tag:theconversation.com,2011:/global/topics/autriche-27555/articlesAutriche – The Conversation2024-02-01T14:55:59Ztag:theconversation.com,2011:article/2222302024-02-01T14:55:59Z2024-02-01T14:55:59ZArgentine : de qui le libertarien Javier Milei s’inspire-t-il ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/571967/original/file-20240129-15-ptpo3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1364&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Javier Milei au Forum économique mondial à Davos le 17janvier 2024.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldeconomicforum/53470873389/in/photolist-2psXJES-2pt3cLa-2pt2k1g-2pt2k2i-2pt3JZt-2psY18k-2psYJfd-2psTouF-2psT8s1-2pt16wB-2pt3Lif-2pt3dV9-2pt3Lg1-2pt2iNm-2pt3cGC-2psVXB3-2pt1zki-2pt3JYw-2pt1zcT-2pt3JRC-2pt3JNM-2pt2iMz-2psVXA1-2pt1zgL-2pt3JVL-2pt2iGp-2pt3JNb-2pt3cAL-2psVXsk-2pt2iBQ-2pt18qg-2pt18sA-2pt1av3-2psToM9-2psToGz-2pt1amL-2psXY69-2psToQq-2psZDbu-2psZD8y-2psTmFW-2psToJt-2pt1aiz-2psZBm2-2psXYgV-2pt18vX-2psY1au-2psZzeS">World Economic Forum Annual Meeting</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’élection de Javier Milei <a href="https://theconversation.com/topics/argentine-45194">à la tête de l’exécutif argentin</a> a déjà été <a href="https://theconversation.com/le-dilemme-milei-et-lavenir-incertain-de-largentine-219556">largement commentée</a>, beaucoup s’interrogeant sur le personnage et ses idées radicales. Le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2024/01/18/milei-a-davos-le-discours-integral/">discours</a> prononcé lors du Forum économique mondial de Davos (Suisse) le 17 janvier par ce premier président ouvertement libertarien nous donne l’occasion de revenir sur les <a href="https://theconversation.com/topics/histoire-des-idees-63303">racines intellectuelles</a> de son engagement politique, à savoir <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-1-2006-2-page-27.htm">l’école économique autrichienne</a>.</p>
<p>Cette tradition de pensée, fondée à Vienne par Carl Menger, Eugen von Böhm-Bawerk et Friedrich von Wieser, s’est enrichie tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, en particulier des travaux de Ludwig von Mises et Friedrich Hayek. Ce dernier a été récompensé par un « Nobel » d’économie en 1974. Prônant un libéralisme radical, cette hétérodoxie longtemps marginalisée séduit aujourd’hui de nombreux esprits.</p>
<p>Javier Milei n’a jamais fait mystère de ses inspirations, loin de là. Dans ses interviews, il s’est souvent référé à un disciple américain de Mises, l’anarchocapitaliste Murray Rothbard, qui voit dans l’existence de l’État la source même de toutes les inefficacités économiques et de la destruction de l’éthique de la liberté. Cependant, lorsque Milei dénonce, à Davos, les dangers de l’interventionnisme, vante les mérites d’une concurrence entrepreneuriale ou s’attaque au concept de justice sociale, il mobilise plus particulièrement des idées d’Hayek sur lesquelles nos <a href="https://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=68853">travaux</a> reviennent par ailleurs.</p>
<p>Selon Hayek, lorsque les prix sont réglementés, manipulés par des interventions qu’il juge arbitraires, ils ne peuvent plus jouer leur rôle, celui de synthétiser des connaissances potentiellement dispersées dans des millions de cerveaux individuels. Devenant incapables d’incorporer la même somme d’intelligence sociale que s’ils étaient libérés de tout dirigisme, ils n’aiguillent plus les ressources dans les directions prévues : c’est le paradoxe de l’interventionnisme que l’auteur met en évidence dans son livre le plus célèbre, <em>la Route de la Servitude</em> de 1944.</p>
<p>Du fait des effets pervers engendrés par ses propres actions, l’État serait par définition incapable d’atteindre les buts qu’il se fixe. Il crée alors une nouvelle réglementation pour corriger les dégâts de la précédente, produisant alors un nouveau déséquilibre qu’il essaie de corriger par une intervention supplémentaire. S’engage une course sans fin vers toujours plus de réglementation.</p>
<p>D’étape en étape, la vie tout entière devient bureaucratisée au nom du contrôle et d’une soi-disant prévisibilité. Les normes s’accumulent. L’ordre spontané est remplacé par une économie administrative qui ne produirait qu’inefficacité, gaspillage et contradictions. L’économie, entravée, désorientée, découragée, produit de moins en moins de richesses.</p>
<p>Pour Hayek, dans une situation de complexité aussi forte que la nôtre, aucun État ne peut assurer l’ordre économique. La « prétention à la connaissance », c’est-à-dire la volonté de nos dirigeants d’ignorer leur propre ignorance, afin d’intervenir toujours plus, est la source du déclin des économies capitalistes occidentales. Tel est le message hayekien adressé par Milei dans son discours de Davos.</p>
<h2>Face à la « caste »</h2>
<p>Cette situation d’interventionnisme discrétionnaire, gouverné par les rapports de forces institutionnels, serait aussi le fruit d’un clientélisme politique : un soutien électoral qui se monnaye en échange de subsides, de protections, de revenus arbitrairement accordés par les autorités publiques et les banques centrales. Des individus se coaliseraient pour obtenir de l’État un niveau de richesses qu’ils sont incapables de réaliser par leurs propres efforts productifs.</p>
<p>À Davos, Milei a dénoncé des castes privilégiées et parasitaires qui se drapent d’une identité communautaire pour légitimer leurs revendications :</p>
<blockquote>
<p>« Ne vous laissez pas intimider ni par la caste politique ni par les parasites qui vivent de l’État. Ne vous soumettez pas à une classe politique qui ne cherche qu’à se perpétuer au pouvoir et à maintenir ses privilèges. »</p>
</blockquote>
<p>Ces groupes se serviraient idéologiquement auprès de l’opinion du concept de justice sociale (qui pour, Hayek n’est rien d’autre qu’un mirage car impossible à définir objectivement) pour transférer dans leurs poches une richesse créée par autrui. Ce système de prédation encourage ses victimes à s’organiser eux-mêmes en communautés revendicatrices pour échapper à la spoliation.</p>
<p>Sous le prétexte d’une plus grande égalité, chacun finit par voler tout le monde, dans une forme de <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2023/12/22/l-obsession-egalitaire-d-erwan-le-noan-la-chronique-essai-de-roger-pol-droit_6207348_3260.html">parasitisme destructeur du lien social</a>. En étouffant la création de valeur, cette redistribution généralisée animée par la recherche de rentes (le <em>rent-seeking</em>) conduit tout droit l’économie dans des trappes à pauvreté, thèse que nous reprenons dans un <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-societe-de-la-regression-le-communautarisme-a-lassaut-de-lindividu/">ouvrage récent</a>.</p>
<h2>« Héros de l’économie moderne »</h2>
<p>Pour Hayek, la solution passe par un strict retour à l’État de droit, et au rétablissement d’un marché libre, véritablement efficace car inspiré par l’esprit entrepreneurial. En effet, le marché n’est rien d’autre que l’expression monétaire des échanges individuels réalisés grâce aux découvertes des entrepreneurs.</p>
<p>Milei cite volontiers Israel Kirzner, un disciple de Hayek, qui explique que les entrepreneurs sont la clef de voûte d’une concurrence définie comme une procédure de découverte :</p>
<blockquote>
<p>« Les partisans de la justice sociale partent de l’idée que l’ensemble de l’économie est un gâteau qui peut être partagé différemment, mais ce gâteau n’est pas donné, c’est une richesse qui est générée dans ce qu’Israël Kirzner appelle un “processus de découverte”. Si le bien ou le service offert par une entreprise n’est pas désiré, cette entreprise fait faillite, à moins qu’elle ne s’adapte à la demande du marché. Si elle fabrique un produit de bonne qualité à un prix attractif, elle se portera bien et produira davantage. Le marché est donc un processus de découverte dans lequel le capitaliste trouve la bonne direction au fur et à mesure. »</p>
</blockquote>
<p>En débusquant les opportunités cachées, en ajustant en permanence les activités de la façon la plus décentralisée possible à l’évolution des savoirs et des besoins, les entrepreneurs seraient les « héros de l’économie moderne », comme le proclamait aussi <a href="https://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=77609">Ayn Rand</a>, autre compagne de route de l’école autrichienne.</p>
<p>Tous ces auteurs défendent la « fertilité de la liberté » : l’information véhiculée par le marché à travers les découvertes entrepreneuriales encourage une complexité des activités et un niveau de division du travail qui est l’unique manière de <a href="https://lirsa.cnam.fr/medias/fichier/hayekhtml__1263317035974.html">faire survivre et cohabiter pacifiquement des populations sur une grande échelle</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1733971490112933971"}"></div></p>
<p>Faisant d’un « ennemi » un « ami », seul l’échange marchand (la « catallaxie » dans le langage hayekien) peut assurer une complémentarité généralisée des intérêts entre les êtres humains au sein « d’ordres étendus » ayant permis d’accroître la population et le revenu par tête dans des proportions inouïes. Javier Milei l’a souligné à l’envi dès le début de son discours pour mettre en valeur les accomplissements historiques d’un capitalisme libéré de ses entraves :</p>
<blockquote>
<p>« Croyez-moi, il n’y a personne de mieux placé que nous, Argentins, pour témoigner de ces deux questions. Lorsque nous avons adopté le modèle de la liberté – en 1860 – nous sommes devenus en 35 ans la première puissance mondiale, tandis que lorsque nous avons embrassé le collectivisme, au cours des cent dernières années, nous avons vu comment nos citoyens ont commencé à s’appauvrir systématiquement, jusqu’à tomber au 140<sup>e</sup> rang mondial. »</p>
</blockquote>
<h2>Milei peut-il faire triompher ses idées seul ?</h2>
<p>Tout chez Milei n’emprunte toutefois pas à l’école autrichienne : sans doute Hayek aurait-il été loin de partager son mélange de rhétorique nationale, de fondamentalisme religieux et d’objectivisme moral. Les positions du président argentin sur l’avortement font bien plus appel à Donald Trump et à la droite américaine qu’au libéralisme subjectiviste autrichien. On peut aussi relever une vision primaire du thème des externalités (comment intégrer au marché les conséquences non voulues de son fonctionnement, telles que la pollution atmosphérique par exemple), une analyse simpliste des mécanismes d’interaction sociale et l’absence de réflexion sur les coûts de la liberté parallèlement à ses gains.</p>
<p>Ce moment où Milei est confronté à une <a href="https://www.la-croix.com/greve-generale-en-argentine-milei-face-a-une-premiere-contestation-20240124">première vague de contestations dans son propre pays</a> est aussi l’occasion de poser des questions cruciales : son élection correspond-elle vraiment à un désir des Argentins de bénéficier d’un authentique libéralisme entrepreneurial et d’assumer individuellement les risques de la compétition ? Ou bien espèrent-ils restaurer un libéralisme conservateur, soucieux de reconstituer des rentes de la propriété laminées par une <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/argentine-l-inflation-atteint-des-sommets-a-plus-de-200-en-2023-987683.html">inflation de plus de 200 %</a>, et qui n’hésitera pas à s’affranchir des règles de la concurrence si elle menace des intérêts corporatistes ?</p>
<p>La présidence de Milei sera aussi l’occasion d’examiner une question rarement traitée par les libéraux, qui est de savoir s’il est possible de construire un libéralisme entrepreneurial dans un pays indépendamment des autres. À l’heure où l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a <a href="https://www.impots.gouv.fr/actualite/entree-en-application-en-2024-dun-impot-minimum-pour-les-groupes-dentreprises#:%7E:text=Conform%C3%A9ment%20aux%20r%C3%A8gles%20coordonn%C3%A9es%20d%C3%A9velopp%C3%A9es,une%20p%C3%A9riode%20de%204%20ans">décidé la mise en place d’un impôt minimal</a> pour les plus grandes entreprises, on doit se demander si le libéralisme d’une nation inscrite dans la division internationale du travail est viable si ses partenaires commerciaux ne respectent pas les mêmes règles du jeu. Malgré les discours de campagne, on ne voit guère l’Argentine s’affranchir de relations d’échanges avec des pays comme la Chine ou le Brésil.</p>
<p>Comment interpréter alors le discours de Davos ? L’appel de Milei à suivre l’exemple argentin est-il simplement un encouragement adressé aux autres pays, dans un esprit universaliste cher aux libéraux ? Ou à l’inverse, le libéralisme de ces autres pays ne serait-il pas la condition <em>sine qua non</em> de la réussite de son propre projet national ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Aimar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les idées économiques du nouveau dirigeant argentin empruntent largement au schéma intellectuel défendu par l’école économique autrichienne et Friedrich Hayek.Thierry Aimar, Maître de conférences en sciences économiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2164702023-12-04T16:58:11Z2023-12-04T16:58:11ZIrlande, Suisse, Autriche : peut-on encore être neutre en Europe à l’heure de la guerre en Ukraine ?<p>« Une politique de non-alignement militaire parallèlement à un engagement politique actif dans les forums mondiaux continuera à poser des défis aux gouvernements et diplomates irlandais ». C’est par ces termes que la professeure de science politique Louise Richardson conclut le <a href="https://www.gov.ie/en/publication/36bd1-consultative-forum-chairs-report/">rapport</a> qu’elle a remis au premier ministre Leo Varadkar le 10 octobre 2023 à l’issue du <a href="https://www.gov.ie/en/campaigns/e2a6b-consultative-forum-on-international-security-policy/">Forum consultatif sur la politique de sécurité internationale</a>. Ses propos résument assez bien le sentiment dominant dans plusieurs pays européens restés neutres depuis le début de la guerre en Ukraine.</p>
<p>Actuellement, six pays du continent européen se présentent encore comme des États neutres : l’Autriche, l’Irlande, Malte, la Moldavie, la Serbie et la Suisse. Ce faisant, ils s’engagent à demeurer, en toutes circonstances, militairement à l’écart de toute guerre interétatique et, dans cette perspective, à n’adhérer à aucune alliance militaire et à assurer seuls leur défense (voir notre chapitre « Neutralité » issu de l’ouvrage collectif <a href="https://www.puf.com/content/Dictionnaire_de_la_guerre_et_de_la_paix"><em>Dictionnaire de la guerre et de la paix</em></a>).</p>
<p>Toutefois, l’Autriche, l’Irlande et la Suisse s’interrogent sur la pertinence de leur posture de neutralité au regard de la guerre en Ukraine. D’autant que, moins de trois mois après l’agression russe du 24 février 2022, la Finlande et la Suède, qui inscrivaient leur politique de sécurité dans une tradition de neutralité depuis des décennies, <a href="https://www.nato.int/cps/en/natohq/news_195468.htm">se sont portées candidates à l’adhésion à l’OTAN</a>.</p>
<p>Les débats qui ont cours à Vienne, à Dublin et à Berne témoignent d’un attachement profond à la neutralité, dont aucun des trois pays n’envisage pour l’heure de se départir. Dans le même temps, ils mettent en évidence la difficulté de demeurer neutre en période de conflit.</p>
<h2>La neutralité militaire, une posture assumée vis-à-vis de la guerre en Ukraine</h2>
<p>Devenues neutres à des périodes et dans des circonstances différentes, l’Autriche, l’Irlande et la Suisse ont, dans le passé, chacune fait de leur neutralité un instrument de leur politique étrangère et de sécurité. Puis, à la fin de la guerre froide, elles ont assoupli leur posture en prenant une part active à la Politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne, ainsi qu’au Partenariat pour la paix de l’OTAN. Pour autant, elles n’ont jamais remis en cause leur neutralité, une position renforcée par la guerre en Ukraine.</p>
<p>Ainsi, après le 24 février 2022, prenant le contre-pied de leurs homologues d’Europe du Nord, les exécutifs autrichien, irlandais et helvétique ont rappelé avec vigueur l’ancrage de la politique de sécurité de leur pays dans la neutralité. Bien que cette posture fasse l’objet de nombreuses critiques, de la part d’experts en sécurité, d’universitaires, de journalistes, s’exprimant par voie de tribunes dans la presse ou, dans le cas autrichien, à travers <a href="https://unseresicherheit.org/">deux lettres ouvertes adressées au gouvernement</a>, elle est approuvée par une large majorité de la population, que ce soit en <a href="https://css.ethz.ch/content/dam/ethz/special-interest/gess/cis/center-for-securities-studies/pdfs/Si2023_Medienbericht.pdf">Suisse</a>, en <a href="https://www.irishtimes.com/politics/2023/06/17/voters-want-to-keep-ireland-neutral-but-increase-investment-in-defence-poll-shows/">Irlande</a> ou en <a href="https://www.derstandard.at/story/3000000191969/klare-mehrheit-fuer-neutralitaet-und-hoeheres-heeresbudget">Autriche</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’Autriche cultive sa neutralité (Euronews, 13 octobre 2022).</span></figcaption>
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<p>D’une part, au-delà de <a href="https://www.cairn.info/annuaire-francais-de-relations--9782376510550-page-61.htm">l’ancrage de la neutralité dans leur identité nationale</a>, les Autrichiens, les Irlandais et les Suisses ont le sentiment que leur pays, <a href="https://oap.unige.ch/journals/connexe/article/view/343">à la différence de la Finlande et de la Suède</a>, est à une distance suffisante de la Russie et de l’épicentre du conflit russo-ukrainien pour ne pas être en danger. L’Autriche, l’Irlande et la Suisse n’ont d’ailleurs pas fait l’objet de manœuvres d’intimidation comparables à celles qu’ont subies la <a href="https://www.rferl.org/a/finland-suspects-russian-warplane-violated-airspace-over-baltic-sea/28037163.html">Finlande</a> et la <a href="https://www.defensenews.com/digital-show-dailies/paris-air-show/2015/06/14/swedish-air-chief-raps-russian-provocations/iou">Suède</a> après l’invasion de la Crimée en 2014, à l’exception de la présence de <a href="https://www.irishexaminer.com/news/arid-41108089.html">navires russes dans les eaux irlandaises</a> en avril 2023.</p>
<p>Alors que les <a href="https://yle.fi/a/3-12437506">Finlandais</a> et les <a href="https://novus.se/wp-content/uploads/2022/05/rapportnovusnato20220516.pdf">Suédois</a> ont accueilli très favorablement les candidatures à l’OTAN déposées par leurs gouvernements respectifs, les opinions publiques autrichienne, irlandaise et suisse voient plutôt dans une éventuelle adhésion à une alliance militaire le risque, pour leur pays, de se trouver entraîné dans une guerre ; certains redoutent aussi qu’une fois membre de l’OTAN, leur diplomatie ne soit plus en mesure d’agir activement en faveur de la paix.</p>
<p>D’autre part, la référence à la neutralité dans le contexte de la guerre en Ukraine a été d’autant mieux acceptée que les dirigeants autrichiens, irlandais et suisses ont insisté sur le caractère strictement militaire de cette posture, soulignant qu’au regard du droit international, un État neutre ne peut pas apporter d’aide militaire à un belligérant – fût-il en situation de légitime défense face à une agression armée –, mais n’est pas pour autant tenu d’être politiquement impartial.</p>
<p>L’Autriche, l’Irlande et la Suisse ont d’ailleurs condamné sans ambiguïté la Russie, à l’encontre de laquelle elles ont toutes trois appliqué les sanctions décidées par l’Union européenne – y compris la Confédération helvétique, qui n’est pourtant pas membre de l’UE.</p>
<p>Cependant, dans la pratique, la ligne d’équilibre entre neutralité militaire et soutien politique à l’Ukraine n’est pas aisée à tenir.</p>
<h2>Être neutre vis-à-vis de la guerre en Ukraine, un délicat exercice d’équilibriste</h2>
<p>Très régulièrement, les responsables autrichiens, irlandais et suisses doivent arbitrer sur ce qui est autorisé ou pas dans le cadre de la neutralité.</p>
<p>Ainsi, Vienne, qui en avril 2022 argué de sa neutralité pour <a href="https://www.europenowjournal.org/2022/04/13/austria-at-the-crossroads-of-history-choosing-between-comfort-and-conscience-during-the-war-in-ukraine/">refuser que Volodymyr Zelensky s’adresse au Parlement</a>, est finalement revenue sur sa décision un an plus tard. Non sans susciter la colère des députés du parti nationaliste FPÖ et d’une majorité des députés sociodémocrates, qui ont <a href="https://www.euractiv.com/section/politics/news/austrian-far-right-mps-walk-out-of-zelenskyy-speech/">boycotté l’intervention du président ukrainien</a>, notamment au nom de la neutralité.</p>
<p>Si l’envoi à Kiev d’argent, de biens de première nécessité, de carburant et même de casques ne pose pas de problème, d’autres formes d’aide sont plus ou moins controversées selon les pays. D’un côté, Dublin a décidé <a href="https://www.letemps.ch/suisse/deminage-humanitaire-larme-neutralite-suisse">d’aider l’Ukraine à déminer son territoire</a> sans que cela ne fasse débat et Berne, après quelques discussions, <a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-97986.html">a fait de même</a>. De l’autre, la volonté du président autrichien Alexander Van der Bellen de contribuer au déminage d’espaces civils ukrainiens <a href="https://www.euractiv.com/section/politics/news/austrian-presidents-push-for-extra-ukraine-aid-sparks-clash/">s’est heurtée à l’opposition du Parti conservateur ÖVP, principal membre de la coalition au pouvoir</a>, qui y a vu un risque d’atteinte à la neutralité compte tenu de l’impossibilité de « distinguer le déminage civil du militaire ».</p>
<p>Par ailleurs, les <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2023/06/MOUNIER_KUHN/65872">élus suisses sont divisés</a> au sujet du devenir de leur matériel de guerre : compte tenu de la neutralité, peuvent-ils autoriser un pays tiers à <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/les-petits-pas-du-parlement-suisse-pour-autoriser-la-reexportation-de-ses-armes-en-ukraine-20230608_27T4TX5TUBBUBMVTHIAPF2YKDU/">livrer à l’Ukraine en guerre des munitions achetées à la Suisse</a> ? Est-il possible, sans mettre à mal la capacité de défense suisse, de <a href="https://www.opex360.com/2023/09/27/la-suisse-va-revendre-25-chars-leopard-2a4-a-rheinmetall-qui-ne-pourra-pas-les-envoyer-en-ukraine/">céder des chars à des pays tiers</a> pour les aider à remplacer ceux qu’ils ont donnés à l’Ukraine ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Guerre en Ukraine : Les cinq jours qui ont changé la neutralité suisse (Temps Présent).</span></figcaption>
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<p>Quant à l’Irlande, son gouvernement, après avoir beaucoup communiqué sur le caractère strictement humanitaire de l’aide à l’Ukraine, a discrètement décidé de <a href="https://www.gov.ie/en/press-release/287ee-government-approves-training-engagement-with-eu-military-assistance-mission-in-ukraine-eumam/et">mandater des soldats pour qu’ils forment les forces ukrainiennes</a> au maniement de certaines armes, ce qui a donné lieu à <a href="https://www.irishtimes.com/ireland/2023/08/18/irish-weapons-training-plan-for-ukrainian-troops-a-breach-of-neutrality-tds-claim/">plusieurs critiques</a>.</p>
<p>Au-delà de ces débats, qui témoignent de la difficulté de fixer les limites d’une politique de neutralité en période de conflit, l’Irlande, l’Autriche et la Suisse doivent composer avec les insuffisances de leur politique de défense : en ne consacrant à leurs dépenses de défense respectivement <a href="https://milex.sipri.org/sipri">232$ (0,2 % du PIB), 400$ (0,8 % du PIB) et 700$ (0,8 %) par habitant</a>, elles ne sont pas réellement en capacité de se défendre seules et ainsi d’assurer le respect, par les États tiers, de leur neutralité.</p>
<h2>Des débats sur la neutralité en perspective, mais pas d’abandon</h2>
<p>Si la guerre en Ukraine place les pays neutres d’Europe dans une position inconfortable, ni l’Autriche, ni l’Irlande ni la Suisse ne paraissent prêtes à <a href="https://www.cairn.info/annuaire-francais-de-relations--9782376510550-page-61.htm">renoncer à leur statut d’État neutre</a>. En témoignent la communication du <a href="https://www.eda.admin.ch/eda/fr/dfae/dfae/aktuell/newsuebersicht/2022/03/neutralitaet.html">ministère suisse des Affaires étrangères</a>, les réactions à la <a href="https://www.euractiv.com/section/politics/news/irish-forum-on-neutrality-criticised-for-pro-nato-views/">consultation publique</a> organisée par le gouvernement irlandais cet été, le <a href="https://www.derstandard.at/story/3000000192505/nationalrat-diskutiert-ueber-neutralitaet-kickl-will-van-der-bellen-als-zuhoerer?ref=rss">débat ouvert par le FPÖ</a> au Parlement autrichien ou encore <a href="https://www.ots.at/presseaussendung/OTS_20231023_OTS0080/appell-an-die-bundesregierung-und-das-parlament">l’appel récent de personnalités autrichiennes</a> en faveur d’une « neutralité engagée » et d’une « politique active de paix ».</p>
<p>Dans ce contexte, les <a href="https://www.reuters.com/world/europe/after-finland-joins-nato-why-is-turkey-making-sweden-wait-2023-04-04/">chantages turc et hongrois</a> pour ratifier l’adhésion de la Suède à l’OTAN <a href="https://apnews.com/article/hungary-sweden-nato-accession-trukey-orban-erdogan-245d9d480bbae93606a38e5ce2c833ed">malgré des avancées sensibles</a> et les dommages inexpliqués survenus sur des installations sous-marines reliant respectivement la <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/finlande/evenements/article/finlande-et-estonie-incidents-sur-le-gazoduc-balticonnector-et-sur-un-cable;https://valtioneuvosto.fi/en/-/10616/location-of-leak-in-balticconnector-gas-pipeline-identified-in-finland-s-economic-zone">Finlande</a> et la <a href="https://www.government.se/articles/2023/10/damaged-telecommunications-cable-between-sweden-and-estonia/">Suède</a> à l’Estonie sont peu propices à une évolution des opinions les plus hostiles à l’abandon de la neutralité. `</p>
<p>À ce stade, une adaptation du concept de neutralité en Autriche, en Irlande et en Suisse paraît donc plus probable qu’un abandon pur et simple sur le modèle des deux Nordiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216470/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Enos-Attali ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Autriche, l’Irlande et la Suisse ont décidé d’appliquer une politique de neutralité vis-à-vis du conflit en Ukraine. Un choix qui reste difficile à assumer pour ces trois pays.Sophie Enos-Attali, Maîtresse de conférences en Science politique à l'Institut catholique de Paris (EA 7403) et coordinatrice éditoriale de l'Annuaire français de relations internationales, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2070552023-06-14T16:39:04Z2023-06-14T16:39:04ZL’extrême droite autrichienne, soutien indéfectible de la Hongrie de Viktor Orban<p>Le 1<sup>er</sup> juin dernier, par 442 voix pour, 144 contre et 33 abstentions, le Parlement européen a voté une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/union-europeenne/union-europeenne-pourquoi-le-parlement-europeen-veut-empecher-la-hongrie-de-prendre-la-presidence-du-conseil-de-l-ue_5860913.html">résolution visant à empêcher la Hongrie de prendre la présidence tournante de l’Union européenne au second semestre 2024</a>. Le texte affirme que le <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0216_FR.html">pays ne peut, dans l’état actuel des choses, exercer la présidence de l’UE</a> « de manière crédible, compte tenu du non-respect du droit de l’Union […] ».</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que la Hongrie se trouve en <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/etat-de-droit-chronologie-du-conflit-entre-l-union-europeenne-et-la-hongrie/">conflit avec l’UE</a>. Le pays a en effet été épinglé à de multiples reprises par Bruxelles pour la tendance marquée de Viktor Orban à <a href="https://theconversation.com/en-hongrie-le-parti-au-pouvoir-a-t-il-fait-main-basse-sur-les-biens-publics-160164">s’emparer de tous les leviers du pouvoir</a> et à diffuser des discours violemment hostiles aux minorités.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/hongrie-une-relation-avec-leurope-a-lepreuve-de-lhomophobie-detat-163473">Hongrie : une relation avec l’Europe à l’épreuve de l’homophobie d’État</a>
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<p>Tout récemment encore (décembre 2022), les Vingt-Sept sont parvenus à un accord visant à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/01/hongrie-la-commission-gele-plus-de-13-milliards-d-euros-de-fonds-europeens_6152490_3210.html">geler une aide de plus de 12 milliards d’euros</a> de fonds européens à Budapest en raison d’« atteintes à l’indépendance de la justice » et d’un manque de pluralisme politique dans les médias.</p>
<p>Le gouvernement de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/viktor-orban-36354">Viktor Orban</a>, sur la sellette à Bruxelles, peut toutefois encore compter sur le soutien sans faille d’un parti majeur d’un des pays de l’UE : le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ). Cette formation classée à l’extrême droite ne se trouve pas au pouvoir actuellement à Vienne, mais elle pourrait y revenir <a href="https://theconversation.com/autriche-lextreme-droite-bientot-de-retour-au-pouvoir-199626">à l’issue des législatives qui se tiendront en septembre 2024</a>. Si cela se produit, et si la Hongrie parvient malgré tout à prendre à ce moment-là la présidence de l’Union, le duo austro-hongrois serait en bonne position pour imprimer à l’UE sa marque populiste, anti-migrants et très compréhensive à l’égard de la Russie de Vladimir Poutine.</p>
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<h2>Viktor Orban, un modèle pour le FPÖ ?</h2>
<p>De l’emblématique <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2013-1-page-196.htm">Jörg Haider</a>, qui domina le parti de 1986 à 2000 à <a href="https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2021-1-page-38.htm?ref=doi">Heinz-Christian Strache</a>, qui le présida de 2005 à 2019 et exerça notamment la fonction de vice-chancelier d’Autriche de 2017 à 2019, les dirigeants et les cadres du FPÖ ont été nombreux à assumer publiquement une certaine proximité idéologique avec la Hongrie de Viktor Orban, notamment sur les questions relatives à l’immigration ou à l’identité nationale.</p>
<p>Le leader actuel du FPÖ, Herbert Kickl, a d’ailleurs immédiatement réagi à la résolution adoptée le 1<sup>er</sup> juin par le Parlement européen, en <a href="https://www.euractiv.fr/section/avenir-de-lue/news/presidence-hongroise-du-conseil-de-lue-lextreme-droite-autrichienne-defend-viktor-orban/">apportant un soutien plein et entier au premier ministre hongrois</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il s’agit d’une attaque lâche et injuste de l’establishment de l’UE contre un État membre gênant qui ne dit pas “oui et amen” à tout ce qui vient de Bruxelles et dont le premier ministre se préoccupe avant tout du bien-être de son propre peuple. »</p>
</blockquote>
<p>Une position qui ne peut surprendre puisque, depuis sa prise de fonctions le 1<sup>er</sup> juin 2021 comme président du FPÖ, Herbert Kickl n’a eu de cesse d’<a href="https://visegradpost.com/fr/2021/07/07/rapprochement-entre-le-fidesz-et-le-fpo/">entretenir des liens étroits</a> avec la Hongrie et plus particulièrement avec le <a href="https://courrierdeuropecentrale.fr/theme/fidesz/">Fidesz</a>, la formation de Viktor Orban. Le 9 mai dernier, il s’est rendu en Hongrie pour y <a href="https://europeanconservative.com/articles/news/pm-orban-fpo-chief-urge-peace-talks/">rencontrer le chef de l’État</a> ; l’occasion pour lui d’affirmer que le dirigeant hongrois était un « modèle » pour bon nombre de citoyens et de politiciens européens, notamment en matière de <a href="https://fr.euronews.com/2021/12/22/politique-migratoire-viktor-orban-defie-une-nouvelle-fois-l-union-europeenne">politique migratoire</a>.</p>
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<p>En mars 2023 déjà, à l’occasion d’une précédente visite d’Herbert Kickl en Hongrie, les deux hommes s’étaient prononcés d’une seule et même voix contre les sanctions de l’UE à l’égard de la Russie. Herbert Kickl affirma alors que « la paix et la levée de ces sanctions inutiles entraîneraient une baisse immédiate de l’inflation », rejoignant ainsi les nombreuses <a href="https://theconversation.com/lequilibrisme-de-viktor-orban-entre-lue-et-la-russie-190794">prises de position de Viktor Orban</a> à ce sujet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1633890749778411549"}"></div></p>
<p>Dernièrement encore, les 4 et 5 mai 2023, s’est déroulée à Budapest la <a href="https://www.euronews.com/2023/05/04/hungary-hosts-european-cpac-event-in-hopes-of-rallying-global-far-right">« Conservative Political Action Conference »</a>, largement inspirée du <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230302-le-cpac-rendez-vous-annuel-des-conservateurs-am%C3%A9ricains-taill%C3%A9-pour-donald-trump">modèle des Républicains aux États-Unis</a>. Dans un message vidéo, Herbert Kickl, en sa qualité de président du FPÖ, a complimenté une fois de plus la Hongrie de Viktor Orban, incitant l’UE à s’inspirer de la politique menée par le premier ministre hongrois.</p>
<h2>De la proximité avec le Jobbik…</h2>
<p>Le Fidesz de Viktor Orban n’est pas le seul parti hongrois avec lequel le FPÖ a pu entretenir des liens étroits. Il a en effet été longtemps proche du <a href="https://www.lepoint.fr/monde/jobbik-l-ancien-parti-paria-qui-veut-detroner-viktor-orban-27-03-2018-2205824_24.php">Jobbik</a>, parti d’extrême droite dernièrement en perte de vitesse.</p>
<p>Le FPÖ avait organisé des rencontres entre les cadres et les militants des deux formations pour approfondir ce partenariat. Ces deux partis se retrouvaient sur la nécessité de préserver l’identité nationale de leur pays respectif et s’opposaient régulièrement à l’UE qui, selon eux, était à l’origine de l’érosion des souverainetés nationales. Néanmoins, malgré cette proximité politique, Heinz-Christian Strache s’opposa en 2011 à l’entrée du Jobbik au sein du groupe parlementaire AEL (Alliance européenne pour la liberté) au Parlement européen.</p>
<p>En effet, au fil des années, les relations se sont détériorées, en raison notamment de la volonté du FPÖ à se « respectabiliser » afin d’apparaître comme un partenaire fiable et sérieux pour les conservateurs autrichiens et, ainsi, se rapprocher du pouvoir. En 2014, le chef du Jobbik, Gabor Vona, qualifia le FPÖ (tout comme il l’a dit du Front national français) de « parti sioniste ». Heinz-Christian Strache, puis Herbert Kickl, donnèrent dès lors très largement la priorité aux liens avec le Fidesz, moins excessif et politiquement plus important que le Jobbik.</p>
<h2>… à l’alliance avec le Fidesz</h2>
<p><a href="https://visegradpost.com/fr/2021/07/07/rapprochement-entre-le-fidesz-et-le-fpo/">Les relations FPÖ-Fidesz se sont intensifiées</a> avec l’élection d’Herbert Kickl à la tête du FPÖ en 2021 même si elles existaient déjà du temps de ses prédécesseurs Heinz-Christian Strache et Norbert Hofer (2019-2021). Ainsi, en 2018, alors que, au Parlement européen, le Fidesz traversait quelques turbulences au sein du Parti populaire européen, qu’il a d’ailleurs <a href="https://institutdelors.eu/publications/chronique-dune-rupture-le-depart-du-fidesz-du-groupe-ppe-au-parlement-europeen/">fini par quitter</a>, Heinz-Christian Strache invita le parti de Viktor Orban à <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20210303-au-parlement-europ%C3%A9en-le-parti-hongrois-de-viktor-orban-quitte-le-groupe-ppe">rejoindre le groupe dans lequel siégeait le FPÖ</a>, Europe des Nations et des libertés (où l’on retrouvait notamment le RN français et le parti italien la Ligue du Nord, de Matteo Salvini) arguant du fait que tous les deux avaient une vision commune de l’UE. Mais à cette époque, et bien qu’ayant de nombreuses convergences avec le FPÖ, le Fidesz avait préféré rester au sein du Parti populaire européen (PPE) estimant que son influence et son poids politique seraient plus importants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lextreme-droite-au-parlement-europeen-ou-le-renard-dans-le-poulailler-194216">L’extrême droite au Parlement européen, ou le renard dans le poulailler</a>
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<p>Après l’accession d’Herbert Kickl à la présidence du FPÖ en 2021, Viktor Orban lui a adressé une lettre pour le féliciter de sa belle victoire (avec 88,24 % de voix), se réjouissant d’une prochaine coopération.</p>
<p>En réponse, Herbert Kickl réitéra le soutien indéfectible du FPÖ :</p>
<blockquote>
<p>« L’ensemble du peuple hongrois trouvera [dans le FPÖ] un allié lorsqu’il s’agira de défendre une position audacieuse pour des objectifs communs, tels que la préservation de l’identité chrétienne, le renforcement de la politique migratoire, la protection efficace des frontières extérieures de l’Union européenne, le maintien de la souveraineté de l’État-nation ou la lutte contre la tutelle de l’UE ».</p>
</blockquote>
<p>En conséquence, quelques semaines plus tard, le FPÖ et le Fidesz signaient, aux côtés de nombreux autres partis européens (le RN, Fratelli d’Italia, le parti Droit et Justice au pouvoir en Pologne…), une <a href="https://www.lecho.be/economie-politique/europe/general/orban-salvini-et-le-pen-tentent-une-alliance-aux-relents-d-extreme-droite/10318425.html">déclaration commune sur l’Europe</a> dans laquelle ils réfutaient massivement l’idée d’un « fédéralisme européen ».</p>
<h2>2024, année décisive</h2>
<p>Au vu de ces chaleureuses relations entre le FPÖ et le Fidesz, il semble tout naturel que le grand parti d’extrême droite autrichien se range résolument aux côtés de Viktor Orban dans le bras de fer qui oppose ce dernier à l’Union européenne. D’autant plus que le FPÖ n’a pas oublié que, en 2000, lorsque l’UE avait <a href="https://www.persee.fr/doc/criti_1290-7839_2000_num_8_1_1433">durement sanctionné l’Autriche</a> en raison de la participation du FPÖ à une coalition gouvernementale à la suite des <a href="http://archive.ipu.org/parline-f/reports/arc/1017_99.htm">élections de 1999</a>, la Hongrie d’un certain… Viktor Orban, alors tout jeune premier ministre, s’était montrée « surprise » des vives critiques de l’UE à l’encontre de Vienne et s’était opposée aux sanctions…</p>
<p>Plus de vingt ans ont passé et c’est cette fois le FPÖ qui vient secourir la Hongrie et plus précisément Viktor Orban. D’ici un an, espère-t-on au FPÖ et au Fidesz, l’« axe » Vienne-Budapest se trouvera non seulement au cœur géographique, mais aussi au cœur politique de l’UE…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207055/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal d'opposition LR à Maxéville (54). </span></em></p>Tandis que les 27 remettent en question la place de la Hongrie au sein de l’UE, le FPÖ autrichien, parti d’extrême droite, ne cesse d’afficher son soutien au gouvernement hongrois de Viktor Orban.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Science politique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996262023-04-04T17:36:46Z2023-04-04T17:36:46ZAutriche : l’extrême droite bientôt de retour au pouvoir ?<p>Depuis décembre 2021, <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20211203-l-autriche-d%C3%A9signe-l-ancien-ministre-de-l-int%C3%A9rieur-chancelier-et-tourne-la-page-kurz">l’Autriche est dirigée par un gouvernement de coalition</a> regroupant les conservateurs de l’ÖVP et les écologistes, avec à sa tête le chancelier (premier ministre) Karl Nehammer (ÖVP). Mais les élections générales qui se tiendront dans un an <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/lextreme-droite-autrichienne-est-prete-a-faire-son-retour-au-gouvernement/">pourraient bien favoriser le parti d’extrême droite FPÖ</a>, lequel a participé à plusieurs coalitions gouvernementales au cours des 25 dernières années.</p>
<p>Après plusieurs années difficiles, cette formation, qui avait défrayé la chronique au début des années 2000 sous la férule du charismatique <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2013-1-page-196.htm">Jörg Haïder</a>, vient en effet d’obtenir un score très encourageant lors des élections régionales du Land de Niederösterreich (Basse-Autriche), le plus étendu des États fédérés du pays et le deuxième plus peuplé après celui de Vienne : avec près de 24 % des suffrages, soit 9,43 points de plus que lors des élections de 2018, le <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/lextreme-droite-autrichienne-est-prete-a-faire-son-retour-au-gouvernement/">FPÖ s’est hissé au deuxième rang</a> derrière l’ÖVP (39,93 %) mais devant les sociaux-démocrates du SPÖ (20,65 %).</p>
<p>Aujourd’hui dirigé par Herbert Kickl, ancien ministre de l’Intérieur (2017-2019), le FPÖ ambitionne désormais de ne plus seulement être un « junior partner » de la coalition gouvernementale, mais de remporter les prochaines élections et de placer son chef au poste de chancelier, celui-ci exerçant la réalité du pouvoir exécutif dans le pays.</p>
<h2>Une courte traversée du désert</h2>
<p>Depuis <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/europeennes/autriche-on-vous-explique-l-affaire-d-ibiza-qui-torpille-l-extreme-droite-au-gouvernement_3451981.html">l’Affaire Ibiza</a>, qui lui avait coûté sa place au gouvernement en 2019, on pensait le FPÖ moribond. Une vidéo tournée en cachette en 2017 dans l’île espagnole avait montré Heinz-Christian Strache, alors chef du parti et vice-chancelier, se disant prêt, lors d’une conversation avec une interlocutrice russe, à aligner sa formation sur les intérêts de Moscou en échange de financement. Dans la foulée, Strache avait démissionné, mais le chancelier de l’époque, Sebastian Kürz, avait également limogé Herbert Kickl, ministre de l’Intérieur, entraînant le <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">départ du FPÖ du gouvernement</a>.</p>
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<p>Le résultat enregistré en Basse-Autriche démontre que le parti demeure une force politique de premier plan dans le pays.</p>
<p>Si ce scrutin a été marqué par le regain du FPÖ, il convient également de noter que l’ÖVP a nettement reculé, perdant une partie significative de ses électeurs précisément au profit du FPÖ. L’autre enseignement que l’on peut tirer de cette élection porte sur le choix de la tête de liste du FPÖ en la personne d’<a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/01/26/un-candidat-autrichien-aux-elections-regionales-critique-pour-des-chants-nazis_5247852_3214.html">Udo Landbauer</a>, figure montante du parti incarnant son aile la plus dure.</p>
<p>Rappelons que les tenants de l’aile dure ont pour obsession de traiter des questions dites identitaires ou ayant un lien avec la sécurité, l’immigration et le « Diktat de l’UE » tandis que les modérés tentent d’élargir les propositions du FPÖ aux domaines économiques, sociétaux ou encore environnementaux. Cette fracture entre les deux lignes existe au sein du FPÖ depuis sa création, même si bien souvent, l’aile dure a pris le dessus sur l’aile modérée.</p>
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<p>Landbauer avait déjà fait parler de lui en 2018 puisqu’il s’était retrouvé au cœur d’une affaire politique qui l’avait contraint à renoncer à tous ses mandats et à se mettre en retrait du FPÖ. Il avait à l’époque <a href="https://theconversation.com/en-autriche-le-fpo-nen-a-pas-fini-avec-les-vieux-demons-du-passe-92805">refusé de désavouer un livre</a>, retrouvé dans les locaux d’une organisation étudiante, qui faisait l’apologie du nazisme et du Troisième Reich.</p>
<p>Son retour en grâce et son succès en Basse-Autriche soulignent que le FPÖ, tant au niveau régional que national, n’est jamais aussi fort d’un point de vue électoral que lorsqu’il tend vers l’aile la plus dure. Une ligne politique plébiscitée par Herbert Kickl.</p>
<p>Kickl, qui ne cache pas ses envies d’être le prochain chancelier autrichien à l’issue des élections de 2024, a d’autres raisons d’être optimiste : un sondage de janvier 2023 place le FPÖ largement en tête, avec <a href="https://www.profil.at/oesterreich/umfrage-fpoe-zieht-spoe-davon/402298622">28 % des intentions de vote pour les prochaines législatives</a>, devançant les sociaux-démocrates du SPÖ (24 %) et les conservateurs de l’ÖVP, qui ne recueillent que 22 % des voix. Si un sondage reste ce qu’il est et que la vérité politique d’hier ne sera pas forcément celle de demain, nul ne peut contester le fait que le FPÖ revient sur le devant de la scène.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1624723664028549121"}"></div></p>
<p>De plus, le sondage évoquait aussi le choix du chancelier. L’actuel chancelier conservateur Karl Nehammer est encore plébiscité par près de 20 % des sondés, mais est talonné par Herbert Kickl, <a href="https://www.profil.at/oesterreich/umfrage-fpoe-zieht-spoe-davon/402298622">qui recueille l’adhésion de 17 % des Autrichiens</a>, loin devant Pamela Rendi-Wagner, la présidente du SPÖ, qui n’obtient que 12 % des intentions de vote.</p>
<p>Au regard de ce sondage, et si l’on se trouve dans la même configuration à l’issue des élections législatives de 2024, on pourrait se diriger vers une nouvelle coalition entre l’ÖVP et le FPÖ. Il reste un an au FPÖ et à Herbert Kickl pour capitaliser sur ce succès obtenu en Basse-Autriche et s’immiscer à nouveau dans le duel entre l’ÖVP et le SPÖ. Ces élections avaient un goût particulier pour le FPÖ dans la mesure où celui-ci devait confirmer son regain observé depuis de longues semaines dans les sondages. Les différentes élections ayant lieu au cours de l’année 2023 seront tout autant primordiales pour permettre au parti d’aborder les élections législatives de 2024 avec une forte dynamique.</p>
<h2>Des prises de position à rebours du consensus autrichien</h2>
<p>Sur plusieurs sujets majeurs, la ligne défendue par le FPÖ se distingue significativement de celle des autres partis autrichiens. Sur des sujets comme l’immigration ou la notion d’identité nationale, le parti semble isolé sur la scène politique nationale, tout comme il l’est au niveau international avec son euroscepticisme constant.</p>
<p>Durant la crise du Covid, le FPÖ s’était érigé contre le souhait du gouvernement autrichien de rendre la vaccination obligatoire, estimant que la vaccination devait émaner d’une volonté personnelle et non d’une décision gouvernementale. Dans les médias, les intervenants du FPÖ s’étaient faits les défenseurs des libertés individuelles en critiquant les différentes mesures mises en place pour endiguer la pandémie et en appelant à <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/en-autriche-lextreme-droite-fait-descendre-des-milliers-de-personnes-dans-la-rue-contre-le-confinement-20211120_FD62R6CRUVF2TNPLTBZXMG2LQE/">manifester contre le confinement, auquel le parti était farouchement opposé</a>.</p>
<p>Dès le début de la guerre en Ukraine, les membres du FPÖ ont plaidé, par la voix d’Herbert Kickl, pour une <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Guerre-Ukraine-lAutriche-fil-neutralite-2022-03-28-1201207421">médiation de l’Autriche entre l’Ukraine et la Russie</a>, rappelant leur attachement à la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2006-1-page-27.htm">neutralité autrichienne</a> (pour rappel, la neutralité est inscrite dans la Constitution depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le pays n’est par exemple pas membre de l’OTAN). Herbert Kickl profita de ce moment pour insister sur le fait que sanctionner la Russie ne résoudrait pas le conflit et relevait d’une certaine forme de « naïveté politique ». De plus, tout en concédant que les actions russes en Ukraine étaient contraires au droit international, il ne manqua pas de s’interroger sur la volonté de l’OTAN et des États-Unis de « provoquer les Russes ».</p>
<p>En novembre 2022, c’est au tour de la députée Petra Steger, fille de l’ancien dirigeant du FPÖ Norbert Steger (vice-chancelier d’Autriche de 1983 à 1987), de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zTf9lo9whlc">s’insurger</a> contre le soutien de Vienne à Kiev : « Le gouvernement préfère financer la guerre de l’UE et de l’Ukraine plutôt qu’aider les Autrichiens ! » Le FPÖ a également critiqué le <a href="https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/autriche-pas-darmes-pour-lukraine-mais-un-soutien-sans-faille/">voyage du président autrichien Alexander Van der Bellen en Ukraine</a>, Herbert Kickl allant même jusqu’à le qualifier de « Staatsgefährder » (dangereux pour l’État), considérant que cette visite constituait un manquement à la neutralité autrichienne, ce qui, pour lui, était inconcevable. Enfin, le 30 mars, les députés du FPÖ sont démonstrativement sortis du Bundestag au moment où le président ukrainien Volodymyr Zelensky y prononçait un discours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1641553163701440512"}"></div></p>
<p>Cette position a trouvé un prolongement au niveau européen, le FPÖ – qui siège au Parlement européen au sein du groupe Identité et Démocratie, aux côtés de la Lega (Italie), d’Alternative pour l’Allemagne (AfD), de Vlaams Belang (Belgique) ou encore du Parti populaire danois, autant de formations connues pour leur attitude compréhensive à l’égard de Moscou – désapprouvant clairement les décisions de la Commission européenne favorables à Kiev. Citons le député européen FPÖ <a href="https://www.fpoe.eu/vilimsky-keine-eu-schulden-fuer-ukraine-hilfe/">Harald Vilimsky</a> : « Nous sommes clairement opposés à ce que l’UE s’endette à nouveau pour soutenir l’Ukraine, un pays non membre de l’UE). »</p>
<p>Ces positions du FPÖ concernant la guerre en Ukraine s’expliquent notamment par les <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/12/19/97001-20161219FILWWW00120-autriche-l-extreme-droite-renforce-ses-liens-avec-russie-unie.php">liens profonds et anciens qui unissent le parti à la Russie</a>. En 2009, Heinz-Christian Strache, alors président du FPÖ, s’était prononcé en faveur d’une entrée de la Russie au sein de l’UE et, plus globalement – sans même reparler de l’affaire Ibiza –, le FPÖ a souvent défendu l’idée d’un rapprochement et d’une <a href="https://www.diepresse.com/5630263/fpoe-die-beziehungen-zu-russland-sind-innig">plus grande coopération entre l’Autriche et la Russie</a>.</p>
<h2>Une année décisive</h2>
<p>Si bon nombre de ses prises de position sont controversées, tant sur la crise sanitaire que sur le conflit russo-ukrainien, le FPÖ ne semble guère en pâtir au niveau électoral.</p>
<p>Mieux, il pourrait renaître de ses cendres après une période compliquée. La bonne situation actuelle du FPÖ ne serait-elle pas finalement le résultat de la stratégie de la « radicalité » mise en place par son chef ? Après Jörg Haider et Heinz-Christian Strache, Herbert Kickl pourra-t-il être le « messie » tant attendu par son parti et, pour la première fois dans l’histoire du FPÖ, ravir la chancellerie ?</p>
<p>Au regard du contexte politique en Autriche le FPÖ paraît en bonne position pour au mieux conquérir la chancellerie pour la première fois ou à minima redevenir un partenaire de coalition. Finalement, on pourrait dire que le seul adversaire du FPÖ, c’est le FPÖ lui-même car, si dans l’année qui vient le parti n’est pas secoué par des querelles internes ou un scandale type « Affaire Ibiza », fort est à parier qu’il reviendra au pouvoir…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal "Les Républicains". </span></em></p>Le Parti de la liberté de l’Autriche (FPÖ), classé à l’extrême droite, ne participe plus au gouvernement depuis quatre ans, mais pourrait bien remporter les prochaines législatives…Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Science politique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977792023-03-09T18:41:40Z2023-03-09T18:41:40ZQuand la Russie, la Prusse et l’Autriche se partageaient la Pologne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/513741/original/file-20230306-1140-6lxb1b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C1274%2C846&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Allégorie du premier partage de la Pologne, montrant Catherine la Grande de Russie (à gauche), Joseph II d’Autriche et Frédéric le Grand de Prusse (à droite) se querellant au sujet de leurs prises de territoire. Ce premier partage sera suivi de deux autres, en 1793 et 1795.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Noël Le Mire, 1791</span></span></figcaption></figure><p>Au moment où, dans le contexte de la guerre en Ukraine, les <a href="https://journals.openedition.org/monderusse/13658">querelles mémorielles</a> opposant de longue date Varsovie à Moscou sont exacerbées, il est utile de revenir sur un événement ancien, mais encore très vivace dans la mémoire collective polonaise : le troisième partage de la Pologne, intervenu le 24 octobre 1795.</p>
<p>Ce jour-là, la République des Deux Nations, qui réunissait, depuis le <a href="https://www.herodote.net/1er_juillet_1569-evenement-15690701.php">traité de Lublin de 1569</a>, le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie, est rayée de la carte. Ce n’est qu’à l’issue de la Première Guerre mondiale que les deux entités – Pologne et Lituanie – recouvreront, mais séparément, leur indépendance.</p>
<h2>Un espace tampon multiculturel assujetti à sa noblesse</h2>
<p>Au milieu du XVIII<sup>e</sup> siècle, la fragilité et l’éventuelle disparition de la République des Deux Nations inquiètent les grandes cours européennes. À son apogée, son territoire couvre près d’un million de kilomètres carrés, surtout composé de vastes plaines et d’épaisses forêts. Il s’agit d’un espace tampon sans véritables frontières naturelles, situé entre trois puissances avides d’expansion : l’Autriche, la Prusse et la Russie.</p>
<p>Sa population, estimée à plus de 11 millions d’habitants, est disparate tant ethniquement que linguistiquement et religieusement : Polonais, Lituaniens, Ukrainiens, Biélorusses, Tatars, Juifs ; mais il faut encore compter une multiplicité de communautés grecques, arméniennes et germaniques. L’essentiel de la population est rurale et vit des activités agraires ; à l’exception de Varsovie, Cracovie et Lviv, les grands ensembles urbains sont rares.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Tableau montrant Varsovie au XVIIIᵉ siècle" src="https://images.theconversation.com/files/509495/original/file-20230210-22-idjij2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1200%2C790&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509495/original/file-20230210-22-idjij2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509495/original/file-20230210-22-idjij2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509495/original/file-20230210-22-idjij2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509495/original/file-20230210-22-idjij2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509495/original/file-20230210-22-idjij2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509495/original/file-20230210-22-idjij2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bernardo Bellotto, « Vue de Varsovie depuis la porte de Cracovie », vers 1778.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bellotto_Cracow_Suburb_as_seen_from_the_Cracow_Gate.jpg">Bernardo Bellotto</a></span>
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<p>La Pologne-Lituanie est fondamentalement aristocratique avec une soumission à la <a href="https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1592895"><em>szlachta</em></a>, la toute-puissante noblesse polonaise. Cette aristocratie capte toutes les richesses, les honneurs et les pouvoirs politiques en se référant à une <a href="http://www.normalesup.org/%7Edthiriet/Hors/sarmatisme.html">idéologie sarmatique</a> : la <em>szlachta</em> serait issue du <a href="https://www.rtbf.be/article/qui-etaient-les-sarmates-ce-peuple-au-centre-du-nouvel-album-des-aventures-dasterix-10858408">peuple guerrier scythique des Sarmates</a>, invaincu par l’Empire romain.</p>
<p>Cette idéologie nourrit un esprit belliciste défenseur de la gloire de vaillants ancêtres mythifiés. Elle se traduit par une arrogance à l’endroit des étrangers et de mépris à l’égard des paysans et généralement de tous ceux vivant de leur travail.</p>
<h2>Une multiplicité de fragilités et de blocages</h2>
<p>Au plan économique, les activités sont fortement freinées par un servage enraciné et par l’insuffisance chronique d’investissements dans les infrastructures. Tandis que les voisins autrichien, prussien et russe se sont dotés d’États puissants capables de moderniser leurs économies, les dirigeants polonais n’ont pas su accroître la productivité agricole et favoriser le développement du commerce et des manufactures. Les terres sont la propriété de la Couronne (pour 15 %) et des magnats – la haute noblesse – (pour 85 %) ; mais la moitié de la <em>szlachta</em> reste non possédante.</p>
<p>En Pologne-Lituanie, le sort des paysans semble s’être détérioré dans la première moitié du XVIII<sup>e</sup> siècle, principalement à cause de l’alourdissement des corvées. L’économie du pays est largement non monétaire, avec de puissants comportements autarciques et des pratiques de dons. Les serfs ne consomment qu’une faible part de leur production tandis que les magnats profitent de leurs richesses lors de fêtes organisées pour s’attacher leurs importantes cours et confient des charges aux nobles pauvres pour assurer leurs trains de vie respectifs.</p>
<p>En matière juridique, la Pologne-Lituanie demeure entravée par une forte pluralité de coutumes auxquelles s’ajoutent les statuts royaux et les lois votées par la <a href="https://www.chartes.psl.eu/fr/positions-these/journaux-diete-convocation-polonaise-1764">Diète</a>. En dépit de plusieurs tentatives de codification, la république ne parvient pas à uniformiser son droit civil et pénal. Il en résulte un ordre social profondément inégalitaire au bénéfice de la noblesse et surtout des magnats. La seconde moitié du XVIII<sup>e</sup> siècle est cependant marquée par quelques progrès notables : les seigneurs perdent le droit de vie et de mort sur leurs serfs (1767) ; la torture et les procès en sorcellerie sont interdits (1776).</p>
<p>Politiquement, son régime hybride, mêlant républicanisme nobiliaire et monarchie élective, est source d’importants blocages et dysfonctionnements. Les citoyens aristocrates contribuent aux affaires publiques via des assemblées de districts en charge des affaires locales et de l’élection des nonces, députés à l’assemblée supérieure du royaume – la Diète – convoquée tous les deux ans. Cette institution centrale de la république, qui réunit le roi et les deux Chambres (le Sénat et la Chambre des nonces), vote les lois, les impôts, déclare la guerre, signe les traités et désigne le roi. </p>
<p>Ce dernier partage son pouvoir avec le reste de la Diète mais il remplit des fonctions particulières : il propose et sanctionne la loi, dirige l’armée et la diplomatie, nomme aux emplois publics et convoque les assemblées. Le monarque s’entoure de ministres qu’il nomme à vie (maréchaux, généraux, trésoriers et chanceliers) et qui tempèrent son autorité, voire constituent de véritables contre-pouvoirs. Le roi doit encore composer avec le Sénat, réunissant les évêques et des administrateurs provinciaux (palatins et castellans) en charge de le conseiller et de le contrôler.</p>
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<p>Toutefois, la <em>szlachta</em> n’a eu de cesse d’élargir ses privilèges et ses capacités d’action sur les affaires publiques notamment dans l’exercice du pouvoir législatif grâce au <a href="https://www.herodote.net/Du_liberum_veto_a_la_paralysie_administrative-synthese-2528-130.php"><em>liberum veto</em></a>. Ce dispositif repose sur la recherche de l’unanimité dans les votes de la Diète et sur le principe d’une véritable égalité des droits politiques de tous les nobles. Il permet à un seul député de repousser un projet de loi, voire d’obliger toute l’assemblée à se séparer en annulant toutes les décisions de la session. Naturellement, les usages répétés du <em>liberum veto</em> paralysent le travail parlementaire et, par suite, le fonctionnement des institutions. Ce système politique de démocratie nobiliaire a <em>de facto</em> dégénéré en une oligarchie de quelques grandes familles de magnats : les Czartoryski, les Potocki, les Radziwill, les Branacki, les Poniatowski, etc.</p>
<p>Du point de vue militaire, la Pologne-Lituanie souffre également de handicaps structurels : son armée régulière n’est que de 10 000 hommes. Une levée en masse des nobles est possible mais pourrait être bloquée par l’usage du <em>liberum veto</em>. L’armée polonaise n’est ainsi guère en situation de rivaliser avec les importantes armées de ses puissants voisins. Les observateurs et voyageurs contemporains insistent généralement sur le retard et l’immobilisme de la république dans la plupart des domaines.</p>
<h2>Des efforts de réforme qui ne parviendront pas à empêcher le démantèlement du pays</h2>
<p>Le 6 septembre 1764, la Diète élit <a href="https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/producteur/consultationProducteur.action?notProdId=FRAN_NP_051951">Stanislas II Auguste Poniatowski</a> (1732-1798) roi de Pologne et grand-duc de Lituanie grâce aux manœuvres de son ancienne maîtresse l’impératrice de Russie Catherine II (1729-1796). Dès lors considéré comme une créature au service de la tsarine, sa légitimité est d’emblée fragilisée. Il est pourtant loin de n’être qu’un agent servile de la Russie. Ce prince éclairé souhaite poursuivre la politique réformatrice des <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/les-czartoryski/">Czartoryski</a> pour renforcer l’efficacité de l’État polonais en substituant une véritable monarchie au régime en place, générateur d’anarchie dans cette république aristocratique.</p>
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<img alt="Stanislas II devient roi de Pologne" src="https://images.theconversation.com/files/509501/original/file-20230210-19-rcvo7i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509501/original/file-20230210-19-rcvo7i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509501/original/file-20230210-19-rcvo7i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509501/original/file-20230210-19-rcvo7i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509501/original/file-20230210-19-rcvo7i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509501/original/file-20230210-19-rcvo7i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509501/original/file-20230210-19-rcvo7i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Élection de Stanisław August Poniatowski en 1764 ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Election_of_Stanis%C5%82aw_August_Poniatowski_in_1764_(detail).PNG">Bernardo Bellotto</a></span>
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<p>La Pologne est l’un des rares États européens à pratiquer une véritable tolérance religieuse sans toutefois aller jusqu’à une égalité juridique des diverses confessions. Les nobles « dissidents » (protestants et orthodoxes) réclament les mêmes droits que les catholiques. Cette revendication sert les intérêts des Prussiens (protestants) et des Russes (orthodoxes) qui les soutiennent. Les nobles catholiques refusent cette égalité de droit qui, par l’usage de <em>liberum veto</em>, les rendrait dépendants des dissidents et donc de la Russie et de la Prusse.</p>
<p>En 1767, Nicolas Repnine (1734-1801), ambassadeur de Russie à Varsovie, manœuvre auprès de la Diète pour structurer le conflit, qui est loin de n’être que religieux, en créant des confédérations. La confédération est un dispositif politique légal dont la vocation est de créer une union nobiliaire destinée à défendre la république d’un péril intérieur ou extérieur. Repnine encourage la formation de trois confédérations : à Słuck pour les orthodoxes ; à Toruń avec les protestants ; à Radom pour des catholiques conservateurs hostiles aux réformes de Stanislas II. </p>
<p>Ces créations aboutissent à une <a href="https://www.beskid.com/decad.html">Diète extraordinaire en 1767-1768</a> : l’égalité des droits est accordée aux non-catholiques et Catherine II est reconnue comme protectrice des « libertés polonaises ». Le 24 février 1768, un <a href="https://books.google.fr/books?id=4-d63qIG-7wC">traité d’amitié et de garantie perpétuelle</a> est signé entre la Russie et la Pologne. La tsarine s’engage à garantir les institutions politiques et le territoire polonais : la République des Deux Nations tout entière sombre alors dans la dépendance de la Russie.</p>
<p>Par réaction à cette tutelle de fait, une nouvelle confédération se forme à Bar (29 février 1768) pour défendre la patrie et la foi catholique. <a href="https://www.herodote.net/almanach-ID-393.php">La confédération de Bar</a> est soutenue par la France et l’Empire ottoman. Ce dernier déclare la guerre à la Russie (6 octobre 1768) à la suite d’un massacre perpétré par des pro-russes sur son territoire. L’insurrection polonaise tourne simultanément à la guerre civile et interétatique.</p>
<p>La situation, en contenant l’expansion russe, sert les intérêts autrichiens et prussiens. Cependant, les revers militaires se multiplient tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Lorsque la confédération est finalement vaincue, les troubles qu’elle a provoqués servent de prétexte à un <a href="https://www.contrepoints.org/2022/08/05/436374-la-liberte-doree-et-le-premier-partage-de-la-pologne">premier partage du pays</a> par un traité que Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780), Frédéric II de Prusse (1712-1786) et Catherine II signent le 5 août 1772. Entre-temps, la confédération de Bar avait cherché des appuis en France et obtenu que des intellectuels, tels Paul Pierre Lemercier de la Rivière (1719-1801), Gabriel Bonnot de Mably (1709-1785) et Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) œuvrent – vainement – à des projets de réformes institutionnelles.</p>
<h2>Des partages à la disparition</h2>
<p>Au partage de 1772, la République perd un tiers de son territoire et de sa population. Le pouvoir polonais en place, toujours dirigé par Stanislas II, aspire encore à la réforme de ses institutions. La « grande Diète » de 1788-1792 œuvre à la rédaction d’une Constitution écrite. </p>
<p>Un <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/pl1791.htm">Acte de gouvernement</a> (3 mai 1791) fonde une monarchie héréditaire et non plus élective, dont la couronne reviendra à la maison de Saxe à la mort de Stanislas II. Le roi détient l’entièreté du pouvoir exécutif et assure la « garde des lois », assisté du primat, de cinq ministres et de deux secrétaires d’État. Le pouvoir législatif appartient à la Diète, permanente et bicamérale (Chambre des nonces et Sénat). Les confédérations et le <em>liberum veto</em> sont abolis. Les prérogatives locales et celles de la bourgeoisie sont élargies.</p>
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<img alt="Les habitants de Varsovie célèbrent l’adoption d’une constitution" src="https://images.theconversation.com/files/509500/original/file-20230210-27-xq55ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509500/original/file-20230210-27-xq55ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509500/original/file-20230210-27-xq55ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509500/original/file-20230210-27-xq55ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509500/original/file-20230210-27-xq55ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509500/original/file-20230210-27-xq55ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509500/original/file-20230210-27-xq55ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">« L’adoption de la Constitution du 3 mai ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Konstytucja_3_Maja.jpg">Jan Matejko, 1891</a></span>
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</figure>
<p>Catherine II s’oppose à ces réformes porteuses d’émancipation à l’égard de la Russie. Une nouvelle guerre russo-polonaise s’engage. Des magnats conservateurs soutenus par la Russie forment la <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1953_num_8_3_2199_t1_0404_0000_1">confédération de Targowica</a>. La pression militaire contraint le roi à y adhérer et à revenir à l’ordre politique ancien. La Prusse de Frédéric-Guillaume II (1744-1797) reste en retrait mais participe à un nouveau <a href="https://histocarte.fr/2018/10/23/partages-pologne/">partage du territoire de la Pologne en janvier 1793</a> avec la Russie, qui s’opère cette fois sans l’Autriche, occupée à la guerre contre la France révolutionnaire. La Pologne est dès lors réduite à un espace d’environ 200 000 km<sup>2</sup> pour 3 millions d’habitants.</p>
<p>En réaction, le général Tadeusz Kościuszko (1746-1817), vétéran de la guerre d’indépendance états-unienne, organise et conduit un soulèvement pour libérer la Pologne. Il dirige l’armée régulière et lève plusieurs milliers de volontaires issus de la paysannerie. De premiers succès sont remportés, mais Kościuszko est blessé et capturé le 10 octobre 1794. L’insurrection est ensuite violemment réprimée par la Russie qui organise un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Troisi%C3%A8me_partage_de_la_Pologne">troisième et dernier partage de la Pologne</a>, à nouveau avec l’Autriche et la Prusse, le 24 octobre 1795. La Pologne succombe alors à la voracité de ses puissants voisins et le pays disparaît complètement de la carte européenne jusqu’à sa <a href="https://histocarte.fr/2018/11/20/renaissance-pologne/">résurrection</a>, en même temps que la Lituanie, à l’issue de la Première Guerre mondiale en 1918.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La Pologne fut rayée de la carte pendant plus d’un siècle. Au XVIIIᵉ siècle, ses faiblesses sont exploitées par des États voisins pour se partager son territoire.Bernard Herencia, Maître de conférences, chercheur en histoire de la pensée économique, Université Gustave EiffelThérence Carvalho, Professeur d'Histoire du droit et des institutions, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1451292020-09-07T18:20:49Z2020-09-07T18:20:49ZAutriche : quelle réaction du pouvoir face à la montée de l’antisémitisme ?<p>Ces dernières années, on assiste à une recrudescence inquiétante de l’antisémitisme un peu <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/01/seventy-five-years-after-auschwitz-anti-semitism-is-on-the-rise/605452/">partout dans le monde</a> et, plus spécifiquement, en <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2019/06/21/linquietante-montee-de-lantisemitisme-en-europe">Europe</a>. En France par exemple, 687 faits à caractère antisémite ont été constatés en 2019 contre 541 en 2018, soit une <a href="https://www.gouvernement.fr/bilan-2019-des-actes-antireligieux-antisemites-racistes-et-xenophobes">augmentation de 27 %</a>. L’Autriche ne fait pas exception : en 2019, pas moins de 550 incidents antisémites ont été recensés dans ce pays presque huit fois moins peuplé que la France.</p>
<p>Pour ne donner qu’un exemple récent, Elie Rosen, le président de la communauté juive de Graz, la deuxième ville la plus peuplée du pays, a <a href="https://www.leparisien.fr/societe/autriche-indignation-apres-des-attaques-contre-la-communaute-juive-23-08-2020-8371818.php">échappé de justesse à une attaque violente le 22 août dernier</a>. Les faits se sont déroulés quelques jours seulement après la <a href="https://www.courrierinternational.com/une/antisemitisme-lautriche-place-toutes-ses-synagogues-sous-surveillance">dégradation de la synagogue de cette même ville</a>.</p>
<p>Sebastian Kurz (ÖVP, droite), <a href="https://www.lepoint.fr/monde/autriche-sebastian-kurz-passe-du-brun-au-vert-et-revient-au-pouvoir-07-01-2020-2356389_24.php">redevenu chancelier en janvier 2020</a> après un premier passage à ce poste de 2017 à 2019, a fait de la lutte contre l’antisémitisme un thème essentiel de son mandat. Le choix de former une coalition entre son parti (les conservateurs de l’ÖVP) et le FPÖ (extrême droite), au sortir des élections de 2017, était loin de faire l’unanimité, bon nombre d’observateurs et de citoyens lui reprochant de faire basculer son mouvement politique encore plus à droite… Aujourd’hui, c’est avec les Verts autrichiens qu’il forme une coalition inédite. En bon tacticien qu’il est, le chancelier Kurz montre à travers cette nouvelle coalition qu’il porte un intérêt tout particulier à l’écologie, laquelle devient de plus en plus présente dans les programmes politiques des partis autrichiens et européens.</p>
<h2>Un fléau persistant</h2>
<p>En réponse à la montée des actes antisémites, le gouvernement a décidé, par l’intermédiaire du ministre de l’Intérieur Karl Nehammer (ÖVP), de renforcer ses dispositifs de contrôle. Dorénavant, toutes les synagogues seront <a href="https://fr.timesofisrael.com/lautriche-place-sous-surveillance-toutes-les-synagogues-du-pays/">surveillées 24 heures sur 24</a> par des hommes en uniforme mais aussi par des vigiles en civil.</p>
<p>Si le FPÖ (dont il faut rappeler qu’il a été <a href="https://www.dw.com/en/austrias-fp%C3%B6-freedom-party-a-turbulent-history/a-48789817">formé par d’anciens nazis</a>) a condamné ces actes (de même évidemment que le chancelier Kurz et le président Vert Alexandre Van der Bellen), certains de ses militants voire de ses cadres demeurent <a href="https://theconversation.com/en-autriche-le-fpo-nen-a-pas-fini-avec-les-vieux-demons-du-passe-92805">« nostalgiques » de la période nazie</a>.</p>
<p>En novembre 2019, le FPÖ (qui venait d’obtenir presque 17 % des voix aux législatives organisées deux mois plus tôt) avait été pris dans le viseur médiatique après la <a href="https://www.europe1.fr/international/autriche-demission-de-lelu-fpo-critique-pour-des-chants-nazis-3562652">découverte d’un livret de chants antisémites</a> au sein d’une corporation étudiante fréquentée par l’un de ses députés. Et, ces dernières années, il s’est retrouvé, à plusieurs reprises, lié à des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2018/04/20/antisemitisme-l-extreme-droite-autrichienne-toujours-embarrassee-par-des-scandales_5288210_3210.html">affaires jugées antisémites</a>.</p>
<p>Plus largement, ce n’est pas la première fois dans l’histoire récente que l’Autriche est confrontée à des actes antisémites. Au-delà des centaines d’incidents relevés chaque année, plusieurs événements ont particulièrement marqué les esprits. En mai 2019, une exposition de portraits de rescapés de la Shoah fut <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2528123-20190528-autriche-exposition-portraits-rescapes-shoah-vandalisee-vienne">vandalisée</a> à Vienne : une dizaine de photos avaient été « découpées », couvertes de croix gammées ou encore tailladées au couteau. Déjà, quelques années auparavant, en 2010, des <a href="https://www.europe1.fr/international/Autriche-Actes-de-vandalisme-antisemites-485856">graffitis antisémites, mais aussi antiturcs</a>, avaient été inscrits sur le mur extérieur de l’ancien camp de concentration nazi de Mauthausen, l’un des hauts lieux de mémoire de la Shoah en Autriche.</p>
<p>En Autriche, comme dans d’autres sociétés européennes, l’antisémitisme n’a jamais été éradiqué. Si la lutte contre l’antisémitisme est inscrite dans la loi, il n’en demeure pas moins que l’on observe – comme le dit le chancelier Kurz – que cet antisémitisme <a href="https://www.bmbwf.gv.at/Themen/euint/ep/antisemitismus.html">prend régulièrement la forme de « l’antisionisme »</a>. Celui-ci prospère à la fois au sein de certains groupes favorables à la cause palestinienne et parmi certains militants du FPÖ qui continuent de jouer sur l’ambiguïté historique entre opposition au sionisme et antisémitisme.</p>
<h2>Fermeté de Sebastian Kurz, ambiguïtés de ses anciens alliés du FPÖ</h2>
<p>En novembre 2018, le chancelier Kurz affichait son engagement à affronter le passé lorsqu’il prit la parole à l’occasion d’une conférence à Vienne, intitulée « L’Europe au-delà de l’antisémitisme et de l’antisionisme – Garantir la vie juive en Europe », organisée par la Chancellerie fédérale autrichienne. Dans son discours d’ouverture, il <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/189211-181121-l-antisemitisme-et-l-antisionisme-sont-les-deux-faces-d-une-meme-piece-kurz">déclara</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’antisémitisme et l’antisionisme sont en train de s’estomper, mais ce sont les deux faces d’une même pièce ».</p>
</blockquote>
<p>Il assumait alors à la fois le rôle de « victime » et celui de « responsable ». Pour lui, l’Autriche a été la victime de la barbarie nazie, mais a aussi participé, d’une certaine manière, à la propagation de l’antisémitisme.</p>
<p>En 2019, il confirma une <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2528123-20190528-autriche-exposition-portraits-rescapes-shoah-vandalisee-vienne%C3%A0l%E2%80%99%C3%A9garddel%E2%80%99antis%C3%A9mitismeoudel%E2%80%99apologiedelap%C3%A9riodenazie">position sans équivoque sur ces questions :</a> :</p>
<blockquote>
<p>« En cas d’incidents antisémites, quel que soit le parti politique impliqué, je le dénonce publiquement et je tente d’utiliser mes pouvoirs de chancelier pour m’assurer que de tels incidents ne restent pas sans réponse. En Autriche, nous disposons de la législation la plus stricte au monde contre de tels crimes. Toute forme de néonazisme constitue un acte criminel, qui se traduit en général par des années de prison. »</p>
</blockquote>
<p>Ces déclarations faisaient référence à la <a href="https://fr.timesofisrael.com/lautriche-a-la-legislation-antinazie-la-plus-stricte-assure-son-chancelier/">Loi de 1947 sur l’interdiction du nazisme</a>, laquelle prévoit des peines d’emprisonnement pour les personnes tentant de faire revivre ou de glorifier des organisations proches du parti nazi. Le chancelier Kurz a toujours dit qu’il utiliserait ses pouvoirs de chancelier pour condamner fermement tous partis politiques ou groupuscules qui véhiculeraient des propos antisémites. Longtemps critiqué pour son alliance avec le FPÖ, il a néanmoins défendu ses anciens alliés, expliquant que le FPÖ, par l’intermédiaire de son ancien leader Heinz-Christian Strache, était résolu aussi à lutter contre l’antisémitisme.</p>
<p>Récemment encore, au mois de juillet dernier, le gouvernement autrichien s’est distingué dans sa lutte contre l’antisémitisme en créant le <a href="https://www.parlament.gv.at/PAKT/PR/JAHR_2020/PK0775/index.shtml">prix Simon Wiesenthal</a> (du nom d’un survivant autrichien de la Shoah devenu célèbre <a href="https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2005/09/21/simon-wiesenthal-chasseur-de-nazis_691206_3208.html">« chasseur de nazis »</a>). Ce prix a pour vocation d’encourager les citoyens à combattre la haine des Juifs en récompensant « un engagement particulier de la société civile contre l’antisémitisme et pour l’enseignement de la Shoah ».</p>
<p>Le FPÖ, dans la perpétuelle ambiguïté qui le caractérise sur ces dossiers, a été le seul parti à ne pas soutenir la création de ce prix et à s’opposer au nom qui lui a été donné. L’argument avancé par le FPÖ a été de dire qu’<a href="https://fr.timesofisrael.com/lautriche-va-creer-le-prix-simon-wiesenthal-pour-lutter-contre-lantisemitisme/">il aurait mieux valu prendre un autre nom</a>. Cette décision traduit bien la double volonté qui est la sienne : d’un côté, gagner en respectabilité en condamnant « fermement » l’antisémitisme comme il l’a fait lorsqu’il était au pouvoir en coalition avec Sebastian Kurz ; de l’autre, ne pas tomber dans la « repentance » car cela risquerait de lui faire perdre un électorat qui n’en demeure pas moins à la droite de l’extrême droite…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"956126824127492102"}"></div></p>
<p>En effet, si l’on a en tête des visées froidement électoralistes, d’après les dernières statistiques de 2018, aujourd’hui seuls 8 100 Autrichiens (sur 8,8 millions) <a href="https://eurojewcong.org/news/communities-news/austria/new-demographic-study-of-austrian-jewry/">appartiennent à la communauté juive</a> alors qu’ils étaient <a href="https://www.bh.org.il/jewish-spotlight/austria/modern-era/demography/">192 000</a>, soit presque 4 % de la population, avant la Seconde Guerre mondiale.</p>
<h2>Quels effets politiques</h2>
<p>Ce climat d’insécurité est, on l’a dit, loin d’être propre à l’Autriche ; mais le gouvernement en place, n’occultant en rien le passé contestable du pays à l’égard du nazisme, se positionne comme décidé à réagir fermement contre toute atteinte à la communauté juive du pays.</p>
<p>Reste à savoir si le combat que mène le chancelier Kurz sera salué par la population lors des prochaines élections ou alors s’il aura pour effet « pervers » de renforcer le FPÖ qui entretient volontairement son ambiguïté sur ces questions…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145129/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est Conseiller municipal indépendant LR de la Ville de Maxéville</span></em></p>Le chancelier autrichien Sebastian Kurz, critiqué lors de son premier mandat pour s’être associé à l’extrême droite, affiche aujourd’hui sa fermeté face à la hausse de l’antisémitisme dans son pays.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Science politique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1381432020-05-07T19:47:38Z2020-05-07T19:47:38ZAutriche : 75 ans après 1945, une rentrée dans le rang mémoriel ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333415/original/file-20200507-49584-15ed5e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C7%2C4749%2C1947&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p>« Ce qui est le plus remarquable, avec les monuments, c’est qu’on ne les remarque même plus », notait le romancier viennois Robert Musil l’auteur de <em>L’Homme sans qualités</em>, ajoutant : « Avec le temps, les monuments semblent devenir imperméables à notre attention ». Une telle « étanchéité » caractérise sans doute aujourd’hui, soixante-quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, nombre de monuments datant de l’immédiat après-guerre. Le temps fait son œuvre, malgré les brûlures de la mémoire et les commémorations.</p>
<h2>Le temps de l’indifférence ?</h2>
<p>Ce constat vaut probablement aussi pour ce Monument aux Soldats de l’Armée rouge dont la silhouette domine le Schwarzenbergplatz de Vienne, à l’entrée de la vieille ville. Érige par les troupes d’occupation soviétiques juste après la capitulation du Reich, le Monument, colonnade néoclassique surmontée d’une statue d’un soldat de l’Armée Rouge, qui culmine à 32 mètres, drapeau rouge dans une main, kalachnikov dans l’autre, adresse un message limpide, tout à la gloire du stalinisme victorieux du nazisme.</p>
<p>Pourtant, malgré cette taille surdimensionnée, et sans même parler du coronavirus qui a momentanément désertifié les places en Autriche, on imagine bien les Viennois d’aujourd’hui indifférents à ce témoignage d’un autre temps. Des articles dans la presse autrichienne et allemande (<em>Der <a href="https://www.derstandard.at/story/2000169/der-kampf-um-wien-1945">Standard</a></em>, <em><a href="https://www.zeit.de/2020/15/wien-ns-regime-rote-armee-zweiter-weltkrieg">Die Zeit</a></em>) ont bien rappelé en avril 2020 les quelque 17 000 soldats soviétiques tombés en avril 1945 pour la prise de la ville, qui précède de deux semaines celle de Berlin, sans soulever beaucoup d’émotions.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wSRVNRZfswM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Comment commémorer le 8 mai 1945 ? À travers ses évolutions dans le temps comme à travers ses incarnations contradictoires dans l’espace, la question reste révélatrice. C’est qu’elle touche, en Autriche, en Allemagne ou ailleurs, à la corde sensible des nations, obligées de se mettre au clair sur leur « roman national » dans son ensemble pour pouvoir y intégrer sans trop d’incohérence le délicat chapitre des « années noires ». Si le <a href="https://www.bundespraesident.de/SharedDocs/Downloads/DE/Reden/2015/02/150202-RvW-Rede-8-Mai-1985-franzoesisch.pdf">discours d’il y a trente-cinq ans du président allemand Richard von Weizsäcker</a>, le 8 mai 1985, est resté dans les annales, c’est qu’en proposant de ne plus considérer le 8 mai seulement comme le jour de la « défaite », mais aussi comme celui de la « libération », il incitait la société allemande à reconsidérer le rôle qu’elle s’assignait rétrospectivement à elle-même : doit-elle faire preuve d’empathie avec le peuple allemand défait de 1945 ? Ou au contraire avec les victimes du régime nazi, qu’elles soient intérieures (communautés raciales vouées au génocide, persécutés politiques) ou extérieures (les pays voisins agressés), pour lesquelles le 8 mai (ou le 9 mai avec le décalage d’un jour en Europe de l’Est) ne pouvait constituer qu’une libération ?</p>
<h2>Allemagne-Autriche : mémoire commune, cultures mémorielles distinctes ?</h2>
<p>L’originalité de l’Autriche s’éclaire si l’on compare les voies choisies dans leur rapport au passé par les trois pays de langue allemande – RFA, RDA, Autriche – au sortir de la guerre.</p>
<p>Alors que l’Allemagne, d’abord répartie en quatre zones d’occupation (américaine, britannique, française et soviétique), voit sa division actée avec la création, en 1949, de la République fédérale d’Allemagne (RFA), à l’ouest, et de la République démocratique Allemande (RDA), à l’est, la <a href="https://www.cvce.eu/obj/proclamation_de_la_deuxieme_republique_autrichienne_vienne_27_avril_1945-fr-a49eaade-2468-46fd-80ad-000d471beb0b.html">déclaration d’indépendance de l’Autriche</a> est signée dès le 27 avril 1945 au Rathaus de Vienne par les représentants des trois partis historiques (sociaux-démocrates du SPÖ, populaires du ÖVP, communistes du KPÖ), qui déclarent nulle et non avenue l’annexion au Reich du 13 mars 1938.</p>
<p>Cet acte fondateur de la Deuxième République autrichienne est également au fondement du discours <a href="http://www.erinnern.at/bundeslaender/oesterreich/e_bibliothek/gedenkstatten/Uhl%2C%20Osterreichischer%20Opfermythos.pdf;%20https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/l-autriche-victime-du-nazisme-un-mythe-aux-consequences-actuelles_1781665.html">victimaire</a> qui se structure et se diffuse rapidement en Autriche. Dans cette lecture psychologiquement confortable, l’Anschluss de 1938 fait du peuple autrichien la première victime chronologique des agressions nazies, taisant le soutien de fait d’une majorité d’Autrichiens à ce rattachement au Reich hitlérien. Encore cinquante ans plus tard, en 1988, le grand dramaturge Thomas Bernhard fera <a href="https://moderndrama.utpjournals.press/doi/abs/10.3138/md.38.3.378">scandale</a> avec sa pièce <a href="https://journals.openedition.org/germanica/2102"><em>Place des Héros</em></a> (<em>Heldenplatz</em>) qui rappelle l’accueil enthousiaste du Führer par la population viennoise.</p>
<p>Si le discours d’exonération que permet cette « théorie de la première victime » n’est jamais érigé en doctrine officielle, il est donc très largement répandu, et factuellement soutenu par les deux grands partis d’après-guerre, ÖVP (chrétien-démocrate) et SPÖ (social-démocrate), d’autant que ces deux forces gouvernent régulièrement ensemble dans le cadre de « grandes coalitions ».</p>
<p>On en trouve un bel exemple lors de l’inauguration du Monument aux Soldats de l’Armée rouge, justement, en août 1945, lorsque Leopold Figl, futur premier chancelier autrichien (ÖVP), pourtant lui-même rescapé du camp de concentration nazi de Dachau déclare :</p>
<blockquote>
<p>« Pendant sept ans, le peuple autrichien a subi la barbarie hitlérienne. Pendant sept ans, le peuple autrichien a connu le joug d’une oppression cruelle. Toute parole libre, toute pensée libre était interdite. Par la terreur brutale et la violence, on soumit la population tout entière à un assujettissement aveugle. »</p>
</blockquote>
<p>Si la RDA s’est toujours présentée comme un contre-modèle antifasciste entièrement dénazifié, et si la RFA a choisi au contraire de construire sa culture démocratique sur la rupture et le renouveau, acceptant, malgré toutes les imperfections et les ratés, d’assumer la responsabilité historique du III<sup>e</sup> Reich, la troisième voie autrichienne permit mentalement – et financièrement – aux Autrichiens de laisser à l’Allemagne de l’Ouest le souci et le soin d’assumer seule l’héritage douloureux. Symboliquement aussi, d’ailleurs. C’est un peu la carte de l’opérette viennoise et du <em>Beau Danube bleu</em> de Strauss contre <em>L’Or du Rhin</em> wagnérien, le kitsch de Sissi contre les introspections douloureuses d’un Fassbinder.</p>
<p>On ne trouve pas, à Vienne, d’équivalent du <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2005/05/10/l-allemagne-inaugure-le-memorial-de-l-holocauste-au-c-ur-de-berlin_647898_3214.html">Mémorial de l’Holocauste inauguré à Berlin en mai 2005</a>. Et les chiffres de visiteurs internationaux du musée d’<a href="http://auschwitz.org/en/museum/news/2-million-152-thousand-visitors-at-the-memorial-in-2018,1341.html">Auschwitz-Birkenau</a> en Pologne révèlent aujourd’hui encore que les Autrichiens – notamment les groupes scolaires – viennent très loin derrière de nombreuses autres nations, comme si la confrontation à ce passé n’était jamais devenue un objectif pédagogique prioritaire.</p>
<h2>De Waldheim à Haider</h2>
<p>S’il fallait ne retenir que quelques étapes particulièrement marquantes dans ce rapport autrichien au passé depuis 1945, le moment-clé est à l’évidence l’<a href="https://tinyurl.com/ycw2zcg4">« affaire Waldheim »</a> en 1986 – un an après le discours de Weizsäcker en RFA – lorsque les Autrichiens, malgré les révélations internationales sur ses implications criminelles comme officier de la Wehrmacht pendant la guerre, élisent l’ancien secrétaire général de l’ONU Kurt Waldheim au poste de président fédéral. La honte ressentie face à ce déni de ses compatriotes est encore palpable dans le récent documentaire <em>Waldheims Walzer</em> de Ruth Beckermann (2018).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/c_UrSlIAtgw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Signe d’un refus durable de se confronter au passé particulièrement virulent dans certaines franges nostalgiques de la population, l’Autriche voit le même type de protestations vigoureuses contre l’exposition itinérante <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2007/03/01/les-crimes-oublies-de-la-wehrmacht_877595_3260.html">Crimes de la Wehrmacht</a> que certaines villes allemandes qui l’accueillent également au milieu des années 1990. <a href="https://journals.openedition.org/allemagne/655">La montée du FPÖ</a>, le parti de l’extrême droite autrichienne autour de la figure de Jörg Haider, dans les années 1990 – bien plus précoce que les récents succès de l’AfD en Allemagne et plutôt concomitante de l’essor du FN en France –, s’explique sur fond de ce contexte mental qui permet même une première participation du FPÖ au gouvernement en 2000, ce qui vaudra à l’Autriche de se retrouver moralement <a href="https://www.liberation.fr/planete/2000/02/01/l-europe-menace-de-mettre-vienne-au-banl-ue-isolera-l-autriche-si-haider-entre-au-gouvernement_316855">mise au ban</a> de la communauté européenne pendant un temps.</p>
<h2>Une commémoration discrète</h2>
<p>La fragmentation actuelle du paysage politique traditionnel peut-elle jouer sur la « politique de la mémoire » autrichienne ? Plus jeune chef d’État européen en activité, Sebastian Kurz (ÖVP), chancelier depuis 2017 et monstre d’opportunisme, gouverne actuellement avec les Verts, après avoir un temps dirigé une coalition « bleue-noire » mêlant conservateurs et populistes de droite ; la présidence fédérale est elle-même occupée par le Vert Alexander van der Bellen depuis 2017.</p>
<p>Cette constellation permet de penser que le discours victimaire, si longtemps stratégique, pourrait ne plus être aussi important, d’autant que fort de son <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/02/crise-du-coronavirus-etat-de-grace-pour-le-gouvernement-autrichien-et-son-chancelier-conservateur_6038446_3210.html">succès dans la gestion de la crise du coronavirus</a> comme des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/autriche-le-vice-chancelier-d-extreme-droite-en-difficulte-apres-avoir-ete-piege-par-une-video-20190518">errements actuels des populistes du FPÖ</a>, Kurz n’a pas grand-chose à craindre sur sa droite.</p>
<p>Qui plus est, les célébrations viennoises resteront comme toujours dans l’ombre de ce qui se passera à Berlin. Pandémie oblige, les commémorations seront de toute façon largement confinées aux supports virtuels. Ainsi le comité Mauthausen, du nom du camp de concentration nazi situé sur les bords du Danube, a-t-il renoncé au rassemblement traditionnel pour la « Fête de la Joie. Journée de la Libération » (Fest der Freude. Tag der Befreiung) qu’il organise chaque année. Le discours du président Bellen, le témoignage d’une Viennoise persécutée comme juive après 1938 et un concert de l’Orchestre symphonique de Vienne, seront retransmis sur le site du comité. Le contexte actuel, si particulier, semble peu propice aux longues interrogations historiques ; l’Autriche, qui a longtemps joué une carte commode, pourrait bien en profiter pour tranquillement rentrer dans le rang.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138143/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Serrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Autriche a longtemps hésité entre un discours victimaire sur son sort durant la Seconde Guerre mondiale et la reconnaissance de l’adhésion au nazisme d’une large partie de sa population.Thomas Serrier, Professeur d'histoire allemande contemporaine, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1322122020-02-23T19:33:56Z2020-02-23T19:33:56ZAprès le Brexit, la clarification de l’arène politique européenne<p>Comme chacun sait, le Brexit a largement été interprété comme une manifestation de la crise de la légitimité démocratique européenne. Mais il se trouve que, dans les mois qui ont suivi le référendum britannique de juin 2016, la quasi-totalité des partis européens comparables au UKIP – ce parti xénophobe et tribunitien, uniquement dédié à la sortie de l’UE depuis le début des années 1990, et qui a fini par atteindre son objectif grâce à la complicité du parti Conservateur – ont renoncé à la sortie de l’UE et de la zone euro.</p>
<p>En conséquence, depuis le 31 janvier 2020, date du départ du Royaume-Uni, il ne se trouve plus au sein du Parlement européen (PE) élu en mai 2019 de délégation prônant le retrait de l’UE.</p>
<p>Le PE compte désormais 705 membres (contre 751 en mai 2019). La quasi-totalité d’entre eux, y compris dans les rangs nationalistes et souverainistes, inscrivent leur combat politique dans l’espace politique européen. De ce point de vue, le Brexit clarifie le tableau. Maintenant que Nigel Farage et les siens ont quitté le PE, la stratégie des nationalistes est de s’allier entre eux au sein de l’UE autour d’un ensemble de cibles partagées, sources selon eux de la plupart des problèmes affectant les Européens : les personnes venues de l’extérieur de l’Europe, le libéralisme politique, les élites… Au nom d’une vision ethno-confessionnelle, culturaliste et populiste du monde, l’Europe politique apparaît désormais, au sein de cette famille qu’on continue d’appeler eurosceptique et souverainiste, voire europhobe, comme une communauté appelée à défendre chacune des nations européennes contre les agents susceptibles de les corrompre, tant de l’extérieur que de l’intérieur.</p>
<h2>Europe orbanisée vs Europe urbanisée</h2>
<p>Cette évolution du nationalisme et de l’euroscepticisme peut être qualifiée d’« orbanisation », du nom du premier ministre hongrois. Elle brouille les cartes, car ce nationalisme du XXI<sup>e</sup> siècle se diffuse au delà de l’extrême droite, dans toutes les familles politiques. Aux élections européennes de 2019, on a pu constater un <a href="https://www.nouvelobs.com/elections-europeennes/20190526.OBS13507/resultats-elections-europeennes-pas-de-raz-de-maree-pour-les-nationalistes-mais.html">recul relatif des nationalistes</a> dans une aire qui en fut pourtant un foyer très précocement actif depuis le tout début des années 2000 : l’espace qui regroupe les pays baltes qui ont adhéré à l’UE en 2004 et les marches sociales-démocrates et neutres englobées dans l’UE à la fin de la guerre froide (Suède, Finlande, Estonie, Lettonie, Autriche, ainsi que le Danemark, entré dès 1973). Ce recul s’explique par le fait que plusieurs partis membres du PPE (famille des droites démocrates-chrétienne et conservatrice) comme de S&D (famille des sociaux-démocrates et du centre gauche) ont repris à leur compte la xénophobie et l’islamophobie des nationalistes, sans céder toutefois à la dénonciation de type populiste des élites bruxelloises.</p>
<p>UKIP (puis le Brexit Party) excellait pour sa part dans une xénophobie <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1354068818816969">d’abord dirigée contre d’autres Européens</a>, tout en dénonçant le pouvoir de Bruxelles, Parlement européen y compris. Longtemps, dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le souverainisme alla de pair avec ce type de rejet de la construction européenne. Mais Viktor Orban et le PiS polonais ont introduit une innovation doctrinale et idéologique que se sont aujourd’hui appropriée la grande majorité des partis nationalistes promouvant la souveraineté nationale : l’échelle européenne, et les institutions qui la rendent opérationnelle, ne sont antinomiques ni avec la souveraineté nationale ni avec l’indépendance du peuple national, qu’il s’agit de protéger et de magnifier.</p>
<p>Viktor Orban aime à expliquer que son parti, le Fidesz, est au PPE ce que la CSU, parti démocrate-chrétien ultraconservateur, est à la CDU en Allemagne. Il est vrai que le PPE a besoin de cet allié parfois encombrant. Ainsi, en février 2020 comme un an plus tôt en 2019, le PPE ne se résout pas à exclure Viktor Orban pour ses multiples provocations – il ne peut que le <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/hongrie/la-droite-europeenne-decide-de-suspendre-le-parti-de-viktor-orban-pas-de-l-exclure-6271919">« suspendre »</a>. De fait, cette suspension-inclusion montre à quel point le PPE est divisé sur la xénophobie et l’illibéralisme, et combien il se sent affecté par la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/27/europeennes-2019-percee-des-verts-des-liberaux-et-de-l-extreme-droite-dans-un-parlement-fragmente_5467891_3210.html">diminution de son score</a> aux européennes de 2019 (il ne pèse plus qu’un gros quart des sièges contre 29 % en 2014). Ces élections ont en revanche renforcé Viktor Orban : avec plus de 50 % des voix dans son pays, et 13 eurodéputés, le poids relatif de son parti Fidesz dans le PPE a augmenté. Orban demeure donc idéalement placé pour continuer à jouer, au sein d’un PPE affaibli, le rôle de tête de pont des nouveaux groupes nationalistes eurosceptiques.</p>
<p>Cette idéologie souverainiste, nationaliste et xénophobe – portée au nom des peuples européens et de l’Europe – s’insinue dans la quasi-totalité des eurogroupes parlementaires. Elle s’épanouit bien entendu au sein des deux groupes qui lui sont explicitement dédiés : Identité et Démocratie (ex-Europe des nations et des libertés, où l’on retrouve par exemple le RN français, la Ligue italienne, le FPÖ autrichien, l’AfD allemande, le PVV hollandais…) et CRE (Conservateurs et réformistes européens, rassemblés autour du PiS polonais). Mais elle se diffuse aussi au PPE (avec notamment le Fidesz d’Orban et Forza Italia de Silvio Berlusconi), au S&D (avec ses délégations maltaise et roumaine, par exemple) et même dans le groupe des Verts/ALE au travers du député élu sur la liste du parti Union russe de Lettonie et, s’agissant du souverainisme, dans une moindre mesure, au travers des deux députés danois du Parti populaire socialiste (SF).</p>
<p>Le nationalisme, l’illibéralisme et la xénophobie concernent également Renew Europe (RE). Dans ce groupe classiquement à l’avant-garde du fédéralisme européen, composé de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE) que personnifie Guy Verhofstadt, et augmenté de la macronienne LREM, on trouve en effet, et de longue date, le Parti libéral allemand (FDP) ; or, cet allié historique tantôt de la CDU tantôt du SPD est devenu depuis 2014 xénophobe et eurocritique ; il vient même de tester une <a href="https://theconversation.com/quelle-sortie-de-crise-pour-les-chretiens-democrates-en-allemagne-131596">alliance locale des droites</a> avec l’extrême droite dans le land de Thuringe !</p>
<p>Au sein de Renew Europe, on trouve aussi Ciudadanos, auquel on a pu comparer En Marche. Ce parti espagnol centriste s’est distingué en prônant une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/espagne-madrid-symbole-des-alliances-entre-ciudadanos-et-lextreme-droite">alliance électorale avec le nouveau parti xénophobe et réactionnaire Vox</a>, plutôt qu’avec le PSOE de Pedro Sanchez. Dans RE se trouve aussi ANO, le parti du populiste premier ministre tchèque Andrej Babis, qui se montre aussi critique envers « Bruxelles » que l’est Orban… et qui, comme son homologue hongrois, n’hésite pas à <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Fraude-fonds-europeens-Premier-ministre-tcheque-collimateur-2019-04-17-1301016382">détourner</a> les importants fonds européens publics de développement régional pour ses entreprises, sa clientèle d’affidés et son enrichissement personnel.</p>
<p>Depuis son retour au pouvoir en 2010, Viktor Orban, largement vainqueur des élections législatives hongroises de 2014 et 2018, propose donc, avec un succès qui mérite d’être salué, une innovation doctrinale déterminante : inscrire le nationalisme à l’échelle européenne et dans l’arène européenne. Il affirme à la fois l’importance de la nation hongroise et la nécessité, pour les nations européennes, de faire bloc contre ce qui pourrait menacer les valeurs qu’elles partagent selon lui, dans une construction en écho à la thèse du <a href="https://journals.openedition.org/anatoli/457">« choc des civilisations »</a> développée par le politologue américain Samuel Huntington. Il défend ainsi la lutte contre l’« islamisation de l’Europe », exigeant notamment le refus des flux migratoires venus du monde arabo-musulman. Au nom de la détestation des élites qui trahiraient le peuple, il minimise l’importance du libéralisme politique, de l’État de droit, du pluralisme et des institutions qui les font vivre, et qu’en Hongrie ses politiques publiques <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/22/en-hongrie-neuf-annees-d-affaiblissement-de-l-etat-de-droit_5465481_3210.html">érodent</a> avec efficacité.</p>
<p>Viktor Orban a donc sorti le nationalisme et le communautarisme de la simple opposition entre « pro » et « anti » européens : il se réclame lui aussi de l’Europe, pour y porter un projet bien différent de sa tradition humaniste et émancipatrice. Marine Le Pen en France et Matteo Salvini en Italie ont fait leurs cette doctrine au sein de leur eurogroupe parlementaire ENL, rebaptisé ID en 2019 et devenu, après le départ des eurodéputés britanniques, le quatrième eurogroupe du PE, devant les Verts qui ont perdu leurs députés britanniques suite au Brexit, comme Renew Europe. Par son europhobie et son nationalisme, ID reste très proche non seulement du Fidesz de Viktor Orban, mais aussi de l’eurogroupe parlementaire des Conservateurs et réformistes européens (CRE), qui ne perd que les quelques députés Tories alors en déroute élus en 2019, et dans lequel on trouve notamment les nationalistes flamands de la NVA et le PiS polonais. Les dirigeants du PiS, qui a obtenu plus de 40 % des voix en Pologne aux éuropéennes en mai 2019, ne cache pas qu’Orban représente pour lui une source d’inspiration.</p>
<p>Cette Europe orbanisée est aux antipodes de l’Europe urbanisée. « Urbanisée » s’entend ici au sens de cette qualité qu’on appelle l’urbanité. Les nationalistes, en effet, ne prisent guère le pluralisme, la mixité et le cosmopolitisme qui caractérisent la très grande ville.</p>
<p>De fait, le vote nationaliste a été en 2019 sous-représenté dans les grandes villes. Londres, Paris, Budapest et Helsinki en ont témoigné tout particulièrement, même si les métropoles de l’Italie du nord et de la France du sud-est ne se sont pas inscrites dans cette tendance.</p>
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<h2>Après le Brexit, une confrontation entre deux Europe antagonistes</h2>
<p>Le départ des eurodéputés britanniques va encore plus nettement mettre aux prises les deux visions de l’Europe. C’était déjà le cas auparavant mais, depuis 2014, entre 5 et 7 % des sièges au PE étaient d’une certaine façon « neutralisés » par les Brexiters.</p>
<p>Les nationalistes, tout en maintenant leur critique populiste de « Bruxelles », ont adapté leur offre politique à la demande de leurs électeurs qui ne veulent plus sortir de l’UE et qui tiennent à Erasmus, à l’euro, à la PAC, à Schengen, au corps des garde-frontières, à la politique commerciale face à la Chine… En démontrant à quel point les Européens sont interdépendants les uns des autres, le Brexit a <a href="https://theconversation.com/leurope-des-27-ne-veut-surtout-pas-imiter-le-brexit-130659">contribué à structurer cette demande</a>.</p>
<p>L’europhobie se caractérise aujourd’hui par sa méfiance voire sa détestation des valeurs au nom desquelles a été promue la construction européenne, y compris la supranationalité comme méthode de gouvernement. Mais, avec la sortie du Royaume-Uni, elle ne se caractérise plus par le projet de quitter l’UE ou l’euro. Le soutien à la construction européenne et l’euroscepticisme souverainiste représentent désormais deux projets opposés d’unité européenne et d’utilisation des institutions et des politiques publiques de l’UE. Ce face-à-face définira dans une large mesure les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132212/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec le départ des députés britanniques, il ne reste au Parlement européen que des forces favorables à la préservation de l’UE. Le combat politique n’en sera pas moins acharné.Sylvain Kahn, Professeur agrégé, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1244082019-10-01T18:45:24Z2019-10-01T18:45:24ZLa droite dure conquiert l’Autriche et offre des perspectives à ses voisins européens<p>Dimanche 29 septembre 2019, ce sont un peu plus de 8 millions d’Autrichiens qui se sont rendus aux urnes dans le cadre des législatives. Ces élections anticipées faisaient suite au scandale de l’« Affaire Ibiza » qui avait provoqué la démission des ministres FPÖ (extrême droite) du gouvernement Kurz plongeant ainsi le pays dans une crise politique.</p>
<p>Ces élections ont été marquées par une <a href="https://www.oe24.at/wahl2019">victoire écrasante du parti conservateur (ÖVP) de l’ancien chancelier Sebastian Kurz</a>. En effet les conservateurs ont obtenu (sans comptabiliser les votes postaux) près de 38,35 % des suffrages exprimés soit 6,88 points de plus par rapport aux législatives de 2017. Suivent ensuite les sociaux-démocrates qui recueillent 21, 54 % des voix mais qui perdent toutefois 5, 32 point par rapport au scrutin précédent.</p>
<p>Plombés par l’« Affaire Ibiza », le FPÖ, désormais mené par <a href="https://theconversation.com/norbert-hofer-le-candidat-de-lextreme-droite-autrichienne-voit-vert-123722">Norbert Hofer</a> enregistre sa plus forte baisse « n’obtenant que » 17, 25 % des voix. Il perd ainsi près de 8,72 points par rapport aux élections législatives de 2017. Si l’« Affaire Ibiza » l’a affaibli, il conserve toutefois un socle électoral solide. La ré-appropriation de certains des thèmes favoris du FPÖ (islam, immigration) par la droite de Kurz est aussi l’une des raisons qui expliquent ce score plus faible.</p>
<p>Enfin, la plus grosse progression est à mettre au profit de « Die Grünen » (les Verts) qui gagnent 8,55 points de plus par rapport à 2017. Ainsi, avec aucun élu au parlement durant la précédente législature, les Grünen reviennent en force et se positionnent avec leurs 12, 35 % obtenus dimanche comme un partenaire de coalition sérieux au côté de l’ÖVP.</p>
<p>Comment expliquer cette percée historique des conservateurs autrichiens ?</p>
<h2>Quelle coalition pour l’Autriche ?</h2>
<p>Les conservateurs dominent mais il leur faudra néanmoins former un gouvernement de coalition. <a href="https://www.merkur.de/politik/oesterreich-wahl-gruener-keilt-gegen-kurz-wenig-grundsaetze-und-sehr-viel-marketing-flop-fuer-fpoe-zr-13049974.html">Trois possibilités s’offrent à lui</a>.</p>
<p>D’une part, celle d’une alliance avec les sociaux-démocrates du SPÖ. Mais l’idée ne semble pas faire l’unanimité au sein des deux parties qui ont mené une <a href="https://www.arte.tv/de/afp/neuigkeiten/kurz-triumphiert-oesterreich-und-steht-vor-schwierigen-koalitionsgespraechen">campagne très agressive l’un contre l’autre</a>.</p>
<p>L’autre possibilité serait, tout comme en 2017, de s’allier avec le FPÖ. Même secoué par l’« Affaire Ibiza » et après ce revers électoral, le parti n’en demeure pas moins une force politique majeure du pays. Cependant, quelques heures après les résultats, la tête de liste du FPÖ, Norbert Hofer a déclaré qu’il ne se voyait pas reformer une coalition avec les conservateurs <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/autriche-l-extreme-droite-ecarte-une-nouvelle-coalition-avec-kurz-20190929">préférant que le parti se reconstruise dans l’opposition</a>.</p>
<p>Enfin, la dernière possibilité serait de former une coalition inédite en Autriche. Le Parti du Peuple et les Verts pourraient ainsi travailler ensemble au gouvernement. Si tel était le cas, cette alliance permettrait à Sebastian Kurz de rompre avec l’image de l’homme qui a <a href="https://kurier.at/politik/inland/gruene-zu-moeglicher-koalition-fuer-kurz-sind-wir-die-teuersten/400632944">ramené l’extrême droite au pouvoir</a>.</p>
<p>De plus, à une époque où les thèmes écologiques sont de plus en plus présents dans les débats actuels, la nouvelle configuration enverrait un message fort non seulement au peuple autrichien mais encore à ses partenaires européens. Cependant, de profondes divergences opposent encore l’ÖVP et les Grünen notamment en ce qui concerne la politique migratoire et la politique sociale à mener au niveau national.</p>
<h2>Pillage des sujets chers au FPÖ</h2>
<p>Sebastian Kurz a très vite compris qu’avec une extrême droite de plus en plus puissante en Autriche il se devait de droitiser son discours pour, à la fois conserver son socle électoral et éventuellement l’élargir à droite. C’est cette stratégie qui lui avait permis réaliser une remontée spectaculaire dès 2017.</p>
<p>Influencée par le FPÖ, dont l’immigration a toujours été au cœur de la campagne, la coalition ÖVP/FPÖ a opté pour un virage à droite lorsqu’elle était au pouvoir. Ainsi, le gouvernement Kurz a engagé une lutte contre l’immigration illégale et s’est positionné pour la <a href="https://kurier.at/politik/inland/kurz-diskutiert-mit-islam-religionslehrern-der-islam-gehoert-zu-oesterreich/109.687.906">réduction de l’immigration légale</a>.</p>
<p><a href="https://www.bundeskanzleramt.gv.at/bundeskanzleramt/nachrichten-der-bundesregierung/2017-2018/bundeskanzler-kurz-zum-europatag-schutz-der-au-engrenzen-ist-basis-fur-schengen-raum-.html">Renforcement massif des frontières extérieures de Schengen</a>. critique <a href="https://www.lepoint.fr/monde/merkel-attise-les-tensions-en-europe-avec-son-plan-sur-les-migrants-03-07-2018-2232894_24.php">acerbe d’Angela Merkel</a>. : la campagne électorale du Parti du peuple n’a cessé de plaider pour une refonte totale de l’accueil des immigrés au sein de l’Union européenne.</p>
<p>Par ailleurs le chancelier Kurz s’est emparé assez vite du sujet « islam », court-circuitant ainsi le FPÖ. Tout en maintenant un discours d’ouverture, estimant que l’islam avait sa place en Autriche, le chancelier Kurz avait soutenu, dès 2017, que cette religion devait « s’européaniser » dans une <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/06/08/l-autriche-prend-des-mesures-contre-l-islam-politique-en-fermant-des-mosquees-et-en-expulsant-des-imams_5311662_3214.html">perspective de cohésion nationale autrichienne</a>, sans chercher à remettre en cause la culture et l’« identité européenne ». Dans cette optique, en juin 2018, l’Autriche avait fait expulser des imams et fermer des mosquées <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2018/06/08/01003-20180608ARTFIG00335-l-autriche-lance-son-combat-contre-l-islam-politique.php">jugées extrémistes</a>. Le chancelier a par ailleurs été l’un des hommes politiques les plus insistants sur le fait que les musulmans en Autriche doivent se faire les portes-drapeaux des valeurs et lois autrichiennes tout en condamnant toutes formes de radicalité.</p>
<h2>Vers une union des droites au pouvoir</h2>
<p>Cette campagne a contribué à affaiblir le FPÖ de 2019 dont le programme a été entre autres fondé sur ces sujets.</p>
<p>En 2017 déjà, beaucoup avaient vu dans la coalition ÖVP/FPÖ une sorte « d’union des droites » <a href="https://www.zeit.de/politik/ausland/2017-12/oevp-fpoe-oesterreich-regierung-minister-asyl-europa">mieux à même de diriger le pays</a>.</p>
<p>Union des droites, terme que l’on a à nouveau entendu mais cette fois en France, le week-end dernier, avec la grande convention organisée entre autres par Marion Maréchal. Devant près de 2000 personnes, de nombreux intervenants se sont succédé pour parler immigration, islam ou encore <a href="https://www.lopinion.fr/edition/politique/convention-droite-marion-marechal-se-transforme-en-grand-messe-anti-198981">« union des droites et des patriotes »</a>.</p>
<p>Des thèmes chers aux partis d’extrême droite ou aux partis dits conservateurs ont ainsi été repris.</p>
<p>C’est le polémiste Eric Zemmour qui s’est exprimé le premier. Il a notamment déclaré que « l’homme blanc hétérosexuel pouvait être exterminé » ou encore qu’il se ralliait, même indirectement, à la <a href="https://www.lepoint.fr/politique/convention-de-la-droite-marion-marechal-vous-salue-bien-29-09-2019-2338380_20.php">théorie du grand remplacement de l’essayiste d’extrême droite Renaud Camus</a>. Tous ceux qui se sont succédé au pupitre n’ont pas manqué de se montrer critiques à l’égard du pouvoir en place et d’en référer aux thèmes cités.</p>
<p>Si officiellement « l’union des droites » n’a pas été mentionnée par les participants cette convention avait bel et bien pour but de créer une alliance <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Politique/A-la-convention-de-la-droite-propos-extremes-et-reves-d-union-1649787">entre les partis de droite en vue de la présidentielle de 2022</a>.</p>
<p>Cette convention de la droite avait vocation à unir différents courants de pensée politique pour en faire une <a href="http://www.leparisien.fr/politique/convention-de-la-droite-les-amis-de-marion-marechal-lancent-leur-rentree-28-09-2019-8161713.php">alternative crédible</a> au pouvoir français actuel. Les semaines à venir montreront s’ils en seront capables. En France, historiquement, la droite républicaine n’a jamais fait d’alliance avec l’extrême droite.</p>
<p>L’exemple autrichien leur servira-t-il désormais de modèle vers une nouvelle forme de conservatisme au niveau européen ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est Conseiller municipal d'opposition LR à Maxéville. </span></em></p>Les élections législatives autrichiennes ont vu une victoire du conservateur Kurz, offrant un modèle politique en résonance avec le souhait de coalition de certains partis de droite en France.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1237222019-09-27T02:18:35Z2019-09-27T02:18:35ZNorbert Hofer : le candidat de l’extrême droite autrichienne voit vert<p>Après de longues semaines de secousses internes, c’est finalement Norbert Hofer, 48 ans, qui a été investi le 14 septembre comme tête de liste du FPÖ, Freiheitliche Partei Österreichs, le Parti de la liberté d’Autriche aux <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/14/en-autriche-norbert-hofer-prend-la-tete-du-parti-d-extreme-droite-fpo_5510494_3210.html">élections législatives anticipées du 29 septembre 2019</a>. Considéré par les médias nationaux comme l’un des cadres de ce parti d’extrême droite, fondé par d’anciens néonazis, il a de ce fait la lourde tâche de présider à la destinée de sa formation politique. Et pour cela, il n’hésite pas à instiller des changements de programme, comme une virée vers l’écologie, pour faire perdurer la pensée politique du FPO.</p>
<p>Norbert Hofer fait en effet suite à Christian Strache. Ce dernier avait été forcé de <a href="https://www.bild.de/video/clip/oesterreich/strache-video-ibiza-affaere-61998292.bild.html">quitter ses fonctions</a> le 19 mai 2019, juste après le <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">scandale de l’« affaire Ibiza »</a></p>
<p>On voyait dans cette vidéo l’ancien patron du FPÖ Heinz-Christian Strache proposant à une femme – laquelle se présentait comme étant la nièce d’un grand oligarque russe – de financer le FPÖ d’une manière occulte et de racheter un grand média autrichien, le <em>Kronen Zeitung</em>. Le but de cette opération à l’époque était clair : propulser Strache au pouvoir.</p>
<p>Cette affaire avait mis fin à la coalition gouvernementale entre les conservateurs de l’ÖVP (Parti populaire autrichien) et le FPÖ.
Désormais, il revient à Norbert Hofer de prouver qu’il est capable de mener le FPÖ vers la victoire.</p>
<h2>Un candidat aux élections présidentielles remarqué</h2>
<p>Hofer est une figure déjà bien installée sur la scène autrichienne. Candidat malheureux du FPÖ à l’<a href="https://www.vienna.at/norbert-hofer-erzielte-trotz-niederlage-ein-top-fpoe-ergebnis/5044363">élection présidentielle autrichienne de 2016</a>, il avait néanmoins recueilli 49,7 % des suffrages exprimés.</p>
<p>Issu d’une famille modeste, fin stratège, Hofer, se place dans la lignée de Strache : intérêt très jeune à la politique et appétence pour le pouvoir. Il gravit un à un les échelons jusqu’à être élu en 2006 pour la première fois au Conseil national autrichien avant d’en devenir le troisième président à partir de 2013.</p>
<p>L’élection présidentielle de 2016 marque un tournant pour sa carrière. Non seulement Hofer réussit à devancer très nettement ses cinq autres concurrents en se classant premier avec 36,4 % au premier tour (il est battu de peu au second tour par le candidat écologiste Alexander Van der Bellen, actuel président autrichien) <a href="https://www.merkur.de/politik/norbert-hofer-gewinnt-fpoe-kandidat-wahl-2016-in-oesterreich-zr-6985540.html">mais il mène une campagne convaincante d’après la presse autrichienne</a>.</p>
<p>Il développe durant le débat d’entre deux tours les thèses habituelles du FPÖ, s’attaquant tour à tour au mariage homosexuel, aux technocrates de Bruxelles ou encore signalant le rôle néfaste joué par l’Autriche dans la crise migratoire.</p>
<p>Cette élection présidentielle n’a ainsi été qu’un demi-échec pour le FPÖ du fait de la performance de Norbert Hofer.</p>
<h2>Un visage connu et apprécié</h2>
<p>Jouissant d’une image plus policée que son prédécesseur, Norbert Hofer est connu du grand public autrichien, puisqu’il faisait partie des six ministres issus du FPÖ sous le gouvernement de Sebastian Kurz. Ayant hérité du portefeuille des Transports, il était considéré comme l’un des ministres les plus consensuels et n’a jamais été l’objet d’une quelconque polémique pouvant mettre à mal la coalition.</p>
<p>Ce n’est que très récemment qu’il a suscité le malaise <a href="https://www.youtube.com/watch?v=xutyqwIQqTU">au sein de la chancellerie</a>. En témoigne la petite phrase prononcée lors d’un meeting politique le 7 septembre 2019 : l’islam « ne faisait pas partie de notre culture, de notre histoire et n’en fera jamais partie ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Discours de Hofer le 7 septembre 2019 sur la chaîne de son parti, FPO TV.</span></figcaption>
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<p>Cette rhétorique s’inscrit dans la ligne droite du FPÖ.</p>
<p>Cette déclaration traduit bien la volonté de Norbert Hofer d’être à la fois le candidat du renouveau, suite au « Ibizagate » tout en restant le candidat qui s’inscrit dans la tradition d’une formation politique qui a, depuis sa fondation, mis en avant la « priorité nationale ».</p>
<p>Dans le domaine de l’immigration, l’ancien chef du FPÖ, Heinz-Christian Strache avait, depuis quelques années, articulé son discours en direction de l’islam, religion qu’il jugeait incompatible avec l’histoire de l’Autriche. Lors d’une convention organisée conjointement par l’AfD et le FPÖ, il avait plaisanté en déclarant à propos de l’islam que :</p>
<blockquote>
<p>« Les Autrichiens n’étaient pas aussi bons à la course à pied que pouvaient l’être les musulmans, car eux ne volaient pas… ».</p>
</blockquote>
<p>Cette phrase avait été reprise dans la presse autrichienne, pointant du doigt les relents racistes d’Heinz-Christian Strache. En fait, ces paroles étaient mûrement pensées et faisaient suite à des meetings politiques en Autriche au cours desquels il proclamait <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=10152922218068591">« qu’il ne voulait en aucun cas d’une islamisation de l’Autriche »</a>.</p>
<p>Cette volonté de montrer l’étranger du doigt est une vieille tradition du FPÖ. Déjà sous Jörg Haider, l’étranger était stigmatisé car il venait « voler le travail des Autrichiens ».</p>
<h2>Un écologiste dans l’âme ?</h2>
<p>La seule nouveauté, apparue dans le programme du FPÖ, est de mener une politique environnementale ambitieuse. Ce thème circule désormais comme une volonté du parti de ne pas évoquer uniquement l’immigration ou l’insécurité afin de chercher à élargir son électorat par des propositions nouvelles.</p>
<p>Par exemple <a href="https://www.tagesstimme.com/2019/06/05/norbert-hofer-klima-und-umweltschutz-werden-fpoe-schwerpunkte/">il préconise de privilégier les trajets en vélos et à pied</a>. Selon lui cela a un double impact : rester en bonne santé en faisant de l’exercice mais aussi protéger l’environnement.</p>
<p>De plus, Norbert Hofer estime que le sujet de l’environnement étant actuellement à la mode, c’est maintenant que des décisions politiques fortes doivent être prises afin de laisser un monde meilleur aux générations futures.
Il soutient ainsi qu’il faut augmenter encore plus le budget alloué à l’environnement et à l’énergie comme il avait pu le suggérer lorsqu’il était ministre.</p>
<p>Le FPÖ semble porter un intérêt réel à ces sujets et répondre en même temps aux attentes des citoyens sur ce thème. Norbert Hofer s’est engagé une fois élu, à mettre l’<a href="https://diepresse.com/home/innenpolitik/5639652/Norbert-Hofer-will-die-FPOe-gruener-machen">environnement au cœur de son mandat politique</a>.</p>
<h2>Reconquérir l’électorat</h2>
<p>Le parti a néanmoins un travail de fond à entamer pour reconquérir son électorat, déçu par le scandale Ibiza. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=xutyqwIQqTU">Lors de son premier discours</a> en tant que président du FPÖ, Norbert Hofer a annoncé vouloir faire de son mouvement la première force politique d’Autriche, bien que les chiffres placent le parti loin derrière celui des conservateurs.</p>
<p>En effet, <a href="https://www.ots.at/presseaussendung/OTS_20190912_OTS0198/oesterreich-umfrage-oevp-und-fpoe-verlieren-neos-legen-zu">d’après plusieurs instituts de sondages</a>, le FPÖ n’est crédité que de 20 % des suffrages soit 6 points de moins qu’aux législatives de 2017 (25, 97 %). Norbert Hofer, malgré un discours politiquement plus correct que son prédécesseur, n’a pourtant pas voulu procéder à l’exclusion des membres du FPÖ les plus radicaux – ceux-ci étant une part importante et fidèle de l’électorat traditionnel du FPÖ.</p>
<h2>Jeux d’influence avec l’Allemagne</h2>
<p>Cette élection législative autrichienne arrive dans un contexte européen avec une montée accrue des partis d’extrême droite. Ainsi, <a href="https://www.welt.de/politik/deutschland/article199149035/Sachsen-Wahl-2019-Wahlergebnisse-und-Grafiken-im-Ueberblick.html">il y a quelques jours en Allemagne</a> les Länder de Saxe et de Brandebourg ont vu l’AfD effectuer une percée remarquée. En Saxe, l’AfD est passé de 9,7 % en 2014 à 27,5 % des voix en 2019, tout comme dans le Brandebourg où il passe de 12,2 % en 2014 à 22,5 % en 2019.</p>
<p>Pour rappel, l’AfD avait fait une entrée historique au Bundestag en 2017 en obtenant 12,6 % de suffrages. Pour la première fois depuis 1945, l’extrême droite allemande revenait au parlement national. En Saxe, chez les 18-24 ans, l’AfD recueille presque 20 % des suffrages, ce qui représente presque autant que le parti « Die Grünen » (Verts). Ce résultat traduit bien l’essor de ce mouvement politique qui est en train de mettre fin à la bipolarisation entre la CDU et le SPD.</p>
<p>En dépit de ce recul, les partis allemands dits traditionnels restent gagnants sur la scène politique ; les résultats, néanmoins, inquiètent les Allemands qui craignent une arrivée à court terme de l’AfD au pouvoir, lequel, à l’instar de ce qui se passe en Autriche, s’impose de plus en plus sur l’échiquier politique national.</p>
<p>En Allemagne comme en Autriche, les deux partis d’extrême droite se retrouvent aux portes du pouvoir. Si l’examen de conscience sur le passé a été fait d’une manière plus approfondie en <a href="https://www.derstandard.at/story/2000086222807/die-braunen-wurzeln-der-fpoe">Allemagne qu’en Autriche</a>, il n’en demeure pas moins que le réveil des nationalismes exacerbés pourrait avoir raison de la conscience collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123722/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est membre conseiller municipal Les Républicains à Maxéville (54). </span></em></p>La nouvelle tête de liste du FPÖ, parti autrichien fondé par d’anciens néonazis, espère convaincre les électeurs ce 29 septembre en prenant un virage écologiste.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1202342019-07-18T19:08:55Z2019-07-18T19:08:55ZŒnotourisme, la course mondiale à l’innovation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283653/original/file-20190711-173351-g4lf8c.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C347%2C880%2C662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'agence de voyage alsacienne LK Tours propose aux touristes de visiter les vignobles à bord d'un bus cabriolet.</span> <span class="attribution"><span class="source">LK Tours </span></span></figcaption></figure><p>Des vignobles vallonnés à perte de vue. Des propriétés de charme. Des caves fraîches où l’on déguste des nectars… le tourisme œnologique ne date pas d’hier. Nombreux sont les connaisseurs qui visitent régulièrement les caves afin de dénicher à bon prix les bouteilles qui, le temps venu, orneront leurs tables. Mais cet œnotourisme traditionnel est aujourd’hui en pleine révolution. Objectif : conquérir de nouveaux publics, plus jeunes, plus internationaux, susceptibles d’apporter aux régions viticoles des compléments de revenu particulièrement précieux dans un temps où la consommation de vin a <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/la-production-de-vin-s-envole-la-consommation-stagne_2072461.html">tendance à stagner</a> et où la concurrence s’exacerbe.</p>
<p>Organisées fin juin à Strasbourg, les <a href="https://winetourism2019.sciencesconf.org/">premières rencontres scientifiques internationales sur l’œnotourisme</a>, ont permis de mettre en évidence l’ampleur des transformations à l’œuvre dans ce secteur en plein essor au travers la présentation d’<a href="https://winetourism2019.sciencesconf.org/data/pages/Proceedings_V1.pdf">études et de travaux de recherche en cours</a>. Il en ressort notamment que l’Europe s’inspire souvent à sa manière de tendances nées dans le Nouveau Monde.</p>
<h2>Les millenials, cible prioritaire</h2>
<p>La création de « Cités du vin » est un des phénomènes les plus marquants de ces dernières années. Objectif : amener les vignobles dans la ville. Autrement dit, permettre aux touristes de découvrir en quelques heures de nombreux vins, sans avoir à parcourir des kilomètres. Bordeaux a beaucoup communiqué sur l’ouverture récente de sa Cité. Un espace analogue a ouvert à Adélaïde en Australie. Boston, aux États-Unis, est le lieu d’un festival du vin réputé.</p>
<p>Mais c’est l’expérience barcelonaise qui a retenu l’attention des chercheurs. L’Espagne est le <a href="https://www.larvf.com/,vins-espagne-premier-producteur-mondial-de-vin,4364296.asp">premier pays exportateur mondial</a> de vin en volume, et Barcelone la destination d’un tourisme de masse que les Barcelonais aspirent à faire monter en gamme. Ce n’est donc pas un hasard si une offre spécifique combinant dégustations et activités autour des vins et mets locaux s’y est créée ces dernières années, impliquant de nombreux vignerons de la région et des bars à vins associés.</p>
<p>Une étude de cas portant sur la ville de Barcelone, menée par deux chercheurs italiens, montre comment cette offre, devenue régulière, est parvenue à attirer, au-delà du public de connaisseurs qui visite traditionnellement les domaines, des touristes plus jeunes ayant une culture du vin limitée, et qui s’y sensibilisent ainsi, en ayant peu d’efforts à fournir.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/283655/original/file-20190711-173366-1bs4enl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283655/original/file-20190711-173366-1bs4enl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283655/original/file-20190711-173366-1bs4enl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283655/original/file-20190711-173366-1bs4enl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283655/original/file-20190711-173366-1bs4enl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283655/original/file-20190711-173366-1bs4enl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283655/original/file-20190711-173366-1bs4enl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283655/original/file-20190711-173366-1bs4enl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les millennials, nouvelle clientèle à conquérir pour les acteurs du vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Natalia Velikova</span></span>
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<p>Les millennials, qui boivent sensiblement moins que leurs aînés, sont justement une des cibles prioritaires des régions qui cherchent à développer l’œnotourisme. Une recherche récente, menée par des chercheurs américains cette fois, a mis en évidence les attentes et les réticences de cette jeune génération. Disposant de peu de temps, ils désirent des expériences relaxantes, et accordent une importance majeure à l’esthétique des paysages et à l’atmosphère des domaines, bien plus qu’aux dégustations à proprement parler.</p>
<p>La qualité de l’image diffusée sur le net par les domaines et plus largement par les régions viticoles joue à cet égard un rôle clé dans leur succès auprès de cette population dont le smartphone est aujourd’hui la boussole.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-millennials-dictent-les-nouveaux-codes-du-rose-119421">Quand les millennials dictent les nouveaux codes du rosé</a>
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<p>De manière générale, l’usage du numérique se développe dans le milieu de l’œnotourisme. En France, <a href="https://www.geovina.com/">Geovina</a> fait figure d’appli pionnière, aidant les amateurs de bons vins à se concocter des voyages sur mesure dans les régions viticoles de l’Hexagone. En Alsace, une agence de voyage, <a href="https://www.lktours.fr/">LK Tours</a>, s’est lancée à échelle régionale, proposant aux touristes non motorisés un parcours dans un bus à cabriolet, le <a href="https://kutzig.fr/">Kutzig</a>, avec une appli leur permettant de repérer facilement les activités offertes dans chaque village.</p>
<h2>Des réussites collectives</h2>
<p>Ces innovations résultent à chaque fois d’un travail collectif mené par des clusters d’innovation solidement implantés. Réalisée en Allemagne, une recherche montre l’importance déterminante de ces écosystèmes dans la création des nouvelles offres touristiques. Ne réussissent à dynamiser leurs activités que les acteurs qui parviennent à travailler de concert, tous métiers associés : vignerons, hôteliers, restaurateurs, voyagistes, cavistes, guides, start-up technologiques, etc.</p>
<p>Une autre recherche, menée cette fois en Afrique du Sud, confirme à quel point les réussites sont toujours collectives. La ferme de Fairview, fondée au XVII<sup>e</sup> siècle à 50 kilomètres de Cape Town et réputée pour sa production de vins et de fromages, a réussi à devenir une attraction de premier plan, avec ses ateliers permettant d’apprendre à reconnaître les vins et à fabriquer les fromages.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1095382146188017664"}"></div></p>
<p>Se sont montées successivement à proximité immédiate une fabrique de bière artisanale, un atelier de torréfaction de café, ou encore une chocolaterie, permettant à chaque fois aux touristes d’apprendre auprès des artisans et de participer symboliquement à la production. L’image d’authenticité du lieu, son ancrage dans l’environnement naturel sont des facteurs clés d’un succès devenu emblématique en Afrique du Sud, avec près de 500 000 visiteurs par an ! Fairview en est venu à servir de modèle à d’autres domaines fragilisés par la concentration accélérée de la distribution des vins et ne pouvant plus vivre de la seule vente de bouteilles aux négociants.</p>
<p>Dans le Sud-Tyrol, en Autriche, une recherche sur les <a href="https://www.vinumhotels.com/en/winehotel/1-0.html">Vinum Hotels</a> met en évidence la manière dont ils ont aussi su jouer la carte de l’authenticité et de la nature, mais dans un cadre tout différent. Ce ne sont pas des vignerons qui ont ici pris le lead, mais cette fois une trentaine d’hôteliers indépendants, proposant aux touristes des moments privilégiés au milieu des vignobles : dégustations et visites, découverte des traditions locales et de l’environnement naturel, rencontre de vignerons et spas luxueux, etc. Une approche un peu comparable à celle qui a fait le <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/success-stories/1381-la-saga-caudalie-44513.php">succès de Caudalie</a> dans le Bordelais, en s’appuyant sur l’image de marque d’un terroir prestigieux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283656/original/file-20190711-173351-19hs6u3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283656/original/file-20190711-173351-19hs6u3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283656/original/file-20190711-173351-19hs6u3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283656/original/file-20190711-173351-19hs6u3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283656/original/file-20190711-173351-19hs6u3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283656/original/file-20190711-173351-19hs6u3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283656/original/file-20190711-173351-19hs6u3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En Autriche, ce sont les hôteliers qui donnent l’impulsion en matière de développement de l’œnotourisme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vinum Hotels Südtyrol</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Mieux connaître les visiteurs</h2>
<p>Les néo-ruraux apportent souvent une contribution majeure à ces évolutions, montre une étude réalisée en France. Décomplexés par rapport aux approches marketing, ils ne sont pas freinés dans leurs actions par des identités professionnelles traditionnelles ancrées avant tout dans la technique vini et viticole. Pour ces viticulteurs venus d’horizons très divers, l’accueil de touristes est une activité qui semble naturellement complémentaire à la production de vins. Et ces nouveaux viticulteurs devraient voir leur nombre sensiblement augmenter. En France, notamment, un domaine sur cinq va devoir trouver un repreneur dans les cinq années qui viennent.</p>
<p>L’ouverture à des publics internationaux sera selon toute vraisemblance le plus grand défi de cette nouvelle génération. Dans un contexte de <a href="http://www.quotidiendutourisme.com/destination/la-croissance-du-tourisme-est-encore-plus-rapide-que-prevue/182778">croissance très rapide du tourisme mondial</a>, c’est toute une industrie touristique qui pourrait se développer loin des régions côtières sur fréquentées et des capitales. Mais cela exige une finesse d’analyse des différents publics susceptibles de visiter vignobles et domaines. Les touristes japonais n’ont pas les mêmes attentes que les Américains, les Chinois ou les Indiens par exemple. Or, dans des territoires pourtant dynamiques comme l’Alsace, une étude montre que peu de professionnels sont aujourd’hui capables de leur proposer des offres différenciées.</p>
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<p><em>Cet article s’appuie sur les <a href="https://winetourism2019.sciencesconf.org/data/pages/Proceedings_V1.pdf">études</a> présentées lors des <a href="https://winetourism2019.sciencesconf.org/">premières rencontres scientifiques internationales sur l’œnotourisme</a> organisées fin juin à Strasbourg.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Coralie Haller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un secteur en pleine transformation, les initiatives se multiplient pour attirer les visiteurs.Coralie Haller, Enseignant-Chercheur, EM Strasbourg, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1176372019-05-23T22:13:08Z2019-05-23T22:13:08ZEuropéennes : cinq infos indispensables avant d’aller voter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276075/original/file-20190523-187172-achyh5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C23%2C1180%2C777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vote pour renouveler le Parlement européen a lieu entre le 23 et 26 mai 2019.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/vectors/%C3%A9lections-europ%C3%A9ennes-choix-europe-4216066/">parsucco/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Des millions d’électeurs s’apprêtent ce dimanche à choisir les 751 membres du Parlement européen parmi 28 états membres et représenter ainsi 512 millions de citoyens à travers l’Union européenne. <a href="https://theconversation.com/european-elections-a-beginners-guide-to-the-vote-114473">Ces élections européennes</a>, un gigantesque exercice démocratique, auront de profondes conséquences pour les citoyens européens et le rôle de l’UE à l’échelle internationale.</p>
<p>Voici les cinq informations clefs qu’il faut avoir en tête et qui pourraient bien redéfinir l’Europe, et peut-être, le monde.</p>
<h2>Les populistes gagnent-ils du terrain ?</h2>
<p>Les flambées populistes font partie intégrante de la vie politique. Dans son histoire récente, l’Europe a vécu des périodes où des partis politiques pro-européens ont cédé plusieurs fois le pas à des mouvements populistes anti-européens tout comme d’ailleurs de nombreux États à travers le monde.</p>
<p>Les mouvements populistes actuels ont tendance s’attacher à des questions d’ordre national, s’opposantn souvent à des décisions clefs du gouvernement, comme l’a démontré le mouvement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a> ou plus internationales, s’interrogeant par exemple sur l’utilité même de l’Union européenne, ou encore s’attardant sur des tendances plus spécifiques telles que les migrations ou la mondialisation.</p>
<p>Les élections de 2019 sont l’opportunité parfaite pour ces mouvements populistes de gagner du terrain sur le plan international.</p>
<p>Parmi les partis les plus à même de gagner des sièges au parlement, citons celui de Nigel Farage, le <a href="https://theconversation.com/le-brexit-une-tragedie-shakespearienne-107152">Brexit party</a> au Royaume-Uni, le <a href="https://theconversation.com/le-fn-de-marine-le-pen-ni-vichy-ni-antisysteme-52267">Rassemblement national de Marine Le Pen</a> et la Ligue de Matteo Salvini en Italie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/italie-les-cles-de-la-popularite-de-matteo-salvini-109354">Italie : les clés de la popularité de Matteo Salvini</a>
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<p>Le parti d’extrême-droite allemande <a href="https://theconversation.com/la-renaissance-de-lextreme-droite-en-allemagne-66094">Alternative pour l’Allemagne</a> (AfD) est aujourd’hui le plus large parti d’opposition dans le pays mais il ne devrait pas être un compétiteur de grande envergure, tout comme le <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">parti autrichien FPÖ, actuellement en pleine tumulte</a>.</p>
<p>La Hongrie en revanche pourrait être représentée par le parti de centre-droit Fidesz (et ce en dépit de <a href="https://www.opendemocracy.net/en/breaking-fresh-evidence-hungary-vote-rigging-raises-concerns-fraud-european-elections/">nombreuses allégations</a> à l’encontre de la validité du dernier scrutin national).</p>
<p>La Pologne sera elle aussi divisée entre des groupes pro-européen comme la <a href="http://www.rfi.fr/europe/20190518-pologne-coalition-europeenne-mobilisent-varsovie">Coalition européenne</a> et le parti Droit et justice qui défend l’idée d’une Europe « chrétienne » constituée d’États souverains.</p>
<h2>Comment le Parlement européen se constituera-t-il ?</h2>
<p>Après les élections, les nouveaux élus des partis populistes, de droite comme de gauche, devront se positionner au sein des <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/quels-sont-les-groupes-politiques-representes-au-parlement-europeen.html">huit groupes politiques présents au Parlement</a>. Ils peuvent également choisir de ne pas s’associer à ces partis. Ces choix auront d’importantes conséquences sur la façon dont travaillera le Parlement.</p>
<p>En travaillant au sein de la coalition, ils peuvent influencer des décisions clefs (par exemple s’opposer à l’euro, peser sur les politiques migratoires ou en diplomatie étrangère) et créer des consensus avec les autres partis, de droite comme de gauche.</p>
<p>De même, ils peuvent refuser de s’engager sur certaines législations et bloquer la prise de décision au sein du Parlement.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/une-europe-sous-linfluence-de-forces-populistes-encore-desunies-115965">Les partis populistes</a> ayant formulé des programmes bien spécifiques sur certaines questions européennes – y compris celles impliquant une dimension internationale – auront plus ou moins de poids selon le nombre de sièges obtenus.</p>
<iframe src="https://public.flourish.studio/visualisation/374664/embed" frameborder="0" scrolling="no" style="width:100%;height:600px;" width="100%" height="400"></iframe>
<div><a class="‘flourish-credit’" target="‘_top’"><img> </a></div>
<p>Un regroupement des votes vers le centre-droit verrait le conservateur <a href="https://www.eppgroup.eu/">Parti Européen du Peuple ; (PPE)</a> renforcé. Il s’agit du groupe parlementaire le plus important actuellement avec 217 sièges occupés par des euro-députés de tous les États membres soit 29 % des députés européens. Il imposerait le prochain agenda parlementaire et pourrait revigorer postes et politiques décisionnaires clefs au sein de l’UE.</p>
<p>Au contraire, si les électeurs désertent le centre-droit et les partis populistes, les partis démocrates et socialistes deviendront les deuxième et troisième partis les plus importants, ce qui compliquera la vie de la coalition du centre-droit et celle du PPE.</p>
<h2>Les Verts peuvent-ils changer la donne ?</h2>
<p>Le poids des Verts dans cette élection ne doit par ailleurs pas être sous-estimée. En Angleterre comme dans le reste de l’Union, les partis dits Verts espèrent rallier les voix de celles et ceux mal à l’aise avec les messages simplistes des partis d’extrême-gauche ou d’extrême-droite. La force des partis Verts est alors de proposer une narrative qui sort de la dynamique d’opposition de type « eux » contre « nous » en fédérant les citoyens autour d’une cause commune et universelle : faire <a href="https://theconversation.com/la-montee-en-puissance-dune-justice-climatique-mondiale-105867">face au changement climatique</a>.</p>
<p>Le Parlement européen ne compte pas un mais deux groupes à tendance écologiste et tous deux devraient augmenter leur nombre de sièges.</p>
<p>S’ils parvenaient à s’entendre et à rallier d’autres groupes à leur cause, le Parlement européen pourrait devenir moteur dans la lutte contre le changement climatique tout en renforcement la capacité de l’institution à travailler avec la Commission européenne et les législations européennes en vigueur sur le sujet.</p>
<p>L’UE deviendrait alors un acteur incontournable face à des puissances sous influence de dirigeants climatosceptiques comme les États-Unis ou le Brésil.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/climatoscepticisme-energies-fossiles-sortie-de-laccord-de-paris-trump-affole-la-planete-69296">Climatoscepticisme, énergies fossiles, sortie de l’Accord de Paris : Trump affole la planète</a>
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<h2>Le Royaume-Uni choisira-t-il à nouveau le Brexit ?</h2>
<p>Depuis le référendum actanten juin 2016 le départ du Royaume-Uni de l’UE, le <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=le+Brexit">Brexit</a>, le gouvernement britannique demeure dans l’incapacité de s’accorder sur un accord de sortie.</p>
<p>Ce trou noir législatif est aussi une opportunité de dénigrer les pouvoirs en place.</p>
<p>Ainsi le Brexit Party de Nigel Farage offre une échappatoire : « vous voulez quitter l’UE ? Votez pour nous et nous ferons en sorte que ce message soit entendu ». Même si, en pratique les parlementaires européens ne peuvent imposer le Brexit depuis le Parlement européen.</p>
<p>En revanche, les partisans du « Remain » ne sont pas forcément unis quant à leur différents objectifs sur le plan européen, ce qui rend leur communication – et l’adhésion à leur projet européen- plus difficile et moins lisible pour le citoyen britannique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les discussions entre le Royaume-Uni et l’UE sur le Brexit se trouvent dans une impasse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/HaTrIRCH_WI">kevin grieve/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Qui seront les futurs responsables de l’UE ?</h2>
<p>Le Parlement européen a gagné en autorité, en visibilité et en légitimité depuis la première élection de 1979.</p>
<p>C’est désormais une institution sur laquelle les États membres s’appuient, qui légifère de concert avec la Commission européenne et scrute les législations proposées sur le commerce, la diplomatie extérieure, les questions environnementales ou encore le budget de l’Union.</p>
<p>C’est aussi le parlement qui choisit les profils des responsables au plus hauts postes de la Commision européenne. Les principaux partis européens proposent ainsi leur « tête de liste » au Conseil européen pour le poste de président de la Commission européenne (parmi d’autres postes). Actuellement <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/elections-europeennes-2019-les-candidats-a-la-presidence-de-la-commission.html">six candidats sont en lice (Spitzenkandidat)</a> parmi les huit groupes parlementaires.</p>
<p>Ils seront, tout comme les parlementaires européens, en charge de promouvoir et construire la stratégie <a href="https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-and-fiscal-policy-coordination/eu-economic-governance-monitoring-prevention-correction/european-semester/framework/europe-2020-strategy_fr">Europe 2020</a>.</p>
<p>Au centre de cette feuille de route se trouvent notamment les relations bilatérales dans le cadre de la coopération franco-allemande ainsi que la délicate question des équilibres régionaux des pays baltes aux Balkans. Il faudra par ailleurs compter sur de nouveaux partenaires désormais indissociables de la stratégie européenne, comme le Canada et la Chine tout en réanimant le travail déjà commencé avec les États-Unis autour des questions sensibles que sont le commerce, l’aide au développement et la concurrence internationale.</p>
<p>Qui des populistes ou des pro-européens l’emportera ? Les premiers résultats nous indiqueront quelle Europe se profilera pour demain.</p>
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<figcaption><span class="caption">INA, 15 mai 1979.</span></figcaption>
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<p><em>Traduction de la version originale en anglais par Clea Chakraverty.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amelia Hadfield a reçu, lors de son dernier poste à la Canterbury Christ Church University un financement européen Jean Monnet. Elle n'a cependant pas reçu d'autres financement depuis qu'elle a pris son poste en tant que cheffe du département Politique de l'Université de Surrey. </span></em></p>Quels sont les points clefs de ce scrutin ? Et quel sera l’impact pour l’Union européenne de demain ?Amelia Hadfield, Head of Department of Politics, University of SurreyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1173842019-05-21T07:07:10Z2019-05-21T07:07:10ZL’Autriche dans la tourmente de « l’affaire Ibiza »<p>C’est une vidéo qui a mis le feu aux poudres au sein du parti d’extrême droite autrichien le FPÖ, présidé par Heinz-Christian Strache. « L’affaire Ibiza », comme la nomment de nombreux médias, a débuté vendredi soir 17 mai, quand les journaux allemands, le <em>Süddeutsche Zeitung</em> et <em>Der Spiegel</em>, ont diffusé une vidéo tournée en caméra cachée, il y a un peu plus de deux ans.</p>
<p>On y voit le patron du FPÖ proposant à une femme – laquelle se présente comme étant la nièce d’un grand oligarque russe – de financer le FPÖ d’une manière occulte et de racheter un grand média autrichien, le <a href="https://www.krone.at/"><em>Kronen Zeitung</em></a>. Le but de cette opération à l’époque était clair : propulser Strache au pouvoir.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8Jlcy3pFGu0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La vidéo à été tourné à Ibiza en 2017, on y voit le leader de la FPÖ Strache et son collègue Gudenus avec une prétendue nièce d’un oligarque russe.</span></figcaption>
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<h2>Heinz-Christian Strache, l’homme du scandale</h2>
<p>Mais qui est Heinz-Christian Strache, l’homme qui se trouve dans la tourmente et qui a été contraint de quitter ses fonctions de vice- chancelier ?</p>
<p>Quelques éléments biographiques permettent de mieux cerner une personnalité complexe. Durant son enfance, Heinz-Christian Strache a été éduqué en internat. C’est à cette époque qu’il va commencer à s’intéresser à la politique. Dès l’âge de quinze ans, il assiste à des réunions d’extrême droite.</p>
<p>C’est à peu près au même âge qu’il fréquente les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/strache-la-chute-du-m-propre-de-l-extreme-droite-autrichienne-18-05-2019-2313456_24.php">« Wiking-Jugend » (WJ), (les Jeunesses Wiking), une organisation néonazie</a>. Plusieurs photos seront publiées de ces réunions, au début des années 2000, simultanément avec le début de son ascension politique en Autriche. Elles le montrent en train de faire des signes et gestes nazis. Tout comme Jörg Haider, Heinz-Christian Strache a voulu réhabiliter les soldats nazis. En novembre 1989, il était même allé jusqu’à rencontrer le révisionniste britannique, David Irving, à l’occasion d’une conférence que ce dernier donnait à Vienne.</p>
<p>Confronté aux photos publiées par la presse au début des années 2000, il affirme avoir été <a href="https://gfx.sueddeutsche.de/apps/e563408/www/">« là juste pour écouter »</a> et récuse « toute forme d’adhésion idéologique ».</p>
<p>Toujours dans les années 1990, Strache assiste à une réunion politique à laquelle participent également Horst Rosenkranz et Gerd Honsik, <a href="https://gfx.sueddeutsche.de/apps/e563408/www/">deux personnalités de l’extrême droite se revendiquant du néonazisme</a>.</p>
<h2>En Autriche, la coalition vole en éclats</h2>
<p>La vidéo incriminée a eu pour conséquence de fragiliser l’actuelle coalition gouvernementale ÖVP/FPÖ, dirigée par le jeune chancelier Sebastian Kurz. À l’extérieur, les réactions, aussi bien au niveau national qu’européen, ne se sont pas faites attendre.</p>
<p>Le président autrichien Alexander Van der Bellen a convoqué des élections anticipées pour septembre prochain, insistant sur le fait qu’il fallait redonner confiance au plus vite dans la classe politique autrichienne et montrer une <a href="https://www.lecho.be/economie-politique/europe/elections/le-president-autrichien-pour-des-elections-anticipees-debut-septembre/10128541.html">image digne au niveau européen</a>.</p>
<p>Sebastian Kurz, chancelier autrichien et chef du parti conservateur autrichien l’ÖVP, a mis fin à la coalition gouvernementale, qui n’aura donc duré <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/autriche-kurz-annonce-des-legislatives-anticipees-20190518">que dix-huit mois</a>. Dès le lendemain de la diffusion de la vidéo, le chancelier Kurz déclarait que, dans ces conditions, « il était (lui) impossible de rester au pouvoir ».</p>
<p>En outre, le jeune chef du gouvernement a dénoncé le refus du FPÖ de changer de stratégie politique et regrettait publiquement les attaques incessantes d’Heinz-Christian Strache à l’encontre de la démocratie et des médias, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/18/autriche-en-pleine-crise-gouvernementale-kurz-annonce-des-legislatives-anticipees_5463993_3210.html">mettant à mal l’image de l’Autriche au niveau international</a>.</p>
<h2>Coup dur pour les nationalistes européens</h2>
<p>À l’étranger, le chancelier autrichien a obtenu un soutien de marque, en provenance d’Allemagne. À Berlin, c’est la présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, qui a tenu à apporter son appui au chancelier Kurz, suite à sa décision de rompre la coalition. La dauphine désignée d’Angela Merkel a ainsi affirmé :</p>
<blockquote>
<p>« Strache montre que les populistes d’extrême droite ne s’intéressent qu’à eux et pas à leur pays, à l’Europe ou au futur. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1130072843088211968"}"></div></p>
<p>En France, la présidente du Rassemblement national s’est, quant à elle, interrogée sur le timing des révélations fournies par cette vidéo <a href="https://www.lopinion.fr/edition/politique/corruption-fpo-scandale-abime-raout-nationaliste-autour-pen-salvini-a-187325">à seulement quelques jours du scrutin européen</a>. Marine Le Pen a, par ailleurs, a insisté sur le fait que le FPÖ restait un grand parti avec pas moins de 25 % des suffrages obtenus aux dernières élections.</p>
<p>De fait, le FPÖ est l’un des partis d’extrême droite les plus influents au niveau européen et le seul à avoir atteint un tel degré de responsabilité en Autriche, se voyant confié la vice-chancellerie et deux ministères régaliens.</p>
<p>Mais pour les leaders d’extrême droite au niveau européen, c’est un vrai coup dur à quelques jours des élections.</p>
<p>La démission d’Heinz-Christian Strache est intervenue le <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/05/17/a-milan-les-extremes-droites-reunies-autour-de-matteo-salvini_1727871">samedi 18 mai, jour où 12 partis d’extrême droite s’étaient donné rendez-vous à Milan</a> pour un grand meeting autour de Matteo Salvini et de Marine Le Pen.</p>
<h2>Le FPÖ, une quête de respectabilité compromise</h2>
<p>Cette affaire pointe du doigt les relations troubles entre le FPÖ et la Russie, et plus généralement entre les partis d’extrême droite et la Russie. Certains journalistes vont jusqu’à considérer les partis d’extrême droite comme des « chevaux de Troie » envoyés par Poutine pour faire de l’ingérence au sein des instances européennes.</p>
<p>Peu avant les législatives de 2017, le FPÖ avait ainsi signé un <a href="https://www.20minutes.fr/politique/2521359-20190519-europeennes-2019-extreme-droite-cheval-troie-poutine-accuse-cohn-bendit">accord de coopération avec Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine</a>. Ces liens obscurs avec la Russie n’ont cessé de faire l’objet de rumeurs et de polémiques <a href="https://www.sueddeutsche.de/politik/fpoe-russland-strache-gudenus-putin-1.4452906">dans de multiples médias autrichiens</a>.</p>
<p>Le FPÖ qui, depuis des années, gagne en respectabilité auprès de l’opinion publique locale à travers des résultats électoraux convaincants, pourra-t-il se remettre de cette affaire, à la veille des élections européennes et <a href="https://orf.at/wahlergebnisse/nr17/#specials/nrwahl-archiv">à quelques mois des élections législatives anticipées ?</a> Le scandale « Ibiza » pourrait bien, en tout cas, sonner le glas de la carrière politique d’Heinz-Christian Strache.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal d'opposition Les Républicains de la ville de Maxéville. </span></em></p>Cette affaire pointe du doigt les relations troubles entre le FPÖ et la Russie, et plus généralement entre les partis d’extrême droite et le Kremlin.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166022019-05-09T19:57:48Z2019-05-09T19:57:48ZFPÖ, AfD, Vox : les partis d’extrême droite à l’offensive<p>Les prochaines élections européennes pourraient constituer un véritable tournant dans l’histoire politique de l’Union européenne. À une époque où de plus en plus de partis dits « traditionnels » sont fortement désavoués par les citoyens, les partis « populistes » et « nationalistes » semblent en mesure de profiter de la situation.</p>
<p>Procédons à un bref retour en arrière afin d’analyser l’évolution de quelques partis d’extrême droite depuis le dernier scrutin européen de 2014.</p>
<h2>L’essor confirmé du FPÖ en Autriche</h2>
<p>Le FPÖ (<em>Freiheitliche Partei Österreichs</em>, Parti de la liberté d’Autriche) est sans nul doute la formation politique qui a réalisé la plus grande percée politique au cours de la dernière décennie. Qu’il est loin le temps où le parti de feu Jörg Haider – à l’instar du Front national sous Jean‑Marie Le Pen – n’était qu’un parti marginal contestataire, n’ayant pas véritablement vocation à exercer le pouvoir. Depuis qu’Heinz-Christian Strache est devenu le leader du FPÖ, celui-ci enchaîne les succès électoraux. Lors des élections européennes de 2014, le FPÖ a recueilli 19,72 % des voix, se plaçant ainsi en troisième position <a href="https://www.bmi.gv.at/412/Europawahlen/Europawahl_2014/start.aspx#pk_01">derrière respectivement les conservateurs de l’ÖVP (26,98 %) et les sociaux-démocrates du SPÖ (24,09 %)</a>.</p>
<p>Dés cette époque, la formation politique autrichienne avait déjoué bon nombre de pronostics en obtenant un score étonnamment élevé. Nouveau rebondissement lors des élections nationales de 2017 : avec 25,97 % des suffrages exprimés, le FPÖ a fait son entrée dans une <a href="http://www.euw19.at/umfragen.html">coalition gouvernementale aux côtés de l’ÖVP</a>. D’après un <a href="https://www.oe24.at/oesterreich/politik/EU-Wahl-Prognose-OeVP-liegt-knapp-vor-SPOe/376641899">sondage récent</a>, le trio de tête en Autriche ne changerait pas lors de ces Européennes. Mais il convient tout de même de souligner la progression, selon les sondages, du FPÖ : avec un score pouvant atteindre les 23,5 %, ce parti gagnerait un peu plus de trois points par rapport au dernier scrutin européen. L’ÖVP se placerait devant le SPÖ avec 28,5 % contre 27 % des voix.</p>
<p>Cette progression attendue du FPÖ traduit une réalité : les Autrichiens se sont habitués à ce parti de gouvernement qui a gagné en respectabilité sur l’échiquier national. Toujours en surfant sur les mêmes thématiques de campagne, il continue sa progression inexorable auprès d’une partie de l’opinion publique.</p>
<p>Il y a quelques jours encore, alors que sa formation politique est en pleine campagne des Européennes, le vice-chancelier autrichien et numéro deux du gouvernement, Heinz-Christian Strache, a suscité une vive polémique en faisant référence à la <a href="https://amp.lepoint.fr/2310452">théorie du « grand remplacement »</a></p>
<p>Tout en expliquant que le FPÖ était partisan d’une politique d’immigration strictement contrôlée, Heinz-Christian Strache a insisté sur le fait qu’on ne pouvait pas nier que l’immigration venait bouleverser la démographie autrichienne. Fidèle à une rhétorique et une doctrine idéologique qui puise sa source dans le national-socialisme, le FPÖ continue pourtant – année après année – à occuper sa place aussi bien au niveau national qu’européen.</p>
<p>Et nul doute qu’Heinz-Christian Strache se servira de ces élections pour préparer en amont le prochain objectif du FPÖ : la conquête de la chancellerie autrichienne.</p>
<h2>L’AfD allemande : tirs de barrage sur l’Europe</h2>
<p>En Allemagne, la situation est quelque peu différente : l’Alternative für Deutschland (AfD, Alternative pour l’Allemagne) est un tout jeune parti politique.</p>
<p>Fondé en février 2013, celui-ci s’est rapidement imposé sur la scène politique locale. Il s’est emparé des <a href="https://theconversation.com/en-allemagne-la-resistible-ascension-de-lextreme-droite-103749">thèmes de campagne propres aux partis d’extrême droite en Europe</a>, tels que l’immigration, la sécurité ou encore l’opposition entre « élites politiques et peuple allemand ».</p>
<p>Lors des élections européennes de 2014, l’AfD, un an seulement après son apparition, s’est classée loin derrière les conservateurs de la CDU (30 %) et les sociaux-démocrates du SPD (27,3 %). <a href="https://www.bundeswahlleiter.de/europawahlen/2014/ergebnisse.html">Les 7,1 % recueillis par l’AfD</a> constituaient, malgré tout, une bonne rampe de lancement pour ce parti d’extrême droite. Concrétisation de son ascension : lors des élections législatives de 2017, l’AfD a réussi l’exploit de faire une <a href="https://www.bundeswahlleiter.de/bundestagswahlen/2017/ergebnisse.html">entrée historique au Parlement en devenant avec 12,6 % des voix la troisième force politique au Bundestag</a>.</p>
<p>Ainsi, plus que jamais, les élections européennes de 2019 constituent-elles un défi de choix pour l’AfD : continuer à s’imposer sur la scène politique allemande et mettre à mal, à l’instar du FPÖ en Autriche, la bipolarisation de la vie politique allemande entre la CDU et le SPD. D’après plusieurs sondages, l’AfD oscillerait entre 10 % et 15 % d’intentions de vote lors de ce scrutin. Un sondage en date du 25 octobre 2018, réalisé par l’Institut INSA, le plaçait même <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/europawahl.htm">au-delà de la barre des 15 % avec 16 %</a>.</p>
<p>De fait, ce parti encore jeune compte bien s’appuyer sur son score aux élections européennes pour s’imposer un peu plus sur la scène nationale allemande. En passant la barre symbolique des 10 %, l’AfD rentrerait dans le cercle fermé des partis d’extrême droite qui comptent en Europe.</p>
<p>Lors de cette campagne et en parfaite cohésion avec la position des partis politiques d’extrême droite, l’AfD se montre tout aussi critique à l’égard de l’UE. Cette formation défend tantôt l’idée de quitter l’UE ou bien la dissolution pure et simple de cette institution. De plus, les candidats de l’AfD concentrent leurs attaques contre l’Agence Frontex qu’ils accusent de <a href="https://www.merkur.de/politik/europawahl-2019-wahlprogramme-von-cdu-csu-spd-freien-waehlern-und-anderen-parteien-zr-12003337.html">favoriser l’immigration illégale et massive au sein des pays membres de l’UE</a>.</p>
<p>Tout comme pour le FPÖ, l’AfD adopte la même stratégie de campagne à savoir une critique sévère de l’Union européenne. Arguant la priorité nationale avant la priorité européenne, le jeune parti espère bien gagner en crédibilité auprès de l’opinion publique.</p>
<h2>Vox, le retour de l’extrême droite au Parlement espagnol</h2>
<p>Le FPÖ en Autriche, l’AfD en Allemagne et l’invité-surprise de ces dernières semaines à la course aux élections européennes : le parti d’extrême droite espagnol, Vox.</p>
<p>Fondé en 2013, Vox est le résultat d’une scission de membres du Parti populaire ayant pour objectif d’incarner une nouvelle droite nationaliste en Espagne. À l’occasion des élections générales en 2015, Vox n’avait recueilli que 0,23 % des voix. Mais, lors des élections en Andalousie, en décembre 2018, le parti d’extrême droite parvient à obtenir 10,96 %, et douze sièges. Il est alors le premier parti d’extrême droite à faire son entrée au Parlement espagnol depuis la fin du franquisme. Enfin, lors des récentes élections générales espagnoles de 2019, <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/086692-000-A/espagne-vox-le-retour-de-l-extreme-droite/">Vox recueille 10,3 % des suffrages</a> et peut désormais espérer s’installer durablement sur la scène politique espagnole.</p>
<p>Se montrant très critique à l’égard de la politique migratoire de l’UE, cette formation insiste sur la nécessité pour les immigrés de s’intégrer pleinement dans le pays et en acceptent les valeurs. Un récent sondage affirme que Vox pourrait son entrée au Parlement européen avec près de 8 % des suffrages, <a href="http://www.rtve.es/noticias/20190218/psoe-ganaria-elecciones-europeas-vox-lograria-seis-eurodiputados-segun-sondeo-del-parlamento-europeo/1886021.shtml">obtenant six députés</a>. Pour ce faire, Vox souhaite s’inspirer de Donald Trump et de Jair Bolsonaro (Brésil) en <a href="https://www.bfmtv.com/international/vox-le-parti-de-l-extreme-droite-espagnole-qui-perce-dans-les-sondages-1680096.html">misant sur les réseaux sociaux</a>.</p>
<h2>Ensemble, contre l’Union européenne</h2>
<p>Gage d’une lutte commune, il y a quelques jours, <a href="https://www.humanite.fr/prague-lextreme-droite-europeenne-se-cherche-encore-671453">Marine Le Pen était à Prague</a>, en République Tchèque, aux côtés d’autres leaders européens pour appeler à une « révolution nationale » à l’occasion de ces élections européennes.</p>
<p>Forts de leurs récents succès électoraux, les partis d’extrême droite d’Allemagne, d’Autriche et d’Espagne pourraient jouer les troubles fêtes au Parlement européen. Paradoxalement, leur présence, au sein d’une institution qu’ils critiquent, ne ferait que renforcer leur impact auprès des médias et à l’échelle européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116602/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est l'ancien directeur de cabinet du Maire de Remiremont
Conseiller municipal LR d'opposition de la ville de Maxéville</span></em></p>Leur présence, au sein d’une institution qu’ils critiquent, ne ferait que renforcer leur impact auprès des médias et à l’échelle européenne.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1164942019-05-07T04:19:22Z2019-05-07T04:19:22ZLe nouveau visage du nationalisme européen<p>Ceux que l’on appelle les nationalistes défendent leur nation comme étant un principe sensé qui régit tout. La plupart d’entre eux ne semblent pas être opposés à une construction européenne. Cependant, la nuance est de mise : les nationalistes ne sont pas non plus pour un approfondissement de cette construction.</p>
<p>De ce point de vue là, il existe une différence notoire entre les nationalistes et ceux qu’on pourrait appeler les « européistes » ou les pro-européens. Notamment dans la forme que prend le combat qu’ils mènent en faveur de la défense de leur nation ou de ce qu’ils appellent « l’État-nation ». Aujourd’hui, les nationalistes considèrent que ce combat peut se faire – et gagne à se faire – à l’intérieur de la construction européenne.</p>
<p>Dans l’<a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/sciences-politiques/pays-des-europeens_9782738143280.php">ouvrage que j’ai co-écrit avec Jacques Lévy</a>, on peut interpréter ce changement à travers l’importante métamorphose du nationalisme en Europe par rapport à l’entre-deux-guerres – une référence faite régulièrement dans la période dans laquelle nous vivons actuellement.</p>
<p>Dans les années 30, les nationalistes considéraient que leur État-nation était supérieur aux autres, s’inscrivant dans une sorte de pyramide dans laquelle existait une hiérarchie. Les plus radicaux d’entre eux considéraient qu’ils avaient le droit et le devoir de conquérir d’autres États-nations – ce fut le cas des nazis.</p>
<p>Désormais, les nationalistes européens disposent tous de partis politiques. Ils ne pensent plus que leur nation est supérieure aux autres, mais plutôt qu’il existe une convergence des nations et surtout l’existence d’un ennemi commun qui se trouve à l’extérieur de l’Europe (l’islam, les musulmans, les Arabes, les Noirs…). En ce sens, ils reconnaissent que l’UE est quelque chose de positif.</p>
<h2>Un attachement au modèle économique</h2>
<p>L’UE est également une institution disposant de ressources institutionnelles et commerciales et dotée d’une politique d’asile et d’une politique migratoire communes. Pourquoi ne pas mettre ces ressources au service de leur vision du monde ?</p>
<p>D’autre part, l’électorat des nationalistes n’est pas prêt à quitter l’UE et encore moins à quitter la zone euro. <a href="http://data.europa.eu/euodp/fr/data/dataset/S2211_473_ENG">Selon des sondages Eurobaromètre commandés par la Commission européenne</a>, on constate que l’euro est redevenu populaire dans la plupart des pays européens.</p>
<p>Globalement il y a un attachement à la devise européenne qui est très fort. Quel que soit le parti politique pour lequel on vote, tout le monde comprend qu’à partir du moment où l’on sort de la zone euro, il existe un gros risque de dévaluation de la monnaie.</p>
<p>Les populistes au gouvernement, en particulier les eurosceptiques de Hongrie ou de Pologne, dirigent des pays qui sont parmi ceux qui reçoivent le plus de financements de la part des politiques européennes. Un exemple : l’argent qui est versé par l’UE à la Hongrie, dans le cadre de ce que l’on appelle la politique régionale de l’UE ou politique agricole commune. Ces sommes, versées chaque année, représentent 4 % du PIB de la Hongrie. Il convient ainsi de rappeler que l’UE représente aussi pour les souverainistes des ressources budgétaires très concrètes.</p>
<h2>Un extrême droite encore timide au Parlement européen</h2>
<p>Aujourd’hui, les nationalistes ne disent plus : « L’Europe tu l’aimes ou tu la quittes », mais plutôt : « L’Europe, tu ne l’aimes pas mais tu ne la quittes pas », pour la transformer de l’intérieur.</p>
<p>En Autriche, l’extrême droite eurosceptique et nationaliste est le FPÖ (parti de la liberté d’Autriche). Ce parti est le partenaire junior de la coalition gouvernemental. Le parti « senior » est le grand parti de droite chrétien-démocrate, l’ÖVP. Le chancelier Sebastian Kurz, qui en est le dirigeant, a confié deux ministères régaliens au FPÖ d’extrême droite. Du jamais vu depuis la fin de la Seconde guerre mondiale en Europe. L’extrême droite dirige ainsi les ministères de l’Intérieur et de la Défense. On ne saurait mieux signifier combien la droite autrichienne est en train de faire sienne la doctrine d’extrême droite sur les questions des libertés, de la sécurité, de l’État de droit, des migrations et de l’asile.</p>
<p>Il n’y a pas qu’en Autriche. Le ministère de l’Intérieur est aussi dirigé par l’extrême droite en Italie, et par la droite ultra-conservatrice et xénophobe en Hongrie et en Pologne. L’extrême droite parvient donc à avoir sur les politiques européennes une influence certaine, et à peser au sein du Conseil de l’Union européenne, l’Assemblée des États-membres.</p>
<p>On assiste à une espèce de recyclage ou de mutation du nationalisme classique en nationalisme européen : si ces partis politiques investissent véritablement les institutions européennes (ce qu’ils ne font pas vraiment de façon méthodique et systématique pour l’instant), cela leur permettrait de détourner les institutions européennes des valeurs au service desquelles ces dernières ont été créées initialement.</p>
<h2>Le combat idéologique à venir</h2>
<p>Depuis 15 ans, élection après élection les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Euroscepticisme#Tableau_des_partis_politiques_europ%C3%A9ens_eurosceptiques">partis populistes d’extrême droite ou eurosceptiques progressent au Parlement européen</a>. Les estimations actuelles leur donnent à cette famille politique 20 à 25 % des sièges dans le futur Parlement.</p>
<p>L’espoir européen de ces partis politiques est de constituer le troisième groupe parlementaire. Cela supposerait qu’ils siègent tous dans un même groupe, alors qu’aujourd’hui ils sont répartis dans trois groupes distincts (CRE, EFDD, ENL) – et même quatre, puisque le parti Fidesz du gouvernement hongrois de Viktor Orban est membre du PPE, le grand groupe de droite. Le cas échéant ils pourraient alors présider plusieurs commissions ou encore rédiger plusieurs rapports parlementaires. Ils pourront aussi influencer l’ordre du jour du Parlement et mettre sur la table des projets de résolution.</p>
<p>Faut-il y voir les prémices d’un nouveau combat politique, au sens noble et plein du mot, avec la confrontation de deux projets d’Europe bien distincts ? Le Parlement européen élu en 2019 en serait le lieu central. En effet, ce risque de détournement de l’intérieur des ressources institutionnelles et politiques de la construction européenne par les forces politiques qui en combattent les valeurs et l’esprit devraient obliger les familles politiques dites « pro-européennes » à faire preuve d’inventivité et de combativité pour faire triompher leurs projets et leurs doctrines.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur, historien et géographe, a récemment publié avec le géographe Jacques Lévy « Le pays des Européens » aux éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aujourd’hui, la devise des nationalistes européens n’est plus « L’Europe, tu l’aimes ou la quittes » mais « L’Europe, tu ne l’aimes pas mais tu ne la quittes pas ».Sylvain Kahn, Professeur agrégé, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1037492018-09-27T21:34:22Z2018-09-27T21:34:22ZEn Allemagne, la résistible ascension de l’extrême droite<p>Procédons, pour commencer, à un bref rappel historique. L’Alternative für Deutschland (AfD, Alternative pour l’Allemagne) est un parti politique qui a été fondé en février 2013. Très rapidement, celui-ci va s’emparer des thèmes de campagne propres aux partis d’extrême droite en Europe tels que l’immigration, la sécurité ou encore l’opposition entre « élites politiques et peuple allemand ».</p>
<p>Lors des élections législatives de 2017, l’AfD fait une entrée historique au Bundestag. Le tout « jeune parti » est devenu la troisième force politique au Parlement. Avec 12,6 % des voix, l’AfD s’est placée derrière les sociaux-démocrates du SPD, crédités de 20,5 %. Si le mouvement de la chancelière Merkel, la CDU avec 33 % des suffrages est resté le premier parti, il va vite se retrouver en <a href="http://www.spiegel.de/politik/deutschland/bundestagswahl-2017-alle-ergebnisse-im-ueberblick-a-1167247.html">difficulté face à cette percée inédite de l’extrême droite</a>. De ce fait, l’Allemagne est alors entrée dans une <a href="https://www.zdf.de/kinder/logo/deutschlands-neue-regierung-100.html">crise politique sans précédent</a> qui a duré près de 6 mois avant de pouvoir retrouver une stabilité et surtout un gouvernement.</p>
<p>Par ailleurs, comme le reste de l’Europe, elle a été frappée de plein fouet par la crise migratoire qui a eu des répercussions sur la politique menée par la chancelière Merkel et qui a permis à l’AfD de conquérir une place encore plus grande auprès de l’opinion publique. A l’été 2018, comme en écho à cette montée extrémiste se sont multipliées dans différentes villes d’Allemagne des manifestations anti-migrants.</p>
<h2>Une alternative de plus en plus crédible</h2>
<p>Rien d’étonnant, dès lors, à ce que Chemnitz (anciennement Karl-Marx-Stadt au temps de la République démocratique allemande) ait été un lieu de rassemblements contre les migrants. Dans ce lieu symbolique politiquement puisqu’ancienne ville de la RDA socialiste, l’extrême droite ne cesse depuis la chute du mur de Berlin de s’implanter et d’obtenir de bons scores.</p>
<p>Ainsi, il n’est gère surprenant d’avoir vu participer aux différentes manifestations des militants et cadres de l’AfD, des néonazis, des skinheads ou encore des membres du mouvement de droite populiste Pegida (Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident). Depuis le début de la crise migratoire en Europe, l’AfD a fait de ce thème son cheval de bataille.</p>
<p>Face à une chancelière Merkel bousculée même dans son propre camp par son « aile droite conservatrice », l’extrême droite s’est peu à peu imposée comme étant une alternative crédible. Les participations de l’AfD aux manifestations dans différentes villes sont d’ailleurs payantes puisque le parti talonnerait, <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/08/30/a-chemnitz-l-extreme-droite-a-nouveau-dans-la-rue-contre-la-politique-migratoire-de-merkel_5348266_3214.html">d’après certains sondages</a>, le SPD.</p>
<h2>Mobilisation tous azimuts sur les réseaux sociaux</h2>
<p>Le grand quotidien de la presse allemande, <em>Die Zeit</em>, n’a pas manqué de mettre l’accent sur ces manifestations par un titre accablant : « Der Abend, an dem der Rechtsstaat aufgab » (Le soir où l’État de droit a abdiqué). Ce titre symbolise bien le climat actuel qui domine en Allemagne avec l’expansion de l’extrême droite, et un <a href="https://www.zeit.de/gesellschaft/zeitgeschehen/2018-08/chemnitz-rechte-demonstration-ausschreitungen-polizei">gouvernement acculé de plus en plus à la défensive</a>.</p>
<p>Ainsi, l’AfD mène une lutte sans relâche contre la chancelière Merkel, accusée d’avoir favorisé l’accueil de plus d’un million de demandeurs d’asile. Elle est, à ses yeux, responsable de tous les crimes perpétrés par les étrangers. De fait, chaque fait divers est l’<a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/08/30/a-chemnitz-l-extreme-droite-a-nouveau-dans-la-rue-contre-la-politique-migratoire-de-merkel_5348266_3214.html">occasion pour ce parti</a> de pointer du doigt et de critiquer la politique migratoire du gouvernement et ce, uniquement à des fins électoralistes.</p>
<p>De plus, l’AfD a un avantage sur les deux autres partis traditionnels allemands que sont la CDU et la SPD : sa capacité à mobiliser ses militants sur les réseaux sociaux, permettant de transmettre l’information, et plus exactement leur idéologie, au plus grand nombre. YouTube est le réseau préféré de l’AfD qui peut mettre en ligne beaucoup de vidéos, dont des « fake news », le <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/2337067-20180915-allemagne-comment-extreme-droite-sert-youtube-attiser-mobilisation-anti-migrants">seul but étant d’inonder les médias du thème de l’immigration afin de faire réagir et d’arriver à créer le « buzz »</a>. Et c’est précisément cette capacité de mobilisation qui peut expliquer en partie la montée de l’AfD dans l’opinion publique.</p>
<h2>Une relation des plus ambiguës avec le nazisme</h2>
<p>Le climat politique actuel en Allemagne semble profiter à l’AfD : une chancelière en fin de règne, des sociaux-démocrates qui peinent à exister sur la scène politique, un pays divisé sur le sujet des accueils des réfugiés. Dès lors, pour un grand nombre d’Allemands l’extrême droite apparaît comme une solution plausible.</p>
<p>Mais un frein demeure : l’AfD, tout comme son voisin autrichien du FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), entretient une relation ambiguë avec le nazisme par ses comportements xénophobes et antisémites. Lors des dernières manifestations, des slogans ont été scandés dans la foule et on a pu voir des saluts nazis. L’AfD n’a à ce sujet pas souhaité réagir, <a href="https://www.t-online.de/nachrichten/deutschland/gesellschaft/id_84455390/kundgebung-in-chemnitz-tausende-folgen-protestaufruf-hitlergruss-gezeigt.html">esquivant volontairement ces questions</a>.</p>
<p>Cette ambiguïté ne date pas d’aujourd’hui car rappelons tout de même que de nombreux cadres du parti n’ont jamais montré leur inimitié à l’égard de l’idéologie national-socialiste. En pleine campagne des législatives en 2017, Alexander Gauland, le leader de l’extrême droite habitué aux sorties provocatrices et polémiques (un peu comme Jörg Haider en son temps) avait vanté les <a href="http://www.europe1.fr/international/allemagne-le-leader-de-lextreme-droite-compare-hitler-a-une-fiente-doiseau-3670112">mérites des soldats de la Wehrmacht</a>.</p>
<h2>Soupçons de collusion avec les services secrets</h2>
<p>Il y a quelque temps, un autre cadre du parti, Björn Höcke, s’était singularisé par son antisémitisme. Il avait comparé le monument au cœur de Berlin dédié aux victimes de l’Holocauste à un <a href="https://www.nytimes.com/2017/12/25/world/europe/germany-bjorn-hocke-bornhagen.html">« mémorial de la honte »</a>, ce qui avait suscité de vives réactions de la part nombreuses personnalités politiques et au sein de la population en général.</p>
<p>Enfin tout récemment encore, Hans-Georg Maassen, le patron du renseignement allemand, a été destitué par la chancelière Angela Merkel, après la polémique sur l’existence de « chasses collectives » d’immigrés à Chemnitz et des soupçons de collusion avec l’AfD. L’ancien chef du renseignement avait relativisé l’ampleur des attaques néonazies à Chemnitz lors des manifestations.</p>
<p>De plus, il aurait divulgué des informations confidentielles à des cadres et députés issus de l’AfD. <a href="https://www.morgenpost.de/politik/article215102067/Wie-nah-steht-Verfassungsschutzchef-Maassen-der-AfD.html">En effet, il aurait expliqué comment faire pour que l’AfD" échappe à la surveillance du Bundesamt für Verfassungsschutz (l’Office fédéral de protection de la constitution).</a> Cette institution a, entre autres, pour mission de vérifier que les partis politiques allemands n’ont pas d’intentions antidémocratiques qui pourraient mettre en péril la pérennité de la République fédérale d’Allemagne.</p>
<p>Les missions principales de l’Office fédéral de protection de la constitution sont la collecte et la valorisation de renseignements concernant les activités extrémistes et hostiles à la constitution, c’est-à-dire notamment des activités politiques qui mettent en danger, par leurs orientations antidémocratiques, la réputation ou la sécurité, ou encore l’existence même de la République fédérale d’Allemagne</p>
<p>Depuis de nombreux jours, le SPD demandait son éviction. Angela Merkel a finalement pris la décision de lui retirer son poste pour ensuite le nommer Secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur – une <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/sep/18/germanys-domestic-spy-chief-hans-georg-maassen-chemnitz">décision qui suscite la polémique en Allemagne</a>.</p>
<h2>La bataille des idées</h2>
<p>La situation se tend en Allemagne. Après avoir fait son entrée historique au Bundestag lors des dernières élections législatives, l’AfD met fin peu à peu à la bipolarisation allemande (CDU/SPD) et tente ainsi de s’imposer sur l’échiquier politique local.</p>
<p>Maniant les provocations et une excellente communication politique, ce nouveau parti pourrait, dans les prochains mois, remporter de nombreux combats électoraux au niveau local. Aujourd’hui, l’AfD mène la bataille des idées et les impose dans le débat politique, imitant en cela le même phénomène que l’on a pu observer en Autriche avec le FPÖ.</p>
<p>Les prochaines « Landtagswahl » (élections législatives régionales) en Bavière auront lieu le 14 octobre prochain. Depuis quelques mois, la CSU (l’Union chrétienne-sociale), alliée conservateur de la CDU, ne cesse de baisser dans les enquêtes d’opinion. <a href="https://www.merkur.de/politik/landtagswahl-umfrage-in-bayern-soeders-csu-rauscht-weiter-ab-afd-holt-auf-zr-10105575.html">Un sondage de l’Institut INSA/Bild en date du 26 septembre 2018</a> montre ainsi que la CSU serait à 34 % d’intention de vote, bien loin des 47,7 % obtenus lors des élections en 2013. Cette baisse profiterait à Bündnis 90/Die Grünen (Alliance 90/Les Verts) créditée de 17 %. L’AfD, qui n’existait pas encore lors du scrutin régional de 2013, pourrait quant à elle recueillir 14 % des suffrages.</p>
<p>En cas de nouvelle percée de l’AfD, cette fois en Bavière, se posera inévitablement la question de l’avenir de la coalition CDU/SPD actuellement au pouvoir en Allemagne. Cette élection pourrait-elle provoquer la chute d’Angela Merkel ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal LR de la ville de Maxéville (54). Également Directeur de cabinet du Maire de Remiremont (88.</span></em></p>Maniant les provocations et une excellente communication politique, l’AfD pourrait, dans les prochains mois, remporter de nombreux combats électoraux au niveau local.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1033842018-09-17T22:35:57Z2018-09-17T22:35:57ZVote sur l’État de droit en Hongrie : une victoire symbolique pour Viktor Orbán<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236670/original/file-20180917-158237-yppd75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C2032%2C1339&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Viktor Orbán a mis au jour les divisions internes au sein du Parti populaire européen.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/eppofficial/9301232324/in/photolist-faVfjy-bmtwbG-Sq2bGm-98iMGb-eXmkEV-98fzi8-eXjbtt-eXmagT-dyx8xL-e4yaqA-xXZpK-xXZpW-4wbeM3-8CekRp-8afkWY-bzZ3t1-46JYbn-528Vgu-6M567V-5jVv5d-91BxbH-6M4XV4-4BgAzr-eX6idk-eXwCQf-eXxb7J-98mojy-ofhGfR-eXjZD5-nduipY-r9L2sL-SeS5YG-9sXrht-eX75JP-qaNAen-8aTspk-nW1VJ1-91EFjq-odrTEN-oddCND-91BxMB-obtqXb-91Bxm4-91EEL9-oddzfr-odrPJw-aSmfzp-odvHqp-SeS33m-nW1Xru">PPE/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Grande victoire pour Orbán : des messages de soutien à son action à travers l’Europe » : tels étaient les gros titres des journaux télévisés sur toutes les principales chaînes hongroises, au lendemain du vote du Parlement européen déclenchant le fameux article 7. On pouvait voir les pages de réseaux sociaux du Fidesz, son parti, inondées de messages de soutien à la politique d’Orbán, en provenance de partisans vivant aux quatre coins de l’Europe.</p>
<p>Le Parlement européen a approuvé, le 12 septembre 2018, par 448 contre 197 (avec 48 abstentions), le <a href="https://lemonde.fr/europe/article/2018/09/12/le-parlement-europeen-declenche-une-procedure-contre-la-hongrie_5354033_3214.html?">rapport de l’eurodéputée Sargentini</a> constatant des « risques graves » de violation des « valeurs » de l’Union, selon les termes des articles 2 et 7 du Traité sur l’Union européenne. C’est le début d’une longue procédure qui pourrait, comme dans le cas de la <a href="http://www.atlantico.fr/pepites/ue-declenche-procedure-inedite-contre-pologne-3259490.html">Pologne le 20 décembre dernier</a>, aboutir à l’adoption de sanctions (suspension des droits de vote) pour la Hongrie.</p>
<p>Les autorités hongroises ont dénoncé un chantage politique visant à punir la Hongrie pour ses positions opposées à l’accueil de réfugiés et de migrants. Les dirigeants des principaux partis européistes ont, eux, salué une victoire pour la construction européenne, pour l’Union dans son ensemble et pour la protection de ses valeurs.</p>
<p>Il est toutefois trop tôt pour crier victoire chez les européistes : le processus enclenché est à double tranchant et son impact final ne se décidera que dans les prochains mois. Pour que des sanctions soient adoptées, une très forte majorité de 80 % des États membres doit être réunie au Conseil ; et le statut du premier ministre hongrois peut entre-temps sortir renforcé de cette ordalie.</p>
<p>Si la victoire est donc douteuse, la clarification est, elle, évidente. La campagne pour les élections européennes du 26 mai 2019 vient de voir ses termes et ses lignes de clivage sensiblement clarifiées. Les européistes sauront-ils profiter de cette clarification pour renforcer leur message et devenir audibles auprès des opinions publiques ? Il en va de l’avenir de l’Europe.</p>
<h2>Crier victoire est prématuré</h2>
<p>Grâce à ce vote, les partisans de l’Union ont pu se compter : ils ont réussi à entamer la solidarité au sein du Parti populaire européen avec Viktor Orbán ; ils ont forcé le <a href="https://theconversation.com/autriche-le-retour-de-lextreme-droite-au-pouvoir-dans-un-silence-assourdissant-89287">Chancelier autrichien ÖVP Kurz</a> à se déclarer pour l’adoption du rapport ; ils ont montré que la procédure de l’article 7 n’est pas condamnée à rester lettre morte. Ils ont ainsi prouvé que les valeurs de l’Union européenne, proclamées par l’<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX%3A12012M%2FTXT">article 2 du Traité sur l’UE</a>, étaient à même de définir les lignes de clivages politiques.</p>
<p>Toutefois, le chemin est encore long et hypothétique avant que la Hongrie voie ses droits de vote suspendus et les subventions européennes stoppées. Bien pis, il est possible que les européistes aient remporté une victoire à la Pyrrhus. Au lendemain du vote, c’est toute l’Europe du groupe de Višegrad (V4) qui risque de se considérer comme mise à l’index.</p>
<p>La Pologne, <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/pologne/contre-la-pologne-la-commission-lance-une-procedure-inedite-de-sanctions-5460464">déjà visée en décembre dernier par la procédure de l’article 7</a>, la Tchéquie et la Slovaquie ne peuvent que se solidariser avec la Hongrie au sein du V4. Et la coalition de gouvernement en Autriche ÖVP-FPÖ visée par l’article 7 en 1999 peut elle aussi, à terme, bloquer le processus. Mais surtout, ce revers au Parlement de Strasbourg consacre <em>a contrario</em> le <em>leadership</em> de la Hongrie en étendard d’un mouvement profond sur les échiquiers politiques nationaux qui dépasse le cadres de l’Europe centrale et orientale, comme en témoigne les convergences avec la Ligue de Salvini en Italie ou les Démocrates Suédois à Stockholm.</p>
<h2>La stratégie de rupture d’Orbán</h2>
<p>La victoire peut, en réalité, être celle de Viktor Orbán : sa stratégie de rupture est intentionnelle. Il a décidé de répondre au rapport en séance au Parlement. Il a décidé de personnaliser le vote. Il a présenté ces résultats comme une victoire du parti pro-immigration et pro-islam.</p>
<p>À Varsovie et à Rome, à Stockholm et à Athènes, la Hongrie peut maintenant fédérer tous ceux dénoncent les décisions de l’UE concernant la répartition obligatoire des réfugiés, tous ceux qui prétendent défendre l’identité de l’Europe contre l’islam et tous ceux qui promeuvent un retour des souverainetés nationales.</p>
<p>Ce vote peut être le point de départ d’un nouvel élan pour la construction européenne. Il peut aussi devenir l’événement fondateur d’un leadership orbanien dans les opinions publiques des États membres.</p>
<h2>Les élections européennes commencent</h2>
<p>Loin d’être un aboutissement, ce vote au Parlement est le point de départ d’une clarification de l’échiquier politique dans la perspective des élections européennes du 26 mai prochain.</p>
<p>Le scrutin du 12 septembre consacre des clivages latents, mais surtout les rend enfin visibles. En effet, 116 députés du PPE (sur 216) se sont déclarés favorables au rapport appelant à sanctionner Orbán. Jusqu’ici, la ligne de partage entre l’Europe d’Orban et l’Europe de Macron était floue : le PPE avait toujours maintenu son soutien au premier ministre hongrois.</p>
<p>Aujourd’hui, il est incontestable que cette ligne de partage en Europe passe au milieu du PPE entre, d’une part, les partisans d’une solidarité européenne forte et obligatoire, d’autre part, les avocats d’une Europe de la souveraineté des États. L’éclatement du PPE sur la question hongroise révèle une nouvelle bipartition de l’échiquier politique européen : d’un côté, les sociaux-démocrates (S&D), les libéraux (ADLE), les Verts (ALE) et, de l’autre, l’Europe des nations et des libertés que le parti d’Orbán, le Fidesz, a toujours refusé de rejoindre mais qui a voté contre le rapport Sargentini.</p>
<p>Le vote du 12 septembre clarifie également les thèmes de campagne. Après ce vote, les groupes parlementaires européens, les partis nationaux, les gouvernements nationaux et même les électeurs devront trancher. Pour ou contre l’accueil des migrants ? Et cette question a deux formulations possibles : soit une version hongroise qui considère que le défi migratoire est une question identitaire ; soit une version française qui considère que les migrations sont une question de solidarité européenne avant tout.</p>
<h2>Les termes du débat sont posés</h2>
<p>Le « cas hongrois » redessine la carte des partis européens et redéfinit les thèmes de débat.</p>
<p>Cette transformation du paysage et cette cristallisation du débat sont, pour une large part, à l’initiative d’Orbán lui-même. Les origines du rapport de l’eurodéputée remontent certes à l’automne dernier, mais le réel basculement politique, qui a rendu possible le ralliement d’une majorité des deux tiers au Parlement, ne correspond pas à une évolution de la situation en Hongrie ou à une prise de conscience européiste. Elle correspond bien plutôt à une évolution de la rhétorique extérieure d’Orbán et ses attaques publiques récentes, directes et explicites, à l’encontre de ses homologues notamment français, allemand, luxembourgeois.</p>
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<p>Le calendrier de cette évolution peut être rapproché de celui du budget européen. D’ici deux ans prendra fin le cycle de budget 2014-2020 de l’Union, qui consacrait des fonds important au développement régional et à la cohésion envers les « nouveaux adhérents » de 2004. Le Parlement européen se saisit des <a href="http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+WQ+E-2016-007203+0+DOC+XML+V0//FR">enquêtes de l’OLAF (Office européen de lutte antifraude)</a> sur les soupçons de détournement massifs et systématiques de cette manne européenne en Hongrie.</p>
<p>Il est tentant d’y voir une explication à l’attitude ambivalente d’Orbán envers l’Union : critique ouverte, mais n’appelant jamais à en sortir. Mais dans le cycle suivant, 2020–2027, ces fonds seront grandement réduits. C’est à cette lumière que les observateurs du système politique hongrois attendent et décodent les évolutions de l’attitude d’Orban envers l’Union. Le vote de l’article 7 sera-t-il l’occasion parfaite donnée aux gouvernements illibéraux pour commencer à évoquer l’idée d’une sortie de l’UE pour la Hongrie, voire plus largement pour Groupe de Visegrad, un « Visexit » ?</p>
<h2>L’enjeu : l’identité ou le projet ?</h2>
<p>S’agit-il d’un débat fondamental sur les « valeurs » de l’Union, comme le soutiennent les deux camps en présence ? Sans doute divergent-ils sur la teneur et l’étendue des principes juridiques de l’Union. C’est pour cela qu’ils ont des appréciations opposées sur leur situation en Hongrie.</p>
<p>Mais, ce qui est en jeu est tout autant un débat sur l’avenir de l’Europe. Viktor Orbán n’a pas le monopole de la préservation <a href="https://theconversation.com/pologne-hongrie-les-valeurs-de-lunion-europeenne-font-sa-force-77923">des valeurs européennes</a>. Les autres courants politiques sont tout autant dans la lignée des valeurs de notre continent. La libre-pensée, l’asile pour les persécutés, la pluralité confessionnelle, la coexistence pacifique des cultures, toutes ces valeurs entrent dans l’ADN de l’Europe au moins autant que les racines chrétiennes évidentes du continent.</p>
<p>Les forces politiques européistes sauront-elles formuler les débats de l’opinion publique européenne naissante dans leurs propres termes ou resteront-elles dans le cadre du débat défini par le camp d’Orban ? Il leur faudra faire cet effort pour que leur campagne soit audible et suscite l’adhésion.</p>
<p>Aujourd’hui, dans le cas hongrois, c’est le destin de l’Europe qui se joue : soit une mise en commun plus large des souverainetés nationales ; soit un retour à celle-ci. Les élections de mai prochain arbitreront entre la victoire parlementaire des européistes et la victoire symbolique d’Orbán.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Après ce vote, les groupes parlementaires européens, les partis nationaux, les gouvernements et même les électeurs devront trancher : pour ou contre l’accueil des migrants ?Michaël Bret, Enseignant en économie, Sciences Po Cyrille Bret, Maître de conférences, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/966032018-05-20T23:25:31Z2018-05-20T23:25:31ZL’Autriche et Israël : l’offensive de charme du chancelier Kurz, allié à l’extrême droite<p>Le jeune chancelier autrichien Sebastian Kurz a annoncé, le 6 mai 2018, qu’il se rendrait prochainement en Israël afin d’y rencontrer le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. <a href="http://www.oe24.at/oesterreich/politik/Kurz-auf-heikler-Israel-Mission/332572120">L’objectif affiché par le chancelier Kurz</a> est simple : montrer au monde entier, et en premier lieu au gouvernement israélien, que l’Autriche est pleinement engagée dans la lutte contre l’antisémitisme. Le vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache, membre du FPÖ (extrême droite), lui, n’est pas le bienvenu puisque le gouvernement de « Bibi » (Benyamin Netanyahou), comme on le surnomme en Israël, boycotte son parti politique.</p>
<p>Il convient de rappeler ici que le parti d’extrême droite autrichien, le Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ), fut fondé en 1956 par d’anciens partisans du régime national-socialiste. Dans son histoire récente, cette formation politique a souvent été accusée de tenir des propos antisémites et de largement puiser sa doctrine idéologique dans les fondements mêmes du national-socialisme.</p>
<p>Or, <a href="http://www.nationalratswahl.at/ergebnisse.html">lors des élections d’octobre 2017</a>, le FPÖ a obtenu pas moins de 25,97 % des suffrages exprimés, se plaçant derrière les conservateurs de l’ÖVP de Sebastian Kurz (31,47 %) et les sociaux-démocrates du SPÖ (26,86 %). Un score qui lui a permis d’intégrer la coalition gouvernementale et d’obtenir des ministères régaliens tels que la Défense, l’Intérieur et celui des Affaires étrangères.</p>
<h2>Le retour des vieux démons</h2>
<p>Depuis de nombreuses années, le FPÖ, notamment sous la houlette d’Heinz-Christian Strache, a entamé un processus de « respectabilité » pour rompre avec l’image d’un parti ayant des prises de position aux relents antisémites. Mais depuis que le FPÖ siège au gouvernement, il semble retourner à ses vieux démons. Preuve en est : les nombreuses affaires qui agitent le parti depuis son entrée au gouvernement.</p>
<p>Il y a quelques semaines encore, un collaborateur de l’ambassade d’Autriche en Israël a défrayé la chronique. <a href="https://fr.timesofisrael.com/un-diplomate-autrichien-en-poste-en-israel-fait-scandale-en-t-shirt-neo-nazi/">Sur son compte Facebook</a>, Jürgen-Michael Kleppich arborait un tee-shirt nazi portant le nom d’une unité militaire nazie. Il a tout de suite été rappelé en Autriche par le ministère des Affaires étrangères. En dépit de ses tentatives pour offrir une nouvelle image, le FPÖ est perçu par l’opinion publique – et les faits le montrent – comme un parti qui ne cesse de provoquer, de choquer sur des sujets liés à l’antisémitisme.</p>
<h2>Sebastian Kurz, un « ami » d’Israël</h2>
<p>Du côté du gouvernement israélien, les réserves émises à l’encontre du FPÖ ne sont pas nouvelles. En 2000, lorsque ce parti était entré au gouvernement au sein d’une coalition, le gouvernement israélien de l’époque avait suspendu ses relations avec l’Autriche. Il pointait alors du doigt l’<a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/12/19/97001-20171219FILWWW00285-sebastian-kurz-veut-developper-les-liens-entre-l-autriche-et-israel.php">entrée de l’extrême droite dirigée par feu Jörg Haider, coutumier des sorties antisémites.</a> L’actuel chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahou, a plusieurs fois évoqué le fait que les échanges avec le FPÖ se limiteraient strictement aux relations entre hauts fonctionnaires des ministères autrichien et israélien, <a href="https://www.zeit.de/politik/ausland/2017-12/oesterreich-israel-fpoe-benjamin-netanjahu-sebastian-kurz">préférant quant à lui traiter directement avec le chancelier Kurz.</a></p>
<p>Peu de temps après son investiture à la chancellerie, Sebastian Kurz a annoncé sa volonté d’accorder la citoyenneté autrichienne aux descendants juifs de survivants de la Shoah. Ne fallait-il pas y voir un geste de compassion adressé aux Juifs ? Cette décision a, en tout cas, été favorablement accueillie par le gouvernement de « Bibi ».</p>
<p>De plus, le jeune chancelier autrichien s’est engagé à construire un mémorial dans la région de Vienne. N’oublions pas que c’est dans cette région que furent assassinés plus de 10 000 juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale. Par ailleurs, le chancelier Kurz a conclu son discours d’investiture en insistant sur le fait que <a href="https://www.coolamnews.com/lautriche-souhaite-accorder-citoyennete-a-200-000-juifs/">« l’Autriche avait une responsabilité historique dans sa participation au crime perpétré contre les juifs ».</a> Ainsi, a-t-il souhaité faire de son gouvernement un gouvernement engagé et « ami » d’Israël.</p>
<p>Enfin, dernière annonce de Sebastian Kurz : la volonté affirmée de son gouvernement en faveur de « la reconnaissance explicite du caractère juif de l’État d’Israël » – une première pour l’Autriche. À souligner qu’au niveau européen, <a href="https://www.coolamnews.com/lautriche-souhaite-accorder-citoyennete-a-200-000-juifs/">seules l’Allemagne et l’Autriche</a> – deux pays qui ont été des lieux de vie du national-socialisme – ont pris une telle décision de reconnaissance officielle.</p>
<h2>Les gestes du chancelier</h2>
<p>Le 14 mai 2018, Sebastian Kurz n’a pas manqué, sur son compte Twitter, d’adresser un message amical à l’intention d’Israël qui fêtait ses 70 ans d’existence, soulignant les « excellentes relations entre les deux pays :</p>
<blockquote>
<p>« 70 years ago today, on 14 May 1948, David Ben-Gurion declared the establishment of the State of #Israel.[…] #Israel and #Austria enjoy today excellent relations and my government stands ready to further improve our ties wherever possible, be it in politics, economics, science, tourism or technology. Israel celebrates seventy years of its statehood – and Austria celebrates with it. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"995904878609420288"}"></div></p>
<p>Et quelques jours auparavant, il décernait à Otto Friedmann Kernberg la « Große Goldene Ehrenzeichen der Republik Österreich », une haute distinction autrichienne. Ce célèbre psychiatre et psychanalyste juif américain, d’origine autrichienne, avait dû fuir l’Autriche en 1939 à la suite de l’Anschluss. À cette occasion, le jeune chancelier a rappelé une nouvelle fois de plus le <a href="https://twitter.com/sebastiankurz/status/995969413399633920">rôle primordial qu’a l’Autriche dans la lutte contre l’antisémitisme.</a></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"995968717820432384"}"></div></p>
<h2>Le pas de deux du FPÖ</h2>
<p>Sebastian Kurz appartient à une génération qui est l’héritière du devoir de mémoire, ce qui peut expliquer sa volonté farouche d’en finir avec le sombre passé de son pays en renouant de véritables liens d’amitié avec Israël.</p>
<p>Mais, de son côté, le FPÖ ne cache pas ses réserves. Si, lorsque Donald Trump déclara Jérusalem capitale d’Israël et affirma son souhait d’y déplacer l’ambassade américaine <a href="https://fr.timesofisrael.com/un-leader-autrichien-dextreme-droite-soutient-israel-sur-la-reconnaissance-de-jerusalem/">Heinz-Christian Strache apporta immédiatement son soutien à Israël</a>. Il ne manqua pas d’ajouter que l’Autriche, de par sa position, ne pouvait se désolidariser des autres États membres de l’UE :</p>
<blockquote>
<p>« Je peux comprendre le vœu d’Israël car beaucoup de politiciens israéliens affirment : “Notre capitale est Jérusalem ; c’est là que se trouve la Knesset. Nous souhaiterions également que les ambassades y soient installées, comme c’est la pratique courante dans le monde entier d’installer les ambassades dans les capitales.” Mais nous, Autrichiens, en tant que pays neutre, nous devons nous assurer de ne pas agir unilatéralement et de trouver un équilibre avec l’UE. »</p>
</blockquote>
<p>Conscient de la nécessité de polir son image, le FPÖ tente de suivre Sebastian Kurz, mais cette vitrine est ternie, comme nous l’avons dit, par les nombreuses affaires auxquelles est confronté le mouvement d’extrême droite.</p>
<p>Les réactions au sein de l’Union européenne se font, pour l’instant, toujours attendre. Dès lors, n’est-on pas en droit de se demander si l’UE, voulant croire à la sincérité du FPÖ dans sa quête de respectabilité, n’est pas moins sur ses gardes ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal LR de la ville de Maxéville (54). Également Directeur de cabinet du Maire de Remiremont (88)</span></em></p>Sebastian Kurz, qui appartient à une génération héritière du devoir de mémoire, veut en finir avec le sombre passé de son pays en nouant de véritables liens d’amitié avec Israël.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/941822018-04-05T20:23:03Z2018-04-05T20:23:03ZÉlection en Hongrie : l’avenir de l’Europe se joue aussi à Budapest<p><a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2018/01/11/97001-20180111FILWWW00081-hongrie-les-elections-legislatives-fixees-au-8-avril.php">Ce dimanche 8 avril</a>, les électeurs hongrois se rendront aux urnes pour élire les 199 députés de leur Assemblée nationale et ainsi désigner leur premier ministre. Le sortant, Viktor Orbán, <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2018/02/22/01003-20180222ARTFIG00324-hongrie-viktor-orban-le-franc-tireur-populiste-qui-defie-l-europe-entiere.php">héraut revendiqué de la « démocratie non-libérale »</a>, électrise aussi bien le débat politique intérieur que la scène politique européenne. À l’instar de Vladimir Poutine, sa renommée à l’extérieur est inversement proportionnelle à sa popularité à l’intérieur.</p>
<p>Pour comprendre les enjeux structurels de ces législatives dans un État charnière dans l’Union, il convient de prendre en compte mais également de dépasser les déclarations fracassantes du leader hongrois : en se posant en protecteur de la souveraineté nationale face aux quotas de migrants imposés par Bruxelles, en se faisant (jusqu’à il y a peu) l’avocat de la levée des sanctions et de l’amélioration des relations avec la Russie, ou encore en se donnant le rôle de défenseur de l’identité chrétienne de l’Europe dans un pays largement sécularisé, Viktor Orbán brouille l’image du pays sur la scène européenne.</p>
<p>Or, il ne résume pas à lui seul la politique hongroise : ce pays de 9,8 millions d’habitants est aujourd’hui face à trois grands défis que la prochaine législature devra affronter. Et l’avenir de la Hongrie engage celui de l’Europe : on le voit en Pologne, en Autriche et en Tchéquie, l’<a href="https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/lavenir-de-lunion-europeenne-se-joue-aussi-en-mitt.html">avenir de l’Union se joue en <em>Mitteleuropa</em></a> !</p>
<h2>Premier enjeu : un paysage politique en évolution ?</h2>
<p>Ces élections prennent place dans une séquence politique apparemment favorable au Fidesz, le parti du premier ministre sortant. Au pouvoir de 1998 à 2002, puis à partir de 2010, <a href="https://www.washingtonpost.com/news/monkey-cage/wp/2014/04/14/the-2014-hungarian-parliamentary-elections-or-how-to-craft-a-constitutional-majority/?utm_term=.86630e71ccb9">ce parti domine la scène politique nationale</a>, tout particulièrement dans la plaine pannonienne et dans la Hongrie des frontières de l’Est.</p>
<p>Lors des législatives précédentes, en 2014, avec une participation de 61 %, la coalition formée par le Fidesz (44 % des voix) et ses alliés chrétiens-démocrates du KDNP (25 % des voix) avait remporté la majorité absolue de deux tiers, raflant 133 sièges en tout et laissant les extrémistes de droite du Jobbik (20 %) bien loin derrière. De même, en 2017, le candidat soutenu par le Fidesz pour occuper le poste de président de la République de Hongrie, Jànos Ader, un des créateurs du Fidesz et un proche de Viktor Orbán, a été réélu à une très large majorité par les grands électeurs.</p>
<p>Mais la victoire du Fidesz et une nouvelle primature d’Orban sont-elles vraiment assurées le 8 avril ?</p>
<h2>L’extrême droite en quête de notabilité</h2>
<p><a href="http://www.liberation.fr/planete/2018/03/27/jobbik-l-ancien-parti-paria-qui-veut-detroner-viktor-orban_1639149">Le parti Jobbik</a> est dans une dynamique de contestation du leadership d’Orbán : il est aujourd’hui crédité de 15 % à 18 % d’intention de vote. Dès 2014, il avait presque remporté la victoire dans des bastions du Fidesz, comme à Mickolc. Longtemps explicitement antisémite, anti-Roms et anti-européen, il s’est aujourd’hui assagi au moins dans sa rhétorique, sous la conduite de son jeune créateur et dirigeant, Gabor Vona.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213421/original/file-20180405-189830-1e9gnoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213421/original/file-20180405-189830-1e9gnoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213421/original/file-20180405-189830-1e9gnoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213421/original/file-20180405-189830-1e9gnoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213421/original/file-20180405-189830-1e9gnoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213421/original/file-20180405-189830-1e9gnoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213421/original/file-20180405-189830-1e9gnoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des militants du Jobbik (ici en 2013, dans les rues de Varsovie).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/drabikpany/10910541115/in/photolist-hC8nKR">Piotr Drabik/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Comme le Front national français et comme le FPÖ autrichien, il a cherché à se notabiliser en se recentrant pour n’être pas condamné à une fonction tribunicienne. Il est vrai que les thématiques du parti ont été, en grande partie, reprises par le premier ministre sortant à partir de 2015.</p>
<p>Toute la question porte aujourd’hui sur le score de Jobbik : dépassera-t-il les 20 % de voix comme lors des législatives de 2014 ? Et sera-t-il en mesure de contester la probable majorité Fidesz ? La réponse est sans doute non, en raison de son incapacité à fédérer d’autres partis et d’autres groupes sociaux que son électorat.</p>
<p>Autre élément d’inquiétude pour la majorité sortante, un <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Europe/En-Hongrie-victoire-locale-lopposition-contredit-sondages-2018-02-26-1200916697">front « Tout sauf le Fidesz »</a> a semblé s’esquisser lors d’une élection locale : en février dernier, à Hodmezövasarhely, bastion du parti au pouvoir, le candidat indépendant a réussi à défaire largement (mais de façon complètement inattendue) le candidat du Fidesz avec 57 % des voix en coalisant les différents partis d’opposition et en mobilisant sur des thèmes locaux, sociaux et économiques ainsi que sur des questions locales.</p>
<p>Le premier enjeu de ces élections est donc moins la victoire du Fidesz (elle semble certaine) que les conditions de cette victoire : si le taux d’abstention est élevé, si les partis concurrents se désistent les uns pour les autres et si son principal rival, le Jobbik, dépasse son score de 2014, alors l’<a href="https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Hongrie-pays-haut-patronage-2018-01-16-1200906174">hégémonie du Fidesz sera ébranlée</a>.</p>
<h2>Deuxième enjeu : faire de l’économie la priorité</h2>
<p>Le deuxième enjeu de l’élection et de la prochaine mandature est évident : il faut que le développement économique redevienne le thème central de la vie publique hongroise. Ce pays, riche de potentialités, en a radicalement besoin.</p>
<p>Dans une économie très atone où les risques macroéconomiques s’accumulent et le ralentissement des investissements a fait retomber la <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2017/03/08/ms030917-HUNGARY-Staff-Concluding-Statement-of-the-2017-Article-IV-Mission">croissance à 2 % en 2016</a>, les enjeux économiques sont pourtant les grands absents du débat électoral. Les importantes réformes économiques ne sont pas au centre des programmes, et les partis ne s’affrontent ni sur le bilan ni sur les perspectives économiques.</p>
<p>Le fait n’est pas nouveau : depuis la transition, les déterminants socioéconomiques du vote sont plus liés au niveau d’éducation et à la situation géographique (ville/campagne, ou fiefs électoraux) qu’au niveau de revenu individuel de l’électeur ou au dynamisme économique de sa région.</p>
<h2>Sous la menace de la Commission de Bruxelles</h2>
<p>Le scrutin aura lieu quelques semaines après la discussion engagée par la Commission de déclencher l’article 7 du Traité de Lisbonne pour la Pologne et la Hongrie. Ce sont les répercussions de ce déclenchement qui pourraient, à moyen terme, avoir le plus d’impact sur l’économie hongroise. Les fonds européens pour le prochain cycle (2021–2027) sont en effet discutés alors que les deux pays pourraient voir leurs droits de vote suspendus au Conseil si la situation venait à s’envenimer.</p>
<p>Or ces élections sont en prise directe avec ce processus, car l’article 7 sanctionne une <a href="https://theconversation.com/lunion-europeenne-et-la-pologne-le-grand-ecart-84018">« violation grave par un État membre des valeurs » de l’Union (démocratie, égalité, État de droit…)</a>. Ce sont les réformes institutionnelles du Fidesz, au pouvoir depuis huit ans, qui ont mené la Commission à proposer le déclenchement. Suivant l’équilibre des pouvoirs au lendemain de l’élection du 8 avril, la tendance pourrait s’accélérer ou s’inverser.</p>
<p>L’enjeu économique est considérable pour la Hongrie : les transferts nets européens représentent 6 % de l’économie nationale, un <a href="https://www.ifs.org.uk/uploads/publications/bns/BN181.pdf">record absolu</a> (la Bulgarie, deuxième à 4,5 %, est largement devancée).</p>
<p>À court terme, cependant, l’enjeu économique de l’élection semble limité, car les secteurs réglementés ont été systématiquement réformés et leurs intérêts verrouillés par des concessions longues ou des acquisitions. Les centres de pouvoir et de décision sont également suffisamment sous contrôle pour qu’aucune fuite de capitaux ne soit à craindre si le Fidesz perdait sa majorité, ou inversement qu’un afflux ne se produise s’il retrouve la majorité des deux tiers.</p>
<p>C’est sur le long terme que l’enjeu de l’élection d’avril 2018 va peser sur l’économie hongroise : <a href="https://www.transparency.org/news/feature/corruption_perceptions_index_2017">sur l’indicateur de Transparency International</a> <em>Corruption Perceptions Index</em>, la Hongrie a glissé entre 2009 et 2017 de la 46<sup>e</sup> à la 66<sup>e</sup> place, derrière la Jordanie, Cuba ou le Monténégro.</p>
<h2>La question du vote des Transylvaniens</h2>
<p>Le plus grand paradoxe de ce scrutin concerne l’articulation inattendue entre le politique et l’économique, en dehors des frontières du pays : en Transylvanie (Roumanie) et dans les autres régions limitrophes. Les Transylvaniens qui se déclarent d’origine hongroise ont reçu la citoyenneté en 2010 et le droit de participer aux élections nationales. En 2014, le Fidesz et ses alliés avaient aidé une centaine de milliers d’électeurs de ce bastion de la droite à obtenir leur carte d’électeur puis à voter, <a href="https://www.researchgate.net/publication/275348274_Margins_of_Nationality">récoltant 95,5 % de votes pour Fidesz</a>.</p>
<p>En 2018, c’est leur participation <a href="https://verfassungsblog.de/only-fidesz-electoral-law-in-hungary/">qui déterminera, en grande partie, l’ampleur de la victoire d’Orbán.</a> Pourtant, le résultat de l’élection n’aura quasiment aucun impact sur la vie quotidienne de cet électorat crucial. Mis à part quelques projets d’apparat financés par le gouvernement Fidesz de manière très ciblée, aucune retombée économique directe de l’élection ne concernera ces circonscriptions déterminantes.</p>
<h2>Troisième enjeu : un repositionnement de la Hongrie en Europe ?</h2>
<p>Ces élections auront également un retentissement européen, à l’instar de <a href="https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/presidentielle-tcheque-enjeux-europeens.html">l’élection présidentielle en République tchèque</a> qui a récemment attiré l’attention de l’Europe. Toute la question est de savoir si la nouvelle primature annoncée de Viktor Orbán poursuivra sa ligne de rupture avec l’intégration européenne ou si elle choisira une inflexion.</p>
<p>Depuis au moins 2015, Viktor Orbán a choisi la ligne de la tension avec l’Union européenne. Il a contesté la décision de l’Union de répartir la charge des migrants et des réfugiés en Europe. Il a activement contribué à l’activité du groupe de Visegrad (qui réunit la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie) dans un mouvement de promotion des souverainetés nationales contre les politiques fédérales et le couple franco-allemand.</p>
<p>Viktor Orbán s’est aussi ouvertement rapproché de la coalition ÖVP-FPÖ en Autriche. Il a insisté, dans les enceintes européennes, sur la nécessité de conserver une coopération avec la Russie et de lever les sanctions. Il a même réclamé 500 millions d’euros aux institutions européennes pour compenser les dépenses engagées par la Hongrie pour faire face à l’afflux de migrants. En retour, l’Union européenne a engagé des procédures contre lui, notamment concernant la régularité de l’utilisation des fonds structurels en Hongrie.</p>
<p>Toutefois, la nouvelle mandature d’Orbán interviendrait dans un contexte qui pourrait l’inciter à quelques inflexions. Tout d’abord, durant la crise consécutive à l’affaire Skripal entre Londres et Moscou, la Hongrie s’est affirmée, de façon inattendue, comme un avocat de la ligne dure sur l’expulsion des diplomates russes. En outre, le gouvernement de coalition allemand ayant été constitué et des initiatives pour la relance de la construction européenne ayant été réalisées depuis l’élection d’Emmanuel Macron, Budapest ne sera plus en position de force pour faire entendre une tonalité souverainiste.</p>
<p>Un repositionnement européen de Budapest est donc tout à fait possible. Il est même souhaitable : de même que la Hongrie ne peut se passer de l’Europe, de même l’Europe ne peut se passer de la Hongrie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94182/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le bouillant premier ministre candidat Viktor Orban ne résume pas à lui seul la politique hongroise : ce pays est aujourd’hui face à trois grands défis que la prochaine législature devra affronter.Michaël Bret, Enseignant en économie, Sciences Po Cyrille Bret, Maître de conférences, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/928052018-03-13T22:29:11Z2018-03-13T22:29:11ZEn Autriche, le FPÖ n’en a pas fini avec les vieux démons du passé<p>Udo Landbauer. Ce nom n’est guère connu du grand public et pourtant ce jeune homme de 31 ans est une figure montante du Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ), l’extrême droite autrichienne actuellement au pouvoir en coalition en Autriche.</p>
<p>Pour rappel, le FPÖ a obtenu 26,86 % des voix lors des élections législatives autrichienne du 15 octobre 2017. Peu après ce scrutin, le candidat arrivé en tête avec 31,47 %, Sebastian Kurz (ÖVP), avait entamé des négociations en vue de former une coalition avec le FPÖ. Au final, ce parti a hérité de cinq ministères sur treize dans ce gouvernement de coalition, dont entre autres la vice-chancellerie, les ministères de l’Intérieur et de la Défense.</p>
<p>Au début du mois de février 2018, Udo Landbauer a été au cœur d’une affaire politique qui l’a contraint à renoncer à tous ses mandats et à se mettre en retrait du parti, ayant refusé de désavouer un livre retrouvé dans les locaux d’une organisation étudiante, qui faisait l’apologie du nazisme et du Troisième Reich.</p>
<p>Dans ce recueil de chansons, on y trouvait, en outre, des références explicites au nazisme et à l’extermination des Juifs, notamment à travers ce <a href="http://www.dw.com/de/%C3%B6sterreich-nazi-lieder-stellen-regierung-kurz-auf-bew%C3%A4hrungsprobe/a-42328029">« vers »</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Gebt Gas ihr alten Germanen, wir schaffen die siebte Million »<br>(Mettez les gaz, vieux Germains, on peut arriver au septième million.)</p>
</blockquote>
<p>Tête de liste aux élections provinciales de Basse-Autriche, qui se sont déroulé début 2018, il était membre d’une corporation étudiante à Wiener Neustadt, une ville située près de Vienne. Cette corporation, appelée « Germania », avait été fondée durant la Première Guerre mondiale et prônait le nationalisme allemand et le pangermanisme.</p>
<p>Le chancelier autrichien Sebastien Kurz n’a pas manqué de réagir tout de suite à la polémique que suscita cette affaire. Il a ainsi déclaré dans la presse qu’il comptait dissoudre cette organisation.</p>
<h2>Une ambiguïté idéologique et historique savamment entretenue</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois que le FPÖ est accusé d’entretenir une ambiguïté idéologique et historique vis-à-vis du national-socialisme. Les élus, cadres et membres du FPÖ arboraient souvent le <a href="https://www.rtl.be/info/monde/europe/le-parti-autrichien-d-extreme-droite-fpo-abandonne-son-bleuet-nazi--969375.aspx">bleuet à leur boutonnière, considéré comme un signe de ralliement à la période nazie.</a>. Ils y ont renoncé en 2017, lors de leur entrée au Parlement autrichien.</p>
<p>De nombreux observateurs ont vu dans ce changement intervenu une communication politique visant à prouver que le FPÖ était un parti respectable qui n’avait rien à voir avec le nazisme. Cette stratégie de « dédiabolisation » est courante dans les partis d’extrême droite qui aspirent à gagner en « respectabilité ». Néanmoins, il convient de souligner que, si les élus ne portent plus le bleuet, les militants continuent, eux, à le porter « fièrement » lors des manifestations politiques.</p>
<p>C’est aussi par un lexique sciemment employé et inspiré du vocabulaire nazi que le FPÖ sème la confusion. Pour preuve, le ministre autrichien de l’Intérieur, Herbert Kickl a évoqué, récemment, la <a href="https://www.rtbf.be/info/monde/detail_konzentrieren-en-parlant-des-migrants-un-ministre-fpo-utilise-un-terme-evoquant-le-nazisme?id=9808740">possibilité de « Konzentrieren » (concentrer) les demandeurs d’asile dans des centres adaptés.</a> Ce terme, faisant clairement référence aux camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale, n’a pas manqué de susciter l’indignation de la classe politique autrichienne.</p>
<h2>Une imprégnation qui vient de loin</h2>
<p>Petit retour en arrière : essayons de comprendre les raisons pour lesquelles le FPÖ est fortement imprégné du national-socialisme.</p>
<p>Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Autriche va retrouver un système démocratique avec une nouvelle Constitution. Ses deux premiers articles sont d’ailleurs explicites. Ainsi, l’article 1 stipule que « La République démocratique d’Autriche est rétablie et sera dirigée dans l’esprit de la Constitution de 1929. » Quant à l’article 2, il insiste bien sur le fait que « L’Anschluss imposé au peuple autrichien en 1938 est nul et non avenu. » Le principal objectif était alors d’opérer la « dénazification » de la société autrichienne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209890/original/file-20180312-30958-o3el5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209890/original/file-20180312-30958-o3el5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209890/original/file-20180312-30958-o3el5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209890/original/file-20180312-30958-o3el5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209890/original/file-20180312-30958-o3el5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209890/original/file-20180312-30958-o3el5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209890/original/file-20180312-30958-o3el5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les troupes d’Hitler défilent triomphalement dans les rues de Vienne, le 15 mars 1938.</span>
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<p>Ainsi, les premières années d’après-guerre permettaient de laisser penser qu’une formation politique d’extrême droite autrichienne ne verrait jamais le jour. Pourtant, le début des années 1950 va marquer un tournant dans l’Histoire autrichienne en dépit de la vigilance des leaders des partis en place.</p>
<p>En 1955, une nouvelle force politique apparaît : le FPÖ. Il succéda au Verband der Unabhängigen (VdU) (la Fédération des Indépendants), fondée en 1949. Le VdU regroupait en son sein, et il le revendiquait pleinement, de nombreux membres du NSDAP (Parti nazi) expulsés de l’Europe de l’Est. Toutefois, la vie de ce parti, du fait d’une lutte interne entre une approche plus libérale et une approche plus néo-nationaliste, sera de courte durée puisqu’il disparaîtra au profit du FPÖ.</p>
<h2>Un choix des mots aux relents nazis</h2>
<p>Jörg Haider, l’un des grands dirigeants du FPÖ, s’est servi de ce rapport ambigu à l’Histoire à des fins électorales. Ainsi se plaisait-il à dire, au cours d’interviews ou dans ses discours politiques, que « tout n’était pas si mauvais que cela sous le fascisme » ou encore que « les reproches faits aux nazis étaient peut-être exagérés. » Ses propos, loin d’être anodins, révélaient une orientation politique souhaitée.</p>
<p>En outre, la majorité de son électorat partageait cette ligne idéologique. Pour corroborer cette constatation, notons que nombre de responsables politiques du FPÖ ont eu des accointances avec le nazisme comme, par exemple, le premier chef de parti, <a href="http://www.liberation.fr/tribune/2000/09/14/la-lecon-de-l-autriche_337231">Anton Reinthaller</a>, ou encore son successeur, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Peter">Friedrich Peter</a>, un ancien membre de la Waffen-SS qui dirigea le parti entre 1958 et 1978.</p>
<p>Jörg Haider, à la fin des années 1980, va connaître un certain nombre de succès électoraux en utilisant des slogans inspirés du « Troisième Reich » et un vocabulaire proche de celui des dirigeants nazis entre 1933 et 1945. Par exemple, pour évoquer « l’invasion migratoire » dont serait victime l’Autriche, il emploie sciemment le terme d’« Überfremdung » qui rappelle la persécution dont ont été victimes les Juifs dans l’Allemagne nazie.</p>
<p>En octobre 1989, le FPÖ fait voter en interne par ses militants, une « Resolution zur Ausländerfrage » (résolution sur « la question des étrangers »). La reprise de la formulation : « la question de… » est-elle vraiment anodine ? L’immigration constitue bien un élément primordial du socle programmatique du FPÖ, tout comme la propagande nazie s’appuyait sur une politique antisémite. La « question des immigrés » du FPÖ semblerait ainsi faire écho à la « Judenfrage » (la question juive) de 1941.</p>
<h2>Un examen de conscience toujours en attente</h2>
<p>Pour être encore plus médiatisé, le FPÖ, sous l’impulsion de Jörg Haider, va dans les années 1990 jusqu’à accentuer son ambiguïté politique concernant la période de la Seconde Guerre mondiale. Raison pour laquelle, lorsque l’Autriche commémore le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre et de l’Holocauste, en 1995, les cadres et militants du FPÖ vont prendre leur distance vis-à-vis du gouvernement autrichien.</p>
<p>Ainsi, lors de rassemblements organisés par les militants du FPÖ, il ne sera pas rare d’entendre des personnes entonner des chants nazis ; ces mêmes personnes étant convaincues aussi que l’Autriche n’a pas à « s’incliner » devant la « pensée unique » européenne. Il faut savoir aussi que, jusque dans les années 1970, les <a href="http://gfx.sueddeutsche.de/apps/e865780/www/">hommes politiques du FPÖ se déclaraient « clairement antisémites »</a>. En 1973, un membre du FPÖ, Hans Klement, déclarea notamment qu’il lui serait impossible de former une coalition politique avec <a href="https://books.google.fr/books?id=jgOxFFViQbIC&pg=PA76&lpg=PA76&dq=juif+kreisky+FP%C3%96&source=bl&ots=RX2pLmEy1e&sig=FkVxdOYdPdBe1fRWCRQip1j8t40&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi3mOT--N7ZAhWEzxQKHfKKDLIQ6AEIOjAB#v=onepage&q=juif%20kreisky%20FP%C3%96&f=false">« le Juif Kreiksy »</a>.</p>
<p>L’évolution du FPÖ montre nettement qu’il existe des constantes idéologiques au sein de ce mouvement et la dérive individuelle d’Udo Landbauer ne constitue pas qu’un simple « fait divers ». Plus largement, l’ancrage du FPÖ, et ce d’une manière durable dans le paysage politique national, ne serait-il pas le résultat logique d’une Autriche qui n’a jamais totalement fait son examen de conscience sur son passé ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92805/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est Conseiller municipal LR de la ville de Maxéville
Egalement Directeur de cabinet du Maire de Remiremont</span></em></p>L’évolution du FPÖ montre qu’il existe des constantes idéologiques au sein de ce mouvement et les dérapages de certains de ses membres ne sont pas des simples « fait divers ».Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/924082018-02-26T21:07:31Z2018-02-26T21:07:31ZLégislatives en Italie : un enjeu de taille pour l’Union européenne<p>Les élections législatives italiennes du dimanche 4 mars 2018 auront une formidable portée européenne. Elles s’inscrivent en effet dans une série électorale particulière lancée par le Brexit du 23 juin 2016.</p>
<h2>Stop ou encore ?</h2>
<p>Depuis le référendum sur l’appartenance du Royaume uni à l’Union européenne, la plupart des élections générales en Europe se sont polarisées sur la question européenne : stop ou encore ?</p>
<p>Il y eut successivement la présidentielle autrichienne, les législatives hollandaises, la présidentielle française, les législatives allemandes, autrichiennes et tchèques. En décembre 2016, le troisième tour de la présidentielle autrichienne fut comme un référendum sur l’appartenance de l’Autriche à l’UE, le non étant incarné par le candidat du parti d’extrême droite, Norbert Hofer, et le oui par Alexander van Bellen, un écologiste finalement élu avec 54 % des voix.</p>
<p>En mars dernier, le Nexit aux Pays-Bas avait le <a href="https://theconversation.com/aux-pays-bas-geert-wilders-a-deja-gagne-la-bataille-des-idees-74762">visage de Geert Wilders</a>, leader du PVV, le parti pour la liberté, un parti avant tout xénophobe et islamophobe. À force qu’il soit donné en tête dans les sondages, les électeurs néerlandais participèrent à plus de 80 % pour donner une large majorité de suffrages à des partis attachés à la construction européenne et faire passer le PVV sous la barre des 20 %.</p>
<p>En mai, le Frexit prit en France le visage de Marine Le Pen. Au second tour, face à Emmanuel Macron, candidat qui faisait de l’approfondissement de l’Union européenne la clé de voûte de son programme, la candidate du Front national, tout en mobilisant 10 millions et demi de suffrages – un record – ne dépassa pas un tiers des suffrages exprimés.</p>
<p>En septembre, en <a href="https://theconversation.com/allemagne-un-seisme-electoral-de-moyenne-amplitude-84631">Allemagne aussi</a>, l’euroscepticisme voire le souverainisme fit une percée significative mais limitée : avec 13 % des voix, le parti de droite extrême AfD a envoyé 94 députés au Bundestag, tout en restant isolé dans sa remise en cause de l’euro.</p>
<p>Lors des élections législatives autrichiennes d’octobre dernier, le parti de la liberté d’Autriche, ce FPÖ d’extrême droite de Norbert Hofer dirigé par Hans-Christian Strache, n’est arrivé cette fois qu’en troisième position, avec 25 % des voix. Toutefois, le leader du parti conservateur ÖVP arrivé en tête, Sebastian Kurz, a offert à son adversaire jusqu’alors favorable à une quasi sortie de l’Autriche de l’UE de gouverner ensemble dans le cadre d’une coalition pro-UE mais xénophobe et anti-migrants.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/pologne-hongrie-les-valeurs-de-lunion-europeenne-font-sa-force-77923">droite extrême eurocritique, illibérale et xénophobe</a> est aussi au pouvoir en Hongrie depuis 2010, avec Viktor Orban, et en Pologne depuis 2015 avec le Parti droit et justice. Ce pourrait être aussi le cas en République tchèque, où Andrez Babis, le premier ministre issu des législatives de décembre, est porté par un parti populiste ambigu sur l’UE, ANO.</p>
<h2>Matteo Renzi, l’exception italienne</h2>
<p>Depuis cinq ans, l’Italie détonnait dans ce paysage, avec sa majorité de centre gauche pro-européenne dont la figure de proue, Matteo Renzi, avait même obtenu un raz de marée aux élections européennes de 2014. Aujourd’hui, les sondages donnent battu son mouvement, le Parti démocrate.</p>
<p>Les Italiens donneront-ils la majorité de leurs suffrages aux trois partis anti-européens que sont, d’une part, le <a href="https://theconversation.com/rome-a-cinq-etoiles-un-probleme-urbain-61241">Mouvement 5 étoiles (fondé par Beppe Grillo)</a>, ce parti populiste inclassable et, d’autre part, les deux partis d’extrême droite, La Ligue et Frateli d’Italia, l’un et l’autre proche de notre Front national et alliés au Forza Italia du vieux Berlusconi ?</p>
<p>Ce 4 mars 2018, si, contrairement à la France et aux Pays-Bas, mais comme la Pologne, l’Autriche et la Hongrie, les Italiens donnaient une majorité de leurs suffrages à des partis eurosceptiques voire souverainistes, ce serait une victoire de poids pour les partis qui rêvent de détourner l’Union européenne de son cours humaniste et de la faire bifurquer vers la xénophobie d’État, le nationalisme européen et la corrosion de l’État de droit.</p>
<h2>Le sentiment d’avoir été « lâché » par l’UE</h2>
<p>En effet, l’Italie n’est pas seulement un des six membres fondateurs de la construction européenne dans les années 1950. Elle en a aussi été l’un des plus ardents promoteurs jusque dans les années 2000. Durant ces six décennies, la société politique comme la société civile italiennes ont considéré la construction européenne comme une politique publique particulièrement efficace comme levier de réformes et de solutions aux difficultés spécifiques de leur pays.</p>
<p>Depuis la double crise ouverte à la fin de la décennie 2000, de l’euro et des dettes souveraines d’une part, et des flux migratoires d’autre part, un nombre croissant d’Italiens tendent à considérer l’Union européenne davantage comme un problème que comme une solution. Dans cette double crise, alors que l’Italie est l’un des États membres les plus exposés, ces électeurs ont le sentiment d’avoir été « lâchés » par les autres États membres. Ce ressenti n’est pas dénué de légitimité.</p>
<p>Ce retournement de l’opinion publique vis-à-vis de la construction européenne a été comme suspendu par le moment Renzi. L’actuel patron du Parti démocrate, ancien président du Conseil de 2014 à 2016, était parvenu à susciter brièvement une forte adhésion sur un programme couplant réformes structurelles domestiques et inflexion des politiques communautaires de l’UE.</p>
<p>Hélas, les autres États membres ni la Commission n’ont eu l’intelligence de permettre à Renzi d’incarner un retour de l’Italie en Europe, tandis que lui-même se prenait les pieds dans le tapis d’une réforme constitutionnelle et électorale rejetée par des Italiens devenus méfiants et par des partis soucieux de leurs rentes.</p>
<h2>Le succès annoncé des partis antisystème</h2>
<p>Aujourd’hui, c’est donc classiquement qu’une majorité d’Italiens s’apprêtent à voter pour l’alternance. Mais l’alternance en Italie prend maintenant le visage du rejet de la construction européenne. Le dépit et l’amertume diffus exprimés par les Italiens à son endroit pourrait bien favoriser la victoire, non pas tant de la droite, que celle des trois partis antisystème, xénophobes et eurosceptiques cités plus haut : le Mouvement 5 étoiles (M5S), ce parti populiste inclassable, et les deux partis d’extrême droite, La Ligue de Matteo Salvini et <em>Frateli d’Italia</em>.</p>
<p>Une alliance entre les trois n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui se profile, c’est plutôt une coalition dite de centre-droit entre les deux partis d’extrême droite et <em>Forza Italia</em> de Berlusconi. Les scores respectifs de chacun des trois détermineront le ton de leur programme de gouvernement sur la construction européenne comme sur une potentielle xénophobie d’État. Ira-t-on vers un programme de coalition à l’autrichienne, ou pas ?</p>
<p>La question est d’autant plus indécise que la réponse dépendra du score du Mouvement 5 étoiles. Ce « parti » est celui qui est donné en tête. Mais il ferait moins à lui seul que l’alliance dite de centre-droit. Alors que son intransigeant fondateur s’est retiré, son jeune et nouveau leader, Luigi di Maio, n’exclut plus de former une coalition. Mais alors, avec qui, et pourquoi faire ?</p>
<h2>Vers un « souverainisme mou »</h2>
<p>Si Luigi di Maio et le M5S ne font plus d’un référendum sur la sortie de l’euro un pilier de leur programme de gouvernement, ils restent fidèles à leur méfiance envers la construction européenne. Elle fait partie de leur suspicion générale envers les élites et toute forme de pouvoir institutionnel, une méfiance qui contribue en Italie à attirer vers ce mouvement des électeurs venus d’horizons et de cultures politiques très variés, et qui se reconnaissent dans le « ni de droite ni de gauche ».</p>
<p>Si en France, avec En Marche, le « et de droite et de gauche » fédère des électeurs et des militants d’horizons variés et favorables à l’Europe, en Italie, le « ni de droite ni de gauche » du M5S est défavorable à la construction européenne.</p>
<p>Ainsi, alors qu’il est fort délicat de prévoir quelle coalition gouvernementale procédera des élections législatives italiennes du 4 mars, il paraît probable que celle-ci, quelle qu’elle soit, sera eurosceptique ou, à tout le moins, très eurocritique. Qu’elle mettra en œuvre, si ce n’est un « souverainisme dur », au minimum un « souverainisme mou » (selon la distinction commode proposée <a href="https://global.oup.com/academic/product/opposing-europe-the-comparative-party-politics-of-euroscepticism-9780199258352?cc=fr&lang=en&">par Paul Taggart et Aleks Szczerbiak</a>.</p>
<p>Ce passage annoncé de l’Italie de la moitié de terrain européiste à la moitié de terrain souverainiste serait une bifurcation lourde de sens et de conséquences, non seulement pour l’Italie contemporaine, mais pour les Européens dans leur ensemble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce dimanche, une majorité d’Italiens s’apprêtent à voter pour l’alternance, qui prend désormais le visage du rejet de la construction européenne.Sylvain Kahn, Professeur agrégé, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/892872017-12-18T23:26:07Z2017-12-18T23:26:07ZAutriche : le retour de l'extrême droite au pouvoir dans un silence assourdissant<p>Pendant qu’en Allemagne la chancelière Merkel peine à former une nouvelle coalition, son voisin autrichien a vu, ce lundi 18 décembre, son nouveau gouvernement prêter serment.</p>
<p>Après 1983 et 1999, il aura donc fallu attendre 2017 pour voir l’extrême droite retrouver des ministères avec le retour au pouvoir du FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs). Le leader du parti de droite, l’ÖVP (Österreichische Volkspartei), Sebastian Kurz, avait annoncé peu après les élections entamer des négociations avec le FPÖ d’Heinz-Christian Strache. <a href="https://www.oevp.at/download/Regierungsprogramm_Kurzfassung.pdf">Et à l’issue de sept semaines d’âpres négociations entre les deux formations politiques</a>, un accord de gouvernement a finalement été trouvé pour la période 2017-2022 – accord qui laisse la part belle au FPÖ.</p>
<p>Celui-ci obtient pas moins de six ministères, dont celui de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères. Dès le début des négociations, le leader populiste Heinz-Christian Strache avait demandé des postes clés dans le gouvernement pour exercer un réel pouvoir au sein de cette coalition. En outre, Heinz-Christian Strache deviendra le nouveau vice-chancelier autrichien. <a href="http://www.nationalratswahl.at/ergebnisse.html">Pour rappel</a>, l’ÖVP de Sebastian Kurz était arrivé en tête des élections nationales avec 31,47 % des suffrages devançant le SPÖ avec 26,86 % et l’extrême droite autrichienne du FPÖ avec 25,97 %.</p>
<p>Le gouvernement autrichien dirigé par Sebastian Kurz, qui, soulignons-le, âgé seulement de 31 ans, sera le plus jeune dirigeant européen (devant Macron), a vocation à défendre avant tout les intérêts des Autrichiens, comme en atteste le titre du programme de gouvernement <a href="http://www.nachrichten.at/nachrichten/spezial/art194059,2763706">« Zusammen. Für unser Österreich ». (« Ensemble. Pour notre Autriche »)</a>. Les axes majeurs de ce programme gouvernemental sont les suivants : la sécurité des Autrichiens, la refondation de l’Europe et la lutte contre l’immigration illégale. Durant la campagne, le candidat Kurz avait axé son programme sur des thématiques proches de celles du FPÖ ; il n’est donc pas illogique de voir ressurgir ses propositions dans l’accord de gouvernement.</p>
<h2>L’irrésistible ascension du FPÖ</h2>
<p>Procédons à un bref retour en arrière pour tenter de comprendre comment cette nouvelle coalition ÖVP-FPÖ a pu voir le jour.</p>
<p>Lorsque Jörg Haider quitte le FPÖ en 2005 pour fonder son propre parti, le BZÖ (Bündnis Zukunft Österreich), beaucoup d’observateurs voient son ancien mouvement comme un parti amené à mourir puisqu’il devient orphelin de son leader charismatique. Celui-ci avait en effet nettement contribué, pendant plus de vingt ans, à redorer l’image du parti d’extrême droite autrichien. Refusant toutefois d’évoquer publiquement la « dédiabolisation » du FPÖ, il avait permis à ce parti d’obtenir des résultats encourageants qui allaient même le propulser jusqu’au gouvernement, au début des années 2000.</p>
<p>Alors que, durant de nombreuses années, les conservateurs de l’ÖVP et les sociaux démocrates du SPÖ (Sozialdemokratische Partei Österreichs) avaient dominé les débats, le FPÖ de Jörg Haider a réussi à mettre fin à cette bipolarisation de la vie politique autrichienne. L’un de ses successeurs, Heinz-Christian Strache, s’est appuyé sur ce travail pour faire du FPÖ une machine de guerre électorale.</p>
<p>Année après année et élection après élection, les candidats du FPÖ n’ont cessé d’obtenir des résultats encourageants, allant même jusqu’à atteindre le second tour de l’élection présidentielle de 2016, avec leur candidat Norbert Hofer. De plus, le FPÖ a longtemps fait la course en tête dans cette élection avant d’être rattrapé par l’ÖVP. De plus en plus d’Autrichiens se retrouvent dans les idées défendues par le FPÖ.</p>
<p>Ce succès de l’extrême droite s’explique en grande partie par le fait que, depuis la reprise en main du FPÖ par Heinz-Christian Strache, l’accent est mis sur la « lutte anti-islam » et contre l’immigration illégale. La <a href="https://www.br.de/nachrichten/straches-fpoe-ist-am-ziel-100.html">récente crise migratoire</a> à laquelle a été confrontée l’Union européenne n’a fait que renforcer, aux yeux de nombreux électeurs autrichiens, les arguments du FPÖ.</p>
<p>Par ailleurs, contrairement à la France où des alliances entre le FN et d’autres partis politiques semblent impossibles, il ne fut pas rare, par le passé, de voir en Autriche des alliances au niveau local ou régional entre le SPÖ et le FPÖ et FPÖ et l’ÖVP. Le FPÖ est aujourd’hui perçu comme étant « un parti comme les autres » et sa participation au prochain gouvernement devrait encore renforcer sa légitimité et sa « respectabilité » sur l’échiquier national.</p>
<h2>Au début des années 2000, l’Autriche sanctionnée… très brièvement</h2>
<p>Au début des années 2000, quand le FPÖ de Jörg Haider s’est trouvé aux portes du pouvoir, les pays européens protestent vivement contre cette entrée au gouvernement. <a href="https://www.cvce.eu/content/publication/2009/12/16/8a5857af-cf29-4f2d-93c9-8bfdd90e40c1/publishable_en.pdf">Le 31 janvier 2000, la présidence de l’UE</a>, alors exercée par le Portugal, déclare qu’elle prévoit un certain nombre de sanctions à l’égard de l’Autriche si les négociations pour la formation d’une coalition entre FPÖ et ÖVP vont jusqu’à leur terme. Ces sanctions entrèrent finalement en vigueur une fois le gouvernement officiellement formé, le 4 février 2000. La coalition fut alors condamnée par l’ensemble des quatorze états-membres de l’UE.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199784/original/file-20171218-27544-97207h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199784/original/file-20171218-27544-97207h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199784/original/file-20171218-27544-97207h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199784/original/file-20171218-27544-97207h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199784/original/file-20171218-27544-97207h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199784/original/file-20171218-27544-97207h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199784/original/file-20171218-27544-97207h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jorg Haider, celui qui a relancé l’extrême droite en Autriche dans les années 1990.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:J%C3%B6rg_Haider_04-09-2008.jpg">Sugarmeloncom/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Parmi les présidents ou chefs de gouvernement qui ont travaillé à l’élaboration de cette déclaration, on retrouve notamment le président français Jacques Chirac, le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, ou encore le chef du gouvernement espagnol, José María Aznar. Dès la formation du gouvernement autrichien, certains pays rompent leurs relations bilatérales avec Vienne, tandis que les candidats autrichiens à des postes dans les organisations internationales sont boudés.</p>
<p>Le 8 septembre 2000, les trois personnalités politiques (l’ancien président de la Finlande, Martti Ahtisaari, le juriste d’origine allemande, Jochen Frowein, et l’ancien ministre des Affaires étrangères espagnol, Marcelino Oreja) mandatées par les états-membres de l’Union, trois mois auparavant, remettent un rapport au président en exercice de l’UE, Jacques Chirac, sur les conséquences d’une participation gouvernementale du FPÖ. Si tous trois pointent du doigt les accents populistes de ce parti, ils constatent aussi que, depuis la formation du gouvernement à Vienne, aucune valeur européenne n’avait été bafouée. Le rapport préconise la levée immédiate des sanctions adoptées à l’encontre de l’Autriche par les quatorze autres états-membres. Ce qui est fait le 12 septembre 2000, l’UE indiquant toutefois qu’elle veillera au respect des valeurs européennes.</p>
<h2>En 2017, une Europe atone</h2>
<p>Rares ont été, cette fois, les réactions européennes. Ces derniers jours, on note celle de l’ancien premier ministre, Manuel Valls, qui dans un tweet publié le 16 décembre 2017 écrit :</p>
<blockquote>
<p>« En #Autriche un accord de gouvernement très inquiétant entre les conservateurs et le FPÖ qui donne des responsabilités majeures à l’extrême-droite : Intérieur, Défense, Affaires étrangères… la plus grande vigilance s’impose une nouvelle fois pour l’Union Européenne. »</p>
</blockquote>
<p>C’est donc dans la quasi indifférence de l’Europe que le FPÖ va à nouveau faire son entrée au gouvernement.</p>
<p>La montée des partis d’extrême droite sur le continent observée depuis une décennie se confirme élection après élection et les récents résultats du FN en France, de l’AfD en Allemagne et du FPÖ autrichien le prouvent. Quelle réaction doit adopter l’UE face à ce type de partis ? Faut-il prendre des sanctions, comme ce fut le cas pour l’Autriche en 2000 ? Ou ne rien faire, par peur d’être accusée d’ingérence politique au sein d’un État-membre de l’UE ? Pour l’heure, l’Union semble surtout tétanisée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89287/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal LR de la Ville de Maxéville.</span></em></p>Le jeune chef du gouvernement, Sebastian Kurz (31 ans) a mis l'accent pendant la campagne sur la sécurité des Autrichiens, la refondation de l’Europe et la lutte contre l’immigration illégale.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/776662017-05-14T10:52:30Z2017-05-14T10:52:30ZDeux populismes valent mieux qu’un !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169197/original/file-20170514-3668-6ummr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Affichage sauvage, le 23 avril 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/thierryleclercq/34074977261/in/photolist-SaNzgC-TV6azX-Tmv3UG">Thierry Teclercq/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>De l’étranger nous parviennent d’innombrables expressions d’un profond soulagement : après le Brexit, le succès de Donald Trump et le référendum turc remporté par Recep Tayyip Erdogan la France a mis fin, et de belle manière, à toute une <a href="https://theconversation.com/trump-poutine-erdogan-et-demain-le-pen-comment-expliquer-le-succes-des-cesars-du-xxi-siecle-71421">série d’inquiétantes évolutions politiques</a>. En refusant à Marine Le Pen d’accéder au pouvoir, et même d’obtenir un résultat satisfaisant aux yeux de son propre parti, qui entre en crise, notre pays est vu comme le champion de la démocratie, de la morale et de l’ouverture au monde et à l’Europe. Il incarne de fortes espérances.</p>
<p>Les commentaires sont oublieux d’autres épisodes, eux aussi significatifs, où l’extrême droite n’est pas parvenue à ses fins : en Autriche, bien des observateurs donnaient <a href="https://theconversation.com/les-visages-successifs-de-lextreme-droite-en-autriche-59557">Norbert Hofer</a>, son candidat, gagnant lors de l’élection présidentielle de l’hiver dernier finalement remportée par le candidat vert, Alexander Van der Bellen ; et aux Pays-Bas, Geert Wilders n’a pas obtenu les résultats qu’il escomptait aux récentes élections législatives. Les mêmes commentaires passent vite sur le score de Marine Le Pen, 34 % – ce qui est considérable –, sans parler <a href="https://theconversation.com/votes-blancs-le-bucher-des-voix-perdues-77413">des votes nuls et blancs et de l’abstention</a> qui ne lui sont pas plus défavorables qu’à Emmanuel Macron.</p>
<p>Mais cet enthousiasme à l’étranger pose une vraie question : pourquoi la France, contrairement à d’autres pays, a-t-elle pu résister à la vague mondiale de droitisation et aux tendances dominantes à la fermeture des sociétés sur elles-mêmes ?</p>
<h2>Deux radicalités inconciliables</h2>
<p>Le succès d’Emmanuel Macron a pour implication l’affaiblissement – provisoire ? personne ne peut le dire –, sinon la désintégration – personne ne peut l’exclure – des partis classiques de gouvernement : le Parti socialiste et « les Républicains », sans parler d’EELV. Il s’est construit face à trois principaux opposants. L’échec de François Fillon, écarté du second tour, a réinstallé au grand jour les <a href="https://theconversation.com/apres-lechec-de-la-droite-les-scenarios-de-la-recomposition-76674">dissensions internes à son propre parti</a>. Les deux autres opposants principaux incarnaient – l’une, Marine Le Pen – une radicalité nationaliste et souverainiste, raciste et xénophobe malgré divers efforts de « dédiabolisation » presque annihilés lors de son débat de l’entre-deux-tours avec Emmanuel Macron ; – l’autre, Jean‑Luc Mélenchon – une radicalité non moins souverainiste, mais ni raciste ni xénophobe, et colorée d’accents communisants ou gauchistes.</p>
<p>Disons-le d’une phrase, avant d’être plus précis : ce qui a évité à la France la droitisation extrême et la fermeture sur elle-même, c’est précisément cette dualité, c’est l’éclatement en deux morceaux de <a href="https://theconversation.com/et-le-vainqueur-est-le-populisme-76568">ce qui ailleurs ne fait qu’un</a>, et qui est couramment qualifié de « populisme » – un mot-valise qui appelle discussion, on pourrait parler aussi de radicalité ou d’extrémisme. L’élection d’Emmanuel Macron tient à de nombreux facteurs, certes, et l’hypothèse qui va être développée ici n’explique pas tout – mais elle mérite examen : s’il l’a emporté, n’est-ce pas parce qu’il avait en face de lui deux versions inconciliables du souverainisme populiste, là où le Royaume-Uni du Brexit et les États-Unis de Trump n’en ont eu qu’une ?</p>
<h2>Mélenchon et l’héritage communiste</h2>
<p>La première version, à droite, apparente la France à plusieurs pays, et pas seulement aux États-Unis et au Royaume-Uni, où s’observe depuis les années 80 la poussée de mouvements nationalistes, chacun avec ses spécificités, ses singularités. Le FN, né en 1972 du regroupement de quelques groupuscules extrémistes, s’est affirmé dix ans plus tard comme une véritable force politique qu’il n’a ensuite jamais cessé d’être, en faisant des immigrés sa principale cible. Anti-européen, anti-euro, fédérant bien des peurs et des inquiétudes sociales et culturelles sous la bannière du rejet des migrants, de la hantise de l’islam et du désir de sécurité, le projet du FN – comme d’ailleurs sa base électorale – le situent dans la même famille politique que les forces politiques ayant produit le Brexit ou Donald Trump.</p>
<p>Jean‑Luc Mélenchon a su fédérer lui aussi une certaine colère sociale, convaincre un électorat souvent jeune, avec des qualités d’orateur et une capacité à utiliser les nouvelles technologies de la communication qui en ont fait un candidat singulièrement moderne. Il a su siphonner bien des voix socialistes, avec l’aide de l’Élysée dont l’objectif était de « débrancher progressivement » le candidat du PS, Benoît Hamon. Mais pour comprendre son succès, il faut aussi faire intervenir d’autres caractéristiques : Mélenchon a su capitaliser une bonne partie de l’héritage, visible comme souterrain, des cultures de l’engagement et des idéologies communistes, gauchistes et même anarchistes qui ont joué un rôle si important dans l’histoire de la France.</p>
<p>La France a été un grand pays communiste. Le PCF, aujourd’hui réduit à très peu, mobilisait au sortir de la Seconde Guerre mondiale environ le quart de l’électorat. Quand le communisme a entamé son déclin, il s’est décomposé, ouvrant la voie au gauchisme dès la fin des années 60 avec ses diverses familles trotskistes, maoïstes, et autres. Et même si cela est très secondaire ici, n’oublions pas que la France a été aussi le pays de l’anarchisme et de ses penseurs, y compris en lien avec la question sociale, comme au temps du syndicalisme naissant, dominé alors par l’anarcho-syndicalisme.</p>
<h2>Des jeunes à quête de sens politique</h2>
<p>Plus ou moins dilué dans les mémoires et les consciences, ou dans des souvenirs familiaux, plus que porté par des engagements partisans, ce qui subsiste de cette histoire et des sensibilités qui l’ont animées a pu contribuer au score de Jean‑Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle. Une petite partie de ses quelque 20 % d’électeurs étaient jusque-là communistes ; beaucoup plus socialistes.</p>
<p>Mais l’essentiel est ailleurs, dans l’écho des discours de Jean‑Luc Mélenchon auprès de jeunes réceptifs à l’idée d’engagements s’inscrivant dans une continuité, même vague, avec ce que furent les mobilisations d’autres générations, et désireux eux aussi de donner un sens politique à leur existence.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/O6Q48L6JMtA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le vote Mélenchon n’est que bien peu le fruit d’une action collective organisée trouvant ainsi un nouveau débouché, encore qu’il a été le fait d’une base communiste ayant choisi de le soutenir alors que le sommet de l’appareil n’y tenait pas. Mais surtout, il renouvelle et éveille une culture militante française qui est activée non seulement dans les propositions de politique publique de Jean‑Luc Mélenchon, mais aussi dans ses références internationales – son hommage vibrant lors de la mort de Fidel Castro est de ce point de vue éclairant.</p>
<h2>La France réceptive à un discours post-communiste</h2>
<p>Si la France n’était pas réceptive à un discours finalement post-communiste, c’est-à-dire empreint du legs du communisme et de ses variantes gauchistes ; si elle n’avait pas gardé un petit côté anarchiste, qui se retrouve y compris dans le nom du mouvement de Mélenchon, « La France insoumise » ; si elle n’avait pas ce passé où prospéraient des idéologies que l’on pouvait croire obsolètes, mais que réactive sa rhétorique, même de façon subconsciente, il n’y aurait pas eu ce populisme de gauche exceptionnel sinon peut-être en Amérique latine et en Europe du Sud.</p>
<p>Dans le passé, ni le Royaume-Uni, ni les États-Unis n’ont eu un puissant et durable mouvement communiste –, ce qui leur a aussi évité le gauchisme qu’ont connu notamment la France et l’Italie. Au Royaume-Uni, c’est au sein du <em>Labour</em> que se fait la radicalisation avec Jeremy Corbyn, sur le mode du durcissement fondamentaliste et non du populisme, et avec pour principal impact d’affaiblir la gauche britannique.</p>
<p>Aux États-Unis, le communisme a été pourchassé, et pratiquement éradiqué au début de la Guerre froide, et n’a pas laissé de fortes traces dans les consciences – de temps en temps, un ouvrage ou un article rappelle néanmoins qu’il y a eu des communistes dans ce pays, fortement réprimés ; <a href="https://theconversation.com/clinton-sanders-et-la-metamorphose-du-parti-democrate-54491">Bernie Sanders</a> a surtout représenté au sein du Parti démocrate une aile gauche ouverte à des idées socialistes finalement assez proches de celles <em>d’Occupy Wall Street</em>. Dans ces deux pays, il n’y avait guère d’espace pour un important populisme de gauche.</p>
<p>En France, du fait d’une histoire politique qui a peut-être commencé avec la Révolution, des cultures sinon des idéologies contestataires et protestataires de gauche trouvent leur place. Si on additionne les scores de Marine Le Pen et de Jean‑Luc Mélenchon <a href="https://theconversation.com/une-france-pliee-en-quatre-mais-qui-ne-fait-pas-rire-76585">au premier tour de l’élection présidentielle</a> du 23 avril dernier, on obtient environ 40 %, bien plus que n’importe quel autre candidat. Mais les deux radicalités sont pratiquement inconciliables, relevant de familles de pensée et d’action qui se sont toujours affrontées.</p>
<p>La France en a fini avec le communisme sous François Mitterrand, et le gauchisme a cessé de prospérer. Mais en renouant avec certains éléments de l’un et de l’autre, en se dotant d’une double radicalité, à gauche et à droite elle a évité le sort du Royaume-Uni et des États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Wieviorka est président de la Maison des sciences de l'Homme.</span></em></p>Macron l’a emporté parce qu’il avait face à lui deux versions inconciliables du souverainisme populiste, là où le Royaume-Uni du Brexit et les États-Unis de Trump n’en ont eu qu’une.Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/713002017-01-17T21:09:56Z2017-01-17T21:09:56ZLe web et les réseaux sociaux, de bons thermomètres de l’opinion politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/152913/original/image-20170116-23932-jlbhcx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La passation de pouvoirs entre Nicolas Sarkozy et François Fillon (ici le 13 février 2016) était annoncée par certains indicateurs sur les réseaux sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Lionel Bonaventure/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Si la <em>web analytics</em> (l’analyse d’audience des sites) et le <em>social media monitoring</em> (l’analyse des données des réseaux sociaux) sont pratiquées couramment pour les entreprises, ces approches demeurent balbutiantes à des fins d’analyse sociopolitique. Pourtant, des données des sites et réseaux sociopolitiques sont disponibles qui permettent d’analyser de façon documentée cette arène importante du débat politique aujourd’hui. Les études empiriques diversifiées menées depuis l’été 2016 mettent en évidence la faisabilité, la crédibilité et l’intérêt de ces approches.</p>
<p>Cet article présent deux de ces études consacrées à la primaire de la droite et du centre et à l’élection présidentielle autrichienne. Parmi les outils disponibles, nous utilisons le programme Alexa pour les données des sites, et Semrush pour les données sur les réseaux numériques. Les données d’Alexa permettent de classer les sites politiques, tandis que le Social Media Tool de Semrush fournit des données détaillées sur les réseaux sociaux. Ces outils suscitent des interrogations méthodologiques légitimes, pour lesquels nous nous permettons de renvoyer aux billets (<a href="http://antoinebevort.blogspot.fr/2016/10/webanalytics-ou-lanalyse-daudience-des.html">ici</a> et <a href="http://antoinebevort.blogspot.fr/2016/12/fake-traffic-quelle-fiabilite-pour-le.html">ici</a>) que nous avons publiés par ailleurs sur cette question.</p>
<h2>La mesure d’une possible surprise Fillon</h2>
<p>Nous avons suivi l’audience des sites des candidats à la primaire de la droite à partir de l’été 2016, en publiant régulièrement des comptes rendus <a href="http://antoinebevort.blogspot.fr">sur notre blog</a>. Le 19 novembre 2016, la veille du premier tour, nous écrivions un billet intitulé « Audience de Juppé, Fillon et Sarkozy sur le web et dans les réseaux sociaux », qui développait l’hypothèse que l’audience du site de François Fillon et l’impact de sa communication sur les réseaux sociaux annonçaient une possible surprise.</p>
<p>En effet, comme l’illustre le graphique 1, publié dans ce billet, l’audience du site de François Fillon dépassait celle de Sarkozy depuis le 14 novembre et s’approchait de l’audience du site de Juppé.</p>
<p><em>Graphique 1. Rangs d’audience des sites de Juppé, Fillon, Sarkozy et Le Maire (28/9-17/11/2016)</em></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152898/original/image-20170116-9029-19tnbcu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152898/original/image-20170116-9029-19tnbcu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152898/original/image-20170116-9029-19tnbcu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152898/original/image-20170116-9029-19tnbcu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152898/original/image-20170116-9029-19tnbcu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152898/original/image-20170116-9029-19tnbcu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152898/original/image-20170116-9029-19tnbcu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Les jours suivants, le site de François Fillon se classait en tête des sites des candidats à la primaire. Les données sur les réseaux sociaux confirmaient la percée de Fillon, contrairement à ce qu’ont affirmé plusieurs médias après le premier tour. Ainsi <em>Le Parisien</em> estimait que les données des réseaux sociaux étaient de « mauvais thermomètres de l’opinion ». <em>La Croix</em> développait la même appréciation.</p>
<p>Ces analyses se référaient notamment à un expert des réseaux sociaux, <a href="http://www.reputatiolab.com/">Nicolas Vanderbiest</a> qui assurait, le 18 novembre sur son blog, que « le web social n’est pas un bon indicateur pour évaluer la puissance d’un candidat dans les urnes. ». Dans un ajout à l’issue du premier tour, cet expert précisait qu’« effectivement, vu les résultats, en aucun (cas) les réseaux sociaux n’expliquent la défaite de Sarkozy, et personne n’aurait pu prévoir la victoire de Fillon sauf s’il avait tout parié sur les partages Facebook. »</p>
<h2>L’engagement, l’indicateur le plus significatif pour Fillon</h2>
<p>Pour comprendre l’enjeu du débat, il faut préciser que la communication sur les <em>social media</em> se mesure de trois façons : l’audience, l’activité et l’engagement. L’audience mesure le nombre total de <em>fans</em>, de <em>followers</em>, d’abonnés acquis à une date donnée. Elle dépend surtout de l’activité passée. Le pouvoir génère beaucoup de fans et de followers. C’est la limite des données d’audience, qui a un effet stock important.</p>
<p>L’activité rend compte du nombre de posts, tweets et vidéos, et mesure l’activité de communication d’un acteur politique au cours des sept jours écoulés glissants.</p>
<p>L’engagement, enfin, évalue le nombre de « j’aime », de « partage », de « retweets » et de commentaires constatés également au cours des sept derniers jours. Parce qu’il mesure l’impact d’une communication politique, l’engagement est l’indicateur le plus significatif.</p>
<p>C’est en se fondant uniquement sur l’audience que l’on pensait que les réseaux sociaux n’avaient pas anticipé la victoire de Fillon, or l’engagement permettait bien de l’entrevoir.</p>
<p><em>Tableau 1. Données d’audience à la date du 18 novembre, d’activité et d’engagement dans la semaine du 12 au 18 novembre 2017 pour Facebook, Twitter et YouTube</em></p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152899/original/image-20170116-9062-11pobig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152899/original/image-20170116-9062-11pobig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=741&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152899/original/image-20170116-9062-11pobig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=741&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152899/original/image-20170116-9062-11pobig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=741&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152899/original/image-20170116-9062-11pobig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152899/original/image-20170116-9062-11pobig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152899/original/image-20170116-9062-11pobig.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Semrush 2016.</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Ces données cumulent l’audience des trois candidats sur Facebook, Twitter et YouTube à la date du 18 novembre 2016, les données d’activité et d’engagement se réfèrent à la période du 12 au 18 novembre 2016.</p>
<p>Les données comparées de la communication sur les réseaux sociaux des trois principaux candidats de la primaire de la droite (tableau 1) illustrent bien la différence entre les trois mesures. Sarkozy avait certes le plus d’audience accumulée devant Juppé et Fillon. Pour l’activité, Sarkozy menait devant Fillon et Juppé, qui a visiblement négligé les réseaux sociaux. C’est dans les données d’engagement que se lisait la surprise de Fillon. Il dépassait largement Alain Juppé et dans une moindre mesure Nicolas Sarkozy. L’engagement est bien l’indicateur le plus riche en information, dans la mesure où il mesure l’impact des posts, tweets et vidéos des trois candidats. Bien entendu, cet impact intègre aussi bien l’adhésion que le rejet des messages d’un candidat. Ce facteur a probablement été très important pour Sarkozy.</p>
<p>En conclusion du billet, nous écrivions ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Cet ensemble d’éléments complète les données des sondages. Il n’indique pas les intentions de vote à la primaire, mais l’intérêt suscité par les trois candidats. Les diverses données montrent que c’est François Fillon qui suscite l’intérêt le plus vif en cette dernière semaine. Cela autorise à penser qu’il pourrait créer une surprise dans cette primaire. »</p>
</blockquote>
<h2>En Autriche, la victoire annoncée du candidat Vert</h2>
<p>La présidentielle autrichienne du 4 décembre 2016 représente le second exemple illustrant l’intérêt des données numériques. Le 30 novembre 2016, nous avons publié un billet intitulé « La présidentielle autrichienne et le référendum l’Italie sur le Web et les réseaux sociaux », dont nous reprenons ici les données sur l’élection autrichienne.</p>
<p>Après avoir rappelé que les sondages étaient très serrés, très majoritairement en faveur du candidat issu des rangs de l’extrême droite <a href="https://theconversation.com/les-visages-successifs-de-lextreme-droite-en-autriche-59557">Norbert Hofer</a>, le billet exposait les données d’audience des sites et les données relatives aux réseaux sociaux.</p>
<p>Comme le montre le graphique 2, le site d’Alexander Van der Bellen se classait nettement devant celui de Norbert Hofer. L’écart de classement, tout en se rapprochant, restait significativement en faveur du candidat « vert ».</p>
<p><em>Graphique 2. Rangs d’audience des sites de N. Hofer et A. Van der Bellen sur le web du 7 septembre au 28 novembre 2016.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152900/original/image-20170116-9058-ub67be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152900/original/image-20170116-9058-ub67be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152900/original/image-20170116-9058-ub67be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152900/original/image-20170116-9058-ub67be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152900/original/image-20170116-9058-ub67be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152900/original/image-20170116-9058-ub67be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152900/original/image-20170116-9058-ub67be.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Les données relatives aux réseaux sociaux reproduisaient la configuration de la primaire de la droite. L’audience et l’activité de Norbert Hofer étaient quantitativement supérieures à celles d’Alexander Van der Bellen, mais les données d’engagement indiquaient que les interactions suscitées par leur communication politique étaient nettement à l’avantage du candidat écologiste.</p>
<p><em>Graphique 3. Audience au 29 novembre et Activité du 23 au 29 novembre de Hofer et Van der Bellen sur Facebook, Twitter et YouTube.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152901/original/image-20170116-9062-dfz5wq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152901/original/image-20170116-9062-dfz5wq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152901/original/image-20170116-9062-dfz5wq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152901/original/image-20170116-9062-dfz5wq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152901/original/image-20170116-9062-dfz5wq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152901/original/image-20170116-9062-dfz5wq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152901/original/image-20170116-9062-dfz5wq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Semrush 2016.</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p><em>Graphique 3. Engagement de Hofer et Van der Bellen sur Facebook, Twitter et YouTube au 23 au 29 novembre 2016.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152902/original/image-20170116-9029-9w97vv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152902/original/image-20170116-9029-9w97vv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=662&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152902/original/image-20170116-9029-9w97vv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=662&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152902/original/image-20170116-9029-9w97vv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=662&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152902/original/image-20170116-9029-9w97vv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=832&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152902/original/image-20170116-9029-9w97vv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=832&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152902/original/image-20170116-9029-9w97vv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=832&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Nous pouvions conclure ainsi : « Les sondages annoncent un scrutin très serré. Cependant, l’intérêt pour le site de Van der Bellen, et le nombre d’interactions générées par ses posts et ses tweets indiquent que l’audience du candidat vert est supérieure à celle du candidat d’extrême droite. » La victoire d’Alexander Van der Bellen confirmait que cet ensemble de données était bel et bien un bon thermomètre de l’opinion politique.</p>
<p>Les deux exemples montrent que les données d’audience des sites et des réseaux sociaux reflètent assez bien sûr l’influence relative des acteurs politiques. Dans la primaire du parti socialiste en cours, Benoît Hamon suscite le plus d’intérêt à la fois par le rang de son site et le nombre d’interactions suscitées sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Est-ce que cela se traduira dans les urnes le 22 janvier ? Il est difficile de le dire avec certitude, mais les deux exemples précédents rendent cette hypothèse plus crédible que les prévisions des sondages.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bevort Antoine est membre de la CFDT et président d'une association, la Régie de quartier Fontaine au Roi, Paris 11è.</span></em></p>Dans la primaire du Parti socialiste en cours, Benoît Hamon suscite le plus d’intérêt à la fois par le rang de son site et le nombre d’interactions suscitées sur les réseaux sociaux.Antoine Bevort, Professeurs émérite de sociologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/696662016-12-02T00:56:10Z2016-12-02T00:56:10ZPrésidentielle en Autriche, les populistes aux portes du pouvoir<p>L’Autriche et l’Europe sont à la veille d’une élection décisive. Le 4 décembre 2016, dimanche prochain donc, les électeurs se rendront aux urnes pour élire leur président de la République. Le candidat du parti populiste et nationaliste FPÖ, Nobert Hofer, sera une nouvelle fois en lice contre l’indépendant Alexander Van der Bellen. Le spectre d’une présidence d’extrême droite est souvent agité. Et si l’Autriche n’est évidemment pas à la veille d’un retour à l’ère nationale-socialiste, ce scrutin a toutefois une portée considérable pour la politique de ce pays-clé en Europe centrale. Il risque en effet d’avoir des conséquences importantes pour les équilibres du continent dans son ensemble.</p>
<h2>Les premières victoires juridiques du FPÖ</h2>
<p>Le premier enjeu de l’élection est la transformation complète de la vie institutionnelle et de la scène politique autrichienne. Ce pays sort d’une année complète de campagne électorale particulièrement agitée.</p>
<p>Lors du premier tour, le 27 avril dernier, Nobert Hofer était arrivé en tête, avec 35 % des voix. Son avance considérable avait consacré la défaite des candidats des partis traditionnels. <a href="https://theconversation.com/presidentielles-en-autriche-du-catastrophisme-au-soulagement-pas-si-vite-59870">Comme je l’avais souligné dans The Conversation</a>, il s’agit d’une étape historique dans la politique autrichienne. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la vie politique avait été dominée par deux partis alternant constamment au pouvoir, le parti social-démocrate (SPÖ) et le parti conservateur ÖVP. Ces deux forces avaient alors à peine dépassé 11 % chacune lors du premier tour de scrutin. L’hégémonie bipartisane est aujourd’hui morte. Et c’est la puissance électorale du FPÖ qui l’a tuée.</p>
<p>La campagne de l’entre-deux tours avait mobilisé de nombreuses forces politiques autour de la figure non-conformiste d’Alexander Van der Bellen, arrivé second avec 21 % des voix. Animant un front anti-FPÖ, l’ancien leader des Verts autrichiens l’avait alors emporté avec quelque 30 000 voix d’avance, notamment grâce aux votes par correspondance d’expatriés peu enclins au nationalisme.</p>
<p>Mais le <a href="https://theconversation.com/autriche-le-soulagement-anti-fpo-etait-bel-et-bien-premature-61958">passage du catastrophisme au soulagement</a> s’est révélé largement injustifié et très provisoire. En effet, le FPÖ a remporté cet été deux autres victoires, juridiques celles-là, dans la foulée de sa quasi-victoire politique. Il a, coup sur coup, obtenu l’invalidation des résultats deuxième tour, l’organisation d’un nouveau scrutin en octobre, puis son report au 4 décembre 2016 sur des questions de procédures.</p>
<h2>Le FPÖ donne le tempo</h2>
<p>Même si les sondages ne permettent pas, à ce jour, de dégager une tendance numérique, la dynamique de la campagne est au FPÖ. Il a donc enchaîné les succès dans les urnes et devant les tribunaux. Son seul opposant, Alexander Van der Bellen, n’a pas réussi à structurer une offre politique autour de lui : il est toujours le seul ciment d’un front anti-FPÖ hétérogène ; les partis traditionnels (ÖVP et SPÖ) œuvrent toujours au Parlement à leur propre retour. Enfin, son profil d’intellectuel viennois typique peine à rassembler les électorats provinciaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/148275/original/image-20161201-25653-api0tf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/148275/original/image-20161201-25653-api0tf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/148275/original/image-20161201-25653-api0tf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/148275/original/image-20161201-25653-api0tf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/148275/original/image-20161201-25653-api0tf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/148275/original/image-20161201-25653-api0tf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/148275/original/image-20161201-25653-api0tf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le candidat indépendant Alexander Van der Bellen, trop isolé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://simple.wikipedia.org/wiki/Alexander_Van_der_Bellen#/media/File:Alexander_Van_der_Bellen_2016.jpg">Manfred Werner/Tsui/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Or, à l’échelle du pays, le FPÖ est le parti le mieux structuré : présent au Parlement, aux affaires dans plusieurs régions, il donne le tempo et structure le débat politique. Ses thèmes de prédilection sont sur le devant de la scène : islam et identité chrétienne du pays, réfugiés et quotas de demandeurs d’asile, critiques envers les tendances fédéralistes de Bruxelles.</p>
<p>La victoire du FPÖ marquerait, en tout cas, une nouvelle étape dans la vie politique du pays. Elle aurait plusieurs conséquences immédiates. Le candidat Hofer a promis de dissoudre Parlement pour disposer d’une majorité parlementaire FPÖ : cela consacrerait une nouvelle fois la fin de la dyarchie ÖVP-SPÖ. En outre, le parti populiste et nationaliste a régulièrement mentionné l’organisation d’un référendum sur l’Union européenne au cas où celle-ci imposerait des politiques trop favorables à la Turquie ou aux réfugiés. En somme, le FPÖ est déjà le principal parti en Autriche.</p>
<h2>Un impact régional évident</h2>
<p>Le populisme européen peut remporter une victoire majeure en Autriche
La candidature de Nobert Hofer a, en outre, un enjeu régional évident : les partis populistes, eurosceptiques ou illibéraux, prospèrent actuellement dans toute la région. Ils sont au pouvoir en Hongrie (Fidesz), en Pologne (PiS), en Slovaquie (SMER-SD). Ces anciennes républiques démocratiques sont cimentées par plusieurs marqueurs politiques : hostilité à la politique d’accueil des réfugiés promue par l’Allemagne et la Commission européenne, fascination assez large (sauf en Pologne) pour le pouvoir fort d’un Vladimir Poutine, ou encore opposition à l’implantation de l’islam en Europe.</p>
<p>La victoire de Norbert Hofer ferait franchir au populisme anti-libéral et eurosceptique une étape décisive. Elle montrerait qu’une démocratie libérale ancienne, fondée sur une économie de marché forte et sur une tradition parlementaire séculaire, peut faire cause commune avec d’anciens « nouveaux » États membres. Le candidat Hofer a ébauché des rapprochements avec ses voisins : depuis juillet, il fait partie du triumvirat qui exerce actuellement la présidence de l’Autriche par intérim en tant que vice-président du Parlement. Pour étoffer sa stature internationale, il a réalisé une tournée dans les pays limitrophes et a dégagé des convergences avec eux.</p>
<p>Le groupe de Visegrad (ou V4) qui réunit la Hongrie, la Tchéquie, la Pologne et la Slovaquie est susceptible de devenir un « V5 » avec l’Autriche. Dans ce cas, les équilibres politiques de la Mitteleuropa et de l’Union tout entière seraient modifiés. La politique d’accueil des réfugiés, la répartition obligatoire des demandeurs d’asile et la fédéralisation des risques, <a href="https://theconversation.com/angela-merkel-face-a-leffritement-de-la-culture-de-laccueil-53341">promues par Angela Merkel</a> et la Commission, subiraient un revers considérable. Et inquiétant à l’approche des élections générales en France, aux Pays-Bas et en Allemagne.</p>
<p>Ruine du système politique bipartisan traditionnel, mouvements anti-islam, hostilité à l’accueil des réfugiés prôné par Bruxelles, rhétorique eurosceptique irréaliste : de nombreux éléments sont aujourd’hui réunis pour offrir au populisme autrichien la victoire électorale majeure qu’il construite depuis trois décennies. La victoire presque probable de Nobert Hofer accentuerait, en la notabilisant, la tendance générale à l’euroscepticisme populiste et nationaliste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’Autriche n’est évidemment pas à la veille d’un retour à l’ère nationale-socialiste, ce scrutin a une portée considérable pour la politique de ce pays-clé en Europe centrale.Cyrille Bret, Maître de conférences, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.