat issu des travaux : les concentrations de chlorure pouvant causer la mortalité de 50 % du zooplancton sont souvent inférieures aux concentrations seuils établies par les directives gouvernementales. Autrement dit, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou à plusieurs endroits dans l’Union européenne, les réglementations actuellement en vigueur en matière de qualité de l’eau ne sont pas suffisamment sévères pour protéger les lacs de la pollution par le sel.</p>
<p>À l’état naturel, les écosystèmes d’eau douce contiennent très peu de chlorure ; disons, généralement moins de 20 mg Cl<sup>-</sup>/L. La concentration seuil considérée sécuritaire pour la vie aquatique au <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiugcPAycj2AhUDjYkEHQ4qA3gQFnoECA8QAQ&url=http%3A%2F%2Fccme.ca%2Ffr%2Fres%2F2011-chloride-ceqg-scd-1460-en.pdf&usg=AOvVaw3iv4hL2hvrEvOkxbEP6yhe">Canada</a> est de 120 mg Cl<sup>-</sup>/L, alors qu’aux <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwj9nILAysj2AhWqlIkEHSCDAYMQFnoECAkQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.epa.gov%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2F2018-08%2Fdocuments%2Fchloride-aquatic-life-criteria-1988.pdf&usg=AOvVaw1pwKI-wErbkPo22-8Bz2qG">États-Unis</a>, on parle de 230 mg Cl<sup>-</sup>/L (soit environ une ou deux cuillère(s) à thé de sel de table dans une chaudière d’eau douce).</p>
<p>Bien que des effets néfastes (notamment sur le zooplancton) peuvent survenir en dessous de ces concentrations de chlorure, on pourrait tout de même croire que les directives plus conservatrices au Canada sont plus sécuritaires. Mais encore faudrait-il que ces seuils maximaux soient maintenus. Ce n’est pas toujours le cas, comme le rappelle le Fonds Mondial pour la Nature du Canada (<a href="https://wwf.ca/media-releases/wwf-canada-chloride-maps-show-devastating-effects-of-road-salt-yes-even-in-summer/">WWF-Canada</a>). Dans les faits, les niveaux de chlorure des lacs pollués par les sels de déglaçage peuvent atteindre plusieurs centaines, voire parfois des milliers, de mg/L.</p>
<p>Chaque hiver, on déverse plus de cinq millions de <a href="https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/pollutants/road-salts.html">tonnes de sels</a> sur le réseau routier, la chaussée et les stationnements canadiens ; les métropoles dans l’est du pays, comme Montréal et Toronto, peuvent à elles seules épandre près de 150 000 tonnes. Les chercheurs appellent à réduire l’application des sels de voirie et considérer des options alternatives. Une <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/fee.2433">étude</a> récente a d’ailleurs suggéré quelques pratiques pour améliorer la gestion, comme le recours à des liquides à base de saumures pour amoindrir la quantité de sels appliqués. Chose certaine, il semble devenir impératif de développer le dialogue avec les décideurs et responsables politiques afin d’assurer la sécurité routière tout en protégeant la santé environnementale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179166/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Pier Hébert a reçu des financements du CRSNG, FRQNT et du GRIL pour effectuer les travaux de recherche décrits dans l'article. Aucun conflit d'intérêt à déclarer.
</span></em></p>
Des travaux de recherche récents ont démontré que l’augmentation des concentrations de sels (sous forme de chlorure) peut entraîner la mortalité de petits crustacés vivant dans les lacs.
Marie-Pier Hébert, PhD, Stagiaire post-doctorale à l'Université du Vermont et à l'UQAC; Recherche en écologie aquatique, University of Vermont
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tag:theconversation.com,2011:article/176322
2022-02-08T21:04:31Z
2022-02-08T21:04:31Z
Huîtres et algues : partenaires pour le meilleur et pour le pire dans un océan en mutation
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444269/original/file-20220203-17-1mg2qlm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Élevage d’huîtres en poche sur table en rade de Brest. Les poches d’huîtres sont recouvertes d’algues vertes. Au sol, les algues vertes coexistent avec les fucus. </span> <span class="attribution"><span class="source">F. Pernet/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Bien que les algues et les huîtres n’aient pas de liens évidents – les huîtres ne mangent pas les algues, elles ne sont pas en compétition pour les ressources, elles ne se parasitent pas – les algues et les huîtres sont reliées par l’eau de mer et partagent de nombreux microbes.</p>
<p>Ainsi, par leur simple présence, les algues pourraient influencer le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microbiote">« microbiote »</a> des huîtres, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes associés tels que bactéries, virus, et champignons, avec des conséquences sur leur réponse immunitaire et leur santé. Comme chez l’<a href="https://theconversation.com/microbiote-intestinal-et-sante-une-alliance-que-chacun-peut-optimiser-168965">homme</a>, le microbiote peut aider ou nuire à la santé de l’huître et à la lutte contre les maladies.</p>
<h2>Partout dans le monde, des huîtres malades</h2>
<p>Cette hypothèse a germé 10 années après qu’ostréiculteurs et scientifiques aient constaté en 2008 des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-huitres-sont-elles-de-plus-en-plus-souvent-malades-152005">mortalités massives</a> dans les élevages de jeunes huîtres creuses.</p>
<p>Ce phénomène, qui se reproduit tous les ans au printemps, a rapidement été associé à une infection par un nouveau variant de l’<em>ostreid herpesvirus</em>, dont la souche de référence avait été découverte dans les années 1990. En quelques années, ce variant s’est propagé le long du littoral européen, de l’Espagne au sud de la Norvège, et des variants étroitement liés ont été détectés en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Asie. Ce virus est une contrainte pour la production d’huîtres dans le monde.</p>
<p>Une <a href="https://www.cnrs.fr/sites/default/files/press_info/2019-01/cp_publi_mortalites_huitres.pdf">étude récente</a> a montré que l’infection virale provoque chez l’huître un état immunodéprimé suivi d’une « dysbiose », c’est-à-dire un déséquilibre du microbiote. La dysbiose conduit à une colonisation secondaire par des bactéries opportunistes et à la mort de l’huître.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444272/original/file-20220203-25-120a14i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444272/original/file-20220203-25-120a14i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444272/original/file-20220203-25-120a14i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444272/original/file-20220203-25-120a14i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444272/original/file-20220203-25-120a14i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444272/original/file-20220203-25-120a14i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444272/original/file-20220203-25-120a14i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444272/original/file-20220203-25-120a14i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Culture bactérienne sur gel en laboratoire pour analyser le microbiote des huîtres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Pernet/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans cette maladie, le remaniement du microbiote de l’huître fait partie intégrante du processus infectieux induit par le virus. Étant donné que le microbiote des huîtres est variable selon le site d’élevage, le régime alimentaire, la température, ou la présence d’antibiotiques, il est possible de le modifier naturellement pour renforcer les défenses de l’huître contre l’infection virale.</p>
<h2>Algues vertes, brunes et rouges</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/algues-38040">Les algues</a> sont particulièrement intéressantes, car elles abritent une riche diversité de bactéries associées, variable selon les espèces, qui peuvent être bénéfiques aux organismes reliés comme les huîtres.</p>
<p>C’est donc naturellement que nous est venue l’idée de vérifier si les algues vivant en association avec les huîtres pouvaient altérer leur microbiote, positivement ou négativement, et ainsi influencer leur réponse à une maladie.</p>
<p>Nous avons donc exposé des huîtres à des algues vertes (<em>Ulves</em>), brunes (<em>Fucus</em>) ou rouges (cordes de Solier) prélevées en rade de Brest, dans des conditions de laboratoire pendant deux semaines au printemps 2018, avant de les confronter au virus. Ces espèces d’algues ont été choisies, car elles se développent dans des habitats différents, plus ou moins touchés par les activités humaines, et leur microbiote bactérien devait être différent.</p>
<p>Les ulves et les fucus coexistent naturellement avec les huîtres tandis que les cordes de Solier se trouvent à proximité dans les zones plus profondes.</p>
<p>La prolifération des ulves est généralement associée à <a href="https://ez5-projets.ifremer.fr/simm_en/Nos-rubriques/%C3%89tat-du-milieu/Eutrophisation">« l’eutrophisation »</a>, c’est-à-dire à l’enrichissement en nutriments au-delà de la capacité d’autorégulation des écosystèmes. En Bretagne, depuis les années 1970, les algues vertes pullulent chaque année à la fin du printemps ou au début de l’été, donnant naissance au phénomène de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mar%C3%A9e_verte">« marées vertes »</a>.</p>
<p>Les cordes de Solier se retrouvent le plus souvent dans des zones abritées saines en eaux calmes. Dans la rade de Brest, cette espèce se trouve dans des zones localement protégées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444271/original/file-20220203-27-t4ddkg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444271/original/file-20220203-27-t4ddkg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444271/original/file-20220203-27-t4ddkg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444271/original/file-20220203-27-t4ddkg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444271/original/file-20220203-27-t4ddkg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444271/original/file-20220203-27-t4ddkg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444271/original/file-20220203-27-t4ddkg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444271/original/file-20220203-27-t4ddkg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vue aérienne d’un élevage d’huîtres en poche en rade de Brest. Certaines poches sont recouvertes d’algues vertes et on peut distinguer des taches d’algues brunes au sol.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Pernet/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une surmortalité établie en lien avec les algues vertes</h2>
<p>Le risque de mortalité des huîtres était deux fois plus élevé en présence d’ulves que dans la condition témoin sans algue, et cette surmortalité était associée à une prolifération virale accrue, une dysbiose du microbiote bactérien, et une surexpression des défenses immunitaires. <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2656.13662">Ces données inédites sont détaillées</a> en ce début février 2022 dans la revue scientifique <em>Journal of Animal Ecology</em>.</p>
<p>Nous savions que la prolifération des algues vertes avait des impacts majeurs sur les animaux vivant sur le fond, mais aucune étude n’avait établi de lien possible avec une maladie marine.</p>
<p>Deux années après le début de nos expérimentations, nous avons confirmé ces résultats avec des ulves provenant de plusieurs sites bretons différents.</p>
<p>Il s’agit maintenant de déterminer l’importance des ulves en tant que facteur de risque de mortalité dans les élevages sur le terrain. Pour cela, une étude épidémiologique d’envergure est incontournable. L’augmentation des marées vertes dans le monde due à l’eutrophisation pourrait avoir des conséquences sur le risque d’émergence de maladies qu’il faut évaluer précisément.</p>
<p>En attendant cette vaste étude épidémiologique, les ostréiculteurs peuvent, à leur échelle, limiter la prolifération des ulves dans leurs élevages en ajoutant des bigorneaux brouteurs, une sorte « d’auxiliaire » facilitateur. Cette pratique, qui a pour objectif initial de réduire le temps de nettoyage des poches tout en maintenant la circulation de l’eau autour des huîtres, pourrait ainsi améliorer la santé des cheptels.</p>
<h2>Les algues, créatrices de refuges contre l’acidification des eaux</h2>
<p>Contrairement aux ulves, nos expériences montrent que les fucus n’ont aucun effet, et les cordes de Solier réduisent le risque mortalité des huîtres d’un facteur deux par rapport au témoin. Bien que ce résultat ne fût pas significatif sur le plan statistique, la présence de certaines espèces d’algues pourrait être bénéfique à la santé des huîtres.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444273/original/file-20220203-5081-13ls2sd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444273/original/file-20220203-5081-13ls2sd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444273/original/file-20220203-5081-13ls2sd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444273/original/file-20220203-5081-13ls2sd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444273/original/file-20220203-5081-13ls2sd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444273/original/file-20220203-5081-13ls2sd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444273/original/file-20220203-5081-13ls2sd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444273/original/file-20220203-5081-13ls2sd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Huître sauvage entourée de fucus. Les fucus n’ont pas d’effet sur la résistance des huîtres à la maladie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Dugeny/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que l’océan, en absorbant près d’un quart des émissions humaines de CO<sub>2</sub>, s’<a href="https://theconversation.com/lacidification-des-oceans-lautre-danger-du-co-114716">acidifie</a> à un taux sans précédent historique, au point de menacer la vie des coquillages, le partenariat avec les algues est plein de promesses.</p>
<p>Grâce à la photosynthèse, les algues captent en effet le CO<sub>2</sub> pour le transformer en sucre et diminuent ainsi l’acidité de l’eau. Les algues créent ainsi des <a href="https://www.slate.fr/story/181212/algues-solution-lutter-changement-climatique-biodiversite-marine">refuges contre l’acidification</a> favorables à la croissance des coquillages.</p>
<p>Si la co-culture des algues et des coquillages représente une option sérieuse pour limiter les effets de l’acidification, il faut néanmoins prendre en compte les impacts sur la santé des animaux et choisir les meilleures associations possible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444275/original/file-20220203-27-1mkefr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444275/original/file-20220203-27-1mkefr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444275/original/file-20220203-27-1mkefr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444275/original/file-20220203-27-1mkefr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444275/original/file-20220203-27-1mkefr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444275/original/file-20220203-27-1mkefr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444275/original/file-20220203-27-1mkefr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444275/original/file-20220203-27-1mkefr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Impact de l’acidification sur la croissance de l’huître. Ces coquilles ont été photographiées après 23 jours d’exposition à des conditions ambiantes (haut) et acidifiées (bas). Les coquilles en milieu acidifié étaient plus petites et décolorées par rapport au témoin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Pernet/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une interaction valable bien au-delà de la conchyliculture</h2>
<p>Ce que nous avons montré <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2656.13662">dans notre récente étude</a> pour un système d’interaction simple incluant algues et huîtres s’applique à toutes autres espèces.</p>
<p>La conchyliculture, comme d’autres activités de production alimentaire tributaire du milieu naturel, telles que la production de miel ou de vin par exemple, devra s’adapter au changement climatique et au risque croissant de maladies.</p>
<p>Ainsi, on parle souvent de luttes : lutte contre l’acidification, lutte contre les maladies, lutte contre la pollution. Toutes ces luttes convergent et la clé de voûte est la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9silience_(%C3%A9cologie)">« résilience »</a>, c’est-à-dire la capacité d’un système vivant à retrouver son état de référence (ou un nouvel état d’équilibre) après une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Perturbation_%C3%A9cologique">perturbation</a>.</p>
<p>Pratiquement, cette résilience des écosystèmes passe par le maintien de la biodiversité qui assure la complémentarité et la redondance des fonctions entre espèces. C’est l’objectif que nous devons garder en ligne de mire.</p>
<hr>
<p><em>Elyne Dugeny, Julien de Lorgeril, Bruno Petton, Eve Toulza et Yannick Gueguen sont co-auteurs de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176322/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L’étude évoquée dans cet article a été financée par le DLAL FEAMP Pays de Brest (projet FEDIVER) et H2020 (projet VIVALDI).</span></em></p>
Une étude publiée ce mercredi 9 février 2022 montre comment les algues peuvent influencer le devenir des huîtres exposées à une maladie mortelle.
Fabrice Pernet, Chercheur en biologie marine, Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163369
2021-10-19T18:37:30Z
2021-10-19T18:37:30Z
Images de science : Quand l’invisible empourpre l’océan
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426387/original/file-20211014-18-1yxyzuz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C1276%2C731&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’océan coloré, visible depuis l’espace.</span> <span class="attribution"><span class="source">©Université de Nantes - Pierre Gernez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Sur cette image satellite prise le 22 mars 2021, on voit des volutes rouges dans l’océan – ce sont des ciliés, micro-organismes du plancton, qui se sont développés massivement suite à un déséquilibre probable dans leur écosystème. Ces eaux colorées ont aussi été détectées le 23 mars 2021 depuis la plate-forme d’essais du SEM/REV au large du Croisic, et une équipe de l’École centrale de Nantes l’a signalée sur le site web participatif <a href="https://www.phenomer.org/">Phenomer</a>.</p>
<p>Ici, le pigment responsable de la coloration rouge est la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Phyco%C3%A9rythrine">phycoérythrine</a>, présente chez la plupart des algues rouges, et aussi chez certaines cyanobactéries et certains <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cryptophyta">cryptophytes</a> (des micro-organismes vivants unicellulaires). Dans ce cas, les pigments ont été synthétisés au sein d’une cryptophyte, elle-même consommée par un micro-organisme cilié appelé <em>Mesodinium rubrum</em>, observé en Vendée le 27 mars, puis dans le port des Sables-d’Olonne le 28 mars 2021.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425972/original/file-20211012-15-4g8vq5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425972/original/file-20211012-15-4g8vq5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425972/original/file-20211012-15-4g8vq5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425972/original/file-20211012-15-4g8vq5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425972/original/file-20211012-15-4g8vq5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425972/original/file-20211012-15-4g8vq5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425972/original/file-20211012-15-4g8vq5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Mesodinium rubrum</em>, un organisme cilié.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mesodinium_rubrum.jpg">tmoita, PlanktonNet, Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce fragile petit cilié d’environ 40 micromètres poursuit sa croissance dans les locaux de la « <a href="https://roscoff-culture-collection.org/"><em>Roscoff Culture Collection</em></a> », à la Station Biologique de Roscoff. En l’étudiant, nous espérons notamment mieux comprendre la toxicité du dinoflagellé <em>Dinophysis</em>, dont il constitue la proie favorite : <em>Dinophysis</em> est connu pour produire des toxines induisant des symptômes diarrhéiques chez le consommateur de coquillages en cas de contamination au-delà des seuils de sécurité sanitaire, régis par l’état et surveillés par IFREMER.</p>
<h2>Le phytoplancton, poumon de notre planète</h2>
<p>Les cryptophytes, les ciliés mixotrophes, et les dinoflagellés sont différents exemples de plancton, l’ensemble d’organismes microscopiques unicellulaires dérivant au gré des courants et qui peuplent notamment les eaux marines de surface.</p>
<p>Méconnu, car invisible à l’œil nu, le phytoplancton est pourtant le poumon de notre planète. Grâce à la photosynthèse, il produit plus de la moitié de l’oxygène terrestre et consomme une partie du dioxyde de carbone d’origine naturelle ou anthropique (environ la moitié des émissions reste piégée dans l’atmosphère, le reste étant absorbé par des puits de carbone naturels, comme les océans, les forêts, les tourbières et la toundra).</p>
<p>Le phytoplancton est aussi indispensable à la vie marine, car il constitue la base des chaînes alimentaires océaniques ou « réseaux trophiques », à l’image de <em>Mesodinium rubrum</em> qui nourrit <em>Dinophysis</em>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dans-locean-comment-le-plancton-sest-adapte-a-son-environnement-turbulent-166763">Dans l’océan, comment le plancton s’est adapté à son environnement turbulent</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le projet de sciences participatives <a href="https://www.phenomer.org/">Phenomer</a> vise à améliorer les connaissances en observant, photographiant, prélevant et signalant les eaux colorées. Il en résultera une meilleure compréhension de ces phénomènes par les scientifiques à long terme.</p>
<p>L’épisode d’eaux colorées de mars 2021 illustre la synergie des divers moyens d’observation dont nous disposons : quand les conditions météorologiques sont propices, les observations satellites permettent d’obtenir une vision d’ensemble des eaux colorées signalées dans Phenomer, fournissant ainsi un contexte géographique et chronologique plus étendu. En complément, les observations de Phenomer permettent d’obtenir de précieuses informations sur les espèces responsables des eaux colorées, améliorant ainsi le traitement des images satellites réalisé dans le cadre du <a href="https://wwz.ifremer.fr/pba/Projets/LASHA-2020-2021">projet de recherche LASHA</a> (<em>Laboratory to Satellite Experiments for Remote Sensing of Harmful Algae</em>) de l’université de Nantes, financé par le Centre National d’Études Spatiales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Doner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Ces eaux colorées reflètent la multiplication inhabituelle d’organismes microscopiques.
Anne Doner, Assistant scientist, Ifremer
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tag:theconversation.com,2011:article/169043
2021-10-14T17:19:24Z
2021-10-14T17:19:24Z
Fleuves français : est-il possible de retrouver un bon état écologique ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/424509/original/file-20211004-25-24d9ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Prolifération de _Phaeocystis globosa_ sur une plage des Hauts de France en mai 2019. </span> <span class="attribution"><span class="source">Alain Lefebvre / Ifremer</span></span></figcaption></figure><p>Les dernières décennies ont été marquées par une recrudescence importante de l’« eutrophisation » ; on peut comparer ce phénomène à une forme d’indigestion des écosystèmes marins, gavés de quantités excessives d’azote et de phosphore.</p>
<p>Dans le sillage de nombreuses activités humaines (industrielles, agricoles ou domestiques), ces nutriments, utilisés en particulier comme engrais pour les cultures, sont en effet déversés dans les cours d’eau et les nappes phréatiques ; ils progressent ensuite vers le milieu marin.</p>
<p>Cette arrivée en masse de nutriments se traduit par le développement de végétaux, comme les macroalgues de type algues vertes ou de microalgues de type phytoplancton, qui peuvent être nuisibles ou toxiques.</p>
<p>Cette prolifération végétale tous azimuts peut provoquer en particulier une diminution de la concentration en oxygène dans l’eau et des changements de biodiversité conduisant ainsi à un état écologique dégradé, avec une modification de la structure et du fonctionnement des écosystèmes concernés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cette-micro-algue-qui-se-cache-derriere-les-eaux-colorees-vertes-de-bretagne-sud-149749">Cette micro-algue qui se cache derrière les eaux colorées vertes de Bretagne Sud</a>
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<h2>Une alimentation équilibrée, le secret de santé du phytoplancton</h2>
<p>Le plancton végétal (ou phytoplancton) est responsable de la production de la moitié de l’oxygène sur Terre. Il est à l’origine de la vie dans les mers et les océans. Il contribue aussi à absorber le dioxyde de carbone, réduisant ainsi l’effet de serre.</p>
<p>Premier maillon de la chaîne alimentaire en milieu marin, le phytoplancton doit lui aussi s’astreindre à un régime alimentaire équilibré. À l’instar de nos « cinq fruits et légumes par jour » préconisés chez les humains, il doit se nourrir d’un duo ou d’un trio de nutriments – phosphate, nitrate (pour tous) et silice (pour les organismes dits siliceux) – mais en « portions » bien précises.</p>
<p>S’il « mange » trop de l’un ou trop de l’autre, sa composition change et c’est tout l’écosystème marin qui s’en trouve perturbé.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Di8t7qsFX7E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qu’est-ce que le phytoplancton ? (Nat Geo France/Youtube, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Croissance vertigineuse</h2>
<p>Si le phénomène de l’eutrophisation peut être d’origine naturelle – il se produit alors à des échelles de temps longues, géologiques –, la révolution industrielle, la croissance démographique et la concentration urbaine, sans oublier le développement de modèles d’agriculture plus intensive ont conduit à une eutrophisation dite « anthropique » qui se produit sur des échelles de temps (trop) courtes.</p>
<p>Aujourd’hui, on considère que les flux sortants à la mer ont quasiment <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00408/51903/">doublé au cours du XXᵉ siècle</a> aussi bien pour l’azote que pour le phosphore.</p>
<p>Au niveau mondial, le nombre et l’emprise des zones marines très pauvres en oxygène ont triplé depuis les années 1960. <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00408/51903/52527.pdf">Un recensement de 2010 les porte à près de 500</a> avec une emprise géographique de 245 000 km<sup>2</sup>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1352651036922675201"}"></div></p>
<p>Parallèlement, on observe une augmentation de la diversité, de la fréquence, de l’importance et de l’extension géographique des proliférations de microalgues toxiques ces dernières décennies.</p>
<h2>La reconquête de l’eau, une priorité publique</h2>
<p>Lutter contre l’eutrophisation est donc une priorité pour la reconquête de la qualité des eaux côtières qui, avec les zones estuariennes, sont les environnements les plus productifs au monde. Environ <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1020372316420">26 % de la biomasse végétale</a> y prend place, alors que la surface de ces zones ne représente que 8 % de la surface de la Terre.</p>
<p>Ainsi, les effets de l’eutrophisation sont particulièrement marqués dans ces lieux, ce qui n’exclut pas des effets directs et indirects sur les zones plus au large.</p>
<p>Cette lutte contre l’eutrophisation constitue l’un des combats <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Al28164">à l’échelle européenne</a> de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin (<a href="https://dcsmm.milieumarinfrance.fr/">DCSMM</a>) qui vise à maintenir ou à restaurer le fonctionnement des écosystèmes pour parvenir au bon état écologique des eaux marines.</p>
<p>Missionnées dans ce cadre pour fournir son expertise scientifique, les équipes de recherche de l’Ifremer dressent tous les 6 ans une évaluation de l’état des eaux en matière d’eutrophisation.</p>
<h2>Un nouveau baromètre pour pister l’eutrophisation</h2>
<p><a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00437/54868/">Dans le dernier rapport d’évaluation DCSMM</a> (2018) remis à l’Europe, nous avons utilisé le modèle EcoMARS3D qui a la particularité de coupler modèles biologique et physique, tout en nous appuyant sur les données in situ, mais aussi les produits dérivés des images satellites.</p>
<p>Ces approches multiples participent à affiner notre diagnostic.</p>
<p>Si les données in situ ont l’avantage d’être très fiables, elles demeurent parcellaires. Afin d’améliorer leur résolution spatiale et temporelle, une solution consiste à les compléter grâce à des informations provenant de capteurs installés sur des satellites (on parle alors de l’observation de la couleur de l’eau) et grâce à la modélisation.</p>
<p>La combinaison de ces différentes sources d’informations permet de définir un seuil de chlorophylle-<em>a</em> – indice-clé pour évaluer le risque d’eutrophisation que l’on déduit en cartographiant le plancton – à ne pas dépasser afin d’être compatible avec le bon état écologique, puis de définir la concentration de nutriments en mer qui y correspond.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"910179187146633216"}"></div></p>
<p>À partir de cette concentration en mer, il est alors possible d’évaluer le flux de nutriments maximal acceptable en provenance du bassin versant.</p>
<p>Cette modélisation, <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00636/74765/75139.pdf">réalisée en collaboration avec le consultant en ingénierie Actimar</a>, permet de proposer des scénarios de réduction des apports de nutriments dans les cours d’eau afin d’aider à la prise de décision quant aux mesures à engager pour réduire l’eutrophisation.</p>
<h2>De moins 80 % à moins 10 % de réduction de nutriments nécessaire</h2>
<p>En s’appuyant sur ce nouveau modèle et en étant conscient de toutes les limitations qu’implique une telle approche, <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00641/75350/">nous avons esquissé des scénarios spécifiques</a> pour 45 fleuves représentatifs des principales sources de nutriments en France</p>
<p>L’objectif : calculer le taux de réduction en nutriments nécessaire afin de se rapprocher du <a href="https://sextant.ifremer.fr/documents/156255/178754/Directive/6b242990-2538-4a93-9e32-495d29aa5acc">« bon état écologique »</a> au regard des critères définis par la Directive-cadre sur l’eau (DCE) et la Directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM). Ce « bon état » des eaux marines désigne le bon fonctionnement des écosystèmes, au niveau biologique, physique, chimique et sanitaire, permettant un usage durable du milieu marin.</p>
<p>Les résultats obtenus montrent que pour ramener la façade Manche-Atlantique au-dessous des seuils de très bon état et bon état pour le nitrate, les apports des principaux fleuves – Garonne, Dordogne, Loire et Seine – doivent être réduits drastiquement : à savoir <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00636/74765/75139.pdf">plus de 60 % pour le bon état et plus de 80 % pour le très bon état</a>.</p>
<p>Certains petits fleuves côtiers (Bresle, Arques, Yar-Douron, Haute-Perche, Falleron, Sallertaine, Vie, Seudre) peuvent se contenter d’un abattement limité, voire nul car les activités susceptibles de contribuer aux apports des nutriments sont plus faibles sur les bassins versants concernés.</p>
<p>S’agissant du phosphore, les abattements préconisés sont plus faibles, entre 10 et 20 % pour les principaux fleuves, excepté la Seine qui avoisine les 60 %. Ce phénomène s’explique par des mesures de déphosphatation appliquées plus précocement et à une dynamique différente de ces nutriments, plus facile à limiter que l’azote.</p>
<p>Quant à la Méditerranée, son caractère de mer « oligotrophe », très pauvre en nutriments, la préserve d’une eutrophisation massive. Cette mer fermée reçoit en effet moins d’apports en nutriments que les autres façades maritimes françaises. Ses deux principales sources de nutriments sont les eaux de surface de l’Atlantique provenant du détroit de Gibraltar et le Rhône. Les problèmes restent de ce fait très ponctuels et cantonnés autour de l’embouchure du fleuve.</p>
<h2>Une régénération possible (mais lente)</h2>
<p>Ces chiffres marquent l’étendue des efforts à accomplir pour limiter l’eutrophisation côtière, mais attestent aussi de progrès sensibles grâce notamment à une diminution de la présence de phosphates dans l’eau.</p>
<p>Sur ce plan, la stratégie consistant à éliminer les phosphates des lessives avec une interdiction de vente prononcée en France dès 2007 a porté ses fruits. Du côté des nitrates, une amélioration a pu être constatée, mais le défi reste maintenant de parvenir à mieux juguler les apports azotés diffus liés au ruissellement, de la terre vers la mer.</p>
<p>Même si on coupait tous les robinets d’apports de nutriments dans les cours d’eau en même temps, la situation ne s’améliorerait pas instantanément. Il faut avoir conscience que, face au phénomène d’eutrophisation, le temps de régénération des écosystèmes est long – les nutriments emprisonnés dans les nappes et les sédiments sont par exemple relargués avec un effet retard.</p>
<h2>La modélisation, une aide précieuse</h2>
<p>D’où la nécessité de ne pas baisser la garde devant cette prolifération végétale galopante qui n’est pas qu’un problème français et se révèle une source de préoccupation à l’échelle mondiale.</p>
<p>En tant que scientifiques, nous visons à améliorer constamment les connaissances sur ces phénomènes pour offrir – comme avec le modèle EcoMARS3D – des outils précieux d’aide à la décision. Nous poursuivons notre travail de modélisation pour le rendre encore plus efficient à l’horizon 2024, date de la prochaine évaluation de la DCSMM.</p>
<p>Parallèlement, dans le cadre de la <a href="https://www.milieumarinfrance.fr/Nos-rubriques/Cadre-reglementaire/Conventions-des-mers-regionales/Convention-OSPAR">convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est</a>, nous optimisons aussi des outils de modélisation pour définir cette fois les seuils aval à ne pas dépasser afin de faire cap sur une amélioration de la qualité des eaux à l’échelle de l’Atlantique nord-est.</p>
<p>D’amont en aval, la boucle est bouclée pour mieux circonscrire la croissance d’un plancton devenu parfois indésirable alors qu’il est source de vie.</p>
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<p><em>Marie Levasseur (Ifremer) est co-autrice de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169043/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Lefebvre a reçu des financements par l’Union européenne (FEDER), l’État, la Région Hauts-de-France et l’Ifremer, dans le cadre du CPER MARCO 2015-2021, du projet InterReg France England S3 EUROHAB et du projet Européen JERICO-S3.</span></em></p>
Les fleuves français charrient dans leurs eaux encore trop d'azote et de phosphate qui, une fois déversés en mer, contribuent au phénomène d'eutrophisation des eaux marines côtières.
Alain Lefebvre, Chercheur/expert en biologie marine, Ifremer
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tag:theconversation.com,2011:article/163368
2021-07-27T18:21:39Z
2021-07-27T18:21:39Z
Les diatomées, ces algues qui fabriquèrent du verre bien avant les humains
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408145/original/file-20210624-23-qp4tcb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1019%2C678&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bord brisé d’une diatomée, algue aux structures nanométriques. La barre blanche représente 200 nanomètres.</span> <span class="attribution"><span class="source">©Serge Berthier, Sorbonne Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Cette étonnante architecture est le bord brisé d’une diatomée, une microalgue photosynthétique apparue sur terre – ou plutôt dans la mer – il y 200 millions d’années environ. Les diatomées, de leur nom scientifique « Bacillariophycées », sont répandues dans toutes les eaux du monde, douces, salées ou saumâtres et plus abondamment dans les eaux froides. On en connaît plus de 100 000 espèces. Elles constituent un des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_de_carbone#Oc%C3%A9ans">plus importants puits de carbone sur terre</a> (le phytoplancton absorbe 40 % du CO<sub>2</sub> sur terre et émet 60 % du dioxygène), loin devant les forêts, et participent ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique.</p>
<p>Mais elles ont bien d’autres choses à nous apporter. En effet, ce sont, avec certaines éponges, les premiers « verriers » sur Terre, car leur « carapace », ou frustule, est en fait une cage de verre. Chez les humains, nous attribuons la découverte du verre translucide aux Mésopotamiens, vers 4 500 ans av JC : en portant du sable et de la soude à plus de 1000 degrés, ils parvinrent à les faire fondre pour obtenir une pâte visqueuse et transparente. Les techniques ont beaucoup évolué depuis, mais une chose n’a pas changé : il faut chauffer à très haute température.</p>
<p>Les diatomées (et les éponges) montrent qu’il est possible de faire du verre à température ambiante, ouvrant ainsi la voie à ce que l’on appelle aujourd’hui la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chimie_douce">chimie douce</a>. Le procédé « sol-gel » est maintenant bien compris et maîtrisé : une molécule d’acide sicilique Si(OH)4 présente naturellement dans l’eau est décomposée en dioxyde de silicium (le verre ou silice) et deux molécules d’eau. La silice ainsi obtenue est utilisée par la diatomée sous forme de nano billes pour fabriquer son frustule, cage de verre transparente, laissant passer la lumière pour permettre la photosynthèse, et percée de trous pour les échanges de nutriments avec l’extérieur.</p>
<p>Les verres que nous fabriquons industriellement en imitant les diatomées ne sont plus uniquement à base de silicium. On fabrique ainsi du dioxyde de titane (TiO2) et de zircone (ZrO2) pour l’optique, des oxydes d’aluminium (Al2O3) de tungsten (WO3) pour de diverses applications industrielles (électrochrome, matériaux réfractaires…). Ces verres trouvent de nombreuses applications par exemple des nanocapsules pour le transport de médicaments dans le corps ou des films anti-rayures pour les optiques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408202/original/file-20210624-21-6ytwkn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408202/original/file-20210624-21-6ytwkn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=946&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408202/original/file-20210624-21-6ytwkn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=946&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408202/original/file-20210624-21-6ytwkn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=946&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408202/original/file-20210624-21-6ytwkn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1188&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408202/original/file-20210624-21-6ytwkn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1188&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408202/original/file-20210624-21-6ytwkn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1188&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue au microscope électronique à balayage du frustule d’<em>Odontella mobiliensis</em>. Ces rangées de trous de 200 nm de diamètre et régulièrement espacés agissent comme des réseaux de diffraction concentriques qui concentre la lumière sur l’axe de la diatomée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Berthier, Sorbonne Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ces petites algues ont bien d’autres choses à nous apprendre. Elles maîtrisent la lumière comme personne et pratiquent, depuis la nuit des temps, la <a href="https://theconversation.com/au-xxi-siecle-la-lumiere-sinvite-dans-les-nouvelles-technologies-152019">photonique, cette nouvelle science que nous ne développons que depuis quelques décennies</a>. Faire de la photonique, c’est jouer avec la lumière, la manipuler, la freiner, la confiner… Pour cela, il faut construire des objets bien particuliers, de structure périodique. La période de la structure photonique doit être du même ordre de grandeur que celle de la lumière (la lumière est une onde, donc périodique), voire plus petite, c’est-à-dire d’une centaine de nanomètres. Pas facile. Mais c’est pourtant ce que réalise cette petite algue, comme on peut le voir sur la photo suivante.</p>
<p>Cela confère aux frustules des diatomées de nombreuses propriétés optiques. Elles peuvent par exemple filtrer les ultraviolets nocifs pour la plante, mais également concentrer la lumière sur l’axe de la diatomée, favorisant ainsi la photosynthèse. Les diatomées ont ainsi inventé les <a href="https://www.canon.fr/pro/infobank/lenses-multi-layer-diffractive-optical-element/">lunettes diffractives</a>.</p>
<p>Notre groupe de recherche imagine maintenant qu’il serait peut-être possible d’utiliser cette propriété pour concentrer la lumière sur la zone sensible des panneaux solaires photovoltaïques pour en augmenter le rendement, en déposant à la surface une monocouche de diatomées sphériques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163368/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Berthier a reçu des financements de ANR, HFSP</span></em></p>
Ces algues étonnantes ont trouvé comment fabriquer du verre sans chauffer à haute température. On s’en inspire aujourd’hui.
Serge Berthier, Professeur en physique, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/153262
2021-07-25T16:39:02Z
2021-07-25T16:39:02Z
Bioplastiques, alimentaire, cosmétiques ou médicaments – les 1001 ressources des algues
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408665/original/file-20210628-23-aay94g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C30%2C5113%2C3825&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Culture et collecte d’algues en Corée du Sud.</span> <span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les végétaux, terrestres ou marins, captent le gaz carbonique et accumulent des réserves d’énergie sous forme d’huiles et de sucres pour assurer leur survie dans toutes les situations. La biotechnologie permet aujourd’hui d’accéder et exploiter ces réserves, dites « biomasses », pour pallier à la problématique de la diminution des réserves fossiles et leurs transformations par l’industrie chimique. Parmi ces réserves, la biomasse algale représente un potentiel largement sous-exploité dans le monde.</p>
<p>Les grandes algues marines que l’on retrouve sur nos côtes sont appelées macroalgues, par opposition aux micro-algues, invisibles à l’œil nu, qui ne sont constituées que d’une cellule. L’exploitation de ces macroalgues ne date pas d’aujourd’hui. Les premières consommations d’algues datent de près de 17 000 ans, <a href="https://www.researchgate.net/publication/5383160_Monte_Verde_Seaweed_Food_Medicine_and_the_Peopling_of_South_America">selon des fouilles archéologiques</a>.</p>
<p>Les macroalgues sont cultivées en Asie et sont plutôt collectées en Europe, plus particulièrement en Bretagne, Irlande et Norvège. Depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle et l’ère de l’industrialisation, des grands groupes, comme Cargill Food Ingredients, Dupont/Danisco ou CP Kelco, relayés aujourd’hui par des PME, mettent en place l’extraction des fibres d’algues, les polysaccharides. Ces grosses molécules sont les gélifiants des macroalgues, et sont à la base de nombreux ingrédients texturants, aussi appelés hydro-colloïdes, et utilisés dans l’industrie agroalimentaire. Ainsi, nos yaourts, flans et dentifrices, ainsi que de centaines d’autres produits contiennent des sels d’alginate (E401-405) ou des carraghénanes (E407), qui créent ou améliorent leur consistance. Dans ces procédés d’extraction chimique, seuls 30 à 40 % de la masse sèche de l’algue sont extraits et utilisés, le reste est très peu valorisé ou part à la poubelle.</p>
<h2>Des points communs avec les composants de la peau et des muqueuses</h2>
<p>Brune, rouge ou verte, les fibres présentes dans ces différentes familles de macroalgues, avec des compositions et structures chimiques originales et très variées, présentent bien d’autres vertus que leur caractère gélifiant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Culture de Saccharina latissima, ou kombu royal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est leur caractéristique d’être hautement <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sulfate">sulfatées</a> qui les rend particulièrement intéressantes, car elles ont ce point commun avec les composantes glucidiques des animaux, par exemple ceux trouvés dans les muqueuses ou dans la peau. Les groupements sulfates sur les polysaccharides leur confèrent une résistance à des environnements riches en sels, et leur permettent de mieux capter et retenir de l’eau et des ions.</p>
<p>Cette propriété est évidemment recherchée en cosmétique. Mais les molécules sulfatées jouent également un rôle clé dans de nombreux processus de défense (l’attaque par un pathogène) ou de signalisation (donner le « mot d’ordre » de communication de cellule à cellule). Ainsi, la similitude avec des molécules donnant des signaux d’alerte chez les animaux, mais également chez les plantes, fait des polysaccharides sulfatés des molécules intéressantes pour stimuler les réactions de défense. Par exemple la laminarine, polysaccharide de stockage chez les algues brunes, est commercialisée sous le nom de « Iodus 40 », utilisable en plein champ, et qui <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC59202/">peut remplacer</a> une partie des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC527195/">traitements par des insecticides</a>.</p>
<h2>Mangez des algues pour leur valeur nutritionnelle</h2>
<p>Les algues sont extrêmement diverses : il en existe plus de 72 000 espèces, réparties dans 3 lignées différentes. Leur composition biochimique peut ainsi varier énormément d’une espèce à l’autre. Certaines algues sont très riches en protéines et ont ainsi la vertu de remplacer et apporter les protéines nutritives de viandes. Cette richesse en protéines permet potentiellement aussi la disponibilité de <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf502420h">« peptides bioactifs »</a> – de petits morceaux de protéines pouvant être bénéfiques pour la santé animale et humaine, dû à leur activité antimicrobienne, par exemple. D’autres algues regorgent d’oligo-éléments comme le zinc, le sélénium, ou encore de vitamines essentielles, comme la vitamine B12 que l’on se procure aussi par la <a href="https://ciqual.anses.fr/">consommation de viande</a>. Toutes sont particulièrement riches en minéraux et d’autres éléments rares comme l’iode, mais aussi en fibres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rayon de supermarché en Corée du Sud.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces fibres sont en fait composées des gélifiants alimentaires mentionnés plus haut ainsi que d’autres chaînes de sucres complexes, qui composent la majorité du poids sec des algues et en particulier de leur paroi cellulaire. Seule une infime partie de ces « sucres » ou polysaccharides <a href="https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2010/09/medsci20102610p811/medsci20102610p811.html">est réellement digérée</a>. Les algues sont donc une source intéressante de fibres alimentaires, mais aussi de <a href="https://www.mdpi.com/2076-3921/8/9/406/htm">composés prébiotiques</a>, issus de ces fibres, qui favorisent un bon équilibre du microbiote intestinal – ce que l’on appelait auparavant la « flore intestinale ».</p>
<p>Pas tellement riches en lipides, elles sont en général constituées de « bon gras », c’est-à-dire notamment des acides gras mono – et polyinsaturés, comme les fameux oméga-3 et -6, par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/acides-gras-trans-limites-par-lue-que-se-passe-t-il-au-niveau-moleculaire-pour-quils-soient-nocifs-157791">Acides gras « trans » limités par l’UE : que se passe-t-il au niveau moléculaire pour qu’ils soient nocifs ?</a>
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<p>Les algues sont aussi des organismes photosynthétiques : comme les plantes terrestres, elles utilisent l’énergie du soleil pour leur croissance. Pour cela elles ont besoin de molécules spéciales, les pigments, dont la chlorophylle fait partie. Les algues contiennent donc de la chlorophylle, mais également d’autres types de pigments, comme la phycoérythrine que l’on trouve chez les algues rouges, ou la fucoxanthine chez les algues brunes. Ces pigments, ainsi que certains composés phénoliques, qui sont des composés algaux proches des <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/les-gouts-et-les-couleurs-du-monde">tannins, comme ceux trouvés dans le vin ou le thé</a>, sont des <a href="https://www.mdpi.com/1660-3397/18/8/384/htm">antioxydants avérés</a>.</p>
<p>Les algues représentent ainsi des alternatives intéressantes pour apporter de nombreux éléments essentiels pour notre santé, sans pour autant apporter trop de sucres, en dépit de leur composition majoritairement constituée de ces derniers.</p>
<h2>Comment extraire ces molécules des algues ?</h2>
<p>Dans le domaine des macroalgues, la biotechnologie permet d’avoir accès à des molécules difficiles à extraire ou à produire. En effet, les cellules d’algues sont protégées par une paroi épaisse constituée de plusieurs types de molécules complexes, qui représentent une réserve de carbone, la biomasse.</p>
<p>Les enzymes, de petits ciseaux moléculaires que l’on peut produire par la biotechnologie permettent de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25136767/">découper spécifiquement certains composants de la paroi des algues</a>. En effet, les microorganismes, bactéries et champignons, vivant en association avec les macroalgues en tirent leur besoin en carbone pour la génération d’énergie. Pour ce faire, ils sont équipés d’outils spécifiques, les enzymes, permettant de décomposer les chaînes de sucres complexes en briques unitaires (l’hydrolyse enzymatique), sans pour autant en détruire leur spécificité ou originalité, et qui sont facilement assimilables par les microorganismes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Hydrolyse des glucides. Source : Dave Bélanger, Cégeps.</span></figcaption>
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<p>Appliquée à la biotechnologie, l’utilisation des mêmes outils, les enzymes, permettra d’améliorer l’extraction de certaines molécules d’intérêt, et aussi d’obtenir des fragments originaires des gros polymères, plus actifs, car plus assimilable par les organismes. Ces molécules d’intérêt seront également plus faciles à produire de manière standardisée, grâce aux « ciseaux spécifiques » que sont les enzymes, et en contraste avec le découpage hasardeux en extraction chimique, comme cela est nécessaire pour l’industrie pharmaceutique par exemple.</p>
<p>Coûteuse, car nécessitant également la production des enzymes, l’hydrolyse enzymatique présente cependant une façon proche du naturel de <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/agrocarburants-biocarburants-recherche-enzyme-12515.php4">décomposer cette biomasse précieuse et riche en éléments exploitables</a>. En effet, l’hydrolyse enzymatique se fait en milieu neutre et à température ambiante. De plus, une enzyme spécifique ne dégrade qu’une composante en laissant intacte tous les autres, et ceux-ci peuvent ainsi également être valorisés, avec des étapes successives – c’est le principe de la « biorafinerie »). Enfin, l’utilisation d’une enzyme dégradant une composante peut faciliter l’extraction d’une deuxième composante de façon plus efficace ou plus rentable.</p>
<p>Ainsi, des chercheurs de l’Académie des Sciences de Chine ont récemment publié des travaux démontrant l’action de petits sucres extraits d’algues brunes, et de l’alginate en particulier, <a href="https://www.nature.com/articles/s41422-019-0216-x">sur les stades précoces de la maladie d’Alzheimer chez la souris</a>. D’après cette étude, des sucres issus des algues rééquilibrent des désordres du microbiote intestinal (dérèglement maladif, appelé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dysbiose">« dysbiose »</a>), ce qui a pour effet de diminuer la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27814521/">neuroinflammation subie dans le cerveau</a> et impliquée dans le déclenchement de la maladie.</p>
<h2>Les algues regorgent de composants intéressants pour les matériaux de demain</h2>
<p>Souples et solides à la fois, les algues ont parfois un aspect qui rappelle celui du plastique. De fait, les composants de leur paroi ont bien des points communs, mécaniquement parlant, avec le plastique. À Saint-Malo, l’entreprise Algopack a conçu un matériau plastique fabriqué à 100 % à base d’algues, une première mondiale. Pour sa production, les déchets de l’industrie des algues peuvent être utilisés, ainsi que des algues cultivées localement. Mais cela fonctionne également avec la biomasse constituée par les algues prolifératives qui envahissent les côtes caraïbéennes par exemple. En fin de vie, les objets fabriqués avec ce plastique sont compostables : enfouis directement dans le jardin, ils pourront fertiliser le potager.</p>
<p>Enfin, les algues vertes comme la laitue de mer (algue appartenant au genre Ulva et à la base des marées vertes) produisent une petite molécule, l’« acide acrylique », bien connue des fabricants de plastiques, vernis, peintures et colles. À l’heure actuelle, l’acide acrylique est un dérivé de pétrole. Bien que les quantités produites par les algues soient pour le moment beaucoup trop faibles pour répondre aux besoins croissants du marché (<a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cargill-ifpen-et-axens-sassocient-domaine-chimie-biosourcee#">plus de 6 millions de tonnes en 2020</a>), les techniques d’extraction pourraient s’améliorer avec l’utilisation des enzymes, et les mécanismes qu’utilise l’algue pour le produire (la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biosynth%C3%A8se">« biosynthèse »</a>) commencent à être décryptés. Ces avancées pourraient dans le futur ouvrir la voie à des procédés propres de synthèse de l’acide acrylique grâce à la biotechnologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153262/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les macroalgues sont une fantastique ressource, très versatile et largement sous-exploitée. D’où viennent leurs propriétés et comment les utilise-t-on ?
Mirjam Czjzek, Directrice de recherche CNRS, équipe de glycobiologie marine, Station biologique de Roscoff, Sorbonne Université
Diane Jouanneau, Ingénieure de recherche CNRS, Station Biologique de Roscoff, Sorbonne Université
Philippe Potin, Directeur de recherche CNRS, Station biologique de Roscoff, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/160203
2021-05-09T18:10:47Z
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Production renouvelable d’hydrogène par les microalgues : révolution ou utopie ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399585/original/file-20210509-23-y3zp43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C10%2C1738%2C1114&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Culture de microalgues</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:CSIRO_ScienceImage_10697_Microalgae.jpg">CSIRO</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Après l’ère des combustibles fossiles (pétrole et gaz naturel) qui génèrent de nombreux problèmes environnementaux, la période à venir sera-t-elle celle de l’hydrogène ? Son intérêt réside dans sa capacité à produire de l’électricité, de l’eau et de la chaleur lorsqu’il se combine à l’oxygène dans une pile à combustible : un dispositif reposant sur l’oxydation de l’hydrogène et la réduction de l’oxygène au niveau de deux électrodes, le déplacement des électrons entre celles-ci génère de l’électricité.</p>
<p>L’hydrogène peut facilement être obtenu par électrolyse de l’eau (séparation de ses deux composants dioxygène et dihydrogène grâce à un courant électrique) mais cette méthode n’est pas encore économiquement très rentable, car elle consomme beaucoup d’électricité à prix élevé que l’on doit produire par ailleurs ; un couplage avec des éoliennes pourrait être une solution. Actuellement, l’hydrogène est principalement produit à partir de composés organiques comme le gaz naturel par reformage (réaction chimique au cours de laquelle la chaleur casse les molécules carbonées pour en libérer l’hydrogène), le charbon par gazéification (transformation thermique et chimique d’un solide en gaz) ou la biomasse par fermentation, ces procédés rejetant beaucoup de CO<sub>2</sub>.</p>
<h2>Comment faire ?</h2>
<p>Les plantes savent dissocier les deux composants de l’eau. Un vieux projet de production d’hydrogène revient sur le devant de la scène : il s’inspire de la photosynthèse qui se déroule en permanence à la lumière dans les feuilles des plantes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398957/original/file-20210505-23-ohvw8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398957/original/file-20210505-23-ohvw8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=541&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398957/original/file-20210505-23-ohvw8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=541&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398957/original/file-20210505-23-ohvw8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=541&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398957/original/file-20210505-23-ohvw8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398957/original/file-20210505-23-ohvw8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398957/original/file-20210505-23-ohvw8k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=679&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma de fonctionnement de la photosynthèse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gérard Tremblin, Brigitte Veidl</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La photosynthèse entraîne la scission de l’eau H<sub>2</sub>O en ses deux composants : le dioxygène O<sub>2</sub> et les deux protons H+ : C’est la photolyse. Chez les plantes, le pouvoir réducteur des protons permet d’activer la voie de synthèse de composés organiques principalement l’amidon.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398979/original/file-20210505-21-1iiry2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398979/original/file-20210505-21-1iiry2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398979/original/file-20210505-21-1iiry2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398979/original/file-20210505-21-1iiry2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398979/original/file-20210505-21-1iiry2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398979/original/file-20210505-21-1iiry2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398979/original/file-20210505-21-1iiry2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma de la production d’hydrogène par photolyse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gérard Tremblin, Brigitte Veidl</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La stratégie est donc de récupérer ces protons H+ sous forme d’hydrogène moléculaire H<sub>2</sub> avant qu’ils ne soient utilisés dans la chaîne photosynthétique des cellules pour produire de la biomasse. On peut alors imaginer des cellules végétales capables de produire de l’hydrogène à partir seulement d’eau et de soleil !</p>
<h2>Heureusement, il y a les microalgues !</h2>
<p>Dès 1940, la capacité de microalgues à produire de l’hydrogène dans certaines conditions <a href="https://www.wired.com/2002/08/algae-power-plant-of-the-future/">a été mise en évidence</a>. Cependant, c’est beaucoup plus tard à la fin du vingtième siècle qu’un certain <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00425-007-0609-9">Anastasios Melis</a>, chercheur a l’université de Californie, a expliqué pourquoi ce mécanisme était éphémère : l’enzyme responsable de la conversion des protons H+ en hydrogène appelée hydrogénase, est inhibée par le dioxygène produit par la photosynthèse. Un inhibiteur enzymatique est une substance qui, en se liant à une enzyme en diminue l’activité, soit en se fixant sur le site actif, soit en provoquant une déformation de la protéine enzymatique la rendant inactive.</p>
<p>Comment résoudre ce problème d’inhibition ? Plusieurs démarches sont entreprises par les équipes de recherche engagées sur cette thématique :</p>
<p>La première approche consiste à <a href="https://www.cbm-lab.fr/pages/actualites/2018/philippe-carpentier.aspx">rendre les hydrogénases insensibles au dioxygène</a>. Une autre démarche se base sur la flexibilité métabolique des microalgues qui présentent, dans certaines conditions, en particulier lorsqu’on les carence en soufre, une capacité à orienter leur métabolisme photosynthétique <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/bit.22034">vers la production d’hydrogène</a>.</p>
<p>Par ailleurs, il a récemment été montré que des microalgues encapsulées dans des gouttelettes étaient capables de produire de l’hydrogène en absence d’oxygène. Toutefois, la stabilité de ces microréacteurs reste limitée à quelques jours de fonctionnement. Deux équipes de Le Mans Université, le Laboratoire « Mer Molécules Santé » (MMS) et l’Institut des Molécules et Matériaux du Mans (IMMM) ont initié un travail visant à encapsuler des microalgues et des cyanobactéries (bactéries photosynthétiques, les plus connues étant les spirulines, voir notre article paru dans The Conversation) dans des hydrogels en vue de créer des microbioréacteurs solides capables de produire de l’hydrogène sur une longue période.</p>
<p>D’autre part, les spécialistes des photo-bioréacteurs (dispositifs permettant de cultiver à la lumière des microorganismes photosynthétiques dans un milieu de culture) du GEPEA (Laboratoire de Génie des procédés pour les écotechnologies et les bioressources) travaillent actuellement sur un processus en deux étapes. Lors de la première étape, les microalgues sont cultivées dans un milieu de culture carencé en azote et produisent de la biomasse riche en amidon. La seconde étape favorise la production de l’hydrogène par les microalgues grâce à une anoxie obtenue en réduisant l’éclairement ce qui favorise la respiration (consommatrice d’oxygène) au détriment de la photosynthèse.</p>
<p>En Israël, une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01602165/document">équipe de chercheurs</a> a réussi à sélectionner des mutants de microalgues dont l’activité photosynthétique est complètement inhibée à une température de 37 °C. Ils ont conçu le dispositif présenté ci-dessous.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398980/original/file-20210505-17-1oo66df.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398980/original/file-20210505-17-1oo66df.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398980/original/file-20210505-17-1oo66df.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398980/original/file-20210505-17-1oo66df.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398980/original/file-20210505-17-1oo66df.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398980/original/file-20210505-17-1oo66df.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398980/original/file-20210505-17-1oo66df.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma de production d’hydrogène à partir de microalgues.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gérard Tremblin, Brigitte Veidl</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Ce photobioréacteur est dit cyclique. Dans une première phase, les microalgues sont cultivées à 25 °C, à la lumière, dans un milieu carencé en soufre et en azote afin de favoriser la synthèse d’amidon et le fonctionnement de l’hydrogénase.</p>
<p>Elles sont ensuite transférées dans une autre enceinte à 37 °C, la seconde phase commence alors : la photosynthèse de ces microalgues modifiées s’arrête et le milieu devient anoxique ce qui initie la production d’hydrogène.</p>
<p>L’hydrogène est récupéré par diffusion et les microalgues sont ensuite réorientées vers la phase de production de biomasse. Un autre cycle peut alors démarrer.</p>
<p>Pour l’instant, quel que soit le dispositif utilisé, le rendement de production d’hydrogène par des microalgues reste malgré tout assez faible.</p>
<h2>Quelles sont les microalgues candidates ?</h2>
<p>Une microalgue verte, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chlamydomonas_reinhardtii"><em>Chlamydomonas reinharditii</em></a> a été retenue comme modèle dans de nombreuses expérimentations car elle possède au niveau de sa chaîne photosynthétique une hydrogénase à fer très active.</p>
<p>La chlorelle, microalgue verte unicellulaire (<em>Chlorella vulgaris</em>) et la cyanobactérie filamenteuse du genre <em>Anabaena</em> ont été retenues par l’équipe du Mans, car ce sont des modèles dont les caractéristiques sont bien connues et la culture bien maîtrisée au niveau du laboratoire.</p>
<p>L’hydrogène est maintenant considéré comme une source d’énergie d’avenir non polluante et renouvelable : son utilisation dans les véhicules ne produit pas de CO<sub>2</sub> et l’eau formée dans cette réaction retourne dans la biosphère.</p>
<p>Lorsque les chercheurs auront réussi à obtenir une microalgue possédant une hydrogénase capable de fonctionner sans être inhibée par le dioxygène et avec un rendement suffisant pour produire de l’hydrogène, un processus industriel pourra être développé. Les verrous sont encore nombreux mais les scientifiques s’ingénient à les faire sauter les uns après les autres et dans un avenir que l’on n’espère pas trop lointain, des dispositifs de production à grande échelle pourront voir le jour.</p>
<p>Ils pourraient prendre l’aspect <a href="https://theconversation.com/les-micro-algues-pourront-elles-sauver-la-planete-76542">d’immenses bassins</a> ou mieux de grands photobioréacteurs installés dans des zones désertiques qui permettront de produire de façon renouvelable les énormes quantités de bio hydrogène ou hydrogène vert dont le monde a tant besoin, en n’utilisant que du soleil et de l’eau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160203/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Et si la solution pour produire de l’hydrogène venait de ces minuscules algues ?
Gérard Tremblin, Professeur émérite de biologie végétale, Le Mans Université
Brigitte Veidl, ingénieure d'études, Le Mans Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/157901
2021-04-12T20:33:13Z
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Les micro-algues, des oméga-3 à cultiver
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/394517/original/file-20210412-13-zs1oqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1642%2C1060&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des microalgues appartenant au genre Pavlova.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CSIRO_ScienceImage_7604_Microalgae.jpg">CSIRO / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Indispensables à notre organisme, les oméga-3 nous sont apportés par l’alimentation. Habituellement, on les puise dans des noix, des huiles végétales et surtout des poissons gras.</p>
<p>Depuis quelques années, cependant, les recherches ont mis en avant leur présence à des taux élevés dans des algues microscopiques. De là est venue l’idée de les cultiver pour les intégrer à nos apports alimentaires. Dans cette perspective, le rendement des microalgues est particulièrement intéressant. Il est en effet plusieurs dizaines de fois supérieur à celui des cultures d’oléagineux traditionnelles.</p>
<h2>Les oméga-3, des composés aux rôles variés</h2>
<p>Unités de base des lipides, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_gras">acides gras</a> dont font partie les oméga-3 nous sont donc <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-lipides">apportés par l’alimentation</a> : l’huile de foie de morue constitue l’une des meilleures sources.</p>
<p>Ces acides gras sont dits « saturés » ou « insaturés », selon la nature des liaisons chimiques de leur chaîne carbonée. Les premiers ont la particularité d’avoir des atomes de carbone qui sont liés chacun au maximum d’atomes d’hydrogène possible, tandis que les seconds se caractérisent par la présence de doubles liaisons carbone-carbone.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/acides-gras-trans-limites-par-lue-que-se-passe-t-il-au-niveau-moleculaire-pour-quils-soient-nocifs-157791">Acides gras « trans » limités par l’UE : que se passe-t-il au niveau moléculaire pour qu’ils soient nocifs ?</a>
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<p>Par ailleurs, on parle d’acides gras mono-insaturés s’il n’y a qu’une seule double liaison, et de polyinsaturés quand il y en a plusieurs. Et l’on y distingue différentes familles selon la position de la première double liaison (repérée en partant du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thyle">groupe méthyle</a>, soit CH<sub>3</sub>) : c’est de là que viennent les noms d’acides gras oméga-3, ou 6, ou 7, ou 9.</p>
<p>Principaux constituants de la membrane cellulaire, les acides gras dont font partie les oméga-3 limitent le passage de l’eau et contrôlent de nombreuses fonctions cellulaires : absorption ou sécrétion d’ions et de petites molécules, protection contre le milieu extérieur, communication avec les cellules voisines, etc.</p>
<p>On peut aussi en tirer de l’énergie s’ils sont mis en réserve : on les retrouve ainsi dans les cellules du tissu adipeux chez les animaux, et dans un ensemble de membranes biologiques essentielles chez les végétaux – comme celles constituant les thylacoïdes, l’endroit où se produit la réaction lumineuse de la photosynthèse, au sein des chloroplastes, les « usines à photosynthèse » des plantes.</p>
<p>Enfin, au-delà des besoins physiologiques, certains acides gras <a href="http://www.theses.fr/2014LEMA1033">pourraient diminuer le risque d’agrégation plaquettaire</a>.</p>
<p>Leur rôle – en particulier celui des <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-acides-gras-om%C3%A9ga-3">oméga-3</a> – est par ailleurs évoqué dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, mais aussi dans celle du diabète, de l’obésité, des cancers…</p>
<h2>La piste des microalgues</h2>
<p>Présents à des taux conséquents dans certaines huiles végétales (noix, colza, soja, lin, etc.), les oméga-3 se trouvent aussi en abondance dans la chair de sardines, thons, harengs, maquereaux et autres poissons bleus. Et pour cause : ces animaux se situent au sommet d’une chaîne alimentaire dont la base est constituée de microalgues, qui synthétisent des oméga-3 en grandes quantités.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/393382/original/file-20210405-13-k9mgmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La microalgue Odontella aurita.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Odontella_aurita_cells.jpg">Richard A. Ingebrigtsen,University de Tromsø/ Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au sein de l’équipe MMS (Mer, Molécules, Santé), notre laboratoire s’est intéressé à l’une de ces microalgues : une diatomée portant le nom d’<em>Odontella aurita</em>. Présente en milieu naturel dans la zone côtière, elle est cultivée depuis plusieurs années dans la baie de Bourgneuf, dans des bassins ouverts.</p>
<p>Après avoir déterminé ses <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10811-014-0252-3">conditions optimales de culture, pour favoriser la production d’oméga-3</a> et plus particulièrement celle de l’EPA (acide écosapentanéoïque), nous avons mis en évidence ses <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3543224/">effets bénéfiques sur des rats obèses</a>, à travers une réduction de la glycémie et des taux de lipides plasmatiques. Des études comparatives ont ensuite été menées avec des <a href="https://aocs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1007/s11745-016-4177-2">huiles de poisson</a> et de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0899900718305938?via%3Dihub">l’huile d’argan</a>, pour en explorer l’<a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01295306/">effet sur l’agrégation plaquettaire</a> et les <a href="https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/full_html/2015/04/ocl150006/ocl150006.html">maladies cardio-vasculaires</a>.</p>
<p>D’autres cultures de microalgues sont aujourd’hui pratiquées. Citons notamment <em>Pavlova lutheri</em>, à la fois riche en oméga-3 de type EPA et DHA (acide docosahexaénoïque), et très utilisée en écloserie. Ou encore une espèce abondamment produite aux États-Unis, très riche en DHA : <em>Cryptochodinium cohnii</em>. Enfin, ajoutons que dans la région de Bordeaux, une entreprise a mis sur le marché une première huile algale – la « DHA350 » (350 mg d’oméga-3 de type DHA par gramme d’huile), tout en annonçant la production prochaine d’une seconde huile algale, la DHA550, encore plus riche en oméga-3.</p>
<h2>Intéressantes à plus d’un titre</h2>
<p>Étant données leurs teneurs élevées en oméga-3, et en particulier en DHA et en EPA, les microalgues se révèlent particulièrement intéressantes s’agissant de leur rendement : pour une même unité de surface, il peut s’avérer 30 fois supérieur à celui de cultures traditionnelles d’oléagineux.</p>
<p>D’un autre côté, les microalgues pourraient avantageusement remplacer les huiles de poisson riches en oméga-3 que l’on utilise actuellement comme compléments alimentaires (huile de saumon ou de thon en gélules). Ces dernières, en effet, ne sont pas dépourvues d’odeurs et sont par ailleurs instables. Sans compter que les stocks de poissons tendent à s’épuiser, tout en étant potentiellement contaminés par divers polluants comme les métaux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/omega-3-ce-quil-faut-manger-ce-quil-faut-savoir-104117">Oméga-3 : ce qu’il faut manger, ce qu’il faut savoir</a>
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<p>On le voit, les huiles de microalgues riches en acides gras polyinsaturés et obtenues dans des conditions bien contrôlées sont promises à un riche avenir. D’autant qu’elles ne présentent pas seulement un intérêt nutritionnel…</p>
<h2>Les autres applications des microalgues</h2>
<p>En aquaculture, des microalgues (<em>Isochrysis galbana</em>, <em>Pavlova lutheri</em>…) sont d’ores et déjà cultivées pour nourrir les juvéniles de bivalves (huîtres, coquilles saint Jacques, palourdes, etc.) dans les écloseries. On les retrouve également dans un certain nombre de produits cosmétiques.</p>
<p>Mais l’espoir principal en ce qui concerne les microalgues réside dans la production de biocarburants renouvelables à partir de leurs lipides. Bien des arguments plaident en faveur de ces biocarburants. D’abord, une faible emprise au sol (ou sur les ressources en eau), car les surfaces nécessaires à leur culture sont limitées. Ensuite, l’absence de concurrence avec les productions agricoles, et la possibilité de recycler le dioxyde de carbone rejeté par les usines et les centrales thermiques, à travers la photosynthèse.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394518/original/file-20210412-23-5fuywl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une stagiaire du National Renewable Energy Laboratory prélève des échantillons d’algues cultivées dans des bassins ouverts, dans la serre du Field Test Laboratory Building.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/37916456@N02/48980450728">Département de l’Énergie/Gouvernement des États-Unis</a></span>
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<p>Toutefois, si l’on est actuellement capable de produire du biodiesel de microalgues à petite échelle, il reste encore à optimiser les procédés pour lancer des programmes de production à grande échelle. Pour l’heure, la production de biocarburants à partir de microalgues n’est toutefois pas rentable, eu égard au prix du baril de pétrole brut. Dans les faits, une dizaine d’années sera sans doute nécessaire pour aboutir à des productions rentables et suffisantes pour alimenter le parc automobile. Et le développement des véhicules électriques risque bien de retarder voire de bloquer ce genre de projets.</p>
<p>Reste qu’il ne s’agit pas de négliger la production, à partir de microalgues, d’oméga-3 à usages multiples et à haute valeur ajoutée…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gérard Tremblin a reçu des financements de l’Europe </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Brigitte Veidl ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Riches en oméga-3, des acides gras essentiels, les micro-algues peuvent avantageusement remplacer les sources habituelles (huiles végétales, poissons bleus). Plusieurs sont aujourd’hui à l’étude.
Gérard Tremblin, Professeur émérite de biologie végétale, Le Mans Université
Brigitte Veidl, ingénieure d'études, Le Mans Université
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tag:theconversation.com,2011:article/157832
2021-04-06T18:46:49Z
2021-04-06T18:46:49Z
Images de science : Féeriques mais toxiques, ces micro-algues de l’océan
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/392493/original/file-20210330-17-6ol54r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4233%2C2811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cliché nocturne d'une vague bioluminescente, lors de la marée rouge du printemps 2020, à San Diego en Californie.</span> <span class="attribution"><span class="source">©Michael Latz, Scripps Institution of Oceanography</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Le format « Images de science » vous propose de décrypter une photographie particulièrement signifiante d’un point de vue scientifique, de la décrire et d’en comprendre les enjeux.</em></p>
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<p>Depuis la mi-mars 2021, des vagues bleutées émerveillent les californiens de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Lst2OzvTL24">Laguna Beach</a>. Bien qu’annuel, ce phénomène a atteint un paroxysme au printemps 2020. L’océan Pacifique s’est alors teinté de rouge carmin en journée, faisant place à de magnifiques lames de lumière bleu vif <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GQ08UJ8QNtg">à la tombée de la nuit</a>, sous les yeux émerveillés des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bG1xxo5YGg4">observateurs</a>.</p>
<p>Ce phénomène de marée rouge de jour et luminescente de nuit est le résultat de la prolifération massive de la micro-algue rouge <em>Lingulodinium polyedra</em>, observée en Afrique du Sud, au nord-ouest de l’Espagne, sur les côtes mexicaines et californiennes. Certaines de ces marées rouges sont de réelles catastrophes écologiques et économiques car elles provoquent la mort de nombreux organismes marins (poissons, mollusques, mammifères ou oiseaux).</p>
<p>Dans toutes les régions du monde où ces phénomènes existent, on assiste actuellement à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des marées rouges et des efflorescences de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1568988319302045">micro-algues toxiques</a> en général. L’augmentation de la température de l’eau et les rejets humains en azote et phosphore sont suspectés d’être les causes principales de ces changements.</p>
<h2>Féeriques</h2>
<p>Toutes les marées rouges ne sont pas bioluminescentes. Pour certaines espèces de micro-algues qui sont lumineuses, c’est une stimulation mécanique, comme l’action des vagues qui s’écrasent sur la plage ou le passage d’un bateau, qui déclenche la bioluminescence. La lumière émise par ces micro-algues suit un rythme journalier, avec une intensité forte observable la nuit et une lumière <a href="https://www.mdpi.com/2076-2607/1/1/3">inexistante ou négligeable de jour</a>. La durée des flashes ainsi que leur intensité varient entre les espèces, et peuvent être liées à la taille des cellules (les cellules les plus grosses émettant plus de lumière). Par exemple, <em>L. polyedra</em> émet en moyenne pendant 130 à 150 ms mais <em>Pyrocystis fusiformis</em> peut émettre des flashes qui durent jusqu’à 500 ms. L’intensité des flashes est de l’ordre de 10<sup>8</sup> à 10<sup>9</sup> photons par seconde, une lueur relativement faible pour l’œil humain.</p>
<p>Le rôle écologique de la bioluminescence reste encore mal connu, mais certaines espèces de dinoflagellés utiliseraient cette lumière comme une « alarme de cambriolage ». Lorsque les dinoflagellés sont consommés par un prédateur, l’émission de lumière est visible à distance et attire un prédateur secondaire (poisson par exemple) qui va attaquer le premier prédateur de dinoflagellés et ainsi, les sauver de la prédation. Cependant, il a été récemment mis en avant que <em>L. polyedra</em> émet une lumière plus faible que d’autres espèces et serait moins efficace pour attirer des prédateurs visuels.</p>
<h2>Une double cause de toxicité</h2>
<p>Le mécanisme derrière leur toxicité dépend de l’espèce de dinoflagellé : dans certains cas, la forte abondance de micro-algues provoque une anoxie délétère pour les autres organismes, tandis que d’autres espèces synthétisent de puissantes toxines.</p>
<p><em>L. polyedra</em> est connue pour synthétiser de la yessotoxine, mais en quantités infimes. Et pourtant, la marée rouge de <em>L. polyedra</em> <a href="https://sccoos.org/red-tide-bulletin-spring-2020/">a provoqué</a> le décès de nombreux organismes marins : crabes, bivalves, pieuvres, poissons, et dauphins. Cette mortalité est difficilement attribuable à la yessotoxine dans la mesure où cette toxine est peu puissante et était faiblement concentrée dans l’eau – comme nous le montrons dans une étude en cours de validation par les pairs. En revanche, la concentration en oxygène dissous dans l’eau et le pH de l’eau <a href="https://sccoos.org/red-tide-bulletin-spring-2020/">ont chuté tous les deux</a> lors de cette période, et une odeur nauséabonde type œuf pourri émanant de cette efflorescence rouge, et perçue à plusieurs kilomètres des côtes, a perduré pendant une semaine, indiquant une intense production de gaz sulfurés par les bactéries. À l’heure actuelle, nous étudions donc les pistes d’une anoxie du milieu et de la production de gaz sulfurés, comme causes vraisemblables de la mortalité observée.</p>
<p>Chez les humains, la yessotoxine pourrait être responsable des divers symptômes observés – démangeaisons, yeux irrités, maux de gorge, nausées. En effet, pour la première fois, elle a été détectée dans les aérosols marins au niveau de la plage de La Jolla pendant cette marée rouge. Notre système respiratoire étant incroyablement sensible, il n’est pas invraisemblable que les niveaux de yessotoxine détectés soient à l’origine des afflictions humaines signalées. L’aérosolisation des toxines produites par d’autres dinoflagellés toxiques sont aussi observées en Floride avec <em>Karenia brevis</em> (brevetoxines) et en Méditerranée avec <em>Ostreopsis</em> cf. <em>ovata</em> (ovatoxines).</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1568988320301293">Très peu</a> d’espèces d’algues sont à la fois toxiques et bioluminescentes. La capacité conjointe de <em>L. polyedra</em> d’émettre de la bioluminescence et des toxines <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/umrsmas/bullmar/2014/00000090/00000003/art00006">pourrait être liée</a> à un mécanisme d’aposématisme, prévenant visuellement de la dangerosité de s’attaquer à elles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157832/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Séverine Martini a reçu des financements du CNRS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eva Ternon a reçu des financements de la Commission Européenne (Marie Curie Fellow) et de la NOAA. </span></em></p>
Des marées bioluminescentes déferlent de plus en plus fréquemment sur les plages à travers le monde. D'où vient ce phénomène et pourquoi est-il parfois lié à une mortalité accrue des animaux marins?
Severine Martini, Chargée de recherche CNRS en Océanographie, à l'Institut Méditerranéen d'Océanologie, Aix-Marseille Université (AMU)
Eva Ternon, Chercheur en écologie chimique marine, Institut de la Mer de Villefranche, Sorbonne Université
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2021-01-10T19:11:41Z
2021-01-10T19:11:41Z
Cette micro-algue qui se cache derrière les eaux colorées vertes de Bretagne Sud
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/373607/original/file-20201208-23-uoyifq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la baie de Vilaine, le 9 Juillet 2020. </span> <span class="attribution"><span class="source">Mathilde Schapira/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Depuis une première observation en 1982, on repère presque chaque année des eaux colorées vertes qui s’étendent <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpol.2018.01.022">du Finistère Sud aux côtes Vendéennes</a>.</p>
<p>Sous l’influence de la Loire et de la Vilaine, cette zone est en effet la plus vulnérable du littoral Atlantique au phénomène dit « d’eutrophisation ». Ce terme désigne l’un des problèmes majeurs affectant les zones aquatiques, continentales et côtières. On peut le décrire comme une réponse des écosystèmes à des <a href="https://doi.org/10.5194/bg-16-1361-2019">apports externes de nutriments</a> issus de rejets directs d’effluents domestiques (comme les eaux usées), agricoles (comme les engrais azotés et phosphorés) et industriels.</p>
<p>Cette <a href="https://doi.org/10.1080/10641262.2011.611916">réaction des écosystèmes</a> peut se traduire par l’augmentation de la biomasse phytoplanctonique ainsi que par l’intensification et la multiplication des efflorescences d’espèces phytoplanctoniques, toxiques ou nuisibles. Ces épisodes se produisent généralement au cours du printemps et de l’été, lorsque l’ensoleillement et la température de l’eau atteignent des niveaux favorables à la prolifération de ces organismes photosynthétiques.</p>
<h2>Coloration verte et mortalités d’organismes marins</h2>
<p>Les eaux vertes observées en Bretagne Sud sont plus précisément la conséquence de la <a href="https://doi.org/10.2216/i0031-8884-35-5-381.1">prolifération d’une micro-algue, le <em>Lepidodinium chlorophorum</em></a>. Il mesure environ 20 µm et présente une forte coloration verte, observable en microscopie optique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373609/original/file-20201208-19-ue2avs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373609/original/file-20201208-19-ue2avs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373609/original/file-20201208-19-ue2avs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373609/original/file-20201208-19-ue2avs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373609/original/file-20201208-19-ue2avs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373609/original/file-20201208-19-ue2avs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373609/original/file-20201208-19-ue2avs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cellules de <em>L. chlorophorum</em> observées au microscope optique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anne Schmitt-Gallotti/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que <em>L. chlorophorum</em> <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00133/24470/">ne produise pas de toxines</a>, il peut être considéré comme une espèce nuisible. En effet, dès les années 1990, les eaux colorées vertes à <em>L. chlorophorum</em> ont été associées à des <a href="https://doi.org/10.1016/S0272-7714(06)80008-9">mortalités de poissons et de bivalves</a> le long du littoral Atlantique.</p>
<p>Des mortalités d’organismes marins – moules, huîtres, certains mollusques, crevettes, crabes et petits crustacés – ont ainsi été enregistrées au cours de l’été 1988 près des Sables-d’Olonne. En 2012, des mortalités de moules de plus de 40 % ont été identifiées.</p>
<p>Les observations réalisées par l’Ifremer à cette période ont montré la présence d’un mucus de couleur verte sur les coquillages, sans pour autant faire directement le lien de cause à effet entre ces mortalités et les efflorescences de <em>L. chlorophorum</em>.</p>
<p>En 2018, des <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00457/56879/">pertes importantes d’huîtres et de moules</a> ont été rapportées sur les zones de production du Morbihan et de Loire-Atlantique suite aux eaux colorées vertes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/373612/original/file-20201208-19-1soxc3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373612/original/file-20201208-19-1soxc3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373612/original/file-20201208-19-1soxc3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373612/original/file-20201208-19-1soxc3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373612/original/file-20201208-19-1soxc3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373612/original/file-20201208-19-1soxc3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373612/original/file-20201208-19-1soxc3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373612/original/file-20201208-19-1soxc3u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Moules de bouchots de la baie de Pont Mahé, en juillet 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Michael Retho/Ifremer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré les potentielles conséquences de la multiplication de ces eaux colorées vertes à <em>L. chlorophorum</em>, nos connaissances relatives à la dynamique des efflorescences ainsi qu’aux facteurs environnementaux les conditionnant <a href="https://doi.org/10.1016/j.hal.2015.11.016">restent encore limitées</a>. Très peu d’études ont été menées sur l’écologie de cette espèce et peu d’observations ont été recensées à travers le monde.</p>
<h2>Beaucoup d’aspects encore méconnus</h2>
<p>Une étude menée en laboratoire sur cette espèce a montré que <em>L. chlorophorum</em> pouvait produire de grandes quantités de substances à l’aspect visqueux, aussi appelées <a href="https://doi.org/10.3354/ame01187">particules exo-polymériques transparentes</a>.</p>
<p>Ces particules jouent un rôle majeur au sein des écosystèmes : riches en matière organique, elles forment de parfaits <a href="https://doi.org/10.1016/0198-0149(89)90131-3">microenvironnements, propices au développement bactérien</a>. Elles ont également tendance, en accélérant la <a href="https://doi.org/10.1016/j.pocean.2016.11.002">sédimentation de la matière organique vers les fonds marins</a>, à affecter les processus de recyclage de cette matière organique par les bactéries, et ainsi à diminuer les concentrations en oxygène à proximité du fond. Ces particules transparentes sont également <a href="https://doi.org/10.1016/S0079-6611(02)00138-6">susceptibles d’augmenter la viscosité de l’eau de mer</a>.</p>
<p>Au vu de leurs multiples effets sur les écosystèmes, il est essentiel de pouvoir quantifier les concentrations de ces particules transparentes dans l’océan.</p>
<h2>Des eaux peut-être un peu trop visqueuses</h2>
<p>On l’a vu, des mortalités importantes d’organismes marins ont suivi certaines efflorescences de <em>L. chlorophorum</em>, aussi suspecté d’être à l’origine de l’<a href="https://doi.org/10.1111/jbi.12665">arrêt de croissance chez l’huître creuse <em>Crassostrea gigas</em></a>.</p>
<p>Ces mortalités pourraient être en lien, comme évoqué plus haut, avec la production importante de particules exo-polymériques transparentes ; cela de deux manières : en diminuant les concentrations en oxygène à proximité du fond suite à la dégradation de la matière organique produite au cours de l’efflorescence ; en augmentant la viscosité de l’eau ce qui pourrait avoir un effet négatif sur le comportement de filtration et la croissance des bivalves. On pense notamment au <a href="https://doi.org/10.1016/j.jembe.2009.09.021">colmatage des branchies</a> qui pourrait altérer la respiration et l’assimilation de la nourriture chez ces organismes.</p>
<p>À ce jour, aucune étude ne s’est intéressée aux facteurs environnementaux favorisant le développement de <em>L. chlorophorum</em>. Et aucune étude n’a estimé les quantités de particules exo-polymériques transparentes produites lors d’une eau colorée verte en milieu naturel.</p>
<p>De la même manière, nous ne connaissons ni la composition de ces particules ni leur capacité à modifier significativement la viscosité de l’eau de mer. Une meilleure connaissance de ces particules exo-polymériques est le premier pas vers une compréhension plus fine des mécanismes à l’origine des mortalités observées suite aux eaux colorées vertes. Le <a href="https://wwz.ifremer.fr/lermpl/Etudes/Ecosystemes-marins/LEPIDO-PEN">projet de recherche Lepido-Pen</a> que nous conduisons tente d’apporter de premiers éléments de réponse.</p>
<h2>Un appel aux usagers du littoral</h2>
<p>Ces phénomènes d’eaux colorées ne s’annoncent pas, ils sont parfois très fugaces et localisés. Pour soutenir la recherche, un projet de science participative – <a href="https://www.phenomer.org/Participer">Phenomer</a> – propose aux usagers du littoral de signaler leurs observations d’eaux colorées.</p>
<p>Un formulaire de signalement est accessible sur le site web Phenomer et une application mobile est également téléchargeable. <a href="https://www.phenomer.org/Participer/Je-communique-mon-observation">Avec l’aide de tout à chacun</a>, les scientifiques pourront sans doute mieux cerner l’ampleur de ce phénomène et ses possibles causes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pauline Roux a reçu des financements de la région Pays de la Loire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Schapira a reçu des financements de la région Pays de la Loire.</span></em></p>
Du Finistère Sud aux côtes Vendéennes, la prolifération nuisible du Lepidodinium chlorophorum inquiète et réclame de mieux comprendre les causes et l’ampleur de ce phénomène.
Pauline Roux, Doctorante en écologie du phytoplancton, Ifremer
Mathilde Schapira, Chercheur Ifremer, Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/144765
2020-10-22T19:56:06Z
2020-10-22T19:56:06Z
Quand les marées vertes virent au pourpre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364760/original/file-20201021-21-1uefgud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C1196%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photographie de marée pourpre.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Tous les étés, il est un phénomène que les promeneurs des littoraux partout dans le monde connaissent bien : les marées vertes. Ces algues opportunistes se développent rapidement et profitent des teneurs élevées en nutriment des zones côtières ainsi que de la forte luminosité estivale. Les algues prolifèrent alors massivement et envahissent nos côtes et nos estrans (les parties du littoral périodiquement recouvertes par la marée). Mais parfois, il arrive que la marée verte vire au rose, voire au pourpre ce qui ne manque pas de <a href="https://www.letelegramme.fr/finistere/carantec/la-vie-en-rose-a-l-ile-callot-12-08-2020-12597212.php">décontenancer les usagers du littoral</a>. Est-ce le signe d'une pollution ou simplement un état de dégradation avancé des algues ?</p>
<h2>Modification de l'habitat et entraide bactérienne</h2>
<p>À chaque marée verte, une grande quantité d'algues s'échoue sur le littoral. Les algues croissent généralement du printemps jusqu'au cœur de l'été sans discontinuer. Cette biomasse a besoin de carbone pour se développer et absorbe alors massivement du dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>). Il pourrait donc s'agir là d'une bonne nouvelle pour lutter contre le réchauffement climatique, si toutes ces algues n'étaient pas destinées à être dégradées.</p>
<p>C'est justement là que les choses se compliquent. De nombreuses bactéries s'empressent de mettre en pièce cette matière organique toute fraîche. Ce faisant, elles consomment l'oxygène du sédiment alentour et rendent celui-ci complètement anoxique (sans oxygène disponible).</p>
<p>Au cœur de l'été, les fortes températures (parfois caniculaires) boostent le métabolisme bactérien si bien que les réserves d'oxygène des sédiments, sous les dépôts d'algues vertes, s'épuisent rapidement. L'oxygène disparaît et les bactéries aérobies aussi faute de «carburant». Mais comme il reste encore beaucoup de matière organique à dégrader, de nombreux micro-organismes sulfato-réducteurs prennent le relais. Ces nouvelles bactéries et <a href="https://www.museum.toulouse.fr/-/rencontre-du-troisieme-type-les-archees">archées</a> (d'autres microorganismes) ne respirent pas d'oxygène, mais du sulfate et peuvent donc proliférer, sans problème, dans ce nouvel environnement anoxique. Les bactéries sulfato-réductrices viennent des profondeurs du sédiment et réduisent le sulfate en sulfure d'hydrogène, un gaz toxique qui se caractérise par son odeur d'œuf pourri.</p>
<p>C'est à ce moment que l'estran devient rose. Car, dans les profondeurs du sédiment, des bactéries pourpres sulfureuses cohabitent avec les micro-organismes sulfato-réducteurs. Ces bactéries sont photosynthétiques, mais, contrairement aux plantes ou aux algues, ne produisent pas d'oxygène. À la place, elles oxydent le sulfure d'hydrogène (H2S) en soufre élémentaire qu'elles peuvent stocker dans des vésicules adaptées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365050/original/file-20201022-23-1csx3vf.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365050/original/file-20201022-23-1csx3vf.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365050/original/file-20201022-23-1csx3vf.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365050/original/file-20201022-23-1csx3vf.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365050/original/file-20201022-23-1csx3vf.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365050/original/file-20201022-23-1csx3vf.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365050/original/file-20201022-23-1csx3vf.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Images de détail d'amas de bactéries pourpre. À noter la présence de nombreuses vésicules (flèches blanches) qui servent à stocker des granules de soufre élémentaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Habituellement, ces bactéries pourpres vivent dans le sédiment à une profondeur qui présente deux critères importants : tout d'abord, la présence de lumière qui aura réussi à traverser les couches de sédiments superficielles en rebondissant sur les grains de sable, et la proximité de micro-organismes sulfato-réducteurs afin de récupérer le sulfure d'hydrogène (H2S) produit par ceux-ci. Puisque les micro-organismes sulfato-réducteurs remontent à la surface sous l'effet de l'accumulation des algues vertes, les bactéries pourpres sulfureuses ne tardent pas à les suivre. Elles se retrouvent alors dans une sorte de paradis pour bactéries pourpre : très abondant en lumière et en sulfure d'hydrogène (H2S) ; ce qui est parfait pour leur photosynthèse.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365048/original/file-20201022-20-17fw7ri.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365048/original/file-20201022-20-17fw7ri.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365048/original/file-20201022-20-17fw7ri.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365048/original/file-20201022-20-17fw7ri.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365048/original/file-20201022-20-17fw7ri.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365048/original/file-20201022-20-17fw7ri.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365048/original/file-20201022-20-17fw7ri.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Clichés de tapis à bactéries pourpres visibles à l'œil nu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Hubas</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elles se développent alors massivement en surface et forment des taches violettes visibles à l'œil nu. Ces plaques ne manquent pas d'interpeller les promeneurs qui pourraient s'interroger sur la qualité de l'eau et le lien potentiel avec une source de pollution.</p>
<h2>Atelier pratique : la colonne de Winogradsky</h2>
<p>En temps normal, il est tout à fait possible d'observer ces bactéries pourpres sans attendre une éventuelle marée verte.</p>
<p><a href="https://cths.fr/an/savant.php?id=107561">Sergueï Nikolaïevitch Winogradsky</a> (1856-1953), un microbiologiste Russe spécialiste des processus biogéochimiques et pionnier de l'écologie microbienne à mis au point un processus simple pour étudier les bactéries qui peuplent nos sols et sédiments. Il s'agit de la colonne de Winogradsky.</p>
<p>Pour réaliser cette expérience, il vous faudra récupérer l'équivalent d'un petit seau de vase bien fluide. Réservez un peu de vase et la mélanger avec une source de carbone (morceaux de papier journal très fins) et une source de soufre (jaune d'œuf…). Remplissez le fond d'un tube transparent (vase vertical, bouteille d'eau) sur environ 1/3 de la hauteur. Tassez bien la vase pour retirer l'air et continuer à ajouter de la vase pour arriver au 2/3 (voire les ¾) du récipient. Complétez le dernier 1/3 (ou le dernier ¼) avec de l'eau prélevée sur le site. Laissez un espace vide en haut du dispositif et fermez bien le tout de manière hermétique. Disposez la colonne près d'une fenêtre et attendez (cela peut prendre plusieurs semaines soyez patient).</p>
<p>Vous pouvez faire l'expérience chez vous à partir de vase récupérée sur l'estran ou même à partir d'une mare si vous en avez une près de chez vous.</p>
<h2>Les tapis microbiens : le HLM des bactéries</h2>
<p>Pour ceux et celles qui aimeraient observer les différentes communautés bactériennes des sédiments, mais n'auraient pas le matériel adéquat pour mettre en place une colonne de Winogradsky ; il existe une solution. Certains sédiments sont déjà naturellement ultra-structurés (un peu comme une colonne de Winogradsky naturelle). Ils se trouvent dans les zones hypersalées comme les marais salants par exemple.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/365053/original/file-20201022-17-1mjcziv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365053/original/file-20201022-17-1mjcziv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365053/original/file-20201022-17-1mjcziv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365053/original/file-20201022-17-1mjcziv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365053/original/file-20201022-17-1mjcziv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365053/original/file-20201022-17-1mjcziv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365053/original/file-20201022-17-1mjcziv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365053/original/file-20201022-17-1mjcziv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cliché d'un tapis microbien (Marennes d'Oléron). On remarque que les bactéries s'organisent en «tranches».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Camille Mazière</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ces zones, les micro-organismes s'organisent en mille-feuilles selon la profondeur en fonction des gradients de lumière, d'oxygène et de sulfure d'hydrogène. En prélevant délicatement une tranche de sédiment (en général il s'agit de vases assez compactes) il est possible de voir une bande rose composée de bactéries pourpres sulfureuses. Cette bande se retrouve généralement en sandwich entre une couche de bactéries non sulfureuses (qui prennent une couleur plutôt orangée) et une couche de sédiment très sombre (voire complètement noire) qui indique un sédiment dépourvu d'oxygène et habité par de nombreuses bactéries dont les bactéries sulfato-réductrices.</p>
<p>Ces structures naturelles sont un très bon exemple de structuration et d'interaction entre les micro-organismes, car chaque étage dépend de l'activité de l'étage du dessus et/ou du dessous pour sa survie. Un bel exemple d'écosystème autosuffisant !</p>
<h2>Les proliférations microbiennes : une histoire ancienne</h2>
<p>Certaines algues libèrent des toxines dans l'eau ce qui peut être extrêmement problématique pour la faune locale notamment les organismes filtreurs (huitres, moules…). Rien à craindre cependant de la part de nos chères bactéries pourpres. À l'inverse de certaines proliférations (ou bloom) planctoniques marines, les bactéries pourpres sulfureuses ne relarguent pas de toxines dans l'environnement et sont donc sans danger pour l'homme ou la faune sauvage.</p>
<p>Certaines proliférations algales sont en revanche plus destructrices. La plus vielle archive sur le sujet (et la plus connue) date potentiellement du VII<sup>e</sup> siècle av. J.-C. dans le livre de l'exode. Une prolifération d'algue toxique pourrait être à l'origine de la première des dix plaies d'Égypte (les eaux du Nil changées en sang).</p>
<p>Il existe, en effet, un très grand nombre d'espèces capables de proliférer massivement et changer la couleur de l'eau de mer et des estuaires (eau salée ou saumâtre). Ces efflorescences se traduisent généralement par une forte coloration de l'eau en rouge. La croissance et la persistance de ces proliférations algales dépendent de la direction et de la force du vent, de la température, des nutriments et de la salinité.</p>
<p>En France, l'Ifremer et ses partenaires ont lancé depuis 2013 à l'échelle de la Bretagne, <a href="https://www.phenomer.org/Phenomer">Phenomer</a>, un projet de science participative qui invite les citoyens à signaler des phénomènes d'eaux colorées dus aux proliférations de microalgues. Il s'agit, la plupart du temps, de dinoflagellés ou de diatomées qui sont des micro-algues photosynthétiques.</p>
<p>Malheureusement, le site de l'Ifremer ne permet pas le signalement des tapis à bactéries pourpres sulfureuses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144765/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Hubas a reçu des financements de CNRS-INSU (programme EC2CO projet Biopourpre). </span></em></p>
Vous avez peut-être déjà été les témoins de marées vertes ou d'apparition de tapis pourpres sur nos littoraux. Comment expliquer ce phénomène ?
Cédric Hubas, Maitre de conférences en écologie microbienne, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/115197
2019-04-28T20:14:02Z
2019-04-28T20:14:02Z
Créer de nouveaux vaisseaux sanguins avec des algues comestibles
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/271196/original/file-20190426-194616-19535w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C188%2C1020%2C674&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image obtenue par microscopie à fluorescence des vaisseaux sanguins formés après injection intramusculaire d'un hydrogel dérivé d'algues marines. Vert: vaisseaux sanguins, bleu: noyaux cellulaires. </span> <span class="attribution"><span class="source">Aurelien Forget, Roberto Gianni-Barrera, Andrea Banfi, Prasad Shastri</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Lorsque nous avons de petites blessures sur la peau ou les muscles, elles peuvent généralement guérir d’elles-mêmes. Mais pour les plaies plus profondes, comme celles qui surviennent chez les patients diabétiques ou qui touchent le tissu musculaire après une crise cardiaque, la réparation est plus difficile. Ce genre de problème nécessite souvent des traitements plus importants et peut éventuellement nécessiter une amputation ou une transplantation si la guérison n’est pas complète.</p>
<p>Bien que les greffes d’organes sauvent des vies, <a href="https://blog.france-adot.org/greffe-dorganes-les-chiffres-2017-2_20180415/">nous n’avons pas assez d’organes disponibles</a> pour soigner tous les patients, et nous devons trouver d’autres méthodes.</p>
<p>Des technologies telles que la <a href="https://tpe-bioimpressionmilhaud.jimdo.com/de-l-impression-3d-%C3%A0-la-bioimpression/bio-impression/">bio-impression</a> ont été proposées pour construire à l’extérieur du corps des organes entièrement opérationnels. Mais si nous pouvions améliorer nos propres capacités de régénération, que se passerait-il ? Serait-il possible de générer des organes à l’intérieur du corps ?</p>
<p>Dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/adma.201808050">récente publication</a>, nous avons démontré qu’avec la simple injection d’un gel extrait d’algues comestibles, nous pouvons diriger l’organisme à créer des vaisseaux sanguins stables dans un muscle. Ces vaisseaux sont la clé pour aider les tissus à vivre.</p>
<p>Ces résultats constituent une étape importante vers des thérapies régénératives basées uniquement sur les biomatériaux.</p>
<h2>Que sont les thérapies régénératives ?</h2>
<p>La <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/lingenierie-tissulaire-une-revolution-tres-proche-pour-de-nombreux-traitements/">thérapie régénérative</a> (aussi appelée médecine régénérative) est un domaine de recherche qui combine la médecine, la biologie moléculaire et la biotechnologie. Il a pour but de créer des tissus ou des organes pour rétablir le fonctionnement normal du corps.</p>
<p>À titre d’exemple la <a href="https://theconversation.com/the-next-pharmaceutical-revolution-could-be-3d-bioprinted-79676">bio-impression 3D</a> a eu quelques réussites, comme la création de cornées artificielles <a href="https://spectrum.ieee.org/the-human-os/biomedical/devices/human-corneas-could-be-the-first-mainstream-application-of-bioprinting">transplantables pour l’œil</a>. Mais cette approche nécessite des installations spéciales pour la fabrication d’organes. Les cellules doivent être isolées, cultivées dans un bioréacteur (un récipient spécial offrant un environnement propice à la croissance des tissus) et elles sont ensuite utilisées pour créer des organes artificiels dans des conditions contrôlées et stériles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Procédé de biofabrication d’organes spécifiques de patients.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Steffen Harr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Se servir du corps comme d’usine de fabrication</h2>
<p>Une nouvelle approche est apparue il y a quelques années. Il s’agit <a href="https://www.pnas.org/content/102/32/11450">du bioréacteur in vivo (dans le corps)</a>, qui utilise le corps pour produire de nouveaux tissus ou cellules. Ceci a été initialement développé pour <a href="https://www.ted.com/talks/molly_stevens_a_new_way_to_grow_bone">fabriquer des os</a>. Pour créer des tissus dans le corps humain, nous devons déclencher et exploiter nos propres capacités de régénération. Malheureusement, nous ne sommes pas aussi bons que les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EsCSwVx3GvA">salamandres</a> : nous ne pouvons pas faire repousser un nouveau membre.</p>
<p>Mais avec un peu d’aide, nous pourrions régénérer certains tissus. Pour ce faire, l’aide peut se présenter sous la forme de matériaux qui :</p>
<ul>
<li><p>reproduisent les propriétés tissulaires nécessaires, telles que la rigidité des tissus ;</p></li>
<li><p>transportent des signaux chimiques et biologiques qui peuvent diriger la croissance des tissus.</p></li>
</ul>
<p>Un tissu est défini comme un groupe de cellules travaillant ensemble pour une fonction spécifique. Par exemple, les tissus musculaires sont constitués de cellules organisées en fibres, formant ce qu’on appelle les fibres musculaires.</p>
<h2>Des matériaux qui peuvent parler avec les cellules</h2>
<p>Les tissus de notre corps sont constitués de nombreux types de cellules différentes, ainsi que de matériaux qui sont présents à l’extérieur des cellules. Ces matériaux forment la <a href="https://www.ebiologie.fr/cours/s/9/la-matrice-extracellulaire">matrice extracellulaire (MEC)</a>. La MEC se compose de plusieurs éléments différents. Elle retient l’eau et renferme également les informations vitales qui aident les cellules à se déplacer, à croître et à s’organiser en tissus fonctionnels.</p>
<p>Nous n’avons pas besoin de rentrer dans les détails de ce dont la MEC est faite ici. Mais ce que nous pouvons dire, c’est que les scientifiques peuvent copier plusieurs de ses fonctions en utilisant un matériau appelé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2090123213000969">hydrogel</a>. Celui-ci peut être modifié pour transmettre des informations biologiques spécifiques aux cellules.</p>
<h2>Algues comestibles pour créer des vaisseaux sanguins</h2>
<p>Nous avons développé une nouvelle classe d’hydrogel injectable. Pour fabriquer l’hydrogel, on utilise l’agarose, qui est également utilisé en cuisine pour fabriquer des <a href="http://www.markal.fr/produit/gelee-de-jus-de-fruits-agar-agar-2/">gâteaux à la gelée</a>, et dans les laboratoires de biologie pour <a href="http://www.snv.jussieu.fr/bmedia/ATP/bioch1.htm">séparer l’ADN</a>. L’agarose est un polysaccharide, une molécule formée par une longue chaîne de sucre, qui est extraite <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC170292/">d’algues rouges</a> présentes dans de nombreux océans <a href="https://www.liberation.fr/planete/2016/11/10/l-algue-rouge-de-l-agar-agar-se-rarefie_1527676">à travers le monde</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Poudre d’agarose utilisée en laboratoire pour la séparation de l’ADN et de l’agar pour la fabrication de gâteaux à la gelée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aurelien Forget</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://www.shastrilab.com/">Dans notre laboratoire</a>, nous pouvons modifier l’agarose en fixant une petite molécule (un peptide) qui pourra dialoguer avec les cellules. Grâce à cette approche, <a href="https://www.pnas.org/content/110/32/12887">nous avons créé une formulation unique d’hydrogel qui fournit l’environnement idéal pour que certaines cellules s’organisent en vaisseaux sanguins</a>. Avec <a href="https://biomedizin.unibas.ch/en/research/research-groups/banfi-lab/">nos collaborateurs de l’Hôpital Universitaire de Bâle</a> nous avons montré que ce même hydrogel injecté dans le muscle peut <em>parler</em> au corps et <a href="https://www.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/adma.201808050">initier la formation de nouveaux vaisseaux sanguins</a>. Auparavant, seul le <a href="https://www.pnas.org/content/107/8/3418">cartilage</a> ou l’<a href="https://www.pnas.org/content/102/32/11450">os</a> pouvait être régénéré dans le corps de cette manière.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Formation de nouveaux vaisseaux sanguins induite par une substance thérapeutique injectable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Steffen Harr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Thérapies de la future</h2>
<p>Cette approche ouvre la voie à la création d’une nouvelle classe de thérapies dans lesquelles le matériel injecté (hydrogel) pourrait devenir aussi utile que les médicaments pharmaceutiques. Nous envisageons que, dans certains cas, un patient atteint d’une défaillance d’un organe puisse un jour recevoir l’injection d’un matériel qui contiendra des informations pour parler aux cellules et diriger leur organisation en nouveaux tissus fonctionnels.</p>
<p>Cette approche permettrait à notre corps d’accomplir la plupart des tâches complexes, contrairement aux thérapies cellulaires ou à la bio-impression d’organes à l’extérieur du corps ; où les cellules doivent être prélevées, cultivées et réimplantées. La thérapie des matériaux serait d’une grande valeur pour les patients situés dans des régions éloignées de centres médicaux qui n’ont pas accès aux infrastructures complexes pour la croissance de cellules ou pour la bio-impression.</p>
<p>Plus spéculativement, la bio-impression d’organes est considérée comme l’une <a href="https://www.esa.int/Our_Activities/Space_Engineering_Technology/3D_printing_skin_bone_and_body_parts_under_study_for_future_astronauts">des technologies critiques pour la conquête spatiale</a>. En utilisant des matériaux thérapeutiques pour guérir les blessures ou les maladies, nous pourrions laisser la tâche critique de la réparation à notre corps <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMra1609012">sans avoir à embarquer des équipements lourds et encombrants</a> pour la culture de tissus.</p>
<p>Peut-être qu’un jour, une personne vivant dans l’espace pourra s’injecter un de ces matériaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurelien Forget ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La greffe c’est bien, construire des organes entièrement opérationnels en laboratoire c’est mieux, améliorer nos capacités de régénération, c’est génial !
Aurelien Forget, Lecturer in Macromolecular Chemistry, University of Freiburg
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/112919
2019-03-04T20:37:04Z
2019-03-04T20:37:04Z
Podcast : Qu’allons-nous manger demain ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261934/original/file-20190304-92283-c60en3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1285%2C684&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fanny Parise (à gauche) et Samir Mezdour (à droite) dans les studios de Moustic the Audio Agency.</span> <span class="attribution"><span class="source">Moustic the Audio Agency</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La viande, c’est fini ? Oui et non. Pour parler de l’avenir des protéines que nous allons manger, des vers, des insectes, de la spiruline, des substituts et des « faux » steaks, trois experts nous éclairent.</p>
<ul>
<li><p><strong>Fanny Parise</strong> (anthropologue) sur les attitudes et comportements des consommateurs face aux « aliments disruptifs » (viande in vitro, poudres, spiruline, etc.) et à la tendance flexitarienne.</p></li>
<li><p><strong>Stephan Marette</strong> (économiste) sur l’avenir de la consommation de viande : les consommateurs semblent ouverts pour évoluer vers un régime plus flexitarien mais le presque abandon de la viande préconisé pour des raisons environnementales paraît encore loin.</p></li>
<li><p><strong>Samir Mezdour</strong> (chercheur en science des aliments et procédés agroalimentaires) sur la question des insectes dans la nourriture (vont-ils nourrir le monde ?), et la possibilité d’une filière biotech des insectes.</p></li>
</ul>
<hr>
<p><em>Animation : Thibaud de Saint-Maurice (<a href="https://www.moustictheaudioagency.com/">Moustic the Audio Agency</a>) et Didier Pourquery (The Conversation France). Réalisation : Joseph Carabalona et Thierry Imberty (Moustic the Audio Agency).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112919/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’après-viande est déjà là, mais tout le monde ne veut pas forcément manger du soja, des insectes, des vers ou de la spiruline. Trois chercheurs sondent l’avenir des protéines que nous avalons.
Fanny Parise, Chercheur associé, anthropologie, Institut lémanique de théologie pratique, Université de Lausanne
Samir Mezdour, chercheur en sciences des aliments et procédés agro-alimentaires, AgroParisTech – Université Paris-Saclay
Stephan Marette, Directeur de recherche à l’INRA, économiste, AgroParisTech – Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/102595
2018-10-24T21:21:38Z
2018-10-24T21:21:38Z
Comment, au sortir des océans, la vie a fleuri sur la terre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242018/original/file-20181024-48697-9v7ozp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1200%2C772&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un sporange datant de la fin du Silurien. En vert : une tétrade de spores. En bleu: une spore marquée d'un trilète. Les spores ont un diamètre d'environ 30 à 35 µm.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_%C3%A9volutive_des_v%C3%A9g%C3%A9taux#/media/File:Trilete_spores.png">Smith609/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions ici un extrait du livre « Évolution », coordonné par Steve Parker, qui paraît ce jour aux Éditions Delachaux & Niestlé.</em></p>
<hr>
<p>Quand la vie s’est-elle affranchie des océans pour gagner la terre ? Les fossiles qui pourraient concourir à préciser ce moment sont quasiment inexistants. Ce processus évolutif a requis des millions d’années et la fossilisation reste un événement rare, d’autant plus lorsqu’il s’agit de tissus végétaux fragiles comme dans le cas de cet <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Asteroxylon">Asteroxylon</a>. Au vu des rares vestiges, il est probable que la colonisation des terres émergées par la vie végétale débuta à l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordovicien">ordovicien</a>, il y a 485 à 443 millions d’années, mais il est possible que ce processus ait commencé en fait bien antérieurement.</p>
<h2>Un afflux d’oxygène</h2>
<p>Avant que la vie n’ait pris pied sur la terre ferme, l’atmosphère de la planète a dû changer. Elle était initialement pauvre en oxygène puisqu’elle renfermait moins de 1 % de la concentration actuelle. L’oxygène forme de l’ozone dans les hautes couches atmosphériques, un gaz qui – cela importe pour la vie – absorbe les rayons ultraviolets potentiellement dangereux. Sans couche d’ozone, la vie serait exposée sur terre à trop de radiations qui induiraient des ruptures de l’ADN, des mutations génétiques et occasionneraient donc des cancers. Ainsi, ce n’est qu’une fois que la photosynthèse réalisée par des organismes aquatiques eût produit suffisamment d’oxygène pour former la couche d’ozone qu’il devint possible que des espèces fragiles survivent.</p>
<p>Ce processus nécessita des centaines de millions d’années. Les scientifiques s’accordent désormais à penser que les plantes ne furent pas les premiers organismes à coloniser la terre car, en plus de la lumière solaire et du dioxyde de carbone, il leur fallait en effet des nutriments absorbables. L’étude des paléosols (sols fossilisés) suggère que les terres émergées furent investies en premier par des bactéries. Cyanobactéries, algues, champignons et peut-être lichens participèrent ainsi à la formation des premiers sols dans lesquels les plantes puisèrent des nutriments.</p>
<p>Les algues vertes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Charophyceae">charophycées</a> sont généralement tenues comme les ancêtres des plantes terrestres : l’étude de leur métabolisme et de leur génome montre qu’elles avaient plus de choses en commun avec les végétaux terrestres archaïques qu’avec les espèces actuelles. Le premier fossile de plante véritable date du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Silurien">silurien</a> (443-419 millions d’années). Les couches de cette époque livrent aussi des fossiles de mille-pattes, de chilopodes et d’arachnides se nourrissant de débris végétaux, prouvant qu’il existait donc déjà de vrais écosystèmes terrestres. En colonisant les terres, les plantes gagnèrent une dynamique évolutive qui explique la diversité que nous connaissons aujourd’hui.</p>
<h2>Milieu terreste hostile</h2>
<p>Alors que les océans constituaient un environnement relativement stable, la surface était un milieu hostile dont la conquête relevait du défi pour des cellules avant tout constituées d’eau, et qui s’y exposaient à un risque de déshydratation. Il est probable que l’arrivée des plantes sur la terre ferme coïncida avec une période de changement climatique : la succession de périodes humides et sèches aurait eu raison des formes de vie mal adaptées aux conditions environnementales trop drastiques de la vie sur terre. Le flux et reflux des vagues sur le littoral purent constituer une opportunité facilitant l’accès à ce milieu. Les plantes se protégèrent en développant une cuticule cireuse pour prévenir les pertes hydriques et créèrent des pores (stomates) permettant les échanges gazeux avec l’atmosphère (elles absorbent du dioxyde de carbone et rejettent de l’oxygène).</p>
<p>Une autre adaptation essentielle fut l’apparition d’un tissu vasculaire, décrit sur des fossiles de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cooksonia">Cooksonia</a> vieux de 410 millions d’années. Analogue au système sanguin des animaux, ce tissu est constitué de cellules permettant le transport de l’eau et des nutriments absorbés par les racines. Ils sont véhiculés vers les feuilles qui produisent les glucides distribués en retour dans les tissus. La capacité d’absorber de l’eau dans le sol et de la répartir dans leurs tissus a permis aux plantes de s’adapter à des climats secs. Le réseau vasculaire a aussi constitué un tissu de soutien, une sorte de « squelette » rigide donnant leur forme aux racines, aux tiges, aux feuilles et permettant à la plante de rester érigée : il avantagea tellement les végétaux qu’ils se développèrent rapidement et dominèrent la scène.</p>
<hr>
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<span class="caption">Evolution.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Editeur</span></span>
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<p><em>Partie rédigée par Robert Snedden pour le livre « Evolution ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102595/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Steve Parker est le coordinateur de l'ouvrage d'où est tiré l'extrait publié.</span></em></p>
Quand la vie, sortie des océans, a-t-elle gagnée la terre ? Un extrait du livre « Evolution » qui paraît ce jour aux éditions Delachaux & Niestlé.
Steve Parker, Zoologist, Zoological Society of London
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/91220
2018-02-12T21:23:09Z
2018-02-12T21:23:09Z
Faut-il vraiment manger des algues ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205936/original/file-20180212-58348-bg81ri.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C107%2C3264%2C2096&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Salade d'algues</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En 2050, selon les estimations de l’ONU, la population mondiale devrait atteindre 9 milliards d’individus. Que mangeront-ils ? L’accroissement démographique conjugué à l’élévation du niveau de vie des pays en voie de développement induit une progression importante de la consommation de produits d’origine animale. En raison de la réduction des surfaces agricoles et d’une pression de plus en plus importante sur les ressources en eau douce de notre planète, il paraît indispensable d’envisager dès maintenant la diversification de nos ressources alimentaires.</p>
<p>Une des solutions d’avenir serait de développer la culture intensive des <a href="https://www.planetoscope.com/Autre/1323-production-mondiale-d-algues-alimentaires.html">algues marines</a> (dites macroalgues). Ses avantages sont importants : elle n’empiète pas sur les surfaces terrestres cultivables et utilise essentiellement de l’eau de mer. Mais elles doivent encore réussir à séduire les consommateurs occidentaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205984/original/file-20180212-58344-1k8c92j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205984/original/file-20180212-58344-1k8c92j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205984/original/file-20180212-58344-1k8c92j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205984/original/file-20180212-58344-1k8c92j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205984/original/file-20180212-58344-1k8c92j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205984/original/file-20180212-58344-1k8c92j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205984/original/file-20180212-58344-1k8c92j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Soupe coréenne d’algues aux oursins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans d’autres régions du globe, au Japon, en Chine, en Corée du Sud, en Asie du Sud-est, en Indonésie, les algues font partie des aliments traditionnels depuis des millénaires. Mais en Occident, malgré la multiplication des restaurants asiatiques, manger des algues ne va pas de soi. Les consommateurs les associent encore trop souvent aux marées vertes nauséabondes qui s’échouent sur certaines plages bretonnes… En outre, le plaisir gustatif qu’elles procurent ne ravit pas encore parfaitement nos palais européens. Pourtant, les grands chefs nous montrent la voie en les utilisant de plus en plus dans leurs compositions gastronomiques pour leur formidable gamme de saveurs et de couleurs.</p>
<h2>Sont-elles bénéfiques pour la santé ?</h2>
<p>Les algues présentent un <a href="http://www.caducee.net/DossierSpecialises/inra/algues.asp">intérêt nutritionnel</a> indéniable. La plupart des algues sont riches en protéines, (8 à 47 % du poids sec pour les algues rouges). Néanmoins, leur assimilation par l’organisme est difficile et nécessite obligatoirement un <a href="https://www.lanutrition.fr/interviews/les-algues-sont-une-source-de-proteines-interessantes">pré-traitement</a>. Si ce problème était résolu, les algues pourraient devenir une source importante de protéines et, comme les insectes ou les légumineuses, devenir une alternative à l’élevage de bovins très gourmand en espace et en eau douce.</p>
<p>Les algues sont pauvres en lipides, mais avec un taux en acides gras essentiels souvent supérieur à celui des autres végétaux. Elles sont faiblement caloriques (500 à 1 000 kilojoules pour 100 g) car les glucides qui les composent sont, pour la plupart, non assimilables. Riches en fibres mucilagineuses, elles facilitent le transit intestinal.</p>
<p>Les algues présentent une forte teneur en iode car elles concentrent, suivant les espèces, plus de 500 fois dans leurs tissus l’iode contenu dans l’eau de mer. L’apport journalier de 150 µg/j d’iode conseillé par l’OMS pour un adulte et nécessaire au bon fonctionnement de notre cerveau et de notre thyroïde, pourrait être couvert par quelques grammes d’algues. Enfin, elles contiennent des pigments aux propriétés anti-oxydantes et sont riches en vitamines et en sels minéraux bio-disponibles.</p>
<h2>Formes commerciales</h2>
<p>La commercialisation des algues alimentaires en France est autorisée depuis le début des années 1980 et se limite à une vingtaine d’espèces que l’on peut, pour la plupart, récolter facilement sur nos côtes. Mais sans le savoir, nous consommons depuis longtemps des produits issus des algues. C’est le cas des <a href="http://sm-wimereux.univ-lille1.fr/formation/DocumentsPedagogiques/documents/macroalgues/UtilisationAlgues.pdf">phycocolloïdes</a> (alginates, carraghénanes et agar-agar référencés E401 à E407) abondamment utilisés pour stabiliser, épaissir et gélifier des produits dans l’agro-alimentaire.</p>
<p>En Asie, trois aliments dérivant des algues dominent le marché :</p>
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<span class="caption">Feuilles de nori séchées cultivées au Japon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">B. Moreau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Le nori</strong> provient d’algues rouges du genre <em>Porphyra</em>. C’est l’algue la plus consommée au monde dans les fameux makis de la cuisine japonaise. Après récolte, les algues sont séchées et forment alors une feuille de couleur brune de 2 à 3 g ; ces feuilles de nori sont diversement utilisées. Consommées directement après chauffage ou réduites en poudre et utilisées comme condiment, on en fait aussi des confitures de nori, de la crème de nori, des chips de nori, etc. La production annuelle est conséquente : plus de 10 milliards de feuilles de nori par an rien qu’au Japon. La production mondiale dépasse le million de tonnes.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Kombu sec récolté en Bretagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">B. Moreau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Le kombu</strong> est produit à partir d’algues brunes, appartenant au genre <em>Laminaria _ : _Saccharina japonica</em> au Japon, <em>Laminaria digitata</em> et <em>Laminaria saccharina</em> en Bretagne. Après récolte, ces algues très riches en iode sont ébouillantées, séchées, puis traitées de deux façons. On distingue alors le kombu vert : l’algue est colorée au vert de malachite, puis coupée en morceaux et consommée comme légume « vert », le kombu blanc : l’algue est confite dans le vinaigre puis séchée et grattée et le kombu noir qui est la partie externe de l’algue. Au Japon, la production de kombu est estimée à plus de 4 millions de tonnes par an.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Wakamé déshydraté cultivé en Bretagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">B. Moreau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><strong>Le wakamé</strong> est un aliment préparé à partir d’une seule espèce d’algue brune <em>Undaria pinatifida</em>, espèce abondamment cultivée au Japon mais aussi sur la côte bretonne. L’algue récoltée, nettoyée, puis salée et séchée est consommée directement dans les soupes (c’est un des composants de la soupe miso des Japonais), en salade ou sous forme de tartare. La production mondiale (essentiellement japonaise et coréenne) dépasse largement les 500 000 t, mais en France, elle reste confidentielle. Cette algue est très riche en calcium avec une teneur plus de dix fois supérieure à celle du lait. C’est la plus riche en acides gras oméga-3, notamment en EPA (acide eicosapentaénoïque), par contre sa teneur en iode est assez faible comparée à celle d’autres algues brunes.</p>
<p>Il existe d’autres espèces moins courantes, consommées en salade ou en soupe mais de façon moins importante. Citons des algues vertes : les ulves, <em>Ulva lactuca</em> et les enthéromorphes, <em>Entheromorpha intestinalis</em>, des algues rouges : la dulse, <em>Palmaria palmata</em> et des algues brunes : le haricot de mer, <em>Himanthalia elongata</em>, le kelp ailé, <em>Alaria esculenta</em>, l’aramé, <em>Eisenia bicyclis</em>, l’hijiki, <em>Sargassum fusiforme</em>, etc.</p>
<p>Actuellement, la consommation mondiale d’algues alimentaires dépasse les 15 millions de tonnes, dont 93 % sont issus de l’algoculture. <a href="http://www.idealg.ueb.eu/digitalAssets/72/72069_N_35.pdf">En France</a>, la production d’algues alimentaires (culture et récolte) ne dépasse pas 100 000 tonnes par an, mais elle est en continuelle augmentation.</p>
<p>Le développement intensif de la culture des algues peut malgré tout avoir des effets néfastes sur l’environnement côtier marin et <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/mers-et-oceans/les-algues-a-la-recherche-d-une-croissance-durable_104830">cette activité doit se développer d’une façon durable</a> en maintenant la biodiversité. Des organismes de recherche dans le monde, dont en France l’IRD, ont développé le concept d’aquaculture intégrée multi-trophique. L’un des impacts les plus redoutés de l’aquaculture de poissons et de crustacés est le rejet massif de matière fécale provoquant l’eutrophisation du milieu marin. L’idée est donc d’associer des algues qui vont utiliser les nitrates issus cette matière organique azotée en excès.</p>
<h2>Où et comment manger des algues ?</h2>
<p>Traditionnellement, il y a encore quelques dizaines d’années en France, seuls les Bretons utilisaient le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chondrus"><em>Chondrus</em></a> pour gélifier le lait et préparer ainsi une sorte de flan. Maintenant, on trouve facilement des algues séchées dans le commerce, surtout dans les magasins bio ; il est assez facile de les préparer chez soi en salade ou en légumes d’accompagnement des poissons ou des viandes blanches. Mais c’est surtout le développement des restaurants japonais qui a fait découvrir aux Français et popularisé les algues alimentaires sous forme de soupe miso, de salade de wakamé ou de makis. Mais la cuisine aux algues, c’est aussi la variété ! Les salades d’algues, les pains et les pâtes aux algues, les tartares d’algues ! On en trouve dans les rillettes de poisson, les fromages, les biscuits salés, les condiments et les boissons aux algues !</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Soupe miso au wakamé, salade d’algues et maki au saumon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fourni par les auteurs</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Font-elles maigrir ?</h2>
<p>Intriguée par les vertus nutritives des algues, l’équipe du docteur Ole Moutitsen, de l’Université du Danemark, a sélectionné 35 variétés différentes qui ont été consommées par un groupe d’hommes en surpoids. Les chercheurs ont ensuite démontré que l’apport en fibres diététiques dans le régime alimentaire des participants avait augmenté et qu’ils consommaient de ce fait, environ 16 % d’énergie en moins par jour. Autrement dit, ajouter des algues à son alimentation permet de moins et de mieux manger.</p>
<p>Car, redisons-le, les algues comestibles sont peu caloriques et contiennent de nombreux antioxydants, des fibres, de l’iode, des acides gras polyinsaturés et des oméga 3. Enfin, les algues contiennent de l’umami, signifiant « goût savoureux » en japonais et considéré comme la cinquième saveur. Il est réputé pour promouvoir la satiété et aider à réguler l’apport alimentaire en évitant tout ajout de sucre, de sel ou de graisse.</p>
<p>Il est avéré que la réduction de notre consommation de viande est bonne pour notre santé et celle de notre planète. Il faut donc consommer plus de végétaux. Mais quand les productions maraîchère et céréalière seront insuffisantes, il faudra sans doute se tourner vers les cultures d’algues dans des potagers marins. Plus d’une centaine d’espèces sont consommées au monde mais seulement 24 sont autorisées à la consommation en France, il y a donc une forte possibilité d’expansion. Alors, faut-il vraiment manger des algues ? La réponse est oui bien sûr, et pour notre plus grand plaisir !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91220/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Un macaron coco citron au chutney d’algues rouges, ça vous dirait ? C’est bon au goût, et bon pour la santé. Pourquoi, comment et où manger des algues.
Gérard Tremblin, Professeur émérite de biologie végétale, Le Mans Université
Brigitte Veidl, assistant ingénieur biologie, Le Mans Université
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tag:theconversation.com,2011:article/84977
2017-10-03T20:51:29Z
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Pourquoi une nouvelle Mer des Sargasses étouffe les Antilles
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188560/original/file-20171003-4693-hopdgk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un des bancs de sargasses étudiés au cours de la première « Expédition Sargasses »</span> <span class="attribution"><span class="source">© MIO – OSU Pythéas (CNRS, IRD, AMU) / Sandrine Ruitton </span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Tout le monde, un jour, a entendu parler des sargasses : la mystérieuse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mer_des_Sargasses">Mer des Sargasses</a> découverte par Christophe Colomb en route vers l’Amérique, lieu de la reproduction des anguilles suscite, de longue date, la fascination du public. Plus récemment, en moins positif, on a largement évoqué les invasions de Sargasses qui pourrissent la vie des habitants des Caraïbes.</p>
<p>De quoi parle-t-on, précisément ? D’algues brunes qui ressemblent à des petits arbres avec un tronc, des branches et des feuilles et des flotteurs qui leur permettent de rester bien droites sur le fond des océans et de flotter quand elles se décrochent. Il existe plus de 350 espèces de sargasses dans le monde. Elles appartiennent au genre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sargassum">Sargassum</a>, qui signifie varech en portugais et ont été décrites par un étrange naturaliste, homme de lois suédois <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_Adolph_Agardh">Carl Adolf Agardh</a> au 19<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>La plupart des espèces sont tropicales et apprécient peu les eaux froides et tempérées. On en rencontre cependant une dizaine en Méditerranée. Selon les océans et les milieux, la présence de sargasses est un signe positif, ou négatif. Dans les récifs coralliens tropicaux, elles recouvrent les coraux morts et sont un signe de mauvais état écologique du récif. Mais en Méditerranée, elles sont une oasis de vie en voie de disparition : grâce à leur port dressé et à leur taille, elles jouent un rôle écologique important dans les petits fonds où elles peuvent former de véritables forêts sous marines servant d’abri aux poissons et crustacés.</p>
<p>En Chine, des quantités phénoménales de sargasses se détachent du fond et forment de gigantesques radeaux à la surface de l’océan. Dans la partie européenne de l’Atlantique du Nord, leur présence n’est pas une bonne nouvelle. Une espèce de sargasses s’est introduite dans ce milieu en même temps que des huîtres asiatiques et est devenue très envahissante : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sargassum_muticum"><em>Sargassum muticum</em></a> a profondément modifié les paysages sous-marins.</p>
<p>Enfin, une poignée d’espèces forment la mer des sargasses dans l’Atlantique Nord. Ces algues (leur nombre et identité n’est pas connu avec certitude) ont une particularité incroyable : elles passent l’intégralité de leur vie à flotter en plein océan. Contrairement à leurs cousines, elles ne s’attachent jamais au fond de la mer. Sur des millions de kilomètres carrés, des radeaux flottent au gré des courants et des vents, parfois très abondants, elles peuvent couvrir des dizaines de kilomètres carrés. Christophe Colomb a été le premier navigateur à rester littéralement scotché dans un radeau géant de sargasses !</p>
<h2>Echouages catastrophiques</h2>
<p>Depuis 2011, des millions de tonnes de ces sargasses flottantes s’échouent aux Caraïbes, Afrique de l’Ouest, au nord du Brésil et pénètrent en masse dans la mer des Caraïbes pour finir sur les plages de Floride. Les algues, que l’on détecte depuis l’espace, sont maintenant proches de l’Équateur et, par le jeu des courants, remontent sur les Caraïbes. Les échouages sont catastrophiques : les algues s’entassent et pourrissent sur le littoral, elles larguent de l’hydrogène sulfuré (odeur d’œufs pourris) qui intoxique les habitants et corrode le métal dans les maisons. Leur quantité empêche la navigation dans les petits ports, les herbiers de plantes sous marines sont détruits, les tortues ne peuvent plus pondre sur les plages…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188563/original/file-20171003-18144-1qxvypd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188563/original/file-20171003-18144-1qxvypd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188563/original/file-20171003-18144-1qxvypd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188563/original/file-20171003-18144-1qxvypd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188563/original/file-20171003-18144-1qxvypd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188563/original/file-20171003-18144-1qxvypd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188563/original/file-20171003-18144-1qxvypd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En Guadeloupe, les habitations face au port de Capesterre envahi par les sargasses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mio.univ-amu.fr/SARGASSES/?p=1364">Hubert BATAILLE/Blog de la mission sargasses</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La communauté scientifique française s’est mobilisée pour étudier le phénomène et, l’été dernier, une première campagne océanographique financée par l’IRD à bord de l’Antea a parcouru plus de 5 400 kilomètres à la recherche de la nouvelle mer des sargasses au sud des Antilles. Treize scientifiques marseillais (du laboratoire MIO), brestois (laboratoires LEMAR et IMAGO) et de Point-à-Pitre (laboratoire BOREA) et 12 marins et guidés et épaulés par des équipes à terre, ont pu passer 25 jours en mer à étudier, prélever, plonger, mesurer des sargasses et leur environnement.</p>
<p>Le constat est sans appel : les sargasses sont présentes au sud et plus au nord, elles prolifèrent partout sur l’océan, sous forme de très longs filaments formés par les vents, ou bien de petites taches ou d’individus isolés, mais les radeaux géants sont rares et fugaces. Il y a plus d’espèces qui forment ces radeaux, dont une forme inconnue qui est la plus abondante.</p>
<p>Les échantillons sont prélevés, les analyses sont en cours, et bientôt on saura combien d’espèces il y a dans ces zones, comment se dispersent-elles sur l’océan, quelle est l’influence des fleuves amazoniens sur leur prolifération, quel est le rôle du réchauffement de l’océan et celui des brumes de sables du Sahara… Il faudra encore patienter une bonne année pour lever un coin du voile sur l’une des plus grandes proliférations d’espèce sur la planète.</p>
<h2>Suivez la piste des sargasses !</h2>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OfVrhaHchck?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Teaser de l’expédition sargasses.</span></figcaption>
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<p>Pour découvrir le quotidien de cette première expédition et suivre la seconde expédition qui débute dès le 3 octobre, rendez-vous sur le <a href="https://www.mio.univ-amu.fr/SARGASSES/">blog</a>, la page Facebook Expédition Sargasses, et le compte Twitter <a href="https://twitter.com/expesargasses">@ExpeSargasses</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84977/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Thibaut ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une nouvelle expédition scientifique démarre aujourd’hui aux Antilles sur la piste des sargasses. A quoi ressemblent ces algues brunes ?
Thierry Thibaut, Chercheur à l'Institut méditerranéen d'océanologie - MIO - UM 110 CNRS/Aix-Marseille Université, Toulon Université/IRD, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
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tag:theconversation.com,2011:article/80639
2017-07-20T23:24:05Z
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La spiruline sera-t-elle l’aliment miracle du XXIᵉ siècle ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/178455/original/file-20170717-6091-soh5xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C256%2C5176%2C2995&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De la spiruline.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/spiruline-algue-prot%C3%A9ines-v%C3%A9g%C3%A9tales-1829080/">Nouchkac/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Une prise de conscience a beau se développer en Occident sur la surconsommation de viande, l’agro-industrie n’en met pas moins en place des fermes de mille vaches : il serait ainsi opportun de penser à diversifier nos sources de protéines.</p>
<p>Au début du XX<sup>e</sup> siècle, des scientifiques avaient déjà tenté de produire de façon industrielle des protéines à partir de micro-organismes. Deux candidats furent retenus : une levure et une micro-algue verte, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chlorella">chlorelle</a>. Si les essais sur la levure ont été rapidement abandonnés, les chlorelles, dont l’avantage principal est de n’avoir besoin pour se développer que d’un peu d’air, d’eau, de soleil et de quelques minéraux, sont toujours produites industriellement. Mais, c’est un autre micro-organisme, la spiruline, qui domine actuellement le marché.</p>
<h2>Consommée depuis des millénaires</h2>
<p>Traditionnellement consommée depuis des millénaires en Afrique, la spiruline fait toujours partie de l’alimentation des peuplades présentes autour du lac Tchad qui l’utilisent sous forme de « Dihé » (une sauce à la spiruline). En Amérique du Sud, des recherches bibliographiques ont montré que les Aztèques consommaient du « Tecuitlal » ou galette de spiruline dans les environs du lac Texcoco, près de Mexico.</p>
<p>En milieu naturel, sa croissance est rapide grâce à son activité photosynthétique intense qui lui permet de coloniser les mares salées et alcalines et, ainsi, d’éliminer les espèces concurrentes. On rencontre naturellement de la spiruline dans tous les sites lacustres peu profonds des régions tropicales ou subtropicales où vivent des flamants roses : ces derniers sont à la fois des fertilisateurs (leurs excréments apportent de l’azote dans les bassins naturels qu’ils colonisent) et des vecteurs (ils transportent la spiruline lors de leurs migrations).</p>
<h2>Plusieurs espèces</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/178459/original/file-20170717-6091-1h35gdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/178459/original/file-20170717-6091-1h35gdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/178459/original/file-20170717-6091-1h35gdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/178459/original/file-20170717-6091-1h35gdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/178459/original/file-20170717-6091-1h35gdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/178459/original/file-20170717-6091-1h35gdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/178459/original/file-20170717-6091-1h35gdl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Filament de spiruline ou trichome.</span>
<span class="attribution"><span class="source">B. Moreau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sous le microscope, la spiruline apparaît sous forme de petits filaments pluricellulaires de couleur bleu vert et plus ou moins spiralés (d’où son nom). Avec le développement des connaissances, la dénomination plutôt commerciale de spiruline a été remplacée par le nom de genre <em>Arthrospira</em> avec deux espèces principales : <em>Arthrospira platensis</em>, originaire d’Afrique et <em>Arthrospira maxima</em> originaire Amérique centrale et de nombreuses variétés.</p>
<p>Abusivement classées parmi les microalgues, les spirulines sont en fait des cyanobactéries.</p>
<p>Dès les années 1970, la culture de la spiruline s’est développée avec un objectif humanitaire : produire des protéines de façon non conventionnelle afin de lutter contre la malnutrition. La spiruline, par sa richesse en protéines, sa forte teneur en vitamine B12 et la présence d’un précurseur de la vitamine A permet de lutter en Afrique contre la xérophtalmie (cécité infantile). Mais, rapidement, les industries agro-alimentaires et cosmétiques ont été très intéressées par l’un de ses composés, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Phycocyanine">phycocyanine</a>. Cette protéine pigmentaire est abondante dans les cellules de spiruline et c’est l’unique colorant bleu intense qui soit naturel et comestible. Il est commercialisé sous l’appellation « Linablue ». Ainsi, la plus grande part de la production actuelle de spiruline est destinée au marché de la diététique des nations les plus riches. Sa richesse en protéines (plus de 60 %), en acides aminés essentiels, en vitamines (en particulier, le complexe des vitamines B), en acides gras poly-insaturés, en minéraux, en oligo-éléments, et en phycocyanine en fait un complément alimentaire remarquable par ses propriétés anti-inflammatoires, anti-oxydantes, anti-tumorales et immuno-protectrices.</p>
<h2>Comment la cultiver et à quel prix ?</h2>
<p>La spiruline se cultive facilement au laboratoire dans un photobioréacteur (ci-dessous), et se développe rapidement car ses performances photosynthétiques (qui ont été mesurées et comparées à celles d’autres espèces, il y a quelques années dans notre laboratoire) sont nettement plus élevées que celles des autres microalgues.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Dispositif automatisé de culture en continu de spirulines. Sur l’image, la source de lumière (des leds blanches) et le cryothermostat permettant de réguler la température ne sont pas présentés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">B. Moreau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En conditions industrielles, la spiruline est cultivée le plus souvent dans des bassins de type <em>race way</em> ou piste de course dans lesquels une circulation du milieu est assurée par des roues à aube.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Bassin de type <em>race way</em> sous serre permettant de cultiver des spirulines en Anjou.</span>
<span class="attribution"><span class="source">B. Moreau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les pays en voie de développement, le coût de la spiruline utilisée par les ONG pour lutter contre la malnutrition de la population locale est minime. Par contre, dans les pays économiquement développés, le prix de la spiruline est bien plus élevé car la demande est forte, ce qui en fait une culture très rentable pour les industriels. Elle est commercialisée comme complément alimentaire sous différentes formes : paillettes, poudre, comprimés ou gélules.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/178615/original/file-20170718-22052-61b7bc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/178615/original/file-20170718-22052-61b7bc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/178615/original/file-20170718-22052-61b7bc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/178615/original/file-20170718-22052-61b7bc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/178615/original/file-20170718-22052-61b7bc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/178615/original/file-20170718-22052-61b7bc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/178615/original/file-20170718-22052-61b7bc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La spiruline à l’état naturel après séchage est commercialisée sous différentes formes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">B. Moreau</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>À l’échelle mondiale, la spiruline est essentiellement produite par des grosses compagnies (<em>Siam Algae Company</em> à Bangkok, <em>Earthrise Farm</em> aux États-Unis ou <em>Cyanotech Corporation</em> à Hawaï). Cependant, la production la plus importante est chinoise et fournit plus de 50 % de la spiruline commercialisée. Pourtant, les conditions de production ne sont pas toujours satisfaisantes et le produit fini est souvent de qualité nutritionnelle médiocre et présentant parfois une contamination aux métaux lourds.</p>
<p>La production mondiale est actuellement estimée à un peu plus de 5 000 tonnes par an. Cependant, le marché est loin d’être saturé et elle devrait encore s’intensifier et atteindre le million de tonnes dans les années à venir. En Europe, et plus particulièrement en France, plus de 150 sociétés produisent et/ou commercialisent de la spiruline : <em>Alpha-biotech</em>, <em>Algosud</em>, <em>Spiruline de Provence</em>, <em>Spiruline d’Anjou</em>, <em>Algocorp</em>, etc. La <a href="http://www.spiruliniersdefrance.fr">Fédération des Spiruliniers de France</a> forme et aide les producteurs à valoriser leurs produits dans le respect d’une charte commune de bonnes pratiques culturales.</p>
<h2>Ses utilisations</h2>
<p>Les applications de la spiruline en Europe sont nombreuses :</p>
<ul>
<li><p><strong>Dans le domaine de la diététique</strong> : La spiruline est utilisée comme complément protéique bénéfique pour la santé, comme coupe-faim lors des régimes. Grâce à son effet revitalisant, elle aide à surmonter la fatigue après une convalescence. Appréciée des sportifs de haut niveau qui l’utilisent comme aliment <a href="http://dictionnaire.cordial-enligne.fr/definition/ergog%C3%A9n%C3%A9tique">ergogénique</a>, elle améliore les performances et réduit la fatigue musculaire.</p></li>
<li><p><strong>En alimentation humaine</strong> : Pour la FAO et L’Unesco comme pour la Chine, la spiruline serait l’aliment miracle du XXI<sup>e</sup> siècle. En France, ce n’est qu’en 1984 (soit 10 ans après les États-Unis) que le CSHP (Conseil Supérieur Hygiène) a donné un avis favorable à son utilisation en alimentation humaine. Depuis, on trouve de la spiruline incorporée dans un certain nombre de produits alimentaires (des nouilles, des chewing-gums, des glaces, des boissons, des sucreries, etc.).</p></li>
<li><p><strong>En alimentation animale</strong> : On ajoute de la spiruline dans la ration alimentaire des bovins en élevage intensif pour éviter les carences, et on l’utilise aussi pour nourrir les poissons d’aquarium, les oiseaux en cage, etc.</p></li>
<li><p><strong>En cosmétologie</strong> : Sous forme de crème, les extraits de spiruline améliorent la souplesse et l’élasticité de la peau grâce à son action stimulante et régénérante sur le collagène et l’élastine et limite de ce fait l’apparition des rides. De plus, elle freine le vieillissement de la peau grâce à ses propriétés antioxydantes dues à la présence de vitamines A et E.</p></li>
</ul>
<h2>Cultiver sa propre spiruline dans sa cuisine ?</h2>
<p>Un dispositif en cours de réalisation (développé par la société <em>Alg&You</em>) consiste à cultiver la spiruline dans sa cuisine dans une « phytotière », l’équivalent d’une yaourtière, mais à la lumière, et ainsi de pouvoir consommer sa propre production.</p>
<p>En attendant d’en produire chez vous, il est maintenant facile de s’en procurer dans les commerces bio ou sur Internet. Toutefois, dans la mesure où, pour les cultiver, il faut leur fournir de l’azote sous forme de nitrates ou d’urée, la spiruline ne répond pas, pour le moment, aux normes des produits issus de l’agriculture biologique. Aussi la présence du logo sur certains flacons est usurpée.</p>
<p>Il est navrant de constater tout le travail de mise au point des cultures, effectué dans les années 1970 par l’humanitaire et scientifique américain Ripley Fox et ses collègues, profite davantage aux producteurs occidentaux qu’aux populations mal nourries auxquelles il était initialement destiné. Heureusement, quelques ONG comme Antenna Technologies, Technap, Targuinca, Unis vers la vie Spirumann, Les carrefours de la spiruline, etc., ont pris le relais.</p>
<p>La spiruline reste la meilleure source de protéines au monde. Avec une concentration en protéines trois fois supérieure à celle de la viande de bœuf, un taux de digestibilité exceptionnel et la présence des huit acides aminés essentiels, elle prendra sa part parmi d’autres sources non conventionnelles de protéines afin de nourrir la population de la planète dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
La spiruline est une micro-algue très protéinée connue depuis des millénaires. Ses propriétés nutritives intéressent tout aussi bien l’Occident que le Sud. Comment la consommer ?
Gérard Tremblin, Professeur de biologie végétale émérite, Le Mans Université
Brigitte Veidl, assistant ingénieur biologie, Le Mans Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.