tag:theconversation.com,2011:/global/topics/decarbonation-26227/articlesdécarbonation – The Conversation2024-03-21T09:06:45Ztag:theconversation.com,2011:article/2238752024-03-21T09:06:45Z2024-03-21T09:06:45ZGéothermie et transports, un potentiel inexploité ? L’exemple du métro de Rennes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582153/original/file-20240315-18-xaqu1i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un ouvrier équipe en tubes échangeurs thermiques les parois en béton lors de la construction du métro de Rennes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Aquassys / JF Gobichon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Et si l’on profitait de la chaleur du sous-sol dans le métro pour chauffer des logements par géothermie ? C’est ce que fait la métropole de Rennes : lors de la construction de la ligne B du métro, celle-ci a décidé d’équiper d’échangeurs géothermiques les parois moulées et radiers (les plates-formes maçonnées qui supportent les infrastructures) des stations Sainte-Anne, Jules Ferry, Saint-Germain et Cleunay.</p>
<p>Une première en France – et même au monde, au vu de la surface équipée – qui permet aujourd’hui de chauffer <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/rennes-la-ligne-b-du-metro-chauffe-112-logements-2981422">112 logements et 1 000 mètres carrés de bureau</a>. Le potentiel des échangeurs déjà en place permettrait même d’en chauffer davantage.</p>
<p>Cette solution avantageuse tant au plan économique qu’environnemental reste pourtant, aujourd’hui encore, sous-exploitée. Des retours d’expérience tels que celui de la métropole de Rennes seront donc précieux pour ouvrir la voie.</p>
<p>Car l’exemple du métro de la capitale bretonne montre que les obstacles ne sont pas tant techniques qu’organisationnels, avec des pratiques à faire évoluer, et surtout des collectivités territoriales à convaincre et impliquer en amont des grands projets de génie civil.</p>
<h2>Géostructures énergétiques, mode d’emploi</h2>
<p>Commençons par rappeler ce qu’est la <a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">« géothermie »</a>. Les amateurs de vin le savent, la température d’une cave varie peu au cours de l’année. La géothermie consiste donc à tirer parti de la température du sous-sol, moins sujette aux variations qu’en surface, pour échanger de la chaleur et chauffer – ou refroidir – nos bâtiments.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-geothermie-enjeu-majeur-pour-la-neutralite-carbone-des-zones-urbaines-207994">La géothermie, enjeu majeur pour la neutralité carbone des zones urbaines</a>
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<p>Les géostructures énergétiques – aussi appelées thermoactives – font ainsi partie de la grande famille des dispositifs géothermiques dits « de surface », c’est-à-dire installés dans le proche sous-sol, jusqu’à quelques dizaines de mètres de profondeur. Concrètement, ces géostructures sont équipées de pompes à chaleur, qui leur permettent de chauffer – ou <a href="https://theconversation.com/la-geothermie-une-solution-a-la-hausse-des-temperatures-144246">refroidir</a> – les bâtiments avoisinants.</p>
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<p>Le principe consiste à utiliser les fondations de bâtiments ou les ouvrages de génie civil (fondations par pieux, tunnels, stations de métro…) comme <a href="https://www.cfms-sols.org/sites/default/files/recommandations/Recommandations_Geostructures_Thermiques_CFMS_SYNTEC_Version_1_Janvier_2017.pdf">échangeurs géothermiques, en y installant des tubes échangeurs de chaleur au moment de leur construction</a>. Lorsque ce sont les pieux de fondations qui sont équipés, on parle de pieux géothermiques.</p>
<p>Ces éléments nécessaires sur le plan structural se voient alors conférer une seconde fonction énergétique, qui permet de faire l’économie de forages dédiés à la géothermie. Le <a href="https://iris.polito.it/handle/11583/2695393">surcoût associé est très faible</a> par rapport aux bénéfices qui en sont tirés. Cela permet également d’améliorer le bilan carbone de l’ouvrage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/582154/original/file-20240315-28-i7w9vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582154/original/file-20240315-28-i7w9vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582154/original/file-20240315-28-i7w9vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582154/original/file-20240315-28-i7w9vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582154/original/file-20240315-28-i7w9vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582154/original/file-20240315-28-i7w9vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582154/original/file-20240315-28-i7w9vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582154/original/file-20240315-28-i7w9vl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Installation d'échangeurs thermiques sur les radiers du métro à Rennes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aquasys / JF Gobichon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1364032122000028">développements scientifiques récents</a> ont également permis de lever la plupart des questions relatives au <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960148118312588">comportement mécaniques des géostructures énergétiques</a>, notamment lors de fluctuations de température, et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0886779822005430">confirment leur intérêt en milieu urbain</a>.</p>
<p>Cette technologie est <a href="https://www.icevirtuallibrary.com/doi/abs/10.1680/geot.2006.56.2.81">connue et développée depuis les années 1980</a>. Pourtant, le développement à grande échelle de cette source d’énergie non-intermittente (contrairement au solaire ou à l’éolien par exemple), renouvelable, à faible risque, locale et décarbonée, est encore bien inférieur à son potentiel.</p>
<h2>Le métro, un cas d’usage intéressant</h2>
<p>Dans cette affaire, la métropole de Rennes fait office de pionnière. C’est la première fois qu’une surface aussi vaste est équipée (près de 4000 m<sup>2</sup> de radiers et 3600 m<sup>2</sup> de parois moulés) et que la chaleur produite est destinée à des bâtiments de surface, n’ayant rien à voir avec l’infrastructure du métro en elle-même.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/580445/original/file-20240307-24-jtbky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/580445/original/file-20240307-24-jtbky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580445/original/file-20240307-24-jtbky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580445/original/file-20240307-24-jtbky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580445/original/file-20240307-24-jtbky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580445/original/file-20240307-24-jtbky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580445/original/file-20240307-24-jtbky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580445/original/file-20240307-24-jtbky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma explicatif de la façon dont la chaleur du métro apporte chauffage et eau chaude à des immeubles situés à proximité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Esther Lann-Binoist</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour faire aboutir le projet, la métropole de Rennes a pourtant du surmonter des difficultés. Elles ne sont pas tant d’ordre technique qu’administratif. En effet, malgré leur bonne volonté pour intégrer des sources d’énergie renouvelable locales, les maîtres d’ouvrages d’infrastructures de transports en commun ont souvent du mal à estimer le potentiel des projets, par manque de retour d’expérience.</p>
<p>Dans ces conditions, la réussite de la métropole de Rennes peut-elle ouvrir la voie en démontrant l’intérêt de la technologie et inspirer d’autres collectivités locales ? C’est pour identifier les verrous qui pèsent sur son développement et tirer le maximum d’enseignement de l’expérience rennaise qu’a été monté le projet de recherche <a href="https://sigesbre.brgm.fr/THERMETRENNES-Suivi-et-analyse-du-comportement-energetique.html#nb1">THERMETRENNES</a>, soutenu par l’ADEME.</p>
<p>Il regroupe tous les acteurs de la conception et de l’installation des échangeurs dans les stations : la métropole de Rennes, KEOLIS, EGIS (bureau d’études maitre d’œuvre de la partie géothermie) et AQUASSYS, l’installateur.</p>
<p>A ces acteurs opérationnels sont également associés deux laboratoires de recherche.</p>
<ul>
<li><p>Le LGCGM, de l’université de Rennes, chargé des expérimentations sur la tenue thermomécanique du béton soumis à des cycles thermiques,</p></li>
<li><p>et le 3SR de l’université Grenoble-Alpes, chargé de la <a href="https://matheo.uliege.be/handle/2268.2/17716">modélisation énergétique précise de la station</a>.</p></li>
<li><p>L’ensemble est coordonné par le BRGM, service géologique national, ayant une expertise en géothermie de surface et développement de méthode de dimensionnement des échangeurs géothermiques.</p></li>
</ul>
<p>Concrètement, le terrain autour de la station Cleunay a été équipé en instruments de mesure. Des tests en laboratoire sont également menés, ainsi que des modélisations numériques du transfert thermique. Le projet de recherche vise à apporter aux futurs maîtres d’ouvrages de géostructures des arguments quantitatifs quant à leurs performances énergétiques et thermomécaniques.</p>
<h2>De la construction au contrôle, des freins organisationnels à dépasser</h2>
<p>Le principal frein au développement des géostructures énergétiques réside probablement dans le besoin d’interaction entre les différents acteurs du secteur de la construction.</p>
<p>En effet, dans le cadre d’un projet classique de construction, les bureaux d’études (BE) géotechniques, en charge des fondations, interviennent au tout début du chantier pour le dimensionnement structurel de l’ouvrage. Les bureaux d’études thermiques, en charge du dimensionnement énergétique des mêmes ouvrages ou des bâtiments à la surface, interviennent plus tardivement, voire parfois dans le cadre de projets différents.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/582156/original/file-20240315-30-2wzxb4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582156/original/file-20240315-30-2wzxb4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582156/original/file-20240315-30-2wzxb4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582156/original/file-20240315-30-2wzxb4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582156/original/file-20240315-30-2wzxb4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582156/original/file-20240315-30-2wzxb4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582156/original/file-20240315-30-2wzxb4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582156/original/file-20240315-30-2wzxb4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Installation des tubes échangeurs thermiques sur le chantier du métro de Rennes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aquassys / JF Gobichon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Or, la mise en place de géostructures énergétiques nécessite des échanges poussés entre le BE géotechnique et le BE thermique, en charge chacun dans leur domaine de la définition de ce qui sera réalisé lors de la construction. Elle ne peut donc réussir que si l’architecte et/ou le maître d’ouvrage prévoient explicitement cette phase d’échanges dès le début du projet. Sans cette coordination, le risque serait de voir, par exemple, des tubes échangeurs de chaleur certes installés, mais débouchant trop loin du local réservé à la pompe à chaleur.</p>
<p>Ce qui est vrai pour la phase de conception l’est également pour les phases d’exécution et de mise en service. En effet, des ouvrages tels que les tunnels ou les stations de métro ont très peu de besoins en chauffage ou en refroidissement, mais permettent d’extraire de grandes quantités d’énergie qu’il est alors nécessaire de distribuer ou revendre.</p>
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<p>Il s’agit là d’un rôle inhabituel pour un opérateur de transport, et la réussite d’une telle entreprise repose alors sur les aménageurs. A Rennes, la réussite du projet a largement tenu à la persévérance de la métropole, qui a joué le rôle de coordinatrice au cours des dix années qui se sont écoulées entre les premières études de faisabilité et la mise en service des bâtiments à la surface.</p>
<p>Enfin, la méconnaissance de cette technologie génère de la frilosité chez les contrôleurs techniques. Ces derniers sont chargés d’homologuer les installations, et généralement inquiets que les cycles de chauffage et de refroidissement n’affectent la résistance de l’ouvrage, même si des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960148118312588">études récentes</a> montrent que ce n’est en général pas le cas. Cette frilosité se propage naturellement aux investisseurs ou aux compagnies d’assurance.</p>
<p>C’est à cet égard que les résultats du projet <a href="https://sigesbre.brgm.fr/THERMETRENNES-Suivi-et-analyse-du-comportement-energetique.html#nb1">ThermetRennes</a> sont attendus avec intérêt. Le projet est en court et devraient se terminer dans le courant de l’année 2026.</p>
<h2>Une technologie qui pourrait aussi équiper tunnels et parkings</h2>
<p>L’objectif du projet est d’obtenir un retour d’expérience complet à même d’éclairer les futurs projets, à la fois concernant le dimensionnement thermomécanique des géostructures et le dimensionnement énergétique des échangeurs pour adapter la production d’énergie à la surface.</p>
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<span class="caption">Les parkings souterrains pourraient, grâce à la géothermie, chauffer des logements.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lee/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les domaines d’application ne sont pas limités aux stations de métro. Les résultats du projet de recherche pourraient également se transposer aux tunnels ferroviaires ou routiers, aux fondations profondes de grands bâtiments, ou aux parkings souterrains.</p>
<p><a href="https://pressemitteilungen.pr.uni-halle.de/index.php?modus=pmanzeige&pm_id=5658">Une étude allemande de 2023</a> a ainsi estimé que l’énergie apporté par les parkings souterrains de Berlin aux eaux souterraines permettraient théoriquement de chauffer près de 15 000 logements.</p>
<p>La principale limite actuelle, qui consiste en le besoin d’équiper les bâtiments lors de leur construction, pourrait même être contournée. En 2021, une <a href="https://www.researchgate.net/publication/352982126_Development_and_testing_of_a_novel_geothermal_wall_system">autre étude, italienne</a>, proposait ainsi un système géothermique proche de la surface (d’une profondeur inférieure à cinq mètres) pouvant être installé même sur des bâtiments existants.</p>
<p>Pour un projet collectif usuel, le gain généré par l’utilisation de pieux énergétiques en lieu et place de sondes géothermiques classiques est souvent trop faible en regard des complications organisationnelles que cela représente pendant le chantier.</p>
<p>On peut citer quelques exemples comme la Cité du Design de Saint-Etienne (42), fondée sur une centaine de pieux géothermiques ou la <a href="https://librairie.ademe.fr/energies-renouvelables-reseaux-et-stockage/2137-chauffer-et-rafraichir-avec-une-energie-renouvelable-geothermie-tres-basse-energie.html">Salle pour les Musiques actuelles d’Auxerre</a> (89), fondée sur 24 pieux géothermiques, mais ce développement reste timide. Toutefois, l'équipement de géostructures plus importantes (Métros, parkings souterrains, …) génère un gain substantiel permettant de “rentabiliser” les complications organisationnelles mentionnées.</p>
<h2>Lutter contre l’effet îlot de chaleur urbain</h2>
<p>Ces ouvrages contribuent actuellement aux <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-temperatures-grimpent-elles-en-ville-62786">îlots de chaleur urbains</a> de nos villes en faisant grimper la température du sous-sol. Mais équipés d’échangeurs géothermiques, ils pourraient aider à chauffer d’autre bâtiments et accélérer leur décarbonation.</p>
<p>L’utilisation du <a href="https://www.geothermies.fr/le-geocooling">geocooling</a> ou de pompes à chaleur réversibles, capables de chauffer ou de refroidir en fonction des besoins, permettrait également de réduire la consommation des climatiseurs, et là aussi, l’effet l’îlot de chaleur urbain.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-geothermie-une-solution-a-la-hausse-des-temperatures-144246">La géothermie, une solution à la hausse des températures</a>
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</p>
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<p>L’urbanisation croissante de nos sociétés ainsi que les impératifs d’adaptation et d’atténuation du réchauffement climatique devraient contribuer au développement d’infrastructures de transport décarboné dans nos métropoles. Dans le même temps, elles rendent cruciale la recherche de sources d’énergie renouvelable.</p>
<p>Dans cette quête, les géostructures énergétiques ne sont pas une solution miracle. L’énergie exploitable ne suffirait pas à couvrir l’ensemble des besoins. Mais elles permettraient de fournir un fond d’énergie <a href="https://www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2019-1-page-25.htm">non intermittente</a>, que les énergies intermittentes viendraient compléter. De plus, elles ne représentent qu’un faible surcoût pour les infrastructures dont elles font partie.</p>
<p>Un développement à large échelle semble donc souhaitable. Mais il ne peut avoir lieu que s’il est porté par des collectivités territoriales motivées, et intégré par toutes leurs parties prenantes en amont des projets de construction et d’aménagement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223875/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean de Sauvage a reçu un financement de l'Agence Nationale de la Recherche pour un projet de recherche dédié aux pieux géothermiques. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Voirand a reçu un financement de l'ADEME pour le projet THERMETRENNES sur le suivi des stations de métro thermoactives de Rennes. Il a aussi reçu un financement de la région Centre-Val-de-Loire pour un projet de recherche sur le géocooling. </span></em></p>Tirer parti de la stabilité thermique du sous-sol pour chauffer des bâtiments en surface : c’est le principe de la géothermie. À Rennes, une ligne de métro a été équipée. Les retours sont prometteurs.Jean de Sauvage, Chercheur, Université Gustave EiffelAntoine Voirand, Ingénieur Chercheur - Responsable Plateforme Géothermie, BRGMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2255882024-03-18T15:34:13Z2024-03-18T15:34:13ZRelance du nucléaire et urgence climatique : les liaisons dangereuses<blockquote>
<p>« J’assume d’être à la tête d’un gouvernement proénergie nucléaire. » </p>
</blockquote>
<p>Dans son discours de politique générale, en janvier, le premier ministre Gabriel Attal réaffirmait le revirement majeur opéré en faveur de l’atome depuis <a href="https://theconversation.com/nucleaire-en-france-un-peu-beaucoup-passionnement-a-la-folie-175000">la fermeture de la centrale de Fessenheim</a> sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.</p>
<p>L’urgence climatique est régulièrement avancée pour justifier ce virage stratégique opéré <a href="https://www.debatpublic.fr/sites/default/files/2023-01/230118-CP-PJL-CNDP.pdf">sans réel débat citoyen</a>. Il convient de l’examiner avec rigueur en dépassant les stéréotypes dans lesquels nous enferment les débats polarisés entre « pros » et « antis ».</p>
<p>Posons en premier lieu les termes du débat : comme ses partenaires européens, la France s’est engagée à atteindre la neutralité climat en 2050, avec deux objectifs intermédiaires : réduire de 55 % d’ici 2030 les émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et de 90 % d’ici 2040, si les propositions de la Commission européenne sont retenues.</p>
<p>Un tel défi implique d’opérer deux mutations majeures en matière énergétique :</p>
<ul>
<li><p>rompre avec la croissance passée de la demande en visant une diminution de moitié de l’utilisation finale d’énergie d’ici à 2050,</p></li>
<li><p>accélérer l’électrification des usages pour favoriser la décarbonation.</p></li>
</ul>
<p>En dépit de la baisse nécessaire de la demande totale d’énergie, l’utilisation d’électricité décarbonée va devoir augmenter. Pour la produire et chasser les sources fossiles du système, on peut utiliser des sources renouvelables et/ou recourir à l’énergie nucléaire résultant de la fission des atomes.</p>
<h2>Singularité française</h2>
<p>Dans la majorité des pays, l’atome joue un rôle secondaire ou nul dans la fourniture d’électricité. En 2022, il n’a fourni que <a href="https://www.worldnuclearreport.org/-World-Nuclear-Industry-Status-Report-2023-.html">9,2 % de l’électricité mondiale</a>.</p>
<p>Dans le scénario de décarbonation le plus ambitieux de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la production d’électricité d’origine nucléaire augmente en valeur absolue, mais elle ne fournit que <a href="https://iea.blob.core.windows.net/assets/86ede39e-4436-42d7-ba2a-edf61467e070/WorldEnergyOutlook2023.pdf">8 % de l’électricité mondiale en 2050</a>, le déploiement des renouvelables primant.</p>
<p>Le cas de la France est tout à fait singulier. Avec la Slovaquie (et l’Ukraine avant la guerre), c’est le seul pays au monde où le nucléaire fournit plus de la moitié de l’électricité (65 % en 2023, 78 % en 2005). Avec 56 réacteurs en service, notre pays dispose de plus de la moitié de la puissance nucléaire installée au sein de l’Union européenne. L’électricité y est, avec celle des pays nordiques, la plus décarbonée du continent.</p>
<p>La grande majorité des réacteurs en activité (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9rations_de_r%C3%A9acteurs_nucl%C3%A9aires">dits de seconde génération</a> par opposition aux EPR de 3<sup>e</sup> génération) ont été construits en un temps record après le choc pétrolier de 1973. Depuis 1999, la capacité installée reste sur un plateau et les moyens de production vieillissent : déclasser toutes les centrales ayant effectué 40 années de service – hypothèse <a href="https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/la-poursuite-de-fonctionnement-des-reacteurs-de-900-mwe-au-dela-de-40-ans">retenue lors de leur conception</a> – provoquerait un affaissement brutal de la production d’électricité décarbonée d’ici à 2040 : c’est « l’effet falaise ».</p>
<h2>Au bord de la falaise</h2>
<p>En 2022, le pays a expérimenté les conséquences de la mise à l’arrêt d’une partie du parc. En l’absence de réserve de capacité d’offre de renouvelable, le recours à des centrales thermiques pour compenser la <a href="https://analysesetdonnees.rte-france.com/bilan-electrique-2023/synthese">baisse du nucléaire a généré</a> une hausse de 5 Mt des rejets de CO<sub>2</sub> sur le territoire et de 3,1 Mt via l’importation d’électricité. Pour ne pas tomber de la falaise et respecter nos objectifs climatiques, on aura besoin d’ici à 2040 à la fois d’un accroissement rapide des sources renouvelables et de l’utilisation du parc nucléaire existant.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">The World Nuclear Industry Status Report 2023</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cela nécessite des investissements de mise à niveau des centrales pour prolonger leur exploitation sur des périodes décennales après les visites de contrôles opérées par l’autorité de sûreté (ASN). Le coût de ces investissements, dit du « grand carénage », a été estimé en 2020 à <a href="https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/espaces-dedies/espace-medias/cp/2020/2020-10-29-cp-certifie_edf-reajuste-le-cout-du-programme-grand-carenage.pdf">50 milliards d’euros</a> par EDF. En ajoutant l’inflation apparue depuis, on peut tabler sur une somme de l’ordre de 55 milliards d’euros, soit 1 milliard d’euros par réacteur.</p>
<p>Ramené à la tonne de CO<sub>2</sub> évitée, ce coût peut être estimé dans une fourchette allant de 150 à 200 euros par tonne, en extrapolant dans le futur l'impact qu'a eu en 2022 la mise à l'arrêt d'une partie du parc. En prenant des hypothèses plus contraignantes sur la disponibilité des moyens de production faiblement carbonés substituables au nucléaire, on obtient malgré tout une fourchette de 75 à 100 euros par tonne.</p>
<p>Le coût du mégawatt-heure (MWh) du nucléaire historique en sera renchéri, souvent au-delà de celui des nouvelles sources renouvelables. C’est le prix à payer pour les imprévoyances du passé et notre retard en matière d’énergie renouvelable. Cela ne préjuge en aucune façon des décisions à prendre sur le nouveau nucléaire.</p>
<h2>Une technologie encore en développement</h2>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/un-nouveau-plan-nucleaire-pour-la-france-quand-lhistoire-eclaire-lactualite-181513">schéma gouvernemental de relance du nucléaire </a>porte sur des <a href="https://www.asn.fr/l-asn-controle/epr-2">réacteurs EPR2</a>, d’une capacité voisine de celle de l’EPR de Flamanville, avec un design simplifié pour réduire les coûts de construction. Dans un premier temps, trois paires d’EPR2 sont programmées : l’idée est ensuite de passer à la vitesse supérieure en multipliant les EPR2 pour bénéficier d’économies d’échelle.</p>
<p>Par rapport à Flamanville, dont le chantier aura duré 17 ans pour un démarrage en 2024, on peut espérer un raccourcissement des délais de construction. Mais l’EPR2 est un nouveau réacteur dont il faut finaliser le design. Son chantier fera face aux imprévus propres aux « têtes de série ».</p>
<p>Le programme des EPR2 n’aura pas d’impact significatif sur l’offre électrique avant 2040. Sous l’angle climatique, il ne se justifie que s’il permet de fournir les électrons décarbonés après 2040 à des conditions plus avantageuses que les énergies de flux.</p>
<p>Cela se juge en projetant dans le futur les coûts du nucléaire et du renouvelable à partir de ce qu’on connaît de leurs dynamiques. En la matière, les informations sont bien plus nombreuses et vérifiables pour le renouvelable que pour le nucléaire, très opaque.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quel-recit-derriere-le-retour-en-grace-du-nucleaire-223943">Quel récit derrière le retour en grâce du nucléaire ?</a>
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<h2>Les trajectoires divergentes des coûts directs</h2>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-les-retards-de-la-france-en-matiere-denergies-renouvelables-202815">solaire et l’éolien</a> ont connu un effondrement de leurs coûts directs de production avec l’allongement des séries de production et l’augmentation des puissances installées. Cette dynamique se poursuivra, même si elle est infléchie par deux effets contraires : le renchérissement des métaux utilisés et celui du foncier.</p>
<p>Côté nucléaire, on observe plutôt un accroissement des coûts des chantiers dont la durée ne baisse pas, surtout dans les pays démocratiques où le coût de la sécurité est mieux pris en compte que dans les régimes autoritaires. Il revient aux promoteurs de l’EPR2 d’expliciter les méthodes permettant de contrecarrer la tendance à l’accroissement des coûts.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Aide à la lecture : en 2022, une centrale sur deux nouvellement raccordée au réseau dans le monde a connu un délai de réalisation supérieur à 89 mois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">World Nuclear Association, World Nuclear Performance Report 2023, P.11</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les coûts indirects du renouvelable et du nucléaire</h2>
<p>À ces coûts directs s’ajoutent des coûts indirects. Pour le renouvelable, les coûts indirects concernent, à titre principal, ceux liés à l’adaptation du réseau – peu compressibles – et ceux de l’intermittence – qui ont déjà fortement fléchi grâce aux progrès du stockage par batterie. Une tendance amenée à s’amplifier avec le recours au numérique et à l’intelligence artificielle pour une gestion optimisée de la demande, et avec la baisse du coût de l’hydrogène décarboné pour le stockage intersaisonnier.</p>
<p>Pour le nucléaire, les coûts indirects sont ceux du démantèlement des réacteurs en fin de vie et de la gestion du combustible.</p>
<p>Les premiers sont théoriquement intégrés dans l’estimation du coût du programme EPR2 par EDF : <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/exclusif-nucleaire-la-facture-previsionnelle-des-futurs-epr-grimpe-de-30-2080380">67,4 milliards d’euros</a>, soit 11 milliards par réacteur hors frais financiers. Il est cependant difficile de savoir comment ils sont anticipés. L’opérateur dispose d’une courbe d’expérience limitée puisqu’aucun des travaux de démantèlement engagés sur <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/produire-une-energie-respectueuse-du-climat/lenergie-nucleaire/edf-une-expertise-nucleaire-unique/deconstruction-des-centrales-nucleaires">six des réacteurs mis à l’arrêt</a> depuis 1985 n’a pas encore été achevé.</p>
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<p>Le coût additionnel de traitement des combustibles n’est pas intégré dans les 67,5 milliards. Il devrait se chiffrer en dizaines de milliards. Il sera alourdi par l’option française en faveur du retraitement du combustible qui exigera des investissements lourds dans les usines de retraitement de La Hague et de Marcoule.</p>
<p>De plus, les EPR2 vont augmenter la production annuelle des déchets d’uranium, aujourd’hui en partie retraités en Russie par l’opérateur d’État Rosatom jusqu’à présent épargné des sanctions occidentales.</p>
<h2>Les milliards du nucléaire n’iront pas au renouvelable</h2>
<p>Un troisième paramètre doit être pris en compte. Le programme EPR2, parallèlement à celui du grand carénage, va exercer une pression massive sur les ressources. Et bien sûr, les milliards du nucléaire n’iront pas au renouvelable.</p>
<p>Derrière les milliards, il y a des équipements qui ne sont pas interchangeables, mais aussi beaucoup de travail qualifié dont le manque pèse déjà sur le déploiement du renouvelable. Non seulement le programme EPR2 ne semble pas la voie la plus économe pour atteindre les objectifs climatiques post 2040, mais sa mise en œuvre menace l’atteinte de ceux visés en 2030 et en 2040 grâce au renouvelable.</p>
<p>Le même regard d’économiste du climat qui portait un diagnostic favorable au programme de réinvestissement dans le nucléaire historique conduit donc à un jugement opposé pour le programme EPR2.</p>
<p>Les innovations technologiques sont-elles susceptibles de déplacer le balancier en faveur du nouveau nucléaire ?</p>
<h2>Petits réacteurs modulaires, promesses et risques</h2>
<p>Si le nucléaire a capté une part des dépenses de R&D bien plus élevée que le renouvelable au cours des <a href="https://www.iea.org/data-and-statistics/data-tools/energy-technology-rdd-budgets-data-explore">50 dernières années</a>, les innovations changeant la donne économique ont jusqu’à présent été le fait des énergies renouvelables. Des sommes importantes continuent d’être investies sur la fusion nucléaire ou les réacteurs de 4<sup>e</sup> génération à neutrons rapides.</p>
<p>L’innovation des <a href="https://theconversation.com/reacteurs-nucleaires-smr-de-quoi-sagit-il-sont-ils-moins-risques-172089">petits réacteurs modulaires (SMR)</a> est d’une autre nature. Elle consiste à cesser la course à la taille, pour fabriquer des unités de puissance unitaire beaucoup plus petite, susceptibles d’être alignées de façon modulaire, pour adapter l’offre aux besoins énergétiques.</p>
<p>Le second objectif visé est une baisse drastique des coûts, grâce à l’usinage en série des équipements, le chantier ne consistant plus qu’à <a href="https://www.cea.fr/presse/Pages/actualites-communiques/energies/nuward-smr.aspx">assembler les pièces préfabriquées</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nucleaire-en-france-un-peu-beaucoup-passionnement-a-la-folie-175000">Nucléaire en France : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ?</a>
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<p>Plus de <a href="https://www.iaea.org/fr/themes/petits-reacteurs-modulaires">80 projets de SMR</a> ont été recensés par l’AIEA. Les constructeurs historiques ajoutent à leur catalogue des versions modulables et rétrécies de leurs réacteurs et de nouveaux entrants s’engouffrent dans le créneau. Pour l’heure, aucun n’a montré comment la promesse de baisse des coûts pourrait être tenue.</p>
<p>Imaginons que la promesse de baisse de coûts se concrétise. Le déploiement des SMR poserait de nouvelles questions de sécurité : multiplier les sites nucléaires civils accroîtrait les risques de détournement à des fins terroristes ou militaires. Un risque à ne pas sous-estimer dans le contexte de tensions géopolitiques croissantes.</p>
<p>En l’état actuel des informations, la prise en compte des projets SMR ne permet donc pas d’infléchir le balancier : sous l’angle économique, l’urgence climatique n’est pas un argument pertinent pour justifier la relance du nouveau nucléaire.</p>
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<p><em>L’auteur remercie Michel Badré pour sa relecture perspicace d’une première version de cet article</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225588/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’urgence climatique justifie-t-elle la relance du nucléaire en France ? Les réponses ne sont pas les mêmes pour le nucléaire historique et pour les nouveaux réacteurs.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251352024-03-13T15:57:16Z2024-03-13T15:57:16ZRéindustrialisation, décarbonation… Il ne faudrait pas oublier les entreprises de taille intermédiaire<p>En 2022, la France a émis <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/emissions-de-gaz-effet-de-serre-et-empreinte-carbone-en-2022-syntheses-des-connaissances-en-2023">404 millions de tonnes de CO₂ équivalent</a>, soit 25 % de moins qu’en 1990, année de référence pour le protocole de Kyoto. Bien qu’orientée dans la bonne direction, cette trajectoire de réduction doit encore s’accélérer pour atteindre les <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/">objectifs fixés</a> : une baisse de 55 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050.</p>
<p><iframe id="k4EqC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/k4EqC/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comment la France a-t-elle réussi à <a href="https://theconversation.com/topics/transition-energetique-23303">décarboner</a> jusqu’à présent ? Sur les 136 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent gagnées entre 1990 et 2022, 66 millions, soit près de la moitié, proviennent d’une réduction des émissions de l’industrie manufacturière.</p>
<p><iframe id="G2kqF" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/G2kqF/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce recul contraste très largement avec l’évolution des émissions industrielles mondiales qui, entre 2000 et 2022, ont bondi de 64 %. Plusieurs facteurs expliquent cette divergence de trajectoires et tous ne sont pas forcément positifs pour l’environnement. Tenter de les identifier, comme nous le faisons dans notre rapport « <a href="https://etilab.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/12/etilab-decarboner-les-ETI-04dec23.pdf">Décarbonation, réindustrialisation & Entreprises de Taille Intermédiaire</a> » donne quelques clés pour penser la suite de ce mouvement global de réduction de la pollution atmosphérique.</p>
<h2>Une décarbonation « facile » jusqu’alors ?</h2>
<p>Si réduire les émissions de production est une nécessité, la question plus fondamentale est celle de l’<a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022">empreinte carbone réelle de notre mode de vie</a>. Quand <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6474294">décarboner signifie importer plus</a>, l’empreinte française se voit <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7702892">gonflée</a> du contenu carbone de la production dans des économies moins vertueuses sur le plan environnemental. Or, la mesure des seules émissions locales ne tient pas compte du contenu importé. Dans ce cas, la décarbonation apparente peut s’accompagner en réalité d’une aggravation du problème environnemental.</p>
<p>A contrario, exporter davantage de produits plus vertueux grâce à une énergie plus décarbonée en Europe serait un gage de réduction globale des émissions, peut-être au prix d’émissions moins limitées pour ce qui concerne le Vieux continent. Réduire le déficit de notre balance commerciale tout en diminuant les émissions globale, tel est l’enjeu de la réindustrialisation verte. On est en cependant très loin aujourd’hui.</p>
<p>Si l’industrie française a réduit ses émissions depuis la signature du protocole de Kyoto, c’est en effet en partie car elle a connu une <a href="https://www.franceindustrie.org/wp-franceindustrie/wp-content/uploads/2023/02/TABLEAU-DE-BORD-DE-FRANCE-INDUSTRIE-fevrier-2023.pdf">réduction de sa production manufacturière</a> sur la période (-11 % entre 2006 et 2022) contrairement à d’autres économies, notamment en Asie (+ 124 % entre 2006 et 2022), qui se sont fortement développées.</p>
<p><iframe id="7csFk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7csFk/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="0vX51" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0vX51/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’industrie française a aussi su décarboner sa production en s’appuyant sur un meilleur mix énergétique utilisant de moins en moins de pétrole et de charbon, signal plus positif. Elle a également bénéficié d’innovations de rupture, en particulier dans la chimie qui a radicalement réduit ses émissions de protoxyde d’azote dans la fabrication d’acide adipique, d’acide nitrique et d’acide glyoxylique. De telles bonnes surprises sont cependant rares, et les prochaines innovations de rupture qui pourront engendrer de telles réductions ne sont pas encore connues.</p>
<h2>Priorités aux grands sites ? Oui, mais…</h2>
<p>Pour accompagner l’effort de décarbonation, l’Union européenne a lancé le paquet <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/"><em>fit for 55</em></a>. La politique publique française se concentre, elle, principalement sur les 50 sites les plus émetteurs, le fameux <a href="https://www.economie.gouv.fr/actualites/transition-ecologique-strategie-accelereration-decarbonation-sites-industriels">top 50</a>. Objectif fixé par le président de la République le 8 novembre 2022 : diviser par deux les émissions industrielles françaises des cinquante sites les plus polluants au cours de la prochaine décennie avec 54 milliards d’euros mis sur la table pour accompagner le mouvement. Fin janvier, le premier ministre Gabriel Attal a annoncé une <a href="https://www.bfmtv.com/economie/pollution-le-gouvernement-veut-cibler-les-50-sites-industriels-qui-mettent-le-plus-de-plastique-sur-le-marche_AV-202401300697.html">démarche similaire</a> en direction des 50 sites mettant le plus d’emballages plastiques sur le marché.</p>
<p>Certes, ces sites représentent à eux seuls près de 60 % des émissions industrielles et constituent incontestablement une cible de choix pour la décarbonation. Ils sont en outre surtout actifs dans les secteurs de la métallurgie, des matériaux de construction et de la chimie. Ces sites produisent les biens « simples » nécessaires à la fabrication des biens industriels plus complexes. La décarbonation de ces sites aura donc un impact direct sur leurs émissions, mais aussi un impact indirect pour les autres secteurs. Accompagner l’effort de ces sites favorise de plus leur maintien sur le territoire, ce qui est une question de souveraineté qui légitime elle aussi une telle intervention.</p>
<p>L’intérêt porté aux 50 sites les plus émetteurs ne doit pas pour autant faire passer sous le radar le reste de l’industrie, qui représente tout de même 40 % des émissions industrielles, l’essentiel de l’emploi du secteur et la clé de voûte d’une potentielle réindustrialisation verte du pays. Contrairement aux 50 sites les plus émetteurs, cette industrie diffuse s’étend sur un grand nombre de secteurs et sur l’ensemble du territoire. Compte tenu du nombre d’entreprises, il est difficilement concevable d’engager un dialogue particulier avec chacune d’entre elles : le pouvoir public ne paraît pas pouvoir utiliser la recette appliquée aux 50 sites.</p>
<p>Alors comment faire ?</p>
<h2>Que faut-il décarboner ?</h2>
<p>Pour saisir le problème de la décarbonation de l’industrie diffuse, il est important de rappeler qu’il existe deux types d’émissions : les émissions de « procédés » et les émissions de « combustion ». Les émissions de « procédés » sont inhérentes à la réaction chimique nécessaire à la production. Par exemple, la production de ciment implique le chauffage à très haute température d’un mélange de calcaire, d’argile et de sable dégageant des gaz à effet de serre. Les émissions de « combustion » proviennent, quant à elles, des énergies utilisées pour permettre la combustion. Par exemple, les hauts fourneaux sidérurgiques utilisent du charbon qui, en brûlant, dégage, des gaz à effet de serre.</p>
<p>La décarbonation des « procédés » est avant tout un problème d’innovation. Pour réduire ces émissions, il faut inventer une nouvelle manière de produire, utiliser une autre réaction chimique qui dégage moins de gaz à effet de serre. Des solutions ont été découvertes, comme le <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/ciment-sans-clinker-la-solution-davenir-129691/">ciment sans clinker</a> qui est produit à froid et consomme moins d’énergie, d’autres sont en cours de développement.</p>
<p><iframe id="v0K4I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/v0K4I/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour réduire les émissions de « combustions », il faut remplacer une énergie par une autre moins émettrice, c’est par exemple remplacer un four à gaz par un four électrique, ou substituer un moteur électrique à un moteur à fuel. Ce sont ces économies de « combustions » qui semblent les plus accessibles dans l’économie diffuse. L’industrie manufacturière a déjà abandonné les sources fossiles les plus émissives pour passer au gaz, énergie majoritaire dans tous les secteurs à l’exception de la métallurgie des métaux ferreux qui repose structurellement sur l’usage de la houille. La réduction des émissions de l’industrie diffuse devra s’appuyer sur un grand effort d’électrification.</p>
<h2>Décentraliser et coopérer</h2>
<p>Les clés du succès semblent détenues par la puissance publique et par les entreprises elles-mêmes. Le rôle de la puissance publique est d’informer et de soutenir en prenant au maximum en compte les particularités sectorielles et locales. La <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-portant-sur-nouvelle-organisation-territoriale-republique-notre">loi NOTRe</a> du 7 août 2015 qui donne à la région la responsabilité du développement économique et durable peut être un vecteur important de réussite, tout comme le développement de politiques industrielles territorialisées, si suffisamment de moyens lui sont donnés. La <a href="https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/1_metier/2_professionnel/2024-02-2142--fiche-cvae-reforme-2024-com-impots.gouv.pdf">suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée</a> (CVAE), en diminuant l’indépendance des collectivités territoriales, ne va pas dans ce sens.</p>
<p>De leur côté, les entreprises peuvent faciliter la décarbonation en coopérant et en partageant leurs expériences. La création d’un réseau est le moyen le plus sûr et le plus rapide de favoriser la propagation des bonnes pratiques et la reproduction des solutions qui fonctionnent.</p>
<p>Gageons que l’industrie française pourrait être exemplaire en la matière, grâce à une électrification de l’industrie, qui constitue la prochaine poche de réduction des émissions à exploiter. Grâce aussi à une main-d’œuvre de grande qualité, et grâce à un maillage de politique publique, national et régional, qui pourrait massivement utiliser la coopération locale et l’expérimentation dans un tissu industriel diffus constitué d’entreprises plus petites et moins connues que les grandes, majoritaires dans le top 50, et néanmoins <a href="https://etilab.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/06/Lettre-5.pdf">prédominantes dans l’emploi industriel</a>. D’une pierre, trois coups…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Fleckinger est titulaire de la chaire de recherche et d'enseignement etilab, accueillie par la Fondation Mines Paris. Au titre du mécénat, la chaire etilab reçoit des financements publics et privés de la Région Île-de-France, du club ETI Île-de-France, du METI, de Mazars, du Crédit Agricole d'Île-de-France, d'Acorus, de Diot-Siaci, d'ETPO, de Réseau DEF, de Septodont et de Socotec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Prevet est directeur exécutif de la chaire de recherche et d'enseignement etilab, accueillie par la Fondation Mines Paris. Au titre du mécénat, la chaire etilab reçoit des financements publics et privés de la Région Île-de-France, du club ETI Île-de-France, du METI, de Mazars, du Crédit Agricole d'Île-de-France, d'Acorus, de Diot-Siaci, d'ETPO, de Réseau DEF, de Septodont et de Socotec.
</span></em></p>La politique industrielle et environnementale française cible les plus grands sites de production. Il ne faudrait pas pour autant négliger les ETI qui appellent des politiques différentes.Pierre Fleckinger, Professur d'économie, chercheur associé à Paris School of Economics, titulaire de la chaire etilab, Mines Paris - PSLAntoine Prevet, Directeur exécutif Chaire etilab, Chercheur en économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125772023-12-14T09:46:40Z2023-12-14T09:46:40ZPour décarboner le transport par avion et par bateau, l’hydrogène ne sera utile que si la demande baisse<p>Le 9 octobre dernier, le Conseil de l’Union européenne adoptait le règlement <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/fit-for-55-refueleu-and-fueleu/">Refuel EU Aviation</a>. Quelques mois plus tôt, en juillet, c’était le <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/07/25/fueleu-maritime-initiative-council-adopts-new-law-to-decarbonise-the-maritime-sector/">règlement Fuel EU Maritime</a>. Les deux fixent des objectifs pour développer les carburants durables dans les secteurs aéronautique et maritime pour 2025 et 2050 : par carburants durables, on entend les biocarburants – issus de la biomasse – et les électrocarburants, qui désignent des <a href="https://theconversation.com/carburants-de-synthese-biocarburants-kerosene-vert-de-quoi-parle-t-on-exactement-125391">carburants liquides ou gazeux, synthétisés à partir d’hydrogène</a> : e-kérosène, e-méthanol, e-ammoniac, e-méthane.</p>
<p>La part de ces carburants durables dans <a href="https://theconversation.com/debat-decarbonation-quotas-que-faire-de-lavion-privilege-dune-minorite-210072">l’aviation</a> devrait ainsi atteindre les 70 % minimum en 2050. Au même horizon, l’intensité en gaz à effet de serre des carburants utilisés dans les navires – c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre émis lors de la production et la combustion de ces carburants, rapportée à l’énergie utile qu’ils contiennent – est censée chuter de 80 %.</p>
<p><a href="https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/6680-electro-carburants-en-2050-quels-besoins-en-electricite-et-co2-.html">Dans un avis qui vient d’être publié</a>, l’Agence de la transition écologique (Ademe) se concentre sur le rôle des électro-carburants dans cette transition. Et les chiffres sont clairs : les deux secteurs vont devoir se mettre, eux aussi, à la <a href="https://theconversation.com/la-sobriete-energetique-tellement-plus-quune-collection-decogestes-201412">sobriété</a>, sauf à vouloir dédier une part plus que conséquente de la production d’énergie du pays pour ces transports, au détriment d’autres secteurs.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Des secteurs difficiles à décarboner</h2>
<p>Précisons que peu d’options technologiques existent pour décarboner ces secteurs fortement émetteurs, alors que c’est urgent : <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/7365/elaboration-scenarios-transition-ecologique-secteur-aerien-rapport.pdf">ils représentaient ensemble, en 2019, 19,6 % des émissions de GES</a> des transports en France. Et les industriels <a href="https://theconversation.com/vers-une-aeronautique-durable-la-transition-ecologique-des-avionneurs-et-des-compagnies-aeriennes-178122">ne semblent pas envisager un ralentissement du trafic</a>.</p>
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<p>Ajoutons qu’il est par ailleurs impossible d’<a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/avion-electrique-est-ce-vraiment-pour-demain-4992238">électrifier</a> ces modes de transport – si ce n’est pour le court courrier et l’aviation d’affaires qui pourraient passer à la batterie, mais ils ne concernent qu’une poignée de personnes : pour la majorité des avions et des bateaux, il n’est pas réaliste ou faisable de les équiper de batteries, pour des raisons de masse et de distance à parcourir. Dans certains cas, une hybridation peut toutefois être envisageable, ainsi qu’en complément d’aides véliques, où l’on tire parti du vent.</p>
<p>D’où la focalisation des nouveaux règlements européens sur les biocarburants et les électrocarburants (ou e-carburants). Ces derniers, auxquels on s’intéresse ici, requièrent pour leur production, de l’hydrogène (produite par électrolyse de l’eau) et du CO<sub>2</sub> (captage, transport et utilisation), qui devra être non fossile après de 2040.</p>
<p>Dans <a href="https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/6680-electro-carburants-en-2050-quels-besoins-en-electricite-et-co2-.html">son avis</a>, l’Ademe a quantifié les volumes d’électricité et de CO<sub>2</sub> nécessaires à la production des quantités d’hydrogène et de ses électro-carburants dérivés qui permettraient la décarbonation de ces secteurs. Dans le cas du transport maritime, elle s’appuie sur l’hypothèse d’une apport de 22 % de biocarburants en renfort. Elle part aussi du principe que le CO<sub>2</sub> utilisé est d’origine biogénique – CO<sub>2</sub> du cycle des plantes, pouvant par exemple être un coproduit de la méthanisation ou de l’industrie du papier/carton.</p>
<p>Elle conclut que ces carburants ne suffiront pas, et qu’une démarche de sobriété dans les secteurs aériens et maritimes est indispensable.</p>
<h2>Deux scénarios envisagés</h2>
<p>Pour obtenir ces chiffres, l’ADEME a envisagé deux scénarios :</p>
<ul>
<li><p>l’un où la demande en énergie serait basse – comme l’avait modélisé l’Ademe en 2021 dans les scénarios <a href="https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/">Transition(s) 2050</a>, soit 35 % de moins qu’aujourd’hui.</p></li>
<li><p>et l’autre où elle bondirait de 70 %, comme l’anticipent les filières professionnelles des deux secteurs qui <a href="https://www.senat.fr/rap/r12-658/r12-6585.html">misent sur une progression du trafic</a>.</p></li>
</ul>
<p>Ces estimations varient aussi en fonction des performances espérées pour ces carburants, avec des options plus ou moins optimistes. Les meilleures perspectives – sur lesquelles misent les industriels – comme les plus pessimistes ont ainsi été envisagées.</p>
<p>Car de fortes incertitudes demeurent, notamment sur la fabrication du kérosène pour lequel le procédé Fischer-Tropsch, qui doit opérer la combinaison du dioxyde de carbone avec l’hydrogène pour synthétiser des hydrocarbures, reste à valider.</p>
<p>Enfin, l’étude part de l’hypothèse selon laquelle ces e-carburants seraient produits en France à 100 % pour les vols domestiques et la navigation nationale, et à 50 % pour les vols internationaux et les navigations internationales. Une hypothèse ambitieuse puisqu’aujourd’hui, à titre d’exemple, 20 % des navires internationaux qui desservent la France font le plein de carburant en France. Elle est toutefois en phase avec la <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/286999-changement-climatique-la-transition-energetique-des-ports-francais">volonté des ports français</a> de se positionner sur les nouveaux carburants.</p>
<h2>Des besoins d’énergie accrus</h2>
<p>Les résultats laissent apparaître que la décarbonation des deux secteurs exigera, quoi qu’il arrive, des quantités colossales d’électricité et de CO<sub>2</sub> au regard de notre capacité à en produire d’ici à 2050.</p>
<p>Dans le scénario le plus énergivore, qui suppose une demande élevée en e-carburants, elle nécessiterait 175 TWh en électricité – soit environ 13 réacteurs nucléaires EPR – et nécessiterait 18,6 Mt de CO<sub>2</sub> biogénique.</p>
<p>Pour comprendre le problème, ces chiffres sont à mettre en perspective avec la production électrique renouvelable ou bas carbone totale envisagée à horizon 2050 en France qui pourrait être comprise entre 525 TWh et environ 700 TWh, sans prendre en compte ces nouveaux besoins : le scénario Sobriété de RTE (évalué à 555TWhé en 2050) ou le scénario S2 de l’Ademe – plutôt sobre – <a href="https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/">l’évalue à 525 Térawatts-heure d’électricité (TWhé) par an</a>.</p>
<p>Le scénario N2 Futurs énergétiques élaboré par RTE l’estime quant à lui <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2022-06/FE2050%20_Rapport%20complet_ANNEXES.pdf#page=26">à 688 TWhé</a>.</p>
<p>L’autre sujet, ce sont les gisements de CO<sub>2</sub> biogéniques disponibles : ils sont évalués à 16 mégatonnes de CO<sub>2</sub> (MTCO<sub>2</sub>) dans le scénario S3 de l’Ademe, qui mobilise le plus la biomasse comme source d’énergie. C’est moins que le besoin pour ces seuls secteurs. Sans compter que cet usage du CO<sub>2</sub> entre en concurrence avec celui à stocker pour atteindre la neutralité carbone.</p>
<p>Autrement dit : en cas de forte progression des trafics aérien et maritime d’ici à 2050, les ressources dédiées à leur décarbonation représenteraient ¼ de l’électricité renouvelable ou bas carbone du pays et bien plus que le CO<sub>2</sub> biogénique disponible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À gauche, estimation des besoins en électricité (en Twhé) selon la demande et les hypothèses technologiques, à droite estimation des besoins en CO₂ selon la demande et les hypothèses technologiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ademe</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>La nécessité de contenir la demande</h2>
<p>Ces chiffres montrent qu’une telle trajectoire est vraisemblablement insoutenable. L’autre chemin, qui mise sur une demande contenue en carburants, apparaît déjà plus réaliste. Misant sur une hausse modérée du trafic, l’Ademe évalue que les besoins en ressources atteindraient 44 à 68 TWhé par an, et et entre 5,8 et 7,3 MtCO2 par an pour les besoins en CO<sub>2</sub> biogénique.</p>
<p>Dans ce cas d’un déploiement « raisonné » des e-carburants, souhaitable pour ne pas pénaliser les autres secteurs qui auront besoin d’électricité et de CO<sub>2</sub> pour se décarboner (industrie et transport notamment), les objectifs européens de décarbonation sur l’aérien et le maritime semblent atteignables, avec une production en France.</p>
<p>Cela nécessiterait toutefois la priorisation des ressources électriques et CO<sub>2</sub> à l’échelle nationale, par exemple au sein de la future Stratégie Française Énergie Climat, actuellement en préparation.</p>
<p>Mais il apparaît indispensable, en parallèle, de développer des politiques à court terme de modération de la croissance du trafic international, et de report vers d’autres modes de déplacement pour les courts courriers.</p>
<h2>Encore beaucoup d’incertitudes</h2>
<p>Notons par ailleurs que l’avis présente des limites et qu’il faudra approfondir à l’avenir certains aspects.</p>
<p>Il part d’une part de l’hypothèse que tous les e-carburants seront produits en France. Or la localisation des sites de production dépendra de plusieurs facteurs, notamment, de la présence d’une source de CO<sub>2</sub> biogénique à proximité et de son coût, ainsi que de la disponibilité du réseau électrique pour le raccordement de l’électrolyseur.</p>
<p>L’évaluation environnementale complète des e-carburants pour l’ensemble de la chaîne sera par ailleurs à approfondir. Les e-carburants ont une empreinte carbone non nulle qui devra être précisée, selon le mode de production et les ressources utilisées. Un doute plane notamment sur le CO<sub>2</sub> : sera-t-il vraiment biogénique, ne contribuant ainsi pas à l’effet de serre ? Le règlement européen laisse la possibilité, jusqu’à 2040 d’utiliser du CO<sub>2</sub> fossile… il faudra s’assurer qu’à échéance, cette possibilité ne soit pas maintenue.</p>
<p>Dans le cas inverse, l’impact carbone serait bien plus important et le bénéfice à les utiliser réduit. Par ailleurs, si les ressources en CO<sub>2</sub> biogénique n’étaient pas suffisantes, certains suggèrent de capter ce CO<sub>2</sub> dans l’air, par le recours à la technologie DAC (<em>Direct Air Capture</em>) : certes, mais cette technologie, non mature à date, engendrerait des consommations énergétiques additionnelles (électricité, chaleur) qu’il faudrait alors considérer.</p>
<p>D’autres aspects sont à prendre en compte, <a href="https://www.carbone4.com/trainees-de-condensation-impact-climat">comme les traînées de vapeur d’eau (contrails)</a>, <a href="https://theconversation.com/contrails-from-aeroplanes-warm-the-planet-heres-how-new-low-soot-fuels-can-help-162779">dont on découvre peu à peu le poids</a> dans les émissions de GES induites par un vol en avion – les e-carburants n’auront pas en la matière d’effet positif.</p>
<p>Si les e-carburants pourraient avoir des applications prometteuses pour l’aérien comme pour le maritime, ils ne remplaceront pas un changement des usages et il faut avoir conscience que l’équation comporte encore de nombreuses inconnues.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212577/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Bodineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La quantité d'électricité à produire pour atteindre les objectifs fixés par l’UE en matière d’électro-carburants est incompatible avec une hausse conséquente du trafic.Luc Bodineau, Ingénieur hydrogène et pile à combustible, Service recherche et technologies avancées, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100722023-08-02T18:07:10Z2023-08-02T18:07:10ZDébat : Décarbonation, quotas… que faire de l’avion, privilège d’une minorité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538285/original/file-20230719-27-7s7ch7.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C1722%2C1120&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien qu’il soit réservé à une poignée d’individus, au niveau mondial, l’aérien représente en 2015 environ 11 % des émissions de CO₂ des transports, soit 1,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/qK6HAkB91Yc"> Marco López / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le président Emmanuel Macron a récemment affirmé sa volonté d’investir plusieurs milliards d’euros dans la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/16/le-plan-de-macron-pour-developper-un-avion-moins-polluant_6177895_3234.html">décarbonation de l’aviation</a>. Plusieurs voix se sont fait entendre pour souligner le caractère risqué, voire illusoire, de cette ambition et rappeler l’urgence d’une <a href="https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534">réduction du trafic aérien</a>.</p>
<p>Quelques semaines auparavant, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-30-mai-2023-5670062">l’ingénieur Jean-Marc Jancovici</a> proposait de limiter à quatre le nombre de vols au cours d’une vie, suscitant un débat agité sur la réduction de l’usage de l’avion par les individus.</p>
<p>Ces polémiques éludent toutefois une dimension centrale du <a href="https://theconversation.com/transport-aerien-et-environnement-comment-poser-le-probleme-193672">problème</a> : prendre l’avion est un privilège qui entretient notamment les rapports de domination entre les pays et en leur sein.</p>
<h2>L’avion, un privilège du Nord global</h2>
<p>Le discours d’Emmanuel Macron, la proposition de Jean-Marc Jancovici et la plupart des réactions qu’elles suscitent reposent sur un présupposé : l’avion est un moyen de transport incontournable, le problème est qu’il soit polluant. Or, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378020307779">entre 80 et 90 % des humains n’ont jamais pris l’avion de leur vie</a>. Au cours de l’année 2018, seuls 4 % de la population mondiale a effectué un <a href="https://theconversation.com/le-kerosene-ne-sera-pas-taxe-mais-pensez-a-bien-fermer-votre-robinet-119420">vol international</a>.</p>
<p>Cette minorité à qui il arrive de voyager en avion <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378020307779">n’est pas également répartie sur la planète</a> : elle vit dans les pays riches. Ainsi, environ 40 % des habitants des pays les plus aisés ont pris l’avion au moins une fois dans l’année, contre moins de 1 % des habitants des pays les plus pauvres. </p>
<p>Si l'on rapporte les distances parcourues par les avions au départ d'un continent à sa population, cette distance par tête s'élève à 3000 km en Europe contre 100 km en Afrique. La plupart des <a href="https://journals.openedition.org/belgeo/11761">lignes aériennes relient entre eux des pays du Nord global</a>. Elles servent à faire circuler les individus entre ces pays, pour leurs loisirs mais aussi pour alimenter le commerce et les échanges économiques.</p>
<p>L’avion est donc un mode de transport qui soutient une domination économique et politique des pays du Nord et participe en leur sein à une domination de classe.</p>
<p><strong>Nombre de kilomètres par tête parcourus en moyenne par les avions au départ de:</strong> </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541459/original/file-20230807-29-tohunq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Rapportée à la population vivant sur le continent africain, la distance parcourue par les vols au départ de ce continent s'élève à 123 kms.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378020307779">Traitements réalises à partir des résultats présentés dans Gössling et Humpe 2020.</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Socialisation des élites</h2>
<p>Prenons l’exemple de la France : <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2019-2-page-131.htm">voyager en avion</a> est loin d’être une pratique commune, elle demeure l’apanage des plus aisés et des plus diplômés. Ainsi, plus de la moitié des 10 % des Françaises et des Français les plus riches prend l’avion au moins une fois par an, contre 13 % des 50 % les plus pauvres. C’est le cas d’un tiers des personnes diplômées de l’enseignement supérieur, contre 10 % des moins diplômées.</p>
<p>Depuis longtemps, les voyages ont une place <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2007-5-page-58.htm?contenu=article">importante dans la socialisation des élites</a>. Séjours culturels ou d’études à l’étranger, ils contribuent à les préparer à l’occupation de positions dominantes. Plus tard, ils permettent l’entretien d’un style de vie ou d’une carrière cosmopolite qui indique leur appartenance de classe.</p>
<p>Prendre l’avion est donc un privilège qui permet l’accumulation de ressources durables – ou capitaux – de plusieurs sortes : sociales, culturelles, économiques. De ce fait, les trajectoires sociales des membres des classes dominantes sont marquées par une quantité importante de vols en avion.</p>
<p>Pourtant, la forte sélectivité sociale du voyage aérien est peu visible dans le débat public. C’est que les personnes qui y interviennent, dirigeantes et dirigeants économiques ou politiques, scientifiques, journalistes, parlent depuis leur position de classe.</p>
<p>Pour elles, l’avion est familier, quand bien même <a href="https://journals.plos.org/climate/article?id=10.1371/journal.pclm.0000070">elles considèrent aujourd’hui que cette pratique pose problème</a> ou y ont renoncé. Cela les conduit à diffuser l’idée – fausse – qu’un quota de vols est une limitation pour tout le monde. Sans voir qu’elle l’est principalement lorsque l’avion est capital pour entretenir une position dominante ou la transmettre à ses enfants. Jean-Marc Jancovici peut ainsi généraliser :</p>
<blockquote>
<p>« Quatre vols dans une vie, c’est pas zéro, on pourrait très bien instaurer un système dans lequel, quand on est jeune, on a deux des quatre vols pour aller découvrir le monde. »</p>
</blockquote>
<p><strong>Taux de recours à l’avion (%) sur une année selon le niveau de vie et le niveau de diplôme</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538264/original/file-20230719-17-nyschm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">33 % des diplômés du supérieur ont pris l’avion au moins une fois dans l’année.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2019-2-page-131.htm">Eurobaromètre 2014, Enquête nationale transports 2008, Demoli et Subtil, 2019</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La question de l’empreinte carbone</h2>
<p>Marqueur de la domination de classe, l’avion est excessivement émetteur de gaz à effet de serre (GES), <a href="https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534">bien plus que n’importe quel autre moyen de transport</a>.</p>
<p>Chaque année, en moyenne, une personne des classes supérieures émet <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800922003470">plusieurs tonnes de GES en voyageant en avion</a>. De ce seul fait, l’empreinte carbone de sa trajectoire sociale est sans commune mesure avec celle de la plupart des individus, qui n’ont jamais pris l’avion de leur vie ou ne l’ont pris qu’exceptionnellement.</p>
<p>Ainsi, les ressources durables qu’elle a accumulées grâce à ces voyages ont eu un coût écologique très élevé. Que cette personne ait ou non arrêté de prendre l’avion ces dernières années ne change qu’à la marge le coût de son privilège.</p>
<p>Dans le débat sur l’avenir de l’avion, il est donc avant tout question de l’empreinte écologique des positions sociales dominantes, et non de comportements individuels universels qu’il faudrait corriger.</p>
<h2>Les quotas, une proposition ambivalente</h2>
<p>Depuis cette perspective, comment interpréter l’idée d’un quota de quatre vols en avion dans la vie d’une personne ?</p>
<p>Une première interprétation est progressiste. On peut considérer qu’étendre le privilège de prendre l’avion quatre fois à l’ensemble de la société permettrait à tous les jeunes, sans distinction, d’aller « découvrir le monde ». Une interprétation toutefois écologiquement extrêmement coûteuse.</p>
<p>Car faire voler chaque personne quatre fois dans sa vie consommerait une part très importante du budget carbone qu’il reste à l’humanité. Pour donner un ordre de grandeur, offrir à chaque Française et Français quatre allers-retours Paris–New York dans sa vie consommerait l’équivalent de 6 % du budget carbone <a href="https://bonpote.com/la-france-ignore-la-science-pour-ses-objectifs-climatiques/">pourtant largement surestimé</a> que la Stratégie nationale bas carbone alloue aux transports à la fin de la décennie 2020.</p>
<p>Cela pèserait d’autant plus au fil des années, le budget carbone diminuant : ces vols équivaudraient à 5 à 10 % du budget carbone <em>total</em> de la France en 2050.</p>
<p><strong>Émissions carbone annuelles si l’ensemble des Français•es réalisaient dans leur vie</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538270/original/file-20230719-19-hxvrlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Détails du calcul : Un aller-retour : 2 tonnes (ordre de grandeur d’un Paris–New York). Cohorte de 18 ans en 2023 : 800 000 individus. Budget carbone de la France en 2030 selon la Stratégie nationale bas carbone : 300 millions de tonnes au total, 94 millions de tonnes pour les transports.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette interprétation progressiste est peu concevable. Une autre, probablement plus conforme à ce qu’envisage Jean-Marc Jancovici, consisterait à ne pas encourager à voler la population qui ne vole pas, mais à limiter celle qui vole.</p>
<p>Cela signifie, <em>in fine</em>, permettre aux membres des classes supérieures des pays du Nord de bénéficier encore du privilège de prendre un petit peu l’avion. C’est donc bien sur leurs privilèges que devrait porter le débat, comme celui qui émerge autour de la décarbonation de l’aviation.</p>
<h2>Décarboner pour une minorité ?</h2>
<p>Si l’on veut contenir au maximum le réchauffement climatique, continuer à faire voler des avions implique leur décarbonation rapide. C’est le cas même si l’on décide de limiter les vols des classes supérieures des pays les plus riches.</p>
<p>Or, à court terme, il n’y a pas de solution permettant de voler autant sans émettre de GES. Emmanuel Macron a donc proposé un investissement de 8,5 milliards d’euros d’ici 2027 pour développer un « avion ultrasobre » et des carburants durables.</p>
<p>L’ambition <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/06/24/l-aeronautique-fait-rever-les-jeunes-ingenieurs-qui-veulent-inventer-l-avion-de-demain_6179071_4401467.html">séduit le monde des ingénieurs</a>, dont les propriétés entrent en affinité à la fois avec la norme de l’avion <a href="https://www.environmentandsociety.org/perspectives/2017/4/article/excuse-us-while-we-fix-sky-weird-supermen-and-climate-engineering">et avec ce type de raisonnement technologique</a>. Elle provoque également quantité d’oppositions : l’aviation ultrasobre n’existera pas dans un futur proche et elle demanderait quoiqu’il en soit une <a href="https://blogs.mediapart.fr/atelier-decologie-politique-de-toulouse/blog/290920/avion-hydrogene-quelques-elements-de-desenfumage">quantité très importante de surfaces de cultures ou d’électricité bas carbone</a>.</p>
<p>Or, la question n’est pas seulement de savoir si c’est possible, mais si c’est désirable. Avant de décider si un secteur mérite un tel investissement, remettons au cœur du débat des éléments plus épineux que la faisabilité technologique : à qui donne-t-on la possibilité de consommer une part si importante du budget carbone restant à l’humanité ? Dans quels buts collectifs ?</p>
<p><strong>Part des personnes croyant en la possibilité future d’un avion plus écologique</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538268/original/file-20230719-25-96tni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=222&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Gauche : Pourcentage d’individus ayant répondu « Oui, tout à fait » à la question : Croyez-vous à la possibilité qu’il existe un jour un avion plus écologique, moins émetteur de CO₂ ? (Source : IFOP-Fondation jean Jaurès, 2022). Droite : Pourcentage d’individus déclarant être très ou assez favorables l’interdiction des vols entre deux villes européennes dès 2026 pour réduire les émissions de carbone.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2022/06/Enquete_Avions.pdf">ELABE et BFMlV, 2022</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un nécessaire débat démocratique</h2>
<p>Poser ces questions permettrait d’aborder une dimension centrale de la catastrophe écologique : elle est d’abord le fait des fractions les plus privilégiées de la planète, en termes de classes mais aussi de <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315886572-34/welcome-white-anthropocene-giovanna-di-chiro">genre et de race</a>.</p>
<p>Un tel débat aiderait à rendre plus acceptable la réduction nécessaire de l’activité d’un secteur qui, s’il est un symbole de l’industrie française, est aussi un des plus injustes et des plus carbonés de son histoire récente.</p>
<p>De la rendre plus acceptable, y compris aux yeux des personnes qui en pâtiront le plus : <a href="https://atecopol.hypotheses.org/4062">celles qui y travaillent</a>. Cela serait un exercice démocratique intéressant, qui devrait être suivi de nombreux autres.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Elsa Favier, Héloïse Prévost, Julian Carrey et Odin Marc pour leurs commentaires.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210072/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Gros est membre de l'Atelier d'écologie politique de Toulouse (Atécopol).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yoann Demoli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les débats sur l’avenir du trafic aérien occultent que le recours à l’avion demeure réservé à une minorité.Yoann Demoli, Maître de conférences en sociologie, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Julien Gros, Chargé de recherche CNRS, affilié au LISST (Université Toulouse Jean-Jaurès), Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2046572023-06-18T15:36:56Z2023-06-18T15:36:56ZSalon du Bourget : l’industrie aéronautique entre décarbonation, relocalisation et nouvelle compétition<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532447/original/file-20230616-29-7ygzpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">320 000 visiteurs viendront découvrir les nouveauté de la 54ème édition du Salon du Bourget (wall.alphacoders.com)</span> </figcaption></figure><p><a href="https://www.siae.fr/">Le Salon du Bourget</a> ouvre ses portes pour une semaine à partir du 19 juin alors que le marché de l’aéronautique est à la fois en pleine reprise et en pleine mutation. L’annulation de l’édition 2021 du Salon en raison de la pandémie mondiale avait été symptomatique de la crise que le <a href="https://theconversation.com/topics/aeronautique-30518">secteur</a> a traversée. Il paraissait stable et résilient mais la pandémie a dévoilé certaines de ses faiblesses et <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/reseauinnovation/2021/02/10/les-ailes-brulees-d-icare-l-aeronautique-face-a-la-crise-sanitaire">l’a poussé à se remettre profondément en question</a>.</p>
<p>Plus de trois ans après le premier confinement, la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/laeronautique-francaise-court-toujours-apres-sa-productivite-davant-crise-1938875">situation n’est toujours pas revenue à la normale</a> et le niveau de productivité ne remonte que très lentement. En effet, bien que le <a href="https://theconversation.com/topics/avion-56375">trafic aérien</a> prévu par les <a href="https://theconversation.com/topics/compagnies-aeriennes-56376">compagnies aériennes</a> en 2023 soit proche du record de 2019 avec <a href="https://www.tf1info.fr/transports/aviation-les-compagnies-aeriennes-prevoient-4-35-milliards-de-passagers-cette-annee-2023-proche-du-record-de-2019-2259372.html">4,35 milliards de passagers dans le monde</a>, la production et la livraison d’avions sont encore au ralenti. La crise de la demande s’est muée en crise de l’offre, avec un manque de matières premières, de composants, d’équipements, de transport, de main-d’œuvre et de capacité de production des fournisseurs.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cwEcaVWdSCg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du 54ᵉ Salon de l’Aéronautique & de l’Espace, Paris, Le Bourget, 19-25 juin 2023.</span></figcaption>
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<p>Les <a href="https://www.siae.fr/le-salon/liste-exposant-2023.htm">2 453 exposants</a> qui se retrouvent au Salon du Bourget viennent donc animés par de nouvelles préoccupations et ambitions. Les professionnels du secteur doivent trouver des solutions pour surmonter les difficultés structurelles tout en répondant aux nouvelles attentes des consommateurs. Il leur faut aussi composer avec les <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-538/r21-538-annexe.pdf">exigences des autorités publiques</a>, notamment en termes d’<a href="https://theconversation.com/topics/decarbonation-26227">environnement</a>, objet de nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0040162521007034">recherches</a>, avec les stratégies de <a href="https://theconversation.com/topics/relocalisation-economique-84432">relocalisation des activités</a>, ainsi qu’avec l’émergence de nouveaux acteurs.</p>
<h2>La fin du duopole Airbus-Boeing ?</h2>
<p>Le marché de l’aéronautique est dominé par le duopole formé par <a href="https://theconversation.com/topics/airbus-35468">Airbus</a>, <a href="https://theconversation.com/airbus-again-becomes-the-worlds-leading-aircraft-manufacturer-129595">leader mondial depuis quatre ans</a>, et <a href="https://theconversation.com/topics/boeing-67782">Boeing</a> qui revient en force dans la compétition après le <a href="https://theconversation.com/crashs-conception-defectueuse-crise-aerienne-le-boeing-737-max-revolera-t-il-un-jour-133390">désastre du 737 Max</a>, appareil interdit de vol après deux crashs en quelques semaines en 2019.</p>
<p>Pour mettre fin à la suprématie des géants européens et américains, la Chine a créé l’entreprise Comac (<em>Commercial Aircraft Corporation of China</em>) en 2008 à Shanghai. Après 15 ans de développement, le C919 de Comac a effectué son premier vol commercial le 28 mai 2023. Cet avion de ligne chinois est un <a href="https://www.slate.fr/story/247922/avion-chinois-c919-premier-vol-commercial-concurrence-airbus-boeing">concurrent direct des Airbus A320 et Boeing 737 Max</a>. La compagnie étatique a déclaré avoir reçu un total de commandes de plus de 1 200 avions, tous destinés à des compagnies aériennes chinoises. Cependant, Comac reste encore <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/certifie-le-c919-du-chinois-comac-peut-il-faire-de-l-ombre-a-airbus-et-boeing.N2049822">fortement dépendante des technologies occidentales</a> avec des fournisseurs comme GE, Safran, Honeywell, Michelin et Liebherr.</p>
<p>L’ambition de Comac est de capturer 20 % du marché mondial d’ici 12 ans. Le nouveau constructeur prévoit une production annuelle de 150 C919 par an ce qui pourrait lui permettre d’alimenter 50 % du marché chinois, le deuxième marché aéronautique, juste derrière les États-Unis, <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/aviation-concurrent-chinois-boeing-airbus-c919-comac-bourre-technologies-occidentales-michelin-moteur-electronique-214909">contrôlé pour l’instant à 98 % par Airbus et Boeing</a>. Face à cette situation, Airbus, qui produit déjà une cinquantaine d’A320 par an sur le site de Tianjin, a annoncé vouloir doubler ses capacités avec la <a href="https://www.sudouest.fr/economie/transports/airbus-ouvre-une-deuxieme-ligne-d-assemblage-en-chine-pour-doubler-sa-capacite-de-production-14707819.php">création d’une seconde ligne d’assemblage</a> (FAL, <em>final assembly line</em>) d’ici fin 2025 pour renforcer sa proximité avec ses plus gros clients en Asie-Pacifique, zone qui représentera 40 % des livraisons d’avions dans les 20 prochaines années.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le premier vol du C919, l’avion de ligne chinois.</span></figcaption>
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<p>Comac s’est aussi associée avec le consortium russe UAC (<em>United Aircraft Corporation</em>) le 22 mai 2017 afin de former le joint-venture CRAIC (<em>China-Russia Commercial Aircraft International Corporation, Ltd.</em>) qui <a href="https://theconversation.com/aeronautique-la-menace-sino-russe-plane-sur-le-duopole-airbus-boeing-118638">constitue une menace pour le duopole Airbus-Boeing</a>. Cette entité travaille au <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lI4_clMtfEs">développement et à la production du CR929</a>, un avion équivalent à l’A350 d’Airbus et au B787 de Boeing, mais environ 20 % moins cher. Cette alliance, qui fait partie d’une démarche stratégique majeure de collaboration sino-russe, a été mise à mal par les sanctions faisant suite à l’invasion de l’Ukraine.</p>
<h2>Dynamiques de relocalisation</h2>
<p>En France, pour rétablir une souveraineté industrielle et éviter la dépendance vis-à-vis de certaines sources d’approvisionnement, de <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/289178-la-relocalisation-une-vraie-bonne-idee-par-jean-marc-figuet">nombreux projets de relocalisation des activités de fabrication, de transformation et d’assemblage sont en cours</a>. Dans l’aéronautique, ils visent à réduire les coûts, les délais et les émissions liées au transport, à <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/laeronautique-francaise-court-toujours-apres-sa-productivite-davant-crise-1938875">simplifier les chaînes logistiques et à éviter les pénuries</a> de composants et de matériaux. Des incitations financières significatives et une conviction portée par le <a href="https://www.economie.gouv.fr/fabrique-en-france">plan « fabriqué en France »</a> contribuent à cette dynamique de relocalisation.</p>
<p><a href="https://www.ladepeche.fr/2023/02/20/sur-les-13000-recrutements-dairbus-en-2023-dans-le-monde-3500-sont-fleches-pour-la-france-11012456.php">Airbus prévoit 13 000 embauches dans le monde</a> en 2023 dont 3 500 en France. <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/la-defense-et-laeronautique-vont-massivement-recruter-en-2023-120816/">Thales et Safran annoncent chacun 12 000 postes à pourvoir</a> dont respectivement 5 500 et 4 500 dans l’Hexagone. Cette vague de recrutement ce propage chez tous les acteurs et leurs fournisseurs.</p>
<p>L’emploi étant devenu le principal sujet de préoccupation du secteur, le Salon du Bourget permettra de <a href="https://www.siae.fr/evenements/l-aero-recrute.htm">présenter les nouveaux métiers de l’aéronautique</a> et de mettre en avant des marques employeur compétitives pour attirer les meilleurs talents. La relocalisation et le développement d’activités en France et en Europe nécessitent de mettre rapidement en place des <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/328025243.pdf">équipes multifonctionnelles performantes</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’aéronautique recrute « 25 000 personnes en France ». Interview de Guillaume Faury, CEO d’Airbus.</span></figcaption>
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<p>Les politiques de relocalisation pourraient cependant bien se trouver contrariées par les mesures américaines de subvention des technologies et énergies vertes. Celles-ci augmentent l’attractivité des États-Unis en termes économiques et écologiques et sont susceptibles d’attirer de nombreux acteurs européens. L’<em>Inflation Reduction Act</em> (loi de réduction de l’inflation) voté en août 2022 prévoit <a href="https://www.linfodurable.fr/partenaires/edmond-de-rothschild-asset-management/les-plans-verts-fleurissent-travers-le-monde">369 milliards de dollars d’aides sur les dix prochaines années</a> pour favoriser la transition écologique.</p>
<h2>Vers l’aéronautique durable</h2>
<p>Selon l’Agence européenne pour l’environnement, l’aviation représenterait <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20191129STO67756/emissions-de-co2-des-avions-et-des-navires-faits-et-chiffres-infographie">3,8 % des émissions totales</a> de gaz à effet de serre de l’Union européenne. Même si la consommation de carburant par passager au kilomètre a été divisée par deux au cours des 30 dernières années, le trafic aérien a lui été multiplié pratiquement par cinq. Les émissions associées <a href="https://www.carbone4.com/analyse-faq-aviation-climat">ont donc plus que doublé</a>. Le parlement européen vise à <a href="https://climate.ec.europa.eu/eu-action/european-green-deal/delivering-european-green-deal_fr">réduire les émissions de 55 % avant 2030 et souhaite les supprimer totalement avant 2050</a> pour devenir climatiquement neutre. Les compagnies aériennes, les constructeurs et les équipementiers travaillent donc à des solutions pour atteindre ces objectifs.</p>
<p>Airbus et Boeing consacrent la <a href="https://www.wedemain.fr/dechiffrer/aviation-durable-airbus-et-boeing-pleins-gaz-vers-objectif-zero-carbone-en-2050/">quasi-totalité de leurs projets d’innovation à la réduction de l’empreinte carbone</a> de leurs appareils. Les avions sont devenus plus légers grâce aux matériaux composites qui représentent plus de <a href="https://pinetteemidecau.eu/fr/actualit%C3%A9s/562-jec-2022-composites">50 % du poids des A350 et des B787</a>, et les motorisations moins gourmandes en carburant grâce à des systèmes de régulation numériques innovants. L’utilisation de <a href="https://www.klm.fr/information/sustainability/sustainable-aviation-fuel">Carburants d’aviation durables</a> (CAD), produits essentiellement à partir de déchets verts, réduit de plus de 75 % les émissions totales de CO<sub>2</sub> et génère 90 % de microparticules en moins, mais reste marginale – autour de 1 % – pour des raisons structurelles. Air France-KLM ambitionne d’augmenter leur usage à <a href="https://corporate.airfrance.com/les-carburants-daviation-durable">10 % d’ici 2030 et 63 % d’ici 2050</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Avion à hydrogène : premier test pour un vol commercial.</span></figcaption>
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<p>Certes, les carburants verts et le renouvellement des flottes auront un impact significatif à court et moyen terme, mais <a href="https://www.wsp.com/fr-fr/perspectives/decarbonisation-complete-du-secteur-de-laviation">l’objectif à long terme est une décarbonisation totale</a>. Pour relever ce défi, Airbus développe trois avions à hydrogène : un turboréacteur de 200 places avec un rayon d’action de 3 500 kilomètres, un turbopropulseur ou avion à hélices pour les trajets courts et un <a href="https://toulouse.latribune.fr/innovation/recherche-et-developpement/2021-04-01/aile-volante-a-hydrogene-l-isae-supaero-planche-avec-airbus-sur-de-nouveaux-materiaux-881405.html">avion à fuselage intégré, aussi appelé aile volante</a>, avec plus d’alternatives pour le stockage de l’hydrogène et l’aménagement de la cabine passagers. Un réacteur alimenté à l’hydrogène sera testé fin 2026 sur un A380. L’objectif est de pouvoir commercialiser un avion zéro émission en 2035.</p>
<h2>L’IA révolutionne les processus et les produits</h2>
<p>L’intelligence artificielle (IA) contribue à atteindre ces objectifs. L’<em>éco-piloting</em> consiste à optimiser le pilotage de l’avion en fonction des données de navigation et de l’environnement pour en réduire la consommation. <a href="https://toulouse.latribune.fr/innovation/recherche-et-developpement/2021-10-01/l-optimisation-des-vols-une-piste-meconnue-pour-decarboner-l-aviation-892842.html">L’optimisation des trajectoires de vol</a> grâce au big data fait économiser entre 5 et 10 % de carburant. <a href="https://www.telecom-paris.fr/airbus-donnees-massives-maintenance-predictive">La maintenance prédictive</a> utilise le <em>machine learning</em> pour anticiper à distance, grâce à des capteurs, les besoins de maintenance des avions. Les alertes en cas de comportement anormal limitent les incidents techniques, sources de retards, de surcoûts et d’insatisfaction.</p>
<p><a href="https://www.journal-aviation.com/actualites/44994-airbus-lance-skywise-reliability-premium">La plate-forme SkyWise améliore l’efficacité opérationnelle</a> de la flotte d’avion d’une compagnie aérienne en optimisant les plans de vol et les quantités de carburant nécessaires. Avec des programmes de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/05/les-pilotes-craignent-d-etre-remplaces-par-l-intelligence-artificielle-aux-commandes-des-avions_6176221_3234.html">pilotage assisté par ordinateur comme DragonFly</a>, Airbus s’oriente progressivement vers l’avion <em>single pilot operation</em> (avion monopilote), autre innovation qui répondra à la pénurie de pilotes de ligne, surtout pour le transport de fret. Plus généralement, l’intelligence artificielle jouera un rôle fondamental dans le conception, le développement, le test, la fabrication et la maintenance des avions du futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204657/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décarbonisation du secteur, les dynamiques de relocalisation et de digitalisation, ainsi que la remise en cause du duopole Airbus-Boeing, sont les grandes questions qui animent l’aéronautique.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042262023-05-01T17:14:40Z2023-05-01T17:14:40ZUne économie de guerre sera-t-elle nécessaire pour respecter l’Accord de Paris sur le climat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1995%2C1315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quels impacts macroéconomiques peut-on anticiper dans la mise en œuvre des objectifs de l’accord de Paris&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><span class="source">COP Paris / Flickr</span></span></figcaption></figure><p>Voilà maintenant 3 ans que la pandémie liée au coronavirus est venue bouleverser le monde. Depuis, nous avons connu en Occident des conditions macroéconomiques qui n’avaient plus été observées en plusieurs décennies. La reprise économique post-Covid et la désorganisation des chaînes de valeur ont engendré un déséquilibre entre offre et demande et une <a href="https://theconversation.com/topics/inflation-28219">inflation</a> importante. À cela se sont ajoutées les conséquences de la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie et de l’alimentation. À ainsi été atteint un <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/le-taux-d-inflation-en-europe/">taux d’inflation jamais vu en zone euro</a> depuis la création de la monnaie unique. En parallèle, de nombreux pays, à la tête desquels les États-Unis et le Royaume-Uni, ont connu une <a href="https://www.theguardian.com/business/2022/dec/04/why-are-so-many-people-leaving-the-workforce-amid-a-uk-cost-of-living-crisis">pénurie de travailleurs</a>, et on observe dans de nombreux pays européens une <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/christian-chavagneux/totalenergies-maillon-faible/00104762">réémergence du conflit social</a> lié à la répartition des richesses entre travail et capital.</p>
<p>Et la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-energetique-23303">transition énergétique</a> dans tout cela ? Et si au lieu de contribuer à apaiser ces tensions, celle-ci venait rajouter de l’huile sur le feu et renforçait les différentes dynamiques inflationnistes ? C’est ce qu’a étudié en détail notre collectif d’ingénieurs et d’économistes de l’UCLouvain, de l’Agence française de développement, du <em>Shift Project</em>, de l’Université Grenoble Alpes et de l’Inria. Dans un <a href="https://authors.elsevier.com/sd/article/S0921-8009(23)00095-2">article</a> récemment publié dans la revue <em>Ecological Economics</em>, nous tentons de répondre à la question suivante : « quelles dynamiques macroéconomiques seraient engendrées par une transition énergétique mondiale rapide, compatible avec l’accord de Paris ? »</p>
<p>Alors que nombre d’économistes abordent cette question en parlant d’un « capital brun » qu’il faudrait remplacer par du « capital vert », notions relativement abstraites, nous avons pris soin de fonder notre modèle sur les caractéristiques techniques des énergies <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306261919316551?via%3Dihub">solaire</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306261917313673">éolienne</a> au niveau mondial pour déterminer de manière précise leur potentiel global.</p>
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<p>Ces deux types d’énergie seront vraisemblablement <a href="https://www.mdpi.com/1996-1073/13/21/5543">largement majoritaires</a> à l’avenir, quel que soit le mix énergétique décarboné envisagé. Le modèle que nous avons développé, baptisé Temple, représente de manière unifiée les interactions entre système énergétique, économie réelle et sphère financière. La nouveauté réside notamment dans l’utilisation de projections détaillées de l’évolution de différentes caractéristiques du système énergie-économie au cours de la transition. Sont ainsi incluses l’évolution des besoins en capital du secteur énergétique, fondée sur des calculs de Taux de Retour Énergétique (abrégé <a href="https://reporterre.net/La-dure-loi-de-l-Eroi-l-energie-va-devenir-plus-rare-et-plus-chere">EROI</a> en anglais), l’évolution de l’intensité énergétique des différents secteurs économiques et les changements démographiques globaux.</p>
<p>Temple permet donc de modéliser une économie mondiale qui, tout en continuant à croître, réaliserait une transition énergétique à marche forcée jusqu’à 2050. Il nous amène à six conclusions essentielles.</p>
<h2>Des besoins, de la croissance mais un effet d’éviction</h2>
<ul>
<li><p>La transition énergétique implique une multiplication par 10 des <strong>besoins en capitaux</strong> du secteur énergétique. Autrement dit, répondre à une demande énergétique mondiale donnée à l’aide de panneaux solaires et d’éoliennes, en prenant en compte les moyens de stockage d’énergie et le renforcement des réseaux associés, demande 10 fois plus de machines et d’équipement que leur équivalent en puits de pétrole, gaz, mines de charbon, centrales thermiques et réseaux actuels.</p></li>
<li><p>Du fait des investissements massifs dans le secteur énergétique, la transition induit un <strong>rebond de croissance économique</strong>.</p></li>
</ul>
<p><iframe id="ezlAX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ezlAX/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<ul>
<li>Contrairement à l’intuition keynésienne, les contraintes d’offre s’avèrent déterminantes dans la transition. Ce n’est pas la disponibilité physique en énergie renouvelable qui fait défaut, mais plutôt la capacité productive de l’économie. En d’autres termes, la demande en investissements dans le secteur énergétique est telle que l’appareil productif ne peut pas répondre à la fois à cette nouvelle demande et à la demande en biens de consommation des ménages. Un phénomène de <strong><em>crowding-out</em> de la production industrielle</strong> apparaît dès le début de la transition (en français, on parle d’effet d’éviction). Notons que Temple modélise aussi bien la sphère réelle que financière de l’économie : la contrainte soulignée ci-dessus concerne bien l’économie réelle, la transition ne semblant pas rencontrer d’obstacle majeur d’un point de vue financier.</li>
</ul>
<h2>Épargne, pénurie de travailleurs et inflation</h2>
<ul>
<li>Selon notre modèle, le <strong>taux d’investissement</strong> de l’économie mondiale (c’est-à-dire la fraction du PIB non dédiée à la consommation des ménages et du gouvernement) devrait augmenter de 26 % aujourd’hui à plus de 40 % au pic de la transition.</li>
</ul>
<p><iframe id="1K0Vo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1K0Vo/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une telle situation n’a plus été observée dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis. C’est dire que les simulations du modèle correspondent à une économie de guerre où la production de tanks, obus et bombardiers serait remplacée par celle de panneaux solaires, éoliennes et réseaux électriques. Tout comme pendant la Seconde Guerre mondiale, les ménages seraient forcés d’épargner une partie significative de leur revenu, afin de contribuer au financement de ces investissements.</p>
<ul>
<li>Le dynamisme économique provoqué par la transition ne vient pas seulement saturer le capital productif, il cause aussi d’importantes <strong>tensions sur le marché du travail</strong>. Dans le scénario principal étudié avec Temple, le taux d’emploi augmente ainsi de 20 % entre aujourd’hui et 2050.</li>
</ul>
<p><iframe id="3Gh25" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3Gh25/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme <a href="https://jwmason.org/slackwire/climate-policy-from-a-keynesian-perspective/">envisagé par J. W. Mason</a>, professeur d’économie au John Jay College de New York, cela induit une pénurie de travailleurs et augmente par-là considérablement leur pouvoir de négociation salariale. Un effet indirect d’une telle transition serait de faire ré-augmenter la part des salaires dans le PIB, de l’ordre de 10 points, alors que celle-ci <a href="https://academic.oup.com/cje/article-abstract/40/6/1517/2875714?redirectedFrom=fulltext">n’a cessé de diminuer depuis 40 ans</a> dans l’ensemble des économies occidentales.</p>
<ul>
<li>Enfin, la démultiplication des coûts en capitaux des entreprises énergétiques, le déséquilibre persistant entre demande en capital et biens de consommation d’une part, et production industrielle de l’autre, ainsi que l’augmentation des salaires, rendent la transition énergétique <strong>fortement inflationniste</strong>. Dans le scénario étudié avec Temple, on observe une inflation soutenue de 10 % en moyenne pour l’économie mondiale.</li>
</ul>
<p><iframe id="Mrld4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Mrld4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un tel niveau d’inflation est similaire à ce qu’ont connu les pays de l’Union européenne dans les mois qui ont suivi l’invasion russe de l’Ukraine.</p>
<h2>Une nécessaire restructuration de l’économie en profondeur</h2>
<p>Bien sûr, un tel scénario de transition énergétique a peu de chances de se matérialiser en pratique, tant il implique de sacrifices. Les résultats présentés ci-dessus tranchent avec ce qui peut être observé aujourd’hui dans certains pays européens à la pointe de la transition énergétique tels que le Danemark, où celle-ci semble se dérouler comme un processus relativement fluide. Ces quelques pays ne sont cependant, dans l’absolu, encore qu’au début de la décarbonisation de leur système énergétique. De plus, les panneaux solaires et les éoliennes qui y sont installés sont principalement manufacturés dans d’autres pays, qui eux reposent sur un mix énergétique fossile : les contraintes de capacité productive sont donc invisibilisées.</p>
<p>Grâce à la combinaison des points de vue d’ingénieurs et d’économistes sur la transition, les simulations réalisées avec Temple permettent ainsi de mettre en lumière les fortes perturbations économiques qui seraient engendrées par une transition énergétique ambitieuse. Nous n’en concluons pas pour autant qu’un système énergétique 100 % renouvelable soit inatteignable. En effet, le scénario proposé ci-dessus peut être nuancé de diverses manières, notamment en questionnant la croissance de l’économie mondiale.</p>
<p>Notre but est plutôt de souligner la restructuration profonde de l’économie qu’implique une transition vers un système énergétique décarboné. Une telle transition est fortement inflationniste et fait réémerger au premier plan la question de la répartition de la richesse entre capital et travail. Elle requiert l’adoption de nouvelles formes de gouvernance écologique, à la fois pour gérer cette conflictualité sociale et pour assurer une bonne allocation du capital productif vers les secteurs clés de la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis Delannoy a reçu des financements de l'INRIA Grenoble. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Andrieu est financé par le think tank The Shift Project. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Jeanmart a reçu des financements de l'UCLouvain pour travailler sur cette thématique. Il a également reçu le prix Bauchau permettant de financer la suite des travaux. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le doctorat de Pierre Jacques est financé par Hervé Jeanmart grâce au prix Bauchau. Pierre Jacques est par ailleurs membre du think tank l'Institut Rousseau.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Godin et Sakir Devrim Yilmaz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Besoin en investissement, en travailleurs, conséquences sur la croissance et l’inflation : une équipe pluridisciplinaire a modélisé les conséquences sur l’économie réelle de la transition énergétique.Louis Delannoy, Doctorant en mathématiques appliquées, InriaAntoine Godin, Économiste-modélisateur, Agence française de développement (AFD)Baptiste Andrieu, Doctorant en sciences de la terre et de l'environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Hervé Jeanmart, Professor, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Pierre Jacques, PhD Student & Researcher in Ecological Economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Sakir Devrim Yilmaz, Modélisateur macroeconomique, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024562023-03-26T15:59:20Z2023-03-26T15:59:20ZLa maximisation du profit sous contrainte énergétique, la nouvelle équation des multinationales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517171/original/file-20230323-14-u13f1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1266%2C866&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2022, les principales compagnies pétrolières ont doublé leurs bénéfices.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/97423979@N00/14155111927">Neal Wellons/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La décennie 1980 marque l’irruption des grands groupes dans l’espace mondial de la production et des échanges et le transfert des droits de décision à des fournisseurs localisés à l’étranger. Grâce aux technologies d’information et à la numérisation, le mouvement de découpage, d’externalisation et de délocalisation des tâches, appelé globalisation, a permis la mise en place de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chaine-de-valeur-48789">chaînes de valeur</a> mondiales caractérisées par une forte intensité des relations et une baisse des coûts de transaction.</p>
<p>La fluidification de l’espace mondial a accru la mobilité de la production des biens et services permise par un arbitrage entre la propriété (investissements directs à l’étranger) et la coordination (relations contractuelles avec les fournisseurs). Le décentrement de l’analyse <a href="https://e.lavoisier.fr/produit/45668/9782746289024/les-paradoxes-de-l-economie-du-savoir">vers les tâches productives et de services</a> plutôt que vers les biens fournit le cadre théorique de cette démarche : les chaînes de valeur renforcent l’avantage concurrentiel en abaissant le coût du travail pour des compétences de même niveau.</p>
<p>Cette organisation est en grande partie remise en cause aujourd’hui.</p>
<h2>L’importance des actifs primaires</h2>
<p>Une vague néo-protectionniste submerge le monde. Le recentrage de la Chine sur son marché intérieur, la guerre en Ukraine, la segmentation poussée des chaînes de valeur avec pour conséquence la difficulté de contrôler l’ensemble du processus de production et l’influence grandissante du risque géopolitique, ont à la fois ralenti le processus de globalisation et l’ont réordonné géographiquement, ce qui conduit à un périmètre plus réduit de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_occidentalisation_du_monde-9782707145918">l’occidentalisation</a>.</p>
<p>La dislocation de l’espace mondial ne signifie pas la fin de la globalisation, mais une nouvelle conception de l’intégration économique privilégiant l’accès aux actifs primaires. C’est le cas de la Chine qui se globalise par les infrastructures et construit les « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">routes de la soie</a> » en élaborant des accords portant sur des actifs bruts (licences d’exploitation des matières premières, achat de terres cultivables).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-guerre-en-ukraine-transforme-la-carte-des-routes-commerciales-chine-europe-189350">La guerre en Ukraine transforme la carte des routes commerciales Chine-Europe</a>
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<p>Le <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_21_6433">projet de portail mondial de la Commission européenne</a>, d’un montant de 300 milliards d’euros d’investissements public et privé entre 2021 et 2027 (Global Gateway) vise à financer des projets d’infrastructure hors de l’UE dans le but de contrer les routes de la soie chinoises et à accéder à des matières premières sensibles (terres rares, lithium), que l’UE importe aujourd’hui de Chine.</p>
<p>En fait, de nombreuses entreprises européennes sont soumises à une double contrainte : l’accès à l’énergie (actif primaire) et la <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/bifurcations/">décarbonation de l’activité</a>. Les effets économiques sont considérables, y compris chez les fournisseurs. La compétitivité de l’ensemble de la chaîne de valeur est menacée.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.oecd.org/fr/presse/prix-a-la-consommation-de-locde-mise-a-jour-7-mars-2023.htm">OCDE (2023)</a></span>
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<p>On peut citer le cas de l’équipementier aéronautique français Safran, qui a ajourné fin 2022 son projet d’usine de freins carbone à Feyzin (Rhône) et accroît la production des usines déjà localisées aux États-Unis et en Malaisie, puis effectue en un second temps un investissement direct aux États-Unis, pays dans lequel le <a href="https://www.oecd.org/fr/presse/prix-a-la-consommation-de-locde-mise-a-jour-7-mars-2023.htm">prix de l’énergie est resté stable</a> ces deux dernières années (l’énergie représente 40 % du coût de fabrication des freins carbone).</p>
<h2>La primauté de la demande</h2>
<p>L’accès aux actifs primaires n’offre qu’une explication partielle de la recomposition des objectifs et des modalités d’organisation des firmes globales. La numérisation et la gestion des écosystèmes ont modifié les relations entre les coûts du travail et les prix, en particulier dans les secteurs dans lesquels l’inflation progresse sous l’influence de la demande.</p>
<p>La stratégie des entreprises est d’accroître les parts de marché et de maximiser leurs chiffres d’affaires de façon à atteindre des positions quasi monopolistiques (électronique, aéronautique, chimie, pharmacie, etc.) La profitabilité réside avant tout dans la capacité d’exploiter les opportunités de croissance et d’anticiper les modifications de la demande, notamment lorsqu’elle exige l’usage de « technologies propres ».</p>
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<p>La recherche de l’avantage concurrentiel privilégiait les coûts du travail et la productivité que la démultiplication des tâches dans les chaînes de valeur favorisait. Les chaînes de valeur, recomposées sur le plan régional et plus morcelées, exigent aujourd’hui une normalisation technologique poussée : Safran précise qu’il n’y a pas d’action de décarbonation sans transformation du capital productif de tous les fournisseurs, pour être en mesure de respecter les <a href="https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/ICAO-Council-adopts-new-CO2-emissions-standard-for-aircraft.aspx">normes internationales</a> de certification des émissions de CO<sub>2</sub> pour les avions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1585942686409887745"}"></div></p>
<p>Le salaire n’est pas la variable fondamentale dans la réorganisation des grandes entreprises. Ce qui devient crucial, ce sont les coûts de formation et de mobilité de la main-d’œuvre. En revanche, le coût du capital dans la transition écologique exige la maximisation du chiffre d’affaires pour permettre le déclassement des équipements, le financement de lourds investissements en nouvelles technologies, la fermeture de certaines unités.</p>
<p>La demande d’avions commerciaux reste très forte aux États-Unis (avions neufs et rénovation), ce qui justifie l’investissement de Safran qui possède 55 % de parts de marché sur le segment des avions commerciaux de plus de 100 places, devant l’américain Collins Aerospace (Raytheon Technologies). En 2021, ce sont les industries les plus concentrées qui ont connu les plus fortes hausses de prix, ce qui facilite la croissance du chiffre d’affaires et le maintien de marges de profit élevées (11,2 % pour les grandes entreprises du S&P 500).</p>
<p>Par ailleurs, la décarbonation est un moyen d’attirer de nouvelles compétences, principalement celles des nouvelles générations, sensibles à ces nouveaux enjeux.</p>
<h2>Qu’en est-il des Big Oil ?</h2>
<p>Ces entreprises (ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et TotalEnergies) doublent leurs bénéfices en 2022 (<a href="https://www.zonebourse.com/cours/action/BP-PLC-9590188/actualite/Big-Oil-double-ses-benefices-lors-de-la-superproduction-de-2022-42930073/">219 milliards de dollars</a>) en surproduisant pour répondre à une demande qui explose du fait des risques géopolitiques. Le cas de TotalEnergies est significatif d’un comportement oligopolistique qui vise à maximiser le chiffre d’affaires (augmentation de 60 % entre 2021 et 2022) et le résultat net (19,47 milliards d’euros en 2022).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1623219722517991424"}"></div></p>
<p>Le développement de l’entreprise passe d’abord par le renforcement de la part de marché permis par une politique à long terme d’acquisitions (2011-2018) : de 60 % de la société US SunPower, de Saft Groupe, de Lampiris, de Direct Energie, etc. Cette stratégie de « glocalisation » (déploiement mondial sur 130 pays conjugué à un ancrage local) permet le développement d’une diversification multiénergies sous la contrainte que les produits amont (pétrole et gaz) doivent régresser progressivement à mesure que les investissements sont orientés vers les énergies renouvelables et à faible émission de carbone.</p>
<p>Le coût du capital se renchérit à la fois pour mener à leur terme les projets d’exploration et de production en cours et pour favoriser le réinvestissement dans d’autres secteurs, le risque étant de déclasser trop rapidement certains capitaux qui exigent d’être comblés par un surcroît d’investissements. L’entreprise a pour objectif d’être un acteur majeur de la transition énergétique et de devenir, en engageant notamment ses fournisseurs, un des <a href="https://totalenergies.com/info/totalenergies-publishes-its-sustainability-climate-2022-progress-report">cinq premiers producteurs mondiaux</a> d’électricité solaire et éolienne en 2030.</p>
<p>D’autant qu’aux États-Unis, <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’Inflation Reduction Act</a>, adoptée en août 2022, permet aux entreprises d’un grand nombre de domaines d’activité (du nucléaire à l’hydrogène en passant par les voitures électriques et l’isolation des maisons individuelles), quelle que soit leur nationalité, de bénéficier de 369 milliards de dollars de subventions pour verdir leur production, sous forme d’aides à l’investissement ou de crédit à la production.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décarbonation, qui nécessite beaucoup de capital, conduit les grandes entreprises à délaisser progressivement la recherche de l’avantage concurrentiel par la baisse du coût du travail.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2007742023-02-28T18:14:13Z2023-02-28T18:14:13ZLa hausse du prix du quota de CO₂, une arme anti-charbon<p>Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022, les prix de l’énergie se sont envolés. Celui du quota de CO<sub>2</sub> sur le marché européen du carbone a perdu un bon tiers de sa valeur. Certains ont alors cru que le système n’allait pas résister à la flambée des prix énergétiques.</p>
<p>Un an après, le prix du quota se porte bien. Depuis le début d’année 2023, il a gagné plus de 15 %. Le 27 février, le prix du contrat à terme à échéance d’un an a atteint la barre symbolique de 100 €/t. Le prix spot, réglé au comptant, a atteint un pic historique de 97€.</p>
<p>Pour comprendre ces mouvements de prix, il faut rappeler les <a href="https://climate.ec.europa.eu/system/files/2017-03/ets_handbook_en.pdf">principes</a> sur lesquels repose le marché européen des quotas carbone, le principal instrument de la stratégie européenne d’atténuation du changement climatique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512674/original/file-20230228-20-9v4iao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512674/original/file-20230228-20-9v4iao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512674/original/file-20230228-20-9v4iao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512674/original/file-20230228-20-9v4iao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512674/original/file-20230228-20-9v4iao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512674/original/file-20230228-20-9v4iao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512674/original/file-20230228-20-9v4iao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Auteur à partir des données Trading Economics</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Un mécanisme de rationnement avec flexibilité</h2>
<p>Complexe dans sa mise en œuvre, le principe de base du système d’échange des quotas de CO<sub>2</sub> est en fait d’une grande simplicité. Il s’agit d’un mécanisme de rationnement avec flexibilité.</p>
<p>Le rationnement est imposé aux industriels soumis au système par la fixation d’un plafond global d’émission à ne pas dépasser. Si ce plafond est contraignant, il crée de la rareté sur le marché ce qui fait monter le prix du quota. S’il est laxiste, le prix aura au contraire tendance à baisser. S’il n’y a plus aucune contrainte, le prix tendra vers zéro.</p>
<p>La flexibilité résulte de la possibilité pour les industriels soumis au système d’échanger les quotas qui sont autant de droits à émettre une tonne de CO<sub>2</sub>. Chaque année, ces industriels doivent restituer autant de quotas qu’ils ont émis de CO<sub>2</sub>. S’ils font défaut, ils payent une pénalité dissuasive. Plus le prix du quota est élevé, plus il devient coûteux d’émettre une tonne de CO<sub>2</sub>. Les acteurs du système sont alors incités à réduire leurs émissions.</p>
<h2>Prix du quota et objectifs climatiques</h2>
<p>Durant la décennie 2010, le dispositif n’a pas été contraignant pour une raison de fond. L’objectif climatique de l’Union européenne – une baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2020 – n’était pas contraignant. La meilleure preuve : l’objectif a été atteint dès 2013 comme l’indique <a href="https://www.eea.europa.eu/publications/annual-european-union-greenhouse-gas-1">l’inventaire européen des émissions</a> qui sert de juge de paix en la matière. Pas besoin d’un système de quota pour viser un objectif déjà atteint !</p>
<p>Face à cette situation, la Commission est parvenue à apposer quelques rustines au système en mettant sur pied une « réserve de stabilité » à partir de 2018. Cette réserve a retiré des quotas du marché, ce qui a fait remonter le prix aux alentours de 20 €/t.</p>
<p>La donne a totalement changé en décembre 2021 quand les chefs d’État européens ont relevé l’objectif de réduction d’émission à 55 % à l’horizon 2030, contre 40 % antérieurement. L’engagement a été déposé auprès des Nations unies au titre de la <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/NDC/2022-06/EU_NDC_Submission_December%202020.pdf">contribution de l’Union européenne</a> à la réalisation de l’Accord de Paris. Il est donc inscrit dans le marbre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512678/original/file-20230228-2266-zg0s1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512678/original/file-20230228-2266-zg0s1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512678/original/file-20230228-2266-zg0s1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512678/original/file-20230228-2266-zg0s1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512678/original/file-20230228-2266-zg0s1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512678/original/file-20230228-2266-zg0s1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512678/original/file-20230228-2266-zg0s1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Rossi (données EU-ETL)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le marché n’a pas été long à réagir. Le prix du quota est remonté en quelques mois au-dessus de 80 €/tonne. À ce prix-là, l’électricité décarbonée devient très rentable relativement à celle produite à partir du gaz ou du charbon.</p>
<p>La remontée du prix du quota alourdit aussi le coût de production de l’acier dans des hauts fourneaux où le charbon est utilisé à la fois comme combustible et comme agent réducteur du minerai de fer. En France, les deux installations les plus émettrices de CO<sub>2</sub> sont les deux hauts fourneaux d’Arcelor Mittal basés à Foss et à Dunkerque. Dès que le prix du quota de CO<sub>2</sub> a dépassé 80 €, l’industriel a sorti de ses cartons des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/industrie-lourde/decarbonation-de-lindustrie-arcelormittal-va-fermer-trois-de-ses-cinq-hauts-fourneaux-en-france-1384499">projets d’investissement</a> pour reconvertir ces deux complexes industriels vers le bas carbone.</p>
<h2>Les impacts de la guerre en Ukraine</h2>
<p>Arrive la guerre en Ukraine. Les prix du charbon et du gaz utilisé en Europe s’envolent, du fait de la grande dépendance de l’UE aux approvisionnements russes. Celui du pétrole remonte également, mais dans des proportions moindres. Cette envolée des cours assombrit les perspectives macroéconomiques et incite à la baisse des consommations de gaz et de charbon.</p>
<p>Ces deux variables économiques conduisent logiquement à une correction à la baisse du prix du quota. Il s’y ajoute un facteur politique. Face à la flambée des prix de l’énergie, les gouvernements européens rivalisent d’inventivité pour mettre en place des <a href="https://www.bruegel.org/dataset/national-policies-shield-consumers-rising-energy-prices">boucliers tarifaires</a> pour protéger citoyens et industriels face à l’envolée des prix.</p>
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<p>Parmi la panoplie des mesures, certains pays souhaitent suspendre le système des quotas qui renchérit le coût des énergies fossiles. C’est notamment le cas de la Pologne qui le <a href="https://www.euractiv.com/section/emissions-trading-scheme/news/eus-von-der-leyen-rebuffs-polish-call-to-suspend-carbon-market/">réclame officiellement</a> lors du Conseil européen de l’énergie d’août 2022.</p>
<p>Ces tentatives n’aboutissent pas. Non seulement le système n’est pas suspendu, mais le Parlement et le Conseil européen parviennent le 17 décembre 2022 à un <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/fit-for-55-eu-emissions-trading-system/">accord politique</a> pour mettre en œuvre les propositions de réforme préparées par la Commission. Cela renforce la crédibilité politique du marché des quotas de CO<sub>2</sub>.</p>
<h2>La remontée du prix du quota : une arme anti-charbon</h2>
<p>Outre le renforcement de la crédibilité politique, la forte remontée du prix du quota en janvier et février 2023 répond aussi à la baisse du prix du charbon simultanément observée sur le marché de l’énergie.</p>
<p>La détente du prix du charbon est apparue sitôt que les risques de rupture d’approvisionnement sur le système électrique, élevés à l’approche de l’hiver, se sont atténués. Elle a été forte et rapide, car l’industrie avait constitué des stocks de précaution dans le nord de l’Europe qui n’ont pas été utilisés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512676/original/file-20230228-3678-t1lipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512676/original/file-20230228-3678-t1lipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512676/original/file-20230228-3678-t1lipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512676/original/file-20230228-3678-t1lipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512676/original/file-20230228-3678-t1lipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=575&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512676/original/file-20230228-3678-t1lipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=575&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512676/original/file-20230228-3678-t1lipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=575&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">charbon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur à partir des données Trading Economics</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Dans une économie sans régulation carbone, un prix du charbon qui baisse, ce sont des consommations et donc des émissions de gaz à effet de serre en plus. Surtout quand il existe des substitutions possibles entre combustibles, ce qui est le cas à une assez grande échelle en Europe entre le charbon et le gaz.</p>
<p>Avec le système d’échange de quotas, l’Union européenne va largement échapper à cet enchaînement pervers. La baisse du prix du charbon est en effet contrariée par le renchérissement des quotas de CO<sub>2</sub>. Le système d’échange des quotas agit ainsi comme une arme anti-charbon. C’est précieux au moment où il faut accélérer la transition énergétique pour être au rendez-vous du <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/">-55 % de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre pour 2030</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200774/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La remontée du prix du quota de CO₂ en Europe a des effets sensibles sur un marché de l’énergie chamboulé par le conflit russo-ukrainien.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1982612023-02-05T16:52:59Z2023-02-05T16:52:59ZDévelopper le réseau de transports en commun bénéficie-t-il vraiment aux plus pauvres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505652/original/file-20230120-8209-x09gac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les gains d’accessibilité liés au développement des transports en commun sont contrés par d'autres dynamiques socio-économiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tmb2610/2470830546/">Tmb2610 / Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Décarboner le secteur des transports en France est crucial : <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone-ressources/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-des-transports#ressources">c’est le secteur le plus émetteur de CO₂ et le seul dont les émissions n’ont pas baissé depuis 1990</a>.
Cela soulève cependant un enjeu majeur d’équité sociale et territoriale : il existe de profondes disparités, corrélées aux inégalités de revenu, dans les <a href="https://theconversation.com/le-mobiliscope-un-outil-libre-sur-les-rythmes-quotidiens-des-territoires-192204">possibilités d’accès</a> aux lieux d’emplois via des modes de transports décarbonés. Comme l’ont illustré les débats soulevés par l’épisode de pénurie de carburant en octobre 2022, ou le déclenchement du mouvement des « gilets jaunes » en 2018 contre une hausse des taxes sur les carburants, <a href="https://theconversation.com/sur-lile-de-la-reunion-difficile-de-se-passer-de-sa-voiture-en-depit-de-lurgence-climatique-183160">tous les Français n’ont pas la possibilité de se reporter sur les transports en commun</a>. Cela génère d’importantes tensions.</p>
<p>Investir dans les transports en commun, et ainsi permettre à plus de gens de se déplacer <a href="https://theconversation.com/les-autosolistes-sont-ils-prets-a-se-mettre-au-covoiturage-pour-les-trajets-du-quotidien-190863">sans voiture privée</a>, semble être une solution prometteuse pour réduire les inégalités liées aux transports tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Mais, en pratique, les investissements dans les transports en commun bénéficient-ils vraiment majoritairement aux habitants défavorisés ?</p>
<p>Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S096669232200196X">article de recherche publié en janvier 2023</a>, nous analysons l’évolution de l’accessibilité aux emplois en Île-de-France, de 1968 à 2010. L’accessibilité aux emplois est définie ici comme le nombre d’emplois correspondant à ses qualifications (mesurée par la catégorie socioprofessionnelle ou CSP) auxquels chaque habitant de la région Île-de-France a accès en un temps de trajet raisonnable (ici 40 minutes). Cette accessibilité a un impact social majeur : il a par exemple été montré qu’une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0042098009357962">faible accessibilité aux emplois réduisait les chances de trouver un emploi et augmentait la probabilité de chômage de long-terme</a>.</p>
<h2>Des transports conçus pour être équitables</h2>
<p>Les nouvelles lignes de transports en commun sont-elles conçues pour bénéficier équitablement à toutes les CSP ? En nous appuyant sur des données historiques, nous avons reconstitué l’évolution du réseau de transports en commun en Île-de-France entre 1968 et 2010. Nous avons ensuite étudié l’impact de cette extension du réseau sur l’accessibilité aux emplois des différentes CSP.</p>
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<img alt="Gains d’accessibilité (en %) permis par les améliorations successives du réseau de transports en commun d’Ile-de-France (périodes en abscisse) -- par catégorie socioprofessionnelle" src="https://images.theconversation.com/files/505618/original/file-20230120-14-h8gqj0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505618/original/file-20230120-14-h8gqj0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505618/original/file-20230120-14-h8gqj0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505618/original/file-20230120-14-h8gqj0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505618/original/file-20230120-14-h8gqj0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505618/original/file-20230120-14-h8gqj0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505618/original/file-20230120-14-h8gqj0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gains d’accessibilité (en %) permis par les améliorations successives du réseau de transports en commun d’Ile-de-France (périodes en abscisse) – par catégorie socioprofessionnelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Liotta & al</span></span>
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<p>Nous analysons d’abord l’impact théorique de ces extensions du réseau de transports en commun, c’est-à-dire leur impact en isolation des autres dynamiques urbaines qui ont pu avoir eu lieu sur la période (changement de la composition des emplois ou déplacement des populations et des emplois, par exemple).</p>
<p>L’ouverture de nouvelles lignes de transports en commun, ou l’extension de lignes existantes, a bénéficié à toutes les CSP de manière quasiment équitable. Sur la période 1975-1982, la construction des RER B et C et l’extension du RER A ont permis d’améliorer grandement l’accès aux emplois de toutes les CSP. La construction des RER D et E, l’extension des RER A, B, et C, et la construction des trams 1 et 2 et du métro 14 ont également permis des gains d’accessibilité importants pour toutes les CSP entre 1990 et 1999.</p>
<h2>Les CSP+ ont le plus gagné en accessibilité</h2>
<p>Sur la période 1968-2010, parallèlement à l’extension du réseau de transports en commun, d’autres dynamiques ont eu lieu : l’aire urbaine s’est étalée, la composition des emplois a changé, et les emplois et les habitants se sont déplacés au sein de l’aire urbaine.</p>
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<img alt="Évolution du nombre d’emplois accessibles en 40 min de trajet, moyenne par catégorie socioprofessionnelle en Ile-de-France. Base 1968" src="https://images.theconversation.com/files/505619/original/file-20230120-24-u06oai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505619/original/file-20230120-24-u06oai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505619/original/file-20230120-24-u06oai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505619/original/file-20230120-24-u06oai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505619/original/file-20230120-24-u06oai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505619/original/file-20230120-24-u06oai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505619/original/file-20230120-24-u06oai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution du nombre d’emplois accessibles en 40 min de trajet, moyenne par catégorie socioprofessionnelle en Ile-de-France. Base 1968.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Liotta & al</span></span>
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<p>Ainsi, si on regarde l’évolution effective de l’accessibilité entre 1968 et 2010, en prenant en compte l’ensemble de ces dynamiques, on voit que ce sont surtout les CSP supérieures (cadres, professions intellectuelles supérieures, artisans, commerçants, chefs d’entreprises) qui ont gagné en accessibilité aux emplois. Le nombre moyen d’emplois accessibles en 40 minutes de trajet pour une personne de cette catégorie, par exemple, a plus que doublé sur la période, alors que le nombre d’emplois accessibles aux ouvriers a diminué de moitié. Comment l’expliquer ?</p>
<p>La dynamique prépondérante ici est le changement de la composition des emplois. Alors que le nombre d’emplois qualifiés en région parisienne a augmenté sur la période, le nombre d’emplois peu qualifiés a stagné ou diminué.</p>
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<p>Ainsi, s’il y a de moins en moins d’ouvriers en Île-de-France, alors, statistiquement, un <a href="https://theconversation.com/le-beau-travail-une-revendication-ouvriere-trop-souvent-oubliee-173446">ouvrier</a> donné aura aussi de moins en moins d’emplois à proximité de son domicile.</p>
<p>La deuxième dynamique importante est le déplacement des emplois et des habitants. Au cours de la période 1968-2010, l’aire urbaine de Paris s’est fortement étalée, et une partie des emplois et des populations s’est déplacée vers les banlieues. Ce phénomène ne s’est pas produit de la même manière pour toutes les CSP : si une large partie des emplois et des populations cadres s’est maintenue dans ou près de Paris intra-muros, ce n’est pas le cas des ouvriers par exemple.</p>
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<img alt="Décomposition des variations d’accessibilité de chaque CSP" src="https://images.theconversation.com/files/505954/original/file-20230123-10548-lq4erj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505954/original/file-20230123-10548-lq4erj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505954/original/file-20230123-10548-lq4erj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505954/original/file-20230123-10548-lq4erj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505954/original/file-20230123-10548-lq4erj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505954/original/file-20230123-10548-lq4erj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505954/original/file-20230123-10548-lq4erj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Décomposition des variations d’accessibilité de chaque CSP.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Liotta & al</span></span>
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<p>En comparaison de ces deux dynamiques, l’extension du réseau de transports en commun a eu un impact faible. Pour les ouvriers par exemple, le changement de la composition des emplois en Île-de-France a réduit leur accessibilité aux emplois de 33 %, alors que l’extension du réseau de transports en commun n’a augmenté leur accessibilité que de 5 %.</p>
<p>L’extension du réseau de transports en commun a également pu contribuer aux dynamiques urbaines que nous venons de mettre en évidence. Par exemple, le fait d’avoir un réseau de transports en commun efficace a pu contribuer à l’attractivité de la région parisienne, et influer sur la composition des emplois. Ou encore, l’extension du réseau de transports a pu contribuer <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-grand-temps-de-quitter-les-villes-198141">aux déplacements des habitants</a>. </p>
<p>Par exemple, les bénéfices en termes d’accessibilité de l’extension du réseau de transports en commun ont pu être capturés par les plus qualifiés par un mécanisme de gentrification : dans certaines zones, l’ouverture d’une nouvelle ligne de transports en commun a pu conduire à une hausse des prix des logements. À long terme, seuls les plus riches peuvent se permettre d’habiter dans <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01441647.2019.1649316">ces quartiers bien desservis</a> par les transports en commun, alors que les plus pauvres vont habiter plus loin en banlieue, où les prix des logements sont plus modérés mais les emplois moins accessibles.</p>
<h2>Vers des transports qui bénéficient à tous ?</h2>
<p>Les gains d’accessibilité liés au développement des transports en commun en Île-de-France se sont donc avérés insuffisants pour contrer l’effet des dynamiques socio-économiques (changement de la composition des emplois, étalement urbain, déplacements des emplois et des populations peu qualifiés) à l’œuvre sur la période 1968-2010.</p>
<p>A l’avenir, comment réussir à maintenir l’accessibilité aux emplois des plus modestes ? Maintenir un niveau d’accessibilité aux emplois pour l’ensemble des groupes sociaux nécessite une vision systémique des <a href="https://theconversation.com/gratuite-des-transports-comprendre-un-debat-aux-multiples-enjeux-182796">politiques de transport</a>, d’aménagement, d’emploi et de logement. En particulier, pour éviter que des extensions du réseau de transport en commun ne se traduisent par une gentrification des quartiers rendus accessibles, il est nécessaire de les accompagner de politiques publiques complémentaires, qui peuvent prendre la forme d’une action préventive de maintien de l’emploi peu qualifié ou le développement de logements à loyers modérés dans des zones bien accessibles. Du point de vue des décideurs publics, pouvoir anticiper les dynamiques locales de population et d’emploi à moyen terme est essentiel pour s’assurer que les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au transport soient efficaces et équitables.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Baptiste Pfeiffer est chef du bureau des études économiques sur la politique du logement au Ministère de la Transition écologique et solidaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charlotte Liotta, Nicolas Coulombel et Vincent Viguié ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le développement de transports en commun permet-il d’améliorer l’accès aux emplois des plus pauvres ? Des chercheurs de l'Ecole des Ponts-ParisTech ont analysé le cas de l’Ile-de-France.Charlotte Liotta, PhD Student (Economics/Environment), École des Ponts ParisTech (ENPC)Basile Pfeiffer, Doctorant, Université Paris-SaclayNicolas Coulombel, Chercheur en économie des transports, École des Ponts ParisTech (ENPC)Vincent Viguié, Chercheur en économie du changement climatique au Cired, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1976602023-01-26T11:44:52Z2023-01-26T11:44:52ZComprendre les 3 dimensions de la sobriété, cette notion-clé de notre époque<p><em>Sobriété, j’écris ton nom ! Ce pourrait être le slogan pour notre époque soucieuse de s’affranchir du gaspillage et de la surconsommation. Mais quelles réalités recouvre cette notion devenue incontournable ? Dans ce texte, extrait légèrement adapté de son récent ouvrage <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/bifurcations/">« Bifurcations : réinventer la société industrielle par l’écologie ? »</a>, (Éditions de l’aube, octobre 2022), l’économiste et sociologue Pierre Veltz, tente de se frayer un chemin pour nous éclairer.</em></p>
<hr>
<p>La notion de sobriété souffre d’un handicap énorme par rapport à celle d’efficacité. Cette dernière peut être objectivée, mesurée, alors que la sobriété dépend fondamentalement des choix et des valeurs que nous décidons d’adopter. </p>
<p>Le mot renvoie à une forme de vertu – même si on le dépouille de ses connotations puritaines – plus qu’à des obligations précises. […]</p>
<p>Mon avis est qu’il est préférable de ne pas enfermer la sobriété dans une définition précise ou réglementée, mais de lui laisser le sens ouvert d’une réinvention de nos façons de vivre, individuelles et collectives, fondée sur de nouvelles hiérarchies dans nos valeurs, sur l’instauration de nouvelles libertés autant et plus que de nouvelles contraintes. </p>
<p>Il est surtout nécessaire de comprendre que la sobriété n’est pas d’abord une question de comportement, mais d’organisation collective de nos sociétés.</p>
<h2>Les « bons gestes », ou le quart du chemin</h2>
<p>Le premier niveau de sobriété est celui de nos choix individuels. Chacun connaît maintenant plus ou moins les fameux « bons gestes » écoresponsables : manger moins de protéines animales, prendre l’avion seulement si c’est vraiment nécessaire, acheter moins de vêtements et les porter plus ou les offrir à d’autres, etc. Il y a souvent un côté moralisateur, dans ces bréviaires de la vertu écologique, qui suscite le rejet de certains ; et il ne faut pas oublier que, pour d’autres, ces comportements sont tout simplement contraints par la maigreur des revenus.</p>
<p>Les comportements de consommation comptent, incontestablement. Quel est leur impact ? L’étude la plus fouillée que j’aie trouvée, coordonnée par l’université de Trondheim, en Norvège, a estimé l’effet de 91 (!) de ces bons gestes sur notre empreinte carbone, en remontant les chaînes de valeur correspondantes. Le résultat donne un ordre de grandeur : si tout le monde est parfaitement vertueux, on fait <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14693062.2018.1551186">environ un quart du chemin nécessaire</a>. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/287070/original/file-20190806-84249-1ttrbuc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/287070/original/file-20190806-84249-1ttrbuc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/287070/original/file-20190806-84249-1ttrbuc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/287070/original/file-20190806-84249-1ttrbuc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/287070/original/file-20190806-84249-1ttrbuc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/287070/original/file-20190806-84249-1ttrbuc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/287070/original/file-20190806-84249-1ttrbuc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Faire ses courses différemment permet de réduire la quantité de déchets envoyés à la décharge.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Comme on s’y attend, les domaines de la mobilité, du logement et de l’alimentation sont ceux qui permettent les gains les plus substantiels. Un quart, c’est beaucoup. Mais c’est loin de suffire.</p>
<p>Quelle est la probabilité d’une adoption assez large, et surtout assez rapide, de ces nouveaux comportements sobres ? Diverses études ont pointé les contradictions et les incohérences de nos choix, y compris dans les milieux qualifiés de « bobos » les plus prolixes en discours enflammés sur le sujet.</p>
<p>Les enquêtes montrent aussi que les gens ne hiérarchisent pas clairement les « bons gestes ». Certains placent le remplacement des ampoules anciennes par des LED avant la modération dans l’alimentation carnée, alors que les impacts réels sont très différents. On peut espérer qu’une nouvelle esthétique de vie s’impose progressivement, notamment chez les plus aisés, responsables d’une grande partie des émissions.</p>
<p>Ce n’est pas impossible. Regardons la manière dont notre ameublement a évolué, devenant plus léger, plus discret, moins durable aussi. Nos voitures, en sens inverse, sont devenues plus baroques, <a href="https://theconversation.com/automobile-lessor-du-suv-un-choix-avant-tout-politique-149781">plus lourdes</a>. </p>
<p>Des basculements peuvent se produire. Au fond, nous attendons une révolution du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/une-vie-une-oeuvre/ludwig-mies-van-der-rohe-1886-1969-la-simplicite-est-un-long-voyage-1143866"><em>less is more</em></a>, selon la formule employée par Ludwig Mies Van der Rohe lorsque l’architecture a abandonné, il y a longtemps déjà, les sur charges baroques ou néoclassiques.</p>
<h2>Une question de choix collectifs</h2>
<p>Le deuxième niveau est celui de la sobriété systémique. C’est le plus important. Il est difficile de demander de la sobriété individuelle dans une société organisée autour de l’abondance et du gaspillage. Ce n’est pas seulement une question de dissonance des valeurs. Le constat de base est que nos comportements sont formatés par les cadres physiques, organisationnels et réglementaires que la société nous impose.</p>
<p>De nombreux choix sociétaux implicites ou sédimentés s’imposent à nos propres choix. Pour faire du vélo, il faut des pistes cyclables, et pour que le vélo devienne un moyen de déplacement majeur, il faut que la répartition spatiale de l’emploi, de l’habitat, des services, ne soit pas trop éclatée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Pour télétravailler, il est préférable de disposer de locaux adaptés. L’aménagement de nos territoires, de nos villes, de nos mobilités, l’organisation du temps, dans les entreprises, les écoles, les commerces, façonnent en profondeur nos consommations. Ils nous obligent à de vastes gaspillages à notre corps défendant. Et ils sont une source potentielle d’économies de ressources largement inexplorée.</p>
<p>La pandémie a rendu sensible l’importance de ces contraintes, tout en révélant la flexibilité étonnante de nos sociétés à l’égard de normes que l’on croyait beaucoup plus rigides. C’est donc le bon moment pour repenser ces normes, du point de vue du confort de chacun, mais aussi sous l’angle des effets collectifs.</p>
<p>La sobriété systémique appelle des investissements, et même des investissements importants. Elle demande aussi de quitter les raisonnements en silos, secteur par secteur. Elle mérite son nom parce qu’elle ne peut pas se satisfaire des découpages habituels : le logement, l’urbanisme commercial, la mobilité, l’emploi, etc. Elle engage l’ensemble de nos organisations sociales, temporelles et spatiales. Il ne sert à rien de prêcher l’abandon de la voiture au ménage qui habite (par choix ou par nécessité, peu importe) un pavillon éloigné de tout transport collectif.</p>
<p>En l’occurrence, la non-sobriété est le résultat de décennies de politiques (ou plutôt de non-politiques) ayant conduit à l’étalement urbain que nous connaissons.</p>
<h2>S’éloigner des discours culpabilisants</h2>
<p>Prenons un autre exemple. Dans le domaine du logement, faut-il vraiment réduire les surfaces disponibles, continuer à entasser les gens dans des logements minuscules, pour utiliser moins de matériaux, de chauffage ? </p>
<p>C’est la réponse, peu exaltante, que donnent ceux qui limitent leur regard à ce seul domaine. Ne serait-il pas plus sobre, en définitive, de proposer des logements plus spacieux (en suivant la demande générale que révèlent absolument toutes les enquêtes), permettant du télétravail vraiment confortable et incitatif, facilitant aussi des mutualisations diverses d’activités dans les immeubles ou les quartiers ?</p>
<p>Ce sont là des questions pratiques, concrètes, que les grands discours culpabilisants (haro sur les maisons individuelles, sur les lotissements périphériques) ou mécanistes (réduire la taille des logements pour utiliser moins de ciment) empêchent d’aborder intelligemment.</p>
<p>La sobriété systémique ouvre ainsi un champ de réflexion et d’action très large, qui recoupe souvent ceux de l’efficacité, à ceci près qu’un gain de sobriété systémique, par exemple un meilleur aménagement du territoire, n’entraîne pas d’effet rebond ! </p>
<p>J’ajoute que l’on pourrait aussi étendre ce concept aux formes « immatérielles » comme les réglementations et les formes de comptabilités, publiques et privées, technologies invisibles qui ont un impact considérable sur nos organisations. De nombreuses réflexions sont engagées sur la <a href="https://theconversation.com/la-comptabilite-entame-sa-mue-socio-environnementale-196410">« comptabilité écologique »</a>, notamment au niveau local. Elles mériteraient d’être mieux partagées et inscrites dans les agendas nationaux.</p>
<p>Reste un troisième niveau de sobriété, celui de la sobriété que j’appelle « structurelle ». </p>
<p>La différence avec la sobriété systémique est que cette dernière prend comme un donné la composition de l’économie, ses priorités sectorielles, la liste des biens et des services qui dominent la production, la consommation, et les budgets publics.</p>
<p>La sobriété structurelle, dans ma définition, est celle qui, au contraire, résulte de cette composition de l’économie et de la nature des activités qu’elle privilégie (quelle place est donnée aux industries très intensives en énergie et en matières ? Aux dépenses militaires ? Aux dépenses de santé et d’éducation ? Aux loisirs ?). Mon idée est que la tendance allant vers le développement de l’économie humano-centrée […] ouvre ici une perspective très intéressante, pour une sobriété inscrite dans les priorités profondes de l’économie et de la société. […]</p>
<h2>Une sobriété différente en fonction des revenus</h2>
<p>Toutes les formes de sobriété ne sont pas également accessibles. Elles ne le sont pas au même coût. Et leur impact peut être très variable. On peut réduire nos achats de vêtements ou de chaussures, désencombrer nos placards de myriades d’objets inutiles, manger moins de viande rouge, réduire la vitesse sur autoroute. Cela peut être fait vite, sans traumatisme excessif, et avec un impact climatique fort !</p>
<p>En revanche, il est difficile d’être sobre en mobilité automobile quand on n’a pas d’autre choix, compte tenu de l’endroit où l’on habite. Dans ce cas, il faut privilégier, au moins à titre transitoire, les politiques d’efficacité, comme la voiture électrique.</p>
<p>Les politiques publiques et les recommandations d’experts qui ignorent cela ne réussiront qu’à attiser le ressentiment et le rejet. Inversement, dans les domaines où la décarbonation par l’offre paraît particulièrement difficile, comme le transport aérien, il n’y a sans doute pas d’autre solution qu’une forme de modération de la consommation, sans aller jusqu’à l’abstinence.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1122&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1122&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1122&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1410&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1410&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504009/original/file-20230111-15-6zrfrs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1410&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/bifurcations/">Paru en octobre 2022 aux Éditions de l’aube</a></span>
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<p>À cet égard, il faut rappeler que la sobriété n’a pas le même sens selon les niveaux de revenus. Les plus riches d’entre nous, à l’échelle nationale et internationale, sont à l’origine d’une part disproportionnée des émissions. En matière de mobilité, les ménages du premier décile de revenus (les 10 % ayant les revenus les plus bas) parcourent cinq fois moins de kilomètres pour des déplacements de loisir à plus de 80 kilomètres que ceux du dernier décile.</p>
<p>Il serait tragique que des politiques de sobriété plus ou moins imposées par des incitations ou des réglementations diverses accentuent ces inégalités. Prêcher la sobriété à des catégories de la population qui ont du mal à joindre les deux bouts et à des pays pauvres serait, à juste titre, choquant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197660/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Veltz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans son essai « Bifurcations », le sociologue et économiste Pierre Veltz distingue dans cette notion relativement floue des dimensions individuelles, systémiques et structurelles.Pierre Veltz, Professeur émérite, spécialiste de l’organisation des entreprises et des dynamiques territoriales, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1972182023-01-10T20:42:06Z2023-01-10T20:42:06ZUn ajustement carbone aux frontières de l’UE n’est pas sans risque pour les pays les plus pauvres<p>La mise en œuvre du système européen d’échange de quotas d’émission à partir de 2005 a conduit à une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre (GES) en Europe, de <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_21_3542">plus de 40 %</a> entre cette date et l’été 2021 dans les secteurs couverts. </p>
<p>Le mécanisme s'applique à l'ensemble de l'Union ainsi qu'à l'Islande, au Lichstenstein et à la Norvège, soit près de 10 000 installations industrielles. L'autorité régulatrice fixe un volume total d'émissions, et pour émettre il faut disposer d'un quota, quota qui peut se revendre à qui en aurait besoin. Ce marché est également aligné sur le marché suisse (il y a convertibilité des quotas de l'un vers l'autre) depuis 2020 et a également vocation à l'être avec le mécanisme créé au <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/environnement-comment-fonctionne-le-marche-du-carbone-europeen/">Royaume-Uni</a> après le Brexit.</p>
<p>Le total diminuant d'année en année, le dispositif a su encourager les industries à décarboner leur processus de production. Il a néanmoins aussi eu quelques effets secondaires. Les industries ont en effet aussi été incitées à externaliser leur production vers des pays qui n’adoptent pas de politiques similaires. Cela peut alors conduire à une augmentation des émissions en dehors de l’Europe, augmentation dépassant même potentiellement les baisses sur le Vieux Continent.</p>
<p>Afin d’éviter cela, la Commission européenne a voté courant décembre 2022 un accord préliminaire visant la mise en œuvre d’un <a href="https://bit.ly/3k6lwWq">mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF). Au lieu de facturer les émissions de GES uniquement sur le territoire de l’Union européenne, le MACF taxera les émissions incorporées dans les importations des industries les plus émettrices. Sont en particulier ciblés l’aluminium, l’électricité, le ciment, les engrais, le fer et l’acier.</p>
<p>Cette mesure peut sembler intelligente dans la mesure où elle incitera les partenaires commerciaux de l’UE à décarboner leur production, comme le font les Vingt-Sept. Toutefois, certaines hypothèses sous-jacentes restent très controversées. Promouvoir la substitution de technologies très polluantes par des technologies vertes paraît notamment plus aisé en Europe qu’en Afrique.</p>
<h2>Fortes dépendances</h2>
<p>Les pays européens font partie des économies qui produisent des technologies vertes. Le remplacement des anciennes industries par des industries vertes y crée donc de nouvelles possibilités d’emploi et mène à un cycle positif d’augmentation des revenus et de progrès environnementaux. Ailleurs, à l’inverse, les technologies vertes sont plus souvent importées, ce qui signifie que ce processus nuira à l’économie plutôt que d’ouvrir des possibilités.</p>
<p>Pour ceux qui ne seront pas en mesure de suivre le mouvement, il y aura des dommages supplémentaires, car ils perdront l’accès au marché de l’UE ou seront moins compétitifs et n’exporteront plus. De nombreux emplois, revenus fiscaux et revenus d’exportations seront perdus si le MACF est mis en œuvre sans tenir compte des spécificités des partenaires commerciaux de l’UE.</p>
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<p>Certaines études ont déjà abordé cette question avec des modèles macroéconomiques, mais celles-ci comportent des lacunes dans l’analyse des pays en développement. Elles supposent généralement que tous les pays ont une capacité relativement élevée de migrer d’une industrie à l’autre.</p>
<p>Dans des <a href="https://www.afd.fr/en/ressources/impacts-cbam-eu-trade-partners-consequences-developing-countries">travaux récents</a>, nous tentons d’éviter ces hypothèses parce que nous voulons nous concentrer sur les pays qui ont des économies avec des industries peu matures et donc moins capables de s’adapter. Nous analysons ainsi les conséquences de la mise en œuvre du MACF sur l’emploi, les salaires, les recettes fiscales et de change, en suivant une <a href="https://oecd-development-matters.org/2022/06/07/low-carbon-transition-in-latin-america-what-are-the-risks-and-the-main-constraints/">approche</a> développée par l’Agence française de développement.</p>
<p>Les résultats montrent que certains pays africains, comme le Mozambique et le Zimbabwe, et certains pays d’Europe de l’Est, comme la Bosnie-Herzégovine, l’Ukraine et la Serbie, dépendent énormément des exportations de produits soumis au MACF. Dans le cas du Mozambique, par exemple, près d’un cinquième de ses exportations totales sont de l’aluminium vers l’UE. Le Zimbabwe et l’Ukraine dépendent des exportations de fer et d’acier vers l’UE, tandis que les exportations serbes et bosniennes de produits MACF sont plus hétérogènes, mais représentent plus de 5 % de leurs exportations.</p>
<h2>Jusque 3 % d’emplois menacés par endroit</h2>
<p>Notre méthode permet d’analyser non seulement les industries directement impactées (celles qui produisent les produits MACF), mais aussi celles qui fournissent des ressources à ces industries, plus haut dans la chaîne de production, et qui peuvent être touchées par ricochet. Cela est possible en utilisant ce que l’on appelle les « matrices entrées-sorties inter-pays », qui montrent toutes les relations entre les secteurs au sein des pays et entre eux.</p>
<p>Sur la base de cette approche, nous calculons les pertes potentielles d’emplois et la part du revenu salarial qui est exposée à l’adoption du MACF. Le Mozambique et la Moldavie seraient ainsi les pays au sein desquels le revenu salarial est le plus exposé à l’adoption du MACF, représentant environ 6 % de la masse salariale. La Serbie et la Bosnie-Herzégovine, elles, pourraient connaître des pertes d’emploi de l’ordre de 3 % si le MACF est mis en œuvre sans tenir compte des contraintes spécifiques de ces pays.</p>
<p><iframe id="q5xwP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/q5xwP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on considère, de surcroît, la <a href="https://ilostat.ilo.org/topics/social-protection/">part de la population couverte par la protection sociale</a>, on constate une vulnérabilité socioéconomique supplémentaire. Au Mozambique ou au Zimbabwe, seule une petite partie de sa population est couverte par les mécanismes de protection sociale. Ce n’est pas tout à fait la même situation pour l’Ukraine, Bahreïn ou l’Arménie : même fortement exposée aux conséquences du MACF, leur population est au moins à 50 % couverte par une forme de protection sociale.</p>
<h2>Et si d’autres s’y mettent ?</h2>
<p>L’adoption du MACF par l’UE pourrait conduire à une vague d’adoption de politiques similaires dans d’autres économies développées, comme le Japon et l’Amérique du Nord, ainsi que dans les pays en développement ayant la capacité de décarboner leurs industries, comme la Chine. L’adoption d’une politique semblable permettra à ces pays d’éviter de payer une taxe carbone aux frontières lors de l’exportation de leurs biens et services vers l’UE.</p>
<p><iframe id="hLCSK" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hLCSK/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cela renforcerait aussi considérablement l’exposition des pays en développement, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Dans le cas du Zimbabwe et de la Corée du Nord, par exemple, les exportations vers la Chine de ces industries très émettrices jouent un rôle très important, et dans le cas de Trinité-et-Tobago et de Bahreïn, leurs ventes vers l’Amérique du Nord pèsent lourd en proportion des exportations totales.</p>
<p>Cette nature potentiellement régressive du MACF nécessite donc une attention particulière à son design institutionnel, en particulier si l’objectif est de renforcer les ambitions climatiques mondiales avec la propre stratégie de décarbonation de l’UE. Une façon possible de minimiser ses effets secondaires est d’exempter les pays dits les moins avancés du MACF. Ils devraient plutôt recevoir un soutien ciblé de l’UE.</p>
<p>La construction d’un MACF respectueux du développement, tel que celui discuté, est la clé du succès de cette partie emblématique du <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/fit-55-nouveau-cycle-politiques-europeennes-climat">« Fit for 55 »</a>, ce vaste ensemble législatif élaboré pour que l’UE puisse atteindre ses objectifs climatiques. L’efficacité de cette mesure devra dès lors s’assortir d’un ensemble plus large de politiques de développement pour accompagner les pays les plus exposés vers leur propre stratégie de neutralité carbone.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Déjà en manque de moyens pour décarboner leur industrie ou se tourner vers des alternatives plus vertes, ils pourraient en plus être privés des revenus tirés des exportations vers l’Europe.Antoine Godin, Économiste-modélisateur, Agence française de développement (AFD)Guilherme Riccioppo Magacho, Chercheur en économie environnementale, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963012023-01-09T20:26:27Z2023-01-09T20:26:27ZLes technologies à émissions négatives deviennent incontournables face au réchauffement climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499990/original/file-20221209-33805-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=90%2C26%2C931%2C653&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La plantation d’arbres dans des zones déboisées, une solution de captation du CO<sub>2</sub> qui a fait ses preuves.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/prefecturaguayas/37583563654">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reduction-des-emissions-61579">réduction des émissions</a> (nettes) de CO<sub>2</sub> a été l’outil le plus plébiscité par les décideurs politiques pour lutter contre le changement climatique, et limiter les émissions d’équivalents CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère demeure un axe prioritaire. Pourtant, toutes les études scientifiques dignes de ce nom avec, en tête, le dernier <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/02/SR15_Chapter2_Low_Res.pdf.">rapport du GIEC</a> (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) reconnaissent que pour avoir des chances de contenir la hausse des températures d’ici à la fin du siècle dans une fourchette de 1,5 à 2 °C, il est impératif de <em>prélever</em> dans l’atmosphère des quantités non négligeables de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Cependant, les technologies dites « à émissions négatives », pourtant des éléments incontournables de cette équation, ne sont que rarement évoquées, et encore moins financées. À l’heure actuelle, seules l’afforestation (plantation d’arbres sur des zones déboisées) et la bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone (BECSS) ont fait leurs preuves. Dans ces dernières installations (<a href="https://www.globalccsinstitute.com/wp-content/uploads/2019/03/BECCS-Perspective_FINAL_18-March.pdf">cinq dans le monde en 2019</a>), le CO<sub>2</sub> issu de la combustion est <a href="https://journalisme.ulb.ac.be/projets/memoiresweb/longform/ingenierie-du-co2/">capté et enfoui en sous-sol</a> profond, où il se solidifie au contact de l’eau en quelques mois.</p>
<p>Il existe en outre des alternatives. <a href="https://ieaghg.org/docs/General_Docs/Publications/Information_Sheets_for_CCS_2.pdf">Depuis les années 1920</a>, des technologies de capture du CO<sub>2</sub> sont utilisées, par exemple dans les conduits de centrales électriques. Désormais, on peut utiliser ces technologies existantes et éprouvées de manière nouvelle et innovante. En conséquence, aucune percée technologique d’envergure n’est nécessaire ; les dynamiques physiques, à vrai dire surtout chimiques, de l’élimination directe du carbone dans l’air sont bien maîtrisées, bien que l’opération soit plus complexe.</p>
<h2>Une stratégie qui change la donne</h2>
<p>Un soutien massif au développement de ces technologies à émissions négatives doit aujourd’hui constituer une priorité dans les politiques climatiques. En effet, comme nous le démontrons dans les dernières <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4316059">recherches</a> menées par l’EDHEC Risk Climate Impact Institute, l’élimination du carbone, bien loin d’être un simple recours de contingence, constitue désormais un outil incontournable dans l’action contre le réchauffement climatique.</p>
<p>Avec des investissements considérables canalisés vers les technologies à émissions négatives, le profil de température optimal visé sur la période courant d’aujourd’hui jusqu’à la fin du siècle demeure dans la fourchette de 1,5 à 2 °C. En d’autres termes, cet objectif représente un niveau <em>optimal</em> et non simplement <em>idéal</em>.</p>
<p>Non moins importante, le graphique ci-dessous montre que grâce à des émissions négatives significatives, la température optimale après la fin du siècle devrait retomber (à peu près aux niveaux actuels), et non se stabiliser autour des 2 °C comme suggéré par les protocoles d’action centrés sur la diminution des émissions.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503049/original/file-20230104-22-v62wzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503049/original/file-20230104-22-v62wzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503049/original/file-20230104-22-v62wzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503049/original/file-20230104-22-v62wzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503049/original/file-20230104-22-v62wzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503049/original/file-20230104-22-v62wzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503049/original/file-20230104-22-v62wzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503049/original/file-20230104-22-v62wzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le profil de température optimal escompté obtenu avec (ligne bleue) et sans (ligne rouge) émissions négatives. En adoptant des politiques d’émissions négatives, les responsables politiques peuvent laisser les températures grimper un peu plus qu’en leur absence, conscients que des prélèvements importants de CO₂ seront possibles dans un avenir proche.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces analyses nous apprennent donc que, si nous nous fixons un cap ambitieux de réduction de CO<sub>2</sub>, cet objectif sera plus susceptible d’être atteint et exigera moins de sacrifices. En effet, au vu de la lenteur avec laquelle les dispositifs naturels absorbent le CO<sub>2</sub>, réduire à zéro les émissions ne saurait suffire.</p>
<h2>Repenser les subventions</h2>
<p>Cette observation est importante, car les outils technologiques permettant de décarboner les secteurs les plus dépendants (comme les industries du ciment et de l’acier, ou encore l’aviation) n’en sont qu’à leur balbutiement.</p>
<p>On reproche souvent aux technologies à émissions négatives d’être onéreuses. Cependant, tirer argument du prix de ces technologies à un moment donné ne saurait être une critique fondée. Au début des années 1980, le professeur qui m’enseignait la physique des solides m’a appris que l’énergie nécessaire à la production d’un panneau solaire dépassait la quantité d’énergie produite par ce dernier durant tout son cycle de vie.</p>
<p>Or, si ce constat était avéré à l’époque, il ne l’est plus aujourd’hui. Les coûts des panneaux solaires et des éoliennes ont en effet <a href="https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2017/Nov/IRENA_Sharply_falling_costs_2017.pdf">dégringolé durant les 15 dernières années</a> grâce à ce que les économistes appellent l’apprentissage par la pratique (<em>learning by doing</em>).</p>
<p>Cette trajectoire a notamment été rendue possible par de généreuses subventions octroyées aux énergies renouvelables. Ce sont donc nos politiques en matière de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/subventions-24952">subventions</a> qu’il conviendrait de remanier. Les subventions à la consommation et à la production d’énergies fossiles pourraient ainsi être abaissées et redirigées vers des actions d’élimination du CO<sub>2</sub>.</p>
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<p>Ce n’est cependant pas la trajectoire de ces dernières années : selon l’Agence internationale de l’énergie, l’aide publique aux combustibles fossiles dans 51 pays du monde a <a href="https://www.iea.org/news/support-for-fossil-fuels-almost-doubled-in-2021-slowing-progress-toward-international-climate-goals-according-to-new-analysis-from-oecd-and-iea">presque doublé en 2021</a> pour atteindre 697,2 milliards de dollars contre 362,4 en 2020. En outre, les subventions à la consommation devraient encore augmenter en 2022 en raison de la hausse des prix des carburants et de la consommation d’énergie.</p>
<h2>Le risque d’aléa moral</h2>
<p>Donner aux techniques d’élimination du carbone un rôle central n’est cependant pas sans danger. La situation d’aléa moral à laquelle cette voie est susceptible de mener pourrait avoir pour effet d’affaiblir les actions de réduction des émissions, sans que des politiques d’élimination ne soient, pour autant, engagées.</p>
<p>À cette critique admissible, nos études répondent que la cadence optimale des réductions d’émissions, lorsqu’elles sont articulées avec des actions d’élimination, ne s’éloigne que peu des cibles de neutralité carbone récemment validées à l’occasion de la COP26. Sur la base de nos résultats, l’on peut en déduire que les cibles en matière de trajectoire actuelle d’émissions devraient être maintenues, mais qu’un protocole ambitieux de réduction des émissions devrait être instauré.</p>
<p>Les technologies d’élimination du CO<sub>2</sub> ne sont pas une échappatoire et ne peuvent pas servir d’excuse pour relâcher nos efforts en matière de réduction des émissions. Cependant, elles restent un outil indispensable qui nous arme plus efficacement pour lutter contre le changement climatique, rendant nos ambitions plus réalistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Riccardo Rebonato ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, une politique qui ne viserait qu’une réduction des émissions (nettes) de CO₂ ne suffirait pas à contenir dans une fourchette de 1,5 à 2°C la hausse des températures d’ici 2100.Riccardo Rebonato, Professor of finance and scientific director (EDHEC Risk Climate Impact Institute), EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954612022-11-29T18:56:59Z2022-11-29T18:56:59ZSobriété énergétique, écoresponsabilité numérique… de quoi parle-t-on exactement ?<p>Le 14 novembre 2022, le gouvernement, en la personne du ministre Jean-Noël Barrot, a inauguré un <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/le-numerique-ecoresponsable-son-haut-comite">Haut Comité pour un numérique écoresponsable</a>.</p>
<p>Ce dispositif vient en compléter globalement trois autres : la feuille de route « Numérique et environnement », la loi du 15 novembre visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/278056-loi-15-novembre2021-reen-reduire-empreinte-environnementale-du-numerique">(dite REEN)</a>, et la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire">(dite AGEC)</a>.</p>
<p>L’ensemble s’inscrit à son tour dans un cadre européen structuré principalement autour des directives suivantes : RoHS (substances toxiques), Ecodesign (écoconception) et DEEE (déchets électroniques).</p>
<p>Un peu plus d’un mois avant, le 6 octobre, Élisabeth Borne mettait en place un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/286641-plan-de-sobriete-energetique-sortir-des-energies-fossiles">plan de sobriété énergétique</a>. Les principales mesures sont de court terme et visent la température dans les bâtiments, particuliers (ou non) ; l’utilisation de transports en commun (ou non) motorisés ; ainsi que l’éclairage.</p>
<h2>Au-delà des pénuries de gaz</h2>
<p>Ces dispositifs sont conçus pour devenir le volet « numérique » de la transition écologique, et pas seulement pour répondre de manière conjoncturelle aux enjeux dérivant de la guerre en Ukraine et ses implications sur l’approvisionnement en gaz cet hiver.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/linquietante-trajectoire-de-la-consommation-energetique-du-numerique-132532">L’inquiétante trajectoire de la consommation énergétique du numérique</a>
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<p>Pour le gouvernement, cette transition s’incarne dans les deux missions : la prévention des risques d’un côté, l’énergie et le climat de l’autre.</p>
<p>La première mission vise principalement la gestion des installations classées à la protection de l’environnement (ICPE), à savoir les usines présentant un risque de pollution important en cas d’accident. La seconde est cadrée par la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">stratégie nationale bas carbone (SNBC)</a> qui ambitionne d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.</p>
<p>Pour atteindre ces objectifs, divers moyens sont mis en avant : la décarbonation totale de la production d’énergie ; la réduction de la consommation totale d’énergie d’environ 40 % ; la diminution des émissions non liées à l’énergie (donc principalement celles issues de l’agriculture) et l’augmentation des « puits de carbone ». Cet ensemble s’inscrit dans les directives européennes rassemblées dans le <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr">« Pacte vert »</a>.</p>
<h2>Écoconception, déconsommation d’énergie et responsabilité</h2>
<p>De quoi est-il question sur le fond ?</p>
<p>Suivant l’argumentaire proposé par le gouvernement français, le constat est fait que la fabrication représente <a href="https://www.arcep.fr/la-regulation/grands-dossiers-thematiques-transverses/lempreinte-environnementale-du-numerique.html">70 % de l’empreinte carbone du numérique</a>, le reste étant absorbé par « les usages » du matériel, à savoir les « services numériques ».</p>
<p>La loi REEN répond donc en favorisant l’allongement de la durée de vie des terminaux, les usages écologiquement vertueux et notamment l’écoconception des services numériques ; en réduisant la consommation d’énergie des centres et de données et exigeant des collectivités territoriales de mettre en place une « stratégie numérique responsable ».</p>
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<p>Le Haut Comité a commencé ses travaux en formant cinq groupes de travail, portant sur les terminaux, les centres de données, la sobriété et les usages, la contribution du numérique à la décarbonation des autres secteurs et les réseaux. Le tout entend compléter la SNBC sur le volet « numérique ».</p>
<h2>La sobriété, vertu cardinale</h2>
<p>Faut-il pour autant parler de « sobriété » ? Rien n’est moins sûr. Rappelons que ce concept dérive de ce qu’Aristote appelle la <em>sophrosunè</em>, traduit en latin par <em>sobrietas</em> et en français par « prudence », « tempérance » ou « juste mesure ».</p>
<p>Dans l’<em>Éthique à Nicomaque</em>, Aristote donne quelques exemples tirés de son époque : excès ou défaut de sport (le soldat qui meurt en revenant de Marathon car il a trop couru), de nourriture et autres. La modération règle le comportement ; en son absence ne règne que le dérèglement.</p>
<p>En ce sens elle est la vertu des vertus. Dans <a href="https://editions.flammarion.com/les-politiques/9782081358775"><em>Les Politiques</em></a> (Livre IV, chapitre XIII), le philosophe grec met en rapport les vertus avec les régimes politiques ; et la vertu du gouvernant, c’est la prudence ou tempérance. Le philosophe Thomas Princen réactualise cette analyse en <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262661904/the-logic-of-sufficiency/">étendant le concept de sobriété (<em>sufficiency</em>) à des enjeux contemporains</a> : un excès de prélèvement sur les écosystèmes les dégrade, un défaut nous prive de leurs bénéfices ; un excès de voitures ralentit, un défaut également.</p>
<h2>Sobriété et efficacité, à ne pas confondre</h2>
<p>Remarquons dans ces différents exemples que c’est bien le rapport des usages au « Tout de la cité » ou, dans une analyse réactualisée, de l’écosystème, qui est central. Ce qui fait la sobriété, c’est la qualité du rapport à soi, certes, mais également en ce qu’il engage le rapport à autrui, notamment sous la forme de la loi, et plus largement au monde que nous habitons.</p>
<p>Est-ce bien le cas dans les textes de loi évoqués ?</p>
<p>Dans le cas du numérique, trois repères balisent le débat, comme en témoigne la <a href="https://cnnumerique.fr/files/uploads/2020/CNNum%20-%20Feuille%20de%20route%20environnement%20%26%20numerique.pdf">feuille de route</a> du Conseil national du numérique sur l’environnement et le numérique : le « Green IT », le « IT for green » et la sobriété.</p>
<p>Le premier thème recouvre celui de « l’efficacité » : à usages donnés, choisir les techniques qui permettent de réduire l’empreinte écologique du numérique. Par exemple, différentes techniques sont possibles pour échanger en visio : logiciels, machines, infrastructures. L’empreinte écologique sera plus ou moins élevée, pour le même service rendu.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/317610/original/file-20200227-24685-9uxxeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C7392%2C4230&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/317610/original/file-20200227-24685-9uxxeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/317610/original/file-20200227-24685-9uxxeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/317610/original/file-20200227-24685-9uxxeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/317610/original/file-20200227-24685-9uxxeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/317610/original/file-20200227-24685-9uxxeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/317610/original/file-20200227-24685-9uxxeo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les émissions de gaz à effet de serre générées par le numérique sont pour 25 % dues aux data centers, 28 % dues aux infrastructures réseau et 47 % dues aux équipements des consommateurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/telecommunication-network-above-europe-viewed-space-1482756353">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Rendre le numérique plus « efficace » écologiquement, c’est ainsi choisir les solutions les moins consommatrices. Le second thème aborde l’intérêt du numérique pour réduire l’empreinte écologique des autres secteurs, là aussi pour un usage donné. Par exemple, se réunir en visio est moins consommateur que prendre l’avion, si les participants sont distants de plusieurs milliers de kilomètres.</p>
<p>La sobriété pose la question de l’usage lui-même (avons-nous réellement besoin de nous réunir ?). Ces distinctions montrent que la sobriété est globalement peu présente dans les textes évoqués.</p>
<h2>Une dépendance au numérique encouragée</h2>
<p>Dans le cas du numérique, les usages ne sont pas problématisés.</p>
<p>Avons-nous besoin de la 5G ? Du renouvellement des terminaux ? Avons-nous besoin des services qui rendent les terminaux nécessaires ?</p>
<p>La construction des usages est absente, par exemple quand nombre de services publics ou privés ne sont plus disponibles que par le biais d’un smartphone suffisamment performant. Ou quand le même gouvernement débloque 30 milliards d’euros pour investir notamment dans le numérique afin de relancer la <a href="https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/numerique">croissance de la production et de la consommation</a>.</p>
<p>Dans le cas de la transition écologique, ce qui domine également est la décarbonation des usages et plus généralement le remplacement des techniques peu efficaces sur le plan écologique ou carbone par d’autres, jugées plus efficaces.</p>
<p>Le prix à payer de ces politiques – qui ne sont pas réellement tournées vers la sobriété, mais plutôt vers une compétitivité « à moindre coût écologique » – est que rien n’empêche que la dépendance des rapports sociaux au numérique s’accroisse, au contraire, puisqu’elle est encouragée !</p>
<p>Les <a href="https://theshiftproject.org/article/deployer-la-sobriete-numerique-rapport-shift/">simulations du Shift Project</a> indiquent que dans ces conditions, l’empreinte écologique du numérique sera, au mieux, stabilisée. De même, vouloir simplement remplacer les énergies fossiles par les renouvelables ou les voitures thermiques par l’électrique se traduira par une demande très importante en métaux et autres matériaux requis pour la construction. L’ONG Réseau Action climat <a href="https://reseauactionclimat.org/les-8-conditions-du-reseau-action-climat-pour-un-plan-de-sobriete-efficace-et-juste/">notait le caractère contradictoire</a> des mesures gouvernementales, en termes de résultat à atteindre.</p>
<p>Stimuler la croissance et, « en même temps », appeler à la sobriété a quelque chose de kafkaïen, qui se résout par une sobriété de second rang, que l’on appelle d’ordinaire <em>l’efficacité</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195461/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le gouvernement vient d’adopter un plan de sobriété énergétique et de créer un Haut Comité pour un numérique coresponsable. Ils invoquent la sobriété, à raison ?Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935682022-11-11T17:13:37Z2022-11-11T17:13:37ZSortir du capitalisme, condition nécessaire mais non suffisante face à la crise écologique<p><em>Alors que les impératifs de sobriété et de décarbonation se font de plus en plus pressants, les pays restent dans leur immense majorité extrêmement dépendants des ressources fossiles, dont la combustion à l’échelle mondiale aggrave et accélère la crise climatique. Dans « L’Emballement du monde », <a href="https://ecosociete.org/livres/l-emballement-du-monde">qui vient de paraître aux éditions Écosociété</a>, l’ingénieur et économiste Victor Court propose d’explorer les liens historiques entre énergie et domination au sein des sociétés humaines. L’extrait que nous vous proposons ci-dessous se consacre plus particulièrement à l’examen critique du concept de « Capitalocène », proposé par le chercheur et militant suédois Andreas Malm, pour identifier les responsables du réchauffement climatique.</em></p>
<hr>
<p><a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-anthropocene-146440">Le concept d’Anthropocène</a> suggère que toutes les actions humaines peuvent être instantanément subsumées sous une activité globale dont l’empreinte affecte la biogéosphère. Il fabrique ainsi une humanité abstraite, aussi uniformément concernée que responsable.</p>
<p>Ce grand discours est problématique, car, s’il est certain que tous les humains vont subir les conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité (dans des proportions très différentes cependant), il est impossible au regard de l’histoire d’affirmer que tous les membres de l’humanité partagent le même degré de responsabilité dans ce désastre.</p>
<p>Un Nord-Américain ne peut pas être aussi responsable des bouleversements du système Terre qu’un Kenyan qui consomme en moyenne 30 fois moins de matières premières et d’énergie que lui.</p>
<p>C’est principalement en raison de cette défaillance conceptuelle qu’<a href="https://lafabrique.fr/lanthropocene-contre-lhistoire/">Andreas Malm</a> a proposé, l’un des premiers, la notion de « Capitalocène » comme solution de remplacement.</p>
<p>L’humanité évoluerait dans cette époque depuis environ 200 ans, au moment de la mise en place du capital fossile – un système défini par Malm, rappelons-le, comme « la production de valeur d’échange et la maximisation des profits au moyen de l’énergie fossile ».</p>
<p>Bien qu’elle soit très enrichissante sur le plan intellectuel, cette idée n’est pas non plus exempte de défauts.</p>
<h2>L’avènement du capitalisme fossile</h2>
<p>Tout d’abord, si le concept de Capitalocène sert à désigner une nouvelle époque géologique qui aurait commencé avec la révolution industrielle, alors il souffre d’un problème de dénomination, car le capitalisme ne désigne pas un mode d’organisation économique que l’on peut restreindre aux 200 dernières années. […]</p>
<p>Il a existé en Europe un capitalisme marchand que l’on peut qualifier de « <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-monde-global--9782361060299-page-231.htm">concentré</a> » à partir du XII<sup>e</sup> siècle environ. De plus, les premiers indices d’acquisition de terres par quelques riches familles datent du milieu du III<sup>e</sup> millénaire avant l’ère commune à Sumer, tandis que la propriété privée lucrative – concept qui fonde probablement plus que tout autre la notion de capitalisme – est avérée depuis les Romains.</p>
<p>Comme le synthétise l’archéologue <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/une_histoire_des_civilisations-9782707188786">Dominique Garcia</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’accumulation du capital couplée à la recherche de profit s’est d’abord développée avec l’appareil d’État et les institutions des palais et des temples. » […]</p>
</blockquote>
<p>La question de l’origine antique ou médiévale du capitalisme est très complexe, et il n’est pas question ici de tenter d’y répondre convenablement. Malgré tout, il faut admettre que le capitalisme marchand du second Moyen Âge et du début de la période moderne a été suivi à partir du XIX<sup>e</sup> siècle par un capitalisme fossile, auquel on peut d’abord ajouter le qualificatif d’« industriel », mais qui serait peut-être mieux désigné aujourd’hui par le terme « financier » – même si l’industrie reste forcément le soubassement sur lequel la finance et les services s’appuient pour activer leurs processus d’accumulation du capital.</p>
<p>Il est même clair qu’à partir du XVI<sup>e</sup> siècle, le capitalisme marchand a préparé le terrain pour que le capitalisme industriel s’exprime pleinement par la suite, notamment par le biais du système colonial des plantations esclavagistes.</p>
<p>En effet, nous disent <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-evenement-anthropocene-jean-baptiste-fressoz/9782757859599">Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’Anthropocène n’est pas sorti tout armé du cerveau de James Watt, de la machine à vapeur et du charbon, mais d’un long processus de mise en relation économique du monde, d’exploitation des hommes et du globe, remontant au XVI<sup>e</sup> siècle et qui a rendu possible l’industrialisation. »</p>
</blockquote>
<p>La dénomination de Capitalocène n’est donc pas adaptée pour désigner les 200 dernières années du capitalisme fossile, comme Andreas Malm et d’autres souhaitent le faire. Si Capitalocène il y a, celui-ci remonte au XVI<sup>e</sup> siècle, voire au début du second Moyen Âge (XII<sup>e</sup> siècle), et peut-être même à l’Antiquité dans des formes plus diffuses.</p>
<h2>Des régimes non capitalistes extrêmement extractivistes</h2>
<p>Ensuite, le terme Capitalocène tend à évincer un fait majeur du XX<sup>e</sup> siècle, à savoir que des régimes non capitalistes – ou en tout cas n’autorisant pas la propriété privée – ont été extrêmement extractivistes et polluants. Tout comme les sociétés capitalistes, ces régimes d’inspiration socialiste prenant la forme de collectivismes bureaucratiques et totalitaires ont massivement eu recours aux énergies fossiles, tout en engendrant des désastres écologiques comparables à ceux du capitalisme occidental.</p>
<p>Partant de ce constat, le philosophe <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_age_productiviste-9782707198921">Serge Audier</a> écrit :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’on décidait de parler de « capitalocène », peut-être faudrait-il alors se résoudre à parler également, en un certain sens, de « socialocène » et surtout de « communistocène », ce que curieusement personne ne se risque à faire. Aussi pénible que soit la reconnaissance du rôle majeur joué dans la crise écologique non seulement par les régimes communistes, mais aussi, beaucoup plus largement, par le socialisme et la gauche dans leur axe majoritaire, cette responsabilité historique doit être pleinement assumée. »</p>
</blockquote>
<p>Andreas Malm reconnaît cette objection et il propose d’ailleurs de désigner par « stalinisme fossile » ce type de système économique qui se définit par « la maximisation du pouvoir bureaucratique au moyen des combustibles fossiles ». Pour autant, Malm ne conclut pas que cette réalité invalide sa proposition d’utiliser le concept de Capitalocène pour désigner l’époque où l’humanité est devenue une force agissante d’ampleur tellurique.</p>
<p>Ses arguments consistent à dire que « chronologiquement, causalement, historiquement, le lien entre l’économie fossile et le capitalisme semble plus étroit » et que « surtout, le stalinisme est mort ».</p>
<p>Certes, le stalinisme n’est plus, et allons même jusqu’à admettre l’intensité moindre de son lien avec l’énergie fossile par rapport au capitalisme (hypothèse hautement contestable qu’il s’agirait de démontrer). Cela n’enlève strictement rien au problème : il a existé des économies fossiles ne reposant pas sur le capitalisme (de propriété privée) au XX<sup>e</sup> siècle, et il faut reconnaître que les doctrines socialistes et communistes ne se sont réellement souciées des contraintes écologiques qu’assez récemment.</p>
<p>Ceci renforce l’idée que le concept de Capitalocène est inadapté pour correctement qualifier la période pendant laquelle les activités humaines ont fait sortir la Terre de l’Holocène.</p>
<h2>Un jour, la fin de l’accumulation infinie ?</h2>
<p>En plus de son incapacité à capter la réalité du passé, le concept de Capitalocène pourrait être aussi inopérant dans le futur.</p>
<p>Même s’il est difficile de le définir, le capitalisme a bien eu un début et par extension il est fort probable qu’il aura une fin – même s’il nous paraît parfois <a href="https://newleftreview.org/issues/ii21/articles/fredric-jameson-future-city">plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme</a>.</p>
<p>En vérité, on peut être absolument certain que la fin du capitalisme arrivera un jour pour une raison très simple : dans un monde où les limites physiques sont par définition finies, l’accumulation infinie du capital est logiquement impossible […].</p>
<p>Cette fin du capitalisme ne correspondra sûrement pas à une chute brutale. Comme son origine, elle sera issue d’un long processus qui impliquera qu’au bout d’un moment, à force de mutations, le mot « capitalisme » recouvrira une réalité trop différente pour que les politologues et les économistes continuent d’utiliser cette notion.</p>
<p>Dans ce futur hypothétique, les humains vivront peut-être dans des sociétés non capitalistes, mais en soi cela n’implique pas automatiquement que les activités humaines ne perturberont plus l’environnement à une échelle planétaire. Dans un monde où la propriété (privée ou étatique) aurait disparu – ou en tout cas ne serait plus une source de domination et d’exploitation comme aujourd’hui –, il faudrait encore parvenir à empêcher la mise en place d’autres formes d’accaparement sauvage de l’énergie et des matières premières pour que les humains ne poursuivent pas leur entreprise de destruction massive de la biogéosphère.</p>
<h2>L’hypothèse d’un communisme réel</h2>
<p>Plutôt que de réfléchir à cette question par un voyage dans le futur, tentons de voyager dans le passé. Imaginons qu’à partir du XVI<sup>e</sup> siècle, le monde ait emprunté une trajectoire différente.</p>
<p>Au lieu de prendre la voie du capitalisme moderne en allant exploiter les Amériques et l’Afrique, l’Europe aurait choisi celle d’un communisme réel – donc très loin des expériences soviétiques et chinoises de collectivisme d’État que nous avons connues au XX<sup>e</sup> siècle. On parle ici d’un communisme libertaire tel que celui imaginé par <a href="https://wildproject.org/livres/l-ecologie-sociale">Murray Bookchin</a> dans les années 1970-80, ou plus récemment par <a href="https://ladispute.fr/catalogue/en-travail-conversation-sur-le-communisme/">Bernard Friot et Frédéric Lordon</a>. On pourrait aussi évoquer l’écosocialisme d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/leur-ecologie-et-la-notre-andre-gorz/9782021451863">André Gorz</a> et d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">Ivan Illich</a>.</p>
<p>Maintenant, quels arguments peut-on avancer pour établir que, dans ce genre de configuration, les combustibles fossiles n’auraient pas été exploités ? Bien sûr, les penseurs que nous venons de citer ont justement formulé leurs propositions pour nous aider à sortir des combustibles fossiles – et plus largement à rester à l’intérieur des limites du système Terre.</p>
<p>Mais est-on certain que ces intellectuels auraient fait preuve du même égard pour le climat et la biodiversité s’ils avaient vécu au XVIII<sup>e</sup> ou au XIX<sup>e</sup> siècle ? Et en dehors de ces individus, en quoi les sociétés dans leur ensemble auraient-elles été mieux positionnées pour choisir délibérément de renoncer à l’abondance matérielle associée à la manne fossile ? Honnêtement, on ne voit pas bien comment élaborer un argumentaire convaincant.</p>
<p>Tout au plus peut-on imaginer que les ressources fossiles auraient été exploitées un peu moins frénétiquement, et sûrement aussi avec plus d’équité. Mais on peut penser que le résultat en matière de déstabilisation du système Terre aurait été <em>grosso modo</em> le même, le désastre environnemental que nous connaissons aujourd’hui serait seulement arrivé un peu plus tard.</p>
<p>Ainsi, si on peut être certain de la nature intrinsèquement destructrice du capitalisme – et qu’en cela les souhaits de développement durable, de croissance verte et d’économie circulaire s’inscrivant dans ce cadre ne pourront jamais être autre chose que de vaines incantations –, rien ne dit qu’une économie non capitaliste conduirait automatiquement à une société plus soutenable.</p>
<h2>Exploitation, accaparement, pillage</h2>
<p>Mettre le capitalisme à l’arrêt est donc une condition nécessaire, mais non suffisante pour instaurer un vivre humain qui demeurerait à l’intérieur des limites du système Terre. Si les géologues du présent entérinent finalement la sortie de l’Holocène et nomment Capitalocène l’époque géologique actuelle, ceux du futur se retrouveront dans une situation très embarrassante si le capitalisme vient à disparaître, mais qu’en même temps les humains maintiennent leur emprise destructrice sur la planète.</p>
<p>Enfin, comme le concept d’Anthropocène, celui de Capitalocène entraîne un problème d’identification des responsabilités.</p>
<p>Il pourrait tout d’abord laisser penser à certains que les capitalistes – c’est-à-dire les détenteurs des moyens de production – sont les seuls coupables. Nul doute que par le pouvoir et la richesse qu’ils détiennent, certains capitalistes, sinon la plupart, sont individuellement responsables d’un grand nombre d’actions néfastes pour l’humanité.</p>
<p>La réalité est tout de même plus complexe […], et chaque individu peut comprendre qu’il participe lui aussi à la perpétuation du capitalisme fossile, ne serait-ce que par ses choix de consommation – ou plutôt par son non-choix de changer radicalement son mode de vie –, sans oublier bien sûr la responsabilité énorme qui revient aux dirigeants politiques à cause de leur inaction. […]</p>
<p>C’est bien parce que tous ces acteurs sont interconnectés aux processus de production et de consommation – très souvent au travers de relations antagonistes – que nous avons tant de mal à renoncer aux énergies fossiles.</p>
<p>Mais quoi qu’il en soit, avec le concept de Capitalocène, ce que Malm et d’autres penseurs souhaitent désigner comme le vrai responsable des maux de l’humanité correspond plutôt au capital, c’est-à-dire le rapport social d’exploitation qui existe entre les capitalistes et les travailleurs ne détenant pas les moyens de production.</p>
<p>La source de la propension destructrice de certaines sociétés humaines – dans lesquelles se trouve la quasi-totalité de l’humanité aujourd’hui – se situerait donc non pas dans le fait qu’il existe des capitalistes en tant que tels, mais dans le fait que ces derniers – comme d’autres avant eux – sont en mesure d’exploiter leurs semblables, notamment en rétribuant leur force de travail à une valeur inférieure à celle produite réellement par ce travail, afin de créer une plus-value qu’ils peuvent accaparer.</p>
<p>En fin de compte, la logique du capital renvoie à un phénomène plus large que chacun peut observer dans l’histoire et surtout dans sa vie quotidienne : l’existence protéiforme et omniprésente de relations de domination entre les individus […]. Et l’existence d’une domination institutionnalisée qui traverse la totalité de la société n’est pas une exclusivité des 200 à 300 dernières années.</p>
<p>[…]</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« L’Emballement du monde » est paru aux éditions Écosociété le 10 novembre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Finalement, malgré ses qualités indéniables, le concept de Capitalocène souffre d’insuffisances à la fois trop nombreuses et trop importantes pour être un substitut pertinent du concept d’Anthropocène. L’exploitation de la majorité par une minorité pour accaparer des surplus tout en pillant les ressources de la nature n’a pas attendu le capitalisme moderne pour exister.</p>
<p>Le capitalisme n’est donc pas en soi la cause ultime de la destruction de notre environnement global, même s’il faut reconnaître qu’il fait preuve d’une efficacité redoutable dans ce domaine, en particulier depuis qu’il est basé sur l’énergie fossile. </p>
<p>[…]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Court est membre de la chaire « Énergie & Prospérité » et chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, Université Paris Cité). Les opinions exprimées dans ces pages n’engagent que leur auteur, elles ne reflètent en aucun cas le point de vue des institutions auxquelles il est affilié.</span></em></p>Peut-on vraiment dire que le capitalisme industriel des 200 dernières années est le responsable du réchauffement climatique ?Victor Court, Enseignant-chercheur en économie à IFP School, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939912022-11-11T14:30:04Z2022-11-11T14:30:04ZLa crise inflationniste, une opportunité pour la transition écologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494760/original/file-20221110-16-htwzt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C44%2C4977%2C3278&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le premier ministre Justin Trudeau et la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland se rendent à la Chambre des communes sur la Colline du Parlement pour le dépôt de l'Énoncé économique d'automne à Ottawa, le 3 novembre 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Justin Tang</span></span></figcaption></figure><p>Dans son plus récent <a href="https://www.budget.gc.ca/fes-eea/2022/report-rapport/toc-tdm-fr.html">Énoncé économique</a>, publié le 3 novembre dernier, la ministre fédérale Chrystia Freeland réitère l’engagement de son gouvernement dans la lutte aux changements climatiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/decarbonisation-dici-2030-un-objectif-quasi-impossible-mais-necessaire-184502">Décarbonisation d’ici 2030 : un objectif quasi impossible, mais nécessaire</a>
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<p>Elle y propose des mesures ayant pour but de stimuler les investissements, notamment par la création d’un fonds de croissance de 15 milliards de dollars pour appuyer le <a href="https://www.budget.gc.ca/fes-eea/2022/doc/gf-fc-fr.pdf">déploiement des technologies nécessaires à la décarbonisation</a>. Ce faisant, elle profite de la crise inflationniste pour promouvoir des mesures visant à accélérer la transition énergétique.</p>
<p>Professeur de management à HEC Montréal et responsable pédagogique de la maîtrise en management et développement durable, je m’intéresse au processus de la transition écologique. Dans cet article, j’explique comment la crise inflationniste actuelle ouvre une fenêtre d’opportunité pour créer un nouveau paradigme technico-économique avantageant les technologies vertes.</p>
<h2>Économie verte : un changement de paradigme technico-économique</h2>
<p>Le développement d’une économie verte passe par l’émergence d’un nouveau paradigme technico-économique. Ce type de paradigme peut être défini comme un environnement relativement stable qui favorise le déploiement d’une technologie à grande échelle, menant à une période de croissance.</p>
<p>Pour qu’un changement de paradigme s’impose, une révolution technologique est une <a href="https://carlotaperez.org/wp-content/downloads/publications/theoretical-framework/StructuralCrisesOfAdjustment.pdf">condition nécessaire, mais pas suffisante</a> : il faut également un cadre institutionnel favorable à la diffusion des nouvelles technologies. Cela passe par des changements qui amènent les entreprises à modifier leurs paramètres de décision pour que ceux-ci soient <a href="https://carlotaperez.org/wp-content/downloads/publications/theoretical-framework/StructuralCrisesOfAdjustment.pdf">davantage en adéquation avec le nouveau paradigme</a>.</p>
<p>Un changement de paradigme n’est pas simple, puisqu’il implique des changements institutionnels profonds qui passent, notamment, par l’adoption de mesures qui favorisent certaines technologies au détriment des autres. Du même coup, on modifie la valorisation des compétences en favorisant les connaissances et les compétences rattachées au nouveau paradigme. On pourrait donc valoriser, par exemple, les compétences rattachées à la filière des batteries électriques, au détriment de celles rattachées à l’extraction du pétrole.</p>
<p>Considérant que ces changements risquent d’entraîner de la résistance de la part des entreprises, voire des employés ou de la société civile en raison de ses effets destructeurs pour certaines industries, des conditions favorables à l’adoption des nouvelles mesures sont nécessaires pour espérer un changement durable.</p>
<p>C’est ce qu’on appelle une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">fenêtre d’opportunité</a>.</p>
<h2>Une crise peut créer des opportunités</h2>
<p>Les crises économiques représentent une bonne fenêtre d’opportunité, puisqu’elles amènent de l’incertitude. Et cette incertitude ouvre la porte à différentes interprétations sur les actions à entreprendre afin de renouveler avec la croissance. Ces circonstances, bien que temporaires, sont favorables au changement.</p>
<p>Lors d’une crise, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">deux effets sont possibles</a>. D’une part, une crise peut avoir un effet positif, où elle sert de catalyseur à la transition. D’autre part, la crise peut affaiblir l’attention du public, de la classe politique et du milieu des affaires aux problèmes environnementaux.</p>
<p>L’effet positif de la crise vient du fait qu’elle ouvre la porte au développement de solutions conjointes, permettant de résoudre à la fois des problèmes liés à la crise économique et des problèmes liés à la crise environnementale.</p>
<p>Bien qu’une crise crée un contexte favorable à une transition, toutes les crises ne mènent pas à un changement de paradigme. Alors que la crise financière de 2009 a été initialement favorable au <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">développement d’une économie verte</a>, la fenêtre d’opportunité s’est rapidement refermée lorsque l’attention du public s’est détournée des changements climatiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">pour se concentrer sur des préoccupations davantage économiques</a>.</p>
<h2>Des préoccupations environnementales</h2>
<p>Le contexte actuel est différent. Il y a donc des raisons d’être optimiste. Premièrement, les conséquences de la crise environnementale sont de plus en plus alarmantes et les appels à l’action sont de plus en plus nombreux et diversifiés. On observe donc un fort appui pour des mesures favorisant l’adoption de technologies davantage soucieuses de l’environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="voiture électrique branchée à une borne" src="https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une transition énergétique s’appuyant sur l’électricité produite à parties d’énergies renouvelables permettrait de diminuer notre consommation et notre dépendance aux énergies fossiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Deuxièmement, en faisant la promotion de technologies vertes qui diminuent notre consommation d’énergies fossiles, on vient à la fois répondre à la crise inflationniste et la crise environnementale. La crise actuelle étant en partie causée par l’augmentation des prix du pétrole et du gaz causée par le conflit ukrainien, une transition énergétique s’appuyant sur l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables permettrait de diminuer à la fois notre consommation et notre dépendance aux énergies fossiles, en plus de favoriser des filières en développement, telles que celle des véhicules électriques.</p>
<h2>Comprendre le cycle du changement</h2>
<p>Il faut savoir que la transition énergétique s’inscrit dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">séquence de changements en plusieurs étapes</a>. Et nous nous trouvons présentement à une étape critique de la transition, soit celle du déploiement des actifs manufacturés, tels que des véhicules électriques et des panneaux solaires. Le principal défi est désormais de mobiliser suffisamment de capitaux pour financer l’achat des actifs associés aux nouvelles technologies, et ce, dans un volume suffisant <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">pour permettre d’en abaisser les coûts de production</a>.</p>
<p>Pour réussir la transition, les autorités devront toutefois changer le cadre législatif, afin que les paramètres d’évaluation des décisions d’investissements favorisent les technologies vertes. Ces mesures vont au-delà des subventions.</p>
<ul>
<li><p>Elles incluent un changement dans la politique fiscale, pour que celle-ci prenne en compte l’impact environnemental, ce qu’on appelle <a href="https://doi.org/10.1787/9789264025554-fr">l’écofiscalité</a> ;</p></li>
<li><p>l’élimination des subventions à des industries ayant un impact négatif sur l’environnement, par exemple <a href="https://www.iisd.org/system/files/2020-11/g20-scorecard-report.pdf">celles aux énergies fossiles</a> ;</p></li>
<li><p>l’adoption de nouveaux instruments de marchés, tels que des obligations vertes, des taxes sur la pollution, ou des systèmes de plafonnement et d’échanges de droits d’émissions pour financer les investissements requis ;</p></li>
<li><p>ainsi que des <a href="https://www.oecd.org/greengrowth/48012345.pdf">investissements gouvernementaux ciblés aux secteurs verts</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Vers un nouveau paradigme</h2>
<p>Certaines de ces mesures se retrouvent dans le fonds pour la croissance de la ministre Freeland et d’autres existent déjà. Mais des mesures plus contraignantes, par exemple une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652616302736">taxe carbone équivalente au coût marginal de réduction</a>, n’ont pas encore été adoptées ou ont mené à des exclusions pour certaines industries, grâce à des clauses échappatoires, ce qui ralentit la diffusion des nouvelles technologies.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="FEMME SERT LA MAIN D’UN EMPLOYÉ" src="https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La ministre des Finances, Chrystia Freeland, salue des travailleurs lors d’une visite d’Énergir, la société de gaz naturel du Québec, à Montréal, le 8 novembre 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le Canada enregistre d’ailleurs un retard sur les autres pays de l’OCDE en <a href="https://energie.hec.ca/wp-content/uploads/2020/06/RAPPORT_Ecofiscalit%C3%A9_web.pdf">matière d’écofiscalité</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour adopter les mesures nécessaires pour le développement d’un nouveau paradigme. Il faudra toutefois avoir le courage de profiter de la crise pour aller jusqu’au bout et aller de l’avant avec les mesures plus contraignantes.</p>
<p>Pour y parvenir, l’appui des entreprises et du public à la cause environnementale pourrait jouer un rôle critique, puisque celui-ci donne la légitimité nécessaire au gouvernement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0040162510002878">pour agir</a>.</p>
<h2>Pour une transition durable</h2>
<p>Avec le nombre grandissant de pays et d’entreprises avec des <a href="https://www.un.org/en/climatechange/net-zero-coalition">cibles de zéro émission nette</a>, nous transitons actuellement vers un <a href="https://academic.oup.com/icc/article/29/5/1193/6137243">nouveau paradigme technico-économique à l’échelle mondiale</a>. Une transition précoce offre à la fois des bénéfices environnementaux et économiques, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305750X20302102">qui échapperont aux économies qui s’enferment dans des technologies conventionnelles</a>.</p>
<p>La crise inflationniste actuelle offre une opportunité d’accélérer la transition. Pour que le changement s’opère avec succès, il faudra un régime d’écofiscalité efficace, autant dans sa conception que dans sa mise en œuvre, afin que les paramètres d’investissements favorisent davantage les technologies vertes. Cela passe par des subventions, mais également par le retrait de subventions à des industries polluantes, et l’élaboration d’un régime fiscal favorisant le déploiement de technologies vertes à grande échelle.</p>
<p>La fenêtre est ouverte. Aurons-nous le courage d’en profiter ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193991/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Plourde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise inflationniste actuelle ouvre une fenêtre d’opportunité pour créer un nouveau paradigme technico-économique qui avantage les technologies vertes.Yves Plourde, Professeur agrégé de management, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1845022022-10-24T13:54:45Z2022-10-24T13:54:45ZDécarbonisation d’ici 2030 : un objectif quasi impossible, mais nécessaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/481640/original/file-20220829-25-wrn0eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=42%2C14%2C4634%2C3117&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des éoliennes sont installées sur une colline près de Rio Vista, en Californie, en juillet 2022. Le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, veut accélérer la transition énergétique de l'État. Cela fait partie de sa proposition de consacrer 19,3 milliards de dollars aux politiques climatiques. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Rich Pedroncelli)</span></span></figcaption></figure><p>Plusieurs gouvernements et organisations parlent de carboneutralité, de dé-carbonisation et d’atteinte du net-zéro en lien avec la <a href="https://theconversation.com/rapports-du-giec-il-faut-cesser-de-rechauffer-la-planete-180474">réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES)</a>. Alors que la plupart ont pour cible <a href="https://www.canada.ca/fr/services/environnement/meteo/changementsclimatiques/plan-climatique/carboneutralite-2050.html">l’horizon 2050</a>, certains se dotent d’objectifs qui défient l’imagination. C’est le cas notamment d’<a href="https://www.apple.com/ca/fr/newsroom/2020/07/apple-commits-to-be-100-percent-carbon-neutral-for-its-supply-chain-and-products-by-2030/">Apple</a> et <a href="https://news.microsoft.com/fr-ca/2020/01/20/microsoft-vise-un-bilan-carbone-negatif-dici-2030/">Microsoft</a>, entreprises qui ont toutes deux ciblé l’horizon 2030.</p>
<p>À l’heure actuelle, il s’agit d’objectifs quasi impossibles, mais nécessaires, qui, s’ils se réalisent, bénéficieront à l’ensemble de la société.</p>
<p>Professeur agrégé en management à HEC Montréal et responsable pédagogique pour la Maîtrise en Management et Développement durable, je m’intéresse aux enjeux environnementaux, à la transition écologique, et à la transformation des organisations en lien avec les changements climatiques. Dans cet article, j’entends clarifier pourquoi ces objectifs sont importants, leurs implications pour les organisations, et les défis inhérents à leur poursuite.</p>
<h2>Donner un électrochoc à l’entreprise</h2>
<p>Les <a href="https://www.jstor.org/stable/41319185">objectifs quasi impossibles</a> sont des objectifs organisationnels dont la probabilité objective d’être atteints est hautement incertaine. De plus, à l’égard des pratiques, des compétences et des connaissances actuelles, leur réalisation semble impossible.</p>
<p>Alors, pourquoi établir des objectifs aussi extrêmes ? Dans l’espoir d’obtenir des résultats que nuls n’auraient crus possibles. Mais encore faut-il que leur établissement soit réalisé de manière adéquate.</p>
<p>Le principe est simple. En se dotant d’objectifs extrêmes, on crée une crise interne dans le but d’initier le changement. On recadre l’attention de l’organisation vers des futurs possibles en envoyant un signal fort sur nos priorités. Et ceci doit normalement stimuler l’apprentissage exploratoire et forcer les employés à penser de manière créative et à voir les problèmes autrement.</p>
<p>En d’autres termes, on donne un électrochoc à l’organisation, pour la forcer à innover et atteindre de nouveaux sommets d’excellence.</p>
<h2>Décarbonisation : la route est encore longue</h2>
<p>Dans le cas d’Apple et Microsoft, les deux entreprises ont pour objectif de décarboniser l’entièreté de leurs activités d’ici 2030. Et ce virage concerne également leurs fournisseurs, qui doivent eux aussi s’engager à réduire leurs émissions pour permettre une décarbonisation de leur chaîne de valeur.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AuMhm3kW2yk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le Gouvernement du Québec lance la Stratégie québécoise sur l’hydrogène vert et les bioénergies pour décarboner d’ici 2030.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces objectifs correspondent précisément à des objectifs quasi impossibles. Pourquoi ? Parce que les capacités actuelles en lien avec la décarbonisation de nos économies sont limitées, ce qui restreint l’accès à des approvisionnements de composantes et de matières premières faibles en carbone. Parmi les raisons qui permettent d’expliquer ces limitations, on retrouve l’état d’avancement général de l’électrification des transports et de la transition énergétique, et le nombre restreint d’entreprises ayant déjà fait des efforts substantiels de décarbonisation.</p>
<p>Bien que l’on puisse douter de la capacité d’Apple et Microsoft à atteindre leurs cibles, il y a lieu de mieux comprendre ce que ce type d’objectif implique pour une organisation.</p>
<h2>Un chemin incertain vers un objectif clair</h2>
<p>Une organisation s’engageant vers un objectif quasi impossible s’aventure vers <a href="https://www.jstor.org/stable/41319185">l’inconnu et la nouveauté extrême</a>. Cette nouveauté extrême nécessite d’innover à travers toutes les sphères d’activités de l’organisation.</p>
<p>Alors que la plupart des organisations apprennent de manière progressive, la nouveauté extrême implique un passage vers l’apprentissage exploratoire, beaucoup plus risqué. En effet, une organisation ne peut assurer sa survie qu’en performant de manière efficace à court terme, tout en se positionnant par un avenir incertain. En favorisant un apprentissage exploratoire, on sort des sentiers battus et on augmente le risque d’échec, puisque l’innovation est axée sur le long terme.</p>
<p>Dans le cas de la réponse aux changements climatiques, beaucoup d’incertitudes existent en ce qui concerne le coût des droits d’émissions, les coûts liés à la transition énergétique, et les solutions nous permettant d’atteindre nos objectifs de décarbonisation. Une chose demeure certaine cependant : le <a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">lien entre émissions de GES et réchauffement climatique</a>.</p>
<p>Toute organisation s’engageant vers un objectif de carboneutralité s’engage donc vers un objectif clair et nécessaire, mais dont le chemin à emprunter pour y parvenir reste incertain.</p>
<h2>Les défis inhérents à la poursuite des objectifs quasi impossibles</h2>
<p>La poursuite des objectifs quasi impossibles comporte son lot de défis et n’est pas sans risques.</p>
<p>Un premier défi est de prendre conscience que ce ne sont pas tous les employés qui réagissent de la même manière à ce type d’objectifs. Alors que ces derniers peuvent motiver les employés les plus expérimentés et les plus aptes à soumettre des idées innovantes et utiles à la résolution du problème, d’autres employés verront leur capacité à mobiliser et appliquer leurs connaissances efficacement <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/orsc.2021.1462">diminuer</a>. Ces derniers se remettent alors au hasard pour soumettre leurs idées, ce qui en diminue la qualité.</p>
<p>Un deuxième défi est de bien évaluer la capacité de l’organisation à s’engager dans ce genre d’exercice. Sur ce point, deux éléments sont à garder à l’esprit : la <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3073891">performance de l’organisation et ses ressources disponibles</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="panneaux solaires avec une ville à l’horizon" src="https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le nombre d’entreprises ayant déjà fait des efforts substantiels de décarbonisation est restreint.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Concernant la performance de l’organisation, une succession de plusieurs succès récents pourrait mieux disposer les employés vers ces objectifs, car ceux-ci seraient plus confiants dans leur <a href="https://www.jstor.org/stable/41319185">capacité à atteindre les objectifs fixés</a>. À l’inverse, l’adoption d’objectifs quasi impossibles dans une organisation ayant eu une mauvaise performance récente pourrait entraîner davantage de démotivation et avoir l’effet inverse à celui souhaité. En somme, les objectifs ne doivent pas être entièrement impossibles et les employés doivent eux-mêmes croire qu’il est possible d’y arriver.</p>
<p>Concernant les ressources disponibles, celles-ci représentent un <a href="https://www.jstor.org/stable/41319185">élément clé de l’atteinte de ces objectifs</a>. Par ressources, on entend l’argent, les connaissances, l’expérience, la main d’œuvre, et les équipements. Les objectifs quasi impossibles impliquent d’innover à l’extrême. Cela suggère un haut taux d’échec. Par conséquent, il faut être en mesure d’allouer des ressources à plusieurs projets différents.</p>
<p>Finalement, les objectifs doivent être inspirants. Leur implantation doit aussi se faire de manière cohérente et transversale, c’est-à-dire à travers l’ensemble des activités de l’organisation et non pas par département ou par fonction. De cette manière, on s’assure de favoriser la créativité et l’innovation, mais surtout de canaliser l’énergie autour des innovations les plus porteuses.</p>
<h2>Quasi impossible doit tout de même rimer avec possible</h2>
<p>Les cibles de réduction des GES en lien avec l’atteinte de la carboneutralité représentent, pour beaucoup d’organisations, des objectifs quasi impossibles. Malgré leur caractère extrême, ces objectifs ne sont toutefois pas dénués d’intérêt. Lorsque bien utilisés, ils peuvent stimuler l’innovation et ouvrir de nouveaux possibles.</p>
<p>Toutes les organisations ne sont toutefois pas prêtes à de tels objectifs. Dans ce cas, d’autres stratégies sont à prévoir, telles que la célébration des petites victoires en vue de bâtir la confiance des employés en leurs capacités. On parle par exemple, dans ce cas, de la réussite d’un premier projet de réduction des GES. Ces organisations peuvent également viser la construction d’une base de ressources inutilisées, par exemple en allouant des budgets ou des blocs de temps libres qui permettent aux employés de travailler sur des projets de décarbonisation. Ces approches sont à privilégier <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3073891">avant d’adopter des objectifs plus ambitieux</a>.</p>
<p>Car après tout, les objectifs quasi impossibles doivent conserver une part de possible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184502/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Plourde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les entreprises parlent de carboneutralité, décarbonisation atteinte du net zéro. Certaines visent même l’horizon 2030. À l’heure actuelle, il s’agit d’objectifs quasi impossibles.Yves Plourde, Professeur agrégé de management, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1896082022-09-19T18:40:32Z2022-09-19T18:40:32ZLa cuisine solaire, quand la décarbonation devient un plaisir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483962/original/file-20220912-18-quidtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C1017%2C570&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un four solaire très basique. Il en existe plusieurs types, dont certains qui permettent de monter en température et de cuire du pain ou des gâteaux par exemple.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/13470115@N08/4902971737">Erik Burton, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Avec un cuiseur solaire, on peut faire une ratatouille, de la brioche, des cookies. Les fours solaires prennent leur place dans quelques restaurants professionnels, des boulangeries, et au <a href="https://polytech.univ-amu.fr/concours-cuisine-solaire-2022">festival de cuisine solaire</a> à Marseille.</p>
<p>La cuisine solaire aborde aussi des enjeux majeurs. Aujourd’hui, 2,6 milliards d’êtres humains n’ayant pas accès à un système de cuisson « propre » et <a href="https://iea.blob.core.windows.net/assets/98909c1b-aabc-4797-9926-35307b418cdb/WEO2019-free.pdf">utilisent du bois ou du charbon pour l’un de leurs besoins essentiels</a>, avec des conséquences désastreuses : déforestation, émission de gaz à effet de serre ainsi que de polluants menants à la mort prématurée d’environ 2,5 millions de personnes par an, sans compter l’obligation des populations à consacrer une grande partie de leur journée à la recherche de combustible, les mettant en danger et limitant leur temps disponible pour aller à l’école ou l’université.</p>
<p>Le cuiseur solaire pourrait donc sembler une solution technologique, écologique, économique et sociale. Les cuiseurs solaires remplissent bien leur fonction, ils utilisent une énergie gratuite et largement disponible dans de nombreuses régions du monde pour subvenir à un besoin primordial.</p>
<p>Alors, pourquoi les cuiseurs solaires ne sont-ils pas plus répandus en France comme dans le reste du monde ?</p>
<h2>Comment ça marche ?</h2>
<p>Le principe d’un cuiseur solaire est assez simple : on essaie de faire rentrer un maximum d’énergie solaire à l’aide de miroirs et de surfaces absorbant très bien la lumière solaire (noires), et on essaie d’avoir un minimum de pertes de chaleur à l’aide d’isolants comme la laine de roche ou une vitre.</p>
<p>Il existe plusieurs technologies de cuiseurs solaires, comme les <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Category:Solar_box_cooker_plans">cuiseurs boîtes</a>, les <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Category:Parabolic_solar_cooker_plans">cuiseurs paraboliques</a>, les <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Category:Solar_trough_cooker_plans">cuiseurs à tube sous vide</a> et les <a href="http://www.solare-bruecke.org/index.php/en/die-scheffler-reflektoren">paraboles de Scheffler</a>. À chaque technologie sa température, sa facilité de construction ou d’utilisation, ses avantages et ses inconvénients.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Marmites et paraboles" src="https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483988/original/file-20220912-1755-xdgmqh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trois cuiseurs solaires sous la neige.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1c/Solar_cooker_systems-1.JPG/1280px-Solar_cooker_systems-1.JPG">Fringe2013, Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une première explication de leur adoption très limitée pourrait être leur inefficacité, ou leur incapacité à atteindre les températures nécessaires aux diverses méthodes de cuisson. Il est vrai que les cuiseurs de type <a href="https://static.wikia.nocookie.net/solarcooking/images/0/0b/Minimum_Solar_Box_Cooker_Photo_small_reversed.jpg/revision/latest/scale-to-width-down/1000?cb=20160417181948">« boîte »</a>, généralement en carton ou en bois, qui sont les plus simples et les meilleurs marchés, atteignent difficilement des températures supérieures à 150 °C et sont longs à monter en température.</p>
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<p>Pour accélérer le chauffage et/ou augmenter la température atteinte par un cuiseur solaire, il faut augmenter la concentration des rayons du Soleil à l’aide de miroirs supplémentaires et diminuer les pertes thermiques du plat de cuisine en améliorant l’isolation du cuiseur.</p>
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<img alt="Un four solaire « boîte » pour le diner de Thanksgiving" src="https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C5%2C1123%2C891&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483961/original/file-20220912-1755-4v997m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un four solaire. Il en existe plusieurs types, chacun avec ses avantages et inconvénients – ici, le type « boîte ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/13470115@N08/6396200661">Erik Burton, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les cuiseurs à tube sous vide sont un compromis extrêmement prometteur. Ils sont constitués de deux tubes en verre emboîtés l’un dans l’autre : le tube extérieur est transparent tandis que le tube intérieur est peint en noir. Ils sont séparés d’une petite couche de vide : le meilleur isolant que l’on connaisse ! Pour cuire de la nourriture, il suffit de l’insérer dans le tube intérieur. Ce type de cuiseur a si peu de pertes thermiques que la température interne d’un tube seul laissé au Soleil peut atteindre plus de 110 °C. Avec un système simple de miroirs pour concentrer quelques rayons supplémentaires sur leur surface, on peut aisément atteindre 300 °C en une heure.</p>
<p>Les deux inconvénients de ces systèmes sont la sensibilité aux chocs thermiques du verre (il faut éviter les plats en sauce non couverts pour les projections) et le fait qu’il est obligatoire de cuisiner en extérieur. Les <a href="http://www.solare-bruecke.org/index.php/en/die-scheffler-reflektoren">paraboles de Scheffler</a> sont des cuiseurs dits indirects et permettent de s’affranchir de ce dernier problème, mais pour une complexité plus importante.</p>
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<img alt="Un tube sous vide et ses paraboles pour rediriger les rayons du soleil" src="https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483985/original/file-20220912-5769-k9qpi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un four solaire à tube sous vide, atteignant 260 °C grâce à son concentrateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Fasquelle, Université d’Aix Marseille</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une seconde raison valable pourrait être le prix : les cuiseurs solaires nécessitent un investissement initial potentiellement important mais non prohibitif – quelques dizaines d’euros pour un cuiseur-boîte, environ 200 € pour un cuiseur à tube sous vide, et plusieurs centaines ou milliers d’euros pour les cuiseurs paraboliques.</p>
<h2>L’énergie solaire, trop complexe à gérer ?</h2>
<p>Une troisième raison, bien connue, est l’intermittence de l’énergie solaire. Lorsque l’on cuisine, il est très désagréable de ne pas être maître du temps, dans les deux acceptions de ce dernier. C’est donc le manque de système de stockage simple et bon marché qui est le principal défaut de la technologie solaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-low-tech-se-font-une-place-en-france-186963">Comment les « low tech » se font une place en France</a>
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<p>De nombreux efforts de recherche sont effectués dans ce sens, comme <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0038092X18305620">l’utilisation de matériaux à changement de phase</a>, c’est-à-dire des matériaux solides qui fondent à la température d’utilisation du cuiseur (par exemple 200 °C), absorbant une très grande quantité de chaleur, puis se resolidifient et libèrent la chaleur lorsqu’il n’y a plus de soleil. La problématique du stockage est alors de trouver le bon compromis entre efficacité et capacité de stockage d’un côté, et prix et complexité de l’autre côté.</p>
<h2>Les cuiseurs solaires, pas assez « cools » ?</h2>
<p>Enfin, la lente propagation des cuiseurs solaires peut s’expliquer par l’image qu’ils véhiculent et la sociologie.</p>
<p>En effet, les cuiseurs solaires paraissent aujourd’hui contraignants à utiliser par rapport aux alternatives : la plupart d’entre nous désirent cuisiner à toute heure, par tout temps et à l’intérieur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faire-griller-une-saucisse-au-barbecue-est-une-affaire-de-chimiste-164407">Faire griller une saucisse au barbecue est une affaire de chimiste</a>
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<p>Mais n’y aurait-il pas au moins une activité de cuisine pratiquée en extérieur, uniquement quand il fait beau, et consommant une énergie pas toujours décarbonée ? Le fameux barbecue ! Le cuiseur solaire a toute sa place pour remplacer ou compléter celui-ci, à condition d’être efficace, facile d’utilisation et à forte valeur sociale ajoutée.</p>
<p>L’association <a href="https://solarcooking.fandom.com/fr/wiki/Les_Festins_Photoniques">Les Festins Photoniques</a>, basée à Marseille, pense que plusieurs technologies de cuiseurs solaires, notamment les tubes, peuvent remplir ce service. Une optimisation de l’isolation et des optiques, notamment à l’aide de la technologie dite <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Nonimaging_optics">non imageante</a>, pourrait également mener à des planchas solaires.</p>
<p>La <a href="http://www.solare-bruecke.org/index.php/fr/die-scheffler-reflektoren">parabole de Scheffler</a> est une technologie simple à construire et à utiliser pour faire de la cuisine collective professionnelle et de qualité. Bien que coûtant plusieurs milliers d’euros, cette parabole a l’avantage de permettre la cuisine solaire professionnelle en intérieur et à haute température (400 °C pour la plaque de cuisson d'un restaurant professionnel). Ainsi, peut-être qu’avec la démocratisation d’outils performants, conviviaux, et permettant de cuisiner des mets raffinés, les cuiseurs solaires passeront de la solution contraignante à l’outil d’utilité sociale !</p>
<p>En ce qui concerne les pays en voie de développement, la question sociale porte davantage sur une mauvaise communication entre les promoteurs de la cuisine solaire et les populations à qui cela pourrait profiter : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629617301019">non prise en compte des besoins et méthodes de cuisine locales dans les solutions proposées</a> (par exemple la taille des cuiseurs de type familial, ou la température désirée pour le plat traditionnel local), manque de formation et de démonstration des performances des cuiseurs, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421513008793">manque d’exemplarité des pays développés recourant massivement aux énergies fossiles ou à l’électricité pour la cuisine</a>, etc.</p>
<h2>Et alors, que faut-il faire pour accélérer les choses ?</h2>
<p>Pour accélérer ce processus, les institutions de recherche et de développement travaillent sur quatre aspects : le stockage de l’énergie (pas encore mature car trop complexe et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0038092X20307581">trop cher</a>, le développement de cuiseurs bon marché et faciles à construire par et pour les particuliers (en cours de développement rapide, avec souvent des plans/notices proposés en open source en <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Category:Solar_cooker_plans">différentes langues</a>, comme en <a href="https://www.solarbrother.com/en/open-source/">France</a>, l’amélioration des technologies les plus prometteuses comme les paraboles de Scheffler (à Marseille, le restaurant Le Présage <a href="https://www.capenergies.fr/portfolio_page/crocs/">est associé</a> au laboratoire IUSTI pour améliorer leur fourneau solaire basé sur cette technologie), et surtout la <a href="https://solarcooking.fandom.com/wiki/Most_significant_solar_cooking_projects">prise en compte des besoins des populations en amont d’un projet de développement de la cuisine solaire</a>.</p>
<p>En parallèle, les acteurs de ce domaine tentent, tout du moins en France, de transformer la « contrainte » liée à l’utilisation des cuiseurs solaires en plaisir pour les yeux et pour les papilles, mais aussi en <a href="https://polytech.univ-amu.fr/concours-cuisine-solaire-2022">jeu</a>. C’est ainsi que nous espérons décarboner les usages tout en créant du plaisir.</p>
<p>Enfin, il y a besoin de davantage de financement des projets de développement des cuiseurs solaires qui sont portés par les associations humanitaires et certains <a href="https://www.solarcookers.org/">programmes spécifiques</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189608/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Fasquelle a reçu des financements de l'Institut de Mécanique et d'Ingénierie (IMI) de l'université d'Aix-Marseille (AMU), ainsi que de la Région Sud et du restaurant Le Présage pour financer la thèse de doctorat de Gabriel Guillet.
Thomas Fasquelle est membre de l'association "Les Festins Photoniques".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le doctorat de Gabriel GUILLET est cofinancé par la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (90%) et par la Société Le Présage (10%) dans le cadre du dispositif "Emplois Jeunes Doctorants".</span></em></p>Cuire son repas en concentrant la chaleur du soleil, c’est possible… même sous la neige.Thomas Fasquelle, Enseignant-Chercheur à PolytechMarseille et à l'IUSTI, Aix-Marseille Université (AMU)Gabriel Guillet, Doctorant en Sciences de l'Ingénieur, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1839522022-09-07T13:50:00Z2022-09-07T13:50:00ZNaviguer dans le changement climatique : comment le transport maritime s’adapte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/479429/original/file-20220816-1877-81vt6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1000%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le transport maritime sur le Saint-Laurent doit s'adapter au changement climatique en adoptant des technologique intelligentes, durables et en se décarbonisant.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’on le compare aux grands axes de navigation fluviale à travers le monde, on constate que le fleuve Saint-Laurent est une voie navigable privilégiée.</p>
<p>Il prend sa source à l’embouchure du lac Ontario, à une altitude de 250 mètres. De sa source jusqu’au golfe, le fleuve parcourt 1 197 kilomètres. Il est nourri par plusieurs affluents dont les rivières Outaouais, Richelieu, Saint-François et Saguenay.</p>
<p>Mais les impacts du changement climatique se font sentir. L’industrie maritime s’adapte. Elle amorce présentement un virage vers les technologies intelligentes en vue de cette transition énergétique et de sa décarbonation.</p>
<p>Dans cet article, nous verrons comment l’industrie maritime et portuaire intègre le changement climatique dans ses modèles d’affaires et met en place différentes mesures d’adaptation.</p>
<p>Professeur émérite de géographie à l’Université de Montréal, je suis conseiller académique à l’Administration portuaire de Montréal. Je m’intéresse aux enjeux du transport maritime depuis 30 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/limportance-de-la-voie-maritime-du-saint-laurent-pour-leconomie-du-quebec-aujourdhui-et-encore-plus-demain-183951">L’importance de la voie maritime du Saint-Laurent pour l’économie du Québec, aujourd’hui et encore plus demain</a>
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<h2>Une communication intelligente</h2>
<p>La navigation maritime commerciale sur le Saint-Laurent est affectée par plusieurs réalités : variations des niveaux d’eau en lien avec des changements cycliques saisonniers, inégalité des précipitations, mouvement des glaces à la surface du fleuve, variations de température et mutations dans l’apport des affluents et autres facteurs anthropiques.</p>
<p>Dans ce système, la zone de transition entre l’eau salée et l’eau douce débute à l’est de l’île d’Orléans. Une eau avec une concentration de sel plus élevée a une densité plus élevée que celle d’eau douce, où les navires s’enfoncent davantage.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></strong></p>
<p><br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d’une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p>La route de navigation doit donc être entretenue et disposée d’équipements d’aide à la navigation fixe et flottante (phares, feux d’alignement, bouées, etc.). Le <a href="https://www.cidco.ca/partenaires/service-hydrographique-du-canada">Service hydrographique du Canada</a> surveille les marées et les niveaux d’eau, produit des cartes marines et collecte un ensemble de données nécessaires à l’établissement de programmes d’utilisation sécuritaire et durable de la voie navigable.</p>
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<img alt="Un phare rouge et blanc dans une étendue d’eau" src="https://images.theconversation.com/files/480427/original/file-20220822-76470-i4l0ig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480427/original/file-20220822-76470-i4l0ig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480427/original/file-20220822-76470-i4l0ig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480427/original/file-20220822-76470-i4l0ig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480427/original/file-20220822-76470-i4l0ig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480427/original/file-20220822-76470-i4l0ig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480427/original/file-20220822-76470-i4l0ig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un phare dans le fleuve Saint-Laurent, près de Tadoussac. Il fait partie des nombreux équipements d’aide à la navigation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>L’aide à la navigation comprend un système de télécommunications entre les navires et les rives du fleuve. <a href="https://ogsl.ca/fr/news/les-defis-de-la-navigation-sur-le-saint-laurent-perspective-dun-pilote-maritime/">Le Saint-Laurent étant particulièrement difficile à naviguer</a>, le recours à des pilotes du fleuve est nécessaire pour favoriser la sécurité et la sûreté des navires venus de partout dans le monde. Ouvert à la navigation océanique hivernale, la Garde côtière assure le maintien d’une flotte de brise-glaces afin de permettre la circulation des navires.</p>
<h2>Les impacts du changement climatique</h2>
<p><a href="https://www.ouranos.ca/wp-content/uploads/ACA_GLSL-synth%c3%a8se_VF.pdf">La littérature scientifique</a> confirme que le transport maritime, les systèmes portuaires et les chaînes d’approvisionnement sont influencés par l’action combinée du changement climatique et de plusieurs formes d’interventions anthropiques.</p>
<p>Le changement climatique se manifeste surtout par l’augmentation de la température de l’air qui affecte les niveaux d’eau, les précipitations, les conditions de glace et les tempêtes. Ils peuvent accroître la vulnérabilité de la chaîne de transport fluvio-maritime du Saint-Laurent et provoquer l’augmentation du coût de la participation du Québec au commerce international.</p>
<p>Voici comment l’industrie maritime et portuaire intègre et s’adapte à ces nouvelles donnes.</p>
<p>1) <strong>Des températures extrêmes</strong></p>
<p>Des températures extrêmes chaudes entraînent un ralentissement de la productivité de la main-d’œuvre et une réduction des heures de travail à l’extérieur. Il en résulte un rallongement des heures de navires à quai et par conséquent, un retard dans les opérations et de plus nombreux navires en attente.</p>
<p>Par ailleurs, des températures élevées ont des répercussions sur les équipements portuaires. La machinerie est plus à risque de bris. On enregistre une hausse des coûts d’énergie en lien avec la ventilation et la climatisation.</p>
<p>Une hausse des températures peut par ailleurs accroître la vulnérabilité de l’environnement marin aux tempêtes et à l’amplitude des vagues. Les tempêtes ont des répercussions directes sur la planification d’un trajet de navigation sur le Saint-Laurent.</p>
<p><strong>Les solutions :</strong> Certaines innovations utilisent la navigation intelligente pour réduire la vulnérabilité de la navigation maritime commerciale aux variations extrêmes de températures (froids et chaleurs extrêmes), de fluctuation des niveaux d’eau (étiage et inondations) et de changements dans la force et la direction des vents.</p>
<p>La navigation intelligente repose sur l’interconnectivité entre systèmes d’information. L’assistance à la navigation (numérisation des fonds marins, réalité augmentée et mixte pour le pilotage et les réparations matérielles en mer) permet de limiter les risques d’incidents et d’accidents sur le fleuve ou dans le chenal navigable.</p>
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<img alt="Un gros navire est accompagné dans l’eau par un homme en tenue orange" src="https://images.theconversation.com/files/480422/original/file-20220822-76834-cpqei8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480422/original/file-20220822-76834-cpqei8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480422/original/file-20220822-76834-cpqei8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480422/original/file-20220822-76834-cpqei8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480422/original/file-20220822-76834-cpqei8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480422/original/file-20220822-76834-cpqei8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480422/original/file-20220822-76834-cpqei8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le cargo Dolfijngracht est accompagné pour faire son entrée dans le port de Baie-Comeau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Pour assurer l’amarrage sécuritaire des navires à quai en cas de grands vents ou d’événements atmosphériques extrêmes, les administrations portuaires renforcent les bornes d’amarrage pour éviter les ruptures. En outre, les ports du Saint-Laurent ont adopté des plans de prévision des retards pour l’amarrage et le déchargement des cargaisons afin de limiter les délais d’attente au port en cas de conditions météorologiques extrêmes.</p>
<p>2) <strong>Fluctuation des eaux</strong></p>
<p>Considérant que le système Saint-Laurent permet l’accès à des navires de forte capacité, le niveau d’eau est un problème plus important qu’ailleurs.</p>
<p>Or, le changement climatique accentue les problèmes d’accès dans tous les ports du fleuve. Les changements de profondeur d’eau n’affectent pas seulement leur capacité, mais également leur fiabilité, un facteur clé dans le développement des trafics.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/changements-climatiques-a-quoi-sattendre-pour-le-sud-du-quebec-166327">Le réchauffement climatique annonce des hivers plus courts, moins froids, avec davantage de redoux et d’épisodes de pluie</a>. Des épisodes de fortes pluies peuvent accroître les besoins de dragage et d’entretien des chenaux d’accès en raison d’une amplification du transport de sédiments.</p>
<p>Ce seuil peut provoquer de graves inondations des quais et des aires de manutention portuaire en raison des débordements côtiers et des problèmes de captage en surface des eaux de pluies. Une inondation importante pourrait aussi endommager les équipements de surveillance et compromettre la sécurité du port.</p>
<p><strong>Les solutions :</strong> Durant les épisodes de baisses du niveau d’eau, les administrations portuaires renforcent la sécurité de tous les navires qui circulent sur le système fluvial par l’installation d’une signalétique numérique et physique localisant les phénomènes de courants ainsi que les hauts-fonds.</p>
<p>Dans un contexte de pluies intenses et extrêmes, les ports entreprennent un rehaussement des quais et des infrastructures. Les sédiments prélevés lors des dragages d’entretien peuvent être utilisés pour stabiliser les infrastructures qui subissent des processus d’érosion accrus ou assurer en complément des services écologiques.</p>
<p>3) <strong>L’englacement</strong></p>
<p>L’englacement est un phénomène qui assure en partie la protection des côtes en période hivernale. Avec sa diminution, il y aura une hausse potentielle de l’exposition des côtes aux fortes vagues et du même coup, une <a href="https://theconversation.com/erosion-des-berges-du-saint-laurent-il-faut-travailler-avec-la-nature-et-non-la-combattre-178824">érosion accrue des berges</a>.</p>
<p>Le changement climatique va mener à une plus grande variabilité des épaisseurs moyennes de glace et surtout, à un morcellement du couvert de glace sur le fleuve Saint-Laurent. Dans plusieurs ports du Saint-Laurent, ce morcellement pourrait s’accélérer avec la manœuvre des navires à l’entrée et à la sortie des ports.</p>
<p>Ces détachements multiples des glaces soulèvent d’importants problèmes de sécurité maritime, augmentent les risques de collision avec les navires, forcés à ralentir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un brise-glace dans la glace du fleuve" src="https://images.theconversation.com/files/479454/original/file-20220816-2734-6mhkzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479454/original/file-20220816-2734-6mhkzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479454/original/file-20220816-2734-6mhkzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479454/original/file-20220816-2734-6mhkzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479454/original/file-20220816-2734-6mhkzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479454/original/file-20220816-2734-6mhkzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479454/original/file-20220816-2734-6mhkzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un brise-glace au travail dans le fleuve Saint-Laurent. Le changement climatique va mener à une plus grande variabilité des épaisseurs moyennes de glace et à un morcellement du couvert de glace.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p><strong>Les solutions</strong> : Pour lutter contre la formation erratique des glaces, la création d’un service de surveillance des conditions de glace dans les eaux du fleuve est une mesure prioritaire qui est systématisée ou renforcée. Il permet de fournir un outil de navigation précis aux navires. L’acquisition de remorqueurs équipés de brise-glace fonctionnant 24/7 permet d’éviter l’accumulation de glaces à proximité du port et dans le chenal navigable et d’augmenter ainsi la sécurité des navires de commerce.</p>
<h2>Transition énergétique</h2>
<p>La décarbonation de l’économie maritime portuaire est au cœur de la lutte aux changements climatiques. Les transporteurs maritimes et les ports composent avec différentes stratégies de gestion de la transition énergétique.</p>
<p>Des transporteurs maritimes canadiens comme Fednav, CSL, Groupe Desgagnés Inc, NEAS, Groupe Océan, ainsi que la Société des traversiers du Québec et la Garde côtière canadienne, ont consenti des investissements dans : 1) l’amélioration de leur flotte par des technologies de réduction des émissions ; 2) la réduction de la vitesse des navires ou 3) l’utilisation de carburants alternatifs dont le gaz naturel liquéfié (GNL) et les biocarburants.</p>
<p>Les ports du Saint-Laurent ont aussi entrepris plusieurs initiatives : installation de bornes électriques pour alimenter les navires (Montréal) ; introduction du gaz naturel comme nouveau service d’avitaillement des navires (Montréal, Québec) ; abaissement des droits portuaires pour les armateurs écoresponsables (Québec) ; déploiement de nouveaux équipements de chargement permettant de réduire les délais d’attente des navires (Sept-Îles) ; fonds de soutien aux projets et aux innovations écologiques (Trois-Rivières) ; projets d’économie circulaire (Bécancour) ; installation de convoyeurs électriques (Saguenay).</p>
<p>Cette transition énergétique en cours nécessite la mise au point d’outils de production énergétique renouvelable, une recherche de gains en efficience, une baisse de la consommation et un accroissement des interconnexions pour faciliter les échanges.</p>
<p>Cette transformation structurelle des modes de production et de consommation de l’énergie nécessite des investissements importants, l’introduction d’innovations et une volonté politique forte. C’est dans ce contexte que les actions de l’industrie maritime et portuaire du Québec s’inscrivent au sein de pratiques exemplaires de la transition énergétique à l’international.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183952/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Comtois a reçu des financements de plusieurs ministères fédéraux et provinciaux (Transport Canada, Ministère des Transports du Québec, Ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations), du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSHC), du Fonds de recherche du Québec - Nature et technologie (FRQNT) et du Réseau Québec Maritime (RQM).</span></em></p>Le transport maritime sur le Saint-Laurent est en cours d'adaptation au changement climatique en adoptant des technologique intelligentes, durables et en se décarbonisant.Claude Comtois, Professeur émérite de géographie, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1845172022-06-21T19:21:54Z2022-06-21T19:21:54ZClimat : le quinquennat de la bifurcation écologique ?<p>À la suite des <a href="https://theconversation.com/lurbanisation-anarchique-facteur-aggravant-des-incendies-dans-les-landes-188619">vagues estivales de canicules et d’incendies</a>, l’urgence climatique s’est imposée au cœur de la rentrée politique. Le gouvernement doit y répondre dans un contexte où l’envolée du prix de l’énergie met à mal le pouvoir d’achat.</p>
<p>Face à cette double urgence, le temps est compté. L’action doit être rapide, mais aussi s’inscrire dans le moyen terme. Le pays n’est pas en ordre de marche pour atteindre ses <a href="https://theconversation.com/rapport-du-giec-diviser-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-par-deux-dici-a-2030-cest-possible-180513">objectifs climatiques en 2030</a>. Ce quinquennat sera-t-il celui de la bifurcation ?</p>
<h2>Viser le bon objectif de réduction d’émission en 2030</h2>
<p>Depuis 2015, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">Stratégie nationale bas carbone</a> (SNBC) est la feuille de route fixant les objectifs climatiques du pays. Conformément aux engagements européens, elle vise la <a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">neutralité climat en 2050</a>.</p>
<p>Pour atteindre la neutralité en 2050, l’UE a rehaussé en décembre 2020 son objectif intermédiaire, en visant une réduction de minimum 55 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030, contre 40 % antérieurement. Or, la SNBC héritée du précédent quinquennat reste calée sur l’objectif intermédiaire de – 40 % en 2030.</p>
<p>Il y a donc urgence à mettre l’objectif national de la SNBC en cohérence avec les engagements européens qui nous obligent depuis bientôt deux ans. Et, encore plus, à accélérer le rythme de décarbonation de l’économie, ce qui n’a pas été fait durant le précédent quinquennat : après le reflux de 2020, les <a href="https://christiandeperthuis.fr/2022/06/16/inventaire-national-des-emissions-de-ges-2021-nous-eloigne-de-la-cible-de-neutralite/">émissions ont rejoint en 2021</a> la tendance détectable depuis 2005 qui ne conduit pas à une baisse de 55 % en 2030.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/467226/original/file-20220606-13238-nd13n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467226/original/file-20220606-13238-nd13n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467226/original/file-20220606-13238-nd13n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467226/original/file-20220606-13238-nd13n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467226/original/file-20220606-13238-nd13n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467226/original/file-20220606-13238-nd13n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467226/original/file-20220606-13238-nd13n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467226/original/file-20220606-13238-nd13n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Depuis 2005, les émissions de gaz à effet de serre suivent une tendance linéaire qui conduit vers des émissions de l’ordre de 325 Mt de CO 2eq, bien supérieures à l’objectif européen de – 55 %.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données du Citepa</span></span>
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<p>Peut-on aller plus loin ? Le <a href="https://nupes-2022.fr/le-programme/">programme</a> de la Nupes affiche un – 65 %, cohérent avec les <a href="https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2022/02/rac-equite-sousembargo.pdf">recommandations des ONG</a> regroupées dans le Réseau action climat (RAC), mais peu explicite sur les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Il y aurait là un débat à mener pour mieux éclairer nos choix collectifs.</p>
<h2>Energie : le triptyque demande, renouvelables, nucléaire</h2>
<p>L’utilisation d’énergie fossile étant à l’origine des trois quarts de nos émissions, l’accélération du volet énergétique de la transition écologique conditionne l’atteinte d’une réduction de 55 % des émissions en 2030.</p>
<p>Côté demande, la guerre en Ukraine et la mise à l’arrêt de la majorité des réacteurs nucléaires du pays ont contraint les pouvoirs publics à préconiser la sobriété. Mais l’action s’inscrit dans une logique de court terme : il s’agit de passer l’hiver en évitant un rationnement du gaz en cas d’interruption totale des livraisons russes. Or, la sobriété devrait s’inscrire dans une logique de moyen terme, comme dans les <a href="https://negawatt.org/IMG/pdf/synthese-scenario-negawatt-2022.pdf">scénarios</a> de l’organisme Négawat.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<p>Côté offre, il convient d’accélérer la substitution de moyens de production décarbonés aux sources d’origine fossile. En premier lieu, cela requiert d’accélérer le déploiement des renouvelables pour lesquels notre pays fait office de <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Renewable_energy_statistics">lanterne rouge</a> au sein de l’UE. Le gouvernement s’est engagé à accélérer leur déploiement via une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CNTE%20-%20Avis%202022-2.pdf">loi</a> qui est loin de faire consensus dans sa formulation actuelle.</p>
<p>Cela implique de clarifier le rôle du nucléaire dont la quasi-totalité du parc va atteindre 40 ans dans les prochaines années. Prolonger la durée d’utilisation de ce parc exige un investissement estimé à <a href="https://theconversation.com/nucleaire-en-france-un-peu-beaucoup-passionnement-a-la-folie-175000">50 milliards d’euros</a> par EDF. Renoncer à cet investissement en déclassant les réacteurs à mesure qu’ils atteignent 40 ans priverait le pays de la plus grande partie de ses moyens décarbonés, difficilement substituables par du renouvelable dans les délais impartis.</p>
<p>Le déploiement de nouveaux réacteurs de type EPR mérite un examen plus approfondi. Ne pouvant pas fournir d’énergie avant 2035, ce programme ne renforcera pas la sécurité énergétique durant les 15 prochaines années. Compte tenu de la dynamique de baisse des coûts des renouvelables et du stockage de l’électricité, il est douteux qu’il se justifie au plan économique. Des questions à débattre de toute urgence pour la bonne utilisation de nos ressources.</p>
<h2>Amorcer le virage de l’agroécologie</h2>
<p>En 2021, l’agriculture a été à l’origine <a href="https://www.citepa.org/fr/secten/">d’un cinquième</a> des émissions du pays, principalement du méthane et du protoxyde d’azote résultant des pratiques de culture et d’élevage. On les réduit en changeant les méthodes de production agricole.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/470037/original/file-20220621-14-8q0pnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470037/original/file-20220621-14-8q0pnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470037/original/file-20220621-14-8q0pnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470037/original/file-20220621-14-8q0pnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470037/original/file-20220621-14-8q0pnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470037/original/file-20220621-14-8q0pnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470037/original/file-20220621-14-8q0pnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470037/original/file-20220621-14-8q0pnu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le verger expérimental bio de Gotheron, à Bourg-lès-Valence. Lancé par l’Inra dans la Drôme et planté en cercles, il est conçu pour que chaque espèce d’arbre défende son voisin contre les attaques parasitaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean‑Philippe Ksiazek/AFP</span></span>
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<p>La voie y conduisant est celle de l’agroécologie qui mise sur la diversité du vivant, les complémentarités entre le végétal et l’animal, la protection des sols pour stocker la matière organique, l’eau et le carbone. Les retombées de la guerre en Ukraine nous le rappellent avec force : l’objectif n’est pas de produire moins, mais mieux et de façon plus pérenne en accroissant la résilience des systèmes agricoles face au réchauffement du climat.</p>
<p>La France peine à engager le virage agroécologique et à mettre en place les orientations environnementales de la nouvelle PAC. Les émissions d’origine agricole ne reculent pas. Simultanément, la capacité du milieu naturel à absorber le CO<sub>2</sub> de l’atmosphère décline depuis la moitié des années 2000. La forêt et les sols absorbant une <a href="https://christiandeperthuis.fr/2022/06/16/inventaire-national-des-emissions-de-ges-2021-nous-eloigne-de-la-cible-de-neutralite/">proportion décroissante des émissions deCO₂</a>. Les incendies de l’été accélèrent cette tendance et nous éloignent un peu plus de la neutralité climatique.</p>
<p>Pour contrarier ces contre-performances, il convient d’agir simultanément sur l’offre et la demande, avec une déclinaison par territoire, incontournable pour faire évoluer des modèles agricoles et alimentaires qui ne sont pas compatibles avec nos objectifs climatiques. Il faut simultanément réinvestir dans le couvert forestier en l’adaptant aux climats de demain.</p>
<h2>Le choix crucial des bons instruments</h2>
<p>Une fois recalée sur le bon objectif de 2030, la SNBC ne va pas nous placer automatique sur les bonnes trajectoires d’émission. C’est le choix des bons instruments qui sera déterminant.</p>
<p>Une grande partie des actions de réduction d’émissions ou de renforcement de la résilience face au réchauffement se conduit à l’échelle territoriale. Les outils existants de planification dans les régions et les municipalités ne jouent encore qu’un rôle secondaire. Ils doivent être solidifiés et surtout assortis d’instruments de suivi ex-post et de moyens financiers accrus. L’annonce par la Première ministre d’un <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/elisabeth-borne-promesse-fonds-vert-collectivites-transition-ecologique-40210.php4">Fonds vert</a> doté 1,5 milliard destiné aux collectivités territoriales est un premier pas dans cette direction.</p>
<p>Au plan local comme national, la bonne utilisation de l’argent public devrait être réservée aux fonctions régaliennes : recherche et développement, infrastructures bas carbone, valorisation des services écosystémiques, réduction des inégalités, accompagnement des reconversions. Pour combattre l’insuffisance criante de ces investissements, il convient d’économiser sur nombre de subventions, y compris celles favorisant les « produits verts », qui génèrent des effets d’aubaine et contribuent souvent à accroître les inégalités sociales.</p>
<p>Appliquant le principe du pollueur payeur, la tarification carbone constitue, avec les normes, un instrument indispensable pour inciter tous les acteurs économiques à se détourner des énergies fossiles. La dynamique est ici européenne avec le renforcement du système des quotas de CO<sub>2</sub>. Un volet crucial est son extension à l’ensemble des émissions du transport et des bâtiments. Le gouvernement français devrait cesser de freiner ce volet de la réforme européenne.</p>
<p>Simultanément, comme le rappelle un <a href="https://www.oecd.org/fossil-fuels/">récent rapport de l’OCDE</a>, la remontée des prix de l’énergie a provoqué un accroissement des subventions aux énergies fossiles. Les mesures de protection du pouvoir d’achat face à l’envolée du prix du gaz, des carburants et de l’électricité amplifient ce mouvement. Il convient donc de cibler au maximum ces mesures sur les plus vulnérables dans le double souci de justice sociale et de limitation des incitations à l’utilisation des énergies fossiles.</p>
<h2>La justice climatique, condition de l’adhésion citoyenne</h2>
<p>Pour obtenir l’adhésion des citoyens, il ne suffit pas de raconter de beaux récits sur les bienfaits de la transition bas carbone ou de les effrayer en déclinant toutes les catastrophes climatiques à venir. Il faut appliquer des règles de justice fondées sur le triptyque pouvoir d’achat, emploi, résilience.</p>
<p>Les impacts des politiques climatiques pèsent plus lourd sur le budget des ménages pauvres ou éloignés des centres-ville. L’accélération de la transition bas carbone, notamment via la tarification carbone, exige en conséquence des mesures redistributives pour corriger les risques de baisse de pouvoir d’achat des populations les plus vulnérables.</p>
<p>La transition bas carbone va provoquer une accélération des reconversions industrielles et agricoles. Leur financement est le parent pauvre des dépenses publiques fléchées vers cette transition. Anticiper et financer les reconversions professionnelles doit devenir un levier majeur de la planification écologique.</p>
<p>Le réchauffement climatique affecte plus sévèrement les populations qui ont généralement le moins contribué à l’augmentation de l’effet de serre et engendre de nouvelles inégalités. Comme le rappelle le <a href="https://www.unep.org/fr/resources/rapport/sixieme-rapport-devaluation-du-giec-changement-climatique-2022">6ᵉ rapport du GIEC</a>, ces impacts se durciront au fil des prochaines décennies, et ce quel que soit le scénario global d’émissions.</p>
<p>Ce quinquennat devrait donc développer massivement les actions d’adaptation accroissant notre résilience face aux impacts du réchauffement, un autre parent pauvre des politiques climatiques héritées du passé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France n’est pas en ordre de marche pour atteindre ses objectifs climatiques d’ici 2030 alors qu’un développement massif des actions d’adaptation face aux impacts du réchauffement s’impose.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1836702022-06-19T23:35:39Z2022-06-19T23:35:39ZLa planification écologique existe déjà en France… mais doit devenir opérationnelle<p>Entre les deux tours de la présidentielle 2022 a émergé le sujet d’une « planification écologique ». Le terme a été prononcé à maintes reprises, comme une façon de remettre l’environnement sur le devant de la scène, tout en justifiant l’absence d’engagement en faveur de mesures précises et immédiatement applicables dès l’élection du nouveau locataire de l’Élysée.</p>
<p>S’en est suivi la nomination d’Élisabeth Borne, première ministre chargée de la <a href="https://theconversation.com/quelle-transition-ecologique-pour-le-gouvernement-borne-183772">planification écologique et énergétique</a>.</p>
<p>La nature des problèmes environnementaux ainsi que la façon de les résoudre impliquent en effet une nécessaire planification… qui existe déjà en France, même si on peut s’interroger sur sa déclinaison en scénarios cohérents puis en politiques publiques applicables.</p>
<h2>Des enjeux à long terme</h2>
<p>Les enjeux environnementaux concernent le long, voire le très long terme. Qu’il s’agisse de la lutte contre le changement climatique ou de la préservation de la biodiversité, les objectifs de la politique en faveur de l’environnement visent des horizons temporels supérieurs à dix ans, et peuvent même concerner le siècle prochain.</p>
<p>Programmer de telles politiques publiques requiert donc de dépasser tous les mandats politiques.</p>
<p>Prenons le changement climatique. <a href="https://ec.europa.eu/clima/eu-action/international-action-climate-change/climate-negotiations/paris-agreement_fr">L’Accord de Paris</a> fixait dès 2015 l’objectif d’un réchauffement maximum de 2 °C, ce qui implique pour la France d’atteindre le zéro émission nette à l’horizon 2050.</p>
<p>Pour atteindre un tel objectif, il faut mobiliser un ensemble de changements technologiques dans les secteurs de l’énergie, de l’urbanisation, du bâtiment, du transport et de l’industrie, ainsi que le souligne le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/">GIEC dans son dernier rapport, rendu public au printemps 2022</a>.</p>
<p>Ces changements technologiques comprennent par exemple le passage au véhicule électrique ou le développement de l’électricité d’origine renouvelable.</p>
<p>Ils impliquent des investissements considérables, mais aussi la mise au rebut de capital (centrales thermiques, usines fonctionnant à l’énergie fossile ou véhicules thermiques) qui perd alors toute valeur : on parle ici d’« actifs échoués ».</p>
<p>Ces changements ne peuvent donc pas être réalisés du jour au lendemain.</p>
<p>Par ailleurs, il existe des phénomènes de complémentarité ou de substitution lors de la mise en œuvre conjointe de certaines technologies. Ainsi, il ne pourra exister de large pénétration des véhicules électriques sans un développement sérieux des bornes de recharge.</p>
<p>En revanche, si l’électricité devient intégralement d’origine renouvelable et peu onéreuse, il devient a priori moins important de rénover les bâtiments pour améliorer leur performance énergétique.</p>
<p>Enfin, les nouvelles technologies mises en place le seront pour un temps très long, 30 ans au minimum.</p>
<h2>La programmation environnementale existe déjà !</h2>
<p>Tout cela plaide pour une organisation rigoureuse de la transition afin de sélectionner les investissements, qu’ils soient de la bonne ampleur, et réalisés au bon moment, sur les trente prochaines années.</p>
<p>Cela paraît très ambitieux. Pourtant, une planification écologique à l’horizon 2050, centrée sur la décarbonation de l’économie, existe déjà.</p>
<p>Elle a commencé en 2015, avec la première version de la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">stratégie nationale bas carbone</a> (SNBC) qui visait une réduction de 75 % des émissions de GES à l’horizon 2050 par rapport à 1990. Elle a ensuite été révisée en 2018-2019, pour atteindre la neutralité carbone en 2050.</p>
<p>La SNBC est précisément la feuille de route de la France pour conduire la politique d’atténuation du changement climatique. Elle définit des budgets carbone, c’est-à-dire les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de la France à court et moyen termes.</p>
<p>Ainsi, le <a href="https://www.citepa.org/fr/politique-ges/">budget carbone pour la France</a> était-il de 442 MtCO2eq en moyenne annuelle pour la période 2015-2018 (les émissions réelles ont été de 457,6 MtCO2eq/an). Il est de 422 MtCO2eq pour la période 2019-23, de 359 MtCO2eq pour 2024-28 et de 300 MtCO2eq <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">pour 2029-33</a>.</p>
<p>Surtout, elle donne des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020-03-25_MTES_SNBC2.pdf">orientations de politique publique</a> pour mettre en œuvre la transition vers « une économie bas carbone, sobre en consommation de matière et d’énergie, circulaire dans tous les secteurs d’activités et peu productrice de déchets ».</p>
<p>Par exemple, elle propose de recourir aux énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie des bâtiments, d’améliorer leur efficacité énergétique (enveloppe et équipements), notamment grâce à de nouvelles réglementations, d’encourager des changements comportementaux pour des usages plus sobres et de promouvoir les produits de construction à plus faible empreinte carbone.</p>
<p>La nouvelle <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-francaise-lenergie-et-climat-lancement-consultation-publique">stratégie française énergie-climat</a> (SFEC), initiée en novembre 2021 avec une consultation publique, comprendra une loi de programmation énergie-climat qui doit être adoptée avant la fin du premier semestre 2023. Cette loi précisera la stratégie nationale bas carbone révisée, le plan national d’adaptation au changement climatique révisé et la programmation pluriannuelle de l’énergie.</p>
<p>Nul doute, donc, qu’il existe bien déjà une planification écologique.</p>
<h2>Les deux écueils de la stratégie bas carbone française</h2>
<p>Pourtant, deux écueils demeurent.</p>
<p>Le premier est que la SNBC n’est pas portée au plus haut de l’agenda de l’action publique. Elle reste relativement confidentielle, largement ignorée en dehors du ministère de l’Écologie, et loin d’orienter l’ensemble des choix.</p>
<p>Ainsi, les lois sont rarement évaluées à l’aune de leur cohérence avec la SNBC. Par exemple, le <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2020/12/hcc_rapport_renover_plan_de_relance.pdf">plan de relance</a> ne consacre que 28 Md€ sur 100 Md€ à des mesures favorables à l’atténuation des émissions de GES, tout en aidant des secteurs comme l’automobile sans condition environnementale. De même, la décision de réduire le prix à la pompe de 15 centimes suite à la crise ukrainienne est certes compréhensible, mais elle va à l’encontre de l’objectif de réduction des émissions du secteur automobile.</p>
<p>Le second est que la SNBC reste finalement assez silencieuse sur la façon de faire advenir les profondes transformations de notre façon de produire et de consommer pour les trente prochaines années qu’elle décrit.</p>
<p>Elle ne décline pas l’ensemble cohérent de politiques publiques d’investissements, de normes ou de subventions à articuler autour d’un prix du carbone qui reflète son objectif de budget carbone.</p>
<p>En outre, elle est très focalisée sur une description sectorielle fine de la transition, au détriment de l’aspect systémique de cette dernière. Ainsi, elle précise pour le secteur des transports le développement des véhicules électriques et des infrastructures liées, sans pour autant le prendre en compte dans le secteur de l’électricité ou celui de la construction.</p>
<p>Elle ne prend pas non plus en compte le « bouclage macroéconomique », c’est-à-dire les effets de retour du scénario de transition sur l’activité économique, et raisonne comme si la transition n’allait pas avoir d’impact sur l’évolution de la productivité et sur la croissance.</p>
<p>Pourtant, une énergie plus chère va peser à la fois sur les coûts de production des entreprises et sur les budgets des ménages, ce qui va freiner la croissance du PIB. Les actifs échoués pèseront également négativement sur la croissance. D’autres effets, comme l’effort d’investissement dans les technologies décarbonées ou la stimulation de l’innovation verte, joueront en sens inverse. L’effet global sur la croissance est a priori incertain, mais il n’y a pas de raison de penser qu’il sera nul.</p>
<p>On ne peut qu’espérer que le virage amorcé par le président de la République entre les deux tours permette un approfondissement et une meilleure utilisation de la planification écologique existante pour définir l’action publique qui engagera vraiment la France dans la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aude Pommeret est conseiller scientifique à France Stratégie.
Cet article reflète les opinions de ses auteurs et pas nécessairement celles de France Stratégie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Katheline Schubert est membre du Haut Conseil pour le Climat. </span></em></p>La première ministre Elisabeth Borne sera en charge de la planification écologique et énergétique du pays. Pourtant, de tels plans existent déjà, mais ne sont que peu suivis.Aude Pommeret, Full Professor, IAE Savoie Mont BlancKatheline Schubert, Professeur, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1806542022-04-05T18:42:52Z2022-04-05T18:42:52ZL’empreinte carbone, un indicateur à utiliser avec discernement<p>L’indicateur dit d’« empreinte carbone » est souvent utilisé par les ONG pour définir l’intensité des émissions de gaz à effet de serre (GES) des pays les plus riches.</p>
<p>Pour dénoncer aussi le fait que les réductions d’émission qui y sont constatées sont le plus souvent illusoires, car résultant essentiellement des délocalisations industrielles vers les pays émergents.</p>
<p>L’empreinte carbone constituerait ainsi un marqueur de la pression globale exercée par le style de vie et le modèle de consommation des plus riches sur la planète.</p>
<h2>Une notion débattue</h2>
<p>La mesure de cette empreinte soulève un certain nombre de difficultés, car elle comptabilise des émissions directes (de la combustion des énergies fossiles), facilement mesurables, et des émissions indirectes (dans les produits consommés) qui le sont moins.</p>
<p>L’empreinte ne constitue d’autre part pas la référence dans les négociations internationales sur le climat, dans lesquelles ne sont considérées que les émissions directes, constatées sur les différents territoires nationaux.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/empreinte-carbone-les-trois-thermometres-de-laction-climatique-129370">Les définitions et les travaux</a> dans ce domaine sont nombreux.</p>
<p>Pour analyser l’intérêt et les limites de la notion d’empreinte carbone, nous nous appuyons notamment sur les travaux de Lucas Chancel au sein du <a href="https://wid.world/news-article/climate-change-the-global-inequality-of-carbon-emissions/">World Inequality Lab</a> et sur les analyses d’Antonin Pottier et de ses coauteurs de la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/publications/srevue.php?num=169">revue de l’OFCE</a>.</p>
<h2>Emissions territoriales de GES vs empreinte carbone</h2>
<p>La première méthode de comptabilisation des émissions qui fut utilisée dans les négociations climat repose sur les émissions constatées sur chaque territoire national.</p>
<p>Elle découle d’inventaires calculant les quantités de gaz à effet de serre émises en une année et sur le territoire par l’ensemble des acteurs (approche dite « à la production »). Les données, issues des inventaires selon les normes de la <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/la-convention/qu-est-ce-que-la-ccnucc-la-convention-cadre-des-nations-unies-sur-les-changements-climatiques">CCNUCC</a>, sont actuellement privilégiées au sein des COP dans la négociation climatique.</p>
<p>La seconde (empreinte carbone) résulte d’un calcul des émissions de GES directes et indirectes associées à la consommation finale des habitants d’un territoire, auxquelles on ajoute les émissions induites à l’extérieur de ce territoire (approche dite « à la consommation »).</p>
<p>L’analyse conjointe des niveaux d’émissions territoriales et d’empreinte par habitant, comme ci-dessous, fait apparaître des situations très contrastées. Les pays globalement importateurs de produits industriels présentent une empreinte supérieure aux émissions territoriales ; et inversement pour les pays exportateurs.</p>
<p>Pour la France, l’écart est important, puisque l’empreinte est aujourd’hui de 43 % supérieure aux émissions territoriales, cet écart ayant beaucoup augmenté du fait des délocalisations industrielles, accélérées après la crise économique de 2008. On notera une différence entre les données françaises et les données internationales, due aux [ <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/lempreinte-climatique-des-francais-de-nouvelles-estimations-officielles">méthodes de comptabilisation</a>].</p>
<p>La situation des pays détenteurs de ressources énergétiques carbonées est plus complexe : pour les grands pays charbonniers – Australie, Afrique du Sud, Russie – leur système énergétique est très intensif en charbon, notamment pour l’électricité, et leurs émissions territoriales sont très élevées. Les « émissions à l’extraction », qui sont considérées dans certaines analyses, ne sont pas prises en compte ici, afin d’éviter les doubles comptages.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/456232/original/file-20220404-17-yi6v3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456232/original/file-20220404-17-yi6v3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456232/original/file-20220404-17-yi6v3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456232/original/file-20220404-17-yi6v3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456232/original/file-20220404-17-yi6v3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456232/original/file-20220404-17-yi6v3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456232/original/file-20220404-17-yi6v3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456232/original/file-20220404-17-yi6v3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Sebi/P. Criqui, à partir de Global Carbon Project (2019)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/456231/original/file-20220404-22605-op1vcj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456231/original/file-20220404-22605-op1vcj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456231/original/file-20220404-22605-op1vcj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456231/original/file-20220404-22605-op1vcj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456231/original/file-20220404-22605-op1vcj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456231/original/file-20220404-22605-op1vcj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456231/original/file-20220404-22605-op1vcj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456231/original/file-20220404-22605-op1vcj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Sebi/P. Criqui, à partir de Service des données et études statistiques (2021)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Dans les négociations climat, le choix des émissions directes comme indicateur de base s’explique pour des raisons historiques, méthodologiques et politiques.</p>
<p>Alors qu’il fut très tôt possible d’évaluer, de manière rigoureuse, les émissions territoriales à partir des consommations observées des énergies fossiles, l’évaluation de l’empreinte pose de redoutables problèmes méthodologiques. Il faut en particulier tenir compte du commerce extérieur de chaque pays et d’un contenu carbone moyen des produits, difficile à évaluer.</p>
<p>Dans les négociations climat, ces difficultés pourraient conduire à d’infinies controverses. Et finalement, c’est bien sur leur territoire national que les États sont responsables et doivent déployer les efforts de réduction des émissions.</p>
<h2>Des inégalités carbone considérables</h2>
<p>Les inégalités d’empreinte entre pays sont considérables : on constate ainsi un écart de 1 à 10 au sein du G20 (de l’Inde aux États-Unis) ; et un écart encore plus important si l’on élargissait le spectre des pays (du Rwanda au Qatar).</p>
<p>Ces inégalités se retrouvent au sein de chaque pays, mais elles y sont souvent moins prononcées : en France, les ménages du dernier décile de revenu émettent 2,3 fois plus en moyenne que les ménages du premier décile.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/456230/original/file-20220404-19-thajx8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456230/original/file-20220404-19-thajx8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456230/original/file-20220404-19-thajx8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456230/original/file-20220404-19-thajx8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456230/original/file-20220404-19-thajx8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456230/original/file-20220404-19-thajx8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456230/original/file-20220404-19-thajx8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456230/original/file-20220404-19-thajx8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Sebi/P. Criqui à partir de Global Carbon Project (gauche, exprimé en tCO2/tête) ; Pottier et coll., Revue OFCE (2020/5) (droite, exprimé en tCO2/ménage), CC BY-NC-ND</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Il y a donc combinaison d’inégalités inter et infranationales.</p>
<p>Mais le poids relatif de ces deux facteurs dans l’inégalité globale a beaucoup évolué dans les quarante dernières années : après plus d’un siècle d’augmentation constante des inégalités internationales d’empreinte carbone, le mouvement s’inverse vers 1980, au moment de la globalisation de l’économie et de la montée des consommations dans les pays émergents.</p>
<p>En effet, pour le revenu, le poids des inégalités internationales dans l’inégalité globale passe de 57 % alors à 32 % aujourd’hui. Il y a, avec la montée des classes moyennes des pays émergents, une certaine homogénéisation des conditions de vie à l’international.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456229/original/file-20220404-15-7ca9cw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456229/original/file-20220404-15-7ca9cw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456229/original/file-20220404-15-7ca9cw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456229/original/file-20220404-15-7ca9cw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456229/original/file-20220404-15-7ca9cw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456229/original/file-20220404-15-7ca9cw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456229/original/file-20220404-15-7ca9cw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456229/original/file-20220404-15-7ca9cw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">World Inequality Lab</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les inégalités d’empreinte carbone sont évidemment fortement corrélées aux inégalités dans les revenus et les consommations. Au niveau mondial, la part du 1 % des plus forts émetteurs représente 17 % des émissions totales, la part du 1 % les plus riches étant de 19 % du revenu global. Cependant, la part des 50 % les moins émetteurs (en croissance, à 12 % aujourd’hui) est très supérieure à la part dans les revenus des 50 % les plus pauvres (7,5 %).</p>
<p>Ce qui laisse penser que les consommations des plus pauvres correspondent à des consommations permettant de satisfaire des « besoins de base », avec un contenu en matières et en énergie plus élevé, et un contenu en services plus faible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456228/original/file-20220404-13794-ruqw5u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456228/original/file-20220404-13794-ruqw5u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456228/original/file-20220404-13794-ruqw5u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456228/original/file-20220404-13794-ruqw5u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456228/original/file-20220404-13794-ruqw5u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456228/original/file-20220404-13794-ruqw5u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456228/original/file-20220404-13794-ruqw5u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456228/original/file-20220404-13794-ruqw5u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">World Inequality Lab</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Comment interpréter les mesures de l’empreinte carbone ?</h2>
<p>Les indicateurs d’empreinte nous renseignent sur l’état des inégalités et sur leurs tendances d’évolution : ces écarts sont considérables et difficilement soutenables, mais ils ne vont pas forcément en s’accentuant, que ce soit pour l’empreinte carbone ou pour la part du revenu des plus pauvres.</p>
<p>De ce point de vue, la globalisation, qui s’accélère en 1980, marque plutôt une réduction des inégalités globales, par réduction des inégalités internationales.</p>
<p>Avant de s’interroger sur l’utilisation d’un tel constat, il faut s’interroger sur les limites des mesures. Malgré la grande rigueur des travaux et la quantité de données mobilisées, les calculs restent sujets à discussion, principalement selon trois perspectives, identifiées par Antonin Pottier et ses confrères.</p>
<p>Premièrement, il faut considérer la différence entre les « inégalités verticales » d’empreinte, à travers les différentes tranches de population (déciles) et les « inégalités horizontales » au sein de la même tranche (type de logement, urbain/rural, localisation par rapport au travail, accessibilité aux services…).</p>
<p>En France, au sein de chaque décile on retrouve un rapport de un à deux ; les 25 % plus gros émetteurs du premier décile émettent autant que les 25 % plus faibles émetteurs du dernier décile : les riches ne sont pas tous égaux dans l’empreinte carbone…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/456227/original/file-20220404-22605-qupym2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456227/original/file-20220404-22605-qupym2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456227/original/file-20220404-22605-qupym2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456227/original/file-20220404-22605-qupym2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456227/original/file-20220404-22605-qupym2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456227/original/file-20220404-22605-qupym2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456227/original/file-20220404-22605-qupym2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456227/original/file-20220404-22605-qupym2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Pottier et coll., Revue OFCE (2020/5)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Deuxièmement, des biais importants peuvent découler de l’attribution des émissions selon un contenu moyen par grande catégorie de consommation finale, sans différenciation fine des biens consommés. Cela conduit à ignorer « l’effet qualité » : les émissions induites par l’achat d’une Porsche 911 ne sont pas 10 fois supérieures à celles d’un Dacia Stepway, dix fois moins cher. Or avec un coefficient moyen d’émission par unité de dépense automobile en euros, c’est pourtant ce qui sera comptabilisé.</p>
<p>Enfin, ces calculs renvoient à une perspective de responsabilité individuelle dans les émissions, alors même que les émissions indirectes découlent du fonctionnement de l’ensemble des infrastructures et du système sociotechnique, dont les individus – qu’ils soient très riches ou très pauvres – ne sont pas maîtres.</p>
<p>D’une certaine manière, au-delà des comportements de sobriété, seules les émissions de loisirs constituent les véritables marges de manœuvre des individus.</p>
<h2>Comment utiliser les calculs d’empreinte ?</h2>
<p>Les politiques publiques pour le climat se doivent cependant de prendre en compte et les inégalités de revenu et les inégalités d’empreinte carbone. Cela dans les politiques nationales, comme dans les choix d’insertion dans l’économie internationale.</p>
<p>Le World Inequality Lab propose un programme d’action, très politique, différencié selon les classes de revenus. Pour les 50 % les plus pauvres : réaliser des investissements publics pour les infrastructures, les bâtiments et les énergies vertes, tout en aidant à la reconversion des « emplois carbonés ».</p>
<p>Pour la classe moyenne (les 40 % du milieu) : encourager les investissements des ménages pour la rénovation des logements et la conversion des véhicules, tout en introduisant des normes plus sévères dans ces deux domaines.</p>
<p>Pour les plus riches (10 %) : introduction d’un impôt-climat sur la fortune, avec majoration pour les avoirs financiers carbonés, et d’un « passeport carbone », pour plafonner les empreintes personnelles les plus élevées.</p>
<p>Ce programme se distingue des solutions proposées par les <a href="https://www.cae-eco.fr/Pour-le-climat-une-taxe-juste-pas-juste-une-taxe">économistes du Conseil d’analyse économique</a>, qui s’attachent avant tout à une redistribution des recettes de la taxe carbone privilégiant les ménages les plus pauvres. Le débat sur l’efficacité et l’acceptabilité relatives de ces deux types de propositions programmatiques reste aujourd’hui ouvert.</p>
<p>Les choix en matière d’insertion internationale et de gestion des localisations productives sont également essentiels pour la gestion de l’empreinte carbone, en particulier pour éviter que la réduction des émissions territoriales ne se traduise, comme cela a été le cas par le passé, par une augmentation des émissions importées mesurées par l’empreinte. Les risques de « fuites de carbone », c’est-à-dire de délocalisations industrielles vers des pays où la tarification du carbone est plus faible qu’en Europe, doivent être combattus.</p>
<p>C’est l’objet de l’introduction d’un <a href="https://theconversation.com/comment-eviter-que-les-politiques-climatiques-europeennes-ne-favorisent-les-delocalisations-175691">mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a>, actuellement envisagé en Europe et qui sera porté par la présidence française. C’est une initiative qui soulève des difficultés techniques et ne concernera qu’un petit nombre d’industries. Mais ce sont les plus émettrices et cette initiative est nécessaire.</p>
<p>Plus généralement, l’écart entre émissions territoriales et empreinte carbone rejoint la question des relocalisations industrielles. Celles-ci sont susceptibles de réduire les coûts, économiques et écologiques, du transport à longue distance. Encore faut-il que les capacités de production en Europe soient suffisamment performantes tant au niveau écologique qu’économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180654/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce marqueur, qui se propose d’évaluer l’intensité des émissions de gaz à effet de serre, pose de nombreux problèmes méthodologiques.Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1805132022-04-04T15:01:02Z2022-04-04T15:01:02ZRapport du GIEC : diviser les émissions de gaz à effet de serre par deux d’ici à 2030, c’est possible<p>Clôturant la trilogie ouverte en août 2021 – avec son rapport sur la <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-i/">« science du changement climatique »</a> suivi en mars 2022 par celui sur les <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">« impacts et adaptation »</a> –, le GIEC (Groupement intergouvernemental sur l’étude du climat) <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-3/">rend public ce lundi 4 avril 2022 son nouveau rapport sur l’« atténuation »</a>.</p>
<p>Initiée en 2018, cette somme signée par 278 scientifiques du monde entier dresse l’état des connaissances scientifiques sur les options de réduction des émissions (« l’atténuation » du titre) de gaz à effet de serre.</p>
<p>L’ouvrage s’ouvre sur le bilan des émissions passées et présentes et les perspectives d’émissions futures. Il balaie ensuite les options de réduction des émissions par grands secteurs ou systèmes, avec une attention particulière portée à la demande et à la capture du carbone.</p>
<p>Il se conclut par une discussion des politiques de lutte contre le changement climatique, leur financement et les innovations qu’elles requièrent ; le tout au prisme du développement durable.</p>
<p>Nous présentons ici les principaux messages du rapport, en incitant les lecteurs curieux à partir à la découverte de cette documentation très riche.</p>
<h2>Des émissions à la hausse malgré une mobilisation mondiale</h2>
<p>Le point de départ est que des politiques de lutte contre le changement climatique sont maintenant en vigueur dans de très nombreux pays, et dans de très nombreux secteurs. Très variées, ces politiques « couvrent » déjà plus de la moitié des émissions mondiales.</p>
<p>Cette mobilisation se traduit aussi par des plans de décarbonation de plus en plus ambitieux : un nombre croissant de pays s’engageant maintenant vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les efforts ne sont pas l’apanage des gouvernements nationaux : ils existent aussi, de plus en plus nombreux, aux échelles régionales et locales et dans le secteur privé, à travers par exemple des réseaux de villes qui s’engagent vers la neutralité carbone.</p>
<p>Il n’en reste pas moins que malgré cette mobilisation, les émissions de gaz à effet de serre mondiales <a href="https://www.citepa.org/fr/2021_11_b08/">continuent d’augmenter</a>.</p>
<p>Même si le rythme de leur croissance s’est ralenti, elles n’ont jamais été aussi élevées en valeur absolue. La chute brutale observée en 2020 du fait du Covid est déjà largement résorbée. Et les plans nationaux, pour ambitieux qu’ils soient, nous laisseraient en 2030 largement au-dessus des niveaux d’émissions compatibles avec les objectifs que la communauté internationale s’est fixés à Paris en 2015.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ampleur de la baisse des émissions de CO₂ au niveau mondial et par secteur d’activité pendant le confinement.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>En fait, pour éviter que les températures moyennes à la surface du globe ne dépassent 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle – objectif « aspirationnel » de l’accord de Paris – il faudrait une division par deux des émissions de gaz à effet de serre entre aujourd’hui et 2030, et l’atteinte de zéro émissions nettes de CO<sub>2</sub> à l’échelle mondiale à l’horizon 2050.</p>
<p>Réduire les émissions de 20 % à l’horizon 2030 et atteindre la neutralité CO<sub>2</sub> vers 2070 s’avère nécessaire pour avoir une chance raisonnable de tenir l’objectif de limiter la hausse des températures en deçà de 2 °C.</p>
<h2>Des réductions à un coût raisonnable</h2>
<p>De telles réductions d’émissions nécessitent des transformations majeures dans tous les secteurs. De ce point de vue, le rapport est prudemment optimiste.</p>
<p>En effet, de nombreuses options de réduction des émissions de gaz à effet de serre ont vu leur coût diminuer très rapidement en quelques années. La production d’électricité à partir de panneaux solaires photovoltaïques, par exemple, est devenue en dix ans compétitive avec la production d’électricité à partir des combustibles fossiles.</p>
<p>Les options de réduction des émissions disponibles permettent d’envisager, à coût raisonnable, de diviser les émissions par deux d’ici à 2030. Les coûts varient évidemment d’une région à l’autre, et ils doivent être pris avec précaution du fait des importants effets de système (construire de nouvelles lignes de courant pour acheminer la production d’électricité éolienne, construire les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques).</p>
<p>Mais ce constat est valide pour les systèmes énergiques, l’agriculture et la forêt, le bâtiment, les transports, l’industrie ou encore dans les systèmes urbains.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196298/original/file-20171124-21853-1msq4qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/196298/original/file-20171124-21853-1msq4qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/196298/original/file-20171124-21853-1msq4qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/196298/original/file-20171124-21853-1msq4qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/196298/original/file-20171124-21853-1msq4qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/196298/original/file-20171124-21853-1msq4qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/196298/original/file-20171124-21853-1msq4qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sélectionner les pratiques agricoles qui permettront d’accroître le stock de carbone des sols.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/prefeituradaserra/37497673241/in/photolist-Z8xnRB-nJRetv-Da1sVG-YFSAdS-21LiRad-21pttL6-GBs5fv-CHy3Sy-XVV3D7-CC1797-YPsqL7-ZtsrRk-Yemjfz-YRn7kn-fQAja5-Zg7gVj-X6vPEe-Zqv63y-Y93Qvw-YMF2XX-YgZL8N-21Fp6dN-CuAunW-YzxxQW-YWCqD5-YFvmsJ-qCjE53-ZX7hC2-Ys2DDL-ZDJ1NY-YQPEzw-YePBKv-XF1s4U-ZKwhFT-Zb8ptL-Z2hXLY-Yuy3FL-YWvBXB-CAnneN-FXv9Ck-Y93bv3-YnupEZ-YDryCh-Zcqo79-h18ydP-YTcTPN-ZgXwUf-BPvxAy-XX2p7c-pdyhSh">Jansen Lube/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des solutions multiples</h2>
<p>Point important, les options d’atténuation disponibles sont de natures multiples : elles consistent en l’adoption de technologies « propres », mais aussi en des transformations des modes de production et de consommation, des infrastructures ou des organisations sociales.</p>
<p>Dans les transports, par exemple, on peut réduire la demande via l’optimisation des chaînes d’approvisionnement, le télétravail, ou la dématérialisation ; construire des infrastructures qui permettent aux ménages d’utiliser des modes de transport peu ou pas émetteurs, comme les transports en commun ou les mobilités dites « actives » (vélo, marche, etc.), en plus d’améliorer les véhicules individuels en les rendant plus légers, moins consommateurs d’énergie, et en les électrifiant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279432/original/file-20190613-32331-4hopoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=741%2C0%2C5218%2C2680&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279432/original/file-20190613-32331-4hopoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279432/original/file-20190613-32331-4hopoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279432/original/file-20190613-32331-4hopoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279432/original/file-20190613-32331-4hopoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279432/original/file-20190613-32331-4hopoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279432/original/file-20190613-32331-4hopoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Promouvoir les déplacements actifs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/PUKGAsRSPuk">Javier Garcia/Unsplash</a></span>
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<p>Toute la difficulté est de surmonter les nombreuses barrières à la mise en œuvre de ces solutions.</p>
<p>Les premières sont financières, et le rapport explore en détail les différentes solutions par lesquelles l’épargne, privée en particulier, pourrait être mieux dirigée vers les actions de réduction des émissions.</p>
<p>Les secondes sont technologiques, et le rapport offre de nombreuses pistes pour mieux catalyser les efforts de recherche et développement publics et privés, afin de développer des solutions de décarbonation dans les secteurs où les émissions sont les plus difficiles à réduire, comme la production de ciment ou l’aviation.</p>
<p>Les troisièmes sont institutionnelles. Par nature dépendantes des configurations politiques propres à chaque pays ou à chaque région, elles s’avèrent néanmoins omniprésentes et requièrent tout autant d’attention.</p>
<p>Les quatrièmes sont d’ordre physique : les bâtiments, les routes, les usines, en résumé toutes les installations à durée de vie ayant une influence déterminante sur nos émissions et sur notre capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le rapport souligne à quel point nos choix en la matière, aujourd’hui, sont déterminants. Continuer à investir dans des infrastructures émettrices bloquerait ainsi nos économies sur un sentier à hautes émissions ou créerait des « actifs échoués » par la suite.</p>
<h2>Des bénéfices « non climatiques » à la réduction des émissions</h2>
<p>Plus largement, accélérer la réduction des émissions n’ira pas sans friction avec les autres grands objectifs que se donnent les sociétés.</p>
<p>Le rapport montre en effet qu’à court terme, les transformations induites par la réduction des émissions ont un coût économique et social, inégalement distribué selon les pays, les régions ou encore les secteurs économiques, mais bien réel.</p>
<p>En réponse, le rapport explore les options de transition « juste », qui permettent à tous de trouver leur place dans un futur monde bas carbone. Il souligne aussi que de nombreuses options de réduction des émissions ont des bénéfices additionnels « non climatiques ». Par exemple, limiter la combustion d’énergies fossiles, en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre, diminue les polluants locaux néfastes pour la santé.</p>
<p>Il montre que lever les obstacles à la réduction des émissions revient souvent aussi à lever les obstacles à la réalisation d’autres objectifs sociétaux, dans le domaine de l’accès au logement par exemple.</p>
<p>Il rappelle enfin que les efforts associés à la réduction des émissions sont à mettre en regard des risques associés à une moindre action. Comme le souligne le rapport <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">« impacts et adaptation »</a> de mars 2022 :</p>
<blockquote>
<p>« Le changement climatique menace de plus en plus la santé et les moyens de subsistance des populations du monde entier, et entraîne des impacts sévères potentiellement irréversibles sur la nature. »</p>
</blockquote>
<p>En évitant les impacts du changement climatique les plus sévères, l’atténuation est donc incontournable pour réduire la pauvreté et la faim, améliorer la santé et le bien-être ou encore fournir de l’eau.</p>
<h2>Plongez-vous dans le « résumé pour décideurs »</h2>
<p>En termes d’action, le rapport dessine des ensembles de politiques publiques à tous les échelons, pour inciter à la réduction des émissions, lever les obstacles et modifier les trajectoires de développement.</p>
<p>Il insiste aussi sur la nécessaire implication de l’ensemble des acteurs sociaux – entreprises, secteur financier, société civile, citoyens… – pour prendre des mesures immédiates et ambitieuses afin de réduire rapidement les émissions de GES et de nous éviter – et d’éviter à nos enfants – d’avoir à affronter, plus tard, des défis autrement insurmontables.</p>
<p><a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-3/">Le rapport « atténuation »</a> est disponible en intégralité en ligne, tout comme son résumé technique et son résumé pour décideurs. Ce dernier document, d’une quarantaine de pages, constitue le meilleur point d’entrée pour partir à la découverte de ce nouveau document du GIEC.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Guivarch est membre du Haut conseil pour le climat, et fait partie de l'équipe des auteurs du 6e rapport du GIEC sur l'atténuation. Céline Guivarch a reçu des financements de la Commission européenne, du ministère de la Transition écologique et solidaire, de l’Ademe, du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique, de l’Agence internationale de l’énergie, de la Banque mondiale, d’EDF, de Renault, de la chaire « Modélisation prospective pour le développement durable » et de l’Institut pour la mobilité durable.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Franck Lecocq est auteur coordinateur du 6e rapport du groupe III du GIEC, et membre du conseil scientifique d'EDF. En plus des financements de base de ses tutelles (CNRS, ENPC, AgroParisTech, CIRAD, EHESS), le Cired reçoit des financements de recherche nationaux (ANR, ADEME, etc.) et internationaux (Union européenne, Banque mondiale, etc.), ainsi que des financements de partenaires publics et privés par l'intermédiaire de 3 chaires, de contrats de recherche et de thèses CIFRE.</span></em></p>Deux auteurs du nouveau rapport du GIEC, rendu public ce lundi 4 avril 2022, décryptent les principaux messages du document.Céline Guivarch, Économiste au Cired, directrice de recherche, École des Ponts ParisTech (ENPC)Franck Lecocq, Chercheur senior en économie, directeur du Cired, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1805192022-04-03T16:16:00Z2022-04-03T16:16:00ZComment les candidats se positionnent au sujet des énergies renouvelables ?<p>Conformément aux engagements internationaux (<a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris">Accord de Paris sur le climat, 2015</a>) et européens (<a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr">Pacte vert pour l’Europe, 2019</a>), la France affiche de fortes ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre exigeant une action rapide pour décarboner les modes de production et de consommation de l’énergie. Bien que la <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/t2020_rd330/default/table?lang=fr">part de renouvelable dans la consommation finale brute d’énergie</a> (2020) soit inférieure (19 %) à celle de la moyenne de l’Union européenne (22,1 %), le déploiement des sources d’énergies renouvelables constitue aujourd’hui un enjeu fondamental de la transition énergétique française tels qu’en témoignent les éléments chiffrés de la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20200422%20Programmation%20pluriannuelle%20de%20l%27e%CC%81nergie.pdf">programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), 2019-2028</a>.</p>
<p>Face à ce constat, les candidats à l’élection présidentielle (sauf <a href="https://www.nathalie-arthaud.info/">Nathalie Arthaud</a> qui n’a aucune proposition à ce sujet) ont des propositions très variées, certains proposant un mix énergétique 100 % renouvelable quand d’autres proposent l’arrêt, voire le démantèlement des parcs éoliens existants.</p>
<p>Bien que clivant, le débat semble aujourd’hui dépasser la simple question d’un choix entre les énergies renouvelables ou non.</p>
<h2>Une transition énergétique avec ou sans nucléaire</h2>
<p>La position politique pour un mix énergétique 100 % renouvelable semble trancher l’épineux débat sur la sortie ou la relance de l’énergie nucléaire. La sortie du nucléaire est envisagée de manière consensuelle à l’horizon 2050, mais à différentes vitesses : <a href="https://poutou2022.org/programme">sortir en 10 ans maximum</a> pour Philippe Poutou (NPA) ; <a href="https://www.jadot2022.fr/programme">sortir de manière « responsable »</a> en arrêtant 10 réacteurs d’ici 2035 pour Yannick Jadot (EELV) ; ne pas sortir avant 2050 comme il s’agit d’une « <a href="https://www.2022avechidalgo.fr/notre_programme">énergie de transition</a> pour Anne Hidalgo (PS). Sa mise en œuvre est prévue notamment par le développement plus ou moins massif des technologies renouvelables.</p>
<p>À titre d’exemple, le programme de <a href="https://www.jadot2022.fr/programme">Yannick Jadot</a> annonce l’installation de 3 000 mâts d’éoliennes supplémentaires et de 25 GW de photovoltaïque en plus sur le quinquennat. Pour la faisabilité de la sortie, les programmes de <a href="https://melenchon2022.fr/">Jean‑Luc Mélenchon</a> (La France Insoumise), de Yannick Jadot et de Philippe Poutou insistent aussi sur la nécessaire réduction de la consommation d’énergie par la <a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">sobriété</a> et l’<a href="https://theconversation.com/efficacite-energetique-est-il-vraiment-possible-de-faire-mieux-avec-moins-113796">efficacité énergétique</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1-28-grEZjk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les candidats (sauf ceux de l’extrême droite) étaient invités dans l’émission <em>Le Débat du siècle</em> (Jean Massiet, Paloma Moritz, sur Twitch) pour évoquer l’écologie dans leur programme.</span></figcaption>
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<h2>Des propositions imaginées par la société civile</h2>
<p>Les candidats se réfèrent également aux scénarios imaginés par différentes associations. Ainsi <a href="https://negawatt.org/index.php">négaWatt 2022</a> vise la neutralité carbone en 2050 ainsi qu’un mix énergétique 96 % renouvelable. <a href="https://afterres2050.solagro.org/decouvrir/scenario/">Afterres2050</a> souligne la possibilité de diviser par 2 nos consommations finales d’énergie, par 16 nos émissions de CO<sub>2</sub> d’origine énergétique, et de réduire radicalement notre dépendance aux énergies fossiles d’ici 2050 en mobilisant fortement les énergies renouvelables. Enfin ils s’appuient aussi sur ceux de l’<a href="https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/les-scenarios/">Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie</a> qui propose, entre autres, la décarbonation de l’énergie dans l’industrie.</p>
<p>Cependant, les programmes manquent de précisions relatives aux financements des investissements dans les énergies renouvelables (notamment ceux d’<a href="https://www.2022avechidalgo.fr/notre_programme">Anne Hidalgo</a> et de Philippe Poutou), et à l’impact sur les consommateurs de la sortie du nucléaire (ceux de Philippe Poutou, de Jean‑Luc Mélenchon et de Yannick Jadot). Dans les programmes de Jean‑Luc Mélenchon et de Yannick Jadot, les citoyens-consommateurs d’énergie sont mentionnés uniquement pour la reconnaissance de leur rôle actif dans la transition énergétique à travers leur participation à la sobriété énergétique et aux projets d’énergies renouvelables.</p>
<p>La transition énergétique avec nucléaire, quant à elle, est présentée comme une orientation stratégique fondée sur la constitution d’un mix énergétique 100 % décarboné et national pour répondre aux objectifs climatiques et garantir une indépendance de l’approvisionnement en énergie, c’est-à-dire une souveraineté énergétique.</p>
<p>En ce qui concerne le couplage avec les énergies renouvelables, l’hydro-électricité demeure l’énergie renouvelable « préférée » des programmes pro nucléaires, notamment du fait de son ancrage national et de son caractère pilotable et flexible.</p>
<p>La relance de cette énergie est également envisagée dans les programmes de <a href="https://mlafrance.fr/programme">Marine Le Pen (RN)</a>, de <a href="https://valeriepecresse.fr/projet/energie/">Valérie Pécresse (LR)</a> et d’<a href="https://programme.zemmour2022.fr/">Éric Zemmour (Reconquête !)</a>. Les programmes de <a href="https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf">Fabien Roussel (PCF)</a> et d’<a href="https://avecvous.fr/wp-content/uploads/2022/03/Emmanuel-Macron-Avec-Vous-24-pages.pdf">Emmanuel Macron (LREM)</a> présentent un couplage nucléaire-renouvelable plutôt harmonieux sans exclure aucune option énergétique.</p>
<p>À titre d’exemple, Emmanuel Macron souhaite poursuivre la construction de 6 centrales nucléaires (nouvelle génération), tout en multipliant par 10 la puissance solaire actuelle et implantant 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050.</p>
<h2>Les éoliennes terrestres écartées de la plupart des programmes</h2>
<p>Les éoliennes terrestres sont écartées de la plupart des programmes soutenant l’énergie nucléaire, comme ceux de <a href="https://www.debout-la-france.fr/">Nicolas Dupont-Aignan</a>, d’Éric Zemmour, de <a href="https://jl2022.fr/">Jean Lassalle</a> et de Marine Le Pen, en raison de leur <a href="https://theconversation.com/energie-climat-la-transition-est-elle-vraiment-en-panne-en-france-154963">intermittence</a>, de leur coût, et surtout de leur <a href="https://theconversation.com/les-energies-renouvelables-un-secteur-aux-contours-trop-flous-109961">mauvaise acceptabilité</a> par les citoyens.</p>
<p>Ils se réfèrent également aux arguments écologiques et anthropocentriques relatifs à la protection de la <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-88489?utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#link_time=1512970393">biodiversité</a> et des paysages (y compris celle des cadres de vie). Considéré intermittent et non rentable en raison du problème de dépendance de la filière française, le <a href="https://theconversation.com/et-si-les-artisans-semparaient-du-photovolta-que-139889">photovoltaïque</a> semble également générer de larges questionnements.</p>
<p>Certaines réticences sont présentes notamment dans les programmes d’Éric Zemmour, de Jean Lassalle et de Marine Le Pen. Cependant, ici encore, les programmes ne détaillent pas la « sortie » des « énergies intermittentes », éolienne et photovoltaïque – pourtant deux filières énergétiques recevant l’essentiel du soutien public actuel –, et ne précisent pas comment ils comptent renégocier les contrats en cours avec les porteurs de projet.</p>
<h2>Entre souveraineté nationale et coopération européenne</h2>
<p>L’élection présidentielle aurait également des impacts dans le choix de la mise en œuvre de la transition énergétique dans un contexte plutôt national ou de coopération européenne. Certaines propositions énergétiques relatives au nucléaire, à l’hydro-électricité, ou plus globalement, au marché européen de l’énergie, risquent en effet de heurter l’approche européenne. Bien que la <a href="https://theconversation.com/nucleaire-retour-sur-le-debat-autour-de-la-nouvelle-taxonomie-europeenne-176733">nouvelle taxonomie européenne</a>, créant un label « vert » pour l’électricité produite à partir des centrales nucléaires, contribue à la consolidation de la place du nucléaire dans le mix électrique français, certains candidats vont plus loin en proposant par exemple d’« imposer le nucléaire à l’échelle européenne comme étant le principal outil dans la <a href="https://programme.zemmour2022.fr/">lutte contre le réchauffement climatique</a> ».</p>
<p>Au-delà du clivage gauche-droite, d’autres candidats s’accordent plus ou moins au sujet de la (re)nationalisation complète de l’Électricité de France (Nicolas Dupont-Aignan, Yannick Jadot, Jean Lassalle, ainsi que celle d’Engie pour Jean‑Luc Mélenchon, Fabien Roussel). Dans cette perspective, il est envisagé de financer les investissements en énergies renouvelables par la création d’un <a href="https://melenchon2022.fr/">pôle public de l’énergie</a>, ou de recréer une <a href="https://www.debout-la-france.fr/">filière indépendante et d’excellence nucléaire</a>, ou de <a href="https://jl2022.fr/">redonner à la France l’initiative dans les secteurs clefs de l’économie</a>, ou encore d’<a href="https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf">engager une réappropriation publique et sociale pour un service public de l’énergie puissant</a>. Certains candidats souhaitent également revenir sur la libéralisation du secteur énergétique en <a href="https://programme.zemmour2022.fr/">s’opposant à la mise en concurrence des barrages hydroélectriques</a> et en proposant la <a href="https://melenchon2022.fr/">suppression de la libéralisation du marché de l’électricité</a>, voire d’en <a href="https://mlafrance.fr/programme">sortir sans délais</a>.</p>
<h2>Une transition énergétique ou écologique ?</h2>
<p>Enfin, s’il existe plus ou moins un accord sur l’évolution nécessaire et actuelle vers les énergies renouvelables, il n’existe pas d’une analyse politique holistique sur <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-88489">l’impact potentiel et les externalités négatives</a> que le développement croissant des technologies renouvelables pourrait provoquer sur les écosystèmes.</p>
<p>Une politique écologique globale et cohérente pour développer des sources d’énergies renouvelables – prenant en compte l’ensemble du cycle de vie (de l’extraction des matériaux/production industrielle aux processus de démantèlement, de reconversion et de recyclage) et leurs impacts transgénérationnels, n’est pas suffisamment développée par les candidats à la présidentielle (sauf quelques lignes dans les programmes de Yannick Jadot et Jean‑Luc Mélenchon).</p>
<p>En outre, compte tenu de l’expansion mondiale de la capacité de production d’énergies renouvelables et de la dépendance géographique de chaque source d’énergies renouvelables, les inconvénients peuvent être décuplés dans un contexte transfrontalier et international, car le droit, en particulier le droit de l’environnement, ne permet pas d’évaluer l’empreinte environnementale complète de la production des sources d’énergies renouvelables.</p>
<h2>Mieux tracer les énergies renouvelables</h2>
<p>Face aux enjeux écologiques et climatiques et à la complexité des problèmes sociétaux et environnementaux, une innovation systémique pour la traçabilité des énergies renouvelables est nécessaire dans une perspective de durabilité. D’un point de vue juridique, certaines démarches ont été initiées afin de parvenir à une cohérence significative du lien énergie-écologie, à l’instar des <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/ ?uri=celex :32018L2001">critères de durabilité pour la biomasse</a> s’appliquant à la biomasse consommée en France et aux matières premières utilisées pour leur production cultivées ou extraites en France ou à l’étranger, et de l’<a href="https://ec.europa.eu/environment/eussd/smgp/PEFCR_OEFSR_en.htm">empreinte environnementale des panneaux photovoltaïques</a> visant à réduire, par le biais de l’inventaire du cycle de vie, l’impact environnemental de la production d’électricité à partir des panneaux photovoltaïque. Cependant, la réglementation reste fragmentée et lacunaire.</p>
<p>Aussi, la question qui se pose est de savoir comment réglementer au mieux la traçabilité des énergies renouvelables pour la transition vers des systèmes durables. Comment encadrer la traçabilité comme outil de transition écologique ? Ces questions recouvrent inévitablement les problématiques relatives à la gouvernance, à la transparence et à l’information et à la participation du public/usager/consommateur, qui semblent pour l’heure, avoir été omises par les candidats à l’élection présidentielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180519/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Melis Aras est membre de Société Française pour le Droit de l'Environnement (SFDE).
Elle a reçu des financements pour conduire ses recherches postdoctorales (dans le cadre des projets : Interreg RES-TMO (2019-2021) : <a href="https://www.res-tmo.com/fr/">https://www.res-tmo.com/fr/</a> ; et par EUCOR Seed Money (2021-2022) : <a href="https://www.eucor-uni.org/recherche/reseaux-et-projets/landscape-and-sustainable-energy-transition-the-legal-protection-of-landscapes-through-the-prism-of-the-energy-transition/">https://www.eucor-uni.org/recherche/reseaux-et-projets/landscape-and-sustainable-energy-transition-the-legal-protection-of-landscapes-through-the-prism-of-the-energy-transition/</a>). </span></em></p>Bien que clivant, le débat sur l’énergie semble aujourd’hui dépasser la simple question d’un choix entre les énergies renouvelables ou non.Melis Aras, Postdoctoral Researcher, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1803492022-03-31T17:58:28Z2022-03-31T17:58:28ZLe choc énergétique appelle un plan d’urgence pour développer massivement l’usage du vélo<p>Prix records à la pompe, <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/avec-le-plan-de-resilience-la-facture-de-la-crise-energetique-grimpe-a-30-milliards-deuros-pour-letat-1394113">30 milliards</a> de mesures de soutien au pouvoir d’achat en 2022 de la part de l’État, diminution de la fourniture en pétrole russe, manifestations de plusieurs professions face au risque de faillite… Le choc énergétique actuel est « comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973 », <a href="https://www.reuters.com/article/ukraine-crise-france-energie-idFRKBN2L60SJ">a récemment déclaré le ministre de l’Économie</a>.</p>
<p>En réalité, le coût de l’énergie <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/04/guerre-en-ukraine-il-est-imperatif-que-les-pays-europeens-remettent-en-cause-leurs-politiques-energetiques_6116166_3232.html">augmente</a> <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/04/guerre-en-ukraine-il-est-imperatif-que-les-pays-europeens-remettent-en-cause-leurs-politiques-energetiques_6116166_3232.html">depuis plus d’un an</a> avec la reprise de l’économie mondiale. Il est vrai que la hausse s’accélère nettement depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_countries_by_oil_production">deuxième producteur</a> et <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_countries_by_oil_exports">deuxième exportateur mondial</a> de brut.</p>
<p>Tout laisse à penser qu’il ne s’agit pas là d’un simple choc conjoncturel, mais bien de l’avant-goût d’une ère d’adaptation à la déplétion énergétique.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/03/12/carburants-une-remise-a-la-pompe-de-15-centimes-par-litre-s-appliquera-a-partir-du-1er-avril-annonce-jean-castex_6117275_823448.html">Tempérer les prix</a>, ligne choisie par le gouvernement dans l’urgence, s’apparente à un pansement sur une jambe de bois : des mesures structurelles pour lutter contre la consommation d’énergies fossiles sont vitales. Parmi elles, la <a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">sobriété</a> est essentielle pour baisser la consommation énergétique à court terme.</p>
<h2>Les crises énergétiques révèlent la dépendance à la voiture</h2>
<p>1973-1974 : au moment du premier choc pétrolier, les Pays-Bas, alors soumis à un <a href="https://library.oapen.org/bitstream/id/0001b029-23d7-4c9f-b129-de8206396367/340249.pdf">embargo total</a> de l’OPEP, encouragent les expérimentations en faveur du vélo.</p>
<p>À Tilburg, une ville moyenne du Sud du pays, élus et services inaugurent une <a href="https://bicycledutch.wordpress.com/2018/10/30/the-tilburg-demonstration-cycle-route/">infrastructure cyclable de nouvelle génération</a>, une piste matérialisée en rouge, donnant la priorité aux cyclistes, sans aucune coupure et avec peu d’arrêts.</p>
<p>L’infrastructure entraîna le renouveau de la pratique, devint une vitrine du savoir-faire néerlandais et s’exporta dans le reste du pays et à l’étranger.</p>
<p>Sans aller aussi loin, le ministère français de l’Équipement dépensa dans les années 1970 des dizaines des millions de francs pour <a href="http://webissimo.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_de_recherche_Frederic_Heran_Velo_et_politique_globale_de_deplacements_durables_cle18c7ab.pdf">subventionner dans plusieurs villes des aménagements</a> <a href="http://webissimo.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_de_recherche_Frederic_Heran_Velo_et_politique_globale_de_deplacements_durables_cle18c7ab.pdf">cyclables</a>. Cette politique menée au titre des économies d’énergie prit cependant fin dès le début des années 1980.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1059128243268272129"}"></div></p>
<h2>L’immense potentiel négligé du vélo</h2>
<p>Cinq décennies plus tard, le déclin de la production mondiale du pétrole conventionnel est désormais initié, et l’Europe doit se préparer à un <a href="https://www.lemonde.fr/blog/petrole/2019/02/04/pic-petrolier-probable-dici-a-2025-selon-lagence-internationale-de-lenergie/">« risque de</a> <a href="https://www.lemonde.fr/blog/petrole/2019/02/04/pic-petrolier-probable-dici-a-2025-selon-lagence-internationale-de-lenergie/">resserrement de l’offre »</a> à l’horizon 2025. Un tarissement qui se produit pour le moment à un <a href="https://www.lemonde.fr/blog/huet/2021/11/23/lavenir-du-petrole-est-derriere-lui/">rythme trop lent</a> pour protéger l’Europe des conséquences du dérèglement climatique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1432626090439286787"}"></div></p>
<p>Loin devant l’industrie, le secteur des transports est dans notre pays le plus émetteur de CO<sub>2</sub> (<a href="https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2021/09/HCC_Rapport_GP_2021_web-1.pdf">31 % des émissions nationales</a>). C’est aussi le seul dont les émissions augmentent en valeur absolue depuis plusieurs décennies, mais aussi du <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-11/datalab_70_chiffres_cles_energie_edition_2020_septembre2020_1.pdf">premier secteur en termes de consommation d’énergie</a>.</p>
<p>La voiture est responsable à elle seule de <a href="https://www.carbone4.com/myco2-empreinte-moyenne-evolution-methodo">2 tonnes d’émissions de</a> <a href="https://www.carbone4.com/myco2-empreinte-moyenne-evolution-methodo">CO₂ par an et par personne</a>, ce qui représentera, si l’on se projette en 2050, le <a href="https://www.la-croix.com/Ethique/Sciences-Ethique/Sciences/Deux-tonnes-de-CO2-par-habitant-comment-faire-_NG_-2009-12-07-569882">budget carbone total d’un individu</a> pour atteindre l’objectif de neutralité carbone.</p>
<p><a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/comment-les-francais-se-deplacent-ils-en-2019-resultats-de-lenquete-mobilite-des-personnes">63 % des déplacements locaux</a> sont effectués en voiture, seulement 9 % en transports en commun et un petit 2,7 % à vélo. La voiture reste très utilisée même pour des déplacements courts avec <a href="https://www.carbone4.com/pandemie-voiture-representait-plus-de-moitie-trajets-domicile-travail-de-de-2-km">60 % des déplacements domicile-travail de moins de 5 km</a> (et encore 53 % pour ceux de moins de 2 km), distances parfaitement réalisables par une majorité de la population à pied et à vélo.</p>
<p>Ces distances ne sont pas l’apanage des citadins : les déplacements allant de 1 à 10 kilomètres représentent <a href="https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/en-pratique/etudes-et-statistiques/dossiers-de-la-DGE/impact-economique-et-potentiel-developpement-velo-en-france.pdf">autour d’un trajet sur deux</a> aussi bien en ville que dans les territoires ruraux. Contrairement à l’idée reçue, où que l’on vive, cette part reste ainsi assez similaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1478288644012228608"}"></div></p>
<p>Le potentiel de report de la voiture vers le vélo est par conséquent assez homogène. Selon une étude du Cerema, la moitié de la population pourrait pédaler au quotidien (contre 3 % aujourd’hui). La part modale du vélo atteindrait alors 43 %. Sans atteindre un tel niveau (bien supérieur aux <a href="https://english.kimnet.nl/publications/publications/2020/11/03/cycling-facts-new-insights">28 %</a> des Pays-Bas), on voit combien la marge de progression est considérable.</p>
<p>Ce potentiel est pourtant négligé. Si les Français possèdent <a href="https://www.velo-territoires.org/wp-content/uploads/2020/05/2020-05-06-Rapport_etude_eco_velo.pdf">près de 36 millions de vélos</a>, plus de 10 millions dorment dans les caves et garages et ne sont jamais utilisés. Avec 3 % à 4 % des déplacements réalisés avec ce mode, la France reste encore loin de <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/09/dossier_de_presse_-_plan_velo_-_vendredi_14_septembre_2018.pdf">l’objectif d’atteindre 9 % en 2024</a>, fixé par le plan national de 2018.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1258364321039634433"}"></div></p>
<h2>Tripler le nombre de pistes cyclables d’ici 2024</h2>
<p>À court terme, les mesures réalistes et utiles pour faire évoluer cette situation restent nombreuses.</p>
<p>Le succès des territoires les plus cyclables réside largement dans la progression du nombre et de la qualité de l’infrastructure dédiée, la part modale du vélo ayant une relation linéaire avec le linéaire <a href="https://www.velo-territoires.org/wp-content/uploads/2020/05/2020-05-06-Rapport_etude_eco_velo.pdf">d’aménagements cyclables par habitant</a>. Des réseaux cyclables permettant d’arriver à destination en toute sécurité pour tout un chacun sont un prérequis pour une pratique du vélo au quotidien <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01441640701806612?scroll=top&needAccess=true&journalCode=ttrv20">dans toutes les couches de population</a>, et pour l’augmentation de la portée des déplacements effectués à vélo (la distance parcourue, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2557426">très faible en France</a>).</p>
<p>Pallier l’absence de pistes cyclables est primordial, tant le manque de <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/velos-voitures-separation-ou-mixite-cles-choisir">séparation entre véhicules motorisés et cyclistes</a> peut entraîner un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0001457522000136">sentiment d’insécurité</a>. Mais cela requiert un développement audacieux de l’infrastructure (dans des délais plus courts et à peu de frais). Aujourd’hui, il n’est pas rare de compter deux à cinq années pour qu’un aménagement cyclable soit effectivement réalisé entre les études préalables et la finalisation du chantier.</p>
<p>Les pistes temporaires sont une solution peu coûteuse, comme l’a montré la séquence des coronapistes après le premier confinement de 2020. En moins d’un an, de nombreux territoires se sont dotés <a href="https://www.villes-cyclables.org/mediacenter/uploads/etude-amenagements-de-transition_-phase-3_volet_1_lenquete.pdf">d’environ 700 kilomètres</a> de ces aménagements temporaires grâce à l’implication de l’État et des collectivités. Peu chères, réversibles, adaptables, rapides à installer, les coronapistes ont <a href="https://www.villes-cyclables.org/mediacenter/uploads/etude-amenagements-de-transition_-phase-3_volet_1_lenquete.pdf">accéléré certaines politiques cyclables</a>, mais ont aussi marqué la phase initiale de beaucoup d’autres. Elles ont <a href="https://theconversation.com/les-coronapistes-une-experience-inedite-pour-redessiner-la-ville-cyclable-161038">fortement encouragé l’usage du vélo au quotidien</a>. Des enseignements sont à tirer de ce succès, à la lumière des circonstances nouvelles.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pistes cyclables et épidémie : l’urbanisme tactique, c’est quoi ? (Le Parisien/Youtube, 2020).</span></figcaption>
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<p>Malgré les opportunités mises en avant par le Cerema, la plupart des boulevards urbains à 2x2 voies (voire 2x3 voies pour certains) n’ont pas connu de transformation ces deux dernières années.</p>
<p>Ils pourraient, dans les deux ans qui viennent, se voir dotés de pistes cyclables provisoires, à l’instar des axes où se polarisent les déplacements : ceux qui desservent les gares, les pôles intermodaux, les écoles, collèges, lycées et grands équipements publics, les quartiers d’affaires et les zones artisanales et commerciales qui en sont encore dépourvues.</p>
<p>Un programme systématique d’identification et de traitement des points noirs qui forment des véritables <a href="https://www.enlargeyourparis.fr/societe/guerir-les-coupures-urbaines-pour-prendre-soin-des-pietons">coupures</a> pour les usagers – des carrefours complexes, des grands giratoires, des entrées d’agglomérations, des ponts – offrirait une continuité des itinéraires là où se concentrent les conflits potentiels entre usagers.</p>
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<h2>Allouer un milliard d’euros par an entre 2022 et 2024</h2>
<p>Si, dans les métropoles, le vélo occupe déjà souvent une place visible, son développement <a href="https://actuvelo.fr/2020/09/23/le-phenomene-velo-peut-il-sortir-des-villes-pour-gagner-les-campagnes/">dans les zones moins denses reste un défi</a>.</p>
<p>En milieu rural et périurbain, entre les villes et les villages, des départementales actuellement hostiles aux cyclistes, mais pourvues d’accotements, pourraient accueillir des pistes bidirectionnelles offrant des liaisons directes et sûres entre villes et villages.</p>
<p>En l’absence de solution existante pour les cyclistes, le trafic motorisé de transit d’une route rurale fréquentée pourrait être reporté sur des axes plus adaptés afin de réaffecter cette route au vélo, aux riverains et véhicules autorisés. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R %C3 %A9seau_routier_fran %C3 %A7ais">Le réseau</a> très dense de voies en France est plutôt adapté à cette solution, simple et apportant des itinéraires sûrs et confortables aux cyclistes pour un coût dérisoire.</p>
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<span class="attribution"><span class="source">Samy Guyet/RésilienCités</span></span>
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<span class="caption">Route rurale transformée à titre expérimental en coronapiste, entre Nort-sur-Erdre et le canal de Nantes à Brest (Loire-Atlantique), en 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Samy Guyet/RésilienCités</span></span>
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<p>Le manque de moyens techniques et financiers dans les petites collectivités, rurales ou périurbaines, est un obstacle majeur à l’expérimentation et à la pérennisation de pistes cyclables, d’une manière équitable, sur l’ensemble du territoire.</p>
<p>Un budget exceptionnel de l’État d’un milliard d’euros par an entre 2022 et 2024, dédié au financement intégral des infrastructures, permettrait de donner un signal décisif aux collectivités locales, de recruter des ingénieurs et chargés de mission dédiés, et de tripler le réseau cyclable de <a href="https://amenagements-cyclables.fr/fr/stats">54 000 km</a> à 150 000 km (au minimum, en partant d’un coût moyen d’un aménagement provisoire de <a href="https://www.villes-cyclables.org/mediacenter/uploads/guide-le-cout-des-politiques-velo-(interactif).pdf">30 000 à 50 000 euros par km</a>), et de traiter des centaines de coupures urbaines.</p>
<p>L’investissement en faveur du vélo atteindrait alors 15€/habitant/an à l’échelle nationale, générant une forte intensité en emplois, beaucoup plus importante que celle du secteur automobile. Les départements, qui n’investissent que <a href="https://www.velo-territoires.org/observatoires/enquete2019/">3,75€/habitant/an</a> et comptent en moyenne moins de 3 agents en charge de la politique cyclable, doivent pour cela donner la priorité au vélo et réorienter les missions d’une partie de leurs agents jusqu’ici en charge des travaux et projets routiers.</p>
<h2>Des plans pour limiter la circulation motorisée</h2>
<p>Cette période est également une occasion de tester des <a href="https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/rendre-sa-voirie-cyclable">plans de circulation</a> et des rues ou zones à trafic limité, en particulier dans les centralités de quartiers et <a href="https://theconversation.com/les-rues-scolaires-un-concept-aux-resultats-encourageants-pour-transformer-la-mobilite-urbaine-157845">devant les écoles</a>.</p>
<p>En effet, des véhicules motorisés en trop grand nombre et roulant trop rapidement <a href="https://www.promobilite.fr/sites/default/files/predit_-_velo_et_politique_globale_de_deplacements_durables.pdf">excluent la marche et le vélo</a>. Le Cerema a publié l’an dernier des <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/rendre-sa-voirie-cyclable-cles-reussite-guide-pratique-du">recommandations</a> pour faire connaître l’intérêt de cet outil très peu coûteux.</p>
<p>Avec l’adoption de la vitesse maximale à 30 km/h en agglomération (à l’exception de quelques axes), ces plans <a href="https://reporterre.net/Comment-rendre-la-ville-vivable-et-sans-voiture">permettent de se déplacer sans encombre dans les villes et villages à pied et à vélo</a>, en contraignant voire en interdisant la circulation motorisée de transit. Ils s’accompagnent idéalement d’une généralisation des double-sens cyclables dans toutes les rues à sens unique.</p>
<h2>L’urgence de s’affranchir des énergies fossiles</h2>
<p>Il faut ensuite accompagner différents publics à adopter ces pistes au quotidien. Le gouvernement pourrait rendre obligatoire le forfait mobilité durable, ce qui <a href="https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/4636-barometre-forfait-mobilites-durables.html">inciterait davantage les salariés</a> des secteurs privé et public à privilégier les modes actifs pour se rendre au travail.</p>
<p>L’usage des vélos et des <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">modes intermédiaires</a> en substitution à la voiture peut rapidement se diffuser grâce à des aides dédiées d’urgence, modulées en fonction des situations financières et du degré de dépendance à la voiture.</p>
<p>Enfin, il est aussi possible d’organiser sans attendre des dimanches sans voiture, voire des week-ends, dans toutes les villes : ils donnent l’opportunité à tous de se réapproprier l’espace public largement occupé par l’automobile.</p>
<p>Bien sûr, l’ensemble des mesures doit être adapté aux caractéristiques et problématiques de mobilité de chaque territoire. Mais s’affranchir des énergies fossiles devient désormais une urgence sociale et géopolitique, en plus de représenter une opportunité pour favoriser le tournant vers une mobilité décarbonée.</p>
<p>Des milliers de kilomètres de pistes cyclables, édifiées en quelques mois, constitueraient un marqueur fondamental d’un ambitieux plan de résilience, tant le vélo porte une promesse d’accès universel, équitable et abordable à la mobilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180349/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Marrec est administrateur de l’association Les Dérailleurs de Clamart qui promeut les modes de déplacements actifs. </span></em></p>S’affranchir des énergies fossiles constitue une réelle opportunité pour favoriser le tournant vers une mobilité décarbonée.Sébastien Marrec, Doctorant, urbanisme, aménagement de l’espace, géographie, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.