tag:theconversation.com,2011:/global/topics/espece-humaine-28779/articlesespèce humaine – The Conversation2023-12-20T20:25:45Ztag:theconversation.com,2011:article/2196842023-12-20T20:25:45Z2023-12-20T20:25:45ZSi les humains disparaissaient, qu’adviendrait-il de nos chiens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/564992/original/file-20231206-29-g9446.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C5080%2C3376&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La quête de l’humain pour trouver le compagnon canin idéal a donné naissance à plus de 400 races, chacune dotée d’une combinaison unique de caractéristiques physiques et comportementales.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Beaucoup d’humains considèrent que les chiens sont nos meilleurs amis. Mais vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il adviendrait de votre chien si nous disparaissions soudainement ? Les chiens domestiques peuvent-ils se passer des humains ?</p>
<p>Au moins 80 % <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691196183/a-dogs-world">du milliard de chiens</a> que compte la planète mènent une vie indépendante et libre, ce qui nous donne des pistes de réponse.</p>
<p>Que seraient nos chiens si nous n’étions pas là pour les influencer et prendre soin d’eux ?</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un chien ?</h2>
<p>Les chiens détiennent le titre d’espèce domestiquée la plus réussie sur Terre. Pendant des millénaires, ils ont <a href="https://iview.abc.net.au/show/dog-s-world-with-tony-armstrong">évolué sous notre regard attentif</a>. Plus récemment, l’élevage sélectif a engendré une diversité induite par l’être humain, ce qui a donné naissance à des races singulières allant de l’imposant dogue allemand au minuscule chihuahua.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La diversité actuelle des races canines est le résultat de l’élevage sélectif moderne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La quête de l’humain pour trouver le compagnon canin idéal a donné naissance à plus de 400 races, chacune dotée d’une combinaison unique de caractéristiques physiques et comportementales. À l’origine, les chiens étaient élevés principalement pour remplir des <a href="https://theconversation.com/managing-mutations-of-a-species-the-evolution-of-dog-breeding-96635">fonctions qui nous étaient utiles</a>, telles que la garde de troupeaux, la chasse et la protection. Cette pratique ne s’est imposée qu’au cours des 200 dernières années.</p>
<p>Selon certains experts, le rôle d’animal de compagnie n’est qu’un autre type de travail pour lequel les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168159122000983">humains ont sélectionné des chiens</a>, l’accent étant alors mis davantage sur l’apparence. Les éleveurs jouent un rôle essentiel à cet égard, car ils choisissent délibérément les caractéristiques souhaitables et influencent ainsi l’orientation future des races.</p>
<h2>Sommes-nous bons pour les chiens ?</h2>
<p>Nous savons que certaines caractéristiques qui nous plaisent ont de graves répercussions sur la <a href="https://theconversation.com/vets-can-do-more-to-reduce-the-suffering-of-flat-faced-dog-breeds-110702">santé et le bien-être</a> de l’animal. Ainsi, les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0137496">chiens à face plate ont du mal à respirer</a> en raison de leurs voies nasales étroites et de leurs voies respiratoires courtes. Ce <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00480169.2014.940410">manque d’air</a> peut engendrer des crises d’asthme. Ces chiens sont également sujets à des problèmes de peau, d’yeux et de dents plus fréquents que les bêtes à museau long. <a href="https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"></a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les chiens à face plate tels que les carlins et les bouledogues ne sont pas toujours à l’aise dans le corps qu’on leur a créé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>De nombreux chiens modernes nécessitent une intervention médicale pour se reproduire. Ainsi, les bouledogues français et les chihuahuas doivent souvent subir une césarienne pour mettre bas, car la tête des chiots est <a href="https://kb.rspca.org.au/knowledge-base/what-are-the-welfare-risks-associated-with-difficulty-giving-birth-in-brachycephalic-dogs/">très grosse par rapport</a> à la largeur du bassin de la mère. Cette dépendance à l’égard de la chirurgie pour la reproduction met en évidence le profond impact de l’élevage sélectif intensif sur les chiens.</p>
<p>Si les chiens domestiques ont tout à gagner à faire partie d’une famille humaine, certains mènent une vie très isolée et contrôlée dans laquelle ils ont une possibilité réduite de <a href="https://frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2023.1284869/">faire des choix</a> – un élément important pour leur bonheur.</p>
<h2>Les chiens sans humains</h2>
<p>Imaginez maintenant un monde où les chiens ne seraient plus soumis à la sélection et aux soins des humains. Les conséquences immédiates seraient frappantes. Les races dont les besoins fondamentaux, tels que nourriture, abri et soins de santé, dépendent largement de nous auraient du mal à s’adapter et nombre d’entre elles succomberaient aux dures réalités d’une vie sans soutien humain.</p>
<p>Cependant, cela n’affecterait probablement que moins de 20 % des chiens (ce qui correspond à peu près à ceux qui vivent dans nos maisons). La plupart des chiens du monde sont en liberté. Ce phénomène est très courant en Europe, en Afrique et en Asie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De nombreux chiens vivent de manière autonome au milieu des humains, comme ces chiens dans la rue en Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Bien que ces chiens ne soient pas domestiqués au sens traditionnel du terme, ils cohabitent avec les humains. De ce fait, leur survie dépend presque exclusivement des ressources produites par l’homme, telles que les dépotoirs et les dons de nourriture. En l’absence des humains, la <a href="https://theconversation.com/explainer-theory-of-evolution-2276">sélection naturelle</a> entrerait rapidement en jeu. Les chiens dépourvus de caractéristiques essentielles à leur survie, telles qu’adaptabilité, capacité de chasser, résistance aux maladies, instinct parental et sociabilité, déclineraient progressivement.</p>
<p>Les chiens extrêmement grands ou petits seraient désavantagés, car la taille influe sur les besoins caloriques, la régulation de la température corporelle en fonction de l’environnement et la vulnérabilité aux prédateurs.</p>
<p>Des stratégies comportementales limitées, comme le fait d’être trop craintif pour explorer de nouveaux lieux, seraient également néfastes. Et bien que les chiens stérilisés puissent présenter des caractéristiques avantageuses pour la survie, ils ne pourraient transmettre leurs gènes aux générations futures.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’élevage de chiots sans soutien humain est pratiqué avec succès dans le monde entier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mdpi.com/2075-4450/14/7/618">(Shutterstock)</a></span>
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<h2>Fini les races hybrides</h2>
<p>Au final, un nouveau type de chien verrait le jour, déterminé par la santé et la réussite comportementale plutôt que par les goûts humains.</p>
<p>Les chiens ne s’accouplent pas seulement avec des individus de leur race et peuvent en choisir des très différents d’eux lorsque l’occasion se présente. Avec le temps, les races distinctes s’estompent, et les accouplements spontanés conduisent à une apparence qui se rapproche du « chien de village », semblable aux « chiens de camp » des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/11771801231167671">communautés autochtones isolées en Australie</a> et aux chiens que l’on voit Asie du Sud-Est.</p>
<p>Ces chiens sont généralement de taille moyenne, avec une morphologie équilibrée, un pelage court de différentes couleurs et des oreilles et une queue droites. Toutefois, des variations régionales comme un pelage plus touffu peuvent apparaître en raison de facteurs tels que le climat.</p>
<p>Avec le temps, les chiens retrouveraient un mode de vie de canidé sauvage. Ces bêtes adopteraient probablement des comportements sociaux et alimentaires semblables à ceux de leurs congénères sauvages actuels, tels que le <a href="https://www.publish.csiro.au/book/7138/">dingo d’Australie</a>. Ils pourraient vivre en <a href="https://7news.com.au/news/wildlife/dingo-drone-footage-captured-by-thermal-camera-on-qld-property-shows-family-fun-time-c-12586477">petits groupes familiaux sur des territoires définis</a>, revenir à une saison de reproduction annuelle, pratiquer une chasse sociale et recevoir des soins parentaux attentifs (en particulier de la part des pères).</p>
<p>La transition serait plus facile pour certaines races, en particulier les chiens de troupeau et ceux qui vivent déjà de manière autonome dans les villages ou dans la nature.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’une bonne vie de chien</h2>
<p>Dans leur livre <a href="https://www.babelio.com/livres/Pierce-Le-rappel-de-la-foret/1428413">Le rappel de la forêt</a>, Jessica Pierce et Marc Bekoff explorent l’idée de préparer nos chiens à un avenir sans humains. Ils nous encouragent à leur donner davantage d’autonomie et, par conséquent, de bonheur. Cela peut signifier de les laisser simplement choisir la direction de leur promenade ou prendre leur temps quand ils reniflent un arbre.</p>
<p>En réfléchissant à un éventuel avenir sans humains, une question se pose : nos actions à l’égard des chiens sont-elles durables, dans leur intérêt et conformes à leur nature ? Ou correspondent-elles plutôt à nos désirs ?</p>
<p>En envisageant la façon dont les chiens pourraient vivre sans nous, nous pourrions peut-être trouver des moyens d’améliorer leur vie avec nous.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pour offrir une bonne vie aux chiens, il faut penser à leur bien-être mental, à leur santé et à leur environnement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/219684/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si nous n’étions pas là pour façonner, nourrir et soigner nos chiens, que leur arriverait-il ?Bradley Smith, Senior Lecturer in Psychology, CQUniversity AustraliaMia Cobb, Research Fellow, Animal Welfare Science Centre, The University of MelbourneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974732023-01-18T14:40:16Z2023-01-18T14:40:16ZLes hommes perdent peu à peu leur chromosome Y. Mais une nouvelle découverte offre de l’espoir à l’humanité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503631/original/file-20230109-7605-pgm13o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C7%2C4962%2C2799&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chez les humains, comme chez les autres mammifères, les femelles ont deux chromosomes X et les mâles, un X et un tout petit chromosome appelé Y.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le sexe des bébés humains et des autres mammifères est déterminé par un gène situé sur le chromosome Y. Mais le <a href="https://theconversation.com/sex-genes-the-y-chromosome-and-the-future-of-men-32893">chromosome Y humain se dégrade</a> et pourrait disparaître d’ici quelques millions d’années, entraînant notre extinction, à moins que nous ne développions un nouveau gène sexuel.</p>
<p>La bonne nouvelle est que deux espèces de rongeurs n’ont plus de chromosome Y et sont toujours vivantes.</p>
<p>Un article paru dans <em>Proceedings of the National Academy of Science</em> explique qu’un nouveau gène qui détermine le sexe masculin a évolué chez <em>Tokudaia osimensis</em>.</p>
<h2>Comment le chromosome Y détermine-t-il le sexe ?</h2>
<p>Chez les humains, comme chez les autres mammifères, les femelles ont deux chromosomes X et les mâles, un X et un tout petit chromosome appelé Y. Les noms n’ont rien à voir avec la forme des chromosomes ; le X signifie « inconnu ».</p>
<p>Le X contient environ 900 gènes qui font toutes sortes de choses sans rapport avec la détermination du sexe. Mais le Y <a href="https://www.genome.gov/about-genomics/fact-sheets/Y-Chromosome-facts">contient peu de gènes (environ 55)</a> et <a href="https://genomebiology.biomedcentral.com/articles/10.1186/gb-2003-4-9-226">beaucoup d’ADN non codant</a> – des séquences répétitives qui semblent n’avoir aucune utilité.</p>
<p>Le chromosome Y joue un rôle important grâce à un gène clé qui déclenche le développement des attributs mâles chez l’embryon. Environ 12 semaines après la conception, ce gène maître en active d’autres qui régulent le développement des testicules. Les testicules embryonnaires fabriquent des hormones mâles (testostérone et ses dérivés), ce qui fait en sorte que le fœtus deviendra un garçon.</p>
<p>Ce gène maître a été nommé SRY (pour « sex region on the Y », ou région sexuelle sur le Y) en <a href="https://www.newscientist.com/article/mg12717262-400-science-the-gene-that-makes-a-man-of-you/">1990</a>. Il fonctionne en activant une voie génétique commençant par le gène SOX9, qui joue un rôle clé dans la détermination du sexe mâle chez tous les vertébrés, bien qu’il ne se situe pas sur les chromosomes sexuels.</p>
<h2>La disparition du Y</h2>
<p>La plupart des mammifères ont un chromosome X et un chromosome Y semblables aux nôtres : un X avec de nombreux gènes et un Y avec le SRY et quelques autres gènes. Le fait que les gènes du X ne soient pas en même quantité chez les mâles et les femelles entraîne des problèmes.</p>
<p>Comment un système aussi bizarre a-t-il pu évoluer ? Des scientifiques ont constaté avec étonnement que <a href="https://genome.cshlp.org/content/18/6/965.abstract">l’ornithorynque d’Australie</a> possédait des chromosomes sexuels complètement différents des autres mammifères, plus proches de ceux des oiseaux.</p>
<p>Chez l’ornithorynque, la paire XY est un chromosome ordinaire, avec deux membres égaux. Cela suggère que la paire XY des mammifères était tout aussi ordinaire il n’y a pas si longtemps.</p>
<p>Cela signifie que le chromosome Y a perdu 900 de ses gènes actifs au cours des 166 millions d’années, au cours desquelles l’humain et l’ornithorynque ont évolué séparément. Cela représente une perte d’environ cinq gènes par million d’années. À ce rythme, les 55 derniers gènes auront disparu dans <a href="https://www.nature.com/articles/415963a">11 millions d’années</a>.</p>
<p>Notre annonce de la disparition imminente du chromosome Y humain <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/10638174.pdf">a suscité de vives réactions</a> et, à ce jour, des affirmations allant dans tous les sens – allant de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4139287/">l’infini</a> à <a href="https://www.amazon.com/Adams-Curse-Future-without-Men/dp/0393326802">quelques milliers d’années</a> – sont apparues sur la durée de vie estimée de notre chromosome Y.</p>
<h2>Des rongeurs sans chromosome Y</h2>
<p>La bonne nouvelle est que nous connaissons deux lignées de rongeurs qui ont perdu leur chromosome Y et qui subsistent encore.</p>
<p>Le campagnol taupe d’Europe de l’Est et le Tokudaia du Japon possèdent tous deux des espèces chez lesquelles le chromosome Y, et le SRY, ont complètement disparu. Le chromosome X existe toujours, sous forme unique ou double, pour les deux sexes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/498837/original/file-20221205-25475-vogco0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un petit rongeur brun assis sur la litière de feuilles entre les branches" src="https://images.theconversation.com/files/498837/original/file-20221205-25475-vogco0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498837/original/file-20221205-25475-vogco0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498837/original/file-20221205-25475-vogco0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498837/original/file-20221205-25475-vogco0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498837/original/file-20221205-25475-vogco0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498837/original/file-20221205-25475-vogco0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498837/original/file-20221205-25475-vogco0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tokudaia osimensis est une espèce endémique de l’île japonaise d’Amami Ōshima.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.global.hokudai.ac.jp/blog/novel-sex-determination-mechanism-revealed-in-mammals/">(Asato Kuroiwa), Fourni par l’auteure</a></span>
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</figure>
<p>Bien que la façon dont le sexe est déterminé chez les campagnols taupes <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5704219/">sans le gène SRY</a> ne soit pas encore claire, une équipe dirigée par Asato Kuroiwa, une biologiste de l’université d’Hokkaido, a eu plus de chance avec Tokudaia – un genre qui comprend trois espèces menacées vivant sur différentes îles japonaises.</p>
<p>L’équipe de Kuroiwa a découvert que la plupart des gènes du chromosome Y de <em>Tokudaia osimensis</em> se trouvaient maintenant sur d’autres chromosomes. Mais elle n’a trouvé aucun signe de SRY ni d’un gène qui le remplacerait.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/498856/original/file-20221205-24-hl2yi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une jeune femme japonaise avec des lunettes en écaille de tortue souriant à la caméra" src="https://images.theconversation.com/files/498856/original/file-20221205-24-hl2yi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498856/original/file-20221205-24-hl2yi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=703&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498856/original/file-20221205-24-hl2yi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=703&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498856/original/file-20221205-24-hl2yi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=703&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498856/original/file-20221205-24-hl2yi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498856/original/file-20221205-24-hl2yi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498856/original/file-20221205-24-hl2yi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Asato Kuroiwa dirige le laboratoire qui a découvert le « nouveau » gène qui détermine le sexe de Tokudaia osimensis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.global.hokudai.ac.jp/blog/novel-sex-determination-mechanism-revealed-in-mammals/">(Asato Kuroiwa), Fourni par l’auteure</a></span>
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</figure>
<p>Les chercheurs ont finalement publié une <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2211574119">identification réussie dans PNAS</a>. L’équipe a localisé des séquences présentes dans le génome des mâles <em>Tokudaia osimensis</em>, mais pas dans celui des femelles, puis elle les a raffinées et cherchées chez chaque individu séparément.</p>
<p>Les scientifiques ont trouvé une minuscule différence près du gène sexuel clé SOX9, sur le chromosome 3 de <em>Tokudaia osimensis</em>. Une petite duplication (seulement 17 000 paires de bases sur plus de 3 milliards) existait chez tous les mâles, mais chez aucune femelle.</p>
<p>Ils en ont conclu que ce petit bout d’ADN dupliqué contient le commutateur qui active normalement le SOX9 en réponse à SRY. Lorsqu’ils ont inséré cette duplication chez des souris, ils ont constaté qu’elle stimulait l’activité de SOX9, de sorte que cette modification pourrait permettre à SOX9 de fonctionner sans la participation du gène SRY.</p>
<h2>L’avenir de l’être humain</h2>
<p>La disparition imminente – du point de vue de l’évolution – de notre chromosome Y a fait naître des spéculations sur notre avenir.</p>
<p>Certains lézards et serpents sont des espèces exclusivement féminines et peuvent fabriquer des œufs à partir de leurs gènes par ce que l’on appelle la <a href="https://theconversation.com/is-virgin-birth-possible-yes-unless-you-are-a-mammal-52379">parthénogenèse</a>. Mais c’est impossible chez les humains ou les autres mammifères, car nous avons au moins 30 gènes « à empreinte » essentiels qui ne fonctionnent que s’ils proviennent du père via le sperme.</p>
<p>Pour nous reproduire, nous avons besoin de sperme et, par le fait même, d’hommes, ce qui signifie que la disparition du chromosome Y pourrait entraîner l’extinction de la race humaine.</p>
<p>La nouvelle découverte ouvre une autre possibilité, à savoir qu’un nouveau gène qui détermine le sexe pourrait apparaître chez l’humain. Ouf !</p>
<p>L’évolution d’un nouveau gène déterminant le sexe comporte toutefois des risques. Que se passerait-il si plus d’un nouveau système évolue dans différentes parties du monde ?</p>
<p>Une « guerre » des gènes pourrait conduire à la séparation de nouvelles espèces, ce qui est exactement ce qui s’est produit chez le campagnol taupe et Tokudaia.</p>
<p>Ainsi, si quelqu’un visitait la Terre dans 11 millions d’années, il pourrait ne trouver aucun humain, ou plusieurs espèces humaines qui se distinguent par leur système de détermination du sexe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197473/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jenny Graves reçoit des fonds du Conseil australien de la recherche.
</span></em></p>Le chromosome Y humain pourrait disparaître avec le temps, mettant notre espèce en péril. Mais certains rongeurs se sont très bien débrouillés sans lui – et nous savons maintenant comment.Jenny Graves, Distinguished Professor of Genetics and Vice Chancellor's Fellow, La Trobe UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841272022-07-11T13:35:01Z2022-07-11T13:35:01ZVoici pourquoi nous sommes plus intelligents que les chimpanzés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468247/original/file-20220610-31880-ijyfui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C6%2C4552%2C3055&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nouvelles recherches ont comparé le cerveau des chimpanzés et des macaques à celui des humains.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’être humain est sans égal dans le domaine de la cognition. Après tout, aucune autre espèce n’a envoyé de sondes vers d’autres planètes, produit des vaccins qui sauvent des vies ou créé de la poésie. La façon dont les informations sont traitées dans le cerveau humain pour rendre tout cela possible est une question qui suscite une immense fascination, mais qui n’a toujours pas trouvé de réponse définitive.</p>
<p>Notre compréhension du fonctionnement du cerveau a évolué au fil des ans. Les modèles théoriques actuels décrivent le cerveau comme un <a href="https://mitpress.universitypressscholarship.com/view/10.7551/mitpress/9780262514620.001.0001/upso-9780262514620">« système distribué de traitement de l’information »</a>. Cela signifie qu’il possède des composants distincts étroitement reliés entre eux par le câblage du cerveau. Pour interagir entre elles, les différentes zones échangent de l’information grâce à un système de signaux d’entrée et de sortie.</p>
<p>Cela ne constitue toutefois qu’une petite partie d’une image complexe. Dans une étude <a href="https://www.nature.com/articles/s41593-022-01070-0">publiée dans la revue scientifique <em>Nature Neuroscience</em></a>, nous montrons, à l’aide de données provenant de différentes espèces et de plusieurs disciplines neuroscientifiques, qu’il n’existe pas qu’un seul type de traitement de l’information dans le cerveau. De plus, la façon dont l’information est traitée n’est pas la même chez les humains et les autres primates, ce qui pourrait expliquer pourquoi les capacités cognitives de notre espèce sont à ce point supérieures.</p>
<p>Nous avons repris des concepts de ce que l’on appelle le <a href="https://people.math.harvard.edu/%7Ectm/home/text/others/shannon/entropy/entropy.pdf">cadre mathématique de la théorie de l’information</a> – l’étude de la mesure, du stockage et de la communication des informations numériques, qui est essentielle pour des technologies telles qu’Internet et l’intelligence artificielle – afin de comprendre comment le cerveau traite l’information. Nous avons découvert que les zones du cerveau n’ont pas toutes recours aux mêmes stratégies pour interagir entre elles.</p>
<p>Certaines régions du cerveau partagent des informations d’une façon très élémentaire, en utilisant des entrées et des sorties. Cela garantit que les signaux sont transmis de manière reproductible et fiable. C’est le cas des zones spécialisées dans les fonctions sensorielles et motrices (telles que le traitement des informations sonores, visuelles et liées au mouvement).</p>
<p>Ainsi, les yeux envoient des signaux à l’arrière du cerveau pour leur traitement. La majorité des informations sont fournies en double, puisqu’elles sont communiquées par chaque œil. En d’autres termes, la moitié d’entre elles ne sont pas nécessaires. Nous appelons « redondant » ce type de traitement de l’information entrées-sorties.</p>
<p>Cependant, la redondance assure solidité et fiabilité – c’est ce qui nous permet de voir encore avec un seul œil. Cette capacité est essentielle à la survie. En fait, elle est si capitale que les connexions entre ces régions du cerveau sont câblées anatomiquement dans le cerveau, un peu comme une ligne de téléphonie fixe.</p>
<p>Ce ne sont toutefois pas toutes les informations fournies par les yeux qui sont redondantes. La combinaison des informations transmises par les deux yeux permet au cerveau de traiter la profondeur et la distance entre les objets. Cela constitue la base de nombreux types de lunettes 3D au cinéma.</p>
<p>Il s’agit d’un exemple d’une manière fondamentalement différente de traiter l’information et qui s’avère plus grande que la somme de ses parties. Nous appelons « synergique » ce type de traitement de l’information où des signaux complexes provenant de différents réseaux cérébraux sont intégrés.</p>
<p>Le traitement synergique est le plus répandu dans les zones du cerveau qui gèrent un large éventail de fonctions cognitives complexes, telles que l’attention, l’apprentissage, la mémoire de travail, la cognition sociale et numérique. Il n’est pas câblé, ce qui signifie qu’il peut changer en fonction de nos expériences, en connectant différents réseaux de différentes manières. Cela facilite la combinaison d’informations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Images IRM du cerveau humain" src="https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le cerveau humain est extrêmement complexe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/mri-brain-scan-background-magnetic-resonance-1054661900">(Shutterstock)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les régions à grande synergie – principalement à l’avant et au milieu du cortex (la couche externe du cerveau) – intègrent différentes sources d’information provenant de l’ensemble du cerveau. Elles sont donc plus largement et plus efficacement connectées au reste du cerveau que les régions qui traitent les informations sensorielles primaires et celles liées au mouvement.</p>
<p>Les zones à haute synergie qui facilitent l’intégration des informations sont aussi généralement dotées de nombreuses synapses, ces connexions microscopiques qui permettent aux cellules nerveuses de communiquer.</p>
<h2>Notre particularité vient-elle de la synergie ?</h2>
<p>Nous voulions savoir s’il y a une différence dans la capacité à accumuler et à construire des informations grâce à des réseaux complexes dans le cerveau des humains et celui des autres primates, qui sont de proches parents de nos ancêtres sur le plan de l’évolution.</p>
<p>Dans ce but, nous avons examiné les données d’imagerie cérébrale et les analyses génétiques de différentes espèces. Nous avons constaté que les interactions synergiques représentent une plus grande proportion du flux total d’informations dans le cerveau humain que dans celui des macaques. Par contre, les cerveaux des deux espèces sont égaux en termes de recours aux informations redondantes.</p>
<p>Nous avons également étudié plus particulièrement le cortex préfrontal, une zone située à l’avant du cerveau qui gère un fonctionnement cognitif complexe. Chez les macaques, le traitement des informations redondantes est plus répandu dans cette région que chez les humains, chez qui il s’agit plutôt d’une zone à forte synergie.</p>
<p>Le cortex préfrontal a <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28162899/">connu une importante expansion</a> au cours de l’évolution. En observant des données provenant de cerveaux de chimpanzés, nous avons constaté que plus la taille d’une région du cerveau humain avait augmenté au cours de l’évolution par rapport à la même région chez le chimpanzé, plus son fonctionnement reposait sur la synergie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image de singes macaques rhésus au temple de Swayambhunath, au-dessus de Katmandou" src="https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Singes macaques rhésus au temple de Swayambhunath au Népal.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/kathmandu-nepal-april-202022-rhesus-macaques-2149794919">(Shutterstock)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons également examiné des <a href="https://www.nature.com/articles/nature11405">analyses génétiques</a> de donneurs humains. Elles ont montré que les régions du cerveau associées au traitement des informations synergiques sont plus susceptibles d’exprimer des gènes qui sont uniquement humains et liés au développement et à des fonctions cérébrales, comme l’intelligence.</p>
<p>Cela nous a menés à conclure que le tissu cérébral humain acquis au cours de l’évolution pourrait être principalement dédié à la synergie. Il est tentant de présumer que les avantages d’une synergie accrue peuvent expliquer, en partie, les capacités cognitives supérieures de notre espèce. La synergie pourrait ajouter une pièce importante, qui manquait jusqu’ici, au casse-tête de l’évolution du cerveau humain.</p>
<p>En conclusion, nos travaux révèlent comment le cerveau humain navigue entre fiabilité et intégration des informations, sachant que les deux sont nécessaires. Le cadre que nous avons élaboré permettra d’apporter de nouvelles informations essentielles à de nombreuses questions neuroscientifiques, allant de la cognition générale aux troubles cognitifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184127/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel A Stamatakis a reçu des financements de l'Institut canadien de recherches avancées et de la bourse Stephen Erskine, Queens' College, Université de Cambridge.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andrea Luppi a reçu des financements d'une bourse d'études Gates Cambridge.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Menon a reçu des financements du National Institute for Health Research (Royaume-Uni), du UK Research and Innovation (UKRI), du Medical Research Council (Royaume-Uni), de l'Institut canadien de recherches avancées (ICRA), du Addenbrooke's Charitable Trust et du Brain Research Trust (Royaume-Uni). Il a conclu des accords de consultation ou de collaboration de recherche avec NeuroTrauma Sciences LLC, Gryphon Inc, GlaxoSmithKline Ltd ; Lantmannen AB ; Pressure Neuro Ltd ; Integra NeuroSciences Ltd ; Cortirio Ltd ; et Calico LLC.</span></em></p>Les cerveaux humains semblent être configurés différemment de ceux des chimpanzés ou des macaques.Emmanuel A Stamatakis, Lead, Cognition and Consciousness Imaging Group, Division of Anaesthesia, University of CambridgeAndrea Luppi, PhD candidate in Neuroscience, University of CambridgeDavid Menon, Professor, Head of Division of Anaesthesia, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1819132022-05-16T19:59:10Z2022-05-16T19:59:10ZSpectre de l’autisme : quand il est plus facile de lire les émotions chez les animaux que chez les humains<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/463305/original/file-20220516-21-bs7bhy.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C896%2C791&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Regards d'un homme et de singes.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Publiée à la mi-avril, une <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-022-10353-2">étude que nous avons menée</a> a produit de nouveaux éléments d'appréciation quant à la façon dont les personnes atteintes du spectre de l'autisme lisent les émotions. </p>
<p>Selon notre travail, les difficultés qu’auraient ces personnes à interpréter les émotions d’autrui se limiteraient essentiellement aux situations interhumaines, et épargneraient celles impliquant tous les autres êtres vivants. Elles n’éprouveraient, en effet, pas de problème particulier à communiquer émotionnellement avec les animaux.</p>
<p>Qu’est-ce que l’étude de nos perceptions à l’égard du Vivant peut nous apprendre des mécanismes de l’empathie humaine et des troubles cognitifs qui y sont associés ? </p>
<p>Comment pouvons-nous en tirer profit afin de mieux accompagner ou mieux comprendre le spectre de l'autisme ? </p>
<h2>L’empathie, une clé pour déchiffrer les émotions d’autrui</h2>
<p>En dépit de nombreuses définitions et d’un large éventail de notions associées à ce concept nébuleux (empathie affective, compassion, théorie de l’esprit, contagion émotionnelle…), l’empathie désigne globalement notre capacité à percevoir et à déduire intuitivement, par effet miroir, les émotions et les états mentaux d’autrui. Comme toutes les propriétés neurocognitives des êtres humains, nos facultés empathiques résultent de l’évolution de notre espèce, et nos prédispositions à l’empathie sont en <a href="https://doi.org/10.1038/s41398-017-0082-6">partie déterminées par nos gènes</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RjNiXJgI5jw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’empathie émotionnelle des autistes resterait intacte vis-à-vis des animaux, êtres humains exceptés.</span></figcaption>
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<p>À la base de toute communication émotionnelle et de la prosocialité humaine (ensemble des comportements sociaux orientés vers le bénéfice d’autrui), l’empathie est en quelque sorte assimilable à la clé de voûte cognitive du « vivre-ensemble ». Ses mécanismes sont complexes, encore mal compris, et font l’objet d’une recherche dynamique en sciences cognitives.</p>
<h2>Troubles des facultés empathiques et rapport aux autres espèces</h2>
<p>Les troubles du spectre de l’autisme (TSA, tels que l’autisme typique ou le syndrome d’Asperger) désignent une famille de troubles neurodéveloppementaux plus ou moins prononcés, entre autres caractérisés par des facultés empathiques diminuées. Nombre de personnes avec TSA éprouvent ainsi des difficultés à comprendre intuitivement les états émotionnels d’autrui, ou à percevoir les non-dits au cours d’une discussion. Ces facultés empathiques atypiques sont à l’origine de difficultés en termes d’insertion sociale, et peuvent impacter négativement la qualité de vie des personnes concernées.</p>
<p>Cependant, en dépit des difficultés relationnelles qu’elles peuvent rencontrer, <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0041739">diverses études</a> suggèrent que les personnes avec TSA n’éprouveraient paradoxalement pas de difficultés particulières à communiquer émotionnellement avec les animaux : elles peuvent nouer de forts liens affectifs avec leurs compagnons à quatre pattes et semblent plus à même de rechercher et traiter des indices émotionnels sur les visages animaux que sur ceux humains. Comment expliquer ce phénomène ?</p>
<h2>Dimension émotionnelle</h2>
<p>Notre rapport à la diversité du Vivant comporte une forte dimension émotionnelle, dont l’expression varie considérablement d’une espèce à l’autre : Sur une route de campagne, écraser un lapin peut être bouleversant, alors que les multiples impacts d’insectes sur le pare-brise nous laissent souvent indifférents.</p>
<p>Une <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-019-56006-9">étude publiée en 2019</a> par notre équipe avait permis de mettre en évidence le fait que cette « discrimination spéciste » ancrée dans nos affects était un phénomène puissant, et selon toute vraisemblance inné.</p>
<p>Celle-ci repose sur le fait que plus nous sommes évolutivement proche d’une espèce, plus cette dernière nous ressemble. Il nous serait alors d’autant plus facile de percevoir en elle un alter-égo (anthropomorphisme), de comprendre ses états mentaux, et donc, d’être touché par son sort. Ainsi estimons-nous mieux comprendre – et sommes-nous plus affectés – par les émotions d’un orang-outan que par celles d’une souris, par celles d’une souris que par celles d’un poisson, et ainsi de suite.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/460234/original/file-20220428-12-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460234/original/file-20220428-12-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460234/original/file-20220428-12-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1088&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460234/original/file-20220428-12-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1088&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460234/original/file-20220428-12-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1088&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460234/original/file-20220428-12-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1368&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460234/original/file-20220428-12-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1368&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460234/original/file-20220428-12-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1368&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le regard est le plus puissant canal de communication non verbal de nos émotions. Les différents regards du monde vivant sont loin d’être également expressifs. Ceux du haut (humain et espèces proches) nous touchent bien davantage que ceux du bas, évolutivement distant, plus froids et insaisissables.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Source</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une approche inédite pour une nouvelle étude</h2>
<p>C’est en partant de cette observation qu’est venu l’idée d’utiliser ce gradient de sensibilités empathiques à l’égard du Vivant comme référentiel afin d’explorer les particularités empathiques des personnes avec TSA dans le cadre d’une nouvelle étude. </p>
<p>Pour ce faire, les perceptions au sein d’un groupe de participants avec TSA ont été comparées à celles d’un groupe témoin reflétant la population générale. Cette approche inédite reposait sur un questionnaire photographique en ligne incluant divers organismes allant des plantes aux êtres humains. Des paires de photographies d’organismes étaient tirées au sort et présentées aux participants, qui devaient alors désigner celle pour laquelle ils pensaient être le mieux à même de comprendre les émotions. </p>
<p>À partir de ces nombreux « matchs » entre paires de photographies, il nous a été possible d’attribuer un score d’empathie attribué à chaque espèce. Les résultats obtenus ont montré que si les perceptions au sein du groupe de participants avec TSA sont globalement similaires à celle de la population générale, le score de compréhension empathique qu’ils attribuent à l’être humain est étonnamment faible.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/460236/original/file-20220428-18-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460236/original/file-20220428-18-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460236/original/file-20220428-18-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460236/original/file-20220428-18-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460236/original/file-20220428-18-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460236/original/file-20220428-18-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460236/original/file-20220428-18-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460236/original/file-20220428-18-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Notre empathie envers les autres organismes (axe verticale en pourcentages) diminue avec le temps de divergence phylogénétique qui nous en sépare (axe horizontal en millions d’années, superposé à la phylogénie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Source</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ainsi ces participants estiment-ils, qu’en moyenne, il est aussi difficile de comprendre les états mentaux d’autres humains que ceux de reptiles ou d’amphibiens.</p>
<p>Ces résultats indiquent que les difficultés empathiques des personnes avec TSA seraient propres aux relations inter-humaines. Celles-ci pourraient donc ne pas tant résulter de l’altération de la perception ou de la lecture d’expressions émotionnelles fondamentales, que de difficultés à leur donner du sens dans un contexte global. Percevoir une expression émotionnelle (reconnaître ou être affecté par un rire, un pleur ou un froncement de sourcils…) n’implique pas nécessairement une compréhension correcte de l’état mental qui en est la cause : Hors contexte, ces signaux peuvent être déconcertants ou trompeurs (par exemple, des larmes de joie ou des rires nerveux).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/460238/original/file-20220428-25-3waxav.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460238/original/file-20220428-25-3waxav.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460238/original/file-20220428-25-3waxav.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=673&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460238/original/file-20220428-25-3waxav.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=673&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460238/original/file-20220428-25-3waxav.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=673&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460238/original/file-20220428-25-3waxav.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460238/original/file-20220428-25-3waxav.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460238/original/file-20220428-25-3waxav.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Avec ou sans TSA, les perceptions empathiques des deux groupes de participants sont très similaires pour la majorité des espèces (les points sont alignés sur une diagonale), à une exception près : les scores de compréhension empathique que les personnes avec TSA attribuent à notre espèce sont très faibles (point noir), nettement décorrélés du temps de divergence évolutive, et au même niveau que ceux des reptiles et des amphibiens (niveau vert).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Source</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les particularités empathiques des personnes avec TSA pourraient s’expliquer par le fait que si les autres espèces peuvent sembler moins expressives et plus difficiles à interpréter intuitivement, leur expression émotionnelle est en revanche plus déterministe, spontanée et stéréotypée. L’état mental d’un animal pourrait donc être perçu par les personnes avec TSA comme relativement transparent, pour peu d’être attentif à leurs signaux comportementaux et d’avoir appris à les interpréter. Au contraire, dans bien des situations, les humains sont habitués à feindre, à détourner ou à contenir leur expression émotionnelle, qu’il s’agisse de préserver leur intimité, de se conformer aux conventions sociales, par stratégie de bluff ou par comédie. Ils pourraient donc, d’une certaine façon, être considérés comme étant bien plus complexe à comprendre à que d’autres animaux.</p>
<h2>Techniques de dépistage</h2>
<p>Ces résultats pourront peut-être contribuer à affiner les techniques de dépistage existantes, ou à ouvrir de nouvelles perspectives d’accompagnement des personnes avec TSA. Par ailleurs, si ce travail ne nous donne qu’un vague aperçu des difficultés de communication auxquelles les personnes avec TSA sont régulièrement confrontées, il peut aussi, en renversant la situation, nous pousser à nous interroger sur nos propres facultés à les comprendre et à interagir avec elles.</p>
<p>Enfin, depuis plus de deux siècles, la biologie évolutive nous enseigne que toutes les espèces vivantes sont apparentées les unes aux autres et que l’Homme n’est qu’une espèce animale parmi d’autres. Cette étude contribue à faire un pas de plus dans la déconstruction de la catégorie des « animaux » (dans son usage commun, c’est-à-dire utilisée sans distinction entre espèces et en opposition aux humains) en démontrant que ce concept ne s’avère finalement pas plus pertinent d’un point de vue cognitif qu’il ne l’est pour la biologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181913/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle étude révèle que les difficultés qu’éprouveraient les personnes du spectre de l’autisme à interpréter les émotions d’autrui se limiteraient aux situations interhumaines.Aurélien Miralles, Enseignant-chercheur en systématique animale, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Marine Grandgeorge, Ethologie, Relation Homme - Animal, Médiation Animale, Développement typique et atypique, Université de Rennes 1 - Université de RennesMichel Raymond, Directeur de recherche au CNRS, responsable de l'équipe d'Anthropologie Evolutive de l'Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743732022-01-24T21:12:27Z2022-01-24T21:12:27ZAvec « La panthère des neiges », admirer la vie sauvage… sans la déranger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442242/original/file-20220124-23-qhloif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1617%2C1076&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">S'approcher de la vie sauvage…sans jamais la rencontrer?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-292598/photos/detail/?cmediafile=21836913">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Marie Amiguet, réalisatrice, et Vincent Munier, naturaliste photographe, sont les auteurs du film <em>La panthère des neiges</em>. Depuis de nombreuses années, ce photographe nous permet de vivre – par procuration – des rencontres intenses avec la vie sauvage. Nous avons en effet peu de chances de nous retrouver nez à nez avec une panthère des neiges ou un loup… sauf sur un écran.</p>
<p>Il faut même que cela n’arrive jamais. Il nous faut renoncer à toute tentative de tourisme de masse dans ce sens, où que ce soit dans le monde. Le risque est l’aggravation de la situation de la biodiversité, déjà bien mal en point.</p>
<p>Lors du passage de Vincent Munier dans l’émission « La Terre au Carré » sur France Inter, <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/camille-passe-au-vert/camille-passe-au-vert-du-mercredi-22-decembre-2021">Camille Crosnier</a> a souligné cette dérive. Un paradoxe apparaît avec l’Anthropocène et ses milliards d’urbains : celui qui consiste à développer une conscience aiguë de l’existence du vivant non humain, tout en s’empêchant de l’approcher physiquement. Vincent Munier apparaît ici comme un ambassadeur dans cette nouvelle relation aux vivants. Et il utilise les technologies audio-vidéo et numériques les plus avancées produites par notre société. Il est ainsi membre du programme <a href="https://www.nikon.fr/fr_FR/learn_explore/ambassadors/europe_ambassadors/europe_ambassador_landing.page">Ambassadeurs Nikon</a>, qui soutient :</p>
<blockquote>
<p>« des artistes de la photographie talentueux et influents qui utilisent les technologies les plus récentes du secteur et leur connaissance des tendances sociales pour cristalliser notre époque. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/g3wepiH_hjY?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Faut-il le vivre pour le croire ?</h2>
<p>Le film <em>Animal</em> de Cyril Dion, sorti en même temps que <em>La panthère des neiges</em>, met en scène deux jeunes militants écologistes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bella_Lack">Bella Lack</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vipulan_Puvaneswaran">Vipulan Puvaneswaran</a>. Ils l’étaient avant de participer au film. Très informés et fortement engagés, ils connaissent les menaces qui pèsent sur le vivant et sur l’humanité à cause de l’activité humaine. Au cours des voyages autour du monde induits par le film, ils n’ont probablement rien appris de déterminant. Le militant écologiste indien <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Afroz_Shah">Afroz Shah</a> leur dit assez brutalement qu’ils connaissent déjà tout de la catastrophe causée par l’invasion de la planète par le plastique dispersé, tandis qu’ils ont les pieds dans les déchets de plastique qui recouvrent une plage de sable à Mumbai.</p>
<h2>Aller au Costa Rica ?</h2>
<p>Pourtant, le film nous montre que ces visites et ces rencontres les ont littéralement bouleversés. Au-delà de la mise en scène, on peut penser que c’est bien le cas, et c’est alors une nouvelle illustration de notre sensibilité en crise décrite par le philosophe Baptiste Morizot dans son livre Manières d’être vivant :</p>
<blockquote>
<p>« un appauvrissement de ce que pouvons sentir, percevoir, comprendre et tisser à l’égard du vivant. »</p>
</blockquote>
<p>Leur connaissance préalable semble aussi nécessaire et incontournable qu’elle est insuffisante pour se sentir humain, pleinement vivant sur Terre. Sur le terrain, au Costa Rica, au plus près des animaux, ces deux jeunes adultes – notamment grâce à un guide qui les conduit à percevoir et les éclaire – vivent une expérience impressionnante. Mais n’est-elle pas aussi décourageante pour le spectateur ? Le Costa Rica s’installe en sanctuaire de 4 % de la biodiversité sur Terre. Faut-il vivre cette expérience réelle de la nature au Costa Rica, qui plus est en bénéficiant d’un accompagnement de ce niveau, pour changer d’attitude et d’état d’esprit ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zCjWYMJwXO0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Du dessin animalier à la rencontre dans le Metavers</h2>
<p>Au début, il y a le dessin. J’ai découvert grâce aux interviews de Vincent Munier, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Hainard">Robert Hainard</a> le dessinateur et sculpteur animalier suisse. Dès le début du XX<sup>e</sup> siècle, il dessine les animaux et, précurseur, s’engage en activiste écologiste. À ce moment-là, les termes du débat sont en place. En parallèle, la technologie cavale. La photographie apparaît il y a deux siècles environ, le cinéma il y a un peu plus d’un siècle. Et la télévision prend son essor dans la deuxième partie du XX<sup>e</sup> siècle, où la présence du vivant devient très importante (ainsi l’émission mythique <a href="https://youtu.be/soRUclDK0w4"><em>La vie des animaux</em></a> de l’ORTF des années 60). Mais à la même époque, l’humanité pose une main de fer sur le vivant et le met à son service à grande échelle.</p>
<p>La transformation de l’humanité induite par le numérique arrive ensuite brutalement. En moins de 20 ans, plusieurs milliards de smartphones ont envahi la planète, et ont transformé nos vies. La technologie, écrans en tête, est désormais entre le monde et nous. Ira-t-elle encore plus loin ? Déjà le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tavers">Metavers</a> vient nommer l’arrivée des mondes virtuels 3D dans nos vies.</p>
<h2>La technologie pour créer une rencontre au-delà du « ici et maintenant » ?</h2>
<p>Pour le commun des mortels, impossible de vivre le face-à-face, yeux dans les yeux, qu’a vécu Baptiste Morizot lors de sa rencontre avec un loup au cours d’une nuit dans le Vercors. Cette rencontre n’a de sens que si elle est celle de deux êtres libres, chacun dans son monde. Impossible de la « massifier » dans un parc d’attractions.</p>
<p>Mais si notre sensibilité est indispensable pour reconnaître la valeur du vivant et sa fragilité, parviendra-t-on alors à vivre à distance des moments d’une intensité telle qu’ils nous mettront en présence du vivant, corps et âmes, mais sans aller au Costa Rica, sans être à l’affût dans les hauts plateaux tibétains, ni même dans le Vercors ?</p>
<p>J’ai vu <em>La panthère des neiges</em> comme une étape dans cette quête. Vincent Munier et Sylvain Tesson y sont bien plus à l’écran que les animaux. Leur choix semble d’afficher leur présence pour tenter d’installer la nôtre à leur côté.</p>
<p>Effectivement, à travers l’attente, les déconvenues, les échecs, quand les animaux sont là, l’intensité de notre regard est décuplée par cette mise en scène. Certes, nous ne sommes pas hors d’haleine dans le froid avec des ressources comptées. Mais à travers le regard singulier de Vincent Munier, dans les jumelles et les télescopes, nous partageons cet instant inestimable. Jusqu’où ? Parviendrons-nous ainsi à vraiment projeter notre présence ? Cela sera-t-il suffisant pour nous rendre la disparition de la panthère des neiges insupportable, et nous permettre de construire cette nouvelle alliance avec le loup que Baptiste Morizot appelle de ses vœux ?</p>
<h2>Des choix artistiques et éthiques</h2>
<p>On connaît la réponse du cinéaste Jean Renoir dans <em>Ma vie et mes films</em> en 1974 :</p>
<blockquote>
<p>« “Le cinéma est-il un art ?” “Qu’est-ce que cela peut bien vous faire” est ma réponse. Faites des films ou bien faites du jardinage. Ce sont des arts au même titre qu’un poème de Verlaine ou un tableau de Delacroix. Si vos films ou votre jardinage sont bons, c’est que vous pratiquez l’art du jardinage ou du cinéma […] L’art n’est pas un métier, c’est la manière dont on exerce un métier… »</p>
</blockquote>
<p>Au sens de Jean Renoir, les photos de Vincent Munier sont celles d’un artiste : singulières, résultats du travail créateur de son auteur, elles parlent manifestement à tous, touchent au cœur de notre humanité. Cette création artistique prend appui sur sa quête sans fin de naturaliste immergé dans la nature et sur des technologies aux performances toujours plus impressionnantes. Et dans la recherche de cette nouvelle rencontre à distance entre les humains et les non humains, cette dimension artistique, dans toute sa singularité, sa fragilité, est essentielle. Vincent Munier n’est ni un reporter animalier, ni un scientifique. La façon dont il partage avec nous ces rencontres impossibles résulte de ses choix personnels, d’abord esthétiques mais aussi éthiques. Le dialogue dans le film avec Sylvain Tesson le souligne.</p>
<h2>« Loin des yeux, loin du cœur » ?</h2>
<p>Au moment où la crise de la biodiversité s’installe comme un enjeu au moins de l’ampleur de celle du climat, des films comme <em>La des neiges</em> ou <em>Animal</em>, explorent comment nous pourrions changer notre lien au monde vivant non humain. Pour une humanité métamorphosée, majoritairement urbaine et qui doit s’empêcher d’envahir, ce changement ne peut se construire que par des « rencontres en distanciel ». La technologie permettra-t-elle d’installer notre sensibilité au cœur du vivant en créant une nouvelle présence, humaine mais désincarnée ? Je ne le sais pas. Autre paradoxe fascinant : les technologies issues du numérique qui équipent ces nouveaux ambassadeurs, sont à la pointe même de cette société humaine dévastatrice pour la biodiversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174373/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec les technologies issues du numérique se crée notre nouvelle présence au monde. Forcément « en distanciel ».Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1604342021-05-27T17:04:25Z2021-05-27T17:04:25ZComment nous avons découvert la plus ancienne sépulture humaine d'Afrique – et ce qu'elle nous révèle sur nos ancêtres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403151/original/file-20210527-20-14sb29c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C65%2C2366%2C3352&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reconstruction virtuelle de la position de Mtoto dans la fosse mortuaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Jorge González/Elena Santos)</span></span></figcaption></figure><p>Comment les caractéristiques humaines se sont-elles développées chez nos ancêtres, nous différenciant des autres animaux ? C'est une question à laquelle <a href="https://theconversation.com/no-giant-leap-for-mankind-why-weve-been-looking-at-human-evolution-in-the-wrong-way-60935">s'intéressent de nombreux archéologues</a> qui étudient les premières traces d'art, du langage, d'ornements, de symboles et de préparation de nourriture.</p>
<p>La façon dont nos ancêtres traitaient les morts et les pleuraient peut également fournir d'importants indices pour déterminer à quel moment nous avons développé la pensée abstraite nécessaire afin de saisir pleinement le concept de la mort.</p>
<p>Nous avons découvert une sépulture humaine vieille de 78 000 ans dans une grotte de la côte tropicale de l'Afrique de l'Est. Cette découverte nous offre des informations intrigantes sur la manière dont nos ancêtres s'occupaient des morts. Dans notre nouvelle étude, <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03457-8">publiée dans Nature</a>, nous décrivons la sépulture d'un enfant âgé de 2 ans et demi à 3 ans, qu'on a surnommé Mtoto (mot swahili pour «enfant»), découverte dans le site archéologique de <a href="https://www.shh.mpg.de/1466873/miller-panga-ya-saidi-cave">Panga ya Saidi</a>, au Kenya. Il s'agit de la plus ancienne sépulture d'Homo sapiens jamais trouvée en Afrique.</p>
<p>Les fouilles ont commencé en 2010. Jusqu'à présent, elles ont permis de conclure à une occupation humaine datant d'il y a 78 000 à il y a 500 ans, couvrant les périodes de l'âge de pierre moyen et de l'âge de pierre tardif de l'archéologie africaine. La sépulture de Mtoto se trouvait vers le fond du site de fouilles et a d'abord été remarquée parce qu'elle contenait des sédiments d'une couleur différente de ceux qui l'entouraient.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image d'une grotte" src="https://images.theconversation.com/files/398880/original/file-20210505-13-frsx4j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398880/original/file-20210505-13-frsx4j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398880/original/file-20210505-13-frsx4j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398880/original/file-20210505-13-frsx4j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398880/original/file-20210505-13-frsx4j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398880/original/file-20210505-13-frsx4j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398880/original/file-20210505-13-frsx4j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Site de la grotte de Panga ya Saidi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mohammad Javad Shoaee</span></span>
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</figure>
<p>L'examen initial a révélé des os très dégradés. Nous avons rapidement constaté que le matériel était si fragile que les techniques d'excavation habituelles ne convenaient pas. Nous avons donc décidé de récupérer la tombe dans son bloc de sédiments et de l'envoyer au <a href="https://www.cenieh.es/en">Centre national de recherche sur l'évolution humaine</a> (CENIEH) à Burgos, en Espagne.</p>
<p>Plusieurs mois de fouilles minutieuses en laboratoire ont permis de découvrir Mtoto, couché sur le côté droit et les genoux ramenés contre la poitrine. Le squelette était relativement intact, ce qui, avec l'analyse détaillée des sédiments qui entouraient le corps, indique que celui-ci s'est décomposé dans une tombe remplie. Le déplacement de certains os laisse penser que la partie supérieure du corps de Mtoto pourrait avoir été enveloppée dans un matériau périssable, sans doute de la peau ou un tissu végétal, ou que la tombe a été densément remplie de sédiments pendant l'enterrement.</p>
<p>Des éléments semblent aussi démontrer que la tête de Mtoto aurait été soutenue par des matériaux périssables dans la tombe. Elle était tournée par rapport au corps, un phénomène courant lorsque les oreillers laissent un vide en se décomposant. Il est évident que Mtoto a été installé avec soins dans une tombe, probablement avec le haut du corps enveloppé et la tête déposée sur un coussin. Tout porte à croire que le corps de Mtoto a été enterré intentionnellement, avec une forme de participation de la communauté ou de rite funéraire. Le corps n'a certainement pas été abandonné ou enseveli accidentellement par des processus géologiques tels qu'une inondation.</p>
<h2>Un cas unique ?</h2>
<p>Qu'est-ce que cela peut nous apprendre sur nos ancêtres ? En Eurasie, les Homo Sapiens et les Néandertaliens enterraient couramment leurs morts dans des sites résidentiels depuis au moins 120 000 ans. Pourquoi l'inhumation la plus ancienne trouvée en Afrique s'est-elle produite si tard, compte tenu de la place centrale qu'occupe ce continent dans l'émergence du <a href="https://theconversation.com/what-excavated-beads-tell-us-about-the-when-and-where-of-human-evolution-53695">«comportement humain moderne»</a> ? Une des hypothèses est qu'il y a plus de 78 000 ans, les populations africaines traitaient leurs morts d'une manière différente.</p>
<p>Il semble que les populations africaines plus anciennes retiraient la chair de certaines parties importantes du corps, notamment du crâne, pour n'en conserver que les os. Ce processus se nomme excarnation. Des marques d'incisions et de polissage sur trois crânes vieux de 150 000 ans <a href="https://www.nature.com/articles/nature01670">découverts à Herto, en Éthiopie</a>, confirment cette hypothèse. Il est possible que ce traitement particulier des morts ait été associé à la perte ou au deuil.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image de l'excavation de la tranchée" src="https://images.theconversation.com/files/398881/original/file-20210505-13-un9bz4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398881/original/file-20210505-13-un9bz4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398881/original/file-20210505-13-un9bz4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398881/original/file-20210505-13-un9bz4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398881/original/file-20210505-13-un9bz4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398881/original/file-20210505-13-un9bz4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398881/original/file-20210505-13-un9bz4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La sépulture humaine a été trouvée au fond de cette tranchée excavée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mohammad Javad Shoaee</span></span>
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</figure>
<p>Il se peut également que nous ne cherchions pas au bon endroit les anciens vestiges humains. La plupart des fouilles archéologiques ont lieu sur des sites résidentiels. Si les cultures plus anciennes se débarrassaient des corps à l'extérieur de ces zones, les archéologues risquent de ne pas les trouver. Les corps pourraient avoir été déposés dans des endroits naturels tels que des fissures ou des creux dans des grottes, une pratique connue sous le nom de <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9780203813300-10/funerary-caching-earliest-burials-early-homo-sapiens-paul-pettitt">«mise en cache funéraire»</a>.</p>
<p>La signification culturelle précise de la mise en cache funéraire n'est pas claire, mais la pratique semble être très ancienne. Une grande concentration d'ossements d'homininés datant d'il y a 430 000 ans a été découverte à la <a href="https://theconversation.com/chew-on-this-neanderthal-jaws-evolved-before-brains-28190">Sima de los Huesos</a> (le gouffre aux ossements) à Atapuerca, en Espagne.</p>
<p>Avant la découverte de Mtoto, les plus anciennes sépultures africaines connues étaient celles de <a href="https://www.discovermagazine.com/planet-earth/the-ancient-tomb-of-a-young-child">Taramsa, en Égypte</a> (datant d'il y a 69 000 ans) et de <a href="https://www.liberation.fr/sciences/2020/01/02/la-capacite-d-homo-sapiens-a-transformer-la-nourriture-en-un-fait-social-a-fait-la-difference_1771543/">Border Cave, en Afrique du Sud</a> (datant d'il y a 74 000 ans). L'enfant de Taramsa a été trouvé dans une fosse, initialement creusée pour extraire de la roche afin de fabriquer des outils en pierre. Ce site pourrait être considéré comme un exemple tardif de mise en cache funéraire. Le bébé de Border Cave a été exhumé en 1941 et, contrairement à Mtoto, on n'a aucune information dans ce cas sur la position des restes. Il est donc impossible de conclure que ce qui a été découvert à Border Cave est une sépulture.</p>
<p>Mais, prises dans leur ensemble, les découvertes pourraient suggérer que les pratiques funéraires africaines ont changé au fil du temps. Il pourrait y avoir eu un passage, quelque part entre il y a 150 000 et il y a 80 000 ans, de l'excarnation observée à Herto à la mise en cache et aux inhumations de Panga ya Saidi, Taramsa et Border Cave. Il est également frappant de constater que tous ces sites contiennent des individus jeunes. Peut-être que les corps des enfants faisaient l'objet d'un traitement particulier à cette époque ancienne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160434/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Armitage est financé par le Conseil de la recherche de Norvège, par l'intermédiaire de son programme de financement des centres d'excellence, le Centre SFF pour le comportement précoce des Sapiens (SapienCE), numéro de projet 262618.
</span></em></p>Les enterrements semblent avoir été peu fréquents en Afrique il y a environ 80 000 ans, alors qu'ils étaient répandus en Eurasie.Simon Armitage, Professor in Quaternary Science, Royal Holloway University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1533522021-01-26T20:38:26Z2021-01-26T20:38:26ZSur Terre, la masse de l’artificiel égale désormais la masse du vivant<p>Des chercheurs du Weizmann Institute of Science (Israël) ont publié, le 9 décembre 2020, une étude scientifique <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-3010-5">dans la revue <em>Nature</em></a> intitulée « La masse mondiale produite par l’homme dépasse toute la biomasse vivante ». Dès le résumé, une phrase situe clairement le propos :</p>
<blockquote>
<p>« Nous constatons que la Terre se trouve exactement à un point de croisement. En 2020, la masse anthropogénique, qui a récemment doublé tous les 20 ans environ, dépassera toute la biomasse vivante mondiale. »</p>
</blockquote>
<p>La masse de l’ensemble des objets solides inanimés fabriqués par l’homme est désormais supérieure à celle du vivant. Ce résultat résonne comme une caractérisation quantitative et symbolique de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/anthropocene-25399">l’Anthropocène</a>.</p>
<p>Deux remarques arrivent immédiatement à la lecture. D’abord, en regardant l’environnement proche d’une bonne partie de la planète, ce constat n’est pas si surprenant. Il y a sur Terre plus de 1 milliard de véhicules, plusieurs milliards de smartphones, ordinateurs et tablettes, des constructions et des routes absolument partout, sans parler de la masse colossale de vêtements… 7 milliards d’humains, massivement équipés, contre 3000 milliards d’arbres sans aucune possession. Peu étonnant donc, mais l’avoir chiffré scientifiquement constitue un violent signal d’alarme.</p>
<p>Les auteurs le soulignent : « Cette quantification à partir de sa masse, de l’entreprise humaine donne une caractérisation quantitative et symbolique de l’époque de l’Anthropocène induite par l’homme ».</p>
<p>« Quantitative » car si la communauté scientifique ne semble pas heurtée par ce résultat, c’est un tour de force d’être parvenu à l’établir et à le rendre robuste après des années de recherche. « Symbolique » car peser la présence de l’homme sur la planète à travers ses traces, ses productions et ses déchets, a le même effet que de se peser soi-même : faire face à un chiffre précis et incontournable, sans négociation possible.</p>
<p>L’éducation scientifique consiste en partie à apprendre à gérer collectivement des réalités incontournables, construites sur des faits établis. « La grande tragédie de la science », écrivait le biologiste Thomas Huxley au XIX<sup>e</sup> siècle, c’est « le massacre d’une magnifique hypothèse par un fait minable ».</p>
<h2>Sous nos yeux, un basculement</h2>
<p>La comparaison entre ces deux masses, celle du vivant et celle de nos objets, alerte sur la domination grandissante des humains sur la planète. Mais analyser l’importance de la masse dans cette comparaison « artificiel inerte » et vivant n’est peut-être pas si simple. La masse n’est pas tout : au poids, l’ensemble de tous les virus de la Covid dans tous les corps humains de la planète, reste quantité négligeable. Le SARS-CoV-2 ne se caractérise ni par sa masse, ni d’ailleurs par son énergie, les deux sont ridicules : il a pourtant des conséquences majeures.</p>
<p>Cette étude vient néanmoins nous mettre sous le nez un basculement. Depuis des décennies, des ouvrages démontent la vision d’une planète Terre dont les ressources et les espaces infinis permettraient d’accueillir et de diluer sans dommage toutes les pollutions. Cette conception a sans doute connu son apogée avec l’explosion atmosphérique des mégabombes nucléaires au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Il n’y a encore que quelques décennies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-la-notion-de-limites-planetaires-145227">Comprendre la notion de « limites planétaires »</a>
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<p>L’évolution décrite par cette étude vient s’ajouter à la liste des changements majeurs induits par les bouleversements environnementaux pour révéler que nous sommes entrés dans un autre monde, celui de l’Anthropocène.</p>
<p>Comme le soulignent les chercheurs britanniques Jan Zalasiewicz et Mark Williams, dans leur article publié sur le sujet en <a href="https://theconversation.com/anthropocene-human-made-materials-now-weigh-as-much-as-all-living-biomass-say-scientists-151721">décembre dernier</a> sur The Conversation, « le scénario de science-fiction d’une planète artificielle est déjà là ».</p>
<p>Courante dans le cinéma et la littérature de science-fiction, cette vision d’une planète dévorée par l’humain sous-tend en effet de nombreux chefs-d’œuvre. Elle prend la forme de Trantor dans <em>Fondation</em> de Isaac Asimov, l’Étoile de la mort dans <em>Star Wars</em>, Alpha dans l’adaptation de <em>L’Empire des mille planètes</em> chez Luc Besson. Dans une analyse vidéo glaçante du film <em>Soleil vert</em> de Richard Fleischer pour Arte en 2017, l’artiste Dominique Gonzalez-Foerster nous disait sa souffrance devant cette idée.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Soleil vert » par Dominique Gonzalez-Foerster dans l’émission « Blow up ». (ARTE/Youtube, 2015)</span></figcaption>
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<h2>L’humanité, indissociable de la biosphère</h2>
<p>Le monde de nos constructions et de nos productions ne génère pas de vie. Il est hors de la biosphère. À l’inverse, les arbres se nourrissent eux d’énergie lumineuse, d’eau et de minéraux. Le végétal produit du vivant à partir de l’inerte, et est à l’origine des chaînes alimentaires dont nous dépendons. À ce jour, nous mangeons encore du vivant pour rester vivants et avoir des enfants, nous plantons dans le sol et nous élevons du bétail.</p>
<p>Pour le reste, bien des productions artificielles nourrissent d’abord notre désir infini, comme le souligne l’économiste Daniel Cohen dans son ouvrage <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/le-monde-est-clos-et-le-desir-infini-9782226316745"><em>Le Monde est clos et le désir infini</em></a>.</p>
<p>Le philosophe Baptiste Morizot considère quant à lui dans <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/sciences-humaines-et-sociales-sciences/manieres-detre-vivant"><em>Manières d’être vivant</em></a> que, parmi les 10 millions d’espèces vivantes, la nôtre a fait sécession et s’est prise à considérer les autres comme une ressource. Malgré nos efforts dans ce sens, nous ne parvenons pourtant pas à nous émanciper du vivant. La Covid en est la preuve. Nous appartiendrons toujours à la biosphère, qui continuera de s’inviter sans notre permission dans notre monde artificiel.</p>
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<figcaption><span class="caption">Baptiste Morizot à l’émission « 28 minutes ». (Arte/Youtube, février 2020).</span></figcaption>
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<h2>Donald Trump et la Covid, effet boomerang</h2>
<p>Les bactéries et les virus à l’origine des pandémies évoluent rapidement au niveau moléculaire, et nous scrutons impuissants leurs mutations, incapables de contrôler l’immense complexité du vivant.</p>
<p>Nous nous sommes efforcés de contrôler massivement le vivant dans des situations simplifiées, dans le cadre de l’agriculture et de l’élevage intensifs et industriels, construits sur la chimie et la technologie. Mais dans le même temps, nous savons que les pollinisateurs indispensables sont détruits par notre activité même. Certains rêvent pourtant toujours de ce contrôle du vivant comme futur de l’humanité : manipuler le vivant à grande échelle et dans tous ces détails, donc jusqu’à l’échelle moléculaire, pour en faire véritablement une ressource, ce qui rendrait de facto la biosphère cosmétique…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1347303399700762625"}"></div></p>
<p>Le retour au réel forcé par le vivant fut probablement la plus grande surprise de Donald Trump, qui fait partie de ces rêveurs. Il n’avait probablement jamais vécu une opposition d’une telle violence à sa volonté. Bien sûr, il n’y a aucune intention chez un virus. Seulement des réactions chimiques entre le virus et le corps de Donald Trump. Ce dernier fait partie des hommes qui ont l’accès le plus facile à la puissance humaine matérielle, caractérisée aussi par une consommation mondiale d’énergies essentiellement fossiles inouïe, de plus de <a href="https://ourworldindata.org/energy">150 000 TWh par an</a>.</p>
<p>Cela n’a pas suffi face à ce virus, au contraire. Donald Trump n’ayant pas cru les scientifiques, l’épidémie l’a laissé désemparé. L’attitude imperturbable d’Anthony Fauci – le conseiller de la présidence américaine sur la pandémie de Covid-19 – en scientifique impeccable l’a souligné : des jeux de pouvoir et d’influence dans le monde humain n’ont pas suffi car la partie se jouait dans la biosphère.</p>
<h2>Accélération exponentielle</h2>
<p>Nous disposons désormais de l’essentiel de la connaissance établie et nécessaire pour envisager l’avenir. Reprenant <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-3010-5">l’étude israélienne</a> publiée dans <em>Nature</em>, Jan Zalasiewicz et Mark Williams <a href="https://theconversation.com/anthropocene-human-made-materials-now-weigh-as-much-as-all-living-biomass-say-scientists-151721">soulignent encore dans leur article</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Au cours des vingt dernières années, la masse anthropogénique a encore doublé pour être équivalente, cette année, à la masse de tous les êtres vivants. Dans les années à venir, le monde vivant sera largement dépassé – cette masse sera multipliée par trois d’ici 2040 si les tendances actuelles se maintiennent. »_</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1079523907529572353"}"></div></p>
<p>Cette publication dans la prestigieuse revue <em>Nature</em>, tout comme les études sur le climat et l’évolution de la biosphère, le montrent bien : cet emballement artificiel ira assez vite à l’échelle des générations humaines. Il n’y aura a priori pas de grande surprise, en tout cas du côté des bonnes nouvelles. Les travaux scientifiques vont certainement s’intensifier encore sous la pression croissante des conséquences : toujours plus de canicules devenant insupportables, de tempêtes toujours plus violentes, de pandémies tueuses, de mégafeux dévastateurs, de pénuries d’eau, et d’appauvrissement dramatique du vivant…</p>
<p>La Covid nous a confrontés à la brutalité des croissances exponentielles. Celle de la masse anthropogénique en est une autre. Les matériels produits presque à l’infini ont commencé à croître violemment après la Seconde Guerre mondiale, avec les premiers « boomers », la génération de mes parents.</p>
<p>Voitures, avions, machines domestiques, outils numériques ont envahi le monde à une vitesse incroyable. Et cette progression se poursuit, à un rythme proprement insoutenable pour les générations futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153352/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cauchemar d’une planète artificielle n’est plus un scénario de science-fiction.Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1397292020-06-04T14:26:46Z2020-06-04T14:26:46ZVoici pourquoi nous avons tant besoin les uns des autres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338945/original/file-20200601-95024-186y6vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C1920%2C997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En ce temps de crise, il faut se rappeler que nous avons besoin des autres dans notre vie car le besoin social est fondamental.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixaday</span></span></figcaption></figure><p>La crise que nous traversons réorganise fondamentalement nos rapports avec notre famille, nos collègues de travail ou nos amis. Cette question de la socialisation en temps de confinement a été abordée à maintes reprises depuis le début de la pandémie. Nous avons constaté que les technologies comme Zoom, Skype ou FaceTime <a href="https://theconversation.com/pourquoi-facetime-ne-peut-remplacer-les-rencontres-en-personne-137560?fbclid=IwAR1a9n9z2-zeBgxN2Uj-NIc1SnkEJt-FOgduBHIj_asEttOu_HXVyX9Rdo4">ne remplaceront jamais les vrais contacts humains</a> et qu’il est essentiel de <a href="https://theconversation.com/distanciation-physique-oui-sociale-non-voici-comment-renforcer-les-liens-durant-la-pandemie-136124?fbclid=IwAR2mqEQ0-mbkgyA7exSlr-26VN_vlsJoLKg5h0fd-ZGBHU2gh1krpa8v2lg">maintenir des liens sociaux</a> en dépit des règles de distanciation.</p>
<p>À la lumière de ces constatations, une autre question se pose. Pourquoi l’être humain ne peut pas se passer socialement des autres ? La réponse est simple : il s’agit d’un besoin fondamental.</p>
<p>Avec des collègues de l’Université Laval, nous avons mené une <a href="https://www.researchgate.net/publication/333973783_Social_development_of_human_beings_Identification_and_justification_of_fundamental_concepts_for_the_social_dimension">vaste revue de littérature</a> sur la question et voici ce que nous avons appris.</p>
<h2>L’être humain est fondamentalement social</h2>
<p>De la naissance jusqu’à la mort, l’être humain a besoin des autres pour vivre, survivre, se développer et mourir. Notre mère nous donne naissance et notre conjoint ou nos proches nous accompagnent dans la mort ; entre les deux, notre vie est rythmée par les relations sociales que nous entretenons avec les autres.</p>
<p>Notre jeunesse est influencée par la qualité des relations avec nos parents et notre famille et par l’éducation que nous recevons. Elle est aussi influencée par l’environnement dans lequel nous évoluons. Les professeurs ou intervenants rencontrés à l’école ou dans des activités parascolaires nous influencent positivement ou négativement.</p>
<p>Nos amis nous permettent de nous divertir, de vivre des expériences enrichissantes, de partager des émotions et des souvenirs. De même, nos collègues de travail nous permettent d’évoluer, en nous servant d’exemple ou de contre-exemple. En bref, nous sommes le résultat d’un ensemble d’influences positives, négatives ou neutres que nous vivons tout au long de notre vie en relation avec les autres pour développer notre personnalité.</p>
<h2>Un besoin connu et reconnu</h2>
<p>Plusieurs théories peuvent expliquer pourquoi notre besoin de socialiser est si fondamental. L’une des plus connues est la hiérarchisation des besoins de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Motivation_and_Personality_(book)">Abraham Maslow, développée en 1943</a> et que nous représentons souvent sous la forme d’une pyramide.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/338614/original/file-20200529-78863-13dxiyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338614/original/file-20200529-78863-13dxiyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338614/original/file-20200529-78863-13dxiyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338614/original/file-20200529-78863-13dxiyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338614/original/file-20200529-78863-13dxiyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338614/original/file-20200529-78863-13dxiyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338614/original/file-20200529-78863-13dxiyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338614/original/file-20200529-78863-13dxiyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Maslow indiquait que les deux premiers niveaux (physiologique et de sécurité) sont liés à l’avoir et au contexte dans lequel on évolue. Les autres sont nécessaires pour satisfaire nos besoins de nourriture (parents, agriculteurs), d’un abri (famille) ou de sécurité (policiers, pompiers, médecins, État).</p>
<p>Sur un deuxième niveau, Maslow parlait de l’être et de besoins davantage psychologiques, soit le sentiment d’appartenance (auprès d’amis, d’une communauté, d’une famille), mais aussi le développement de l’estime de soi (faire partie d’un groupe, être utile dans la société). Ces besoins, encore une fois, nécessitent les autres pour se réaliser.</p>
<p>Erin Bronfenbrenner (<a href="https://books.google.ca/books?hl=en&lr=&id=OCmbzWka6xUC&oi=fnd&pg=PA3&dq=bronfenbrenner+1979&ots=yySVQ0WMd9&sig=Igt1aj7xLuTbTqLiz1AE6IL-ehQ&redir_esc=y#v=onepage&q=bronfenbrenner%201979&f=false">1979</a>) a tenté d’expliquer les influences sociales auxquelles l’être humain est exposé au cours de sa vie par un modèle « socio-écologique » composé de diverses strates.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/338615/original/file-20200529-78891-1oragex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338615/original/file-20200529-78891-1oragex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338615/original/file-20200529-78891-1oragex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338615/original/file-20200529-78891-1oragex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338615/original/file-20200529-78891-1oragex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338615/original/file-20200529-78891-1oragex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338615/original/file-20200529-78891-1oragex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338615/original/file-20200529-78891-1oragex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le modèle socio-écologique d’Erin Bronfenbrenner.</span>
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<p>De manière simplifiée, il faut comprendre qu’une personne est influencée toute sa vie (chronosystème) par ses caractéristiques personnelles (ontosystème), son milieu proche ou familial (microsystème), les institutions qu’elle visite comme les garderies ou l’école (mésosystème), la culture de sa communauté comme les traditions ou la langue ou encore les politiques qui s’appliquent dans son contexte (exosystème) et enfin la société dans son ensemble, avec ses valeurs et idéologies (macrosystème).</p>
<h2>Le bonheur est dans les relations sociales</h2>
<p>Une série <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8KkKuTCFvzI&t=136s">d’études</a> menées par des chercheurs de Harvard sur plus de 75 ans a révélé que les êtres humains qui sont heureux sont ceux qui entretiennent des relations sociales de qualité tout au long de leur vie. Ainsi, ce n’est pas la quantité d’amis que l’on a, mais bien la qualité des relations que l’on entretient avec eux qui est importante. Car celles-ci nous gardent en bonne santé physique et mentale. Si les bonnes relations avec la famille, les amis et notre communauté nous maintiennent en santé, la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0956797616661556?casa_token=UbZDWplC5m8AAAAA:wyFS0P--YhTnYoRKX-WPmNe-Q40raRSipSsKRXtzvKTrnXvi5R09uxhHlE2Z2AOHk9SDlHHuDp3JdA">solitude</a>, elle, nous tue.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8KkKuTCFvzI?wmode=transparent&start=136" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qu’est-ce qui rend heureux ? Des leçons tirées de la plus longue étude jamais réalisée sur le bonheur.</span></figcaption>
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<p>Les <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/44852887.pdf">recherches</a> permettent aussi de mieux comprendre ce qui amène les personnes à vivre seules et à <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/23093771.pdf">s’isoler</a>. Si certaines explications se trouvent dans les caractéristiques personnelles et individuelles, la majorité provient d’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/02568540409595025?casa_token=mc4QKIzhzygAAAAA:kyDMCV_H-VnVz2uCfPcpAwheQpf7Cj-14Z1WBSHZDLjTb5NxFN7BOtw3tt8DRAtisvwocYUTwXB3GPY">expériences émotionnelles négatives</a> qui ont tendance à s’accumuler. Ainsi, on ne naît pas seul, on devient seul.</p>
<h2>L’expression de ce besoin social</h2>
<p>L’être humain évolue dans trois types d’environnement qui renforcent l’expression de son besoin social : les environnements physique, culturel et humain.</p>
<p>L’environnement physique représente le lieu où l’on vit, la météo de notre région ou encore les services disponibles pour assurer nos besoins de base (épicerie, santé, eau courante). L’environnement culturel est l’ensemble des éléments spirituels, matériels, intellectuels et émotionnels qui conditionnent notre existence et qui rythment nos calendriers. Enfin, la famille et les pairs qui conditionnent nos valeurs, nos idéologies, mais aussi nos manières d’agir constituent notre environnement humain.</p>
<p>Notre <a href="http://end-educationconference.org/wp-content/uploads/2019/06/Education-and-New-Developments_2019_Vol_II.pdf">revue de littérature</a> a aussi révélé que six pôles influencent de manière majoritaire notre socialisation : l’éducation, les loisirs, le travail, l’économie, la politique et la justice. L’ensemble de ces pôles semble jouer un rôle privilégié pour conditionner notre qualité de vie et de développement. Étrangement, la santé n’est pas apparue dans notre analyse, mais il faudrait probablement la prendre en considération comme l’a révélé la crise actuelle.</p>
<p>Enfin, si l’autre fait intégralement partie de notre vie, nous avons aussi besoin de nos moments personnels pour nous ressourcer et déconnecter de la vie sociale.</p>
<h2>Comment combler son besoin social</h2>
<p>Nous proposons quatre trucs pour combler le besoin de socialiser en ces temps de pandémie, mais aussi pour être heureux dans la vie.</p>
<p>1) Miser sur des formes variées de <a href="https://theconversation.com/distanciation-physique-oui-sociale-non-voici-comment-renforcer-les-liens-durant-la-pandemie-136124?fbclid=IwAR2mqEQ0-mbkgyA7exSlr-26VN_vlsJoLKg5h0fd-ZGBHU2gh1krpa8v2lg">distanciation physique</a> et non sociale. Nous sommes des êtres sociaux et il nous est extrêmement difficile de vivre sans le contact des autres pour une grande période de temps.</p>
<p>2) Privilégier un usage raisonné et temporaire des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-facetime-ne-peut-remplacer-les-rencontres-en-personne-137560?fbclid=IwAR1a9n9z2-zeBgxN2Uj-NIc1SnkEJt-FOgduBHIj_asEttOu_HXVyX9Rdo4">technologies</a> car elles ne remplaceront jamais le besoin de se voir ou de se rencontrer réellement. Ceci est valable tant dans sa vie personnelle que dans sa vie académique ou professionnelle.</p>
<p>3) Conserver des occasions de se rencontrer pour renforcer son capital social, en se connectant avec des personnes proches, sa communauté ou son réseau social (<em>bonding</em>), en se connectant avec des personnes de réseaux différents ou plus éloignés (<em>bridging</em>) ou en se connectant avec les bonnes ressources et services des institutions, organisations ou autorités (<em>linking</em>).</p>
<p>4) Adapter son savoir-faire et son expertise en fonction des nouvelles prérogatives. La Direction nationale de santé publique ne nous donne que des recommandations et des directives pour poursuivre nos activités. Il importe donc à tous les professionnels de s’adapter selon leur champ de compétences, en respectant au maximum ces nouvelles lignes de conduite, sans oublier qu’un être humain doit aussi être en relation sociale pour être heureux.</p>
<p>5) Aucun <a href="https://theconversation.com/deconfinement-il-ny-a-pas-de-solution-parfaite-139426">modèle de réponse</a> n’est parfait, mais nous avons la capacité par le language d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=yqc9zX04DXs">apprendre des autres</a> et de nous adapter constamment pour nous améliorer. Il est temps d’être solidaires et de compter sur les autres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338942/original/file-20200601-95065-ckls4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C0%2C4896%2C3261&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338942/original/file-20200601-95065-ckls4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338942/original/file-20200601-95065-ckls4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338942/original/file-20200601-95065-ckls4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338942/original/file-20200601-95065-ckls4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338942/original/file-20200601-95065-ckls4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338942/original/file-20200601-95065-ckls4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nous sommes des animaux sociaux et il nous est extrêmement difficile de vivre sans le contact des autres pour une grande période de temps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Enfin, ne pas oublier que <a href="https://theconversation.com/la-covid-19-creuse-les-inegalites-daujourdhui-mais-aussi-celles-de-demain-138288">certains</a> souffrent parfois mortellement d’isolement en cette <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/05/19/covid-19--ni-plus-ni-moins-on-va-sacrifier-une-generation">période particulière</a> et que possiblement que des <a href="https://theconversation.com/ados-en-confinement-entre-detresse-et-soulagement-138890">générations</a> entières risquent d’être affectées à long terme par cette crise.</p>
<p>Un célèbre proverbe africain dit qu’« <a href="https://www.ledevoir.com/societe/527259/il-faut-tout-un-village-pour-elever-un-enfant">il faut tout un village pour élever un enfant</a> ». Malgré la pandémie, il ne faudrait pas l’oublier…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139729/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tegwen Gadais ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En ces temps de crise, il faut se rappeler que nous avons besoin des autres dans notre vie, car il s'agit d'un besoin social fondamental.Tegwen Gadais, Professor, Département des sciences de l'activité physique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1287082019-12-11T19:00:06Z2019-12-11T19:00:06ZLa parole ne serait pas apparue avec Homo sapiens, et ce sont les singes qui nous le disent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/306340/original/file-20191211-95138-oiguxk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C4905%2C3260&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Puisqu'on vous dit que vous avez tort. »</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Z05GiksmqYU">Jamie Haughton/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec sept collègues chercheurs, nous venons de réaliser un travail inédit : <a href="https://advances.sciencemag.org/content/5/12/eaaw3916">une revue de question pluridisciplinaire publiée dans <em>Science Advances</em></a>, présentant les 50 dernières années de recherche et de controverses concernant la capacité des singes à produire des vocalisations comparables à des voyelles, avec une question en point d’orgue : depuis quand nos ancêtres ont-ils commencé à utiliser leur conduit vocal pour parler ?</p>
<p>Parmi tous les primates, les humains sont les seuls à posséder un système de communication qui, en combinant un petit nombre d’unités sonores (les voyelles et les consonnes), permet de générer une infinité d’énoncés porteurs de sens. Pour cerner l’émergence de cet <em>Homo sapiens</em>, les fossiles permettent de dater approximativement son existence à quelques 200 000 ans ; mais, pour la parole, on ne dispose pas, hélas, d’enregistrements de cette l’époque. Depuis peu, l’analyse des vocalisations des singes permet de déceler les prémices de l’émergence de la communication grâce à un répertoire de sons et de faire de nouvelles hypothèses.</p>
<h2>Des singes qui n’arrivent pas à parler</h2>
<p>Les chimpanzés qui sont proches de nous dans l’arbre de l’évolution peuvent-ils apprendre à parler ? Pour répondre à cette question, des couples de chercheurs américains ont imaginé le protocole du chimpanzé élevé à la maison, comme et avec leur bébé du même âge.</p>
<p>En 1933, Gua, élevée avec et comme Donald, l’enfant de la <a href="http://s-f-walker.org.uk/pubsebooks/pdfs/The-Ape-and-the-Child--Kelloggs.pdf">famille Kellog</a>, n’arrive pas à produire un seul mot après neuf mois de bain linguistique. <a href="https://psycnet.apa.org/record/1953-04901-001">En 1952 le couple Hayes</a> élève Viki avec et comme leur bébé. Elle est plus loquace que Gua : elle babille, mais peu, puis s’arrête à cinq mois et n’arrivera finalement à prononcer approximativement que cinq mots – <em>papa</em>, <em>mama</em>, <em>cup</em>, <em>up</em>, <em>tea</em> – sans toujours les utiliser à bon escient, et sans arriver à les assembler en une phrase.</p>
<h2>Un verrou anatomique ?</h2>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/4976883">À partir de 1969</a>, dans une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/5005941">série d’articles</a>, un chercheur américain <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/4177625.pdf">Philip Lieberman</a> a proposé, avec la théorie de la descente du larynx, une raison anatomique simple pour expliquer cet échec. En comparant le conduit vocal de l’humain à celui des singes, il fait remarquer que, par rapport à leur bouche, ces derniers ont un petit pharynx, lié à la position haute de leur larynx. Au cours de l’évolution, le larynx de l’homme moderne est descendu (par rapport à la colonne vertébrale) alors que celui du singe est resté haut perché, ce qui l’empêcherait de produire des sons de parole différenciés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306279/original/file-20191211-95138-1ut9x4e.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306279/original/file-20191211-95138-1ut9x4e.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306279/original/file-20191211-95138-1ut9x4e.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306279/original/file-20191211-95138-1ut9x4e.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306279/original/file-20191211-95138-1ut9x4e.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306279/original/file-20191211-95138-1ut9x4e.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306279/original/file-20191211-95138-1ut9x4e.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Position comparée du larynx chez le singe et chez l’humain.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Sans un grand pharynx les singes ne pourraient pas produire les trois voyelles <em>/i a u/</em> comme dans les mots fi, fa, fou qui sont les trois voyelles les plus différenciées, présentes dans la quasi-totalité des langues du monde. En fait cette théorie ne résiste pas à l’analyse que l’on peut faire à la lumière des connaissances actuelles sur la production de la parole.</p>
<h2>Comment produit-on des voyelles ?</h2>
<p>La production de la parole recrute tout un ensemble anatomique qui sert d’abord à assurer les fonctions vitales : respirer, téter, sucer, mastiquer et avaler (sans s’étouffer en fermant nos cordes vocales). Au cours de l’évolution, ces parties du corps ont été détournées, tout en les conservant intactes, pour jouer de l’instrument vocal.</p>
<p>Les sons de la parole sont produits par la vibration des cordes vocales qui sont au bas du pharynx, ce signal source est modifié par la forme du conduit vocal et émis au niveau des lèvres. En fait ce ne sont pas les cavités anatomiques invoquées par Philip Lieberman (bouche et pharynx) qui sont à relier avec la production des voyelles, c’est la forme globale du conduit vocal. Celle-ci est déterminée, pour l’essentiel, par la position de la langue, de la mandibule et des lèvres grâce à un contrôle précis au niveau des zones marquées par un point bleu dans la figure ci-dessous, c’est-à-dire le rétrécissement dans le conduit vocal et l’ouverture aux lèvres.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/306280/original/file-20191211-95125-8qopcl.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306280/original/file-20191211-95125-8qopcl.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306280/original/file-20191211-95125-8qopcl.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306280/original/file-20191211-95125-8qopcl.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306280/original/file-20191211-95125-8qopcl.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306280/original/file-20191211-95125-8qopcl.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306280/original/file-20191211-95125-8qopcl.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306280/original/file-20191211-95125-8qopcl.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les différents sons en fonction de la position du conduit vocal et des lèvres.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<p>L’analyse acoustique des sons de parole permet de représenter les voyelles comme un triangle, avec <em>/i a u/</em> à ses extrémités : ce sont les voyelles les plus éloignées les unes des autres (d’un point de vue acoustique, perceptif et d’opposition des positions du conduit voval et des lèvres). Les autres voyelles sont disposées sur les bords du triangle et aussi l’intérieur quand il y en plus de sept.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/306281/original/file-20191211-95135-1hmrkkm.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306281/original/file-20191211-95135-1hmrkkm.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306281/original/file-20191211-95135-1hmrkkm.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306281/original/file-20191211-95135-1hmrkkm.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306281/original/file-20191211-95135-1hmrkkm.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306281/original/file-20191211-95135-1hmrkkm.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306281/original/file-20191211-95135-1hmrkkm.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306281/original/file-20191211-95135-1hmrkkm.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Représentation des différentes voyelles.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les vocalisations des singes : des fossiles audio ?</h2>
<p>Le crâne des fossiles des singes <a href="https://journals.plos.org/plosone/article/figure?id=10.1371/journal.pone.0133361.t001">n’a pratiquement pas évolué</a> depuis plusieurs millions d’années. Les vocalisations des singes actuels seraient donc en quelque sorte des vocalisations fossiles. Ce sont de bons candidats pour tenter de comprendre comment elles ont pu se transformer en un système de parole.</p>
<p>On peut raisonnablement faire l’hypothèse qu’un système de communication, à l’aide de vocalisations, s’est mis en place au cours des 20 millions d’années d’évolution qui nous séparent des ancêtres communs que nous partageons avec les singes.</p>
<p>Des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0169321">publications</a> <a href="https://advances.sciencemag.org/content/2/12/e1600723">récentes</a> ont fait la preuve que les singes ont un système de communication qui associent des vocalisations différenciées à des situations éthologiques différentes. L’analyse de ces vocalisations est délicate car les babouins font vibrer leurs cordes vocales dans une gamme de fréquences beaucoup plus grande que celle des hommes, des femmes et même des enfants ; d’autre part leur conduit vocal est plus court. Il est très difficile à la simple écoute de comparer ces vocalisations à des sons humains.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le cri « wahoo » d’un babouin (Katherine Kenneth).</span></figcaption>
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<p>Seule l’analyse acoustique avec un traitement de normalisation peut révéler de quelles voyelles ces sons sont proches. Nos résultats montrent que les vocalisations des différents « cris » appelés par les primatologues <em>grunts</em> (grognements), <em>copulation calls</em> (appels à copulation), <em>wahoo</em> (décomposé en wa- et -hoo), <em>yak</em> (sorte de caquetage) et <em>bark</em> (sorte d’aboiement) se répartissent dans l’espace des voyelles entre <em>/i a u/</em> : leur conduit vocal a bien été modifié pour générer des sons correspondant à des voyelles différentes dans des situations différentes, cela malgré un larynx en position haute, ce qui invalide la théorie de la descente du larynx.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306282/original/file-20191211-95159-1pesngi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306282/original/file-20191211-95159-1pesngi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306282/original/file-20191211-95159-1pesngi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306282/original/file-20191211-95159-1pesngi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306282/original/file-20191211-95159-1pesngi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306282/original/file-20191211-95159-1pesngi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306282/original/file-20191211-95159-1pesngi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vocalisation de chimpanzés.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Pourquoi 50 ans de controverses ?</h2>
<p>D’abord, la théorie de Philip Lieberman est tombée à pic pour proposer une explication à l’échec du protocole du chimpanzé élevé à la maison. Les primatologues ont, dans leur très grande majorité, adopté la théorie. Elle s’est propagée aussi dans le milieu des anthropologues dans la mesure où au début des années 1970, Neandertal était encore considéré comme un rustre qui ne pouvait pas être doué de parole. Alors que maintenant ses capacités cognitives ont été réévaluées sans qu’on ait fait vraiment la preuve qu’il pouvait échanger par la parole avec son cousin et sa cousine <em>Homo sapiens</em>.</p>
<p>À cette époque aussi, les vocalisations des bébés, très difficiles à analyser acoustiquement, n’étaient pas bien connues. Pour pouvoir mettre en défaut cette théorie, il fallait réunir plusieurs équipes pluridisciplinaires, couvrant tous les domaines auxquels elle faisait appel (pour le moins : sciences de la parole, primatologie, anthropologie physique, anatomie, modélisation du conduit vocal), domaines de la recherche qui restent encore très cloisonnés.</p>
<p>Avec le recul, cette théorie peut être considérée comme un cas d’école de la <a href="https://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1996_num_14_77_3744">contagion des idées</a>, étudiée par des spécialistes de la représentation mentale.</p>
<p>Il reste maintenant à relancer les études sur la production vocale des singes qui manifestement ont encore beaucoup à nous apprendre sur l’émergence de la parole et <a href="https://www.college-de-france.fr/media/stanislas-dehaene/UPL6632272713346942166_dehaene___Se__minaire_M._DEHAENE_17_18.pdf">l’évolution des capacités cognitives</a>.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs on aussi écrit une <a href="https://theconversation.com/examining-how-primates-make-vowel-sounds-pushes-timeline-for-speech-evolution-back-by-27-million-years-128514">version de cet article en anglais</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128708/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis plus de 50 ans, on pensait que les singes n'étaient pas capables de parler à cause d'une différence anatomique au niveau de la gorge. Les études récentes prouvent que cette théorie est fausse.Louis-Jean Boë, Chercheur en Sciences de la parole au GIPSA-lab (CNRS), Université Grenoble Alpes (UGA)Thomas R. Sawallis, Visiting Scholar in New College, University of AlabamaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1239762019-09-22T17:57:13Z2019-09-22T17:57:13ZBonnes feuilles : Comment les aurochs et les chevaux sauvages ont disparu du continent européen<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293462/original/file-20190922-135078-hvjaaa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C25%2C2816%2C1555&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bison bonasus, dans la réserve de Silviuti-Hateg.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/energeticspell/3504395270/in/photolist-6kEWC7-a5RVWK-VV7bZb-ezy6Wd-ezuW96-91NRLU-o3uNg9-7JnEkY-9vXwv8-5TA5cW-Ux9eBc-ewNgZ-a5UXtE-7JnHs1-a5RsJR-jv2ZM-5PqogK-RCNxYW-RCNxyh-Yu9V25-SkZQcJ-YvKy9o-LG8GaP-j74nti-eakFgx-dpstKR-bFa2tN-a5Qzfn-dpsDzJ-dpstZH-cbcjF5-dpsv2R-cnJaCN-Jxddav-54k6Kp-54pmds-ezy7cE-G9dYb-acUEVU-54pm8A-54k82a-54pk53-54k7qF-VrJkYQ-54pkkh-24T52aC-JuasGm-54k7C4-KF12CY-fPETMe">Cinty Ionescu</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions ici le chapitre « Le calme avant la tempête » tiré du livre de Tim Flannery, « Le supercontinent. Une histoire naturelle de l’Europe », à paraître le 25 septembre 2019 chez Flammarion.</em></p>
<hr>
<p>Après la mort du dernier bœuf musqué européen, survenue dans ce qui est aujourd’hui la Suède, il y a environ 9 000 ans, il faut attendre le XVII<sup>e</sup> siècle avant que le continent européen ne perde une autre de ses espèces. Étant donné les changements en œuvre dans les sociétés humaines, ce laps de temps entre deux extinctions est tout ce qu’il y a de plus extraordinaire : la population humaine de l’Europe s’est en effet multipliée par cent, les Européens sont passés de la chasse et la cueillette à l’agriculture, ils ont inventé des outils en bronze et en fer et leur organisation sociale est passée du niveau clanique à celui de l’Empire romain.</p>
<h2>Extinction, dernier acte</h2>
<p>L’extinction n’est que le dernier acte d’un processus habituellement long. Pendant tout ce temps, les grands mammifères d’Europe ont continué à subir la pression incessante et croissante de la chasse et de la concurrence du bétail domestique. Au fil des millénaires, leur distribution s’est restreinte, se limitant aux zones défavorables à l’occupation humaine, et peut-être aux régions frontalières entre tribus. Lorsque la vague d’extinctions s’abat au milieu du XVII<sup>e</sup> siècle, elle prend rapidement de l’ampleur, balayant les derniers survivants groupe après groupe. Comme dans le cas des extinctions précédentes, elle affecte de façon disproportionnée les espèces les plus grandes, mais elle est si grave que même le castor eurasien, qui vivait autrefois dans les cours d’eau et les lacs de la Grande-Bretagne à la Chine, est pratiquement exterminé ; au début du XX<sup>e</sup> siècle, il ne reste que 1 200 spécimens vivants dans le monde. Les chiffres démontrent clairement que la cause de ces disparitions est une population humaine de plus en plus dense et dangereuse.</p>
<p>En 200 de notre ère, la population de l’Empire romain (qui couvre alors une grande partie de l’Europe, ainsi que certaines régions d’Afrique du Nord) est d’environ 50 millions d’habitants, soit cent fois plus que la population de l’Europe 11 000 ans auparavant. Il est important de noter qu’à l’époque romaine, entre 85 et 90 % de la population habite en dehors des villes, survivant grâce à ce qu’elle peut faire pousser ou attraper. Entre 200 et 1700, la population de l’Europe double pratiquement, atteignant environ 100 millions, mais le pourcentage de personnes vivant hors des villes reste similaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Empire romain en 200 avant J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Roman-Empire_200bc.jpg">Thomas Lessman/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au cours des deux siècles suivants, entre 1700 et 1900, la population de l’Europe quadruple pour atteindre 400 millions d’habitants. Pourtant, à l’exception de la Grande-Bretagne industrialisée (où la proportion de la population vivant en dehors des villes tombe à environ 75 %), 90 % des Européens vivent encore en dehors des villes. Dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, presque toutes les terres disponibles, à l’exception partielle des réserves de chasse royale, sont exploitées et doivent fournir un rendement. En Europe méditerranéenne, des centaines de millions de moutons et de chèvres parcourent les montagnes, consommant toutes sortes de végétation. Les collines et les montagnes, autant que possible, sont aménagées en terrasses pour la culture.</p>
<p>Un facteur important empêche cette grande expansion humaine de détruire encore plus d’espèces qu’elle ne l’a fait. Il dérive d’une attitude européenne particulière à l’égard de la chasse. À l’époque romaine, la chasse est principalement l’affaire des domestiques et des esclaves. Mais au Moyen Âge, elle prend une signification symbolique et s’insère dans un système social complexe. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Caccia_(musique)"><em>caccia</em></a> médiévale réserve la chasse de certains animaux à des groupes sociaux particuliers. Cette conception se répand rapidement et perdure pratiquement sans changement jusqu’à la Révolution française. Seuls les seigneurs et leurs familles peuvent chasser le gibier noble : le cerf élaphe, le sanglier, le loup et l’ours… Le petit gibier, comme le lièvre et le faisan, est généralement abandonné aux domestiques et aux fermiers.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Miniature d’une chasse seigneuriale au cerf.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://expositions.bnf.fr/phebus/grands/c28_616.htm">Musée national du Moyen âge</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Réserves giboyeuses</h2>
<p>À partir du Moyen Âge, les grandes réserves de gibier européennes voient le jour. Elles se maintiendront dans certains endroits jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’un de leurs plus ardents partisans est le roi espagnol Alphonse XI (1311-1350). Habile chasseur, il rédige un traité sur la chasse très apprécié, dans lequel il décrit où trouver les ours et les sangliers les plus féroces dans les différentes réserves (<em>montes</em>) de son royaume, ainsi que la façon de les chasser et de les tuer.</p>
<p>Les Européens ne sont pas les seuls à avoir mis en place des coutumes qui protègent les espèces de gibier de grande taille et de prestige. De nombreuses cultures, y compris celles des Aborigènes d’Australie, protègent les habitats riches en gibier et limitent la consommation des aliments les plus savoureux aux hommes âgés. Les réserves de gibier royales sont loin de constituer un mécanisme de protection parfait pour les grands mammifères d’Europe, mais elles contribuent malgré tout à prolonger l’existence des derniers vestiges de sa grandeur naturelle.</p>
<h2>Le funeste destin de l’aurochs</h2>
<p>La première extinction qui afflige l’Europe occidentale continentale depuis la disparition du bœuf musqué 9 000 ans plus tôt a pour théâtre la forêt polonaise de Jaktorów, en 1627. L’aurochs est alors le plus beau témoignage vivant de l’ancienne Europe. Les taureaux, noirâtres et beaucoup plus gros que les vaches, pèsent jusqu’à 1,5 tonne, ce qui fait d’eux, avec le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gayal">gaur</a>, les plus gros bovidés ayant jamais existé sur Terre. Les vaches sont d’un brun rougeâtre et beaucoup plus petites. Les deux sexes ont une belle tête blanche et un corps athlétique : une poitrine large, de longues jambes surmontées par un cou et des épaules puissants, leur hauteur au garrot étant pratiquement égale à la longueur de leur corps. Leurs énormes cornes, mesurant jusqu’à 80 centimètres de long et 20 centimètres de diamètre, partent dans trois directions : vers le haut et vers l’extérieur à la base, puis vers l’avant et vers l’intérieur, et à la pointe, vers l’intérieur et vers le haut. La forme caractéristique de l’animal, et en particulier de ses cornes, est facilement identifiable dans de nombreuses représentations de l’époque glaciaire européenne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Crâne d’auroch.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/edenpictures/16064772853/in/photolist-qtAahi-qv3LMg-e8zY23-4DsUb-kGhPQR-bejuhZ-nGWnHC-6kAKBk-ezy7Pm-U9xVMo-6kEWC7-a5RVWK-VV7bZb-ezy6Wd-ezuW96-91NRLU-o3uNg9-oYyfFz-7JnEkY-9vXwv8-5TA5cW-Ux9eBc-ewNgZ-a5UXtE-oYydZu-7JnHs1-a5RsJR-RvxqBD-jv2ZM-dpstKR-bFa2tN-a5Qzfn-dpsDzJ-dpstZH-cbcjF5-5PqogK-dpsv2R-cnJaCN-RCNxYW-RCNxyh-Jxddav-54k6Kp-54pmds-ezy7cE-G9dYb-acUEVU-Yu9V25-SkZQcJ-54pm8A-54k82a">Eden, Janine and Jim</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’époque romaine, l’aurochs est encore largement répandu, mais vers l’an 1 000 de notre ère, on ne le trouve plus que dans quelques régions du centre-est de l’Europe. Au XIII<sup>e</sup> siècle, seule une dernière population se maintient autour de Jaktorów, dans la province polonaise de Mazovie. Aujourd’hui, la Mazovie est la région la plus peuplée de Pologne, mais il y a 700 ans, c’est un pays isolé et recouvert de forêts. D’autres grands mammifères sont couramment chassés par les nobles, mais les monarques locaux, les Piast, conscients de la valeur des aurochs, se sont réservé leur chasse. Toute infraction est punie de la peine de mort.</p>
<p>Selon l’historien des aurochs polonais, Mieczysław Rokosz :</p>
<p><em>Les princes locaux de la dynastie des Piast, et plus tard les rois de Pologne, n’ont jamais transigé sur leur droit de chasse exclusif aux aurochs, même devant les plus grands magnats, ecclésiastiques ou séculiers. Ils n’ont eux-mêmes jamais abusé de ce droit. Si l’on examine la situation des aurochs à la lumière de ce droit régalien et de la législation sur la chasse en vigueur, il paraît clair que le fait d’avoir exclu les aurochs des droits de chasse et de leur avoir accordé « un privilège sacré d’immunité » qui, selon une coutume ancienne, ne tombe que devant le roi, est la raison principale qui a permis à cette espèce de survivre aussi longtemps. Cette attention exceptionnelle et presque personnelle portée par les souverains polonais à ces animaux ainsi que leur volonté délibérée de les préserver pour la postérité ont prolongé la période de survie de cette magnifique espèce.</em></p>
<p>Malgré cette protection exceptionnelle, à la fin du XVI<sup>e</sup> siècle, les aurochs ne survivent que dans une petite zone située près de la rivière Pisa. Un rapport des inspecteurs du troupeau d’aurochs, rédigé en 1564, tente d’expliquer pourquoi la protection royale ne suffit pas à garantir le maintien des populations :</p>
<p><em>Dans les forêts vierges de Jaktorówski et de Wislicki, nous avons trouvé un troupeau d’environ 30 aurochs, dont 22 vaches adultes, trois jeunes aurochs et cinq veaux. Nous n’avons vu aucun mâle adulte, car ils s’étaient enfuis dans la forêt, mais les anciens gardes-chasses nous ont dit qu’il y en avait huit. Parmi les vaches, l’une est vieille et maigre, et ne survivra pas à l’hiver. Lorsque nous avons demandé aux gardes pourquoi les animaux étaient maigres et pourquoi leur nombre n’augmente pas, on nous a dit que les animaux des villageois, les chevaux, les vaches et le reste du bétail, empiètent sur le territoire des aurochs et les dérangent.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sauvage forêt de Pologne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bia%C5%82owie%C5%BCa_Forest#/media/File:Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Jacek Karczmarz</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Être la bête du roi est à la fois une bénédiction et une malédiction. Une bénédiction parce que personne ne peut vous tuer, mais une malédiction quand il s’agit de décider qui, des aurochs ou des vaches du village, aura accès aux pâturages. Lorsque la nourriture se fait rare, l’intérêt personnel des villageois l’emporte, et en 1602, le troupeau ne compte plus que trois mâles et une femelle. En 1620, il ne reste plus qu’une seule femelle, et lorsque l’inspecteur du roi revient voir les aurochs en 1630, il découvre qu’elle est morte trois ans auparavant.</p>
<h2>Les chevaux sauvages disparaissent</h2>
<p>Le déclin vers l’extinction des chevaux sauvages d’Europe est moins bien documenté. Au Paléolithique, les chevaux sauvages sont encore nombreux. Quelques milliers d’années plus tard, ils ont pratiquement disparu des plaines centrales européennes. En Grande-Bretagne, ils s’éteignent sur l’île il y a 9 000 ans, et il faut attendre 5 000 ans avant qu’ils ne soient réintroduits. Une situation similaire prévaut en Suisse, où les chevaux disparaissent il y a 9 000 ans et sont remplacés par des chevaux domestiques il y a 5 000 ans. Dans certaines régions de France et d’Allemagne, les chevaux sauvages, en voie d’extinction entre 7 500 et 5 750 ans avant notre ère, se reprennent, peut-être grâce au déboisement fait par l’homme qui leur ouvre davantage d’habitats. On observe un modèle différent en Ibérie, où les habitats ouverts se maintiennent naturellement, ce qui permet au cheval sauvage de prospérer jusqu’il y a environ 3 500 ans, le début de l’âge de bronze, une époque à laquelle les chevaux domestiques sont déjà présents.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cheval de Przewalskis, parent des chevaux sauvages disparus en Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Przewalski%27s_horse#/media/File:Przewalskis_horse_02.jpg">Claudia Feh</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Hérodote note qu’il a vu des chevaux sauvages dans ce qui est aujourd’hui l’Ukraine, et des signalements de chevaux sauvages en Allemagne et au Danemark persistent jusqu’au XVI<sup>e</sup> siècle. Les chevaux sauvages ont peut-être survécu jusqu’au XVII<sup>e</sup> siècle dans la partie de la Prusse orientale connue sous le nom de « grande région sauvage » (aujourd’hui la Mazurie, en Pologne). En l’espace d’un siècle, cette région perd toutefois ses derniers chevaux et seuls quelques spécimens vivant en captivité survivent jusqu’à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle dans un zoo créé par le comte Zamoyski dans le sud-est de la Pologne. Il est possible que des chevaux sauvages, appelés tarpans, aient survécu en Russie du Sud jusqu’au XIX<sup>e</sup> siècle, mais il s’agissait d’hybrides, porteurs des gènes des chevaux domestiques. Le dernier tarpan, qui ressemblait à un cheval domestique, est mort dans un zoo russe en 1909.</p>
<p>Après la perte tragique des aurochs et la disparition du cheval sauvage, l’Europe réussit à éviter une nouvelle extinction pendant exactement 300 ans. Le plus grand mammifère sauvage d’Europe est alors le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/European_bison">wisent</a>, le poids des taureaux dépassant parfois une tonne, les femelles étant généralement deux fois moins lourdes. Hybrides du bison des steppes (dont descend le bison d’Amérique) et de l’aurochs, les wisents ont toujours été plus nombreux et plus répandus que les aurochs, ce qui a sans doute favorisé leur survie pendant des siècles après la disparition de leur parent.</p>
<h2>Le wisent, bête massive à la barbe hirsute</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un wisent dans un zoo en Belgique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lindadevolder/35078083020/in/photolist-Yu9V25-SkZQcJ-54pm8A-54k82a-54pk53-54k7qF-VrJkYQ-54pkkh-24T52aC-JuasGm-54k7C4-KF12CY-fPETMe-54pkUE-YvKy9o-54k7yB-LG8GaP-JoeBeq-fPEU9K-54k6Bg-54k7Sk-j74nti-54pkDd-a34oLz-fPExEP-RsQ4Nj-eakFgx-fPXr7U-J7B2Xq-54pmpd-Wc6BqW-YM1qDB-Ju9UBu-JLQYLU-a8tA5d-UNkFkg-4sM9if-2eZ7ov1-Yyphmn-Hiy3ur-Xc4vHY-HpAXsV-Gu4DLw-Rk5nbX-2h8z5DL-2gdvCqp-fPEUCD-aag66u-54k6Nv-4buJvq">Linda De Volder</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Si vous prenez la peine d’observer l’art de l’époque glaciaire, vous ne confondrez jamais un wisent avec une autre créature, à l’exception peut-être du bison des steppes européen éteint. Leur forme distinctive, dominée par des membres antérieurs massifs, une barbe hirsute et une frange de fourrure descendant le long du poitrail incarne à elle seule l’époque glaciaire. Se trouver face à face avec un wisent, sentir son odeur caractéristique, prendre la mesure de sa masse incroyable, observer la vapeur et le bruit profond de sa respiration, évoque irrésistiblement la préhistoire. Le wisent est en moyenne un peu plus léger que le bison d’Amérique, bien qu’il soit plus haut au garrot. Il est uniformément brun, avec des cornes et une queue plus longues que celles de son parent américain. Certaines de ces caractéristiques se retrouvent chez l’aurochs, l’un de ses ancêtres. La diminution de la diversité génétique, résultant de la faible densité des populations et de leur éloignement, implique qu’il y a environ 20 000 ans, le wisent et l’aurochs étaient tous deux en voie d’extinction. De petites populations isolées de wisents survivent dans les Ardennes et dans les Vosges en France jusqu’au XV<sup>e</sup> siècle et en Transylvanie jusqu’en 1790 ; les tout derniers wisents vivent dans deux petites populations isolées, l’une dans le Caucase, l’autre en Pologne, dans la forêt de Białowieza.</p>
<p>Le spectre de l’extinction s’abat sur les wisents d’Europe alors que les humains sont engagés dans une boucherie sans précédent. La période 1914-1945 est l’heure la plus sombre de l’Europe. Après des milliers d’années de guerres tribales, les Européens, munis d’armes d’une puissance destructrice inimaginable, s’entretuent avec une férocité effrayante. Toutes les lois sont mises de côté, et tout souci de la nature oublié.</p>
<h2>La Grande Guerre décime les animaux</h2>
<p>Les wisents de Białowieza appartenaient aux rois polonais et étaient strictement protégés. Mais dans la tourmente de la Première Guerre mondiale, les soldats allemands abattent 600 wisents pour le sport, la viande et les trophées, et à la fin de la guerre, il n’en reste plus que neuf. La Pologne est frappée par la famine en 1920 et le dernier wisent du pays est tué en 1921 par un braconnier, Bartholomeus Szpakowicz. Pendant ce temps, la population du Caucase survit à grand-peine. Il y a environ 500 wisents causasiens en 1917, seulement une cinquantaine en 1921. En 1927, les trois derniers spécimens sont tués par des braconniers.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=947&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=947&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=947&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1190&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1190&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1190&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Supercontinent » de Tom Flannery.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cependant, le wisent n’est pas complètement perdu. Un taureau caucasien vit encore en captivité, ainsi que 50 spécimens provenant de Białowieza. Ce petit troupeau est dispersé entre les différents zoos européens. Seul le sentiment profond de perte ressenti par les Polonais sauve alors le wisent. En 1929, un centre de rétablissement du bison est créé à Białowieza, et les animaux captifs sont rassemblés et répartis en deux groupes d’élevage, l’un descendant de sept vaches seulement et l’autre de douze ancêtres, dont le taureau caucasien. Malgré le soin apporté à la gestion du troupeau, la diversité génétique du wisent continue à décliner, tous les mâles vivants aujourd’hui étant issus de seulement deux des cinq taureaux ayant survécu en 1929. Heureusement, ce goulot d’étranglement génétique semble n’avoir eu qu’un effet délétère mineur sur leur condition physique. Plus de 5 000 spécimens en bonne santé vivent aujourd’hui aux Pays-Bas, en Allemagne et dans de nombreux pays d’Europe de l’Est. Après avoir frôlé l’extinction, l’avenir du wisent semble assuré, à condition que les humains réussissent à maintenir une forme de paix sur le continent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tim Flannery ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment de grands mammifères emblématiques de l’Europe se sont-ils éteints, au milieu du XVIIIᵉ siècle ? Extrait du dernier ouvrage de Tim Flannery.Tim Flannery, Professorial fellow, Melbourne Sustainable Society Institute, The University of MelbourneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1211972019-07-31T16:42:25Z2019-07-31T16:42:25Z« Une espèce à part », une minisérie baroque pour repenser la place de l’humanité sur Terre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/286221/original/file-20190730-186805-1mtkeqp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C10%2C1297%2C876&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« L’homme si sûr de son identité représente surtout une collection d’espèces cohabitant dans la plus parfaite des collaborations. » </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=stCxLxBMjYA&t=1491s">Extrait de « Insignificant – Une espèce à part »</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« L’homme est un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. »</p>
</blockquote>
<p>Cette célèbre sentence des « Pensées » de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Blaise_Pascal">Blaise Pascal</a> résume assez bien l’entreprise de Franck Courchamp et Clément Morin dans leur minisérie de vulgarisation scientifique animée, <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/075786-001-A/une-espece-a-part-l-infime-et-l-infini/?gclid=EAIaIQobChMI0_7JtaHc4wIVBUTTCh13gwo8EAAYASAAEgIGGPD_BwE"><em>Une espèce à part</em></a>.</p>
<p>Constituée de 10 épisodes de 3 minutes, cette minisérie diffusée sur Arte voit pourtant grand : comme le philosophe du XVIIe siècle, elle propose de conjuguer les deux infinis, partant des molécules les plus subtiles pour embrasser tout l’univers visible et même invisible. Mais elle traduit aussi une ambition, celle de vulgariser une science de pointe à travers un format extrêmement court, calibré pour la durée d’attention moyenne des « millennials ».</p>
<h2>L’infiniment grand dans l’infiniment petit</h2>
<p>Ce projet pour le moins baroque a germé dans la tête de <a href="https://www.biodiversitydynamics.fr/">Franck Courchamp</a>, directeur de recherche CNRS à l’université Paris XI (Orsay). Au cours d’une carrière scientifique bien remplie, il a connu des émerveillements si forts qu’il a éprouvé le besoin de faire partager ce sentiment extrêmement rare au grand public. Cet instant d’épiphanie face à la majesté du réel que seule la langue anglaise s’aventure à essayer de faire tenir en un mot, ou plutôt, une onomatopée : <a href="https://www.wordreference.com/enfr/awe"><em>awe</em></a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/286220/original/file-20190730-186829-ol8bul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/286220/original/file-20190730-186829-ol8bul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/286220/original/file-20190730-186829-ol8bul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/286220/original/file-20190730-186829-ol8bul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/286220/original/file-20190730-186829-ol8bul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/286220/original/file-20190730-186829-ol8bul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/286220/original/file-20190730-186829-ol8bul.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">« Toutes les espèces sont au sommet de l’évolution, et toutes sont parfaitement adaptées à leur environnement naturel. Le minuscule dick dick, d’apparence fragile, survit aux attaques répétées des aigles, pythons et lions, depuis des temps immémoriaux. »</span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait de « Une espèce à part »</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On pourrait sans doute retrouver la plupart des données spectaculaires égrenées par <em>Une espèce à part</em> dans de nombreux livres et articles érudits, mais ce qui les met ici en vie et leur donne toute leur puissance, c’est l’incroyable travail de l’animateur <a href="https://www.clement-morin.com/">Clément Morin</a>, magicien des images, qui réussit à incarner avec poésie et élégance un script que tout aurait pu condamner à la sécheresse scientifique.</p>
<p>Au lieu de cela, c’est toute la vie, toute la Terre, tout l’univers qui s’animent, dans ces dix séquences qui sont autant de voyages initiatiques à travers une dimension de notre réalité, pour nous faire prendre conscience de notre néant face à tous ces infinis qui nous habitent.</p>
<h2>Science en conscience</h2>
<p>Si le projet de Pascal, en faisant comprendre à son lecteur la <a href="http://www.penseesdepascal.fr/Transition/Transition4-moderne.php">vanité de l’homme face à l’infini</a>, était de le ramener à Dieu, celui de Franck Courchamp et Clément Morin est à la fois plus modeste et plus complexe : c’est sans misérabilisme ni moralisme que la voix ensorcelante de Françoise Cadol amène le spectateur à se décentrer de lui-même, et à adopter pendant trente minutes un regard plus objectif sur l’espèce humaine qui se révèle finalement une assez mauvaise « mesure de toute chose », contrairement à ce qu’en affirmait un autre philosophe, Protagoras.</p>
<p>Ainsi, si l’histoire de notre planète était un livre de mille pages, on apprend dans <em>Une espèce à part</em> que notre espèce ne représenterait qu’une minuscule note de bas de page de l’ultime feuillet, après des centaines de pages de vie terrestre, plus encore de vie marine, et plus du double de vie unicellulaire… L’essentiel de la vie est en réalité invisible à nos yeux, composé d’espèces microscopiques ou disparues, et les deux créateurs se sont donné pour tâche de rendre visible cet invisible, conjuguant la rigueur scientifique à l’exigence esthétique.</p>
<p>Mais malgré la dimension éminemment pédagogique de l’œuvre, l’essentiel est finalement moins dans sa portée didactique que dans le sentiment qu’elle inspire : un vertige métaphysique qui oblige à reconsidérer nos échelles de valeur face à la manifestation objective de leur vanité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce. (Clément Morin/Vimeo, 2019).</span></figcaption>
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<h2>Retour du baroque</h2>
<p>La convergence évidente entre cette réalisation et <a href="http://www.penseesdepascal.fr/index.php"><em>Les Pensées</em></a> de Pascal, publiées à titre posthume en 1670, mérite d’être analysée en détail.</p>
<p>L’œuvre du grand philosophe et scientifique s’est écrite juste entre le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dialogue_sur_les_deux_grands_syst%C3%A8mes_du_monde"><em>Dialogue sur les deux grands systèmes du monde</em> de Galilée</a> (1632) et les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Philosophi%C3%A6_Naturalis_Principia_Mathematica"><em>Principia mathematica</em> de Newton</a> (1687). C’est-à-dire à une période de grand bouleversement épistémologique, où l’homme comprend peu à peu qu’il n’est finalement pas confortablement installé au centre d’un univers amical qui tourne autour de lui dans un grand bal cosmique éternellement stable et bienveillant, mais plutôt jeté comme au hasard sur un grain de poussière anonyme, tournoyant sans but autour d’une boule de feu sans âme, elle-même lancée à une vitesse effrayante dans un espace sans fond.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/286219/original/file-20190730-186797-1y7urkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/286219/original/file-20190730-186797-1y7urkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/286219/original/file-20190730-186797-1y7urkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/286219/original/file-20190730-186797-1y7urkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/286219/original/file-20190730-186797-1y7urkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/286219/original/file-20190730-186797-1y7urkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/286219/original/file-20190730-186797-1y7urkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Certaines espèces de méduses sont même capables de rajeunir pour relancer sans cesse le cycle de la vie. Sans accidents ou prédateurs, elles pourraient être… immortelles. »</span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait de « Une espèce à part »</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>À cette époque, l’invention presque simultanée du télescope et du microscope fait d’un coup surgir tout un monde insoupçonné – et qui ne soupçonne pas plus notre propre existence -–, composé d’organismes si petits qu’on peine à les croire vivants, et d’astres si colossaux et si lointains que leur ordre de grandeur est inconcevable aux esprits les plus imaginatifs. C’est de là que naît le vertige baroque, qui trouve son expression la plus définitive <a href="https://journals.openedition.org/baroque/448">sous la plume de Pascal</a> : l’homme baroque est un homme qui a perdu pied, qui ne sait plus qui il est, ni où il est, qui a perdu tout repère dans l’infini, et qui commence à questionner son rôle dans cet univers d’autant plus effrayant qu’il n’est même pas hostile, mais simplement indifférent.</p>
<p>Quatre siècles plus tard, l’humanité ne s’est pas encore tout à fait remise de ce choc baroque qu’on a qualifié de « changement de paradigme » dans la pensée occidentale, même si les scientifiques et philosophes de l’âge classique ont tout fait pour mettre de l’ordre dans ce nouveau chaos. Mais en ce début de XXIe siècle, c’est un nouveau bouleversement, assez comparable, qui menace à nouveau le sommeil dogmatique de l’humanité moderne.</p>
<h2>Une nouvelle révolution copernicienne à l’œuvre</h2>
<p>À peine rassurée par le progrès des connaissances sur l’infiniment grand, voilà que c’est l’infiniment petit qui se dérobe sous nos pieds, et que les équilibres biogéochimiques qu’on pensait immuables s’emballent : l’imperceptible chimie de l’eau et de l’air, de légères variations de température et d’humidité, la silencieuse disparition des insectes, puis de la biodiversité en général…</p>
<p>La Terre, notre maison, est malade. Les sciences des phénomènes invisibles sont donc en pleine révolution : agronomie, médecine, génétique, écologie, climatologie… De larges pans du savoir établi par toutes ces disciplines s’effondrent en même temps, telles les parois des glaciers de l’Antarctique, et obligent à repenser la place de l’homme non plus dans l’univers, mais cette fois-ci dans son propre environnement, et jusqu’au plus profond de son intimité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/286217/original/file-20190730-186841-4i0chw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/286217/original/file-20190730-186841-4i0chw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/286217/original/file-20190730-186841-4i0chw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/286217/original/file-20190730-186841-4i0chw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/286217/original/file-20190730-186841-4i0chw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/286217/original/file-20190730-186841-4i0chw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/286217/original/file-20190730-186841-4i0chw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Un petit point bleu en rotation autour de son étoile. Une planète finalement de taille banale orbitant autour d’une étoile plutôt blême que les humains ont eux-mêmes classée comme une naine jaune. »</span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait de « Une espèce à part »</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
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<p>Nous ne sommes encore qu’au début de cette nouvelle révolution copernicienne, mais à n’en pas douter ce changement de paradigme sera plus fort encore que le précédent, car plus concret aussi, comme nous le prouve la succession toujours plus torride des canicules estivales. Si l’homme est bien un <a href="http://www.penseesdepascal.fr/Transition/Transition5-moderne.php?r1=R%C3%A9f%C3%A9rence&r2=Roseau%20pensant">« roseau pensant »</a> comme l’affirmait Pascal, voilà bien l’occasion ou jamais d’en démontrer l’étendue.</p>
<p>Le vertige baroque a eu ses peintres, ses architectes et ses écrivains pour se manifester en images, les meilleurs de ces artistes ayant d’ailleurs souvent reçu une solide formation scientifique et philosophique ; de même, l’âge de la crise biologique a besoin d’œuvres fortes et parfaitement documentées. <em>Une espèce à part</em> est de celles-ci, et on ne saurait trop souhaiter sa propagation la plus virale.</p>
<hr>
<p><em>« Une espèce à part », une minisérie de 10 épisodes réalisée par Franck Courchamp et Clément Morin, produite par Lumento et DuckFactory et distribuée par Arte. Elle est <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/RC-014177/une-espece-a-part/">disponible gratuitement en ligne</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/121197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Ducarme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En dix courts épisodes, Franck Courchamp et Clément Morin invitent les êtres humains à se décentrer et à envisager sous un nouveau jour leur place et leur rôle dans leur environnement.Frédéric Ducarme, Docteur en écologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1124302019-02-25T14:25:53Z2019-02-25T14:25:53ZLa Chine, CRISPR et les post-humains<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/260723/original/file-20190225-26184-1s786wn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=84%2C5%2C1136%2C693&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Modifications de l'ADN</span> <span class="attribution"><span class="source">Astrazeneca/Vimeo</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’affaire des jumelles chinoises Lulu et Nana <a href="https://theconversation.com/un-scientifique-chinois-a-t-il-fait-naitre-les-premiers-bebes-crispr-107619">dont le génome a été modifié par nucléase CRISPR</a> est en passe de devenir une saga. Le sort de He Jiankui, le scientifique qui a organisé leur naissance, est au centre des interrogations. Il aurait tour à tour disparu des radars ; en passe d’être condamné à mort ; sur le point d’être proclamé héros national ; et aujourd’hui on le soupçonne d’avoir voulu donner aux deux bébés, grâce à la modification génétique, une intelligence et une mémoire hors du commun en même temps qu’une immunité au VIH. Retour sur les enjeux des utilisations des nucléases sur l’humain, entre rumeurs et avènement d’une nouvelle espèce post-humaine.</p>
<h2>Le posthumain, figure mythologique de la philosophie moderne</h2>
<p>Le thème de l’humain génétiquement augmenté, qui se différencie de l’espèce « naturelle » est relativement ancien. Dès le début du XX<sup>e</sup> siècle, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Burdon_Sanderson_Haldane">frères Haldane</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Julian_Huxley">Julian Huxley</a>, entre autres, formalisent et explorent les thèses eugénistes qui pousseraient vers une « amélioration génétique ». Le tournant du XXI<sup>e</sup> siècle, et les progrès faits dans le séquençage de l’ADN et sur le clonage des mammifères, connaît un regain d’intérêt pour ces questions, avec des œuvres comme celles de Peter Sloterdijk (<em>Règles pour le parc humain</em>, 2000), Jurgen Habermas (<em>L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ?</em>, 2001), ou encore Francis Fukuyama (<em>Our Posthuman Future : Consequences of the Biotechnology Revolution</em>, 2002). La possibilité du post-humain est aujourd’hui solidement implantée dans notre référentiel philosophico-politique. Mais, jusqu’à maintenant, son ancrage dans le réel est bien moindre.</p>
<h2>Les selfies de He Jiankui</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260665/original/file-20190225-26171-10n0nfe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260665/original/file-20190225-26171-10n0nfe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260665/original/file-20190225-26171-10n0nfe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260665/original/file-20190225-26171-10n0nfe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260665/original/file-20190225-26171-10n0nfe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260665/original/file-20190225-26171-10n0nfe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260665/original/file-20190225-26171-10n0nfe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Selfie pris par He Jiankui avec Jennifer Doudna à la conférence du CHSL en août 2016 et publié sur son blog personnel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">http://blog.sciencenet.cn/home.php ?mod=space&uid=514529</span></span>
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</figure>
<p>Revenons à l’affaire He Jiankui. Premier soupçon : l’État chinois n’aurait-il pas commandité la naissance d’enfants augmentés génétiquement afin d’envisager le déploiement d’une infrastructure visant à générer des humains plus performants ? La vérité est certainement plus complexe. En investissant massivement dans les nouvelles technologiques, et particulièrement dans les sciences de la vie, la puissance publique chinoise met en place des conditions propices à l’innovation biomédicale. La taille de ce pays, sa fragmentation administrative et sa difficulté à séparer et articuler les pouvoirs entraînent nécessairement l’apparition de failles difficiles à surveiller. L’administration chinoise est responsable de n’avoir pas su détecter et interdire ce programme à temps, mais rien n’indique pour l’instant qu’elle soit coupable (ou même capable) de l’avoir organisé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260663/original/file-20190225-26171-jts6cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260663/original/file-20190225-26171-jts6cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260663/original/file-20190225-26171-jts6cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260663/original/file-20190225-26171-jts6cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260663/original/file-20190225-26171-jts6cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260663/original/file-20190225-26171-jts6cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260663/original/file-20190225-26171-jts6cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">He Jiankui et Michael Deem, professeur en génie génétique à l’université Rice au Texas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jeff Fitlow/Rice University</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’où la volonté apparente de la Chine, doublée d’une stratégie de communication à visée à la fois intérieure et internationale, de sanctionner la transgression. L’annonce des naissances a été suivie de plusieurs actes. La rumeur a d’abord été que le chercheur chinois était injoignable, qu’il avait « disparu ». Une photo de lui au balcon d’un appartement de <a href="https://www.nytimes.com/2018/12/28/world/asia/he-jiankui-china-scientist-gene-editing.html">Shenzhen</a> a ensuite été diffusée, insistant sur le fait qu’il était manifestement assigné à résidence. L’annonce d’une enquête en cours a provoqué quelques remous lorsque le chercheur britannique Robin Lovell-Badge a maladroitement laissé <a href="https://twitter.com/antonioregalado/status/1082694163378946048">entendre</a> que ce type d’infraction en Chine pouvait aller jusqu’à la peine de mort, ce qui a eu un écho médiatique disproportionné (et est resté sans fondement).</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260664/original/file-20190225-26152-wlsn3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260664/original/file-20190225-26152-wlsn3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260664/original/file-20190225-26152-wlsn3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260664/original/file-20190225-26152-wlsn3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260664/original/file-20190225-26152-wlsn3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260664/original/file-20190225-26152-wlsn3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260664/original/file-20190225-26152-wlsn3b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">He Jiankui (tout à gauche) et Craig Mello, prix Nobel de médecine 2006 pour la découverte de l’interférence par ARN (RNAi), qui a été tenu au courant de l’expérience avant les naissances.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo diffusée par Antonio Regalado</span></span>
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</figure>
<p>Parallèlement, on a appris que le nombre des personnes qui étaient dans la confidence de la prochaine naissance des bébés était plus important que soupçonné. L’attention manifeste de He Jiankui à vouloir être photographié avec ses idoles aurait pu être une indication. Finalement, c’est la publication d’articles de presse à Hong Kong évoquant la remise du rapport de l’équipe d’enquête du Guangdong qui a permis, finalement, d’établir la position officielle chinoise.</p>
<h2>Au Guangdong, gérer l’improbable</h2>
<p>Les <a href="http://news.rthk.hk/rthk/ch/component/k2/1439157-20190121.htm">articles</a> commentant le rapport de cette équipe mandatée pour l’affaire nous apportent deux informations majeures. Outre la confirmation explicite que l’opération a bien eu lieu et que les jumelles existent, on y lit qu’une autre grossesse est en cours.</p>
<p>報道又指出,在有關實驗中,最終有兩名志願者懷孕,其中一名已生下雙胞胎女嬰,名叫露露和娜娜,另一名志願者正在懷孕。廣東省對已出生嬰兒和懷孕志願者,將在國家有關部門的指導下,做好醫學觀察和隨訪等工作。</p>
<blockquote>
<p>« Le rapport note que dans le protocole visé, deux volontaires sont tombées enceintes. L’une d’entre elles a donné naissance à deux jumelles nommées Lulu et Nana, et une autre volontaire est toujours enceinte. Les enfants et les volontaires sont suivies médicalement dans la province du Guangdong sous la gouverne des autorités compétentes. »</p>
</blockquote>
<p>On y apprend aussi que la province du Guangdong en particulier et l’État chinois en général n’a pas l’intention de laisser l’affaire sans suite. C’est d’autant plus facile que He Jiankui, s’il a le mérite d’avoir su mobiliser l’intervention d’une grande palette de compétences pour organiser ces naissances, n’est <em>a priori</em> pas en lui-même scientifiquement irremplaçable.</p>
<p>調查組對賀建奎及涉事人員和機構將依法依規嚴肅處理,涉嫌犯罪的將移交公安機關處理。</p>
<blockquote>
<p>« L’équipe chargée de l’enquête examine avec grand sérieux les cas de He Jiankui, des personnes et des institutions impliquées dans cette affaire, laquelle sera transmise aux autorités concernées. »</p>
</blockquote>
<h2>Dernier acte en date : CCR5∆32, le variant posthumain</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260719/original/file-20190225-26184-1ewfsbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260719/original/file-20190225-26184-1ewfsbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260719/original/file-20190225-26184-1ewfsbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260719/original/file-20190225-26184-1ewfsbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260719/original/file-20190225-26184-1ewfsbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260719/original/file-20190225-26184-1ewfsbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260719/original/file-20190225-26184-1ewfsbk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La couverture de l’affaire par le <em>MIT Technology Review</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MIT</span></span>
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<p>Le dernier rebondissement en date vient d’être déclenché par un <a href="https://www.technologyreview.com/s/612997/the-crispr-twins-had-their-brains-altered/?utm_campaign=site_visitor.unpaid.engagement&utm_source=twitter&utm_medium=add_this&utm_content=2019-02-21">article</a> d’Antonio Regalado, journaliste au <a href="https://www.technologyreview.com/"><em>MIT Technology Review</em></a>, connu pour être en pointe sur ce sujet. De façon peut-être un peu surprenante, il annonce que les jumelles pourraient avoir des capacités cognitives artificiellement supérieures. Il se base sur la publication très récente d’un article dans le <a href="https://www.cell.com/cell/fulltext/S0092-8674(19)30107-2">journal <em>Cell</em></a>, lequel explique notamment que les porteurs humains de ce variant (qui permet qu’une protéine ne soit pas produite) auraient une meilleure récupération neuronale après un accident vasculaire cérébral. Certain ont même vu une certaine malice dans le choix de l’image d’illustration, digne d’un <a href="https://knowyourmeme.com/memes/expanding-brain"><em>meme</em> Internet</a>, expression puisant elle-même son origine dans le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A8me#D%C3%A9finition">vocabulaire génétique</a>.</p>
<p>Ce variant irait même jusqu’à permettre une cognition améliorée chez les souris. Le lien entre CCR5 et les performances cognitives a déjà été exploré par le passé. Une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27996938">étude</a> montrait des pistes sur un lien entre son expression et les capacités de mémorisation de souris de laboratoire. He Jiankui était manifestement au courant de cette étude, laquelle lui a été opposée comme un risque neurologique pour les jumelles issues de son protocole lors de sa présentation.</p>
<p>Les jumelles Nana et Lulu seraient donc, en plus d’être potentiellement invulnérables à un certain type de HIV, peut-être génétiquement dotées « d’aptitudes cognitives supérieures ».</p>
<h2>Le débat sur les déterminants génétiques de l’intelligence</h2>
<p>Reste à déterminer ce qu’est une « capacité cognitive » pour l’humain du XXI<sup>e</sup> siècle. Est-elle nécessairement en ligne avec celle de la souris de laboratoire ? Et cette modification de CCR5 permettrait-elle d’améliorer une personne ? Des études précises, à l’aide des données extraites par les services publics ou privés de séquençage d’ADN haut débit, peuvent-elles être faites pour savoir si les humains actuels dotés de ce variant sont « plus intelligents » que la moyenne ?</p>
<p>À ces difficultés s’ajoutent les défis bien connus de la mesure de l’intelligence. Les tentatives empiriques de la mesurer n’ont pas encore abouti à des théories stables, ou faisant consensus. La question de l’expression ou pas d’un gène dans ce contexte ne fait qu’ajouter à l’instabilité théorique : en tirer des leçons générales demanderait une échelle statistique bien plus grande et surtout un peu de temps. L’impact réel sur la santé de Lulu et Nana et sur l’évolution de leurs capacités cognitives reste une inconnue de plus à laquelle nous n’aurons des réponses que dans plusieurs années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112430/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Levrier a travaillé la matière de cet article grâce au soutien de l'ANR dans le cadre du projet ComingGen n°ANR 18-CE38-0007-01.</span></em></p>Les jumelles chinoises génétiquement modifiées auront-elles une intelligence supérieure ? C’est ce que disent les rumeurs sur les réseaux sociaux. Le point sur ce que l’on sait.Guillaume Levrier, Doctorant - CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/837462017-09-26T22:01:03Z2017-09-26T22:01:03ZDescendons-nous du chimpanzé ? : la biologie évolutive et ses idées reçues<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186196/original/file-20170915-13360-13r80pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pipo, chimpanzé du Bioparco di Roma (parc zoologique situé à Rome), dispose d'un patrimoine génétique identique à 98.4 % à celui de l'Homme.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/luvi/2152597755/">luvi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2018 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a></em></p>
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<p>« Rien en biologie n’a de sens, si ce n’est à la lumière de l’évolution » <a href="http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap1/leguyader.html">disait</a> le biologiste Theodosius Dobjansky. Malgré l’importance qu’occupe l’évolution en sciences, celle-ci demeure l’une des théories scientifiques les plus incomprises.</p>
<p>Je vous propose de faire un petit tour de certaines idées reçues de l’évolution biologique. Mais d’abord, quelques définitions s’imposent. Qu’est-ce que l’<a href="https://planet-vie.ens.fr/content/qu-appelle-t-on-evolution">évolution</a> ?</p>
<p>En biologie, c’est le processus de transformation des espèces, qui se manifeste par le changement de leurs caractères génétiques dans la population au cours des générations. L’accumulation de ces changements peuvent aboutir, dans certains cas, à la formation de nouvelles espèces, augmentant ainsi la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/biodiversite-presentation-et-enjeux">biodiversité</a>.</p>
<p>Ces variations apparaissant spontanément au cours des générations, et sont soumises à un processus de sélection naturelle, formulé par <a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Charles_Darwin/115722">Charles Darwin</a> en 1859, dans son fameux ouvrage <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Origine_des_esp%C3%A8ces"><em>De l’origine des espèces</em></a>.</p>
<p>La <a href="http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap7/olivieri.html">sélection naturelle</a> est un tri naturel au sein de la population. Des organismes qui ont les caractéristiques leur permettant de mieux survivre dans leur milieu sont alors avantagés par rapport à leurs congénères. Ceux-ci réussissent à proliférer, transmettant ainsi leurs caractères génétiques à leur descendance. Cette sélection naturelle, répétée sur un grand nombre de générations, conduit peu à peu à l’apparition de nouvelles formes, mieux adaptées à leur milieu.</p>
<h2>Théorie de l’évolution</h2>
<p>En sciences, la notion de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie#Sciences">« théorie »</a> désigne un modèle grâce auquel un ensemble de données et de faits indépendants entre eux peuvent être reliés et interprétés dans une explication unitive.</p>
<p>La théorie prouve sa validité dans la mesure où elle est susceptible d’être vérifiée. Ainsi, vérifiée de manière expérimentale, ce qui la différencie d’une hypothèse, qui est une simple supposition appartenant au domaine du possible ou du probable.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZNFN4t6iT9o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Le chimpanzé est-il l’ancêtre de l’humain ?</h2>
<p>En réalité, ils descendent tous les deux d’un ancêtre commun, qui n’était ni un singe, ni un humain, et à partir duquel ils ont divergé, il y a environ 5 à 7 millions d’années. Chacune des deux lignées aboutissant à l’humain et au chimpanzé a suivi un chemin évolutif qui lui est propre, jusqu’à aboutir aux espèces actuelles.</p>
<p>Les génomes de l’humain et du chimpanzé sont constitués d’une suite de plus de 3 milliards de <a href="http://www.futura-sciences.com/sante/definitions/genetique-nucleotide-213/">bases nucléotidiques</a> (lettres A, C, G, T), dont presque 99 % <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2005/09/01/l-adn-du-chimpanze-revele-une-part-de-l-humain_684641_3244.html">sont identiques entre les deux espèces</a>. Il existe actuellement des grandes <a href="http://www.rcmp-grc.gc.ca/nddb-bndg/index-accueil-fra.htm">banques de données génétiques</a>, obtenues grâce au séquençage des génomes, qui fournissent des informations précieuses sur l’évolution des espèces.</p>
<h2>Peut-on observer l’évolution ?</h2>
<p>Il faut savoir que les temps de génération des espèces sont très longs, ce qui réduit nos chances, à l’échelle humaine, d’observer de grands changements évolutifs. Cependant, ceci n’est pas le cas pour tous les organismes vivants, notamment les bactéries, les champignons et les mouches.</p>
<p>Les chercheurs ont déjà pu observer des cas de sélection naturelle au laboratoire, notamment grâce à l’<a href="http://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1002185">expérience lancée par Richard Lenski</a> en 1988, sur des populations de la <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/escherichia-coli">bactérie <em>Escherichia coli</em></a>.</p>
<p>Douze colonies, placées dans douze flacons contenant des milieux nutritifs riches en glucose se sont multipliées jusqu’à épuisement du glucose dans le milieu. Le lendemain, 1 % de ces populations sont transférées dans un nouveau flacon contenant le même milieu initial.</p>
<p>Tous les 75 jours, une partie des bactéries sont congelées, permettant ainsi de disposer d’échantillons « fossiles » tout au long de l’expérimentation. L’expérience continue encore aujourd’hui, ce qui constitue environ 60 000 générations bactériennes, l’équivalent de 1,5 million d’années pour l’humain !</p>
<p>Et qu’a-t-on pu observer <a href="https://www.podcastscience.fm/dossiers/2012/05/10/podcast-science-85-lexperience-de-lenski/">dans cette expérience</a> ? Toutes les populations amélioraient leur taux de croissance sans atteindre de plateau, c’est-à-dire elles continuaient à se reproduire plus vite que les générations précédentes.</p>
<p>Cela indique l’émergence de variantes plus performantes dans l’exploitation du glucose du milieu. Mais plus étonnant encore, de nouvelles propriétés vont apparaître au cours du temps. En effet, un peu après la génération 33 000, une des douze lignées (nommée Ara-3) a vu sa densité de population maximale exploser.</p>
<p>Si le glucose est la ressource limitant l’expansion des populations dans les flacons, il n’est pas le seul nutriment présent : le milieu contenait aussi du citrate. Normalement, <em>E. coli</em> est incapable de l’utiliser en présence d’oxygène. Mais la colonie Ara-3 a acquis l’aptitude d’absorber le citrate aussi bien que le glucose comme source nutritive !</p>
<p>En analysant les échantillons congelés qui ont précédé cette nouvelle lignée, les chercheurs ont pu montrer que cette capacité à utiliser le citrate comme source de carbone est due à l’accumulation de plusieurs mutations (changements accidentels dans la séquence de l’ADN).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le biologiste Richard Lenski (à gauche) et une infographie présentant les chiffres-clefs de son expérience.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www3.beacon-center.org/blog/2013/11/20/the-man-who-bottled-evolution/">IFL Science</a></span>
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<h2>Une évolution qui se complexifie ?</h2>
<p>Certains pensent que le cours de l’évolution est linéaire et directionnel, passant de structures ou organismes simples à des plus complexes. Mais le fait de réduire la complexité à un phénomène linéaire contribue à une réduction de la biodiversité. L’arbre de la vie est en fait buissonnant.</p>
<p>Néanmoins, dans certaines situations, des simplifications peuvent survenir, et se débarrasser d’un certain caractère, peut se révéler être plus avantageux. Les parasites du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mycoplasma">genre <em>Mycoplasma</em></a>, dont certaines espèces sont responsables des pneumonies, <a href="https://books.google.fr/books?id=mKy9iudQ3NcC&pg=PA400&lpg=PA400&dq=microsporidie+%C3%A9volution+par+simplification&source=bl&ots=IyOEptTXiX&sig=mW6x9vkBPW3zqVbd5hnJnCjdQVs&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj5lZ3LoYbWAhUQLlAKHWOrBAIQ6AEIMTAB#v=onepage&q=microsporidie%20%C3%A9volution%20par%20simplification&f=false">ont évolué</a> à partir de bactéries plus complexes, en perdant secondairement leur paroi et la plupart de leurs capacités de synthèse métabolique, puisque ces éléments étaient devenus inutiles.</p>
<h2>A-t-on atteint la fin de l’évolution ?</h2>
<p>On entend souvent dire que les espèces n’évoluent plus, et que l’humain, avec son apparition, a signé la « fin » de l’évolution. Ceci est faux, et cela pour plusieurs raisons : de nouvelles espèces continuent d’apparaître, comme <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/les-souris-de-madere_4039">chez les souris de Madère</a>. Six espèces différentes seraient récemment apparues grâce au relief montagneux de l’île, favorisant un isolement des vallées.</p>
<p>Ces souris ne possèdent plus 40 chromosomes, comme leurs cousines européennes, mais entre 22 et 30. Ce phénomène de <a href="http://www.mnhn.fr/fr/explorez/dossiers/evolution-vivant/mecanismes-evolution/speciation">spéciation</a> (apparition d’une nouvelle espèce) est unique par sa rapidité. Il aurait eu lieu entre 500 et 1 000 ans, ce qui est très rapide ! Les spéciations se font habituellement sur plusieurs centaines de milliers d’années.</p>
<p>Un autre exemple est celui de l’<a href="https://www.inserm.fr/thematiques/immunologie-inflammation-infectiologie-et-microbiologie/dossiers-d-information/resistance-aux-antibiotiques">apparition des bactéries résistantes aux antibiotiques</a> : avec l’utilisation croissante de ces médicaments, de nouvelles espèces bactériennes résistantes sont apparues spontanément.</p>
<p>Enfin, dans le cas de l’espèce humaine, l’apparition de la <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/la-tolerance-au-lait_5965">tolérance au lactose</a> prouve que nous évoluons toujours. Le lactose est un sucre que l’on retrouve dans le lait. À l’origine, l’humain pouvait digérer le lactose à la naissance, mais devenait intolérant à ce sucre quelques mois après.</p>
<p>Mais une mutation survenue il y a environ 8 000 ans en Europe centrale a permis aux êtres humains originaires d’Europe de digérer le lactose tout au long de la vie. On suppose que cette mutation aurait été sélectionnée, car chez les premiers agriculteurs du néolithique, en période de faibles récoltes, les individus pouvant boire du lait avaient beaucoup mieux survécu que les autres.</p>
<p>Les intolérants, incapables de digérer le seul aliment à leur disposition, auraient alors péri. Il est donc important de comprendre que l’humain évolue encore, mais il est tout aussi important de dire que nous ne savons pas vers quoi.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, vous pouvez lire le dossier <a href="http://www.mnhn.fr/fr/explorez/dossiers/evolution-vivant">« L’évolution du vivant »</a>, sur le site du Muséum National d’Histoire Naturelle.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Monique Aouad a reçu des financements de la Région Auvergne Rhône-Alpes ARC1 Santé pour financer sa thèse. </span></em></p>L’évolution, qu’est ce que c’est ? Peut-on l’observer ? A-t-elle une fin ? Le chimpanzé est-il notre ancêtre ? Voici quelques réponses aux principales idées reçues en biologie évolutive.Monique Aouad, Doctorante en biologie évolutive, Université Claude Bernard Lyon 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/762862017-04-24T21:16:45Z2017-04-24T21:16:45ZCe que « Life » nous dit sur demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/166490/original/file-20170424-12468-n24b7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'équipage découvre la toute première preuve d’une vie extraterrestre sur Mars.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-244761/photos/detail/?cmediafile=21394577">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Le film <em>Life : origine inconnue</em> de Daniel Espinosa pose la question de la procédure à adopter le jour où l’humanité entrera en contact avec une forme de vie inconnue, extraterrestre… Dans cette éventualité, quel meilleur laboratoire de confinement peut-on alors imaginer que la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Station_spatiale_internationale">station spatiale internationale, qui orbite à 400 kilomètres au-dessus de nos têtes</a> ?</p>
<p>Le décor est posé. L’action, on s’en doute, tournera autour d’un huis clos meurtrier à cause d’un invité d’origine inconnue. Un scénario qui rappelle au spectateur que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alien_(film)">« dans l’espace, personne ne vous entend crier »</a> !</p>
<p>Cependant, quelques questions demeurent… tout d’abord au sujet de cette forme de vie qui est « réactivée » avec un peu de chaleur, une goutte d’eau et le bon cocktail gazeux. Si cela paraît « trop fastoche », il n’est cependant pas nécessaire d’aller chercher un échantillon martien pour rencontrer une forme de vie avec une résistance similaire à celle de Calvin – <em>attention : spoiler !</em> Calvin est le nom donné par les terriens à la forme de vie martienne. En effet, il existe, sur Terre, ce genre de forme de vie « extrêmophile » : <a href="http://www.maxisciences.com/tartigrade/le-tardigrade-cet-animal-quasi-indestructible-revele-la-cle-de-ses-super-pouvoirs_art38760.html">on les nomme tardigrades ou oursons d’eau</a>.</p>
<h2>Des organismes aux propriétés exceptionnelles</h2>
<p>Ces drôles de petites bestioles sont capables de survivre à des températures approchant du zéro absolu (-273 °C) ou à d’autres, proches de 150 °C, bien au-delà du point d’ébullition de l’eau. Elles résistent aussi à de très forts niveaux de radiation, mortels pour toute autre sur forme de vie, des pressions extrêmement fortes – tels qu’on les trouverait au fond d’un hypothétique océan profond de 60 km (600 mégapascals) – ou, à l’inverse, extrêmement faible comme le vide spatial. Mais, surtout, le tardigrade est capable d’hiberner sur de très longues périodes, sachant évacuer jusqu’à 99 % de l’eau présente dans ses cellules, la remplaçant par un antigel de sa fabrication, le tréhalose. Des chercheurs ont ainsi réveillé des tardigrades, découverts dans les couches profondes des glaces arctiques, qui étaient gelés depuis des millénaires, dans un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tardigrada">état que l’on nomme cryptobiose</a>. En quelques minutes, parfois quelques heures, les oursons d’eau se sont remis à vivre.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/166492/original/file-20170424-12658-1hedfqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166492/original/file-20170424-12658-1hedfqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166492/original/file-20170424-12658-1hedfqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166492/original/file-20170424-12658-1hedfqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166492/original/file-20170424-12658-1hedfqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166492/original/file-20170424-12658-1hedfqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166492/original/file-20170424-12658-1hedfqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166492/original/file-20170424-12658-1hedfqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un tardigrade.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:SEM_image_of_Milnesium_tardigradum_in_active_state_-_journal.pone.0045682.g001-2.png">Schokraie E., Warnken U., Hotz-Wagenblatt A., Grohme M.A., Hengherr S., et coll. (2012) Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Mais, avec le tardigrade, pas de danger pour l’humanité ! Les plus grands d’entre eux ne mesurent que 1,5 millimètres et, bien que l’on trouve des tardigrades dans tous les écosystèmes de la planète, l’humain aura toujours l’avantage de la vitesse : le nom savant des oursons d’eau signifie « marcheur lent »…</p>
<p>Donc Calvin, voyageur interplanétaire et invité indésirable de l’ISS, n’est finalement pas si improbable : les tardigrades semblent capables de survivre à un voyage similaire à celui que Calvin fit depuis la planète rouge… Mais contrairement aux tardigrades, ce dernier se révèle hautement véloce et étonnamment dangereux pour les humains. Un des membres d’équipage dit de Calvin : « Je le hais. Il n’y a pas de méchanceté en lui, mais pour survivre, il doit nous tuer. » La loi du plus fort, du darwinisme de comptoir… qui mettront à rude épreuve les barrières de confinement mises en place à bord de l’ISS, pour le plus grand plaisir du spectateur.</p>
<p>Observer une forme de vie inconnue dans un laboratoire lointain, hors de l’atmosphère terrestre, semble être une idée brillante. Mais dès aujourd’hui et sur Terre, l’humanité pourrait bien se trouver confrontée à des formes de vie inconnues, et cela sans confinement possible.</p>
<h2>Agents pathogènes réactivés</h2>
<p>Depuis de nombreuses années, à cause des dérèglements climatiques, les chercheurs constatent un dégel de la toundra, du permafrost et autres pergélisols, ces terres qui, au-delà des cercles polaires, restent gelées toute au long de l’année. Avec ce dégel, conséquence du réchauffement climatique, ce sont des agents pathogènes qui, enfermés dans ces sols depuis des siècles, voire des millénaires, se trouvent réactivés…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166491/original/file-20170424-23807-11qxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166491/original/file-20170424-23807-11qxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=815&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166491/original/file-20170424-23807-11qxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=815&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166491/original/file-20170424-23807-11qxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=815&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166491/original/file-20170424-23807-11qxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1024&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166491/original/file-20170424-23807-11qxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1024&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166491/original/file-20170424-23807-11qxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1024&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ne craignez pas la mort, mais la vie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-244761/photos/detail/?cmediafile=21394577">Allociné</a></span>
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<p>Ainsi, récemment, à Yamal, une région située au nord-est de Moscou, au-delà du cercle polaire, un <a href="http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1546351-une-epidemie-d-anthrax-decime-des-rennes-en-siberie-le-permafrost-recele-bien-pire.html">enfant est mort de l’anthrax</a> et des dizaines d’autres ont été contaminés par le même bacille de la maladie du charbon apporté par leurs troupeaux qui paissent dans la toundra. L’agent pathogène venait vraisemblablement de la carcasse d’un renne mort de cette maladie et conservé dans la glace depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Toujours dans cette région, les épidémiologistes s’attendent même au retour de souches de la variole datant de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Bien que Yamal soit une péninsule isolée, pour les scientifiques, ces résurgences sont autant de signaux d’alarme dont il faut tenir compte.</p>
<p>Et le dégel ne cesse de croître. Ce sont désormais des terres et autres milieux toujours plus anciens qui sortent de leur hibernation. Bientôt, ce seront des dépouilles de mammouths qui, libérées de leurs gangues de glaces, de leurs capsules temporelles, pourraient bien, à leur tour, libérer dans l’environnement des agents pathogènes vieux de près de 30 000 ans, virus ou bacilles auxquels nos systèmes immunitaires n’ont plus été confrontés depuis trop longtemps.</p>
<p>Dans le cas de ces carcasses de mammouths qui dégèlent avec des voyageurs inconnus et peut-être indésirables, on parle de macrovirus. <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/russie-dans-le-permafrost-virus-et-bacteries-attendent-le-degel_31120">Certains sont déjà étudiés par des équipes de chercheurs russes et françaises.</a> Et, là… pas question de confinement : de la Russie jusqu’au Canada, les terres qui pourraient dégeler au cours des prochaines décennies se comptent en surfaces de dizaines de millions de kilomètres carrés. Au risque épidémiologique, il faut ajouter le risque environnemental, bien que ce dernier ne soit pas au centre de ce propos, avec le danger de voir se produire, dans l’atmosphère, des dégazages massifs de méthane lui aussi stocké dans les terres qui devraient rester gelées…</p>
<p>La seule bonne nouvelle dans la perspective de ce dégel à grande échelle est que plus la forme de vie est de structure complexe, comme les macrovirus trouvés dans les carcasses de mammouth, plus il y a de chance que le gel et le temps aient endommagé cette forme de vie, réduisant le risque épidémiologique pour les formes de vie contemporaines… quoique, avec son étonnante résistance à l’hibernation, le tardigrade – potentiel voyageur interplanétaire – vienne contredire cette apaisante affirmation !</p>
<p>Alors, <em>Life</em> est-il encore un film de science-fiction, un film d’extraterrestres ou bien est-ce la métaphore d’un avenir – épidémiologique – que l’humanité se prépare quand elle refuse de voir et d’entendre les signes d’un danger, les prémices d’une variante des conséquences des dérèglements climatiques qu’elle provoque, prémices collectés et publiés par les chercheurs ? Les capsules, qu’elles soient temporelles ou spatiales, de glace ou d’acier, sont-elles toutes à ouvrir, au risque de faire passer la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pandore">boîte de Pandore</a> du mythe à la réalité ?</p>
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<p><em>Vidéo coproduite par le Huffington Post et Futur Hebdo.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76286/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Parent ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », pourrait tout aussi bien dire le prospectiviste…Olivier Parent, Auditeur de l’IHEST, Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/755612017-03-31T09:32:45Z2017-03-31T09:32:45ZPodcast : Comment devient-on raciste ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/163434/original/image-20170331-16304-w21ca5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">image d e yq</span> </figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Ce podcast est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>Le sentiment, les pratiques, la violence raciste se sont ancrés et sont toujours bien présents dans les sociétés humaines. Evelyne Heyer, commissaire de l’<a href="http://nousetlesautres.museedelhomme.fr/">exposition</a> sur le sujet au Musée de l'Homme nous en explique les fondements et les manifestations.</p>
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<p><em><strong>Interview</strong> Aline Richard Zivohlava / <strong>Montage</strong> Antoine Faure.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75561/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Evelyne Heyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Interview avec Evelyne Heyer, commissaire de l'exposition « Nous et les autres : des préjugés au racisme » actuellement au Musée de l'Homme.Evelyne Heyer, Professeur en anthropologie génétique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/749982017-03-30T20:21:34Z2017-03-30T20:21:34ZVous avez dit racisme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/162908/original/image-20170328-30791-otl7q1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C4025%2C2679&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Atelier « Dessine moi un visage ».</span> <span class="attribution"><span class="source">Lou Viger</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<p>Qu’est-ce que le racisme ? Pourquoi se manifeste-t-il ? Tous les hommes sont-ils racistes ? Ces questions constituent un défi majeur pour les chercheurs. Ces dernières années, la psychologie sociale, la génétique, les sciences humaines et sociales ont largement investi les questions relatives à l’altérité et au racisme mais ces analyses ont été peu diffusées dans l’espace public. De plus, elles sont restées pour la plupart fragmentées, spécialisées dans des domaines très pointus. Dans la continuité de la Galerie de l’Homme, l’une d’entre nous (Evelyne Heyer) a proposé ce thème pour la première grande exposition temporaire du Musée de l’homme : <a href="http://nousetlesautres.museedelhomme.fr/"><em>Nous et les autres : des préjugés au racisme</em></a>.</p>
<p>L’exposition entend, à partir de ces enquêtes, proposer une analyse cohérente et globale des phénomènes de « racialisation » et de racisme. En mettant l’accent non seulement sur les faits, déjà bien connus, mais sur la construction de ces phénomènes, l’exposition propose une analyse originale.</p>
<p>À l’issue de la réflexion menée dans le cadre de cette exposition, nous proposons la définition suivante : </p>
<blockquote>
<p>« Le racisme consiste à considérer les différences entre individus qu’elles soient physiques ou culturelles comme héréditaires, immuables et “naturelles” ; il établit une hiérarchie entre des catégories d’êtres humains. Il peut se traduire par des sentiments, par des actes allant de la discrimination jusqu’à l’extermination de l’autre. »</p>
</blockquote>
<p>Notre définition s’appuie ainsi sur trois notions-clés : la catégorisation, la hiérarchisation et l’essentialisation.</p>
<h2>Catégorisation</h2>
<p>La catégorisation désigne un processus naturel, une activité cognitive normale du cerveau humain. On sait classer une chaise dans la catégorie « chaise » que celle-ci soit en bois, en verre, à haut dossier ; on met en avant les caractères communs aux éléments de la catégorie « chaise » et on en occulte la variabilité dans la catégorie créée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/162906/original/image-20170328-30784-q3luar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/162906/original/image-20170328-30784-q3luar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/162906/original/image-20170328-30784-q3luar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/162906/original/image-20170328-30784-q3luar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/162906/original/image-20170328-30784-q3luar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/162906/original/image-20170328-30784-q3luar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/162906/original/image-20170328-30784-q3luar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Karl Ernst von Baer : Types principaux des différentes race humaines, 1862.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Galerie Bassenge/Wikipedia</span></span>
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<p>La psychologie sociale enseigne que l’on procède de même pour ordonner la diversité des humains : on élabore des catégories. Mais s’il est naturel de catégoriser la diversité du monde qui nous entoure, les catégories que l’on choisit pour « classer » les êtres humains ne sont pas naturelles, elles sont fortement influencées par la société qui nous entoure. On peut donc dire qu’elle dépende de l’époque, du contexte dans lequel on vit.</p>
<p>Dans l’exposition, des dispositifs inédits ont été conçus pour amener le visiteur à prendre conscience de cette activité cognitive fondamentale. La catégorisation peut ainsi entrer en contradiction avec un autre mécanisme fondamental, celui de la construction de l’identité d’un individu. En effet, l’identité d’un individu n’est pas monolithique, elle se construit à partir d’une pluralité d’éléments identitaires. L’individu doit pouvoir choisir lui-même les éléments de son identité qu’il souhaite mettre en avant. Ainsi, tout individu ne peut être réduit à son origine, à sa religion ou encore à sa nationalité, ces éléments sont des composants de l’identité que l’individu est libre ou non de valoriser.</p>
<h2>Hiérarchisation</h2>
<p>Le deuxième élément propre au racisme est la hiérarchisation. La science biologique a coutume de produire des catégories en fonction de certains critères neutres : la catégorisation n’implique alors pas une hiérarchisation. Or, dans l’histoire, catégorisation et hiérarchisation sont allées souvent de pair. On a créé ou activé des catégories dans un but de domination. Les études de psychologie sociale soulignent une tendance naturelle à favoriser son groupe, son « endogroupe ». La conception même des deux catégories « nous » et « les autres » sous-tend une propension à privilégier son groupe et par conséquent à établir des hiérarchies.</p>
<h2>Essentialisation</h2>
<p>La troisième composante du racisme réside dans l’essentialisation. L’identité d’un individu est alors conçue comme une « essence » et réduite aux attributs de sa catégorie que l’on pense comme immuables : l’individu est intrinsèquement lié à ses qualificatifs. Ceux-ci se transmettent de génération en génération. La règle de la goutte de sang noir aux États-Unis déterminant l’ascendance noire est exemplaire : tout descendant d’individu catégorisé noir est considéré noir. C’est donc plus l’origine que la couleur qui prime. L’idée selon laquelle les Roms ont été, sont et seront toujours des nomades, alors qu’ils sont majoritairement sédentarisés depuis plusieurs générations, relève tout autant d’une essentialisation, cette fois-ci de la culture. L’essentialisation fige les catégories.</p>
<p>L’exposition revisite ensuite les racismes institutionnalisés en se centrant sur les mécanismes qui ont conduit des sociétés à faire une lecture raciale des identités. À un moment où l’idée de race a paru comme la clé d’explication des phénomènes sociaux, des racismes institutionnalisés se sont installés. Quels contextes ont favorisé ces situations ? Quels en ont été les acteurs ? Les mobiles ? Quels ont été les enjeux économiques et politiques ? Y a-t-il une similitude dans les processus qui ont mené à l’établissement de ces régimes institutionnalisés ? L’exposition tente d’y répondre à travers quatre exemples (la colonisation française, la ségrégation aux États-Unis, Le nazisme, le Rwanda). Ces exemples montrent que deux vecteurs principaux ont favorisé les situations de racisme institutionnalisé : le colonialisme et le nationalisme.</p>
<h2>Sentiments, pratiques et violences racistes</h2>
<p>Comprendre, tel est donc le parti pris de l’exposition. Car comprendre notre passé doit permettre au citoyen d’aujourd’hui de décrypter plus aisément les enjeux de la société dans laquelle il vit. Aujourd’hui, les citoyens et les chercheurs doivent faire face à un autre défi. Alors que les États et les organismes internationaux manifestent depuis plusieurs décennies la volonté de lutter contre ces phénomènes, les sociétés sont encore confrontées à des pratiques ségrégationnistes, discriminatoires, ainsi qu’à des sentiments et à des violences racistes. Ces phénomènes donnent lieu à des analyses parfois divergentes, parfois complémentaires. Nous avons tenté, dans les contraintes du format d’une exposition, d’en rendre compte.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/162909/original/image-20170328-30807-1oajrcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/162909/original/image-20170328-30807-1oajrcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/162909/original/image-20170328-30807-1oajrcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/162909/original/image-20170328-30807-1oajrcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/162909/original/image-20170328-30807-1oajrcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/162909/original/image-20170328-30807-1oajrcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/162909/original/image-20170328-30807-1oajrcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Visualisation séquence de l’exposition. La ségrégation raciale aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Atelier Confin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Différentes enquêtes nous permettent de constater les dynamiques de l’intégration dans la France d’aujourd’hui mais aussi les discriminations. Alors que 93 % des enfants d’immigrés se sentent Français, 24 % d’entre eux ne se sentent pas perçus comme tels. On constate également une fluidité des relations sociales : réseaux amicaux et mariages ont bien souvent lieu à l’extérieur de la communauté d’origine. La fécondité des descendants d’immigrés ressemble à celle de la population majoritaire. Cependant, les enquêtes sur les discriminations à l’embauche montrent par exemple qu’à compétences identiques, le candidat portant un nom à consonance « maghrébine » est désavantagé par rapport au candidat portant un nom à consonance « hexagonale ».</p>
<p>Bien que la tolérance augmente continuellement depuis plusieurs dizaines d’années, la <a href="http://www.cncdh.fr/">Commission consultative des droits de l’Homme</a> (CNCDH) signale deux faits majeurs ces dernières années : une attitude d’hostilité systématique envers les Roms et les personnes perçues comme telles qui peut aller jusqu’à une forme d’animalisation, de refus de leur reconnaître un caractère humain et digne. Depuis 2013, la CNCDH définit l’islamophobie comme une attitude d’hostilité systématique envers les musulmans, les personnes perçues comme telles et/ou l’islam. Elle constate que les attitudes à l’égard des musulmans ne sont pas la simple traduction des préjugés à l’égard des Maghrébins. La religion ainsi que les personnes qui la pratiquent font l’objet d’une hostilité.</p>
<h2>Paradoxes génétiques</h2>
<p>L’exposition fait aussi le point sur la génétique, en expliquant certains paradoxes : les données sur la diversité génétique de notre espèce démontrent formellement que celle-ci ne peut pas être décrite en termes de race : il existe trop peu de différence génétique entre les populations humaines. Comment alors expliquer les différentes couleurs de peau ? Pourquoi alors que les différences génétiques entre les populations humaines sont faibles, il est néanmoins possible de construire des groupes de proximité génétique ? Que la génétique peut-elle dire ou ne pas dire sur ce qu’est un individu ?</p>
<p>Donner à éprouver et comprendre les mécanismes propres au racisme devrait contribuer, selon nous, à l’éradiquer ou tout au moins à le diminuer sans pour autant nier les différences individuelles. Ainsi, il serait possible de vivre dans une société qui aurait pour slogan : l’égalité dans la diversité !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/162903/original/image-20170328-30788-1vrycpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/162903/original/image-20170328-30788-1vrycpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/162903/original/image-20170328-30788-1vrycpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/162903/original/image-20170328-30788-1vrycpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/162903/original/image-20170328-30788-1vrycpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/162903/original/image-20170328-30788-1vrycpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/162903/original/image-20170328-30788-1vrycpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Que nous disent nos gènes ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">museedelhomme.fr</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/74998/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Evelyne Heyer est Commissaire de l'exposition</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carole Reynaud-Paligot est Commissaire de l'exposition</span></em></p>Pour sa première grande exposition temporaire, le Musée de l’Homme a choisi d’explorer le racisme, ses tenants et ses aboutissants. Les deux Commissaires nous en disent plus.Evelyne Heyer, Professeur en anthropologie génétique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Carole Reynaud-Paligot, Historienne, Paris 1, Maison des Sciences de l'Homme-Paris-Nord, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/734682017-02-23T20:25:58Z2017-02-23T20:25:58ZL’humain technologiquement augmenté : les dessous d’un mythe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157865/original/image-20170222-10850-1b1ovbq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Guerrier augmenté.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rdecom/14132157025">U.S. Army/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em> </p>
<hr>
<p>Savoir de quoi l’on parle… Lorsqu’on évoque la possibilité d’un humain augmenté, on se réfère généralement à une addition de performances humaines et machiniques (dans le prolongement de la figure du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyborg">cyborg</a> popularisée par la science-fiction). Mais augmenté par rapport à quoi ? À quelles valeurs de références et selon quels critères ? Comment mesure-t-on, par exemple, le bonheur ? La bonne vie ? les sensations, comme les odeurs, le toucher, qui nous relient au monde ? Le plaisir qu’on éprouve à travailler ? Toutes ces dimensions qui font que la vie vaut la peine d’être vécue. Attention ici de ne pas céder à la magie du chiffre. Le plus peut cacher un moins ; un gain dissimuler des pertes, difficilement identifiables car non mesurables et non quantifiables.</p>
<p>Ainsi des pilotes de drones militaires, qui sont augmentés dans la mesure où ils peuvent voir, grâce aux capteurs déportés, à l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Optronique">optronique</a>, aux caméras infrarouges ce que les simples yeux humains ne pourront jamais voir. Mais <em>quid</em> du prestige que conférait le fait de dompter la puissance de la machine, les sensations et le plaisir du vol, le courage et aussi la fierté de dominer la peur, de la domestiquer au terme d’un long et fastidieux travail d’aguerrissement ?</p>
<p>Autre exemple, autre contexte, celui de la télémédecine et du télédiagnostic : Côté face, la possibilité de bénéficier, où que vous soyez, de l’avis d’un expert-spécialiste depuis votre domicile. Pour les personnes isolées, en perte d’autonomie ou de mobilité, pour les régions transformées en déserts médicaux, cela représente un gain et un progrès indéniables. Côté pile, les études de terrain qui montrent que certaines personnes s’inquiètent d’une nouvelle forme d’enfermement, de confinement au domicile. Aller voir un spécialiste, même s’il est loin, c’est sortir de son environnement quotidien, rompre avec la routine, aller en ville, faire des rencontres, l’occasion de faire de nouvelles expériences, et quelque part, de s’enrichir (autre définition possible de l’augmentation).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/157862/original/image-20170222-1358-1ety749.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/157862/original/image-20170222-1358-1ety749.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/157862/original/image-20170222-1358-1ety749.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/157862/original/image-20170222-1358-1ety749.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/157862/original/image-20170222-1358-1ety749.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/157862/original/image-20170222-1358-1ety749.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/157862/original/image-20170222-1358-1ety749.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Consultation de télémédecine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Telemedicine_Consult.jpg">Intel Free Press/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment les technologies nous changent</h2>
<p>Bien entendu, à chaque progrès, son lot de renoncements et d’abandons d’anciennes manières de faire et d’être, d’habitudes et d’<em>habitus</em>. L’essentiel étant que la somme des gains soit supérieure à la celle des pertes et qu’aux anciennes sensibilités, s’en substituent de nouvelles. Sauf que l’approche économique et marchande, en termes de pertes et profits, met sur un même plan, celui de l’utilité, des réalités qualitativement hétérogènes. Or, il est des choses parfaitement inutiles, comme consacrer du temps à écouter, à perdre son temps, à flâner, qui apparaissent en revanche essentielles dans le champ des relations sociales, de l’expérience vécue, de l’apprentissage, de l’imagination et de la création… La question n’est donc pas de savoir si les machines vont remplacer les humains. Mais quelles sont les valeurs que nous mettons dans les machines et qui, en retour, nous transforment : comme la vitesse, la prédictibilité, la régularité, la puissance…</p>
<p>La dépendance qu’engendre par exemple l’usage répété de la géolocalisation, et plus encore l’habitude de se fier à ces technologies, change, au quotidien et insidieusement, notre rapport aux autres, comme à l’espace public ou au commun. Ne devenons-nous pas par exemple moins tolérants aux imperfections des êtres humains, à l’incertitude inhérente aux relations humaines, et d’une certaine façon plus impatiente ? L’un des risques que j’entrevoie ici, c’est que, dans les situations les plus ordinaires, nous finissions par attendre des êtres humains qu’ils se comportent avec la même régularité, la même précision, la même vélocité et la même prédictibilité que les machines. N’est-ce pas déjà ce qui arrive, lorsque, dans la rue, nous avons de plus en plus de mal à nous adresser à l’inconnu de passage, à l’étranger pour lui demander notre route, préférant à cet échange, plein d’imprévus et d’une certaine manière risqué, la précision et la solution rapide qui s’affiche sur l’écran de notre iPhone ? Voilà des questions que nous devons nous poser lorsque nous parlons « d’humain augmenté ».</p>
<p>L’une des choses à laquelle nous devons par conséquent prêter le plus attention, c’est qu’à mesure que nous nous habituons à l’efficacité binaire et sans nuances des machines, que celle-ci nous devient « naturelle », c’est aussi la faiblesse humaine qui nous devient plus insupportable et étrangère. Le problème n’est donc pas tant de savoir si les machines vont renverser les humains, se substituer à eux, les dépasser ou les encore rendre caduques, que de comprendre dans quelles conditions – sociales, politiques, éthiques, économiques - les êtres humains se mettent à agir machinalement, à désirer ressembler aux machines qu’ils conçoivent. C’est la question de l’agir machinal, du type d’humain que cette modalité d’action sous-tend, qui me semble ici cruciale et qu’il est urgent de se poser.</p>
<h2>Interagir avec des machines est plus rassurant</h2>
<p>Il est vrai qu’avec les robots dits sociaux ou « compagnons » (tels <a href="http://inno3med.fr/portfolio_item/paro/">Paro</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/NAO_(robotique)">Nao</a>, <a href="https://designtoimprovelife.dk/nursebot-personal-mobile-robotic-assistants-for-the-elderly/">NurseBot</a>, <a href="http://www.roboticstoday.com/robots/hai-bao">Bao</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aibo">Aibo</a>, <a href="http://www.hackinglab.org/real_baby/index_baby.html">My Real Baby</a> …) en qui nous voulons voir des sujets, capables non seulement de communiquer avec nous, d’agir dans nos environnements quotidiens et familiers, mais encore de faire preuve d’émotions, d’apprentissage, d’empathie… la perspective semble s’inverser. La psychologue et anthropologue <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sherry_Turkle">Sherry Turkle</a> s’est interrogée sur ce passage des robots qui font peur, par leur étrangeté, aux robots avec lesquels nous semblons prêts à nous lier d’amitié. Que s’est-il passé –se demande-t-elle- pour que nous soyons prêts à accueillir des robots dans notre vie quotidienne, jusqu’à vouloir tisser des liens affectifs et émotionnels avec eux alors qu’ils étaient hier encore source d’effroi ou d’inquiétude ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/157864/original/image-20170222-10850-1qevttu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/157864/original/image-20170222-10850-1qevttu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/157864/original/image-20170222-10850-1qevttu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/157864/original/image-20170222-10850-1qevttu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=477&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/157864/original/image-20170222-10850-1qevttu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/157864/original/image-20170222-10850-1qevttu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/157864/original/image-20170222-10850-1qevttu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Robot coréen, 2013.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kiro-M5, Korea Institute of Robot and Convergence</span></span>
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<p>Après plusieurs années d’enquête dans les maisons de retraite ayant fait le choix d’introduire ces machines, l’auteur de <a href="http://www.lechappee.org/seuls-ensemble"><em>Seuls ensemble</em></a> conclue que l’une des raisons pour lesquelles nous préférons parfois le commerce avec les machines plutôt qu’avec les êtres humains est la détérioration préalable des relations que nous pouvons avoir dans le monde réel. Défiance, crainte d’être trompé, suspicion caractériseraient ces relations. Turkle ajoute une fatigue, consécutive au fait de devoir toujours être sur ses gardes, et un ennui : être en compagnie des autres nous ennuie. Elle en déduit que le concept de robots sociaux suggère que notre façon d’affronter l’intimité se résume peut-être aujourd’hui à l’éviter tout à fait. Cette détérioration des relations humaines constituerait selon elle le socle et la condition du développement de robots sociaux, ces derniers répondant à un besoin de cadre, de repères, de certitude et de prédictibilité que les relations normales, dans le contexte d’une dérégulation généralisée, n’offrent plus que très rarement.</p>
<p>Tout se passe donc comme si nous attendions de nos relations « contrôlées et contrôlables » avec les machines, qu’elles compensent l’impuissance dans laquelle nous nous trouvons le plus souvent de faire face à l’injustice et à la cruauté réservées à des catégories entières d’êtres vivants (humains et non humains, que l’on pense aux réfugiés, aux sans-abri ou aux animaux de l’industrie). Une solution de repli en quelque sorte, ou refuge, mais qui n’est pas sans conséquence sur notre façon de nous penser dans le monde, ou plutôt hors du monde, sans prise réelle pour agir sur lui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73468/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gérard Dubey a reçu des financements de l'ANR. </span></em></p>L’homme bionique, augmenté de prothèses hi-tech et de puces électroniques, est-il un bénéfice pour l’humanité ? La réalité est plus mitigée.Gérard Dubey, Sociologue, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/688592016-11-15T22:18:30Z2016-11-15T22:18:30ZL’humain, la machine, l’émotion et le créateur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/146018/original/image-20161115-31138-180qyqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/skewgee/3161505670">Matthew Hurst/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la première édition du <a href="http://www.sorbonne-paris-cite.fr/fr/vie-de-campus/uspc-et-la-cite/festival-des-idees-paris-16-19-novembre-2016">Festival des idées</a>, un événement organisé du 15 au 19 novembre 2016 par <a href="http://www.sorbonne-paris-cite.fr/fr">USPC</a> et dont The Conversation France est partenaire.</em></p>
<hr>
<p>J’ai abordé dans deux articles récents de <a href="http://axelkahn.fr/blog/">mon blog</a> les bouleversements intellectuels, sociaux et individuels liés à l’intervention de plus en plus massive et experte des « machines à penser », englobant sous ce terme l’intelligence artificielle servie par les big data et leurs algorithmes d’exploitation, dotée d’une capacité d’amélioration autonome de plus en plus vive et contrôlante, le cas échéant, des robots de plus en plus performants.</p>
<p>Dans <a href="http://axelkahn.fr/?s=A+quoi+l%27%C3%A9conomie+participative+participe-t-elle+%3F">« À quoi l’économie participative participe-t-elle ? »</a>, j’aborde la remise en question désormais de la notion de spécialisation et de compétence ; dans <a href="http://axelkahn.fr/intelligence-humaine-intelligence-artificielle-vases-communicants/"><em>Intelligence humaine, intelligence artificielle : des vases communicants ?</em></a>, je propose que la cause d’une tendance bien documentée depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle à la baisse des scores moyens aux tests de quotient intellectuel (QI) pourrait être que, intimidés par leur puissance, nos concitoyens laissent de plus en plus aux machines le soin de réaliser des tâches qui, lorsqu’ils les réalisaient eux-mêmes, contribuaient à développer leur mémoire et leur vivacité intellectuelle, paramètres qui interviennent dans les performances de QI.</p>
<p>En résumé, la masse des données stockées et stockables dans des mémoires informatiques est presque infinie, des supports durables sinon éternels sont en voie de développement rapide pour les conserver, là encore presque indéfiniment. Des algorithmes qui permettent d’interroger avec une subtilité croissante ces masses de données sont en développement permanent.</p>
<p>Grâce à des systèmes mimant certains principes de fonctionnement (mais bien entendu pas la nature) des circuits neuronaux, ces dispositifs gardent la mémoire des tâches qu’ils réalisent et des problèmes rencontrés, ils peuvent le cas échéant interagir avec d’autres ensembles de même type auxquels ils sont connectés, et accroître de la sorte et de manière autonome leurs performances, élargir le spectre de leurs possibilités. Il s’ensuit que l’innovation algorithmique et le perfectionnement des procédures deviennent dès lors potentiellement autonomes et, à terme, ne dépendront plus obligatoirement de l’intervention humaine.</p>
<p>La puissance de semblables systèmes est en théorie supérieure à celles de l’esprit humain pour toutes les tâches dont la réalisation repose sur la mémoire et la capacité de tester rationnellement un grand nombre d’hypothèses, d’autant que des éléments de stratégie réflexive, au départ d’origine humaine, sont susceptibles d’une amélioration progressive autonome. C’est pourquoi la machine est désormais appelée à l’emporter sur les meilleurs spécialistes concernés, et cela de manière irréversible, dans le jeu d’échec, de <a href="https://theconversation.com/faut-il-avoir-peur-dalphago-56376">Go</a> et toute autre activité de ce type. En effet, un appareil capable de prévoir les innombrables coups possibles d’un adversaire et le mérite comparé de toutes les répliques envisageables des dizaines de coups à l’avance est à l’évidence invincible, sa stupide capacité quantitative l’emportant sur la plus brillante des subtilités des joueurs expérimentés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/146021/original/image-20161115-31132-1c4zn63.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/146021/original/image-20161115-31132-1c4zn63.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/146021/original/image-20161115-31132-1c4zn63.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/146021/original/image-20161115-31132-1c4zn63.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/146021/original/image-20161115-31132-1c4zn63.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/146021/original/image-20161115-31132-1c4zn63.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/146021/original/image-20161115-31132-1c4zn63.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le match Alphago – Lee Sedol.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/prachatai/25708381781">Prachatai/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Approche numérique et quantitative</h2>
<p>Dans le champ scientifique, l’approche numérique et quantitative s’est imposée dans de très nombreux domaines ; j’ai déjà cité le clonage des gènes, les enquêtes de motivation des consommateurs et des électeurs, les études épidémiologiques. Sans ces outils nouveaux, pas d’astrophysique, de physique des particules, pas de modélisation des nouveaux modèles de voitures ou d’avions, etc. Les approches numériques modernes sont déjà, de manière balbutiante, et seront plus encore dans le futur à la base d’une révolution profonde des pratiques et de l’exercice médical.</p>
<p>En effet, aucun médecin, même le plus perspicace, doté d’une expérience exhaustive, ne pourra jamais à terme, pour parvenir au diagnostic difficile d’affections exceptionnelles qu’il n’a encore jamais rencontré, rivaliser avec des systèmes informatiques autoévolutifs. De plus, les perfectionnements impressionnants de l’imagerie ultrasonore, sa capacité aujourd’hui à non seulement voir mais aussi palper les organes, les innombrables robots d’analyse permettent de prévoir une intervention humaine de plus en plus limitée pour l’élucidation d’un diagnostic, l’établissement d’un pronostic et la déduction de la meilleure thérapeutique en fonction des paramètres relevés.</p>
<p>La question se pose par conséquent du champ – ou simplement du créneau – qui restera l’apanage de l’esprit l’humain dans ce nouvel ordre numérique des choses. Les premières réponses intuitives sont de l’ordre de l’émotion et de la fulgurance créative. Considérons tout d’abord l’émotion. Elle résulte en principe d’une interaction entre le corps et le psychisme, créée souvent par une perception et une sensation, ou bien le souvenir qui en reste imprimé dans la mémoire.</p>
<p>Or, la machine n’a pas de corps, elle ne ressent pas la rougeur qui enflamme les joues, la moiteur des aisselles et des paumes, elle ne sait ce qu’est la sensation de la tumescence des organes génitaux, ce que peut signifier le cœur qui se met à battre la chamade, la gorge qui « se noue », la notion du plaisir lui est étrangère. On peut bien entendu programmer une machine à ressentir des émotions « électroniques » mais nous n’avons nulle certitude sur la signification réelle du dispositif pour l’économie « psychique » de la machine, terme dont l’utilisation est ici contestable puisque l’univers psychique résulte d’un dialogue du corps et de l’esprit.</p>
<p>Pablo Picasso a déclaré que l’art était sexué ou n’était pas, affirmation en grande partie évidente. Or, l’intelligence artificielle est par essence asexuée, même si les programmateurs y introduisent des paramètres de genre, de toute façon ici déconnectés des sensations et des émotions. Jusqu’à plus amplement informé, le monde du corps, de la sexualité, des émotions et de l’art restent par conséquent l’apanage de l’humain. Le champ de l’émotion, élément important de la relation du médecin et de son malade, prendra sans doute dans l’avenir d’une pratique informatisée et robotisée de la médecine une place essentielle dans le rôle des praticiens, ce qui amènera à repenser en profondeur l’enseignement de la discipline.</p>
<p>L’analyse prospective basée sur les outils de connexion, les big data et les algorithmes est aujourd’hui la méthode principale d’accès à la prédiction des comportements individuels, en particulier à la motivation et aux déterminants d’achat des consommateurs. Ainsi, a-t-on suivi les différentes actions quotidiennes de quelques milliers de femmes enceintes : à quelle heure envoient-elles leur premier coup de téléphone, se connectent-elles sur les réseaux, quels sites consultent-elles, quels achats font-elles, où se déplacent-elles à l’extérieur, quels spectacles les attirent-elles, que lisent-elles, consomment-elles, etc. Et cela pendant plusieurs mois.</p>
<p>Les données sont stockées et des algorithmes dédiés créés, appliqués à la population féminine générale. Entre 95 et 98 % des femmes reconnues par les algorithmes sont enceintes et sont démarchées pour l’acquisition de produits de grossesse et de maternité. Le chiffre important est ici celui de 2 à 5 % des comportements individuels qui apparaissent échapper à la puissance des algorithmes. Ce phénomène d’un petit pourcentage de personnes dont les décisions et comportements échappent aux prévisions de l’analyse prospective la plus poussée conduit à formuler une hypothèse : et si cette petite proportion était la manifestation de l’aptitude humaine à la déviance, à l’originalité, à l’imprévisibilité, à la fulgurance créative ? Et s’il en avait de tous temps été ainsi ?</p>
<h2>Fulgurance créative</h2>
<p>L’immense majorité de notre vie se passe à refaire ce qu’on a toujours fait, ce qu’on nous a appris, à reproduire à l’identique ce qui existe déjà. Cela vaut aussi pour nombre d’œuvres ou l’imitation l’emporte sur l’innovation créative. De nombreux livres, qui ne sont pas simplement des romans de gare, ressassent à l’envie des situations éprouvées pour lesquelles l’appétence du public est notoire. Il en va de même pour nombres d’objets d’arts plastiques, de tableaux peints. Je n’ai aucun doute qu’un jour les « nègres » chargés de cette production, et si cela devient économiquement rentable, seront remplacés par des machines numériques dûment programmées et apprenant toujours grâce aux enquêtes sur l’évolution des goûts des gens.</p>
<p>Mais parfois, la fulgurance créative se manifeste « à la marge », un chef d’œuvre le cas échéant naît. Cela, c’est le domaine authentique de la créativité artistique, une des spécificités de l’esprit humain façonné par ses interactions avec les manifestations du corps, leur perception, les sensations et les émotions qu’elles engendrent, et ce monde-là, celui de la perception du beau, condition de sa création, n’apparaît pas accessible à la machine. Le même type de raisonnement vaut pour la fulgurance scientifique, la gravitation de Newton, la relativité d’Einstein, l’intuition mathématique d’un Ferdinand Jamin, etc.</p>
<p>Pour terminer, un mot de la morale, que l’on aurait volontiers tendance à ajouter aux spécificités irréductibles de l’humain. Cela n’est en réalité pas certain. Bien entendu, il est aisé d’injecter à un appareil les règles déontologiques ou les normes morales en vigueur. Mais qu’en est-il de l’acquisition spontanée par une société d’ordinateurs et de robots dotés d’intelligence artificielle d’un comportement altruiste, de l’établissement de relations électives. On peut en réalité la concevoir. Imaginons un groupe de dispositifs numériques soumis à un phénomène de sélection en fonction de leur niveau de performance.</p>
<p>Faisons maintenant l’hypothèse que ces machines interagissent et apprennent les unes des autres, ce qui accroît leur puissance et leur succès évolutif puisque, plus savantes, elles seront par là sélectionnées, les autres éliminées. Alors, les appareils qui auront le mieux échangé, ceux qui auront développé une vraie affinité « pour autrui », qui en d’autres termes seront dotés de la meilleure compétence sociale, seront les vainqueurs de la sélection, eux et leurs aptitudes à l’échange et à l’entraide dont la résonance morale apparaît évidente.</p>
<p>Après cette mise au point sur les relations entre l’homme et la machine, je suis conscient qu’il ne s’agit là que d’un « point d’étape », que l’univers numérique comporte encore beaucoup d’inconnues, la principale étant bien sûr de se demander si cela fera sens un jour de parler de « vie in silico ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Axel Kahn interviendra le 16 novembre en ouverture du Festival des idées</span></em></p>Dans le nouvel ordre numérique qui a déjà pris le pouvoir sur notre réel, que reste-t-il à l’esprit humain ? L’émotion, la fulgurance créative, autant de traits essentiels dont la machine est privée.Axel Kahn, Directeur de recherche à l’INSERM, ancien président de l’Université Paris Descartes, généticien et essayiste, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/627132016-08-29T04:36:42Z2016-08-29T04:36:42ZQuelles espèces domineraient la Terre si les humains disparaissaient ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/135541/original/image-20160825-6609-1cs06dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Trace fossile, Sud algérien.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/banco_imagenes_geologicas/5008384543">Banco de Imágenes Geológicas/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans un futur post-Apocalypse où les humains auraient disparu, quelle forme de vie subsisterait encore ? L’homme, après tout, est vraisemblablement voué à être effacé pour de bon bien avant que le <a href="http://www.bbc.co.uk/earth/story/20150323-how-long-will-life-on-earth-last">Soleil ne se transforme en une géante rouge</a>, exterminant sur Terre tout ce qui est vivant.</p>
<p>En supposant que nous ne supprimions pas nous-mêmes toute autre espèce lors de notre disparition (un fait d’armes peu probable malgré notre remarquable <a href="http://www.theguardian.com/environment/radical-conservation/2015/oct/20/the-four-horsemen-of-the-sixth-mass-extinction">tendance à l’extermination</a>), l’histoire nous apprend ce qui se passerait : des changements plutôt fondamentaux interviendront quand, sur la planète, les humains ne seront plus l’espèce animale dominante.</p>
<p>Donc, si nous avions la possibilité de nous projeter dans l’avenir de notre Terre quelque cinquante millions d’années après notre disparition, que trouverions-nous ? Quel animal ou groupe d’animaux aurait pris le pouvoir en tant qu’espèce dominante ? Connaîtrions-nous une Planète des singes, comme la fiction populaire l’a imaginé ? Ou la domination des <a href="http://io9.gizmodo.com/5780020/if-humanity-went-extinct-what-species-would-replace-us">dauphins</a>, ou des rats, ou <a href="http://www.lightspeedmagazine.com/nonfiction/five-animals-that-will-take-over-the-earth-after-we-eradicate-ourselves/">des ours, ou des cafards</a>, ou <a href="http://m.livescience.com/46866-planet-apes-next-dominant-species.html">des porcs, ou des fourmis</a> ?</p>
<p>La question a soulevé nombre de spéculations et beaucoup d’écrivains ont dressé leur propre liste de candidats. Avant de proposer notre hypothèse, nous devons toutefois expliquer soigneusement ce que nous voulons dire par espèce dominante.</p>
<h2>Restons-en au règne animal</h2>
<p>On pourrait argumenter que notre époque est celle des angiospermes (<a href="http://www.bbc.co.uk/earth/story/20141017-how-flowers-conquered-the-world">plantes à fleurs</a>). Mais la plupart des gens n’imaginent pas l’Audrey Two de <a href="http://www.imdb.com/title/tt0091419/"><em>La petite boutique des horreurs</em></a> lorsqu’ils envisagent la vie dans le futur (même les dragons imaginaires ont des caractéristiques animales, comme un comportement de prédateur ou la capacité à se mouvoir).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/108891/original/image-20160121-9766-1pmosij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/108891/original/image-20160121-9766-1pmosij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/108891/original/image-20160121-9766-1pmosij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/108891/original/image-20160121-9766-1pmosij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/108891/original/image-20160121-9766-1pmosij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/108891/original/image-20160121-9766-1pmosij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/108891/original/image-20160121-9766-1pmosij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Créatures.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.shutterstock.com/pic-339164555/stock-photo-penza-russia-august-triffids-walking-fictional-carnivorous-plants-sculptures-carved.html?src=4aJPIh0MMEn2GkY1A6pbqg-1-0">Shutterstock</a></span>
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<p>Alors, centrons la discussion sur les animaux. Pour des raisons pratiques plutôt que philosophiques : selon certains critères, le monde est toujours – et l’a toujours été – <a href="http://bitesizebio.com/11064/we-are-the-tail-that-wags-the-dog-bacteria-as-the-dominant-life-form-on-earth/">dominé par les bactéries</a>, malgré la fin symbolique de l’<a href="http://www.ucmp.berkeley.edu/education/events/eukevol.html">« âge des microbes »</a> il y a environ 1,2 milliard d’années. Non pas parce que les bactéries auraient cessé d’exister, ni parce que leur prédominance aurait diminué, mais plutôt parce que, dans notre myopie, nous sommes poussés à accorder davantage d’importance aux grands organismes multi cellulaires survenus ultérieurement.</p>
<p>Selon certaines recensions, <a href="http://blogs.scientificamerican.com/artful-amoeba/parasitic-roundworms-own-this-place/">4 animaux sur 5</a> sont des nématodes (vers ronds). À partir de ces exemples, il est donc évident que ni la fréquence, ni l’abondance, ni la diversité ne sont des éléments requis en priorité pour être une forme « dominante » de vie. Au lieu de cela, nos imaginations sont séduites par des organismes importants et charismatiques.</p>
<h2>Nous savons que nous ne saurons pas</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/108895/original/image-20160121-9754-1ldjdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/108895/original/image-20160121-9754-1ldjdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/108895/original/image-20160121-9754-1ldjdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/108895/original/image-20160121-9754-1ldjdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/108895/original/image-20160121-9754-1ldjdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/108895/original/image-20160121-9754-1ldjdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/108895/original/image-20160121-9754-1ldjdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Je pense que… tu seras… comme moi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.shutterstock.com/pic-129088694/stock-photo-ten-month-boy-stands-before-the-mirror.html?src=jEwOp0_UnI4FE1g_ROY_qQ-1-8">Mirror by Shutterstock</a></span>
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<p>Dans la façon de désigner quelle serait l’espèce dominante, il existe chez l’homme un indéniable degré de narcissisme, ainsi qu’une forte propension à accorder le titre à des proches parents. « La Planète des singes » imagine que nos parents primates les plus proches seront en mesure de parler et d’adopter notre technologie si, pour cela, nous leur accordons le temps et l’espace.</p>
<p>Mais des sociétés de primates non humains ont peu de chances d’hériter de notre domination sur la Terre, car les singes vont vraisemblablement disparaître avant nous. Nous sommes déjà les seuls hominidés vivants dont le <a href="http://www.iucnredlist.org/">statut d’espèce</a> n’est pas menacé, voir menacé de façon critique. Et le genre de crise globale qui éteindrait notre espèce n’épargnerait vraisemblablement pas ce qui resterait des populations fragiles, comme celle des autres grands singes. En fait, toute extinction frappant les humains sera certainement encore plus dangereuse pour les organismes qui partagent nos conditions physiologiques de base.</p>
<p>Même si les humains succombent à une pandémie qui affecterait relativement peu d’autres mammifères, ce sont les grands singes qui forment justement les espèces le plus à même de contracter n’importe laquelle des nouvelles maladies qui nous auront fait disparaître de la surface terrestre.</p>
<p>Un autre parent plus lointain (primate, mammifère ou autre) va-t-il développer son intelligence et une société similaire à celle des humains ? Cela paraît également peu vraisemblable. De toutes les espèces animales ayant détenu la domination à une étape de l’histoire de la Terre, les humains possèdent le monopole d’une intelligence remarquable et d’une grande habilité manuelle. De telles caractéristiques ne constituent donc pas des conditions pour devenir dominant parmi les animaux, ni des traits susceptibles d’évoluer. L’évolution ne favorise pas l’intelligence pour l’intelligence, sauf si elle conduit à une plus importante capacité de survie et de reproduction. Par conséquent, c’est une grave erreur d’imaginer que nos successeurs seraient des créatures spécialement intelligentes ou socialement douées. Ni qu’elles maîtriseront leur langage et seront expertes en technologie humaine.</p>
<p>Alors, quelle hypothèse pouvons-nous avancer avec certitude sur qui constituera l’espèce dominante dans 50 millions d’années après l’humanité ? La réponse est à la fois insatisfaisante et enthousiasmante. Nous pouvons être à peu près sûrs qu’il ne s’agira pas d’un chimpanzé doué de la parole ; hormis cela nous n’avons aucune idée de ce à quoi cette espèce pourra ressembler.</p>
<p>Le monde a vu défiler nombre d’extinctions de masse. La diversification de la vie suivant chacun de ces événements a été <a href="http://evolution.berkeley.edu/evolibrary/news/120901_afterextinction">relativement rapide</a>. Et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Radiation_%C3%A9volutive">« radiation adaptative »</a> de chaque nouvelle espèce a engendré des formes inédites dont beaucoup d’entre elles, différant des lignées ancestrales, se sont multipliées après avoir survécu à une précédente extinction. Les petites créatures à l’allure de musaraigne qui se faufilaient sous les pattes de dinosaures, vers la fin du Crétacé, différaient beaucoup des ours des cavernes, des mastodontes et des baleines, tous constituant leur descendance à l’âge des mammifères.
Le même phénomène concerne les reptiles ayant survécu, il y a quelque 250 millions d’années, à l’extinction survenue à la fin du Permien et qui avait <a href="http://science.nationalgeographic.com/science/prehistoric-world/permian-extinction/">anéanti</a> 90 % de la faune maritime et 70 % des espèces terrestres : eux non plus ne laissaient prévoir en rien leurs descendants, c’est-à-dire les ptérosaures, les dinosaures, les mammifères et les oiseaux.</p>
<p>Dans <em>La vie est belle : les surprises de l’évolution</em>, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Stephen_Jay_Gould">Stephen J. Gould</a>, disparu depuis, avait fait valoir que le hasard, ou la contingence comme il l’appelait, a joué un grand rôle pendant les transitions majeures de la vie animale. On peut discuter de l’importance relative du fortuit dans l’histoire de la vie, et cela reste toujours un sujet controversé. Cependant, quand Gould affirme que nous sommes peu capables de prédire le succès évolutif des lignées actuelles au-delà d’une extinction à venir, il nous donne une leçon d’humilité face à la complexité des transitions dans l’évolution.</p>
<p>Alors que la possibilité existe, comme beaucoup en ont émis l’hypothèse, que les fourmis nous arrachent le contrôle de la Terre, nous ne pouvons qu’imaginer de quoi les descendants de ces fourmis dominantes auront l’air.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62713/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Bussiere ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rats ? Dauphins ? Fourmis ? Lorsque l’espèce humaine disparaîtra, qui dominera la planète ? En tout cas pas un singe doué de parole comme l’a imaginé la science-fiction. Alors qui ?Luc Bussiere, Lecturer, University of StirlingLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/609622016-06-26T20:28:43Z2016-06-26T20:28:43ZLa découverte d’un fossile vieux de 700 000 ans montre que les ancêtres du Hobbit étaient encore plus petits<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128183/original/image-20160626-28370-1crlgs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A gauche, image d'un fragment de mâchoire inférieure en surimpressions sur le crâne d' Homo floresiensis, comparé avec un crâne d'homme moderne, à droite.</span> <span class="attribution"><span class="source">Y. Kaifu</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>C’est en octobre 2004, en Indonésie, que les <a href="http://www.nature.com/nature/journal/v431/n7012/full/nature02999.html">archéologues ont découvert</a> le squelette partiel d’un hominidé minuscule et au cerveau peu développé. Inconnu jusqu’alors des scientifiques, il est depuis connu sous le nom de <a href="http://australianmuseum.net.au/homo-floresiensis"><em>Homo floresiensis</em></a>.</p>
<p>Ces créatures semblables aux <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Hobbit">Hobbits</a> sont apparues pour la première fois dans la grotte de Liang Bua, sur l’île indonésienne de Florès, il y a environ 95 000 ans. Précédemment, on pensait qu’elles avaient vécu à Florès jusqu’à une époque relativement récente, mais de nouvelles preuves, <a href="https://theconversation.com/the-hobbits-were-extinct-much-earlier-than-first-thought-56922">publiées cette année</a>, donnent à croire que ces hominidés ont disparu il y a 50 000 ans environ.</p>
<p>Deux hypothèses se présentent quant aux origines de <em>Homo floresiensis</em>. Selon la première, ces Hobbits descendaient d’<a href="http://australianmuseum.net.au/homo-erectus"><em>Homo erectus</em></a> ou <a href="http://www.britannica.com/topic/Java-man">« l’homme de Java »</a>, un hominidé asiatique archaïque dont la stature, en gros, ressemble à la nôtre, humains modernes. On pense qu’une population peu nombreuse du type <em>Homo erectus</em> s’était retrouvée abandonnée sur l’île et que sa taille s’était réduite.
La seconde hypothèse, c’est que l’ancêtre d’<em>Homo floresiensis</em> serait un hominidé encore plus ancien et, dès l’origine, haut comme trois pommes. Les candidats : <em>Homo habilis</em> ou bien un Australopithèque, connus tous deux d’après le registre des fossiles africains.</p>
<h2>Un défi</h2>
<p>Juste quelques mois après la découverte des premiers ossements Hobbits, notre ami et collègue <a href="https://theconversation.com/archaeologist-who-discovered-the-hobbit-dies-16321">Mike Morwood</a>, co-découvreur d’<em>Homo floresiensis</em>, nous lança un grand défi : dénouer le mystère de l’origine du Hobbit. Et, pour ce faire, il était crucial de découvrir l’identité des premiers hominidés à avoir colonisé Florès.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/125196/original/image-20160605-11624-mrr82j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/125196/original/image-20160605-11624-mrr82j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/125196/original/image-20160605-11624-mrr82j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/125196/original/image-20160605-11624-mrr82j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/125196/original/image-20160605-11624-mrr82j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/125196/original/image-20160605-11624-mrr82j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/125196/original/image-20160605-11624-mrr82j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/125196/original/image-20160605-11624-mrr82j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de Florès avec les localisation de la cave de Liang Bua (le site original du Hobbit) et le site à ciel ouvert de Mata Menge dans le bassin du So’a, où l’on a trouvé des fossiles plus anciens. LGM : Last Glacial Maximum, dernier maximum glaciaire (22 000 – 19 000 ans).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Nous connaissions déjà l’existence de sites anciens dans le bassin de So’a, à 70 km à l’est de Liang Bua. Dans les années 1960, un prêtre hollandais, Theodor Verhoeven, avait découvert et mis à jour plusieurs sites de fossiles d’une mégafaune disparue, ainsi que d’outils en pierre.
À la fin des années 1990, le travail de Mike et de deux d’entre nous (van den Bergh et Kurniawan) démontra que des hominidés fabricants d’outils y vivaient, il y a 840 000 ans.</p>
<p>À l’époque, le bassin de So’a était une savane tropicale drainée par de multiples petits canaux. Ces prairies grouillaient d’éléphants nains, les <em>Stegodons</em> (un éléphant asiatique disparu), de Dragons de Komodo et de rats. Des fossiles de ces espèces sont préservés à l’intérieur de strates rocheuses exposées aujourd’hui à une érosion de surface.</p>
<p>Ces lits fossilifères se sont accumulés entre 1,3 million d’années et 500 000 ans. Nos fouilles à petite échelle dans le bassin ont d’ores et déjà mis au jour des centaines de fossiles de Stegodons et autres animaux, ainsi que des objets en pierre. Selon toute probabilité, ce sont les ancêtres de l’Homo floresiensis qui ont laissé ces outils primaires derrière eux.</p>
<p>Cependant, à notre désespoir, nous n’avons jamais trouvé le moindre ossement ni la moindre dent provenant de ces faiseurs d’outils. Il fallait trouver ces fossiles. Pour certains observateurs, de tels objets insaisissables ne pouvaient être découverts que par hasard, peut-être par des fermiers locaux, et probablement pas pendant notre existence. Seul moyen de réaliser notre objectif : voir grand.</p>
<h2>La grande fouille</h2>
<p>En 2010, avec des fonds provenant du Conseil australien de la recherche et de l’Agence géologique indonésienne, nous avons formé une équipe internationale et recruté plus de 120 travailleurs venant des villages alentour.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/125091/original/image-20160603-11624-zgul36.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/125091/original/image-20160603-11624-zgul36.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/125091/original/image-20160603-11624-zgul36.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/125091/original/image-20160603-11624-zgul36.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/125091/original/image-20160603-11624-zgul36.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/125091/original/image-20160603-11624-zgul36.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/125091/original/image-20160603-11624-zgul36.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/125091/original/image-20160603-11624-zgul36.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Excavations sur le site de Mata Menge avec exposition d’os fossilisés de Stegodons nains, un cousin disparu des éléphants asiatiques.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Au site de Mata Menge, nous avons entamé l’une des fouilles de fossiles les plus importantes jamais entreprises en Asie du Sud-Est depuis celle, célèbre, d’Eugène Dubois en 1890 à Trinil dans l’île de Java, qui découvrit les premiers fossiles connus d’<em>Homo erectus</em>.</p>
<p>Cela nous a pris cinq années à fouiller, péniblement, du grès semblable à du béton. Mais le 8 octobre 2014, à peine quelques semaines avant la fin de notre projet, nous avons trouvé ce que nous cherchions.</p>
<p>Les premiers à l’identifier furent une jeune femme indonésienne qui se formait en paléontologie et le doctorant Mika R. Puspaningrum. Une molaire d’hominidé, minuscule. D’autres dents suivirent, puis un fragment de crâne et un morceau de mâchoire ont émergé du grès dur et grisâtre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/125333/original/image-20160606-26010-16st67k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/125333/original/image-20160606-26010-16st67k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/125333/original/image-20160606-26010-16st67k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=836&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/125333/original/image-20160606-26010-16st67k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=836&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/125333/original/image-20160606-26010-16st67k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=836&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/125333/original/image-20160606-26010-16st67k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1051&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/125333/original/image-20160606-26010-16st67k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1051&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/125333/original/image-20160606-26010-16st67k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1051&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fossiles d’hominidés découverts à Mata Menge, comprenant 6 dents et un fragment de mâchoire inférieure. Ce sont les restes d’au moins 3 individus, un adulte et deux jeunes enfants, datés d’environ 700 000 ans. En regard du fragment de mâchoire de Mata Menge, la mâchoire inférieure d’Homo floresiensis (LB1) de Liang Bua pour avoir une comparaison de taille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photos and micro-CT scan of the fossils are courtesy of Y. Kaifu ; the top image was created by S. Hayes</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les fossiles de Mata Menge représentent les restes de trois (ou plus) hominidés : un adulte et, chose étonnante, deux jeunes enfants. Le grès emprisonnant ces fossiles a formé un dépôt datant d’au moins 700 000 ans, dix fois plus ancien que le squelette <em>Homo floresiensis</em> de Liang Bua. L’hominidé de Mata Menge est de taille beaucoup plus petite que l’<em>Homo erectus</em> de Java, mais les dents et le fragment de mâchoire ne se rattachent à aucune espèce d’hominidé pré-erectus. En fait, la ressemblance la plus proche est avec <em>Homo floresiensis</em>.</p>
<h2>Plus de Hobbits</h2>
<p>Personne n’a prédit que l’ancêtre du Hobbit ressemblerait lui-même à un Hobbit. Même si les hominidés de Mata Menge présentent une ressemblance étonnante avec les Hobbits, le fragment de mâchoire est celui d’un adulte 21 % plus petit que le plus minuscule Hobbit de Liang Bua.</p>
<p><em>Homo floresiensis</em> serait, en réalité, une version plus grande que son ancêtre !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/125330/original/image-20160606-25988-mpcfqc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/125330/original/image-20160606-25988-mpcfqc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/125330/original/image-20160606-25988-mpcfqc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/125330/original/image-20160606-25988-mpcfqc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/125330/original/image-20160606-25988-mpcfqc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/125330/original/image-20160606-25988-mpcfqc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/125330/original/image-20160606-25988-mpcfqc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/125330/original/image-20160606-25988-mpcfqc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les responsables de fouille du site de Mata Menge assis autour d’une trompe fossilisée de Stegodon nain. En haut à gauche Gerrit D ‘Gert’ van den Bergh, de l’université de Wollongong ; en haut à droite Iwan Kurniawan, from du laboratoire de paléontologie au musée de géologie de Bandung, en Indonésie, et au premier plan, Adam Brumm, du centre de recherche sur l’évolution humaine de l’université Griffith.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Un fait d’importance : la molaire inférieure de Mata Menge comporte cinq valvules au lieu de quatre (contrairement aux Hobbits de Liang Bua, chez qui la 5e valvule est réduite) et s’apparente, en forme, à celles de <em>Homo erectus</em> (mais en plus petit).</p>
<p>Pour résumer, les fossiles de Mata Menge laissent penser que <em>Homo floresiensis</em> est, en fait, une sorte de pygmée d’<em>Homo erectus</em>. Il apparaît maintenant que les naufragés se rabougrissent, après avoir échoué à Florès (ou dans une autre île proche comme Sulawesi).</p>
<p>Mais Florès est pleine de surprises.</p>
<p>Jusqu’à ce que nous trouvions des restes d’hominidés plus complets à Mata Menge, ou même des sites de fossiles encore plus anciens, nous n’aurons aucune certitude sur l’identité de l’ancêtre du Hobbit et donc sur la façon dont cette saga de l’évolution a commencé. Notre quête de fossiles – et de fonds – continue.</p>
<p><em>Iwan Kurniawan, conservateur du musée de géologie à Bandung (Indonésie), a contribué à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60962/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gerrit (Gert) van den Bergh a reçu des financements de l'organisme Australian Research Council</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adam Brumm a reçu des financements de l'organisme Australian Research Council</span></em></p>La découverte dans une île indonésienne d’une espèce du genre Homo, Homo florensiensis, dit le Hobbit, rebondit aujourd’hui avec la mise au jour de fossiles qui nous éclairent sur leurs ancêtres.Gerrit (Gert) van den Bergh, Researcher in palaeontology, University of WollongongAdam Brumm, Senior Research Fellow, Griffith UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.