tag:theconversation.com,2011:/global/topics/elections-legislatives-38515/articlesélections législatives – The Conversation2024-03-17T15:33:02Ztag:theconversation.com,2011:article/2257022024-03-17T15:33:02Z2024-03-17T15:33:02ZLe Portugal, théâtre à son tour d’une percée de l’extrême droite<p>Depuis sa création le 19 avril 2019, le parti <a href="https://www.courrierinternational.com/une/enquete-chega-le-parti-qui-veut-mettre-le-feu-la-politique-portugaise-mais-qui-brule-de">Chega !</a> (« Assez ! », CH) n’en finit plus d’obtenir des scores en hausse : une première entrée au Parlement avec un député (son leader André Ventura) aux élections législatives d’octobre 2019 ; 2 députés <a href="https://www.ritimo.org/Portugal-Chega-un-parti-d-extreme-droite-present-dans-le-systeme-politique">à l’Assemblée législative de la Région autonome des Açores</a> en octobre 2020 ; puis <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/3206">12 députés au Parlement national aux élections législatives de 2022</a>, avec près de 7,38 %.</p>
<p>Ce 10 mars 2024 se sont déroulées au Portugal des <a href="https://theconversation.com/portugal-elections-sous-haute-tension-221186">élections législatives anticipées</a> au cours desquelles Chega a considérablement amélioré son score en recueillant pas moins de 18,06 % des voix, quadruplant ainsi le nombre de ses députés au Parlement, qui passe de <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/portugal-la-percee-d-andre-ventura-s-explique-en-grande-partie-par-sa-tolerance-zero-en-matiere-d-immigration-20240313">12 à 48</a>. CH représente aujourd’hui la troisième force politique au Portugal, derrière les deux grands partis de centre droit (79 sièges) et de centre gauche (77).</p>
<h2>Un salazarisme décomplexé ?</h2>
<p>« Nous sommes un groupe de gens ordinaires, pas une élite ; des gens qui souffrent du système actuel. » C’est ainsi que Ventura <a href="https://brasil.elpais.com/brasil/2019/12/12/internacional/1576187485_020229.html">présentait</a> sa formation politique lors de sa création en 2019. Aujourd’hui, l’objectif affiché de Chega ne serait pas – du moins d’après ses dires – de réhabiliter le salazarisme mais, avant tout, de s’insérer dans la <a href="https://theconversation.com/en-pologne-aux-pays-bas-et-ailleurs-en-europe-les-multiples-visages-des-populismes-de-droite-radicale-218664">vague populiste de droite</a> qui, depuis plusieurs années, un peu partout en Europe, profite à de nombreuses formations de ce camp. Les deux visées n’étant pas antinomiques, André Ventura, non sans une certaine habileté, s’emploie, en jouant sur les ambiguïtés, à attirer le plus de voix possible.</p>
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<p>Il existe une certaine proximité entre André Ventura (né en 1983) et <a href="https://www.cairn.info/la-dictature-de-salazar-face-a-l-emigration--9782724612714-page-99.htm">António de Oliveira Salazar</a> (1889-1975), qui <a href="https://laviedesidees.fr/Fernando-Rosas-art-durer-fascisme-Portugal">dirigea le Portugal d’une main de fer de 1932 à 1968</a>. Curieuse coïncidence, André Ventura eut comme l’ancien dictateur une vocation de séminariste (mais courte, puisqu’elle ne dura qu’une année) et devint également par la suite, comme lui, professeur de droit. Pour autant, malgré une appréhension commune du monde formulée dans le slogan « Dieu, patrie, famille » auquel Ventura ajoute le mot « travail », il ne tient pas à apparaître comme l’incarnation de la continuité de Salazar.</p>
<p>Ainsi, en 2023, il ne se rendit pas à Vimieiro, dans le district de Viseu où naquit Salazar, lors de l’implantation du CIEN (Centre d’interprétation de l’État nouveau), occupé qu’il était par sa campagne électorale… ou ne tenant pas à s’afficher comme partisan inconditionnel d’un personnage qui demeure <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2021/04/25/salazar-et-le-salazarisme-la-posterite-politique-dun-dictateur/">controversé dans le pays</a>, pour le moins pour une partie de la population, et à propos duquel il a notamment déclaré : « la plupart du temps, Salazar n’a pas résolu les problèmes du pays et nous a fait prendre beaucoup de retard à maints égards. Il ne nous a pas permis d’avoir le développement que nous aurions pu avoir, surtout après la Seconde Guerre mondiale », ajoutant : « Pas besoin d’un Salazar à chaque coin de rue, il faut un André Ventura à chaque coin de rue. »</p>
<p>Pourtant, en dépit de ces déclarations, Ventura tient à séduire la partie de l’électorat nostalgique de <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2005-1-page-39.htm">« l’État nouveau »</a>. En effet, chaque fois qu’il le peut, il présente le 25 avril 1974 – jour de la <a href="https://www.rtbf.be/article/la-revolution-des-oeillets-que-fete-exactement-le-portugal-le-25-avril-11187709">Révolution des Œillets</a>, dont on fêtera prochainement le cinquantième anniversaire – comme la source de tous les maux de la société portugaise.</p>
<p>Dans l’un de ses discours au Parlement, en 2022, il prend la défense des forces de sécurité, selon lui déconsidérées et rendues « muettes » depuis ce jour-là, et termine son allocution en les comparant à des « héros ». Dans un <a href="https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=discurso+de+andr%c3%a9+ventura&mid=3BFB91F7F5513B583E593BFB91F7F5513B583E59&FORM=VIRE">autre de ses discours</a>, le 25 novembre 2023, il joue sur la date, proposant d’institutionnaliser désormais celle du <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/11/27/il-y-a-quinze-ans-au-portugal-la-chute-d-otelo-de-carvalho_3985464_1819218.html">25 novembre 1975</a>, jour qui s’est soldé par la victoire des militaires modérés lesquels, selon lui, ont mis fin à la révolution politique et ont conduit à la normalisation démocratique du pays. Il se pose également en défenseur du peuple, à qui il veut rendre sa « dignité » ; il entend notamment remettre à l’honneur les travailleurs en donnant la priorité aux nationaux et incite à faire revenir au pays les jeunes expatriés.</p>
<p>Certains observateurs soulignent que si Ventura n’est pas à proprement parler « salazariste », il n’hésite pas à <a href="https://sicnoticias.pt/programas/reportagemsic/2021-04-01-Andre-Ventura-nao-e-um-salazarista-mas-apropria-se-do-discurso-de-Salazar-d3d78e3f">évoquer l’imaginaire salazariste</a>. En effet, il reprend à son compte les fondements de l’idéologie de l’État nouveau : il place la famille au centre de la société et, dès 2020, il affiche sa foi catholique – autre pilier du salazarisme –, se montrant volontiers à l’Église en compagnie de son épouse Dina.</p>
<p>Lors de sa campagne de 2022, Ventura <a href="https://www.rtp.pt/noticias/eleicoes-legislativas-2022/chega-quer-15-dos-votos-e-ser-terceira-forca-em-portugal_es1375346">s’était engagé</a> à combattre la corruption supposément encouragée par le PS alors au pouvoir. Son slogan mis en avant à cette occasion, et toujours d’actualité aujourd’hui, appelle à « limpar » (<em>nettoyer</em>) le Portugal – un écho, peut-être pas involontaire, au souhait de « régénérer » le pays pour lancer une ère nouvelle qu’avait formulé Salazar à ses débuts…</p>
<h2>Après le Portugal, des visées européennes ?</h2>
<p>Chega fait siennes les thématiques de l’immigration et de l’insécurité, qui se trouvent aussi au cœur des programmes de plusieurs de ses alliés européens. Dès 2020, la formation portugaise a rejoint, au Parlement européen, le groupe <a href="https://fr.idgroup.eu/">Identité et Démocratie</a> (ID), où siègent notamment la Lega italienne, le Rassemblement national français et l’AfD allemande, et aspire à jouer le rôle d’un « pont » pour <a href="https://observador.pt/especiais/chega-na-europa-ventura-fica-na-familia-politica-de-le-pen-e-que-ser-ponte-para-uniao-das-direitas/">l’union des droites</a> souhaitant à long terme réunir tous les patriotes en un même groupe.</p>
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<p>L’argument de campagne pour 2024 a changé par rapport à ceux des campagnes précédentes, mais cela ne veut pas dire qu’il est plus modéré. Auparavant, Ventura se focalisait sur la stigmatisation de la communauté tzigane et promettait de réduire les acquis sociaux et de procéder à des coupes importantes du RSI (revenu d’insertion) ; désormais, il s’en prend moins aux droits sociaux et, conformément aux programmes de ses camarades d’ID, il <a href="https://rr.sapo.pt/fotoreportagem/politica/2024/03/05/como-o-discurso-do-chega-mudou-e-o-que-isso-diz-da-sua-estrategia/368696/">concentre ses attaques</a> sur l’immigration musulmane et sur « l’idéologie du genre » les adaptant toutefois à son pays. Le Portugal connaît dernièrement une <a href="https://www.jn.pt/2856889709/numero-de-imigrantes-em-portugal-quase-duplica-em-10-anos/amp/">forte immigration</a> (121 000 immigrants en 2022, 118 000 en 2023) ; un tiers des nouveaux arrivants proviennent du Brésil mais la plupart des autres arrivent d’autres pays hors UE, notamment d’Inde. Sur les questions sociétales, Ventura semble surtout adapter son discours aux circonstances. En 2020, il se prononce en faveur du mariage entre personnes de même sexe, déclarant à ce sujet qu’il ne verrait <a href="https://www.publico.pt/2020/11/15/politica/noticia/andre-ventura-defende-casamento-gay-critica-salazar-atrasounos-muitissimo-1939288">aucun inconvénient à ce que son fils soit homosexuel</a> ; mais le 16 décembre 2023, il s’insurge contre un <a href="https://vivreleportugal.com/actualite/les-enfants-peuvent-choisir-leur-sexe-nouvelle-loi-soutenue-par-les-socialistes/">projet de loi du PS</a> « visant à garantir le respect de l’autonomie, de la vie privée et de l’autodétermination des enfants et des adolescents qui traversent des transitions d’identité sociale et d’expression de genre », affirmant que ce texte <a href="https://fb.watch/qOS-ciqmWG/?">« mettrait en péril les enfants »</a>.</p>
<p>Durant la campagne des législatives, Ventura <a href="https://www.bbc.com/portuguese/articles/cg695nxk7xko">s’est positionné comme le promoteur d’un contrôle plus strict de l’immigration</a>, en voulant créer un crime de « séjour illégal sur le sol portugais » et imposer des quotas annuels d’entrée des étrangers en fonction « des qualifications des immigrants et des besoins du marché portugais ». Estimant qu’on ne « peut pas vivre dans un pays où tout le monde entre sans contrôle ni critère, sans savoir pourquoi il entre et à quoi il sert », il balayait d’un revers de main les accusations de racisme et de xénophobie, affirmant souhaiter <a href="https://www.bbc.com/portuguese/articles/cg695nxk7xko">« une immigration décente, mais pas incontrôlée »</a>.</p>
<h2>Quelle place dans le nouveau paysage politique ?</h2>
<p>Pour l’heure, les négociations pour former un nouveau gouvernement ont commencé. Le chef de file de la droite, Luis Montenegro, qui a remporté les législatives, a d’ores et déjà annoncé qu’il ne souhaitait pas travailler avec Chega. <a href="https://fr.euronews.com/2024/03/11/les-elections-au-portugal-laissent-le-pays-dans-lincertitude-quant-a-son-avenir-politique">De son côté, Ventura a déclaré</a> qu’il était prêt, pour participer au gouvernement, à abandonner certaines de ses propositions les plus controversées comme la castration chimique pour les délinquants sexuels et les peines de prison à vie. Il affirme que, sans sa participation au gouvernement, le Portugal plongera dans une crise politique majeure : son ralliement permettrait à une coalition de droite et d’extrême droite de gouverner ; sans cela, le Parlement étant très divisé, le pays sera difficilement gouvernable.</p>
<p>En politique, tout est possible… Et si les adversaires d’hier devenaient les alliés de demain ? Quoi qu’il en soit, Chega a désormais les yeux tournés vers l’échéance des élections européennes de juin prochain, où le parti compte encore bien accroître ses scores…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225702/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est membre du Conseil municipal de la Ville de Maxéville (54)</span></em></p>Le Portugal a longtemps été une exception en Europe : l’extrême droite y réalisait des scores nettement plus faibles qu’ailleurs. Mais la donne a changé avec les législatives du 10 mars dernier.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Science politique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2236682024-02-19T16:10:39Z2024-02-19T16:10:39ZPakistan : la résistance imprévue d’Imran Khan<p>Les élections pakistanaises du 8 février 2024 ne devaient être qu’une formalité. Rentré d’exil trois mois plus tôt, l’ex-premier ministre Nawaz Sharif était réputé bénéficier du soutien de l’armée, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2023/11/GAYER/66283">l’institution la plus puissante du pays</a> et son faiseur de rois.</p>
<p>Fort de cet appui, le patriarche du clan Sharif semblait assuré de former le prochain gouvernement. En reconduisant au pouvoir son parti, la Pakistan Muslim League – Nawaz (PML–N), le scrutin devait conférer une onction démocratique à ce scénario négocié en coulisses depuis plusieurs mois. Les électeurs ne l’ont pas entendu de cette oreille, au grand dam des militaires et de la PML-N.</p>
<h2>Une élection jouée d’avance ?</h2>
<p>L’issue du scrutin faisait d’autant moins de doute que le principal parti d’opposition, le Pakistan Tehrik-e-Insaf (PTI), apparaissait affaibli par l’incarcération de ses principaux leaders, à commencer par le plus populaire d’entre eux, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/07/au-pakistan-imran-khan-tenu-a-l-ecart-des-elections-legislatives_6215265_3210.html">Imran Khan</a>, condamné en janvier et février 2024 à trois lourdes peines de prison, l’une de dix ans pour diffusion de secrets d’État, une autre de 14 ans pour corruption et la dernière de sept ans pour mariage illégal.</p>
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<p>Renversé par une motion de censure en avril 2022, l’ancien champion de cricket reconverti en politique s’était au cours des mois suivants engagé dans un conflit frontal avec l’armée, qu’il tenait responsable de son éviction.</p>
<p>En mai 2023, une première tentative d’arrestation du leader du PTI avait <a href="https://theconversation.com/pakistan-le-spectre-de-lembrasement-205902">précipité ses partisans dans les rues des grandes villes</a> et provoqué des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre – y compris des attaques contre des bâtiments militaires. Ces violences avaient servi à justifier une répression féroce contre le parti, dont les leaders refusant de tourner casaque avaient fini derrière les barreaux.</p>
<p>Comme si l’incarcération des principales figures du PTI n’y suffisait pas, la Commission électorale a dans la foulée invoqué des irrégularités dans les élections internes du parti pour priver ses candidats de leur symbole électoral (la batte, en référence au <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-19844270">passé sportif d’Imran Khan</a>). Validée par la Cour suprême, cette décision a contraint les candidats du PTI à se présenter comme indépendants, en rendant plus difficile leur identification par les électeurs.</p>
<p>La cause semblait donc entendue : le PTI prenait l’eau et tant ses derniers dirigeants en liberté que ses électeurs désorientés ne tarderaient pas à quitter le navire. Ce scénario bien huilé s’est pourtant heurté à une réalité que la PML-N et ses puissants protecteurs s’obstinaient à ignorer : le PTI reste le parti le plus populaire du pays.</p>
<h2>La popularité intacte d’Imran Khan</h2>
<p>Pour ses supporters, Imran Khan demeure le « kaptan » : le « capitaine », qui en 1992 a mené l’équipe pakistanaise de cricket à sa première – et à ce jour unique – victoire à la Coupe du monde. Pour un pays en butte à des crises politiques et économiques sans fin, ce fait d’armes reste une source de fierté et de réconfort, témoignant du potentiel de la nation pakistanaise dès lors qu’elle trouve leader à sa mesure.</p>
<p><em>Born-again Muslim</em> ayant renoncé à ses frasques d’antan pour se projeter en musulman rigoriste, Imran Khan a aussi séduit la frange la plus conservatrice de l’électorat par <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/07/les-metamorphoses-d-imran-khan-l-ancien-premier-ministre-du-pakistan_6176496_3210.html">ses postures islamo-nationalistes</a>. Outsider longtemps resté en marge du jeu politique, il a en outre fait de la lutte contre la corruption un thème rassembleur, promettant de débarrasser le pays de ses élites vénales. Ajoutée à son usage intense des réseaux sociaux, cette promesse d’un grand nettoyage lui a valu des soutiens bien au-delà des franges les plus conservatrices de la population, notamment <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2024/02/14/pakistan-election-imran-khan-youth/">chez les jeunes</a> – un atout considérable, dans un pays où 64 % de la population a moins de 30 ans.</p>
<p>Loin d’entamer le capital de sympathie du parti et de son chef emprisonné, la répression des derniers mois semble plutôt l’avoir renforcé. Dans les heures qui ont suivi la fermeture des bureaux de vote, les <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20240209-%C3%A9lections-au-pakistan-les-candidats-pro-imran-khan-en-t%C3%AAte-deux-morts-dans-des-violences">premières estimations</a> laissaient ainsi entrevoir une nette victoire du PTI, arrivant en tête dans une centaine de circonscriptions (sur 266 au total). À l’inverse, la PML-N payait le prix de son alliance avec l’armée, au point que de nombreux ténors du parti se trouvaient en mauvaise posture. Contre toute attente, la volonté populaire semblait prévaloir.</p>
<h2>Nouvelle intervention décisive de l’armée dans le processus politique</h2>
<p>La réaction ne s’est pas fait attendre. Comme à l’issue du scrutin précédent, l’annonce des résultats a été suspendue durant plusieurs heures, ce qui n’a pas manqué d’attiser les rumeurs de fraudes électorales.</p>
<p>En 2018, le rapport de force politique était pourtant inverse : tandis qu’Imran Khan bénéficiait du soutien de l’armée, Nawaz Sharif était <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/24/l-ex-premier-ministre-nawaz-sharif-a-nouveau-condamne-pour-corruption-au-pakistan_5401881_3210.html">condamné à de lourdes peines d’emprisonnement</a> pour corruption.</p>
<p>Versatile dans ses alliances, l’armée n’en est pas moins constante dans ses velléités de contrôle du jeu politique. Ainsi, quand les résultats définitifs ont commencé à tomber, dans la matinée du 9 février, le PTI s’est vu privé de victoire dans plusieurs circonscriptions où il arrivait en tête quelques heures plus tôt, <a href="https://www.dawn.com/news/1812970">notamment au Pendjab</a> – la province la plus peuplée et la plus prospère du pays, dont le contrôle est essentiel pour les aspirants au pouvoir au niveau national. Et tandis que la direction du PTI revendiquait la victoire dans plus de 150 circonscriptions, les candidats du parti n’ont finalement remporté que 93 sièges.</p>
<p>Ce score est nettement supérieur à celui de la PML-N et du Pakistan People’s Party (PPP), l’autre poids lourd de la vie politique nationale. Ces deux partis aux mains de dynasties indétrônables (les Sharif dans le cas de la PML-N et les Bhutto-Zardari pour le PPP) n’ont respectivement remporté que 75 et 54 sièges.</p>
<p>Si les élus du PTI constituent le groupe le plus important au sein de la nouvelle assemblée, leur affiliation partisane n’a pourtant pas été reconnue et ils n’ont donc pu prétendre aux 70 sièges réservés aux femmes et aux minorités, qui sont allés à leurs rivaux. Dans ces conditions, le PTI semble avoir renoncé à former le gouvernement.</p>
<p>C’est donc la PML-N qui devrait diriger à nouveau le Pakistan, en coalition avec le PPP, le Muttahida Qaumi Movement (MQM, un parti représentant la population ourdophone de Karachi) et une poignée de plus petits partis. D’emblée, des désaccords sont cependant apparus entre la PML-N et le PPP, qui refuse de participer au gouvernement et brigue plutôt la présidence de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat – des positions qui permettraient au PPP d’influer sur le jeu politique sans se compromettre ouvertement avec un gouvernement promis à l’impopularité.</p>
<p>Le retour au pouvoir de la PML-N, aussi discréditée soit-elle, semblait acté depuis que l’armée avait réaffirmé son soutien au statu quo. Dans sa première allocution post-électorale, le général Asim Munir, chef de l’armée de terre et bête noire d’Imran Khan, a ainsi <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-68260932">déclaré</a> que le Pakistan avait besoin « de stabilité et d’apaisement », pour mettre un terme à « la politique de l’anarchie et de la polarisation ». Cette allusion à peine voilée aux émeutes de mai 2023 adressait un message clair aux citoyens autant qu’aux responsables politiques : en dernier ressort, c’est à l’armée qu’il revient de désigner les personnes les plus aptes à diriger le pays.</p>
<h2>La victoire à la Pyrrhus de l’armée et du clan Sharif</h2>
<p>Pour l’armée et la PML-N, il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus. L’institution militaire et le parti des Sharif sortent tous deux affaiblis du scrutin, privés de l’onction de légitimité qu’ils attendaient pour redorer leur blason.</p>
<p>Rarement le mythe de la neutralité de l’armée a-t-il été autant pris en défaut et les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont tous <a href="https://www.dawn.com/news/1813046">demandé une enquête</a> sur les accusations de fraudes. Fait rarissime, le secrétaire général des Nations unies a quant à lui <a href="https://www.reuters.com/world/asia-pacific/un-chief-concerned-by-violence-communication-restriction-pakistan-election-day-2024-02-08/">appelé les autorités pakistanaises</a> à résoudre les litiges post-électoraux « conformément au cadre légal ».</p>
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<p>Nawaz Sharif, de son côté, a été réélu dans sa circonscription de Lahore, mais il a essuyé une défaite cuisante dans une autre circonscription (celle de Mansehra, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa). Peut-être après qu’on lui en eut soufflé l’idée, il a fini par renoncer à se présenter comme premier ministre, en s’effaçant au profit de son frère cadet, <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/pakistan/qui-est-shehbaz-sharif-le-multimillionnaire-devenu-premier-ministre-du-pakistan-4fcc937e-b9a2-11ec-857e-054a15b86122">Shahbaz Sharif</a>. En outre, la PML-N et le PPP apparaissent plus que jamais comme des partis régionaux, sinon ethniques. Tandis que la PML-N a remporté l’essentiel de ses sièges au Pendjab, la géographie des soutiens au PPP reste quant à elle cantonnée à la province du Sindh.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Même si le PTI n’a remporté aucun siège dans le Sindh, il a consolidé sa stature de parti national et a confirmé l’ampleur de ses soutiens, qui transcendent largement les barrières de classe, de genre et d’ethnicité.</p>
<p>L’hostilité de l’armée lui barre pourtant l’accès au pouvoir. Ce blocage risque d’ajouter au discrédit des partis dominants, prêts à toutes les compromissions pour se maintenir au pouvoir. Le <a href="https://www.aa.com.tr/en/asia-pacific/watchdog-says-voter-turnout-in-pakistan-elections-around-47-/3133243">faible taux de participation</a> à ces élections (47 %, le plus bas depuis 2008) est révélateur de cette crise de confiance, qui pourrait encore s’approfondir.</p>
<p>En entravant de manière flagrante le processus démocratique, l’armée a montré les limites de sa stratégie d’influence à distance, ce qui pourrait la contraindre à s’impliquer de plus en plus ouvertement dans le jeu politique. La déclaration post-électorale du général Munir offre un aperçu des relations à venir entre civils et militaires : face à une armée assumant son interventionnisme, la marge de manœuvre du nouveau gouvernement sera extrêmement étroite.</p>
<p>Le PTI, de son côté, n’a sans doute pas dit son dernier mot. Convaincu de s’être vu <a href="https://www.aa.com.tr/en/asia-pacific/pakistan-jailed-imran-khan-warns-against-any-new-government-formed-with-stolen-votes-/3136653">voler la victoire</a>, il pourrait être tenté de relancer la stratégie d’agitation qui l’avait déjà opposé à Nawaz Sharif (en 2014) et à son frère Shahbaz Sharif (en 2022). Privé de sa direction et à la merci de la répression, le parti d’Imran Khan semble pourtant en mauvaise posture pour engager une épreuve de force. C’est sans doute devant les tribunaux que se jouera la prochaine manche. L’actuel Chief Justice, Qazi Faez Isa, en poste jusqu’en octobre 2024, est connu pour son hostilité à l’égard du PTI, et il s’opposera certainement à la tenue de nouvelles élections, autant qu’à la libération d’Imran Khan. Mais la haute magistrature est divisée et le PTI compte aussi de nombreux soutiens en son sein. Les juges risquent donc, à leur tour, d’être entraînés dans la mêlée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223668/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Gayer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis sa prison, Imran Khan a vu son parti arriver en tête aux législatives. L’armée a manœuvré pour que le pouvoir sortant reste en place, mais le mécontentement populaire est patent.Laurent Gayer, Directeur de recherche CNRS au CERI-Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211862024-01-21T14:41:25Z2024-01-21T14:41:25ZPortugal : élections sous haute tension<p>« Ah ! les affaires, quelle eau trouble, empoisonnée et salissante ! », écrit Émile Zola en 1898 dans son roman <em>Paris</em> peu après le scandale du canal de Panama, au moment de s’engager dans la tempête de l’affaire Dreyfus. Comme un écho lointain, le premier ministre portugais Antonio Costa martèle « évidemment » – « obviamente ! » – en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/07/portugal-le-premier-ministre-antonio-costa-a-demissionne-eclabousse-par-un-scandale-de-corruption_6198745_3211.html">annonçant sa soudaine démission</a> le 7 novembre 2023.</p>
<p>« Évidemment », une fois considéré, non sans dignité, que ses fonctions ne sont pas compatibles avec la moindre suspicion mettant en cause son intégrité dans une sombre affaire de corruption où seraient impliqués certains de ses proches, dont son chef de cabinet et l’un de ses principaux conseillers, sans compter son propre ministre des Infrastructures. « Évidemment », puisque des écoutes téléphoniques, diligentées par le ministère public, semblent l’attester.</p>
<p>Sauf que, une fois la démission annoncée et la décision prise dans la foulée par le président de la République de convoquer des élections législatives anticipées, les chefs d’accusation s’avèrent flous. L’affaire des écoutes téléphoniques révèle même une <a href="https://www.lejdd.fr/international/portugal-vise-par-un-scandale-de-corruption-le-premier-ministre-demissionnaire-victime-dune-confusion-de-nom-139632">confusion de noms</a> entre le chef du gouvernement et son ministre de l’Économie, Antonio Costa Silva.</p>
<p>Procureure générale de la République portugaise depuis 2018, Lucília Gago en sort ébranlée. D’aucuns laissent entendre que l’affaire fait « pschitt », avec beaucoup de bruit pour rien. Une affaire en « eau trouble, empoisonnée et salissante », à l’arrière-goût amer, propice à toutes les interrogations et inquiétudes quant à l’issue du scrutin programmé le 10 mars prochain.</p>
<h2>Pourquoi voter de nouveau ?</h2>
<p>« C’est une étape qui se clôt », a précisé le premier ministre en annonçant sa démission, mettant un terme à huit années de présidence du Conseil. Avant de préciser quelques jours plus tard qu’il n’occuperait plus de charges publiques au Portugal, renonçant également à sa fonction de secrétaire général du Parti socialiste qu’il exerçait depuis 2014. De fait, c’est une page qui se tourne avec l’effacement contraint de la personnalité politique phare de la vie politique portugaise des dix dernières années, par ailleurs figure de proue de la social-démocratie européenne.</p>
<p>Alors qu’Antonio Costa avait remporté haut la main les élections législatives anticipées en janvier 2022, le PS obtenant la majorité absolue des sièges au Parlement, comment en est-on arrivé là ?</p>
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<p>La démission du premier ministre s’inscrit dans un climat fortement dégradé depuis fin 2022, sous l’ombre portée du <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/au-portugal-le-tapgate-provoque-une-crise-au-sommet-de-letat-1942058">« TAPgate »</a>, la compagnie aérienne nationale en voie de privatisation dont le nom a été accolé à divers scandales et démissions au sein du gouvernement. Dont celle, le 4 janvier 2023, de Pedro Nuno Santos, influent ministre des Infrastructures et du Logement, pour couvrir sa secrétaire d’État, ancienne salariée de la TAP accusée d’avoir perçu une importante indemnité lors de son départ de la compagnie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Antonio Costa démissionne après une enquête pour corruption.</span></figcaption>
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<p>À la fin du printemps 2023, le successeur de Pedro Nuno Santos, João Galamba, est déjà sur la sellette, en raison de <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/au-portugal-la-gauche-rattrapee-par-ses-demons-76BOYBUMMZC65GMEHQLWII2ME4/">son rôle jugé équivoque</a> dans l’attribution de juteuses concessions pour l’exploration de lithium – <a href="https://blog.leslignesbougent.org/portugal-riche-grace-au-lithium/">l’une des grandes richesses du Portugal de demain</a> – lorsqu’il était secrétaire d’État à l’Énergie. Antonio Costa refuse alors de démettre Joao Galamba de ses fonctions, comme le réclame pourtant avec vigueur le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, professeur de droit et président du PSD (parti social-démocrate, centre droit) de 1996 à 1999, élu début 2016 et réélu en 2021 dès le premier tour.</p>
<p>C’est le début d’une séquence qui s’est refermée début novembre avec la démission du premier ministre. Une séquence qui souligne les limites d’une cohabitation, souvent montrée en exemple depuis 2016, entre un chef de l’État et un chef du gouvernement de sensibilités politiques différentes. Et qui illustre toutes les ambiguïtés de la nature d’un régime qualifié le plus souvent de semi-présidentiel depuis <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire/1804">l’adoption de la Constitution en 1976</a> et, avec <a href="https://www.theses.fr/2001PA010327">l’apparition du fait majoritaire en 1987</a>, de « mixte parlementaire-présidentiel » ou de « premier-présidentiel », voire de « parlementariste à correction présidentielle ».</p>
<p>Par son droit de veto suspensif et, surtout, de dissolution de l’Assemblée de la République – la chambre unique du Parlement portugais –, le chef de l’État dispose de pouvoirs constitutionnels importants qui lui permettent de peser dans le jeu politique. Et cela, d’autant plus lorsque le président de la République se révèle particulièrement habile et visible sur la scène médiatique, comme c’est le cas de Marcelo Rebelo de Sousa.</p>
<p>Avec la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/01/30/portugal-le-premier-ministre-socialiste-antonio-costa-obtient-une-nette-victoire-electorale-mais-sans-majorite-absolue_6111627_3210.html">majorité absolue</a> obtenue par le Parti socialiste en janvier 2022, lors d’élections législatives anticipées suite à la mise en minorité du gouvernement d’Antonio Costa sur le vote du budget 2022, l’espace politique et médiatique du chef de l’État s’était mécaniquement réduit.</p>
<p>La décision de celui-ci de recourir à de nouvelles élections législatives anticipées s’inscrit dans ce contexte de tension institutionnelle et médiatique, alors qu’un autre choix était possible : celui d’accepter la démission du premier ministre en nommant une personnalité issue du parti disposant de la majorité au Parlement, comme cela avait été le cas à l’été 2004 et début 1981.</p>
<h2>Un choix risqué</h2>
<p>En ouvrant cette nouvelle séquence électorale, deux ans seulement après les précédentes législatives, le chef de l’État a opté pour la solution de retourner aux urnes malgré <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/10/portugal-des-elections-legislatives-convoquees-apres-la-demission-du-premier-ministre_6199240_3210.html">l’avis réservé du Conseil d’État</a> le 9 novembre. C’est le choix d’un vote démocratique pour donner aux électeurs la possibilité de s’exprimer et de clarifier la situation, non sans arrière-pensée politique peut-être : le président espère probablement que le scrutin permettra de remettre en selle le PSD.</p>
<p>Mais c’est un choix risqué au regard du contexte qui a conduit à la démission du chef du gouvernement, sur fond de ténébreuse affaire de favoritisme, sinon de corruption, dont la justice n’a pu établir pour l’heure la véracité. Cette discordance des temps judiciaire, politique et médiatique renforce le climat de défiance à l’égard d’une classe politique souvent pointée du doigt, avec les effets en cascade de ces scandales de corruption.</p>
<p>Ces <em>spillover effects</em> érodent la confiance dans les institutions, tout en nourrissant un sentiment délétère d’impunité. Entre classement sans suite comme dans <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/portugal-l-instruction-de-l-affaire-de-l-ex-premier-ministre-socrates-touche-a-sa-fin-20210409">l’affaire José Socrates</a> au printemps 2021 – après sept ans d’instruction, les charges de corruption active pesant sur l’ancien premier ministre (PS) de 2005 à 2011, incarcéré en 2014 et 2015, ont été abandonnées – et <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/03/26/affaire-petrobras-retour-sur-les-trois-annees-qui-ont-marque-le-bresil_5100932_3222.html">syndrome Lava Jato</a> qui, dans le cas brésilien, a montré tous les dangers depuis la <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/08/31/bresil-la-presidente-dilma-rousseff-destituee_4990645_3222.html">destitution de la présidente Dilma Rousseff</a> à l’été 2016, perçue comme un coup d’État judiciaire ayant ouvert la voie à l’extrême droite et Jair Bolsonaro, entre « business as usual » et « catch me if you can », l’opinion publique oscille, déboussolée et désenchantée.</p>
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<figcaption><span class="caption">José Socrates mis en cause et arrêté dans une affaire de corruption.</span></figcaption>
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<p>Autant dire qu’avec l’émergence en 2019 du parti d’extrême droite <a href="https://www.ritimo.org/Portugal-Chega-un-parti-d-extreme-droite-present-dans-le-systeme-politique">Chega</a>, le choix de recourir à de nouvelles élections se fait sous haute tension. Le parti fondé et dirigé par André Ventura, jeune transfuge du PSD élu député en octobre 2019, a rapidement occupé l’espace médiatique et pesé sur la recomposition de la droite, alors que le Portugal avait <a href="https://theconversation.com/portugal-le-pays-qui-dit-nao-a-lextreme-droite-125472">longtemps été épargné par l’onde de droite radicale populiste</a> observée ailleurs en Europe.</p>
<p>Avec ses 12 députés à l’Assemblée (sur 230) et les 7,5 % de suffrages obtenus aux législatives de janvier 2022, Chega ne peut que viser plus haut, les sondages le créditant de plus de 15 % d’intentions de vote – soit, avec la représentation proportionnelle, au moins une trentaine d’élus au Parlement. Plus encore que l’immigration, le principal carburant de ce parti est la dénonciation de <a href="https://www.tdg.ch/crise-politique-au-portugal-l-affaire-des-liasses-de-billets-dope-l-extreme-droite-421113087741">« la corruption des élites »</a>. Chega appelle à une grande lessive, qui devrait commencer par le Parti socialiste. Des affiches grand format sont placardées dans les rues en 2023 ; André Ventura y apparaît en « chevalier blanc » de la démocratie avec comme slogan « Le Portugal a besoin d’un grand nettoyage ».</p>
<h2>Une majorité introuvable ?</h2>
<p>Face à ce danger, les deux principaux partis de gouvernement, PS et PSD, s’organisent. Le PS tente de tourner la page d’un Antonio Costa resté très actif, avec <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/portugal/portugal-pedro-nuno-santos-remporte-les-primaires-du-parti-socialiste-dbbedae3-24c6-4ac3-9928-b9b7a3d285d4">l’élection mi-décembre</a> de son nouveau secrétaire général Pedro Nuno Santos, 46 ans, ancien ministre des Relations avec le Parlement (2015-2019), puis des Infrastructures et du Logement (2019-2022).</p>
<p>Élu avec près des deux tiers des suffrages au terme d’une primaire interne l’ayant opposé à un candidat plus centriste, Pedro Nuno Santos entend bien succéder à Antonio Costa comme premier ministre et incarner la stabilité. Il a rapidement réorganisé le PS, dont le solide ancrage local constitue un précieux atout, sans exclure une nouvelle alliance à gauche avec le Bloco de Esquerda (Bloc de Gauche), en revitalisant l’idée d’une nouvelle <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2017/10/DARCY/58001"><em>geringonça</em></a>, ce « bidule brinquebalant » qui avait fonctionné entre 2015 et 2019.</p>
<p>Quant au PSD, en proie depuis 2015 à une crise de leadership et aux coups de boutoir de Chega, il tente d’incarner l’espoir à droite d’un retour au pouvoir, suite à sa « victoire volée » d’octobre 2015, quand la coalition PSD-CDS (Centre démocratique et social) était arrivée en tête sans pouvoir gouverner, mise en minorité à l’Assemblée suite au vote d’une motion de censure par l’ensemble des forces de gauche, donnant naissance à la <em>geringonça</em>.</p>
<p>Ces nouvelles élections législatives, deux ans après l’échec de janvier 2022, semblent donner à la droite une occasion inespérée de reprendre l’ascendant. Sous la direction de son <a href="https://lepetitjournal.com/lisbonne/politique-luis-montenegro-president-psd-portugal-339241">nouveau président élu à l’été 2022</a>, Luís Montenegro, le PSD a opté pour la solution d’une nouvelle coalition avec le CDS, absent au Parlement depuis 2022, et le petit Parti populaire monarchiste (PPM), revitalisant la légendaire « Alliance démocratique », vainqueur des élections fin 1979 autour de <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1980/12/06/francisco-sa-carneiro-le-gout-de-l-autorite_2808335_1819218.html">Francisco Sá Carneiro</a>, leader charismatique du centre droit, nommé premier ministre avant de disparaître tragiquement dans un accident d’avion en décembre 1980.</p>
<p>On le voit bien, c’est la solution des alliances qui est privilégiée pour tenter d’obtenir une majorité à l’Assemblée. En l’état, aucun parti ne paraît en mesure de recueillir seul une majorité claire, sinon absolue. Si, à gauche, la voie d’une nouvelle <em>geringonça</em> semble s’esquisser, à droite l’épouvantail Chega pèse sur la recomposition de cette famille politique.</p>
<p>Malgré les <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/vers-une-coalition-des-partis-pour-isoler-lextreme-droite-au-portugal/">dénégations de son président</a>, d’aucuns suspectent le PSD de ne pas exclure une alliance avec Chega, afin de réunir une majorité parlementaire pour gouverner. Avec comme précédent le cas de l’assemblée régionale des Açores où deux conseillers Chega avaient <a href="https://rr.sapo.pt/noticia/politica/2020/11/24/acores-bolieiro-cita-sa-carneiro-na-tomada-de-posse-e-reconhece-exigente-missao/216069/">fourni l’appoint en 2020</a> pour faire basculer au PSD cette région autonome.</p>
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<span class="caption">Santiago Abascal, leader du parti d’extrême droite espagnol Vox et Andre Ventura, leader du parti d’extrême droite portugais Chega, durant la campagne des élections législatives portugaises de 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/voxespana/51814205056">Flickr</a></span>
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<p>Entre normalisation rapide et lutte pour l’hégémonie, Chega a déjà débauché quelques élus du PSD, cherchant à s’affirmer comme le principal parti de droite, « l’unique chemin pour battre le socialisme au Portugal », comme l’a de nouveau déclaré son président André Ventura, réélu avec plus de 98 % des voix lors de la sixième convention nationale de sa formation les 13 et 14 janvier 2024.</p>
<h2>25 avril toujours ?</h2>
<p>Avec pour toile de fond les commémorations du 50<sup>e</sup> anniversaire de la <a href="https://editionschandeigne.fr/revue-de-presse-sous-less-oeillets-le-revolution/">Révolution des Œillets</a> en avril prochain, ces élections sont bien sous haute tension. Certains acquis du 25 avril 1974 – à commencer par la Constitution « marxiste maçonnique » de 1976 – sont clairement dans le viseur de Chega, dont le président vient de déclarer que le choix se fera entre « le Portugal de 2024 », qu’il prétend incarner, et « le Portugal de 1974 », celui de Pedro Nuno Santos.</p>
<p>Nul doute que le système politique portugais peut de nouveau se révéler « résilient », malgré – ou peut-être grâce à – un <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Abstention-comment-sen-sortent-autres-pays-europeens-2021-06-21-1201162352">taux d’abstention élevé</a>, un faible intérêt pour la politique et le <a href="https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/monnaie-surevaluee-vieillissement-desindustrialisation-ce-que-le-portugal-dit-de-lue">vieillissement de l’électorat</a>.</p>
<p>Nul doute également que la société portugaise se révèle <a href="https://migrant-integration.ec.europa.eu/news/portugal-survey-finds-public-increasingly-tolerant-migrants_en">l’une des plus ouvertes à l’immigration</a>, comme l’ont rappelé les enquêtes de European Social Survey en 2023. Chega et Ventura peuvent connaître un revers analogue à <a href="https://www.lepoint.fr/monde/l-espagne-brise-l-envol-de-l-extreme-droite-en-europe-24-07-2023-2529349_24.php">celui de Vox</a> et de Santiago Abascal en Espagne lors des législatives de juillet 2023.</p>
<p>Mais le vote du 10 mars pourrait se révéler un pari risqué si, faute de majorité parlementaire, la stabilité qui a dominé la vie politique portugaise depuis une quarantaine d’année, était remise en cause. Née du 25 avril, la démocratie a montré jusqu’ici sa solidité. Alors, « 25 de Abril sempre ! » (25 avril toujours !) ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Léonard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au Portugal, les législatives anticipées de mars s’annoncent serrées, la gauche cherchant à conserver le pouvoir face à un centre droit qui devra composer avec la montée de l’extrême droite.Yves Léonard, Membre du Centre d'histoire de Sciences Po et chercheur associé à l’université de Rouen-Normandie, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2185492023-11-27T17:12:45Z2023-11-27T17:12:45ZPays-Bas : quels scénarios après la victoire du leader populiste Geert Wilders ?<p>Les résultats des élections néerlandaises du 22 novembre dernier, qui ont vu la <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/europ%C3%A9en-de-la-semaine/20231126-geert-wilders-le-tribun-d-extr%C3%AAme-droite-au-seuil-du-pouvoir-aux-pays-bas">victoire du Parti pour la liberté</a> (PVV), ont provoqué une onde de choc au sein de l’establishment politique européen. Les effets de ce scrutin pourraient bien aller au-delà des seuls Pays-Bas.</p>
<h2>Une première dans l’histoire du pays</h2>
<p>Pour la première fois dans l’histoire des Pays-Bas, un parti d’extrême droite est devenu le premier en nombre de sièges au Parlement national. Le leader du PVV, Geert Wilders, est un homme politique excentrique connu pour sa rhétorique incendiaire. Il prône la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne et a qualifié l’islam de <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2008/03/07/01003-20080307ARTFIG00024-geert-wilders-l-ideologie-islamique-est-fasciste.php">« religion fasciste »</a>. Lors d’un procès en 2016, il a été reconnu <a href="https://www.lepoint.fr/monde/pays-bas-le-depute-wilders-relaxe-d-incitation-a-la-haine-09-12-2016-2089169_24.php">coupable d’incitation à la discrimination</a>, mais a été dispensé de peine.</p>
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<p>Les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/elections-aux-pays-bas-vers-un-paysage-politique-largement-renouvele-2030607">sondages pré-électoraux</a> avaient indiqué que le Parti pour la liberté pouvait arriver en tête, mais il apparaissait au coude à coude avec les grandes formations traditionnelles de la gauche (Parti travailliste-Gauche verte, PvdA/GL) et de la droite (Parti populaire pour la liberté et la démocratie, VVD). Les sondages se sont révélés loin du compte : Wilders a gagné avec une marge confortable (23,6 % des suffrages, contre 15,5 % au PvdA/GL et 15,2 % au VVD), même s’il devra <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20231123-aux-pays-bas-l-extr%C3%AAme-droite-de-geert-wilders-face-au-d%C3%A9fi-de-r%C3%A9unir-une-coalition">chercher des partenaires de coalition</a> pour former un gouvernement.</p>
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<figcaption><span class="caption">Séisme politique aux Pays-Bas : l’extrême droite de Geert Wilders remporte les législatives. Euronews, 23 novembre 2023.</span></figcaption>
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<p>Un nouveau parti de droite, le Nouveau contrat social (NSC), a également obtenu un très bon score (12,8 %). Comme le Parti pour la liberté, ce parti désigne l’immigration comme étant la <a href="https://nltimes.nl/2023/10/24/election-front-runner-omtzigt-calls-stricter-immigration-limits-netherlands">première cause de problèmes</a> tels que l’engorgement des services publics néerlandais et le manque de logements abordables. Cependant, Pieter Omtzigt, le leader du NSC (et ancien député en tant que membre de l’Appel chrétien-démocrate, un parti chrétien-démocrate de centre droit qui, ce 22 novembre, n’a récolté que 3,3 % des suffrages), critique certains des discours les plus incendiaires de Wilders.</p>
<p>Omtzigt apparaît néanmoins comme le candidat le plus probable pour former une coalition avec Wilders, ainsi qu’avec le VVD, ancien parti du premier ministre sortant Mark Rutte, démissionnaire en juillet dernier. Mais il faudra attendre un certain temps avant de savoir si un tel partenariat est réalisable. Aux Pays-Bas, la mise en place d’une coalition est l’affaire de plusieurs mois et non de plusieurs semaines.</p>
<p>Ces pourparlers seront d’autant plus complexes que l’image et la personnalité de Wilders sont particulièrement clivantes. Bien que son parti ait remporté le plus grand nombre de sièges (37 sur 150), les controverses qui l’entourent depuis tant d’années risquent de l’empêcher d’obtenir le poste de premier ministre, même si son parti parvenait à mettre en place une coalition gouvernementale.</p>
<p>En cas de formation d’une coalition centrée sur le PVV, la question du maintien des Pays-Bas dans l’UE sera inévitablement mise en avant. Wilders souhaite un <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/obsede-par-le-coran-prorusse-et-partisan-du-nexit-geert-wilders-lincrevable-figure-de-lextreme-droite-20231123_5KWABAQ5P5BMFDIWOU2EYKQSPE/">référendum sur la sortie des Pays-Bas de l’UE</a> et, même si ce projet ne se concrétise pas, on peut s’attendre à ce qu’il imprègne d’euroscepticisme tout gouvernement auquel il participerait.</p>
<p>Cela pourrait avoir des conséquences considérables pour l’UE. Même si les <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20230920-europe-pour-les-extr%C3%AAmes-droites-ue-doit-%C3%AAtre-un-outil-pour-juguler-les-crises-migratoires">partis d’extrême droite en Europe divergent</a> sur la question de la sortie de l’Union, ils s’accordent sur la nécessité de transformer l’UE en un organe plus intergouvernemental, ce qui ôterait des prérogatives à Bruxelles.</p>
<h2>Un exemple venu d’Italie</h2>
<p>L’année dernière, <a href="https://theconversation.com/en-italie-la-victoire-annoncee-de-lextreme-droite-191111">Giorgia Meloni</a>, avec qui Wilders partage une certaine affinité idéologique, est devenue la première ministre de l’Italie. Le parti de droite radicale de Meloni, Frères d’Italie est arrivé en tête lors des législatives du 25 septembre 2022 et a formé une coalition avec d’autres partis de droite et de droite dure.</p>
<p>À l’instar de Wilders, Meloni était considérée comme une outsider sur la scène politique de son pays et a toujours placé l’immigration <a href="https://www.lecourrierdelatlas.com/italie-limmigration-au-coeur-de-la-campagne-electorale/">au cœur des débats</a>. Mais depuis son arrivée au pouvoir, sa rhétorique anti-immigration a dû être modérée. Elle a rapidement été confrontée aux appels des milieux d’affaires à remédier à la <a href="https://www.euractiv.fr/section/immigration/news/litalie-demande-larret-des-flux-migratoires-mais-veut-plus-de-main-doeuvre-etrangere/">pénurie de main-d’œuvre en Italie</a>, ce qui impliquait d’accorder des permis aux travailleurs immigrés.</p>
<p>Dans mon livre <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctvt9k3d3"><em>Political Entrepreneurs</em></a>, coécrit avec Sara Hobolt de la London School of Economics, nous montrons que la pratique du pouvoir change les partis politiques. Il est relativement facile de tenir des discours radicaux depuis les coulisses, mais une fois au gouvernement, les partis doivent assumer la responsabilité de la conduite des affaires de leur pays. Ils doivent prendre des décisions, peser les intérêts – et les réserves financières dont ils disposent pour mener à bien leur politique. Meloni, comme les dirigeants de tant d’autres partis populistes, a rapidement <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/crise-migratoire-a-lampedusa-qu-a-fait-giorgia-meloni-face-a-l-immigration-depuis-son-arrivee-au-pouvoir-en-italie_6073092.html">mis de l’eau dans son vin</a> une fois qu’elle est arrivée au pouvoir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706508650582319566"}"></div></p>
<p>C’est la leçon la plus importante pour Wilders : Frères d’Italie avait conduit une campagne électorale eurosceptique mais épousent désormais largement des positions proches de celles de Bruxelles, y compris sur les questions relatives à l’immigration. Meloni a même <a href="https://euobserver.com/migration/157613">affiché sa proximité</a> avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.</p>
<p>Cela dit, l’expérience italienne offre également un autre exemple que Wilders pourrait trouver intéressant. Dans le cadre de nos recherches, nous avons constaté que les partis qui sont devenus populaires en s’opposant à la politique existante préfèrent parfois garder un pied dans le gouvernement et un pied en dehors. C’est par exemple le cas de Matteo Salvini, chef du parti La Ligue et partenaire de la coalition de Meloni.</p>
<p>Salvini ne manque jamais une occasion de souligner son indépendance, même si cela <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2579959-20190808-crise-politique-italie-matteo-salvini-reclame-elections-anticipees-fait-eclater-coalition-populiste">cause des difficultés au gouvernement italien auquel La Ligue participe</a>. Seul un partenaire de coalition secondaire peut se permettre de telles frasques, car un premier ministre et son parti font face à une pression bien plus intense. Wilders pourrait donc trouver plus pratique de suivre la voie de Salvini plutôt que celle de Meloni.</p>
<p>Quelle que soit la voie qu’il emprunte, si Wilders fait partie du gouvernement, les résultats de ces élections auront certainement des conséquences sur les relations des Pays-Bas avec le reste de l’Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218549/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine de Vries ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le controversé politicien néerlandais a remporté le plus grand nombre de sièges au Parlement, mais il pourrait encore trouver opportun de ne pas briguer le poste de premier ministre.Catherine de Vries, Professor of Political Science, Fellow and member of the Management Council of the Institute for European Policymaking, Bocconi UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2173162023-11-14T18:56:10Z2023-11-14T18:56:10ZPologne : malgré sa défaite électorale, la droite dure menace l’État de droit<p>Comme la plupart des commentateurs s’y attendaient, le président polonais Andrzej Duda, membre du parti conservateur PiS (Droit et Justice), pourtant <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/pologne-fin-de-partie-pour-le-pis-l-opposition-centriste-et-pro-europeenne-remporte-les-legislatives-980164.html">perdant des dernières élections législatives</a>, tenues le 15 octobre dernier, <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20231107-pologne-le-pr%C3%A9sident-charge-le-premier-ministre-de-former-un-gouvernement-sans-majorit%C3%A9">vient de reconduire dans ses fonctions le premier ministre sortant, Mateusz Morawiecki</a>.</p>
<p>L’arithmétique parlementaire indique pourtant que les trois partis d’opposition – la Plateforme civique (KO, menée par l’ancien premier ministre Donald Tusk, centre droit), Troisième voie (centristes) et La Gauche (Lewica) – ont remporté la majorité des sièges à la Diète. Or, même si aucun lien formel ne liait ces partis, ils n’ont cessé d’annoncer leur intention d’évincer le PiS du pouvoir en formant ensemble un gouvernement. Pourtant, Andrzej Duda, précédé et soutenu par son parti, s’en tient à l’idée que son camp est arrivé en première position le 15 octobre.</p>
<p>Il est vrai que le PiS a obtenu 35,4 % des suffrages, alors que KO en a récolté 30,7 %, Troisième Voie 14,4 % et La Gauche 8,6 %. Mais ensemble, ces trois derniers partis rassemblent 248 sièges sur les 460 que compte la Diète, et c’est donc, en toute logique, le leader de sa formation la plus importante, KO, Donald Tusk, qui aurait dû être chargé de former le nouveau gouvernement. Ces derniers jours, les futurs partenaires au gouvernement ont conclu un <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/union-europeenne/pologne-l-opposition-pro-europeenne-signe-un-accord-de-coalition-et-se-dit-prete-a-gouverner_6175644.html">accord de coalition</a> qui confirme leur détermination, malgré des <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/10/13/pologne-une-coalition-pour-renverser-le-pis/">dissensions persistantes sur la question de l’avortement</a> (Tusk souhaitant le rendre légal via l’adoption d’une loi, alors que Troisième Voie entend poser la question à la population par un référendum).</p>
<p>Comment expliquer le « coup de force » du PiS, et quelles conséquences pourrait-il avoir ?</p>
<h2>Le PiS veut avant tout gagner du temps</h2>
<p>La décision de Duda, qui ne devrait, sur le plan institutionnel, que retarder la formation du gouvernement Tusk, ne se résume pas à un geste de dépit né d’une déconvenue électorale.</p>
<p>En persistant dans son choix de désigner Morawiecki – malgré <a href="https://www.rp.pl/polityka/art39394141-szymon-holownia-zostal-marszalkiem-sejmu-woda-sodowa-nie-uderzy-do-glowy">l’élection le 13 novembre 2023 du leader de Troisième Voie, Szymon Holownia, à la présidence de la Diète</a>, qui démontre clairement quels sont les rapports de force parlementaires –, Andrzej Duda prépare, au mieux, une cohabitation dure avec le gouvernement Tusk. Au pire, cette décision indique que le PiS s’oriente vers une forme plus ou moins ouverte d’<a href="https://metahodos.fr/2021/05/06/autoritarisme-democratie-et-neutralite-axiologique-chez-juan-linz/">opposition déloyale à la démocratie</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1722198668730847281"}"></div></p>
<p>Contrairement aux régimes autoritaires en bout de course des années 1970 ou 1980 – depuis les dictatures latino-américaines jusqu’aux <a href="https://www-cairn-info.faraway.parisnanterre.fr/revue-le-debat-1999-5-page-118.htm?contenu=resume">« totalitarismes aux dents ébréchées »</a> d’Europe de l’Est – qui se sont libéralisés avec l’appui de forces démocratiques auparavant ostracisées, les nouvelles formes de pouvoir néo-autoritaire qui ont essaimé depuis les années 2000 en Europe ont précisément comme projet de <a href="https://www.cairn.info/revue-red-2021-2-page-164.htm">restreindre l’espace de la démocratie libérale</a>.</p>
<p>Ils ont créé des dispositifs anti-démocratiques en apparence partiels et ponctuels, à l’instar des <a href="https://tvn24.pl/polska/elzbieta-witek-kandydatka-pis-do-prezydium-sejmu-jak-przebiegala-kontrowersyjna-reasumpcja-glosowania-z-2021-roku-7434562">entorses régulières au règlement intérieur de la Diète polonaise par sa propre présidente</a>, mais dont la visée globale est de contourner les normes de l’État de droit pour limiter le risque de devoir transférer le pouvoir à leurs concurrents. Ces stratégies ne sont en rien guidées par la concurrence démocratique, mais par des visées hégémoniques, comme en en a attesté entre autres la <a href="https://www.cairn.info/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-2021-22-page-87.htm">transformation des médias publics en « médias nationaux »</a> dévolus à la propagande du PiS.</p>
<p>Mais malgré tous ces efforts, le PiS va selon toute vraisemblance céder les rênes du pays. Si Duda a nommé Morawiecki, alors même qu’il n’existe aucune chance que le Parlement confirme ce dernier, c’est avant tout pour permettre à son camp de gagner du temps et de construire des ressources pour la cure d’opposition qui l’attend.</p>
<p>Dans les ministères, des masses de documents <a href="https://natemat.pl/518711,pis-niszczy-dokumenty-michal-szczerba-z-ko-alarmuje">seraient en cours de destruction</a> pour éviter que ne soient exposés au grand jour les <a href="https://notesfrompoland.com/2023/09/08/senate-commission-finds-polish-governments-use-of-pegasus-spyware-to-be-illegal/">stratagèmes politiques ou les procédures entachées d’illégalité</a> par lesquels le PiS a entravé le fonctionnement ordinaire de la démocratie ou attribué des rémunérations à ses dirigeants via un système de primes ou de nominations de « représentants de l’État » dans les entreprises publiques – en réalité, des emplois fictifs.</p>
<p>Pendant des années, le PiS a enrôlé dans sa sphère d’influence les entreprises publiques grâce aux actifs qu’y détient l’État, mettant en place une sorte de Deep State depuis lequel il lui sera possible de mener une guerre de position contre le nouveau pouvoir, comme en atteste le <a href="https://wyborcza.pl/7,75398,30343560,pis-nie-stworzy-rzadu-ale-sie-upiera-zrodla-wyborczej-chodzi.html">récent placement par Morawiecki de « ses » hommes au sein de l’autorité des marchés financiers</a>. Les titulaires de ces fonctions ne pourront pas tous être remplacés immédiatement et le nouveau gouvernement devra inévitablement composer avec ces nominations politiques.</p>
<h2>Enrayer le rétablissement de l’État de droit</h2>
<p>Cette période d’alternance permet également au PiS de roder ce qui sera probablement son narratif dominant dans la période qui vient, au moins à court terme : il se présente comme le « véritable » vainqueur des élections et feint de conduire des pourparlers avec Troisième Voie – ce qui lui permettra, à la première occasion, de dénoncer le fait que KO ait pris la direction du gouvernement.</p>
<p>Ce discours permet aussi d’actualiser la <a href="https://www.ft.com/content/302984e9-a762-453c-8a97-8c0ad661810d">vindicte que le PiS dirige contre Donald Tusk</a> et de se présenter, comme il l’a fait depuis les années 2000, comme un rempart contre « l’hégémonie des libéraux ». Il faut donc s’attendre à de virulentes campagnes contre Donald Tusk et son gouvernement, comme l’ont encore montré les dénonciations par Jaroslaw Kaczynski, le patron du PiS, d’une <a href="https://wiadomosci.onet.pl/krakow/jaroslaw-kaczynski-grzmi-polska-bedzie-zatruta-terroryzowana-przez-mafie/0mgwsm0">supposée « mafia des déchets » allemande que soutiendrait Tusk</a>.</p>
<p>Ce récit va probablement reposer, sur un autre plan, et dans un renversement de perspective assez improbable, sur la dénonciation du « chaos juridique » résultant du rétablissement de l’État de droit : grâce à son droit de veto, Andrzej Duda pourrait bloquer les tentatives d’abrogation de lois votées par le PiS et qui ont pourtant été jugées anticonstitutionnelles, <a href="https://www.euronews.com/my-europe/2023/06/05/polands-legal-overhaul-violates-the-right-to-have-an-independent-and-impartial-judiciary-e">comme celles visant à rendre la justice dépendante du pouvoir exécutif</a>.</p>
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<p>Le PiS conserve ainsi la capacité d’enrayer les politiques destinées à rétablir l’État de droit dans son intégrité, figeant pour partie le néo-autoritarisme qu’il a installé depuis 2015. La leçon de ces événements pourrait être que la sortie des « démocratures » s’avère plus risquée que de simples alternances et que le fonctionnement de celles-ci peut s’inscrire durablement dans les structures de l’État, laissant le débat public s’enliser dans des polémiques sans fin sur la nature même de la démocratie.</p>
<p>Les scénarios de l’alternance en cours dépendront en partie de la cohésion interne du PiS, et plus encore du <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/europ%C3%A9en-de-la-semaine/20231007-jaroslaw-kaczynski-le-marionnettiste-des-conservateurs-polonais">leadership de Jaroslaw Kaczynski</a>, incontesté depuis 2015 et qui remonte aux années 1990, quand il s’est affirmé comme l’un des principaux artisans des reconstructions successives de la droite polonaise. La défaite électorale pourrait laisser place à des tentatives de refonder la droite polonaise sans ce dernier, malgré le rôle actif qu’il semble vouloir conserver. Mais, plus encore, c’est la cohésion de l’opposition, une fois aux affaires, qui sera décisive.</p>
<h2>Le rôle de l’UE</h2>
<p>La période qui se clôt actuellement a été marquée par un alignement stratégique exceptionnel des partis d’opposition, de la société civile et de la magistrature, entre autres pour défendre l’État de droit. Cette identité de vues sur les normes démocratiques a évité tout phénomène d’<a href="https://journals.openedition.org/sociologie/500">abdication collective</a>, comme l’histoire a pu en connaître face à la montée des autoritarismes au cours du siècle dernier.</p>
<p>Depuis 2015, la capacité de ces acteurs à se réclamer de l’Union européenne et de ses valeurs démocratiques a été un ferment puissant pour faire concorder leurs stratégies. À court terme, l’attitude de l’UE, après la <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/etat-de-droit-chronologie-du-conflit-entre-l-union-europeenne-et-la-pologne/">vague de sanctions qui a frappé la Pologne</a>, sera décisive pour que se tourne la page des huit ans de pouvoir du PiS. <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20231025-%C3%A0-bruxelles-donald-tusk-promet-de-remettre-la-pologne-au-centre-de-l-ue">La récente visite à Bruxelles de Donald Tusk</a>, alors même qu’il n’est pas encore premier ministre, semble augurer d’une volonté conjointe de fluidifier les relations entre la Pologne et l’UE. Le déblocage des aides européennes sera, de fait, crucial pour la crédibilité de Tusk sur la scène politique intérieure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217316/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Zalewski ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le parti de droite PiS, au pouvoir depuis 2015, a été vaincu dans les urnes lors des législatives du 15 octobre dernier. Pourtant, il s’accroche au pouvoir.Frédéric Zalewski, Maître de conférences en Science politique, membre de l'Institut des sciences sociales du politiques (ISP, CNRS), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166512023-11-13T19:36:31Z2023-11-13T19:36:31ZDe l’impensable au possible : comment le RN s’est inséré dans la société française<p>La marche contre l’antisémitisme le 12 novembre 2023 à Paris a, pour la journaliste politique du Monde, Solenn Royer marqué <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/13/marches-contre-l-antisemitisme-l-absence-d-emmanuel-macron-n-a-pas-ete-comprise-notamment-en-macronie-ou-certains-evoquent-une-occasion-manquee_6199810_823448.html">« un avant et un après »</a> pour le parti lepéniste. Comme le note le quotidien national, « en nombre, les élus du parti de Marine Le Pen, même isolés et sous tension, ont pu défiler jusqu’au bout » aux côtés de toutes celles et ceux qui ont voulu montrer leur rejet de l’antisémitisme en France.</p>
<p>Cette marche vient à l’appui d’un constat de plus en plus probant : le Rassemblement national occupe désormais une place plus favorable que par le passé dans le paysage politique français. En 2022, en accédant pour la deuxième fois consécutive au second tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen n’avait pas suscité autant la surprise que son père en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=oWZIKQlJK_M">2002</a>. Pour la seconde fois dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République, des députés de ce parti ont aussi fait leur entrée au Palais Bourbon, et cette fois, avec 89 sièges, ils forment le <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/06/28/metiers-mandats-precedents-trajectoires-ideologiques-explorez-le-profil-des-89-deputes-du-rassemblement-national_6132344_4355770.html">deuxième plus grand groupe de l’Assemblée nationale</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">France 24, le RN à la marche contre l’antisémitisme, le 12 novembre 2023, via YouTube.</span></figcaption>
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<p>Le parti lepéniste est ainsi depuis fréquemment présenté comme étant <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/du-grain-a-moudre/le-front-national-est-il-aux-portes-du-pouvoir-3246582">aux portes du pouvoir</a>. Comment expliquer ces succès contemporains ? Ce parti créé en 1972, qui change de nom pour devenir en 2018 le Rassemblement national, a-t-il réussi sa mue ?</p>
<p>Notre ouvrage collectif récent, <a href="https://journals.openedition.org/lectures/62633"><em>Sociologie politique du Rassemblement national : enquêtes de terrain</em></a>, publié ce mois-ci aux Presses Universitaires du Septentrion,) s’empare de cette trajectoire de « normalisation » en se penchant sur les deux premiers mandats de la présidence de Marine Le Pen au sein du parti (2011-2018).</p>
<p>Sur la période, le FN-RN est parvenu à s’inscrire encore davantage dans l’espace politique, à fidéliser du personnel, à augmenter ses scores électoraux locaux (départementaux, régionaux) et nationaux (scrutins présidentiels, européens) principalement durant des scrutins de liste.</p>
<p>La prise du pouvoir par le RN semble alors être passée de l’ordre de l’impensable à celui du possible. Comment le parti d’extrême droite s’est-il inséré progressivement dans certains pans de la société française ?</p>
<h2>Saisir l’implantation du RN dans sa diversité</h2>
<p>Les résultats des élections (municipales, législatives, européennes) attestent de la consolidation électorale du principal parti d’extrême droite française, depuis les années 2010. <a href="https://editions-croquant.org/hors-collection/902-pourquoi-tant-de-votes-rn-dans-les-classes-populaires.html">La sociologie du vote</a> a montré qu’il est difficile de parler d’un électorat homogène et qu’il est plus juste de souligner qu’il existe une pluralité d’électorats rassemblés dans <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/10/l-electorat-frontiste-n-existe-pas_5141998_3232.html">« un conglomérat »</a>).</p>
<p>Les territoires d’implantation du RN sont donc divers, et le sont d’ailleurs encore davantage dans la période récente, comme le montre la comparaison des résultats des élections législatives de <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/carte-resultats-des-legislatives-2022-visualisez-la-percee-du-rassemblement-national-au-premier-tour_5194912.html">2017 à ceux de 2022</a>. Ces implantations répondent à des logiques locales spécifiques qu’il s’agit d’élucider : les mobilisations électorales du RN ne prennent pas la même forme que l’on se trouve dans le Sud-Est ou dans le Nord-Est, dans des terres « d’élection » ou des terres « de mission » du parti, en contexte urbain ou rural, etc.</p>
<p>La pluralité des implantations invite aux études localisées pour comprendre les forces, mais aussi les faiblesses, du parti dans chaque configuration locale. Les succès du RN doivent aussi se comprendre dans la durée. Les soutiens électoraux dont il bénéficie reposent sur des « déjà-là » socioculturels endormis, qui sont stimulés et réactivés en périodes d’élections. Les études de cas présentes dans le livre montrent en effet comment le parti est capable d’entretenir des soutiens insérés dans le tissu social local, dont dépendent ses victoires dans les territoires.</p>
<h2>Le RN, de haut en bas</h2>
<p>De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque « le Rassemblement national » ? Ce parti est le plus souvent appréhendé dans les médias comme un bloc monolithique, réduit aux prises de parole de Marine Le Pen ou plus récemment de Jordan Bardella. Or, y compris au sommet du parti, les instances dirigeantes ne se résument pas aux porte-parole les plus connus.</p>
<p>Par le biais de la sociographie, on peut alors saisir avec précision comment se structure le « haut » de l’organisation partisane afin de comprendre les logiques de gestion interne du parti, notamment celle de l’argent et du pouvoir, dont la presse a montré les défaillances, <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/front-national/affaire-des-kits-de-campagne-le-rassemblement-national-condamne-en-appel-a-une-amende-de-250-000-euros_5712755.html">pour l’organisation des campagnes</a> ou pour l’utilisation des fonds publics <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/22/assistants-parlementaires-europeens-du-fn-le-parquet-requiert-le-renvoi-du-parti-de-marine-le-pen-et-de-vingt-six-autres-prevenus-devant-le-tribunal_6190561_3224.html">pour l’embauche d’assistants</a>.</p>
<p>Qui le RN recrute-t-il sur des listes, dans son entourage, ou encore dans ses instances dirigeantes ? S’interroger sur les modes de recrutement des cadres du parti permet également de comprendre son ajustement aux logiques du champ politique ou <a href="https://www.acrimed.org/-Les-medias-et-le-Front-National-">journalistique</a>. Cela est d’autant plus nécessaire au regard de la stratégie dite de « dédiabolisation » du RN, mais aussi plus largement dans un contexte de crise de légitimité de la forme <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/12/remi-lefebvre-les-partis-politiques-hors-jeu-de-la-presidentielle-ou-presque_6076412_3232.html">« parti politique »</a>.</p>
<p>Comprendre l’organisation du RN implique enfin d’étudier les différents échelons du parti, de « haut en bas » pour ainsi dire : des instances dirigeantes aux <a href="https://www.puf.com/content/Simples_militants">« simples militants »</a>, en passant par les cadres des Fédérations, les collectifs formant les sections locales, etc. Cette analyse à différents niveaux permet de constater qu’il n’existe pas « un » profil militant unique au RN, mais une pluralité de trajectoires amenant des individus à intégrer l’organisation lepéniste et à s’y professionnaliser plus ou moins, selon les profils et les configurations locales.</p>
<h2>Un « nouveau » RN ?</h2>
<p>La question du recrutement partisan pose enfin celle de l’« ouverture » du RN à de nouveaux profils. Différents chapitres du livre collectif étudient ainsi des groupes militants, des électeurs ou des dirigeants que l’on pourrait penser « atypiques ».</p>
<p>Pour casser son image de parti d’extrême droite, l’organisation lepéniste cherche depuis longtemps à se présenter comme un parti « moderne », sensible par exemple à la <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/video-echange-tres-tendu-entre-mathilde-panot-et-marine-le-pen-sur-les-droits-des-femmes-et-le-hamas-7900308608">question des droits des femmes</a>. Mais aussi des minorités <a href="https://tetu.com/2023/04/01/politique-rassemblement-national-elus-gays-parti-assemblee-vernis-arc-en-ciel-rn/">sexuelles</a>. Il s’agit dès lors de se montrer ouvert à des engagements d’apparence « atypique », allant dans le sens de son narratif.</p>
<p>Le phénomène n’est pas nouveau : dans cette <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i04167303/jean-marie-le-pen">vidéo de campagne de 1995</a>, Jean-Marie Le Pen se met en scène répondant aux questions de quatre militantes FN, dont la martiniquaise Huguette Fatna et Maria Tabary (« immigrée portugaise […] devenue française »), alimentant une rhétorique visant à battre en brèche les accusations de xénophobie et racisme. Dans une logique similaire, le dialogue avec la cadre du FN/RN Sylvie Goddyn permet au président du FN d’aborder la question de l’écologie et du bien-être animal.</p>
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<figcaption><span class="caption">Campagne 1995 de Jean-Marie Le Pen.</span></figcaption>
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<p>L’ouverture à de nouvelles thématiques et à de « nouvelles têtes » fait donc partie intégrante de la stratégie du parti, et ce de longue date. Par ailleurs, la sociologie de ces nouveaux profils permet de reconstituer finement les logiques et la cohérence de leur adhésion au RN, au-delà du seul constat de leur atypicité. La sociologie refuse de réduire les individus à un seul trait distinctif et montre, derrière le vernis et la façade partisane, le poids des socialisations qui expliquent le passage (bref ou plus prolongé) au RN.</p>
<p>Enfin, ces militantismes plus inhabituels ne doivent pas faire oublier que ce parti rallie aussi à ses rangs des profils plus classiques de l’extrême droite, comme les <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2021-1-page-59.htm">catholiques traditionalistes</a> ou des membres de la <a href="https://www.la-croix.com/France/Generation-identitaire-Rassemblement-national-complementarite-assumee-2021-02-20-1201141700">mouvance identitaire</a>.</p>
<h2>Le RN est-il un parti « comme les autres » ?</h2>
<p>L’extrême droite est encore un sujet « chaud » politiquement et médiatiquement, parfois perçu comme fascinant et exotique. Il est ainsi souvent traité de façon exceptionnelle, comme intrinsèquement différent des autres partis politiques.</p>
<p>Même si cette organisation partisane a bien sûr ses spécificités, nous pensons que celles-ci doivent être étudiées avec les mêmes outils, empiriques et analytiques, que ceux employés pour étudier les autres formations partisanes. Pour comprendre la normalisation en cours du RN, il faut certainement normaliser son étude sociologique.</p>
<p>Face à la profusion de sondages et d’essais sans base empirique sur ce parti, il devient dès lors urgent de multiplier (et de mutualiser) les enquêtes proprement sociologiques sur le RN, redonnant toute son épaisseur sociale au phénomène lepéniste.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/559131/original/file-20231113-23-1lm6sn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/559131/original/file-20231113-23-1lm6sn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559131/original/file-20231113-23-1lm6sn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1029&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559131/original/file-20231113-23-1lm6sn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1029&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559131/original/file-20231113-23-1lm6sn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1029&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559131/original/file-20231113-23-1lm6sn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1293&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559131/original/file-20231113-23-1lm6sn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1293&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559131/original/file-20231113-23-1lm6sn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1293&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Les auteurs viennent de publier <a href="https://journals.openedition.org/lectures/62633"><em>Sociologie politique du Rassemblement national : enquêtes de terrain</em></a>, aux Presses Universitaires du Septentrion.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La prise du pouvoir par le RN, de l’impensable, semble être devenue possible. Comment le parti d’extrême droite s’est-il inséré progressivement dans certains pans de la société française ?Estelle Delaine, Maîtresse de conférences en sciences politiques, Université Rennes 2Félicien Faury, Postdoctorant, CESDIP , Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Guillaume Letourneur, Docteur en science politique, CNRS, membre du CESSP, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneSafia Dahani, Post-doctorante en sociologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2081542023-07-02T16:12:48Z2023-07-02T16:12:48ZEspagne : le coup de poker de Pedro Sanchez<p>Dès le lendemain de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/espagne/espagne-tres-lourde-defaite-du-parti-socialiste-lors-des-elections-municipales-et-regionales_5854391.html">sa défaite aux élections municipales et locales du 28 mai 2023</a>, le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez – <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9sident_du_gouvernement_d%27Espagne">c’est son titre exact</a> – a joué le tout pour le tout en avançant au 23 juillet 2023 les législatives, qui devaient se tenir en décembre. La décision est lourde, mais proportionnée au revers subi par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et son allié de gauche radicale Podemos, qui gouvernent l’Espagne en coalition depuis 2020, alors que les municipales sont habituellement favorables aux deux formations.</p>
<p>En effet, le Parti populaire (PP), principal parti de droite, et Vox, formation d’extrême droite créée en 2014, sont les deux grands vainqueurs du 28 mai. Vox sera indispensable au PP dans de multiples investitures municipales et <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/Espagne-mapa.htm">autonomiques</a>. Les négociations d’alliance ont immédiatement suivi les élections. </p>
<p>Les alliances de gouvernement que le PP et Vox s’apprêtent à passer au niveau des régions annoncent sans doute leur alliance de gouvernement au niveau national si la droite remporte les prochaines législatives. C’est pourquoi Pedro Sanchez a décidé d’organiser celles-ci de façon anticipée, espérant que le choc ressenti par les électeurs de gauche à la vue des résultats du 28 mai les incitera à se mobiliser pour reconduire l’équipe actuelle au pouvoir le 23 juillet prochain.</p>
<p>Si ce pari risqué est perdu, les conséquences dépasseront la seule Espagne : Madrid exercera au cours du second semestre 2023 la <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/ici-l-europe/20230609-jos%C3%A9-manuel-albares-notre-pr%C3%A9sidence-de-l-ue-sera-un-grand-succ%C3%A8s-malgr%C3%A9-les-%C3%A9lections-en-espagne">présidence tournante du Conseil des ministres de l’Union européenne</a>. Aujourd’hui, il est donc tout à fait possible que Vox, parti d’extrême droite décomplexé, entre au gouvernement d’un pays à un moment où celui-ci jouera un rôle décisif dans le fonctionnement de l’UE. </p>
<h2>Défaite cinglante pour la gauche</h2>
<p>Si l’on votait partout à l’échelle municipale, seuls 12 des 17 parlements des communautés autonomes étaient renouvelés avec leur exécutif le 28 mai 2023 : l’Andalousie, la Castille-et-León, Catalogne, la Galice et le Pays basque suivent leur propre calendrier électoral. </p>
<p>Le PSOE jouait lors du scrutin du 28 mai ses 10 présidences de communautés autonomes, plus la Cantabrie, au nord du pays, qu’il gouverne en coalition. Le PP, lui, gouvernait uniquement la communauté autonome de Madrid parmi les 12 régions qui votaient.</p>
<p>Les résultats sont sans appel : le PP a pris au PSOE sept des onze communautés autonomes en jeu, et a conservé Madrid, obtenant en outre la majorité absolue. Au total, le PP a obtenu 7 millions de voix, et le PSOE 6,29 millions. Vox en a recueilli 1,6 million.</p>
<h2>Des pistes pour expliquer le bond du PP et de Vox</h2>
<p>La gauche espagnole semble avoir payé ses divisions personnelles et idéologiques à différentes échelles. Ainsi, Podemos est concurrencé par le nouveau parti Sumar, qu’a lancé l’actuelle ministre du Travail Yolanda Diaz en mai 2022 pour agréger toutes les forces de gauche.</p>
<p>Podemos, partenaire de coalition du PSOE, a en outre voulu s’en démarquer pendant la campagne. De surcroît, le PP et Vox ont toujours reproché à Pedro Sanchez d’avoir dû en partie son <a href="https://www.elperiodico.com/es/politica/20200107/resultado-segunda-votacion-investidura-pedro-sanchez-7797161">investiture de 2020</a> à l’abstention, au Congrès de Madrid, du parti indépendantiste catalan ERC et de son homologue basque Bildu, reprochant donc aux socialistes d’être dépendants de deux partis qui, d’après Vox, souhaitent démanteler l’Espagne – un argument porteur auprès d’une partie de l’électorat.</p>
<p>Si les chiffres macroéconomiques récents de l’Espagne semblent assez favorables, la <a href="https://www.europapress.es/economia/laboral-00346/noticia-feijoo-afea-gobierno-saque-pecho-dato-ipc-llenar-cesta-compra-lujo-20230314113611.html">hausse de l’inflation en 2023</a> et les difficultés d’accès au crédit immobilier alimentent les inquiétudes sur l’avenir, et favorisent un PP prônant traditionnellement la discipline budgétaire. </p>
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<p>De son côté, Vox se veut l’unique garant de l’unité de l’Espagne. Rappelons que c’est <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/retour-du-mali-municipales-et-regionales-en-espagne-des-elections-test-4898846">son hostilité absolue à l’indépendantisme catalan</a> qui a permis depuis 2018 à Vox, après la tentative ratée de sécession des nationalistes catalans, de s’imposer sur la scène nationale. Sur ce point, Vox a clairement devancé Ciudadanos, parti de centre droit créé dès 2006 contre le nationalisme catalan. Son <a href="https://www.marianne.net/monde/europe/elections-locales-en-espagne-pourquoi-ciudadanos-et-podemos-se-sont-effondres">effondrement aux municipales 2023</a> compromet son avenir. À cette colonne vertébrale idéologique de Vox se sont ajoutés <a href="https://theconversation.com/espagne-radiographie-des-electeurs-du-parti-dextreme-droite-vox-110299">quatre rejets</a> : celui de l’immigration extra-communautaire, celui des lois mémorielles relatives à la guerre civile et aux crimes du franquisme, celui de l’égalité hommes-femmes, et celui des mesures écologistes.</p>
<p>Si ces élections étaient locales, leur enjeu était donc, dans une large mesure, national. Ne serait-ce que parce qu’il est fréquent, en Espagne, que des élections locales propulsent un parti à l’échelle nationale. Ainsi, c’est au Parlement andalou que Vox obtint ses premiers députés en 2018, avant d’entrer en force dès l’année suivante au Congrès des députés de Madrid.</p>
<p>Déjà présente à tous les échelons du territoire espagnol, la formation d’extrême droite double en 2023 le <a href="https://elpais.com/espana/elecciones/municipales/">score qu’elle avait enregistré aux municipales de 2019</a> et triple son nombre d’élus, passés de 530 à 1695. Le Parti populaire, de son côté, augmente de presque 2 millions de voix ses suffrages de 2019, et gagne environ 3 000 sièges municipaux supplémentaires. Son leader Alberto Nuñez Feijoo parla très peu de Vox durant la campagne, espérant que son parti obtiendrait assez de voix pour s’en passer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1662995514135117824"}"></div></p>
<h2>Des pactes décisifs, à droite comme à gauche</h2>
<p>Le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/elections-en-espagne-le-climat-asseche-la-campagne-1908066">changement climatique a pesé de façon inédite</a> dans la campagne des élections du 28 mai 2023. Le pays a été confronté à une sécheresse gravissime, résultat d’un hiver très sec et d’un printemps extrêmement chaud. En Andalousie, gouvernée par le PP avec l’appui de Vox depuis 2018, les deux formations sont résolument favorables à l’irrigation et à l’agriculture ultra-intensive, quitte à légaliser les puits illégaux puisant dans la nappe phréatique qui alimente le parc national de Doñana, symbole de la biodiversité en Espagne.</p>
<p>Toutefois, le PP et Vox ne s’accordent pas systématiquement. Jusqu’à présent, à l’échelle des gouvernements autonomes, la formation d’extrême droite n’était entrée dans un gouvernement présidé par le PP qu’en Castille-et-León. Ailleurs, comme en Andalousie, elle l’appuyait sans coalition. Cette fois, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/elections-en-espagne-lextreme-droite-vox-vise-la-vice-presidence-du-gouvernement-1953306">Vox se veut indispensable au PP</a> dans les gouvernements municipaux et régionaux, ce qui ne signifie pas que le premier est prêt à toutes les concessions.</p>
<p>D’ailleurs, la formation de <a href="https://theconversation.com/vox-le-parti-qui-donne-de-la-voix-en-espagne-116374">Santiago Abascal</a> n’a pas forcément renoncé à ses objectifs initiaux : surpasser le PP pour dominer la droite espagnole, et supprimer le système de décentralisation, appelé État des autonomies. Le PP diffère sur ce point de Vox, car s’il est dans l’opposition à l’échelle nationale, il préside plusieurs communautés autonomes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/espagne-lextreme-droite-pourrait-faire-son-entree-au-gouvernement-202569">Espagne : l’extrême droite pourrait faire son entrée au gouvernement</a>
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<p>Le rapport de force entre le PP et Vox n’est pas sans rappeler celui qui existe, dans le camp d’en face, <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/psoe-podemos-quel-avenir-pour-la-gauche-en-espagne/">entre le PSOE et Podemos</a>. Cette dernière formation, née comme Vox en 2014, visait également à supplanter le grand parti historique au sein de la gauche espagnole.</p>
<p>Cette stratégie avait même un nom, le <a href="https://www.lepoint.fr/europe/les-socialistes-espagnols-face-au-vent-de-panique-du-sorpasso-24-06-2016-2049422_2626.php"><em>sorpasso</em></a>. Mais s’il contribua à <a href="https://alencontre.org/europe/espagne/etat-espagnol-podemos-sattribue-la-deroute-du-bipartisme.html">mettre fin au bipartisme PSOE-PP en Espagne</a>, notamment par ses bons résultats aux législatives de 2015, Podemos n’a jamais dépassé le PSOE lors d’un scrutin. Il n’a pas officiellement abandonné cet objectif, même s’il se retrouve aujourd’hui en situation de faiblesse.</p>
<p>À l’issue des législatives de novembre 2019, le PSOE et Podemos formèrent une alliance de gouvernement, mais la formation de gauche radicale apparaissait déjà en perte de vitesse : lors de ce scrutin, elle avait reculé en nombre de voix et de sièges par rapport à celui de 2015. S’allier avec elle au sein du gouvernement était donc déjà un pari pour Pedro Sanchez. Quatre ans plus tard, ce pari semble avoir été perdu, puisque ce 28 mai, la défaite du PSOE a été aggravée par celle de Podemos, qui a encore reculé presque partout : le parti était représenté dans six parlements autonomes dont son berceau de Madrid ; il n’a gardé des députés qu’en Navarre.</p>
<h2>Un sursaut des électeurs de gauche ?</h2>
<p>Dans ce contexte, en avançant les législatives au 23 juillet, Pedro Sanchez semble parier sur le sursaut des électeurs de gauche face au péril d’une alliance PP-Vox au gouvernement national. Dans son allocution du 29 mai, quand il annonça que les législatives se tiendraient beaucoup plus tôt que prévu, il a ainsi martelé que si la droite arrivait au pouvoir, toutes les <a href="https://theconversation.com/espagne-la-reforme-du-droit-du-travail-une-lueur-despoir-pour-les-jeunes-175134">réformes sociales</a> adoptées au cours de ces dernières années seraient remises en cause, et que les citoyens espagnols perdraient tous les droits obtenus depuis son arrivée au pouvoir. </p>
<p>Cette approche rappelle celle mise en œuvre avec succès par le PSOE en 2008 : alors au pouvoir, et confrontés au risque de perdre les élections face au PP de Mariano Rajoy, les socialistes emmenés par José Luis Zapatero avaient fait campagne sous le slogan « Si tu ne vas pas (voter), ils reviennent ». Ils l’avaient alors largement emporté. Mais au vu des dynamiques actuelles en cours en Espagne, il semble hautement improbable que Sanchez réussisse le même tour de force que Zapatero en son temps…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208154/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyril Trépier a bénéficié d'un contrat doctoral de l'Université Paris 8 Saint-Denis et d'une aide à la mobilité internationale de la région Ile-de-France pour sa thèse de géographie sur l'indépendantisme en Catalogne préparée en cotutelle entre l'Université Paris 8 Saint-Denis et l'Université de Barcelone, et soutenue le 5 décembre 2011 à l'Université Paris 8 Saint-Denis. Il n'a pas reçu de financement de recherche ultérieur. Cyril Trépier est membre du Forum des Professeurs (Foro de los Profesores), un groupe d'enseignants et autres professionnels de quinze pays basé en Espagne</span></em></p>Après une lourde défaite aux élections locales de mai dernier, le chef de l’exécutif espagnol a avancé les législatives, estimant que c’était sa meilleure chance de les gagner. Une manœuvre délicate.Cyril Trépier, Chercheur, spécialiste de la Catalogne, enseignant à l'University de Cergy-Pontoise et à l'Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048762023-05-09T18:25:00Z2023-05-09T18:25:00ZLa Turquie va-t-elle sortir de l’erdoganisme ?<p>En <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, les élections présidentielle et législatives de mai 2023 (premier tour le 14 mai pour les deux, second tour le 28 pour la présidentielle) auront un caractère de référendum. Les électeurs sont, en effet, appelés à choisir entre deux voies politiques opposées.</p>
<p>En votant à la présidentielle pour <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recep-tayyip-erdogan-21581">Recep Tayyip Erdogan</a> et aux législatives pour les partis de l’Alliance populaire constituée autour de lui et de sa formation l’AKP (Parti de la justice et du développement), ils soutiendront la consolidation d’un régime autocratique mettant en œuvre une politique répressive nationale-islamiste.</p>
<p>L’autre option est de voter pour le retour à la démocratie, à l’État de droit et au régime parlementaire. Le chef du Parti républicain du peuple (CHP, républicain, social-démocrate et laïc) Kemal Kiliçdaroglu incarne cette seconde option, qui signifierait la fin de l’erdoganisme, régime taillé sur mesure pour le pouvoir d’un seul homme. Pour la première fois, une très large coalition – la Table des Six, réunie autour du CHP, se présente unie face à Erdogan et son régime. Sera-ce suffisant pour mettre fin à un système dont l’édification a démarré il y a vingt ans ?</p>
<h2>Le durcissement d’Erdogan</h2>
<p>Le glissement progressif vers l’autocratie a commencé après les <a href="https://ovipot.hypotheses.org/5745">élections législatives de 2011</a>. Sorti victorieux pour la troisième fois des élections générales, Recep Tayyip Erdogan, premier ministre depuis 2003, commença alors à faire l’éloge d’un système présidentiel qui lui permettrait de « diriger le pays comme une société anonyme » et de « prendre des décisions le plus vite possible ». En 2014, pour la première fois, le président de la République doit être élu au suffrage universel. Erdogan se fait élire et déclare que désormais « le régime est devenu, de fait, présidentiel ».</p>
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<p><a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2017-2-page-105.htm">La tentative de coup d’État du 15 juillet 2016</a> et le régime d’état d’exception qui a suivi lui donnèrent l’occasion de transformer cet état de fait en état de droit.</p>
<p>Grâce au soutien du parti d’extrême droite MHP, <a href="https://www.lejdd.fr/International/Turquie-Pourquoi-Erdogan-flirte-t-il-avec-l-extreme-droite-824296-3148787">nouvel et indispensable allié de l’AKP pour conserver la majorité au Parlement</a>, le régime présidentiel a été entériné de justesse (51,4 %) en avril 2017, à l’issue d’un référendum entaché d’irrégularités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"854291471624794114"}"></div></p>
<p>Une autocratie élective et répressive, sans séparation des pouvoirs, fondée sur une idéologie nationaliste-religieuse, une <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/economie-la-pauvrete-dans-la-croissance-6458417">politique économique chaotique</a> et une politique étrangère agressive et <a href="https://theconversation.com/la-turquie-une-puissance-mediatrice-entre-la-russie-et-lukraine-203782">opportuniste</a> s’est ainsi mise en place. Les réussites économiques d’antan ont laissé place à une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/11/20/en-turquie-l-economie-sur-une-pente-dangereuse_6150780_3234.html">grave crise</a> marqu&ée par une très forte inflation, une croissance chaotique et la dépréciation vertigineuse de la livre turque.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/seisme-en-turquie-pourquoi-autant-de-degats-et-dimpuissance-203191">Les tremblements de terre du 6 février 2023</a>, qui ont causé des dizaines de milliers de morts, ont révélé toutes les faiblesses du système mis en place : l’incurie des institutions, les conséquences de l’hypercentralisation et du népotisme dans l’administration, les résultats des <a href="https://theconversation.com/seisme-en-turquie-la-catastrophe-humanitaire-sexplique-aussi-par-la-corruption-generalisee-200568">autorisations accordées à des fins électorales à des constructions non conformes aux normes antisismiques</a>… C’est dans ce contexte que la Turquie est entrée dans la campagne électorale.</p>
<h2>Une opposition enfin unie</h2>
<p>Erdogan, en <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/polls-show-erdogan-lags-opposition-by-more-than-10-points-ahead-may-vote-2023-03-13/">perte de popularité</a> et pour la première fois en position défensive, a dû élargir la coalition formée avec l’extrême droite – l’Alliance populaire – vers des <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1333017/pour-elargir-son-alliance-erdogan-sentoure-de-partis-islamistes-dextreme-droite.html">partis très minoritaires se réclamant d’un fondamentalisme islamiste radical</a>. Face à lui, une coalition formée à la veille des élections de juin 2018, l’Alliance de la Nation, s’est élargie à d’autres partis et est devenue, en février 2022, la « Table des Six ».</p>
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<p>La première expérience de formation d’un front uni anti-Erdogan avait donné des résultats probants lors des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/24/turquie-erdogan-perd-istanbul-c-ur-de-son-pouvoir_5480713_3210.html">élections municipales de 2019</a>. Prenant appui sur cette réussite, le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, a imposé à son parti un aggiornamento pour former des alliances avec les partis conservateurs.</p>
<p>La Table des Six, ou l’Alliance de la Nation, regroupe donc le CHP, le Bon parti (droite nationaliste formée en partie des dissidents de MHP), deux partis libéraux et conservateurs créés par des dissidents de l’AKP, et un parti qui représente l’islamisme historique et très critique à l’égard de la corruption et du népotisme de l’AKP. Ces six partis ont désigné Kiliçdaroglu comme leur candidat pour l’élection présidentielle. Le parti pro-kurde de gauche HDP (Parti démocratique des peuples) qui représente au Parlement la majorité des électeurs kurdes (la population kurde est estimée autour de 18 %), ainsi que les différents courants de la gauche, ont aussi appelé à voter pour lui.</p>
<p>Voyant venir ce danger de front uni, Erdogan avait pourtant pris le soin auparavant de faire écarter de la course présidentielle le très populaire maire d’Istanbul, <a href="https://www.lepoint.fr/monde/le-maire-d-istanbul-condamne-un-concurrent-de-moins-pour-erdogan-15-12-2022-2501916_24.php">Ekrem Imamoglu</a> (CHP), élu en 2019, en le <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20221214-turquie-le-maire-d-istanbul-ekrem-imamoglu-condamn%C3%A9-%C3%A0-plus-de-deux-ans-de-prison">faisant condamner</a> en décembre 2022 à deux ans et sept mois de prison pour « insultes » à l’encontre de certains hauts fonctionnaires du régime. Le chef de l’État espérait voir la Table des Six se déchirer dans la recherche de son candidat à la présidentielle et finalement éclater. Sa stratégie a échoué et le large consensus réalisé autour d’un candidat anti-Erdogan unique a changé le contexte politique traditionnel dans lequel ce dernier avait l’habitude de manœuvrer facilement.</p>
<h2>Un scrutin aux faux airs de référendum pour ou contre Erdogan</h2>
<p>Depuis le <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/270002-la-turquie-d-erdogan-une-evolution-politique-spectaculaire">virage</a> vers un nationalisme religieux et autoritaire opéré par Erdogan au début de la décennie 2010, un des axes majeurs de sa stratégie politique a été d’attiser les fractures ethniques (Turcs-Kurdes), confessionnelles (sunnites-alévis) et culturelles (modernistes-conservateurs) qui travaillent la société.</p>
<p>Il se plaçait comme le leader naturel de la majorité sociologique turque, sunnite et conservatrice, accusant les représentants de l’opposition d’être des « diviseurs de l’unité nationale et confessionnelle », « le prolongement d’organisations terroristes » ou des agents de puissances étrangères ayant des visées sur la Turquie.</p>
<p>L’expression « authentique et nationale » devint son leitmotiv pour qualifier les actions de son gouvernement. Mais la composition des partis qui forment la Table des Six autour de Kiliçdaroglu, le soutien du mouvement kurde et des mouvements de gauche et la grave crise économique ont brouillé sa stratégie. La fracture entre les partisans et les adversaires d’Erdogan semble devoir surdéterminer l’issue des élections de mai 2023.</p>
<p>Avec une personnalité diamétralement opposée à celle d’Erdogan, Kilicdaroglu se positionne comme une « force tranquille » dans cette campagne électorale et a réussi à créer, ces dernières semaines, une <a href="https://www.taurillon.org/le-courrier-d-europe-kemal-kilicdaroglu-met-toutes-les-chances-de-son-cote">vraie dynamique électorale</a>. Il répond à l’aspiration d’une large partie de la population d’un retour à la quiétude, à une certaine normalité démocratique et à des politiques économiques plus rationnelles, moins chaotiques et imprévisibles par exemple au sujet des taux d’intérêt qu’Erdogan a <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-turquie-baisse-ses-taux-directeurs-de-1-5-point-a-rebours-du-reste-du-monde-942085.html">fait passer en dessous de 10 % alors que le taux d’inflation s’approche de 100 %</a>.</p>
<p>De son côté, le HDP, malgré la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/turquie-le-parti-pro-kurde-hdp-prive-de-subventions-20230105">répression</a> et les discriminations quasi quotidiennes qu’il subit, a réussi à former une alliance avec des petits partis de gauche pour les élections législatives. Et pour court-circuiter l’épée de Damoclès d’une dissolution par la Cour constitutionnelle à la veille du scrutin qui pèse sur lui depuis deux ans, il a pris la décision de se présenter aux élections sous les couleurs d’un autre parti, le <a href="https://kurdistan-au-feminin.fr/2023/03/31/turquie-le-hdp-entre-dans-la-course-electorale-sous-la-banniere-du-parti-de-la-gauche-verte/">Parti de la gauche verte</a>. Cette alliance qui ne présente pas de candidat pour la présidentielle et appelle à voter Kilicdaroglu dès le premier tour aura aussi un rôle décisif à jouer dans la future assemblée. Le soutien de ses élus sera probablement nécessaire pour former une majorité parlementaire avec l’Alliance de la nation.</p>
<p>Le dénominateur commun de tous ces nouveaux mouvements de rapprochement est leur volonté de mettre fin au règne de vingt ans d’Erdogan, de revenir au régime parlementaire à travers un changement constitutionnel, de rétablir l’État de droit et les droits et libertés fondamentaux, de mettre fin à l’arbitraire, au népotisme, à la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/corruption-en-turquie-les-revelations-d-un-mafieux-plongent-le-parti-d-erdogan-dans-la-tourmente">corruption</a> et au recours à la religion comme instrument politique actif, et enfin de rétablir la confiance des acteurs économiques internationaux et de relancer les négociations avec l’UE, <a href="https://www.lepoint.fr/europe/adhesion-de-la-turquie-a-l-ue-des-negociations-reellement-au-point-mort-26-06-2018-2230829_2626.php">au point mort depuis plusieurs années</a>.</p>
<h2>Et après les élections ?</h2>
<p>Si l’opposition gagne ces élections, la tâche pour sortir du système légué par l’erdoganisme sera immense, et en tout état de cause la Turquie ne deviendra pas rapidement une démocratie apaisée. On ne peut qu’espérer que ce grand moment d’effervescence démocratique ne soit pas passager, comme ce fut le cas plusieurs fois dans le passé.</p>
<p>En revanche, en cas de nouvelle victoire d’Erdogan et de l’AKP, la Turquie s’engouffrera pour longtemps dans le camp des autocraties populistes et du <a href="https://theconversation.com/la-chine-ou-le-paradigme-du-national-capitalisme-autoritaire-174488">national-capitalisme autoritaire</a>. Les espoirs d’une sortie possible de l’autocratie par les élections seront affaiblis.</p>
<p>Et si l’opposition gagne mais <a href="https://www.challenges.fr/idees/turquie-erdogan-lachera-t-il-le-pouvoir-en-cas-de-defaite-electorale_854332">Erdogan ne reconnaît pas les résultats des élections</a> ou si le système juridique qu’il a mis en place annonce des résultats contraires ?</p>
<p>Cette question est bien sûr dans la tête de tous les électeurs de l’opposition en Turquie. Mais à part organiser une grande mobilisation civile pour assurer la sécurité du scrutin et réaliser un travail acharné pour convaincre les électeurs hésitants à voter pour le changement, tous les partis d’opposition sont unanimes pour ne pas parler de cette hypothèse sombre avant les élections.</p>
<p>D’abord pour ne pas effrayer les électeurs par un tel scénario du chaos, pour le moment hypothétique, et les dissuader ainsi d’aller voter ; ensuite, parce qu’il est impossible et surtout contreproductif de parler aujourd’hui des moyens et des modalités de lutte contre un tel coup de force qui signifierait qu’Erdogan aura franchi le Rubicon et se sera engagé dans la voie d’une dictature assumée comme telle. L’opposition aspire d’abord à gagner les élections dans les urnes ; il sera temps, alors, de prendre les mesures nécessaires pour que la volonté populaire soit respectée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ahmet Insel est membre fondateur du Parti de la gauche verte en Turquie crée en 2012.</span></em></p>Au pouvoir depuis vingt ans, jamais Recep Tayyip Erdogan n’avait paru aussi proche d’être vaincu qu’aux prochaines élections.Ahmet Insel, Économiste, politologue, professeur émérite à l'Université Galatasaray, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996262023-04-04T17:36:46Z2023-04-04T17:36:46ZAutriche : l’extrême droite bientôt de retour au pouvoir ?<p>Depuis décembre 2021, <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20211203-l-autriche-d%C3%A9signe-l-ancien-ministre-de-l-int%C3%A9rieur-chancelier-et-tourne-la-page-kurz">l’Autriche est dirigée par un gouvernement de coalition</a> regroupant les conservateurs de l’ÖVP et les écologistes, avec à sa tête le chancelier (premier ministre) Karl Nehammer (ÖVP). Mais les élections générales qui se tiendront dans un an <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/lextreme-droite-autrichienne-est-prete-a-faire-son-retour-au-gouvernement/">pourraient bien favoriser le parti d’extrême droite FPÖ</a>, lequel a participé à plusieurs coalitions gouvernementales au cours des 25 dernières années.</p>
<p>Après plusieurs années difficiles, cette formation, qui avait défrayé la chronique au début des années 2000 sous la férule du charismatique <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2013-1-page-196.htm">Jörg Haïder</a>, vient en effet d’obtenir un score très encourageant lors des élections régionales du Land de Niederösterreich (Basse-Autriche), le plus étendu des États fédérés du pays et le deuxième plus peuplé après celui de Vienne : avec près de 24 % des suffrages, soit 9,43 points de plus que lors des élections de 2018, le <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/lextreme-droite-autrichienne-est-prete-a-faire-son-retour-au-gouvernement/">FPÖ s’est hissé au deuxième rang</a> derrière l’ÖVP (39,93 %) mais devant les sociaux-démocrates du SPÖ (20,65 %).</p>
<p>Aujourd’hui dirigé par Herbert Kickl, ancien ministre de l’Intérieur (2017-2019), le FPÖ ambitionne désormais de ne plus seulement être un « junior partner » de la coalition gouvernementale, mais de remporter les prochaines élections et de placer son chef au poste de chancelier, celui-ci exerçant la réalité du pouvoir exécutif dans le pays.</p>
<h2>Une courte traversée du désert</h2>
<p>Depuis <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/europeennes/autriche-on-vous-explique-l-affaire-d-ibiza-qui-torpille-l-extreme-droite-au-gouvernement_3451981.html">l’Affaire Ibiza</a>, qui lui avait coûté sa place au gouvernement en 2019, on pensait le FPÖ moribond. Une vidéo tournée en cachette en 2017 dans l’île espagnole avait montré Heinz-Christian Strache, alors chef du parti et vice-chancelier, se disant prêt, lors d’une conversation avec une interlocutrice russe, à aligner sa formation sur les intérêts de Moscou en échange de financement. Dans la foulée, Strache avait démissionné, mais le chancelier de l’époque, Sebastian Kürz, avait également limogé Herbert Kickl, ministre de l’Intérieur, entraînant le <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">départ du FPÖ du gouvernement</a>.</p>
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<p>Le résultat enregistré en Basse-Autriche démontre que le parti demeure une force politique de premier plan dans le pays.</p>
<p>Si ce scrutin a été marqué par le regain du FPÖ, il convient également de noter que l’ÖVP a nettement reculé, perdant une partie significative de ses électeurs précisément au profit du FPÖ. L’autre enseignement que l’on peut tirer de cette élection porte sur le choix de la tête de liste du FPÖ en la personne d’<a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/01/26/un-candidat-autrichien-aux-elections-regionales-critique-pour-des-chants-nazis_5247852_3214.html">Udo Landbauer</a>, figure montante du parti incarnant son aile la plus dure.</p>
<p>Rappelons que les tenants de l’aile dure ont pour obsession de traiter des questions dites identitaires ou ayant un lien avec la sécurité, l’immigration et le « Diktat de l’UE » tandis que les modérés tentent d’élargir les propositions du FPÖ aux domaines économiques, sociétaux ou encore environnementaux. Cette fracture entre les deux lignes existe au sein du FPÖ depuis sa création, même si bien souvent, l’aile dure a pris le dessus sur l’aile modérée.</p>
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<p>Landbauer avait déjà fait parler de lui en 2018 puisqu’il s’était retrouvé au cœur d’une affaire politique qui l’avait contraint à renoncer à tous ses mandats et à se mettre en retrait du FPÖ. Il avait à l’époque <a href="https://theconversation.com/en-autriche-le-fpo-nen-a-pas-fini-avec-les-vieux-demons-du-passe-92805">refusé de désavouer un livre</a>, retrouvé dans les locaux d’une organisation étudiante, qui faisait l’apologie du nazisme et du Troisième Reich.</p>
<p>Son retour en grâce et son succès en Basse-Autriche soulignent que le FPÖ, tant au niveau régional que national, n’est jamais aussi fort d’un point de vue électoral que lorsqu’il tend vers l’aile la plus dure. Une ligne politique plébiscitée par Herbert Kickl.</p>
<p>Kickl, qui ne cache pas ses envies d’être le prochain chancelier autrichien à l’issue des élections de 2024, a d’autres raisons d’être optimiste : un sondage de janvier 2023 place le FPÖ largement en tête, avec <a href="https://www.profil.at/oesterreich/umfrage-fpoe-zieht-spoe-davon/402298622">28 % des intentions de vote pour les prochaines législatives</a>, devançant les sociaux-démocrates du SPÖ (24 %) et les conservateurs de l’ÖVP, qui ne recueillent que 22 % des voix. Si un sondage reste ce qu’il est et que la vérité politique d’hier ne sera pas forcément celle de demain, nul ne peut contester le fait que le FPÖ revient sur le devant de la scène.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1624723664028549121"}"></div></p>
<p>De plus, le sondage évoquait aussi le choix du chancelier. L’actuel chancelier conservateur Karl Nehammer est encore plébiscité par près de 20 % des sondés, mais est talonné par Herbert Kickl, <a href="https://www.profil.at/oesterreich/umfrage-fpoe-zieht-spoe-davon/402298622">qui recueille l’adhésion de 17 % des Autrichiens</a>, loin devant Pamela Rendi-Wagner, la présidente du SPÖ, qui n’obtient que 12 % des intentions de vote.</p>
<p>Au regard de ce sondage, et si l’on se trouve dans la même configuration à l’issue des élections législatives de 2024, on pourrait se diriger vers une nouvelle coalition entre l’ÖVP et le FPÖ. Il reste un an au FPÖ et à Herbert Kickl pour capitaliser sur ce succès obtenu en Basse-Autriche et s’immiscer à nouveau dans le duel entre l’ÖVP et le SPÖ. Ces élections avaient un goût particulier pour le FPÖ dans la mesure où celui-ci devait confirmer son regain observé depuis de longues semaines dans les sondages. Les différentes élections ayant lieu au cours de l’année 2023 seront tout autant primordiales pour permettre au parti d’aborder les élections législatives de 2024 avec une forte dynamique.</p>
<h2>Des prises de position à rebours du consensus autrichien</h2>
<p>Sur plusieurs sujets majeurs, la ligne défendue par le FPÖ se distingue significativement de celle des autres partis autrichiens. Sur des sujets comme l’immigration ou la notion d’identité nationale, le parti semble isolé sur la scène politique nationale, tout comme il l’est au niveau international avec son euroscepticisme constant.</p>
<p>Durant la crise du Covid, le FPÖ s’était érigé contre le souhait du gouvernement autrichien de rendre la vaccination obligatoire, estimant que la vaccination devait émaner d’une volonté personnelle et non d’une décision gouvernementale. Dans les médias, les intervenants du FPÖ s’étaient faits les défenseurs des libertés individuelles en critiquant les différentes mesures mises en place pour endiguer la pandémie et en appelant à <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/en-autriche-lextreme-droite-fait-descendre-des-milliers-de-personnes-dans-la-rue-contre-le-confinement-20211120_FD62R6CRUVF2TNPLTBZXMG2LQE/">manifester contre le confinement, auquel le parti était farouchement opposé</a>.</p>
<p>Dès le début de la guerre en Ukraine, les membres du FPÖ ont plaidé, par la voix d’Herbert Kickl, pour une <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Guerre-Ukraine-lAutriche-fil-neutralite-2022-03-28-1201207421">médiation de l’Autriche entre l’Ukraine et la Russie</a>, rappelant leur attachement à la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2006-1-page-27.htm">neutralité autrichienne</a> (pour rappel, la neutralité est inscrite dans la Constitution depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le pays n’est par exemple pas membre de l’OTAN). Herbert Kickl profita de ce moment pour insister sur le fait que sanctionner la Russie ne résoudrait pas le conflit et relevait d’une certaine forme de « naïveté politique ». De plus, tout en concédant que les actions russes en Ukraine étaient contraires au droit international, il ne manqua pas de s’interroger sur la volonté de l’OTAN et des États-Unis de « provoquer les Russes ».</p>
<p>En novembre 2022, c’est au tour de la députée Petra Steger, fille de l’ancien dirigeant du FPÖ Norbert Steger (vice-chancelier d’Autriche de 1983 à 1987), de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zTf9lo9whlc">s’insurger</a> contre le soutien de Vienne à Kiev : « Le gouvernement préfère financer la guerre de l’UE et de l’Ukraine plutôt qu’aider les Autrichiens ! » Le FPÖ a également critiqué le <a href="https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/autriche-pas-darmes-pour-lukraine-mais-un-soutien-sans-faille/">voyage du président autrichien Alexander Van der Bellen en Ukraine</a>, Herbert Kickl allant même jusqu’à le qualifier de « Staatsgefährder » (dangereux pour l’État), considérant que cette visite constituait un manquement à la neutralité autrichienne, ce qui, pour lui, était inconcevable. Enfin, le 30 mars, les députés du FPÖ sont démonstrativement sortis du Bundestag au moment où le président ukrainien Volodymyr Zelensky y prononçait un discours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1641553163701440512"}"></div></p>
<p>Cette position a trouvé un prolongement au niveau européen, le FPÖ – qui siège au Parlement européen au sein du groupe Identité et Démocratie, aux côtés de la Lega (Italie), d’Alternative pour l’Allemagne (AfD), de Vlaams Belang (Belgique) ou encore du Parti populaire danois, autant de formations connues pour leur attitude compréhensive à l’égard de Moscou – désapprouvant clairement les décisions de la Commission européenne favorables à Kiev. Citons le député européen FPÖ <a href="https://www.fpoe.eu/vilimsky-keine-eu-schulden-fuer-ukraine-hilfe/">Harald Vilimsky</a> : « Nous sommes clairement opposés à ce que l’UE s’endette à nouveau pour soutenir l’Ukraine, un pays non membre de l’UE). »</p>
<p>Ces positions du FPÖ concernant la guerre en Ukraine s’expliquent notamment par les <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/12/19/97001-20161219FILWWW00120-autriche-l-extreme-droite-renforce-ses-liens-avec-russie-unie.php">liens profonds et anciens qui unissent le parti à la Russie</a>. En 2009, Heinz-Christian Strache, alors président du FPÖ, s’était prononcé en faveur d’une entrée de la Russie au sein de l’UE et, plus globalement – sans même reparler de l’affaire Ibiza –, le FPÖ a souvent défendu l’idée d’un rapprochement et d’une <a href="https://www.diepresse.com/5630263/fpoe-die-beziehungen-zu-russland-sind-innig">plus grande coopération entre l’Autriche et la Russie</a>.</p>
<h2>Une année décisive</h2>
<p>Si bon nombre de ses prises de position sont controversées, tant sur la crise sanitaire que sur le conflit russo-ukrainien, le FPÖ ne semble guère en pâtir au niveau électoral.</p>
<p>Mieux, il pourrait renaître de ses cendres après une période compliquée. La bonne situation actuelle du FPÖ ne serait-elle pas finalement le résultat de la stratégie de la « radicalité » mise en place par son chef ? Après Jörg Haider et Heinz-Christian Strache, Herbert Kickl pourra-t-il être le « messie » tant attendu par son parti et, pour la première fois dans l’histoire du FPÖ, ravir la chancellerie ?</p>
<p>Au regard du contexte politique en Autriche le FPÖ paraît en bonne position pour au mieux conquérir la chancellerie pour la première fois ou à minima redevenir un partenaire de coalition. Finalement, on pourrait dire que le seul adversaire du FPÖ, c’est le FPÖ lui-même car, si dans l’année qui vient le parti n’est pas secoué par des querelles internes ou un scandale type « Affaire Ibiza », fort est à parier qu’il reviendra au pouvoir…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal "Les Républicains". </span></em></p>Le Parti de la liberté de l’Autriche (FPÖ), classé à l’extrême droite, ne participe plus au gouvernement depuis quatre ans, mais pourrait bien remporter les prochaines législatives…Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Science politique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2013992023-03-14T19:59:48Z2023-03-14T19:59:48ZElections législatives de 1973 : quand les droites réussissaient à s’allier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514875/original/file-20230313-26-2wbdi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4249%2C2809&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les gaullistes et leurs alliés, la priorité est donc à la lutte contre la « subversion marxiste » orchestrée avant tout par les « socialo-communistes ».</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikicommons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors que l’actualité politique est marquée par de vives tensions au sein de l’Assemblée nationale et que le gouvernement compte sur les voix des députés Républicains pour faire adopter sa réforme du système de retraites, le 4 et 11 mars dernier marquaient le cinquantième anniversaire des élections législatives de 1973. Un scrutin essentiel à l’époque qui renforce (au moins en apparence) l’union des droites.</p>
<p>Les événements de mai-juin 1968 avaient conduit à un raz-de-marée gaulliste à l’Assemblée nationale les 23-30 juin de la même année. Qualifiées par une partie de l’opposition <a href="https://theconversation.com/mai-68-du-mouvement-des-enrages-aux-elections-de-la-peur-92701">d’élections de la peur</a>, elles assurent au général de Gaulle une grande latitude d’action. Le départ de l’homme du 18 juin en avril 1969 ne provoque pas de rupture gouvernementale ni parlementaire. <a href="https://www.librairie-sciencespo.fr/ebook/9783035297171-l-election-presidentielle-de-1969-fogacci-frederic/">Georges Pompidou lui succède en juin 1969</a>.</p>
<p>Toutefois, la situation évolue rapidement en 1972 : le gouvernement Chaban-Delmas <a href="https://www.cairn.info/jacques-chaban-delmas-en-politique--9782130561385-page-301.htm">voit sa popularité baisser</a> à cause d’une série de scandales politico-financiers ; un <a href="https://books.openedition.org/pur/125166?lang=fr">référendum sur l’agrandissement de la Communauté économique européenne</a> se solde par une victoire de l’abstention en avril ; les socialistes, les communistes et les radicaux de gauche se rassemblent autour d’un <a href="https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00134/signature-d-un-programme-commun-de-gouvernement-par-le-ps-et-le-pc.html">« programme commun de gouvernement »</a> en juin.</p>
<h2>Des élections aux candidatures multiples</h2>
<p>Au début de l’année 1973, trois coalitions se présentent pour le Palais Bourbon. La première est <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_des_r%C3%A9publicains_de_progr%C3%A8s">l’Union des Républicains de Progrès</a> (URP) rassemblant des gaullistes, des libéraux et les centristes du Centre démocratie et progrès (CDP). Elle rassemble les membres de la majorité sortante et se veut soudée autour du président de la République Georges Pompidou. La seconde est composée des <a href="https://books.openedition.org/pur/129144?lang=fr">partis de la gauche unie</a>, à savoir le Parti communiste français (PCF), le Parti socialiste (PS) et le Mouvement des radicaux de gauche (MRG). La troisième est une tentative de fédération des partis centristes hostiles aux gaullistes sous l’appellation de <a href="https://books.openedition.org/septentrion/53084?lang=fr">Mouvement réformateur</a> (MR).</p>
<p><a href="https://www.jstor.org/stable/24262287">À leurs marges</a> se trouvent des organisations d’extrême gauche et d’extrême droite, principalement le Parti socialiste unifié (PSU) et des trotskistes et le Front national (FN) qui connaît son baptême du feu.</p>
<p>Afin d’accroître leur chance de succès, les membres de l’URP s’entendent pour présenter des candidatures uniques dès le premier tour dans 415 circonscriptions. Les inimitiés entre gaullistes, libéraux et centristes empêchent de réaliser l’union au premier tour dans 77 circonscriptions (des <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/la-france-pompidolienne-9782213605807">responsables politiques comme Michel Debré et Michel Poniatowski appelant d’ailleurs à s’affronter partout au premier tour et à ne s’unir qu’au second</a>), l’unité n’est alors prévue qu’au second tour.</p>
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<p>À l’inverse, la gauche unie convient d’un accord de désistement systématique en faveur du meilleur candidat au second tour. Il y a donc des candidats PS et PCF, MRG et PSU dans une moindre mesure (ils n’ont pas les moyens d’envoyer des candidats dans chaque circonscription), susceptibles de s’affronter lors du premier tour, ce qui peut avantager les droites. Toutefois, chaque candidat de droite qui ne serait pas élu dès le premier tour aura davantage de difficulté à passer le second puisqu’il ne dispose plus théoriquement de réserve, là où le candidat de la gauche unie dispose potentiellement des voix de ses alliés-rivaux. C’est pourquoi le scrutin <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/audio/phf08004487/inter-actualites-de-19h00-du-20-fevrier-1973">s’annonce plutôt serré</a>.</p>
<h2>Un scrutin sous tension</h2>
<p>Bien qu’elles restent limitées, les chances de voir la gauche unie l’emporter inquiètent les droites. Pierre Messmer, Premier ministre de Pompidou, s’est positionné sur un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1973/01/09/m-pierre-messmer-le-changement-le-mouvement-c-est-nous_2557984_1819218.html">discours conservateur antimarxiste</a> pour convaincre l’électorat de droite de la nécessité de se mobiliser pour soutenir l’URP.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514938/original/file-20230313-17-o8xec8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Portrait de Pierre Messmer, Premier ministre du 5 juillet 1972 au 27 mai 1974, sous la présidence de Georges Pompidou" src="https://images.theconversation.com/files/514938/original/file-20230313-17-o8xec8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514938/original/file-20230313-17-o8xec8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514938/original/file-20230313-17-o8xec8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514938/original/file-20230313-17-o8xec8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514938/original/file-20230313-17-o8xec8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514938/original/file-20230313-17-o8xec8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514938/original/file-20230313-17-o8xec8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pierre Messmer occupe le poste de Premier ministre du 5 juillet 1972 au 27 mai 1974, sous la présidence de Georges Pompidou.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikicommons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, des organisations gaullistes comme le Service d’action civique (SAC), les Comités pour la défense de la République (CDR) ou encore le Club nouvelle frontière (CNF) mobilisent leurs membres pour défendre le programme de la majorité sortante. Le SAC s’affère avant tout au collage d’affiches et à la protection des meetings, les CDR à l’élaboration d’affiches, de tracts et de papillons originaux ainsi qu’à la diffusion de communiqués dans la presse, le CNF à la rédaction d’un <a href="https://www.decitre.fr/ebooks/radioscopie-des-oppositions-9782259284530_9782259284530_1.html">ouvrage collectif</a> qui vise à discréditer l’ensemble des mesures prévues dans le programme de la gauche unie.</p>
<p>Bien que l’ensemble des opposants à l’URP soient combattus, ce sont principalement les gauches unies qui sont ciblées du fait de leur puissance électorale. Les autres coalitions et organisations ciblent prioritairement le bilan de la majorité sortante, qu’elles jugent insatisfaisants.</p>
<p>Pour les gaullistes et leurs alliés, la priorité est donc à la lutte contre la « subversion marxiste » orchestrée avant tout par les « socialo-communistes ». Un discours alarmiste visant à discréditer le programme commun de la gauche unie est valorisé par les responsables gaullistes. La possibilité d’une victoire de <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/journal-de-lelysee-tome-5-la-fin-du-gaullisme-9782213607962">celui-ci est présentée</a>, au mieux comme la promesse d’une restauration de la IV<sup>e</sup> République, au pire comme l’instauration d’une dictature collectiviste, en passant par un régime de disettes et de misère.</p>
<p>Si la volonté de décrédibiliser le tout jeune programme commun est récente, les arguments avancés ne le sont pas. Il s’agit d’une reprise du discours antisubversif développé depuis mai-juin 1968. Les communistes, les socialistes et les radicaux de gauche maintiennent également leur rhétorique « antifasciste »/« antisalazariste » à l’endroit de cette majorité sortante <a href="https://mediaclip.ina.fr/fr/i18324448-congres-du-parti-communiste-discours-de-georges-marchais.html">qu’ils jugent autoritaire et liberticide</a>.</p>
<p>La confrontation de ces deux discours anxiogènes nourrie des tensions déjà bien présentes lors de la campagne électorale (accumulation des oppositions depuis 1968, conviction chez de nombreux militants qu’une fascisation ou qu’une subversion se déroule sous leurs yeux, frictions classiques lors d’enjeux électoraux importants).</p>
<p>Il n’est donc guère surprenant que les incidents s’accumulent entre le 1<sup>er</sup> janvier et le soir du 11 au 12 mars 1973 – <a href="https://www.theses.fr/2021LORR0177">au moins une quarantaine</a> sont relevés, même si le chiffre réel doit être doublé voire triplé. Le SAC et les CDR sont en première ligne pour la défense de l’URP.</p>
<p>Ils sont donc les deux principaux organismes à se retrouver impliqués dans les affrontements sur le terrain. La répartition des responsabilités dans les passages à l’acte violent est équilibré, les gaullistes étant aussi souvent coupables d’agressions et de dégradations de biens privés que leurs adversaires.</p>
<p>Néanmoins, malgré les enjeux du scrutin, aucun décès n’est à déplorer. C’est une première depuis cinq ans dans un scrutin de cette importance puisque lors des élections législatives de juin 1968, un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1968/07/02/arras-un-jeune-militant-communiste-tue-a-coups-de-pistolet-par-des-membres-d-un-groupe-d-action-civique-de-l-u-d-r_2500026_1819218.html">militant communiste fut tué par des militants gaullistes</a>, tout comme lors des élections municipales de 1971 (un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1971/03/01/des-colleurs-d-affiches-electorales-sont-pris-a-partie-par-des-hommes-armes-un-mort-six-blesses_2445262_1819218.html">socialiste est abattu</a>) puis du référendum de 1972 (un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1972/04/25/a-hirson-aisne-l-automobiliste-responsable-de-la-mort-d-un-militant-communiste-reconnait-qu-il-avait-perdu-son-sang-froid_3035631_1819218.html">communiste est écrasé par une voiture</a>). De toute évidence, les organisations gaullistes maîtrisent mieux leurs militants et ont su améliorer leur gestion de l’ordre. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu d’excès de part et d’autre : des excès ont toujours lieu et un drame fut évité à Toulouse dans la nuit du 9 au 10 mars lorsqu’un « commando » du SAC et des CDR ont vidé leurs chargeurs contre des militants socialistes sans parvenir à en toucher un seul (<em>La dépêche du Midi</em>, 12 mars 1973) !</p>
<h2>Des résultats trompeurs</h2>
<p>Tendues, les élections législatives n’en restent pas moins finalement favorables à l’URP.</p>
<p><a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100236790">Au premier tour</a>, l’URP obtient 38 % des suffrages exprimés. Les gauches unies obtiennent des résultats similaires. Si le PCF reste le principal parti de gauche, le PS progresse rapidement. Le MR peine de son côté à s’en sortir avec 12,5 % des suffrages exprimés. Il est tout de même suffisamment bien placé pour se trouver régulièrement en position d’arbitre pour le second tour dans de nombreuses circonscriptions. Les extrêmes ne parviennent pas à se démarquer face aux trois blocs : le PSU obtient moins de 2 %, les trotskistes dépassent à peine les 1 % et les extrêmes droites sont à 0,52 % (1,33 % pour le FN).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514921/original/file-20230313-22-zuzr4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le listing des résultats imprimé par ordinateur posé à même le sol pour vérification lors du premier tour des élections législatives 1973, ici à Metz le Soir 4 mars" src="https://images.theconversation.com/files/514921/original/file-20230313-22-zuzr4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514921/original/file-20230313-22-zuzr4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514921/original/file-20230313-22-zuzr4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514921/original/file-20230313-22-zuzr4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514921/original/file-20230313-22-zuzr4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514921/original/file-20230313-22-zuzr4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514921/original/file-20230313-22-zuzr4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le listing des résultats imprimé par ordinateur posé à même le sol pour vérification lors du premier tour des élections législatives 1973, ici à Metz le Soir 4 mars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives Le Républicain Lorrain</span></span>
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</figure>
<p>Afin d’affaiblir les gauches, l’URP parvient à conclure un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1973/03/08/mm-lecanuet-et-peyrefitte-adoptent-des-attitudes-convergentes_2548621_1819218.html">accord de désistement</a> avec le MR pour le second tour. Le soir du 11 mars, le MR parvient à décrocher 31 sièges (contre 15 en 1968), ce qui était loin de lui être assuré le soir du 4 mars. Bien entendu, <a href="https://books.openedition.org/pur/111587?lang=fr">l’URP est la grande gagnante en obtenant 268 sièges</a>.</p>
<p>Cependant, cette victoire ne doit pas éclipser plusieurs constats. Tout d’abord, les gaullistes reculent nettement et doivent désormais compter sur leurs alliés pour maintenir leur assise. Ensuite, l’échec de grandes figures comme Maurice Schuman et Alexandre Sanguinetti représentent une défaite symbolique. Enfin, la dépendance des gaullistes envers leurs alliés libéraux et centristes les contraints à leur accorder davantage de place au sein du nouveau gouvernement Messmer II. Par exemple, Michel Debré, gaulliste historique, n’est plus ministre alors qu’un antigaulliste convaincu, Michel Poniatowski, devient ministre de la Santé.</p>
<p>De leur côté, les gauches obtiennent des gains conséquents, passant de 91 députés en 1968 à 176. Certes, l’entente électorale établie entre l’URP et le MR lors du second tour a provoqué la perte d’une vingtaine de sièges aux gauches. Néanmoins, les <a href="https://books.openedition.org/pur/129144">contemporains estiment</a> que le programme commun de la gauche unie est parvenu à lancer une nouvelle dynamique qui s’annonce prometteuse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bryan Muller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il y a 50 ans, les élections législatives de 1973 furent marquées par une lutte entre deux grands blocs politiques, l’union des droites et le programme commun de l’union de la gauche.Bryan Muller, Docteur en Histoire contemporaine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1910232022-09-26T20:32:33Z2022-09-26T20:32:33ZQuelle politique migratoire pour l’Italie de Giorgia Meloni ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485974/original/file-20220921-10221-898w7p.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C1020%2C752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Peinture murale du street artist Tvboy, à Rome , qui se moque de la coalition de la droite italienne qui a remporté les élections du 25 septembre.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Tvboy</span></span></figcaption></figure><p>Giorgia Meloni, 45 ans, leader du parti d’extrême droite <em>Fratelli d’Italia</em>, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/26/elections-en-italie-avec-plus-de-26-des-voix-fratelli-d-italia-de-giorgia-meloni-remporte-un-succes-eclatant_6143174_3210.html">se prépare à présider</a> le 68<sup>e</sup> gouvernement italien depuis la Seconde Guerre mondiale, qui sera le gouvernement le <a href="https://edition.cnn.com/2022/09/25/europe/italy-election-results-intl/index.html">plus à droite depuis Benito Mussolini</a>.</p>
<p>La coalition dans laquelle sa formation tient le premier rôle a en effet obtenu près de 44 % des suffrages (plus de 26 % pour <em>Fratelli d’Italia</em>, 9 % pour la <em>Lega</em> de Matteo Salvini et 8 % pour <em>Forza Italia</em> de Silvio Berlusconi) aux législatives tenues ce 25 septembre.</p>
<p>Giorgia Meloni, qui sera la première femme premier ministre dans l’histoire de l’Italie, est connue pour ses propos virulents contre <a href="https://www.20min.ch/fr/story/oui-a-la-famille-naturelle-non-au-lobby-lgbt-241250337164">« les lobbies LGBT+ »</a>, les <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/09/06/le-style-populiste-de-giorgia-meloni/">« élites de gauche »</a> et, cela va sans dire, les migrants.</p>
<p>À première vue, le succès de <em>Fratelli d’Italia</em> semble n’être qu’une continuation de la dérive de l’Italie vers la droite, initiée par le succès de la <em>Lega</em> aux précédentes élections législatives en 2018 (<a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/05/17/italie-la-ligue-aux-origines-d-une-formation-populiste-en-passe-de-cogouverner-le-pays_5300546_4355770.html">17 %</a>), et aux européennes en 2019 (<a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/salvini-wins-over-italy-as-five-star-movement-falls-apart/">33 %</a>).</p>
<p>Les élections de ce 25 septembre, qui voient le parti de Meloni supplanter nettement celui de Salvini, constituent-elles un simple passage de témoin dans le leadership de la droite italienne, ou bien les deux partenaires représentent-ils deux voies distinctes ?</p>
<h2>En quoi <em>Fratelli d’Italia</em> diffère-t-il de la <em>Lega</em> ?</h2>
<p>Pour répondre à cette question, il est utile d’examiner les deux partis à travers le prisme de leur rapport à la question de la migration, centrale dans les programmes de toutes les formations d’extrême droite, en Italie comme ailleurs. Conformément à cette tradition bien ancrée, Giorgia Meloni et Matteo Salvini ont tous deux placé les politiques migratoires au cœur de leur campagne et de leur programme politique.</p>
<p>Globalement, les <em>Fratelli</em> et la <em>Lega</em> abordent ces questions de la même manière, c’est-à-dire avant tout en termes de sécurité publique, et donc en termes de protection – des citoyens, des frontières, du marché du travail – et non de droits ou d’intégration des nouveaux arrivants.</p>
<p>Les deux partis proposent un contrôle strict de l’immigration légale, mais la <em>Lega</em> met l’accent sur une politique de sélection qui vise à n’accorder l’accès qu’à une main-d’œuvre de <a href="https://static.legaonline.it/files/Programma_Lega_2022.pdf">qualité et spécialisée, ou alors saisonnière et donc limitée dans le temps</a>. Le parti de Salvini se montre en cela fidèle à son origine et aux intérêts de son électorat historique, à savoir la classe des petits et moyens entrepreneurs du Nord de l’Italie.</p>
<p>En ce qui concerne la question des réfugiés, la <em>Lega</em> se concentre sur la gestion interne de l’accueil et vise à réactiver <a href="https://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/61784/PB_2019_06_MPC.pdf">ses décrets « sécurité »</a> promulgués en 2018, puis désactivés par la suite par le gouvernement Conte/Draghi. Les pierres angulaires de ces décrets sont l’augmentation des temps de détention dans les centres de première arrivée, la réduction des infrastructures d’accueil en favorisant les installations qui concentrent un nombre élevé de demandeurs d’asile, l’augmentation des fonds pour les rapatriements forcés et la réduction des possibilités d’obtention de la protection internationale.</p>
<p><em>Fratelli d’Italia</em>, pour sa part, s’inscrit dans une longue tradition politique qui est restée minoritaire dans la droite italienne ces dernières années, dominée par l’exploit réussi par Salvini en 2018-2019. Les racines de la formation de Giorgia Meloni se trouvent dans <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/260922/le-jour-ou-le-post-fascisme-pris-le-pouvoir-en-italie">l’extrême droite post-fasciste</a>. Si dernièrement, le parti a stratégiquement écarté toute référence directe au fascisme, il se tourne tout particulièrement vers un électorat souverainiste et ultra-conservateur.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9dTyH3Rs3E8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un candidat de Fratelli d’Italia suspendu pour avoir fait l’éloge d’Hitler.</span></figcaption>
</figure>
<p>La mesure clé actuellement proposée par le parti en matière de politique migratoire, le <a href="https://www.lalibre.be/international/europe/2022/08/08/italie-la-presidente-des-fratelli-ditalia-appelle-a-un-blocus-naval-pour-les-bateaux-de-migrants-ZXEEGDUO4RFZ7KQZT2I35LPK2Y/">blocus naval</a> contre les migrants qui traversent la Méditerranée, est le reflet de cette identité.</p>
<p>Or, il faut d’abord souligner que cette mesure entre en conflit avec le droit international, car elle ne peut être mise en place unilatéralement qu’en cas de guerre, par le pays attaqué. Même en supposant, comme l’affirme Meloni en réponse aux critiques, qu’un blocus naval peut être concerté de manière bilatérale avec les autorités de la Libye (principal pays à partir duquel partent les migrants qui tentent la traversée de la mer vers l’Italie), il va sans dire qu’une telle action militaire, sur les routes de la Méditerranée, serait pour le moins irresponsable.</p>
<p>Un précédent tragique existe dans l’histoire. Le 28 mars 1997, 81 réfugiés perdirent la vie lors du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Tragedy_of_Otranto">naufrage du Katër i Radës</a>, éperonné par une corvette de la marine de guerre italienne suite à l’application du blocus naval concerté entre le gouvernement Prodi e l’Albanie. À noter qu’il s’agissait d’un navire de 35 tonnes, pas d’une embarcation de fortune à la dérive.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486116/original/file-20220922-30154-96u39a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486116/original/file-20220922-30154-96u39a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486116/original/file-20220922-30154-96u39a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486116/original/file-20220922-30154-96u39a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486116/original/file-20220922-30154-96u39a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486116/original/file-20220922-30154-96u39a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486116/original/file-20220922-30154-96u39a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’épave du Katër i Radës exposée dans le port d’Otranto, mémorial du naufrage du 28 mars 1997.</span>
<span class="attribution"><span class="source">www.wikipedia.it</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Que se passera-t-il si les autorités libyennes ne coopéraient pas à la mise en œuvre du blocus naval, et les bateaux des passeurs continuaient à transporter des migrants vers les côtes italiennes ? Nous serions confrontés à deux scénarios possibles, selon le <a href="https://www.fratelli-italia.it/blocconavale/">programme</a> du parti.</p>
<p>Première option : la Libye contrôle ses propres frontières et laisse donc délibérément partir des centaines de milliers de migrants. Dans ce cas, le blocus naval serait la réponse hostile à un acte tout aussi hostile du pays nord-africain. Deuxième option : la Libye ne contrôle pas ses frontières, auquel cas l’ingérence d’un autre pays ne peut être pas considérée comme un acte hostile, puisque ces territoires – les portions de mer – sont de facto libres.</p>
<h2>La <em>Lega</em> s’est montrée sceptique à l’égard du projet de blocus naval</h2>
<p>En pleine campagne électorale, Salvini <a href="https://www.fanpage.it/politica/perche-alla-lega-e-a-matteo-salvini-non-piace-il-blocco-navale-proposto-da-giorgia-meloni/">n’a pas apprécié</a> une prise de position aussi forte sur une question considérée comme son cheval de bataille ces dernières années, capable de faire bouger le consensus comme peu d’autres sujets en Italie.</p>
<p>D’autre part, la question des réfugiés est traitée par <em>Fratelli d’Italia</em> avec une mentalité que l’on pourrait qualifier d’impérialiste – une façon de penser le rôle de sa propre nation dans le scénario mondial typique de l’imaginaire fasciste, imprégnée d’autoritarisme et d’ethnocentrisme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1574150939325374464"}"></div></p>
<h2>L’Italie en porte-à-faux vis-à-vis de l’UE ?</h2>
<p>Certains observateurs ont déjà prédit un <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/sep/18/far-right-contender-giorgia-meloni-italian-pm-eu-election">adoucissement pragmatique de l’approche anti-européenne</a> habituellement adoptée par Giorgia Meloni et son parti. Pour mettre en œuvre son blocus naval, <em>Fratelli d’Italia</em> devrait en effet travailler en étroite coopération avec l’UE pour opérer sur les côtes libyennes.</p>
<p>À cet égard, Meloni a, de façon polémique, répété à plusieurs reprises que l’Europe ne peut pas se dérober à sa responsabilité de soutenir le projet, puisqu’elle n’a pas ménagé ses efforts pour endiguer la route des Balkans vers l’Allemagne d’Angela Merkel. Manifestement, ce n’est pas avec l’Allemagne (ou la France, à l’exception de <a href="https://twitter.com/MLP_officiel/status/1574262650611146754?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1574262650611146754%7Ctwgr%5E3f42c4ab5d1cea7d068044965b462cd008ee6379%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Finformation.tv5monde.com%2Finfo%2Fitalie-la-victoire-de-giorgia-meloni-rejouit-l-extreme-droite-europeenne-472809">Marine Le Pen</a>) que Meloni semble avoir le plus d’atomes crochus au niveau de l’UE, mais plutôt avec le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_de_Visegr%C3%A1d">Groupe de Visegrád</a>.</p>
<p>Cette attitude est aggravée par des propos qui sont souvent explicitement contraires aux positions du Parlement européen, comme son soutien récemment réitéré a Viktor Orban, qu’elle a présenté comme un <a href="https://www.ansa.it/english/news/2022/09/16/orban-won-elections-hungary-is-a-democracy-meloni_9556853e-2b5c-47f0-a494-d770964f1a28.html">gentleman démocratiquement élu</a>, en contraste flagrant avec une <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20220909IPR40137/meps-hungary-can-no-longer-be-considered-a-full-democracy">récente résolution</a> du Parlemet européen qui qualifie la Hongrie d’« autocratie électorale ». Les relations entre Meloni et le leader hongrois ont toujours été étroites, notamment sur la <a href="https://www.ilmessaggero.it/social/giorgia_meloni_viktor_orban_ungheria_italia_immigrati-5498982.html">question de la fermeture des frontières</a> aux migrants.</p>
<p>Au vu de ces positions, bien que Meloni parle d’une mesure qui « s’inscrit parfaitement dans l’approche de l’UE », il est loin d’être certain que le projet de blocus naval reçoive le soutien de Bruxelles. La décision de mettre en œuvre une telle mesure de manière autonome serait encore plus critique, ainsi que difficile sur le plan pratique et économique.</p>
<h2>Que pourrait-il se passer si l’UE ne soutient pas la politique migratoire de Meloni ?</h2>
<p>Sommes-nous vraiment confrontés au risque que l’Italie suive l’exemple de pays comme la Hongrie et la Pologne, et devienne elle aussi un membre de l’Union qui <a href="https://www.politico.eu/article/veni-vedi-veto-giorgia-melonis-march-on-brussels/">utilise la menace de faire obstruction aux projets de l’UE</a> pour obtenir gain de cause sur ses propres dossiers ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1574148949606248449"}"></div></p>
<p>Tout dépend évidemment de l’étanchéité de cette nouvelle coalition. Ce qui est certain, c’est que les forces anti-immigration de la droite radicale célèbrent déjà le résultat des élections italiennes, convaincues d’avoir un nouvel allié au sein de l’Union. Nous sommes à l’aube d’un nouveau défi pour l’UE, et ce sera potentiellement l’un des plus difficiles de son histoire récente.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessandro Mazzola ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Giorgia Meloni souhaite un « blocus naval » pour empêcher les migrants venant de Libye de rejoindre l’Italie. Une option que même son allié Matteo Salvini ne partage pas.Alessandro Mazzola, Cultural and Political Sociologist, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1878122022-07-31T14:59:40Z2022-07-31T14:59:40ZLa politique italienne est-elle vraiment atteinte d’instabilité chronique ?<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/21/en-italie-mario-draghi-sur-le-depart-apres-l-explosion-de-sa-majorite_6135574_3210.html">chute du gouvernement dirigé par Mario Draghi</a> signale-t-elle le début d’une nouvelle période d’instabilité politique pour l’Italie ?</p>
<p>La conclusion de cette expérience gouvernementale qui aura duré un an et demi a été provoquée au premier chef par les turbulences internes du <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/05/qu-est-ce-que-le-mouvement-5-etoiles_5266001_3214.html">Mouvement 5 étoiles</a> (M5S), membre majeur de la coalition sortante.</p>
<p>Cet été, le M5S, en pleine crise identitaire et en <a href="http://www.sondaggipoliticoelettorali.it/GestioneSondaggio.aspx">baisse dans les sondages</a>, n’a pas hésité à instrumentaliser des thèmes de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2004-4-page-37.htm">politique étrangère</a>, de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/italie-une-crise-politique-devastatrice-pour-leconomie-du-pays-1776955">politique économique</a> ou encore de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/08/en-italie-tous-les-dechets-menent-a-rome_5432965_3210.html">politique locale</a> pour tenter de gagner en visibilité en menaçant de ne plus voter la confiance au gouvernement.</p>
<p>Le 20 juillet, après une période confuse – le 14 juillet, Draghi avait déjà remis sa démission au président Mattarella, qui l’avait <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/italie-a-la-tete-d-une-coalition-fragilisee-mario-draghi-presente-sa-demission-refusee-par-le-president-925803.html">refusée</a> –, les partis de droite appartenant à la coalition (la Ligue, de Matteo Salvini, et Forza Italia, de Silvio Berlusconi) ont, également pour des raisons politiques, choisi de retirer à leur tour leur soutien au gouvernement. Ce 20 juillet, la Ligue, Forza Italia et le M5S se sont abstenus lors d’un vote au Parlement d’une motion de confiance au gouvernement.</p>
<p>Dès le lendemain, le premier ministre remettait une nouvelle fois sa démission au président qui, cette fois, l’acceptait, et le chargeait de gérer les affaires courantes jusqu’aux prochaines élections.</p>
<h2>Vers une recomposition du paysage politique</h2>
<p>Ainsi se termine le gouvernement Draghi et l’apparente trêve entre les forces politiques qui avait permis une relative stabilité depuis un an et demi.</p>
<p>Cette stabilité était, dans tous les sens, précaire, parce qu’elle reposait sur un accord entre plusieurs acteurs politiques différents et fondamentalement opposés, et parce qu’il ne s’agissait que du troisième acte d’une législature qui a vu passer trois gouvernements soutenus par trois majorités différentes : le premier gouvernement Conte (juin 2018-août 2019), soutenu par le M5S et la Ligue se caractérisant par de fortes pressions anti-européennes et populistes ; le deuxième gouvernement Conte (septembre 2019-février 2021), soutenu par le M5S et le centre gauche (le Parti démocrate et l’alliance « Libres et égaux »), qui s’est essentiellement occupé de la pandémie et qui a négocié le plan européen <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/recovery-plan-europe_en">Next Generation EU</a> ; et enfin, le troisième gouvernement de grande coalition présidé par Mario Draghi et soutenu par tous les partis à l’exclusion des <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220724-fratelli-d-italia-parti-post-fasciste-aux-portes-du-pouvoir">Frères d’Italie</a> (extrême droite), qui a garanti la stabilité du pays dans le contexte européen et international et qui a supervisé la sortie de la pandémie et la mise en œuvre des premières phases du Next Generation EU.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Désormais, le pays se dirige vers de nouvelles élections, prévues à la fin du mois de septembre. La compétition s’articule autour de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/italie-a-deux-mois-des-elections-les-partis-se-mettent-en-ordre-de-bataille-1779035">trois pôles</a> : d’abord, une alliance se présentant comme étant « de centre droit » – en réalité très déséquilibrée vers l’extrême droite de Matteo Salvini (<a href="https://www.leganord.org/">Lega Nord</a>) et surtout de Giorgia Meloni (Frères d’Italie), le troisième participant étant <a href="http://www.forza-italia.it/">Forza Italia</a> de Silvio Berlusconi, en perte d’attractivité auprès des électeurs centristes, dans le rôle du « junior partner » ; ensuite, un pôle de centre gauche actuellement en construction, formé par le <a href="https://www.partitodemocratico.it/">Parti démocrate</a> (PD), plusieurs partis de gauche, et une galaxie de partis centristes et libéraux qui souhaitent hériter de l’agenda politique de Mario Draghi ; et, enfin, le M5S qui, pour avoir été à l’origine de la chute du gouvernement Draghi, a été exclu des alliances avec le PD et semble se diriger vers l’insignifiance politique, ayant probablement épuisé sa fonction dans la politique italienne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Luigi Di Maio en discussion avec Mario Draghi" src="https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Luigi Di Maio, ministre des Affaires étrangères et ancien dirigeant du Mouvement 5 étoiles, qu’il a quitté le 20 juin 2022, en compagnie du premier ministre Mario Draghi, au Sénat, à Rome, le 20 juillet 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andreas Solaro/AFP</span></span>
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<p>Les <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/italie/l-extreme-droite-prete-a-profiter-de-la-crise-en-italie-849d9afa-09a0-11ed-89ff-d7b4632af60c">sondages</a> semblent annoncer la victoire de la coalition de centre droit, notamment parce que le système électoral italien (un système mixte proportionnel/majoritaire) tend à récompenser les grandes coalitions pré-électorales et parce que l’absence d’un accord PD-M5S affaiblit indiscutablement le front opposé.</p>
<p>Cependant, malgré l’avance dans les sondages dont jouit actuellement la coalition de droite, le résultat des élections et surtout des négociations post-électorales en vue de la formation d’un nouveau gouvernement doit encore être considéré comme ouvert. Beaucoup dépendra évidemment de la campagne et de la capacité des partis à mobiliser leur électorat (dans un contexte de baisse continue de la participation) et à imposer efficacement leurs thèmes de prédilection dans le débat. En outre, quatre facteurs doivent être examinés très attentivement.</p>
<h2>Le conflit latent au sein de la coalition de « centre droit »</h2>
<p>Depuis plus de trente ans maintenant, les différentes coalitions électorales de centre droit ont toujours été dominées et, dans un certain sens, construites par Silvio Berlusconi, à travers le rôle prépondérant de son parti personnel, Forza Italia.</p>
<p>Désormais, le rôle de Berlusconi, aujourd’hui âgé de 85 ans, est résiduel et Forza Italia est réduit à être le partenaire junior de la coalition, les <a href="https://www.politico.eu/europe-poll-of-polls/italy/">derniers sondages</a> lui augurant un score modeste.</p>
<p>Le « moteur » politique de la coalition est Giorgia Meloni, leader du parti d’extrême droite Frères d’Italie, qui a l’ambition déclarée de devenir première ministre. De son côté, Matteo Salvini a vu inexorablement décliner sa Ligue ces dernières années, en raison de son leadership souvent incertain et de la concurrence de Meloni.</p>
<p>En résumé, derrière l’apparente unité, se cache une lutte pour le leadership à couteaux tirés, qui peut précariser à long terme un futur exécutif de centre droit.</p>
<h2>L’hétérogénéité des programmes de la coalition de centre droit</h2>
<p>Rappelons que les trois partis qui composent la coalition appartiennent à trois partis différents au Parlement européen : le <a href="https://www.eppgroup.eu/fr">Parti populaire européen</a> pour Forza Italia ; le groupe <a href="https://fr.idgroup.eu/">Identité et Démocratie</a> pour la Ligue du Nord ; et le <a href="https://www.ecrgroup.eu/">Parti des conservateurs et réformistes européens</a> pour les Frères d’Italie. Ces trois formations ont en effet des positions souvent éloignées sur une variété de questions.</p>
<p>À titre d’exemple, la Ligue et les Frères d’Italie embrassent l’euroscepticisme de leurs alliés du Rassemblement national en France et du Fidesz de Viktor Orban en Hongrie, à l’opposé de Forza Italia qui se veut profondément pro-européenne. Sur la guerre en Ukraine, les Frères d’Italie adoptent la position hostile à la Russie et résolument pro-ukrainienne des alliés polonais du PiS, tandis que la Ligue, elle, défend une vision pro-russe similaire à celle du RN en France ou du Parti de la liberté (FPÖ) en Autriche.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/litalie-nouveau-laboratoire-de-l-orbanisation-de-leurope-96566">L’Italie, nouveau laboratoire de l’« orbanisation » de l’Europe</a>
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<p>Par conséquent, un éventuel succès électoral de cette alliance ne serait pas une garantie de stabilité gouvernementale à long terme.</p>
<h2>L’inconnue du score des partis libéraux centristes</h2>
<p>La principale difficulté de la galaxie libérale et centriste (« Azione » de Carlo Calenda, « Italia Viva » de l’ancien premier ministre Matteo Renzi, « Insieme per il futuro » de l’actuel ministre des Affaires étrangères et ancien dirigeant du M5S Luigi di Maio) tient actuellement au manque d’un leadership évident, et aux tensions personnelles entre les leaders des partis qui la composent.</p>
<p>Cette mouvance bénéficie de sa proximité idéologique avec le gouvernement Draghi, l’ancien premier ministre étant encore bien vu par bon nombre de ses compatriotes, comme le montrent les <a href="https://www.ilmessaggero.it/politica/sondaggi_politici_meloni_salvini_letta_draghi_ultimi_dati_risultati_cosa_e_successo_25_luglio_2022-6834113.html">récents sondages</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xoA1ZIrbCcY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Démission de Mario Draghi : les Italiens appelés à se rendre aux urnes le 25 septembre, France24, 22 juillet 2022.</span></figcaption>
</figure>
<p>Si ces partis parviennent à dépasser les querelles individuelles, ils peuvent espérer obtenir de bons résultats aux prochaines élections. Et en cas d’échec du centre droit, ils pourraient contribuer à la formation d’une coalition gouvernementale alternative et éventuellement ramener un technicien au Palazzo Chigi, siège du gouvernement.</p>
<h2>Quelle posture pour le Parti démocrate ?</h2>
<p>Le choix des thèmes de la campagne électorale du Parti démocrate sera décisif. Si le parti se contente d’insister sur le danger souverainiste voire fasciste que représenterait l’avènement de la droite, ses adversaires auront la voie libre pour imposer leurs propres thèmes à l’attention de l’opinion publique et des médias : lutte contre l’immigration, renforcement de la sécurité, baisse des impôts…</p>
<p>Si, au contraire, le PD parvient à élaborer et diffuser un message efficace avec des contenus riches sur des dossiers essentiels comme l’emploi et l’environnement, alors la compétition sera ouverte, et la gauche pour s’emparer de l’espace électoral occupé jusqu’ici par un M5S qui <a href="https://www.contrepoints.org/2022/07/16/435231-italie-la-fin-du-mouvement-cinq-etoiles">devrait s’effondrer au élections de septembre</a>.</p>
<p>Quant à « Libres et égaux », ce parti sera en alliance avec le PD et pourrait même, à terme, y être officiellement incorporé.</p>
<h2>Quel gouvernement, et pour combien de temps ?</h2>
<p>En conclusion, les élections de septembre sont loin d’être jouées d’avance. Mais gare aux illusions. La stabilité du gouvernement Draghi, perçue et appréciée surtout en dehors de l’Italie, était en réalité précaire, du fait de la fragilité structurelle de la politique italienne : faiblesse des partis, coalitions instables, système institutionnel rigide construit dans le but de rendre les gouvernements faibles, système électoral inefficace qui ne produit ni représentativité ni stabilité gouvernementale. Autant d’aspects qui sont peu susceptibles de changer dans un avenir proche, rendant ainsi les prochaines coalitions gouvernementales tout aussi instable que celle qui vient de chuter.</p>
<p>Dans le même temps, cette instabilité chronique italienne est limitée par les autres facteurs structurels (positionnement européen et atlantique, contraintes budgétaires, nécessité de mettre en œuvre le Next Generation EU), qui réduisent la marge de manœuvre de tout gouvernement, comme on l’a déjà vu par le passé avec la conclusion anticipée de l’expérience populiste Ligue-M5S de 2018-2019. Le résultat des urnes est donc incertain, et la durée de vie du gouvernement qui en sortira également…</p>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/21/en-italie-mario-draghi-sur-le-depart-apres-l-explosion-de-sa-majorite_6135574_3210.html">chute du gouvernement dirigé par Mario Draghi</a> signale-t-elle le début d’une nouvelle période d’instabilité politique pour l’Italie ?</p>
<p>La conclusion de cette expérience gouvernementale qui aura duré un an et demi a été provoquée au premier chef par les turbulences internes du <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/05/qu-est-ce-que-le-mouvement-5-etoiles_5266001_3214.html">Mouvement 5 étoiles</a> (M5S), membre majeur de la coalition sortante.</p>
<p>Ces dernières semaines, le M5S, en pleine crise identitaire et en <a href="http://www.sondaggipoliticoelettorali.it/GestioneSondaggio.aspx">baisse dans les sondages</a>, n’a pas hésité à instrumentaliser des thèmes de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2004-4-page-37.htm">politique étrangère</a>, de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/italie-une-crise-politique-devastatrice-pour-leconomie-du-pays-1776955">politique économique</a> ou encore de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/08/en-italie-tous-les-dechets-menent-a-rome_5432965_3210.html">politique locale</a> pour tenter de gagner en visibilité en menaçant de ne plus voter la confiance au gouvernement.</p>
<p>Le 20 juillet, après une période confuse – le 14 juillet, Draghi avait déjà remis sa démission au président Mattarella, qui l’avait <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/italie-a-la-tete-d-une-coalition-fragilisee-mario-draghi-presente-sa-demission-refusee-par-le-president-925803.html">refusée</a> –, les partis de droite appartenant à la coalition (la Ligue, de Matteo Salvini, et Forza Italia, de Silvio Berlusconi) ont, également pour des raisons politiques, choisi de retirer à leur tour leur soutien au gouvernement. Ce 20 juillet, la Ligue, Forza Italia et le M5S se sont abstenus lors d’un vote au Parlement d’une motion de confiance au gouvernement.</p>
<p>Dès le lendemain, le premier ministre remettait une nouvelle fois sa démission au président qui, cette fois, l’acceptait, et le chargeait de gérer les affaires courantes jusqu’aux prochaines élections.</p>
<h2>Vers une recomposition du paysage politique</h2>
<p>Ainsi se termine le gouvernement Draghi et l’apparente trêve entre les forces politiques qui avait permis une relative stabilité depuis un an et demi.</p>
<p>Cette stabilité était, dans tous les sens, précaire, parce qu’elle reposait sur un accord entre plusieurs acteurs politiques différents et fondamentalement opposés, et parce qu’il ne s’agissait que du troisième acte d’une législature qui a vu passer trois gouvernements soutenus par trois majorités différentes : le premier gouvernement Conte (juin 2018-août 2019), soutenu par le M5S et la Ligue se caractérisant par de fortes pressions anti-européennes et populistes ; le deuxième gouvernement Conte (septembre 2019-février 2021), soutenu par le M5S et le centre gauche (le Parti démocrate et l’alliance « Libres et égaux »), qui s’est essentiellement occupé de la pandémie et qui a négocié le plan européen <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/recovery-plan-europe_en">Next Generation EU</a> ; et enfin, le troisième gouvernement de grande coalition présidé par Mario Draghi et soutenu par tous les partis à l’exclusion des <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220724-fratelli-d-italia-parti-post-fasciste-aux-portes-du-pouvoir">Frères d’Italie</a> (extrême droite), qui a garanti la stabilité du pays dans le contexte européen et international et qui a supervisé la sortie de la pandémie et la mise en œuvre des premières phases du Next Generation EU.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Désormais, le pays se dirige vers de nouvelles élections, prévues à la fin du mois de septembre. La compétition s’articule autour de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/italie-a-deux-mois-des-elections-les-partis-se-mettent-en-ordre-de-bataille-1779035">trois pôles</a> : d’abord, une alliance se présentant comme étant « de centre droit » – en réalité très déséquilibrée vers l’extrême droite de Matteo Salvini (<a href="https://www.leganord.org/">Lega Nord</a>) et surtout de Giorgia Meloni (Frères d’Italie), le troisième participant étant <a href="http://www.forza-italia.it/">Forza Italia</a> de Silvio Berlusconi, en perte d’attractivité auprès des électeurs centristes, dans le rôle du « junior partner » ; ensuite, un pôle de centre gauche actuellement en construction, formé par le <a href="https://www.partitodemocratico.it/">Parti démocrate</a> (PD), plusieurs partis de gauche, et une galaxie de partis centristes et libéraux qui souhaitent hériter de l’agenda politique de Mario Draghi ; et, enfin, le M5S qui, pour avoir été à l’origine de la chute du gouvernement Draghi, a été exclu des alliances avec le PD et semble se diriger vers l’insignifiance politique, ayant probablement épuisé sa fonction dans la politique italienne.</p>
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<img alt="Luigi Di Maio en discussion avec Mario Draghi" src="https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476563/original/file-20220728-26301-cwtzka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Luigi Di Maio, ministre des Affaires étrangères et ancien dirigeant du Mouvement 5 étoiles, qu’il a quitté le 20 juin 2022, en compagnie du premier ministre Mario Draghi, au Sénat, à Rome, le 20 juillet 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andreas Solaro/AFP</span></span>
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<p>Les <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/italie/l-extreme-droite-prete-a-profiter-de-la-crise-en-italie-849d9afa-09a0-11ed-89ff-d7b4632af60c">sondages</a> semblent annoncer la victoire de la coalition de centre droit, notamment parce que le système électoral italien (un système mixte proportionnel/majoritaire) tend à récompenser les grandes coalitions pré-électorales et parce que l’absence d’un accord PD-M5S affaiblit indiscutablement le front opposé.</p>
<p>Cependant, malgré l’avance dans les sondages dont jouit actuellement la coalition de droite, le résultat des élections et surtout des négociations post-électorales en vue de la formation d’un nouveau gouvernement doit encore être considéré comme ouvert. Beaucoup dépendra évidemment de la campagne et de la capacité des partis à mobiliser leur électorat (dans un contexte de baisse continue de la participation) et à imposer efficacement leurs thèmes de prédilection dans le débat. En outre, quatre facteurs doivent être examinés très attentivement.</p>
<h2>Le conflit latent au sein de la coalition de « centre droit »</h2>
<p>Depuis plus de trente ans maintenant, les différentes coalitions électorales de centre droit ont toujours été dominées et, dans un certain sens, construites par Silvio Berlusconi, à travers le rôle prépondérant de son parti personnel, Forza Italia.</p>
<p>Désormais, le rôle de Berlusconi, aujourd’hui âgé de 85 ans, est résiduel et Forza Italia est réduit à être le partenaire junior de la coalition, les <a href="https://www.politico.eu/europe-poll-of-polls/italy/">derniers sondages</a> lui augurant un score modeste.</p>
<p>Le « moteur » politique de la coalition est Giorgia Meloni, leader du parti d’extrême droite Frères d’Italie, qui a l’ambition déclarée de devenir première ministre. De son côté, Matteo Salvini a vu inexorablement décliner sa Ligue ces dernières années, en raison de son leadership souvent incertain et de la concurrence de Meloni.</p>
<p>En résumé, derrière l’apparente unité, se cache une lutte pour le leadership à couteaux tirés, qui peut précariser à long terme un futur exécutif de centre droit.</p>
<h2>L’hétérogénéité des programmes de la coalition de centre droit</h2>
<p>Rappelons que les trois partis qui composent la coalition appartiennent à trois partis différents au Parlement européen : le <a href="https://www.eppgroup.eu/fr">Parti populaire européen</a> pour Forza Italia ; le groupe <a href="https://fr.idgroup.eu/">Identité et Démocratie</a> pour la Ligue du Nord ; et le <a href="https://www.ecrgroup.eu/">Parti des conservateurs et réformistes européens</a> pour les Frères d’Italie. Ces trois formations ont en effet des positions souvent éloignées sur une variété de questions.</p>
<p>À titre d’exemple, la Ligue et les Frères d’Italie embrassent l’euroscepticisme de leurs alliés du Rassemblement national en France et du Fidesz de Viktor Orban en Hongrie, à l’opposé de Forza Italia qui se veut profondément pro-européenne. Sur la guerre en Ukraine, les Frères d’Italie adoptent la position hostile à la Russie et résolument pro-ukrainienne des alliés polonais du PiS, tandis que la Ligue, elle, défend une vision pro-russe similaire à celle du RN en France ou du Parti de la liberté (FPÖ) en Autriche.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/litalie-nouveau-laboratoire-de-l-orbanisation-de-leurope-96566">L’Italie, nouveau laboratoire de l’« orbanisation » de l’Europe</a>
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<p>Par conséquent, un éventuel succès électoral de cette alliance ne serait pas une garantie de stabilité gouvernementale à long terme.</p>
<h2>L’inconnue du score des partis libéraux centristes</h2>
<p>La principale difficulté de la galaxie libérale et centriste (« Azione » de Carlo Calenda, « Italia Viva » de l’ancien premier ministre Matteo Renzi, « Insieme per il futuro » de l’actuel ministre des Affaires étrangères et ancien dirigeant du M5S Luigi di Maio) tient actuellement au manque d’un leadership évident, et aux tensions personnelles entre les leaders des partis qui la composent.</p>
<p>Cette mouvance bénéficie de sa proximité idéologique avec le gouvernement Draghi, l’ancien premier ministre étant encore bien vu par bon nombre de ses compatriotes, comme le montrent les <a href="https://www.ilmessaggero.it/politica/sondaggi_politici_meloni_salvini_letta_draghi_ultimi_dati_risultati_cosa_e_successo_25_luglio_2022-6834113.html">récents sondages</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xoA1ZIrbCcY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Démission de Mario Draghi : les Italiens appelés à se rendre aux urnes le 25 septembre, France24, 22 juillet 2022.</span></figcaption>
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<p>Si ces partis parviennent à dépasser les querelles individuelles, ils peuvent espérer obtenir de bons résultats aux prochaines élections. Et en cas d’échec du centre droit, ils pourraient contribuer à la formation d’une coalition gouvernementale alternative et éventuellement ramener un technicien au Palazzo Chigi, siège du gouvernement.</p>
<h2>Quelle posture pour le Parti démocrate ?</h2>
<p>Le choix des thèmes de la campagne électorale du Parti démocrate sera décisif. Si le parti se contente d’insister sur le danger souverainiste voire fasciste que représenterait l’avènement de la droite, ses adversaires auront la voie libre pour imposer leurs propres thèmes à l’attention de l’opinion publique et des médias : lutte contre l’immigration, renforcement de la sécurité, baisse des impôts…</p>
<p>Si, au contraire, le PD parvient à élaborer et diffuser un message efficace avec des contenus riches sur des dossiers essentiels comme l’emploi et l’environnement, alors la compétition sera ouverte, et la gauche pour s’emparer de l’espace électoral occupé jusqu’ici par un M5S qui <a href="https://www.contrepoints.org/2022/07/16/435231-italie-la-fin-du-mouvement-cinq-etoiles">devrait s’effondrer au élections de septembre</a>.</p>
<p>Quant à « Libres et égaux », ce parti sera en alliance avec le PD et pourrait même, à terme, y être officiellement incorporé.</p>
<h2>Quel gouvernement, et pour combien de temps ?</h2>
<p>En conclusion, les élections de septembre sont loin d’être jouées d’avance. Mais gare aux illusions. La stabilité du gouvernement Draghi, perçue et appréciée surtout en dehors de l’Italie, était en réalité précaire, du fait de la fragilité structurelle de la politique italienne : faiblesse des partis, coalitions instables, système institutionnel rigide construit dans le but de rendre les gouvernements faibles, système électoral inefficace qui ne produit ni représentativité ni stabilité gouvernementale. Autant d’aspects qui sont peu susceptibles de changer dans un avenir proche, rendant ainsi les prochaines coalitions gouvernementales tout aussi instable que celle qui vient de chuter.</p>
<p>Dans le même temps, cette instabilité chronique italienne est limitée par les autres facteurs structurels (positionnement européen et atlantique, contraintes budgétaires, nécessité de mettre en œuvre le Next Generation EU), qui réduisent la marge de manœuvre de tout gouvernement, comme on l’a déjà vu par le passé avec la conclusion anticipée de l’expérience populiste Ligue-M5S de 2018-2019. Le résultat des urnes est donc incertain, et la durée de vie du gouvernement qui en sortira également…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187812/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luca Tomini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La grande coalition qui soutenait le gouvernement de Mario Draghi n’aura duré qu’un an et demi. Des législatives anticipées ont été fixées à septembre prochain. Leur issue semble très ouverte.Luca Tomini, Chercheur qualifié FNRS. Professeur en science politique (ULB), Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1863952022-07-18T18:46:13Z2022-07-18T18:46:13ZMarseille, laboratoire politique d’une France fracturée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/473640/original/file-20220712-32189-srsiny.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C33%2C2029%2C1499&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bateau de croisière devant la cathédrale de Marseille, 2016. La cité phocéenne, par ses contrastes et ses profondes inégalités synthétise assez bien les enjeux sociétaux et politiques en France.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/27602186573/in/album-72157645532343520/">Jeanne Menjoulet /Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les résultats des élections législatives ont confirmé la recomposition du paysage politique français à « trois têtes », la Nupes portée par LFI, le « centre droit » autour de l’alliance présidentielle et le RN fort de ses nouveaux élus à l’Assemblée nationale. Le premier tour des législatives a été particulièrement intéressant à observer à Marseille, alors même que les résultats n’étaient pas encore définis, au vu des campagnes politiques successives qui se sont déroulées dans la cité phocéenne. Marseille se donne en effet à voir comme un laboratoire de sociologie politique, exarcerbant les dynamiques en cours.</p>
<p>De façon quasi caricaturale, la cité a été coupée en trois entités que ce soit pour le 1<sup>er</sup> ou le second tour : le Nord et le Centre pour la Nupes ; l’Est pour le RN ; le Sud pour LREM. <a href="https://marsactu.fr/legislatives-2022-les-resultats-a-marseille-par-bureau-de-vote/">Une répartition politique</a> qui suit très exactement la sociologie du type d’habitants.</p>
<h2>Abstentions contrastées</h2>
<p>L’abstention dans les circonscriptions marseillaises <a href="https://www.resultats-elections.interieur.gouv.fr/legislatives-2022/013/index.html">a été forte</a> comme dans le reste de la France (environ 53 % d’abstention) ; mais c’est une participation électorale marquée par des contrastes très importants entre quartiers. Pour exemple, dans le centre, du côté de la Belle de Mai non loin de la Gare Saint-Charles, un des lieux les plus pauvres de France, le taux d’abstention atteint 72 %. À l’opposé dans le quartier bourgeois de la Flotte dans le 8<sup>e</sup> arrondissement l’abstention n’atteint que 45,82 %. Soit, plus de 26 points d’écart.</p>
<p>La Nouvelle union populaire ecologique et sociale (Nupes) s’inscrit aussi dans cette dynamique de contrastes. Forte d’un socle de <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/legislatives-2022/qui-vote-quoi-la-sociologie-de-lelectorat">vote populaire</a>, l’alliance séduit avant tout des quartiers à forte mixité culturelle et en proie à très grande pauvreté, voire extrême pauvreté, et par ailleurs des quartiers populaires en voie de gentrification ou déjà largement gentrifiés comme le 5<sup>e</sup> arrondissement.</p>
<p>Dans les quartiers populaires ayant connu diverses vagues d’immigrations depuis les années 60, tels les quartiers nord et certaines portions du centre, nous pouvons certainement parler, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2012/09/LEMOINE/48118">d’un vote identitaire sur fond de pauvreté</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/473178/original/file-20220708-7399-e2nyl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de la part des ménages à bas revenus, l’exemple de Marseille" src="https://images.theconversation.com/files/473178/original/file-20220708-7399-e2nyl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473178/original/file-20220708-7399-e2nyl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473178/original/file-20220708-7399-e2nyl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473178/original/file-20220708-7399-e2nyl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473178/original/file-20220708-7399-e2nyl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473178/original/file-20220708-7399-e2nyl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473178/original/file-20220708-7399-e2nyl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Part des ménages à bas revenus, l’exemple de Marseille. Le taux de pauvreté est de 25,1 % à Marseille. La pauvreté se concentre dans les arrondissements du nord et du centre de la ville : dans les 1ᵉʳ, 2ᵉ, 3ᵉ, 14ᵉ et 15ᵉ, les taux de pauvreté sont supérieurs à 39 %.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cartotheque.anct.gouv.fr/media/record/eyJpIjoiZGVmYXVsdCIsIm0iOm51bGwsImQiOjEsInIiOjM1MH0=/">CGNET/2016</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les habitants de ces quartiers ont aussi clairement perçu les propos du leader de la Nupes, Jean-Luc Mélenchon, autour du concept de <a href="http://www.slate.fr/story/216753/creolisation-concept-edouard-glissant-marotte-jean-luc-melenchon-france-insoumise">« créolisation »</a> ; concept proposé par Edouard Glissant, devenu mot étendard, terme fétiche pour le leader de la LFI lors de cette campagne.</p>
<p>Leader de la LFI et ancien député de Marseille, il est présent en 2019 à la marche contre l’islamophobie à l’appel du CCIF et du NPA à Paris ; il a fait entendre son travail pour lutter contre « la haine des musulmans » et à travaillé à un livret précis « Pour une politique migratoire, humaniste et réaliste » <a href="https://melenchon2022.fr/wp-content/uploads/2022/02/Livret_UP_06_MIGRATION_web-1.pdf">livret thématique</a> de l’Avenir en commun.</p>
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<p>Comme le montre la littérature académique et journalistique, la mixité culturelle de ces quartiers « nord » – sur fond de pauvreté, <a href="https://ancrages.org/dossiers-ressources/du-bidonville-a-la-cite/">joue plutôt en faveur</a> d’un vote LFI ou Nupes.</p>
<p>Ainsi, le bureau de vote de l’école Maternelle de Saint Joseph Serières dans le 15<sup>e</sup> arrondissement a porté Nupes à plus de 49 % au 1<sup>er</sup> tour. Une petite remarque cependant : dans ces quartiers où la précarité est forte, le RN arrive tout de suite en deuxième position ; et ce contrairement aux quartiers votant LFI mais qui sont en voie d’embourgeoisement.</p>
<h2>Gentrification : le second atout de la Nupes</h2>
<p>Les quartiers en voie de gentrification telle la 5<sup>e</sup> circonscription, portent aussi l’alliance Nupes en première position.</p>
<p>Il faut comprendre, que la sociologie électorale de LFI et de Nupes est moins populaire que celle du RN qui reste le <a href="http://www.slate.fr/story/209198/presidentielle-2022-vote-ouvrier-classe-ouvriere-communisme-pcf-extreme-droite-lepen">« premier parti ouvrier de France »</a>.</p>
<p>Les travaux du Cevipof <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/la-nupes-parti-du-peuple-vraiment-electorat-democratie-elections-legislatives-vote-citoyens-jeunes-ensemble-majorite-presidentielle-emmanuel-macron-jean-luc-melenchon-luc-rouban">repris par Luc Rouban</a> le montrent, la Nupes représente plutôt les classes moyennes, plutôt les diplômés : la proportion d’électeurs ayant au moins un bac plus 5 dans l’électorat de Jean Luc Mélenchon a l’élection présidentielle était de 16 % et de 19 % pour Yannick Jadot – contre 18 % dans l’électorat de Macron et seulement 6 % dans celui de Marine Le Pen.</p>
<p>Dans ces quartiers où la Nupes est en tête, on repère deux tendances : quand le quartier est gentrifié, c’est LREM qui arrive derrière la Nupes (4<sup>e</sup> et 5<sup>e</sup> circonscription), quand le quartier est nettement plus populaire, c’est le RN qui talonne la formation construite autour de J.L Melenchon.</p>
<h2>LE RN entre peur de l’avenir et immigration</h2>
<p>Le Rassemblement national synthétise peut-être ici les 2 FN <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-toulon_sous_le_front_national_entretiens_non_directifs_virginie_martin-">caractérisés</a></p>
<p> : celui du nord, ancré sur les questions sociales, celui du sud, construit autour des enjeux de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2019-2-page-223.htm">l’immigration</a>.</p>
<p>C’est à l’est qu’il sort en tête du premier tour. Dans certains bureaux de vote le RN monte jusqu’à presque 39 % (La Valbarelle) avec plus de 7 % du côté de Reconquête ! ou à plus de 36 avec un R ! à plus de 8 (groupe scolaire Château Saint-Cyr). Les deux partis d’extrême droite frôlent ainsi les 45 points.</p>
<p>Cette zone urbaine tend à avoir les caractéristiques du périurbain : située à la périphérie de la ville, proches des grands centres commerciaux, et des axes autoroutiers menant vers l’Est du département et vers le Var, on trouve dans ces secteurs, des maisons individuelles, ou des résidences dotées d’un foncier conséquent. Dans cette circonscription, la <a href="https://journals.openedition.org/enquete/903">mixité culturelle</a> est beaucoup moins forte que dans les quartiers nord.</p>
<p>Mais au final, si cette circonscription de l’est de Marseille échappe in fine de très peu au RN, ce dernier gagne une place coté nord-est face à la Nupes-LFI – 3<sup>e</sup> circonscription – au second tour. C’est au final cette circonscription plus populaire et appartenant déjà en partie aux quartiers nord que le RN a gagné.</p>
<p>D’ailleurs, dans cette circonscription, ce sont les bureaux de vote les moins peuplés de populations immigrées qui ont permis au RN de gagner ce siège.</p>
<h2>Un effet de halo</h2>
<p>Le vote RN s’effectue ici via un « effet de halo » <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/en/node/21651.html">largement documenté</a> par les sciences politiques. Cet effet a été repéré à partir de données d’enquête géolocalisées au niveau infra-communal. Il révèle l’augmentation significative et substantielle de la probabilité du vote Le Pen à distance des « épicentres » de population immigrée, indépendamment du contexte socio-économique et culturel, ainsi que des caractéristiques socio-démographiques des individus.</p>
<p>Des travaux qui éclairent les mécanismes qui lient les expériences subjectives de l’immigration au vote FN ; par exemple ce sont les individus qui vivent tout de suite à coté des quartiers à forte immigration qui vont le plus voter FN/RN, comme le montrent <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/en/node/21651.html">Gille Ivaldi et Jocelyn Evans</a>.</p>
<p>Dans ces circonscriptions – est et nord-est –, on retrouve certainement aussi ce que d’aucuns ont montré notamment autour des transformations du monde du travail – comme le montre ce travail un <a href="https://editions-croquant.org/sociopo/394-le-vote-fn-au-village.html">terrain favorable</a> – qui jouent un rôle prépondérant dans le vote RN. Il s’agit moins d’un déclassement, qu’un délitement des éléments liés à la valorisation du travail : quid de l’estime retirée lors du parcours professionnel, l’emploi décroché – si emploi il y a – sera-t-il à la hauteur des attentes voire des diplômes obtenus ? C’est tous ces questionnements qui créent au vote RN.</p>
<h2>LREM : un vote marseillais plus aisé</h2>
<p>Dans la cité phocéenne, LREM confirme l’attractivité électorale qu’elle a auprès des populations les <a href="https://www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/remi-lefebvre-style-programme-sociologie-macron-coche-desormais-toutes-les-cases-du-candidat-de-droite">plus incluses</a> dans la société, c’est une sociologie électorale que l’on connaît bien maintenant : des diplômés, souvent des retraités, ou, parmi les actifs, des cadres.</p>
<p>Le bureau de vote de la Flotte, donne quasiment 44 % au candidat LREM et n’offre à la candidate que LR 18,7 %. Au bureau de vote Prado Plages c’est plus de 40 % à LREM, presque 18 % à Reconquête ! la candidate LR n’arrive qu’à 15 %. Ce carré d’or où la bourgeoisie marseillaise est souvent enfermée dans des <a href="https://marsactu.fr/residences-fermees-dorier/">résidences dotés de voies privées</a> est globalement passé d’un vote de droite classique à un vote LREM. Ces bureaux de vote sont au sud de la ville et très proches de la mer.</p>
<p>Par ailleurs, dans ces lieux bourgeois du 8<sup>e</sup> arrondissement, on peut faire l’hypothèse que la réconciliation des droites chère à Zemmour séduit plutôt : les résultats du bureau de vote Prado Plage : Reconquête ! devancent LR avec 17,65 % ; LR est à 14,59 ; le RN à 10,8.</p>
<p>Bien sûr la circonscription est plus mixte que ces seuls micro bureau de vote, dans certains secteurs plus « bobo » la Nupes – vers les Goudes à l’extrême sud – peut atteindre de bons scores, mais ce secteur donne tout de même l’avantage à LREM.</p>
<h2>Un bon terrain d’observation</h2>
<p>Deuxième ville de France, la cité du sud-est est faite de suffisamment de contrastes et de mixités pour être un bon terrain d’observations des jeux politiques.</p>
<p>En effet, on y retrouve sur le même territoire de très grandes entreprises comme la la Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime (CMA-CGM), armateur de porte-conteneurs français dont le patron <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/la-fortune-du-patron-de-cma-cgm-est-elle-passee-de-6-a-36-milliards-comme-l-affirme-fabien-roussel_5210152.html">est l’une des plus grandes fortunes françaises</a>, mais aussi des grandes situations de précarité.</p>
<p>Marseille est à l’image d’une France dans tous ses aspects et tous ses contrastes : elle réunit en son sein un peu de la Seine-Saint-Denis, un peu des quartiers gentrifiés parisiens ou nantais, une bourgeoisie classique que l’on pourrait croiser à Bordeaux, mais aussi des centres universitaires ou économiques que l’on peut trouver dans le grand Paris ou le grand Lyon.</p>
<p>Les votes retracent ces contrastes, ils nous racontent une ville dans ces diverses composantes et in fine en disent long sur la France qui vote. La cité phocéenne finit par être une sorte de laboratoire en miniature de la France et de ce à quoi ressemble l’Assemblée nationale aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186395/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment la cité phocéenne offre une réflexion sur le paysage politique de la France et de l’Assemblée nationale aujourd’hui.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1857912022-07-07T18:11:51Z2022-07-07T18:11:51ZLa nouvelle Assemblée nationale française va-t-elle devenir une caisse de résonance pour les voix pro-russes ?<p>La forte diversité des opinions représentées à la nouvelle Assemblée parlementaire française – et avec elle la multiplicité des partis présents dans l’hémicycle – est un bon signe pour le renouvellement de la démocratie, même si elle comporte également des risques étant donné la présence de forces d’extrême droite.</p>
<p>L’hémicycle va se transformer en champ de bataille sur des enjeux de politique intérieure, principalement les questions sociales liées aux retraites, salaires et pouvoir d’achat.</p>
<p>Mais on ne saurait oublier les questions de politique étrangère : en effet, entre le Rassemblement national (RN) et La France Insoumise (LFI), l’Assemblée pourrait s’ouvrir à des voix bien plus favorables à la Russie que ce que l’Élysée et l’administration macronienne prônent. La décision française de continuer un dialogue <em>a minima</em> avec Moscou est critiquée par certains partenaires européens bien plus virulents dans leur dénonciation de la Russie, comme la <a href="https://www.aa.com.tr/en/politics/nobody-negotiated-with-hitler-poland-rebukes-frances-macron-for-talks-with-putin/2555754">Pologne</a> ou la <a href="https://www.mirror.co.uk/news/politics/liz-truss-warns-west-against-27071437">Grande-Bretagne</a>. Cependant, elle reste modérée et en accord avec le <a href="https://www.lemonde.fr/en/international/article/2022/05/20/the-franco-german-tandem-s-struggle-over-war-in-ukraine-raises-questions-for-eu-foreign-policy_5984115_4.html">consensus ouest-européen global</a> en comparaison de certaines voix qui vont dorénavant émerger de l’hémicycle.</p>
<h2>Une gauche divisée sur la question russe</h2>
<p>À gauche, les opinions sont divisées. La coalition Nupes pourrait rapidement se trouver en difficulté sur son positionnement envers Moscou et la guerre en Ukraine. En effet, les écologistes et les socialistes sont bien plus négatifs sur la Russie que ne l’est LFI et en particulier son leader Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci a, à plusieurs reprises, <a href="https://www.marianne.net/politique/jean-luc-melenchon-ce-qu-il-vraiment-dit-sur-la-russie-poutine-et-la-syrie">critiqué</a> la politique de sanctions mise en place depuis 2014 contre la Russie et incriminé l’OTAN, qu’il considère comme l’agresseur dans la guerre russo-ukrainienne actuelle, tout en soutenant l’Ukraine dans son droit à défendre sa souveraineté.</p>
<p>La supposée « russophilie » de certains des dirigeants de LFI est en réalité très circonscrite et ponctuelle : elle est dictée par la volonté de prendre ses distances envers les États-Unis, l’OTAN et le poids des complexes militaro-industriels sur la politique étrangère. Cependant, LFI, y compris son leader, se trouvent en désaccord avec Moscou sur les questions relatives aux valeurs de société : le positionnement de Moscou comme héraut des valeurs conservatrices chrétiennes, sa politisation de l’homophobie et son antimulticulturalisme contredisent directement LFI sur la question du <a href="https://laec.fr/section/5/une-republique-laique?q=la%C3%AFcit%C3%A9">sécularisme</a>, de la défense des <a href="https://laec.fr/section/56/une-nouvelle-etape-des-libertes-et-de-lemancipation-individuelle?q=LGBTI">droits des homosexuels</a> et de la célébration de la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/notre-peuple-s-est-creolise-5-questions-autour-de-ce-concept-repris-par-jean-luc-melenchon-3633660">« créolisation »</a> de la France.</p>
<h2>À droite, une russophilie nuancée par la guerre, mais bien présente</h2>
<p>Chez Les Républicains, les voix pro-russes qui s’étaient fait entendre autour de François Fillon en 2017 se sont mises en sourdine avec la guerre. Vingt-quatre députés LR sur les 62 de leur nouveau groupe sont membres du <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/instances/tableau/OMC_PO733412/2022-06-21">groupe d’amitié France-Russie</a>, dont plusieurs avec des positions plutôt favorables à Moscou. Certains ont par exemple <a href="https://www.europe1.fr/politique/russie-pecresse-devrait-balayer-dans-son-propre-camp-juge-un-depute-allie-de-la-majorite-4096336">participé</a> à des délégations parlementaires en Russie ou en Crimée (Eric Ciotti, Olivier Marleix, <a href="https://www.lepoint.fr/politique/une-elue-les-republicains-du-jura-poursuivie-par-la-justice-ukrainienne-02-10-2015-1970247_20.php">Marie-Christine Dalloz</a>). Si les LR divergent sur la question de leur orientation géopolitique (Eric Ciotti était pour sortir du commandement intégré de l’OTAN, Valérie Pécresse était bien plus atlantiste), ils partagent largement le discours russe sur les <a href="https://www.cnews.fr/france/2021-12-23/presidentielle-2022-valerie-pecresse-defend-les-racines-chretiennes-de-leurope">valeurs chrétiennes</a>.</p>
<p>À l’extrême droite également, les voix prorusses se sont tassées depuis l’invasion de l’Ukraine : le RN a voté les sanctions contre la Russie mais propose de ne pas en ajouter de nouvelles, souhaite limiter le soutien militaire à l’Ukraine, quitter le commandement intégré de l’OTAN, et dès que la paix est possible entre Moscou et Kiev, relancer un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MX59QEqsVDk">« rapprochement stratégique entre l’OTAN et la Russie »</a>. Les convergences idéologiques et d’intérêts avec Moscou existent toujours et pourraient réapparaître progressivement une fois la vague d’émotions pro-ukrainiennes passée.</p>
<p>En effet, depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les députés européens RN ont <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/04/20/quels-sont-les-liens-de-marine-le-pen-avec-la-russie-de-vladimir-poutine_6122903_4355770.html">défendu</a> le régime russe en votant presque systématiquement contre les résolutions du Parlement européen condamnant les violations du droit international par Moscou.</p>
<p>Idéologiquement, rien ne vient freiner le soutien à la Russie : l’alliance géopolitique (anti-atlanticisme, critique de l’OTAN) se trouve démultipliée par l’alliance de valeurs (l’héritage chrétien de l’Europe, la défense de la famille hétérosexuelle, une politique antimigratoire, etc.).</p>
<p>À cela s’ajoute des liens personnels d’amitié : la famille Le Pen est très bien <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/pas-de-region-pour-la-famille-le-pen-grande-amie-de-la-russie-de-poutine_3066301.html">connectée</a> à la droite russe depuis les années 1960 et toutes les générations sont concernées, de Jean-Marie à Marion Maréchal via Marine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/entre-le-rassemblement-national-et-la-russie-une-longue-lune-de-miel-181633">Entre le Rassemblement national et la Russie, une longue lune de miel</a>
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<h2>Relations de dépendance</h2>
<p>Il existe également des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/04/20/quels-sont-les-liens-de-marine-le-pen-avec-la-russie-de-vladimir-poutine_6122903_4355770.html">relations de dépendance</a>, principalement financières : le RN doit encore rembourser le prêt russe pour les élections de 2017, ce qu’il pourra dorénavant faire étant donné les sommes qui vont lui être versés par l’État, proportionnelles à ses résultats. Les contacts d’affaires sont tout aussi importants : de nombreuses figures proches des Le Pen ou membres du RN mènent des <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/largent-russe-du-rassemblement-national">activités commerciales ou de conseil en Russie</a>. Ces liens d’amitiés et d’affaires laissent présager une position politique plus favorable à la Russie, en particulier sur la question sensible de la levée des sanctions.</p>
<p>Certains députés RN comme <a href="https://desk-russie.eu/2021/05/12/voyage-organise-en-crimee.html">Hélène Laporte</a>, la nouvelle vice-présidente de l’Assemblée, <a href="https://desk-russie.eu/2021/10/08/de-faux-observateurs-inernationaux.html">Frédéric Boccaletti</a>, Julie Lechanteux, ou encore <a href="https://www.liberation.fr/politique/thierry-mariani-tres-amical-observateur-des-elections-a-letranger-20210702_TWBQAKXZJVBR5BXOI4UH462BWM/">Bruno Bilde</a>, ont été invités en Russie pour observer des élections ou le référendum de 2020, et plusieurs sont membres des groupes de collaboration France-Russie (Alexandra Masson au Bureau du business club France-Russie, Nicolas Meizonnet au groupe d’amitié France-Russie à l’Assemblée).</p>
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<h2>Quel impact réel sur la prise de décision ?</h2>
<p>Quelles seront les conséquences pour l’Assemblée nationale ? On peut bien évidemment s’attendre à des discours plus nuancés sur la Russie au sein de l’hémicycle dans les mois à venir, d’autant plus que le conflit s’installe dans la durée. Mais quelles répercussions en termes de décision politique ? La politique étrangère reste le domaine réservé du président. Au quotidien, les choix sont faits par les conseillers de l’Élysée, le cabinet du ministre des Affaires étrangères, le Quai d’Orsay.</p>
<p>À défaut d’influencer directement la politique étrangère française au plus haut niveau, certaines des nouvelles voix pro-russes de l’Assemblée vont se recentrer sur les institutions clés que sont la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée et celle de la Défense, les groupes parlementaires et autres structures d’amitié francorusses, et la diplomatie parlementaire.</p>
<p>On risque ainsi de voir émerger des dissonances sur les questions russes entre l’Élysée et le Palais Bourbon, dans un style similaire (avec des rôles renversés) aux <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13569775.2019.1617655">disparités</a> de l’administration américaine et de la Maison Blanche durant la présidence de Donald Trump.</p>
<p>Le nouveau visage de l’Assemblée représente le choix légitime des Françaises et des Français. En outre, la plupart des entreprises du CAC40 souhaite retourner sur le marché russe dès qu’elles auront une meilleure visibilité de la situation politique et du climat d’investissements. La présidence Macron va donc devoir trouver un difficile équilibre entre de multiples voix demandant à revisiter les sanctions contre Moscou et rétablir le dialogue avec le Kremlin et le maintien du cap décidé à l’Élysée et à Bruxelles d’un soutien politique et militaire à Kiev inscrit dans la longue durée.</p>
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<p><em>Périne Schir effectue <a href="http://www.theses.fr/s300079">sa thèse</a> sous la direction d’Emmanuel Faye (Université de Rouen) et Marlene Laruelle (George Washington University).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185791/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’Assemblée nationale pourrait s’ouvrir à des voix bien plus favorables à la Russie que ce que l’Élysée et l’administration macronienne prônent.Marlene Laruelle, Research Professor and Director at the Institute for European, Russian and Eurasian Studies (IERES), George Washington UniversityPérine Schir, Research fellow at the Illiberalism Studies Program, the George Washington University ; PhD student in political philosophy, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1852582022-06-28T17:04:13Z2022-06-28T17:04:13ZManifestations, grèves : vers un troisième tour social ?<p>Déjà les thèmes sociaux mobilisent les organisations syndicales inquiètes de la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/22/on-ne-peut-pas-se-permettre-de-tomber-dans-l-immobilisme-syndicats-et-responsables-patronaux-craignent-une-paralysie-politique_6131527_823448.html">possible paralysie</a> de la vie politique. De nombreux <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/greve-a-la-sncf/sncf-un-appel-a-la-greve-nationale-le-6-juillet-lance-par-les-syndicats-pour-demander-une-augmentation-generale-des-salaires_5218339.html">appels à la grève dans certains secteurs, comme les transports</a> ou la radio-télévision publique viennent alimenter l’effervescence actuelle. <a href="https://sudrail.fr/Le-3e-tour-social-a-commence">Un troisième « tour » social</a> s’annonce-t-il ?</p>
<p>Les traditionnelles manifestations du 1<sup>er</sup> mai auraient dû s’en faire l’écho. Cependant, au lendemain de la ré-élection d’Emmanuel Macron, cette journée symbolique de revendications n’a pas mobilisé beaucoup plus qu’en 2021 (respectivement 117 000 manifestants contre 105 000) et même moins qu’en 2019 (166 000 manifestants selon le comptage du ministère de l’Intérieur) dans un pays qui compte pourtant <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6210302">25,9 millions de salariés</a>.</p>
<p>La période 2020-2022 a certes vu les syndicats afficher leur opposition à toute nouvelle réforme des retraites, malgré de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/05/18/retraites-les-syndicats-n-arrivent-pas-a-s-entendre-sur-un-discours-commun_6126637_823448.html">profonds désaccords</a> entre eux sur le sujet. Les congrès récents de syndicats comme Force ouvrière et la CFDT ont d’ailleurs illustré les difficultés de parvenir à une vision et action communes.</p>
<p>Pour la première, la réforme des retraites est bien « la mère des batailles » <a href="https://www.force-ouvriere.fr/reforme-des-retraites-les-delegues-fo-appellent-a-bloquer-la">à venir</a>. A la CFDT, les congressistes ont même verrouillé strictement les possibilités de <a href="https://www.cfdt.fr/portail/actualites/congres-confederal-2022/les-interventions/les-interventions-sur-la-resolution-generale-srv1_1239328">négocier sur le sujet (débat 9)</a>.</p>
<p>Faut-il en conclure qu’il y aura un automne chaud ? Certes l’impasse politique actuelle – du fait de l’absence de majorité parlementaire – hypothèque cette réforme. Mais bien d’autres questions – la hausse des prix, les salaires, le pouvoir d’achat, une relation au travail transformée par l’épidémie de covid… – pourraient conduire à ce « tour social »… et la rue tenter à sa manière de débloquer la crise politique.</p>
<h2>Une revue des forces syndicales</h2>
<p>En fait, envisager une telle séquence implique de s’interroger sur l’état des forces syndicales. Les nombreux changements intervenus depuis la crise du Covid-19 ont-ils relancé la syndicalisation des salariés <a href="https://www.researchgate.net/publication/278778978">après 40 ans de déclin ?</a>. La crise – les crises car il y a eu aussi celle des « gilets jaunes » – a-t-elle permis aux organisations syndicales de renouer avec les salariés ?</p>
<p>Les données officielles (2019) montrent que seuls 10,1 % des salariés (en métropole) <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/la-syndicalisation">adhèrent à un syndicat</a>. Soit, officiellement, un recul d’un point depuis 2013. Mais nous avons montré que ces taux étaient surestimés, la réalité de la syndicalisation étant proche de 7 %, soit <a href="https://theconversation.com/la-fin-du-syndicalisme-vivant-106759">l’une des plus faible des pays de l’OCDE</a>. Faute d’une mesure sincère et transparente des effectifs syndiqués, nous avons recueilli quelques témoignages qui évoquent la poursuite, voire une nouvelle accentuation, du recul des effectifs syndiqués.</p>
<p>Des équipes de FO parlent d’une perte de 15 % de leurs effectifs, conséquence du télétravail qui a accusé la distance entre salariés et représentants syndicaux. Les récents congrès confédéraux – de FO et de la CFDT – confirment une telle évolution.</p>
<p>Yves Veyrier, secrétaire général sortant de FO, évoquait en mai dernier 400 000 adhérents pour son organisation <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/05/29/yves-veyrier-force-ouvriere-l-urgence-est-d-empecher-la-reforme-des-retraites_6128096_823448.html">(ses prédécesseurs en déclaraient 100 000 de plus)</a>. Du rapport d’activité de la CFDT publié pour son congrès de juin 2022, on déduit que la confédération a perdu 3 % de ses cotisations lors des <a href="https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2022-05/rapport_activite_commission_suivi_chartes_2022.pdf">cinq dernières années</a>.</p>
<p>Nous indiquons aussi, dans <a href="https://www.pug.fr/produit/1926/9782706151279/anatomie-du-syndicalisme"><em>Anatomie du syndicalisme</em></a> que ces chiffres ne correspondent pas toujours à des adhérents en chair et en os mais à des adhérents comptables dépendant de mécanismes complexes de répartition des ressources en interne. Cela conduit à une surestimation des effectifs réels par les organisations respectives. La réalité humaine de la syndicalisation continue donc à se réduire.</p>
<h2>Déserts syndicaux</h2>
<p>On observe de véritables <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/syndicats/travail-en-france-certains-secteurs-sont-des-deserts-syndicaux-indique-bernard-vivier_5109385.html">déserts syndicaux</a> dans la plupart des secteurs économiques – l’essentiel du secteur privé est désormais concerné hors les plus grandes entreprises – et a pour conséquence logique un déclin de la participation <a href="https://theconversation.com/les-elections-professionnelles-autre-visage-de-la-societe-abstentionniste-163907">aux élections professionnelles</a></p>
<p>Certes, celle-ci peut résister dans certaines entreprises ou administrations mais la tendance générale est à la progression de l’abstention. Cela est d’autant plus grave que la représentativité syndicale a été reconstruite – depuis la <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2014-2-page-33.htm">loi de 2008</a> « portant rénovation de la démocratie sociale » – sur les résultats des élections professionnelles.</p>
<p>Mais que vaut cette représentation lorsque moins d’un salarié sur deux s’exprime, comme c’est le cas dans la <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/stats-rapides/resultats_electionsFP_20_dec_2018.pdf">fonction publique</a>, voire un salarié sur vingt comme lors des élections concernant les <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/pv_cnov_national.pdf">très petites entreprises</a> ?</p>
<p>En mai 2022, les élections qui intéressaient les employés des plates-formes, soit quelque 123 000 salariés concernés, ont vu un taux de participation de 3,9 % pour le premier collège de votant, les chauffeurs et celui du second, les livreurs, à 1,8 %. Manifestement, ces chiffres montrent la difficulté de la rencontre entre la (nouvelle) économie « ubérisée » et le syndicalisme classique.</p>
<p>Ces résultats nationaux sont très problématiques car s’ils ont été publiés <a href="https://www.lefigaro.fr/social/travailleurs-des-plateformes-le-scrutin-est-clos-participation-tres-faible-des-livreurs-et-vtc-20220516">par la presse</a>, il n’est malheureusement toujours pas possible – à l’heure où ces lignes sont écrites – d’accéder au procès-verbal complet de l’élection. Et ce, malgré toute la communication gouvernementale lors de leur lancement, sans compter les syndicats qui se félicitaient du nouveau « mécanisme de représentation et de dialogue social » qui avait <a href="https://rapportsdeforce.fr/breves/elections-des-travailleurs-des-plateformes-une-abstention-massive-pour-un-scrutin-hors-sol-051613727">mis en place</a>.</p>
<p>Moins de syndiqués, moins d’électeurs augurent d’un « tour social » pour le moins difficile, sinon fictif et interrogent sur un désengagement collectif massif et qui nourrit aussi <a href="https://theconversation.com/les-elections-professionnelles-autre-visage-de-la-societe-abstentionniste-163907">l’abstention aux élections politiques</a>.</p>
<p>Déjà début 2020, après des succès importants, le mouvement social contre la réforme des retraites s’était effiloché, comme l’avait montré des manifestants moins nombreux lors des journées d’action à l’appel des syndicats. Et, finalement, celle-ci avait de fortes chances d’être adoptée par le parlement – en mars 2020 – lorsqu’un virus s’est invité dans l’histoire, suspendant la réforme…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-travail-ultime-lieu-de-fabrique-de-la-politique-et-de-labstention-178668">Le travail, ultime lieu de fabrique de la politique (et de l’abstention) ?</a>
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<h2>Réinvestir les lieux de travail ?</h2>
<p>En fait, au lieu de chercher la pierre philosophale du dialogue social ou de la représentation, de se réinventer en « corps intermédiaire » pour participer à la fabrique des politiques publiques, de promouvoir des « recompositions » qui n’aboutissent jamais, les syndicats ne devraient-ils pas réinvestir les lieux de travail – entreprises et administrations –, contribuer d’abord à la socialisation, redevenir des forces sociales capables d’entendre, d’organiser et de mobiliser les salariés ? Et agir ainsi aux antipodes de l’ingénierie sociale ou d’une communication syndicale trop générale – voire politique – qui prédomine.</p>
<p>L’irruption de la notion de « corps intermédiaire » dans le débat public est emblématique de cette situation et tend à souligner certaines impasses dans lequel le syndicalisme contemporain s’est enfermé.</p>
<p>Celui-ci semble beaucoup reprocher au pouvoir de le négliger en tant que « corps intermédiaire ». Et pour contrecarrer la critique, ce dernier a proposé récemment de créer un conseil national de refondation – encore mystérieux et au devenir incertain – qui redonnerait toute sa place à ce « corps » face aux « grands défis auxquels la [France doit] répondre » comme <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/entre-les-lignes/le-conseil-national-de-la-refondation-un-nouveau-machin_5159470.html">l’a proposé</a> le président de la République.</p>
<p>Pourtant, les lieux ne manquent pas dans lesquels ce « corps » s’exprime déjà : multiples commissions départementales ou régionales, conseils économiques, sociaux et environnementaux, sans parler de rencontres institutionnalisées à tous les niveaux de la négociation collective, mais aussi chez le préfet, le ministre, jusqu’au président de la République. Ainsi, un nouveau « pouvoir syndical » est mis en scène… quand les salariés regardent ailleurs ou préfèrent parfois d’autres formes d’action collective.</p>
<h2>Quelle place à venir ?</h2>
<p>Selon cette logique, les « gilets jaunes » seraient la conséquence d’un « exercice du pouvoir trop vertical » qui aurait affaibli les corps intermédiaires explique la CFDT dans son rapport d’activité lors de <a href="https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2022-02/rapport-activite-congres-lyon-20220214-interactif.pdf">son congrès de juin 2022</a>. Au passage, la CFDT se reconnaît pleinement dans cette notion de « corps » et entend participer pleinement au « policy making » et, en quelque sorte trouver ou retrouver toute sa place auprès des politiques.</p>
<p>Cela passerait aussi par un « travail d’influence auprès des parlementaires » (selon ce même rapport), qui impliquerait notamment « la rédaction d’amendements aux projets et propositions de loi ».</p>
<p>Au contraire, FO rejette cette approche d’après son secrétaire général lors du congrès de son organisation le 30 mai dernier, quelques jours avant celui de la CFDT :</p>
<blockquote>
<p>« Nous ne sommes pas un corps intermédiaire… car nous ne sommes pas étrangers ou extérieurs à la classe ouvrière [mais une] organisation de la classe ouvrière. »</p>
</blockquote>
<p>Ce <a href="https://www.force-ouvriere.fr/je-suis-tres-fiere-que-le-congres-se-passe-chez-nous-15924">discours</a> traduit une vision plus sociologique qui n’exclut pas, en pratique, un syndicalisme de professionnels de la représentation, comparable à celui de la CFDT.</p>
<p>Cette opposition, qui échappe à bien des observateurs, pose les défis auxquels est confronté le syndicalisme contemporain. Soit poursuivre dans une voie technologique ou politique, affinant et normant des mécanismes de représentation ou de dialogue auxquels les salariés sont de plus en indifférents. Soit renouer, sans nostalgie, avec des modes d’expression innervant le monde du travail et lui rendant toute sa place.</p>
<p>N’est-ce pas ce que préconisait une <a href="https://www.etui.org/sites/default/files/19%20Bleak%20prospects%20Kurt%20Vandaele%20Web%20version.pdf">étude de la Confédération européenne des syndicats</a>, en 2019, face aux « sombres perspectives » de la dé-syndicalisation ?</p>
<p>Si les syndicats doivent innover, il leur faut aussi redécouvrir les <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/44553">stratégies anciennes</a> qui ont fait leur réussite : la présence sur les lieux de travail, l’écoute des salariés, les services aux adhérents, le refus du « partenariat » avec les employeurs et l’État. La crise politique rend plus nécessaire encore ce nouvel enracinement pour refaire société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185258/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Andolfatto a reçu des financements du réseau national des MSH (maisons des sciences de l'homme) pour piloter actuellement un projet intitulé Citoyenneté(s) politique, sociale, sanitaire et numérique face au covid-19. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Labbé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les thèmes sociaux polarisent le débat : les syndicats sauront-ils s’en saisir dans les semaines et mois à venir ?Dominique Andolfatto, Professeur des Universités en science politique, Université de Bourgogne – UBFCDominique Labbé, Docteur d'Etat en science politique et maître de conférences retraité, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855712022-06-27T16:06:11Z2022-06-27T16:06:11ZLFI : du pari à la mutation ?<p>L’épisode d’effervescence politique que connaît actuellement la France et ses trois principales forces politiques – le centre-droit incarné par Emmanuel Macron et ses alliés, le Rassemblement national (RN) et l’alliance de gauche autour de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) – <a href="https://theconversation.com/legislatives-lelection-de-la-rupture-184949">interroge</a> non seulement les modalités de la participation politique, à l’aune d’une abstention toujours plus importante, mais aussi la position qu’occupent ces trois forces.</p>
<p>Le RN, fort de ses 89 députés, peut désormais compter sur une assise solide au parlement. Emmanuel Macron et ses soutiens tirent les leçons du revers législatif. Le chef de l’État espère plusieurs compromis : partisans mais peut-être aussi programmatiques et institutionnels, afin d’assurer une continuité gouvernementale. Enfin, au cœur de la Nupes, La France Insoumise, LFI, détermine sa stratégie pour les semaines à venir.</p>
<p>Or beaucoup s’interrogent : son leader, Jean-Luc Mélenchon, peut-il garder une forme de mainmise sur la vie parlementaire en n’étant plus lui-même député ?</p>
<p>Après les résultats, le leader de 73 ans a très vite appelé ses alliés de la Nupes à poursuivre l’alliance électorale et programmatique sous la forme d’une vraie force politique au sein d’un seul groupe parlementaire. <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/nupes/legislatives-2022-en-coulisses-la-proposition-de-jean-luc-melenchon-sur-le-groupe-unique-de-la-nupes-fait-grincer-des-dents_5211877.html">Proposition qui a été immédiatement rejetée</a> par les principaux intéressés, désireux et capables de s’émanciper des stratégies du leader des Insoumis. En effet, grâce à cette alliance, les partis obtiennent le <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/nupes/legislatives-ps-eelv-lfi-pcf-combien-de-sieges-remportent-les-differents-partis-de-la-nupes-845665f8-f074-11ec-8647-9c04f7b41067">découpage suivant</a> : 72 sièges pour LFI, 24 pour le Parti socialiste (PS), 12 pour le Parti communiste français (PCF) et 23 pour Europe-Ecologie Les Verts (EELV).</p>
<p>Au sein de LFI en revanche, s’affranchir de la ligne directement portée par Jean-Luc Mélenchon demeure plus complexe. Le mouvement créé en 2016 – et non parti, terme que le fondateur et les militants récusent – est principalement incarné par l’ancien sénateur de l’Essonne.</p>
<p>C’est lui encore qui a formé une génération de jeunes trentenaires, souvent issus de sa formation précédente, le Parti de Gauche. Ainsi, en témoignent les parcours de Mathilde Panot, Adrien Quatennens, Manuel Bompard, Ugo Bernalicis, députés dont le capital politique se fonde sur celui de leur mentor.</p>
<p>Dans ce contexte, difficile d’imaginer que ses lieutenants se désolidarisent de ce qui a fait le noyau dur de LFI, <a href="https://theconversation.com/france-insoumise-un-cesar-a-la-tete-dun-mouvement-anarchique-169482">rassemblé autour de son chef</a>.</p>
<h2>Plus de courants qu’il n’y paraît</h2>
<p>En revanche il convient d’analyser les autres tendances au cœur de LFI qui ont été déterminantes dans la création et le projet d’union de la gauche. Le mouvement n’est pas, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_populisme_de_gauche-9782348054921">selon nos recherches</a>, un bloc monolithique. S’il existe un courant « mélenchoniste » il existe aussi un courant « ruffiniste » autour du militant François Ruffin et son réseau issu <a href="https://www.cairn.info/revue-mots-2020-2-page-103.htm">notamment du média Fakir</a>.</p>
<p>Des divergences existent. Par exemple, au sujet du concept de France périphérique de <a href="https://www.liberation.fr/politique/francois-ruffin-jusquici-nous-ne-parvenons-pas-a-muer-en-espoir-la-colere-des-faches-pas-fachos-20220413_5SLOQ2OMTVDYPG3IPAM5OTXGTA/">Christophe Guilly</a>, expression utilisée par François Ruffin, mais récusée par le chef de file des Insoumis.</p>
<p>Concernant l’Union européenne ensuite. Ainsi, François Ruffin revendique ses <a href="https://lvsl.fr/francois-ruffin-il-y-a-deux-invisibles-les-oublies-en-bas-et-les-ultra-riches-en-haut/">« pulsions protectionnistes »</a> quand Mélenchon a tergiversé en abandonnant progressivement la <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/120419/la-france-insoumise-et-le-plan-b-quatre-annees-d-ambiguite">stratégie dite du plan B</a> qui envisageait une possible sortie de l’UE.</p>
<p>Rappelons par ailleurs qu’aux élections législatives de juin 2017, François Ruffin fut le seul député français élu avec le soutien de l’ensemble des partis politiques de gauche. Il préfigurait, avec cinq années d’avance, la future Nupes.</p>
<p>Une autre tendance apparaît aussi autour de Clémentine Autain. C’est elle qui dès juin 2019 avait appelé à un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/29/clementine-autain-reunit-son-big-bang-pour-regenerer-la-gauche_5483116_823448.html">« big bang de la gauche »</a>. Jean-Luc Mélenchon rejetait à l’époque cette option stratégique avant d’admettre, après la présidentielle de 2022, le projet de la Nupes comme seule issue possible pour imposer les forces de gauche sur l’échiquier politique.</p>
<p>La Nupes est donc aussi bien une victoire pour Ruffin et Autain que pour Mélenchon.</p>
<p>Or rien ne garantit aujourd’hui, à l’issu des législatives, que ces trois tendances ne vont pas effriter peu à peu le ciment sur lequel elles reposent.</p>
<h2>Sous un vernis consensuel, une culture de la verticalité</h2>
<p>Autain comme Ruffin, et bien sûr Mélenchon, ont réussi à agréger et consolider un solide réseau militant. Et, comme je le montre dans <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_populisme_de_gauche-9782348054921">mes enquêtes de terrain</a> pendant trois ans au sein de LFI, s’il existe parfois une forme d’admiration chez les plus jeunes pour le leader, les relations entre les cadres et les militants demeurent assez souples.</p>
<p>Il n’existe pas, par exemple, de mainmise hiérarchique, d’intermédiaires tout puissants, comme peuvent parfois l’affirmer d’anciens courtisans qui dépeignent désormais la France insoumise en mouvement <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/politique/pourquoi-le-fonctionnement-de-la-france-insoumise-est-anti-democratique-20220503">« dictatorial »</a>. Certes la culture autour de l’homme providentiel, le leader puissant existe, mais elle assez banale dans la <a href="https://www.cairn.info/l-ego-politique--9782200283100.htm">culture politique de la Vᵉ Rép</a> et la médiatisation des <a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-1-la-jouer-people-167197">personnalités politiques</a> comme le montre d’ailleurs <a href="https://editions.flammarion.com/le-retour-du-prince/9782081481473">Vincent Martigny</a>.</p>
<p>En revanche, il est intéressant d’analyser la façon dont LFI structure ces réseaux et pense le mouvement. La base militante bénéficie d’une grande autonomie, la charte du mouvement promet une forte horizontalité, plus de démocratie, de consensus. Cependant, on observe que les moyens financiers et matériels mis en œuvre pour parvenir à cette promesse font défaut. Dans les faits, les décisions sont prises de façon verticale et le mouvement fonctionne de manière assez rigide.</p>
<p>Ainsi, la stratégie LFI a été de faire de la présidentielle un enjeu politique principal au détriment d’autres formes de militantisme. De la même façon, les militants n’ont pas accès aux grandes décisions stratégiques, et ont une faible marge de manœuvre sur les décisions programmatiques. Il n’existe pas de système de vote sur les programmes ou les investitures contrairement au PS par exemple, au PC et à EELV : Mélenchon décide seul avec sa garde rapprochée.</p>
<h2>Un turn-over important</h2>
<p>Ce fonctionnement suscite un turn-over important dans le mouvement. Le départ de Charlotte Girard, responsable du programme durant la campagne présidentielle de 2017, en constitue l’exemple le plus éloquent. Il n’existe pas de fidélisation des militants LFI hormis ceux qui ont eu accès à des postes d’assistants parlementaires par exemple lors du premier quinquennat, soit quelques dizaines de personnes sur un mouvement comptant une base militante de plusieurs milliers. Dès la fin de l’année 2017, 9/10<sup>e</sup> des personnes ont quitté le mouvement, même si elles ont pu poursuivre leur engagement politique ailleurs : associations pour le climat, bénévolat, syndicalisme. Rappelons aussi que le fait d’adhérer à LFI (gratuitement et en quelques clics sur Internet) n’engage aucunement à s’investir au sein d’un <a href="https://lafranceinsoumise.fr/groupes-action/carte-groupes/">groupe d’action</a>. Autrement dit, le nombre de militants est largement inférieur au nombre de membres.</p>
<p>Ce mode de gouvernance au sein de LFI peut être déstabilisant pour les alliés de la Nupes qui ont un tout autre fonctionnement. La gauche dans sa globalité s’est réorganisée et a, d’une manière inédite au XX<sup>e</sup> siècle, fait union autour de la plus radicale des formations politiques de gauche. Ces militants doivent désormais apprendre à collaborer ensemble : en dépit des hypothèses émises par certaine, une désunion semble, à court terme, difficilement envisageable. L’union a été plébiscitée <a href="https://www.liberation.fr/politique/elections/sondage-viavoice-la-nupes-une-alliance-des-gauches-et-des-verts-desiree-mais-desequilibree-20220511_U5FXPUPXIRD75FYHEQJUNZHZKI/">par une part importante</a> des sympathisants de gauche, et si la victoire n’a pas été complète, notamment pour Jean-Luc Mélenchon, le fossé qui sépare la Nupes et la Macronie demeure plus important que les tensions entre les formations de gauche.</p>
<h2>Une délicate culture du compromis</h2>
<p>Reste à imaginer comment LFI parviendra à s’imposer dans l’arène politique sur le temps long. Le manque de pluralisme et la verticalité imposée par Jean-Luc Mélenchon a certes laissé place à une accélération de la culture du compromis lors de la constitution de la Nupes. Mais cet assouplissement de la machine idéologique pour travailler de concert avec des alliés peut-elle se traduire par un investissement équivalent sur les bancs de l’Assemblée ?</p>
<p>Les règles institutionnelles de la V<sup>e</sup> ne favorisent pas cette culture. Le fait majoritaire et la prééminence de l’exécutif sur le législatif n’incitent pas ou peu à passer des compromis.</p>
<p>Notons cependant que la V<sup>e</sup> République a beaucoup évolué au cours des soixante dernières années et il semble que, tant du côté de la majorité présidentielle que du côté de la Nupes, la quête de compromis s’impose désormais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manuel Cervera-Marzal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au sein de LFI, s'affranchir de la ligne portée par Jean-Luc Mélenchon demeure complexe: le mouvement pourra-t-il se fondre dans un projet de gauche collectif?Manuel Cervera-Marzal, Chercheur qualifié au FNRS (Université de Liège / PragmApolis), Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1856602022-06-23T20:17:43Z2022-06-23T20:17:43ZLe RN, de l’enracinement à l’établissement : l’exemple languedocien<p>Depuis désormais près de 40 ans, <a href="https://www.dunod.com/histoire-geographie-et-sciences-politiques/front-national-conquete-du-pouvoir">l’extrême-droite s’est installée</a> dans le paysage politique français. Le Rassemblement national (RN) a obtenu – avec 89 sièges – un succès retentissant lors des élections législatives des 12 et 19 juin derniers, après la qualification, pour la seconde fois consécutive, de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle des 10 et 24 avril 2022.</p>
<p>Alors que nous avons déjà documenté la <a href="https://theconversation.com/marine-le-pen-la-campagne-de-tous-les-paradoxes-181725">progression</a> de l’enracinement du RN au cours des scrutins précédents, il nous semble devenu nécessaire de parler d’<a href="https://hal.umontpellier.fr/hal-03512989">« établissement »</a>. La différence entre les deux termes n’est pas simplement de degré, mais de nature. Si l’enracinement est affaire d’électeurs, l’établissement est aussi celle des élus, appareils et autres diffuseurs de consignes.</p>
<p>La différence entre les deux réside dans celui qui exprime la reconnaissance et consacre la légitimité du vote. Dans le premier cas, c’est l’électeur. Dans le second, c’est l’offre politico-institutionnelle. Et c’est précisément ce que nous allons montrer ici, en nous intéressant à l’ouest du littoral méditerranéen, qui a accordé au RN la <a href="https://www.francebleu.fr/infos/politique/legislatives-dans-l-aude-carton-plein-du-rn-dans-le-departement-1655665433">totalité des députés</a> dans deux départements, l’Aude et les Pyrénées-Orientales. À ces sept députés s’en sont ajoutés sept autres dans le Gard et l’Hérault, soit 14 élus sur 22 possibles. Ce n’est pas par hasard que ces 14 circonscriptions couronnent le RN. Dans la plupart de celles-ci, Marine Le Pen était déjà majoritaire au second tour de l’élection présidentielle.</p>
<p>Fait nouveau, il n’y a pas eu de démobilisation différentielle de l’électorat RN entre ces deux scrutins. De plus, dans six cas, les candidats RN dépassent le pourcentage obtenu par la candidate frontiste le 24 avril. Cette progression procède par l’extension de sa tâche géographique à partir de <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2012-2-page-153.htm">bastions bien connus</a> : la plaine du Roussillon, le Biterrois, la Petite-Camargue, là où se trouvaient les trois députés sortants.</p>
<p>Cet enracinement du vote RN a conquis de nouveaux territoires connexes : la vallée audoise (l’axe Narbonne-Castelnaudary) et ses piémonts (Limoux) ; les arrière-pays roussillonnais (Cerdagne, Capcir et Vallespir) ; le Gard Rhodanien et l’arrière-pays nîmois jusqu’aux contreforts des Cévennes.</p>
<h2>Une pluralité de causes</h2>
<p>L’explication du vote RN obéit à une pluralité de causes. On sait par exemple que la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00422081">composition sociologique</a> du vote RN dans le Midi de la France fait la part belle à des citoyens de la partie la plus modeste de la classe moyenne, faiblement diplômés, nombreux à vivre dans un habitat péri-urbain de lotissement.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2019-2-page-223.htm">Elle est distincte</a> de celle du nord, plus populaire. De sorte que la première cause du succès législatif du RN se trouve dans… le mutisme relatif des classes populaires, qui a privé les candidats Nupes d’un capital indispensable pour lui résister.</p>
<p>Pour l’essentiel, le vote RN n’est donc pas, dans ce Midi, celui du peuple, au sens des ménages identifiés par leur souffrance sociale objective. Ceux-ci, massivement, s’abstiennent, en particulier dans ces quartiers urbains pauvres où le RN fait ses scores les plus faibles. Cela est devenu plus discutable dans les zones rurales (3<sup>e</sup> circonscription de l’Aude, 5<sup>e</sup> circonscription de l’Hérault), où un vote employé et ouvrier semble émerger en sa faveur.</p>
<p>Lors de cette élection, la deuxième grande cause se trouve dans l’effet d’entraînement de la première, et qui pourrait être qualifiée d’« écologique » au sens où les <a href="https://www.jstor.org/stable/3319445">critères d’analyse</a> concernent une population plutôt que des individus.</p>
<p>En raison de la récurrence de ce vote à un haut niveau sur 35 ans, une culture politique prend forme, qui contribue à construire les votes différemment, à se conformer à une opinion ambiante, <a href="https://www.cairn.info/les-faux-semblants-du-front-national--9782724618105-page-417.htm">à relativiser son propre héritage politique et familial</a>.</p>
<p>La troisième explication se trouve dans le registre politique. Les ambivalences ou équivalences entre une « extrême-gauche » et une « extrême-droite », de la part de nombreux candidats Renaissance éliminés, a substitué à l’idée de « front républicain » celle d’un renvoi à l’individu la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/17/du-front-republicain-au-cas-par-cas-comment-emmanuel-macron-a-evolue-face-a-l-extreme-droite_6130890_823448.html">responsabilité de ses choix</a>, tous aussi valables les uns que les autres.</p>
<h2>Une légitimation du vote RN</h2>
<p>Cette attitude rappelle les heures noires de la <a href="https://www.persee.fr/doc/espos_0755-7809_1987_num_5_3_1227?h=roussillon">droite languedocienne</a>, qui s’était alliée par deux fois avec le Front national (en 1986 et 1998), pour ne pas laisser le pouvoir <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01393354/document">au Parti socialiste</a> d’un certain Georges Frêche. Le flou des consignes a ainsi conduit à une légitimation du vote RN comme un vote « comme les autres », ce en quoi on peut parler non plus d’enracinement électoral, mais d’établissement politique.</p>
<p>Mais ce qui est sans doute le plus spectaculaire, dans cet établissement, c’est qu’il ne se limite pas à la droite et au centre politique. Dans une région où les candidatures dissidentes de la gauche – on pense par exemple à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/09/elections-legislatives-2022-carole-delga-la-frondeuse-socialiste-face-a-la-nupes_6129464_823448.html">Carole Delga</a> – ont été nombreuses face à la Nupes, on pouvait faire l’hypothèse de reports défavorables au RN entre les deux tours, partout où les dissidents de gauche ont été éliminés au premier tour. Pourtant, la lecture des résultats de ces élections législatives en Languedoc-Roussillon montre que la présence de candidats de gauche dissidents a plutôt joué en défaveur des candidats de la Nupes face à leurs opposants. Faut-il donc interpréter les oppositions internes à la gauche comme un facteur supplémentaire de l’enracinement du vote RN et de la reconnaissance institutionnelle de ses candidats ?</p>
<p>Pour répondre à cette question, avons estimé les reports de voix entre les deux tours des élections au sein de la cinquième circonscription de l’Hérault. Cette estimation s’appuie sur un modèle d’inférence écologique, qui permet de calculer des relations statistiques individuelles à partir de données agrégées.</p>
<p>Les différents reports ont été estimés à l’échelle des bureaux de vote de la circonscription. Les chiffres que nous présenterons dans les cartes et le texte ci-dessous correspondent aux moyennes de ces valeurs, indiquées, par souci de clarté, à l’échelle des communes ou de la circonscription dans son ensemble.</p>
<h2>Quand une commune de gauche bascule</h2>
<p>Notre choix de s’intéresser à la cinquième circonscription de l’Hérault se justifie au regard de différents critères. Circonscription <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cinqui%C3%A8me_circonscription_de_l%27H%C3%A9rault">historiquement la plus à gauche</a> du département, elle est celle où fut député, de 2002 à 2017, le président du conseil départemental, Kléber Mesquida, dont la position hégémonique pouvait être menacée par l’élection du candidat de la FI sous la bannière Nupes, Pierre Polard.</p>
<p>Sans surprise, le candidat dissident de gauche (RDG), Aurélien Manenc, y réalise au premier tour le score le plus élevé parmi les autres candidats dissidents du département (15,7 %), juste derrière le député sortant issu de la majorité présidentielle, Philippe Huppé (17,1 %). Pierre Polard parvient quant à lui à rallier le second tour avec 24,3 % des voix, derrière la candidate du RN, Stéphanie Galzy (28,1 %). Au second tour, en l’absence de regain de mobilisation (50,6 % de participation au premier tour, 50,5 % au second), situation assez inhabituelle pour une circonscription essentiellement rurale, la candidate du RN l’emporte avec 54,2 % des voix.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/470492/original/file-20220623-13-d66x35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de la répartition géographique des reports de voix : Manec vers Polard" src="https://images.theconversation.com/files/470492/original/file-20220623-13-d66x35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470492/original/file-20220623-13-d66x35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470492/original/file-20220623-13-d66x35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470492/original/file-20220623-13-d66x35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470492/original/file-20220623-13-d66x35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470492/original/file-20220623-13-d66x35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470492/original/file-20220623-13-d66x35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de la répartition géographique des reports de voix : Manenc (dissident de gauche) vers Polard (Nupes).</span>
<span class="attribution"><span class="source">E.Négrier, J.Audemard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">Carte de la répartition géographique des reports de voix : Manenc (dissident de gauche) vers Galzy (RN).</span>
<span class="attribution"><span class="source">E.Négrier, J.Audemard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/470493/original/file-20220623-51813-uodch9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de la répartition géographique des reports de voix" src="https://images.theconversation.com/files/470493/original/file-20220623-51813-uodch9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470493/original/file-20220623-51813-uodch9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470493/original/file-20220623-51813-uodch9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470493/original/file-20220623-51813-uodch9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470493/original/file-20220623-51813-uodch9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=676&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470493/original/file-20220623-51813-uodch9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=676&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470493/original/file-20220623-51813-uodch9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=676&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de la répartition géographique des reports de voix : P. Huppé (Ensemble) vers S. Galzy (RN).</span>
<span class="attribution"><span class="source">E.Négrier, J.Audemard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nos trois cartes indiquent la répartition géographique, à l’échelle des communes de la circonscription, des reports de voix estimés des électeurs d’A. Manenc vers P. Polard et S. Galzy, ainsi que ceux des électeurs de P. Huppé vers S. Galzy.</p>
<h2>Deux facteurs pour comprendre les reports</h2>
<p>La victoire de la candidate RN s’interprète ainsi comme l’addition de deux facteurs.</p>
<p>Premièrement, l’imparfait report de voix du candidat dissident vers le représentant de la Nupes, estimé en moyenne à 42,5 % au sein de la circonscription. Deuxièmement, les reports de voix importants dont elle bénéficie auprès de l’électorat Renaissance (48,1 %), particulièrement marqué à droite dans une circonscription où le candidat LR n’obtient que 2,8 % des voix au premier tour, et où le candidat de Reconquête ! ne dépasse pas les 5 % (4,3 %).</p>
<p>Mais il est également intéressant de constater que les reports estimés du candidat RDG vers la candidate RN ne sont pas négligeables non plus (20,3 % en moyenne). Il est difficile de ne pas analyser ces résultats comme la conséquence, en plus des spécificités socio-territoriales de la circonscription, des hésitations du président du conseil départemental à appeler au vote en faveur du candidat de la Nupes. Dans ce contexte, la candidate et désormais élue RN a de fait bénéficié d’une reconnaissance institutionnelle, a minima par défaut.</p>
<p>Un autre résultat suggéré par les estimations de notre modèle, dont nous ne ferons que citer les chiffres ici, concerne la volatilité différentielle des électorats Nupes et RN dans cette circonscription.</p>
<p>Si la candidate RN conserve en moyenne semble-t-il près de 80 % de son électorat d’un tour à l’autre des élections, le candidat Nupes ne fidélise que 62,7 % de son électorat du premier tour, dont près d’un tiers (27,8 %) s’abstient au second. Si cet écart tient sans doute, là encore, à des effets de contexte local – 75 % l’électorat de Pierre Polard maintient son vote au second tour à Capestang, commune dont il est le maire, ainsi que dans les communes alentour – il peut s’analyser comme un élément de preuve supplémentaire de l’enracinement du vote RN dans la circonscription.</p>
<p>S’ils doivent s’appréhender à l’aune des spécificités sociopolitiques propres à l’ancienne région Languedoc-Roussillon, les résultats présentés ici sont sans doute le marqueur d’un phénomène plus large d’accélération de la légitimation du RN au sein du paysage politique français, au travers à la fois de l’enracinement de son vote et de sa reconnaissance de fait en tant qu’offre ordinaire par les autres acteurs du jeu électoral.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185660/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les résultats des élections législatives en Occitanie sont sans doute le marqueur d’un phénomène plus large d’accélération de la légitimation du RN au sein du paysage politique français.Emmanuel Négrier, Directeur de recherche CNRS en science politique au CEPEL, Université de Montpellier, Université de MontpellierJulien Audemard, Associate research scientistLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1853772022-06-19T23:38:56Z2022-06-19T23:38:56ZQuand les ministres perdent l’arbitrage électoral<p>Les élections législatives n’ont pas seulement été l’enjeu pour Emmanuel Macron de disposer d’une majorité pour gouverner, elles ont aussi été un test personnel pour les membres du gouvernement qui s’y sont présentés. Le chef de l’État a indiqué qu’en cas de défaite, ses ministres-candidats <a href="https://www.lepoint.fr/elections-legislatives/legislatives-les-ministres-battus-devront-demissionner-22-05-2022-2476639_573.php">devraient remettre leur démission</a>. Cette règle s’appliquera donc pour Justine Bénin (secrétaire d’État à la Mer, La Réunion), Brigitte Bourguignon (ministre de la Santé, Pas-de-Calais), Amélie de Montchalin (ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Essonne), Richard Ferrand (président de l’Assemblée, Finistère) nationale défait·e·s dans leurs circonscriptions. Alors que cette pratique fut mise en place par Nicolas Sarkozy en 2007, que cela signifie-t-il pour la conception du pouvoir ministériel ?</p>
<p>Sous la V<sup>e</sup> République, détenir un mandat (local, national ou européen) n’est pas une condition nécessaire pour devenir ministre. Par ailleurs, les fonctions ministérielles et parlementaires sont incompatibles (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527487">art. 23 de la Constitution</a>). Alors, pourquoi un ministre se présente aux élections législatives ?</p>
<h2>Un mandat pour peser politiquement</h2>
<p>Se présenter à une élection pour un (ancien) membre du gouvernement permet de mesurer son poids politique et électoral. Le vote fait office de mise en responsabilité du détenteur d’un portefeuille ministériel : il peut être un vote sanction. <a href="https://rmc.bfmtv.com/actualites/politique/legislatives-la-chute-est-brutale-pour-jean-michel-blanquer_AV-202206130163.html">L’échec de Jean-Michel Blanquer au premier tour de ces élections législatives</a>, alors un poids lourd des gouvernements du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, peut illustrer cette sanction électorale comme bilan de son passage à l’Éducation nationale.</p>
<p>La règle de la démission en cas de défaite aux élections législatives renforce l’idée selon laquelle un ministre est légitime à son poste puisqu’il a la confiance des électeurs en circonscriptions.</p>
<p>En détenant un mandat, le ministre a « une connaissance approfondie de l’engrenage social et surtout du mouvement et du fonctionnement de la machine politique » pour reprendre <a href="https://scholar.google.com/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=R.+Michels%2C+Les+partis+politiques.+Essai+sur+les+tendances+oligarchiques+des+d%8Emocraties%2C+Paris%2C+Flammarion%2C+1914&btnG=">l’expression du sociologue Roberto Michel</a>. Cette aptitude peut être utile pour un ministre alors inscrit dans un processus décisionnel qui tente d’obtenir des arbitrages favorables en exposant leur proximité avec le « terrain » mais aussi en étant des ténors de la majorité parlementaire.</p>
<p>Enfin, depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241016/">réforme constitutionnelle de 2008</a>, les ministres quittant le gouvernement peuvent de nouveau retrouver leur siège de député. Cela permet de continuer à exercer une influence politique, même après le départ du gouvernement.</p>
<h2>Se présenter : un risque depuis 2007</h2>
<p>Se présenter constitue un risque depuis 2007 et la règle de la démission forcée peut expliquer certains renoncements aux candidatures, de peur de perdre sa place au gouvernement. En 2012, Najat Vallaud-Belkacem, ministre du droit des Femmes et porte-parole du gouvernement Ayrault <a href="https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2012/05/18/najat-vallaud-belkacem-renonce-aux-legislatives_1703724_4497319.html">renonce à sa candidature dans la 4ᵉ circonscription du Rhône</a>, là où cinq auparavant son adversaire de droite l’avait largement emporté avec 56,57 % des voix.</p>
<p>Cette année, des poids lourds du gouvernement comme <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/legislatives/eric-dupond-moretti-n-est-pas-candidat-aux-legislatives-20220504">Éric Dupont-Moretti</a> et <a href="https://www.bfmtv.com/politique/legislatives-emmanuel-macron-a-dissuade-agnes-pannier-runacher-d-etre-candidate_AN-202205100391.html">Agnès Pannier-Runacher</a> ont renoncé à être candidat dans les Hauts-de-France aux législatives, malgré leurs intentions initiales. En effet, lors des élections régionales de juin 2021, ils avaient tous deux obtenu 8,67 % des suffrages.</p>
<p>En 2007, le nouveau Premier ministre François Fillon impose la démission à ses ministres en cas d’échec aux législatives en expliquant que lorsqu’« on n’a pas le soutien du peuple, on ne peut pas rester au gouvernement ». C’est alors qu’Alain Juppé, ministre de l’Écologie, avait dû démissionner après sa défaite dans la 2<sup>e</sup> circonscription de la Gironde. Une <a href="https://www.la-croix.com/France/Demission-ministres-battus-legislatives-regle-nombreuses-exceptions-2022-05-23-1201216491">règle quai-similaire avait été faite en 1988</a> par Michel Rocard, mais uniquement pour les ministres-députés sortants. À l’époque, Georgina Dufoix (ministre chargée des questions familiales) et Catherine Trautmann (secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires sociales et de l’Emploi) avaient démissionné.</p>
<h2>Une règle à la logique introuvable</h2>
<p>Le professeur de droit public, Bruno Daugeron, rappelle cependant que la règle de la démission avait été déjà prescrite en 1967. Outre le fait qu’il n’y ait aucun fondement juridique à cette injonction, il reproche une <a href="https://blog.juspoliticum.com/2017/06/13/pas-elu-pas-ministre-responsabilite-politique-ou-marketing-electoral-par-bruno-daugeron/">« logique introuvable »</a> à cette règle puisque tous les ministres ne se présentent pas lors des élections législatives et donc ne sont pas redevable du verdict des urnes.</p>
<p>À ce sujet, il est intéressant de voir l’évolution des candidatures ministérielles aux élections législatives depuis l’instauration et la réplication de cette règle depuis 2007.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/469623/original/file-20220619-11-1nvlml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tableau indiquant l’évolution des nominations et résultats aux élections législatives" src="https://images.theconversation.com/files/469623/original/file-20220619-11-1nvlml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/469623/original/file-20220619-11-1nvlml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/469623/original/file-20220619-11-1nvlml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/469623/original/file-20220619-11-1nvlml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/469623/original/file-20220619-11-1nvlml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/469623/original/file-20220619-11-1nvlml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/469623/original/file-20220619-11-1nvlml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau indiquant l’évolution des nominations et résultats aux élections législatives.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Légifrance (nominations des ministres), data.gouv (résultats des élections législatives), J. Robin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>On observe que la moyenne des ministres candidats depuis 2007 est d’environ 0,5 et qu’en 2017, il y a moins de candidatures ministérielles que l’on pourrait expliquer par le renouvellement de la classe politique.</p>
<p>À cette époque, plusieurs membres du gouvernement n’avaient jamais exercé de fonction politique (Agnès Buzyn, Sophie Cluzel, Laura Flessel, Françoise Nyssen ou Frédérique Vidal) ou étaient issues de la société civile (Nicolas Hulot, Marlène Schiappa, Muriel Pénicaud, Mounir Mahjoubi).</p>
<p>Par ailleurs, parmi les six ministres-candidats, seul Mounir Mahjoubi n’avait jamais exercé de mandat électif auparavant, les autres étant députés sortants (et députée européenne pour Marielle de Sarnez). Ce ne sont donc que des ministres déjà rompus à l’exercice électoral qui se soumit aux suffrages lors de ces élections législatives en 2017.</p>
<h2>Renforcer le rôle du président et la compétence technique</h2>
<p>Au-delà des candidatures, les politistes François Abel et Emiliano Grossman constatent une baisse sur le temps long du nombre de ministres occupant ou ayant occupé par ailleurs un <a href="https://laviedesidees.fr/Qui-sont-les-ministres-de-la-Ve-Republique.html">mandat de député</a>. Sur la période observée 1959-2012, ils observent qu’en moyenne 67 % des ministres ont connu un mandat parlementaire mais que cette pratique a connu d’importantes variations. Ils expliquent que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le choix a été fait de ne pas s’appuyer sur des ténors de la majorité pour composer le gouvernement. Cela a participé au renforcement du rôle du chef de l’État comme le véritable chef de la majorité.</p>
<p>Enfin, la politiste Delphine Dulong explique que la V<sup>e</sup> République a porté la compétence technique comme <a href="https://books.google.fr/books/about/Moderniser_la_politique.html?id=_Ol-U0jxSmAC&redir_esc=y">nouveau répertoire de légitimation</a>. C’est ainsi que, comme le rappellent François Abel et Emiliano Grossman :</p>
<blockquote>
<p>« le général de Gaulle choisit de s’appuyer sur des hommes de confiance, essentiellement issus de la haute administration et de la Résistance, et rechigne, de ce fait, à recruter ses ministres parmi les députés, dont la plupart étaient déjà en fonction sous la IV<sup>e</sup> République »</p>
</blockquote>
<p>La nomination de personnes issues de la « société civile » ou de la haute fonction publique sans détenir un mandat parlementaire, ni un autre mandat – des ministres comme Emmanuel Macron, Éric Dupont-Moretti ou Nicolas Hulot ; des Premiers ministres comme Georges Pompidou, Raymond Barre, Dominique de Villepin ou plus récemment Élisabeth Borne – <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19464-comment-seffectue-la-nomination-des-membres-du-gouvernement">est devenue alors une pratique régulière des gouvernements depuis 1958</a>.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Jean-François Godbout</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Robin a reçu des financements du département de science politique de l'Université de Montréal. Il est également assistant de recherche au Centre Jean Monnet Montréal.</span></em></p>Sous la Vᵉ République, détenir un mandat n’est pas une condition nécessaire pour devenir ministre, pourtant nombreux sont celles et ceux qui s’y risquent parfois à leurs dépens.Julien Robin, Doctorant en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1848532022-06-16T20:41:33Z2022-06-16T20:41:33ZLe centre attrape-tout d’Emmanuel Macron<p>Lors d’une interview sur France Culture (18 avril 2022), Emmanuel Macron qualifia son projet politique d’<a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins/emmanuel-macron-grand-entretien-sur-la-culture-et-les-idees-5924030">« extrême centre »</a>, par opposition aux deux autres blocs politiques. Le macronisme a-t-il trouvé là sa définition ?</p>
<p>Dans <em>L’extrême-centre ou le poison français, 1789-2019</em>, l’historien <a href="http://www.champ-vallon.com/lextreme-centre-ou-le-poison-francais/">Pierre Serna</a>, rappelait comment les « matrices des politiques possibles » avaient toutes étés inventées durant la période révolutionnaire. En effet, le centre politique n’existerait pas sans la droite et la gauche, soit des catégorisations politiques nées d’une pratique d’assemblée et d’une topographie parlementaire apparues à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle. Le philosophe Marcel Gauchet a quant à lui <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/Les-Lieux-de-memoire">bien démontré</a> le rôle de l’offre politique et sa structuration historique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468740/original/file-20220614-16-g1c5ap.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Estampe du XVIII illustrant le roi de France acceptant la Constitution française" src="https://images.theconversation.com/files/468740/original/file-20220614-16-g1c5ap.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468740/original/file-20220614-16-g1c5ap.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=983&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468740/original/file-20220614-16-g1c5ap.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=983&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468740/original/file-20220614-16-g1c5ap.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=983&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468740/original/file-20220614-16-g1c5ap.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1235&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468740/original/file-20220614-16-g1c5ap.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1235&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468740/original/file-20220614-16-g1c5ap.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1235&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Roi acceptant la Constitution, au milieu de l'Assemblée Nationale le 14 Septembre 1791. Palais des Tuileries. Salle de Théâtre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/le-roi-aceptant-la-constitution-au-milieu-de-lassemblee-nationale-le-14-septembre-e07adc">BNF/RMN</a></span>
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<p>C’est notamment avec le débat sur l’octroi du veto au roi que <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/collection/10.asp">l’hémicycle</a> s’est départagé entre sa partie gauche (hostile au veto royal) et sa partie droite (favorable au veto). </p>
<p>Si la Révolution refusait alors le clivage droite/gauche au nom de la souveraineté nationale, de l’expression unanimiste d’une Nation tendue vers le gouvernement de la Raison, c’est véritablement sous la Restauration que la géographie gauche-droite a été scellée avec la constitution d’un parti ultra(royaliste), défenseur du caractère sacré de la royauté.</p>
<h2>Le début d’un système de positions fixes</h2>
<p>C’est alors le début d’un système de positions fixes qui se réunit au gré des élections et des renouvellements au sein de l’espace parlementaire, avant que le clivage droite ne se généralise à l’ensemble du pays, pour se penser et se situer en politique, avec le surgissement de <a href="https://www.cairn.info/l-affaire-dreyfus--9782707171672.htm">l’affaire Dreyfus</a> à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Il faut également remonter à la période révolutionnaire pour trouver de très de nombreux députés de la Convention siéger au sein de la Plaine (aussi appelé Marais) en référence à sa position au centre et en bas de l’hémicycle, par opposition aux Montagnards assis sur les bancs en haut et à gauche de l’hémicycle. Ces très nombreux députés, le plus souvent issus de la bourgeoisie libérale et républicaine, sont attachés aux conquêtes de 1789 (se démarquant des monarchistes) tout en refusant les excès révolutionnaires des Montagnards.</p>
<p>Considérant ce système de position, l’entreprise politique contemporaine de conquête et d’exercice du pouvoir <a href="https://theconversation.com/le-bilan-demmanuel-macron-agenda-neo-liberal-et-pragmatisme-face-aux-crises-178671">d’Emmanuel Macron</a> s’apparente bien à l’idée de centre, soit une force politique à la fois centrale et intercalée se présentant sous le jour d’un rassemblement de Républicains modérés.</p>
<h2>Une nouvelle Troisième Force</h2>
<p>Le macronisme occupe d’autant mieux cette position centrale qu’il a ressuscité des logiques tripartites observées au cours des précédentes républiques parlementaires, lorsque la formation de blocs centraux visait, entre autres choses, à neutraliser les ailes « indésirables ». On pense ainsi au cabinet de <a href="https://www.cairn.info/les-droits-en-france--9782130555148.htm">Jules Méline (1896-1898)</a>, union de modérés écartant aussi bien les tenants à droite d’un déracinement de la République que les ennemis à l’extrême gauche de l’ordre social libéral ; ou à la coalition de la Troisième force, sous la IV<sup>e</sup> République, ayant pour dessein d’écarter du pouvoir aussi bien les communistes que les gaullistes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468737/original/file-20220614-18-opw2v5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Portrait de Jules Méline homme politique sous la IIIᵉ République" src="https://images.theconversation.com/files/468737/original/file-20220614-18-opw2v5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468737/original/file-20220614-18-opw2v5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468737/original/file-20220614-18-opw2v5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468737/original/file-20220614-18-opw2v5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468737/original/file-20220614-18-opw2v5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=867&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468737/original/file-20220614-18-opw2v5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=867&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468737/original/file-20220614-18-opw2v5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=867&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Jules Méline, homme politique sous la IIIᵉ République, ministre de l’Agriculture en 1883 sous le deuxième gouvernement Ferry.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_M%C3%A9line#/media/Fichier:Jules_M%C3%A9line_1898.jpg">BNF/Wikimedia</a></span>
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<p>Cette tripartition contemporaine prend à revers le dualisme institué sous la V<sup>e</sup> République, chaque force politique étant ici conduite, par son idéologie et/ou par ses alliances, à s’ancrer dans le camp de la droite ou dans celui de la gauche.</p>
<p>En 2022, plus encore qu’en 2017, cet attelage de sensibilités dites « modérées » aime à se présenter comme le seul rempart efficace face à l’hypothèse d’une gauche radicale rangée derrière Jean-Luc Mélenchon d’un côté et d’une <a href="https://theconversation.com/dune-extreme-droite-a-lautre-geographie-des-votes-zemmour-et-le-pen-182615">droite nationale de l’autre</a>.</p>
<p>En contribuant à déplacer plus à gauche et plus à droite les alternatives politiques, affaiblissant du même coup le PS, l’UDI et LR (et ralliant leurs dissidents), la majorité présidentielle en vient à les assimiler quant au danger qu’elles constitueraient pour la France. Là où nous étions déjà habitués à la logique <a href="https://www.cairn.info/les-systemes-de-partis-dans-les-democraties-occide--978272461055.htm">anti-cartel</a> du RN, <a href="https://www.lepoint.fr/debats/umps-25-07-2011-1355972_2.php">dénonçant l’UMPS</a> sur le registre du bonnet blanc et du blanc bonnet, c’est désormais une majorité modérée qui en vient à endosser le <a href="https://www.lesechos.fr/elections/legislatives/duels-rn-nupes-le-camp-macron-peine-a-arreter-une-ligne-1412865">discours des équivalences</a>, justifiant ainsi le refus des consignes de vote au second tour des élections législatives.</p>
<p>C’est de plus en plus ce rapport à l’extérieur qui nourrit la cohérence de la majorité présidentielle tant son accordéon politique interne se déplie, et alimente les <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/11/elections-legislatives-2022-la-recomposition-politique-se-confirme_6129798_823448.html">candidatures dissidentes se réclamant de la majorité présidentielle</a> aux élections législatives de juin 2022.</p>
<h2>« Gouverner au centre » : l’exemple Giscard</h2>
<p>Au jeu des comparaisons et des analogies, il a pu être tentant de rapprocher Emmanuel Macron de l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing, tous deux énarques, Inspecteurs des Finances, jeunes ministres en charge de l’économie et élus présidents de la République à un âge inhabituellement jeune. Porteurs (ou se présentent comme tels) d’une expertise économique et libérale, ils ont été confrontés durant leur mandat à un choc exogène et perturbateur (<a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2004-4-page-83.htm">l’après-crise pétrolière</a> pour l’un, le Covid pour l’autre). Une analogie supplémentaire concerne <a href="https://www.u-picardie.fr/curapp-revues/root/11/lehingue.pdf">leur stratégie de conquête du pouvoir</a>. Dans son discours de Charenton (8 octobre 1972), VGE avait comparé la société française à un « grand groupe central avec des ailes » et déclaré « La France souhaite être gouvernée au centre. » Cela signifiait-il « être gouvernée par les centristes » ?</p>
<p>Représentant d’une droite orléaniste modérée et progressiste, son « centrisme » ressort <a href="https://www.cairn.info/les-grandes-figures-de-la-droite--9782262088101-page-351.html">incertain</a>. Mais il sait en tout état de cause rallier les forces centristes, comme le Centre démocrate fondé par Jean Lecanuet en 1966 (après sa candidature à l’élection présidentielle) pour conquérir le pouvoir au détriment de l’héritier du gaullisme, Jacques Chaban-Delmas. C’est après le scrutin présidentiel de 1974 que le Centre se retrouvera presque systématiquement allié avec la droite.</p>
<p>Emmanuel Macron semble avoir fait le même pari pour sa première élection présidentielle de 2017, prétendant gouverner au centre sans être lui-même une parfaite incarnation centriste. De même, il réussit à mobiliser le centre par l’entremise et grâce au <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/francois-bayrou/presidentielle-2017-francois-bayrou-renonce-et-soutient-emmanuel-macron_2069455.html">soutien de François Bayrou</a>, celui qui n’a jamais été homme de gauche, mais a su réaffirmer une autonomie centriste au moyen de sa <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/l-antisarkozysme-visceral-de-francois-bayrou_1107951.html">critique du sarkozisme</a>.</p>
<h2>Le centrisme introuvable d’Emmanuel Macron</h2>
<p>Une manière commode de conclure à ce qu’Emmanuel Macron n’est pas un centriste est de rappeler qu’il n’a lui-même jamais revendiqué cette étiquette, pas davantage qu’il n’a convoqué les figures centristes du passé dans la présentation de soi (de Jean Lecanuet à Jacques Delors). Au demeurant, n’a-t-il pas revendiqué son ubiquité politique, tantôt de droite, tantôt de gauche, plutôt qu’un centrisme invariant ?</p>
<p>Étalonner Emmanuel Macron sur l’échelle du centrisme supposerait de pouvoir se doter préalablement d’une définition sans équivoque du centrisme, quand son expression ressort contingente des époques et des configurations historiques, multiple et pluraliste. Elle peut aussi bien déborder au centre gauche (social-démocratie ouverte au marché) qu’au centre droit (droite humaniste et sociale), ou correspondre à un centrisme écologique explicitement revendiqué par <a href="https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/nous-avons-le-devoir-de-batir-une-ecologie-centrale">l’Union des centristes et des écologistes (UDE)</a>, ou <a href="https://ecologieaucentre2022.fr/">« L’Écologie au centre »</a>, anciennement Alliance écologiste indépendante. Mais son incarnation la plus forte est à rechercher du côté de la démocratie-chrétienne (du MRP à François Bayrou).</p>
<h2>Une juxtaposition d’héritages et d’influences</h2>
<p>Avec Emmanuel Macron, nous avons ainsi davantage affaire à une juxtaposition – savante ou bricolée ? – d’héritages et d’influences multiples. Si l’écologie politique est quasi-absente, l’identité démocrate-chrétienne apparaît ténue, malgré le compagnonnage intellectuel revendiqué avec le philosophe Paul Ricœur, <a href="https://www.persee.fr/doc/chris_0753-2776_2003_num_76_1_2406">ancien président du mouvement du christianisme social</a>.</p>
<p>Le social-libéralisme ressort <em>a contrario</em> de manière plus marquée, les inclinaisons libérales d’Emmanuel Macron le portant vers un capitalisme entrepreneurial davantage que d’héritiers. Elles sont également observées du côté de sa vision du secteur public, avec une pensée administrative et des réformes institutionnelles sous influence de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-administratives-2015-1-page-5.htm">l’anglosphère</a> et du <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2005-6-page-26.htm">New public management</a>. Ce qu’illustrent aussi bien l’extension l’introduction législative des contrats de projet (recrutement d’agents publics en CDD pour réaliser un projet ou une opération en particulier) que sa vision de l’éducation nationale (transformer les directeurs d’établissements scolaires en véritables managers selon le credo <em>let the managers manage</em>, mise en cause des concours nationaux comme porte d’entrée dans le métier d’enseignant).</p>
<h2>Une verticalité du pouvoir assumée</h2>
<p>Autant Emmanuel Macron peut convoquer différentes traditions, toutes congruentes avec l’idée de modération qui sied au centre, autant <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/08/le-general-de-gaulle-grand-inspirateur-d-emmanuel-macron_6065561_3232.html">l’héritage gaullien qu’il revendique</a> prend à revers l’histoire du centre. Au-delà des inimitiés conjoncturelles entre De Gaulle et les notables centristes, les forces politiques du centre répugnent à la dimension centraliste, verticale, voire autoritaire du pouvoir, autant d’attributs qui se retrouvent condensés dans l’expression de « présidence jupitérienne », supposée qualifier un style d’exercice du pouvoir.</p>
<p>Cette verticalité se retrouve dans le fonctionnement politique de sa majorité. Traditionnellement, les forces politiques centristes connaissent un modèle d’autorité politique personnelle et décentralisée, une <a href="http://www.afsp.msh-paris.fr%E2%80%BAcollhistscpo04">« démocratie des notables" sans organisation forte pour reprendre la vulgate duvergérienne du parti de cadre, qu’il convient de nuancer</a>. Si l’organisation politique n’est pas massive dans le cas de LREM/Renaissance, l’appareil relève bien en revanche d’une supervision centraliste (et présidentielle) qui joue d’autant plus que les grands notables locaux font et continuent de faire défaut à la suite des échecs électoraux aux scrutins intermédiaires.</p>
<p>C’est finalement sur un soutien indéfectible à la construction européenne que tradition centriste et macronisme se rejoignent de la manière la plus forte.</p>
<h2>Un président transformiste</h2>
<p>Au pluralisme de la majorité présidentielle (allant de la social-démocratie jusqu’aux gaullistes modérés) répond l’art du transformisme présidentiel (en référence au <em>performer</em> qui change plusieurs fois de costumes sur scène).</p>
<p>Si les circonstances (Gilets jaunes, Covid) expliquent et commandent des adaptations (report de la réforme des retraites, dépense publique), il n’est pas rare que la stratégie et le calcul politiques l’emportent sur le reste. L’agenda et les prises de parole d’Emmanuel Macron se sont réajustées à mesure que son électorat a glissé vers la droite (ce qui ressortait notamment d’une <a href="https://www.ifop.com/publication/les-indices-de-popularite-juillet-2021/">enquête IFOP-JDD</a> publiée en juillet 2021), allant jusqu’à accorder une interview exclusive au magazine de la droite ultra conservatrice <em>Valeurs actuelles</em>. Son libéralisme culturel sur les questions d’identité, de laïcité, d’immigration ou de dépénalisation des drogues « douces » recule. Mais lorsque le contexte électoral le presse d’envoyer des signes aux électeurs de gauche, il n’hésite pas à promouvoir Pap Ndiaye au poste de ministre de l’Éducation nationale, soit l’exact opposé de son prédécesseur Jean-Michel Blanquer en termes d’image et de symboles (car il faudra attendre pour pouvoir juger des politiques). C’est ainsi un centrisme attrape-tout auquel nous avons affaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184853/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Frinault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La cohérence de la majorité présidentielle se définit de plus en plus par rapport à l’extérieur, tandis qu’elle jongle en interne entre ses différentes chapelles.Thomas Frinault, Maître de conférences en science politique, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1850482022-06-14T22:23:52Z2022-06-14T22:23:52ZLa France désenchantée ?<p>Ces élections législatives pointent un fait clair : les urnes ont soif, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/13/ensemble-nupes-rn-lr-les-resultats-du-premier-tour-en-cartes-parti-par-parti_6130139_823448.html">l’assèchement de la vie politique</a> n’épargne personne ou presque.</p>
<p>52,5 % d’abstention pour ce premier tour des législatives, plus de 12 millions d’électeurs perdus dans la campagne, soit 35,2 % de chute, deux mois après le premier tour de l’élection présidentielle. À la petite exception près de LR, qui remonte de 700 000 voix son faible score d’avril, toutes les forces sont atteintes par cette hémorragie exceptionnelle.</p>
<p>La Nupes espérait redonner souffle à la gauche enfin unie : elle se voit privée de 5 millions des voix qui s’étaient portées sur les candidats séparés au mois d’avril, soit 45,7 %. Dans le même temps, la majorité présidentielle perd 3,9 millions des suffrages recueillis par Emmanuel Macron (39,8 %), et le RN 3,8 millions (47,7 %).</p>
<h2>Le piège du ressenti</h2>
<p>Cette pâleur du scrutin est source de fausse transparence : s’en tenir aux pourcentages, quand la part des électeurs s’avère congrue, est source d’erreurs et peut conduire à substituer le ressenti au réel.</p>
<p>Au vu des quelques chiffres que nous relevons, le premier enseignement qui se dégage c’est l’aggravation du fossé qui sépare les électeurs de leurs représentants.</p>
<p>Ce 12 juin est donc d’abord une défaite pour tous les acteurs politiques, qui voient se réduire comme une peau de chagrin la base de leur légitimité déjà fortement mise à mal par la <a href="https://theconversation.com/la-confiance-politique-exige-la-reconnaissance-du-merite-183281">perte de confiance</a> dans la capacité du politique à répondre aux attentes de la société.</p>
<p>Car, quelle que soit l’issue du deuxième tour, la question se posera exactement dans les mêmes termes pour Ensemble ! ou pour la Nupes : comment construire une majorité pleinement légitime avec 13 % des inscrits ?</p>
<p>En ce sens, la première victime de cette guillotine électorale est le président lui-même, forcé de constater que la mécanique, jusque-là bien huilée, qui amenait automatiquement une majorité parlementaire hologramme de sa majorité présidentielle, est incontestablement voire durablement grippée.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/la-cinquieme-republique-demystifiee--9782724624557-page-27.htm">L’attraction élyséenne</a> n’est plus ce qu’elle était, la machine toussote et menace de caler. Les deux mois qui viennent de s’écouler ont été marqués par trop d’incertitudes : extrême lenteur dans la constitution du gouvernement, manque d’informations précises sur les projets à venir, peu d’indications sur la nature du changement de mode de gouvernance. Trop de silences pour susciter le désir chez les électeurs de donner à la présidence un nouveau blanc-seing. Les liens entre les deux scrutins, déjà affaiblis par l’intervalle de deux mois, s’en sont trouvés encore desserrés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/legislatives-lelection-de-la-rupture-184949">Législatives, l’élection de la rupture ?</a>
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<h2>Impasse électorale</h2>
<p>Dans le même temps, le paysage politique, loin de s’assouplir, s’est cristallisé de manière cruciale. La création de la Nupes autour de Jean-Luc Mélenchon est venue conforter la <a href="https://theconversation.com/une-france-en-demi-teinte-fracturee-dans-ses-territoires-et-sa-societe-181915">tripartition des forces</a>, en donnant à celle-ci une rigidité accrue. L’espace d’ouverture de la majorité présidentielle sur la gauche se voit retranché, limitant d’autant les marges de compromis possible. On fige de la sorte une figure centrale enfermée entre deux pôles adossés aux extrêmes. Cette figure composée de blocs étanches interdit toute flexibilité au débat politique et limite à un LR expirant les perspectives de compromis de gouvernement en cas de majorité relative.</p>
<p>L’effet de ressac est amplifié par la mécanique implacable du scrutin à deux tours, qui vient atrophier un peu plus encore les termes du débat. <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/285375-legislatives-2022-les-resultats-du-premier-tour">La règle des 12,5</a> % des inscrits impose aux électeurs un choix strictement binaire. Qu’on en juge : il n’y aura que huit triangulaires sur l’ensemble des 572 circonscriptions restant à pourvoir.</p>
<p>L’une est particulièrement emblématique : dans la deuxième circonscription de la Nièvre, longtemps détenue par <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-vif-de-l-histoire/mitterrand-dans-la-nievre-3453016">François Mitterrand</a>, le candidat du RN est arrivé en tête, devançant la candidate d’Ensemble ! et celle de la Nupes. Pour la première fois, il n’y avait pas de candidat socialiste.</p>
<p>Dans la plupart des 564 autres circonscriptions restant à pourvoir, les électeurs devront opter entre deux candidats dont un appartient aux blocs extrêmes ; si ce n’est parfois les deux (61 duels Nupes-RN). Voilà qui permet de mesurer les effets de la tragique absence de proportionnelle, condition absolue de création d’un nuancier politique indispensable pour fluidifier le champ politique.</p>
<h2>Flux et refus</h2>
<p>Le pari de Jean-Luc Mélenchon de faire son miel sur la nostalgie d’union des électeurs et électrices de gauche cimentée avec un fond d’antimacronisme est à demi gagné. Certes, il lui est difficile de faire croire encore à son destin de premier ministrable. Mais il s’impose d’ores et déjà comme leader de la future opposition, dont il disposera du premier groupe dans la nouvelle Assemblée. Avec peut-être, à l’issue du scrutin, la capacité de condamner le gouvernement à la majorité relative et, faute de gouverner ou de pouvoir imposer ses projets, d’accroître sa capacité d’empêchement.</p>
<p>Certes, le fait de ne disposer que d’une majorité relative n’est pas forcément l’annonce d’une paralysie : François Mitterrand, réélu en 1988 a connu cette même situation. Certes, dans un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/mitterrand-rocard-une-rivalite-a-l-epreuve-du-pouvoir-2613489">contexte différent</a>, où Michel Rocard était premier ministre, mais dans lequel, avec l’appui de Raymond Barre, une ouverture aux centristes avait été possible. La tripartition actuelle, par sa rigidité, ne laisse pas espérer pareille issue.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yQC9Wd0glSU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">François Mitterand, ré-élu en 1988.</span></figcaption>
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<h2>Le « tout sauf Macron » face au « tout sauf Mélenchon »</h2>
<p>Moins que par une alternative politique crédible, le sort du deuxième tour sera donc conditionné par le jeu de deux forces symétriquement antagonistes : le « tout sauf Macron » face au « tout sauf Mélenchon ». L’incertitude sur la marge majoritaire réside dans la manière dont les électeurs réagiront à ce dualisme, qui conditionne les reports de voix.</p>
<p>Avec en arrière-plan le risque que cette configuration, loin de provoquer un sursaut de mobilisation, ne désespère un peu plus des citoyens en mal de repères et de perspectives, et ne les pousse un peu plus vers l’abstention. Car dans ce système politique usé au point d’être totalement désarticulé, les vieux réflexes perdent de leur efficience : la prime au sortant n’est plus aussi opérante qu’elle le fut, tandis que le « front républicain » ou <a href="https://www.lesechos.fr/elections/legislatives/en-direct-legislatives-les-temps-forts-du-mardi-14-juin-1413053">« sursaut » dans la bouche du président</a>, n’a quasiment plus aucun sens.</p>
<p>Conçue comme une union de tous les républicains contre l’extrême droite, la notion devient confuse lorsque des candidats de gauche sont également perçus comme s’écartant du champ des valeurs républicaines.</p>
<p>Plus que d’un mystérieux <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/entre-les-lignes/le-conseil-national-de-la-refondation-un-nouveau-machin_5159470.html">Conseil national de la refondation</a>, c’est d’une rénovation du système politique, avec une véritable valorisation du statut et du rôle parlementaire que cette séquence électorale marque le besoin criant.</p>
<p>Avec deux priorités qu’il serait dangereux d’ignorer : la déconnexion des scrutins présidentiel et législatif ; <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/proportionnelle_scrutin_legislatif">l’instauration de la proportionnelle</a> pour l’élection des députés. Si ce mode de scrutin avait été celui des législatives actuelles, la Nupes aurait-elle vu le jour ? On aurait peut-être pu échapper à la tripolarisation sclérosante qui semble vouloir s’installer tout en donnant une chance de redonner de la vitalité à la démocratie représentative.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185048/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le premier enseignement de cette élection est l’aggravation du fossé qui sépare les électeurs de leurs représentants.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1849492022-06-13T19:13:28Z2022-06-13T19:13:28ZLégislatives, l’élection de la rupture ?<p>En plaçant à quasi-égalité la majorité présidentielle et la principale force d’opposition la Nupes, les résultats du premier tour des élections législatives de 2022 – dont le décompte pose certes des <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/13/legislatives-2022-nupes-ou-ensemble-en-tete-du-scrutin-les-raisons-de-la-divergence-entre-le-monde-et-le-ministere-de-l-interieur_6130066_823448.html">questions méthodologiques</a> – marquent une certaine rupture par rapport à la tradition électorale qui s’est instaurée 20 ans plus tôt.</p>
<p>En effet, en 2002, la réduction à cinq ans du mandat présidentiel et l’inversion du calendrier électoral (qui, initialement, aurait dû conduire à organiser les <a href="https://www.cairn.info/institutions-elections-opinion--9782724616101-page-119.htm">législatives avant la présidentielle</a>) ont donné une fonction particulière à un scrutin qui survient quelques semaines seulement après le moment majeur et décisif de la vie politique française : l’élection présidentielle.</p>
<p>Les électeurs sont invités à confirmer leur vote précédent et, de fait, à amplifier le résultat de l’élection présidentielle. Depuis 2002, ils ont donc toujours envoyé à l’Assemblée nationale une large majorité pour le président. Cela avait déjà été le cas en 1981, lorsque le nouveau président, François Mitterrand, dissout l’Assemblée nationale élue en 1978 alors dominée par la droite.</p>
<h2>L’accent parlementaire de la France</h2>
<p>Cette concordance entre majorité présidentielle et majorité parlementaire renforce la nature présidentialiste du <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100761880">régime politique en France</a>, en donnant au président de la République les mains libres pour constituer son gouvernement et conduire sa politique. <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/comment-la-constitution-organise-t-elle-la-cohabitation">Elle a évité depuis vingt ans</a> la pratique de la cohabitation, qui a eu lieu à la suite d’élections législatives organisées cinq ans (en 1986 et en 1993) ou deux ans (en 1997) après une élection présidentielle.</p>
<p>La cohabitation rappelle que la nature constitutionnelle de la V<sup>e</sup> République <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/quelle-est-la-place-du-parlement">reste parlementaire</a> : lorsque la majorité à l’Assemblée nationale s’oppose au président de la République, c’est bien elle – et non le président de la République – qui inspire la constitution et la politique du gouvernement.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/la-politique-en-france--9782707154446-page-363.htm">Les conclusions négatives</a> que Lionel Jospin comme Jacques Chirac avaient tirées de l’expérience d’une longue cohabitation (1997-2002) les avaient conduits à privilégier la lecture présidentialiste des institutions et à donner aux législatives leur nouveau statut : celui d’élections secondes, voire secondaires.</p>
<h2>Une mobilisation inégale de l’électorat</h2>
<p>Si ce calendrier électoral conduit à amplifier le résultat de l’élection présidentielle, c’est essentiellement en raison d’une mobilisation inégale de l’électorat. Les électeurs du vainqueur de la présidentielle se rendent davantage aux urnes pour les législatives que ceux des perdants, qui soit ne croient plus à la victoire soit ne veulent pas bloquer les institutions en imposant au Président légitime une nouvelle cohabitation : c’est notamment <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/1er-tour-legislatives-2017-sociologie-des-electorats-et-profil-des-abstentionnistes">ce qui s’est produit</a> lors des élections législatives de 2017.</p>
<p>Depuis que les législatives se situent dans la foulée des présidentielles, l’abstention y bat des records. En 1981 déjà, elle s’élevait à 30 % quand, trois ans plus tôt, elle n’atteignait que 17 %. Et alors qu’en 1986, 1993 ou 1997, elle restait maintenue en dessous du tiers des inscrits, <a href="https://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/vie-politique-et-associative/participationvote">elle progresse sans cesse depuis 2002</a> – jusqu’à atteindre des records, en 2017 (52 %) comme en 2022 (52,5 %). Cette abstention différentielle amplifie donc la dynamique présidentielle, de façon artificielle. En obtenant moins de voix que le vainqueur de la présidentielle, les candidats de la majorité présidentielle creusent dès le premier tour l’écart avec les autres : en 2002, 2007 et 2017, cet écart s’élevait à plus de dix points et ont garanti ainsi une victoire très large en nombre de sièges, au second tour.</p>
<p>L’élection de 2022 montre toutefois que cette mécanique ne fonctionne pas de façon systématique. Avec moins de 26 % des voix, les candidats de la majorité présidentielle, regroupés sous la bannière « Ensemble », régressent par rapport au résultat des législatives de 2017 mais aussi par rapport au score obtenu par Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle du 10 avril 2022. Ils font jeu égal avec la coalition de gauche, ce qui laisse prévoir un second tour particulièrement ouvert. Quant au Rassemblement national, ses électeurs se sont moins démobilisés qu’à l’accoutumée : avec plus de 18,5 % des voix, il enregistre son meilleur score à une élection législative, en progression de 5 points par rapport à 2017.</p>
<h2>Une dynamique cohabitationniste ?</h2>
<p>Plusieurs facteurs expliquent ce résultat incertain pour la majorité. Contrairement à ses trois prédécesseurs (Sarkozy en 2007, Hollande en 2012 et lui-même en 2017), Emmanuel Macron est dans la position d’un président réélu. Il n’incarne donc plus le changement et ne bénéficie donc pas de la <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2017-1-page-47.htm">dynamique de renouvellement</a> qui a conduit, depuis la fin des années 1970, à la multiplication et à la banalisation des alternances des élections législatives, seule la majorité élue en 2002 ayant été reconduite en 2007.</p>
<p>Ainsi, le soir même où plus de 58 % des Français l’ont réélu, une majorité d’entre eux souhaitait qu’il n’obtienne pas une majorité absolue à l’Assemblée nationale : aux yeux d’une partie non négligeable de l’électorat, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/legislatives-61-des-francais-ne-souhaitent-pas-qu-emmanuel-macron-dispose-d-une-majorite-absolue-a-l-assemblee-selon-un-sondage-ipsos-sopra-steria_2180021.html">spectre d’une cohabitation est un moindre repoussoir</a> que le risque d’une concentration des pouvoirs pour cinq années supplémentaires.</p>
<p>Jean-Luc Mélenchon a très tôt saisi cette évolution de l’opinion et a pleinement assumé le fait de porter une dynamique cohabitationniste – comme l’atteste cette incantation devenue slogan électoral : « Mélenchon premier ministre ».</p>
<p>L’alliance électorale des gauches, autour de la Nupes, vise de façon pragmatique à rendre possible cette cohabitation, en maximisant les chances des candidats de gauche d’être présents au second tour face à la majorité. Elle a ainsi évité la démobilisation d’un électorat qui, pour être minoritaire, pèse à peine moins que la majorité présidentielle. Les premiers pas difficiles du gouvernement, l’effacement des autres oppositions (RN et LR) de la scène médiatique ont contribué à faire du duel Macron-Mélenchon l’enjeu essentiel de la campagne électorale.</p>
<p>Dans le cadre d’un mode de scrutin majoritaire à deux tours qui se révèle de plus en plus en <a href="https://theconversation.com/quel-mode-de-scrutin-pour-quelle-democratie-179124">décalage</a> avec la structure de la vie politique, la Nupes réussit à valoriser au maximum son poids électoral : avec un plus du quart des suffrages exprimés, ses candidats sont qualifiés pour le second tour dans plus de 80 % des circonscriptions.</p>
<p>Ce duel, différent de celui qui a mis aux prises Macron et Le Pen au second tour de la présidentielle, a eu l’attrait de la nouveauté : il a aussi favorisé la mobilisation des électeurs de gauche. Les législatives de 2022 n’ont pas été des élections de confirmation du scrutin présidentiel. Elles ont plutôt constitué le troisième tour de ce scrutin.</p>
<h2>Une situation proche de 1988</h2>
<p>Cette situation rappelle les résultats des élections législatives de 1988. Comme Emmanuel Macron, François Mitterrand venait d’être réélu, avec un résultat au premier tour supérieur à celui qu’il avait obtenu lors du précédent scrutin mais autour d’une ligne programmatique assez floue. Bouleversé par l’irruption du Front national, le paysage politique ne répondait déjà plus à la structure bipolaire qui le caractérisait <a href="https://www.le-livre.fr/livres/fiche-r320094033.html">depuis les années 1960</a>.</p>
<p>Au premier tour, les candidats de l’opposition de droite et du centre, conduits par Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, font, en voix, jeu égal avec les soutiens de François Mitterrand (socialistes et radicaux de gauche pour l’essentiel). Au second tour, les socialistes n’obtiennent qu’une majorité relative de 275 sièges, ce qui obligera les gouvernements successifs (conduits par Michel Rocard, Edith Cresson et enfin Pierre Bérégovoy) à négocier tantôt avec les communistes tantôt avec les centristes pour obtenir des majorités.</p>
<p>Mais même avec une majorité relative, cette législature a pu arriver à son terme : il n’y a pas eu de crise de régime. Le premier tour des élections législatives de 2022 n’ouvre donc la voie ni à une situation totalement inédite ni à une remise en cause fondamentale des institutions de la V<sup>e</sup> République, même si le nouveau record d’abstention impose à l’évidence des réponses à la fois politiques et institutionnelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184949/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathias Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le premier tour des élections législatives de 2022 n’ouvre la voie ni à une situation totalement inédite ni à une remise en cause fondamentale des institutions de la Vᵉ République.Mathias Bernard, Historien, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1848652022-06-13T19:13:03Z2022-06-13T19:13:03ZQuelles seraient les conséquences d’une hausse du smic ?<p>Quelles seraient les conséquences d’une hausse du smic?
Depuis 2021, dans un contexte d’amélioration du marché du travail et de sortie de la crise sanitaire, de <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">reprise des tensions inflationnistes</a> et d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/pouvoir-dachat-33467">érosion du pouvoir d’achat</a>, l’idée d’une hausse du salaire minimum de croissance (smic) connait un retour en force dans le débat public. Véritable marqueur des partis de gauche, revendication constante et historique des syndicats ouvriers, le projet figure au premier chapitre du « programme partagé de gouvernement » publié par la Nouvelle union populaire économique et sociale (Nupes), arrivée <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/06/13/resultats-definitifs-legislatives-2022-decouvrez-les-resultats-officiels-du-premier-tour-10362078.php">deuxième du premier tour des élections législatives</a> (25,66 %), le 12 juin, juste derrière la majorité présidentielle (25,75 %).</p>
<p>La Nupes prévoit de <a href="https://www.leparisien.fr/politique/melenchon-propose-le-smic-a-1500-euros-et-la-hausse-du-point-dindice-des-fontionnaires-15-05-2022-NX3BTELA4BFVTOEACYMEPANEKE.php">porter le smic à 1500 euros net par mois</a>, soit une hausse de plus de 15 %. La même idée figurait aussi dans les programmes de tous les candidats de gauche à l’élection présidentielle.</p>
<p>La perspective d’une forte hausse du smic contredirait la stratégie française de modération salariale, en œuvre depuis plus de quinze ans, qui se traduit par l’absence de « coup de pouce » donné au salaire minimum. La seule exception à cette règle a été l’<a href="https://www.aefinfo.fr/depeche/211890-urgent-le-smic-porte-a-940-euros-brut-au-1er-juillet-2012-soit-une-augmentation-de-2-incluant-un-coup-de-pouce-de-06-point">augmentation discrétionnaire de 0,6 % du 1ᵉʳ juillet 2012</a>, décidée à la suite à l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Depuis la création du groupe d’experts sur le smic en 2009, tous les gouvernements successifs ont suivi à la lettre les préconisations de ses <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/284b121f-b187-4280-b327-05f18064c3fa/files/36296c31-5b87-4e8c-a4ac-62a9c63d5ae1">rapports annuels</a>, conseillant de s’abstenir de tout coup de pouce afin de privilégier la compétitivité et l’emploi.</p>
<p>Le débat entre en résonnance avec un projet de directive européenne visant à harmoniser les minima salariaux en Europe, où 22 pays parmi les 27 disposent d’un salaire minimum, de <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Minimum_wage_statistics">332 euros bruts en Bulgarie à 2 257 euros au Luxembourg</a>, selon des données 2022 publiées par Eurostat.</p>
<p><iframe id="UjxSd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UjxSd/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’harmonisation n’ira pas nécessairement dans le sens d’une augmentation dans les pays tels que la France où le salaire minimum est initialement élevé, mais la perspective d’une plus grande coordination européenne en matière salariale pose en des termes renouvelés la question de la gestion du salaire minimum. Dans ce nouveau contexte, quels arguments plaident pour augmenter le salaire minimum et quels en seraient les effets ?</p>
<h2>La mauvaise excuse de l’inflation</h2>
<p>La préservation du pouvoir d’achat dans un environnement de retour de l’inflation, désormais <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6443339">proche de 5 % en rythme annuel</a>, ne constitue pas un argument satisfaisant pour plaider pour une hausse supplémentaire du salaire minimum en France. En effet, le smic augmente d’ores et déjà mécaniquement avec les prix, de façon à maintenir au moins constant son pouvoir d’achat. Les revalorisations sont encadrées de façon précise par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000693898/">loi n°70-7 du 2 janvier 1970</a> « portant réforme du salaire minimum garanti et création d’un salaire minimum de croissance ».</p>
<p>Depuis sa création en 1950, dans le contexte de tension sur les prix des matières premières à la suite de la guerre de Corée, le salaire minimum interprofessionnel garanti (smig) garantissait déjà une stricte indexation sur l’inflation. Il en va de même pour le smic, indexé depuis plus de cinquante ans de façon automatique sur l’indice des prix à la consommation (hors tabac depuis 1992).</p>
<p><iframe id="S1T3s" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S1T3s/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’article 31 xc de la loi de 1970 prévoit que :</p>
<blockquote>
<p>« Lorsque cet indice atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2 p. 100 par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du salaire minimum de croissance immédiatement antérieur, le salaire minimum de croissance est relevé dans la même proportion à compter du premier jour du mois qui suit la publication de l’indice entraînant ce relèvement ».</p>
</blockquote>
<p>C’est la raison pour laquelle le smic a automatiquement <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/presse-2017-2022/article/smic-revalorisation-de-2-65-a-compter-du-1er-mai-2022">augmenté de 2,45 % au 1ᵉʳ mai 2022</a>, soit environ 34 euros nets par mois, après deux autres augmentations en sept mois. Le smic brut mensuel atteint aujourd’hui 1 645,58 euros sur la base de 35 heures de travail hebdomadaires (soit 1 302,64 en euros net et 10,85 euros brut par heure travaillée).</p>
<h2>Une arme contre les inégalités salariales</h2>
<p>Le meilleur argument des tenants d’une hausse du smic réside sans doute dans la lutte contre les inégalités de salaires. Certes, les disparités salariales ne contribuent que pour une faible part à l’ensemble des inégalités de revenus, mais elles n’en constituent pas moins une composante sur laquelle l’État peut agir au travers des ajustements du smic.</p>
<p>En rendant illégaux les niveaux de salaires les plus faibles, le salaire minimum joue un rôle puissant de compression des hiérarchies salariales. Il tronque sur leur gauche les distributions de salaires, ce qui réduit le volume d’emploi mais diminue mécaniquement aussi les disparités de rémunération. Ce double effet du salaire minimum, <a href="https://www.jstor.org/stable/1801842">négatif sur l’emploi mais positif sur les inégalités</a>, est connu dans la littérature économique depuis l’étude séminale publiée par George Stigler en 1946 dans l’<em>American Economic Review.</em></p>
<p>En France, il est clair que les clauses d’augmentation du smic ne permettent pas à elles seules de lutter contre les inégalités salariales. Le salaire minimum est seulement demi-indexé sur les salaires horaires moyens, avec le taux de salaire horaire de base ouvrier et employé (SHBOE) comme indice de référence.</p>
<p>Depuis quinze ans, si l’on met à part la hausse post-électorale de 2012, l’absence répétée de « coup de pouce » donné au smic paraît donc en rupture avec l’esprit de la loi de 1970. Selon les données de l’Insee, le pouvoir d’achat des salariés rémunérés au smic s’est en effet écarté de celui des ouvriers et employés, dont l’indice de référence est le salaire horaire de base (SHBOE). Depuis le coup de pouce de 2006, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1375188">différence cumulée atteint au total 3,6 %</a> malgré la revalorisation de 2012.</p>
<h2>Quels effets sur l’emploi ?</h2>
<p>Dans le modèle de Stigler, la réduction des inégalités salariales après une hausse du salaire minimum a pour contrepartie une baisse du volume d’emploi. Cette prédiction a été l’une des plus étudiées par les économistes : une recherche « minimum wage » donne 2,5 millions d’entrées sur <em>Google Scholar</em>. Il est pourtant extrêmement difficile de confirmer empiriquement cette relation puisque le propre d’un dispositif de salaire minimum est qu’il s’applique de façon extrêmement large.</p>
<p>Dans le cas de la France, dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000693160">loi du 12 février 1950</a>, le « i » du « smig » signifiait « interprofessionnel » et il s’imposait déjà à toutes les branches. Dans la loi de 1970 qui a instauré le « salaire minimum de croissance », le caractère interprofessionnel n’a pas été remis en cause. Cette grande généralité d’application interdit aux évaluateurs l’accès à un contre-factuel satisfaisant qui leur permettrait d’évaluer l’impact d’une hausse du salaire minimum en comparant un groupe traité et un groupe de contrôle, ce qui limite considérablement la portée de leurs évaluations et incite à la prudence.</p>
<p>L’une des études les plus citées en économie, avec plus de 3000 citations, est celle de David Card et Alan Krueger (<a href="https://davidcard.berkeley.edu/papers/njmin-aer.pdf">1993</a> puis mise à jour en <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691169125/myth-and-measurement">2015</a>) qui analyse les effets d’une hausse du salaire minimum dans le New Jersey en comparant l’emploi dans les fast-foods dans cet État et dans celui de Pennsylvanie. Cette recherche a d’ailleurs été évoquée par le jury du prix de la banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, co-attribué à David Card en 2021. Elle conclut à l’absence d’effets sur l’emploi d’une hausse du salaire minimum.</p>
<p>En France, les évidences empiriques portent surtout sur les effets du coût du travail peu qualifié sur l’emploi. De nombreux travaux ont évalué l’impact des dispositifs d’exonérations de cotisations sociales déployés successivement depuis le début des années 1990. Ces dispositifs représentent aujourd’hui, depuis la bascule du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en exonérations réalisée en 2019, plus de 50 milliards d’euros.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Historique des allégements de cotisations.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note049v4.pdf">CAE (2019)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La synthèse de ces travaux réalisée par le <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note049v4.pdf">Conseil d’analyse économique</a> (CAE) confirme que l’emploi est très sensible au coût du travail lorsque ses hausses ont lieu au voisinage du smic. Une forte hausse du salaire minimum contribuerait donc à augmenter le chômage. C’est aussi la raison pour laquelle les hausses du smic ont été compensées par des exonérations dans le passé. Mais cette stratégie trouve désormais ces limites avec la suppression de l’ensemble des exonérations, désormais acquise au niveau du smic.</p>
<p>Aujourd’hui, les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité et la perspective d’un retour au plein-emploi changent toutefois la donne. Ces évolutions semblent en effet de nature à modifier les priorités accordées à l’emploi et à la compétitivité qui ont conduit à une expansion continue des exonérations sociales sur les bas et moyens salaires. Dans ce contexte nouveau, les effets des hausses du smic sur l’emploi mériteraient d’être mieux documentés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184865/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick L’Horty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une revalorisation du salaire minimum constitue un outil peu efficace pour préserver le pouvoir d’achat des ménages. Quant à ses effets sur l’emploi, ils restent difficiles à mesurer.Yannick L’Horty, Économiste, professeur des universités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1849462022-06-13T06:53:08Z2022-06-13T06:53:08Z1ᵉʳ tour des législatives : entre désintérêt électoral et recomposition politique<p>Au soir du premier tour des élections législatives, la majorité présidentielle (Ensemble) recueillerait la majorité des suffrages (25,75 %), au coude à coude avec la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale) obtenant 25,66 % des suffrages et devant Rassemblement avec 18,68 % des voix. Alors, au regard de ces résultats, dont le décompte méthodologique <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/13/legislatives-2022-nupes-ou-ensemble-en-tete-du-scrutin-les-raisons-de-la-divergence-entre-le-monde-et-le-ministere-de-l-interieur_6130066_823448.html">demeure discuté</a> selon les étiquetages de certains candidats, quelles sont les clefs de lecture de ce premier tour ?</p>
<p>Le premier tour de ces élections législatives se solde d’abord par une forte abstention, atteignant les 52,61 %, soit 1,3 point de plus qu’en 2017. Ce niveau d’abstention s’inscrit dans une tendance de fond, avec une hausse continue depuis les élections législatives de 1993.</p>
<p>Une des raisons de la croissance abstentionniste aux législatives peut être institutionnelle. La réforme de <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/268319-la-reforme-constitutionnelle-de-2000-sur-le-quinquennat-presidentiel">2000 sur le quinquennat</a>, alignant les mandats présidentiels et législatifs, conjuguée à l’inversion du calendrier électoral (la présidentielle précédant les législatives) <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=SCPO_DUHAM_2019_01_0027&download=1">ont renforcé la présidentialisation du régime</a> et affaiblit la place du Parlement.</p>
<p>Une autre raison peut être conjoncturelle. Comme le rappelle le journaliste Gérard Courtois, depuis 1981, la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-esprit-public/100-jours-de-guerre-en-ukraine-la-campagne-des-legislatives-8537577">logique politique</a> voulait que dans la lignée de l’élection présidentielle, il fallait donner une majorité à l’Assemblée nationale pour le président nouvellement élu (François Mitterrand ayant <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19442-la-dissolution-de-lassemblee-nationale-une-arme-presidentielle">dissout</a> l’Assemblée nationale après ses deux élections présidentielles en 1981 et en 1988). Or, cette année, les deux camps arrivés en tête à la présidentielle (LREM devenu Renaissance et le Rassemblement national) ont mené une campagne législative quasi inexistante.</p>
<p>D’un côté, le président Macron semble avoir opté pour une <a href="https://www.nouvelobs.com/chroniques/20220530.OBS59077/macron-et-les-legislatives-la-strategie-du-chloroforme.html">« stratégie du chloroforme »</a> en se faisant discret lors de cette campagne, mais aussi en temporisant la nomination d’un nouveau gouvernement (trois semaines après sa réélection). De l’autre, Marine Le Pen semblait s’avouer déjà vaincue en <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/legislatives/marine-le-pen-jure-vouloir-battre-la-campagne-plutot-que-battre-en-retraite-20220524">ne visant qu’une soixantaine de députés RN à l’Assemblée</a> et était devenue moins visible dans les médias, <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/legislatives-ou-est-passee-marine-le-pen-211521">à tel point que l’on s’est demandé où elle était passée</a>.</p>
<p>En conséquence, cette <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/legislatives-seulement-15-des-francais-trouvent-la-campagne-interessante-213113">campagne législative n’aura intéressé que 15 % des Français</a> et n’aura pas été marquée par un thème central lors des débats.</p>
<h2>Qui arrive en tête ?</h2>
<p>La création de la Nupes a rappelé les grandes heures de la gauche unifiée (le Front populaire de 1936 ou le Programme commun de 1972) et a tenté d’insuffler une nouvelle dynamique pour ces législatives. Le slogan <a href="https://www.nouvelobs.com/elections-legislatives-2022/20220427.OBS57710/elisez-moi-premier-ministre-le-nouveau-cap-de-melenchon.html">« Jean-Luc Mélenchon Premier ministre »</a> adopté par la coalition aura personnifié et nationalisé ces élections et la stratégie du <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220424-pr%8Esidentielle-le-pen-et-m%8Elenchon-d%8Ej%88-tourn%8Es-vers-le-troisi%8Fme-tour-des-l%8Egislatives">« troisième tour »</a> suit finalement la <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=SCPO_PERRI_2007_01_0017&download=1">logique de présidentialisation du régime</a>.</p>
<p>La forte mobilisation (<a href="https://www.leparisien.fr/elections/legislatives/legislatives-pourquoi-la-nupes-a-t-elle-eu-la-moitie-du-temps-de-parole-radio-et-tele-en-mai-08-06-2022-343IEHEOHNEFHIL56BFC52FFHQ.php">notamment médiatique</a>) de la Nupes conjuguée à une campagne en demi-teinte de la majorité présidentielle peuvent alors expliquer la surprise de cette élection : pour la première fois sous la V<sup>e</sup> République, le camp présidentiel n’obtient pas une franche majorité des suffrages exprimés lors du premier tour des élections législatives. Dès lors, il se pourrait que la « macronie » ne dispose pas de la majorité absolue au soir du second tour de cette élection.</p>
<h2>Quelles perspectives pour la vie politique ?</h2>
<p>Les Républicains obtiennent quant à eux leur plus faible score aux élections législatives avec près de 13,6 %. Là encore la campagne a été plus effacée au niveau national, la stratégie choisie étant de se concentrer au niveau des circonscriptions en se présentant comme un « parti des territoires ». Cependant, les estimations donnent une baisse du nombre de députés LR passant de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/infographies-premier-tour-des-legislatives-2022-voici-a-quoi-pourrait-ressembler-la-future-assemblee-nationale-selon-notre-estimation-ipsos-sopra-steria_5193349.html">centaine à environ 50 à 80 sièges</a>.</p>
<p>Pour le Rassemblement national, au contraire, le nombre de députés grimperait entre 20 et 45 selon les résultats à venir la semaine prochaine. En résumé, on observe un lent déclin de LR depuis 2017 (voire 2012) et une installation confirmée du RN sur les bancs de l’Assemblée nationale.</p>
<p>Selon les estimations, le camp présidentiel disposerait d’une majorité à l’Assemblée nationale, avec un peu moins de 300 députés, soit un recul puisque celui-ci disposait de 346 sièges jusqu’à présent. Le risque serait même de ne pas disposer de la majorité absolue (de 289 sièges).</p>
<p>Le pari de la Nupes sera non plus d’obtenir la majorité mais le plus grand nombre de sièges pour tenir le rôle de premier groupe d’opposition à l’Assemblée. La perspective d’une cohabitation avec Jean-Luc Mélenchon comme chef du gouvernement est dès lors compromise. Même si la nomination du leader de la France insoumise n’aurait pas été automatique en <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/legislatives/nomination-du-premier-ministre-que-prevoit-la-loi-en-cas-de-cohabitation_AN-202206060348.html">cas de victoire de la Nupes</a> puisque la Constitution (art. 8) ne précise pas les critères de nomination du premier ministre. Cependant ce dernier doit s’assurer d’une majorité afin d’éviter la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19523-la-motion-de-censure-493-veritable-moyen-de-controle">censure</a> par l’Assemblée nationale (art. 49).</p>
<p>Au-delà même d’une majorité, le risque pour la Nupes est la <a href="https://www.lemonde.fr/elections-legislatives-2022/article/2022/06/13/legislatives-2022-a-gauche-la-nupes-reussit-son-pari-mais-fait-maintenant-face-au-front-anti-melenchon_6130043_6104324.html">fronde « anti-Mélenchon »</a> de la part des autres formations politiques, en raison de la personnalité et des positions clivantes de son leader, par exemple concernant la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/05/10/qu-impliquerait-la-desobeissance-aux-regles-europeennes-promue-par-la-nupes_6125509_4355770.html">désobéissance des traités européens</a> ; sa position à l’<a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-brief-politique/presidentielle-jean-luc-melenchon-handicape-par-ses-prises-de-position-sur-la-russie_4988445.html">égard de la Russie</a> ou encore <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/melenchon/la-police-tue-comment-la-polemique-sur-le-refus-d-obtemperer-s-est-deplacee-sur-le-terrain-politique_5184763.html">ses récents propos sur la police</a>.</p>
<p>Si elle veut incarner ce rôle de leader de l'opposition, la coalition devra maintenir sa cohérence à l’Assemblée <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/05/30/programme-de-la-nupes-aux-legislatives-les-points-de-convergence-et-de-desaccord-entre-lfi-eelv-le-ps-et-le-pcf_6128161_4355770.html">malgré les désaccords programmatiques</a> et <a href="https://www.leparisien.fr/elections/legislatives/direct-legislatives-la-gauche-se-lance-unie-pour-la-conquete-de-lassemblee-06-05-2022-A47XOF3Z5BA43HD5QMTUOYM6JQ.php">l’absence d’un seul groupe parlementaire</a>.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Jean-François Godbout</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184946/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Robin a reçu des financements du département de science politique de l'Université de Montréal. Il est membre du centre de recherche Jean Monnet de Montréal.</span></em></p>Abstention record, coalition de gauche bien installée face à la coalition présidentielle : ce qu’il faut retenir de ce premier tour des législatives.Julien Robin, Doctorant en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1847822022-06-09T22:12:31Z2022-06-09T22:12:31ZLégislatives : trois stratégies très inégales pour un résultat incertain<p>Alors que les incertitudes sur l’issue du scrutin législatif des 12 et 19 juin n’ont jamais été aussi nombreuses et que l’obtention d’une majorité de députés soutenant le nouveau président élu, Emmanuel Macron, apparaît aujourd’hui <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/legislatives-2022-la-nupes-en-tete-des-intentions-de-vote-au-premier-tour-un-point-devant-ensemble-selon-notre-sondage_5185495.html">incertaine</a>, il semble instructif de revenir sur les stratégies mises en place par les trois principales forces politiques issues du scrutin présidentiel. D'une part pour mieux comprendre et analyser la situation actuelle alors que l<a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/abstention/legislatives-2022-labstention-sera-t-elle-record_5187787.html">’abstention s’annonce historiquement élevée</a> pour des élections législatives. De l'autre car les stratégies mises en place, qui se sont révélées très différentes les unes des autres, devraient avoir un impact majeur sur l’issue du scrutin.</p>
<h2>La question de la temporalité</h2>
<p>Quelques minutes après l’élection d’Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon lançait la bataille des législatives en insistant sur l’idée que celles-ci constituaient le <a href="https://theconversation.com/quelle-strategie-pour-le-3-tour-180889">3ᵉ tour de l’élection présidentielle</a>. Il se posait ainsi en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aW_YS1C5V4E">premier opposant</a>, sans laisser le temps à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen de se réjouir ou de digérer leurs résultats du deuxième tour de l’élection présidentielle.</p>
<p>Les semaines qui ont suivi l’élection d’Emmanuel Macron ont été dominées, dans les médias et dans l’opinion publique, par les négociations entre les partis de gauche et par la mise en place de la Nouvelle union populaire économique et sociale (Nupes) alors que le Rassemblement national <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/04/26/l-extreme-droite-peine-a-s-unir-pour-les-legislatives_6123666_823448.html">rejetait les avances de Reconquête !</a> et que Marine Le Pen décidait de <a href="https://www.lemonde.fr/elections-legislatives-2022/article/2022/05/06/marine-le-pen-en-vacances-le-rn-quasi-silencieux_6125071_6104324.html">partir en vacances</a>.</p>
<p>Emmanuel Macron a semblé ouvertement accepter de laisser la main en arguant d’une nécessaire <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/legislatives-2022-macron-parle-d-une-phase-de-decantation-avant-de-se-projeter-dans-un-second-quinquennat-7900149584">respiration démocratique</a> post-élection présidentielle.</p>
<p>L’idée était sans doute aussi de laisser passer l’engouement médiatique provoqué par cette nouvelle union de la gauche. Et de reprendre l’initiative lors de la nomination de sa ou de son premier ministre alors que le délai entre élection présidentielle et élections législatives est cette année plus long de deux semaines et qu’une réélection provoque généralement <a href="https://academic.oup.com/poq/article-abstract/85/1/223/6314573">moins d’enthousiasme</a> qu’une première accession au pouvoir.</p>
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<a href="https://theconversation.com/tractations-politiques-et-alliances-electorales-sont-elles-ethiques-183180">Tractations politiques et alliances électorales sont-elles éthiques ?</a>
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<h2>Des positionnements très différents</h2>
<p>La réélection d’Emmanuel Macron au poste de président l’a, de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=emEDBMwHQNY">son propre aveu</a>, positionné comme le président de tous les Français et a inévitablement limité son rôle et son action de chef de clan.</p>
<p>Alors que le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=X5YDdzIOwTs">discours</a> de Jean-Luc Mélenchon au soir du 1<sup>er</sup> tour de l’élection présidentielle semblait marquer l’annonce d’un passage de témoin et d’une mise en retrait, on assiste au contraire à une stratégie de forte mise en avant du leader de La France Insoumise (LFI).</p>
<p>Si celle-ci a empêché certaines personnalités de gauche de rejoindre ce mouvement d’union (<a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/09/elections-legislatives-2022-carole-delga-la-frondeuse-socialiste-face-a-la-nupes_6129464_823448.html">Carole Delgas</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/07/jean-paul-besset-jose-bove-et-daniel-cohn-bendit-l-accord-des-verts-avec-la-france-insoumise-est-une-escroquerie_6125157_3232.html">José Bové</a>, Yannick Jadot…), cette personnalisation vise sans doute à mobiliser, lors des élections législatives, des électeurs avant tout séduits par la <a href="https://theconversation.com/jean-luc-melenchon-larme-du-charisme-en-politique-159379">personnalité et le leadership</a> du chef insoumis lors de l’élection présidentielle.</p>
<p>En revendiquant le <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/melenchon-premier-ministre-lfi-lance-sa-campagne-d-affichage-pour-les-legislatives-20220426">poste de premier ministre</a> si la Nupes venait à obtenir la majorité aux élections législatives, Jean-Luc Mélenchon s’est positionné au niveau national. De ce point de vue, sa décision, critiquée par ses adversaires, de ne pas se représenter aux élections législatives lui a finalement permis d’assumer un positionnement au-dessus des partis, qu’une campagne locale de terrain aurait sans doute rendu plus compliquée.</p>
<p>En se <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/marine-le-pen/reportage-legislatives-2022-dans-le-pas-de-calais-marine-le-pen-face-vise-une-reelection-des-le-premier-tour-malgre-l-indifference-citoyenne_5183224.html">présentant</a> aux élections législatives, Marine Le Pen a choisi de son côté une stratégie très différente. Bien que finaliste de l’élection présidentielle, sa candidature la positionne à un niveau plus local et légitime l’idée, qu’elle a elle-même défendue, qu’Emmanuel Macron va forcément obtenir la majorité pour gouverner pendant cinq ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/union-des-gauches-retour-sur-50-ans-dalliances-et-de-dechirements-182343">Union des gauches : retour sur 50 ans d’alliances et de déchirements</a>
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<h2>Stratégies et dynamiques d’alliances</h2>
<p>Les différentes stratégies d’alliance expliquent sans doute aussi les incertitudes actuelles. Si la mise en place d’<a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/legislatives-2022-la-majorite-presidentielle-annonce-la-creation-de-la-confederation-ensemble-avec-notamment-lrem-le-modem-et-horizons_5120449.html">Ensemble</a> a donné lieu à quelques frictions et à quelques inquiétudes de certains de ses membres, elle n’a fait qu’officialiser et organiser, dans l’optique d’une future mandature, des soutiens qui étaient déjà parties prenantes de la candidature d’Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle.</p>
<p>Malgré les critiques et les dissidences, la création de la Nupes a elle donné lieu à une véritable alliance de <a href="https://public.summaries.com/files/8-page-summary/co-opetition.pdf">coopétition</a>, en rassemblant des forces qui s’étaient au contraire opposées et qui se faisaient concurrence. Elle peut donc revendiquer une démarche nouvelle de rassemblement en comparaison avec les dernières élections présidentielles et faire référence aux succès électoraux rencontrés par les unions de la gauche qui l’ont précédée (Front populaire, Programme commun, Gauche plurielle).</p>
<p>En refusant de s’allier avec Reconquête ! le <a href="https://theconversation.com/lextreme-droite-premier-courant-politique-francais-182977">Rassemblement national de Marine Le Pen</a> a pris le contre-pied de la stratégie d’union de LFI et n’a pas réussi à créer, si l’on se fie aux sondages et en dehors <a href="https://www.lemonde.fr/elections-legislatives-2022/article/2022/06/09/legislatives-2022-le-rassemblement-national-penche-toujours-au-nord_6129465_6104324.html">d’importants bastions au nord</a>, la dynamique que sa qualification au second tour de l’élection présidentielle aurait pu engendrer dans l’optique des élections législatives.</p>
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<a href="https://theconversation.com/edouard-philippe-atout-ou-caillou-dans-la-chaussure-presidentielle-178357">Édouard Philippe, atout ou caillou dans la chaussure présidentielle ?</a>
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<h2>De nouvelles dynamiques ?</h2>
<p>En réalité, les <a href="https://www.bfmtv.com/politique/sondages/">différents sondages dédiés</a> aux élections législatives n’ont pas montré d’évolution notable en matière d’intentions de vote au niveau national depuis que la situation des forces en présence a été officialisée.</p>
<p>Ensemble et la Nupes <a href="https://www.tf1info.fr/politique/sondage-exclusif-lci-tf1-elections-legislatives-2022-l-union-de-gauche-nupes-de-melenchon-repasse-devant-ensemble-parti-larem-de-la-majorite-de-macron-2222326.html">sont annoncés au coude à coude</a> autour de 27/28 % au premier tour, quand le Rassemblement national se situe entre 19 % et 21 % et Reconquête ! entre 5 % et 6 %.</p>
<p>Mais les projections en matière de nombre de députés issus du second tour ont par contre <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/legislatives-2022-la-nupes-en-tete-des-intentions-de-vote-au-premier-tour-un-point-devant-ensemble-selon-notre-sondage_5185495.html">évolué</a> et semble montrer une dynamique en faveur de la Nupes alors qu’Ensemble était annoncé largement majoritaire il y a encore quelques semaines. Le projet d’union de la gauche porté par Jean-Luc Mélenchon semble séduire une partie de l’électorat de gauche marquée par les divisions et la <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284746-presidentielle-2022-les-resultats-du-premier-tour">nouvelle absence</a>, après <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Presidentielles/elecresult__presidentielle-2017/(path)/presidentielle-2017/FE.html">2017</a>, de l’un de ses représentants au second tour de l’élection présidentielle.</p>
<p>Mais au-delà de cette mobilisation, ce sont surtout le choix <a href="https://www.gouvernement.fr/ministre/elisabeth-borne">d’Elisabeth Borne</a> et la constitution du nouveau gouvernement qui interrogent d’un point de vue stratégique.</p>
<h2>Le choix crucial du premier ministre et du gouvernement</h2>
<p>En 2017, Emmanuel Macron avait choisi de nommer comme premier ministre, Edouard Philippe, un homme politique certes peu connu du grand public mais <a href="https://www.gouvernement.fr/edouard-philippe-0">aguerri aux joutes électorales</a>, pour mener la bataille des législatives. Et son second choix, lors du remaniement en 2020, s’était porté sur un <a href="https://www.gouvernement.fr/jean-castex">profil de haut fonctionnaire et de technocrate, simplement élu local</a>, avec Jean Castex. Cette décision semblait accréditer l’idée qu’il était nécessaire de nommer un profil politique en début de quinquennat afin de pouvoir s’appuyer sur une personnalité habituée à la dureté d’une campagne électorale nationale.</p>
<p>En choisissant de nommer Elisabeth Borne, dont le CV est plus proche de celui de Jean Castex que d’Edouard Philippe, Emmanuel Macron a procédé autrement et a pris le risque de laisser le champ libre à la stratégie d’omniprésence médiatique de Jean-Luc Mélenchon et de la Nupes.</p>
<p>La nomination du nouveau gouvernement devait permettre de mettre en avant les priorités du nouveau quinquennat (écologie, pouvoir d’achat…) et de reprendre la main d’un point de vue médiatique. Mais le choix d’Elisabeth Borne et la <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/la-composition-du-gouvernement-delisabeth-borne">confirmation de plusieurs poids lourds</a> à des postes clefs n’ont pas permis, malgré quelques coups d’éclat notables rapidement ternis par les <a href="https://www.europe1.fr/politique/le-nouveau-gouvernement-fragilise-par-les-accusations-contre-damien-abad-4113056">polémiques</a> (Pap Ndiaye à l’Éducation Nationale ou Damien Abad aux Solidarités), d’enclencher une dynamique nouvelle.</p>
<p>Les récents déplacements d’Emmanuel Macron témoignent certainement d’une volonté de recentrer les élections législatives autour de son projet et de sa personne pour réussir à l’emporter. Cette implication sera-t-elle suffisante pour obtenir la majorité et éviter une cohabitation ? Si le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours des élections législatives rend la projection difficile et devrait théoriquement favoriser les candidats placés au centre de l’échiquier politique, elle semble néanmoins accréditer l’idée que les élections législatives sont bien devenues le <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220424-pr%C3%A9sidentielle-le-pen-et-m%C3%A9lenchon-d%C3%A9j%C3%A0-tourn%C3%A9s-vers-le-troisi%C3%A8me-tour-des-l%C3%A9gislatives">3ᵉ tour</a> de l’élection présidentielle française.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des stratégies mises en place par les trois principales forces politiques issues du scrutin présidentiel à l’assaut des élections législatives.Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837352022-06-08T17:46:31Z2022-06-08T17:46:31ZÉlections législatives aux Antilles : quels enjeux locaux ?<p>D’après les premiers <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/05/23/legislatives-2022-a-trois-semaines-du-scrutin-la-bataille-des-trois-blocs_6127266_823448.html">sondages</a>, les résultats de la présidentielle pourraient se traduire dans l’hexagone par une majorité parlementaire favorable au président réélu malgré <a href="https://www.nouvelobs.com/elections-legislatives-2022/20220607.OBS59367/vote-des-francais-a-l-etranger-sondages-ces-signaux-qui-indiquent-une-legere-panique-dans-la-majorite-pour-les-legislatives.html">une poussée inédites de la Nupes</a>. Aux Antilles et en Guyane, en revanche, les résultats des deux tours de la présidentielle pointent vers plus d'incertitudes. En effet, pour rappel en <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/resultats/guadeloupe_971/">Guadeloupe</a>, Jean-Luc Mélenchon obtient 56% des suffrages exprimés au premier tour et Marine Lepen 69,6% au second tour. En <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/resultats/martinique_972/">Martinique</a>, le leader de la France Insoumise réunit 53% des voix et la candidate du Rassemblement national 60,8% au second tour. En <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/resultats/guyane_973/">Guyane</a>, Mélenchon obtient 50,6% au premier tour et Lepen 60,7% des voix au second. Au premier tour la représentante du Rassemblement national est en dessous de 19% dans ces différents territoires, largement dépassée par le leader de la France insoumise. Le candidat insoumis étant éliminé de la course, au second tour, la majorité électeurs font délibérément le choix de voter Marine Le Pen, manifestant ainsi un haut niveau de détestation du président sortant. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/presidentielle-aux-antilles-le-vote-dextreme-droite-etait-lie-aux-problemes-sociaux-182178">Présidentielle aux Antilles : « Le vote d’extrême droite était lié aux problèmes sociaux »</a>
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<p>Or, l'élection présidentielle est centrée sur la personne d’un candidat et a pour enjeu l'espace de la nation. Aux législatives, l’espace considéré est la circonscription, écosystème singulier par lequel la dimension locale supplante le caractère national de la fonction de parlementaire. Outre-mer en, le député, élu de la nation est désigné dans des territoires où prévalent généralement des considérations endogènes dans des sociétés fondées sur le poids culturel des relations interpersonnelles. </p>
<h2>Une fragmentation de l’offre politique locale</h2>
<p>À l’occasion des élections régionales de 2021, le paysage politique guadeloupéen s’est enrichi de listes dites « citoyennes » et d'un nouveau parti nationaliste l'Alyans Nasyonal Gwadloup (ANG), qui rencontre un certain succès <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/basse-terre/guadeloupe/l-alyans-nasyonal-gwadloup-se-revele-899936.html">parmi les jeunes</a> et les classes moyennes. Aux dernières législatives en 2017, en Guadeloupe 82 candidats en compétition avaient été enregistrés pour 4 sièges, un record. En Martinique 53 postulants se sont présentés dans les 4 circonscriptions. En Guyane, territoire plus vaste avec une population moins importante, 19 candidats se disputaient 2 fauteuils de députés. En 2022 le nombre de candidats diminue en Guadeloupe et passe à 59 alors qu’en Martinique, il augmente de deux points. En Guyane avec 18 postulants le nombre de candidats dans la première circonscription approche le nombre de l’ensemble des candidats du territoire de 2017. Ils sont 9 dans la seconde circonscription ce qui porte le nombre total à 28 soit 9 candidats de plus cette année. Contrairement à une idée reçue la pléthore de candidats n'est pas toujours un signe de bonne santé démocratique. La crise est souvent l'occasion pour des opportunistes de tous bords de présenter une offre diversifiée et démesurée sur le marché politique dans l'espoir d'en tirer des avantages symboliques ou matériels. </p>
<h2>Une offre régionaliste hétérogène</h2>
<p>Il n'est pas toujours aisé de faire la différence entre ces candidatures dont les programmes se proposent de répondre aux attentes de la population. Il est vrai que l'ampleur de <a href="https://theconversation.com/pour-comprendre-l-crise-sociale-en-guadeloupe-172885">la crise sociale</a> dans différents territoires ultra-marins favorise une offre démesurée si l'on juge par le nombre de postulants. Si, dans chaque circonscription on trouve des candidats se réclamant des mêmes orientations que les partis de l'hexagone, on trouve des membres des listes citoyennes <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/12-listes-a-l-assaut-de-la-collectivite-regionale-1038532.html">des dernières régionales</a> dont les programmes sont essentiellement d'ordre social (DIV) avec parfois une précision sur l'orientation politique des candidats. C'est le cas du groupe «<a href="https://www.sentinellesguadeloupe.com/">sentinelles Guadeloupe</a>» ou du mouvement nationaliste NOU qui ont émergé à la faveur de la crise sociale ou sanitaire. L'offre régionaliste n'est pas homogène. Elle correspond généralement au discours de personnes qui ne sont pas affiliées à un parti politique de l'hexagone. Elle peut changer d'un territoire à l'autre et varier au sein d'un même territoire. Par exemple en Martinique parmi les 4 candidats du groupe <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/les-candidats-du-gran-sanble-veulent-gagner-toutes-les-circonscriptions-pour-eviter-la-concentration-du-pouvoir-1235767.html">«Gran Sanblé pou Matinik»</a> on trouve des représentants de mouvements indépendantistes. Mais ce groupe se distingue d'un autre estampillé lui aussi régionaliste «Péyi-a» dont le co-leader est écologiste. </p>
<p>On pourrait faire des remarques analogues à propos des «régionalistes» de Guadeloupe. L'étiquette «régionaliste» ne rend donc pas compte de la diversité de cette offre alternative. Cette fragmentation traduit aussi la conviction des nouveaux candidats que le contexte est une opportunité favorable à une offre différente. </p>
<h2>Critique de Macron et du gouvernement</h2>
<p>Seul point commun entre toutes ces candidtures: la critique du Président de la République et son Ministre des outre-mer dont la gestion de la crise sanitaire n’a pas vaincu les croyances et les résistances de tous ceux qui en masse ont refusé le vaccin. On pense notamment à une partie des personnels soignants qui a préféré être suspendue de ses fonctions plutôt que d’être vaccinée. En Guadeloupe au 20 mars 2022, 629 soignants ont acceptés de s’inscrire dans un processus d’écoute et de parole. 445 ont honoré le rendez-vous. 160 ont refusé la vaccination, 128 ont accepté une rupture conventionnelle de leur contrat. Ce choix a eu un réel impact sur la société locale y compris parmi les vaccinés sensibles aux conséquences humaines de ces suspensions. La <a href="https://theconversation.com/pour-comprendre-la-crise-sociale-en-guadeloupe-172885">mobilisation sociale</a> qui a suivie s’est nourrie de la crise sanitaire et d’un chômage structurel, en particulier des jeunes, le tout étant alimenté plus récemment par les premiers effets économiques de la guerre en Ukraine et la cherté croissante de la vie. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-comprendre-la-crise-sociale-en-guadeloupe-172885">Pour comprendre la crise sociale en Guadeloupe</a>
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<p>Avec cette mobilisation, la défiance à l’égard du gouvernement et des élus locaux constitue donc l’autre élément du répertoire contestataire de nombreux électeurs. Dans ce contexte toute manifestation d’allégeance au président serait préjudiciable aux candidats à la députation. </p>
<h2>Des députés pris en étau</h2>
<p>Le parrainage de l’Elysée, quelle que soit sa forme, est perçu localement comme un cadeau empoisonné pour celui qui le sollicitera ou l’acceptera. Dès lors, qui prendra le risque de se réclamer d’un président–repoussoir ? Certains députés sortants pourraient même pâtir de l’affichage « Ensemble (majorité présidentielle) » enregistré en préfecture. Le cas du <a href="https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/politique/olivier-serva-candidat-aux-elections-legislatives-616932.php">député Olivier Serva</a> en Guadeloupe est de ce point de vue particulièrement intéressant. </p>
<p>Député sortant membre de La République en marche dès 2017, Président de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, il est également membre du GUSR (Guadeloupe, unie, solidaire et responsable) <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/elections-departementales-et-regionales-declaration-officielle-de-candidatures-du-gusr-1010092.html">le premier parti de Guadeloupe</a> par le nombre d’élus et la couverture du territoire. Son cas est révélateur des contraintes locales de l’appartenance d’un député sortant au parti d’un président de la République particulièrement impopulaire dans la collectivité du député. </p>
<h2>Des soutiens locaux stratégiques</h2>
<p>Pour être en phase avec sa base électorale le candidat à la députation a dû parfois critiquer et même <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/pass-vaccinal-olivier-serva-a-vote-contre-le-projet-loi-1197472.html">s’opposer ouvertement aux projets du gouvernement</a> en matière de santé et de politique vaccinale. La conséquence politique de cette défiance est l’isolement du candidat frondeur qui n’a pas reçu l’investiture de son parti. </p>
<p>Au plan strictement local, son affiliation au GUSR ne lui a pas permis de surmonter la sanction du parti national. Le GUSR formellement indépendant de La REM /Renaissance soutient le candidat de la majorité présidentielle. Sans être une fédération de La REM, le GUSR manifeste ainsi son allégeance au Président, conscient des avantages politiques d’un tel choix. Bien qu'allié du président de la région, Guy Losbar le leader du GUSR est aussi son concurrent quant au leadership politique sur le territoire. <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/guy-losbar-a-la-rencontre-des-haut-personnages-de-la-republique-et-de-lrem-1231258.html">Ary Chalus, l'exécutif régional</a> est, lui aussi, proche du président de la république mais doit son succès à son charisme et à sa notoriété. </p>
<p>Ce n'est pas encore le cas <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/guy-losbar-elu-a-la-presidence-du-conseil-de-surveillance-du-chu-de-guadeloupe-1281812.html">de Guy Losbar</a> désormais élu à tête de l'exécutif départemental et à la présidence du conseil de surveillance du CHU de Guadeloupe. </p>
<h2>Reconquérir un électorat déçu</h2>
<p>Concernant le parlementaire Serva, l’épilogue de cette affaire est que le député sortant sans investiture nationale ou locale, malheureux, à la recherche de soutiens, n’hésite pas à se rapprocher d’une liste « citoyenne » opposée au candidat Macron et favorable à la candidate du Rassemblement national lors de la dernière présidentielle. Comment, dans ce contexte, reconquérir un électorat tiraillé entre la défiance vis à vis du gouvernement et un vote lépeniste? </p>
<p>Plus que jamais, les collectivités cherchent à conforter les liens horizontaux en multipliant les échanges intersectoriels sur chaque territoire pour afficher leur souci de répondre à la demande sociale. Plusieurs exemples témoignent, en particulier de la volonté d'associer le secteur privé à l'effort collectif sous forme de contrats de professionnalisation à l'instar de <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/la-compagnie-corsair-mise-sur-le-recrutement-local-1280824.html">l'initiative récente</a> du groupe Corsair, compagnie aérienne qui promet de recruter «local». </p>
<h2>L'appel de Fort-de-France</h2>
<p>La mobilisation des acteurs politiques se traduit aussi par une volonté de coopération entre collectivités ultramarines dont l’illustration la plus éclatante est le récent <a href="https://www.facebook.com/achalus971/videos/673223320701302">Appel de Fort-de-France</a> signé le 16 mai 2022 et qui <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/outre-mer-l-appel-de-fort-de-france-sera-t-il-entendu-par-le-president-de-la-republique-1284804.html">lie les exécutifs</a> de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, la Réunion et Saint Martin.<br>
D’après son initiateur, le député martiniquais Serge Letchimy: > « c’est un moment historique… C’est la première fois qu’il y a une telle unanimité… Si on ne pend pas conscience de la réalité des choses, ça risque d’être un problème demain. » </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1526626893771972610"}"></div></p>
<p>Cet appel plaide pour un nouveau cadre de mise en œuvre des politiques publiques adapté à chaque territoire, conjuguant égalité des droits et capacité locale à domicilier la prise de décision. Il se conclut par une demande de « dialogue exigeant et responsable avec le président de la République ». </p>
<p><a href="https://outremers360.com/bassin-atlantique-appli/la-guadeloupe-la-guyane-la-reunion-saint-martin-et-la-martinique-lancent-lappel-de-fort-de-franc">Historique</a> par la composition des signataires, cet appel l’est moins sur le contenu. Il rappelle une déclaration de Basse-Terre plus ambitieuse <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/vingt-ans-apres-sa-signature-declaration-basse-terre-reste-actualite-777241.html">signée en 1999</a> par les trois présidents de régions de l’époque, Lucette Michaud-Chevry élue de droite de Guadeloupe, Antoine Karam socialiste de Guyane et Alfred Marie-Jeanne leader du Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM). </p>
<p>Au delà du contenu de ce document, c’est la présentation orale de la démarche faite par ses auteurs qui renseigne le mieux sur ses objectifs et ses destinataires.</p>
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<figcaption><span class="caption">En déplacement sur l’île de Sainte-Lucie, lundi 9 et mardi 10 mai 2022, le président de Région Ary Chalus a exprimé sa volonté d’accélérer les projets et de travailler afin de tendre vers une coopération plus efficiente, porteuse de résultats concrets avec les pays membres de l’Organisation of Eastern Caribbean States (OECS). Le 16 mai, une dizaine d'élus signeront l'appel de Fort de France appelant à une coopération ultra-marine plus efficace face au gouvernement.</span></figcaption>
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<h2>Vers des formes différenciées d'autonomies pour les territoires ultra-marins ?</h2>
<p>L'adresse au Président de la République est aussi un message aux populations sur les limites de la responsabilité locale actuelle et la nécessité de formes différenciées d'autonomies pour les territoires ultra-marins. Cette démarche d’une majorité de territoires ultra-marins, est similaire à la demande de domiciliation du pouvoir faite en pleine crise sanitaire par une partie des représentants politiques de Guadeloupe et interprétée par l’ancien ministre, Sébastien Lecornu, comme une demande d’autonomie. </p>
<p>En visite en Guadeloupe le 21 mai, la nouvelle ministre des Outre-mer Yaël Braun-Pivet<a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-21-mai-2022"> s'est attachée à défendre une politique de l'écoute et du dialogue</a>. Mais dans quelle direction ira sa réponse à ces questions ? Les populations seront-elles vraiment associées à cette réflexion? En effet, sous réserve d'une <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/les-collectivites-territoriales-regies-par-l-article-74">révision constitutionnelle</a>, l’adoption d'un <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2005-2-page-5.htm">nouveau statut</a> repose sur la consultation et donc le consentement de la population dont la confiance dans ses élus est loin d’être acquise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fred Reno ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les 11 et 18 juin 2022 les électeurs des Antilles et de la Guyane désigneront leurs représentants à l’Assemblée nationale. Les résultats de la dernière présidentielle sont dans tous les esprits.Fred Reno, Professeur de science politique, Université des AntillesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.