tag:theconversation.com,2011:/global/topics/cara-be-29582/articlesCaraïbe – The Conversation2024-03-27T16:47:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2263652024-03-27T16:47:15Z2024-03-27T16:47:15ZHaïti, la fin d’un État<p>Haïti, <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2011/01/12/histoire-d-haiti-la-premiere-republique-noire-du-nouveau-monde-de-catherine-eve-roupert-et-ma-vie-a-saint-domingue-de-jean-jacques-salgon_1464575_3260.html">première république noire</a>, apparaît de nouveau dans l’actualité sous les traits d’un <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cy7zdzz2z7eo">État aux abois</a>, d’une société en proie à une violence multiforme.</p>
<p>Depuis le 11 mars 2024, le pays est sans autorité légale. Ses ports et ses aéroports sont fermés. La région métropolitaine vit au ralenti. Le premier ministre <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2024/03/12/apres-la-demission-du-premier-ministre-la-fin-de-la-crise-a-haiti/">Ariel Henry a dû démissionner</a> sous la pression des bandits qui ont <a href="https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/10/08/comment-les-gangs-ont-pris-le-controle-d-haiti-comprendre-en-trois-minutes_6193123_6176282.html">pris le contrôle de plus de 80 % de l’espace métropolitain</a>.</p>
<p>Le président Jovenel Moïse a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/07/haiti-le-premier-ministre-annonce-l-assassinat-du-president-jovenel-moise_6087360_3210.html">assassiné</a> le 7 juillet 2021 dans des conditions troublantes ; mis à part <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20230215-assassinat-du-pr%C3%A9sident-ha%C3%AFtien-jovenel-mo%C3%AFse-quatre-hommes-arr%C3%AAt%C3%A9s-aux-%C3%A9tats-unis">quelques complices de second rang</a>, les principaux commanditaires du crime courent encore. Depuis, les bandes armées <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/13/haiti-ce-ne-sont-pas-deux-franges-de-la-population-qui-s-affrontent-mais-des-bandes-armees-qui-utilisent-la-terreur-pour-asseoir-leur-pouvoir_6221711_3232.html">continuent de faire régner la terreur</a> et plus de 350 000 personnes ont dû fuir de chez elles en quête d’un abri plus sûr.</p>
<p>Comment en est-on arrivé là ? Pour le comprendre, il convient d’analyser la triple faillite de l’État haïtien.</p>
<h2>Faillite écologique</h2>
<p>Le pays est soumis au double aléa <a href="https://ayiti.unice.fr/sismo-ayiti/votre-communaute/le-risque-sismique-en-haiti.html">sismique</a> et <a href="https://www.unicef.org/haiti/recits/ha%C3%AFti-face-au-d%C3%A9fi-du-changement-climatique">hydroclimatique</a>. Les <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/8316">cyclones de plus en plus fréquents</a>, de plus en plus violents ; les séismes majeurs qui peuvent se produire à tout moment (comme ceux de <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre-2013-1-page-163.htm">janvier 2010</a> et <a href="https://theconversation.com/sismo-citoyens-et-chercheurs-du-monde-entier-sallient-pour-comprendre-le-recent-seisme-dha-ti-166787">août 2021</a>) renforcent au sein de la population un sentiment de vulnérabilité systémique.</p>
<p>Lorsque les Européens ont débarqué au XV<sup>e</sup> siècle, la forêt recouvrait 90 % du territoire ; aujourd’hui, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/haiti-a-perdu-98-de-ses-forets-en-moins-de-trois-si%C3%A8cles_3061201.html">elle n’en occupe plus que 3 %</a> selon les données les plus fiables.</p>
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<p>Le milieu naturel a donc été soumis à rude épreuve. La déforestation a mis à nu des versants pentus dont la terre arable a été entraînée vers la mer par les pluies diluviennes. Les sols sont, par conséquent, pauvres, dégradés et les <a href="https://agritrop.cirad.fr/580382/1/ID580382.pdf">rendements agricoles</a> en souffrent.</p>
<p>La situation du milieu marin est <a href="https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/267">catastrophique</a>. Le réchauffement global et la montée des eaux <a href="https://journals.openedition.org/com/1018">menacent les milieux littoraux fragiles</a>. Les coraux blanchissent et la mangrove est exploitée pour faire du charbon. Les frayères des espèces marines benthiques sont menacées d’ensevelissement sous une chape d’alluvions récentes.</p>
<h2>Faillite économique</h2>
<p>La sécurité alimentaire de la population s’en trouve compromise. Avec le blocage des routes, <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/haiti-la-directrice-de-l-unicef-decrit-une-situation-apocalyptique-1473192.html">l’UNICEF alerte sur le risque de famine</a>, qui concerne plus de 2 millions de personnes, en majorité des femmes et des enfants. Le chômage touche également plus de 60 % de la population active.</p>
<p>Après l’indépendance, les anciens esclaves voulaient sortir de l’aliénation économique. Leur premier souci était d’assurer leur autosubsistance sans rapport de dépendance à l’égard de l’État. Mais le <a href="https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2005_num_92_346_4149_t1_0348_0000_5">Code rural de Toussaint Louverture</a> n’a pas répondu à leurs espoirs, se contentant de remplacer « esclaves » par « cultivateurs » dans les grands domaines.</p>
<p>Les Blancs restés dans la colonie après la proclamation de l’indépendance en janvier 1804 furent en grande partie <a href="https://www.haiticulture.ch/Jean-Jacques_Dessalines.html">massacrés sur ordre de Dessalines</a>, le père de l’indépendance haïtienne, à l’exception des Polonais qui avaient pris parti pour l’armée des insurgés contre <a href="https://www.herodote.net/Retablissement_de_l_esclavage_et_independance_d_Haiti-synthese-2955.php">l’expédition coloniale chargée en 1802 de rétablir l’esclavage dans l’île</a>.</p>
<p>Les grandes plantations perdirent peu à peu leur capacité de production par manque de personnel et du fait de la fuite de la main-d’œuvre vers les mornes. L’agriculture de plantation, qui avait fait de Saint-Domingue « la Perle des Antilles », laissa peu à peu la place à une économie paysanne de petits cultivateurs indépendants pratiquant une polyactivité très adaptée à leur souci d’autonomie personnelle. Ainsi se mit en place le <a href="https://maison-monde.com/maisons-rurales-haiti-lakou/">lakou</a>, cellule de base de l’habitat rural haïtien prenant racine sur les ruines de la plantation. Il s’ensuit une fragmentation extrême du tissu foncier au fur et à mesure de la croissance de la population : 400 000 habitants en 1804, plus de 11 millions en 2024.</p>
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<p>Quelques chiffres rendent compte de la situation difficile de la population. Avec une moyenne de 441 hab/km<sup>2</sup> et une grande concentration humaine dans les plaines, peu étendues, la densité est très forte sur certaines portions du territoire. La capitale, Port-au-Prince, regroupe 3,3 millions des 11 millions d’habitants du pays. <a href="https://journals.openedition.org/com/9806">30 % des Haïtiens</a> vivent au-dessous du seuil de pauvreté (fixé à 1,80 €/jour), ce qui explique la faiblesse de l’espérance de vie (63 ans, alors qu’elle est de 83 ans à Cuba).</p>
<p>Aujourd’hui la société haïtienne est une des <a href="https://lescientifique.org/inegalites-et-pauvrete-en-haiti-a-mieux-comprendre-ses-enjeux-et-consequences">plus inégalitaires des Amériques</a>. 20 % de la population concentrent 64 % des richesses alors que 20 % des plus pauvres n’en possèdent que 1 %.</p>
<h2>Faillite politique</h2>
<p>Après avoir subi de 1957 à 1986 la <a href="https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/chez-nos-voisins/pour-comprendre-la-situation-en-haiti-retour-sur-la-dictature-des-duvalier-957449.php">dictature dynastique des Duvalier</a> (François et Jean-Claude), protégés par les <em>Tontons Macoutes</em>, milice à la sinistre réputation, le pays est entré dans une spirale de violence qui mêle la répression des mouvements sociaux par des régimes brutaux et les exactions commises par des bandits.</p>
<p><a href="https://pauillac.inria.fr/%7Emaranget/volcans/06.96/comment.html">L’abolition en 1995 de l’armée</a> par le président Jean-Bertrand Aristide, comme remède à la récurrence des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2011/05/13/01003-20110513ARTFIG00537-de-coups-d-etat-en-dictatures-l-histoire-convulsive-d-haiti.php">coups d’État militaires</a>, se révèle un mauvais calcul. La perte du monopole de la violence légitime laisse l’État central à la merci des groupes armés recrutés illégalement par les hommes d’affaires et les politiciens pour défendre leurs propres intérêts. Les gangs armés ont pris le contrôle d’une grande partie du territoire et des principaux axes de circulation, avec comme principal enjeu le contrôle du trafic de drogue entre les pays andins et la Floride. L’argent de la drogue a gangréné la société haïtienne et corrompu les cadres dirigeants de l’État.</p>
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<p>La transition vers la démocratie a été ratée du fait de la brutalisation de l’espace public et de son invasion par des groupes mafieux qui ont fait dérailler le train de la démocratie au début des années 2000. S’est ensuivie une intervention des <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minustah">Casques bleus de l’ONU, de 2004 à 2017</a> avec pour mission la stabilisation de la situation. À la fin de la mission, les gangs ont repris de l’activité et défient aujourd’hui ouvertement l’État en s’appropriant des secteurs entiers de la capitale. Devenus des territoires perdus de la Loi, ces quartiers sont barrés par des portails en fer et des murs érigés par les gangsters.</p>
<p>Les gangs occupent 80 % du territoire de la capitale haïtienne. Ils rançonnent la population et terrorisent les faubourgs. <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/haiti/haiti-les-violences-des-gangs-ont-fait-doubler-le-nombre-dhomicides-en-2023-69b182b8-ba09-11ee-afe8-d81ceac7fa4c#">Plus de 5 000 morts ont été enregistrés depuis janvier 2023</a>, et plus de 25 000 personnes ont été enlevées contre rançon.</p>
<p>L’émigration apparaît comme <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/haitians-flee-collapse">l’unique recours</a>. En 2023, selon l’Organisation internationale des migrations, les principaux pays de destination sont les États-Unis (700 000), la République dominicaine (500 000), le Chili (230 000), le Canada (100 000) et la France (90 000). Avec un effectif d’environ 3 millions de personnes installées aux États-Unis, au Canada, en République dominicaine et en France (en comptant la deuxième et la troisième générations), la diaspora transfère chaque année l’équivalent de 3 milliards de dollars dans le pays d’origine : les Haïtiens de l’extérieur font vivre ceux de l’intérieur. Le revers de la médaille, c’est un tarissement des ressources humaines : 85 % des personnes titulaires d’un diplôme supérieur ou égal à un master sont à l’étranger.</p>
<h2>Une seule loi, celle du plus fort</h2>
<p>Le 2 octobre, le Conseil de Sécurité de l’ONU a <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/02/le-kenya-prend-la-tete-de-la-future-force-en-haiti-a-la-demande-des-etats-unis_6192062_3212.html">mandaté le Kenya</a> pour une mission financée non pas par l’ONU mais par des contributeurs volontaires, essentiellement les États-Unis. Le Kenya s’est dit prêt à envoyer 1 000 policiers pour lutter contre les gangs, ce qui semble bien peu vu l’ampleur de la tâche. Mais depuis la démission du premier ministre et la menace grandissante des bandits, le Kenya multiplie les déclarations dilatoires et <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20240314-l-envoi-d-une-force-internationale-en-ha%C3%AFti-une-mission-impossible-pour-le-kenya">repousse sine die</a> la mise en exécution de son engagement d’intervention. C’est d’ailleurs au retour d’un voyage à Nairobi que le premier ministre a été destitué. Signe qu’il n’y a pas de véritable accord entre les protagonistes de la situation : plus de dix jours après l’annonce de cette destitution, la société civile et les partis politiques appelés à la table de négociation n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur un calendrier de sortie de crise.</p>
<p>Haïti reste un terrain miné où personne n’a envie de s’engager, parmi les partenaires occidentaux traditionnels. Un sentiment de solitude existentielle taraude les Haïtiens et leur enlève tout espoir de solution. C’est de ce qui arrive lorsqu’on a foulé aux pieds les principes de liberté, d’égalité et de solidarité pour ne laisser place qu’à la loi du plus fort. La fin d’un État ouvre la voie à la loi de la jungle, à la raison du plus fort. Et les plus forts pour le moment, ce sont les bandits et les groupes mafieux qui les approvisionnent en armes et en munitions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226365/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Théodat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà de la crise sécuritaire actuelle, Haïti est enfoncé depuis des années dans une triple crise – écologique, économique et politique – dont on peine à discerner la fin.Jean-Marie Théodat, Maître de conférences en géographie physique, humaine, économique et régionale, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2256272024-03-21T17:32:29Z2024-03-21T17:32:29ZHaïti s’est enfoncé dans la crise. Voici quatre solutions pour l’aider à s’en sortir – et cela prendra du temps<p>L’état de crise est complet en Haïti. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2033413/haiti-onu-espere-arrivee-force-multinationale-1er-trimestre-2024">Une mission internationale conduite par le Kenya</a> devait arriver début 2024, avant d’être <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2056617/kenya-mission-haiti-suspension-police?depuisRecherche=true">suspendue</a> en raison de la situation désastreuse dans le pays. </p>
<p>Dernier coup d’éclat : la <a href="https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/808900/peu-espoir-haiti-apres-demission-ariel-henry">démission du premier ministre nommé Ariel Henry</a>, le 11 mars 2024. Cela a amené une certaine accalmie, mais en l’absence de solutions politiques concertées, cette dernière pourrait n’être que de courte durée.</p>
<p>Nombre de pays soutiennent actuellement la création d’un <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2056691/haiti-ariel-henry-demission-reactions-violence-quatre-questions?depuisRecherche=true">conseil présidentiel de transition</a>. Les États-Unis ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2056268/haiti-crise-violence-caricom-aide-humanitaire?depuisRecherche=true">débloqué 133 millions de dollars</a>, et les Nations-Unies devraient initier <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057355/haiti-port-au-prince-troubles-tirs-gang-violence?depuisRecherche=true">« un pont aérien »</a> entre Haïti et la République dominicaine afin de faciliter l’entrée de l’aide humanitaire.</p>
<p>Ces actions de la communauté internationale peuvent-elles mettre fin à l’instabilité politique et institutionnelle en Haïti ? </p>
<p>Ancien fonctionnaire de l’administration publique haïtienne, pour laquelle j’ai travaillé pendant huit ans, je suis aujourd’hui chercheur et chargé d’enseignement à l’École nationale d’administration publique. Mon co-auteur a enseigné la conception et la mise en œuvre des politiques publiques en Haïti. Les analyses et conclusions que nous présentons sont tirées de nos expériences professionnelles et de nos travaux de recherche. </p>
<h2>Haïti au milieu du chaos</h2>
<p>En juillet 2018, des vagues de violences ont secoué Haïti. La population protestait contre la montée des prix des carburants. Ces mouvements de contestations ont servi de précédents au développement d’un phénomène dénommé <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Haitian_crisis_(2018%E2%80%93present)">« peyi lock »</a>, ou blocage du pays, devenu récurrent depuis. Il entraîne une mise à l’arrêt de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2054218/haiti-urgence-attaques-gangs?depuisRecherche=true">tous les secteurs prioritaires</a>, comme les écoles ou les banques. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2053907/gangs-assaut-prison-port-prince-evasions">Les prisons</a> ont aussi été prises d’assaut. </p>
<p>La crise est multidimensionnelle : <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview">politique, économique</a>, sécuritaire, <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2024-03-09/haiti/la-situation-humanitaire-toujours-plus-precaire-a-port-au-prince.php">humanitaire</a>. Selon l’UNICEF, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057901/unicef-haiti-mad-max-gangs?depuisRecherche=true">80 %</a> de la capitale, Port-au-Prince, seraient contrôlés par les gangs criminels, avec à leur tête le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2054894/jimmy-barbecue-cherizier-haiti-g9">désormais célèbre Jimmy « Barbecue » Chérizier</a>. </p>
<p>Les 8 et 9 mars 2024, la crise a atteint son apogée lorsque des bandes rivales ont cherché à prendre le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2056027/crise-haiti-entrevue-ambassadeur-canada?depuisRecherche=true">contrôle d’infrastructures névralgiques</a>, <a href="https://fr.africanews.com/2024/03/05/haiti-des-gangs-prennent-dassaut-laeroport-6-policiers-tues/">dont le principal aéroport international et le port</a>. </p>
<h2>Une crise politique qui s’inscrit dans le temps</h2>
<p>L’ancien président Jovenel Moïse, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1015480/haiti-jovenel-moise-president-election-crise-politique">élu en 2017</a>, n’avait pas déclenché d’élections durant tout son quinquennat. Cela a fragilisé les institutions publiques, déjà chancelantes, et la stabilité <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2021-05-06/pas-de-financement-ni-d-observateurs-europeens-pour-le-referendum-en-haiti.php">sécuritaire du pays</a>.</p>
<p>Son <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/1941">assassinat</a> le 7 juillet 2021, qui s’inscrit dans l’histoire politique mouvementée du pays, n’a fait qu’accélérer cette débâcle. La présidence est vacante depuis. </p>
<p>La crise actuelle ne date pas d’hier. Ses racines remontent à l’indépendance d’Haïti, en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_ha%C3%AFtienne">1804</a>. Depuis cette date, le pays a connu de nombreuses crises politiques.</p>
<p>La <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minustah">MINUSTAH</a>, mission des Nations-Unies arrivée en Haïti en juin 2004, après le <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/762">renversement du Président Jean-Bertrand Aristide</a> le 29 février de cette année-là, avait pour objectif notamment de contribuer au renforcement de la Police nationale d’Haïti (PNH) pour faire régner l’ordre public, alors que sévissait un climat de crise et d’instabilité.</p>
<p>Cinq ans après le départ définitif de la MINUSTAH en 2019, le climat sécuritaire est délétère, voire apocalyptique. </p>
<p>La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mission_des_Nations_unies_pour_la_stabilisation_en_Ha%C3%AFti#:%7E:text=Bien%20que%20la%20Mission%20de,bloqu%C3%A9e%20par%20des%20v%C3%A9hicules%20arm%C3%A9s.">composition de l’effectif</a> de la MINUSTAH constitue un des facteurs expliquant l’échec de la mission. Elle mobilisait 8 756 militaires et 3 555 policiers provenant de plus de 63 pays ayant chacun leurs façons de faire et d’opérer. Dans de telles conditions, il était difficile, voire impossible, d’assurer une cohérence dans les actions de la mission internationale. Par ailleurs, l’effectif militaire et constabulaire de la MINUSTAH était composé majoritairement des membres de pays où le respect des droits humains est souvent bafoué. </p>
<p>Il ne faut donc pas se surprendre que des ONG aient dénoncé tout au long de la présence de la MINUSTAH des <a href="https://archipel.uqam.ca/13765/1/M16426.pdf">cas de non-respect des droits humains</a>. La MINUSTAH est une des missions les plus controversées de l’histoire de l’ONU. Elle a fait l’objet de plusieurs allégations d’exploitation et d’abus sexuels. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-seisme-voici-comment-des-enfants-ha-tiens-ont-ete-abandonnes-par-leur-pere-casque-bleu-129118">Après-séisme : voici comment des enfants haïtiens ont été abandonnés par leur père Casque bleu</a>
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<h2>Repenser la mobilisation de communauté internationale à Haïti</h2>
<p>Une <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057043/haiti-caricom-pression-transition-conseil-president?depuisRecherche=true">rencontre</a> initiée par la CARICOM (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_carib%C3%A9enne">Communauté caribéenne</a>) s’est tenue le 11 mars en Jamaïque. Elle a réuni plusieurs acteurs internationaux pour discuter de la crise actuelle en Haïti et favoriser la création d’un Conseil présidentiel de transition, mandaté entre autres pour organiser les prochaines élections. </p>
<p>La société civile haïtienne a déjà nommé <a href="https://lenouvelliste.com/article/247301/pierre-jean-raymond-andre-et-rene-jean-jumeau-les-deux-observateurs-au-conseil-presidentiel">ses observateurs</a> au sein de ce conseil présidentiel de transition. Mais le premier ministre démissionnaire, Ariel Henry, affirme toujours <a href="https://lenouvelliste.com/article/247304/ariel-henry-attend-de-recevoir-officiellement-les-noms-des-membres-du-conseil-presidentiel-pour-publication-dans-le-moniteur">attendre de la CARICOM les noms des membres de ce conseil</a> pour l’officialiser. Il semble donc que la crise soit, encore une fois, en voie de s’enliser.</p>
<p>Nous croyons que le désastre politique, sécuritaire et humanitaire que connaît Haïti requiert une mobilisation de la communauté internationale. Cette mobilisation doit cependant être repensée. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ha-ti-dix-ans-apres-le-seisme-voici-pourquoi-le-pays-a-tant-de-mal-a-se-relever-128972">Haïti, dix ans après le séisme : voici pourquoi le pays a tant de mal à se relever</a>
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<p>Le pays étant affaibli sur le plan institutionnel, un accompagnement doit être planifié sur le long terme et viser une autonomie des institutions de manière progressive. Au cours des dernières décennies, les appuis apportés à Haïti ont privilégié le <a href="https://occah.uqam.ca/publications/haiti-mieux-comprendre-le-bilan-mitige-de-laction-humanitaire-internationale/">canal des ONG</a>. Ce choix ne contribue malheureusement pas à renforcer les capacités institutionnelles des entités publiques. Ainsi, une fois que les ONG partent, il devient difficile pour les acteurs locaux de prendre le relais. </p>
<p>Notre connaissance du terrain nous invite plutôt à préconiser une démarche non imposée et respectueuse des intérêts et des besoins stratégiques d’Haïti. Nous pensons que le pays peut sortir de la crise à condition de compter sur une administration publique forte et sur une aide internationale coordonnée, menée par des pays dont les institutions respectent les droits humains. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crise-en-ha-ti-le-salut-passe-par-une-administration-publique-forte-126570">Crise en Haïti : le salut passe par une administration publique forte</a>
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<p>Cette aide doit sortir des sentiers battus et prioriser une approche participative, en intégrant les objectifs des Haïtiens pour leur pays. À la suite du séisme du 12 janvier 2010, la communauté internationale avait conduit des interventions non ordonnées, <a href="https://espace.enap.ca/id/eprint/447/">sans tenir compte des spécificités du contexte local</a>. Le constat d’échec n’avait donc rien d’étonnant. </p>
<p>Le soutien à apporter à Haïti par la communauté internationale doit s’inscrire dans la durée. Le passage de la MINUSTAH confirme que des interventions ponctuelles de type humanitaire ou d’urgence ne peuvent être efficaces. Nous pensons que l’aide à apporter à Haïti doit être pensée non pas en années, mais en décennies.</p>
<p>On doit privilégier une approche multidimensionnelle pour solidifier, stabiliser et pérenniser les institutions publiques de l’État. Il ne suffit pas simplement d’appuyer la police nationale pour que l’ordre revienne. Ce sont toutes les institutions qui sont à rebâtir.</p>
<h2>Les responsabilités des Haïtiens</h2>
<p>En Haïti, les acteurs politiques et ceux de la société civile ont la responsabilité d’être proactifs dans la proposition de solutions viables. Nous croyons que le comportement attentiste souvent manifesté par l’élite intellectuelle haïtienne doit être révolu. Nous proposons ainsi qu’une concertation de toutes les forces vives de la nation, impliquant notamment la diaspora, est indispensable pour le renouveau du pays. C’est avec ces forces vives que doit composer l’aide internationale dans une démarche de soutien et d’autodétermination, plutôt que d’imposition comme le montre bien l’économiste américain, spécialiste de l’économie du développement, <a href="https://penguinshop.ca/products/9780143038825">William Easterly, dans cet essai</a>.</p>
<p>Il nous apparaît donc aujourd’hui qu’il faut adopter une démarche en quatre temps pour sortir Haïti de la crise qui la caractérise :</p>
<ol>
<li><p>Former une force internationale dont les pays membres sont respectueux des droits humains.</p></li>
<li><p>Déployer cette force pour soutenir la police nationale et ramener l’ordre, la paix et la sécurité dans le pays, ce qui inclut traduire en justice les criminels qui orchestrent actuellement le désordre dans le pays.</p></li>
<li><p>Organiser des États généraux pour concerter ces forces vives de la société civile et mettre sur pied un plan visant à rebâtir les institutions publiques du pays et à les pérenniser.</p></li>
<li><p>Contribuer à la formation des agents de l’État et au développement des structures et processus qui seront nécessaires pour pérenniser les institutions publiques.</p></li>
</ol>
<p>Ce plan est réalisable, à notre avis, à condition que les pays qui accepteront d’intervenir se résoudront à y demeurer quelques décennies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225627/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Haïti peut sortir de la crise à condition de compter sur une administration publique forte et sur une aide internationale coordonnée, menée par des pays qui respectent les droits humains.Emmanuel Sael, Docteur en administration publique et chargé d'enseignement, École nationale d'administration publique (ENAP)Jean-François Savard, Professeur agrégé, École nationale d'administration publique (ENAP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2249902024-03-20T15:59:03Z2024-03-20T15:59:03ZCaraïbes, Amérique latine, Océan indien… Comment sortir de la double vulnérabilité climatique et financière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579518/original/file-20240304-30-vpv6r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C74%2C1997%2C1299&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La région des Caraïbes comportent plusieurs pays qui risquent de tomber dans une « spirale dette-climat ».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/a-goes-satellite-image-of-hurricane-maria-in-the-caribbean-sea-taken-at-915-60da3d">Picryl/US Navy</a></span></figcaption></figure><p>Un certain nombre de pays en développement font actuellement face à d’importants enjeux de soutenabilité financière dans un contexte économique international dégradé. Un certain nombre d’entre eux sont par ailleurs particulièrement vulnérables au changement climatique, aux conséquences des évènements climatiques extrêmes d’une part, et à la dégradation chronique des conditions climatiques d’autre part (hausse du niveau de la mer et hausse des températures notamment).</p>
<p>Ces deux types de vulnérabilités, climatique d’un côté et macrofinancière de l’autre, peuvent, dans certains contextes, se renforcer mutuellement. Notre <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/spirale-dette-climat-une-approche-empirique-pour-detecter-les-situations-de-double-vulnerabilite">récente étude</a>, fondée sur une base de données interne prenant en compte des données historiques et projetées pour plus de 160 pays, se propose ainsi d’identifier ceux dans laquelle une spirale de dégradation des finances publiques risque d’apparaître en raison d’une exposition critique aux conséquences du changement climatique.</p>
<p>Cette notion de « double vulnérabilité » a notamment figuré au cœur de trois initiatives politiques récentes. D’une part, <a href="https://pmo.gov.bb/wp-content/uploads/2022/10/The-2022-Bridgetown-Initiative.pdf">l’initiative de Bridgetown</a>, lancée à la COP 26 en 2021, appelle à un allègement de la dette publique des pays les plus vulnérables et à la mobilisation massive de financements concessionnels pour aider ces économies à faire face au changement climatique. D’autre part, la création du fonds <a href="https://unfccc.int/news/cop27-reaches-breakthrough-agreement-on-new-loss-and-damage-fund-for-vulnerable-countries">Pertes et Dommages</a>, lancé lors de la COP27 et entériné à la COP28 fin 2023, devrait permettre de mobiliser des ressources financières pour les pays les plus affectés par le changement climatique. Enfin, en juin 2023, le <a href="https://theconversation.com/pays-en-developpement-un-sommet-a-paris-pour-relever-le-defi-de-la-dette-et-du-climat-208079">Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier</a> a également appelé à une meilleure définition des vulnérabilités climatiques et financières.</p>
<h2>Une « spirale dette-climat »</h2>
<p>Chaque fois, l’idée sous-jacente est la même : les pays les plus vulnérables au changement climatique – ceux qui en subissent le coût humain et économique le plus élevé – sont aussi souvent les moins bien armés financièrement pour y faire face. Si la notion de vulnérabilité doit encore être définie avec précision au niveau international, un nombre croissant de <a href="https://ferdi.fr/publications/prendre-en-compte-la-vulnerabilite-dans-la-repartition-mondiale-des-financements-concessionnels">travaux</a> insistent sur l’importance de mesurer conjointement la vulnérabilité au changement climatique et la vulnérabilité macrofinancière :</p>
<ul>
<li><p>La <strong>vulnérabilité climatique</strong> se définit comme une situation dans laquelle un pays (i) est fortement exposé à des événements climatiques extrêmes et occasionnels, ou à une dégradation chronique des conditions climatiques, et (ii) est relativement plus sensible que d’autres pays à la matérialisation de ces chocs.</p></li>
<li><p>La <strong>vulnérabilité macrofinancière</strong>, quant à elle, est définie comme la capacité du gouvernement à mobiliser des ressources financières nationales ou internationales suffisantes pour éviter une dégradation excessive du solde budgétaire, et surtout, de la capacité de remboursement du service de la dette publique. Elle est mesurée à partir des notes de risque souverain produites par les trois principales agences de notation.</p></li>
</ul>
<p>En croisant ces deux catégories de vulnérabilité, on peut identifier les pays en situation de double vulnérabilité. Pour ces pays, le changement climatique est susceptible d’avoir des impacts multidimensionnels sur les populations, les écosystèmes et l’activité économique, entraînant une augmentation des déséquilibres budgétaires et une dégradation des indicateurs de soutenabilité de l’endettement public à court et moyen terme.</p>
<p>Réciproquement, cette dynamique défavorable limite la capacité du gouvernement à faire face efficacement aux conséquences du changement climatique, et en particulier à mobiliser des ressources supplémentaires pour financer les investissements destinés à l’adaptation au changement climatique. Ce cercle vicieux, supposé ou réel, est appelé « spirale dette-climat ».</p>
<h2>Deux groupes identifiés</h2>
<p>À partir de ces éléments, deux groupes de pays en situation de double vulnérabilité sont identifiés :</p>
<ul>
<li><p>Les pays les plus vulnérables aux <strong>phénomènes climatiques extrêmes et occasionnels</strong>, et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée (catégorie O++ dans le tableau ci-dessous). Cette catégorie comprend de nombreuses îles des Caraïbes, du Pacifique et de l’océan Indien. Certains pays très vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes, mais dont la vulnérabilité macrofinancière est moins forte (catégorie O+ voire O), peuvent également être mis en évidence. C’est par exemple le cas du Bangladesh, de la République dominicaine, de la Colombie ou du Vietnam.</p></li>
<li><p>Les pays les plus vulnérables à une <strong>dégradation chronique des conditions climatiques</strong>, et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée (catégorie C++ dans le tableau ci-dessous). Il s’agit notamment de certains pays insulaires des Caraïbes et de l’océan Indien qui sont vulnérables non seulement à l’élévation du niveau de la mer, mais aussi à une forte augmentation des températures. Cette catégorie comprend également certains pays côtiers d’Amérique latine, où l’activité économique et l’habitat sont parfois concentrés dans les zones côtières. Sont aussi concernés un certain nombre de pays de la région méditerranéenne particulièrement vulnérables à la hausse des températures et à la raréfaction des ressources en eau, ainsi que des pays de la zone côtière ouest-africaine exposés à l’élévation du niveau de la mer.</p></li>
</ul>
<p><strong>Récapitulatif des pays en situation de double vulnérabilité</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lecture du tableau : Les pays en situation de vulnérabilité macrofinancière la plus élevée sont dans les catégories « ++ ». Les PMA et les PEID sont marqués en vert. Les pays à revenu intermédiaire (PRI) qui n’appartiennent pas au groupe des petits États insulaires en développement (PEID) sont indiqués en bleu. Les pays à risque élevé de surendettement public, ou en situation de défaut selon le FMI, sont soulignés. Note : les données sont actualisées à août 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’intersection de ces deux catégories, l’étude identifie les pays qui présentent une vulnérabilité aux deux types d’aléas climatiques (évènements ponctuels et dégradation chronique des conditions climatiques), ainsi qu’une vulnérabilité macrofinancière.</p>
<p>Entrent dans cette catégorie un certain nombre de pays insulaires des Caraïbes (Antigua-et-Barbuda, Barbade, Dominique, Cuba, Grenade, Haïti, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines), de l’océan indien (Comores, Madagascar, Maldives et Sri Lanka), ainsi que certains pays côtiers d’Amérique latine (Belize, Nicaragua).</p>
<h2>Des outils financiers à adapter au cas par cas</h2>
<p>À partir de l’analyse de la double vulnérabilité, l’étude identifie un certain nombre de stratégies et instruments financiers susceptibles d’atténuer les principales conséquences du changement climatique sur la dynamique des finances publiques.</p>
<p>Pour le groupe O++ (les pays les plus vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes et qui présentent par ailleurs une forte vulnérabilité macrofinancière), la priorité serait d’atténuer le coût associé à un choc climatique à court terme, tout en prévenant l’augmentation de la dette publique afin de préserver la solvabilité publique à moyen et long terme.</p>
<p>Pour ce faire, un système d’assurance publique internationale pourrait apparaître comme un instrument adapté pour amortir le coût des chocs climatiques sans dégrader la dynamique d’endettement public.</p>
<p>Les « Climate Resilience Debt Clause » (CRDC) seraient aussi utiles à condition d’être déployés par un large éventail de créanciers. Ces « Climate Resilience Debt Clause » désignent un mécanisme contractuel par lequel le créancier accepte de renoncer temporairement au remboursement des intérêts (et parfois du principal) d’un prêt en cas d’événement climatique extrême.</p>
<p>Un certain nombre d’autres outils, tels que les prêts de contingence, dont le(s) décaissement(s) est/sont déclenché(s) par la survenance d’un choc climatique, peuvent être particulièrement adaptés dans certains cas. Ils doivent toutefois être utilisés avec précaution, car ils sont susceptibles de générer un endettement supplémentaire qui augmenterait la vulnérabilité macrofinancière des pays qui en bénéficient.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-financer-les-politiques-climatiques-en-amerique-latine-et-dans-les-cara-bes-220866">Comment financer les politiques climatiques en Amérique latine et dans les Caraïbes ?</a>
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<p>Pour les pays de la catégorie C++ (vulnérables à une dégradation chronique des conditions climatiques et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée), la stratégie se concentrerait en priorité sur la reconstitution d’une marge de manœuvre budgétaire à court terme pour soutenir les efforts d’adaptation au changement climatique.</p>
<p>Pour les États les plus vulnérables financièrement, un processus concerté de restructuration de la dette publique peut parfois être le seul moyen de retrouver une dynamique soutenable de la dette publique. Pour des États qui présentent une vulnérabilité financière plus modérée, les « swaps dette-climat », mais aussi les « sustainability-linked bonds », parmi d’autres instruments, peuvent permettre de soutenir l’effort d’investissement dans l’adaptation au changement climatique.</p>
<p>Le mécanisme le plus courant de « swap dette-climat » consiste en un rachat de dette (généralement des obligations souveraines) par l’émetteur à un prix réduit. La différence entre les flux de trésorerie attendus avant et après le rachat est allouée (partiellement ou totalement) aux investissements d’adaptation ou d’atténuation. Quant aux « sustainability-linked bond », il s’agit d’un financement obligataire accordé en contrepartie de l’atteinte d’indicateurs de performance de type « durable » ou « climat » par l’émetteur.</p>
<p>Ces différents instruments peuvent devenir une composante d’une stratégie financière globale pour le financement de la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxime Terrieux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude suggère une classification des pays en fonction de leur endettement et de leur exposition aux risques environnementaux pour adapter les outils financiers au cas par cas.Maxime Terrieux, Economiste risque pays, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2248972024-03-07T16:19:01Z2024-03-07T16:19:01ZL’assassinat des sœurs Mirabal : aux origines de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes<p>En août 1930, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1999/04/HABEL/2924">Rafael Leonidas Trujillo</a> arrive au pouvoir en République dominicaine au terme d’une campagne présidentielle marquée par de nombreuses violences. <a href="https://www.cairn.info/civilisation-hispano-americaine--9782200618711-page-119.htm">Un système reposant sur la terreur et la corruption</a> se met rapidement en place. Au cours des trois décennies suivantes (Trujillo sera <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2001/05/27/l-assassinat-de-rafael-trujillo_4168865_1819218.html">assassiné</a> en 1961), les <a href="https://identitescaraibes.org/2020/06/08/le-massacre-du-persil-doctobre-1937-la-manifestation-etatique-de-lanti-haitianisme/">crimes contre l’humanité</a> se multiplient.</p>
<p>Dans les dernières années de la dictature, l’opposition se structure et se renforce : parmi les résistants, les trois sœurs <a href="https://histoireparlesfemmes.com/2021/05/05/les-soeurs-mirabal-opposantes-a-la-dictature/">Patria, María Teresa et Minerva Mirabal</a>. Cette dernière est en 1959, avec son époux Manolo Tavárez, à l’origine de la création du mouvement révolutionnaire dit « 14 juin » ; elle avait en outre, dix ans plus tôt, tenu tête publiquement à Trujillo.</p>
<p>Le 25 novembre 1960, alors qu’elles allaient rendre visite à leurs maris emprisonnés pour des raisons politiques, les trois sœurs sont assassinées par des agents trujillistes.</p>
<p>Malgré le statut d’héroïnes nationales qui est aujourd’hui celui des sœurs Mirabal, peu d’études ont été réalisées à leur sujet. Or leur importance historique et leur dimension symbolique internationale sont indéniables : le jour de leur mort, le 25 novembre, a été choisi en 1999 par l’Organisation des Nations unies comme date de la <a href="https://www.un.org/fr/observances/ending-violence-against-women-day/background">Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes</a>.</p>
<h2>Contexte politique et familial</h2>
<p>Trujillo, né en 1891, connaît une ascension fulgurante dans le contexte de <a href="https://2001-2009.state.gov/r/pa/ho/time/wwi/108649.htm">l’occupation militaire de l’île par les États-Unis</a> (1916-1924). Durant cette période, il intègre la Guardia Nacional, destinée à former des militaires dominicains acquis aux intérêts étatsuniens. Il en gravit rapidement les échelons. Il est promu chef de l’état-major de la police nationale en 1924. Décidé à remporter les élections de 1930, sa campagne présidentielle se caractérise par une intimidation de ses adversaires politiques qui lui permet d’être finalement le seul candidat en lice. Dès son arrivée au pouvoir, il instaure, nous l’avons dit, un régime fondé sur une violence politique extrême, la corruption et le culte de sa personnalité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vbsVtkKVLoU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>« Le Chef », comme il se fait appeler, établit une identification totale entre le pays et lui-même. En outre, de même qu’il se considère comme le Père de la Patrie, il a une dangereuse tendance à se considérer comme le mari de toutes les Dominicaines. Cette conjonction de violence politique et de violence de genre a dominé ses rapports aux sœurs Mirabal.</p>
<p>Celles-ci étaient quatre ; trois d’entre elles, Minerva, Patria et María Teresa, ont été assassinées le 25 novembre 1960. Minerva, éprise de liberté, fut l’une des premières femmes du pays à obtenir un diplôme d’avocate. Cependant, du fait de ses idées politiques, elle n’a jamais eu le droit d’exercer la profession dont elle rêvait. Assassinée à 34 ans, elle laissait derrière elle deux enfants. María Teresa avait elle aussi fait des études supérieures. Dans le sillage de sa sœur, elle s’est engagée dans la lutte contre la dictature, ce qui lui a coûté la vie, à 25 ans. Elle avait une petite fille. Patria s’était mariée à l’âge de 16 ans, et n’avait pas terminé ses études secondaires. Elle a lutté avec ses sœurs et est morte à leurs côtés, à 36 ans, laissant quatre enfants. La quatrième sœur, Dedé, n’était pas engagée en politique. Elle a vécu jusqu’en 2014 et a consacré sa vie à élever ses nièces et neveux, ainsi que ses propres enfants, et à entretenir la mémoire de ses sœurs.</p>
<p>L’histoire tragique des sœurs Mirabal peut être bien appréhendée en revenant sur trois années charnières : 1949, 1959 et 1999.</p>
<h2>1949 : la confrontation entre Minerva et Trujillo</h2>
<p>Trujillo adorait danser. Ses hommes de main lui organisaient donc régulièrement des fêtes auxquelles ils invitaient, ou plutôt convoquaient, de jeunes filles dont ils estimaient qu’elles pourraient susciter l’intérêt du chef de l’État – lequel, nous l’avons dit, estimait posséder une sorte de droit de cuissage sur l’ensemble de la population féminine de son pays.</p>
<p>En 1949, Minerva, alors âgée de 22 ans, a été invitée à un bal tenu en présence de Trujillo. D’après les témoignages, elle a été ce soir-là contrainte de danser avec un proche du dictateur qui, au milieu d’une danse, l’a placée dans les bras du « Chef ». La version populaire qui s’est forgée avec le temps est que ce dernier aurait alors fait des avances à la jeune femme, et que celle-ci l’aurait giflé. Cette version, peu réaliste étant donné le contexte et démentie par les témoins, montre cependant ce qui est resté de cette scène : l’attitude de défi de Minerva. Selon <a href="https://archivo-obrero.com/dede-mirabal-vivas-en-su-jardin/">Dedé</a>, la conversation entre Minerva et Trujillo a pris un tour politique :</p>
<blockquote>
<p>« Trujillo a perçu son mécontentement, il l’a vue telle qu’elle était : une belle femme de 22 ans, cultivée, pleine de capacités et… ennemie de son gouvernement. »</p>
</blockquote>
<p>La famille a quitté précipitamment la fête. C’était formellement interdit : nul n’avait le droit de partir avant « le Chef ». La lettre d’excuses adressée au dictateur par le père, Enrique Mirabal, n’y a rien fait : il a été convoqué par la police, emprisonné et torturé.</p>
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<figcaption><span class="caption">Extrait du film « In the Time of the Butterflies », de Mariano Barroso, avec Salma Hayek (2001).</span></figcaption>
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<p>Minerva a été interrogée et incarcérée à son tour. Elle a rapidement été libérée mais assignée à résidence. Son père ne s’est jamais remis des tortures qu’il a subies et est mort en 1952. Ce bal a donc marqué un tournant décisif dans la vie des membres de la famille qui, à partir de ce moment, ont été considérés par le régime comme des opposants et constamment persécutés.</p>
<p>En 1953, Minerva a épousé Manolo Tavárez. Malgré le danger que cela représentait, tous deux étaient constamment en lien avec les mouvements d’opposition à la dictature.</p>
<h2>1959 : influence de la révolution cubaine et création du Mouvement 14 juin</h2>
<p>L’année 1959 a été marquée par le triomphe de la révolution cubaine qui a mis un terme à la dictature de Fulgencio Batista, <a href="https://www.cairn.info/l-amerique-latine-a-l-epoque-contemporaine--9782200622589-page-107.htm">changé les équilibres régionaux</a> et eu un impact direct sur le régime de Trujillo.</p>
<p>Peu après sa prise de pouvoir, Fidel Castro affirmait, en référence à la chute de Batista, que « le prochain sur la liste » serait Trujillo. Des exilés dominicains ont conflué à Cuba pour organiser une expédition visant à mettre un terme au régime de Trujillo : 225 hommes, entraînés à Cuba et soutenus par les gouvernements cubains et vénézuéliens, ont préparé une opération par avion et par bateau sur trois points du territoire dominicains : Constanza, Maimón et Estero Hondo.</p>
<p>L’expédition militaire, partie de Cuba le 14 juin 1959, a rapidement été anéantie par l’armée de Trujillo. Cependant, elle a eu un grand retentissement auprès des jeunes opposants dominicains. Un an après la victoire de la révolution cubaine, Minerva la prenait en exemple pour structurer au niveau national une opposition à Trujillo : le Mouvement 14 juin, qui s’inscrivait dans le prolongement de la lutte menée précédemment. Dans la clandestinité, les sœurs Mirabal ont commencé à être appelées par leur nom de code : « Las mariposas » (« Les papillons »).</p>
<p>Alors que le Mouvement s’étendait, une nouvelle recrue a dénoncé l’organisation aux autorités, provoquant une répression effroyable. Des vagues d’arrestation ont eu lieu. Minerva, María Teresa, leurs époux (Manolo Tavárez et Leandro Guzmán), ainsi que le mari et le fils de Patria, Nelson, âgé de 17 ans, comptèrent parmi les personnes qui se sont retrouvées derrière les barreaux.</p>
<p>Minerva et María Teresa ont été libérées en août 1960, mais elles furent assignées à résidence et ne pouvaient sortir que pour rendre visite à leurs maris. En novembre 1960, Tavárez et Guzmán ont été transférés à la prison de Puerto Plata. Une seule route permettait de s’y rendre.</p>
<p>Le 25 novembre 1960, lorsque Minerva et María Teresa revenaient d’une visite à Tavárez et Guzmán, accompagnées par Patria et conduites par le chauffeur Rufino de la Cruz, leur voiture a été interceptée. Les sœurs et Rufino de la Cruz ont été battus à mort, puis leurs corps ont été replacés dans la voiture, et celle-ci a été précipitée dans un ravin. La presse officielle a pu titrer le lendemain que les trois mères de famille et leur chauffeur étaient morts dans un accident de la route. Personne n’a été dupe : les opposants de Trujillo étaient très souvent victimes d’« accidents de la route ».</p>
<p>Cet assassinat a causé une grande émotion dans le pays, des chaînes de solidarité se sont créées pour rendre hommage aux « Papillons » ; il est considéré comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et accéléré la fin de la dictature. Le 30 mai 1961, Trujillo était à son tour assassiné.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"934523155166781440"}"></div></p>
<h2>1999 : la résolution de l’ONU</h2>
<p>Les premières commémorations du 25 novembre se sont déroulées dans un contexte politique chaotique marqué par la mort de Trujillo (1961), de <a href="https://www.nytimes.com/1962/12/20/archives/dominican-republic-vote-set-for-first-democratic-president-one.html">nouvelles élections démocratiques</a> (1962 ?), un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1963/10/03/comment-fut-prepare-le-coup-de-force-de-saint-domingue_2211525_1819218.html">coup d’État</a> (1963), une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1965_num_15_6_392905">guerre civile</a> (1965) et une <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/82">seconde occupation militaire américaine</a> (1965-1966).</p>
<p>C’est en 1981, lors du premier Congrès féministe pour l’Amérique latine et les Caraïbes, tenu en Colombie, qu’est née l’idée de créer une journée internationale contre les violences faites aux femmes. Étaient présentes, dans cette assemblée de 200 femmes de toute l’Amérique latine, plusieurs Dominicaines dont l’écrivaine Ángela Hernández, qui a proposé que la journée porte le nom des sœurs Mirabal.</p>
<p>Son idée a été retenue : le 25 novembre a commencé à être associé dans certains pays d’Amérique latine à la lutte contre les violences faites aux femmes. Au sein de l’ONU, d’autres personnalités, en particulier <a href="https://ihladi.net/en/ambassador-cristina-aguiar-passes-away/">Cristina Aguiar</a>, ont œuvré à leur tour pour que le 25 novembre soit déclaré Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Leur action a porté ses fruits et conduit à l’adoption, en 1999, de la <a href="https://documents.un.org/doc/undoc/gen/n00/271/22/pdf/n0027122.pdf?token=DBOffC3w3rhQpVNxlG&fe=true">résolution 54/134 de l’ONU</a>, qui définit comme violence à l’égard des femmes « tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin […] que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ».</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579901/original/file-20240305-26-6qw3z8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579901/original/file-20240305-26-6qw3z8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579901/original/file-20240305-26-6qw3z8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579901/original/file-20240305-26-6qw3z8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579901/original/file-20240305-26-6qw3z8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579901/original/file-20240305-26-6qw3z8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579901/original/file-20240305-26-6qw3z8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579901/original/file-20240305-26-6qw3z8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Plaque commémorative installée place de la République dominicaine, Paris, inaugurée le 8 mars 2021. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://do.ambafrance.org/Une-plaque-en-l-honneur-des-soeurs-Mirabal-a-Paris#:~:text=Plus-,Une%20plaque%20en%20l'honneur,s%C5%93urs%20Mirabal%20%C3%A0%20Paris%20%5Bes%5D&text=Le%208%20mars%202021%2C%20%C3%A0,dominicaine%2C%20dans%20le%2017%C3%A8me%20arrondissement.">Ambassade de République dominicaine en France</a></span>
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<p>Les sœurs Mirabal sont aujourd’hui considérées dans leur pays comme des héroïnes nationales. Le jardin de leur maison, où elles sont enterrées, est devenu une extension du Panthéon national. Pourtant, ces figures historiques, emblématiques des luttes au féminin, sont encore peu connues en France où l’on célèbre souvent le 25 novembre sans en connaître l’origine. Nous souhaitons donc finir cet article par une invitation à se rendre Place de la République dominicaine à Paris pour voir la plaque en l’honneur des sœurs Mirabal créée à la demande de l’ambassade. Cette plaque ancre pour la première fois l’histoire des sœurs Mirabal dans un espace français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224897/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Pélage ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces trois sœurs dominicaines assassinées le 25 novembre 1960 par le régime de Trujillo sont passées à la postérité : le 25 novembre est, depuis 1999, la Journée contre les violences faites aux femmes.Catherine Pélage, Professeure de littératures et cultures d'Amérique latine, Directrice de la Chaire d'études culturelles dominicaines Sœurs Mirabal, Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2233912024-02-13T15:43:06Z2024-02-13T15:43:06ZBob Marley, chantre de l’émancipation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575052/original/file-20240212-24-ez1k2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1440%2C957&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'acteur Kingsley Ben-Adir se glisse dans la peau de l'idole.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-290882/photos/detail/?cmediafile=22056288">Allocine.fr</a></span></figcaption></figure><p><em>Bob Marley : One Love</em>. Nombreux seront sans doute celles et ceux à se rendre dans les salles de <a href="https://theconversation.com/topics/cinema-20770">cinéma</a> pour découvrir comment la vie de cet artiste iconique a été portée à l’écran par Reinaldo Marcus Green, et sous la supervision de son propre fils, Ziggy. Les fans pourront être sensibles aux nombreuses références et clins d’œil qui le parsèment, tandis que d’autres qui ne connaissent Bob Marley qu’à travers quelques titres comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=CMB4I5HbOl4">« Jamming »</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uf9DjrIEEwc">« Could You Be Loved »</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IT8XvzIfi4U">« No Woman No Cry »</a> découvriront probablement l’ampleur et la complexité du personnage.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/575065/original/file-20240212-16-awt63w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575065/original/file-20240212-16-awt63w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575065/original/file-20240212-16-awt63w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575065/original/file-20240212-16-awt63w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575065/original/file-20240212-16-awt63w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575065/original/file-20240212-16-awt63w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575065/original/file-20240212-16-awt63w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575065/original/file-20240212-16-awt63w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bob Marley en concert au Dalymount Park, le 6 juillet 1980.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bob-Marley_3.jpg">Eddie Mallin/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Né en 1945 en Jamaïque, petit pays de l’archipel des Caraïbes, Robert Nesta Marley appartient, par son succès, au panthéon de la musique populaire internationale. Ses albums se sont vendus par centaines de milliers – 700 000 ventes pour <em>Exodus</em>, sorti le 3 juin 1977, opus que l’on retrouve au cœur du film et désigné en 1998 « meilleur album du XX<sup>e</sup> siècle » par le <a href="https://content.time.com/time/magazine/article/0,9171,36533,00.html"><em>Time Magazine</em></a> ; <a href="https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.jamaicaobserver.com%2Fentertainment%2FMarley-still-climbs-the-charts_10685764">25 millions pour la compilation posthume <em>Legend</em></a>, album à la <a href="https://www.nostalgie.fr/artistes/bob-marley/actus/bob-marley-legend-lalbum-au-sommet-des-charts-70249610">longévité exceptionnelle</a> dans le classement de ventes d’albums du magazine <em>Billboard</em>, dont il atteint régulièrement le sommet, de sa sortie en 1984 jusqu’à aujourd’hui. Seul le <em>Dark side of the moon</em> de Pink Floyd fait mieux. Le <em>New York Times</em> a même considéré Bob Marley comme l’<a href="https://www.nytimes.com/2000/01/03/arts/critics-choices-albums-as-mileposts-in-a-musical-century.html">« artiste le plus influent de la deuxième moitié du XXᵉ siècle »</a>. Près de 20 ans après la mort de l’artiste, c’est avec son titre « One Love », <a href="https://www.theguardian.com/media/1999/dec/03/mondaymediasection.broadcasting">« hymne pour le millénaire »</a> que la BBC fête le passage à l’an 2000.</p>
<p>Et cet immense succès n’a été construit qu’en sept petites années sur la scène internationale (après dix ans sur la scène jamaïcaine), entre 1973 quand les Wailers (Bob Marley, Peter Tosh et Bunny Wailer) <a href="https://www.youtube.com/watch?v=HwY7eY5I-9I">font découvrir au public britannique leur album <em>Catch a Fire</em></a>, et 1980 quand un cancer agressif interrompt brutalement la carrière de Bob, avant de l’emporter le 11 mai 1981. Sept ans durant lesquels il a parcouru les quatre coins du monde : l’Europe où il rassemblera par exemple 110 000 personnes dans le stade de San Siro à Milan (plus que le pape une semaine auparavant !) et <a href="https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/08/19/bob-marley-le-messie-qui-a-transporte-le-bourget_4985057_4497186.html">près de 50 000 en France au Bourget</a>, un record alors dans l’hexagone pour un concert payant, mais aussi les États-Unis, l’Australie, le Japon, l’Afrique – une tournée en Amérique latine était projetée, avant que la maladie ne se révèle.</p>
<p>Bob Marley est la première star de ce calibre à venir d’un pays du tiers monde, sans doute la seule jusqu’à ce que décolle dans les années 2000 la carrière de Rihanna, artiste native elle aussi des Caraïbes, de l’île de la Barbade. Mais Bob incarne une autre figure, déjà par son histoire : en 1945, à sa naissance, la Jamaïque est un pays extrêmement pauvre, toujours sous la domination britannique, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gCD6AG2yi5A">après des siècles de colonisation et d’esclavage</a>. Il en <a href="https://www.google.fr/books/edition/So_much_things_to_say_L_histoire_orale_d/5YFqDwAAQBAJ">vient des tréfonds</a> : vrai <a href="https://www.editions-allia.com/fr/livre/337/bass-culture">« country bwoy »</a>, gamin de la campagne, né d’une mère noire âgée de 18 ans et d’un père blanc de 65 ans qui ne l’a jamais considéré. Dans son village, il conduit les mules. Quand il arrive à Kingston, encore tout enfant, c’est à Trenchtown, quartier plus que populaire de la capitale, et on l’envoie apprendre la soudure plutôt qu’à l’école.</p>
<p>Bob Marley, c’est surtout – pour reprendre le slogan du biopic – une « icône », un « rebelle », une « légende ». Linton Kwesi Johnson, dub <em>poet militant</em>, le qualifie de <a href="https://www.google.fr/books/edition/So_much_things_to_say_L_histoire_orale_d/5YFqDwAAQBAJ">« Che Guevara de la culture populaire »</a>. Le titre <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yxmsZXYhQCg">« Zimbabwe »</a>, sur l’album <em>Survival</em> était l’hymne officieux des <em>guerilleros</em> de ce pays en lutte contre un régime blanc de type apartheid, et dont l’artiste est venu fêter la victoire en 1980.</p>
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<p><em>Bob Marley & The Wailers célèbrent l’indépendance du Zimbabwe en 1980</em></p>
<p>Ses morceaux ont également été repris lors de la chute du mur de Berlin. On a même entendu <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AeCHP-4iRbM">« Get Up, Stand Up »</a> et vu porter son portrait lors des manifestations de la place Tiananmen, en Chine, en 1989.</p>
<p>Comment ce petit garçon aux origines si modestes a-t-il pu atteindre le pinacle de la musique populaire internationale, et y incarner un chantre de l’émancipation ?</p>
<h2>Être une rock star rebelle… en parlant de la Bible ?</h2>
<p>Il y a certes d’abord la personnalité même de Bob Marley – qui a tout de l’étoffe des rock stars : beau, charismatique, d’une énergie apparemment inépuisable, un travailleur acharné derrière le fumeur de pétards, avec une volonté de fer, celle du « Tuff Gong », comme s’appelait son label, une expression bien difficile à traduire en français, mais qui dénote un « dur à cuire ». Il excelle comme auteur, comme compositeur, comme interprète. Il aime – <a href="https://dj.dancecult.net/index.php/dancecult/article/view/678/692">trait général et caractéristique de la musique populaire jamaïcaine d’ailleurs</a> – découvrir, expérimenter, maintenir sa musique en perpétuelle évolution. Il sera ainsi parfaitement à l’aise dans le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ysjaMz8oUBI">ska</a>, le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vDJFqoUVASI">rocksteady</a>, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6O0wp-zJmUE">débuts du reggae</a>, comme dans ses variations plus tardives comme le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PImR07Vmong">rub-a-dub</a>. Mais il est aussi capable de grandes ballades romantiques à la <a href="https://m.youtube.com/watch?v=IT8XvzIfi4U">« No Woman No Cry »</a>, ou d’hymne guitare-voix à la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=B0xceHDpHcc">« Redemption Song »</a>. Rares sont les artistes à avoir traversé et développé une telle richesse et diversité musicales.</p>
<p>Ce qui est probablement le plus déterminant dans la carrure, l’aura et l’écho de Bob Marley, c’est la source de son inspiration, et le <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/jamaica_jamaica_-9782707194282">cœur de son message</a>. Bob vient du plus profond d’une île, d’une société marquée par des siècles de colonisation et de racisme, par les intenses souffrances de l’histoire de la déportation et de l’esclavage, et leurs conséquences contemporaines. Il a grandi dans un monde empreint du message de <a href="https://www.sciencespo.fr/fr/evenements/quelle-unite-pour-lafrique/">Marcus Garvey</a>, héros national jamaïcain, immense figure de la revendication et de l’affirmation de la fierté des Noirs descendants d’esclavisés, africains déportés aux Amériques. Puis Marley se convertit au rastafarisme dans les années 1960, un mouvement religieux qui reprend à son compte l’Ancien Testament, l’histoire d’un peuple élu, que Dieu ramène à la Terre promise après un exode de souffrance : ce peuple en exode ce sont les descendants d’esclavisés ; Dieu et sa figure messianique c’est Jah, Rastafari, l’empereur d’Éthiopie <a href="https://theconversation.com/fr/topics/haile-selassie-19813">Hailé Sélassié</a> ; la Terre promise c’est l’Afrique.</p>
<p>L’intensité et la profondeur – politiques, religieuses, mystiques – de cet héritage et de ce message donnent sans aucun doute à la voix de Bob Marley son souffle si puissant. Il semble lui-même porter quelque chose de prophétique, une aura <a href="https://www.youtube.com/watch?v=UZfaIx57UqU">naturelle mystique</a>, lui qui avait annoncé tout jeune qu’il mourrait trois ans plus vieux que le Christ. Kingsley Ben-Adir, qui l’interprète dans le film, caractérise comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KmOn6LomXd0">« otherworldly » (« d’un autre monde ») la présence de Bob sur scène</a>.</p>
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<p><em>Londres, Rainbow theatre en 1977 : sur son titre « Lively Up Yourself », Marley pose sa guitare et entame une danse « otherworldly ».</em></p>
<p>Tout jeune enfant, le petit Nesta Marley était déjà réputé dans sa campagne pour son don de chiromancie. Une scène du film y fait un clin d’œil, lorsqu’on le voit regarder dans le creux de la main de sa femme Rita. C’est là un petit anachronisme : enfant, au retour d’un premier séjour à Kingston, il avait annoncé ne plus vouloir prédire l’avenir, mais jouer de la musique – comme si c’était dans la musique qu’il avait décidé de déployer dorénavant ses dons.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575283/original/file-20240213-16-ln0agz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575283/original/file-20240213-16-ln0agz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575283/original/file-20240213-16-ln0agz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575283/original/file-20240213-16-ln0agz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575283/original/file-20240213-16-ln0agz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575283/original/file-20240213-16-ln0agz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575283/original/file-20240213-16-ln0agz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Exodus</em>, désigné en 1998 « meilleur album du XXᵉ siècle » par le magazine <em>Time</em>.</span>
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</figure>
<p>Il pourrait sembler paradoxal qu’un tel message touche un si large public : l’« album du siècle », selon le <em>Times</em>, le premier immense succès de Bob Marley, c’est <em>Exodus</em>, le <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/2022-10/010055233.pdf">livre de l’Exode, l’Ancien Testament appliqué aux descendants d’esclavisés</a>. Dans le film de Reinaldo Marcus Green, un publiciste d’Island Records, qui produit et distribue l’album, pose explicitement la question : comment espérer vendre un album qui a pour titre un livre de l’Ancien Testament, qui plus est avec une pochette sans image, constitué juste d’un titre écrit avec des lettres étranges, en calligraphie amharique, l’écriture éthiopienne ? Comment penser que des jeunes s’intéresseront à des chansons qui évoquent la Bible ?</p>
<p>Et pourtant avec Bob Marley, ça marche, ça touche très largement : les 110 000 personnes qui viennent l’applaudir à Milan, ce ne sont pas 110 000 rastas. Même les guérilleros qui prennent « Zimbabwe » pour hymne ne connaissent pas le mouvement rastafari. Et plus fort encore : un des premiers publics non jamaïcains à écouter les Wailers et Bob Marley, à porter des T-shirts <a href="https://www.youtube.com/watch?v=b0DU5uhoq-4">Rastaman Vibration</a>, ce sont les <a href="https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/4740">premiers skinheads et punks britanniques</a>, qui ne sont pas vraiment réputés pour leur sensibilité religieuse.</p>
<h2>Une vibration universelle : l’émancipation</h2>
<p>Si Bob Marley parvient à donner toute sa puissance à cette voix, c’est qu’il sait en faire vibrer l’écho universel. Depuis son histoire particulière, il donne une voix à tous les « sufferers », tous ceux qui souffrent. Son message parle largement, parce qu’il est militant, mais pas partisan, parce qu’il est mystique, mais ni prosélyte ni sectaire.</p>
<p>Militant mais pas partisan, Bob Marley l’est parce que son expérience de la politique c’est celle de la Jamaïque des années 1960 et 1970, la <a href="https://journals.openedition.org/volume/5181">corruption et la violence</a>. Aucun parti ne semble avoir authentiquement à cœur les intérêts du peuple. Et le niveau de violence est tel que d’obscures motivations politiques pourraient être derrière la tentative d’assassinat dont Bob Marley a été victime en décembre 1976, scène qui ouvre son biopic. Quand, en 1978, après un long exil londonien pendant lequel il compose notamment l’album <em>Exodus</em>, il revient en Jamaïque pour le « One Love Peace Concert », ce n’est pas pour prendre parti : c’est pour réunir son île déchirée par les partis. Sur scène, face à une foule immense parsemée d’hommes armés, dans un moment historique, il joint les mains des deux adversaires politiques, Michael Manley et Edward Seaga.</p>
<p>Si Jah est omniprésent dans ses chansons, Bob ne cherche pas véritablement à convertir ni à détailler les principes et doctrines du mouvement rastafari. Il veut diffuser ce qu’il considère en être l’essence, le cœur du message : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zCgu_GSex0k">l’amour</a> (« One Love » !), la <a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=B0xceHDpHcc">rédemption</a>, la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-JwL3lPBQ5E">lutte pour la justice</a> – pour que d’autres le reprennent.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EHSQLU712iQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ziggy Marley, à l’avant-première du biopic qu’il produit : « Porter la vie de mon père sur le grand écran, c’est pour nous un moyen de plus de répandre au monde son message d’amour », Paris, Grand Rex, 1er février 2024.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est probablement « Redemption Song », dernière piste de son dernier album, un hymne guitare-voix dont le dépouillement et l’intimité sont uniques dans le répertoire de Bob, qui le résume le mieux :</p>
<blockquote>
<p>« Emancipate yourself from mental slavery<br>
None but ourselves can free our minds […]<br>
Won’t you help to sing these songs of freedom<br>
‘Cause all I ever have : Redemption songs, Redemption songs<br>
(« Emancipez-vous de l’esclavage mental<br>
Personne d’autre que nous-mêmes ne peut libérer nos esprits […]<br>
Ne m’aiderez-vous pas à chanter ces chants de liberté ?<br>
Parce que c’est tout ce que j’ai jamais eu : des chants de rédemption, des chants de rédemption »)</p>
</blockquote>
<h2>Le reggae, une musique de liberté</h2>
<p>Le vecteur du message, c’est un style musical spécifique, le reggae, une musique dont le premier objectif est de saisir le corps, de <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Sonic-Dominance-and-the-Reggae-Sound-System-Session-Henriques/3d05ed941d87e2c961e9eefebba04e70be900d3e"><em>littéralement</em> faire vibrer physiquement</a> – comme Marley vibre de son histoire et du message qu’il veut transmettre. Dans les <em>sound systems</em> jamaïcains, on dit que si le son est bon, une bouteille de bière ne peut tenir debout.</p>
<p>Le reggae, c’est une musique profonde avec des basses lourdes, fondamentales dans le mix, des basses qui semblent manifester l’enracinement, les « roots ». Le reggae, c’est aussi ce côté syncopé, ce contretemps qui prend à contrepied, qui entraîne et qui déstabilise. Et c’est ce côté <a href="https://www.routledge.com/Vibe-Merchants-The-Sound-Creators-of-Jamaican-Popular-Music/Hitchins/p/book/9781032404257">« <em>raw</em> »</a>, un peu rude, « brut de décoffrage », qui accroche et peut-être grince un peu – comme la voix si singulière de Bob Marley. Dans le film, on voit les Wailers présenter au producteur Coxsone Dodd ce qui sera leur tout premier tube, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ysjaMz8oUBI">« Simmer Down »</a>, en 1964. Plusieurs prises du morceau ont été réalisées, et dans celle choisie par Coxsone pour être pressée et diffusée, il y a une erreur, un petit truc qui déraille : l’un des acolytes de Bob, Peter Tosh, se trompe et entame un refrain au mauvais moment. C’est probablement ce côté rugueux qui a séduit les skinheads et punks britanniques dans les années 60 et début 70.</p>
<p>La forme musicale même constitue ainsi un véhicule idéal pour ce message. D’ailleurs, partout où le reggae a porté, ceux qui l’ont entendu se le sont approprié, pour y poser leur propre volonté d’émancipation.</p>
<h2>Bob Marley, trop universel ?</h2>
<p>Mais Bob Marley aurait-il perdu en authenticité en cherchant à toucher le plus large possible, aux quatre coins du monde, avec un message plus universel et une forme de reggae « international » nourri d’influences extérieures ? Le film montre par exemple l’arrivée de Junior Marvin, un guitariste rock qui avait collaboré avec Stevie Wonder, aux cheveux lissés – loin des canons du reggae rasta jamaïcain ! – sur la suggestion du producteur Chris Blackwell, du label Island, celui qui propulse Bob Marley et les Wailers sur la scène internationale.</p>
<p>En 1974, pour la sortie du premier album international solo de Bob, il y a débat sur le titre : <em>Knotty Dread</em> ou <em>Natty Dread</em>, des dreadlocks « noueuses » ou « élégantes » ? Pour un Jamaïcain, cela se prononce pratiquement de la même manière, mais une fois porté à l’écrit, la connotation n’est pas la même… Dans les deux cas, Bob Marley tranche : oui pour Junior Marvin, pour accrocher un public qui vient du rock, et ce sera « Natty Dread » – des dreadlocks élégantes, certes, mais qui chantent <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bJ-yZ2WwXqk">« Revolution »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Survival » ou « Black Survival » ?</span></figcaption>
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<p>Une des meilleures illustrations de cette ouverture de Bob Marley à un large public sans compromission du message originel est probablement <a href="https://www.google.fr/books/edition/So_much_things_to_say_L_histoire_orale_d/5YFqDwAAQBAJ">l’histoire du titre et de la pochette de l’album <em>Survival</em></a>. Celui-ci devait originellement s’intituler <em>Black Survival</em>, mais Bob Marley a préféré lui donner une dimension plus universelle en omettant le « Black ». Cependant la pochette de l’album montre ce <em>Survival</em> écrit sur la représentation d’un navire négrier, encadré des drapeaux de tous les pays africains. Un message universel, oui, mais dont l’origine et la puissance proviennent d’une histoire et d’une souffrance particulières – celles des descendants des Noirs esclavisés déportés d’Afrique.</p>
<hr>
<p><em>Thomas Vendryes tient à remercier Audrey Bangou pour sa précieuse contribution à la conception et à la relecture de ce texte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223391/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Vendryes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’occasion de la sortie du biopic « Bob Marley : One Love », retour sur la vie et l’œuvre d’un artiste qui a su transmettre un message universel, au-delà d’un fort ancrage politique et religieux.Thomas Vendryes, Maître de conférence au Département de Sciences Humaines et Sociales de l'ENS Paris-Saclay, Centre for Economics at Paris-Saclay (CEPS), École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208662024-01-14T16:25:02Z2024-01-14T16:25:02ZComment financer les politiques climatiques en Amérique latine et dans les Caraïbes ?<p>Le constat dressé lors de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop28-147549">COP28</a> à Dubaï est sans appel : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/amerique-latine-28959">l’Amérique latine</a> et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cara-be-29582">Caraïbes</a> font face à un important défaut de financement de l’action pour le climat. Pour remédier aux effets du changement climatique, les financements devraient en effet <a href="https://www.cepal.org/en/pressreleases/eclac-presents-cop28-report-stresses-climate-financing-needs-latin-america-and">décupler</a> par rapport à leurs niveaux de 2020.</p>
<p>Cela nécessite de développer davantage les instruments de financement innovants mis en place ces dernières années et de catalyser les financements pour le climat des principaux acteurs internationaux. C’est l’objet de la Coalition mondiale pour le renforcement des moyens d’action créée lors de la COP28.</p>
<h2>Une région particulièrement vulnérable</h2>
<p>Le nombre de catastrophes naturelles en Amérique latine et dans les Caraïbes a presque doublé entre les décennies 1980 et 2010, faisant de cette région la zone géographique la plus touchée au cours de la décennie écoulée. Depuis 2000, <a href="https://reliefweb.int/report/world/overview-disasters-latin-america-and-caribbean-2000-2022">trois personnes sur dix ont été affectées par une catastrophe naturelle</a>. En 2023, 91 % des citoyens de treize pays d’Amérique latine déclarent que le <a href="https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2023/11/climat-amerique-latine.pdf">changement climatique a un impact sur leur vie quotidienne</a>. Ces catastrophes naturelles peuvent entrainer des coûts économiques élevés. Par exemple, à la suite de l’ouragan Maria en 2017, la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2021/08/11/Dominica-Disaster-Resilience-Strategy-463663">République dominicaine a subi des dommages estimés à 226 % de son produit intérieur brut</a> : destruction des infrastructures (routes, ponts et réseaux d’électricité), destruction du capital physique et dégradation du capital humain.</p>
<p>Face à ces dégâts économiques, il est nécessaire d’améliorer la résilience de la zone par la mise en place de politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Les premières ont pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre, avant que les effets du changement climatique ne soient irréversibles. Il s’agit, par exemple, d’installer des panneaux solaires sur les bâtiments afin d’améliorer leur efficacité énergétique.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/faut-il-commencer-a-sacclimater-au-rechauffement-ou-redoubler-defforts-pour-le-limiter-218187">politiques d’adaptation</a>, quant à elles, visent à minimiser les conséquences du changement climatique déjà en cours. La mise en place de digues et de murs de protection contre les inondations obéit à cette logique. Les politiques d’adaptation et d’atténuation adéquates peuvent être très coûteuses : sur la période 2023-2030, les besoins d’investissement cumulés associés à la mise en place de ces politiques sont chiffrés <a href="https://repositorio.cepal.org/server/api/core/bitstreams/7cd75817-9d2b-4ec4-a7e9-88645eb247d3/content">entre 215 et 284 milliards de dollars par an</a> pour l’Amérique latine et les Caraïbes.</p>
<h2>Le financement de l’adaptation et de l’atténuation</h2>
<p>Face à ce besoin de financement colossal, les États d’Amérique latine et des Caraïbes reçoivent des financements multilatéraux, de la part d’institutions régionales et internationales, spécialement conçus pour soutenir la mise en place de politiques d’atténuation et d’adaptation. Entre 2016 et 2021, le financement pour le climat accordé aux États de la zone a plus que triplé, passant de 2,7 milliards de dollars à 8,6 milliards de dollars (Graphique 1). S’il s’agit d’une augmentation significative, le montant atteint en 2021 ne correspond toutefois qu’à 4 % des besoins d’investissement de la région.</p>
<p><iframe id="jDE7Q" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jDE7Q/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cinq acteurs multilatéraux assurent l’essentiel du financement de l’action pour le climat dans la région : il s’agit de trois institutions régionales (la Banque interaméricaine de développement (BID), la Banque centraméricaine d’intégration économique (BCIE) et la Banque de développement d’Amérique latine et des Caraïbes (BDALC)), de la Banque mondiale (BM) et de la Banque européenne d’investissement (BEI). En 2021, 64 % des financements sont alloués par les institutions régionales (Graphique 2) et les deux tiers de l’ensemble des financements vont à des mesures d’atténuation (Graphique 3).</p>
<p><iframe id="N0sE8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/N0sE8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="3Ky68" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3Ky68/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>De nouveaux instruments financiers</h2>
<p>Pour répondre aux forts besoins de financement de l’action pour le climat, les institutions multilatérales se sont appuyées sur des instruments innovants.</p>
<p>Émis pour la première fois par la BEI en 2007, les obligations vertes sont des <a href="https://www.imf.org/en/Publications/staff-climate-notes/Issues/2022/06/29/Sovereign-Climate-Debt-Instruments-An-Overview-of-the-Green-and-Catastrophe-Bond-Markets-518272">titres de créance destinés à lever des capitaux pour le financement de projets « verts »</a>. En 2022, <a href="https://www.eib.org/attachments/lucalli/20220270_eib_financial_report_2022_en.pdf">30 % du programme de financement de la BEI était ainsi constitué par l’émission d’obligations de sensibilisation au climat</a>. Dans le cadre de l’Initiative Global Gateway de l’Union européenne, en 2023 la BEI a octroyé à l’Argentine, au Brésil et au Chili des <a href="https://www.eib.org/en/press/all/2023-274-latin-america-eib-to-announce-eur800-million-in-financing-for-climate-action-projects-in-argentina-brazil-and-chile-at-eu-celac-summit">prêts « verts » s’élevant à 800 millions d’euros</a>.</p>
<p>La BEI n’est pas la seule institution multilatérale à utiliser cet instrument financier. Grâce à ces obligations vertes, la BDALC a ainsi levé 1,2 milliard de dollars entre 2018 et 2021 pour financer des projets visant à améliorer l’efficacité énergétique, à accroître la production d’énergies renouvelables et à verdir le système de transport de la région. La BID de son côté, grâce également à l’émission d’obligations vertes, a par exemple octroyé en 2023 un prêt de 400 millions de dollars au Chili pour aider au <a href="https://www.iadb.org/en/news/idb-approves-400-million-loan-boost-chiles-green-hydrogen-industry">développement de l’industrie de l’hydrogène vert</a>.</p>
<p>Les institutions recourent également à l’émission d’obligations bleues. Ce sont des instruments de dette émise par des gouvernements, des banques de développement ou d’autres entités pour financer des projets marins et océaniques ayant des retombées positives sur l’environnement, l’économie et le climat. Ainsi, la BID a procédé à la <a href="https://idbinvest.org/en/news-media/idb-invest-issues-first-blue-bond-latin-america-and-caribbean">première émission d’obligation bleue en Amérique latine et dans les Caraïbes en 2021</a> pour un montant de 50 millions de dollars australiens.</p>
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<p>Face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles, les institutions internationales recourent également à des instruments de gestion du risque financier comme les obligations catastrophes.</p>
<p>Leur principe est simple. L’organisation qui émet l’obligation verse une prime aux investisseurs. Si aucune catastrophe naturelle ne se produit pendant la durée de l’obligation, les investisseurs reçoivent leur capital et les intérêts à la fin de la période. En revanche, si une catastrophe naturelle survient, l’organisation reçoit des investisseurs une partie ou la totalité du capital associé à l’obligation.</p>
<p>Afin d’améliorer la résilience financière des États contre le risque de catastrophe naturelle, la Banque mondiale procède ainsi à l’émission d’obligations catastrophes pour le compte des États. Elle a par exemple émis en 2020 de telles <a href="https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2020/03/09/world-bank-catastrophe-bond-provides-financial-protection-to-mexico-for-earthquakes-and-named-storms">obligations pour le compte du Mexique pour un montant de 485 millions de dollars</a>, le protégeant pendant 4 ans des pertes dues aux tremblements de terre et aux cyclones.</p>
<h2>Un nouveau rôle pour le FMI</h2>
<p>Alors que les institutions précédentes interviennent principalement <em>ex ante</em>, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fonds-monetaire-international-fmi-54333">Fonds monétaire international</a> (FMI) joue un rôle crucial après qu’un pays a été frappé par une catastrophe naturelle pouvant déboucher sur une crise de balance des paiements. En complément des prêts conventionnels octroyés aux pays membres, le FMI a créé en 2015 le fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes qui accorde des dons et des allègements de dette aux pays les plus pauvres frappés par une catastrophe naturelle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du siège du FMI" src="https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En 2015, le FMI a créé le fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes qui accorde des dons et des allègements de dette aux pays les plus pauvres frappés par une catastrophe naturelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nasonurb/4344909546">Bruno Sanchez-Andrade Nuño/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En mai 2022, un nouveau fonds a vu le jour : le fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité du FMI, qui vise à aider les pays pauvres à faire face à des difficultés de long terme, comme le changement climatique. En décembre 2022, la Barbade a été le premier pays à bénéficier de ce nouveau fonds : <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2022/12/07/pr22417-barbados-imf-executive-board-approves-usd113m-under-eff-and-usd189m-under-rsf">189 millions de dollars d’aide ont été débloqués</a>.</p>
<p>Face aux défis climatiques auxquels font face les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, une utilisation efficiente des ressources pour le financement des politiques climatiques est essentielle. C’est l’un des objectifs fixés par la Coalition mondiale pour le renforcement des moyens d’action, dont la création a été annoncée lors de la COP28 en décembre 2023. Cette coalition regroupe les principaux acteurs internationaux du financement pour le climat (ONU, BM, différentes banques multilatérales de développement, FMI, etc.) et vise à renforcer les capacités en matière de financement climatique et l’efficacité des programmes d’assistance technique des institutions financières domestiques et internationales.</p>
<p>La COP29, qui se tiendra en 2024 en Azerbaïdjan, sera l’occasion d’évaluer les premiers résultats de cette coalition, notamment sa capacité à catalyser des financements pour le climat à la hauteur des besoins de la région.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220866/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De nouveaux instruments financiers portés par les institutions internationales apparaissent répondre au défaut de financement dans une région particulièrement vulnérable au changement climatique.Florian Morvillier, Économiste, CEPIIErica Perego, Économiste, CEPIIFanny Schaeffer, Assistante de recherche, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1987062023-03-07T18:18:54Z2023-03-07T18:18:54ZLa présence économique croissante de la Chine en Amérique latine et dans les Caraïbes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509412/original/file-20230210-14-3o05sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C2854%2C1909&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mauricio Macri, alors président de l’Argentine, serre la main de Xi&nbsp;Jinping en 2017 à Pékin. Ce sommet de la Belt and Road Initiative aura été un épisode important du rapprochement entre Pékin et la zone Amérique latine-Caraïbes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/chinese-president-xi-jinping-argentinas-mauricio-2240652207">Salma Bashir Motiwala/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les échanges commerciaux entre l’Amérique latine et les Caraïbes et la Chine <a href="https://www.forbes.com/sites/miltonezrati/2022/11/07/chinas-latin-america-move/">n’ont cessé de se développer</a> depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle et, plus encore, depuis le lancement par Xi Jinping, en 2013, du projet des Nouvelles routes de la soie, ou <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2018-6-page-111.htm"><em>Belt Road Initiative</em> (BRI)</a>.</p>
<p>L’objectif de ce programme gigantesque est de promouvoir les objectifs de développement chinois en internationalisant les investissements et les prêts, tout en garantissant à la RPC un accès à long terme à l’énergie et aux matières premières qu’elle importe.</p>
<p>Pour mondialiser sa politique industrielle et soutenir ses entreprises dans le monde, la Chine a mis en place une stratégie entre les banques, le ministère des Finances et le ministère du Commerce. C’est ainsi que la China National Petroleum Corporation, Huawei et de nombreuses autres multinationales chinoises se sont « mondialisées » et sont de plus en plus présentes non seulement en Asie mais aussi en Europe, en Afrique et sur le continent américain, une zone qui fut longtemps considérée comme le « pré carré » de Washington.</p>
<h2>Les échanges commerciaux</h2>
<p>Si les échanges entre la Chine et la région Amérique latine-Caraïbes (ALC) remontent aux <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-monde-global--9782361060299-page-174.htm">galions de Manille</a> qui, à partir de 1565, circulaient entre les ports d’Acapulco et de Manille, ils se sont considérablement accélérés au cours des vingt dernières années. L’un des moments clés, à cet égard, a été le <a href="https://www.oboreurope.com/fr/premier-sommet-belt-road/">forum de la BRI tenu à Pékin en 2017</a> : à l’issue de discussions informelles entre le président Xi Jinping et le président argentin de l’époque Mauricio Macri, <a href="https://greenfdc.org/countries-of-the-belt-and-road-initiative-bri/">l’ALC est incorporée dans la sphère de la BRI</a>.</p>
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<p>Un processus formel, mis en place lors de la <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2018-2-page-134.htm">réunion de la Communauté des nations d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC)</a> en janvier 2018 à Santiago du Chili, a officalisé l’invitation de la Chine à destination des 33 pays d’ALC à participer à l’initiative BRI. Le Panama était devenu, dès 2017, le premier pays <a href="https://dialogochino.net/en/infrastructure/26121-belt-and-road-the-new-face-of-china-in-latin-america/">à signer un protocole d’accord en ce sens</a>, malgré les objections et les critiques des États-Unis.</p>
<p>Depuis, la plupart des autres pays ont suivi. Aujourd’hui, vingt pays de la zone ont rejoint la BRI, laissant le Brésil et le Mexique comme les deux seules grandes économies de la région sans protocole d’entente officiel. En conséquence, ces dernières années, certains pays d’Amérique latine ont <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20211210-le-nicaragua-rompt-avec-ta%C3%AFwan-et-reconna%C3%AEt-une-seule-chine-dirig%C3%A9e-par-p%C3%A9kin">rompu leurs liens diplomatiques avec Taïwan</a> dans le but d’attirer les investissements de Pékin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"553143452532477952"}"></div></p>
<p>La région de l’Amérique latine et des Caraïbes est une zone d’investissement attrayante en raison de son abondance en ressources naturelles et matières premières (pétrole brut, fer et cuivre) ainsi qu’en produits agricoles (soja et oléagineux). Par rapport à l’Afrique, l’Amérique latine peut également offrir un environnement d’investissement plus stable, un système judiciaire plus fiable et un grand marché pour les produits chinois.</p>
<p>Les relations commerciales avec la Chine remontent aux années 1960, lorsque l’Argentine et le Mexique vendaient du blé à la Chine qui faisait alors face à une grande famine. Dans les années 1970 et 1980, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes avaient un excédent commercial avec la Chine. Mais la situation a profondément changé avec les mutations économiques de la Chine à la fin des années 1980 et à son adhésion à l’OMC en 2001. </p>
<p>Depuis, les relations commerciales ont été <a href="https://www.atlanticcouncil.org/in-depth-research-reports/report/latin-america-china-trade-and-investment-amid-global-tensions/">multipliées par 18 entre 2000 et 2016</a>, notamment grâce au boom des matières premières. Pendant cette période, les banques publiques chinoises comme China Development Bank (CDB) et Export-Import Bank of China (ExImBank) ont signé de <a href="https://www.bu.edu/gdp/china-lac_bulletins/">nouveaux accords avec les pays de l’ALC</a>. Les échanges avec la Chine restent toutefois pour l’instant <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/18681026211047871">moins importants que ceux avec les États-Unis</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="graphique des échanges commerciaux des États-Unis et de la Chine avec l’Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Comparaison des échanges commerciaux entre l’Amérique latine et les États-Unis avec ceux entre l’Amérique latine et la Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Les investissements directs</h2>
<p>Les relations économiques croissantes entre la Chine et l’ALC ne se limitent pas au commerce. Le deuxième volet de ces relations est l’investissement direct à l’étranger (IDE).</p>
<p>Entre 2000 et 2020, les entreprises chinoises ont investi environ 160 milliards de dollars dans 480 transactions, principalement par le biais de fusions et d’acquisitions mais aussi à travers des projets nouveaux. Par exemple, China Yangtze Power International (CYPI) a récemment <a href="https://latinlawyer.com/article/china-yangtze-power-completes-us36-billion-power-buy-in-peru">acheté des parts de Sempra’s Peruvian</a>) pour 3,6 milliards de dollars.</p>
<p>Le graphique suivant montre un pic après la crise financière de 2008 en raison du retrait des investissements occidentaux dans la région et du manque de fonds d’investissement pour les gouvernements des pays locaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Graphique montrant les investissements de la Chine en Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Investissements direct de la Chine en Amérique latine en millions de dollars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les prêts</h2>
<p>Le troisième volet de cette relation concerne les prêts, qui ont débuté au début du siècle, mais qui ont également connu un pic pendant la crise.</p>
<p>Depuis 2005, les deux principales banques chinoises (la Banque de développement de Chine et la Banque d’import-export de Chine) ont accordé plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-cevipol-2017-3-page-3.htm">141 milliards de dollars de prêts aux pays d’Amérique latine</a> et aux entreprises publiques, soit plus que la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement ou la Banque latino-américaine de développement.</p>
<p>On observe une concentration des prêts chinois en ALC dans quatre pays : le Venezuela, l’Équateur, l’Argentine et le Brésil, qui ont reçu environ 93 % des prêts. Par ailleurs, les prêts sont concentrés dans le <a href="https://www.iss.europa.eu/sites/default/files/EUISSFiles/Brief_9_China%20in%20Latin%20America_web.pdf">secteur de l’énergie (69 %) et des infrastructures (19 %)</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique sur les politiques bancaires de la Chine selon les pays d’Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Politique bancaire de la Chine selon les pays d’Amérique latine. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le Venezuela, premier emprunteur sur le continent, est le pays dont la dette vis-à-vis de Pékin est la plus importante. Même si la Chine n’a pas accordé de nouveaux prêts aux pays d’Amérique latine en 2020 et 2021, elle a renégocié la dette du Venezuela en 2018 et celle de l’Équateur. La dette vénézuélienne a appris à la Chine à se montrer plus prudente dans <a href="https://www.batimes.com.ar/news/economy/stephen-kaplan-china-faces-creditor-trap-in-lending-to-latin-america.phtml">l’attribution de prêts à l’Amérique latine</a>. Les prêts au Vénézuéla ont montré à Pékin que les capacités de production de pétrole d’un pays ne sont pas une garantie suffisante pour un remboursement futur.</p>
<p>Par ailleurs, le Brésil a connu une <a href="https://dialogochino.net/en/infrastructure/59714-cccc-chinese-construction-giant-comes-to-standstill-in-brazil/">croissance des échanges</a>, des investissements et des prêts, mais, on l’a dit, sans adhérer officiellement à la BRI. Malgré un récent ralentissement des investissements dû à des relations tendues avec le gouvernement Bolsonaro (il reste à voir ce qu’il en sera désormais, Lula semblant désireux de <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Le-Bresilien-Lula-rencontrera-le-Chinois-Xi-le-28-mars-a-Pekin--43022130/">nouer un « dialogue constructif » avec Pékin</a>), des projets, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Port_d%27Itaqui">méga-port à Sao Luis</a>, capable de gérer l’exportation de 10 millions de tonnes de céréales par an, le chemin de fer dans l’État de Para reliant l’extraction de minerai de fer en Amazonie aux principaux ports du Brésil et un <a href="http://www.bahiaflaneur.net/blog2/2010/09/un-pont-pour-sauver-lile-ditaparica.html">pont de 12 kilomètres entre Salvador et Itaparica</a>, qui sera le plus grand projet de construction sur l’eau en Amérique latine, se développent au Brésil. Même si le pays est le deuxième plus grand débiteur de la Chine en Amérique latine, ses entreprises, comme la compagnie pétrolière publique Petrobras, réussissent à rembourser la plupart de leurs prêts.</p>
<p>Le cas du Pérou est également particulier. Le Pérou et la Chine entretiennent des relations diplomatiques depuis plus de 50 ans. Avec le Costa Rica, il est le seul pays à avoir conclu un accord de libre-échange à la fois avec les États-Unis et avec la Chine. Les investissements de Pékin au Pérou concernent des <a href="http://fr.cctv.com/2016/11/19/VIDEAO8wdf8PGOJ10EjXbieq161119.shtml">investissements lourds dans le secteur minier</a> (15 milliards de dollars selon le ministère péruvien de l’Énergie et des Mines). On observe aussi une diversification dans d’autres secteurs tels que l’énergie, l’électricité, la pêche… Un exemple typique est le <a href="https://portsetcorridors.com/2022/amerique-du-sud-la-bataille-de-la-logistique-portuaire/">méga-port de Chancay</a>, construit par un consortium dirigé par l’entreprise publique chinoise Cosco Shipping Ports avec une participation importante de la société suisse Glencore. Le projet, dont l’investissement s’élève à 3 milliards de dollars, devrait devenir le plus important terminal commercial de la Chine en Amérique du Sud lorsqu’il sera terminé en 2024.</p>
<h2>Un partenariat qui s’intensifie</h2>
<p>Comme dans d’autres régions du monde, la Chine finance en ALC des investissements d’infrastructure, notamment dans les secteurs minier et énergétique, qui peuvent avoir des effets positifs sur la croissance économique des pays de l’ALC <strong>()</strong>. Ce système répond à la volonté de la Chine pour devenir un acteur majeur sur les marchés de l’énergie en apportant des investissements dans ces pays (les capitaux privés n’étant pas suffisants en raison de la crise financière ou des scandales liés à la corruption, comme <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/03/26/affaire-petrobras-retour-sur-les-trois-annees-qui-ont-marque-le-bresil_5100932_3222.html">l’opération Lava Jato au Brésil</a>, qui ont découragé les investissements étrangers).</p>
<p>La Chine mise aujourd’hui sur les nouvelles infrastructures : 5G, transmission d’électricité, train à grande vitesse, véhicules électriques, centres de données et intelligence artificielle… Des perspectives se profilent pour le développement de liens supplémentaires avec des échanges d’étudiants, du tourisme, des coopérations dans les domaines de la santé, des sciences et des technologies. Ainsi, la relation pourrait aussi devenir véritablement une stratégie gagnant-gagnant sur d’autres secteurs que les ressources.</p>
<p>Si les gouvernements des pays de l’ALC parviennent à relever les défis et à développer les opportunités qui se présentent, la relation ALC-Chine deviendra plus avantageuse pour la région ALC. Celle-ci devra toutefois prendre garde au <a href="https://www.courrierinternational.com/article/dette-la-chine-une-puissance-qui-prete-beaucoup-en-amerique-latine">« piège de la dette »</a> (la Chine détient par exemple 11 % de la dette extérieure totale de l’Équateur).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>German Zarate ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la continuité de sa politique d’investissement à l’étranger, la Chine conclut avec l’Amérique latine et les Caraïbes des partenariats économiques de plus en plus étroits.German Zarate, Professeur d'économie, State of New York University Cortland, professeur invité à La Rochelle University, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1962492023-01-12T18:42:35Z2023-01-12T18:42:35ZDévelopper la géothermie pour améliorer l’indépendance énergétique des Caraïbes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499801/original/file-20221208-7256-ktdtu0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C2068%2C908&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La centrale géothermique de Bouillante, en Guadeloupe, est à l’heure actuelle la seule dans la Caraïbe.</span> <span class="attribution"><span class="source">BRGM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Toutes les îles de la Caraïbe orientale, de l’île de Saba au Nord à la Grenade au Sud, en passant par la Guadeloupe et la Martinique, dépendent des énergies fossiles pour la production de leur électricité. En 2021, la part des énergies renouvelables est de <a href="https://www.synergile.fr/media_public/bilan-energetique-2021-de-la-guadeloupe/">33,70 % en Guadeloupe</a>, <a href="https://www.edf.mq/edf-en-martinique/la-transition-energetique-en-martinique/la-transition-energetique-en-martinique">25 % en Martinique</a> et <a href="https://tec-interreg.com/fr">25 % en Dominique</a> mais pour les autres îles elle n’est que de 10 %, voire plus faible. Cette dépendance a un coût financier, mais aussi un impact écologique du fait des fortes émissions de gaz à effet de serre provenant des énergies fossiles utilisées.</p>
<p>Pour réduire cette dépendance énergétique et limiter les émissions de CO<sub>2</sub>, le développement des énergies renouvelables est essentiel. Ainsi, la région Guadeloupe a pour objectif, dans sa programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), d’atteindre l’autonomie énergétique en 2030. Dans ce contexte, la géothermie – c’est-à-dire l’exploitation de la chaleur de la terre – peut jouer un rôle clé car elle est non polluante, renouvelable et disponible 24 heures sur 24. De plus, cette ressource est compatible avec le tourisme en raison de sa faible emprise foncière et, surtout, elle est résiliente aux évènements climatiques tels que les cyclones.</p>
<p>Les îles de la Caraïbe orientale sont d’origine volcanique, avec une activité parfois intense et récente (une centaine d’années maximum). Il existe <a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">plusieurs types de géothermie</a>. Le contexte insulaire volcanique permet d’envisager l’utilisation de la géothermie « de haute énergie » pour produire de l’électricité, car les températures dans la roche peuvent atteindre la centaine de degrés ou plus, à des profondeurs de l’ordre du kilomètre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502110/original/file-20221220-12-dq5zlh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte des antilles explicitant les projets géothermiques dans la région ou le potentiel pour de tels projets" src="https://images.theconversation.com/files/502110/original/file-20221220-12-dq5zlh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502110/original/file-20221220-12-dq5zlh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502110/original/file-20221220-12-dq5zlh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502110/original/file-20221220-12-dq5zlh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502110/original/file-20221220-12-dq5zlh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502110/original/file-20221220-12-dq5zlh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502110/original/file-20221220-12-dq5zlh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Potentiel géothermique de la Caraïbe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ADEME & Teranov</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les reconnaissances préliminaires, de même que les forages exploratoires menés dans la Caraïbe orientale, indiquent la présence de nombreux réservoirs géothermiques. Des potentiels qui demeurent, à ce jour, globalement inexploités. En effet, il n’existe qu’une centrale en activité aux Antilles, celle de Bouillante, en Guadeloupe, mise en service en 1986. Elle a une capacité de 15 mégawatts et couvre 6-7 % du mix énergétique de l’île.</p>
<p>La mise en place d’une centrale géothermique nécessite en amont un travail important d’exploration qui permet d’évaluer la puissance que l’on peut extraire du réservoir géothermal, pour vérifier la faisabilité technique et économique du projet.</p>
<p>Le travail d’exploration inclut l’utilisation de méthodes géophysiques, qui, comme une sorte d’échographie à grande échelle, fournissent une « image » des propriétés physiques du sous-sol, par exemple, la résistivité électrique ou la vitesse de propagation des ondes sismiques. Ces propriétés sont ensuite interprétées en termes de quantités utiles pour l’évaluation de la puissance extractible, par exemple la température ou la géométrie du réservoir.</p>
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<p>Mais les méthodes actuelles souffrent de limitations techniques et ne sont pas toujours adaptées aux particularités des îles, notamment leurs reliefs et la présence de la mer. Par conséquent, les résultats obtenus peuvent être entachés d’erreurs ou avoir une incertitude élevée ce qui impacte négativement la qualité de l’évaluation de la ressource et donc l’aspect économique du projet.</p>
<h2>Vers de nouvelles méthodes d’estimation de la ressource géothermique</h2>
<p>Dans le cadre d’un <a href="https://tec-interreg.com/fr">nouveau projet</a>, qui fait suite à une collaboration née en 2008 entre la région Guadeloupe, l’ADEME, le BRGM et l’OECO (Organisations des États de la Caraïbe Orientale), nous développons des méthodes innovantes d’exploration géothermique en milieu volcanique insulaire.</p>
<p>En particulier, l’objectif est de développer de nouvelles techniques d’imagerie géophysique adaptées aux spécificités des îles de la Caraïbe et notamment à la proximité de zones urbanisées, du relief et de la mer. Dans un premier temps, nous cherchions à valider sur une zone connue – le champ de Bouillante – la valeur ajoutée des nouvelles méthodes par rapport aux approches classiques. Dans un second temps, l’attention s’est portée sur la caractérisation du champ de Bouillante <em>en mer</em>, ce qui n’était pas possible avec les méthodes précédentes.</p>
<p>Ce travail a permis d’obtenir une évaluation plus précise de la structure du réservoir de Bouillante ainsi que de sa structure sous la mer. En effet, notre méthodologie permet d’acquérir et de traiter simultanément les données acquises en milieu terrestre et marin. Grâce à cette expérimentation, il est maintenant possible d’envisager une étude similaire sur d’autres îles de la Caraïbe pour améliorer l’évaluation de leurs ressources géothermiques.</p>
<h2>Mesurer la résistivité électrique du sous-sol</h2>
<p>Dans le cadre de cette étude, nous nous appuyons sur les méthodes électromagnétiques, qui sont sensibles aux variations de résistivité électrique du sous-sol.</p>
<p>En effet, un réservoir géothermique dans un contexte insulaire volcanique se caractérise le plus souvent sous la forme d’une source de chaleur profonde (magma à plusieurs kilomètres), au-dessus de laquelle se trouve une roche « réservoir » contenant des fluides chauds (à plus de 100 °C) sous pression, elle-même sous une couche altérée, « argilisée », par les fluides géothermaux, qui agit comme un couvercle et permet de garder chauds et sous pressions ces fluides. Chacune de ces trois couches possède des caractéristiques de résistance électrique distinctes, ce qui permet de les différencier et rend pertinente l’utilisation des méthodes électromagnétiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/499805/original/file-20221208-14000-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/499805/original/file-20221208-14000-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499805/original/file-20221208-14000-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499805/original/file-20221208-14000-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499805/original/file-20221208-14000-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499805/original/file-20221208-14000-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499805/original/file-20221208-14000-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499805/original/file-20221208-14000-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les trois couches d’un réservoir géothermique de type volcanique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BRGM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette approche est originale d’une part car nous déployons simultanément à terre et en mer des capteurs de champs électrique et magnétique et d’autre part car nous utilisons des méthodes « passives » et « actives ». Cette combinaison permet d’obtenir une image 3D des propriétés électriques du sous-sol. Cette image est continue entre les sous-sols terrestre et marin, ce qui permet d’évaluer la continuité en mer du réservoir de Bouillante.</p>
<p>En effet, les méthodes passives, et en particulier la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Magn%C3%A9totellurique">magnétotellurique</a>, sont historiquement les méthodes de choix pour l’exploration de la géothermie. Peu chère et facile à mettre en œuvre, la magnétotellurique permet de contraindre l’image du sous-sol jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres en profondeur, mais elle ne peut pas être utilisée proche des villes, car le bruit ambiant de l’activité humaine est supérieur au signal électromagnétique naturel – généré par exemple les orages lointains ou les éruptions solaires – enregistré par les capteurs.</p>
<h2>Développer les méthodes actives pour les zones densément peuplées</h2>
<p>C’est là que les méthodes actives peuvent prendre le relais en utilisant des sources artificielles plus fortes que le bruit ambiant et qui peuvent être déployées à proximité des zones urbanisées.</p>
<p>En utilisant ces sources et en distribuant densément sur la zone d’étude des capteurs légers développés par le BRGM, il est possible d’obtenir des images de plus haute résolution qu’avec les méthodes passives. L’inconvénient cependant, est que la profondeur d’investigation (la profondeur maximum à laquelle la méthode ne permet plus de reconstruire une image du sous-sol) dépend de la distance entre la source et le récepteur et en pratique, cette profondeur est limitée à trois kilomètres.</p>
<p>Combiner ces deux méthodes (actives et passives) permet donc de bénéficier des avantages de chacune d’elles, mais le traitement et l’intégration des données ne sont pas simples et nécessitent un développement algorithmique et méthodologique important. Autre difficulté, la prise en compte du relief de l’île et le très fort contraste de résistivité entre la mer très conductrice et la terre qui est résistante. Lever ces verrous est le sujet d’une thèse qui prendra fin en mars 2023, dont les résultats préliminaires permettent d’ores et déjà d’obtenir des images du sous-sol de la zone de Bouillante avec un niveau de détails supérieurs aux résultats des précédentes études.</p>
<p>Ces méthodes pourront ensuite être déployées aux autres îles de la Caraïbe pour améliorer l’évaluation de leur potentiel géothermique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196249/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce travail est effectué dans le cadre du projet TEC INTERREG V financé par l'Europe avec comme partenaires l'OECO, l'ADEME, la région Guadeloupe et le BRGM.</span></em></p>La géothermie est une source d’énergie renouvelable continue, qui peut être déployée en milieu urbain avec une faible emprise foncière.Alexandre Stopin, Chef de Projet. Géophysicien, BRGMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1943642022-11-24T22:28:25Z2022-11-24T22:28:25ZHaïti : État en faillite ou État en retrait ?<p>Le 25 septembre 2022, un cadre du ministère haïtien de l’Éducation <a href="https://rezonodwes.com/?p=291184">a été enlevé</a> du côté de Delmas (département de l’Ouest). Un mois plus tard, ce fut le tour d’un <a href="https://rezonodwes.com/?p=294866">ancien ministre de la Planification</a>. Ces deux événements ne sont pas isolés, loin de là.</p>
<p>Le kidnapping est devenu un <a href="https://www.connectas.org/especiales/violencia-secuestro-en-haiti/fr/">phénomène fréquent dans le pays</a>. Partout, les gangs gagnent du terrain, notamment dans le département de l’Ouest, où la <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/sep/18/haiti-violence-gang-rule-port-au-prince">grande criminalité</a> ainsi que la violence sous toutes ses formes sont à leur paroxysme et font quotidiennement des victimes, au premier rang desquelles les <a href="https://www.cetri.be/Haiti-%C3%89tat-des-gangs-dans-un-pays">femmes et les enfants</a>. La société est en miettes et <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview">l’extrême pauvreté</a> ne cesse de progresser.</p>
<p>Haïti est en proie à une <a href="https://onu.delegfrance.org/haiti-traverse-aujourd-hui-une-crise-tres-grave">crise totale et multiforme</a> (sociale, politique, humanitaire mais aussi symbolique), à tel point que le socio-géographe Jean-Marie Théodat qualifie le pays de <a href="https://www.jstor.org/stable/48631257">véritable « trou noir » dans la Caraïbe</a>.</p>
<p>Comment expliquer une telle descente aux enfers ? Serait-ce la résultante de l’effondrement d’un État en faillite, devenu incapable d’assumer ses fonctions régaliennes ? Ne faudrait-il pas plutôt y voir la conséquence de l’attitude d’indifférence et de retrait adoptée par un État uniquement désireux de garder par-devers soi les maigres ressources disponibles et de capter la rente issue de l’aide internationale ainsi que des transferts effectués par les <a href="https://docplayer.fr/113647923-La-raison-rentiere-monde-et-societe-alain-gilles.html">communautés diasporiques</a> ?</p>
<h2>Comment qualifier l’État haïtien ?</h2>
<p><a href="https://journals.openedition.org/cal/3093?lang=pt">« État failli »</a>, <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/letat-haitien-situation-de-faillite-economique-politique-env/00100219">« État en faillite »</a>, <a href="https://transparans.net/actualites/martisant-miroir-dun-etat-en-defaillance-totale/">« État en défaillance »</a>, telles sont – entre autres – les expressions utilisées dans les domaines du développement et de la géopolitique internationale pour qualifier l’État haïtien.</p>
<p>Les auteurs mobilisant ces cadres conceptuels s’accordent au moins sur un ensemble de caractéristiques pour définir ce type d’État : absence quasi totale de services publics, perte de contrôle du territoire, corruption généralisée. À la vérité, il ne vendrait à personne l’idée de remettre en cause le constat selon lequel l’État haïtien ne parvient pas à exercer le monopole de la violence légitime, pas plus qu’il ne réussit à s’imposer comme seul principe d’organisation du corps social sur tout le territoire national.</p>
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<p>Force est de constater toutefois que ces concepts ne sont opératoires que dans le cadre d’une approche normative de l’État, laquelle consiste à définir l’État à partir de ce qu’il devrait être, à lui attribuer des fonctions a priori, telles assurer des prérogatives internes, des fonctions de base comme la sécurité intérieure et extérieure. Une telle approche – bien que permettant de construire des indices et des classements internationaux – s’interdit de saisir les <a href="https://doi.org/10.4000/cal.3131">transformations de l’État haïtien</a> et d’avoir une compréhension nuancée de la fragilité de celui-ci.</p>
<h2>Un gouvernement humanitaire parallèle</h2>
<p>Trois facteurs expliquent, selon nous, l’attitude de retrait de l’État haïtien et, corrélativement, son manque de volonté politique.</p>
<p>D’abord, l’application, à la fin des années 1980, des plans néolibéraux qui ont contribué au démantèlement des principaux services publics stratégiques. Ce processus de privatisation s’est fait au <a href="http://www.cadtm.org/Construire-ou-reconstruire-Haiti,6647">« détriment de l’État et de l’intérêt général »</a> et c’est suite à cela que l’État, en train de s’atomiser et de se désinstitutionnaliser, commence à adopter une attitude de retrait pour mieux tirer profit de sa collusion – au détriment des masses pauperisées – avec les sociétés transnationales, telles, entre autres la société United Parcel Service (UPS), la société transnationale Monsanto, la société financière internationale (branche du groupe Banque mondiale). Le détricotage progressif des secteurs stratégiques du service public par les Plans de réajustement structurels induit en même temps des transformations et de nouveaux rapports à l’État, celui-ci fonctionnant selon la raison rentière, pour reprendre la notion du sociologue Alain Gilles.</p>
<p>Ensuite, la montée en puissance, à partir des années 1990, d’un <a href="https://doi.org/10.4000/cal.3090">« gouvernement humanitaire parallèle »</a> pousse l’État à se tenir de plus en plus en retrait par rapport à moult décisions qui devraient pourtant relever de la souveraineté nationale. Ainsi, malgré les efforts qui ont été déployés, au cours des années 1980, pour contrôler leur installation, les ONG ont fini par s’implanter comme de véritables <a href="http://classiques.uqac.ca/contemporains/PIERREETIENNE_Sauveur/Haiti_invasion_ONG/Haiti_invasion_ONG.html">« États dans l’État »</a>. </p>
<p>En témoigne la pléthore d’ONG qui se sont implantées suite au séisme de janvier 2010, souvent à l’insu de l’État et dont certaines(par exemple l’ONG confessionnelle américaine Samarithan’s Purse), étant donné les moyens dont elles disposent, sont <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2011/01/WARGNY/20059">plus puissantes que l’État lui-même</a>. Ce « système d’action publique transnationalisé » a eu de nombreuses conséquences parmi lesquelles la recomposition de l’institution étatique et, par conséquent, une nouvelle forme de gouvernementalité.</p>
<p>Enfin, les liaisons de l’État avec les gangs depuis la fin des années 1990 – liaisons qui sont devenues de plus en plus intenses et visibles. L’exemple le plus emblématique à ce jour reste l’alliance (bien documentée) passée entre la Police nationale et la <a href="https://insightcrime.org/caribbean-organized-crime-news/g9-family-profile/">fédération de gangs « G9 en famille et alliés »</a> dans l’objectif de combattre un autre gang appelé <a href="https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/2109_hti_gang_400_mawozo_154025_web.pdf">« 400 Mawozo »</a> (en créole « mauvais garçons ne s’intéressant pas aux femmes »).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1591131664499245057"}"></div></p>
<p>Loin d’être une preuve de sa faiblesse ou de son absence, ces liaisons traduisent les transformations profondes d’un État patrimonial qui, après avoir atteint <a href="https://journals.openedition.org/plc/569">son paroxysme</a>, en vient à se mettre en repli sous l’effet d’une multitude d’individualités égocentriques (nantis, parlementaires, politiciens, acteurs transnationaux).</p>
<p>Celles-ci se livrent à des luttes de factions politico-économiques et constituent le plus souvent de véritables micro-États dans l’État. Plus qu’un déficit d’État, il faut y voir une forme de <a href="https://www.cairn.info/milieux-criminels-et-pouvoirs-politiques--9782811100179-page-127.htm">Shadow State</a> (au sens de William Reno), qui se résume à des jeux d’acteurs, des rivalités économiques inter-individuelles (politiciens, entrepreneurs, intermédiaires de tout poil) sur fond de violence et de grande criminalité, comme le montre l’analyse du dessous du <a href="https://lenouvelliste.com/article/238148/laboule-12-les-dessous-dun-conflit-sanglant">conflit sanglant</a> survenu du côté de Laboule 12 (Commune de Petion-Ville).</p>
<p>Dans une telle configuration, par le truchement d’une hybridation du formel et de l’informel, du licite et de l’illicite, l’État recourt de plus en plus à la <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-1998-4-page-151.htm">décharge</a> c’est-à-dire qu’il intervient par procuration, notamment dans les quartiers populaires, en déléguant aux bandits les basses besognes afin de ne pas avoir à répondre de ses actes. Le <a href="https://haitiantimes.com/2020/12/11/us-cherizier-two-ex-government-officials-sanctioned-for-plotting-la-saline-massacre/">massacre perpétré en novembre 2018 à La Saline</a> (commune de Port-au-Prince) est une illustration criante de cette stratégie d’intervention par proxy.</p>
<h2>Retrait de l’État ou État en retrait ?</h2>
<p>Examiner l’État du point de vue de son attitude permet de mieux comprendre le laisser-aller qui est le sien vis-à-vis de la société et de produire une lecture plus nuancée de sa « défaillance ».</p>
<p>Son attitude de retrait et d’indifférence, qui trouve son principe d’explication dans la mise en place d’un gouvernement transnational parallèle <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1846080/haiti-ambassades-core-group-democratie-gouvernement">(Banque mondiale, FMI, ONG, Core Group)</a> et la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2012-1-page-3.htm">redéfinition de la place de l’État dans l’action publique</a> n’est, du moins dans de nombreux cas, qu’une posture adoptée pour faire croire, selon les enjeux du moment, à sa faiblesse structurelle.</p>
<p>Car l’État sait faire preuve d’une grande capacité de négociation lorsque ses intérêts, notamment économiques, sont en jeu comme on a pu le constater dans le cas du projet du <a href="https://journals.openedition.org/cal/3131#ftn1">Parc industriel de Caracol</a> dans le département du Nord-Est, ce fameux projet financé par la Banque interaméricaine de développement (BID) à hauteur de 224 millions de dollars américains et qui devait faire d’Haïti le Taïwan de la Caraïbe.</p>
<p>Si l’État reste en retrait, c’est que l’intérêt général n’est plus sa priorité et qu’il n’a plus intérêt à se penser comme principe organisateur du monde social, même s’il lui arrive, par moments, de mobiliser des stratégies rhétoriques pour faire croire à sa neutralité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194364/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lukinson Jean ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’État haïtien, souvent présenté comme étant failli, voire inexistant, dispose en réalité de certaines capacités… qu’il n’emploie guère pour promouvoir l’intérêt général.Lukinson Jean, PhD in Social Sciences, GReSCo, Université de Limoges, LADIREP, Professor at the State University of Haiti, Université de LimogesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1839962022-06-05T16:19:23Z2022-06-05T16:19:23ZDans les Caraïbes, des microalgues qui engendrent des intoxications alimentaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466405/original/file-20220531-24-30gkws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C850&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La consommation de certaines espèces de poissons (ici un barracuda) contaminées par des toxines synthétisées par des microalgues peut provoquer des cas de ciguatera, une intoxication alimentaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.ifremer.fr/data/00543/65520/">Marc Taquet/Ifremer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La ciguatera, aussi appelée « gratte », est l’intoxication alimentaire d’origine non bactérienne la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0041010109004590?via%3Dihub">plus répandue</a> à travers le monde.</p>
<p>Elle survient suite à la consommation d’organismes marins (poissons et invertébrés) contaminés par des toxines de microalgues (algues microscopiques) appartenant au genre <em>Gambierdiscus</em>.</p>
<h2>Ciguatera et microalgues</h2>
<p>Ces microalgues sont des dinoflagellés (groupe de microalgues) benthiques, qui ont besoin d’un support pour se développer (rochers, algues, cordages, plastiques…).</p>
<p>C’est généralement à la suite de perturbations environnementales des récifs coralliens ayant perdu leur capacité de résilience (comme dans les cas de blanchissement) que s’installent des macrophytes (algues macroscopiques ou plantes supérieures aquatiques) propices au développement de dinoflagellés épiphytes (vivant fixés sur des végétaux) tels que <em>Gambierdiscus</em>. Ces dinoflagellés peuvent également proliférer sur des substrats inertes d’origine anthropique (cordes, plastiques immergés).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466395/original/file-20220531-18-5hbo9i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cellule de <em>Gambierdiscus</em> (diamètre : 85 µm) observée au microscope électronique à balayage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Chomérat/Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Précédemment restreinte aux régions tropicales, l’aire de répartition de <em>Gambierdiscus</em> s’étend depuis les années 2000 vers les régions subtropicales et tempérées.</p>
<p>Le changement climatique global, l’absence de traitement des eaux de ballasts et la dégradation du milieu marin sont autant de conditions à l’origine des <a href="https://www.novapublishers.com/wp-content/uploads/2020/08/978-1-53617-888-3.pdf">problèmes sanitaires, socio-économiques et écologiques</a> liés aux épisodes de ciguatera.</p>
<p>À ce jour, le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7999458/">genre <em>Gambierdiscus</em> comprend 18 espèces</a> formellement décrites, qui possèdent des caractéristiques morphologiques et génétiques distinctes, et présentent des toxicités et des profils toxiniques différents.</p>
<p>Actuellement, des composés identifiables à des ciguatoxines (toxines impliquées dans le syndrome de la ciguatéra) n’ont été retrouvés que dans le Pacifique, notamment chez <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0041010109002955"><em>G. polynesiensis</em></a>.</p>
<p>Ces toxines deviennent problématiques quand elles sont intégrées dans le <a href="https://www.milieumarinfrance.fr/Nos-rubriques/%C3%89tat-du-milieu/Reseaux-trophiques">réseau trophique</a>. Par le processus de bio-amplification, la concentration en ciguatoxines augmente à chaque niveau trophique pour atteindre de fortes concentrations chez les prédateurs supérieurs (comme chez les carangues et les barracudas), les rendant impropres à la consommation.</p>
<p>De plus, des phénomènes de bio-transformation interviennent et les composés sont modifiés dans les organismes marins. Cela rend leur étude particulièrement complexe, car les composés présents chez les poissons peuvent être bien différents de ceux produits par les dinoflagellés.</p>
<p>Les ciguatoxines étant thermostables (elles ne sont dégradées ni pendant la congélation ni lors de la cuisson), la consommation de poisson contaminé expose la population humaine à un risque sanitaire.</p>
<p>Ce syndrome <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4824207/">rarement fatal</a> toucherait chaque année au moins <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/0742841393902179">25 000 personnes</a> dans le monde, une estimation qui ne représenterait que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1773035X14724037">20 % du nombre réel de cas</a>, compte tenu de la variabilité des symptômes (plus de 170 rapportés) liés à cette intoxication.</p>
<h2>La ciguatera aux Antilles</h2>
<p>Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1773035X14724037">bassin caribéen</a> est la deuxième région au monde la plus touchée par la ciguatera, après l’océan Pacifique.</p>
<p>Aux Antilles, elle se manifeste généralement par des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5367029/">symptômes</a> gastro-intestinaux (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées). Ils peuvent être accompagnés ou suivis de troubles neurologiques (démangeaisons, sensations de brûlure au contact d’objets froids, céphalées, fatigue) qui sont moins observés que dans les autres foyers de la ciguatera. Bien que les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-21373-2">symptômes cardiovasculaires</a> les plus fréquemment observés soient des hypotensions et bradycardies, la proportion de ces derniers varie d’une étude à l’autre.</p>
<p>Des études épidémiologiques ont montré que la répartition des taux d’incidence de la ciguatera n’est pas homogène dans cette région : sa prévalence est plus forte dans les îles du nord de l’arc antillais que celles au sud, la <a href="https://www.dcbd.nl/sites/default/files/documents/Olsen%201984%20Ciguatera%20in%20Eastern%20Caribbean.pdf">Martinique étant la zone charnière</a>.</p>
<p>Les taux d’incidence annuels entre 1996 et 2006 excédaient 15 cas/10 000 habitants au niveau de l’épicentre (zone de plus forte prévalence), qui s’étend des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0041010110000978">Iles Vierges à Montserrat</a>, alors que le taux annuel le plus élevé dans la zone de faible prévalence était de 0,67 cas/10 000 habitants entre 2012 et 2018 et concernait la <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02083290/document">Martinique</a>.</p>
<p>Dans les Antilles françaises, les cas de ciguatera font l’objet de déclaration systématique auprès de l’Agence Régionale de la Santé.</p>
<p>Récemment, le taux d’incidence annuel de la ciguatera en <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-21373-2">Guadeloupe</a> a fortement augmenté, atteignant 1,43 cas/10 000 habitants entre 2013 et 2016, ce qui représente une augmentation d’un facteur 5 en 10 ans.</p>
<p>Cette augmentation pourrait être due à la consommation de nouvelles espèces potentiellement vectrices de la ciguatera (comme les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-21373-2">barbarins</a>), qui ne figurent pas sur la liste des espèces à risque.</p>
<p>Les espèces interdites sont variables d’un pays voire d’une région à l’autre.</p>
<p>Ainsi, il existe depuis 2002 un <a href="https://www.guadeloupe.ars.sante.fr/ciguatera-informations">arrêté préfectoral en Guadeloupe</a> encadrant la pêche et la commercialisation de certaines espèces de poissons. Dans cet arrêté, 15 espèces de poissons sont répertoriées comme étant les plus ciguatoxiques.</p>
<p>La pêche et la vente de certaines espèces sont interdites en tous lieux et quel que soit le poids des spécimens capturés, alors que pour d’autres les restrictions ne concernent que la zone de pêche ou le poids des individus pêchés.</p>
<p>À l’inverse, il n’existe à ce jour aucune restriction en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1568988318301732">Martinique</a>, bien que le taux d’incidence de la ciguatera ait été <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02083290/document">multiplié par 3</a> en 10 ans.</p>
<p>Des <em>Gambierdiscus</em> observés sur le littoral de cette île pourraient expliquer en partie les cas d’intoxications <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02083290/document">survenus localement</a>, remettant alors en question la croyance locale quant à l’origine des poissons ciguatoxiques en Martinique.</p>
<h2>Carmina, un projet pour le bassin caribéen</h2>
<p>La ciguatera étant en lien étroit avec la dégradation des écosystèmes marins, l’étude de cette intoxication doit être appréhendée selon l’approche <a href="https://www.anses.fr/fr/content/one-health"><em>One Health</em></a> (« Une seule santé »).</p>
<p>Malgré la présence du risque ciguatérique dans les Caraïbes, peu d’études récentes menées à grande échelle ont porté conjointement sur l’étude de la diversité, la toxicité et les profils toxiniques des <em>Gambierdiscus</em>. C’est dans ce contexte qu’a émergé le projet Carmina.</p>
<p>Le projet Carmina est un projet scientifique financé par l’<a href="https://www.afd.fr/fr">Agence française du Développement</a>, qui a pour objectif d’étudier la diversité et la toxicité des microalgues responsables de la ciguatera dans le bassin caribéen.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Pays impliqués : Antigua et Barbuda, France, Trinité-et-Tobago, Venezuela, Colombie, Panama, Costa Rica, Guatemala, Mexique, Cuba, Jamaïque" src="https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466399/original/file-20220531-16-qbdttn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pays caribéens impliqués dans le projet Carmina, financé par l’Agence Française du Développement (AFD).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aurélie Boisnoir & Nicolas Chomérat/Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>En collaboration avec les laboratoires de la <a href="https://www.noaa.gov/">NOAA</a> et de <a href="https://www.anses.fr/fr/content/one-health">l’Anses</a>, les équipes de <a href="https://wwz.ifremer.fr/">l’Ifremer</a> ambitionnent d’améliorer les connaissances sur les microalgues associées à la ciguatera pour permettre une meilleure gestion du risque dans cette région.</p>
<p>Les espèces ciblées dans cette étude sont celles appartenant au genre <em>Gambierdiscus</em>, mais aussi celles des genres <em>Fukuyoa</em> et <em>Coolia</em>. En effet, des métabolites synthétisés par <em>Gambierdiscus</em> ont été retrouvés chez certaines espèces des genres <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1568988320301323"><em>Fukuyoa</em> et <em>Coolia</em></a>, laissant supposer qu’elles pourraient elles aussi contribuer à la survenue de la ciguatera.</p>
<p>Ce projet, qui implique 11 états caribéens, a débuté en mai 2022 et permettra de renforcer la coopération scientifique sur la thématique de la ciguatera, qui pourrait prendre de l’ampleur dans les années à venir.</p>
<p>Les premiers résultats de cette étude seront présentés lors d’une réunion d’avancement qui aura lieu en 2023 en Martinique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183996/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélie Boisnoir a reçu des financements de l'Agence Française du Développement (AFD). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Chomerat a reçu des financements de l'Agence Française de Développement (AFD). </span></em></p>La ciguatera est une intoxication alimentaire causée par des toxines synthétisées par des algues microscopiques. Elle pourrait émerger dans de nouvelles régions en raison du changement climatique.Aurélie Boisnoir, Chercheure en écologie et physiologie des microalgues tropicales, IfremerNicolas Chomerat, Chercheur en taxinomie et systématique des microalgues marines, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749252022-01-27T14:08:24Z2022-01-27T14:08:24ZLa Guadeloupe est en crise et cela va bien au-delà de la situation sanitaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442301/original/file-20220124-13-23rxzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4025%2C2667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Marylis Colzin, une infirmière, proteste contre la vaccination obligatoire pour le personnel en santé, à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, le 21 novembre 2021. La crise sanitaire exacerbe une série de problèmes endémiques dans ce territoire français d'outre-mer.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Elodie Soupama)</span></span></figcaption></figure><p>Couvre-feu, émeutes, violences urbaines… <a href="https://www.sudouest.fr/faits-divers/guadeloupe-apres-une-nuit-marquee-par-des-emeutes-le-couvre-feu-abaisse-7936575.php">La Guadeloupe est secouée depuis plusieurs mois par une crise sociale</a> provoquée par une autre crise, sanitaire celle-là. Le déclencheur : l’obligation vaccinale pour le personnel soignant et les sapeurs-pompiers, dans un archipel où moins de la moitié de la population a reçu une première injection contre la Covid-19.</p>
<p>Depuis juillet 2021, <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/l-arrestation-d-elie-domota-jeudi-remet-elle-le-feu-aux-poudres-1193440.html">différentes organisations syndicales</a> demandent l’annulation de cette obligation vaccinale et la réintégration des salariés non vaccinés suspendus. Le mouvement s’est durci le 15 novembre, entrainant des barrages routiers paralysant ainsi l’archipel guadeloupéen, département français d’outre-mer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1484612841147621382"}"></div></p>
<p>À travers cette obligation vaccinale qui ne passe pas, ce sont les maux d’une société guadeloupéenne qui refont surface : précarité, vie chère, chômage massif, jeunesse sans perspective, crise de l’eau potable, scandale environnemental, crise identitaire, etc. Le malaise n’est pas d’hier : depuis le vote de la loi du 19 mars 1946 dite « loi de départementalisation », permettant le passage de colonie à département d’outre-mer, la Guadeloupe est sujette à différentes contestations allant du politique au social en passant par l’économie ou encore la culture.</p>
<p>Originaire de la Guadeloupe, doctorante en science politique, je travaille sur les questions liées à l’identité, l’ethnie et le politique dans l’espace caribéen.</p>
<h2>Le problème de la « vie chère »</h2>
<p>La <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/2009-une-greve-de-44-jours-paralyse-la-guadeloupe">grève générale de 2009</a> a mis en lumières les problèmes économiques inhérents à la Guadeloupe. La fixation des prix est de 33 % plus élevée que la moyenne nationale. Un petit nombre d’acteurs dans des domaines importants tels que le carburant, l’agroalimentaire ou encore dans la grande distribution, souvent des « békés », des descendants d’esclavagistes, dominent l’économie. La « vie chère » s’explique par plusieurs facteurs, dont l’insularité, l’éloignement, la fiscalité locale et l’existence d’une taxe douanière appliquée sur l’ensemble des produits importés dans les régions d’outre-mer, dont la Guadeloupe, mais aussi la Martinique.</p>
<p>Ce marché peu concurrentiel a un impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme dans un marché de fruits et de légumes" src="https://images.theconversation.com/files/442306/original/file-20220124-27-1mfcru8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442306/original/file-20220124-27-1mfcru8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442306/original/file-20220124-27-1mfcru8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442306/original/file-20220124-27-1mfcru8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442306/original/file-20220124-27-1mfcru8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442306/original/file-20220124-27-1mfcru8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442306/original/file-20220124-27-1mfcru8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un marché de fruits et de légumes à Pointe-à-Pitre. Plusieurs facteurs, dont l’insularité, l’éloignement, la fiscalité locale et une taxe douanière, expliquent la chèreté de la vie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le chlordécone : un scandale environnemental et sanitaire sans précédent</h2>
<p>La méfiance actuelle de la population envers la vaccination peut s’expliquer par une méfiance envers les élites, et ce, à la suite notamment de ce qu’on appelle le scandale du chlordécone.</p>
<p>Le gouvernement français a permis l’épandage en Guadeloupe et en Martinique de ce pesticide utilisé dans les champs de bananeraies pour lutter contre le charançon jusqu’en 1993. Or, l’interdiction de son utilisation sur le sol français est prononcée dès 1990. L’OMS le classera en 1979 comme « cancérogène possible » alors que les États-Unis l’interdisent dès 1976.</p>
<p>Très résistante, la molécule du <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/06/06/scandale-sanitaire-aux-antilles-qu-est-ce-que-le-chlordecone_5310485_3244.html">chlordécone</a> empoisonne les sols pendant 700 ans après son épandage. Son utilisation massive se répand également dans les rivières, ou encore sur le littoral marin où certaines zones sont interdites à la pêche.</p>
<p>En 2018, l’« étude de Santé publique France » démontre que <a href="https://www.nouvelobs.com/ecologie/20211130.OBS51634/le-chlordecone-cet-insecticide-qui-empoisonne-les-antilles-pour-plusieurs-siecles.html">« 92 % des Martiniquais et 95 % des Guadeloupéens sont contaminés par ce pesticide »</a>. Les effets sont dévastateurs : « risques de prématurité, de troubles du développement cognitif et moteur des nourrissons ».</p>
<p>Il y a aussi une corrélation avec le cancer de la prostate, dont les Antilles françaises détiennent le triste record mondial. Bien que ce dernier a été reconnu fin 2021 comme une maladie professionnelle, les parties civiles et victimes demandent la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans ce scandale environnemental et sanitaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme debout devant une maison détruite" src="https://images.theconversation.com/files/442305/original/file-20220124-21-zt2utu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442305/original/file-20220124-21-zt2utu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442305/original/file-20220124-21-zt2utu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442305/original/file-20220124-21-zt2utu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442305/original/file-20220124-21-zt2utu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442305/original/file-20220124-21-zt2utu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442305/original/file-20220124-21-zt2utu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une femme tient son passeport brûlé, devant sa maison détruite après des émeutes à Pointe-à-Pitre, le 21 novembre 2021. Les citoyens n’ont guère confiance dans leurs élites..</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Elodie Soupama)</span></span>
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</figure>
<h2>La crise de la gestion de l’eau potable</h2>
<p>La crise sociale actuelle a fait également ressurgir la crise de la gestion de l’eau potable qui perdure <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/la-crise-de-l-eau-en-guadeloupe-un-vieux-debat">depuis des décennies</a>.</p>
<p>Le manque d’entretien rend les canalisations vétustes. Une mauvaise gestion du réseau entraîne une perte massive de l’eau potable. Résultat : des coupures tournantes sont mises en place quotidiennement dans le but de répartir au mieux la distribution de l’eau sur l’ensemble des communes de la Guadeloupe. De nombreux foyers se retrouvent sans eau potable. À l’heure où il est demandé à la population d’adopter des gestes barrières, se laver les mains régulièrement est quasiment impossible pour la plupart des Guadeloupéens.</p>
<p>À qui la faute ? Les responsables politiques locaux et gouvernementaux se rejettent la responsabilité. L’État a comme <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/crise-aux-antilles/guadeloupe-une-inaccessibilite-a-l-eau-courante-perdure-depuis-plusieurs-annees_4871515.html">objectif d’injecter près de 80 millions d’euros</a> pour permettre une résolution pérenne de ce problème. Néanmoins, « l’île aux belles eaux », comme on appelle la Guadeloupe, se retrouve face à une situation critique. La population est abandonnée à elle-même et doit user d’astuces (réserves d’eau) pour tenter de maintenir une hygiène de vie des plus rudimentaires tout en continuant de payer pour l’eau la plus chère de France, toutes régions confondues.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des bateaux sur une plage, au bord d’une mer turquoise" src="https://images.theconversation.com/files/442307/original/file-20220124-23298-t7jrhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442307/original/file-20220124-23298-t7jrhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442307/original/file-20220124-23298-t7jrhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442307/original/file-20220124-23298-t7jrhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442307/original/file-20220124-23298-t7jrhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442307/original/file-20220124-23298-t7jrhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442307/original/file-20220124-23298-t7jrhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une plage en Guadeloupe. Surnommée « l’île aux belles eaux », la Guadeloupe a de sérieux problèmes d’eau potable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<h2>La fuite de l’intelligentsia</h2>
<p>Ces dernières semaines ont été l’occasion pour les jeunes de faire part de leurs difficultés. Je fais partie de cette jeunesse qui, après l’obtention d’une maitrise en droit public, s’est vue <a href="https://mylenecolmar.com/special-invite-la-fuite-de-lintelligentsia-de-la-guadeloupe-et-de-la-martinique/">contrainte de partir pour poursuivre ses études à Montréal il y a de cela six ans</a>.</p>
<p>Étant surqualifiée, il devenait difficile pour moi de trouver un travail correspondant à mes compétences. Chaque année, ce sont des milliers de Guadeloupéens et de Martiniquais qui prennent un aller simple en direction de la France ou de l’étranger. C’est la fuite de l’intelligentsia.</p>
<p>Environ 60 % des 16-25 ans sont affectés par le chômage. Sans perspective, beaucoup d’entre eux se trouvent contraints de quitter la Guadeloupe dans l’espoir d’une vie meilleure.</p>
<h2>L’identité en toile de fond</h2>
<p>Le 30 novembre 2021, 55 ans après son indépendance, la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/reportage-de-la-monarchie-la-republique-la-barbade-poursuit-son-emancipation">Barbade s’est détachée de la couronne britannique</a>. Cela a été possible grâce à son affirmation identitaire et à sa volonté de prendre son envol. Au même moment, la question statutaire et plus précisément l’autonomie refont surface en Guadeloupe, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/27/crise-aux-antilles-le-gouvernement-pret-a-parler-de-l-autonomie-de-la-guadeloupe-declare-sebastien-lecornu_6103815_823448.html">amorcée par Sébastien Lecornu</a>. Le ministre des Outre-mer estime « qu’il n’y a pas de mauvais débats du moment que ces débats servent à résoudre les vrais problèmes du quotidien des Guadeloupéens ».</p>
<p>La question identitaire est complexe. L’identité guadeloupéenne est prise entre la francité, l’indianité, la créolité ou encore la négritude. Cela a un impact dans le choix politique des Guadeloupéens quant au changement statutaire et institutionnel de l’archipel.</p>
<p>Autonomie, indépendance ou statu quo ? Un changement politique aussi majeur pour la Guadeloupe doit s’accompagner d’un travail d’éducation et de conscientisation. Il faut panser les blessures liées à la colonisation et à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Traites_n%C3%A9gri%C3%A8res">traite négrière</a>, à leurs impacts sur la construction sociétale guadeloupéenne (et caribéenne) et sur le développement politique et économique. C’est aussi prendre conscience de ce qu’est l’identité guadeloupéenne pour penser à un projet politique et sociétal commun. Quelle est cette mémoire collective qui unit la population ? Qui sommes-nous ?</p>
<p>Faisant l’objet de nombreux débats (intellectuels, politiques, économiques, etc.), l’identité guadeloupéenne est encore en construction. La population semble pour l’heure favoriser le statu quo plutôt que l’autonomie, confondue à la notion d’indépendance. La peur du changement face à un changement statutaire et institutionnel majeur au sein de la population guadeloupéenne semble également expliquer cette tendance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174925/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michelle Edwige Jeanne Martineau a reçu des financements de Université de Montréal.
Michelle E. J. Martineau
Doctorante en science politique à l’Université de Montréal
Fondatrice du blogue identitescaraibes.org
D’origine guadeloupéenne
</span></em></p>La crise sanitaire en Guadeloupe a fait ressurgir une série de problèmes endémiques, dont la précarité, le coût de la vie, le chômage massif, et les crises environnementales et identitaires.Michelle Edwige Jeanne Martineau, doctorante en science politique, spécialiste de la Caraïbe, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1641752021-07-08T17:49:48Z2021-07-08T17:49:48ZHaïti : quelles perspectives après l’assassinat du président impopulaire d’un pays exsangue ?<p>Le président d’Haïti Jovenel Moïse a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/08/l-assassinat-de-jovenel-moise-plonge-haiti-dans-le-chaos_6087504_3210.html">assassiné aux premières heures du matin du 7 juillet 2021</a>, lors d’une attaque à son domicile personnel, près de la capitale Port-au-Prince. Son épouse, Martine Moïse, a été grièvement blessée.</p>
<p>Les assaillants n’ont pas été immédiatement identifiés, même si la police a annoncé quelques heures plus tard avoir <a href="https://www.lepoint.fr/monde/le-president-haitien-assassine-chez-lui-par-un-commando-arme-07-07-2021-2434605_24.php">tué quatre « mercenaires »</a> et arrêté deux autres. Le premier ministre Claude Joseph a <a href="https://haiti24.net/jovenel-moise-assassine-claude-joseph-declare-letat-de-siege-sur-tout-le-pays/">décrété l’état de siège</a> et annoncé qu’il assumait provisoirement le pouvoir. Un retour sur les dernières années de la vie politique haïtienne permet de mieux comprendre comment le pays en est arrivé là.</p>
<h2>Jovenel Moïse, un businessman en politique</h2>
<p>Jovenel Moïse est né en 1968, ce qui signifie qu’il a grandi sous la <a href="https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Les-Duvalier-un-regne-de-30-ans-sur-Haiti-2014-10-05-1216590">dictature des Duvalier</a>. Comme la plupart des Haïtiens d’aujourd’hui, il a vécu une époque turbulente – les dernières décennies ont été marquées non seulement par la dictature mais aussi par des <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/7/7/haitis-turbulent-political-history-a-timeline">coups d’État et une violence généralisée, y compris des assassinats politiques</a>.</p>
<p>Moïse, businessman devenu président, a fait carrière en politique en utilisant les connexions politiques qu’il avait tissées dans le monde des affaires. Il a d’abord investi dans des entreprises liées à l’automobile, principalement dans le nord d’Haïti, où il est né, avant de se consacrer au secteur agricole – un <a href="https://www.economy.com/haiti/indicators">élément majeur de l’économie en Haïti, qui emploie une partie importante de la population</a>.</p>
<p>En 2014, la société de financement agricole de Moïse, Agritrans, <a href="https://www.france24.com/en/20190214-haitis-banana-man-president-under-siege-frozen-crisis">a lancé une bananeraie biologique</a>, en partie grâce à des prêts de l’État. Sa création <a href="https://nacla.org/news/2016/01/22/haiti%E2%80%99s-fraudulent-presidential-frontrunner-seizes-land-his-own-banana-republic">a déplacé des centaines de paysans, qui n’ont reçu que des compensations minimales</a>.</p>
<p>Mais l’entreprise a permis à Moïse de se faire connaître. C’est en tant que célèbre exportateur de bananes que Moïse a rencontré le président haïtien de l’époque, Michel Martelly, en 2014. Bien qu’il n’ait aucune expérience politique, Moïse a été choisi pour <a href="https://www.globalsecurity.org/military/world/haiti/politics-moise.htm">succéder à Martelly lors de l’élection prochaine suivante</a>.</p>
<p>Martelly était <a href="https://www.wlrn.org/show/latin-america-report/2016-01-11/haitis-cursed-presidential-election-is-voting-there-set-up-for-failure">profondément impopulaire à la fin de son mandat</a>, et les dirigeants de son parti, le Parti haïtien Tèt Kale, ont supposé que Moïse serait mieux accueilli en raison de son expérience dans l’agriculture.</p>
<h2>Une présidence divisée et instable</h2>
<p>Moïse a été élu de justesse en novembre 2016 dans une élection à laquelle marquée par un <a href="https://haitiliberte.com/the-record-low-voter-participation-in-haitis-2016-election/">taux de participation inférieur à 12 % des inscrits</a>. Cette maigre victoire est intervenue après deux ans de reports de votes et de <a href="http://worldpolicy.org/2016/03/22/haitis-unending-electoral-transition/">fraudes électorales du gouvernement de Martelly</a>.</p>
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<p>En 2017, première année de mandat de Moïse, le <a href="https://haitiliberte.com/le-rapport-petrocaribe-de-la-commission-senatoriale-speciale-denquete-du-senateur-evalliere-beauplan/">Sénat haïtien a publié un rapport l’accusant</a> d’avoir détourné au moins 700 000 dollars d’argent public appartenant à un fonds de développement des infrastructures appelé PetroCaribe <a href="https://time.com/5609054/haiti-protests-petrocaribe/">vers son entreprise de bananes</a>.</p>
<p>Des manifestants sont descendus en nombre dans les rues en criant « <a href="https://theweek.com/articles/840427/fight-transparency-haiti">Kot Kòb Petwo Karibe a ?</a> » (« Où est l’argent du PetroCaribe ? »).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1039275345491312640"}"></div></p>
<p>Ne bénéficiant pas de la confiance du peuple, Moïse s’est appuyé sur la force pour rester au pouvoir.</p>
<p>Il a créé en Haïti une sorte d’État policier, <a href="https://www.reuters.com/article/us-haiti-military/haitian-army-set-to-make-controversial-return-after-two-decades-idUSKBN1DJ01M">reformant l’armée nationale</a> deux décennies après sa dissolution et <a href="https://cepr.net/whats-in-haitis-new-national-security-decrees-an-intelligence-agency-and-an-expanded-definition-of-terrorism/">établissant un service de renseignement intérieur</a> chargé de surveiller la population.</p>
<p>Depuis le début de l’année dernière, Moïse gouvernait par décret. Il a de facto fermé le Parlement en refusant <a href="https://www.economist.com/the-americas/2020/01/18/jovenel-moise-tries-to-govern-haiti-without-a-parliament">d’organiser les élections législatives qui étaient prévues pour janvier 2020</a> et a sommairement <a href="https://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article249251975.html">démis tous les maires élus du pays en juillet 2020</a>, à l’expiration de leur mandat.</p>
<p>Le mandat de Moïse a été marqué par des <a href="https://theconversation.com/haiti-protests-summon-spirit-of-the-haitian-revolution-to-condemn-a-president-tainted-by-scandal-126315">protestations récurrentes</a> dénonçant les pénuries de gaz, les pannes d’électricité et l’austérité budgétaire qui a provoqué une <a href="https://www.economist.com/the-americas/2021/02/25/can-haiti-rid-itself-of-jovenel-moise">inflation rapide et une détérioration des conditions de vie</a>, ainsi que par des <a href="http://hrp.law.harvard.edu/wp-content/uploads/2021/04/Killing_With_Impunity-1.pdf">attaques de gangs qui ont fait plusieurs centaines de morts</a>.</p>
<p>Les manifestations de rue se sont multipliées au début de l’année 2021 après que Moïse a refusé d’organiser une élection présidentielle et de <a href="http://www.haiti.org/wp-content/uploads/2020/11/CCI-CONSTITUTION-Note.pdf">se retirer à la fin de son mandat de quatre ans en février</a>. Au lieu de cela, il a affirmé que son mandat prendrait fin un an plus tard, en février 2022, parce que l’élection de 2016 avait été reportée.</p>
<p>Avant sa mort, Moïse prévoyait de <a href="https://www.liberationnews.org/fierce-struggle-resists-u-s-backed-haitian-presidents-power-grab/">modifier la Constitution haïtienne</a> pour renforcer les prérogatives de la présidence et <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-02-03/proposed-changes-to-haiti-s-constitution-may-keep-moise-in-power">prolonger sa présence au pouvoir</a>.</p>
<h2>Moïse, successeur des Duvalier ?</h2>
<p>Pendant les mois précédant l’assassinat de Moïse, des manifestants haïtiens avaient exigé à de multiples reprises sa démission.</p>
<p>Pour bon nombre de ses concitoyens, les décisions non démocratiques prises par Moïse pour renforcer et prolonger son pouvoir rappellent les dictatures de François Duvalier, surnommé « Papa Doc », et de son fils, Jean‑Claude « Baby Doc » Duvalier, qui ont duré trente ans et ont été soutenues par les États-Unis.</p>
<p>Papa Doc et Baby Doc n’ont pas hésité à faire <a href="https://www.sjsu.edu/faculty/watkins/haiti.htm">assassiner</a> et <a href="https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1986-02-03-mn-3859-story.html">violeter</a> des Haïtiens pour rester au pouvoir, avec <a href="https://origins.osu.edu/article/pact-devil-united-states-and-fate-modern-haiti/page/0/1">l’approbation tacite des Occidentaux</a>. En travaillant avec les Duvalier, les industriels américains présents en Haïti ont assuré la rentabilité de leurs investissements, obtenant que les salaires locaux <a href="https://theconversation.com/gas-shortages-paralyze-haiti-triggering-protests-against-failing-economy-and-dysfunctional-politics-116337">restent bas et que les conditions de travail restent mauvaises</a>.</p>
<p>Lorsque les protestations des Haïtiens ont mis fin au régime en 1986, Baby Doc a fui le pays. Les Duvalier s’étaient enrichis, laissant leur pays Haïti dans une <a href="https://scholarworks.uvm.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1835&context=graddis">profonde crise économique et sociale</a>.</p>
<p>La Constitution haïtienne de 1987 que Moïse souhaitait modifier a été rédigée peu après leur départ, pour garantir qu’Haïti ne retomberait jamais dans la dictature.</p>
<p>En mars, le département d’État américain a annoncé qu’il soutenait la <a href="https://responsiblestatecraft.org/2021/03/09/the-biden-administration-is-greenlighting-haitis-descent-towards-dictatorship/">décision de Moïse de rester en fonction jusqu’en 2022</a>, afin de donner au pays frappé par la crise le temps d’« élire ses dirigeants et de restaurer les institutions démocratiques d’Haïti ».</p>
<p>Cette position – qui fait écho à celle des organisations internationales dominées par l’Occident qui exercent une influence considérable en Haïti, <a href="https://dyalog.org/refleksyon/2019/2/11/the-core-group-as-a-parasite-on-haitian-sovereignty">comme l’Organisation des États américains</a> – avait quelque peu renforcé la légitimité chancelante de Moïse.</p>
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<p>Les Haïtiens mécontents du soutien continu des Américains à leur président aux abois ont organisé de <a href="https://abcnews.go.com/International/wireStory/hundreds-haiti-protest-demand-leaders-resignation-75387503">nombreuses manifestations devant l’ambassade des États-Unis</a> à <a href="https://www.garda.com/crisis24/news-alerts/445921/haiti-activists-to-protest-outside-the-us-embassy-in-port-au-prince-feb-22-24">Port-au-Prince</a>, tandis que des Américains d’origine haïtienne résidant aux États-Unis <a href="https://www.peoplesworld.org/article/solidarity-rallies-call-for-end-to-u-s-backed-dictatorship-in-haiti/">ont manifesté devant l’ambassade d’Haïti à Washington, D.C.</a>.</p>
<p>De l’invasion et l’occupation militaire d’Haïti de 1915 à 1934 jusqu’au soutien fourni au régime Duvalier, les États-Unis ont joué un <a href="https://library.brown.edu/create/modernlatinamerica/chapters/chapter-14-the-united-states-and-latin-america/moments-in-u-s-latin-american-relations/a-history-of-united-states-policy-towards-haiti/">rôle majeur dans la déstabilisation du pays</a>.</p>
<p>Depuis le tremblement de terre dévastateur de 2010, des organisations internationales comme les Nations unies et des organisations à but non lucratif comme la Croix-Rouge américaine sont également <a href="https://theconversation.com/a-decade-after-the-earthquake-haiti-still-struggles-to-recover-129670">très présentes dans le pays</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, le président impopulaire que les puissances étrangères ont soutenu dans l’espoir d’obtenir une certaine stabilité politique en Haïti a été tué.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est une version substantiellement mise à jour d’un <a href="https://theconversation.com/haitians-protest-their-president-in-english-as-well-as-creole-indicting-us-for-its-role-in-countrys-political-crisis-160154">article</a> publié à l’origine le 10 mai 2021</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164175/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tamanisha J. John ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le président Jovenel Moïse, qui vient d’être assassiné, était très contesté depuis le début de son mandat, en 2016.Tamanisha J. John, Ph.D. Candidate of International Relations, Florida International UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1598932021-05-10T17:16:52Z2021-05-10T17:16:52ZRaúl s’en va : quels changements pour Cuba ?<p>Le 8<sup>e</sup> Congrès du PCC – Parti communiste cubain, unique parti politique autorisé dans l’Ile, présenté dans la Constitution comme l’avant-garde organisée de la Nation – a pris fin le 19 avril 2021 à La Havane.</p>
<p>La principale information, qui ne fut guère une surprise, a été l’annonce de la succession de Miguel Diaz Canel, déjà président depuis 2018, à Raúl Castro au poste de premier secrétaire du PCC.</p>
<p>Pour la première fois depuis 1959, un Castro ne dirige plus Cuba. Une nouvelle ère s’ouvre-t-elle ?</p>
<h2>Une prise de pouvoir dans un contexte compliqué</h2>
<p>Commençons par dire qu’il s’agit d’une « nouveauté » qui ne constitue pas une révolution dans la Révolution : <a href="https://www.courrierinternational.com/article/pirouette-miguel-diaz-canel-prend-la-tete-du-pc-cuba-mais-raul-castro-reste-en-fait-au">« la transition »</a> (terme sans doute impropre lorsque l’on évoque l’Ile) était ficelée depuis bien longtemps.</p>
<p>On ne peut même pas parler de rupture dans la continuité, mais seulement d’évolution du système économique cubain – le système politique, lui, demeurant inchangé. En effet, Miguel Diaz Canel se veut l’héritier spirituel de Fidel et Raúl Castro. Il le clame volontiers sur <a href="https://twitter.com/DiazCanelB/status/1384114325367918598?s=20">son compte Twitter</a>, et le rappelle à la population à travers les panneaux qui fleurissent dans les zones urbaines de Cuba où son portrait accompagne ceux du « père de la patrie » Carlos Manuel de Céspedes, du fondateur du Parti révolutionnaire cubain José Martí, de Fidel et Raúl Castro – les visages des cinq hommes étant soulignés de l’inscription « Somos continuidad » (nous sommes la continuité).</p>
<p><a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/miguel-diaz-canel-visage-du-cuba-post-castro-568589.html">Dès son élection</a> au poste de président du Conseil d’État en 2018, Miguel Diaz-Canel s’était engagé à « poursuivre la Révolution » initiée par Fidel Castro. Depuis, il a insisté sur la nécessité d’« actualiser » le modèle cubain, sans pour autant vouloir le réformer en profondeur.</p>
<p>Pour le moment, le nouveau premier secrétaire du PCC doit à la fois satisfaire la « vieille garde révolutionnaire » (même s’ils sont pour beaucoup <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/cuba-le-parti-elit-sa-direction-resultats-annonces-lundi_2149127.html">sortis du Bureau politique du PCC</a>), tous les barbudos ne sont pas morts) et la jeune génération. La biologie fait son œuvre, et ceux qui n’ont connu que les pénuries de la <a href="https://www.cubania.com/la-periode-speciale-a-cuba.html">Période spéciale</a> ainsi que celles provoquées par la crise de la Covid sont fatigués : l’invocation des acquis sociaux de la Révolution ne suffit plus à les mobiliser.</p>
<p>Le nouvel homme fort de l’Ile doit donc composer avec une situation interne difficile.</p>
<p>À cause de la pandémie de Covid-19 bien sûr, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/grand-reportage/cuba-face-au-coronavirus-gestion-autoritaire-et-victoire-diplomatique">bien gérée</a>, mais apparemment impossible à endiguer à La Havane.</p>
<p>À cause de la fermeture du pays au tourisme comme conséquence de ladite pandémie, ce qui implique une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01887046/document">perte très importante de ressources</a> (l’Ile avait reçu un peu plus de 4 millions de touristes internationaux en 2019 ; cette année-là, le secteur, devenu sa deuxième source de revenus en 2018, lui a rapporté 3,3 milliards de dollars US).</p>
<p>À cause des tentatives de moderniser et d’adapter l’économie cubaine à une nouvelle réalité mondiale, qui se traduisent par exemple par le <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/cuba-met-fin-a-la-coexistence-de-ses-deux-monnaies-un-systeme-unique-au-monde_4222455.html">processus d’unification monétaire</a> que connaît Cuba depuis le 1<sup>er</sup> janvier de cette année. Cette volonté de faire disparaître le CUC (devise indexée artificiellement sur le dollar des États-Unis) pour ne laisser en vigueur que le CUP (peso cubain) a provoqué une inflation galopante, des difficultés accrues pour la population à se procurer des produits de première nécessité et, en conséquence, de timides manifestations de la part de la société civile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398668/original/file-20210504-22-38r0g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un groupe d’artistes et d’intellectuels proteste devant le ministère de la Culture à La Havane, le 28 novembre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yamil Lage/AFP</span></span>
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<p>On a effectivement pu voir émerger à Cuba ces derniers mois des <a href="https://havana-live.com/fr/poing-leve-menottes-pendantes-un-instantane-de-la-dissidence-cubaine/">protestations d’artistes</a>, et des demandes en faveur du bien-être animal, qui sont autant de façons d’occuper le terrain de la revendication et d’ouvrir un espace de dialogue entre le peuple et les autorités.</p>
<p>Les défis sont donc nombreux.</p>
<h2>Une population cubaine en attente de changements</h2>
<p>Déjà bien connu des Cubains avant sa nomination au poste de premier secrétaire, Miguel Diaz Canel est difficile à cerner pour l’observateur étranger. On le présente tour à tour comme un <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/radical-fan-des-beatles-le-cv-de-miguel-diaz-canel-le-successeur-des-castro-a-cuba_2149207.html">amateur de rock</a> favorable à l’apparition d’une presse plus « critique », puis comme un homme intransigeant vis-à-vis de la dissidence.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, il a poursuivi les <a href="https://www.challenges.fr/monde/cuba-les-reformes-de-raul-castro-un-gout-d-inacheve_580335">changements qui avaient été amorcés</a> dans le domaine économique par Raúl Castro (notamment <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210415-cuba-autorise-pour-la-premi%C3%A8re-fois-les-%C3%A9leveurs-%C3%A0-vendre-de-la-viande">dans l’agriculture</a>,et dans le « cuentapropismo », l’auto-entrepreunariat à la sauce cubaine…).</p>
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<figcaption><span class="caption">Portrait de Miguel Díaz-Canel, nouveau premier secrétaire du PCC.</span></figcaption>
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<p>Mais tout cela se fait, il convient d’insister sur ce point, sans changer en rien le « cœur » du processus de prise de décision et du système politique. L’appareil de production reste aux mains de l’État, et l’apparente ouverture vers une économie de marché ne doit pas faire oublier l’ultra planification-centralisation de l’économie cubaine.</p>
<p>Pour le dire autrement, le nouveau gouvernement doit assurer une continuité politique (la survivance de la Révolution), tout en adaptant très progressivement l’économie aux nouveaux besoins de la population et aux réalités mondiales (notamment la <a href="http://alencontre.org/ameriques/amelat/cuba/cuba-mise-en-perspective-du-nouveau-virage-economique.html">perte d’anciens partenaires économiques et/ou diplomatiques</a> comme le Vénézuéla, l’Algérie, le Brésil, l’Argentine, l’Équateur, la Bolivie…).</p>
<p>Du côté de la population, les attentes sont nombreuses. Concrètement, les Cubains veulent pouvoir avoir accès rapidement à des produits de consommation courante, sans faire la queue pendant des heures (on a vu apparaître de nouvelles « figures » dans la société cubaine, <a href="http://www.cubadebate.cu/especiales/2020/07/14/de-colas-y-coleros-terreno-a-la-deriva-video/">tel le « colero »</a>, qui vend des places dans les files d’attente devant les magasins d’État, ou <a href="https://www.cubanet.org/destacados/acaparadores-coleros-cuba/">« el acaparador »</a> qui achète et revend bien plus cher tous les produits qu’il peut stocker).</p>
<p>Pour autant, la majorité d’entre eux n’aspire pas à une <a href="https://www.la-croix.com/Monde/A-Cuba-changer-depart-dernier-Castro-2021-04-19-1201151604">libéralisation totale de la vie économique</a>, qui conduirait à avoir le choix dans les rayons des hypermarchés entre quinze marques de shampoing. Ils souhaitent, en revanche, en finir avec <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/covid-19-a-cuba-le-rationnement-revient-en-force-via-la-libreta-826390.html">« la libreta »</a> (carnet de rationnement encore en vigueur actuellement dans l’Ile) et avoir accès facilement au minimum basique pour vivre dignement. Ils ne se nourrissent pas de réformes, comme ils le disent eux-mêmes, et s’ils sont conscients de la nécessité d’adapter le processus révolutionnaire, ils veulent des résultats concrets, c’est-à-dire une amélioration de leurs conditions de vie au quotidien, dans les plus brefs délais.</p>
<p>Mais beaucoup sont encore très attachés à la Révolution, qu’ils voient comme la Révolution cubaine et non castriste. Et s’ils désirent un ajustement du système, ils ne souhaitent pas voir se répéter l’histoire de <a href="https://journals.openedition.org/ideas/4787">l’ingérence états-unienne</a>. C’est que Cuba est un pays de contrastes, un paradoxe, une antithèse permanente.</p>
<h2>Le silence de l’administration Biden</h2>
<p>D’aucuns s’interrogent sur ce qu’il convient d’espérer du nouveau gouvernement de Washington. <a href="https://www.liberation.fr/international/amerique/il-sera-tres-difficile-pour-joe-biden-de-revenir-sur-lembargo-contre-cuba-20210203_N4NBY6SAINCXXDBL6KBV7RRHPY/">Aucune levée de l’embargo n’est prévue</a>, bien évidemment. Cela contreviendrait à la volonté des nombreux exilés cubains engagés en politique, qui pour certains sont très puissants au Congrès, et enverrait un signal en direction de la Floride que l’équipe de Joe Biden ne semble pas prête à assumer.</p>
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<p>Le silence total de son administration concernant Cuba, <a href="https://www.facebook.com/InstitutIRIS/videos/amloalberto-fernandez-amlo-joe-biden-rencontres-au-sommet-%C3%A0-mexico/264955825137316/">alors que d’autres signaux ont été envoyés à l’Amérique latine</a>, montre que Joe Biden a pour le moment adopté une posture attentiste. Sa porte-parole a <a href="https://www.aa.com.tr/en/americas/biden-administration-to-review-cuba-terror-blacklisting/2170373">indiqué</a> que le gouvernement états-unien pourrait éventuellement réfléchir à sortir Cuba de la « liste noire » des pays soutenant le terrorisme, sans que cela constitue une priorité.</p>
<p>Le gouvernement cubain s’est montré ouvert à un <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2021-01-18/avec-biden-une-nouvelle-partie-d-echecs-entre-cuba-et-etats-unis.php">dialogue constructif et respectueux avec Washington</a>.</p>
<p>Les Cubains n’attendent pour leur part rien du voisin du Nord. Ils sont habitués à se débrouiller seuls contre vents et marées et se méfient des discours politiques. Ils connaissent, pour l’expérimenter depuis 1962, la politique hostile du gouvernement états-unien à leur endroit. Mais on voit également poindre dans et hors de l’Ile des discours enjoignant les autorités cubaines à revitaliser l’économie en la diversifiant, et à cesser de voir tous les malheurs de Cuba dans sa relation avec les États-Unis.</p>
<h2>Un changement plus générationnel que politique</h2>
<p>Enfin, il ne faut pas oublier que certains membres de la famille Castro, sans être directement au pouvoir, demeurent actifs dans l’Ile. On peut par exemple penser à deux des enfants de Raúl Castro, Mariela et Alejandro. <a href="https://maze.fr/2019/10/mariela-castro-et-la-situation-des-lgbt-a-cuba/">Mariela</a> est directrice du Centro Nacional de Educación Sexual (CENESEX) et se présente comme une activiste des droits de la communauté LGBT ; <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/cuba-et-maintenant-alejandro-castro-2-2_1999882.html">Alejandro</a> est militaire et homme politique, à la fois conseiller à la présidence du Conseil d’État de la République de Cuba et coordinateur du Conseil de Défense et de la Sécurité nationale. Et Raúl lui-même conservera un certain poids dans les décisions de son successeur, Miguel Díaz Canel ayant précisé lors de son discours de clôture du Congrès qu’il le consulterait sur toute chose, et qu’il restait une <a href="https://www.larepubliquedespyrenees.fr/2021/04/19/raul-castro-s-en-va-mais-restera-incontournable-a-cuba,2810360.php">référence absolue</a> de tout communiste et de tout révolutionnaire.</p>
<p>Le grand changement est donc un <a href="https://www.leparisien.fr/video/video-cuba-raoul-castro-laisse-la-place-et-adoube-miguel-diaz-canel-comme-premier-secretaire-du-parti-communiste-20-04-2021-ORGORZBEFJG4LHTOOPMUUZ7DZU.php">changement de génération et de « style »</a> : Miguel Díaz Canel n’a pas été membre du fameux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_26_Juillet">M-26</a>, puisqu’il n’était pas né au moment de la guérilla révolutionnaire et a effectué toute sa carrière dans le civil. L’uniforme vert olive disparaît, certes, au profit du costume cravate ou du polo qu’arbore le nouveau président lors de ses bains de foule. Malgré tout, on voit émerger un leadership plus institutionnel que charismatique, et le danger est de verser dans toujours plus de bureaucratie, et de perdre le lien qui unissait jusqu’alors les dirigeants cubains au peuple.</p>
<p>En somme, le fait que Raúl Castro prenne une retraite relative à 89 ans ne signifie nullement que Cuba connaîtra tout prochainement des changements majeurs. En tous les cas, le nouveau gouvernement ne prévoit pas d’inflexion du processus révolutionnaire, mais seulement des « adaptations », afin de répondre à une demande croissante de la population, lasse de conjuguer le verbe « resolver » (se débrouiller) à tous les temps. S’il est compliqué de se lancer dans des prédictions, on peut raisonnablement penser que la clôture du 8<sup>e</sup> Congrès du PCC ne provoquera pas une agitation sociale majeure.</p>
<p>On l’aura compris, sans aller jusqu’à évoquer un non-événement, on ne peut pas non plus parler d’un bouleversement pour les Cubains. Il est bien trop tôt pour évoquer l’« ère post-castriste » tant espérée par certains.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Janice Argaillot est membre de Cuba coopération France. </span></em></p>L’accession de Miguel Diaz Canel au poste de premier secrétaire du Parti communiste de Cuba marque la fin du règne de la famille Castro. Cela change-t-il vraiment quelque chose ?Janice Argaillot, Maître de conférences en civilisation latino-américaine, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1354552020-04-05T16:57:10Z2020-04-05T16:57:10ZCuba face au coronavirus, dans l’île et dans le monde<p>Cuba est un archipel de presque 12 millions d’habitants, niché au sein d’un espace géopolitique complexe. À l’occasion de la crise du Covid-19, le petit pays caribéen, souvent présenté comme celui du « régime castriste » – y compris depuis la mort de Fidel Castro en novembre 2016 et la fin de la présidence de Raul Castro en avril 2018 – a une fois de plus fait montre d’un <a href="https://www.recherches-internationales.fr/RI104/RI104Herrera.pdf">internationalisme</a> parfois <a href="https://www.lepoint.fr/monde/les-esclaves-a-vie-de-l-internationalisme-medical-cubain-06-06-2019-231730024.php">décrié</a> en envoyant des médecins en Italie combattre le Covid-19.</p>
<h2>La longue tradition de l’aide médicale internationale cubaine</h2>
<p>Certains des 53 personnels (soignants et administratifs) arrivés le 22 mars dernier en Lombardie avaient participé en 2014 à la lutte contre le virus Ebola en Afrique. Ce continent avait déjà bénéficié de l’<a href="https://www.jstor.org/stable/20043202?seq=1">aide logistico-militaire cubaine lors de ses indépendances</a> (on pense aux interventions en Angola ou au Mozambique, ou encore au soutien à l’Algérie), tout comme l’Amérique latine a été le terrain de multiples opérations médicales et humanitaires impulsées par Cuba (par exemple l’<a href="https://www.medigraphic.com/pdfs/medicreview/mrw-2008/mrw082k.pdf">Operación Milagro</a>).</p>
<p>Les <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2006/08/CALVO_OSPINA/13777">diverses missions soutenues par Cuba de par le monde</a> se poursuivent actuellement, en pleine crise sanitaire. Si Cuba peut ainsi « exporter » ses médecins, c’est parce que ces derniers sont <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12611-012-0213-5">internationalement reconnus</a>. La contribution des épidémiologistes et virologues cubains a notamment été déterminante dans la lutte contre l’<a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2011-4-page-184.htm">épidémie de choléra survenue en Haïti après le séisme de 2010</a>. Des chercheurs cubains collaborent actuellement avec leurs homologues chinois au développement d’un remède au Covid-19, appelé <a href="https://www.cnews.fr/monde/2020-03-26/coronavirus-cuba-espere-distribuer-un-medicament-travers-le-monde-malgre-les">« Interferon Alpha-2b Recombinant »</a> (utilisé à Cuba depuis plusieurs années dans le traitement d’autres maladies). Plusieurs départements d’outre-mer français géographiquement proches de Cuba ont déjà accepté de <a href="http://www.rfi.fr/fr/france/20200331-coronavirus-la-france-accepte-m%C3%A9decins-cubains-d%C3%A9partements-doutre-mer">recevoir l’aide médicale de La Havane</a> ; c’est également le cas de divers autres pays de la région comme la Jamaïque, le Suriname, la Grenade ou encore le Nicaragua.</p>
<p>Certains <a href="https://twitter.com/statedrl/status/1242531961312284678?s=21">accuseront</a> le gouvernement révolutionnaire de profiter de la situation pour vouloir obtenir des contrats, de l’argent et d’autres bénéfices (comme le font bien d’autres pays <a href="https://www.liberation.fr/france/2015/05/11/hollande-a-cuba-un-coup-diplomatique_1305921">à différents niveaux</a>), quand d’autres <a href="https://journals.openedition.org/ideas/1418">rétorqueront</a> que penser que Cuba est internationaliste par opportunisme, afin d’éviter l’isolement total, c’est méconnaître la Révolution cubaine et ses principes. Quoi qu’il en soit, l’Ile a activé tous les rouages de son système de santé, tant à l’étranger qu’à l’intérieur de ses frontières.</p>
<h2>Une population bien préparée</h2>
<p>La population cubaine est bien préparée à ce qui l’attend sur son territoire. Elle sait que le virus est déjà présent dans l’île, avec plusieurs dizaines de cas détectés en quelques jours (48 cas avérés au 24 mars 2020, 57 au 26 mars, 119 au 29 mars, 186 au 1<sup>er</sup> avril). Six décès sont à déplorer pour le moment, et près de 3 000 personnes sont hospitalisées car présentant les symptômes de la maladie.</p>
<p>Les premiers cas ayant été « importés », les Cubains comprennent la décision gouvernementale de fermer les frontières du pays, lequel dépend pourtant largement de la manne financière du tourisme (une industrie qui a rapporté à Cuba plus de 3 milliards de dollars de bénéfices en 2018)… Les touristes encore présents dans l’Ile (32 500 d’après le premier ministre Manuel Marrero) ont été placés en quarantaine. Le président Díaz Canel a également annoncé la fermeture des établissements scolaires pour un mois, en précisant qu’il incombait aux familles de s’assurer que les enfants restent à la maison et ne passent pas leur journée dans les rues. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de respecter la <a href="https://www.tiempo21.cu/2020/03/23/exige-diaz-canel-responsabilidad-todos-los-cubanos-enfrentamiento-la-covid-19/">distanciation sociale pour freiner la propagation du virus</a>, y compris dans les files d’attente que les Cubains ne connaissent que trop bien, notamment devant les magasins d’État.</p>
<p>De nombreuses informations sont diffusées par les canaux officiels, sur la transmission du Covid-19 et les moyens à mettre en œuvre pour en éviter la propagation. Chacun prend ainsi la mesure du rôle qu’il a à jouer dans la guerre contre cet ennemi invisible et finalement inconnu.</p>
<p>Des citoyens et des <em>cuentapropistas</em> (Cubains qui travaillent à leur compte) se font couturiers et fabriquent des masques en tissu, car les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/a-cuba-le-porte-a-porte-des-etudiants-en-medecine-pour-traquer-le-coronavirus-01-04-2020-2369745_24.php">masques chirurgicaux manquent</a>, et chacun prend ses distances en attendant un éventuel confinement, qui serait catastrophique pour l’économie.</p>
<p>La population cubaine comprend la gravité de la situation et réagit avec calme, même si les craintes d’une crise alimentaire sont vives (le fantôme de la <a href="https://journals.openedition.org/diacronie/762">Période spéciale en temps de paix</a> provoquée par la chute de l’URSS rôde encore dans l’Ile). Les gestes barrières à adopter sont compris et appliqués comme des mesures de civisme. Les CDR (Comités de Défense de la Révolution) aident à la diffusion des consignes transmises par le gouvernement, et <a href="http://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20200316-cuba-coronavirus-antiviral-medicament-pays-tourisme-communisme-comite-covid-19">surveillent l’apparition de symptômes parmi la population</a>.</p>
<p>Il s’agit d’une crise sans précédent pour beaucoup d’habitants de cette planète, mais les Cubains sont habitués à vivre avec des bouleversements violents, qu’ils soient provoqués par les ravages d’un ouragan ou le blocus financier et politique imposé par les États-Unis, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/cuba-denonce-l-acharnement-de-trump-inedit-en-57-ans-d-embargo-20190920">encore renforcé depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump</a>. Aucun risque, donc, de les voir se battre dans les supermarchés pour quelques rouleaux de papier hygiénique, eux qui vivent depuis des décennies avec un carnet de rationnement (la « libreta ») et subissent au quotidien des pénuries en tout genre.</p>
<h2>Un assouplissement de l’embargo ?</h2>
<p>Les Cubains peuvent étudier gratuitement la médecine (tout comme les étudiants étrangers accueillis au sein de l’ELAM, École latino-américaine de médecine) et bénéficient d’un <a href="http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=CUB&codeStat=SH.MED.PHYS.ZS&codeStat2=x">taux de médecins par habitant plus qu’honorable</a>, mais n’ont pas toujours accès aux <a href="https://www.rts.ch/info/monde/10841428-la-medecine-cubaine-affectee-par-des-sanctions-americaines-renforcees.html">médicaments les plus basiques du fait des lois extraterritoriales états-uniennes</a>.</p>
<p>La Haut Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, l’ancienne présidente du Chili Michelle Bachelet, vient d’ailleurs de demander un assouplissement des <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/covid-19-l-onu-reclame-un-assouplissement-urgent-des-sanctions-frappant-les-pays-comme-l-iran-6790253">restrictions et sanctions en vigueur contre Cuba</a>, afin d’aider l’Ile à développer des traitements contre la maladie.</p>
<p>Sans tomber dans l’angélisme, on peut se demander si, dans le contexte actuel, le nouvel engagement cubain sur des fronts lointains ne remet pas en question les notions de pays « développés » et « en voie de développement ». Qu’est-ce que le développement s’il n’est lié à l’humain ? Cette aide d’un pays dont on ne parle que peu, ou que l’on ne connaît que par le biais de stéréotypes (la triade « rhum, cigares, Che »), à de grandes puissances européennes comme l’Italie ou la France pousse sans doute à la réflexion…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135455/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Janice Argaillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La médecine cubaine est aujourd’hui appelée à la fois à protéger la population de l’île face au Covid-19 et à aider divers pays étrangers, dont l’Italie et la France.Janice Argaillot, Maître de conférences en civilisation latino-américaine, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1294962020-02-18T17:41:29Z2020-02-18T17:41:29ZÀ Saint-Martin, les catastrophes naturelles boostent les inégalités sociales<p>Plusieurs catastrophes naturelles de grande ampleur ont touché le littoral ces dernières années : Katrina à la Nouvelle-Orléans (2005), Xynthia sur le littoral atlantique français (2010) ou encore Irma (2017) et Dorian (2019) dans les Caraïbes. Ces événements ont causé des dégâts matériels importants, fait des morts et des blessés. Leurs coûts associés augmentent du fait d’une urbanisation croissante dans les zones à risque. Limiter l’exposition à ces aléas est devenu une nécessité pour nos sociétés.</p>
<p>Plus de deux années après Irma – qui a touché les îles françaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, tuant 11 habitants et détruisant de nombreuses habitations en 2017 – les dégâts sont encore visibles dans les quartiers pauvres alors que les quartiers riches reviennent ou sont revenus à la normale plus rapidement. Les fortes inégalités sociales préexistantes ont été renforcées.</p>
<p>Aujourd’hui, derrière l’incitation à s’adapter aux catastrophes naturelles à venir, il existe un autre risque : celui d’utiliser ces événements dramatiques comme un outil de réorganisation sociale au profit des plus aisés.</p>
<p>L’approbation du nouveau plan de prévention des risques naturels de Saint-Martin (Antilles françaises), début décembre 2019, a ainsi conduit à des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/12/17/blocages-affrontements-vives-tensions-a-saint-martin-a-propos-d-un-plan-prevoyant-de-nouvelles-zones-non-constructibles_6023219_3224.html">blocages importants et des manifestations</a>, principalement dans les quartiers défavorisés, mais avec des répercussions sur l’ensemble de l’île plusieurs jours durant. Ce qui a été remis en cause, c’est à la fois l’impact de ce plan sur les activités économiques de l’île, mais aussi l’effet sur les habitants des quartiers populaires, comme à Sandy Ground ou dans le quartier d’Orléans.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309099/original/file-20200108-107209-wjhl57.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309099/original/file-20200108-107209-wjhl57.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309099/original/file-20200108-107209-wjhl57.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309099/original/file-20200108-107209-wjhl57.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309099/original/file-20200108-107209-wjhl57.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309099/original/file-20200108-107209-wjhl57.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309099/original/file-20200108-107209-wjhl57.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Voitures calcinées dans Marigot (Saint-Martin) durant les blocages du mois de décembre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Gargani</span></span>
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<h2>Habiter sans cohabiter</h2>
<p>Sur le littoral, la nature n’est pas qu’une menace ou un risque, elle constitue aussi une richesse. C’est un élément du bien-être, même si le traumatisme laissé par les ouragans ou les tempêtes peut être fort.</p>
<p>Le littoral est une zone convoitée mais qui, aux yeux de certains (acteurs économiques, propriétaires de biens immobiliers), ne peut être complètement exploitée du fait de la présence d’une population pauvre jugée trop nombreuse. La beauté des lieux est une ressource à laquelle ont aussi accès les plus modestes…</p>
<p>Pour la frange la plus aisée de la population, la coexistence avec ces habitants pauvres est un obstacle au développement économique de l’île, mais aussi à l’entre soi.</p>
<p>Il faut également rappeler que l’implantation de l’habitat sur la côte, à proximité immédiate de la mer, n’a pas toujours été un choix d’agréments, mais aussi un des derniers espaces disponibles. À Saint-Martin, l’urbanisation des hauts de plages s’est développée tardivement durant la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle avec le tourisme, ce qui a longtemps laissé ces zones accessibles à des populations modestes et métissées.</p>
<p>Le littoral est désormais convoité par de multiples personnes et activités. De nombreuses constructions et infrastructures s’y sont implantées progressivement. La concurrence pour l’accès à cet espace s’est accrue. L’île s’est transformée, passant d’un territoire agricole, peu électrifié, avec une population éparse dans les années 1950, à un territoire organisé par et pour l’industrie du tourisme balnéaire avec un littoral densément urbanisé à partir du début des années 1990.</p>
<h2>Incitations économiques</h2>
<p>Le développement économique de l’île a été porté par des incitations fiscales à partir de 1986 – comme la loi Pons de défiscalisation pour l’outre-mer ainsi que les lois Paul (2001), Girardin (2003), Scellier outre-mer (2009) et Pinel (2015). Cela a conduit à un développement des activités en relation avec le tourisme, à un aménagement du littoral et à un accroissement démographique important.</p>
<p>Paradoxalement, c’est toujours en 1986 que la loi relative « à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral », dite loi littoral, a réglementé la construction afin d’encadrer la spéculation immobilière.</p>
<p>Dans la pratique, la construction en zone littoral a continué de se produire, à Saint-Martin comme ailleurs, avec l’extension progressive de l’urbanisation en continuité des constructions préexistantes. Entre 1986 et 2006, <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/074000695.pdf">530 000 habitants supplémentaires</a> se sont implantés dans les communes littorales en France métropolitaine, sans compter les constructions en relation avec les activités économiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309100/original/file-20200108-107243-rnze8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309100/original/file-20200108-107243-rnze8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309100/original/file-20200108-107243-rnze8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309100/original/file-20200108-107243-rnze8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309100/original/file-20200108-107243-rnze8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309100/original/file-20200108-107243-rnze8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309100/original/file-20200108-107243-rnze8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Habitations localisées sur les hauts de plage dans le quartier de Grand Case (Saint-Martin), décembre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Gargani</span></span>
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<p>Rien qu’à Saint-Martin, la population est passée de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2527810">8000 habitants en 1982 à 35000 en 2016</a> en raison d’incitations économiques. Les lois de défiscalisation ont favorisé le développement de l’industrie du tourisme et de la construction en permettant des remboursements d’une partie des dépenses engagées pour la construction des hôtels, des commerces ainsi que la construction de résidences principales et secondaires.</p>
<p>Les défiscalisations ont augmenté la prise de risque car le coût de construction effectif a été significativement diminué pour les investisseurs. Ceux qui ont fait construire ont pris peu de précaution en bâtissant là où ils imaginaient que les touristes souhaiteraient s’installer, c’est-à-dire au plus proche de la mer, comme à Baie Orientale et Anse Marcel. Ils ont anticipé les moyens de gagner de l’argent sur le court terme.</p>
<p>La défiscalisation a eu pour effet de reporter une partie des dépenses de construction vers l’État – ce sont donc les contribuables qui ont financé et favorisé des implantations dans des zones à risque de submersion marine par un système de moins-value fiscale. Le marché de la construction et de la reconstruction aiguise toujours les <a href="https://www.stmartinweek.fr/2019/03/08/edito-%E2%80%A2-reconstruction-privee-le-triste-dessous-des-cartes/72387">appétits financiers à Saint-Martin</a>, comme ailleurs en France et dans le monde. L’industrie de la construction et du tourisme offrent actuellement la possibilité de placements ou de gains financiers.</p>
<h2>L’habitat « fragile »</h2>
<p>À Saint-Martin, des quartiers populaires ont aussi été construits dans des zones à risque de submersion marine en cas d’ouragan. L’urbanisation a coïncidé avec le besoin de logements pour la main-d’œuvre, souvent étrangère, nécessaire à l’industrie de la construction et du tourisme.</p>
<p>La population installée dans les quartiers populaires est désormais fortement <a href="https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/962">touchée par le chômage depuis le ralentissement de l’activité dans les métiers de la construction</a>. La réduction de l’activité de la construction a été liée à la réduction des avantages fiscaux dans ce secteur et au durcissement des conditions pour pouvoir en bénéficier. L’État a un rôle important dans l’évolution de l’économie et de nos sociétés. Depuis Irma, le secteur de la construction a été redynamisé, mais conduit dans la majorité des cas à des emplois sans contrat de travail et sans cotisation sociales.</p>
<p>Les habitants affectés par les ouragans ont dû faire face à des dépenses de reconstruction que n’ont pu supporter les habitants les plus pauvres. Beaucoup vivent au rez-de-chaussée d’habitations dont le premier étage est laissé à l’abandon, sans toit, ni fenêtres. Les habitants ne sont souvent pas assurés, ni ne possèdent de quoi effectuer des réparations pérennes. Celles-ci sont réalisées à bas coût et grâce à l’entraide. Les habitations des quartiers populaires sont construites de manière moins solide que celles des beaux quartiers. Non seulement elles sont réalisées en dehors des zones autorisées, mais aussi avec des matériaux de moins bonne qualité et en ne respectant pas les normes de construction anticyclonique et parasismique.</p>
<p>L’habitat fragile est aussi celui des habitants fragilisés par des revenus faibles et des situations administratives précaires (clandestins, travailleurs non déclarés, travailleurs pauvres, ni locataire ni propriétaire, habitat hors légalité). Ces habitations sont endommagées de façon importante et récurrente lors des ouragans. En revanche, les constructions des quartiers aisées résistent mieux aux ouragans, même si les plus fortes rafales d’Irma ont abîmé aussi une partie des résidences luxueuses.</p>
<p>Lors de l’ouragan Dorian dans les Bahamas en septembre 2019, certains des habitants les plus aisés ont eu l’opportunité de ne pas être exposés physiquement aux effets de la catastrophe en évacuant les lieux grâce à des vols sur de petits avions privés. Ainsi, lorsque les destructions affectent de façon indifférenciée le bâti de tous les habitants, les personnes aisées parviennent plus facilement à préserver leur intégrité physique, mais aussi psychologique, en n’assistant pas (ou moins) à la situation de crise la plus critique. À Saint-Martin, il a été estimé que <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2018/09/dp_irma_-_bilan_1_an.pdf">7 000 à 8 000 habitants avaient quitté l’île après l’ouragan Irma</a>. Souvent les habitations dans les quartiers aisés bénéficient de groupes électrogènes et de citernes d’eau leur permettant de faire face plus facilement à la période de crise, juste après les ouragans, lorsque les réseaux d’eau et d’électricité ne fonctionnent plus.</p>
<p>À Saint-Martin, les catastrophes naturelles sont des catalyseurs de la différenciation sociale parce qu’elles touchent plus les pauvres, mais aussi parce que les aides (assurances, aides psychologiques) ne sont pas perçues par les plus pauvres. C’est aussi eux que l’on expulse en premier, comme cela s’était déjà produit après l’ouragan Luis (1995) à Saint-Martin. Qu’en sera-t-il à présent ?</p>
<h2>Un renforcement des inégalités</h2>
<p>Dans un système capitaliste, les catastrophes accentuent la différenciation sociale. Les aléas naturels sont susceptibles de détruire aussi les liens sociaux en éparpillant les populations. La catastrophe n’est pas que dans la destruction des habitations, mais dans la destruction de la confiance en l’avenir, dans la destruction des communs et des communautés, dans la peur insufflée qui affecte la perception de la nature.</p>
<p>La réorganisation post-catastrophe est un moment délicat pour la reconstruction des liens sociaux, de l’habitat et de l’économie, mais qui peut être considérée comme une opportunité pour certains. Les crues de 1840 et 1856 en France ont été <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/16810">l’occasion de réorganiser les fleuves</a>, leurs abords et les massifs montagneux qui les alimentent, mais aussi de réorganiser les populations limitrophes.</p>
<p>On a vu à La Nouvelle-Orléans que la reconstruction post-Katrina (2005) s’était faite aux <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/12/CYRAN/59367">dépens des plus pauvres</a> et au bénéfice de <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/DAVIS/12817">certaines entreprises</a>. Le risque inondation dans les quartiers portuaires d’une ville <a href="https://journals.openedition.org/cdg/1713">comme Le Havre</a> a pu être l’occasion de favoriser une sélection sociale par le haut des nouveaux arrivants, c’est-à-dire une gentrification des anciens quartiers populaires. Ce fut également le <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2008-4-page-6.html">cas à Blois</a>.</p>
<p>Les coûts élevés pour construire selon des normes plus élevées constituent un droit d’entrée et une barrière sociale. Les catastrophes, passées et à venir, stimulent la différenciation sociale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129496/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Gargani a reçu des financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui ont permis d’aller sur le terrain. </span></em></p>Derrière l’incitation à s’adapter aux catastrophes naturelles existe le risque d’utiliser ces événements comme un outil de réorganisation sociale au profit des plus aisés.Julien Gargani, Enseignant-chercheur, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1274182019-11-27T19:18:47Z2019-11-27T19:18:47ZDans le cinéma antillais, la plage fait écho au passé colonial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303996/original/file-20191127-112493-vij3gu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C998%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image du film Nèg Maron.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-28695/photos/detail/?cmediafile=18399791">Allociné / Mars Distribution</a></span></figcaption></figure><p>Une exécution en bord de mer, un jeune désoeuvré qui « marronne » (en référence aux Nègres marron, à savoir les esclaves qui fuyaient les plantations esclavagistes en se réfugiant dans les montagnes) et qui finira tué sur une plage, un esprit qui traverse les mondes par la côte… Les scènes représentant la mort et le deuil sont nombreuses dans le cinéma antillais, à l’opposé des clichés du « sea, sex and sun », tourisme et sable fin, dont l’exotisme occidental est pourtant friand.</p>
<p>Je travaille depuis plusieurs années sur le cinéma antillais, c’est-à-dire l’ensemble des longs-métrages de fiction réalisés par des professionnels antillais ou d’origine antillaise (sans distinction biologique) des milieux du cinéma et de l’audiovisuel, qu’ils se déroulent aux Antilles, en France hexagonale ou à l’étranger.</p>
<p>Dans le cinéma antillais-péyi, à savoir les films du cinéma antillais dont la majorité de l’intrigue se déroule dans les Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique), j’ai ainsi analysé l’image de la côte et de la plage, parmi d’autres représentations. Or, dès les premiers films, le premier étant <em>Dérives ou la femme-jardin</em> (Jean‑Paul Césaire, 1977), la côte est le lieu privilégié de la Mort.</p>
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<p>Ainsi, à la fin de <em>Coco Lafleur, candidat</em> (Christian Lara, 1979), premier long-métrage de fiction commercialisé du cinéma antillais, le candidat Coco (dont la campagne électorale dans la Guadeloupe des années 1970 a un accent fortement autonomiste) est exécuté non loin de la mer, au bord de la ville, par un sbire de l’État français : la mort du premier protagoniste du cinéma antillais-péyi se déroule donc sur la côte.</p>
<p>Dans les premières minutes d’un autre film des débuts de ce cinéma, <em>Mamito</em> (Christian Lara, 1980), c’est lorsque la vieille retraitée Mamito est à la plage qu’elle apprend la mort de son fils au téléphone, qui se trouve au lolo (épicerie-buvette de quartier) non loin. Le bruit des vagues croît alors que la vieille dame fait face à la caméra : le drame du deuil est ainsi lié à ce paysage. À la fin de <em>Siméon</em> (Euzhan Palcy, 1992), alors que le fantôme Siméon (surnommé « l’esprit de la musique ») décide de rejoindre le Paradis après avoir aidé ses amis à inventer une nouvelle musique (le zouk), c’est depuis la côte qu’il fait le passage vers l’Autre Monde : ici, cette dernière est devenue le lien entre la Terre (sa terre antillaise) et l’Au-Delà… </p>
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<h2>Une dramatisation surprenante</h2>
<p>Outre le projet d’une « dés-exotisation » des paysages naturels îliens, ce choix dramatique est très certainement lié au fait que fondamentalement la côte représente l’impossibilité de la Liberté dans l’Histoire antillaise, comme nous le révèlent certains films.</p>
<p>Ainsi, dans <em>Sucre amer</em> (Christian Lara, 1997), une séquence de plage met en scène une proclamation de la <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/1251">première abolition de l’esclavage</a> en 1794, qui sera appliquée en Guadeloupe jusqu’en 1802.
En effet, la première abolition de l’esclavage du 4 février 1794 (dans la « foulée » de la Révolution française) est appliquée en Guadeloupe, suite à de nombreuses batailles entre les Français républicains et les troupes anglaises (esclavagistes), tentant alors de reconquérir l’île.</p>
<p>En 1802, les troupes de Richepanse, envoyées en Guadeloupe par Napoléon Bonaparte, rétablissent l’esclavage. Des gradés de l’armée française dits « de couleur » tels que le Commandant Ignace s’y opposent. Les figures emblématiques de cette « guerre de Guadeloupe » (tel que ces événements sont nommés aux Antilles) sont, outre Ignace, Marthe-Rose, le Colonel Delgrès et la Mulâtresse Solitude. Au bout de trois semaines de combats, l’esclavage sera rétabli en Guadeloupe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303998/original/file-20191127-112522-1faj1dg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303998/original/file-20191127-112522-1faj1dg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303998/original/file-20191127-112522-1faj1dg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303998/original/file-20191127-112522-1faj1dg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303998/original/file-20191127-112522-1faj1dg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303998/original/file-20191127-112522-1faj1dg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303998/original/file-20191127-112522-1faj1dg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Joseph Ignace, ancien esclave charpentier qui résista d’abord à l’eslavage en organisant une troupe d’esclaves marrons.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Pour en revenir à <em>Sucre amer</em>, c’est alors que des militaires anglais à cheval à l’autre bout de la plage chargent. Le seul mort (visualisé) du côté du bataillon français est le Sergent, entendons le Porteur du décret de l’Abolition, exécuté d’un coup de sabre dans cette attaque qui a débuté exactement au moment où il prononçait le mot « Liberté ».</p>
<p>C’est sur cette même plage que, dans <em>1802, l’épopée guadeloupéenne</em> (Christian Lara, 2004), dernier opus du triptyque du réalisateur sur la des troupes luttant contre le rétablissement de l’esclavage sont attaquées par traîtrise… </p>
<h2>« Ils se cognaient contre la mer »</h2>
<p>Dans le même ordre d’idées, la côte est le lieu où butent les Nègres marron. Ces esclaves se réfugiaient préférentiellement dans les montagnes dans leur quête d’échappée.</p>
<p>Dans <em>L’Exil du roi Béhanzin</em> (Guy Deslauriers, 1994), le geôlier du roi africain Adyhjéré, exilé de force en Martinique par l’armée française suite à sa défaite en terres d’Afrique <a href="http://blog.manioc.org/2014/04/le-roi-behanzin-en-martinique.html">face aux troupes d’Alfred Dodds à la fin du XIXᵉ siècle</a>, précise :</p>
<blockquote>
<p>« Ils n’avaient pas de champs de bataille. Ils se cognaient contre la mer. »</p>
</blockquote>
<p>La côte représente ainsi l’impossible de la Liberté. Toujours du côté de la Martinique, dans <em>Vagabond tropical</em> (Patrick Valey, 1987), Émile, jeune chômeur désoeuvré pris à tort pour un cambrioleur, « marronne » dans la montagne (au son des percussions traditionnelles martiniquaises, très souvent associées au marronnage) puis se réfugie ensuite dans une cabane de pêcheurs sur un îlot. Il sera abattu par la police : la côte est donc également investie d’un imaginaire « marron » (en référence aux fameux Nègres marron historiques).</p>
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<h2>Le point de départ du génocide et de la traite</h2>
<p>Une autre raison du traitement de la plage comme lieu de mort est sans aucun doute liée à l’arrivée du conquérant européen. La plage devient ainsi le « point de départ » du génocide amérindien, dans les Antilles comme d’ailleurs sur le continent américain, puis de la traite négrière.</p>
<p>Ainsi, de nouveau dans <em>Sucre amer</em> (1997), un étrange prologue, composé de gros plans de pattes d’un cheval au galop monté par un militaire, n’aura d’écho dans aucune séquence du film. Si, en se référant à la suite de l’intrigue, on peut penser qu’il s’agit d’un cheval monté par un Anglais (par association avec la séquence de bataille citée plus haut), la dépersonnalisation du cavalier (dont on ne voit pas le visage) en fait un soldat anonyme.</p>
<p>Considérant la place qu’occupent les chevaux dans la conquête du Nouveau Monde et le fait que la course du cheval se fait précisément à la ligne de contact entre la mer et le sable, on peut y voir une mise en scène détournée du début de la conquête des îles de la Caraïbe par les Européens.</p>
<h2>Reconquérir la plage</h2>
<p>Et c’est peut-être du fait du caractère « blanc » de la plage et de la côte (par l’arrivée des Conquérants, par l’installation touristique) que c’est précisément en ce lieu qu’il faut entrer en conflit, la plage étant le lieu privilégié des confrontations interraciales dans le cinéma antillais-péyi, dont les personnages antillais sortent toujours vainqueurs.</p>
<p>Paroxysme de la « revanche » : dans <em>Nèg maron</em> (Jean‑Claude Barny, 2005), les deux seules séquences à la plage (la même, les deux fois, comme un retour tragique) voient s’affronter deux jeunes des quartiers miséreux de Pointe-à-Pitre, Josua et Silex, et le <a href="http://une-autre-histoire.org/dou-vient-le-mot-beke/">Béké</a> – le terme d’origine martiniquaise désigne les membres des familles esclavagistes et leurs descendants directs. À la fin de la scène, la plage devient le lieu d’exécution du Béké.</p>
<p>Si la plage a longtemps constitué dans le cinéma antillais-péyi le lieu ultime de mort, représentant une impossible liberté, c’est précisément là que les cinéastes proposent désormais de conquérir cette dernière… </p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre du colloque #Iles2019 qui s’est tenu du 14 au 19 octobre à Brest, Ouessant, Molène et Sein, co-organisé par la Fondation de France, l’Université de Bretagne occidentale et l’Association des Îles du Ponant. Premier réseau de philanthropie en France, la <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr">Fondation de France</a> réunit, depuis 50 ans et sur tous les territoires, des donateurs, des fondateurs, des bénévoles et des acteurs de terrain. À chacun, elle apporte l’accompagnement dont il a besoin pour que son action soit la plus efficace possible.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Robillard a reçu une bourse de Contrat Doctoral (2012-2015) de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne.</span></em></p>Les scènes représentant la mort et le deuil sont nombreuses dans le cinéma antillais, à l’opposé des clichés associés au tourisme dont l’Occident est pourtant friand.Guillaume Robillard, Chercheur associé - Docteur en Études Cinématographiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1207822019-08-19T23:06:43Z2019-08-19T23:06:43ZEn Méditerranée, l’inquiétante invasion du poisson-lion, prédateur redoutable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285114/original/file-20190722-11370-5kvany.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C32%2C1142%2C828&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aussi appelé rascasse volante, le poisson-lion qui peut atteindre près de 50 cm possède de longues épines le long de sa nageoire dorsale.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/fish-lion-lionfish-warrior-zebra-1418210480?src=4GPFdS_AU-Qx0cgbFUl6ZQ-1-30&studio=1">Shutterstock/Vitality6447</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://www.fishbase.se/summary/Pterois-volitans.html">poisson-lion</a> – aussi appelé rascasse volante – est une créature fascinante dotée d’une magnifique parure ; il dérive lentement dans les récifs coralliens. Mais ce poisson dévaste et détruit la biodiversité qui l’entoure.</p>
<p>L’espèce est issue des eaux marines chaudes du Pacifique Sud et de l’océan Indien. Il se nourrit d’une large variété de proies (plus de 100 espèces différentes), notamment les poissons plus petits, les mollusques et les invertébrés, soufflant parfois dans l’eau pour <a href="https://www.sciencemag.org/news/2012/02/video-huffing-and-puffing-dinner">désorienter sa victime</a> avant de la dévorer. 1000 poissons-lions peuvent ainsi dévorer en un an pas moins de <a href="https://coastalscience.noaa.gov/project/management-strategies-lionfish-atlantic/">5 millions de proies</a>.</p>
<p>Sa caractéristique la plus remarquable est la ligne d’épines qui parcourt toute la longueur de son corps, armes dont sont également dotées ses nageoires en éventail. Ces 18 épines aux rayures brune et blanche, sont très venimeuses, y compris pour les humains. Ce qui explique que la créature attire peu de prédateurs naturels, à l’exception <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1fBQXCxnlJc">des murènes</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Mz3S9fCJf5k">des requins</a>.</p>
<p>Dans leur habitat naturel, les poissons-lions appartiennent à un écosystème marin qui a évolué pour interagir harmonieusement, chaque espèce y jouant un rôle vital. Mais comment cet animal est-il progressivement devenu responsable de ravages dans les océans ?</p>
<h2>Une expansion fulgurante</h2>
<p>Malheureusement, des populations de poissons-lions se sont établies <a href="https://oceanservice.noaa.gov/education/stories/lionfish/lion02_invade.html">au large de la côte sud-est des États-Unis</a>, dans les <a href="https://www.wri.org/atlantic-and-caribbean-lionfish-invasion-threatens-reefs">Caraïbes</a> et plus récemment en <a href="https://www.theguardian.com/science/blog/2016/jul/19/invasive-lionfish-have-reached-the-mediterranean-luckily-theyre-tasty-">mer Méditerranée</a>. Ils ont littéralement envahi cette dernière, attaquant avec voracité les espèces de poissons natives, augmentant leur population à une vitesse fulgurante, et se répandant ainsi sur de vastes zones. Sans compter que leur espérance de vie <a href="https://coastalscience.noaa.gov/project/management-strategies-lionfish-atlantic/">atteint les trente ans</a> !</p>
<p>Cette arrivée massive, notamment sur les côtes turque, chypriote et grecque, inquiète en Méditerranée, qui abrite plus de 17 000 espèces de poissons, sur lesquelles le nouveau venu pourrait exercer une forte pression. Dans certaines zones de l’Atlantique, l’invasion du poisson-lion a diminué <a href="https://coastalscience.noaa.gov/project/management-strategies-lionfish-atlantic/">jusqu’à 90 %</a> le nombre de poissons de certaines populations prises pour cible par l’animal.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282467/original/file-20190703-126396-1e92jfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282467/original/file-20190703-126396-1e92jfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282467/original/file-20190703-126396-1e92jfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282467/original/file-20190703-126396-1e92jfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282467/original/file-20190703-126396-1e92jfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282467/original/file-20190703-126396-1e92jfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282467/original/file-20190703-126396-1e92jfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le poisson-lion souffle parfois dans l’eau pour désorienter sa proie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/lionfish-mouth-open-wide-feeds-on-112340756?src=PU0K_wh2UurP6b7KNFmW9A-1-1&studio=1">Shutterstock/Richard Whitcombe</a></span>
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<p>Les premiers poissons-lions observés près de la Floride ont été <a href="https://myfwc.com/wildlifehabitats/nonnatives/marine-fish/scorpionfish-and-lionfish/lionfish/">remarqués en 1985</a>. En 2001, ils étaient solidement établis sur le littoral est des États-Unis à des densités supérieures à <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10530-011-0020-0">100 poissons par hectare</a>. Leur nombre dépasse désormais celui des poissons natifs sur de nombreux sites, et dans certaines zones de l’Atlantique ouest est <a href="https://www.int-res.com/articles/meps_oa/m446p189.pdf">quatre fois supérieur</a> à leur nombre dans leur région native.</p>
<p>On ignore comment les populations de poissons-lions ont colonisé ces régions. Certaines théories suggèrent un lâcher intentionnel orchestré par le commerce aquatique, des déplacements de populations causés par l’ouragan Andrew, ou via des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0165584">citernes de ballast</a> de bateaux contenant accidentellement des spécimens.</p>
<p>À son arrivée dans une nouvelle zone marine, le poisson-lion se reproduit à un rythme aussi ahurissant qu’alarmant. Dès ses un an, il est capable de <a href="https://www.researchgate.net/publication/273510096_Reproductive_biology_of_invasive_lionfish_Pterois_spp">pondre tous les deux ou trois jours</a> des milliers d’œufs, et ce tout au long de l’année. Ses œufs sont lâchés en pleine mer où ils éclosent et dérivent aux côtés des planctons, avant d’élire domicile sur un récif.</p>
<p>Cela signifie que potentiellement, des millions d’œufs occupent les courants océaniques, garantissant aux poissons-lions un potentiel considérable pour se répandre rapidement et largement dans un plan d’eau en perpétuel mouvement.</p>
<p>Outre leur appétit vorace – la taille de leur estomac peut <a href="http://lionfish.info/wp-content/uploads/2016/05/DNA-indicates-dispersal-of-lionfish-from-US-East-coast.pdf">être multipliée par 30</a> – ils profitent de l’ignorance des proies locales, peu familières de ce nouveau prédateur qui jouit alors d’un terrain de chasse idéal. Indirectement, l’arrivée des poissons-lions restreint la quantité de proies pour les prédateurs natifs et provoque un déséquilibre important de l’écosystème.</p>
<p>En dehors de son aire de répartition naturelle, le poisson-lion n’a en outre pas de prédateurs naturels connus qui pourraient maîtriser ses populations. Même les chasseurs d’œufs et de jeunes poissons-lions demeurent inconnus.</p>
<p>Les humains sont donc les seuls à ce jour à pouvoir chasser les poissons-lions – et le besoin de régulation devient une priorité urgente pour la conservation. Que ce soit pour la protection de la nature ou pour défendre des intérêts économiques, nombreux sont ceux qui appellent à l’abattage ciblé de cette espèce envahissante, afin de réduire leur nombre.</p>
<h2>Chasser le chasseur</h2>
<p>Il existe différentes manières de les chasser. Les plongeurs amateurs ont essayé de <a href="https://www.smithsonianmag.com/science-nature/invasion-of-the-lionfish-131647135/">limiter leur nombre</a> en en éliminant. Mais le caractère venimeux des poissons-lions requiert un entraînement spécial des plongeurs. Des initiatives telles que l’<a href="https://m.facebook.com/profile.php?v=timeline&timecutoff=1333664989&sectionLoadingID=m_timeline_loading_div_1325404799_1293868800_8_&timeend=1325404799&timestart=1293868800&tm=AQCL_yQKnrLV_wXO&id=101557233257490">Ordre fraternel des tueurs de poissons-lions</a> (FOOLS) accompagnent les plongeurs qui aident à réduire la quantité de poissons-lions.</p>
<p>Certains plongeurs testent des pièges pour faciliter un abattage moins dangereux et plus rapide. Dans les Caraïbes, des chercheurs du <a href="http://www.robotsise.org">Robots in Service of the Environment</a> (RSE) ont développé un système dénommé <a href="https://www.technologyreview.com/f/613623/meet-the-robot-submarine-that-acts-as-a-lionfish-terminator/">« Lionfish Terminator »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/44GaC-YsAtQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La télécommande robotique permet de tuer les poissons-lions à distance. PBS News Hour.</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette <a href="https://youtu.be/44GaC-YsAtQ">télécommande robotique</a> a été développée dans le but d’abattre le poisson-lion à distance. Elle n’agit aujourd’hui que sur des zones restreintes, mais pourrait participer à rétablir l’équilibre naturel de l’écosystème.</p>
<p>C’est aussi dans l’assiette que se joue la régulation des poissons-lions. Ils deviennent rapidement un nouveau <a href="https://www.nationalgeographic.com/people-and-culture/food/the-plate/2016/06/lionfish-may-finally-meet-their-match/">mets fin</a> inscrit aux menus des restaurants, et ont même trouvé une place sur les étals des supermarchés.</p>
<p>Comme toutes les espèces invasives, le poisson-lion trouvera tôt ou tard sa niche fonctionnelle et l’équilibre de l’écosystème sera restauré. Mais l’invasion actuelle en Méditerranée a provoqué une onde de choc sur les dynamiques naturelles des prédateurs et des proies, avec des effets sérieux sur la pêche et le tourisme local.</p>
<p>Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre que l’équilibre soit restauré. Nous devons rétablir la santé des écosystèmes marins régionaux et éradiquer cette menace devant les graves destructions qu’elle engendre. </p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit de l'anglais par <a href="https://theconversation.com/profiles/nolwenn-jaumouille-578077">Nolwenn Jaumouillé</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Originaire du Pacifique Sud et de l’océan Indien, le poisson-lion a désormais élu domicile dans d’autres régions du monde. En Mer méditerranée, ce prédateur redoutable dévaste les écosystèmes marins.Louise Gentle, Senior Lecturer in Behavioural Ecology, Nottingham Trent UniversityNicholas Ray, Senior Lecturer, Nottingham Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166742019-06-17T20:58:54Z2019-06-17T20:58:54ZEn Haïti, la chasse aux homosexuels et victimes du VIH continue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/278891/original/file-20190611-32335-cu77k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C3%2C1005%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'homosexualité est un sujet tabou à Haïti, une partie de la population y voit une menace morale et démographique. Un obstacle à une lutte efficace contre le VIH.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Kzmd7HSelJw">Zach Vessels/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ce mardi 26 novembre, le chef de l’Etat haïtien Jovenel Moïse <a href="https://kapzynews.com/haiti-jovenel-moise-deplore-la-mort-dun-militant-homsexuel-charlot-jeudy/">a annoncé déplorer</a> le meurtre du <a href="https://www.liberation.fr/direct/element/haiti-mort-de-charlot-jeudy-fondateur-dune-des-rares-associations-lgbt-du-pays_105726/">militant LGBT+ Charlot Jeudy</a>. Sa mort rappelle qu'à Haïti, actuellement en pleine <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/11/13/haiti-port-au-prince-livre-a-la-guerre-des-gangs_1763231">crise politique, sociale et économique</a>, les homosexuels ne sont toujours pas les bienvenus. Ni les quelques 150,000 personnes qui vivent avec le virus du VIH, sur une population de 11 millions d’habitants. Or, parmi elles, seules <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/UNAIDS_FactSheet_fr.pdf">55 %</a> ont accès aux médicaments.</p>
<p>Comment expliquer ce manque d’accès aux soins ?</p>
<p>Malgré de nombreuses interventions de santé publique dans la région, Haïti reste vulnérable à la stigmatisation des personnes infectées, particulièrement les minorités sexuelles. Ces dernières subissent un ostracisme considérable, ce qui empêche l’accès aux soins.</p>
<p>Cette <a href="https://www.journal.psy.ulaval.ca/ojs/index.php/ARIRI/article/view/Lebouch%E9_Alterstice1%282%29">marginalisation parfois extrême</a> se répand sur tous les aspects de la vie sociale, affective et relationnelle.</p>
<h2>Un engagement difficile dans la lutte contre le VIH</h2>
<p><a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview">Le plus pauvre de l’hémisphère occidental</a>, Haïti est aussi le plus pays où vit le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH dans les Caraïbes, deuxième région la plus touchée au monde en dehors de l’Afrique en <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/20170720_Data_book_2017_en.pdf">terme de prévalence</a> (UNAIDS, 2017).</p>
<p>Malgré des troubles politiques, des difficultés socio-économiques et des calamités naturelles continues, Haïti reste engagée dans la lutte contre l’épidémie du VIH. Les stratégies de prévention et de traitement mises en place par le gouvernement en collaboration avec des organisations non gouvernementales et des bailleurs de fonds internationaux ont contribué à réduire la prévalence nationale du VIH de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25310257">6,2 % en 1993 à 2,2 % en 2012</a> puis à <a href="https://data.worldbank.org/indicator/sh.dyn.aids.zs">1,9 % en 2017</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Haïti : Nombre de personnes vivants avec le VIH (1990-2017).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ourworldindata.org/hiv-aids#correlates-determinants-consequences">US Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), 2018.</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que la réponse nationale à l’épidémie du VIH ne cesse de progresser, les personnes infectées et affectées continuent d’être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12685922">discriminées et stigmatisées</a> tant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25059939">dans la communauté que dans les structures de soins</a>. Les personnes infectées sont souvent perçues comme ayant des comportements méprisés par la société, tels que les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17711383">Hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH)</a>.</p>
<h2>Maladie et exclusion sociale : le double fardeau des HSH</h2>
<p>Le sociologue Erving Goffman a distingué <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Stigmate-2092-1-1-0-1.html">trois types de stigmatisation</a> : la déformation physique, les imperfections de caractère et les préjugés. Le premier type est attribué aux déformités corporelles innées ou acquises. C’est donc une différence par rapport aux normes de condition physique idéalisées par la société. Le second est plutôt attribuable aux comportements ayant des conséquences perçues comme négatives. C’est le cas, par exemple, des personnes infectées au VIH, des homosexuels et des alcooliques. Et, le troisième résulte de la perception qu’une race, une religion ou une nationalité soit supérieure par rapport à une autre.</p>
<p>La seconde peut survenir chez des personnes atteintes du VIH. Elles font face à une stigmatisation considérable car beaucoup pensent qu’elles auraient pu contrôler les attitudes à l’origine de l’infection.</p>
<p>Ethnographiquement, Haïti se rapproche de plusieurs pays du continent africain où des études ont été menées sur cette problématique. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27299976">L’homosexualité y est perçue comme une menace à combattre </a> car dangereuse, pour l’ordre social religieux, moral et démographique, et par conséquent entrave les étapes de soins comprenant la prévention, le dépistage, l’enrôlement aux soins et l’adhésion thérapeutique.</p>
<p>Suivant une enquête réalisée en Haïti et publiée par le Programme des Nations unies pour le VIH, la prévalence de cette infection chez les HSH s’élève à <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/UNAIDS_FactSheet_fr.pdf">18,2 %</a>.</p>
<p>Les comportements sexuels sont influencés par des tabous sociaux stricts contre l’homosexualité ce qui porte les <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/7f18/3841d2751565d92bcb50c867cfb89f76f853.pdf">HSH à dissimuler leurs activités sexuelles</a>.</p>
<p>Nombreux <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4000540/">HSH développent donc des relations hétérosexuelles</a>, un comportement qui sert aussi de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19583117">pont pour la transmission du VIH</a> de la communauté HSH vers la population générale.</p>
<p>La population homosexuelle est exposée à un plus grand risque d’infection au VIH <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28669320">à cause de certains facteurs personnels et sociaux</a> : partenaires multiples et relations à court terme, faible utilisation de préservatifs, conception erronée du sexe anal… Bien que les HSH expriment un besoin de soutien, ils craignent d’être rejetés en dévoilant leur orientation sexuelle.</p>
<h2>Ce que disent les lois haïtiennes</h2>
<p>Selon plusieurs organisations des droits de l’Homme, il n’y a <a href="http://www.refugeelegalaidinformation.org/haiti-lgbti-resources">pas de loi contre l’homosexualité dans le Code pénal haïtien</a>. À titre minimal, les HSH sont protégés en vertu de la constitution de 1987 : art. 35-2 qui interdit la discrimination sur le lieu de travail en fonction du « sexe, des opinions et de l’état matrimonial ».</p>
<p>En août 2017, le <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/08/02/97001-20170802FILWWW00335-haiti-le-senat-interdit-le-mariage-gay.php">sénat haïtien a voté une loi</a> interdisant le mariage de même entre individus de même sexe. En soi cette mesure n’a rien de nouveau, car le code civil national ne reconnaît que les unions entre un homme et une femme. Mais ce vote traduit une intolérance grandissante à l’égard de la communauté HSH, car il vise à interdire toute affirmation de l’homosexualité dans l’espace public.</p>
<p>De plus, il n’y a pas de loi sur la criminalité anti-haine qui traite spécifiquement de la discrimination et du harcèlement subits par les HSH en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. L’homosexualité est considérée comme tabou par les Haïtiens largement influencés par la religion chrétienne.</p>
<p>Sur le plan juridico-légal, il faut signaler aussi une faiblesse des structures de gouvernance du système judicaire car la stigmatisation et la discrimination contre les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont présentes et restent impunies malgré la soumission au parlement haïtien, d’une proposition de loi pour la <a href="https://www.aides.org/sites/default/files/Aides/bloc_telechargement/AIDES%20Projet%20DH%20HAITI.pdf">protection</a> des PVVIH depuis le 1<sup>er</sup> décembre 2011.</p>
<h2>Comment l’homophobie paralyse l’avancée médicale</h2>
<p>La stigmatisation est aussi perçue et vécue dans les établissements de soins et vis-à-vis des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29132291">membres de la famille, des communautés religieuses</a> et de la société en général.</p>
<p>L’inquiétude à découvrir leur statut VIH et les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28974257">conséquences sociales</a> qui en découlent sont citées comme des éléments dissuasifs majeurs au dépistage. La confidentialité est également un sujet de préoccupation car certaines structures de soins <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28974257">séparent les patients</a> se présentant pour un test de dépistage du VIH de ceux recherchant d’autres services de santé.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26808653">Les perceptions négatives de la communauté médicale</a> liées à un manque de compétences et de connaissances des prestataires de soins entrave une bonne gestion des soins – qui nécessitent bien souvent de besoins spécifiques – et alimentent la peur d’être exposé en tant qu’homosexuel.</p>
<p>Les opinions homophobes exprimées par la culture se traduisent par la stigmatisation et la discrimination de la société à l’égard des HSH affectant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28438027">négativement leur participation</a> aux stratégies de riposte nationale réussie contre l’épidémie. Ils sont aussi <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4951529/">victimes de multiples formes de sévices</a> perpétrés par les forces de l’ordre.</p>
<p>Même en présence de bailleurs de fonds et d’une communauté politique favorables, la stigmatisation et la discrimination publiques créent un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25723984">environnement propice aux hostilités</a>. Parfois même, l’homophobie est à la fois une construction sociale et un outil concret utilisé pour mobiliser les pouvoirs et le sens de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3010280/">solidarité dans des paysages politique et économique</a>.</p>
<p>Toutes les études indiquent que la stigmatisation répond à tous les critères pour être considérée comme une barrière fondamentale à la prévention et au traitement du VIH chez les HSH.</p>
<h2>Inclusion, respect et tolérance : les indispensables pour une future génération sans VIH</h2>
<p>Quoique de nombreux efforts sont en train d’être réalisés pour améliorer la prise en charge des HSH infectés au VIH en Haïti, des situations sociétales persistent à différents niveaux empêchant l’identification et la mise en œuvre complète de stratégies efficaces de réduction de la stigmatisation sur une large échelle.</p>
<p>Bien que les interventions cliniques restent les plus courantes, certaines <a href="https://www.unaids.org/en/resources/presscentre/featurestories/2012/july/20120725serovie">initiatives communautaires ont aussi été testées</a> par petits groupes et quelques interventions au niveau organisationnel, telles que des sessions de formation et de sensibilisation du personnel médical, l’accompagnement par des pairs éducateurs tout au long du continuum de soins et la mise en place de cliniques spécialisées, ont été planifiées, réalisées et étudiées.</p>
<p>Mais sans une volonté politique et des ressources pour soutenir et intensifier les activités dans les établissements de soins de santé et dans les communautés, l’inclusion, le respect et la tolérance, indispensables à l’éradication du VIH, deumereront une vue de l’esprit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116674/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Willy Dunbar receives funding from Fonds Lewin - De Castro "Esprit Libre" de l'Université Libre de Bruxelles. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yves Coppieters ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À Haïti les personnes infectées par le VIH, et particulièrement les minorités sexuelles, sont victimes d’un ostracisme considérable qui empêche l’accès aux soins.Willy Dunbar, Doctorant en Politiques et Systèmes de Santé à l'Université Libre de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles (ULB)Yves Coppieters, Professeur à l'Ecole de santé publique de l'Université Libre de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1095802019-01-12T08:07:39Z2019-01-12T08:07:39ZHaïti, entre aspirations et réalités des jeunes<p><em>Rafael Novella, de la Banque InterAméricaine de Développement, a co-écrit cet article.</em></p>
<hr>
<p>En Haïti, <a href="https://www.cairn.info/revue-autrepart-2014-3-page-135.htm">l'intégration des jeunes dans la société et sur le marché du travail</a> est un enjeu critique pour le maintien de l’ordre social. Dans ce pays qui reste <a href="https://www.populationdata.net/palmares/idh/">le plus pauvre du continent américain</a> et l’un des plus inégalitaires au monde, les activités sont paralysées depuis bientôt une semaine dans la capitale et les principales villes de province. Les manifestants réclament notamment le jugement des éventuels corrompus, un réel accès aux services sociaux, mais aussi du travail pour les jeunes : </p>
<blockquote>
<p><a href="http://www.rfi.fr/ameriques/20190211-haiti-on-va-rester-rue-tous-jeunes-ont-pas-travail">«On va rester dans la rue pour tous les jeunes qui n’ont pas de travail»</a>.</p>
</blockquote>
<p>Dans ce pays fragile caractérisé par une instabilité politique chronique, les moins de 21 ans représentent plus de la moitié de la population. Cette jeunesse est l’un des groupes les plus vulnérables et celui dont la situation s’est la plus dégradée suite au séisme. Dans ce contexte, la compréhension <a href="https://www.afd.fr/fr/aspirations-attentes-et-realites-de-la-jeunesse-dans-un-etat-fragile-le-cas-haitien">des aspirations, des attentes et des enjeux auxquels sont confrontés la jeunesse haïtienne</a> n’a jamais été aussi cruciale.</p>
<p>Alors que la <a href="https://www.fafo.no/index.php/zoo-publikasjoner/fafo-rapporter/item/enquete-sur-la-jeunesse-d-haiti-2009">dernière enquête spécifiquement dédiée à la jeunesse</a> datait d’avant le séisme de 2009, l’<a href="https://www.iadb.org/en/Millennials/home">enquête Millennials</a>, menée depuis plus de quatre ans sur 15 000 jeunes répartis dans huit pays d’Amérique latine (Brésil, Chili, Colombie, Salvador, Mexique, Paraguay, Pérou et Uruguay), a permis d’interroger en 2018 des habitants de la capitale Port-au-Prince âgés de 15 à 24 ans. Cette source précieuse d’informations aide à mieux comprendre qui sont les jeunes de la génération Y dans ce pays, et témoigne de réalités et d’aspirations qui vont à l’encontre de certaines idées reçues.</p>
<p>« Les jeunes aujourd’hui sont des tyrans. Ils contredisent leurs parents, dévorent leur nourriture et manquent de respect à leurs enseignants. » Cette phrase, <a href="https://www.bartleby.com/73/195.html">attribuée à tort à Socrate</a>, reflète une réalité pour le moins contemporaine : les membres d’une génération jugent souvent incompréhensible la manière d’agir de la génération suivante. Dans un monde hyperconnecté, dominé par les réseaux sociaux, toute cette incompréhension se manifeste dans la vitrine Internet. Il suffit de regarder les suggestions d’une recherche rapide sur Google pour en prendre conscience.</p>
<p>Que suggère le moteur de recherche Google lorsqu’on lui parle de Millennials dans le monde hispanophone ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Ou de génération Y dans le monde francophone ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Idée reçue numéro 1 : Les Millennials sont paresseux</h2>
<p>En Haïti, les données collectées entre avril et mai 2018 auprès de 860 jeunes de 15 à 24 ans de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince montrent qu’en moyenne deux tiers étudient seulement, ou sont en formation ; 5 % se consacrent uniquement au travail ; 8 % mènent de front études et travail.</p>
<p>Les « NEETs » – acronyme anglais qui désignent ceux qui ne travaillent pas – n’étudient pas et ne sont pas en formation, représentent un cinquième d’entre eux. Pour autant, ces NEETs en Amérique latine comme en Haïti ne sont pas oisifs. Dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, 64 % prennent soin des membres de leur famille (surtout les jeunes femmes), 38 % cherchent du travail et presque tous effectuent des travaux ménagers ou aident dans les entreprises familiales sans rémunération. <a href="https://www.iadb.org/en/Millennials/home">Seulement 2 % ne déclarent aucune activité !</a></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><a href="https://www.afd.fr/fr/aspirations-attentes-et-realites-de-la-jeunesse-dans-un-etat-fragile-le-cas-haitien">L’étude révèle, par ailleurs, d’importantes disparités suivant le genre</a> : à 22 ans, la proportion de NEETS parmi les jeunes Haïtiennes est quatre fois plus élevée que celle des NEETS parmi les jeunes hommes (respectivement 44 % et 11 %). À l’inverse, la proportion de jeunes de l’échantillon se consacrant uniquement à leurs études est deux fois supérieure parmi les jeunes Haïtiens que parmi les jeunes Haïtiennes (respectivement 63 % et 34 %).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Idée reçue numéro 2 : cette nouvelle génération n’est pas prête pour le marché du travail</h2>
<p>Les compétences cognitives des jeunes de la région Amérique latine et Caraïbes (ALC) sont hétérogènes : environ 40 % des jeunes Haïtiens ne sont pas en mesure d’effectuer correctement des calculs mathématiques très simples, tels que diviser une quantité d’argent pour la distribuer équitablement à leurs amis.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Moins d’un jeune Haïtien (20-24 ans) sur dix fréquente le supérieur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Claire Zanuso/AFD</span></span>
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<p><a href="https://www.afd.fr/fr/aspirations-attentes-et-realites-de-la-jeunesse-dans-un-etat-fragile-le-cas-haitien">Autre aspect inquiétant</a>, les jeunes Haïtiens accusent un retard encore plus marqué en anglais et dans leur capacité à utiliser les nouvelles technologies – deux compétences très précieuses dans un monde et un marché du travail toujours plus numériques et mondialisés. Il est donc prioritaire pour les interventions de développement d’investir dans la réduction de cette fracture numérique – ce qui permettra, ensuite, de développer des formations plus techniques en e-learning pour un plus grand nombre de jeunes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Point positif, néanmoins, les Haïtiens présentent des compétences socio-émotionnelles importantes et comparables aux autres pays de la région :ils ont une bonne estime de soi, une grande auto-efficacité (ils savent s’organiser pour effectuer des tâches et atteindre leurs objectifs), ils sont persévérants et déterminés. Dans un marché du travail en mutation, où l’automatisation menace de faire disparaître des tâches et des métiers, les compétences socio-émotionnelles sont plus importantes que jamais.</p>
<h2>Idée reçue numéro 3 : Les jeunes d’aujourd’hui n’ont aucune ambition dans la vie</h2>
<p><a href="https://www.afd.fr/fr/aspirations-attentes-et-realites-de-la-jeunesse-dans-un-etat-fragile-le-cas-haitien">Sur la base des données Millennials</a>, les jeunes de la région ALC apparaissent au contraire optimistes, avec des ambitions élevées : alors que la couverture moyenne de l’éducation supérieure dans la région est aujourd’hui de 40 %, 85 % des jeunes enquêtés souhaitent atteindre ce niveau d’éducation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Les aspirations des Port-au-princiens sont encore plus élevées puisque 92 % des jeunes interrogés souhaitent atteindre les études supérieures, alors même que dans la réalité nationale moins d’un jeune Haïtien (20-24 ans) sur dix fréquente le supérieur.</p>
<p>L’étude qualitative qui a accompagné cette enquête souligne bien l’attachement de ces jeunes à l’éducation, synonyme pour eux d’un avenir meilleur.</p>
<blockquote>
<p>« En Haïti, plus votre niveau d’étude est bas, plus vous souffrez. »</p>
<p>« L’éducation est notre seul patrimoine, même après la mort de nos parents, même après notre mort, notre esprit restera meublé. »</p>
</blockquote>
<p>Voilà ce que déclaraient deux jeunes interrogés dans le cadre de cette enquête.</p>
<p>Néanmoins, les Haïtiens sont en moyenne beaucoup moins optimistes que leurs voisins d’Amérique latine quant à leurs chances de concrétiser leurs aspirations, qu’elles soient scolaires ou professionnelles.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6tcD-SGxaGI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>En guise de conclusion :</h2>
<p>La nouveauté de cette étude réside dans le fait qu’elle va au-delà des variables traditionnellement recueillies dans les enquêtes auprès des ménages, en intégrant d’autres dimensions moins conventionnelles : l’information dont disposent les jeunes concernant le fonctionnement du marché du travail, leurs aspirations, leurs attentes et leurs capacités cognitives et socio-émotionnelles.</p>
<p>Le sort inique qui est réservé aujourd’hui à la jeunesse haïtienne doit être corrigé de manière urgente. Au-delà d’une question de justice sociale, c’est l’avenir du pays qui est en jeu. En effet, le sacrifice d’une génération montante risque d’entretenir un cercle vicieux intergénérationnel, gageant la croissance économique à long terme. </p>
<p>Dans le contexte actuel d’un marché du travail en profonde mutation, en Haïti comme ailleurs, mieux comprendre ces jeunes permet la promotion d’interventions plus adaptées aux défis auxquels ils sont confrontés pour développer leur potentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Zanuso travaille à la division évaluation de l'Agence Française de Développement. L'activité de la division évaluation est supervisée par un Comité des Evaluations, présidé par une personnalité indépendante et rassemblant des représentants de l'Etat, des chercheurs et un représentant d'organisations de la société civile.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maud Hazan travaille à la division évaluation de l'Agence Française de Développement, et a participé en tant qu'assistante de recherche externe à la rédaction du chapitre de l'étude Millennials consacré à Haïti.</span></em></p>Neuf ans après le séisme, la compréhension des aspirations, des attentes et des enjeux auxquels est confrontée la jeunesse haïtienne n’a jamais été aussi cruciale.Claire Zanuso, PhD, économiste du développement, chargée de recherche et d'évaluation / Development economist, research and evaluation officer, Agence française de développement (AFD)Maud Hazan, Économiste, spécialiste de l'évaluation de projets et de politiques publiques., Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1022772018-09-06T18:33:01Z2018-09-06T18:33:01ZLa tranquille pénétration chinoise en Amérique latine et Caraïbes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/235255/original/file-20180906-190650-1nrr25t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C43%2C2005%2C1356&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux diplomates chinois lors d'une visite dans le nord du Brésil (ici en 2011).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/prefeituradeolinda/6323844431/in/photolist-aCPmCx-5PAk4s-8rPeJi-4ULBrG-f7BCD3-dYKLvF-XrmmjS-8YHTGy-7oocmY-58JLdy-e26FrC-7rj1d3-eU91hW-ddwGTC-7zwEyz-dUirhY-CdbAo2-eTZ3uv-oC4vxQ-faJceh-67zPdo-Y2aEmR-cEmncE-qazVKu-8YERF2-gpvSqQ-6hnqbY-9gMM53-izLQmd-YZCJGJ-YDFz8L-4xJZqW-XXGxzs-pWWLrh-8idtKm-ddx15n-BWkqqQ-qekwpF-cWNG7f-67nHwX-cWNGLY-cYZ8B9-cWNGmh-cWNmCJ-cWNFju-nFu9PT-cWNjsq-4xENQk-7vTPgW-237j87Z">Pire/Pref.Olinda/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En 2008, la République populaire de Chine (RPC) publiait son premier <em>Policy Paper</em> définissant stratégiquement ses relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes (ALC). Depuis, en l’espace d’une décennie, elle s’est affirmée comme un partenaire commercial et financier incontournable dans cette zone longtemps considérée comme l’arrière-cour de Washington. Pourtant, vus d’Europe, les intérêts et l’action de Pékin dans le sous-continent latino-américain restent encore largement méconnus, voire ignorés.</p>
<h2>Une pénétration économique et financière croissante</h2>
<p>Le volume des échanges en marchandises entre la Chine et l’ALC est passé de négligeable en 1990 à 10 milliards de US dollars en 2000, avant de s’envoler après 2008 pour atteindre 266 milliards de dollars US en 2017, selon les <a href="https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/43213/S1701250_es.pdf">chiffres de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes</a>. Soit l’équivalent du commerce de marchandises entre les États-Unis et les pays de la région.</p>
<p>Grâce aux liens commerciaux tissés avec ses partenaires latino-américains – Brésil, Argentine, Venezuela –, Pékin a sécurisé des ressources stratégiques (hydrocarbures, ressources minérales, productions alimentaires, etc.) ainsi que des matières premières pour alimenter sa consommation intérieure, tout en ouvrant de nouveaux marchés pour ses entreprises.</p>
<p>Outre le commerce, la RPC est aussi devenue un important investisseur (par le biais des investissements directs sur sites vierges et mais aussi sous forme de fusions-acquisitions) et fournisseur de capitaux sous forme de prêts pour un nombre croissant de pays de l’ALC. Elle a ainsi pratiquement doublé le montant de ses prêts à destination de ces pays à une période où le financement des banques de développement occidentales envers le sous-continent connaissait au contraire une diminution graduelle : en 2010 et en 2015, où ils atteignaient respectivement 36 et 29,1 milliards de US dollars, le montant des prêts concédés par la Chine ont dépassé ceux combinés de la Banque mondiale, de la Banque interaméricaine de développement (BID) et de la Corporation andine de développement (CAF).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/235264/original/file-20180906-190639-njnu5i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/235264/original/file-20180906-190639-njnu5i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/235264/original/file-20180906-190639-njnu5i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/235264/original/file-20180906-190639-njnu5i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/235264/original/file-20180906-190639-njnu5i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/235264/original/file-20180906-190639-njnu5i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/235264/original/file-20180906-190639-njnu5i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
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<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
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<p>L’engagement économique et financier chinois dans le sous-continent latino-américain est massif. Une politique qui offre des opportunités <a href="https://www.palgrave.com/gb/book/9783319667201">vu les intérêts croisés des deux parties</a>, qui n’est cependant <a href="https://www.palgrave.com/br/book/9781137439765">pas sans risques et défis</a>, à la fois pour la Chine – comme le montre la situation économique désastreuse du Venezuela qui laisse planer le doute quant aux capacités de Caracas d’honorer les dettes contractées auprès de la RPC – mais aussi <a href="https://www.e-elgar.com/shop/china-the-european-union-and-the-developing-world?___website=uk_warehouse">pour ses partenaires latino-américains</a>. Certains d’entre eux pourraient ainsi être confrontés au surendettement.</p>
<h2>Une vulnérabilité accrue pour les pays de la région</h2>
<p>Ce risque de surendettement ne doit pas être pris à la légère. <a href="https://www.cgdev.org/publication/examining-debt-implications-belt-and-road-initiative-policy-perspective">Une étude</a> montre en effet que 8 des 68 pays impliqués dans l’initiative BRI (Belt and Road Initiative, le nom officiel depuis 2017 de l’initiative One Belt One Road annoncée en 2013 par Xi Jinping) lancée par Pékin sont d’ores et déjà confrontés à des niveaux d’endettement insoutenables. Cette étude ne couvre malheureusement pas le cas des pays ALC. Outre les difficultés socio-économiques, il les rendrait vulnérables à d’éventuelles pressions de la part de leur créancier comme on a pu le constater ailleurs. Pékin a en effet obtenu du Sri Lanka, incapable de rembourser ses emprunts, la cession à bail pour 99 ans du port d’Hambantota !</p>
<p>Ce n’est pas le seul problème. Certaines études soulignent l’asymétrie des relations commerciales établies avec la RPC, la « primarisation » des exportations des pays latino-américains, l’accélération de la désindustrialisation dont ils pourraient être victimes du fait de la concurrence des produits chinois ou l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01436597.2012.691834">émergence possible d’un nouveau phénomène de « dépendance »</a> que ces relations économiques pourraient créer, <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-china-triangle-9780190246730?cc=be&lang=en&">pour n’en citer que quelques-uns</a>.</p>
<p>De plus, le financement inconditionnel chinois peut être détourné dans les pays d’accueil pour des gains personnels ou politiques. L’investissement et les prêts sans conditionnalité de Pékin peuvent aussi favoriser la <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/2f1b/5247360f944646bbbe8126defbc03245f0fe.pdf">mauvaise gouvernance</a>, les atteintes à l’environnement ou <a href="https://nationalinterest.org/feature/chinese-loans-hurt-south-american-us-interests-26226">perpétuer la corruption dans la région</a>, voire semer les graines d’une nouvelle crise de la dette latino-américaine – ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les populations locales.</p>
<p>Bref, une présence croissante et des relations commerciales et financières qui soulèvent bien des questions, dans un contexte où la Chine revoit ses ambitions à la hausse dans la région. Lors du premier sommet entre dirigeants chinois et de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), qui s’est tenu à Brasilia en juillet 2014, Pékin a énoncé sa volonté de faire passer le commerce Chine-ALC à 500 milliards de dollars US en 2025 et d’investir 250 milliards de dollars dans la région au cours de la prochaine décennie. En janvier 2018, Pékin a par ailleurs invité les pays latino-américains à se joindre à <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-route-de-la-soie-une-strategie-dinfluence-mondiale-de-la-chine-75084">son initiative des Routes de la Soie</a> !</p>
<h2>Une projection facilitée par la neutralité politique de Pékin</h2>
<p>La pénétration commerciale et financière chinoise s’est accompagnée d’une projection politique, facilitée par l’orientation très critique de Washington vis-à-vis de certains régimes locaux et par une politique étrangère de Pékin guidée par le principe de non-ingérence dans les affaires intérieure des États, la neutralité quant à la nature des systèmes politiques et une coopération soustraite aux formes de conditionnalité promues par les puissances occidentales et les institutions internationales qu’elles ont façonnées. Ces dernières irritent de nombreux pays.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/235260/original/file-20180906-190662-1djey3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/235260/original/file-20180906-190662-1djey3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/235260/original/file-20180906-190662-1djey3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/235260/original/file-20180906-190662-1djey3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/235260/original/file-20180906-190662-1djey3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/235260/original/file-20180906-190662-1djey3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/235260/original/file-20180906-190662-1djey3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Visite d’État en 2016 du président Xi Jinping en Équateur (ici avec son homologue Rafael Correa).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:VISITA_DE_ESTADO_-_XI_JINPING_(31072546255).jpg">Carlos Rodríguez/Andes/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Sur le plan bilatéral, Pékin a multiplié depuis Hu Jintao, avec une forte accélération sous Xi Jinping, les visites et les contacts entre hauts responsables politiques. Il a établi des relations de proximité avec les États ALC <a href="http://www.nids.mod.go.jp/english/publication/joint_research/series3/pdf/3-cover.pdf">par le biais d’accords de <em>partenariats stratégiques</em></a>. Certaines de ces relations ont atteint le plus haut niveau de la hiérarchie des « partenariats » établie par la diplomatie chinoise. C’est le cas du Brésil, du Venezuela, du Mexique, de l’Argentine, du Pérou, du Chili et de l’Équateur. L’Uruguay pourrait suivre prochainement.</p>
<p>Ces partenariats dits « compréhensifs » (complets) comprennent tous les aspects des relations bilatérales : politiques, économiques, financiers, culturels, technologiques, etc., mais aussi de sécurité. Dans le secteur militaire, les liens avec les États ALC sont encore de faible intensité mais suffisants pour éveiller l’attention, voire l’inquiétude d’observateurs à Washington. En plus des ventes d’armes à certains pays, Pékin a développé une dimension humanitaire et de <em>peacekeeping</em> en direction de la région (Haïti). Il entretient des échanges de haut niveaux réguliers avec des responsables militaires de ces pays et favorise des transferts de technologies (la Chine est par exemple l’une des principales plates-formes de développement satellitaire pour l’ALC). Un Forum multilatéral portant sur la coopération militaire logistique a aussi été mis en place.</p>
<h2>Un <em>soft power</em> efficace</h2>
<p>La RPC a consolidé ses relations politiques bilatérales par la création d’une plate-forme multilatérale : le <a href="http://www.chinacelacforum.org/eng/">Forum sur la coopération Chine-CELAC</a>. Xi Jinping l’a établi en 2014. Des consultations régulières sur les questions régionales et internationales d’intérêt mutuel sont organisées : Forum ministériel de coopération, Forum agricole, Forum de l’innovation scientifique et technologique, Business Forum, Forum des think-tanks, Forum des jeunes dirigeants politiques, Forum sur la coopération en matière d’infrastructure, Forum pour l’amitié de peuple à peuple, Forum des partis politiques.</p>
<p>En plus de cette structure, Pékin met à profit les sommets des <a href="https://theconversation.com/limportance-des-brics-ne-se-dement-pas-67349">BRICs</a> (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) pour cultiver les rapports Sud-Sud avec les pays latino-américains.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/235259/original/file-20180906-190653-1lxclti.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/235259/original/file-20180906-190653-1lxclti.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/235259/original/file-20180906-190653-1lxclti.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/235259/original/file-20180906-190653-1lxclti.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/235259/original/file-20180906-190653-1lxclti.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/235259/original/file-20180906-190653-1lxclti.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/235259/original/file-20180906-190653-1lxclti.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lors du sixième sommet des BRICs à Brasilia.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.fr/search?biw=1193&bih=627&tbs=sur%3Afmc&tbm=isch&sa=1&ei=bkaRW_jtLJGZlwTDzoawCw&q=Xi+Jinping+in+South+America&oq=Xi+Jinping+in+South+America&gs_l=img.3...20240.23781.0.24061.13.13.0.0.0.0.124.739.11j2.13.0....0...1c.1.64.img..0.1.109...0i5i30k1j0i8i30k1.0.9so3mkAYsSw#imgrc=uoSoVNUTGwLdwM:">Service de presse du Kremlin/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Enfin, la RPC a complété sa présence économique, financière et politique par l’essor d’une diplomatie publique destinée à promouvoir son <em>soft power</em> dans le sous-continent latino-américain et dans les Caraïbes. Elle est particulièrement visible à travers l’augmentation du nombre d’Instituts et de classes Confucius établis dans les pays de la région ou la <a href="http://theasiadialogue.com/2018/05/28/chinese-state-media-in-latin-america-profile-and-prospects/">présence de médias destinés à un public hispanophone</a>.</p>
<p>De plus, dans certains pays, Pékin peut utiliser le relais potentiel que constitue la présence d’une diaspora chinoise relativement ancienne. L’Amérique latine et les Caraïbes abritent en effet dans leur ensemble <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/2057150X16655077">plus de 1,8 million de Chinois d’outre-mer</a>.</p>
<p>Si on en croit l’<a href="http://www.pewglobal.org/database/indicator/24/">enquête d’opinion réalisée par l’Institut Pew au printemps 2017</a>, la RPC semble avoir réussi à diffuser une image favorable de ses activités et de sa présence multiforme croissante auprès l’opinion publique de certains pays d’ALC. C’est le cas de 61 % des personnes interrogées au Pérou, de 52 % de celles interrogées au Brésil et au Venezuela et de 51 % de celles interrogées au Chili. Ailleurs, son score est plus mitigé : 43 % de personnes favorables en Colombie et au Mexique et 41 % en Argentine.</p>
<h2>Un nouveau compétiteur géopolitique de taille</h2>
<p>Au total, loin des regards européens, la Chine est devenue en l’espace d’une décennie un acteur dont on ne peut ignorer les activités et l’influence croissante dans le sous-continent latino-américain et les Caraïbes, même si sa présence multiforme actuelle suscite des questions et se heurte à des limites.</p>
<p>Certains y voient l’entrée en lice d’un compétiteur géopolitique de taille notamment pour Washington, alors que d’autres considèrent que ce type d’inquiétude est surestimé au stade actuel, signalant au contraire les importants obstacles auxquels les ambitions chinoises sont confrontées sur le continent.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, il n’en s’agit pas moins d’une transformation majeure des relations internationales. Cette pénétration chinoise est un phénomène encore en cours et ses conséquences économiques, financières, <a href="https://orbi.uliege.be/handle/2268/227541">normatives</a>, <a href="https://www.raco.cat/index.php/RevistaCIDOB">politiques et géopolitiques</a>, voire sociétales et environnementales au long cours, tant pour les sociétés locales que pour les partenaires plus traditionnels des États du sous-continent latino-américain, restent aujourd’hui autant de questions ouvertes à discussion.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs de cet article organisent un <a href="http://msh.ulb.ac.be/agenda/colloque-chine-amerique-latine-et-caraibes-bilan-et-perspectives/">colloque à l’Université libre de Bruxelles</a> le 30 novembre 2018, : une quinzaine d’experts internationaux y feront le point sur ces questions.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis, en l’espace d’une décennie, la Chine s’est affirmée comme un partenaire commercial et financier incontournable dans cette zone longtemps considérée comme l’arrière-cour de Washington.Thierry Kellner, Chargé de cours (politique étrangère de la Chine), Université Libre de Bruxelles (ULB)Sophie Wintgens, Chargée de recherches du F.R.S.-FNRS en Relations internationales, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/973482018-06-05T19:18:12Z2018-06-05T19:18:12ZLa génération « Windrush » : un dommage collatéral de la politique britannique de dissuasion migratoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/221725/original/file-20180605-119885-1c1skyq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C6%2C2032%2C1526&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des gilets de sauvetage pour rappeler les naufragés en Méditerranée et protester contre la politique migratoire restrictive de Londres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/howardlake/37895084052/in/photolist-ZJEdf9-5L66fv-WuQKtZ-VqfftC-Y34b8z-21s2dxE-24D117J-QZMXVJ-GPiV24-VsWxrc-24RDfGy-sdhLfW-853MMq-bEo95i-bs7bjB-6syGJd-bEoobc-7ZCGNm-7Uf3BW-wx95M-eaQAqs-9wej6u-ypH6Kq-ddASVA-agweAg-Skc3Xn-8k2qvk-86ifx1-agwbFx-agyZjE-aHDwht-7CxRkg-ddATCJ-dmXPuC-qMjWcu-ddARUM-dmXLhx-bMrNcK-dmXLug-dmXNMN-agQWa2-csEsPj-nggsHv-pdj86r-brhFSE-agwfkM-qLcTn8-SgT9Gx-zkF6s9-neh83C">Howard Lake/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>60 000 personnes de la génération « Windrush », du nom de ce bateau qui a accosté à Tilbury en 1948 menacées d’expulsion… Venus participer à l’effort de reconstruction de l’après-guerre, ces citoyens britanniques en provenance des Caraïbes anglaises doivent aujourd’hui apporter la preuve de leur citoyenneté ou de résidence <a href="https://www.bbc.com/news/uk-43795077">sous peine d’être expulsés</a>.</p>
<p>Le Home Office, ministère de l’intérieur britannique, ne s’est pas encombré, à l’époque, de leur donner des papiers prouvant leur nationalité. En l’absence de ce type de documents aujourd’hui, leurs comptes en banque ont été bloqués, leur accès aux soins médicaux interdit et ils se sont vus menacés d’expulsion depuis 2014 et l’introduction de la nouvelle loi sur l’immigration (Immigration Act 2014). La carte d’identité n’existant pas au Royaume-Uni, ces personnes, souvent d’origine modeste, n’ont jamais fait de demande de passeport pour voyager à l’étranger.</p>
<h2>Environnement hostile et délation</h2>
<p>Mais au-delà de cette situation ubuesque pour des personnes ayant contribué à l’essor économique de la Grande-Bretagne, la Génération Windrush est en réalité un dommage collatéral d’une politique qu’on peut appeler de « dissuasion migratoire ». Alors même que Theresa May était ministre de l’Intérieur de 2010 à 2016, elle a mis en place une politique d’« environnement hostile » visant à casser l’image auprès des immigrés et réfugiés d’un Royaume-Uni perçu comme une terre d’immigration.</p>
<p>Tous les segments de la société anglaise ont été mobilisés pour dénoncer à l’État les immigrés irréguliers sur le territoire. Les hôpitaux, les écoles, les universités, les municipalités et employeurs sont fortement incités à faire de la délation. Par exemple, les universités doivent apporter le preuve que les personnes qu’elles rémunèrent ont le droit de travailler légalement au Royaume-Uni. Le gouvernement a également affiché l’objectif de diminuer par deux les visas délivrés aux étudiants étrangers.</p>
<h2>Objectif 100 000</h2>
<p>Forcée de démissionner après avoir affirmé, à tort, devant une commission parlementaire, que son ministère n’avait pas d’objectifs chiffrés d’expulsion, la ministre de l’Intérieur Amber Rudd n’est donc qu’un bouc-émissaire pour Theresa May.</p>
<p>Depuis le référendum du Brexit, son gouvernement a accéléré cette politique d’environnement hostile. L’objectif affiché par May a toujours été de réduire l’immigration annuelle nette à 100 000 individus par an : en <a href="https://www.migrationwatchuk.org/statistics-net-migration-statistics">septembre 2017, ce chiffre était de 244 000</a>]. La politique d’asile britannique est également parmi les moins généreuses d’Europe avec seulement 14,767 demandes d’asile acceptées en 2018 par le Home Office, contre <a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Statistiques/Essentiel-de-l-immigration/Chiffres-clefs/LES-DEMANDES-D-ASILE-STATISTIQUES">32 011</a> en France.</p>
<h2>La contribution économique des migrants</h2>
<p>Les partisans d’une sortie de l’Union européenne ont surfé sur une vague eurosceptique associée à l’idée d’un trop plein d’immigrés. En quittant l’UE, ont-ils promis, le Royaume-Uni retrouverait enfin sa souveraineté sur les questions migratoires. Ceci est faux pour plusieurs raisons.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221726/original/file-20180605-119867-jhd1xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221726/original/file-20180605-119867-jhd1xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221726/original/file-20180605-119867-jhd1xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221726/original/file-20180605-119867-jhd1xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221726/original/file-20180605-119867-jhd1xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221726/original/file-20180605-119867-jhd1xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221726/original/file-20180605-119867-jhd1xy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le premier ministre britannique, Theresa May (en septembre 2017).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/cd/Theresa_May_%28Sept_2017%29.jpg/512px-Theresa_May_%28Sept_2017%29.jpg">Annika Haas/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tout d’abord, le Royaume-Uni a bénéficié d’une <a href="https://theconversation.com/brexit-shocking-isnt-it-54877">position privilégiée au sein de l’UE</a> qui lui a permis, de décider souverainement quelle législation européenne il souhaitait mettre en œuvre. Ce sont les fameux mécanismes d’opt-outs décidés lors du traité d’Amsterdam et de Lisbonne. Ainsi, bien qu’ayant pris part à certaines mesures européennes en matière d’immigration irrégulière et d’asile, le Royaume-Uni est bien resté maître de sa politique d’immigration légale et du contrôle de ses frontières.</p>
<p>Ensuite, lors de l’élargissement de 2004, le Royaume-Uni a décidé de son plein gré d’ouvrir les portes de son marché du travail aux nouveaux citoyens européens de l’Est. Contrairement à la France et l’Allemagne qui ont mis en place une période transitoire de sept ans avant que les Européens de l’Est ne puisse venir travailler chez eux, le Royaume-Uni, tout comme la Suède et l’Irlande, les a accueillis.</p>
<p>Ayant besoin de main d’œuvre, ces immigrés européens ont participé au boom de l’économie britannique. Selon une étude de l’<a href="https://www.ucl.ac.uk/news/news-articles/1114/051114-economic-impact-EU-immigration/">université britannique UCL</a>, les immigrants européens arrivés au Royaume-Uni entre 2000 et 2011 ont contribué à hauteur de 20 milliards de livres sterling (22,75 milliards d’euros) aux finances britanniques.</p>
<h2>« Little Britain » a besoin d’immigrés</h2>
<p>Dans le contexte du Brexit, où le gouvernement promet à ses citoyens que le Royaume-Uni redeviendra une puissance globale, l’immigration est plus que nécessaire et la politique d’environnement hostile est contre-productive.</p>
<p>L’économie britannique a besoin d’immigration, en particulier dans le secteur de la santé. Or la délivrance de 400 visas pour du personnel médical en provenance notamment de pays situés hors de l’Espace économique européen est actuellement bloquée par le Home Office, pénalisant d’autant le National Health Service dans ses missions de soin.</p>
<p>Par ailleurs, de nombreux Européens boudent le Royaume-Uni du fait de l’incertitude qui règne à propos de leur futur statut après le Brexit. La politique de dissuasion migratoire mise en œuvre par Theresa May, mise en lumière par l’affaire Windrush, ne va guère les rassurer. Au lieu d’œuvrer en faveur du projet de « Global Britain », qui projetterait le Royaume-Uni au sein d’un monde globalisé, les conservateurs britanniques semblent davantage travailler à la mise en place d’une « Little Britain » par le biais d’une politique migratoire étriquée et, à bien des égards, surréaliste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Wolff a reçu des financements de Leverhulme Trust, Fulbright-Schuman, Queen Mary University of London. Elle est également Senior Research Associate Fellow at the Netherlands Institute for International Relations (Clingendael)</span></em></p>Dans le contexte du Brexit, l’immigration est plus que jamais nécessaire au Royaume-Uni, où la politique d’environnement hostile déployée par le gouvernement apparaît contre-productive.Sarah Wolff, Lecturer, School of Politics and International Relations, Queen Mary University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/699322016-12-14T21:32:42Z2016-12-14T21:32:42ZLe Vaudou, miroir des luttes politiques haïtiennes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/149287/original/image-20161208-31405-d5c2kz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans une rue de Port au Prince en 2004.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://it.wikipedia.org/wiki/Colpo_di_Stato_di_Haiti_del_2004#/media/File:Port-au-Prince_med.jpg">Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p><em>Partenaire du Forum « Guerre et politique », organisé à Paris le mois dernier par l’Université d’Auvergne et l’EHESS, The Conversation France publie toute cette semaine une série de textes issus de ces travaux qui mettent en perspective les nouveaux visages de la guerre.</em></p>
<p>Le vaudou haïtien n’est pas uniquement un fait religieux. Il est associé à la lutte d’indépendance et à l’identité historique et culturelle d’Haïti. À ce titre, il est un symbole tantôt honoré, tantôt stigmatisé comme cause de sous-développement et vestige obscurantiste, voire satanique. Pratiqué mais souvent renié par les élites locales, diabolisé par les Occidentaux jusqu’à récemment, le vaudou est le miroir d’une lutte politique commencée en 1791 lors de l’insurrection anticoloniale. Il est paradoxalement à la fois l’allégorie des fractures sociales haïtiennes qui plongent le pays dans des crises récurrentes, et un rempart culturel aux tentatives d’ingérence politique extérieure.</p>
<h2>Un climat de conflit permanent</h2>
<p>Si l’histoire d’Haïti ne se résume pas à celles des coups d’État et des révoltes populaires, force est de constater que l’arène politique au sens large y est souvent tumultueuse. Mais au-delà d’un résumé des crises et des régimes despotiques, Haïti n’a finalement pas connu de longue guerre civile au XX<sup>e</sup> siècle. L’épisode de celle qui a précipité et accompagné le second exil de Jean-Bertrand Aristide en 2004 aura duré 5 mois en tout et pour tout, de septembre 2003 à février 2004.</p>
<p>La permanence de cette situation de tension depuis les tous premiers moments de l’Indépendance invite à se demander si derrière ces éruptions ponctuelles de violence ne se cache pas un climat de conflit permanent. Ce dernier n’emprunte pas la forme d’une lutte armée ouverte entre factions mais plutôt celle d’une guerre civile dont les prémisses ont été posées par le système colonial et perpétuées par les présidences qui se sont succédées après la guerre d’Indépendance de 1791 à 1804.</p>
<p>Le système esclavagiste était basé sur une double distinction de classe et de race, dans lequel la seconde prédominait sur la première : un esclave affranchi et devenu propriétaire terrien restait socialement inférieur à un propriétaire blanc. Arrivés au pouvoir après la guerre d’Indépendance, les nouveaux dirigeants, noirs et mulâtres, anciens esclaves ou nés libres, ont perpétué un système dans lequel ils trouvaient finalement leur compte.</p>
<p>La conséquence aujourd’hui est la distinction qui subsiste entre noirs et métis, distinction qui, manipulée par les dirigeants successifs, est devenue presque équivalente à celle entre « peuple » et élites, bien que cela ne se vérifie pas avec une telle rigueur dans les faits.</p>
<h2>Un symbole de résistance</h2>
<p>De cette hiérarchisation stylisée de la société haïtienne découle une typologie simple mais, semble-t-il, assez largement acceptée comme un lieu commun : le « peuple noir » serait plus proche de l’héritage culturel africain, tandis que les « élites mulâtres » seraient nécessairement orientées vers l’Occident comme modèle culturel. Bien que trompeur comme toutes les simplifications abusives, ce filtre a néanmoins servi d’instrument de manipulation politique, que ce soit dans une veine élitiste ou populiste – qui finalement tendent souvent à se confondre en une même stratégie.</p>
<p>Associé étroitement à cette distinction, le vaudou est une religion syncrétique issue de la rencontre des croyances animistes et du catholicisme, mais née parmi les esclaves. Souvent réprimé tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle et jusqu’à la présidence des Duvalier à partir de 1957, le vaudou fait figure de symbole de la résistance à l’imposition forcée de la culture européenne. La révolution haïtienne de 1791 a commencé par une cérémonie vaudou.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149285/original/image-20161208-31364-8pankg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149285/original/image-20161208-31364-8pankg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149285/original/image-20161208-31364-8pankg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149285/original/image-20161208-31364-8pankg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149285/original/image-20161208-31364-8pankg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149285/original/image-20161208-31364-8pankg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149285/original/image-20161208-31364-8pankg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean-Claude Duvalier, dit « Baby Doc » (ici en 2011).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/59/Baby_Doc.jpg/640px-Baby_Doc.jpg">Marcello Casal Jr/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Cette part de la culture haïtienne a été considérée comme une pensée « sauvage » selon les termes des chroniqueurs du XVIII<sup>e</sup> siècle, ou un obstacle au développement à l’époque contemporaine, ou encore à une pratique satanique par les Églises évangéliques d’origine américaine. Renvoyer le vaudou à ces différents statuts est une autre manière de remettre en cause le bien-fondé de l’émancipation haïtienne vis-à-vis de la tutelle coloniale d’hier ou de la sphère d’influence occidentale et en particulier américaine aujourd’hui.</p>
<h2>Une religion officielle depuis 2003</h2>
<p>Analyser la manière dont cet élément culturel central, en tant qu’univers symbolique commun aux Haïtiens de toutes les confessions religieuses, dépasse le cadre d’une religion particulière et influence largement les interactions sociales, permet de décrypter les tensions qui s’accumulent dans la société jusqu’à générer des crises politiques de grande envergure, éclatant parfois en de véritables guerres civiles.</p>
<p>Né durant l’esclavage, le vaudou est un emprunt de problématiques liées à ses origines : les sorciers peuvent voler et vendre des âmes, suscitant une peur réelle parmi la majorité d’Haïtiens croyant au surnaturel. Ces croyances ont permis une manipulation du vaudou comme outil de répression politique. Duvalier père en a particulièrement fait usage afin de s’attirer les votes populaires dans le cadre du « noirisme » –- une forme de populisme totalitaire – par opposition à l’élite économico-politique mulâtre à laquelle il prétendait s’opposer. Jean-Bertrand Aristide fera de même en reconnaissant le vaudou comme une des religions officielles d’Haïti en 2003.</p>
<p>Manipulé à l’intérieur du pays, le vaudou est également attaqué de l’extérieur comme un archaïsme dont il conviendrait de débarrasser la société haïtienne. Cette approche est, en particulier, le fait des États-Unis depuis l’occupation de 1915. Depuis cette époque, les Églises évangéliques américaines se sont données pour mission de concurrencer voire d’extirper la pratique du vaudou, stigmatisant les vaudouisants et dénonçant cet héritage africain préservé par les esclaves fondateurs de la première République noire de l’Histoire.</p>
<h2>Un rempart aux forces centrifuges</h2>
<p>Instiller la honte d’une spécificité culturelle unique semble un procédé efficace pour amener une nation à accepter de s’acculturer à un modèle dominant. Toutefois, et malgré l’influence indéniable des États-Unis dans sa vie politique et économique, Haïti a témoigné de son ancrage africain en demandant à s’intégrer à l’Union africaine en 2012, signe que l’américanisation d’Haïti est loin d’être un processus inévitable.</p>
<p>L’identité culturelle forte d’Haïti agit donc encore comme un rempart aux multiples forces centrifuges menaçant constamment la cohésion de la société haïtienne. Cette situation explique certainement la permanence de conflits limités, au lieu de véritables guerres civiles, dans un pays pourtant soumis à des tensions considérables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69932/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Rossignol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tantôt honoré, tantôt stigmatisé comme cause de sous-développement, le vaudou est à la fois l’allégorie des fractures sociales et un rempart culturel aux tentatives d’ingérence politique extérieure.Raphaël Rossignol, docteur du Centre d’études de la Chine moderne et contemporaine, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/652682016-09-19T04:43:03Z2016-09-19T04:43:03ZLes noirs et leurs cheveux : démêler le vrai du faux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/137417/original/image-20160912-19237-1iz9kv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des coiffures et des textures qui font l
’objet de nombreux préjugés. </span> <span class="attribution"><span class="source">Thomas Mukoya/Reuters</span></span></figcaption></figure><p>« Tes cheveux ressemblent à des poils pubiens ». Voilà une des premières insultes que j’ai entendues à propos de mes cheveux, proférée par une étudiante en première année avec qui j’étais à la fac. Elle ne cessait de me harceler en touchant mes cheveux et en répétant cette phrase à qui voulait l’entendre. J’ai été obligée de la menacer physiquement pour qu’elle arrête de toucher mes cheveux et de les comparer à des poils pubiens.</p>
<p>C’est un dilemme très courant pour les noirs, dès le plus jeune âge : est-ce que je laisse les gens toucher mes cheveux ? Et dans quelles conditions ? La question « Je peux toucher ? » devient assez rapidement synonyme de situations socialement gênantes, qui peuvent briser une relation amicale avant même qu’elle ait eu le temps de commencer.</p>
<h2>Le destin de l’afro</h2>
<p>La question de la texture des cheveux des noirs (de grâce, ne dites pas « ethniques ») ne date pas d’hier. Au temps de l’esclavage, les femmes blanches <a href="https://books.google.co.za/books?id=Q-DsCwAAQBAJ&pg=PP39">coupaient souvent les cheveux</a> de leurs esclaves femmes, sous prétexte que cela <a href="http://blackgirllonghair.com/2014/07/shocking-history-why-women-of-color-in-the-1800s-were-banned-from-wearing-their-hair-in-public/">« troublait l’homme blanc »</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, les femmes noires aux cheveux afro naturels – c’est-à-dire non traités avec des produits chimiques – sont tout ce qu’il y a de plus désirables, contrairement aux idées reçues. Voyez par exemple l’immense popularité de l’actrice <a href="http://www.vogue.com/13336021/lupita-nyongo-october-2015-cover/">Lupita Nyong’o</a>, une femme noire qui assume son afro.</p>
<p>Il ne s’agit pas là d’une simple tendance, d’un banal effet de mode : les cheveux des femmes noires ont toujours fasciné les artistes et les photographes ; leur chevelure est symboliquement liée à des mouvements politiques radicaux, comme les <a href="http://allblackmedia.com/what-happened-to-the-natural-hair-movement-of-the-60s-and-70s/">Black Panthers</a> ou le <a href="http://www.sahistory.org.za/topic/defining-black-consciousness">« Mouvement de conscience noire »</a> en Afrique du Sud. Il semble donc pour le moins paradoxal que l’on demande aux jeunes femmes du lycée de Pretoria de « discipliner » leurs cheveux en les <a href="http://www.timeslive.co.za/local/2016/08/29/Pretoria-High-School-for-Girls-faces-fury-after-black-pupils-told-to-%E2%80%98straighten-hair%E2%80%99">lissant</a>.</p>
<h2>Entre peur et désir</h2>
<p>En réalité, il n’y a rien là de contradictoire, tant le désir et la peur se nourrissent l’un l’autre. Dans le documentaire produit par Chris Rock, qui en est aussi la voix off, <em>Good Hair</em>, le comédien Paul Mooney le dit tout de go : « Si tes cheveux sont lisses, les blancs restent « peace ». Mais si tu gardes ton afro, pour eux c’est trop affreux » (« If your hair is relaxed, white people are relaxed. If your hair is nappy, they are not happy »).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1m-4qxz08So?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La bande annonce de <em>Good Hair</em>, un documentaire de Chris Rock</span></figcaption>
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<p>Il y a dans cette petite phrase bien plus qu’un trait d’esprit. Mooney souligne en réalité le fait que l’afro est inévitablement associée à une notion qui, selon lui, semble sans cesse échapper aux blancs : le bonheur. Car lorsque vous gardez vos cheveux naturels, vous êtes libre ; vos cheveux sont sauvages ; vous pouvez arborer une nouvelle coiffure tous les jours ; vous rayonnez ; vous êtes majestueux. Autant de choses qui sont hors de portée de la plupart des gens, ce qui les rend malheureux.</p>
<p>L’afro pose aussi la question du conformisme. Le choix de laisser ses cheveux « en liberté », de ne pas les peigner, revient à les laisser exprimer leur personnalité plutôt que de ressembler à toutes les autres tignasses. Cela peut aussi frustrer certaines personnes.</p>
<p>Je généralise volontairement, je ne parle pas que des blancs, car les préjugés au sujet des cheveux des noirs sont également diffusés par les noirs eux-mêmes. En réalité, je dirais que la plupart des blancs ne savent rien du tout au sujet des cheveux des noirs, et qu’ils tiennent la plupart de leurs idées reçues des noirs eux-mêmes.</p>
<h2>Une histoire de mythes</h2>
<p>Il faut mettre au jour deux préjugés principaux pour comprendre ce qui peut motiver la directrice du lycée pour filles de Pretoria quand elle cherche à discipliner les cheveux des filles.</p>
<p>Le premier préjugé, c’est que la coupe afro est « sale ». Le deuxième, c’est que les cheveux des noirs poussent trop vite ou ne poussent pas du tout (d’où cette obsession pour la longueur des cheveux, les extensions, les dreadlocks).</p>
<p>Beaucoup de femmes et d’hommes noirs qui portent des tresses et lissent leurs cheveux expliquent leur choix en disant que leurs cheveux sont « ingérables » ou que leurs cheveux sont « sales » au naturel. Certains vont même jusqu’à avancer une preuve sous forme d’anecdote : quand Bob Marley est mort, on aurait retrouvé 47 types de poux différents dans ses cheveux. Ce sont là des légendes urbaines de la pire espèce, qui perpétuent l’idée selon laquelle seuls les cheveux des noirs attirent les poux ou autres vermines, ce qui est une <a href="https://youtu.be/dN5DXQMxWCY">aberration scientifique</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/136051/original/image-20160831-29099-76sed3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136051/original/image-20160831-29099-76sed3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136051/original/image-20160831-29099-76sed3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136051/original/image-20160831-29099-76sed3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136051/original/image-20160831-29099-76sed3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136051/original/image-20160831-29099-76sed3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136051/original/image-20160831-29099-76sed3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136051/original/image-20160831-29099-76sed3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les cheveux de Bob ont fait le nid de nombreux mythes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ce mythe trouve son origine dans les images de ceux que les soldats britanniques appelaient péjorativement les « fuzzy-wuzzy », des insurgés de la guerre du Soudan qui <a href="http://www.blackpast.org/gah/mahdist-revolution-1881-1898">défendaient le Mahdi</a>. C’est cette guerre (1881–1899) qui a popularisé l’image de la coupe « afro sauvage » que les gens associent systématiquement aux cheveux des noirs.
C’est une image trompeuse, qui laisse entendre que les soldats soudanais ne se coiffaient pas et ne se lavaient pas les cheveux, dans la mesure où sur les images, ils ont souvent l’air hirsutes. C’est pourtant tout le contraire. Sur tout le continent africain, les techniques de coiffage sont aussi variées que les coiffures qu’elles permettent de réaliser.</p>
<p>La coupe « afro » ne représente pas du tout la coupe standard de l’Africain. C’est juste une des centaines de façons d’entretenir des cheveux crépus. Par ailleurs, quand un(e) noir(e) décide de se faire des dreadlocks (des tresses « rasta »), pas besoin de salir ses cheveux pour que les mèches s’agglomèrent. Quand les cheveux ne sont ni peignés ni brossés, les dreadlocks se forment toutes seules, et ce, sur tous les types de cheveux.</p>
<p>L’association des dreadlocks et de la saleté vient en partie des Caraïbes, où est née le <a href="http://www.bbc.co.uk/religion/religions/rastafari/">mouvement rastafari</a>. Mais là aussi, on a fait un raccourci : on croit que les dreadlocks viennent des Rastas. Or, les rastafariens se sont inspirés de l’Afrique pour leurs dreadlocks. Plus précisément, le concept des cheveux emmêlés est arrivé dans les Caraïbes par le biais d’images de soldats éthiopiens qui combattaient l’<a href="https://global.britannica.com/event/Italo-Ethiopian-War-1935-1936">invasion italienne</a>, qui débuta en 1935. Ils firent le vœu – prenant exemple sur Samson, dans la Bible – de ne plus se couper les cheveux jusqu’à ce que leur pays soit libéré et leur empereur (Ras Tafari Makonnen, appelé aussi Haile Selasssie) revenu d’exil.</p>
<p>Avant la guerre, les élites éthiopiennes arboraient des afros très soignées. La seule conclusion que nous puissions tirer de ce coup d’œil dans le rétroviseur, c’est qu’il n’y a que pendant la guerre ou sous le joug colonialiste que les noirs étaient mal coiffés. En temps de paix, les coiffeurs et les barbiers faisaient leur boulot et leurs cheveux étaient superbes.</p>
<h2>Discipliner les cheveux des noirs</h2>
<p>Les mythes autour de la longueur des cheveux des noirs sont aussi nombreux que les mythes sur leur supposée « saleté ». Ce préjugé vient en fait d’un problème de mesure. Les cheveux africains sont crépus au naturel ; pour mesurer leur longueur, il faudrait les « dérouler ». C’est pourquoi toutes les règles et autres limitations au sujet de leur longueur sont dénuées de sens.</p>
<p>Comment connaître – sans les dérouler – la longueur des cheveux d’un(e) noir(e) ? Chez telle personne, les cheveux auront l’air courts à cause d’une coiffure qui réduit le volume apparent, tandis que chez telle autre, les cheveux sembleront très longs – là encore, une illusion due à sa coiffure.</p>
<p>L’idée que les cheveux des noirs devraient être coupés ou disciplinés, portés à une certaine longueur, est en réalité une preuve d’ignorance crasse. Les cheveux des noirs ne poussent pas de la même façon en fonction des personnes.</p>
<p>Le lycée pour filles de Pretoria n’est pas la première institution à tenter de discipliner les cheveux des noirs. Dans un article paru dans le <em>New York Times</em>, intitulé <a href="http://www.nytimes.com/2014/05/01/opinion/when-black-hair-is-against-the-rules.html">« Quand les cheveux des noirs sont hors-la-loi »</a>, Ayana Byrd et Lori L. Tharps – auteures de <em>Hair Story: Untangling the Roots of Black Hair in America</em> – ripostaient à la parution de règles dans l’armée américaine visant à réguler la coiffure des soldats. Ces règles interdisaient les tresses multiples, les cheveux emmêlés et les torsades – autant de références aux cheveux africains naturels et aux coupes de cheveux que les noirs aiment porter.</p>
<h2>Quel « sens commun » ?</h2>
<p>Les institutions conservatrices – écoles, armées, corporations, etc. – ont évidemment le droit de prescrire un code vestimentaire. Cependant, ce code ne devrait pas s’appuyer sur des connaissances partielles. Ce genre d’institution ne peut pas se fier au « sens commun » pour fixer de telles règles, mais devrait plutôt s’interroger sur le sens de ces interdictions en se référant à la culture et à l’histoire.</p>
<p>Car quand il est question des cheveux des noirs, le sens commun n'a aucune valeur : les noirs eux-mêmes ne cessent de changer d’avis au sujet de ce qu’ils ont envie de faire de leurs cheveux. En véritable expression de notre culture, nos cheveux sont aussi malléables et flexibles que nos idées et nos inspirations esthétiques.</p>
<p>Essayer de fixer ce mode d’expression, de lui imposer des règles, c’est renier aux noirs ce que l’historien sénégalais <a href="http://www.centerformaat.com/files/African_Origin_of_Civilization_Complete.pdf">Cheikh Anta Diop nommait</a> notre « conscience prométhéenne ». En tant que noirs, nos cheveux expriment les possibilités infinies qui émanent de cette conscience créative et audacieuse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hlonipha Mokoena ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De l’esclavage au colonialisme, en passant par les lycées d’Afrique du Sud, la coiffure des noirs est scrutée, critiquée, disciplinée. Une question bien moins superficielle qu’il n’y paraît.Hlonipha Mokoena, Associate Professor at the Wits Institute for Social & Economic Research, University of the WitwatersrandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/629442016-07-24T21:19:52Z2016-07-24T21:19:52ZLes petites îles tropicales, premières nations 100 % énergies renouvelables ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/131693/original/image-20160724-26848-1dnclsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Juanjo Tugores/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Il a beaucoup été question ces derniers mois, à la suite de la COP21, de <a href="https://theconversation.com/lurgence-a-sadapter-redessine-la-lutte-contre-le-changement-climatique-60877">l’urgence climatique</a>, et les grands de ce monde ont promis d’agir. Mais il se pourrait bien qu’ils se fassent damer le pion par de petites îles tropicales, riches en vent et en soleil, et qui ne se trouvent pas plombées par des centrales électriques dépassées qu’il faut continuer à exploiter. De petits pays qui figurent également parmi les plus <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ckMVASFRxUk">vulnérables</a> face aux changements climatiques.</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que sur les <a href="http://www.cop21.gouv.fr/le-point-sur-le-processus-de-ratification/">15 États</a> à ratifier totalement l’accord de Paris, le jour même de sa signature officielle à New York en avril 2016, 13 sont des <a href="https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXVII-7-d&chapter=27&lang=en">îles tropicales</a>.</p>
<p>Dans toute la Caraïbe, le développement d’un secteur énergétique durable est tout à fait remarquable. L’expertise croissante dans le domaine des <a href="http://www.cavehill.uwi.edu/cermes/home.aspx">renouvelables</a>, du changement climatique ou de la <a href="http://www.uwi.edu/drrc/">résilience</a>, de même que des travaux de recherche comme ceux conduits sur le <a href="http://www.barbadosenergy.org/wp-content/uploads/2015/03/Renewable-Barbados.pdf">secteur de l’énergie à la Barbade</a>, démontrent la relative facilité avec laquelle ces petits États pourraient accomplir leur transition énergétique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/126745/original/image-20160615-14027-1ejdq7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/126745/original/image-20160615-14027-1ejdq7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/126745/original/image-20160615-14027-1ejdq7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/126745/original/image-20160615-14027-1ejdq7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/126745/original/image-20160615-14027-1ejdq7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/126745/original/image-20160615-14027-1ejdq7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/126745/original/image-20160615-14027-1ejdq7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/126745/original/image-20160615-14027-1ejdq7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À la Barbade, sur le campus de l’université des Antilles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tom Rogers</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Des évolutions similaires s’observent ailleurs dans les tropiques, comme à <a href="https://carbonwarroom.com/sites/default/files/reports/CWR_SGP_Download_singless.pdf">Aruba</a>, aux Seychelles, à l’île Maurice et dans les <a href="https://www.irena.org/DocumentDownloads/Publications/Pacific-Lighthouse-Roadmapping.pdf">îles du Pacifique</a>. Cette transition énergétique pourrait ne prendre que quelques années dans ces pays, quand le processus risque de prendre beaucoup plus de temps – des décennies – pour les pays industrialisés.</p>
<h2>Durables sous le soleil</h2>
<p>Dans les petites îles, le prix de l’électricité est en général <a href="http://blogs.iadb.org/caribbean-dev-trends/2013/11/14/the-caribbean-has-some-of-the-worlds-highest-energy-costs-now-is-the-time-to-transform-the-regions-energy-market">très élevé</a>. Si elles ne possèdent pas de réserves conséquentes de pétrole ou de charbon (ce qui est souvent le cas), elles doivent donc importer leur énergie et se retrouvent ainsi dépendantes de coûteuses et polluantes énergies fossiles. Ceci constitue un très lourd fardeau économique.</p>
<p>Mais les Caraibéens étant réputés pour leur optimisme, cette situation de dépendance énergétique pourrait bien les inciter à faire le saut en faveur d’un système énergétique 100 % renouvelable ; ceci constituerait une authentique prouesse étant donné que la plupart de ces États ne tirent leur énergie que des ressources fossiles.</p>
<p>Le système énergétique d’un pays comprend en général des centrales permettant d’assurer une production d’électricité continue (de base) et d’autres pouvant répondre aux fluctuations de consommation. La production de base n’est pas réactive, mais bon marché. Elle est assurée par des centrales nucléaires ou à charbon ainsi que des turbines à gaz à cycle combiné. Les centrales mobilisées pour les pics de consommation peuvent s’ajuster rapidement en fonction de la demande. Les centrales hydroélectriques, les turbines à gaz et les moteurs diesel à faible vitesse peuvent rendre de tels services.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/126737/original/image-20160615-14048-1pzfvsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/126737/original/image-20160615-14048-1pzfvsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/126737/original/image-20160615-14048-1pzfvsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/126737/original/image-20160615-14048-1pzfvsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/126737/original/image-20160615-14048-1pzfvsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/126737/original/image-20160615-14048-1pzfvsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/126737/original/image-20160615-14048-1pzfvsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/126737/original/image-20160615-14048-1pzfvsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Saint-Martin aux Antilles importe du gazole puis le transforme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Steve Heap/Shutterstock</span></span>
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<p>Les petites îles produisent presque toute leur électricité de ces moteurs diesel à faible vitesse, qui peuvent tout à fait fonctionner comme soutien à la production non continue de l’électricité via l’<a href="http://www.blpc.com.bb/images/watts-new/Barbados%20Wind%20and%20Solar%20Integration%20Study%20-%20Exec%20Summary.pdf">éolien et le solaire</a>, jusqu’à ce qu’une solution de stockage soit trouvée, grâce à des centrales hydro-électriques à réservoir, par exemple.</p>
<p>À l’inverse, les grands pays industriels <a href="http://www.umweltrat.de/SharedDocs/Downloads/EN/02_Special_Reports/2011_10_Special_Report_Pathways_renewables.pdf?__blob=publicationFile">sont tenus</a> par leurs centrales nucléaires ou à charbon qu’ils vont devoir exploiter pendant des années. Les systèmes énergétiques des petites îles ont donc des avantages à la fois techniques et économiques.</p>
<p>La présence des alizés constitue une véritable aubaine pour de nombreuses petites îles. Durant son cycle de vie, un système photovoltaïque situé dans les tropiques pourra ainsi produire <a href="http://brea.bb/resource-center/">50 % d’électricité en plus</a> qu’un système identique installé en Europe ou en Amérique du Nord.</p>
<p>Les côtes de ces îles exposées aux vents sont, la plupart du temps, rurales et connaissent des régimes de vent très favorables ; loin des touristes, ces zones sont décrites par les experts de l’éolien comme de véritables <a href="http://www.barbadosenergy.org/wp-content/uploads/2015/03/Renewable-Barbados.pdf">plateformes offshore</a>. L’installation d’éoliennes conçues pour alimenter le réseau public dans ces régions pourrait également redynamiser un secteur agricole qui souffre de la baisse des exportations du sucre de cane.</p>
<p>L’électricité ne constitue, bien sûr, qu’une partie des besoins énergétiques d’un pays. Sur les petites îles, <a href="http://www.worldwatch.org/cserms/baseline-report">50 % de l’énergie</a> peut être nécessaire aux transports, mais ces pays ont aussi une carte à jouer dans le domaine de la mobilité électrique.</p>
<p>Compte tenu des prix très élevés à la pompe – tout le pétrole étant importé – et de la relative petitesse des trajets sur ces îles, les conditions sont donc idéales pour une flotte de véhicules électriques. À la Barbade, <a href="http://www.megapower365.com">4 % des ventes</a> de véhicules neufs concernent désormais l’électrique – une part il est vrai encore modeste, mais déjà bien supérieure à ce que l’on observe aux États-Unis, en Chine ou <a href="https://theconversation.com/le-bon-scenario-pour-booster-les-ventes-de-voitures-electriques-61789">en France</a>.</p>
<p>Les petites îles possèdent, on l’a vu, un véritable potentiel pour passer aux énergies renouvelables. La Barbade, l’un des premiers États à ratifier l’accord de Paris, célébrera bientôt <a href="http://atlas-caraibe.certic.unicaen.fr/fr/page-167.html">le cinquantenaire</a> de son indépendance. Et quelle meilleure façon de fêter cet anniversaire que d’établir un plan pour une énergie <a href="http://brea.bb/">100 % renouvelable</a>, garantissant son autonomie énergétique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62944/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tom Rogers est membre de la Barbados Renewable Energy Association.</span></em></p>Très vulnérables face aux changements climatiques, ces territoires ont tout intérêt à adopter des systèmes énergétiques durables. Une transition pour laquelle ils possèdent déjà de nombreux atouts.Tom Rogers, Lecturer in clean energy systems, The University of the West Indies, BarbadosLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.