tag:theconversation.com,2011:/global/topics/epigenetique-22557/articlesépigénétique – The Conversation2023-11-19T16:34:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2181022023-11-19T16:34:58Z2023-11-19T16:34:58ZMaltraitance infantile : comment la violence actuelle induit la violence future<p>Selon Organisation mondiale de la Santé, au cours de l’année écoulée, on peut estimer que jusqu’à 1 milliard d’enfants âgés de 2 à 17 ans ont été <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-children">victimes de maltraitance infantile</a>.</p>
<p>Derrière cette expression se cachent la maltraitance physique (coups et blessures infligées à des enfants), la maltraitance émotionnelle (atteintes à l’estime de soi), les abus sexuels et la négligence. À cela, il faut ajouter les enfants qui sont exposés à des traumas infantiles, liés à des situations de violence, comme un terrain de guerre. Ces diverses formes de maltraitance et de traumas infantiles sont malheureusement fréquentes : par exemple on estime qu’au niveau mondial <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1077559511403920">la prévalence est de l’ordre de 12.7 % rien que pour les abus sexuels</a>.</p>
<p>Or, les conséquences de ces maltraitances se font sentir durant des années, voire des décennies, et même se perpétuer au-delà de l’existence des victimes.</p>
<h2>La maltraitance infantile a des conséquences durables</h2>
<p>Les conséquences de la maltraitance infantile sont dévastatrices puisqu’elles induisent des altérations du fonctionnement émotionnel, cognitif et social des sujets, altérations qui persistent une fois que les victimes sont devenues adultes.</p>
<p>Les conséquences peuvent être non seulement des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37525603/">pathologies psychiatriques</a> telles que l’anxiété généralisée, la dépression, les états de stress post-traumatique, les addictions, mais aussi des pathologies métaboliques comme l’obésité. Ainsi, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27908895/">46 % des adultes souffrant de dépression reportent avoir été victimes de maltraitances dans leur enfance</a>, ce qui est un taux très élevé. Par ailleurs, certaines victimes de maltraitance reproduisent ce qu’ils ont subi enfant, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zPOZ0BZfqOk">deviennent à leur tour des prédateurs</a>.</p>
<p>De façon intéressante, ces altérations du fonctionnement psychologique ont été identifiées non seulement dans les cas où la maltraitance s’est traduite par des violences physiques (coups, viols), mais aussi dans les cas où les actes de maltraitance n’ont pas été associés à des atteintes physiques, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8339467/">comme c’est le cas avec les maltraitances émotionnelles ou la négligence</a>. Ces effets sont persistants sur le long terme <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31519507/">puisqu’elles peuvent se transmettre sur plusieurs générations</a>, en particulier au travers d’un déficit de l’attachement.</p>
<p>Dès lors, on peut se demander si les séquelles des diverses formes de maltraitance induisent des conséquences biologiques, en plus des conséquences psychologiques.</p>
<h2>La maltraitance infantile induit des conséquences biologiques</h2>
<p>Les faits concernant de potentiels effets biologiques des maltraitances infantiles sont bien documentés. On sait notamment que <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1783123/">la maltraitance et les traumas infantiles induisent une augmentation de marqueurs de l’inflammation</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26938439/">et des hormones du stress</a>. Ils sont aussi associés à des <a href="https://theconversation.com/les-maltraitances-de-lenfance-laissent-des-cicatrices-dans-ladn-157900">altérations de l’expression des gènes</a> qui persistent jusqu’à l’âge adulte.</p>
<p>En outre, des altérations cérébrales morphologiques et fonctionnelles cérébrales <a href="https://www.youtube.com/watch?v=80Bt6aICUXo&t=2s">ont également été constatées</a>, comme une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6939135/">diminution du volume du cortex préfrontal</a> (une zone importante pour la régulation des émotions, la planification de l’action, la flexibilité cognitive) et de l’hippocampe (une zone importante pour la mémoire) ou une augmentation de l’activité de l’amygdale (une zone impliquée dans l’anxiété et le stress). Par ailleurs, une altération de la connexion entre le cortex préfrontal et l’amygdale a également été observée, ce qui explique probablement les difficultés de régulation émotionnelle.</p>
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<p>Les conséquences des maltraitances se traduisent également par des modifications sur le plan cellulaire, comme des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29158585/">altérations au niveau des oligodendrocytes</a> (les cellules qui forment la gaine entourant les faisceaux de fibres cérébrales) dans une sous-partie du cortex préfrontal, ce qui atteste à la fois du fait que la maltraitance induit des modifications morphologiques durables, et de leur impact fonctionnel.</p>
<p>Il est important de souligner que ces changements biologiques ne sont pas transitoires et limités à la période de l’enfance, mais qu’ils altèrent le développement du sujet et persistent jusqu’à l’âge adulte, voire bien au-delà, influant également sur les descendants des victimes.</p>
<h2>Des conséquences biologiques durables</h2>
<p>Il a été démontré que certaines des altérations biologiques résultant de maltraitances infantiles peuvent se transmettre aux générations suivantes, c’est-à-dire aux enfants, voire aux petits-enfants des personnes exposées à la maltraitance et à la violence. </p>
<p>C’est le cas par exemple des effets sur les hormones du stress, dont le niveau élevé est retrouvé <a href="https://research.rug.nl/en/publications/intergenerational-impact-of-childhood-trauma-on-hair-cortisol-con">chez les descendants de mères qui avaient subi un trauma pendant leur enfance</a> ; il en est de même <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-developmental-origins-of-health-and-disease/article/abs/maternal-childhood-maltreatment-associations-to-offspring-brain-volume-and-white-matter-connectivity/ECFC9E30F964F5F089B3422F2C03F4FF">pour certaines altérations cérébrales</a>. Par ailleurs, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=sHNXpDvKR70&t=32s">l’altération de l’expression des gènes peut quant à elle se transmettre sur plusieurs générations</a>. </p>
<p>Cela donne le vertige quand on pense à certains contextes familiaux, mais aussi aux situations de guerre, puisque le cercle vicieux de la violence peut ainsi se perpétuer de génération en génération, mettant en péril la cohésion sociale entre les personnes - et les peuples ? - dans un cycle sans fin.</p>
<h2>La situation est-elle sans espoir ?</h2>
<p>Fort heureusement, n’est pas totalement désespérée. Des mesures efficaces existent, qui permettent de stimuler la résilience, <a href="https://www.researchgate.net/publication/363186210_A_systematic_review_of_community-level_protective_factors_in_children_exposed_to_maltreatment">comme le support social à l’école ou lors des activités extrascolaires</a>. Certaines psychothérapies, comme les <a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-les-therapies-comportementales-cognitives-et-emotionnelles-129883">thérapies cognitivo-comportementales</a>, ou la participation à des programmes inclusifs et à des <a href="https://www.researchgate.net/publication/342452242_Psychosocial_Interventions_for_Third-Generation_Palestinian_Refugee_Children_Current_Challenges_and_Hope_for_the_Future">interventions psychosociales impliquant des communautés entières</a>, ont aussi fait leurs preuves. </p>
<p>Il faut donc être vigilant à les rendre disponibles dans les communautés les plus à risque, en particulier dans des pays ayant été confrontés à des situations de violences armées. Ce pourrait être l’un des leviers pour arriver à une paix durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Belzung coordonne la chaire Unesco « Maltraitance infantile » (<a href="https://unescochair-children-maltreatment.univ-tours.fr/version-francaise/accueil">https://unescochair-children-maltreatment.univ-tours.fr/version-francaise/accueil</a>).</span></em></p>Les conséquences des traumas subits dans l’enfance peuvent persister durant toute l’existence, voire se transmettre à la descendance. Heureusement, il est possible de stimuler la résilience des victimes.Catherine Belzung, Professor, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1906072022-09-18T15:58:12Z2022-09-18T15:58:12ZVers une nouvelle carte d’identité génétique des cancers<p>Mieux comprendre et traiter le cancer nécessite de décrypter les rouages de cette maladie – ou plutôt de ces maladies, tant il peut prendre des formes multiples.</p>
<p>Un moyen en plein développement est de se pencher sur l’ADN. Toutes nos cellules (y compris les cellules tumorales) ont, dans leur noyau, une molécule d’ADN : sorte de long texte où s’enchaînent notamment les gènes et toute l’information génétique qui contribue à nous définir.</p>
<p>Les cancers résultent de modifications de ce texte génétique (on parle de mutations de sa « séquence ») survenant dans une cellule, qui peuvent être <a href="https://theconversation.com/la-chromothripsie-quand-nos-genes-subissent-un-cataclysme-a-lorigine-de-cancers-tres-agressifs-157169">particulièrement massives</a> et entraîner sa multiplication incontrôlée. Se développe alors une tumeur qui, alors qu’elle grandit et évolue, peut envahir l’organisme.</p>
<p>Les progrès récents des techniques de séquençage « à haut débit » (permettant la lecture rapide du texte génétique) ont permis d’identifier les modifications se cachant derrière de nombreux cancers. Désormais, il est possible de répertorier le « catalogue » de mutations d’une tumeur afin d’établir sa carte d’identité : un atout considérable pour mieux appréhender la nature du cancer en question, ses origines, ses rouages internes et son pronostic. Or une meilleure compréhension de la maladie contribue au développement de traitements plus efficaces.</p>
<h2>Un second niveau d’information génétique</h2>
<p>Mais l’information génétique ne se situe pas que dans le texte inscrit dans notre ADN… Un second niveau de codage, dit « épigénétique », a été identifié. Son étude s’est développée ces dernières décennies. L’épigénétique est à la génétique ce que la ponctuation est à une phrase : son sens sera différent selon la présence et la localisation de virgules, tirets ou parenthèses…</p>
<p>Les modifications épigénétiques (la ponctuation) de l’ADN (les phrases) sont ainsi capables d’influer le message codé dans l’ADN, et sur la façon dont il est exprimé.</p>
<p>D’un point de vue chimique, nos « virgules génétiques » peuvent prendre la forme d’ajout (ou de retrait) de groupements d’atomes spécifiques – en l’occurrence des méthyls (CH<sub>3</sub>). La lecture de ce « code » épigénétique permet d’établir un autre type de carte d’identité : le méthylome.</p>
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<img alt="Niveau de compaction de l’ADN, de la séquence des lettres (ATCG) au repliement final en chromosome dans le noyau des cellules" src="https://images.theconversation.com/files/484591/original/file-20220914-18-1mwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484591/original/file-20220914-18-1mwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484591/original/file-20220914-18-1mwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484591/original/file-20220914-18-1mwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484591/original/file-20220914-18-1mwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484591/original/file-20220914-18-1mwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484591/original/file-20220914-18-1mwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Il y a plusieurs niveaux d’information dans l’ADN : le texte génétique (écrit avec les quatre « lettres » A, T, C et G), qui constitue le génome, et les modifications épigénétiques (notamment les méthylations) qui viennent moduler le message initial.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NIH</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Là encore, son étude fine et sa comparaison avec des méthylomes de cellules saines et tumorales sont riches en informations : si la lecture de la séquence (du texte) génétique renseigne sur les mécanismes de croissance exubérante de la cellule cancéreuse, celle du méthylome précise la nature du cancer et son origine. <em>In fine</em>, le décryptage de ces deux niveaux de données complémentaires contribue à mieux caractériser le cancer et à choisir les traitements anticancéreux les plus adaptés.</p>
<h2>Un usage pionnier en neuro-oncologie</h2>
<p>Si les techniques de séquençage à haut débit ont pris leur envol à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, l’étude du méthylome appartient clairement au XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Du fait de son coût et du matériel nécessaire pour cartographier la ponctuation de l’ADN, cette technique n’est pour l’heure mise en place que dans certains centres d’oncologie médicale spécialisés. En clinique, c’est surtout en <a href="https://doi.org/10.1038/nature26000">neuro-oncologie (tumeurs du cerveau et de la moelle), pionnière dans le domaine</a>, que son utilisation est la plus aboutie – notamment dans les cas de diagnostic difficile. L’<a href="https://doi.org/10.1093/neuonc/noab106">Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande d’ailleurs son étude dans le diagnostic de nombreuses tumeurs cérébrales</a> depuis 2021.</p>
<p>Si d’autres types de cancer (sarcomes, développés à partir des os, des muscles, de la graisse…) commencent à être étudiés par leur méthylome, les <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-020-20603-4">résultats sont encore préliminaires</a>.</p>
<p>L’analyse des données de méthylome repose sur la bio-informatique et nécessite le développement d’algorithmes (formules de calcul) d’intelligence artificielle (IA). L’idée de base est simple : il faut classer ensemble les tumeurs qui ont la même ponctuation (donc les mêmes variations au niveau épigénétique), à l’instar d’un jeu de 7 familles où le joueur cherche à rassembler les individus d’une même famille.</p>
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<p>Une large base de données développée par une équipe de l’université d’Heidelberg rassemble déjà les <a href="https://www.molecularneuropathology.org">profils de méthylation de presque 100 000 tumeurs cérébrales</a>, classées en 80 familles ou sous-familles.</p>
<p>En libre accès, elle permet l’envoi de nouvelles données qui sont analysées en ligne gratuitement. L’avantage est double puisque d’une part le logiciel propose au médecin pathologiste un classement de la tumeur envoyée, et l’équipe d’Heidelberg enrichit sa base de données, rendant les algorithmes d’IA plus performants – de façon générale, plus un algorithme analyse de tumeurs, plus les classements qu’il propose seront fiables. Cette forme de projet collaboratif international bénéficie ainsi au plus grand nombre : patients, médecins et chercheurs.</p>
<p>Dans certains cas, la machine peut se révéler meilleure que le médecin pathologiste qui, de façon traditionnelle, examine les cellules cancéreuses au microscope.</p>
<p>Mais si la machine peut parfois dépasser l’humain, elle peut aussi être prise en défaut face à des tumeurs très rares qu’elle n’aurait pas (ou peu) rencontrées : le risque est alors qu’elle ne réussisse pas à classer la tumeur ou, plus grave, la classe dans une mauvaise famille. C’est pourquoi tout diagnostic est vérifié par un médecin pathologiste, qui réalise une synthèse de son diagnostic microscopique, des résultats du méthylome et des mutations détectées à la lecture du texte génétique.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/peut-on-deja-faire-confiance-a-lia-pour-diagnostiquer-un-cancer-197180">Tout diagnostic final est ainsi dit « intégré » car il prend en compte les données microscopiques, génétiques et épigénétiques</a>. Plus fiable, il permet à l’oncologue de choisir au mieux les traitements.</p>
<p>Malgré les limites de l’IA, l’analyse du méthylome représente un progrès considérable dans le diagnostic des tumeurs cérébrales, notamment de l’enfant – chez qui elles sont beaucoup plus variées que chez l’adulte. En France, les Centres hospitalo-universitaires (CHU) référents en neuro-oncologie s’équipent progressivement afin que, dans les années à venir, une carte d’identité épigénétique puisse être établie pour chaque tumeur (en plus de la carte d’identité génétique déjà réalisée).</p>
<h2>Une technique qui va encore gagner en puissance</h2>
<p>Contrairement au texte génétique qui est fixé littéralement dans l’œuf, dès notre conception, et est très complexe à modifier, l’information épigénétique est plus « modulable ». Certains <a href="https://doi.org/10.1051/medsci/2022025">traitements appelés « épidrogues »</a> peuvent ainsi changer la ponctuation de l’ADN et contribuent à freiner l’évolution du cancer. Si la recherche à leur sujet est toujours en cours pour comprendre leur impact global sur le corps, ils pourraient être administrés en complément des traitements conventionnels (radiothérapie et chimiothérapie).</p>
<p>En oncologie, la notion de « médecine personnalisée » ou « médecine de précision » (traitements sur mesure adaptés à la personne et spécifiques du type de cancer) est sur toutes les lèvres. En effet, les chimiothérapies très générales ne sont <a href="https://theconversation.com/la-duplication-du-genome-facteur-de-resistance-aux-traitements-des-cancers-168103">pas efficaces chez tous les patients</a> et touchent aussi les tissus sains, y provoquant de nombreux effets indésirables. Choisir des médicaments à partir des caractéristiques génétiques et épigénétiques du cancer donne l’espoir de voir apparaître un meilleur contrôle de la maladie et d’épargner, dans une certaine mesure, les tissus sains (avec des « thérapies ciblées »).</p>
<p>Ainsi, le méthylome semble avoir de beaux jours devant lui. Même si la ponctuation n’apparaît pas, au premier abord, essentielle à une phrase, elle est indispensable à la lecture d’un texte et à sa bonne compréhension. On sait aujourd’hui que le cancer est une maladie génétique et épigénétique et que les virgules comptent autant que les consonnes et les voyelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190607/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Audrey Rousseau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bien identifier un cancer est la clé pour lancer le bon traitement. Les oncologues disposent d’une nouvelle aide génétique : le « méthylome ». De quoi s’agit-il ? Décryptage d’une révolution en cours.Audrey Rousseau, Professeur en Anatomie Pathologique - Médecin enseignant-chercheur au CHU d'Angers, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787062022-05-23T19:53:56Z2022-05-23T19:53:56ZTabac, alcool et autres drogues… Ils modifient notre épigénome<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464270/original/file-20220519-24-mdywrm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C0%2C8206%2C4187&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alcools, cannabis, tabac sont capables de provoquer des altérations de l'ADN.</span> <span class="attribution"><span class="source">Monticello/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les addictions, qui se caractérisent par la perte de contrôle vis-à-vis d’un produit ou d’un comportement, sont un des problèmes majeurs des sociétés contemporaines. Le phénomène est complexe… Leur origine notamment, leur étiologie, est multifactorielle : il faut qu’un individu rencontre un produit dans un contexte socio-environnemental donné, selon le <a href="https://www.grea.ch/dossiers/addiction?page=6">modèle bio-psycho-social</a>.</p>
<p>Longtemps sous-estimé, cet aspect multifactoriel commence à être mieux saisi et la diversité des causes appréhendée. Ressortent désormais des facteurs inattendus et longtemps mal compris – notamment au niveau de la génétique :</p>
<blockquote>
<p>« Un grand nombre de facteurs individuels, culturels, biologiques, sociaux et environnementaux convergent pour augmenter ou diminuer la probabilité qu’un individu particulier consomme une certaine quantité d’une substance psychoactive donnée… D’autres affections, dites à déterminisme complexe, semblent être provoquées par l’interaction de plusieurs gènes et de facteurs environnementaux. La dépendance est l’une d’elles. » (Rapport de l’OMS <a href="https://www.who.int/substance_abuse/publications/en/Neuroscience_F.pdf">« Neurosciences : usage de substances psychoactives et dépendance »</a>, publié en 2004)</p>
</blockquote>
<p>« Des facteurs environnementaux et génétiques contribuent aux différences interindividuelles dans la vulnérabilité à initier une consommation, ou à devenir abuseur ou dépendant de divers toxiques, » pointait en 2008 le psychiatre, spécialiste de la génétique des comportements, <a href="https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2008-3-page-29.htm">Philip Gorwood</a>.</p>
<p>C’est en 2009 que la notion d’épigénétique a pris pour moi tout son sens, lors de la conférence de Patrick McGowan, invité à la <a href="http://www.mda.aphp.fr">Maison de Solenn</a> par le Pr Bruno Falissard (<a href="https://cesp.inserm.fr/fr">Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, ou CESP</a>). Ce spécialiste en neuroscience et épigénétique présentait alors son étude publiée dans la <a href="https://www.nature.com/articles/nn.2270">revue scientifique Nature</a> montrant que des traumatismes vécus dans l’enfance pouvaient modifier l’expression de certains gènes, et conduire au suicide.</p>
<p>On savait déjà que des perturbations de <a href="https://stringfixer.com/fr/Hypothalamic-pituitary-adrenal_axis">l’axe hypothalamo-hypophysaire (hypothalamus et hypophyse, ou glande pituitaire, sont situés au cœur du cerveau)</a>, comme un taux élevé de cortisol (un glucocorticoïde, hormone de stress), sont associées à des épisodes dépressifs et des <a href="http://www.antoniocasella.eu/salute/Mann_2003.pdf">tentatives de suicide</a>.</p>
<p>Pour étudier un éventuel lien avec ces situations tragiques, McGowan a étudié l’expression d’un gène codant pour les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9cepteur_des_glucocortico%C3%AFdes">récepteurs</a> du cortisol (<a href="https://www.planetesante.ch/Magazine/Psycho-et-cerveau/Borderline/La-memoire-dans-les-genes">NR3C1</a>) au niveau de la structure cérébrale qui en comporte le plus : l’hippocampe. Et ce dans trois populations : victimes de suicide abusées dans l’enfance (douze personnes), victimes de suicide sans antécédent d’abus (douze personnes) et douze contrôles (victimes de mort subite ou accidentelle, sans antécédents d’abus).</p>
<p>Il a observé que l’expression de ce gène était diminuée uniquement chez les victimes d’abus dans l’enfance. Et le mécanisme impliqué n’était pas génétique proprement dit, avec par exemple la mutation d’un gène, mais « épigénétique » : une ou plusieurs lettres du « mot » constituant le gène étaient non pas changées mais altérées (comme un « e » transformé en « é »), en l’occurrence par une « méthylation ». Ces enfants ne pouvaient pas faire face aux situations génératrices de stress en raison de la défaillance de cet axe cérébral.</p>
<p>Il est maintenant acquis que l’usage des substances psychoactives peut induire ces modifications épigénétiques. Identifier leurs mécanismes permettra de mieux comprendre les messages de prévention « tolérance zéro pour l’alcool et le tabac pendant la grossesse »… qui devraient aussi concerner le futur père.</p>
<h2>Génétique – épigénétique : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Nous connaissons bien ce qui caractérise notre patrimoine génétique, notre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nome">génome</a>. Enserré dans le noyau des cellules, il s’étire le long des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chromosome">chromosomes</a>, constitués d’une molécule d’ADN enroulée autour de protéines, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histone">histones</a>. Cette configuration en « chromatine » permet de placer une grande quantité d’information génétique dans le minuscule noyau.</p>
<p>Le génome lui-même est constitué de régions codantes (les gènes principalement) et non codantes. L’information présente dans les régions codantes n’est accessible à la machinerie cellulaire que si la chromatine n’est pas enroulée trop serrée : les <a href="https://www.nature.com/scitable/topicpage/dna-transcription-426/">gènes peuvent alors être transcrits</a> en autant d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_ribonucl%C3%A9ique_messager">ARN messagers</a>.</p>
<p>Chaque ARNm est ensuite conduit hors du noyau pour être traduit en protéine. Incontournables, les protéines remplissent des fonctions très diverses au sein de la cellule et de l’organisme, structurelles comme fonctionnelles.</p>
<p>On l’a dit, le texte d’un gène peut avoir une erreur (mutation) au niveau de l’ADN même, ce qui entraîne la synthèse d’une protéine anormale. Ce qui peut être sans conséquence… ou provoquer des maladies génétiques, potentiellement transmissibles à la descendance.</p>
<p>Mais, parfois, aucune mutation ne peut être associée : il faut regarder non le texte génétique lui-même mais ce qui l’entoure.</p>
<p>Le terme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pig%C3%A9n%C3%A9tique">« épigénétique »</a> a été proposé pour la première fois par <a href="https://www.nature.com/articles/150563a0">Conrad Hal Waddington</a>, paléontologue et généticien britannique (1905–1975), dans les années 1940 comme « la branche de la biologie qui étudie les relations de cause à effet entre les gènes et leurs produits ». Il propose le concept de « paysage épigénétique », c’est-à-dire l’ensemble des <a href="https://www.inserm.fr/dossier/epigenetique/">modifications réversibles, transmissibles et adaptatives de l’expression des gènes sans en changer le texte</a>. L’expression des gènes pourra ainsi être réduite ou inactivée, de manière flexible, dynamique, tout au long de la vie.</p>
<p>L’épigénome, ou ensemble des modifications épigénétiques reçues par une cellule, constitue ainsi une véritable mémoire des impacts environnementaux (exposition à des stress nutritionnels, toxiques ou psychosociaux) auxquels elle a été exposée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma du repliement de l’ADN" src="https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les différents niveaux de compaction de l’ADN sont représentés ici (de la cellule aux « lettres » qui composent la molécule). Les modifications épigénétiques possibles sont indiquées en couleur (méthylation en rouge, acétylation en bleu, phosphorylation en jaune).</span>
<span class="attribution"><span class="source">NIH/Phrood</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les principaux mécanismes épigénétiques</h2>
<p>Les modifications épigénétiques peuvent se produire à plusieurs niveaux et prendre de nombreuses formes :</p>
<ul>
<li><p>Certains petits <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ARN_non_codant">ARN ne codant aucun gène sont dits « interférents »</a> car leur fonction est de venir interférer avec l’expression normale de l’ADN. Ils ont ainsi un rôle régulateur ou structurel.</p></li>
<li><p>La <a href="https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/deacetylation-et-remodelage-de-la-chromatine-un-meme-combat-anti-transposons">chromatine peut être remodelée</a>. Cela peut entraîner son inactivation et des dérégulations de l’expression des gènes.</p></li>
<li><p>Les histones, qui permettent l’empaquetage de l’ADN, peuvent aussi être modifiées chimiquement : par <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2002/01/medsci2002181p17/medsci2002181p17.html">méthylation</a> (ajout d’un groupe « méthyle » X-CH<sub>3</sub>), <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2009/02/medsci2009252p121/medsci2009252p121.html">acétylation</a> (ajoute d’un groupe « acéthyle » X-CO-CH<sub>3</sub>), <a href="https://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/4607/MS_2003_10_955.html">phosphorylation (ajout d’un groupe phosphate) ou ubiquitinylation (ajout d’une petite protéine appelée ubiquitine, qui commande la dégradation de sa cible)</a>.</p></li>
</ul>
<p>Les effets sont divers (condensation ou décompaction de la chromatine pour réprimer ou activer la transcription de gènes…), rapides et de courte durée.</p>
<ul>
<li>Enfin, l’ADN peut lui aussi être modifié par le même type de réaction chimique. Par exemple, sa <a href="https://curie.fr/actualite/epigenetique-et-genetique/lart-de-la-methylation">méthylation locale</a> éteint les gènes présents, de manière stable mais potentiellement réversible.</li>
</ul>
<h2>L’impact épigénétique du tabac</h2>
<p>Nous avons eu l’occasion de revenir sur ces thèmes majeurs lors du <a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/congres1.html">congrès annuel de la Société francophone de tabacologie</a>, à Reims en novembre 2021. C’était le thème d’une session que j’animais avec le Dr Jean Perriot.</p>
<p>À cette occasion, Johanna Lepeule (<a href="https://iab.univ-grenoble-alpes.fr/node/188/departement-environnement-reproduction-infections-cancer/equipe-slama-siroux-epidemiologie-environnementale-appliquee-au-developpement-et-sante-respiratoire">IAB, Grenoble</a>) aborda la question du <a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/CSFT2021/S11a_LEPEULE_johanna.pdf">tabagisme maternel et de la méthylation de l’ADN placentaire</a>. Dans une étude publiée en 2020 dans le <a href="https://bmcmedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12916-020-01736-1">BMC Medicine</a>, elle avait analysé avec son équipe le placenta de 568 femmes, réparties en trois groupes : des non-fumeuses (381 femmes) ; des ex-fumeuses (70 femmes), ayant arrêté dans les trois mois précédant la grossesse et n’ayant pas fumé pendant la grossesse ; et des fumeuses (117 femmes), ayant fumé dans les trois mois avant la grossesse et pendant la grossesse.</p>
<p>Les <a href="https://www.edimark.fr/courrier-addictions/placenta-conserverait-memoire-exposition-tabac-avant-grossesse-entretien-avec-johanna-lepeule">principaux résultats</a> ont été les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Des altérations ont été observées dans 152 régions du génome pour lesquelles, après l’arrêt du tabac chez les ex-fumeuses, la méthylation de l’ADN semblait revenir au même niveau que celui des non-fumeuses. Les modifications de ces régions sont été classées comme réversibles.</p></li>
<li><p>Des altérations ont été observées dans 26 régions génomiques pour lesquelles le niveau de méthylation restait inchangé malgré l’arrêt du tabac chez les ex-fumeuses, et comparable à celui des fumeuses. Ces régions porteraient donc la mémoire de l’exposition préconceptionnelle au tabac.</p></li>
</ul>
<p>Parmi les gènes affectés par le tabac, un certain nombre sont identifiés comme particulièrement importants pour le développement du fœtus et de l’enfant.</p>
<p><strong>Le message est donc clair : il faut arrêter de fumer dès que le projet de conception est formulé.</strong></p>
<p>L’arrêt du tabac doit concerner la future mère ainsi que son conjoint. En effet, l’ADN des spermatozoïdes en formation peut être <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27565179/">affecté lui aussi par des méthylations</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un jeune couple tranquillement installé s’allume une cigarette chacun" src="https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans le cadre d’un projet parental, future mère et futur père doivent arrêter le tabac.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UfaBizPhoto/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’impact épigénétique de l’alcool</h2>
<p>L’<a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.fr/dl/CSFT2021/S11b_NAASSILA_mickael.pdf">alcool a également un effet épigénétique prouvé</a>, comme l’a souligné le Pr Mickael Naassila, président de la <a href="http://www.sfalcoologie.asso.fr/page.php ?choix=A1">Société française d’alcoologie</a> (SFA) et de la <a href="https://www.esbra.com/">Société européenne de recherche biomédicale sur l’alcoolisme</a> (ESBRA).</p>
<p>Là encore, plusieurs mécanismes épigénétiques sont mis en jeu :</p>
<ul>
<li><p>Une hyperméthylation de l’ADN observée sur certaines portions bien précises de l’ADN de cellules sanguines,</p></li>
<li><p>Une méthylation et une acétylation d’une histone.</p></li>
</ul>
<p>On retrouve ces <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5420490/">modifications associées</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5439216/">aux troubles de l’usage d’alcool</a> et dans le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28431792/">syndrome d’alcoolisation fœtale</a>.</p>
<p>Actuellement, des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31161790/">recherches sont menées en France</a> sur des molécules qui permettraient d’induire une diminution de la consommation d’alcool et de freiner la rechute, comme l’administration d’inhibiteurs des histones désacétylases (HDAC), tel le butyrate de sodium.</p>
<h2>L’impact épigénétique des drogues illicites</h2>
<p>En janvier 2022, l’Académie nationale de médecine a <a href="https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2022/02/Rapport-Epige %CC %81ne %CC %81tique.pdf">publié un rapport sur le sujet</a>, sous la direction de Jean-Pierre Goullé et Michel Hamon (sous-commission Addictions), dont plusieurs points sont importants à connaître. Voici les principaux, identifiés chez des modèles animaux.</p>
<ul>
<li><p>Cannabinoïdes : Le THC (Δ9-tétrahydrocannabinol) « est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6632091/">susceptible d’engendrer des modifications épigénétiques</a>. Elles pourront s’observer chez une personne dont les deux parents ont, ou un parent seulement a, consommé la drogue avant sa conception, ou encore dont la mère l’a consommée pendant la gestation, ou enfin qui s’est exposée au THC au cours de son adolescence, voire ultérieurement ». On observe une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6794936/">méthylation de l’ADN, des modifications des histones ainsi que l’existence d’ADN non codants</a>.</p></li>
<li><p>Cocaïne : Elle provoque une <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2015/04/medsci20153104p439/medsci20153104p439.html">acétylation des histones, une méthylation de l’ADN et des ADN non codants</a>.</p></li>
</ul>
<p>L’usage des drogues licites (alcool et tabac) et illicites modifie notre épigénome. Il est donc important d’en tenir compte en termes d’actions de santé publique, de prévention auprès des couples désirant un enfant et des jeunes en particulier. Le recours à des méthodes validées, basées sur les <a href="https://otcra.fr/categories/outils/college/">compétences psychosociales</a>, permet déjà d’agir dans ce sens.</p>
<p>Pour citer Claude Olievenstein, psychiatre spécialiste des toxicomanies, « la dépendance, c’est la rencontre entre un produit (une substance psychoactive), un individu et un environnement (familial et socioculturel) ». Nous venons de voir comment une substance psychoactive pouvait affecter notre descendance et modifier notre génome, de manière réversible, transmissible et adaptative. Cette rencontre peut ainsi nous rendre plus vulnérables et nous conduire au développement d’une addiction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Arvers est administrateur de la SFT, de l'IRAAT et de l'IREPS ARA. </span></em></p>Les substances psychoactives ont des conséquences néfastes bien connues sur la santé. Mais elles peuvent aussi changer l’expression des gènes des consommateurs et de leurs enfants. Voici comment.Philippe Arvers, Médecin addictologue et tabacologue, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1808232022-04-20T18:12:28Z2022-04-20T18:12:28ZL’épigénétique au tribunal, quels enjeux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456609/original/file-20220406-14103-vz2z1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=152%2C44%2C5838%2C3943&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Illustration numérique d'un brin d'ADN humain. </span> <span class="attribution"><span class="source">Vitstudio</span></span></figcaption></figure><p>Avez-vous entendu parler de l’épigénétique ? Ce terme, inventé il y a déjà huit décennies pour rendre compte du rôle essentiel des gènes dans l’<a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/biologie-embryogenese-14875/">embryogénèse</a> (les stades précoces du développement de l’embryon) et plus généralement dans le développement des organismes vivants, a pris depuis de nombreuses autres significations.</p>
<p>Il est aujourd’hui le plus souvent invoqué pour signifier que les variations génétiques n’expliquent pas tout des différences entre individus et que l’environnement, pris au sens large, façonne en grande partie qui nous sommes. Comment ? En modulant durablement le fonctionnement des gènes, sans cependant changer la séquence de l’ADN.</p>
<p>À la manière dont la sociologue <a href="http://www.alondranelson.com/books/the-social-life-of-dna-race-reparations-and-reconciliation-after-the-genome">Alondra Nelson l’a fait pour la génétique</a>, l’actualité invite à étudier la circulation publique du terme « épigénétique » comme la diversité de ses usages à l’extérieur de la communauté scientifique.</p>
<h2>Réparer l’esclavage</h2>
<p>Ainsi, le 18 janvier dernier, le tribunal de Fort-de-France a rendu un jugement très attendu dans le cadre d’une requête en réparation et indemnisation des crimes de traite négrière et d’esclavage par l’État français.</p>
<p>Ce jugement s’inscrit dans une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/26/aux-antilles-une-cascade-de-proces-contre-l-etat-sur-la-question-de-l-esclavage_6111042_3224.html">procédure judiciaire</a> initiée en mai 2005 par deux associations, le Mouvement international pour les réparations (MIR) et le Conseil mondial de la diaspora panafricaine (CMDPA).</p>
<p>Il vient clore une séquence plus récente, ouverte à l’occasion du procès historique qui s’est tenu à Fort-de-France les 11 et 12 octobre 2021.</p>
<p>Durant ce procès, les avocates du MIR avançaient un nouvel argument pour les parties civiles, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/aux-antilles-l-etat-poursuivi-par-les-descendants-d-esclaves-20211014">celui de l’épigénétique</a>.</p>
<p>« Il y a l’épigénétique, c’est la dernière révolution », avait ainsi indiqué aux juges Maître Evita Chevry, défense du MIR. Selon cette dernière, cette science nouvelle permettrait « d’expliquer la transmission génétique aux descendants des esclaves du traumatisme et des réactions liées au stress ».</p>
<p>Le 18 janvier 2022, la cour d’appel de Fort-de-France <a href="https://www.ouest-france.fr/societe/justice/fort-de-france-des-descendants-d-esclaves-deboutes-par-la-justice-aa9b94b8-790a-11ec-a017-96843a9ea100">déclarait irrecevable la demande de réparation</a>. Mais Garcin Malsa, ancien maire indépendantiste de Sainte-Anne et président du MIR déclarait <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/proces-sur-les-reparations-nous-allons-continuer-jusqu-en-cassation-garcin-malsa-president-du-mir-martinique-1207912.html">se pourvoir en cassation en invoquant, à nouveau, les recherches en épigénétique :</a></p>
<p>« Nous allons leur faire la démonstration que du point de vue scientifique, en nous appuyant sur des rapports épigénétiques, que dans notre population, dans les populations noires, et bien il y a un degré de causalité entre l’esclavage et l’hypertension par exemple, le diabète… »</p>
<p>Si le recours juridique à un argument épigénétique reste encore rare, il est déjà apparu aux Antilles dans <a href="https://theconversation.com/chlordecone-et-cancer-a-qui-profite-le-doute-113334">l’affaire dite du chlordécone</a>, un pesticide utilisé massivement dans les bananeraies en Martinique et en Guadeloupe. On le retrouve ainsi <a href="http://ugtg.org/IMG/pdf/Chlordecone_-_Plainte_avec_constitution_de_partie_civile.pdf">dans une plainte</a>, portée parfois par les mêmes avocats que pour la demande de réparation.</p>
<h2>L’empreinte biologique du trauma</h2>
<p>Dans le cas de l’esclavage et de la traite négrière, la plainte s’appuie sur des travaux exploitant les progrès récents du séquençage de l’ADN pour identifier l’empreinte biologique laissée par les situations d’adversité extrême (guerre, génocide, famine, etc.), leurs effets sur la santé et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0539018419897600?journalCode=ssic">leur possible transmission à travers les générations</a>.</p>
<p>Parmi ces travaux de référence, ceux de l’équipe dirigée par Rachel Yehuda sur les descendants de survivants de l’Holocauste ou d’autres personnes confrontées à une situation d’adversité extrême ont obtenu une <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/06/23/la-shoah-un-traumatisme-hereditaire_4443865_1650684.html">couverture médiatique importante</a>.</p>
<p>On peut aussi citer ceux de Grazyna Jasienska qui, dès 2009, s’appuyait sur les avancées de l’épigénétique pour défendre l’idée selon laquelle les générations qui se sont succédées depuis l’abolition de l’esclavage aux États-Unis (1865) n’ont pas suffi à effacer l’impact de l’esclavage sur l’état biologique et sanitaire contemporain de la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0539018419899336">population afro-américaine</a>.</p>
<p>L’irruption de ces travaux aux Antilles est à relier avec le colloque <a href="https://www.madinin-art.net/lesclavage-quel-impact-sur-la-psychologie-des-populations/">« L’esclavage : quel impact sur la psychologie des populations »</a> organisé en 2016 par Aimé Charles Nicolas, professeur en psychiatrie et en addictologie.</p>
<p>À cette occasion, Ariane Giacobino, médecin et généticienne, expose l’état de la recherche, parfois exploratoire, en épigénétique.</p>
<h2>L’administration de la preuve reste à faire</h2>
<p>Les avocats du MIR ont-ils raison de voir dans l’épigénétique un appui scientifique pour défendre leur cause ? En d’autres termes, les recherches scientifiques dans le domaine de l’épigénétique prouvent-elles qu’il est possible d’hériter du traumatisme de l’esclavage ?</p>
<p>Une étude de l’état des savoirs indique que, comme pour beaucoup d’autres fronts de recherche émergents, l’essentiel de l’administration de la preuve reste à faire.</p>
<p>En effet, si la possibilité d’une transmission intergénérationnelle (des parents aux enfants voire aux petits-enfants) d’altérations physiologiques ou comportementales induites par des polluants ou des situations extrêmes commence à être bien documentée – voir les <a href="https://www.cell.com/fulltext/S0092-8674(14)00286-4">travaux de Edith Heard et Robert A.Martienssen</a> ; ceux de <a href="https://faseb.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1096/fj.201500083">Sanne D. van Otterdijk et Karin B. Michels</a> ou encore <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34545247/">ceux de Conin C et Oliver J Rando</a> -, elle est néanmoins le plus souvent limitée du fait des mécanismes moléculaires de reprogrammation épigénétique entre générations, mécanismes essentiels à la reproduction et au développement normal de l’embryon.</p>
<p>De plus, une transmission au-delà de quelques générations reste difficile à concevoir en raison des différences génétiques au sein du couple qui donne naissance à un enfant. Ces différences « rebattent les cartes » à chaque génération et influencent à des degrés divers l’état épigénétique des individus porteurs.</p>
<p>Et enfin, plus fondamentalement encore, les sociétés humaines sont caractérisées par un degré d’héritage socioculturel considérable, dont les effets sont visibles partout et à chaque instant. Dans ce contexte, proposer qu’une transmission épigénétique, qui plus est dans le temps long, des préjudices et souffrances subis par des populations soit la cause première des difficultés auxquelles leurs lointains descendants sont confrontés pose question.</p>
<p>Faut-il en conclure que les avocats du MIR font fausse route et que ce détour par la biologie ne peut qu’affaiblir une cause légitime ?</p>
<p>Si la décision du tribunal de Fort-de-France montre l’inefficacité juridique du recours à l’épigénétique, il ne faut pas sous-estimer ses effets sociaux et politiques et ceci pour au moins trois raisons.</p>
<h2>Un sujet médiatisé et internationalisé</h2>
<p>D’abord parce que les avocats du MIR s’adressent tout autant aux juges du tribunal de Fort-de-France qu’à la société civile antillaise dans son ensemble. Au-delà de la justice, c’est la société civile qu’ils souhaitent convaincre.</p>
<p>L’étude de la circulation publique de l’épigénétique montre que le grand public est fasciné par l’idée d’une transmission héréditaire du traumatisme. Par ailleurs, la couverture médiatique obtenue par des travaux exploratoires souvent spectaculaires <a href="https://academic.oup.com/eep/article/4/2/dvy018/5055599">rendent les débats scientifiques sur ces questions difficilement audibles</a> Résultat : cette notion de transmission épigénétique du trauma peut constituer un vecteur de mobilisation sociale et politique alors même qu’elle n’est pas, à ce stade, confirmée scientifiquement.</p>
<p>Ensuite, à travers cette référence à l’hérédité épigénétique, les plaignants rouvrent un débat public déjà bien nourri sur la <a href="https://laviedesidees.fr/Les-Antilles-francaises-ou-les.html">nature de l’héritage des anciennes colonies françaises d’Amérique</a>.</p>
<p>Ces territoires connaissent des crises sociales à répétition, notamment parce qu’ils concentrent des inégalités sociales supérieures à celles observables en métropole. Ces inégalités ont avec l’esclavage une source historique tragique. L’épigénétique peut alors apparaître comme une ressource supplémentaire pour rendre compte, ici et maintenant, de l’ampleur de ces inégalités, en particulier sur le plan de la santé.</p>
<p>Enfin, en se référant explicitement à l’épigénétique, les avocats du MIR prennent place sur la carte mondiale des mouvements de demande de réparation historique qui, comme aux Antilles, mobilisent les avancées de l’épigénétique.</p>
<p>En effet, là où la référence à la génétique a fréquemment été rejetée par les activistes ou les militants associatifs refusant de biologiser la cause des descendants de populations opprimées, l’épigénétique à travers l’interdépendance du biologique et de l’environnement social et culturel qu’elle suppose, semble plus acceptable, <a href="https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/sante-et-biotech/lepigenetique-comment-nos-experiences-laissent-elles-des-traces-dans-notre-adn/lepigenetique-nos-experiences-sont-elles-transmises-a-nos-descendants/">y compris dans le processus de transmission biologique des expériences vécues qu’elle permettrait</a>.</p>
<p>L’épigénétique est construite dans les termes d’une <a href="https://link.springer.com/book/10.1057/9781137377722">« biologie politique »</a> présente dans des contextes revendicatifs semblables ou très différents au <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4232330/">Canada</a> avec le dossier des « boarding schools » imposées aux enfants autochtones, en <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0162243919831077">Australie</a> avec les violences coloniales infligées aux populations aborigènes, aux <a href="https://www.ncobraonline.org/harmreport/">États-Unis</a> avec les conséquences de l’esclavage ou en <a href="https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/maq.12678">Afrique du Sud</a> avec une société post-apartheid qui reste profondément marquée par le racisme.</p>
<p>Cette circulation globale du terme « épigénétique » au nom des valeurs de <a href="https://theconversation.com/if-were-not-careful-epigenetics-may-bring-back-eugenic-thinking-56169">l’émancipation et de la justice sociale</a> fait plus qu’illustrer la diversité des usages sociaux et politiques de la science. Elle montre de quelle manière ses avancées, même les plus exploratoires, alimentent à l’échelle internationale de nouvelles formes de mobilisation collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Dubois a reçu des financements du CNRS et de l'Agence Nationale de la Recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Catherine Guaspare a reçu des financements de l'ANR</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Colot a reçu des financements d'organismes de soutien à la recherche (UE, ANR et CNRS).
Vincent Colot est membre de la Société française de génétique (SFG).</span></em></p>L’argument des atteintes épigénétiques causées aux descendants d’esclaves a récemment été invoqué pour demander réparation à l’État français des crimes de traite négrière. Décryptage.Michel Dubois, Directeur de recherche CNRS, Sorbonne UniversitéCatherine Guaspare, Ingénieure d'études, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Vincent Colot, Directeur de recherche, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1777802022-03-17T19:22:24Z2022-03-17T19:22:24ZMieux comprendre l’expression des gènes pour créer de nouveaux médicaments<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451570/original/file-20220311-26-15qwc84.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C377%2C2048%2C1557&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'ADN (bleu clair) s'enroule autour du nucléosome (bleu sombre).</span> <span class="attribution"><span class="source"> Antonio Monari</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis sa découverte en 1953 grâce aux données des diffractions aux rayons X obtenues par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rosalind_Franklin">Rosalind Franklin</a>, la structure à double hélice de l’ADN est incontestablement une des images les plus iconiques liées à la science et à la biologie. En conséquence, elle fait partie du patrimoine de connaissances communes de notre époque et elle permet d’expliquer bien des processus biologiques.</p>
<p>En effet, l’appariement en double hélice de l’ADN est crucial pour son rôle lié au stockage et à la réplication de l’information génétique. Cette structuration particulière est due au fait que les quatre briques élémentaires qui la composent (nommées nucléotides ou bases) peuvent s’apparier seulement de manière sélective : une thymine est associée à une adénine et une cytosine fait face à une guanine. En conséquence, la machinerie cellulaire pourra, à partir d’un brin d’ADN modèle, synthétiser sans erreur son brin complémentaire, assurant ainsi la <a href="https://www.cours-pharmacie.com/biologie-moleculaire/replication-de-ladn.html">réplication de l’ADN</a> nécessaire à la prolifération des cellules.</p>
<p>De plus, cette succession de bases contient l’information génétique des cellules ou de l’organisme, qui amènera à la production de protéines spécifiques. Par ailleurs, l’organisation des bases de l’ADN permet aussi de délimiter des régions codantes (c’est-à-dire les régions traduites en protéines, aussi appelées gènes) et des régions non codantes.</p>
<p>Néanmoins, la <a href="https://www.cours-pharmacie.com/biologie-moleculaire/traduction-de-ladn.html">traduction de l’information de l’ADN en protéines</a> ne peut pas se faire directement. Elle nécessite de passer par une structure intermédiaire : <a href="https://theconversation.com/points-forts-limites-risques-decryptage-de-la-technologie-des-vaccins-a-arn-152333">l’ARN messager (ARNm)</a>, très proche de l’ADN moyennant quelque modifications chimiques dans son squelette et la substitution de la thymine par l’uracile. Lues trois par trois (on parle de triplets), les bases constituant l’ARN messager correspondent à des acides aminés précis, qui sont les éléments de base des protéines. C’est ce <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_g%C3%A9n%C3%A9tique">code génétique</a> qui permet la synthèse de l’ensemble des protéines.</p>
<p>Si l’ADN est pensé pour le stockage à long terme de l’information, l’ARN messager quant à lui est très labile et rapidement détruit par les cellules. Un de ses rôles majeurs est de servir de messager pour permettre la production des protéines. Pour ce faire, il n’est pas structuré en double brin (comme l’ADN), mais en simple brin. Cela lui confère une flexibilité particulière et la possibilité d’assumer différentes structures locales, comme de courtes doubles hélices ou des <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2022/cc/d1cc07006a">épingles à cheveux</a>. Par ailleurs, à côté de l’ARN messager, on peut dénombrer <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1357272515001806">d’autres types d’ARN</a> exerçant des fonctions de contrôle ou de régulation, comme les ARN de transfert (ARNt) ou les ARN ribosomique (ARNr).</p>
<p>L’ADN, l’ARN et les protéines sont donc à la base de la biologie moléculaire moderne. Cependant, les mécanismes cellulaires qui entrent en jeu dans la réplication et l’expression de l’information génétique (la lecture des gènes qui aboutit à la formation des protéines) sont infiniment plus complexes. Les scientifiques se mobilisent depuis de nombreuses années afin de répondre aux interrogations suivantes : comment l’ADN s’organise-t-il dans nos cellules ? Quels phénomènes régulent l’expression des gènes ? Quel intérêt y a-t-il à contrôler l’expression des gènes ?</p>
<h2>Comment l’ADN s’organise-t-il dans nos cellules ?</h2>
<p>Dans le cas d’<em>Homo sapiens</em>, c’est-à-dire l’espèce humaine, l’ADN compte à peu près 3 milliards de bases. Plus simplement, si on mettait bout à bout l’ADN d’une seule de nos cellules, il serait long d’environ deux mètres, la taille standard d’un joueur de basket. Or, l’ADN se trouve exclusivement dans le noyau de chacune de nos cellules, qui mesure quelques micromètres (mille fois plus petit qu’un millimètre). Mais alors, comment deux mètres d’ADN peuvent-ils être contenus dans un millième de millimètre ?</p>
<p>La clé de ce mystère se situe dans la capacité de l’ADN à être très fortement compacté grâce à des protéines appelées histones. Les histones et l’ADN ont des affinités mutuelles très fortes grâce aux charges positives des premières, qui attirent les charges négatives du second. Dans nos cellules, l’ADN peut donc s’enrouler autour de groupes d’histones pour former un premier niveau de compaction : le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nucl%C3%A9osome">nucléosome</a>. Ce dernier est constitué d’environ 145 bases enroulées sur un cœur de quatre types d’histones (H2A, H2B, H3 et H4). La compaction de l’ADN autour des histones permet non seulement de faire rentrer le génome dans le noyau de la cellule, mais confère également une protection contre les sources externes de stress, comme les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/php.12646">rayons UVs</a>, les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/mc.2940050406">radicaux libres</a> ou les <a href="https://academic.oup.com/nar/article/48/16/8993/5876288">radiations</a>.</p>
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<img alt="La double hélice de l’ADN fait deux tours autour d’un groupement de spirales serrées" src="https://images.theconversation.com/files/450640/original/file-20220308-21-16zqe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450640/original/file-20220308-21-16zqe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450640/original/file-20220308-21-16zqe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450640/original/file-20220308-21-16zqe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450640/original/file-20220308-21-16zqe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450640/original/file-20220308-21-16zqe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450640/original/file-20220308-21-16zqe21.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Représentation d’un nucléosome, avec les deux brins d’ADN en blanc/gris enroulés autour du cœur composé des quatre différents types d’histones en bleu, vert, rose et violet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuelle Bignon, Stéphanie Grandemange, Antonio Monari</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, on retrouve de telles protéines de compaction de l’ADN dans des organismes plus simples (comme les bactéries). Elles sont alors appelées par le terme anglais de « histones-like ». Bien que plus petites que les histones, elles permettent elles aussi d’exercer sur l’ADN une <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jpclett.9b02978">force très importante</a> pour maintenir sa compaction <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.10.27.466113v1">et protéger son intégrité</a>.</p>
<p>Mais le nucléosome n’est que la première étape de compaction pour arriver à loger l’ADN d’une cellule dans son noyau. Les nucléosomes successifs vont ensuite s’organiser entre eux, de manière plus ou moins compacte, pour donner lieu au deuxième niveau d’organisation de l’ADN : la chromatine. Cette dernière va ensuite, à son tour, s’organiser dans des structures de taille encore plus larges <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S109727652030469X">que sont les chromosomes</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/450649/original/file-20220308-27-1uhvtv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma montrant les niveaux de compaction de l’ADN : double hélice, enroulement autour des histones, organisation des histones en rubans qui bouclent pour former la chromatine, enroulement de la chromatine en chromosomes" src="https://images.theconversation.com/files/450649/original/file-20220308-27-1uhvtv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450649/original/file-20220308-27-1uhvtv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450649/original/file-20220308-27-1uhvtv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450649/original/file-20220308-27-1uhvtv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450649/original/file-20220308-27-1uhvtv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=575&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450649/original/file-20220308-27-1uhvtv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=575&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450649/original/file-20220308-27-1uhvtv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=575&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les différents niveaux de compaction de l’ADN.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Chromatine.svg">Schéma adapté de NIH-Phrood-EnRouge/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>La structuration de l’ADN autour des histones n’est pas figée : elle possède au contraire un comportement dynamique très fort qui permet au génome d’être accessible et lu quand besoin est.</p>
<p>Pour pouvoir étudier ces phénomènes dynamiques, les scientifiques ont développé tout un panel de techniques : la cristallographie aux rayons X, la résonance magnétique nucléaire, ou encore la cryo-microscopie électronique. De même, l’utilisation des méthodes de simulation informatique ou mathématique permet, tel un microscope ultime, de visualiser, grâce à l’utilisation de supercalculateurs massivement parallèles, l’agencement des atomes dans l’espace et son évolution au cours du temps.</p>
<h2>Quels phénomènes régulent l’expression des gènes ?</h2>
<p>La compaction des nucléosomes en chromatine est donc hautement dynamique, et deux états distincts ont été identifiés : l’hétérochromatine, très compacte, et l’euchromatine, plus éparse. Sous forme d’hétérochromatine, le génome est moins accessible et il est impossible aux cellules de traiter ces parties de l’ADN pour produire l’ARN messager et donc les protéines. Ces gènes ne seront donc pas, ou très peu, exprimés. En revanche, l’euchromatine permet aisément l’expression des gènes et donc la production des protéines.</p>
<p>La dynamique de la chromatine ayant un rôle majeur sur le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1097276503003241">contrôle de l’expression des gènes</a>, sa régulation précise est essentielle pour permettre la survie des cellules. Ceci est d’autant plus marqué chez les organismes pluricellulaires (constitués de plusieurs cellules), chez qui la production spécifique de protéines permet aux <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/biologie/comment-une-cellule-souche-choisit-son-destin-12644.php">cellules de se différencier en cellules distinctes</a> (nerveuses, musculaires, cutanées…) qui portent toutes le même matériel génétique, mais possèdent des propriétés très différentes.</p>
<p>Cependant, le contrôle de l’expression des gènes, et donc des protéines produites, n’est pas figé dans le temps. Au contraire, les cellules doivent pouvoir modifier le niveau de production des protéines en fonction de leur état (prolifération ou différenciation par exemple), mais aussi en réponse à des sources de stress. Par exemple, suite à une exposition incontrôlée aux radiations UV, qui endommagent la structure de l’ADN, les cellules devront augmenter la production des enzymes de réparation des <a href="https://www.cell.com/molecular-cell/comments/S1097-2765(10)00756-2">lésions pour éviter leur accumulation</a>. La transition réversible d’hétérochromatine à euchromatine (ou vice-versa) permet donc aux cellules de réagir aux modifications internes ou environnementales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Sous le titre épigénétique, 2 schémas. Hétérochromatine : les blocs histones sont très rapprochés. Euchromatine : les blocs histones sont éloignés, permettant à des molécules de s’y intercaler pour avoir accès à l’ADN" src="https://images.theconversation.com/files/451564/original/file-20220311-15-bjsm2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451564/original/file-20220311-15-bjsm2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451564/original/file-20220311-15-bjsm2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451564/original/file-20220311-15-bjsm2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451564/original/file-20220311-15-bjsm2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451564/original/file-20220311-15-bjsm2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451564/original/file-20220311-15-bjsm2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La transition entre chromatine condensée (hétérochromatine) et chromatine ouverte (euchromatine) permet de réguler l’expression des gènes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuelle Bignon, Stéphanie Grandemange, Antonio Monari</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais alors, comment les cellules peuvent réguler la transition d’un état à l’autre ?</p>
<p>Pour répondre à cette question fondamentale, il est important de se rappeler que, contrairement aux idées reçues, seulement 3 % de l’ADN humain code activement pour des protéines. Le reste est dormant ou utilisé comme régulateur de <a href="https://medlineplus.gov/genetics/understanding/basics/noncodingdna/">l’expression des gènes</a>. Des modifications chimiques de la structure des régions non codantes de l’ADN peuvent donc être utilisées pour réguler le niveau de la compaction de la chromatine, et donc l’expression des gènes. L’ensemble de ces modifications constitue les signaux épigénétiques, c’est-à-dire des modifications réversibles de l’ADN régulant l’expression des gènes.</p>
<p>Dans ce contexte, l’ajout d’un groupement méthyle sur la cytosine, qui donne lieu à la 5-méthylcytosine, représente un des signaux les plus importants. En effet, l’accumulation de 5-méthylcytosines dans des régions spécifiques riches en cytosine et guanine, appelées îlots CpG, va constituer un signal de compaction de la chromatine autour d’un gène particulier et donc en empêcher son expression. Pour moduler les niveaux de 5-méthylcytosine, les cellules mettent en œuvre des phénomènes chimiques complexes et très finement régulés, qui permettent d’introduire et d’éliminer réversiblement le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/5-M%C3%A9thylcytosine">groupement méthyle en passant par différentes étapes intermédiaires</a>.</p>
<p>Par ailleurs, d’autres <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2012/04/13/l-epigenetique-une-heredite-sans-adn_1684720_1650684.html">signaux épigénétiques</a> existent, notamment les modifications chimiques des histones, qui participent également à moduler le niveau de compaction de la chromatine.</p>
<h2>Contrôler l’expression des gènes : vers des thérapies épigénétiques</h2>
<p>Les mécanismes moléculaires responsables du contrôle épigénétique doivent être parfaitement huilés pour permettre la survie des cellules, et leur dérégulation entraîne le développement de pathologies graves. Par exemple, une majorité des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959804913001536">cancers sont liés à des profils épigénétiques aberrants</a>, résultant de la diminution de l’expression de gènes qui empêchent le développement tumoral (gènes suppresseurs de tumeurs) et à l’augmentation des gènes qui, au contraire, le favorise (les oncogènes). Ces derniers confèrent, par exemple, la capacité de prolifération incontrôlée ou d’invasivité aux <a href="https://theconversation.com/la-chromothripsie-quand-nos-genes-subissent-un-cataclysme-a-lorigine-de-cancers-tres-agressifs-157169">cellules cancéreuses</a>.</p>
<p>Des stratégies thérapeutiques anticancéreuses basées sur la régulation épigénétique commencent donc à être développées pour cibler l’expression aberrante du profil génétique. Les thérapies épigénétiques actuellement en phase d’étude clinique se basent sur l’utilisation des médicaments capables de bloquer les enzymes responsables de l’élimination du groupement méthyle de la 5-méthylcytosine, pour potentiellement <a href="https://www.nature.com/articles/1205602">réactiver l’expression de gènes suppresseurs de tumeurs</a>. Cependant, de par leur nature, ces enzymes ne sont pas spécifiques vis-à-vis des séquences de l’ADN, elles ne peuvent donc pas cibler de façon précise un gène particulier dans le génome entier. Ce manque de sélectivité se traduit par des <a href="https://clinicalepigeneticsjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13148-019-0675-4">effets secondaires très lourds</a> des médicaments épigénétiques, ce qui limite fortement leur utilisation.</p>
<p>Alors, comment arriver à développer des stratégies permettant une plus grande sélectivité ? L’idée de base est de changer de cible : au lieu de viser les enzymes, il s’agirait de déméthyler directement les parties de l’ADN (permettant leur réexpression), grâce à des molécules capables d’induire la réaction chimique d’élimination du groupement méthyle.</p>
<p>Dans ce contexte, nous avons récemment <a href="https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail.jsf?docId=WO2020099777">déposé un brevet</a> faisant état des premiers agents déméthylant directs de l’ADN, tout en montrant une efficacité contre la prolifération de différents types de cellules cancéreuses. Des études <em>in-vivo</em> et toxicologiques sont actuellement en cours en vue d’une future étape clinique. Cependant, pour cibler des gènes spécifiques, il est nécessaire d’adjoindre à ces molécules des groupements capables de reconnaître de manière précise des segments d’ADN. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’utiliser des approches combinées qui font intervenir, à côté des expériences de chimie et biologie moléculaire, la modélisation et la simulation moléculaire. En permettant de visualiser à l’échelle des atomes les interactions mises en jeu, la simulation moléculaire permettra de designer des molécules capables de cibler spécifiquement les régions d’intérêt, et donc diminuer les effets secondaires de ces médicaments.</p>
<p>Comme souvent en biologie, un phénomène qui paraît simple, en ce cas la structure et la fonction de l’ADN, cache en réalité de multiples facettes qui sont souvent méconnues mais néanmoins fondamentales. Ces aspects complexes permettent de comprendre les régulations très fines liées au fonctionnement des systèmes cellulaires, comme la régulation de l’expression des gènes. La simulation moléculaire est aujourd’hui un acteur clé de cette histoire, et elle le sera d’autant plus dans le futur. Les méthodes de biologie <em>in-silico</em> complémentent efficacement les techniques plus traditionnelles <em>in-vitro</em> et <em>in-vivo</em>, permettent de répondre à des questions biologiques clés, et se révèlent cruciale dans l’effort pour développer des médicaments plus performants. La biologie computationnelle est donc toute disposée à un resplendissant avenir dans la recherche scientifique et médicale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La lecture des gènes en protéines est finement régulée. Sa perturbation peut provoquer des pathologies graves, dont le cancer. De nouveaux traitements ciblant cette régulation sont à l’étude.Antonio Monari, Professeur en Chimie Théorique, Université Paris CitéEmmanuelle Bignon, Chercheuse en biochimie computationnelle, Université de LorraineStéphanie Grandemange, Professeur en biologie cellulaire, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1744972022-01-27T19:21:44Z2022-01-27T19:21:44ZSûreté des médicaments : les conséquences durables du scandale du diéthylstilbestrol<p>En 2020, alors que la crise sanitaire due au Covid-19 faisait rage, l’écrivaine Marie Darrieussecq, confinée, <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2020/04/13/marie-darrieussecq-confinee-un-an-et-demi-dans-mon-lit_6036441_3260.html">décrivait ses trois éprouvantes grossesses passées allongées</a>. Au-dessus d’elle avait pesé une lourde épée de Damoclès : un risque de fausse couche plus élevé. La cause de cette situation était à chercher du côté d’une autre crise sanitaire, plus ancienne : celle du Distilbène®, l’une des appellations commerciales du diéthylstilbestrol.</p>
<p>Découverte en 1938, cette hormone de synthèse a été largement utilisée partout dans le monde pendant plusieurs décennies, en raison de son bas coût de production et parce qu’elle n’était protégée par aucun brevet. Ses indications étaient variées : atténuation des symptômes de la ménopause ; blocage de la lactation ; « pilule du lendemain » ; traitement des dysfonctionnements menstruels ; ou encore limitation des risques de complications de grossesse tels que les accouchements prématurés ou fausses couches. </p>
<p>Des années 1950 aux années 1980, le diéthylstilbestrol aurait ainsi été prescrit à des dizaines de milliers de Françaises. Pourtant, les premiers doutes quant à son efficacité avaient émergé dès 1953. Pire, son innocuité était clairement remise en question dès 1971. À cette date, des chercheurs américains avaient déjà mis en évidence un risque accru de cancer du vagin chez les jeunes femmes dont les mères avaient pris du diéthylstilbestrol lorsqu’elles étaient enceintes. </p>
<p>On sait aujourd’hui que l’exposition à cette substance durant la grossesse a de nombreuses conséquences délétères sur la santé des enfants à naître. Plus grave encore : ces conséquences, qui concernent non seulement les femmes, mais aussi les hommes, s’étendraient sur plusieurs générations. Pourtant, la France a mis plusieurs années à contre-indiquer l’emploi du diéthylstilbestrol chez les femmes enceintes.</p>
<p>Études d’évaluation des risques mal conçues, absence de système de surveillance efficace, retard dans la prise en compte des résultats scientifiques les plus récents, inertie des pouvoirs publics, etc. Retour sur un scandale sanitaire majeur qui a mené à la mise en place d’un système de pharmacovigilance plus performant dont nous bénéficions aujourd’hui. Mais à quel prix ?</p>
<h2>Une des premières hormones de synthèse agissant comme les œstrogènes</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443020/original/file-20220127-4708-10fknmh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Représentation 3D d’une molécule de diéthylstilbestrol.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Diethylstilbestrol_molecule_ball.png">Medgirl131 / Wikimedia Commons</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le diéthylstilbestrol (DES) fut synthétisé pour la première fois <a href="https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/1938Natur.141..247D/abstract">en 1938</a> par le chercheur britannique Edward Charles Dodds et ses collaborateurs. Appartenant à la famille chimique des œstrogènes, des hormones naturelles, il possède des similitudes d’activité avec elles sur de nombreux tissus de l’organisme, tout en étant <a href="https://academic.oup.com/endo/article/138/3/863/2987391">bien plus puissant</a>. </p>
<p>À cette époque, aux États-Unis, il était déjà nécessaire de prouver qu’un médicament n’était pas nocif avant de le mettre sur le marché. Or, l’autorisation de commercialisation du DES avait été initialement été refusée. Des études scientifiques de l’époque montraient en effet que son administration ou celle de substances similaires entraînait des effets néfastes aussi bien chez <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14933079/">les humains</a> que chez <a href="https://rupress.org/jem/article-pdf/88/3/373/1183960/373.pdf">les animaux</a>.</p>
<p>La molécule a pourtant été utilisée en 1941 pour traiter les carences en œstrogènes retrouvées, par exemple, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20286640/">au cours de la ménopause</a>, tout en étant contre-indiquée chez la femme enceinte. La situation change en 1947, lorsque la Food and Drug Administration (FDA), en charge de la commercialisation des médicaments, autorise la mise sur le marché du diéthylstilbestrol pour prévenir les complications de grossesse, surtout pour la prévention des fausses couches en cas d’antécédent, de menace ou de baisse des hormones dans les urines. Le pic des prescriptions de DES aux États-Unis se situe aux alentours <a href="https://doi.org/10.2515/therapie/2014012">des années 1950 à 1954</a>. Assez rapidement, cependant, les premiers doutes quant à son efficacité réelle ont émergé.</p>
<h2>Des études mal conçues</h2>
<p>L’autorisation de la FDA survient dans un contexte <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2016-3-page-47.htm">d’engouement médical pour les œstrogènes</a>. On pense alors que les fausses couches sont la conséquence d’une sécrétion insuffisante d’hormones par le placenta, et le DES permettrait de la corriger.</p>
<p>Cette hypothèse, qui s’est avérée fausse (on sait aujourd’hui que la baisse du taux d’œstrogène n’est pas à l’origine de la fausse couche, mais en est la manifestation), était à l’époque soutenue par les études des scientifiques George V. Smith et Olive Watkins Smith. Problème : leurs travaux, <a href="https://www.ajog.org/article/S0002-9378(99)70409-6/fulltext">publiés en 1948</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15392965/">en 1949</a>, comportaient plusieurs erreurs méthodologiques, telles qu’une absence de groupe témoin ou de tirage au sort (ou randomisation) des participantes, ainsi que l’absence d’administration d’une molécule sans effet thérapeutique (ou placebo).</p>
<p>En réalité, le DES s’est avéré inefficace pour diminuer le risque de fausses couches. Les premiers doutes à ce sujet émergent en 1953, lorsque Walter J. Dieckmann et ses collaborateurs constatent que son administration <a href="https://doi.org/10.1016/S0002-9378(16)38617-3">n’empêche pas les complications de grossesse</a>. </p>
<p>Mais ce n’est que près de vingt ans plus tard que les véritables conséquences de l’administration de cette molécule allaient être scientifiquement mises en évidence. Et elles vont bien au-delà du risque de fausse couche.</p>
<h2>Des effets délétères ignorés en France</h2>
<p>Interpellés par la survenue de cancers rares (adénocarcinome à cellules claires) du vagin chez plusieurs jeunes femmes dont les mères avaient pris du DES durant leurs grossesse, Arthur L. Herbst et ses collaborateurs ont entrepris une étude rétrospective sur le sujet. Leurs résultats, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/5549830/">publiés en 1971</a>, ont révélé une augmentation de l’incidence de ces cancers. Ils ont amené la FDA à contre-indiquer ce médicament pour les femmes enceintes.</p>
<p>En France, la réaction des autorités sera plus tardive, notamment parce qu’il n’existait pas à l’époque de structure dédiée à la pharmacovigilance. En outre, nombre de professionnels français <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2016-3-page-47.htm#re3no3">sont restés sourds aux alertes américaines</a>, pourtant relayées par certains praticiens dès la publication des travaux d’Arthur Herbst. À partir de 1976, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1214039/">un an après la première description d’un cancer rare chez une jeune fille française</a>, le DES n’est plus indiqué pour la prévention des fausses couches en France et, un an plus tard, il est discrètement contre-indiqué pendant la grossesse dans un ouvrage médical français, le Dictionnaire Vidal. Ce n’est qu’en 1977 que le DES est interdit aux femmes enceintes, suite à la création d’une commission technique nationale de pharmacovigilance. </p>
<p>Mais la mesure de la situation n’était pas encore prise, comme allaient le prouver la lanceuse d’alerte <a href="https://scholar.google.fr/scholar?as_sdt=0%2C5&btnG&hl=fr&inst=12836345755951684912&q=UTERINE%20MALFORMATIONS%20IN%20DISTILBENE%20EXPOSED%20FEMALE%20OFFSPRINGS%20DURING%20UTERINE%20LIFE%20AND%20CONSEQUENCES%20ON%20FERTILITY">Anne Cabau</a> et les révélations du journal <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/02/16/trente-ans-apres-les-enfants-du-distilbene_3146364_1819218.html">« Le Monde »</a>, en 1983. À cette époque, la récente <a href="https://www.pharmacovigilance-bfc.fr/pharmacovigilance/historique/">Commission de la pharmacovigilance</a> semble surtout préoccupée par la gestion d’un éventuel <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2016-3-page-47.htm#re6no6">« affolement »</a>. S’il est un temps envisagé d’établir un registre des cancers rares (adénocarcinome à cellules claires), le projet ne verra finalement pas le jour. </p>
<p>(<em>En 1983, <a href="https://histoire.inserm.fr/les-femmes-et-les-hommes/alfred-spira">Alfred Spira</a>, de l’Institut national de la santé et de la recherche (Inserm), publie avec ses collaborateurs une étude évaluant à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6361926/">200 000</a> le nombre de femmes traitées en France et <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-2-287-73307-9_1">à 160 000 les naissances d’enfants exposés</a>. Ces estimations se basaient sur les chiffres de vente, ndlr</em>).</p>
<p>Aux États-Unis en revanche, Arthur Herbst a mis en place un registre international des cancers avec ou sans exposition au DES, après avoir publié ses résultats. Quelques années plus tard, <a href="https://diethylstilbestrol.co.uk/des-action-groups/">des associations de patients sont créées</a>, parmi lesquelles <a href="https://desaction.org/about-us/">« DES action USA »</a>, <a href="https://opengovca.com/corporation/1371193">« DES action Canada »</a> (aujourd’hui dissoute) et <a href="https://www-descentrum-nl.translate.goog/Missie,-visie-en-beleid?_x_tr_sl=nl&_x_tr_tl=en&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=wapp">« DES Centrum »</a> (Pays-Bas) à la fin des années 1970 et au début des années 1980, ou encore « DANE 45 » en France, en 1986.
Elles contribueront à la mise en place de cohortes (groupes de personnes suivies dans le temps, présentant certaines caractéristiques) en vue d’étudier des effets du diéthylstilbestrol sur trois générations. Ces cohortes sont encore utilisées de nos jours pour les études scientifiques.</p>
<p>Au début des années 1990, aux États-Unis, l’institut national du cancer États-Unis lance de son côté une étude à l’échelle nationale afin de connaître les effets à long terme du DES pour les femmes traitées pendant leur grossesse (première génération) ainsi que pour la seconde génération (leurs enfants). Une autre cohorte a été créée au début des années 2000 afin d’évaluer les effets du DES sur les enfants des mères exposées durant la grossesse de leur mère (troisième génération).</p>
<p>Ces recherches sur les générations d’enfants nés de « mères Distilbène® » ont permis de mieux comprendre les effets délétères à long terme de l’exposition au DES.</p>
<h2>Des effets sur plusieurs générations de femmes</h2>
<p>Si l’exposition au DES n’est pas sans conséquence pour les mères traitées par cette molécule, chez qui elle augmente le risque de cancer (du sein notamment), c’est pour leurs enfants que les effets s’avèrent particulièrement délétères.</p>
<p>Outre la survenue plus fréquente de cancers normalement rares du vagin et du col de l’utérus observés chez les filles des femmes ayant pris du DES durant leur grossesse (seconde génération), d’autres anomalies de l’appareil génital féminin (adénose - une lésion bénigne de la muqueuse vaginale pouvant se transformer en cancer - malformations de l’utérus, etc.) ont également été découvertes. Certaines anomalies risquent de provoquer une infertilité ou des difficultés pour l’obtention d’une grossesse à terme. Pour ces femmes, le risque de grossesse extra-utérine (implantation de l’embryon en dehors de l’utérus), une source de complications, est multiplié par 10, celui de prématurité est multiplié par 2 à 3, et celui de fausses couches au deuxième trimestre de grossesse est multiplié par <a href="https://doi.org/10.2515/therapie/2014012">6 à 14</a>. Un risque augmenté de cancer du sein a également été rapporté. Ces femmes sont également à risque de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16887893/">ménopause précoce</a>. </p>
<p>En plus de ces problèmes gynécologiques, des maladies concernant, par exemple, le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29069384/">système cardiovasculaire</a> ont également été décrites pour la seconde génération de « filles Distilbène® ». Des troubles neurologiques ou <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28064340/">psychiques</a> sont aussi envisageables. </p>
<p>En ce qui concerne la troisième génération, autrement dit les petites-filles des femmes traitées entre 1950 et 1980 en France, de premières études ont indiqué l’existence de séquelles liées à la prématurité, telles que de la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27203157/">paralysie cérébrale</a>, ainsi que des troubles de la fonction de la reproduction, avec des <a href="https://doi.org/10.2515/therapie/2014012">irrégularités de la durée des cycles menstruels</a>. Le risque de cancer est quant à lui difficile à évaluer actuellement par un manque de recul, mais il touche probablement les trois générations.</p>
<p>Il faut cependant souligner que toutes les femmes exposées directement ou indirectement au DES ne développeront pas une maladie. </p>
<h2>Des conséquences pour les hommes également</h2>
<p>Les recherches ont montré que les hommes exposés au DES lorsqu’ils étaient dans le ventre de leur mère (la « seconde génération ») présentent davantage de risque d’être victimes <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19689815/">d’anomalies de l’appareil génital</a>, telles que kystes de l’épididyme (organe permettant la maturation et le stockage des spermatozoïdes) ou cryptorchidie (absence de descente des testicules). </p>
<p>Cette exposition <em>in utero</em> n’a pas directement augmenté le risque d’infertilité, cependant les complications liées à la cryptorchidie peuvent parfois mener à la stérilité. Cette affection est aussi un facteur de risque connu de cancer du testicule. Or, si une correction chirurgicale de la cryptorchidie permet de diminuer le risque d’infertilité, elle n’élimine <a href="https://www.cua.org/system/files/Guideline-Files/Gui14_Cryptorchidisn.pdf">pas complètement celui de cancer</a>, et les traitements contre le cancer peuvent entraîner eux aussi des problèmes de fertilité. Une étude scientifique récente, robuste et à fort niveau de preuves (méta-analyse et revue systématique), indique à ce sujet que le risque de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31555759/">cancer du testicule</a> pour les hommes de seconde génération est multiplié par trois. </p>
<p>Soulignons toutefois qu’aujourd’hui, en 2022, ces hommes ne sont plus réellement concernés, car ce cancer survient majoritairement à la puberté et atteint un pic vers 30 ans (or ils sont aujourd’hui plus âgés). De la même façon, la cryptorchidie dont ils auraient pu avoir été victimes est généralement corrigée en bas âge. Ces hommes peuvent en revanche porter des kystes de l’épididyme, lesquels font l’objet d’une chirurgie lorsqu’ils provoquent des symptômes tels que douleur ou gêne. </p>
<p>Pour les hommes de la troisième génération issus d’une mère de seconde génération exposée au DES en France, le risque <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27203157/">d’hypospadias (malformation de la verge) et de cryptorchidie</a> est augmenté. Pour les hommes issus d’un père DES de seconde génération , une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29609831/">cryptorchidie et un développement insuffisant du pénis</a> ont aussi été observés.</p>
<p>Des troubles identiques à ceux des femmes de troisième génération ont également été retrouvés pour la troisième génération d’hommes lorsqu’ils provenaient d’une mère DES de seconde génération exposée au DES en France (ces troubles concernent le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27203157/">handicap</a> lié à la prématurité, notamment).</p>
<p>Soulignons qu’en France, le diéthylstilbestrol a été aussi utilisé jusqu’en 2018 pour traiter certains troubles de la prostate, dont le cancer. Un risque augmenté d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17103190/">hypospadias</a> a été retrouvé chez des garçons issus de pères traités avec des médicaments avant la conception. </p>
<h2>Comment puis-je savoir si je présente un risque ?</h2>
<p>En France, les campagnes ponctuelles de sensibilisation sur le DES dans les années 1990 et les recommandations des autorités sanitaires auprès des professionnels de santé dans les années 2000 ont été très insuffisantes. Souvent, par exemple, les personnes concernées n’ont appris l’existence de lieux spécialisés dans la prise en charge du DES que grâce aux associations de patients. Par ailleurs, en 2010, seule la moitié des gynécologues connaissait l’ensemble des conséquences d’une exposition au DES. Résultats : fréquemment, les femmes concernées ne découvraient leur exposition au DES qu’à la suite d’articles parus dans la presse, de documentaires télévisés ou par la publication d’arrêts de justice.</p>
<p>D’après l’association <a href="http://www.des-france.org/accueil/index.php">Réseau DES France</a>, les mères dont l’âge est compatible avec une exposition au DES pendant leur grossesse <a href="http://www.des-france.org/accueil/article.php ?rubrique=16#chezqui">doivent se poser plusieurs questions</a> : Se sont-elles vues administrer un éventuel traitement pour éviter les fausses couches ? Des dosages hormonaux ont-ils été réalisés durant leur grossesse ? </p>
<p>Une exposition au DES doit être recherchée chez la mère ou la grand-mère dans plusieurs cas de figure : en cas d’anomalies à la naissance (cryptorchidie, hypospadias, cœur, œsophage, etc.), d’infertilité, de complications de grossesse, de certains cancers (sein, col et corps de l’utérus, vagin, testicules, etc.), de troubles neurologiques ou de handicap des enfants ou des petits-enfants. </p>
<p>Il n’est pas toujours simple de retrouver une trace écrite d’une prescription au DES, mais quelques pistes peuvent être explorées : le carnet de santé de l’enfant, des ordonnances conservées par les patientes exposées au DES, etc.</p>
<p>Un suivi gynécologique annuel est recommandé pour les femmes DES de deuxième et troisième générations, afin de rechercher des malformations, des nodules ou des lésions évoquant des maladies associées au DES. Pour les femmes des trois générations, le dépistage du cancer du sein suit les recommandations du programme national de dépistage de la Haute Autorité de Santé : mammographie tous les deux ans entre 50 et 74 ans. En cas d’anomalies des seins, ou de saignements inhabituels, il est recommandé de consulter rapidement. </p>
<p>Le dépistage des troubles neurologiques, du handicap et des anomalies des différents organes peut être réalisé, en début de vie, par un pédiatre. Plus tard, à l’adolescence ou à l’âge adulte, un urologue peut aussi être consulté pour les anomalies de l’appareil génital masculin.</p>
<h2>Un cas d’école qui a changé l’évaluation des médicaments</h2>
<p>Le cas du DES a renforcé, en France, la pharmacovigilance. Une commission nationale dédiée a été créée, en 1982. Au début des années 2000, l’Agence française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (Afssaps, désormais Agence Nationale de Sécurité du Médicament ou ANSM) a tout d’abord élaboré avec le Réseau DES France une fiche de signalement des effets indésirables et des recommandations. Elle a également depuis <a href="https://doi.org/10.2515/therapie/2014012">collaboré avec plusieurs organismes et associations de patients</a> pour évaluer les risques de l’exposition au DES. </p>
<p>De nos jours, les critères qui ont présidé à l’autorisation du DES ont aussi évolué. La <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17287107/">méthodologie désormais acceptée</a> pour évaluer l’efficacité d’un traitement est l’essai randomisé (caractérisé par une répartition aléatoire des participants entre le groupe témoin et le groupe recevant le traitement) en double aveugle (l’administration du médicament ou du placebo n’est connue ni du patient, ni de la personne chargée d’évaluer l’effet du traitement). </p>
<p>Certains soulignent que la mise en place de ces nouveaux critères a mené à l’absence de reconnaissance de savoirs cliniques établis, parce que jugés insuffisamment fondés. C’est peut-être le prix à payer pour limiter le risque de nouvelles crises sanitaires d’une telle ampleur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Batias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Administré à des millions de femmes enceintes, le diéthylstilbestrol s’est avéré non seulement inefficace, mais aussi toxique sur plusieurs générations. Retour sur un scandale sanitaire méconnu.Catherine Batias, Enseignante et chercheuse en toxicologie, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1579002021-06-24T17:30:19Z2021-06-24T17:30:19ZLes maltraitances de l’enfance laissent des cicatrices dans l’ADN<p>Les maltraitances et autres formes de stress vécu durant l’enfance, voire in <em>utero</em>, exposent à un risque accru de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.2190/5R62-9PQY-0NEL-TLPA">problèmes de santé</a> à l’âge adulte. On constate notamment un certain nombre d’anomalies anatomiques et fonctionnelles chez les enfants maltraités, au niveau cérébral.</p>
<p>On note par exemple une taille réduite de l’hippocampe – structure clé de la mémoire, ou encore une activité anormale de l’amygdale – la structure cérébrale impliquée dans la gestion des émotions. Ou encore, une réduction de l’activité dans différentes régions antérieures du cerveau, notamment le cortex cingulaire antérieur, et plus précisément sa partie rostrale, qui constitue une véritable interface de régulation de l’amygdale.</p>
<p>Mais des études ont aussi mis en avant des modifications au niveau de l’ADN. Parmi celles-ci, on observe un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00787-019-01329-1">raccourcissement des télomères</a> – ces sortes de « capuchons » situés à l’extrémité des chromosomes <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/c-est-quoi/ca-use-ca-use-c-est-quoi-telomeres">dont la fonction est de préserver l’intégrité de notre patrimoine génétique</a>. On note surtout des modifications, qualifiées d’<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/epigenetique">épigénétiques</a>, dans l’expression de certains gènes : ces changements, qui ont été observés chez l’animal et chez l’humain, agiraient sur les voies de régulation des émotions et du stress…</p>
<h2>Des modifications réversibles et transmissibles</h2>
<p>Le terme <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/epigenetique">« épigénétique »</a> désigne des modifications n’affectant pas les séquences d’ADN – comme le font les mutations – mais influant sur l’activité des gènes. Ces modifications sont induites par l’environnement, en réponse à divers signaux.</p>
<p>Concrètement, les modifications épigénétiques sont des modifications biochimiques de l’ADN ou des protéines autour desquelles il s’enroule dans le noyau des cellules (les histones). Ces changements (ajout d’un groupement méthyle par exemple) modifient l’accessibilité des gènes, donc leur lecture, et in fine la production des protéines correspondantes. D’autres systèmes de régulation épigénétique font intervenir de petites molécules d’ARN capables d’inhiber la fabrication d’une protéine donnée.</p>
<p>Contrairement aux mutations, qui altèrent la séquence de la molécule d’ADN, les modifications épigénétiques sont réversibles. Mais comme les mutations, elles peuvent être transmises lors des divisions cellulaires, et donc passer à la descendance.</p>
<p>Complémentaires au lent processus de sélection des gènes, ces mécanismes épigénétiques permettent de répondre aux changements de l’environnement au sens large – qu’il s’agisse du climat, de l’alimentation, du tabagisme… ou encore d’un contexte social négatif.</p>
<h2>Des modifications épigénétiques sous l’effet du stress</h2>
<p>Des événements de vie négatifs peuvent altérer durablement l’expression de certains gènes, et partant susciter des problèmes de santé physique ou <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20373664/">psychique</a>. On pense que l’exposition chronique aux hormones du stress, chez les personnes maltraitées, pourrait se traduire par des modifications épigénétiques associées non seulement à une plus grande réactivité au stress, mais aussi à des troubles cognitifs, émotionnels et comportementaux. Des indices suggèrent que ces dérèglements pourraient se mettre en place de manière très précoce, <em>in utero</em>…</p>
<p>Chez l’animal, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780124171145000097?via%3Dihub">l’exposition maternelle à un stress</a> ou à des toxines pendant la période prénatale est en effet repérable dans la descendance, au niveau épigénétique. On peut émettre l’hypothèse qu’en pareil cas, le risque pour la progéniture de développer des troubles anxieux est accru. Qu’en est-il chez l’humain ?</p>
<p>Les études menées sur des personnes nées pendant des périodes de famines – comme celle vécue aux Pays-Bas durant l’hiver 1944-1945 – témoignent des <a href="https://doi.org/10.1192/bjp.166.5.601">conséquences de la dénutrition sur plusieurs générations</a>. Il s’agit là d’un exemple dans lequel les stresseurs anténataux à l’origine de modifications épigénétiques sont de nature métabolique. On constate un <a href="https://doi.org/10.1192/bjp.166.5.601">risque accru de troubles de l’humeur</a> chez l’enfant dont la mère a été exposée à la famine pendant sa grossesse. Dans ce cas, <a href="https://academic.oup.com/eep/article/2/3/dvw012/2414999">l’anxiété de la mère</a> pourrait être impliquée.</p>
<h2>Association entre modifications épigénétiques et troubles psychologiques</h2>
<p>La plupart des études épigénétiques s’intéressant à la maltraitance infantile ont identifié chez l’être humain des modifications similaires à celles observées chez l’animal. Les premières modifications épigénétiques qui ont été repérées portaient sur l’expression du gène NR3C1. Celui-ci contient les instructions de fabrication du récepteur des glucocorticoïdes – substances qui sont sécrétées lors de la perception d’un danger par activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (le cortisol, une hormone du stress, est un glucocorticoïde).</p>
<p>Initialement découverte <a href="https://nyaspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1196/annals.1321.099">dans le cerveau de rats</a> ayant reçu de faibles niveaux de soins maternels, la modification du gène NR3C1 a peu après été identifiée dans le <a href="https://www.nature.com/articles/nn.2270">cerveau d’humains</a> au cours d’études post-mortem. Plus précisément, elle fut identifiée chez des victimes de suicide ayant des antécédents de maltraitance infantile. Cette observation mettait en lumière pour la première fois chez l’humain l’impact de situations traumatiques précoces sur l’expression d’un gène central à la réponse au stress.</p>
<p>Quelques années plus tard, des chercheurs ont repéré cette même modification épigénétique <a href="https://www.nature.com/articles/tp201160">chez des enfants confrontés à la maltraitance</a> et présentant différents troubles psychologiques : trouble de la personnalité borderline, trouble dépressif, troubles de stress post-traumatique.</p>
<p>La modification du gène NR3C1 consistait en une méthylation. Or les résultats obtenus montraient que cette méthylation était non seulement corrélée à la présence de violences sexuelles, mais aussi qu’elle était d’autant plus importante que la maltraitance était grave et les mauvais traitements répétés.</p>
<p>Pour les chercheurs, ce constat suggère que des événements précoces peuvent avoir un impact permanent sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, et expliquer à plus ou moins long terme la survenue de troubles psychopathologiques.</p>
<h2>Des altérations transmises aux enfants</h2>
<p><a href="https://www.thelancet.com/journals/ebiom/article/PIIS2352-3964(17)30140-8/fulltext">Outre le gène NR3C1, un autre gène</a> est souvent évoqué dans la réponse au stress et, potentiellement, dans le développement et le maintien de différents troubles psychiques : le gène FKBP5. Celui-ci code pour une protéine régulant le récepteur des glucocorticoïdes, dont l’affinité pour le cortisol augmente pour des stress modérés et se réduit pour des stress intenses ou répétés.</p>
<p>Les modifications épigénétiques de ce gène ont notamment été examinées de près chez un <a href="https://www.biologicalpsychiatryjournal.com/article/S0006-3223(15)00652-6/fulltext#%20">petit nombre de survivants de l’Holocauste et leurs enfants</a>, et comparées à deux groupes témoins d’âge équivalent. L’équipe de Rachel Yehuda a ainsi montré que le traumatisme du vécu concentrationnaire était déterminant dans la méthylation du gène FKBP5. Mais véritable la surprise fut d’observer l’existence d’un phénomène identique (bien que moindre) chez les enfants de ces déportés – enfants mis au monde bien après la période de déportation !</p>
<p>Démonstration fut ainsi faite d’une association entre le vécu traumatique parental, avant la conception de l’enfant, et la présence d’altérations épigénétiques tant chez le parent exposé que chez sa progéniture. En outre, il fut noté que chez des enfants dont les parents avaient vécu l’Holocauste, le processus de méthylation était plus important lorsque le père seul souffrait de stress post-traumatique.</p>
<p>S’il existe donc des combinaisons pouvant relativiser des effets qui, de <a href="https://ajp.psychiatryonline.org/doi/full/10.1176/appi.ajp.2014.13121571">manière contre-intuitive, ne s’additionnent pas</a>, les événements traumatiques ou émotionnellement négatifs survenant au long de la vie semblent bien laisser une « cicatrice moléculaire ».</p>
<p>Ce marquage biologique apparaît d’autant plus intense et profond que les personnes ont été confrontées à des situations traumatiques sévères et répétées. Il convient de le <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2014-9-page-733.htm?contenu=article">mettre en lien avec l’apparition ultérieure de troubles psychiatriques</a>.</p>
<h2>Jouer sur la réversibilité</h2>
<p>Tout compte fait, l’épigénétique confirme l’intuition de tous les cliniciens : la problématique psychopathologique d’un patient ne peut être saisie qu’en l’appréhendant dans une perspective historique et développementale. Les traumas du passé (en tous cas vécus comme tels) sont donc autant de facteurs de risque, susceptibles de potentialiser le développement ultérieur de pathologies psychiques (sans doute aussi physiques).</p>
<p>De ce point de vue, il convient toutefois de noter qu’au moins chez l’animal, les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24917200/">modifications épigénétiques</a> <a href="https://doi.org/10.1093/eep/dvw017">liées à un stress juvénile</a> sont potentiellement réversibles.</p>
<p>Un ajustement du contexte permettrait en effet de les atténuer, voire de les rectifier : ainsi, un environnement riche et stimulant (sur les plans affectif, cognitif, et relationnel) au moment de la puberté pourrait contrebalancer chez l’adulte les effets négatifs d’une privation de soins maternels <a href="https://academic.oup.com/ilarjournal/article/53/3-4/279/654359">pendant les premiers jours de vie</a>.</p>
<p>La grande plasticité des empreintes épigénétiques et leur sensibilité aux conditions environnementales donnent aussi une assise biologique à l’idée que rien n’est jamais définitivement fixé. À cet égard, des études menées chez l’humain tendent à prouver que la psychothérapie constitue une forme de régulation environnementale favorable.</p>
<p>L’équipe de Rachel Yehuda a en effet proposé une <a href="https://tcc.apprendre-la-psychologie.fr/la-technique-d-exposition.html">psychothérapie d’exposition</a> à quelques anciens combattants <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyt.2013.00118">souffrant du syndrome de stress post-traumatique</a>. Des échantillons de sang avaient été prélevés avant la prise en charge, et l’ont ensuite été douze semaines après, dans le but de vérifier l’état de méthylation des gènes N3C1 et FKBP5.</p>
<p>Les résultats ont montré que la psychothérapie contribuait non seulement à guérir les patients en termes de santé perçue, mais aussi en termes de <a href="https://doi.org/10.1016/j.cpr.2010.04.007">régulation et de réparation de cette fameuse « cicatrice moléculaire » du trauma</a>.</p>
<p>Ces observations préliminaires devront certes être reproduites et validées sur davantage de patients. Mais elles n’en sont pas moins porteuses d’un message d’espoir, basé sur la possibilité de mettre à profit les mécanismes de l’épigénétique dans un <a href="https://www.em-consulte.com/article/1221360/l-epigenetique-comme-partenaire-de-la-psychiatrie%C2%A0">objectif de réparation</a>…</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient la Ligue contre le Cancer quant à la promotion des recherches dans le domaine de l’adversité, qui a conduit au développement de nouveaux travaux sur cette thématique</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157900/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Trousselard a reçu des financements de la Direction générale de l’armement, Gueules cassées, Fondation avenir, Centre national d’études spatiales.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Camille Louise Tarquinio, Cyril Tarquinio et Julien Thomasson ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les traumatismes marquent l’ADN. Ces modifications « épigénétiques », transmissibles à la descendance, changent l’activité de certains gènes. Elles pourraient prédisposer à certaines affections.Cyril Tarquinio, Professeur de psychologie clinique, Université de LorraineCamille Louise Tarquinio, Doctorante en Psychologie, Université de LorraineJulien Thomasson, Ingénieur de recherche, Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA)Marion Trousselard, Chercheuse, Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1509712020-11-26T20:05:53Z2020-11-26T20:05:53ZBonnes feuilles : « ADN, histoire de nos différences »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/371602/original/file-20201126-19-19a1jb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C149%2C2216%2C1385&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue d’artiste d’une enzyme en train de réparer une molécule d’ADN (en gris).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/21869450620/in/photolist-DJe8dH-BFJxZC-xbGMnm-zjwDKs">NIH</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Couleur des cheveux, des yeux, taille, capacité à digérer le lactose, à résister à certaines maladies infectieuses… Notre ADN et notre environnement nous façonnent. Dans son ouvrage <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/genetique/adn-histoire-de-nos-differences_9782738152619.php">« ADN, histoire de nos différences »</a>, publié aux éditions Odile Jacob, Bernard Sablonnière, professeur de biologie moléculaire à la Faculté de Médecine de Lille, fait le point sur l’état des connaissances actuelles.</em></p>
<hr>
<h2>Gagnants ou perdants à la loterie génétique</h2>
<p>Le concept de ≪ gène ≫ fut introduit par le biologiste danois Wilhelm Johannsen en 1909 : un élément immatériel qui aide à expliquer l’hérédité des caractères visibles d’un individu. Suite aux travaux de Gregor Mendel décrivant les lois de l’hérédité, le gène est considéré comme une unité abstraite et transmissible qui explique les ressemblances physiques entre parents et enfants. </p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371513/original/file-20201126-13-c3b96u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371513/original/file-20201126-13-c3b96u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=608&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371513/original/file-20201126-13-c3b96u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=608&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371513/original/file-20201126-13-c3b96u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=608&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371513/original/file-20201126-13-c3b96u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=764&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371513/original/file-20201126-13-c3b96u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=764&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371513/original/file-20201126-13-c3b96u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=764&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Moine catholique et botaniste autrichien, Gregor Mendel (1822-1884) s’intéressa dès 1854 à l’hybridation des végétaux et à la façon dont les caractères passent d’une génération à l’autre. Les résultats de ses études sur les pois, publiés en 1866, lui permettront de formuler trois lois célèbres en génétique. Mendel a compris que ce ne sont pas les caractères eux-mêmes qui sont transmis, mais des ≪ facteurs héréditaires ≫, un élément matériel encore inconnu à son époque, que Wilhelm Johannsen appellera plus tard ≪ gène ≫.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gregor_Mendel.png">Wikimedia Commons</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce concept correspondant au gène ≪ mendelien ≫ fut complété par un nouveau concept, le gène ≪ moléculaire ≫, lors de la découverte de la double hélice d’ADN en 1953. Cependant, plusieurs biologistes se sont affrontés pour aboutir à la meilleure définition d’un gène. En 2006, un consensus était adopté : <a href="https://www.google.com/search?rlz=1C1CHBF_frFR916FR916&ei=AN2_X8PbBYrWapPTurgC&q=%E2%89%AA+Genetics+%3A+What+is+a+gene+%3F+%E2%89%AB%2C+_Nature_%2C+2006%2C+441+%5B7092%5D%2C+p.+398%E2%80%91401&oq=%E2%89%AA+Genetics+%3A+What+is+a+gene+%3F+%E2%89%AB%2C+_Nature_%2C+2006%2C+441+%5B7092%5D%2C+p.+398%E2%80%91401&gs_lcp=CgZwc3ktYWIQA1CpKVipKWD5LWgAcAB4AIABY4gBY5IBATGYAQCgAQGqAQdnd3Mtd2l6wAEB&sclient=psy-ab&ved=0ahUKEwjD28rP1aDtAhUKqxoKHZOpDicQ4dUDCA0&uact=5">≪ Un gène est une région localisable de notre ADN correspondant à une unité transmissible et héritable ≫</a>. Récemment, l’Organisation internationale de nomenclature du génome proposa une définition plus simple : ≪ Un gène représente un segment d’ADN qui contribue à une fonction exprimée dans notre phénotype. ≫
Comment ces gènes, petits morceaux d’ADN sont-ils transmis ? Pourquoi la reproduction provoque-t‑elle tant de différences entre parents et enfants ? </p>
<p>La transmission de ces traits multiples, ces caractères héréditaires inscrits dans nos gènes, dépend d’une loterie où se succéderont deux tirages successifs de boules numérotées. La première loterie a lieu lors de la formation des cellules reproductrices, les ovules chez la femme et les spermatozoïdes chez l’homme. Chacun des gamètes contient 23 chromosomes, dont un X maternel et un Y paternel. En effet, après la fécondation, toutes nos cellules contiennent chaque chromosome en double, un venant du père et un de la mère. Un homme peut ainsi fabriquer 2<sup>23</sup> spermatozoïdes différents et une femme 2<sup>23</sup> ovules différents. Le nombre de combinaisons proposées à chaque fécondation est donc d’environ 8 millions. </p>
<p>Puisqu’un chromosome abrite des centaines de gènes, ces combinaisons multiples assurent un premier assortiment génétique. La fécondation produit un œuf doté de 46 chromosomes, le hasard décidant, à partir d’un ovule et d’un spermatozoïde élus par leur rencontre, de l’assortiment génétique définitif. En théorie, cela représente 2<sup>23</sup> multiplié par 2<sup>23</sup> possibilités de combinaisons génétiques, soit plus de 70 000 milliards de combinaisons. C’est fait, le deuxième tirage du loto a eu lieu ! Chacun d’entre nous est ainsi unique et original.</p>
<h2>Darwin et Lamarck : pourquoi sommes-nous différents ?</h2>
<p>Jean‑Baptiste Lamarck et Charles Darwin sont les deux fondateurs historiques des théories dites de l’évolution des espèces. Le premier publia sa théorie en 1809 dans un livre intitulé <em>Philosophie zoologique</em>, et le deuxième publia sa théorie de la transformation des espèces en 1859, dans <em>L’origine des espèces</em>. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/371608/original/file-20201126-23-f5a32z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371608/original/file-20201126-23-f5a32z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371608/original/file-20201126-23-f5a32z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371608/original/file-20201126-23-f5a32z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371608/original/file-20201126-23-f5a32z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371608/original/file-20201126-23-f5a32z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371608/original/file-20201126-23-f5a32z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371608/original/file-20201126-23-f5a32z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Portrait de Jean-Baptiste Pierre Antoine de Monet, chevalier de La Marck, dit Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jean-Baptiste_de_Lamarck.jpg">Wikimedia Commons / RMN</a></span>
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</figure>
<p>Pour Lamarck, les variations interindividuelles observées chez les êtres vivants représentent le moteur de l’évolution des espèces qui se produisent sous l’effet de contraintes extérieures. Exemple : la girafe possède un long cou, car elle a été contrainte continuellement, du fait de la concurrence pour les ressources, de soumettre son corps à un effort physique pour atteindre les feuilles situées très haut dans les arbres. Cette habitude a modifié son organisme, induisant un caractère acquis – cou long – que l’on croyait alors héritable. Pour Lamarck, il n’y à pas ou peu de place pour l’aléatoire dans la transformation des espèces. </p>
<p>Darwin conteste vivement le rôle attribué par les naturalistes à l’influence des conditions extérieures. Selon lui, celles-ci n’exercent qu’un effet limité, le moteur principal de l’évolution des espèces est la survenue de variations spontanées, accidentelles et héréditaires à partir desquelles s’opère la sélection naturelle des individus les plus aptes à survivre dans un environnement donné. Les girafes présentant à la naissance une variation se traduisant par un cou un peu plus long avaient un petit avantage dans la compétition pour les ressources vitales dans leur environnement. Celles qui avaient la chance de naître ainsi ≪ mieux adaptées ≫ – bénéficiant d’une variation avantageuse – ont été plus nombreuses à survivre et à se reproduire et transmettre leurs gènes que leurs congénères moins bien loties, entraînant la généralisation progressive du caractère ≪ cou allongé ≫, et la disparition corrélative du caractère ≪ cou court ≫ dans la population de girafes. D’où l’évolution de l’espèce. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/371612/original/file-20201126-21-1q2tcaf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371612/original/file-20201126-21-1q2tcaf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371612/original/file-20201126-21-1q2tcaf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=951&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371612/original/file-20201126-21-1q2tcaf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=951&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371612/original/file-20201126-21-1q2tcaf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=951&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371612/original/file-20201126-21-1q2tcaf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1196&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371612/original/file-20201126-21-1q2tcaf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1196&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371612/original/file-20201126-21-1q2tcaf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1196&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photographie de Charles Darwin (1809-1882).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Darwin_1881.jpg">Wikimedia Commons</a></span>
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</figure>
<p>Darwin n’avait aucune idée des mécanismes moléculaires de la sélection naturelle dont il façonnait le concept. Avec l’émergence moderne de la génétique moléculaire et la découverte de l’ADN, on s’est mis à parler de néodarwinisme : les bases moléculaires de l’évolution sont liées à l’apparition de changements aléatoires du message inscrit sur l’ADN, qui créent des variations génétiques se traduisant par une différence observable chez l’individu. </p>
<p>Le débat interroge cependant la communauté des biologistes évolutionnistes. En effet la fréquence d’apparition de nouvelles mutations génétiques avantageuses est extrêmement faible comparée à la survenue de variations du phénotype, surtout dans les conditions d’une pression sélective forte de l’environnement. Ainsi, plusieurs biologistes considèrent que les variations génétiques ne peuvent constituer l’unique moteur de l’évolution des espèces, et de la diversité des phénotypes. Cette discordance entre une évolution phénotypique parfois rapide et la rareté des mutations pourrait être expliquée en partie par l’influence de mécanismes épigénétiques.</p>
<h2>L’épigénétique façonne les gènes</h2>
<p>L’épigénétique est une branche de la biologie qui étudie les mécanismes agissant au cours de la vie de l’organisme et modifiant de manière réversible, mais transmissible, la fonction des gènes, sans en changer le message. De nombreux mécanismes épigénétiques, que nous ne détaillerons pas ici, influencent ainsi l’expression de nos gènes et expliquent pourquoi les cellules de nos organes sont différentes alors qu’elles possèdent le même patrimoine génétique dans leur ADN. </p>
<p>On peut comparer l’influence de l’épigénétique l’interprétation d’un texte lu par deux personnes différentes : les mots sont identiques, mais l’interprétation du texte n’est pas la même. L’un des fondateurs de l’épigénétique est Conrad Hal Waddington, biologiste et généticien britannique du XX<sup>e</sup> siècle. Il proposa que l’hérédité des caractères acquis, hypothèse couramment imputée à Lamarck, puisse être observée lors du développement, puisqu’un stress environnemental peut induire une réponse adaptative des gènes du développement, susceptible d’être transmis à la descendance. </p>
<p>Selon Kevin Laland, professeur de biologie à l’Université de St Andrews, en Écosse, la vitesse et la variabilité des changements qui ont jalonné l’évolution humaine ne suivent pas strictement les lois de Mendel et sont difficilement explicables par la génétique. Pour lui, l’épigénétique représenterait le chaînon manquant qui influence fortement l’effet de nos gènes sur notre phénotype. Ainsi il existe plusieurs discordances dans le phénotype et le comportement des vrais jumeaux. </p>
<p>Les données scientifiques sur les mécanismes épigénétiques, modifications de l’expression des gènes induites par l’environnement et transmises à la descendance, s’accumulent depuis environ 30 ans. Cependant, définir la part respective des gènes et celle de l’environnement sur nos facultés est un problème inextricable, car les deux y contribuent. Cette question revient à se demander si c’est la longueur ou la largeur d’un rectangle qui influencent le plus sa surface, pas facile !</p>
<h2>L’environnement sculpte le phénotype</h2>
<p>Si l’épigénétique contrôle et module la fonction des gènes, quel est le rôle réel de la survenue aléatoire des variantes génétiques dans l’adaptation de l’homme à son environnement ? Cette question est plus facile à étudier maintenant, depuis que les biologistes décortiquent les multiples différences du phénotype. On peut ainsi expliquer l’effet des mécanismes épigénétiques par l’influence de l’alimentation, ou de deux moteurs essentiels de la vie moderne : le stress ou le style de vie, et la pollution sous toutes ses formes. </p>
<p>Si les effets de la génétique et de l’épigénétique coexistent en réalité, alors quel rôle réel doit-on attribuer à l’effet de la sélection de variants génétiques sur la diversité humaine depuis plus de 50 000 ans ? On peut répondre assez simplement à cette question en suggérant qu’ils agissent à l’échelle macro-évolutive de milliers de générations. En revanche, les modifications mineures de notre phénotype en réponse à des pressions environnementales de quelques siècles voire moins, sont certainement davantage liées à l’effet de mécanismes épigénétiques. </p>
<p>Un bon exemple concerne les variations de la taille moyenne de l’homme. Sans détailler ici les gènes impliqués, les paléoanthropologues estiment que la taille moyenne des premiers <em>Sapiens</em> du paléolithique était proche de 1,80 mètre. Au néolithique, sans doute du fait de la diversification alimentaire, la diminution de la consommation de viande entraînant une baisse de l’apport en protéines, la taille moyenne des humains à diminué pour s’établir à environ 1,65 mètres jusqu’au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Ensuite, lors d’une période courte d’environ un siècle et demi, la taille moyenne à augmenté d’environ un centimètre par décennie, témoignant très probablement de l’effet de la qualité de l’alimentation chez l’enfant et de l’amélioration des conditions d’hygiène et de vie réduisant les situations de stress physiologique pendant l’enfance et favorisant la croissance.</p>
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<p><strong><em>Pour en savoir plus :</em></strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/371607/original/file-20201126-23-r3xe1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371607/original/file-20201126-23-r3xe1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371607/original/file-20201126-23-r3xe1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371607/original/file-20201126-23-r3xe1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371607/original/file-20201126-23-r3xe1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371607/original/file-20201126-23-r3xe1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371607/original/file-20201126-23-r3xe1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371607/original/file-20201126-23-r3xe1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>- Bernard Sablonnière, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/genetique/adn-histoire-de-nos-differences_9782738152619.php">« ADN, histoire de nos différences »</a>, éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150971/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Sablonnière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Gènes, ADN, chromosome, épigénétique, sélection naturelle… Retour sur quelques notions de base, indispensables pour comprendre le vivant.Bernard Sablonnière, Neurobiologiste, professeur des universités − praticien hospitalier, faculté de médecine, Inserm U1172, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1324002020-02-27T17:44:38Z2020-02-27T17:44:38ZUn nouveau test d’ADN se révèle prometteur, mais délicat sur le plan éthique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/317651/original/file-20200227-24655-g0s0fw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’horloge épigénétique est une nouvelle technologie fascinante, mais certaines applications possibles sont controversées.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay/Stefan Keller)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’horloge épigénétique est un nouveau type de test biologique qui intéresse la communauté scientifique, les entreprises privées et les organismes publics en raison de sa capacité à <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/genetique-test-pourrait-predire-votre-esperance-vie-30318/">révéler l’âge « réel » d’un individu</a>.</p>
<p>Depuis deux ans, des sociétés telles que <a href="https://www.chronomics.com/">Chronomics</a> et <a href="https://www.mydnage.com/">MyDNage</a> ont commencé à vendre des tests d’âge épigénétique en ligne. La compagnie d’assurance-vie <a href="https://www.yousurance.com/">YouSurance</a> a annoncé qu’elle allait tester l’âge épigénétique de ses clients pour les classer en groupes de risque. Les experts légistes réfléchissent quant à eux à une façon d’utiliser ce test pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168952518300611">déterminer l’âge de coupables de crime</a>.</p>
<p>Kobor Lab a récemment mis au point la première <a href="https://www.pnas.org/content/early/2019/10/09/1820843116.short">horloge épigénétique pédiatrique</a> conçue pour déterminer l’âge d’enfants et qui pourrait servir dans le domaine médical et pour la recherche. Il suffit d’un petit échantillon de cellules prélevées à peu de frais par frottis buccal pour prédire l’âge d’un enfant à environ quatre mois près.</p>
<p>L’horloge épigénétique pédiatrique pourrait également servir à des fins non médicales, comme dans des dossiers d’immigration pour prouver l’âge de <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-06121-w">réfugiés sans papiers qui demandent l’asile en tant que mineurs</a>. On peut imaginer d’autres applications futures, telles que la surveillance du travail et de la traite des enfants, ou même l’identification des jeunes qui combattent dans des conflits armés.</p>
<p>En tant que chercheurs en bioéthique, en sociologie et en génétique médicale, nous étudions les bénéfices et les risques potentiels pour les individus et la société de cette nouvelle technologie fascinante, mais controversée.</p>
<h2>La science de l’épigénétique</h2>
<p>L’horloge épigénétique est issue du domaine de l’<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/epigenetique">épigénétique</a>, qui étudie comment des marques biochimiques peuvent réguler l’expression des gènes et nous aider à comprendre les processus de vieillissement et de maladie.</p>
<p>L’épigénétique est l’étude des petites molécules qui se lient à l’ADN ou aux protéines autour desquelles l’ADN s’enroule, modifiant la lecture des gènes. Ces molécules ne changent pas la séquence de l’ADN, mais elles peuvent activer ou désactiver des gènes en ouvrant ou en fermant la structure tridimensionnelle de celui-ci.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314562/original/file-20200210-109943-1t8x8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314562/original/file-20200210-109943-1t8x8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314562/original/file-20200210-109943-1t8x8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314562/original/file-20200210-109943-1t8x8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314562/original/file-20200210-109943-1t8x8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314562/original/file-20200210-109943-1t8x8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314562/original/file-20200210-109943-1t8x8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les petites molécules ne peuvent pas modifier la structure linéaire de l’ADN, mais elles peuvent activer et désactiver des gènes en ouvrant ou en fermant la structure tridimensionnelle de l’ADN.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/blue-dna-structure-isolated-background-3d-1238405779">(Shutterstock)</a></span>
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<p>Si on imagine que les gènes sont des ampoules électriques, les marques épigénétiques peuvent déplacer le gradateur vers le haut ou vers le bas, mais elles ne peuvent pas changer la couleur de la lumière.</p>
<p>Certaines marques épigénétiques peuvent se modifier en fonction de l’<a href="https://www.niehs.nih.gov/research/supported/health/envepi/index.cfm">environnement</a> ou du <a href="https://dx.doi.org/10.18632%2Faging.101168">mode de vie</a> d’une personne. Les tests épigénétiques fournissent des informations qu’un test génétique normal ne peut révéler, comme l’exposition d’un individu à un traumatisme, au stress, à un type de régime alimentaire ou à des polluants.</p>
<p>D’autres marques épigénétiques changent régulièrement à mesure que la personne se développe, grandit et vieillit. Celles-ci ont permis la mise au point de tests d’âge épigénétique, qu’on appelle aussi horloges épigénétiques, et qui seront les premiers tests épigénétiques disponibles.</p>
<p>Cependant, la plupart des tests épigénétiques n’ont pas encore été validés scientifiquement pour confirmer leur précision et leur exactitude avec différents sous-groupes de la population, et les <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/19325/Dupras_Charles_2017_these.pdf?sequence=2">implications éthiques, légales et sociales de leur utilisation ne sont pas bien comprises</a>.</p>
<h2>Leçons tirées des tests d’ADN</h2>
<p>Tout comme les tests génétiques, les tests épigénétiques pourraient être utilisés par les forces de l’ordre et dans le domaine de l’immigration, ainsi que dans la recherche et le monde médical. Les enseignements tirés des tests d’ADN révèlent la nécessité d’une mise en œuvre prudente et responsable.</p>
<p>Les tests et la recherche génétiques ont aujourd’hui de nombreuses applications au-delà de la détection des risques de maladies et de la recherche de ses origines. Les tests d’ADN sont souvent utilisés dans des <a href="https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/les-annees-lumiere/segments/chronique/86316/science-histoire-decouverte-adn-empreinte-genetique-test-adn">enquêtes policières</a> pour identifier les suspects et les victimes de crimes, et les <a href="https://doi.org/10.1093/jlb/lsx012">services d’immigration</a> y ont de plus en plus recours pour prouver les liens génétiques dans le cadre de démarches de réunification familiale.</p>
<p>L’identification du présumé tueur du Golden State en 2018 a démontré que les informations biologiques partagées avec des entreprises de bases de données généalogiques pouvaient être utilisées par les <a href="https://xavcc.frama.io/pandore-adn/">forces de l’ordre</a>. Cette affaire a fait naître des <a href="https://www.nytimes.com/2018/04/27/health/dna-privacy-golden-state-killer-genealogy.html">inquiétudes d’ordre public et juridique quant à la confidentialité des informations génétiques</a> et au recours à l’ADN stocké par des entreprises privées et dans les bases de données gouvernementales.</p>
<p>La mise en place de tests tels que l’horloge pédiatrique, étant donné leur capacité d’exposer des informations sensibles sur l’environnement, les conditions sociales et les choix de vie d’un individu, demande qu’on prenne soin de se pencher sur les questions de vie privée, de surveillance et de droits fondamentaux de la personne.</p>
<h2>Un danger pour les droits de la personne</h2>
<p>En cette ère où l’on assiste <a href="https://theconversation.com/citizens-in-the-west-should-care-about-discriminatory-immigration-policies-110312">à une recrudescence de politiques d’immigration xénophobes et protectionnistes</a> dans le monde entier, on doit considérer d’un œil critique les avantages de l’obtention de données biologiques par rapport aux risques pour les droits de la personne que peut constituer la collecte d’une couche supplémentaire d’informations auprès d’une population vulnérable.</p>
<p>Lorsqu’on a proposé les tests génétiques pour aider à la réunification familiale des milliers d’enfants séparés de leurs parents par les rafles et les expulsions de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) des États-Unis, les éthiciens et les groupes de pression ont <a href="https://www.vice.com/en_ca/article/evjwje/privacy-rights-group-sues-dhs-over-coercive-dna-tests-at-the-border">mis l’accent sur des enjeux importants</a>, notamment l’absence de consentement éclairé et des préoccupations concernant le stockage à long terme de l’ADN dans des bases de données privées ou celles qu’on n’utilisait jusqu’ici que pour les personnes accusées de crimes.</p>
<p>Le recours aux <a href="https://www.researchwithrutgers.com/en/publications/dna-testing-for-family-reunification-and-the-limits-of-biological">tests génétiques pour prouver l’existence d’un lien biologique entre les membres d’une famille qui cherche à se réunir</a> a aussi été critiqué parce qu’il pose des problèmes éthiques pour les enfants de familles non biologiques et qu’il peut avoir des conséquences dévastatrices pour les membres de familles biologiques en cas d’erreurs dans les tests. Ces difficultés pourraient entraver la réunification des enfants avec les personnes qui en ont la charge.</p>
<p>Des problèmes peuvent également survenir si on commence à utiliser l’horloge épigénétique dans des affaires d’immigration avant qu’on en ait pleinement compris les enjeux éthiques, légaux et sociaux.</p>
<p>Si des migrants mineurs ont connu des expériences très stressantes, de la malnutrition ou s’ils ont souffert de maladie, cela pourrait <a href="https://genomebiology.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13059-019-1824-y">modifier les résultats des tests d’horloge épigénétique</a> conçus à partir de l’ADN d’enfants en bonne santé de pays développés. S’en servir pour déterminer l’âge biologique est donc problématique pour des raisons à la fois techniques et éthiques.</p>
<h2>Une utilisation responsable de l’horloge épigénétique</h2>
<p>À ce jour, aucun rapport officiel n’a été produit sur l’utilisation par la police ou des services d’immigration du test de l’horloge épigénétique pour résoudre une affaire pénale ou une demande d’asile, mais on sait que des essais ont été menés.</p>
<p>Cependant, on nous a relaté que des scientifiques ont été sollicités par des organismes gouvernementaux intéressés par l’utilisation de l’horloge épigénétique pédiatrique, et par des réfugiés qui souhaitent prouver l’âge de leurs enfants sans papiers afin d’avoir accès à des privilèges juridiques réservés aux mineurs.</p>
<p>Les bienfaits de l’épigénétique <a href="https://academic.oup.com/eep/article/5/4/dvz019/5606649">qu’on met de l’avant dans le discours public</a> incluent la possibilité de contrôler sa prédisposition génétique – comme le risque de maladie – par des choix de mode de vie. Cette présentation pourrait faire en sorte que la population générale soit la première intéressée par ces tests. Les consommateurs qui auront accès aux tests épigénétiques en ligne et les gens qui voudront les utiliser pour éclairer des décisions juridiques ou politiques doivent être conscients de leurs limites scientifiques actuelles, ainsi que des <a href="https://www.nature.com/articles/s41576-020-0215-2">préoccupations croissantes en matière de non-discrimination et de respect de la vie privée</a>.</p>
<p>Des <a href="https://www.nature.com/articles/s41597-019-0310-4">normes de pratique</a>, des <a href="https://genomemedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13073-019-0646-6">directives éthiques</a> et des <a href="https://academic.oup.com/eep/article/5/3/dvz018/5571210">réglementations</a> sont absolument nécessaires pour s’assurer d’une utilisation responsable des tests épigénétiques. Le plus urgent est de protéger les enfants et les personnes qui en ont la charge contre un recours prématuré ou socialement inadmissible au test d’horloge épigénétique pédiatrique afin de garantir qu’on tient compte de leur intérêt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132400/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Dupras reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP). Le contenu est uniquement la responsabilité des auteurs et ne représente pas nécessairement le point de vue officiel des organismes de financement.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Martine Lappé reçoit un financement de l'Institut national de recherche sur le génome humain des National Institutes of Health. La recherche qui a servi de base à cette publication a été soutenue par la bourse NIH numéro R00HG009154 : "Behavioral Epigenetics in Children" : Exploring the Social and Ethical Implications of Translation" (L'épigénétique comportementale chez l'enfant : exploration des implications sociales et éthiques de la traduction). Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité des auteurs et ne représente pas nécessairement le point de vue officiel des National Institutes of Health.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michael S. Kobor reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de Génome Canada, des National Institutes of Health (NIH), de la National Science Foundation (NSF), du Peter Wall Institute for Advanced Studies (PWIAS), de l'Institut canadien de recherches avancées (ICRA), des Réseaux de centres d'excellence (RCE) et de la Fondation R. Howard Webster. Le contenu est sous la seule responsabilité des auteurs et ne représente pas nécessairement les points de vue officiels des organismes de financement.
</span></em></p>Les horloges épigénétiques peuvent évaluer avec précision l'âge biologique. Mais les applications possibles dans les domaines de la vie privée et de l'immigration soulèvent des questions éthiques.Charles Dupras, Postdoctoral Fellow, Center of Genomics and Policy, McGill UniversityMartine Lappé, Assistant Professor of Sociology and Science, Technology, and Society, California Polytechnic State UniversityMichael S. Kobor, Canada Research Chair in Social Epigenetics and Professor, UBC Department of Medical Genetics, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1278632020-02-11T19:38:14Z2020-02-11T19:38:14ZPeut-on penser l’ADN comme un code informatique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314799/original/file-20200211-146696-31oiqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C0%2C6000%2C3502&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une séquence d'ADN.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/dna-sequence-abstract-background-430479463">Enzozo/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>J’ai récemment vu sur Netflix un reportage intitulé « Sélection contre nature ». Cette mini-série s’interroge à propos des <a href="https://www.the-odin.com/diy-crispr-kit/">kits</a> de modifications du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nome">génome</a> que l’on peut acheter pour « jouer » chez soi au biologiste, dans le mode bio-hacking ou science participative (il y a débat). Ces kits permettent de modifier l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_d%C3%A9soxyribonucl%C3%A9ique">ADN</a> contenu dans les bactéries de labo <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Escherichia_coli"><em>Escherichia coli</em></a>, et la chose est perçue comme un simple travail d’édition sur un fichier Word. Comme si l’ADN était un texte où il suffit de couper, copier, coller… pour tout contrôler. Évidemment, c’est tentant !</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WIIVh7H6nvI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce de l’épisode 1 de « Unnatural Selection » (Netflix).</span></figcaption>
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<p>Bien que les nouveaux outils utilisés dans ces kits, à l’instar de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cas9">CRISPR-Cas9</a> ou du <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/biologie-cellulaire/prime-editing-une-nouvelle-revolution-pour-l-edition-du-genome_138490"><em>prime editing</em></a>, permettent effectivement d’éditer « le texte » de l’ADN, présenter de la sorte la molécule support de notre hérédité est simpliste et ne permet pas d’appréhender sa si belle complexité. Car le texte de l’ADN ne se lit pas nécessairement de façon linéaire…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crispr-cas9-comment-modifier-les-genomes-va-changer-la-societe-66320">CRISPR-Cas9 : comment modifier les génomes va changer la société</a>
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<h2>Contrôle à distance</h2>
<p>La génétique est restée longtemps sans réponse à une importante question : comment la modification en un lieu donné du « texte ADN » peut-elle déclencher des perturbations dans un autre région, parfois beaucoup plus loin ? C’est un peu comme si une correction mineure en page six d’un roman entraînait la disparition d’une phrase entière en page dix… D’où vient cet effet à distance ?</p>
<p>Il s’explique en partie par le fait que l’ADN forme des boucles. Oui, des boucles. La page 6 de votre livre vous envoie directement en page 103, à la manière d’« un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Livre-jeu">livre</a> dont vous êtes le héros » ! À bien y réfléchir, un programme informatique comporte lui aussi des boucles de commandes, des commandes « if » et des « go to ». Alors pourquoi l’ADN n’aurait pas ses <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4848748/">commandes</a> ?</p>
<p>Si le livre a en général pour support du papier, c’est le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chromosome">chromosome</a> qui porte l’ADN en l’associant à des protéines, ou plus précisément à travers un assemblage nucléo-protéique (c’est-à-dire de l’acide nucléique qu’est l’ADN avec une protéine). Or ce chromosome est emprisonné à l’intérieur du noyau d’une cellule, où il peut bouger et prendre différentes formes. Il n’est donc pas linéaire comme le texte des pages d’un livre. Sans compter qu’il peut faire l’objet de communications à distance, médiées par des molécules intermédiaires.</p>
<p>C’est ce que l’on observe quand les régions centrales des chromosomes – ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrom%C3%A8re">centromères</a> – produisent de longs <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_ribonucl%C3%A9ique">ARN</a> – des acides nucléiques proches de l’ADN dont ils sont une copie – qui vont se positionner à l’extrémité des chromosomes, au niveau des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9lom%C3%A8re">télomères</a>. On a alors l’impression d’assister à une représentation, un ballet de molécules autorisant des communications à distance. Et l’on comprend qu’une modification au centre d’un chromosome peut agir sur ses extrémités.</p>
<h2>Des gènes plus ou moins éteints</h2>
<p>Outre cette question de conformation spatiale de la molécule, il existe des régulations fines des gènes. Elles interviennent à la manière d’un variateur de lumière : un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A8ne">gène</a> peut ainsi se retrouver éteint (en <em>off</em>), ou mis en service à niveau faible, moyen, ou fort (en <em>on</em>). Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un gène est présent dans une cellule qu’il est utilisé. Et on le conçoit facilement : bien que possédant exactement le même ADN qu’une cellule nerveuse, une cellule musculaire n’utilise pas les mêmes gènes ! Elle doit choisir pour quels gènes appuyer sur <em>on</em>, et lesquels mettre en <em>off</em>…</p>
<p>Autrement dit, posséder le texte ne suffit pas pour qu’il soit lu. Cette lecture est rendue possible par des protéines régulatrices venant se positionner sur la molécule d’ADN et y apposant parfois des modifications chimiques : un processus portant le nom d’épigénétique (« au-dessus du gène »), et donc, un contrôle au-dessus du texte !</p>
<p>Un gène peut ainsi se voir recouvert de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thylation">méthylations</a>, des modifications par ajout d’un groupement chimique qui vont ordonner sa position <em>off</em>. Et dans ce cas, même si vous changez sa séquence – une succession d’éléments de base de l’ADN (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nucl%C3%A9otide">nucléotides</a>) qui le constituent – il ne sera pas utilisé par la cellule. Pour qu’il devienne actif, pour le faire passer en position <em>on</em>, c’est donc la protéine responsable de la méthylation qu’il faudrait modifier. On peut aussi imaginer le rendre impossible à méthyler, mais sans certitudes : une autre régulation est susceptible de contrecarrer nos plans.</p>
<h2>Un code bien complexe</h2>
<p>En clair, pour changer une fonction, ce n’est parfois pas au gène qu’il convient de s’attaquer mais à sa régulation. Or celle-ci peut s’effectuer de bien des façons : une modification chimique, une boucle spatiale, un ARN, une combinaison, voire d’autres manières que nous découvrons encore et encore. Si l’ADN est un texte, il est donc plus proche du code informatique que du livre, avec des commandes et des portes logiques, bien complexes !</p>
<p>Si nous sommes aujourd’hui capables de modifier l’ADN et que cette technologie nous ouvre certains espoirs, notamment en termes de <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2015/12/medsci20153111p1035/medsci20153111p1035.html">thérapie génique</a>, n’oublions pas la complexité à laquelle nous devons nous confronter, ne sous-estimons pas ce qu’il reste à découvrir, et continuons d’explorer ! Et gardons-le en tête. Un code informatique peut être effacé d’un clic. Mais des modifications du génome humain transmises à la descendance et soumises aux forces de la sélection naturelle ne nous permettront peut-être pas de revenir en arrière…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127863/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aude Grezy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans une série documentaire récemment diffusée sur les écrans, l’ADN est présenté comme un texte où il suffit de copier-couper-coller pour agir sur les gènes. La réalité n’est-elle pas plus complexe ?Aude Grezy, Docteure en épigénétique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1191122019-07-04T21:29:32Z2019-07-04T21:29:32ZLes différences hommes, femmes : entre biologie, environnement et société<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/282706/original/file-20190704-51297-hm6v4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=161%2C315%2C4807%2C3143&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur une population les différences entre les sexes existent mais il est impossible de fixer une barrière stricte entre deux individus.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/0t7PNNZlTC0">Doodoosonic/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les différences entre sexes dans l’espèce humaine ont des origines socioculturelles, environnementales et biologiques. Si ces disparités peuvent être marquées statistiquement sur de grandes populations, il n’existe pas de frontière absolue et la démarcation entre les deux sexes demeurera floue, compte tenu des multiples variations rencontrées (les réponses binaires n’existent que très rarement dans la nature).</p>
<h2>Différenciations biologiques et environnementales</h2>
<p>Il existe en effet, chez l’homme comme chez l’animal, de nombreuses différences entre les sexes. Elles concernent les structures sexuelles et certains aspects des comportements liés à la reproduction mais aussi de nombreux traits morphologiques (taille, pilosité faciale), physiologiques (sensibilité olfactive, fonctionnement de l’oreille interne) et comportementaux (certaines aptitudes cognitives) ainsi que la <a href="https://www.humensciences.com/">structure et le fonctionnement du cerveau</a> ou les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3761733/">performances sportives</a>.</p>
<p>Certaines de ces différences sont liées à l’éducation différentielle des garçons et des filles ; d’autres représentent des différences biologiques fondamentales résultant soit de la présence d’hormones différentes (testostérone et œstradiol/progestérone), de leur ratio et de leurs gradients, soit de la présence de gènes différents dans les chromosomes sexuels (X et Y) et de l’expression différentielle du génome humain. Dans la majorité voire dans tous les cas, les différences sexuelles résultent de l’action combinée de mécanismes sociologiques, éducationnels et biologiques.</p>
<p>Rappelons que le constat des différences n’implique pas de notion de supériorité mais suggère l’indispensable complémentarité entre les groupes au sein de chaque population.</p>
<h2>Différences sexuelles : des amplitudes variables</h2>
<p>Un outil statistique, décrit sous le terme de « taille d’effet », permet de mesurer l’amplitude de différences entre deux groupes : la taille d’un effet est le rapport entre la différence des moyennes de la variable (pour chacun des groupes comparés) au numérateur et, au dénominateur, la variabilité à l’intérieur des groupes (mesurée par la déviation standard, DS) voir Figure 1.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/282711/original/file-20190704-51297-f7guu7.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282711/original/file-20190704-51297-f7guu7.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282711/original/file-20190704-51297-f7guu7.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282711/original/file-20190704-51297-f7guu7.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282711/original/file-20190704-51297-f7guu7.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282711/original/file-20190704-51297-f7guu7.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282711/original/file-20190704-51297-f7guu7.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282711/original/file-20190704-51297-f7guu7.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Exemples de distributions liées à une grande taille d’effet (A) ou à une taille d’effet plus petite suite à la diminution de la différence entre groupes (B) ou à l’augmentation de la variance intra-groupe DS (C). Dans le premier cas, le sexe d’un sujet peut être déduit de la mesure de la variable dépendante ; ce n’est plus possible en B ni en C, en raison du recouvrement beaucoup plus important des distributions.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une différence entre sexes peut avoir un effet très marqué soit parce que les moyennes sont très différentes soit parce que la variance dans chaque groupe est faible (Figure 1A). Inversement si la variance augmente (Figure 1B) ou si la différence entre les moyennes est faible (Figure 1C) alors la taille d’effet diminue (son impact est donc plus faible). Pour les grandes tailles d’effet, il n’y a quasiment pas de recouvrement entre les deux populations, les différences sont évidentes. Pour les petites tailles d’effet au contraire, ce recouvrement peut être large et la différence beaucoup plus subtile à établir. Les différences de phénotype, lorsqu’elles sont liées au sexe, sont ainsi plus aisément identifiables dans le premier cas que dans le second.</p>
<p>À titre d’exemple, les hommes sont en général plus grands que les femmes et la taille d’effet de cette différence est de l’ordre de 2 (la différence entre les moyennes masculine et féminine est deux fois plus grande que la variabilité au sein de chaque sexe. Cependant, même lorsque la taille d’un effet est faible elle n’est pas pour cela négligeable. Ainsi la différence moyenne d’agressivité entre hommes et femmes a une faible taille d’effet d’environ 0,3-0,5. Cela ne crée donc pas une différence majeure pour l’ensemble de la population mais le léger décalage des deux distributions fait que pour les valeurs d’agressivité les plus hautes on retrouve une majorité d’hommes et peu de femmes.</p>
<h2>La différenciation sexuelle : des gènes au phénotype</h2>
<p>Les différences sexuelles ont soit une origine biologique (résultant de différences génétiques ou hormonales entre les sexes) soit une origine sociale (acquises au cours de la vie post-natale en réponse à l’éducation ou aux environnements différents auxquels sont exposés garçons et filles). Ces deux causes ne sont pas mutuellement exclusives. Certains traits morphologiques ou réponses comportementales sexuellement différenciés résultent ainsi d’actions précoces de stéroïdes sexuels (testostérone, œstrogènes…) qui, au cours du développement, associent à des organes initialement non différenciés (cerveau compris) un phénotype plus marqué (c’est-à-dire plus fréquemment retrouvé ou plus développé) dans l’un des deux sexes. Ces effets différenciateurs qui se produisent très tôt dans la vie, pendant la période embryonnaire ou fœtale ou juste après la naissance, sont souvent irréversibles.</p>
<p>Chez tous les mammifères, l’exposition précoce à la testostérone et ses dérivés produit un phénotype masculin, les caractéristiques comportementales masculines sont renforcées (masculinisation), tandis que le phénotype féminin se développe essentiellement en l’absence d’action de ces hormones au cours de la vie embryonnaire. La testostérone est donc indispensable pour le développement des caractères masculins et si son action est impossible, par exemple en raison d’une mutation de son récepteur, un phénotype complètement féminin sera obtenu, y compris chez des sujets portant les chromosomes X et Y.</p>
<p>Ces personnes qui auraient dû se développer comme des hommes, si la mutation n’avait pas modifié leur trajectoire de développement, suivent un développement totalement féminine, naissent filles et deviennent femmes – quoique la possibilité de porter des enfants leur soit biologiquement impossible en raison de la présence de testicules intra-abdominaux au lieu d’ovaires et utérus.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/282712/original/file-20190704-51292-1nbdinv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282712/original/file-20190704-51292-1nbdinv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282712/original/file-20190704-51292-1nbdinv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=692&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282712/original/file-20190704-51292-1nbdinv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=692&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282712/original/file-20190704-51292-1nbdinv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=692&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282712/original/file-20190704-51292-1nbdinv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=870&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282712/original/file-20190704-51292-1nbdinv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=870&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282712/original/file-20190704-51292-1nbdinv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=870&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les différentes étapes de la différenciation sexuelle dans l’espèce humaine. T = testostérone, E2 = œstradiol, Prog = progestérone, Arom = aromatisation.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La différenciation sexuelle repose sur une cascade d’événements formalisée au milieu du XX<sup>e</sup> siècle (bien avant que les mécanismes moléculaires sous-jacents n’en aient été identifiés). Le sexe chromosomique induit, via la présence ou l’absence du gène SRY (porté par le chromosome Y), la formation de testicules ou d’ovaires (cette formation établit le sexe gonadique). Ces organes déterminent par leurs sécrétions le sexe hormonal de l’individu.</p>
<p>La présence d’hormones, aux profils temporels et gradients de concentrations différents dans les deux sexes, conditionne alors le sexe phénotypique, soit la plupart des différences morphologiques, physiologiques et comportementales qui apparaissent jusqu’à l’âge adulte entre mâles et femelles. Selon les réponses considérées, ces effets hormonaux prennent place pendant le développement (embryon, fœtus, enfance) ou ne se révèlent définitivement qu’à l’âge adulte.</p>
<p>L’action organisatrice des stéroïdes embryonnaires sur le comportement affecte de façon spécifique le développement cérébral où l’on retrouve de nombreuses structures sexuellement différenciées.</p>
<h2>Vers une approche thérapeutique différente selon les sexes</h2>
<p>Il existe des différences sexuelles dans l’expression de centaines de gènes, débordant largement du domaine de la reproduction ; leur compréhension devrait désormais permettre une prise en compte plus spécifique des pathologies et des thérapeutiques plus efficaces dans chaque sexe, en particulier pour les maladies dont les caractéristiques féminines ou masculines (cardio-vasculaires par exemple) ont été trop souvent négligées. Ces différences concernent des gènes présents sur les chromosomes sexuels mais aussi d’autres gènes dont l’expression est indirectement contrôlée par des mécanismes épigénétiques, qui illustrent certains effets modulateurs de l’environnement sur l’expression génique.</p>
<p>C’est la combinaison de tous ces mécanismes – biologiques, sociologiques, éducatifs, environnementaux – qui explique les différences sexuelles constatées tant chez l’animal que chez l’homme. Beaucoup de ces mécanismes ne sont pourtant pas encore connus dans leur détail. C’est notamment le cas pour les perturbateurs endocriniens, composés chimiques qui affectent de façon négative le fonctionnement hormonal de l’individu, dont les effets ne sont pas encore totalement définis pour l’ensemble des molécules industrielles mises chaque année sur le marché.</p>
<p>Au regard de ce schéma général, un certain nombre de personnes peuvent néanmoins présenter des discordances significatives entre différents aspects de leur phénotype, portant par exemple sur les structures génitales ou sur des taux hormonaux atypiques pour leur sexe.</p>
<h2>La voix</h2>
<p>Le timbre plus ou moins aigu de la voix dépend de facteurs génétiques qui déterminent la structure de l’appareil vocal mais les androgènes (principalement la testostérone) sécrétés lors de la puberté des garçons abaissent le larynx, allongent les cordes vocales de plusieurs millimètres et induisent un déplacement vers les basses fréquences (graves) des productions vocales. Ceci entraîne les hauteurs respectives des principales partitions vocales (basse, baryton et ténor pour les hommes ; alto, mezzo et soprane chez les femmes) avec de multiples variations, y compris des positionnements rares de haute-contre chez certains hommes. Cet effet biologique particulier a d’ailleurs été utilisé par la Curie Romaine qui autorisa, du XVI<sup>e</sup> au XVIII<sup>e</sup> siècle, la castration de jeunes enfants dans le seul but de produire sous les voûtes de la Chapelle Sixtine des « voix d’anges », hautes mais puissantes, tout ceci donnant lieu à de multiples drames. À l’inverse, le changement de tessiture vers les graves chez certain·e·s athlètes est actuellement constaté à la suite de dopage par des stéroïdes androgéniques pendant de longues périodes.</p>
<h2>La taille</h2>
<p>La taille d’un individu à l’âge adulte +dépend de paramètres environnementaux autant que de facteurs génétiques (des dizaines de gènes ont été identifiés en lien avec ce facteur biométrique parmi les plus héritables) : les parents de grande taille ont des enfants plus grands que la moyenne. Cependant l’augmentation de 10 cm de la taille des Françaises et des Français au cours du XX<sup>e</sup> siècle résulte essentiellement de l’amélioration des conditions sanitaires et alimentaires et non d’une évolution génétique abrupte, sexuellement différenciée. Cette progression est d’ailleurs en train de ralentir désormais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Il n’existe pas de frontière absolue entre les deux sexes et la démarcation demeurera floue.Jacques Balthazart, Biologiste, neuroendocrinologue, Université de LiègeJean-François Toussaint, Directeur de l'IRMES, Médecin à Hôtel-Dieu, AP-HP, Institut national du sport de l'expertise et de la performance (INSEP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1059942018-11-01T21:17:34Z2018-11-01T21:17:34ZSexe, argent et transmission : remarques sociologiques sur la succession de Johnny Hallyday<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243219/original/file-20181031-76411-1fawhs6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C221%2C3210%2C2280&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'épineux dossier de l'héritage de Johnny Hallyday (ici au Festival de Cannes avec son épouse Laeticia, en 2009) permet d'esquisser quelques réflexions sur la question de la transmission. </span> <span class="attribution"><span class="source">Jaguar PS / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Sexe, argent et transmission », voilà qui semble être le fil rouge de la succession de Johnny Hallyday. Bien sûr, on ne connaît pas, ou pas encore, le dessous des cartes, le détail des fondations ou trusts, mais on en sait suffisamment, entre les mariages successifs, les enfants des différents lits, les déplacements entre la France, les paradis fiscaux et les États-Unis, pour esquisser quelques réflexions sur cette question de la transmission.</p>
<h2>Qu’est ce que transmettre ?</h2>
<p>En latin, <em>transmittere</em> signifie « envoyer de l’autre côté, faire passer », mais aussi « passer de l’autre côté, négliger ». Transmettre, c’est donc à la fois agir et « être agi », faire et faire faire (voire, ne pas faire… ). Dans la transmission, il y a une part d’action du sujet, et une part d’inaction ou de soumission. Il y a donc une ambivalence profonde dans cette transmission, qui à la fois installe et soumet, libère et entrave. Le poids de l’héritage fait qu’il « oblige » – « Noblesse oblige », s’intitulait le film anglais où le personnage interprété par Alec Guinness, lointain héritier d’un titre de noblesse, assassinait tous les héritiers qui prévalaient sur lui pour hériter du titre convoité…</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film <em>Noblesse oblige</em>. (1949).</span></figcaption>
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<p>Transmettre, c’est aussi s’inscrire dans un temps que l’on veut prolonger, c’est une lutte contre les jours qui passent. Que ce soit dans une tradition professionnelle ou une filiation familiale, la transmission permet le passage d’objets matériels et immatériels d’une génération à l’autre, d’expérimentés à novices. Ceux qui ne peuvent transmettre, par absence de descendants ou successeurs, peuvent se désoler que rien ne leur survivra.</p>
<p>La transmission est une préoccupation sociale centrale. Simone de Beauvoir, dans <a href="http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5389">« Mémoires d’une jeune fille rangée »</a>, montre bien que ses parents, n’ayant pas la possibilité de « doter » leurs filles après des revers de fortune, les poussent à travailler, n’étant pas sûrs de pouvoir les marier selon les principes de leur milieu. Simone de Beauvoir va ainsi se lancer dans des études de philosophie et l’enseignement, avec le succès que l’on sait.</p>
<p>Le souci de transmission s’accompagne de toute une circulation de dotations, matérielles et immatérielles, qui apparaissent comme autant de garants d’une transmission réussie. Déroger à ces règles, c’est prendre le risque de se déclasser. Inversement, l’ascension sociale de la bourgeoisie fortunée vers l’aristocratie a été longtemps une sorte d’accord qui permettait aux premiers d’accéder à un statut social vu comme supérieur, et aux seconds, en « redorant leur blason », de maintenir leur train de vie. Dans le célèbre <a href="https://la-philosophie.com/la-recherche-du-temps-perdu-proust"><em>À la recherche du temps perdu</em></a> de Marcel Proust, madame Verdurin, riche bourgeoise un peu ridicule, va devenir la princesse de Guermantes, ce qui représente l’accomplissement de toute une vie passée à chercher à s’élever socialement.</p>
<h2>Sexe et filiation : la force des institutions</h2>
<p>La transmission dans le cadre familial suppose de répondre à la question « à qui transmettre ? ». La question de la filiation met à l’épreuve la notion même de famille : les bâtards de l’Ancien Régime, aujourd’hui les enfants hors mariage, les enfants d’un deuxième lit ou issus de GPA reposent à chaque fois la question des frontières du groupe, et notamment au regard des successions, comme dans le cas Hallyday.</p>
<p>La filiation est encadrée par des normes instituées, et en premier lieu le mariage : le mariage est une institution qui norme (du latin <em>instituere</em> : établir, organiser, régler). Les institutions comme le mariage établissent une norme de la sexualité et de la transmission dans les familles. Cette norme évolue, avec l’acceptation légale du divorce, puis du mariage homosexuel, etc. On voit bien qu’il ne suffit pas de se dire « Ah, que je t’aime… » pour que tout se passe comme prévu : le social est là, et il demande des comptes.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Que je t’aime » interprété par Johnny Hallyday à Montreux en 1988.</span></figcaption>
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<h2>Que transmet-on ?</h2>
<p>La transmission est à la fois matérielle (patrimoine génétique, possessions, etc.) et immatérielle : une culture, des relations sociales, bref du capital social (réseaux, connaissance des règles du jeu du social), culturel (maîtrise de la culture et de ce qui doit être su), et symbolique (lié à un statut), comme l’a souligné le sociologue <a href="https://www.scienceshumaines.com/meditations-pascaliennes_fr_14201.html">Pierre Bourdieu</a> dans ses « Méditations pascaliennes ». En cela, la sociologie considère qu’on hérite dès la naissance : on bénéficie de tous les capitaux immatériels au fur et à mesure de l’éducation, et des capitaux matériels au cours des donations ou des décès.</p>
<p>Mais on transmet aussi une histoire, ce que nous montre récemment l’<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/epigenetique">épigénétique</a>, qui s’intéresse aux transformations cellulaires liées, entre autres, aux conditions de développement des organismes vivants du fait de leur environnement. Ainsi, notre corps s’adapte en permanence à son environnement, et transmet ces adaptations, à notre insu. En cela, notre corps sait quelque chose de notre histoire que nous ignorons peut-être. On retrouve un écho ici de ce qui a été développé par la psychologue <a href="http://www.leslecturesdeflorinette.fr/2015/06/aie-mes-aieux-anne-ancelin-schutzenberger.html">Anne Ancelin Shutzenberger</a> dans son livre « Aïe, mes aïeux ! ».</p>
<p>La transmission se fait essentiellement par don. Que l’on donne des savoirs, des acquis de l’expérience, des capitaux économiques ou que l’on partage des capitaux sociaux, le don, conscient ou inconscient, fait presque toujours partie du processus de transmission. Le don est aussi un lieu où se mesurent les inégalités, qui peuvent nourrir les griefs dans les familles. Il peut y avoir des tentatives de compensation, mais le fait de compenser par de l’argent des absences de don immatériel (affection, etc.) ne sert très souvent à rien, sinon à officialiser le préjudice initial. Pour revenir au cas Hallyday, et sans connaître le détail de ce qui a pu être fait dans le passé, il est clair que le fait de « disparaître » du testament, de ne pas être inclus dans la succession, confère inévitablement aux premiers enfants le sentiment d’être écartés de la transmission, et d’être bannis d’une histoire qu’ils pensaient être la leur jusqu’à présent.</p>
<h2>La transmission comme reconnaissance et responsabilité</h2>
<p>À quoi sert in fine la transmission ? Pas uniquement à la survie de l’espèce ou du groupe. En fait la transmission aide chacun à vivre, car elle installe tous les acteurs dans une dynamique de reconnaissance qui leur permet de s’épanouir socialement.</p>
<p>Par la filiation, qui est institutionnelle, et par le don, qui est une pratique inscrite dans le quotidien, se définissent des modalités de reconnaissance des individus dans le groupe, entre ceux qui en font pleinement partie et les autres. Dans les familles, le passage de l’enfant à l’âge adulte peut être accompagné de désir de reconnaissance, en termes d’autonomie et de capacité de jugement, qui peuvent s’opposer au désir inconscient des parents de ne pas vouloir voir grandir leurs enfants, ce qui peut dès lors nourrir des conflits générationnels.</p>
<p>À toutes les étapes, la responsabilité des acteurs est engagée : dans la filiation évidemment, mais aussi dans l’équilibre du don, comme dans les modalités de reconnaissance des individus. Le cadeau peut être un fardeau, et s’échapper de ses responsabilités peut s’avérer douloureux, ou constituer un motif de bannissement du groupe. On voit bien, encore une fois, que dans la transmission, on agit mais on « est agi » aussi, par les forces invisibles mais réelles et prégnantes du groupe social.</p>
<p>Tout héritage se fait ainsi dans la satisfaction d’accomplir un processus qui nous précède, mais aussi dans la crainte d’être l’auteur d’une rupture historique, ou de se laisser douloureusement asservir. En cela la transmission nous engage bien au-delà de notre vie propre, pour nous réinsérer dans une filiation dont la pérennité pèse sur nos épaules : ici peut résider son angoissante responsabilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Bouilloud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le feuilleton autour de la succession du chanteur iconique illustre bien toute la complexité de la notion de transmission, qui recouvre de nombreuses dimensions – pas seulement matérielles.Jean-Philippe Bouilloud, Professeur d’organisation et de sociologie des sciences, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1040312018-10-21T19:33:30Z2018-10-21T19:33:30ZCRISPR : comment gouverner et légiférer les modifications du génome ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247247/original/file-20181126-140513-1r0vz08.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">ADN</span> <span class="attribution"><span class="source">Caroline Denis/Flickr</span></span></figcaption></figure><p>« Intervenir délibérément dans le génome humain dans le but de sélectionner des traits pour de futurs enfants est désormais devenu une possibilité claire et réelle ». <a href="http://nuffieldbioethics.org/wp-content/uploads/Genome-editing-and-human-reproduction-FINAL-website.pdf">L’affirmation</a>, en particulier quand elle est sortie de son contexte, semble irréelle. Intervenir dans le génome, pour sélectionner des traits, puis faire naître des enfants, appelle immédiatement <a href="https://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/D/bo20836025.html">dans l’imaginaire du lecteur</a> des représentations contrastées. Des romans de science-fiction aux discours eugénistes du XX<sup>e</sup> siècle, des progrès des thérapies géniques aux énoncés d’interdits religieux, le citoyen ne sait plus sur quel pied danser. Les processus d’élaboration de politiques publiques doivent donc rapidement retrouver leur équilibre.</p>
<p>L’édition du génome repose ici sur la capacité à utiliser des <a href="http://www.chups.jussieu.fr/polys/biochimie/BGbioch/POLY.Chp.5.27.html">nucléases</a>, c’est-à-dire des enzymes qui agissent sur l’ADN ou l’ARN. Elles ont pour capacité de cliver (ou couper) des zones précises du génome et d’orienter sa réparation afin d’inactiver ou de modifier certaines de ses séquences. Cette technologie pourrait devenir disponible en clinique <em>in vitro</em> à moyen terme. Il reste des incertitudes techniques de taille à lever, notamment sur le type et la fréquence des recombinaisons de l’ADN qui se produisent lorsqu’on introduit la nucléase dans l’ovocyte en même temps que le gamète mâle. Les problématiques des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29786090">effets hors-cibles</a> ou de potentiels <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29892062">effets cancérogènes</a> sont manifestement, à moins d’un retournement de situation, en train d’être levées.</p>
<h2>Politique publique des biotechnologies</h2>
<p>La question de la mise en politique de cette biotechnologie de rupture c’est-à-dire de sa transcription par les institutions en une série de problèmes de politique publique qu’elles doivent résoudre, se pose donc avec de plus en plus d’insistance.</p>
<iframe width="100%" height="670" style="border:none;display:block;margin:auto!important;" src="https://guillaume-levrier.github.io/chronotype-extract-TC-1/"></iframe>
<p>Les nucléases qui pourraient permettre ce type d’interventions sont peu nombreuses. Si les <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/6009/MS_2007_10_834.pdf?sequence=5">nucléases à doigts de zinc</a> (Zinc Fingers, souvent abrégé en ZFN) et les <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2014/02/medsci20143002p186/medsci20143002p186.html">nucléases TALE</a> (ou TALEn) ont déjà montré des résultats <em>ex-</em> et <em>in-vivo</em>, les nucléases de type CRISPR, dont les <a href="https://www.afm-telethon.fr/glossaire/crisprcas9-90754">protéines associées Cas</a> se déclinent, se spécialisent et s’opérationnalisent de plus en plus rapidement. Elles seront probablement celles qui seront le plus rapidement utilisées <em>in-vitro</em>. Loin de se cacher derrière une distinction entre recherche fondamentale et recherche appliquée plus ou moins contrastée selon les pays, le <a href="https://asu.pure.elsevier.com/en/publications/in-crisprs-world-genome-editing-and-the-politics-of-global-scienc">scientifique et le politique</a> ont bien compris ce que ces innovations portaient en elle. Le citoyen, lui, n’est pas encore assez entré dans le débat.</p>
<h2>Faire des choix pour l’humanité</h2>
<p>Les messages envoyés aux différents publics qui constituent les sociétés sont nombreux, complexes, et bien souvent contradictoires. La doxa conservatrice de l’essentialisme génomique des années 1980, dont les racines sont plus religieuses que scientifiques, a trouvé un renouveau et un soutien inattendu de la part des start-up américaines.</p>
<p>Cet imaginaire déterministe a deux pendants. Au niveau individuel, il procède de l’idée que l’identité de l’individu serait largement constituée d’une expression figée et immuable d’un génotype, ce dernier étant déterminé lors de la fécondation. La stabilisation du génotype serait alors une sorte de réceptacle pseudoscientifique à l’idée d’une âme insufflée par le divin, et un argument contre certaines libertés fondamentales, dont l’avortement.</p>
<p>Les entreprises de séquençage génomique américaines se basent sur le même schéma : en vous donnant le contenu de votre patrimoine génétique, ils prétendent pouvoir vous donner des informations sur vos capacités. En réalité, leur modèle économique repose <a href="https://www.gsk.com/en-gb/media/press-releases/gsk-and-23andme-sign-agreement-to-leverage-genetic-insights-for-the-development-of-novel-medicines/">sur la revente de vos données aux grands groupes pharmaceutiques</a>.</p>
<p>A une échelle supérieure, cette conception se retrouve dans certaines déclarations internationales, comme celles portées par le <a href="https://rm.coe.int/168007cf99">Conseil de l’Europe ou l’Unesco</a>, qui soutiennent de façon plus ou moins explicite l’idée d’un « génome humain », dont il faudrait défendre l’intégrité. Emmanuel Macron, dans un <a href="http://www.elysee.fr/interviews/article/interview-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-pour-wired-sur-l-intelligence-artificielle-en-version-francaise/">interview</a> au magazine américain Wired, emploie lui-même l’expression : « [La] préférence que nous accordons tous, face au progrès technologique, aux libertés individuelles, à l’intégrité de l’être humain et de l’ADN humain[…] ».</p>
<p>Cette notion n’a pourtant aucun sens biologique : le génome humain n’est pas un objet stable, simple, structurellement distinct du génome d’autres organismes. C’est une séquence sans être un langage, un type d’information dont l’expression varie beaucoup (d’où la notion d’<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/epigenetique">épigénétique</a>) et dont une partie importante du contenu nous échappe. Cette complexité en fait un objet politique difficile à traiter. Elle implique de gérer un rapport à l’incertitude scientifique et de faire évoluer une certaine conception de ce qu’est l’humanité.</p>
<h2>Une politique des nucléases à construire : tour du monde des règles</h2>
<p>Cette apparente aporie n’est pas sans lien avec la difficulté de mettre en politique le désastre écologique annoncé. Lorsque Vladimir Vernadski, disciple de Mendeleïev et contemporain de Curie, Bergson et Teilhard de Chardin, popularise l’idée de « Biosphère », il place l’homme dans une perspective unique : celle d’un agent de la Biosphère, région de l’écorce terrestre occupée par la vie, capable d’une action géologique (à l’époque par la fertilisation des champs rendue possible par la synthèse de l’ammoniac), et donc par ricochet et de façon rétroactive, d’une action biologique d’une échelle inégalable. De l’entre-deux-guerres à aujourd’hui, le politique a été incapable d’en tirer des moyens de gouvernance opérationnels.</p>
<p>Afin de ne pas placer une politique des nucléases dans une même situation d’échec, les institutions devront donc trouver un moyen de mettre en place des mécanismes capables de formuler les bonnes questions, et de doter la société des outils pour construire des réponses.</p>
<p>Certains de ces processus commencent à émerger au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Chine, pays dans lesquels des laboratoires poursuivent leurs recherches en utilisant CRISPR-Cas9 sur des <a href="https://www.nature.com/articles/nature23305">embryons humains</a>.</p>
<p>Dernier en date à se positionner sur la question, le <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-06847-7">Japon</a> a révélé le 28 septembre 2018 des recommandations rédigées par un panel d’expert visant à encourager l’usage des techniques d’édition du génome sur les embryons à des fins de recherches tout en réaffirmant des mises en garde contre leur réimplantation. Ces recommandations seront mises en débat dans les prochaines semaines puis seront mises en place l’année prochaine. En l’état actuel des choses, elles n’empêchent pas la modification d’un zygote au Japon puis son envoi dans un autre pays à la réglementation plus souple, où il pourrait être réimplanté.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1047682663820144640"}"></div></p>
<p>Cette préoccupation fait écho aux procédures de transfert d’ADN mitochondrial, dont les premières ont officiellement été lancées début 2018 au Royaume-Uni après plus de 15 ans d’analyses et de débats publics, mais qui auraient déjà été réalisées au Mexique et en Ukraine par une clinique privée américaine.</p>
<p>Tous ces pays sont bien conscients des enjeux humains, mais aussi économiques et légaux dans un contexte de grande mobilité de la science, des capitaux et des individus. La France, elle, est dans une situation particulièrement contrastée. On y trouve à la fois des agents très informés qui portent ces enjeux au niveau politique, et de structures conservatrices très organisées qui voient ces enjeux comme au cœur de leur raison d’être. Cela ne signifie pas que tout débat soit impossible. Ces sociétés devront trouver des méthodes capables de produire un consensus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104031/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Levrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les techniques de modifications du génome avancent extrêmement rapidement. Il est temps pour les pays de cadrer par la loi ces pratiques et faire de vrais choix de sociétés.Guillaume Levrier, Doctorant - CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/956842018-05-15T21:04:08Z2018-05-15T21:04:08ZL’intelligence humaine n’est pas réductible à la génétique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/218984/original/file-20180515-546-1n0helf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C118%2C1572%2C997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tableau _Galacidalacidesoxyribonucleicacid_ de Salvador Dali illustre sa fascination pour l'ADN. Mais tout ne résume pas à elle...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wikiart.org/en/salvador-dali/galacidalacidesoxyribonucleicacid">WikiArt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors que s’ouvrent plusieurs débats de société sur l’école, sur l’entrée à l’Université, sur l’intelligence artificielle, ressurgit également la question de savoir si notre intelligence est innée ou acquise. Dans une tribune <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/determinisme-pourquoi-bourdieu-avait-tort_2002043.html">publiée dans les <em>Echos</em></a>, le chirurgien et homme d’affaires Laurent Alexandre explique qu’il ne faut pas nier la « différence innée de capacités » et que « l’école et la culture familiale ne pèsent pas beaucoup face au poids décisif de la génétique ». </p>
<p>Une <a href="http://www.lemonde.fr/acces-restreint/sciences/article/2018/04/25/a75476f5f776aab992635aceca814d23_5290360_1650684.html">tribune signée par 20 chercheurs</a>, dont Jacques Testart, père du bébé éprouvette, paraît simultanément dans <em>Le Monde</em> pour dénoncer ce qu’ils appellent des « fake news génétiques ». Le <a href="https://axelkahn.fr/genes-et-intelligence/">généticien Axel Kahn</a> répond également en rappelant l’histoire de cette conception qui a conduit aux « racisme, darwinisme social, eugénisme » et en proposant une autre vision basée sur des arguments scientifiques.</p>
<p>Dans ce débat hautement politique, comment appréhender les arguments scientifiques qui s’affrontent de part et d’autre ?</p>
<h2>Des statistiques sur la génétique des populations ne disent rien sur l’intelligence d’un individu</h2>
<p>Selon Laurent Alexandre, « l’ADN détermine plus de 50 % de notre intelligence ». À l’appui de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/determinisme-pourquoi-bourdieu-avait-tort_2002043.html">ses propos</a>, il cite les « travaux conduits par plusieurs équipes dont celle de Robert Plomin, du King’s College de Londres. » Pour savoir ce que dit exactement Robert Plomin, le mieux est de se référer directement à sa <a href="https://www.nature.com/articles/nrg.2017.104">revue de la littérature</a> publiée en janvier 2018 dans <em>Nature Reviews Genetics</em>. Selon ce scientifique, l’héritabilité de l’intelligence est estimée entre 20 et 50 % (moins que les chiffres avancés par Laurent Alexandre donc). Mais en outre, ce calcul ne signifie pas que le poids de la génétique dans notre intelligence est de 20 à 50 % et celui de l’environnement de 50 à 80 %.</p>
<p>Illustrons le raisonnement par des cas extrêmes. Un enfant avec de bonnes prédispositions génétiques mais placé dans un milieu sans aucune éducation (un enfant élevé dans la jungle par exemple) échouera à la plupart de nos tests d’intelligence car il n’aura pas appris à compter, lire, écrire… Le poids de l’environnement sera alors de 100 %. À l’inverse, dans le cas d’une maladie occasionnant une déficience intellectuelle sévère, le poids de la génétique peut être proche de 100 % (<a href="https://www.cairn.info/revue-contraste-2005-1-page-99.htm">comme dans le cas des maladies liées à un seul gène ayant un effet important</a>).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/218956/original/file-20180515-122916-1x5nvnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/218956/original/file-20180515-122916-1x5nvnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/218956/original/file-20180515-122916-1x5nvnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/218956/original/file-20180515-122916-1x5nvnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/218956/original/file-20180515-122916-1x5nvnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/218956/original/file-20180515-122916-1x5nvnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/218956/original/file-20180515-122916-1x5nvnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Victor, l’enfant sauvage, musée de Lacaune : comment peut se développer l’intelligence, sans interactions sociales ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fagairolles 34/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK21766/">héritabilité est une mesure statistique</a> expliquant les différences entre individus au sein d’une population à cause des différences génétiques entre ces individus. C’est une proportion valable d’un point de vue populationnel qui ne dit rien de la part de la génétique pour un caractère d’un individu pris isolément.</p>
<p>L’héritabilité ne correspond pas non plus à une relation causale. En effet, ce calcul ne prend pas en compte l’exposition à un même environnement partagé. Un <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-018-0332-5">autre article de l’équipe du Dr Robert Plomin</a>, publié dans Nature Human Behaviour en avril 2018, s’intéresse au poids de la génétique en fonction de la société dans laquelle évolue un individu. Le poids de la génétique dans la réussite scolaire et l’accomplissement professionnel serait deux fois plus important en Estonie actuellement qu’avant la chute de l’URSS. Les auteurs soulignent ainsi que le poids de la génétique n’est pas une donnée figée mais influencée par le type de société dans lequel évolue l’individu, avec un impact plus important de la génétique si le modèle sociétal est davantage méritocratique.</p>
<p>Dans <a href="http://books.openedition.org/enseditions/1131">L’Empire des Gènes, Histoire de la sociobiologie</a>, le philosophe canadien Jacques G. Ruelland, nous rappelle que, d’après même les lois de la théorie darwinienne de l’évolution, « on ne peut juger de la qualité d’un patrimoine génétique que par rapport à un milieu biologique et social qui fixe des critères de normalité toujours variables. »</p>
<h2>Le comportement humain est plus complexe qu’un QI ou qu’une molécule d’ADN</h2>
<p>Toutes les études citées pour appuyer l’impact de la génétique dans l’intelligence humaine sont préliminaires et comportent, de l’avis même de leurs auteurs, des limitations.</p>
<p>Premièrement, les mesures d’intelligence sont basées sur <a href="http://www.psych.utoronto.ca/users/reingold/courses/intelligence/cache/1198gottfred.html">des tests largement discutés</a>. Les fameux tests de QI (quotient intellectuel) sont déjà une approximation de certaines caractéristiques intellectuelles. Par exemple, ils ne prennent pas en compte la cognition sociale (intelligence dans la relation aux autres). Le film Rain Man, relatant l’histoire vraie d’un autiste de haut niveau, illustre parfaitement qu’un individu peut avoir des capacités de mémorisation incroyables mais échouer dans les relations humaines. En outre, étant donné le temps nécessaire pour réaliser ces tests de QI, la plupart des études scientifiques actuelles n’utilisent qu’un petit nombre de tests, le plus souvent des tests verbaux qui ont un fort lien avec la culture d’un individu. Ensuite, ces tests sont transformés statistiquement pour obtenir un autre score (le facteur G). Cela représente un défi pour les chercheurs qui utilisent des tests différents d’une étude à l’autre mais sont contraints de les <a href="https://www.nature.com/articles/mp201185">rassembler pour permettre des analyses génétiques larges</a>.</p>
<p>Deuxièmement, le poids de la génétique est estimé par l’étude d’un certain type de variants : les polymorphismes, qui correspondent à des variants fréquents dans la population mais ayant un très faible effet sur l’intelligence quand ils sont pris individuellement. Ainsi, les chercheurs regroupent l’effet de ces milliers de variants dans <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5683372/">des scores polygéniques</a>. Cependant, ces scores sont majoritairement obtenus chez des populations européennes ce qui entraîne un biais lorsqu’on souhaite comparer plusieurs populations. De plus, les scores polygéniques groupent ces variants selon des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25132410">modèles statistiques additifs</a>. Ils ne tiennent compte ni des effets de suppléance, ni des interactions entre gènes, ni des variants rares dans la population. Ces scores polygéniques peuvent donc être mis en défaut par l’existence d’autres facteurs génétiques qui auront un effet, bénéfique ou délétère, beaucoup plus important. Ainsi, les scores polygéniques actuels expliquent <a href="https://www.nature.com/articles/nrg.2017.104">moins de 4 % de la variance de l’intelligence humaine</a>. On est loin des 50 % avancés par Laurent Alexandre.</p>
<p>Il est indéniable que des facteurs génétiques interviennent dans la cognition humaine. Mais de nombreux facteurs environnementaux sont nécessaires pour révéler la vulnérabilité génétique ou au contraire protéger l’individu. La conception actuelle a donc dépassé la vision réductrice génétique pour laisser place au <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3108095/">modèle d’interaction entre gènes et environnement</a>. Il est évident aujourd’hui que l’environnement, <a href="https://www.nature.com/articles/nn1276">y compris certains comportements des parents</a>, peut venir « allumer » ou « éteindre » un gène (augmenter ou diminuer son expression sous forme d’ARN messager). </p>
<p>Ces mécanismes sont dits épigénétiques (littéralement « au-dessus de » la génétique) et correspondent à <a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2012/04/13/l-epigenetique-une-heredite-sans-adn_1684720_1650684.html">des modifications de l’expression des gènes sans mutation de l’ADN</a>. Leur transmission à travers les générations <a href="https://humgenomics.biomedcentral.com/articles/10.1186/s40246-015-0041-3">semble également possible</a>, les enfants héritant d’une sorte de mémoire moléculaire de l’environnement dans lequel ont vécu leurs parents. Ainsi, les facteurs biologiques liés à l’intelligence ne sont pas uniquement génétiques et semblent en grande partie sous la dépendance de l’environnement.</p>
<h2>Les gènes ne codent pas un destin mais une potentialité</h2>
<p>Cette volonté de réduire l’intelligence à la génétique traduit une conception fixiste de l’Homme alors qu’il faudrait imaginer la biologie comme une potentialité qui ne se réalise qu’en lien avec l’environnement. Il est en effet impossible de rendre compte d’une caractéristique essentielle de l’être humain, l’adaptabilité, si on considère que notre biologie est figée. L’Homme est une entité réactive dont le cerveau, même à l’âge adulte, reste <a href="https://theconversation.com/what-is-brain-plasticity-and-why-is-it-so-important-55967">modifiable</a>. « Comme tout organisme vivant, l’être humain est génétiquement programmé, mais il est programmé pour apprendre », écrivait le prix Nobel de médecine François Jacob, dans son livre <a href="https://www.babelio.com/livres/Jacob-Le-jeu-des-possibles-Essai-sur-la-diversite-du-vi/415507"><em>Le jeu des possibles</em></a>. « Les gènes ne codent pas un destin », <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/biologie-cellulaire/axel-kahn-les-genes-ne-codent-pas-un-destin_21791">résume également Axel Kahn</a>.</p>
<p>Ce débat récurrent autour de l’inné et de l’acquis, autour du poids de la biologie et de l’environnement dans l’intelligence et les comportements humains doit aujourd’hui être dépassé, notamment par l’avènement de l’épigénétique. Refuser ce dépassement c’est risquer de faire ressurgir les débats qui ont conduit aux errements du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Dans le <a href="https://www.nature.com/articles/nrg.2017.104">dernier paragraphe de sa revue</a>, Robert Plomin met d’ailleurs en garde sur les implications éthiques de ces recherches :</p>
<blockquote>
<p>« Des problèmes de discrimination et de stigmatisation ont accompagné les recherches sur la génétique de l’intelligence dès le début, essentiellement parce que les découvertes dans ce domaine ont servi à justifier des mesures qui servaient des idéologies sociopolitiques ».</p>
</blockquote>
<p>Face à ce débat, nous devons garder à l’esprit que l’instrumentalisation de la science à des fins politiques est toujours suspecte. L’utilisation de chiffres définitifs et « tape à l’œil », le réductionnisme, les avis tranchés, cachent souvent une réalité bien plus complexe qui doit être présentée pour permettre un débat dans des conditions démocratique. Ne perdons jamais de vue qu’en tant que médecins, chercheurs, scientifiques, notre mission est d’éclairer le débat public honnêtement, sans propager des visions fausses ou simplistes.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/science-contre-fake-news-la-bataille-est-engagee-90161">Science contre fake news, la bataille est engagée</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Plus que jamais, la médecine a besoin de l’apport de la génétique pour réaliser de grandes avancées, y compris dans les maladies neuropsychiatriques, pour améliorer la compréhension des déficiences intellectuelles, pour permettre une émancipation progressiste de l’être humain. Espérons que ce retour d’un débat archaïque n’accroîtra pas la défiance envers la génétique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95684/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Chaumette a reçu au cours des trois dernières années des rémunérations des Laboratoires Servier pour la participation à des manifestations scientifiques. Il a reçu des financements de plusieurs fondations d'intérêt public au cours de ses études : fondation Charles Nicolle, fondation Bettencourt-Schueller et fondation Deniker. Il reçoit actuellement une bourse postdoctorale de l'initiative Healthy Brain for Healthy Lives (McGill University). Il est membre de l'AJPJA (Association des Jeunes Psychiatres et des Jeunes Addictologues). Il travaille dans un laboratoire académique de génétique des maladies neuropsychiatriques de l'Université McGill (Montreal Neurological Institute).</span></em></p>Dans le débat qui se relance autour du caractère inné ou acquis de l’intelligence, rappelons que le comportement humain est plus complexe qu’une mesure de QI ou qu’une molécule d’ADN.Boris Chaumette, Psychiatre, neurobiologiste, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/890922018-01-07T20:24:31Z2018-01-07T20:24:31ZMésanges des villes, mésanges des champs, des génomes différents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200612/original/file-20180102-26169-1roypko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mésange charbonnière mangeant à la main</span> <span class="attribution"><span class="source">Paweł Kuźniar/Wikimedia</span></span></figcaption></figure><p>L’urbanisation modifie, restreint et isole les habitats naturels favorables pour de nombreux organismes vivants. Malgré leur capacité à voler et donc à se déplacer facilement, ces contraintes s’appliquent aussi aux oiseaux, qui rencontrent en ville de nombreux bouleversements environnementaux d’origines anthropiques. Parmi les modifications observées, une augmentation en ville de la température moyenne et de la pollution atmosphérique peuvent affecter la physiologie des individus. De plus, les activités humaines, comme les passages des piétons et des voitures dans un vacarme permanent et une luminosité constante la nuit, sont de nature à affecter le comportement et le niveau de stress des oiseaux.</p>
<p>Paradoxalement, les oiseaux trouvent en ville de <a href="https://theconversation.com/perruches-a-collier-et-conures-veuves-qui-sont-nos-nouveaux-voisins-a-plumes-75239">nombreuses opportunités</a> pour se nourrir et nicher. Certaines espèces d’oiseaux peuvent même tirer profit des conditions de vie urbaine, mais doivent pour se faire s’acclimater durant de leur vie et possiblement s’adapter génétiquement au fil des générations au stress de la vie en ville. Plusieurs équipes de recherche françaises travaillent sur les réponses biologiques et génétiques des oiseaux en ville, avec souvent pour modèle biologique la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9sange_charbonni%C3%A8re">mésange charbonnière</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200609/original/file-20180102-26145-1dcbpio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200609/original/file-20180102-26145-1dcbpio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200609/original/file-20180102-26145-1dcbpio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200609/original/file-20180102-26145-1dcbpio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200609/original/file-20180102-26145-1dcbpio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200609/original/file-20180102-26145-1dcbpio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200609/original/file-20180102-26145-1dcbpio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nichoir artificiel à mésange.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Charles Perrier</span></span>
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<p>La mésange charbonnière est une espèce de passereau très largement répandue en Europe qui niche dans des cavités déjà existantes. On peut l’étudier facilement : en effet, comme sa cousine la mésange bleue, elle construit volontiers son nid dans un nichoir mis à sa disposition. Cela facilite la capture et le baguage individuel des parents et des poussins, et en fait un modèle de choix pour les scientifiques ornithologues.</p>
<p>La mésange charbonnière est notoirement très présente dans le milieu urbain, mais les mésanges des villes présentent de nombreuses différences avec leurs congénères vivant dans des habitats naturels tels que des forêts de chênes. Une étude à long terme initiée en 2011 sur les mésanges charbonnières de Montpellier et d’une forêt proche a permis d’analyser les différences morphologiques, de reproduction, et de comportement des oiseaux urbains et forestiers. En particulier, cette étude a révélé que les mésanges urbaines sont plus petites et plus légères, qu’elles se reproduisent plus tôt au printemps, pondent des nichées contenant moins d’œufs, ont un rythme cardiaque accéléré et des scores d’exploration d’un environnement nouveau plus rapide.</p>
<h2>Diversité génétique</h2>
<p>Suite à la découverte de ces deux écotypes urbains et ruraux, notre équipe de recherche s’intéresse à l’origine et à la potentielle maintenance de cette variation entre les groupes d’oiseaux. Deux questions fondamentales se posent. En premier lieu, est-ce que les populations de mésanges charbonnières en ville et en forêt diffèrent génétiquement du fait de leurs isolements géographiques ? Ou bien cela résulte-t-il de choix délibérés des individus de s’installer pour se reproduire dans un milieu similaire à leur milieu de naissance, ce qui pourrait à terme favoriser la divergence génétique des deux populations d’oiseaux ? En second lieu, des différences génétiques particulièrement grandes à certains gènes pourraient-elles résulter de sélection divergente entre milieu urbain et naturel, et être impliquées dans une adaptation au milieu urbain ?</p>
<p>Tout récemment, nous avons étudié ces potentielles modifications génétiques en réalisant du séquençage à haut débit de l’ADN des mésanges. Les variations relevées sur 50 000 marqueurs génétiques chez 140 mésanges nichant dans des zones présentant différents niveaux d’urbanisation à Montpellier ont confirmé les soupçons évoqués. Cette recherche a été <a href="https://www.researchgate.net/publication/321309873_Great_tits_and_the_city_distribution_of_genomic_diversity_and_gene-environment_associations_along_an_urbanization_gradient">publiée</a> dans le journal <em>Evolutionary Applications</em>.</p>
<p>Les mésanges sont génétiquement différentes selon le taux d’urbanisation du site et leur diversité génétique diminue avec l’urbanisation. De plus, plusieurs centaines de marqueurs localisés dans plusieurs gènes impliqués dans diverses fonctions biologiques, varient avec le niveau d’urbanisation. Ces résultats suggèrent que l’urbanisation du milieu a d’une part des effets sur la démographie des populations de mésange, et d’autre part, agit comme une pression de sélection susceptible de faire évoluer de nombreuses fonctions biologiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200554/original/file-20180102-26145-sy9c56.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200554/original/file-20180102-26145-sy9c56.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200554/original/file-20180102-26145-sy9c56.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200554/original/file-20180102-26145-sy9c56.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200554/original/file-20180102-26145-sy9c56.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200554/original/file-20180102-26145-sy9c56.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200554/original/file-20180102-26145-sy9c56.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nichage d’un Parus major.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Susanne Nilsson/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le fait que les différences génétiques ne semblent pas s’accumuler fortement autour d’un ou de quelques gènes mais plutôt être disséminées dans la totalité du génome des individus au travers de variations de centaines de gènes suggère une réponse complexe à une sélection multifactorielle en milieu urbain, affectant de nombreux caractères phénotypiques complexes encodés par de nombreux gènes. Par exemple, certains des gènes identifiés concernaient le neurodéveloppement.</p>
<p>Ce résultat fait écho à plusieurs travaux parallèles montrant des variations de gènes impliqués dans la régulation du comportement chez les oiseaux colonisant les villes. Ce résultat est également à mettre en lien avec les modifications comportementales observées chez les mésanges à Montpellier. La complexité de cette réponse des génomes au milieu urbain n’est pas sans rappeler la complexité des variations génétiques qui sous-tendent de nombreux traits phénotypiques quantitatifs ou certaines maladies chez l’homme. Par exemple, la taille humaine est un trait dont la variation est encodée par de très nombreux variants génétiques. Le très grand nombre de variations génétiques contrôlant la plupart des caractères est actuellement au cœur de casse-têtes méthodologiques dans le domaine de la génomique : comment développer des approches permettant de comprendre et prédire les variations phénotypiques observables dans toute leur complexité ?</p>
<h2>Épigénétique</h2>
<p>En ce qui concerne les mésanges, après avoir mis en évidence des différences génomiques complexes entre mésanges des villes et des forêts, nous nous intéressons désormais aux effets de l’urbanisation sur les marques épigénétiques des gènes des mésanges. Les marques épigénétiques constituent une couche d’information, transmissible et rapidement réversible en fonction de l’environnement, qui affecte l’expression du code génétique sans en faire partie. Ces marques épigénétiques pourraient être impliquées dans les réponses adaptatives rapides de ces organismes en milieu urbain…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89092/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les oiseaux sont aussi des bêtes urbaines, façonnés par leur habitat. Démonstration de l’effet de l’urbanisation sur les gènes des mésanges charbonnières.Charles Perrier, Chercheur en génomique des populations, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Anne Charmantier, Directrice de Recherche en écologie évolutive, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/841552017-09-20T18:52:26Z2017-09-20T18:52:26ZLa génomique, reine du big data<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186734/original/file-20170920-927-19hquov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C147%2C1114%2C820&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Genomes.</span> <span class="attribution"><span class="source">National Human Genome Research Institute (NHGRI)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis la fin des années 1990 et le projet génome humain, les technologies de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9quen%C3%A7age_de_l%27ADN">séquençage de l’ADN</a> connaissent une véritable révolution qui fait aujourd’hui entrer la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nomique">génomique</a> dans l’ère du big data. Depuis une quinzaine d’années, le volume des données générées dans le domaine de la génomique a crû en proportion inverse du coût du séquençage : ainsi, annoncé en 2016, le plan <a href="http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2016/06/22.06.2016_remise_du_rapport_dyves_levy_-_france_medecine_genomique_2025.pdf">France Médecine Génomique 2025</a> prévoit de produire plusieurs dizaines de pétaoctets (Po) de données par an d’ici 5 ans.</p>
<p>Leur stockage, leur accessibilité et leur exploitation sont donc des problématiques à part entière. Trois domaines sont particulièrement concernés : l’exploration de la diversité du vivant et des écosystèmes complexes, la génomique fonctionnelle et la médecine génomique de précision, qui implique la recherche de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biomarqueur">biomarqueurs</a> par l’analyse d’ensembles de données hétérogènes.</p>
<p>Deux exemples : le premier concerne <a href="http://oceans.taraexpeditions.org">Tara Océans</a>. Ce projet, dont le <a href="http://ig.cea.fr/drf/ig/Pages/Genoscope.aspx">Genoscope</a> est un acteur majeur, vise à explorer par une approche dite <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tag%C3%A9nomique">métagénomique</a> le plus grand écosystème planétaire que représente le plancton océanique. Encore très peu étudiés, ces écosystèmes contiennent de 10 à 100 milliards d’organismes par litre d’eau de mer. Leur impact sur les cycles géochimiques globaux et le climat est extrêmement important puisqu’ils absorbent la moitié de notre production en CO<sub>2</sub> et dégagent 50 % de l’oxygène de la planète. Malgré cela, leur extraordinaire biodiversité reste encore à découvrir !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186850/original/file-20170920-16437-fczcim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186850/original/file-20170920-16437-fczcim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186850/original/file-20170920-16437-fczcim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186850/original/file-20170920-16437-fczcim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186850/original/file-20170920-16437-fczcim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186850/original/file-20170920-16437-fczcim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186850/original/file-20170920-16437-fczcim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte satellite des 3 îles marquisiennes. Les tourbillons de couleur indiquent la présence de plancton. Le rouge représente les zones les plus concentrées en phytoplancton. L’orange, le jaune et le vert une concentration décroissante. Le bleu, une absence de plancton en surface.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CEA-Clés</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second exemple décrit une décennie d’analyse fonctionnelle des génomes mammifères, entre 2007 et 2017. Les premiers séquenceurs à haut débit ont favorisé l’essor sans précédent de l’analyse fonctionnelle des génomes humains et d’organismes modèles tels que la souris. Ils ont permis de définir, à l’échelle du génome entier, les profils de distribution de facteurs de transcription et de marques d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histone">histones</a>, qui contribuent à la <a href="https://jhu.pure.elsevier.com/en/publications/high-resolution-profiling-of-histone-methylations-in-the-human-ge-3">régulation épigénétique du génome</a>.</p>
<p>Cette approche expérimentale, le ChIP-seq (immuno-précipitation de chromatine couplée au séquençage massif), au succès mondial, continue à être largement utilisée et de nouveaux protocoles ont été développés pour caractériser les phénomènes de transcription, de dynamique de la chromatine, ainsi que l’architecture 3D du génome mammifère. La gestion, l’analyse et l’interprétation des données de génomique fonctionnelle, qui s’accumulent de façon exponentielle, nécessite des compétences de plus en plus variées. Un effort de collaboration sans précédent entre biologistes et informaticiens est essentiel pour faire face au rythme des découvertes et de l’apparition de nouvelles approches expérimentales.</p>
<p>Si l'on revient à une problématique plus globale, la question du volume des données est par ailleurs indissociable de celle de leur accumulation au cours de projets s’étalant sur plusieurs années : dans le cas de la médecine de précision, c’est l’enrichissement des bases de données, avec des données de séquences, phénotypiques, environnementales, médicales, et leur confrontation permanente avec celles précédemment acquises qui permet, par un mécanisme d’auto-apprentissage, d’affiner les diagnostics et d’identifier des biomarqueurs originaux.</p>
<p>Pour le traitement des données, deux grands types d'usage ont de gros besoins en calcul : l'assemblage (la reconstitution <em>de novo</em> de génomes à partir de données brutes de séquençage) et la comparaison de séquences avec celles déjà connues (fig. 2).</p>
<p>Ces deux approches ont en partage l'importante quantité de données à manipuler et la quasi-impossibilité de calibrer le temps d’exécution. Il s’agit de téraoctets (To) de données et de fichiers de plusieurs dizaines ou centaines de Go, ce qui impose <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0126321">qu’elles soient au plus près des moyens de calcul</a> avec des capacités en lecture/écriture adaptées.</p>
<p>Pour les projets génomiques d'envergure, l’<a href="https://academic.oup.com/gigascience/article-lookup/doi/10.1186/s13742-016-0132-7">utilisation des technologies du <em>cloud computing</em></a> en coordination avec les systèmes HPC bien connu du monde de la physique ou plus précisément leur évolution HTC permettra de bénéficier des points forts de ces différents modèles, à savoir la performance en termes d’entrées/sorties et de calcul pour le HTC, et les caractéristique d’élasticité et d’adaptation à la demande du cloud computing.</p>
<p>Pour finir, revenons sur deux enjeux essentiels en génomique humaine. En premier lieu, le partage des données : étant donnée la rareté des événements génétiques, les données générées pour un individu ne prennent de sens et de valeur que si elles peuvent être croisées avec de nombreuses bases de données, <a href="http://www.cnag.eu/sites/default/files/2015_CNAG_AnnualReport_reduced5.pdf">idéalement avec l’ensemble des génomes connus</a>. En second lieu, la <a href="http://www.humangenomeprivacy.org/2015/index.html">confidentialité des données</a> : rien n’est plus identifiant que la séquence génomique d’un individu qui porte des informations prédictives, et même au-delà des informations touchant ses descendants, ascendants ou sa fratrie. Cet aspect reste critique et des solutions élégantes émergent, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chiffrement_homomorphe">chiffrement homomorphe</a>, qui permet de calculer sur une donnée chiffrée et d’obtenir un résultat lui-même chiffré.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec le CEA dans le cadre de la nouvelle formule du <a href="http://www.cea.fr/multimedia/Pages/editions/clefs.aspx">magazine Clefs</a> dont le premier numéro est consacré au big data.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84155/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L'étude des génomes, notamment humain, bénéficie aujourd'hui de l'apport du big data et des outils qui lui sont associés. Quelques exemples et problématiques.Pierre Le Ber, Directeur adjoint de l’Institut de biologie François Jacob du CEA , Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Claude Scarpelli, Chef du Laboratoire d’informatique scientifique du Genoscope (Institut de biologie François Jacob du CEA), Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Matthieu Gérard, Chef du Laboratoire épigénomique des mammifères au sein du Service de biologie intégrative et génétique moléculaire (Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot du CEA), Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/787722017-06-07T20:48:13Z2017-06-07T20:48:13ZComment l’environnement fabrique des allergiques avant même leur naissance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/172012/original/file-20170602-18817-1a8lldc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les pollens ne sont pas seuls en cause dans l'allergie -- les polluants aériens émis par les véhicules jouent aussi un rôle clé.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/allergie-m%C3%A9dicaux-allergique-1738191/">cenczi/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Et si cette saison était la pire de tous les temps pour les allergiques de l’hémisphère nord ? Les personnes souffrant du rhume des foins depuis longtemps comme celles qui découvrent tout juste son existence partagent le même sentiment : on voit plus d’allergies et d’allergènes aujourd’hui que jamais. Ainsi, la semaine en cours pourrait se révéler l'une des plus éprouvantes de l'année pour les personnes sensibles aux graminées, avec un niveau de risque « très élevé » – le maximum – dans presque tous les départements français, <a href="http://www.pollens.fr/docs/vigilance.html">selon le Réseau national de surveillance aérobiologique</a>. </p>
<p>De fait, les maladies allergiques sont en plein essor. Elles ont gagné en fréquence et en gravité au cours de la dernière décennie et constituent un problème de santé mondial. Selon la Fédération européenne des associations de patients allergiques et victimes de maladies respiratoires (EFA), <a href="http://www.efanet.org/images/documents/EFABookonRespiratoryAllergiesFINAL.pdf">20 à 30 % de la population européenne</a> souffrirait d’allergies respiratoires. Ces maladies peuvent se déclarer dès la petite enfance : 65 % des enfants sont touchés avant l’âge de 18 mois.</p>
<p>Le programme de recherche ISAAC, qui étudie l’asthme et les allergies chez l’enfant, rapporte que plus de 20 % des Européens sont allergiques aux allergènes présents dans l’air ou la nourriture <a href="http://www.sciepub.com/reference/126099">avant la puberté</a>. Bien que la prédisposition génétique constitue un facteur de risque important, j’ai étudié la manière dont l’environnement peut influer sur le risque de contracter une allergie respiratoire – ces travaux paraîtront dans un numéro spécial de la revue <a href="https://www.journals.elsevier.com/mechanisms-of-ageing-and-development/">Mechanisms of Aging and Development</a> consacré à l’épigénétique du vieillissement et du développement.</p>
<h2>Les allergies pourraient commencer avant la naissance</h2>
<p><a href="http://www.efanet.org/resources/library/1469-launch-of-efa-respiratory-allergy-book-at-european-parliament">Comme presque un Européen sur deux</a>, vous souffrez peut-être d’une maladie allergique, et il se peut que celle-ci se soit déclarée quand vous étiez enfant. Et si son origine remontait plus loin encore ? Les causes de ces maladies sont en partie génétiques, mais les experts savent depuis un certain temps que ce que la future mère mange et respire <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/bdrb.20170/abstract">peut avoir un impact sur son fœtus</a>.</p>
<p>Au cours de la décennie écoulée, les scientifiques ont apporté de nouvelles preuves attestant l’existence d’un lien entre le régime alimentaire, le mode de vie de la femme enceinte et le <a href="https://aacijournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/1710-1492-10-27">futur état de santé de ses enfants</a>.</p>
<p>Les conclusions récentes d’une <a href="http://www.milieu-en-gezondheid.be/en/">étude de cohorte flamande</a> (financée par les autorités et coordonnée par l’organisme scientifique VITO) ayant suivi des mères et leurs enfants de la grossesse à la naissance établissent une corrélation entre l’exposition prénatale aux polluants aériens émis par les véhicules – surtout du <a href="http://www.greenfacts.org/en/nitrogen-dioxide-no2/level-3/01-presentation.htm">dioxyde d’azote</a> (NO<sub>2</sub>) et des <a href="https://airnow.gov/index.cfm?action=aqibasics.particle">particules fines</a> (PM<sub>10</sub>) détectées par des stations mesurant la qualité de l’air – et l’apparition des symptômes de l’asthme infantile ou de <a href="https://www.researchgate.net/publication/233225585_Exposure_to_Traffic-Related_Air_Pollutants_in_the_Perinatal_Period_of_Life_in_Relation_to_Respiratory_Health_in_Infancy">difficultés respiratoires chez des enfants de 3 ans</a>. L’exposition prénatale à certaines substances chimiques peut donc avoir un impact sur le risque que court l’enfant de développer des allergies.</p>
<h2>Le rôle des modifications « sur » votre ADN</h2>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/49676243_The_early_origins_of_asthma_Who_is_really_at_risk">Des études récentes</a> indique qu’un mécanisme épigénétique, la méthylation de l’ADN, causé par certains facteurs environnementaux, explique peut-être ce lien entre les premières phases du développement et un risque accru de maladie plus tard dans la vie.</p>
<p>En quoi consistent ces modifications épigénétiques ? L’ADN, notre programme génétique, détermine notre apparence physique (aussi appelée phénotype). Mais les particularités dépendent de l’épigénétique, qui recouvre l’ensemble des modifications non génétiques intervenant « sur » les gènes, sans toutefois transformer la séquence d’ADN elle-même.</p>
<p>La méthylation de l’ADN désigne le mécanisme par lequel des <a href="http://positivemed.com/2013/05/09/the-importance-of-methyl-groups/">groupes méthyles</a> (CH3) sont ajoutés à l’ADN, ce qui affecte le comportement des gènes (la manière dont ils « s’expriment ») et donc, indirectement, notre phénotype.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/171603/original/file-20170531-25664-6q995s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/171603/original/file-20170531-25664-6q995s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/171603/original/file-20170531-25664-6q995s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/171603/original/file-20170531-25664-6q995s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/171603/original/file-20170531-25664-6q995s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=254&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/171603/original/file-20170531-25664-6q995s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=254&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/171603/original/file-20170531-25664-6q995s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=254&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’addition de groupes méthyles à notre ADN peut modifier l’expression de nos gènes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sabine Langie/VITO</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Ainsi, l’adoption par la future maman d’un régime alimentaire néfaste, ou son exposition à certains composés chimiques, en particulier durant les premières phases de la grossesse, peut altérer le processus de méthylation de l’ADN sur le génome du fœtus, activant certains gènes et en désactivant d’autres. Cela peut influer sur son risque de contracter une allergie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/171325/original/file-20170529-25227-1eu9s7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/171325/original/file-20170529-25227-1eu9s7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/171325/original/file-20170529-25227-1eu9s7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/171325/original/file-20170529-25227-1eu9s7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/171325/original/file-20170529-25227-1eu9s7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/171325/original/file-20170529-25227-1eu9s7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/171325/original/file-20170529-25227-1eu9s7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La consommation régulière de fruits peut contribuer à réduire le risque asthmatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Fruit#/media/File:Culinary_fruits_front_view.jpg">Bill Ebbessen/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>On a montré qu’un régime « moderne », dominé par des aliments transformés faibles en antioxydants mais riches en acides gras saturés, pouvait contribuer à rendre plus sensible aux allergies. En revanche, la consommation fréquente de fruits, de légumes et de poisson est corrélée à une <a href="http://thorax.bmj.com/content/65/6/516.a">moindre prévalence de l’asthme</a>.</p>
<p>On a également établi qu’un régime intégrant des poissons à haute teneur en oméga 3 pouvait compenser la réaction pro-allergique. De plus, une application rigoureuse du régime méditerranéen dans les premières années de la vie semble protéger les enfants contre le <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/public-health-nutrition/article/prenatal-and-childhood-mediterranean-diet-and-the-development-of-asthma-and-allergies-in-children/F5C68ECCD93CD7D946D245F3DBA972E7">développement d’allergies</a>.</p>
<p>Heureusement, ces modifications épigénétiques sont, dans une certaine mesure, réversibles. Des études ont montré que les altérations se traduisant par un accroissement de la masse corporelle pouvaient être contrebalancées par une supplémentation en nutriments essentiels comme la choline, la bétaïne et l’acide folique.</p>
<p>Cela dit, l’exposition extrême ou chronique à certains facteurs, en particulier durant la grossesse (sous-nutrition, suralimentation, exposition à certaines substances chimiques sur le lieu de travail) semble perturber les processus épigénétiques au point de <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780123808646000018">laisser une « empreinte »</a> sur le génome, susceptible d’être transmise à la génération suivante et donc d’accroître encore davantage les risques. Il est donc extrêmement important de sensibiliser le grand public à ces risques et de conseiller judicieusement les femmes enceintes, pour leur permettre d’offrir un avenir sain à leurs enfants et petits-enfants.</p>
<h2>De nouveaux marqueurs épigénétiques pour détecter les allergies respiratoires</h2>
<p>L’étude que j’ai réalisée au sein du VITO consistait à vérifier si l’exposition aux substances chimiques durant la grossesse et les premières années altérait les processus de méthylation de l’ADN de l’enfant (les sujets étaient âgés de 5 à 11 ans), affectant par là même son système immunitaire et ses risques allergiques.</p>
<p>Nous avons analysé des questionnaires et des échantillons de salive recueillis auprès de quelque 170 paires mère/enfant issues de deux cohortes de naissance différentes, originaires des Flandres (FLESH1 et FLESH2). En scannant, sur la totalité de leur génome, les processus de méthylation de l’ADN chez les enfants souffrant d’allergies respiratoires (rhume des foins, asthme, allergie aux acariens) et en les comparant à ceux des enfants non allergiques, nous avons mis au jour une liste de 27 gènes présentant un processus de méthylation altéré. Cette liste pourrait ainsi servir à <a href="http://erj.ersjournals.com/content/48/suppl_60/OA3306">diagnostiquer les allergies respiratoires</a>.</p>
<p>Curieusement, nous avons relevé une corrélation entre l’altération des formes de méthylation au niveau de trois de ces gènes et l’exposition des mères enceintes (et des enfants avant leur onzième année) aux polluants aériens. Cela laisse à penser que ces altérations épigénétiques liées aux allergies pourraient résulter de cette exposition durant les premières années de la vie.</p>
<p>Comme les gènes en question jouent un rôle régulateur lors des crises allergiques, il peut être intéressant de les étudier en vue de mettre au point un système permettant de diagnostiquer à l’avance le risque allergique en scannant le génome. Si l’exposition aux substances chimiques et les altérations qu’elle provoque dans les formes de méthylation de l’ADN peuvent être détectées assez tôt, on peut envisager la mise au point de stratégies à différents niveaux permettant de prévenir cette exposition ou le risque de contracter une allergie, en particulier chez l’enfant. On pourrait alors conseiller le législateur dans le cadre d’une révision des normes encadrant la pollution aérienne, et apporter une meilleure information aux adultes qui souhaitent avoir des enfants.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007, le Fonds Axa pour la Recherche soutient plus de 500 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 51 nationalités. Découvrez les travaux de Sabine Langie sur la programmation environnementale et nutritionnelle des allergies chez l’enfant <a href="https://www.axa-research.org/fr/projets/sabine-langie">dans le cadre de l’Axa Research Fund</a>. Cet article a été traduit de l’anglais par Arnaud Gancel pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78772/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sabine Langie a reçu pour ses travaux des financements du Fonds AXA pour la recherche (Axa Research Fund) en 2012, ainsi que le Cefic-LRI Innovative Science Award 2013. Actuellement, Sabine Langie bénéficie d'une bourse post-doctorale de Fonds de la recherche scientifique – Flandre (FWO) et de VITO.</span></em></p>Une nouvelle étude montre que les polluants aériens émis par les véhicules peuvent influer sur les gènes chez les fœtus et augmenter les risques d’allergie.Sabine Langie, Postdoctoral fellow - Flemish Institute for Technological Research (VITO), Hasselt UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/736202017-02-28T00:03:39Z2017-02-28T00:03:39ZPour une recherche et une médecine sexuellement différenciées : sur les traces de l’épigénétique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158399/original/image-20170225-22981-616lq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=82%2C1%2C717%2C347&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Ileana Balcu/e-patients</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Nous avons vu dans <a href="https://theconversation.com/pour-une-recherche-et-une-medecine-sexuellement-differenciees-des-faits-biologiques-irrefutables-73619">notre premier article</a> que, dès la conception, avec une paire différente de chromosomes sexuels – XY pour le garçon et XX pour la fille – 30 % des gènes des hommes et des femmes s’expriment différemment dans tous leurs tissus. Ceci se traduit par de subtiles différences de base, de susceptibilité aux maladies mais aussi en réponse à divers environnements.</p>
<p>Notre génome est stable, définitif et identique dans chacune de nos cellules. Pourtant, il ne s’exprime pas de la même façon dans le foie, le rein ou le cerveau… Sans compter des différences selon le contexte physiopathologique, le sexe ou l’âge.</p>
<p>On sait aujourd’hui que cette incroyable plasticité de nos gènes dépend de marques épigénétiques qui peuvent, de plus, être spécifiques du sexe. Elles sont apposées sur certains gènes comme une sorte de mémoire pour se souvenir de son sexe, dès le début de la vie, pour moduler au bon moment, dans la bonne cellule, avec les bonnes hormones, l’expression de certains gènes. Ces différences liées au sexe (DLS) existent dans tous les tissus, incluant les gonades et le cerveau, et donc dans chacune des 60 000 milliards de cellules qui les composent. La santé adaptée à tous ne doit donc plus être unisexe, basée sur l’homme, mais différenciée et sexuée.</p>
<h2>Génétique, environnement et épigénétique</h2>
<p>L’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pig%C3%A9n%C3%A9tique">épigénétique</a> désigne l’étude des influences de l’environnement cellulaire ou physiologique sur l’expression de nos gènes. Pour que nos gènes puissent « s’exprimer » (fonctionner), il faut que l’ADN et des protéines, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histone">histones</a>, autour desquelles l’ADN est enroulé, comportent des marques spécifiques (que l’on appelle épigénétiques) d’activation ou de répression. Alors que la génétique renvoie à la forme écrite des gènes, l’épigénétique renvoie, elle, à leur lecture : un même gène pourra être lu différemment selon le tissu ou certaines circonstances.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158396/original/image-20170225-22994-wyhdt8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158396/original/image-20170225-22994-wyhdt8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158396/original/image-20170225-22994-wyhdt8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158396/original/image-20170225-22994-wyhdt8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158396/original/image-20170225-22994-wyhdt8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158396/original/image-20170225-22994-wyhdt8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158396/original/image-20170225-22994-wyhdt8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les facteurs qui modulent l’action des gènes.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Or, il existe des marques épigénétiques spécifiques du sexe apposées sur certains gènes comme une sorte de mémoire sexuée, dès le début de la vie et tout au long de la vie. Ces marques modulent l’expression des gènes en fonction du sexe. Outre ces marques, d’autres facteurs comme des facteurs de transcription, spécifiques du sexe, et les hormones mâles ou femelles elles aussi spécifiques du sexe permettent d’activer ou d’inhiber un gène.</p>
<p>Sous l’influence de l’environnement physico-chimique ou socio-affectif, des modifications des marques se produisent et peuvent perdurer durant la vie de l’individu, voire être transmises à sa descendance. Et c’est seulement à partir de la naissance que les influences liées au genre et autres contraintes sociales pourront marquer nos gènes et laisser des empreintes conférant certaines dispositions à l’individu en fonction de son genre.</p>
<h2>Reconnaître nos différences : une question d’échelle</h2>
<p>Il est impossible, en termes absolus, de prouver qu’il n’y a aucune différence entre les sexes. De la même façon qu’une carte géographique donnera une précision différente selon le degré de grossissement, on peut rechercher des différences d’un point de vue grossier au niveau comportemental ou anatomique, ou bien, beaucoup plus fin, au niveau cellulaire et moléculaire, génétique et épigénétique.</p>
<p>C’est une des raisons pour lesquelles on constate une grande disparité dans les conclusions des études qui, en fait, dépendent du niveau d’investigation (grossissement), du nombre d’échantillons, des outils utilisés et en particulier statistiques pour mesurer les différences. De nombreuses DLS, biologiques, comportementales ou psychologiques, sont en effet <a href="http://www.scilogs.fr/raisonetpsychologie/tour-de-passe-passe-statistique-faire-disparaitre-les-differences-hommes-femmes/">bien établies</a>. Au niveau moléculaire, les études de l’expression de milliers de gènes exprimés dans différents tissus ont permis de démontrer qu’en moyenne on observe une différence homme/femme ou mâle/femelle statistiquement significative du niveau d’expression, pour, environ 30 % des gènes.</p>
<p>Il peut exister des variantes dans les voies empruntées par une cellule mâle ou une cellule femelle dans une situation particulière, tout en parvenant, ou non, au même résultat. Mais les gènes montrant les différences d’expression n’appartiennent pas nécessairement aux mêmes voies métaboliques ou de signalisation. Par exemple, la femelle empruntera la face nord pour parvenir au sommet d’une montagne, alors que le mâle empruntera la face sud. On arrive au même résultat, le sommet de la montagne, mais l’effort, le stress, les équipements nécessaires, le temps de parcours, les risques encourus, ou les paysages seront différents.</p>
<p>De plus, dans toutes nos cellules, ces DLS fluctuent : elles persistent, disparaissent, voire changent de direction. Enfin parallèlement, l’environnement intrautérin, puis celui de l’enfant et de l’adulte viendront contribuer au formatage de notre épigénome pour conférer à l’individu son identité.</p>
<h2>Intégrer le sexe et le genre dans la recherche en santé</h2>
<p>Il faut reconfigurer le <em>statu quo</em> des connaissances. Les modèles animaux sont susceptibles d’apporter des réponses parfois inaccessibles aux études épidémiologiques, cliniques ou anatomiques chez l’Homme. Ainsi les femelles sont souvent plus sensibles à la douleur, comme la femme. Mais, des données récentes montrent en outre que, dans des conditions expérimentales, l’exposition olfactive à des expérimentateurs hommes entraîne une inhibition de la douleur alors que ce n’est pas le cas avec des expérimentatrices chez les animaux comme chez l’Homme.</p>
<p>Une autre étude a montré que, en cas de lésions nerveuses, les voies de la douleur chez les souris sont différentes chez le mâle et chez la femelle : comme pour l’ascension de la montagne déjà mentionnée, le mâle utilise la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microglie">microglie</a> de la moelle épinière, alors que les femelles utilisent des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lymphocyte_T">cellules T</a> du système immunitaire. On comprend mieux dès lors qu’en se réduisant à l’étude exclusive des mâles, on risque de passer à côté du mécanisme pertinent chez la femelle.</p>
<p>De plus, du fait de ces mécanismes différents, la recherche de cibles pharmacologiques peut s’avérer différente en fonction du sexe car ce qui pourrait être protecteur pour l’un risquerait d’être délétère pour l’autre, d’où la nécessité d’une recherche thérapeutique différenciée. Mais, l’inclusion des femelles dans les études sur l’animal impose des surcoûts ; surtout, elle pourrait être entravée par la variabilité due au cycle de reproduction chez les femelles… même s’il a été démontré que la variabilité sur la plupart des traits étudiés était équivalente chez les femelles et les mâles !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158398/original/image-20170225-23000-gen71j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158398/original/image-20170225-23000-gen71j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158398/original/image-20170225-23000-gen71j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158398/original/image-20170225-23000-gen71j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158398/original/image-20170225-23000-gen71j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158398/original/image-20170225-23000-gen71j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158398/original/image-20170225-23000-gen71j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Recherche américaine en santé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:NIH_sign_(4).jpg">National Cancer Institute/Wikimedia</a></span>
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<p>Quant au surcoût, il serait bien de mettre dans la balance celui payé par les femmes victimes d’accidents liés à des effets secondaires qui aboutissent souvent au retrait du marché des médicaments incriminés. Environ 80 % des études chez l’animal n’incluent que des mâles et, de 1997 à 2000, sur 10 molécules retirées du marché, 8 l’ont été en raison d’effets secondaires chez des femmes. C’est pourquoi, aux États-Unis, le <a href="https://www.nih.gov/">NIH</a> (Institut National de la Santé) n’allouera plus désormais de financement aux études qui n’inclueront pas les deux sexes, qu’elles portent sur notre espèce ou sur d’autres animaux.</p>
<p>Plusieurs pays européens ont déjà adopté des politiques similaires, prenant ainsi au moins dix ans d’avance par rapport à la France où, sous prétexte d’anti-sexisme, on évite de reconnaître les différences liées au sexe, au mépris des évidences scientifiques et de l’intérêt de la santé des femmes… et des hommes.</p>
<h2>Une recherche et une médecine sexuellement personnalisées</h2>
<p>Si les femmes sont les principales victimes de ce déni, les hommes peuvent aussi en pâtir, lorsqu’ils souffrent de maladies que l’on pense, à tort, réservées aux femmes – la dépression et l’ostéoporose pour ne citer que les plus emblématiques.</p>
<p>Mais, on peut surtout se demander pourquoi cette nouvelle preuve scientifique a du mal à passer concernant le cerveau… Avant même la différenciation des gonades, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neurod%C3%A9veloppement">ébauches embryonnaires du cerveau</a> vont former un socle, nécessairement sexué, sur lequel va s’élaborer notre cerveau au gré des influences environnementales et selon son patrimoine génétique avec soit des chromosomes XX soit des chromosomes XY. La construction cérébrale est donc, tout au long de la vie, sous une double influence génétique et environnementale.</p>
<p>Comment, dès lors, imaginer que les cellules souches sexuées destinées à former les ébauches embryonnaires du cerveau pourraient « perdre leur sexe » en deçà du cou, épargnant le cerveau de ces différences fille/garçon que l’on n’ose regarder en face ? Une revue critique et une prise de conscience des contraintes sociales liées au genre et de leur incorporation biologique devraient permettre de « mettre à plat » notre sexe biologique.</p>
<p>La crainte que toute différence de fait entre hommes et femmes pourrait justifier une discrimination sexiste est une erreur : ce qui est naturel n’est pas nécessairement bon, et ce qui est biologique n’est pas inexorable. C’est aux citoyens de décider des comportements et des modes d’organisation de la société souhaitables, y compris si cela doit aller à l’encontre de nos prédispositions biologiques. Il faudra alors veiller à ne pas céder à la tentation de hiérarchiser les mécanismes complexes impliqués, source potentielle de discriminations, toutes scientifiquement et médicalement injustifiées.</p>
<h2>Le retard français</h2>
<p>La France a accumulé un retard considérable par rapport à d’autres pays européens (Allemagne, Hollande, Suède, Italie), au Canada, aux États-Unis ou encore à Israël, qui ont des sociétés savantes dédiées et des instituts de médecine de genre pratiquant la double approche basée sur le sexe et le genre, depuis une bonne dizaine d’années.</p>
<p>Il a fallu attendre juin 2016 pour que l’<a href="http://www.academie-medecine.fr/">Académie nationale de médecine</a> organise une conférence de presse sur le sujet. L’alerte a été entendue par les médias, mais combien de patientes osent-elles demander à leur médecin un diagnostic sexué ? Combien de médecins s’intéressent-ils à une question dont ils n’ont jamais entendu parler sur les bancs de la Faculté et qui n’est pas sans leur paraître accessoire, voire entachée d’un féminisme sans rapport avec la science ?</p>
<p>Les différences biologiques doivent être prises en compte dès le stade de la recherche fondamentale et clinique et il faut d’urgence que l’enseignement de la médecine inclut une prise en compte transversale des DLS autres que celles liées à la reproduction.</p>
<hr>
<p><em>Peggy Sastre auteure de « Le sexe des maladies » (éditions Favre, 2014), et de « La domination masculine n’existe pas » (éditions Anne Carrière, 2015), nous a apporté une large contribution pour la réalisation de cet article et nous l’en remercions chaleureusement. Les auteurs remercient également Nicole Priollaud, chargée de la communication à l’Académie Nationale de médecine pour son engagement et ses précieux conseils pour la rédaction de leurs deux articles.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73620/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Champ de recherche actif, l’épigénétique explore la façon dont les gènes s’expriment, notamment en fonction de l’environnement. Elle crée une sorte de mémoire sexuée du corps.Claudine Junien, Professeur des Universités Université Versailles Saint Quentin, chercheuse épigénétique à l'INRA, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Nicolas Gauvrit, Chercheur au Laboratoire CHart (EPHE/Université Paris-Saint-Denis), Maître de conférences en mathématiques à l'ESPE Lille-Nord-de-France, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/522722015-12-16T05:42:06Z2015-12-16T05:42:06ZTournant en biologie : je suis le vécu de mes ancêtres (2)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/105757/original/image-20151214-9497-teprof.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jondejong/5225522838">Jon DeJong/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans un <a href="https://theconversation.com/tournant-en-biologie-ou-lon-reparle-de-lheredite-des-caracteres-acquis-1-52271">précédent article</a>, nous nous sommes demandés quel rôle jouait l’environnement dans lequel évoluaient nos ascendants sur notre propre santé, via ce phénomène que l’on appelle épigénétique. Pour déterminer si notre nutrition est capable d’altérer la disposition des marques épigénétiques de nos cellules sexuelles, notre laboratoire a entrepris de collecter des spermatozoïdes de sujets atteints d’obésité et éligibles pour cette <a href="http://www.academie-chirurgie.fr/ememoires/005_2015_14_2_104x107.pdf">chirurgie dite bariatrique</a>, visant à réduire la capacité à ingérer les aliments et finalement permettre la perte de poids.</p>
<p>Comme attendu, un an après l’intervention, les sujets opérés avaient perdu 30 kilos en moyenne. Et leur bilan métabolique s’était très nettement amélioré. Les <a href="http://www.cell.com/pb-assets/journals/research/cell-metabolism/on/cmet1935_r.pdf">résultats</a> des analyses de leurs spermatozoïdes furent très nets. La signature épigénétique de leurs spermatozoïdes était bouleversée. Sur les 20 000 gènes qui nous constituent, plusieurs milliers de gènes portaient de nouvelles marques épigénétiques un an après l’opération chirurgicale et la perte de poids.</p>
<p>Pour reprendre l’analogie du livre de cuisine, la perte de poids n’avait pas changé les recettes mais redistribué les étiquettes sur les pages. De plus, cette redistribution, de façon très inattendue, s’était effectuée à des endroits très spécifiques de la molécule d’ADN, à l’endroit de gènes contrôlant la prise alimentaire, notamment le gène du récepteur de la mélanocortine, une hormone clé dans la régulation des sensations de faim et de satiété. Les spermatozoïdes des sujets ayant perdu du poids portaient donc des marques épigénétiques capables d’influencer le comportement alimentaire de leurs enfants et d’améliorer leur métabolisme.</p>
<h2>Métabolisme et comportement</h2>
<p>Dans une autre étude animale s’intéressant aux phénomènes de transmission des traumatismes psychologiques aux générations suivantes, les auteurs ont détecté que la descendance avait, en plus de problèmes de comportement, un <a href="http://www.nature.com/neuro/journal/v17/n5/full/nn.3695.html">métabolisme du glucose modifié</a>. Une forme de pré-diabète ressemblant aux symptômes décrits chez l’homme obèse. Ainsi un stress psychologique n’induit-il pas seulement des adaptations comportementales mais également des altérations métaboliques. Ceci suggérerait que comportement et métabolisme sont deux variables interconnectées qui influencent la descendance par des voies de transmission épigénétique.</p>
<p>Un travail très récent conforte cette idée. <a href="https://www.stemcell.ucla.edu/sites/default/files/Clark%20-%20150521%20Cell.pdf">L’étude</a> s’est intéressée à l’établissement des marques épigénétiques au cours de la fabrication de nos cellules sexuelles. Lors de ce processus, appelé la gamétogénèse, les gènes du métabolisme et du comportement sont tout particulièrement susceptibles d’établir de nouvelles marques épigénétiques. Sur les autres types de gènes, les marques épigénétiques sont identiques d’un individu à l’autre. Ces données renforcent l’idée selon laquelle les facteurs environnementaux pourraient moduler l’information épigénétique de nos cellules sexuelles, et augmenter les risques d’obésité et de troubles du comportement dans la descendance.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/105773/original/image-20151214-9505-lcvqd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/105773/original/image-20151214-9505-lcvqd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/105773/original/image-20151214-9505-lcvqd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/105773/original/image-20151214-9505-lcvqd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/105773/original/image-20151214-9505-lcvqd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/105773/original/image-20151214-9505-lcvqd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/105773/original/image-20151214-9505-lcvqd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une marche contre le diabète, souvent associé, concernant le type 2, à l’obésité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Nauru#/media/File:Participants_of_a_walk_against_Diabetes_and_for_general_fitness_around_Nauru_airport.jpg">Lorrie Graham/AusAID</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Certaines observations épidémiologiques feraient elles aussi le lien entre obésité et troubles du comportement. Les enfants de parents obèses ont 73 % plus de <a href="http://www.nature.com/nrendo/journal/v10/n7/full/nrendo.2014.81.html">risque</a> de développer des troubles du comportement qui touchent aux interactions sociales et à la capacité de communiquer, troubles regroupés sous le nom de troubles du spectre de l’autisme (TSA). De façon <a href="http://ije.oxfordjournals.org/content/early/2015/04/14/ije.dyv028.abstract">surprenante</a>, les spermatozoïdes des pères ayant un ou plusieurs enfants souffrant de TSA possèdent des altérations épigénétiques très similaires à celles d’hommes obèses. Car là encore, les marques épigénétiques furent retrouvées sur des gènes déterminants du comportement. Ces données indiquent que les TSA pourraient, comme les troubles métaboliques, être transmis par des mécanismes d’héritabilité épigénétique.</p>
<p>Toutes ces avancées bouleversent notre perception de l’inné et de l’acquis et reformulent les questions existentielles sur le déterminisme biologique et le libre arbitre. Avec la <a href="http://www.afd.asso.fr/diabete/chiffres-monde#">prédiction</a> qu’un demi-milliard de personnes seront atteintes de diabète dans le monde en 2030, cette composante héréditaire pourrait avoir des conséquences dramatiques.</p>
<h2>L’héritage de la Grande Guerre</h2>
<p>Une note personnelle, à ce propos. Au lendemain de la naissance de mon fils, mon nouveau-né dans les bras, je ne pouvais m’empêcher de penser à cet héritage biologique. Car il y a presque 100 ans de cela, en février 1916, le grand-père de son grand-père s’élançait, frigorifié et terrorisé, dans l’enfer du champ de bataille de Verdun. Contrairement à des centaines de milliers de jeunes soldats, son aïeul avait survécu au carnage des tranchées et il était retourné dans son petit village natal du Tarn-et-Garonne, pour fonder une famille. Et, comme beaucoup de ces poilus qui avaient survécu à la guerre de tranchées, il n’était probablement pas revenu indemne de cette expérience.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/105829/original/image-20151214-9511-nbxfw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/105829/original/image-20151214-9511-nbxfw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/105829/original/image-20151214-9511-nbxfw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/105829/original/image-20151214-9511-nbxfw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/105829/original/image-20151214-9511-nbxfw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/105829/original/image-20151214-9511-nbxfw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/105829/original/image-20151214-9511-nbxfw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Evolution.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Mon fils avait-il donc, comme des millions d’Européens, tous enfants des deux guerres mondiales, hérité des marques de ce traumatisme ? C’est-à-dire, avait-il hérité d’un comportement prédéfini ? De même, le bouleversement de nos habitudes alimentaires de ces 60 dernières années avait-il eu un impact sur sa biologie ? Sans doute, une part de lui était une intégration complexe de la vie de ses ancêtres.</p>
<p>Cela générait en moi une certaine anxiété. Pour me rassurer je me disais, en voyant ses petits yeux qui peinaient à s’ouvrir aux lumières crues de la maternité, qu’il ferait partie, grâce à la science, de la première génération à prendre conscience que l’on peut modifier le déterminisme biologique de ses enfants. Il serait donc plus libre, par rapport à ses prédécesseurs, d’orienter si ce n’est son propre destin, du moins celui de sa descendance, les avancées de la recherche en matière épigénétique établissant, pour l’homme futur, les bases d’une libération des contingences de l’hérédité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Barrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des marques sur l’ADN de nos cellules sexuelles pourraient signifier un risque accru d’obésité et de troubles du comportement pour nos enfants. Découverte récente, et troublante, de l’épigénétique.Romain Barrès, Associate Professor, epigenetics, University of CopenhagenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/522712015-12-15T05:40:11Z2015-12-15T05:40:11ZTournant en biologie : où l’on reparle de l’hérédité des caractères acquis (1)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/105752/original/image-20151214-9531-160kbfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://s3.amazonaws.com/estock/fspid10/26/77/18/0/rats-labrats-rodents-2677180-o.jpg">SMercury98/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les résultats de plusieurs études scientifiques, notamment une <a href="http://www.cell.com/pb-assets/journals/research/cell-metabolism/on/cmet1935_r.pdf">étude de notre groupe</a> publiée dans <em>Cell Metabolism</em>, sont en train de bouleverser notre perception de l’hérédité. L’exploration des phénomènes que l’on appelle épigénétiques change la donne de la recherche en biologie. Ces avancées remettent au goût du jour la théorie de <a href="http://www.lamarck.cnrs.fr/">Jean-Baptiste Lamarck</a>, vieille de plus de 200 ans, selon laquelle certains caractères acquis par l’hérédité pourraient être transmis à la génération suivante. Ainsi notre santé pourrait être conditionnée par l’environnement dans lequel nos ancêtres ont vécu avant de nous concevoir. Outre leurs gènes, ils nous auraient transmis, via ces phénomènes, des informations capables de modifier notre physiologie.</p>
<p>Quand on évoque l’<a href="http://www.inserm.fr/thematiques/genetique-genomique-et-bioinformatique/dossiers-d-information/epigenetique">épigénétique</a>, de quoi parle-t-on ? La molécule d’ADN, présente au sein de chaque cellule du corps, contient tous les gènes qui nous constituent. Comme dans un livre de recettes, ils sont les ingrédients de base qui permettent de produire (les spécialistes disent « exprimer ») des protéines, molécules qui effectuent des tâches spécialisées : par exemple la détermination du groupe sanguin d’un individu. Bien que chacune des cellules de notre organisme contienne une copie identique d’ADN, tous les gènes ne s’expriment pas dans tous les tissus : les gènes du muscle s’expriment uniquement dans le muscle, et non pas dans la peau ou les reins.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/105574/original/image-20151213-30705-105cjiz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/105574/original/image-20151213-30705-105cjiz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/105574/original/image-20151213-30705-105cjiz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/105574/original/image-20151213-30705-105cjiz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/105574/original/image-20151213-30705-105cjiz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/105574/original/image-20151213-30705-105cjiz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/105574/original/image-20151213-30705-105cjiz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La méthylation de l’ADN, au cœur du processus épigénétique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cancer_epigenetics#/media/File:DNA_methylation.jpg">Christoph Bock/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les informations épigénétiques sont autant d’indications pour nos cellules. À partir d’elles, la machinerie cellulaire « sait » allumer ou éteindre quel type de gène selon tel ou tel tissu : activation des gènes de muscle dans le muscle, désactivation dans le rein. Ces marques sont, en somme, des sortes de post-it, des étiquettes collées sur certaines pages du livre de cuisine, indiquant à nos cellules d’exécuter telle ou telle recette en fonction du tissu dans lequel elles se trouvent, mais également en fonction de l’âge de l’individu ou encore en réponse a des stimuli particuliers. Dans nos cellules sexuelles, les spermatozoïdes et les ovules, les marques épigénétiques aident à déterminer la séquence des événements du développement embryonnaire et par conséquent, jouent un rôle primordial dans la constitution de l’organisme d’un nouvel individu.</p>
<p>La transmission de caractères acquis par hérédité a longtemps été étudiée chez <a href="http://www.larecherche.fr/savoirs/dossier/1-andras-paldi-heredite-ne-passe-pas-seulement-adn-01-04-2012-90878">les plantes ou les insectes</a>. Ce n’est que récemment que des études ont permis d’étendre le phénomène aux mammifères. Notamment, les <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24292232">résultats de chercheurs nord-américains</a> qui ont utilisé un modèle animal pour déterminer si le stress pouvait se transmettre aux générations suivantes. De légers chocs électriques ponctuels furent appliqués sur des souris mâles et furent systématiquement associés à la présence d’une odeur spécifique, jusqu’à l’obtention d’un réflexe de peur conditionnée (une peur provoquée par la seule présence de l’odeur). Les mâles conditionnés furent ensuite accouplés à des souris femelles et immédiatement retirés des cages pour éliminer une possible influence sur la grossesse ou la portée.</p>
<h2>Transmission générationnelle</h2>
<p>Les résultats ont prouvé que le réflexe conditionné se transmet à la génération suivante ; en présence de l’odeur, la descendance montre un comportement de prostration alors que les animaux dont les pères n’ont jamais reçu de chocs électriques ne répondent pas à la présence de l’odeur. Étonnamment, cette transmission fut également étendue à la génération suivante ; les « petits enfants » des souris conditionnées par des chocs électriques répétés montraient aussi une attitude de prostration dans leur cage. </p>
<p>Puisque la transmission s’est faite par le père, ces observations suggèrent fortement que l’information passe par les cellules sexuelles des mâles, les spermatozoïdes. L’analyse moléculaire des spermatozoïdes des pères conditionnés mit alors en évidence qu’un gène essentiel à la perception de l’odeur (celle utilisée pour établir le réflexe) était porteur de marques épigénétiques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/105576/original/image-20151213-9092-1ua6ap4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/105576/original/image-20151213-9092-1ua6ap4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/105576/original/image-20151213-9092-1ua6ap4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/105576/original/image-20151213-9092-1ua6ap4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/105576/original/image-20151213-9092-1ua6ap4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/105576/original/image-20151213-9092-1ua6ap4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/105576/original/image-20151213-9092-1ua6ap4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La commune d’Overkalix, au nord de la Suède, où l’épidémiologie a montré un lien entre hérédité et désordres nutritionnels.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%C3%96verkalix_kommun,_polcirkeln.jpg">Rauenstein/wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme les traumatismes psychologiques, les déséquilibres nutritionnels chroniques (la malnutrition par exemple) constituent un stress pour notre organisme. Dans les deux cas, notre organisme répond en élevant le niveau circulant d’hormones de stress. Des <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16391557">études épidémiologiques</a> réalisées dans une petite ville située au-delà du cercle polaire en Suède montrent que les habitants sont plus susceptibles de développer un diabète ou des maladies cardiovasculaires si leurs ancêtres ont été sujets à des déséquilibres nutritionnels avant d’être parents.</p>
<h2>Influences culturelles</h2>
<p>Si ces observations rappellent les phénomènes de transmission de l’étude animale mentionnée plus haut, elles ne sont pas la preuve définitive que la transmission ait été faite par des marques épigénétiques portées par les cellules sexuelles. Les influences de l’éducation et de la culture, très importantes chez l’homme, pourraient être à l’origine d’une transmission de mauvaises habitudes alimentaires à ces enfants, compromettant la santé de toute la descendance.</p>
<p>Ces observations épidémiologiques sont donc à considérer avec précaution tant que les mécanismes en cause n’ont pas été clairement identifiés et ne constituent pas la preuve formelle de la transmission d’un caractère épigénétique, l’influence du milieu pouvant jouer un rôle prépondérant. Pour en savoir plus, notre laboratoire s’est livré à une analyse moléculaire de spermatozoïdes de sujets obèses. C’est ce que nous voyons dans le <a href="https://theconversation.com/tournant-en-biologie-je-suis-le-vecu-de-mes-ancetres-2-52272">prochain article</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52271/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Barrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La théorie de l’évolution vit une révolution : éclipsé par Darwin, Jean-Baptiste Lamarck, et son idée d’hérédité des caractères acquis, est conforté par les découvertes de l’épigénétique.Romain Barrès, Associate Professor, epigenetics, University of CopenhagenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/507342015-11-17T05:36:48Z2015-11-17T05:36:48ZQuel risque de développer un état de stress post-traumatique à la suite d’un attentat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/102054/original/image-20151116-4961-iim2x2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ludestru/6782800845/in/photolist-bknCoa-qLeKys-fQLbqd-kQGVvx-pZVA2N-qLeVKu-qvXAa5-7HLaG-7iHv7C-8Tn49h-8QUJC4-aLuZ1g-aJMakk-ptVERp-8XmH3L-4uPKwc-pD2L1p-kQGNXT-aAUWwf-zg1DHF-pZBMPR-7UvNKy-7UsyoB-7UvFXu-cxpbxA-962weo-4qXXk3-6pjoV2-7UvGcf-cDvqPG-ca6GML-p41pAu-2SvtpU-oPBxdg-9BiUbv-8QXPQf-pZCiTP-pHqKsk-8UoSga-bofjT4-8Wj8MW-pHsvG3-pHpkwY-8QscHc-pHqL9v-pNktRX-qNnwPg-ayWw41-8TTkRw-pZCisZ">Luc Flemming/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les témoins de l’assassinat de dizaines de personnes, <a href="https://news.google.com/news/video/b0cJEyaF9Aw/dC7JtRImZzzkg1McfthQDFkSg9rUM?hl=fr&ned=fr">comme à Nice le 14 juillet 2016</a>, doivent affronter la douleur de la disparition brutale et dans des conditions barbares de proches ou de simples concitoyens, mais aussi un profond sentiment d’effroi, de tristesse, d’impuissance et souvent de colère. S’y ajoute, chez les victimes survivantes d’un tel trauma, le risque de développer une pathologie connue sous le nom d’état de <a href="http://www.inserm.fr/espace-journalistes/apres-un-accident-quels-sont-les-risques-de-syndrome-de-stress-post-traumatique">stress post-traumatique</a> (ESPT).</p>
<p>L’ESPT est un <a href="http://dsm.psychiatryonline.org/doi/book/10.1176/appi.books.9780890425596">trouble psychiatrique</a> lié au stress pouvant se développer à la suite d’un épisode traumatique vécu comme une menace pour l’intégrité physique et/ou psychologique du sujet. Au coeur de ce trouble se développent des souvenirs liés au trauma, intrusifs, incontrôlables et persistants, ayant un impact délétère sur la vie quotidienne du patient. De 25 à 50 % des victimes d’un événement traumatique majeur (par exemple, combats militaires, génocides, attaques terroristes, viols) peuvent développer cette pathologie.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/102030/original/image-20151116-4964-opcpyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/102030/original/image-20151116-4964-opcpyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/102030/original/image-20151116-4964-opcpyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/102030/original/image-20151116-4964-opcpyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/102030/original/image-20151116-4964-opcpyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/102030/original/image-20151116-4964-opcpyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/102030/original/image-20151116-4964-opcpyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un médecin de l’US Army.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/militaryhealth/8007155640/">MilitaryHealth/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que les sujets ne soient plus en situation de confrontation directe à l’épisode traumatique, des éléments plus ou moins liés au trauma (une odeur, un bruit rappelant la scène traumatique) les replongent au cœur du drame qu’ils ont vécu et qui a mis leur vie en danger. Les victimes revivent alors tout l’événement de manière quasi hallucinatoire comme s’il se déroulait à nouveau dans le présent : c’est l’expérience du « flash-back ».</p>
<p>Pourtant, si on leur demande de le raconter en détail avec des précisions sur le lieu, le moment, les personnages, elles ne parviennent pas à se rappeler consciemment, c’est-à-dire explicitement, l’ensemble du contexte dans lequel le drame s’est déroulé. Le souvenir émotionnel, implicite, automatique et récurrent de l’événement est très intense alors que le <a href="http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/memoire">souvenir épisodique</a>, conscient et verbalisable, du même événement peut être très ténu. Voilà tout le paradoxe de la mémoire traumatique.</p>
<h2>Des flash-back de l'événement traumatisant dans des situations neutres</h2>
<p>Des études cliniques indiquent que cette altération qualitative de la mémoire est en fait l’un des symptômes clés de l’état de stress post-traumatique. Certains éléments particulièrement saillants ont capté toute l’attention consciente du sujet au moment du drame, ce qui a créé une hypermnésie pour ces éléments, tandis qu’une amnésie déclarative peut être observée pour l’environnement dans lequel il s’est déroulé. Or, on estime aujourd’hui que c’est cette amnésie qui, paradoxalement, contribuerait largement à l’expression des flash-back dans des situations neutres.</p>
<p>En effet, <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12729677">plusieurs études cliniques</a> ont conduit à formuler l’hypothèse suivante : le refoulement du souvenir conscient de l’événement insupportable empêcherait tout travail sur cet événement, c’est-à-dire toute la verbalisation nécessaire pour replacer le trauma dans son contexte. Cela bloquerait l’intégration du souvenir traumatique dans le système de mémoire consciente, normale, du sujet. Un cercle vicieux s’instaurerait alors. Le rappel conscient étant initialement vécu comme insupportable, il serait, par souci de protection à court terme, assez automatiquement et systématiquement évité. De ce fait, le souvenir « pathologique » du trauma n’aurait aucune chance d’être transformé en souvenir, certes pénible, mais néanmoins épisodique et donc « normal ». Ce souvenir pathologique perdurerait donc sous forme de rappels intrusifs : les flash-back.</p>
<p>Sur la base de ces données psychologiques, il ressort que l’un des moyens de prévention de ce trouble psychiatrique est une prise en charge immédiate des victimes d’événements traumatiques. Un « débriefing », même s’il s’avère nécessairement très pénible, en particulier au sortir de l’événement traumatique, paraît nécessaire à une « contextualisation » du trauma, et donc à une élaboration verbale permettant un certain recul par rapport à l’événement. Limiter le risque de développement d’une telle pathologie semble à ce prix.</p>
<p>À ce jour, les causes de l’état de stress post-traumatique restent largement méconnues. Le développement de cette pathologie liée au stress semble à la fois dépendre de l’intensité objective du trauma vécu, de l’analyse subjective de la situation vécue et en particulier du sentiment subjectif de « contrôle » ou d’absence de contrôle de la situation, et de la vulnérabilité du sujet (en particulier dépendante de sa confrontation à des situations de stress antérieures), laquelle reposerait sur certaines prédispositions biologiques en cours d’identification.</p>
<h2>Une activité accrue de l'amygdale dans le cerveau</h2>
<p>À ce propos, que connaît-on des bases neurobiologiques de l’ESPT ? En fait, en dépit d’un tableau clinique précis, elles sont très peu décrites. Des études d’imagerie du cerveau ont montré une altération de l’activité cérébrale dans deux zones du <a href="https://fr.Wikipedia.org/wiki/Lobe_temporal">lobe temporal médian</a> impliquées dans la maladie : l’amygdale qui joue un rôle central dans la mémoire émotionnelle et l’hippocampe qui est nécessaire à la mémoire déclarative, épisodique. Les patients présentent à la fois une activité accrue de l’amygdale et un dysfonctionnement de l’hippocampe par rapport à des personnes ayant vécu un épisode traumatique mais n’ayant pas développé de trouble.</p>
<p><a href="http://66.199.228.237/boundary/Childhood_trauma_and_PTSD/cortisol_and_memory.pdf">L’idée qui fait consensus</a> est la suivante : la suractivité de l’amygdale sous-tendrait l’hypermnésie vis-à-vis de certains éléments saillants du trauma ainsi que les flash-back, tandis que le dysfonctionnement (souvent une hypoactivité) de l’hippocampe serait responsable de l’amnésie vis-à-vis du contexte traumatique. Cette altération cérébrale expliquerait ainsi en partie le fait que les patients puissent « revivre » le trauma dans tous ses aspects sensoriels et émotionnels tout en étant incapables de « raconter » l’épisode traumatique dans tous ses détails, en particulier contextuels. Toutefois les altérations cellulaires et moléculaires pouvant sous-tendre ce dysfonctionnement cérébral restent à identifier.</p>
<p>Un modèle animal récemment développé par <a href="http://www.sciencemag.org/content/335/6075/1510">notre équipe</a> permet précisément d’étudier ce qui se passe dans le cerveau de souris ayant développé une mémoire traumatique, c’est-à-dire une altération qualitative de la mémoire d’un épisode de stress (hypermnésie vis-à-vis de certains éléments saillants associée à une amnésie pour le contexte de l’événement). Ce que nous recherchons : les premiers marqueurs biologiques de cette pathologie psychiatrique.</p>
<h2>Une atrophie des neurones dans l'hippocampe</h2>
<p>Dans un premier temps, nous avons vérifié que nous retrouvions bien, comme chez l’homme, une sous-activation de l’hippocampe et une suractivation de l’amygdale. Désormais, nous pouvons donc utiliser notre modèle pour explorer plus avant les mécanismes cérébraux de cette pathologie et en particulier les mécanismes cellulaires et moléculaires sous-jacents.</p>
<p>Au niveau cellulaire, certains de nos résultats très récents obtenus en collaboration avec les docteurs Koehl et Abrous du <a href="http://www.neurocentre-magendie.fr/">neurocentre Magendie</a> indiquent déjà que, comparée à une mémoire émotionnelle normale, une mémoire traumatique est associée à une atrophie des neurones dans l’hippocampe, et ce 24 heures après l’épisode de stress, chez la souris. Nous cherchons aussi à vérifier si la mémoire traumatique est bien associée, comme nous le postulons, à un déficit de <a href="https://fr.Wikipedia.org/wiki/Neurogen%C3%A8se">neurogénèse</a> et de <a href="https://fr.Wikipedia.org/wiki/Plasticit%C3%A9_synaptique">plasticité synaptique dans l’hippocampe</a>.</p>
<p>Enfin, au niveau moléculaire, on sait que des mécanismes dits <a href="http://www.inserm.fr/thematiques/genetique-genomique-et-bioinformatique/dossiers-d-information/epigenetique">« épigénétiques »</a> favorisent ou, au contraire, répriment l’expression de gènes en fonction des expériences vécues par les sujets. Par exemple, au cours d’un apprentissage, certaines modifications de molécules favorisent l’expression de gènes impliqués dans la plasticité neuronale en promouvant la lecture de notre ADN et donc la production de certaines protéines. Ce mécanisme permet la consolidation de nos souvenirs, et donc la formation d’une mémoire à long terme.</p>
<h2>Une plasticité neuronale moindre après le traumatisme</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101951/original/image-20151115-10420-9ixmou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101951/original/image-20151115-10420-9ixmou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101951/original/image-20151115-10420-9ixmou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101951/original/image-20151115-10420-9ixmou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101951/original/image-20151115-10420-9ixmou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101951/original/image-20151115-10420-9ixmou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101951/original/image-20151115-10420-9ixmou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:PTSD.png">Phil2007/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais que se passe-t-il dans le cas de l’état de stress post-traumatique ? Des données préliminaires obtenues par notre équipe en collaboration avec le Dr Mons de <a href="http://www.inb.u-bordeaux2.fr/dev/FR2/unite.php?unite=Institut%20de%20Neurosciences%20cognitives%20et%20int%E9gratives%20d%27Aquitaine">l’Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine</a> indiquent que, comparée à une mémoire émotionnelle normale, la mémoire traumatique est associée à des modifications épigénétiques qui répriment des phénomènes de plasticité neuronale dans l’hippocampe.</p>
<p>Ce résultat pourrait avoir des implications thérapeutiques fondamentales pour le stress post-traumatique. En effet, en injectant des molécules capables de modifier ces mécanismes, on pourrait stimuler la plasticité neuronale dans l’hippocampe, et donc restaurer une mémoire émotionnelle normale chez les patients, ou prévenir le développement d’une mémoire traumatique juste après un stress extrême. </p>
<p>Nous évaluons actuellement cette hypothèse dans l’objectif, à plus long terme, de mettre au point une méthode pharmacologique qui, associée à l’approche cognitivo comportementale actuellement utilisée, pourrait plus efficacement traiter cette pathologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50734/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aline Desmedt a reçu des financements de l'ANR (Agence Nationale de la Recherche), la FRC (Fédération de Recherche sur le Cerveau), l'INSERM et le CNRS via un Laboratoire européen associé.</span></em></p>Après un traumatisme comme l'attentat de Nice, certaines personnes risquent de souffrir de souvenirs intrusifs et persistants de l'évènement. La recherche explore de nouvelles pistes de traitement.Aline Desmedt, Neurobiologiste au Neurocentre Magendie, Inserm, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/502182015-11-13T05:44:39Z2015-11-13T05:44:39ZCe que votre père a fait avant votre naissance pourrait influer sur votre futur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101689/original/image-20151112-9396-h4ep1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De père -- et de l’environnement -- en fils.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.public-domain-image.com/free-images/people/father-and-his-son-outdoor-activity-home-grown-foods.jpg">Cade Martin, Dawn Arlotta/USCDCP</a></span></figcaption></figure><p>Ce ne sont pas seulement les femmes enceintes qui doivent se soucier de leur mode de vie. Une <a href="http://www.sciencemag.org/content/early/2015/10/07/science.aab2006">nouvelle étude</a> publiée dans la revue <em>Science</em> donne du grain à moudre à un ensemble de recherches examinant la façon de vivre et l’environnement des futurs pères. Et en quoi ces facteurs pourraient influer sur la vie de leurs enfants et de leurs petits-enfants.</p>
<p>Nous savons que de nombreuses caractéristiques – le poids, la taille, la prédisposition aux maladies, la longévité ou l’intelligence – peuvent être en partie héréditaires. Mais jusqu’à présent, les chercheurs ont toujours eu du mal à identifier une assise génétique précise. La raison ? Notre incapacité, pour partie, à comprendre comment fonctionne l’ensemble. Désormais, on s’intéresse de plus en plus à un nouveau champ de recherche appelé « épigénétique », qui pourrait expliquer cette héritabilité.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/explainer-what-is-epigenetics-13877">épigénétique</a> fait référence à l’information dans le génome contenue dans la séquence ADN. Cette information prend des formes diverses, mais les plus couramment étudiées par les chercheurs se rapportent à la modification clinique (connue sous le nom de méthylation et acétylation) de l’ADN et des protéines (on les appelle histones) qui, mises ensemble, composent le génome humain.</p>
<p>Cette information épigénétique – qui influence le choix de celles des copies de gènes qui « s’expriment » ou sont utilisées – peut se transmettre d’une génération à l’autre pendant la reproduction. Elle peut même persister dans les tissus et les organes d’une personne, tout au long de sa vie, cela même quand ses cellules se renouvellent.</p>
<p>Une hypothèse a suscité <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17363974">beaucoup d’intérêt</a> ces dernières années : durant la reproduction, l’environnement d’une personne, par exemple la façon dont elle se nourrit, jouerait sur les signatures épigénétiques de ses enfants avec des possibles conséquences sur leur santé future. La plupart des travaux scientifiques se sont concentrés sur les signatures épigénétiques transmises à travers la lignée maternelle. Mais le capital génétique de la mère n’intervient que pour la moitié du génome de l’enfant et les chercheurs font de plus en plus attention au rôle joué par les pères dans le processus de l’héritage épigénétique. La nouvelle étude de <em>Science</em> affirme que la manipulation du processus épigénétique, pendant la production de sperme chez les souris, influence le développement de leur descendance pendant de multiples générations.</p>
<h2>Ce que les pères transmettent</h2>
<p>Nous le savons déjà, des signatures épigénétiques spécifiques dans le sperme du père <a href="http://ije.oxfordjournals.org/content/early/2015/04/14/ije.dyv028.abstract">ont été liées</a> à un risque d’autisme chez les enfants. On a également associé <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25010591">l’âge du père</a>, au moment de la conception, à des changements épigénétiques du sperme et au risque de voir ses enfants exposés à certaines maladies.</p>
<p>On a également <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24812310">observé des changements épigénétiques</a> chez les enfants nés par insémination artificielle, quand le sperme du père n’était pas fonctionnel. Des <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24486713">expériences pratiquées sur des souris</a> ont prouvé que l’administration d’éthanol chez les mâles affecte les signatures épigénétiques du cerveau de leur progéniture. Cela, conjugué à d’autres études, démontre les effets que le mode de vie paternel peut avoir sur la santé de l’enfant. Et l’étude de la revue <em>Science</em> ouvre de nouveaux horizons sur ce qui pourrait se passer à l’avenir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/97952/original/image-20151009-9113-5uze7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/97952/original/image-20151009-9113-5uze7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/97952/original/image-20151009-9113-5uze7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/97952/original/image-20151009-9113-5uze7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/97952/original/image-20151009-9113-5uze7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/97952/original/image-20151009-9113-5uze7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/97952/original/image-20151009-9113-5uze7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A la tienne, papa !</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adam Gregor/Shutterstock</span></span>
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<p>Dans leurs derniers travaux, les chercheurs de l’université McGill, au Canada, ont utilisé le génie génétique pour modifier, pendant la production de sperme chez les souris, l’activité de l’une des protéines « histones » qui contrôle les processus épigénétiques (baptisée KDM1A histone lysine 4 demethylase). Ils ont montré que ce changement a influé sur la santé et le développement de leur progéniture et que cet effet a persisté pendant un certain nombre de générations.</p>
<h2>Signatures épigénétiques</h2>
<p>L’étude ne prouve pas que cet effet provoqué artificiellement pourrait être reproduit chez l’homme via l’exposition à un environnement particulier ou bien dans le cas d’une spécificité génétique chez un individu. Mais, à en croire les chercheurs qui l’ont étudiée, cette variation génétique des histones qui commandent l’épigénétique pourrait très bien produire des effets semblables chez les humains.</p>
<p>Toujours selon eux, si chez l’homme certains facteurs environnementaux altèrent ce même processus épigénétique au cours de la production de sperme, voilà qui pourrait constituer un facteur sous-jacent de malformations congénitales et de maladies imputables au père. Il s’agit certes de conditions médicales sérieuses, mais beaucoup de chercheurs s’intéressent aussi à des effets plus subtils parmi la population.</p>
<p>Les scientifiques ont formulé une hypothèse. Selon eux, des effets épigénétiques plus modérés seraient utiles, du point de vue de l’évolution. Ils permettrait aux futurs descendants de ressentir en quelque sorte l’« environnement métabolique » (comme la famine, ou la trop grande abondance de nourriture) dans lequel ils viennent au monde. En fonction de quoi ils programmeront alors leur propre métabolisme afin de s’adapter à cet environnement. Pour arriver à ce résultat, le « programme génétique » devrait être remis à jour à chaque génération, mais cette nouvelle étude semble démontrer la stabilité d’un changement épigénétique au fil des générations.</p>
<p>Il faudra davantage d’études pour comprendre comment cette nouvelle découverte se rapporte à l’héritage épigénétique humain, mais elle a amélioré notre connaissance de la façon dont tout cela se met en place. On en est encore aux prémices de ce nouveau champ de recherches, mais si ces processus peuvent s’appliquer à l’homme, les retombées pourraient être conséquentes. Des caractéristiques que nous pensions autrefois être inéluctables pourraient être modifiées. Et notre façon de vivre pourrait se répercuter non seulement sur notre propre santé, mais aussi potentiellement, sur celle de nos enfants, voire de nos petits-enfants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Haggarty a reçu des financements des organismes suivants : Gouvernement écossais; Biotechnology and Biological Sciences Research Council; Economic and Social Research Council; des associations de lutte contre le cancer (notamment The Gates Trust et Friends of Anchor).</span></em></p>Et si le mode de vie de nos parents, mères mais aussi pères, laissait une trace dans notre génome et celui de nos descendants ? C’est l’hypothèse de l’épigénétique.Paul Haggarty, Personal chair, Rowett Institute of Nutrition & Health, Vascular Health, University of AberdeenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.