tag:theconversation.com,2011:/global/topics/fecondite-20850/articlesfécondité – The Conversation2024-02-14T14:31:03Ztag:theconversation.com,2011:article/2225552024-02-14T14:31:03Z2024-02-14T14:31:03ZFécondité française : anatomie d’une chute<p>Le 16 janvier dernier, l’Insee publiait le Bilan démographique de la France pour 2023 en titrant sur la « chute » de la fécondité. Le même jour, le président Emmanuel Macron appelait à un <a href="https://theconversation.com/rearmement-demographique-ou-comment-rater-la-cible-de-communication-221667">« réarmement démographique »</a> de la France lors de sa <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/direct-suivez-la-conference-de-presse-d-emmanuel-macron-a-partir-de-20h15-sur-franceinfo_6307116.html">conférence de presse</a>. Au-delà de la polémique que peut susciter l’expression employée par le président, la baisse de la fécondité est-elle aussi forte que ne laissent présager les indicateurs publiés ? L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) a en effet connu une baisse de 6,8 % en un an, ce qui est inédit en France. Il atteint 1,68 enfant par femme en France entière et probablement 1,65 en France métropolitaine, soit le plus bas historique.</p>
<p>Que nous apprend cette chute de 2023 ? La France est-elle encore une exception à l’échelle européenne ? Cette baisse est-elle ou non le signe d’une baisse durable ? Le niveau atteint en 2023 reflète-t-il le niveau réel de la fécondité en France ?</p>
<p>Les naissances de l’année 2023 correspondent aux conceptions des mois d’avril 2022 au mois de mars 2023, période durant laquelle la décision d’avoir un premier enfant ou un enfant de plus a probablement été compliquée pour de nombreux couples. Ils semblent avoir préféré renoncer temporairement ou définitivement à leur projet de parentalité face aux nombreuses incertitudes : <a href="https://theconversation.com/pourquoi-linflation-plombe-le-sentiment-de-bien-etre-des-francais-203712">inflation</a>, <a href="https://theconversation.com/immobilier-la-propriete-devient-de-moins-en-moins-abordable-meme-dans-les-zones-les-plus-pauvres-203255">blocage du marché immobilier</a>, climat social difficile, crises internationales, accélération de la crise climatique, etc.</p>
<p>Or il faut préciser que l’<a href="https://www.ined.fr/fr/lexique/indicateur-conjoncturel-de-fecondite/">indicateur conjoncturel de fécondité</a> (ICF) s’obtient en additionnant le nombre moyen d’enfants eu par les femmes à chaque âge (entre 15 ans et 50 ans) durant une année donnée. Autrement dit, l’ICF de 2023 (1,68) est le nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme si tout au long de sa vie, elle avait les mêmes comportements féconds qu’observés chez les femmes durant l’année 2023.</p>
<p>Peut-on pour autant dire que la fécondité des prochaines années pourrait augmenter si les conditions redevenaient plus propices à des projets féconds ? Probablement en partie, mais en partie seulement. En effet, si la baisse de 2023 est en grande partie conjoncturelle, elle s’inscrit bien dans une tendance assez longue de baisse de la fécondité en France, à l’instar de ce que l’on observe de longue date ailleurs dans le monde, et tout particulièrement en Europe.</p>
<h2>Fécondité : la France deviendrait-elle un pays européen comme les autres ?</h2>
<p>Au début des années 1990, la France n’était pas le pays avec la fécondité du moment la plus élevé en Europe, loin de là. Elle se démarque par une augmentation continue de son ICF de 1994 à 2010, avant d’amorcer une baisse continue à partir de 2014. Dans le contexte européen, cette baisse a également été observée dans les autres pays où la fécondité est relativement forte (ayant eu un ICF d’au moins 1,8 enfant par femme depuis 1990), mais 4 à 6 ans avant la France. Les <a href="https://read.dukeupress.edu/demography/article/58/4/1373/174063/Not-Just-Later-but-Fewer-Novel-Trends-in-Cohort">pays scandinaves</a>, le Royaume-Uni, l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas ainsi que la France ont ainsi connu un déclin de leur fécondité du moment, allant jusqu’à atteindre un bas historique en 2019 comme dans le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00324728.2020.1750677">cas de la Finlande</a>.</p>
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<h2>Un tournant lié à l’âge au premier enfant ?</h2>
<p>Pourrait-on observer, comme durant les années 2000, une remontée de la fécondité du moment dans la prochaine décennie, compensant la baisse observée ces 10 dernières années ? Cela semble peu probable compte tenu du fort recul de l’âge à la maternité : il était de 28,8 ans en 1994 contre 30,0 ans en 2010 et 31,0 ans aujourd’hui. Pour de nouveau atteindre un ICF à 2,0 enfants par femme, il faudrait que les taux de fécondité après 30 ans augmentent de <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/34300/conjoncture.france.2023f.fr.pdf#page=%5B28%5D">0,2 enfant</a> par femme.</p>
<p>Dans les pays européens où la fécondité est ou a été relativement élevée, quand l’âge au premier enfant dépasse un certain niveau, que l’on pourrait appeler « point d’inflexion », la fécondité du moment ne fait que baisser. Ce point d’inflexion semble particulièrement précoce en France (28,0 ans comme en Belgique, contre 28,5 ans en Finlande ou 29 ans en Irlande, en Suède, au Danemark ou aux Pays-Bas). Si la corrélation entre recul de l’âge à la première naissance et la baisse de la fécondité est avérée depuis 2010, il est très difficile de juger du sens de la causalité : la fécondité baisse-t-elle parce que les femmes et les hommes ont leurs enfants plus tard, notamment pour des questions d’infertilité acquise au fil des âges, ou bien ont-ils leurs enfants plus tard, parce qu’ils en désirent moins ?</p>
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<h2>Une baisse lente, mais régulière de la fécondité</h2>
<p>Pour juger de l’évolution de la fécondité, les démographes utilisent un autre indicateur que l’ICF : la descendance finale, c’est-à-dire le nombre moyen d’enfants par femme d’une génération. Mais pour la calculer, il faut attendre que toutes les femmes d’une génération aient atteint l’âge de 50 ans, ou au moins 45 ans (compte tenu du nombre très faible de naissances de la part de mères de plus de 45 ans). Cet indicateur est nettement plus stable et évolue toujours plus lentement que l’ICF.</p>
<p>Durant le XX<sup>e</sup> siècle, la descendance finale a été au maximum de 2,6 enfants dans les générations 1930 et au minimum de 2 dans les générations 1972, un niveau légèrement inférieur au <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/34300/conjoncture.france.2023f.fr.pdf#page=%5B28%5D">seuil de renouvellement des populations</a> (2,1 enfants par femme). Les <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/34300/conjoncture.france.2023f.fr.pdf#page=%5B28%5D">estimations récentes</a> de la descendance finale pour les générations 1990 en France varie entre 1,9 et 2,1. Ces valeurs sont bien au-dessus de celles observées ailleurs en Europe : la descendance finale des générations 1972 est inférieure à 1,6 enfant par femme en <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/34300/conjoncture.france.2023f.fr.pdf#page=%5B28%5D">Allemagne, en Grèce, en Italie ou encore en Espagne</a>. Mais en France, comme dans tout le reste de l’Europe, la tendance est bien celle d’une baisse de la fécondité dans les générations futures.</p>
<h2>Le nombre d’enfants désiré, paramètre essentiel ?</h2>
<p>La question du désir d’enfant est absolument centrale : une politique familiale à visée nataliste n’aura d’effets sur la fécondité que si elle est en adéquation avec le désir d’enfants d’une population. Les recherches montrent que si à l’échelle individuelle la fécondité désirée est un prédicteur assez volatil, à l’échelle agrégée c’est un bon indicateur de la descendance finale. Rares sont les grandes enquêtes permettant de mesurer ce désir, mais il est intéressant de regarder un peu dans le passé.</p>
<p>En 2005, seulement <a href="https://erfi.site.ined.fr/">4 %</a> des personnes nées entre 1970–1974 (alors âgées de 30-34 ans) déclaraient ne pas vouloir d’enfants. Aujourd’hui, on connait la proportion de personnes restées sans enfant dans ces générations, elle est 3 fois plus importante (proche de 15 %). L’écart s’explique en partie par des problèmes d’infertilité, mais surtout par des trajectoires de vie et notamment conjugales différentes de celles escomptées. Dans ces mêmes générations (1970-74), les personnes souhaitant avoir des enfants en désiraient en moyenne 2,55. Cette valeur est assez proche du nombre moyen d’enfants eus par les personnes ayant eu au moins un enfant : 2,35 enfants.</p>
<p>Une <a href="https://erfi2.site.ined.fr/">nouvelle édition</a> de cette enquête a été menée en 2023. Nous devrions bientôt avoir une bonne estimation de la descendance désirée chez celles et ceux nés dans les années 1990 voire 2000. Elle sera très certainement inférieure à 2,55.</p>
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<h2>Le rôle des politiques familiales</h2>
<p>En Europe, ces vingt dernières années, de nombreux États ont mis en place des dispositifs pour <a href="https://www.cairn.info/revue-l-europe-en-formation-2015-3-page-136.htm">stimuler la fécondité</a> : augmentation de la durée des congés maternité, introduction (voire obligation) du congé paternité, primes à la naissance, subsides pour la garde des enfants, etc. Mais de telles mesures, à l’instar de celles récemment mises en place en Europe centrale et Europe de l’Est, ont un effet généralement modeste et temporaire. Elles <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2014-3-page-50.htm">agissent davantage</a> sur le moment où les couples décident d’avoir un enfant, plutôt que sur le nombre d’enfants qu’elles auront.</p>
<p>Le modèle de fécondité français <a href="https://www.cairn.info/revue-population-2005-4-page-489.htm">s’est jusqu’ici caractérisé</a> par la combinaison d’une proportion relativement faible d’hommes et de femmes sans enfant (environ un sur six) et une proportion relativement élevée de personnes passant de deux à trois enfants (environ 40 %).</p>
<p>Ces deux caractéristiques semblent être le fruit d’une pression sociale forte à la parentalité probablement en lien avec une politique familiale appuyée et continue dans le temps. Celle-ci incite à avoir un troisième enfant et permet plus qu’ailleurs en Europe de concilier vie professionnelle et familiale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avoir-des-enfants-rend-il-plus-heureux-voici-ce-quen-dit-la-science-219559">Avoir des enfants rend-il plus heureux ? Voici ce qu'en dit la science</a>
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<h2>Un risque de non-renouvellement de la population ?</h2>
<p>Il est très possible qu’actuellement la pression sociale à la parentalité diminue et rende plus facile l’acceptation d’un projet de vie sans enfant et qu’un peu plus d’hommes et de femmes ayant deux enfants décident de <a href="https://theconversation.com/avoir-des-enfants-rend-il-plus-heureux-voici-ce-quen-dit-la-science-219559">ne pas agrandir leur famille</a> au-delà.</p>
<p>Si la proportion de femmes et d’hommes sans enfant augmente de 5 points (passant de 14 % à 19 %) et que la proportion de celles et ceux qui ont un troisième enfant baisse de 10 points (de 40 % à 30 %), alors toutes choses égales par ailleurs la fécondité diminuerait de 0,2 enfant. La descendance finale serait alors de 1,8 enfant par femme. C’est suffisamment proche de la valeur seuil de 2,1 pour que le renouvellement de la population soit assuré par une contribution migratoire, même modeste.</p>
<p><iframe id="DF5Rg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/DF5Rg/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais est-ce que cette tendance de recul de l’entrée à la maternité contribuera à un déclin continu de la fécondité en raison d’une augmentation de <a href="https://theconversation.com/le-declin-de-la-fertilite-une-charge-inegalement-partagee-entre-hommes-et-femmes-163689">l’infertilité</a> ?</p>
<h2>Lutter contre l’infertilité pour relancer la fécondité ?</h2>
<p>D’abord, il faut souligner la différence entre l’infécondité et l’infertilité. Pour les démographes, l’infécondité désigne le fait d’être sans enfant. Cela concerne environ <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/26128/540.population.societes.2017.janvier.fr.pdf">14 % des femmes françaises</a> à l’âge de 45 ans (les naissances après cet âge sont minimes : <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/7746164/fm_dod_taux_fecondite.xlsx">moins de 0,01 enfant</a> par femme en 2023). L’infécondité est encore plus élevée chez les hommes, concernant plus d’un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1288287/FPORSOC13g_D1_fecondite.pdf">homme sur cinq</a>. L’infécondité comprend une partie volontaire (les individus qui ne souhaitent pas avoir un enfant) et une part involontaire (les individus qui n’ont pas d’enfant même s’ils en veulent/voulaient).</p>
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<p>L’infertilité entre dans la catégorie « infécondité involontaire » – comme le fait de ne pas avoir trouvé de partenaire, par exemple.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/cinq-choses-a-ne-pas-dire-a-ceux-et-celles-qui-souffrent-de-problemes-dinfertilite-140592">L’infertilité</a> se réfère à l’incapacité biologique d’avoir un enfant. C’est cette dernière que viserait le plan national annoncé par Emmanuel Macron. L’infertilité n’est pas toujours définitive. <a href="https://theconversation.com/40-ans-apres-la-naissance-du-premier-bebe-eprouvette-francais-plus-de-400-000-enfants-concus-par-fiv-177573">L’efficacité</a> des traitements de l’infertilité s’est améliorée. Ceux-ci ont contribué favorablement à la descendance finale, par exemple de <a href="https://www.cairn.info/revue-population-2017-3-page-463.htm">0,017 enfant par femme</a> dans la génération 1975. En 2021, en France, <a href="https://rams.agence-biomedecine.fr/principaux-chiffres-de-lactivite">1 enfant sur 27</a> (soit 3,7 %) est né suite à la réalisation d’une assistance médicale à la procréation.</p>
<p>Selon des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00324720701804207">modèles de l’infertilité des couples</a>, seul 1 couple sur 20 où la femme est âgée de 35 ans ne pourrait pas concevoir. Cependant il faut prendre en compte le fait qu’il existe un <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/urgence/pathologies/fausse-couche">risque accru</a> de fausses couches lorsque l’âge à la conception augmente (il est de 12 % par cycle à 25 ans, et de 50 % à 42 ans). En résulte qu’entre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00324720701804207">15 et 20 %</a> des couples ne pourrait plus avoir d’enfant une fois la femme âgée de 35 ans.</p>
<p>Toutefois à cet âge une partie importante de la descendance est déjà atteinte. Les générations ayant 35 ans aujourd’hui ont déjà eu en moyenne 1,6 enfant (niveau très proche de l’ICF actuel) et nombre d’entre elles ont déjà atteint le nombre d’enfants qu’elles souhaitaient et n’en auront pas d’autres.</p>
<p>Le recours à des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) n’est pas très répandu : on ne comptabilise <em>que</em> <a href="https://rams.agence-biomedecine.fr/principaux-chiffres-de-lactivite">162 000 tentatives d’AMP</a> en 2021 en France où résident pourtant <a href="https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5014911/data/FR/donnees_pyramide_act.csv">4,3 millions de femmes âgées de 35 à 44 ans</a>. Le nombre de femmes ayant recours à l’AMP est très loin donc de la proportion de femmes qui n’ont pas d’enfant (environ 14 %). Même avec le recul continu de l’âge à l’entrée dans la maternité, l’impact de l’infertilité sur le niveau de fécondité générale reste donc modeste.</p>
<p>En conclusion, si la chute de la fécondité de 2023 s’explique notamment par un report des projets de parenté en lien avec les multiples crises, elle s’inscrit néanmoins dans une baisse durable de la fécondité. Un plan de relance démographique pourrait seulement contrer cette baisse chez les couples ayant déjà un désir d’enfant (désir probablement moins vif dans les nouvelles générations). Un plan sur l’infertilité aurait des vertus évidentes pour les hommes et les femmes confrontés à de tels problèmes, mais son impact serait faible, voire très faible sur le niveau de fécondité générale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222555/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La chute brutale de la fécondité en France en 2023 est plus dure à interpréter qu’il n’y paraît…Didier Breton, Professeur de démographie, Université de StrasbourgJohn Tomkinson, Maitre de conférences en démographie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2227902024-02-11T16:56:40Z2024-02-11T16:56:40ZLa population de la France va-t-elle diminuer suite à la baisse de la natalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574346/original/file-20240208-30-1fxzgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C3264%2C2394&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une projection permet d'estimer si la population de la France peut baisser à partir des derniers calculs de l'Insee. Foule, braderie de Lille.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les évolutions démographiques récentes en France, marquées notamment par une <a href="https://www.mnhn.fr/fr/actualites/faut-il-s-inquieter-d-une-baisse-de-la-natalite">diminution importante du nombre de naissances en 2023</a> par rapport à 2022, annoncent-elles une baisse de la population ? Le calcul de projections permet de répondre en décrivant les conséquences de la situation actuelle si elle perdurait.</p>
<p>Le nombre de naissances diminue depuis quelques années en France, le dernier bilan démographique <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">publié par l’Insee</a> indiquant une nouvelle baisse en 2023 par rapport à 2022, 678 000 contre 726 000, soit 52 000 naissances de moins (7 %). L’indicateur de fécondité passe de 1,79 enfant par femme en 2022 à 1,68 en 2023.</p>
<h2>La population n’a pas diminué en 2023</h2>
<p>Cette baisse n’a pas entraîné de diminution de la population, parce que les décès restent moins nombreux que les naissances, leur nombre ayant aussi diminué entre 2022 et 2023, de presque autant que les naissances, passant de 675 000 à 638 000.</p>
<p>La baisse du nombre de décès traduit une forte hausse de l’espérance de vie à la naissance qui effectue un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">bond entre 2022 et 2023</a> : elle atteint 80,0 ans pour les hommes et 85,7 ans pour les femmes en 2023, contre respectivement 79,3 ans et 85,1 ans en 2022, soit un gain de 0,7 an pour les hommes et 0,6 an pour les femmes.</p>
<p>Avec ce bond, l’espérance de vie fait plus que rattraper son niveau de 2019 et se situe dans la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">tendance à la hausse</a> observée avant l’épidémie de Covid-19, interrompue pendant trois années. L’espérance de vie a en effet reculé en 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19, puis a stagné ou n’a augmenté que faiblement en 2021 et 2022 en raison de la poursuite de l’épidémie conjuguée à une épidémie de grippe saisonnière meurtrière et plusieurs canicules ayant entraîné également des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6959520?sommaire=4487854">surmortalités</a>.</p>
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<p>Le solde naturel, différence entre les nombres de naissances et de décès, est positif et se situe presque au même niveau que l’année précédente : 47 000 en 2023 contre 51 000 en 2022. Il contribue à la croissance de la population, mais en partie seulement. Le solde migratoire, différence entre les entrées et les sorties du territoire, positif également, y contribue aussi et de façon plus importante. Estimé à 183 000 en 2023 <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">par l’Insee</a>, il représente les quatre cinquièmes de l’augmentation de la population en 2023, le solde naturel n’en représentant qu’un cinquième.</p>
<p>Mais si la population n’a pas diminué en 2023, les changements observés cette année-là, notamment la baisse de la fécondité, ne portent-ils pas en germe une diminution prochaine de la population et un vieillissement démographique accru ? Examinons les futurs possibles à l’aide de projections et voyons les différences avec les projections publiées par l’Insee en 2021.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/rearmement-demographique-ou-comment-rater-la-cible-de-communication-221667">« Réarmement démographique » ou comment rater la cible (de communication) ?</a>
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<h2>Les dernières projections de l’Insee publiées en 2021</h2>
<p>L’Insee a publié en novembre 2021 des projections de population pour la France à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893969">l’horizon 2070</a>. Le scénario central, fondé sur les tendances démographiques des années précédentes, retient une fécondité de 1,8 enfant en moyenne par femme, soit un niveau proche de celui de 2020, maintenu constant tout au long de la projection ; une mortalité continuant à baisser au même rythme qu’au cours de la décennie 2010, l’espérance de vie à la naissance atteignant 87,5 ans pour les hommes en 2070 contre 79,7 ans en 2019, avant l’épidémie de Covid-19, soit une progression de 7,8 ans et, pour les femmes, 90,0 ans contre 85,6 ans, soit une progression de 4,4 ans ; et un solde migratoire de + 70 000 personnes par an maintenu également constant.</p>
<p>Dans ce scénario central de l’Insee, la France compterait 68,1 millions d’habitants au 1<sup>er</sup> janvier 2070, contre 67,4 millions au 1<sup>er</sup> janvier 2021, soit 700 000 de plus. La population continuerait d’augmenter jusqu’à un maximum de 69,3 millions en 2044 puis diminuerait ensuite <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">jusqu’à 68,1 millions en 2070</a> (figure 1).</p>
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<h2>Un nouveau scénario « 2023 »</h2>
<p>Les évolutions observées depuis la publication des projections de l’Insee ne correspondent pas au scénario central, ce qui n’est pas étonnant en soi, tout exercice de projection étant appelé à être démenti par la réalité – l’objectif n’est pas de deviner le futur mais de dire ce qu’il serait sous telles et telles conditions.</p>
<p>Nous avons calculé de nouvelles projections avec un scénario modifié par rapport au scénario central de l’Insee de 2021 tenant compte des évolutions observées depuis.</p>
<p>Ce nouveau scénario, dénommé ici « 2023 », fait l’hypothèse d’une fécondité constante de 1,68 enfant par femme, le niveau observé en 2023, au lieu de 1,8 enfant, niveau retenu dans le scénario central de l’Insee.</p>
<p>La forte baisse de la fécondité en 2023 pourrait certes être suivie de nouvelles baisses dans les années futures. Mais elle pourrait aussi s’interrompre et laisser place à une hausse, <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19706/naissances_retardees.fr.pdf">comme cela a été observé</a> il y a <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/conjoncture-demographique/les-naissances-sont-retardees">30 ans</a>.</p>
<p>La fécondité avait en effet baissé dans les années 1980 et le début des années 1990 jusqu’à un niveau de 1,68 enfant en 1993 et 1994, comme en 2023. Cette baisse avait alors été expliquée par la crise qui a suivi la <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/2010-fecondite-insensible-crise-economique/">chute de l’empire soviétique</a>.</p>
<p>Elle avait ensuite augmenté continûment pendant toute la deuxième moitié des années 1990 et les années 2000 pour atteindre 2,03 enfants en 2010. L’hypothèse d’une fécondité stable à son niveau actuel de 1,68 enfant par femme représente donc un compromis entre deux tendances possibles, à la baisse ou à la hausse.</p>
<p>Pour le solde migratoire annuel, nous retenons un niveau stable de 180 000 par an, le niveau de 2023, au lieu de 70 000 dans le scénario central de l’Insee de 2021. Concernant la mortalité, nous reprenons l’hypothèse de hausse de l’espérance de vie du scénario central sans la changer.</p>
<h2>Avec les conditions de 2023, le solde naturel devient négatif à partir de 2030…</h2>
<p>Le scénario 2023 conduit à une baisse du nombre de naissances et une hausse de celui des décès, les deux courbes se croisant en 2030 et le solde naturel devenant négatif. Le déficit s’accroît ensuite et le solde atteint -166 000 vers 2060 (figure 2).</p>
<p>La hausse du nombre de décès n’est pas liée à une augmentation de la mortalité, au contraire, celle-ci diminue à tous les âges dans le scénario. Elle vient de l’arrivée aux âges élevés des générations nombreuses du baby-boom qui vont alimenter les décès au fur et à mesure de leur <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/nombre-deces-augmenter-france-prochaines-annees">extinction</a>. Par rapport au scénario central de 2021, le nombre de décès est un peu plus élevé, les migrants (et donc leurs décès) étant plus nombreux ; le nombre de naissances est un peu plus faible, les naissances supplémentaires de migrants compensant en partie une fécondité plus basse. Le solde naturel est au total assez peu modifié.</p>
<p><iframe id="VYzKl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/VYzKl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>… mais la population augmente de façon continue</h2>
<p>Le scénario 2023 conduit à une hausse ininterrompue de la population jusqu’à 72,1 millions en 2070 (figure 1). En 2021, l’Insee, en plus de son scénario central, a proposé différents scénarios alternatifs. Notre scénario 2023 aboutit à une population totale dont la progression est très proche de celles dans deux de ces scénarios alternatifs, appelés « fécondité haute » (2,0 enfants par femme, solde migratoire de 70 000) et « migrations hautes » (1,8 enfant par femme, solde migratoire de 120 000), conduisant tous les deux à 72,2 millions d’habitants en 2070, contre 68,1 dans le scénario central.</p>
<p>Avec le scénario 2023, le nombre de naissances à l’horizon 2070 est pratiquement le même que dans le scénario central (650 000 contre 660 000), et l’évolution des décès est très proche.</p>
<p>La population totale est plus importante en 2070, le surplus s’étalant entre 15 et 85 ans. La population vieillit dans les deux scénarios de manière similaire.</p>
<p><iframe id="52y8Q" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/52y8Q/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le futur n’est pas écrit et des évolutions s’écartant du scénario 2023 présenté ici sont évidemment probables.</p>
<p>On peut envisager une poursuite de la baisse de la fécondité, une hausse du solde migratoire, de nouvelles crises de mortalité. Cette projection a cependant l’intérêt de montrer que la situation actuelle, si elle se prolonge sans changement pour la fécondité ni pour le solde migratoire, les progrès contre la mort se poursuivant, ne conduit pas à une diminution de la population. La population en 2070 serait plus importante dans ce scénario que dans le scénario central de l’Insee de 2021 : le solde migratoire plus important fait plus que compenser la fécondité plus basse.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs ont reçu un soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222790/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Toulemon a reçu des financements de France 2030, de l'Agence nationale pour la recherche, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l'Union européenne pour la réalisation d'une enquête sur les relations familiales et intergénérationnelles, dans le cadre du projet européen Generations and Gender Programme et de l’infrastructure de recherche Observatoire français des parcours de vie (LifeObs). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains</span></em></p>La baisse du nombre de naissances en 2023 annonce-t-elle une diminution de la population ? Une projection à l’horizon 2070 montre qu’elle continuerait d’augmenter dans les conditions actuelles.Laurent Toulemon, Directeur de recherches, Institut National d'Études Démographiques (INED)Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle et conseiller de la direction de l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141682023-09-27T20:14:45Z2023-09-27T20:14:45ZQuel développement pour les territoires exposés aux risques côtiers ?<p>Dans la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/development/the-world-economy_9789264022621-en">PIB mondial a été multipliée par six</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/croissance-economique-21197">tourisme</a> qui s’est développé en parallèle, ainsi que la <a href="https://theconversation.com/topics/peche-21609">pêche</a>, l’énergie, l’exploitation minière et l’agriculture ont eu un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-012-0168-2">impact particulièrement important</a> sur les <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-06/20210607_Rapport_The-Climate-Change-Effect-In-The-Mediterranean-Six-stories-from-an-overheating-sea_WWF-min.pdf">écosystèmes côtiers</a>. Le tourisme a été l’une des industries qui a connu la croissance la plus rapide au monde, avec une multiplication par <a href="https://photo.capital.fr/les-chiffres-fous-du-tourisme-mondial-30549#le-nombre-de-touristes-en-augmentation-ininterrompue-depuis-7-ans-527215">27 du nombre de touristes</a>.</p>
<p>Or, la dégradation de ces <a href="https://theconversation.com/topics/ecosystemes-35522">écosystèmes</a> n’est pas sans <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/15e0af5e-fr/index.html?itemId=/content/component/15e0af5e-fr">aggraver les risques</a> pour les populations proches des mers et océans. L’aménagement des littoraux a, par exemple, souvent conduit à faire disparaître des zones humides qui étaient autant de zones d’atténuation des perturbations. Sans ces dernières, les ondes de tempête peuvent déferler à plus grande vitesse vers les terres et atteindre des hauteurs plus importantes.</p>
<p>En 2015, plus de <a href="https://www.senat.fr/rap/r15-014/r15-0143.html">20 % de la population mondiale</a> vivait déjà à moins de 30 km des côtes et, si l’on en croit les projections démographiques, ces résidents seront toujours plus nombreux. Une question majeure qui se pose alors est de comprendre comment ces aires géographiques peuvent trouver un équilibre entre développement humain et conservation des écosystèmes. Comment articuler développement humain et pression anthropique croissante, qu’il importe de limiter sur des écosystèmes qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique ?</p>
<p>Pour y répondre, encore faut-il avoir bien identifié les déterminants du développement humain – estimé par la croissance économique – des pays exposés aux risques côtiers. Tel a été l’enjeu d’un travail de recherche qui a analysé le modèle économique de <a href="https://www.conservationgateway.org/ConservationPractices/Marine/crr/library/Pages/coastsatrisk.aspx">54 de ces territoires</a> sur la période 1960-2009, mis en regard de 83 autres.</p>
<h2>Prisonniers d’un cercle vicieux ?</h2>
<p>Plusieurs modèles théoriques de croissance ont été mobilisés afin d’identifier celui correspondant au mieux à l’économie des pays concernés. Le premier constat que nous en avons tiré semble plutôt inquiétant. Parce que leur croissance dépend fortement des ressources naturelles et d’un taux de fécondité élevé, ces pays pourraient être tentés de rechercher des gains économiques à court terme au détriment du moyen terme et de la viabilité de leurs écosystèmes.</p>
<p>Le fort poids des <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-naturelles-45642">ressources naturelles</a> dans l’économie et la dépendance aux exportations pénalise pourtant la croissance de ces pays, ce que des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1766385">travaux antérieurs</a> avaient déjà bien identifié. En effet, la liste des pays qui n’ont pas réussi à utiliser leurs abondantes ressources naturelles pour favoriser le progrès économique et social est longue.</p>
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<p>C’est un phénomène connu sous le nom de « malédiction des ressources naturelles ». Au moins <a href="https://www.hks.harvard.edu/centers/cid/publications/faculty-working-papers/natural-resource-curse">quatre facteurs</a> contribuent à l’expliquer : la volatilité des prix internationaux de ces ressources, l’éviction permanente du secteur manufacturier (ou <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/qu-est-ce-que-le-syndrome-hollandais-7349314">syndrome hollandais</a>), les institutions autocratiques ou oligarchiques et les institutions anarchiques ».</p>
<p>Ces facteurs ne sont pas circonscrits au pays en voie de développement. Le « syndrome néerlandais » était une <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-021-00177-w">explication populaire</a> du processus de désindustrialisation vécu par plusieurs pays développés riches en ressources dans les années 1970 et 1980. Ce syndrome se produit lorsqu’un boom des ressources réduit les incitations à produire localement d’autres biens échangeables non liés aux ressources. Or, dépendre des exportations d’une telle ressource conduit à une appréciation de la monnaie qui pénalise les autres branches de l’économie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496440241321918467"}"></div></p>
<p><em>In fine</em>, lorsque l’exploitation des ressources naturelles n’est pas bien gérée, en faveur du bien commun, les revenus élevés, en provenance des devises liées aux exportations, ne se transforment pas en sources de richesse durable pour les pays. Les incitations sont néanmoins fortes à court terme.</p>
<p>Alors que les bénéfices économiques ne se répercutent pas sur la population, les ressources sont souvent surexploitées ou tout simplement épuisées. Cela met en évidence les pressions anthropiques supplémentaires potentielles auxquelles pourraient être confrontées ces zones côtières : conversion des terres à l’agriculture ou à l’aquaculture, construction, travaux publics requis par les exportations de ressources naturelles…</p>
<p>Nous montrons également l’importance particulière dans ces pays du <a href="https://theconversation.com/topics/fecondite-20850">taux de fécondité</a> élevé, qui stimule la croissance. Ce résultat est tout aussi inquiétant car il suggère que la dégradation des écosystèmes côtiers risque de s’accélérer : une population plus nombreuse, c’est davantage de pression à l’exploitation des ressources naturelles et d’urbanisation des littoraux. Il y a par exemple un risque de surpêche : pêcher trop de poissons et surtout trop de poissons qui n’ont pas atteint l’âge de reproduction, menaçant la pérennité de cette population de poissons.</p>
<h2>Des atouts néanmoins</h2>
<p>Il apparaît cependant que ces pays peuvent avoir des caractéristiques propices à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p>
<p>Beaucoup de pays confrontés à des risques côtiers sont par exemple d’anciennes colonies britanniques, caractérisées par un <a href="https://theconversation.com/topics/institutions-63930">cadre juridique</a> de <em>common law</em>, un système politique parlementaire, un degré élevé d’ouverture au commerce international, un faible fractionnement linguistique et ethnique et un faible niveau de corruption dans le secteur public. Ces anciennes colonies britanniques sont généralement considérées comme ayant de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257%2Faer.91.5.1369&ref=marionomics-economia-y-ciencia-de-datos">meilleures institutions politiques et économiques</a> que les anciennes colonies françaises, portugaises et espagnoles, essentiellement parce que la Grande-Bretagne a colonisé des régions où se sont installés plus de colons, ce qui a poussé à mettre en place un système plus respectueux des droits des individus.</p>
<p>Si en termes des choix politiques, les gains à court terme sont souvent préférés à une bonne gestion locale des écosystèmes, cette préférence est plus faible lorsque les institutions sont de bonne qualité. Certaines <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.0908012107">études</a> montrent que des institutions stables et légitimes permettent aux pays d’améliorer l’état des écosystèmes coralliens, notamment grâce à des réglementations de pêche et à des zones marines protégées mieux respectées.</p>
<p>Les pays fortement exposés aux risques côtiers se caractérisent également par une moindre <a href="https://theconversation.com/topics/ethnicite-86483">fragmentation linguistique et ethnique</a>, ce qui peut <a href="https://ourarchive.otago.ac.nz/handle/10523/3676">favoriser la qualité des écosystèmes côtiers</a>. Un fractionnement ethnique moindre peut se traduire par de meilleures performances environnementales, car il conduit en moyenne à une plus grande cohésion et à une meilleure communication. Une diversité des intérêts des communautés locales, de leurs structures sociales, culturelles, a souvent conduit à l’échec des projets de conservation de l’environnement marin.</p>
<p>Si la forte dépendance du développement humain à l’exportation des ressources naturelles et à un taux de fécondité élevé peut exacerber la dégradation de ces écosystèmes côtiers, l’amélioration de la qualité de leurs institutions serait ainsi propice à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Farid Gasmi a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche: Programme "Investissements d'Avenir".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Couvet et Laura Recuero Virto ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les pays côtiers font face à la double contrainte d’une dépendance aux ressources naturelles et de la nécessaire protection de leurs écosystèmes.Laura Recuero Virto, Pôle Léonard de VinciDenis Couvet, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Farid Gasmi, Toulouse School of Economics – École d'Économie de ToulouseLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1876432022-08-29T18:11:43Z2022-08-29T18:11:43ZDéclin démographique biélorusse : compte à rebours pour le pays ou pour le régime ?<p>Depuis 2020, deux crises profondes – l’une politique, l’autre sanitaire – ont mis à rude épreuve le système en place en Biélorussie, pays structurellement fragile de l’espace post-soviétique.</p>
<p>Les deux dernières années ont en effet vu l’exacerbation des fractures et des violences internes (<a href="https://theconversation.com/bielorussie-quelle-issue-au-bras-de-fer-entre-le-regime-et-le-mouvement-contestataire-146620">répression brutale</a> par le pouvoir du mouvement de contestation des résultats de l’élection présidentielle du 9 août 2020), auxquelles se sont ajoutées de significatives <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/BY/indicateurs-et-conjoncture">difficultés économiques</a>, les effets d’une pandémie de Covid-19 <a href="https://www.la-croix.com/Monde/En-Bielorussie-Loukachenko-moque-coronavirus-2021-10-25-1201182219">longtemps niée par les autorités</a> et, depuis le 24 février 2022, l’isolement accru du pays lié à son rôle dans la guerre en Ukraine.</p>
<p>L’ensemble de ces bouleversements font plus que jamais ressortir les nombreux talons d’Achille de la Biélorussie. L’une des principales faiblesses du pays est toutefois peu connue : il s’agit de son évolution démographique.</p>
<h2>Un déclin démographique structurel, accentué par les crises récentes</h2>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-73065-9_16">déclin démographique</a> de la Biélorussie est attesté par tous les indicateurs, qu’il s’agisse du taux de natalité, du taux de fécondité ou de l’espérance de vie. Comme la plupart des pays issus de l’ex-URSS, le pays voit sa population diminuer. Celle-ci est passée de <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codePays=BLR&codeStat=SP.POP.TOTL&codeTheme=1">10 239 050 habitants en 1993</a> à <a href="https://www.populationdata.net/pays/belarus-bielorussie/">9 408 405 habitants en 2020</a>.</p>
<p>L’une des explications tient à l’émigration. Une partie des Russes qui résidaient à l’époque soviétique en République socialiste soviétique de Biélorussie <a href="https://www.persee.fr/doc/receo_0338-0599_1995_num_26_4_2762">sont retournés en Russie</a> (5 600 personnes pour la seule année 1990 et plus de 13 000 en 1994) après l’effondrement de l’URSS, tandis que certains jeunes travailleurs qualifiés émigrent, notamment en Europe, aux États-Unis et au Canada, à la recherche de meilleures conditions matérielles de vie et pour fuir le régime autoritaire instauré par Alexandre Loukachenko depuis son arrivée au pouvoir en 1994.</p>
<p>Cette tendance au décroissement de la population a été indéniablement accélérée par la répression en cours depuis l’été 2020, largement médiatisée en Occident courant 2020 mais passée sous un silence relatif depuis le début de la guerre en Ukraine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1397430087348330500"}"></div></p>
<p>Au moins <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115982">37 000 personnes</a> ont été interpellées entre mai 2020 et mai 2022 en lien avec la crise post-électorale consécutive à la reconduction du président Alexandre Loukachenko. Certaines ont été condamnées à de lourdes peines de prison. Bon nombre de celles n’ayant effectué qu’un court séjour au commissariat ou en maison d’arrêt auraient <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2020/09/15/bielorussie-passages-tabac-et-tortures-systematiques-de-manifestants">subi des violences</a> pendant leur détention.</p>
<p>Ce contexte de violences et de persécutions se conjugue avec une <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2022/653663/EXPO_STU(2022)653663_EN.pdf">détérioration notable de la situation économique</a>, notamment due au durcissement des <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-belarus/">sanctions occidentales</a>.</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">Bélarus : des sanctions économiques pour mettre le régime « à sec financièrement » (Euronews, 22 juin 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans ce contexte, de nombreux Biélorusses, jeunes et éduqués pour la plupart, font le choix de quitter le pays. Selon les statistiques officielles, la population biélorusse a diminué de 94 121 personnes entre le 1<sup>er</sup> janvier 2021 et le 1er janvier 2022, passant de <a href="https://www.belstat.gov.by/ofitsialnaya-statistika/solialnaya-sfera/naselenie-i-migratsiya/naselenie/statisticheskie-izdaniya/index_46933/">9 349 645 à 9 255 524 habitants</a>.</p>
<p>Les principaux pays de destination sont la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Géorgie et, plus étonnant peut-être, l’<a href="https://www.forbes.com/sites/kenrapoza/2022/07/03/techies-from-russia-belarus-find-solace-in-uzbekistan-can-they-attract-western-outsourcers/?sh=7b0e005b7bb2">Ouzbékistan</a>, etc. Bien qu’il soit difficile de déterminer le nombre exact de réfugiés et de migrants, car ils voyagent avec une variété de visas, traversant parfois les frontières illégalement, certaines statistiques sont inquiétantes. Le gouvernement polonais, par exemple, a accueilli <a href="https://www.schengenvisainfo.com/news/poland-has-hosted-15000-refugees-from-belarus-in-2021/">15 000 réfugiés</a> en provenance de Biélorussie en 2021. La Lituanie, pour sa part, a délivré plus de <a href="https://www.nytimes.com/2021/11/23/world/europe/lithuania-migrants-belarus-middle-east.html">6 700 visas « humanitaires » à des Biélorusses</a> en 2021.</p>
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<p>La pandémie de Covid-19 – dont l’impact réel est difficile à estimer, notamment en raison de la fiabilité douteuse des chiffres fournis par le gouvernement – semble également avoir contribué à la diminution de la population. La Biélorussie affiche un taux de mortalité des personnes infectées de <a href="https://www.donneesmondiales.com/europe/bielorussie/sante.php">0,7 %</a> – un ratio « honorable » dont Alexandre Loukachenko s’est vanté en cherchant à justifier sa <a href="https://tass.ru/mezhdunarodnaya-panorama/13493941/amp">gestion de la crise sanitaire</a>. Pourtant, en réalité, il n’a mis en œuvre aucune mesure sanitaire pour empêcher la propagation du virus et n’a jamais encouragé la vaccination de la population. Aujourd’hui, <a href="https://ourworldindata.org/Covid-vaccinations">moins de 3 % des Biélorusses sont vaccinés contre le Covid-19</a>.</p>
<p>Plusieurs études soulèvent les doutes quant à la fiabilité des chiffres annoncés par les autorités. Un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-09345-z.pdf">article paru dans <em>Nature</em></a> affirme ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« La mortalité biélorusse de juin 2020 a été de 29 à 39 % supérieure aux estimations tandis que la mortalité Covid-19 signalée pour juin 2020 n’était que de 157 cas. »</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZcF2Sw7xdZM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">coronavirus. En Biélorussie, tout est presque normal, Ouest France, 31 mars 2020.</span></figcaption>
</figure>
<p>Enfin, les événements des cinq derniers mois en Ukraine ne peuvent qu’exacerber le problème démographique en Biélorussie. Les craintes quant à une potentielle <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/la-bielorussie-va-t-elle-entrer-en-guerre-contre-l-ukraine-aux-cotes-de-la-russie_5038811.html">implication directe de Minsk dans le conflit ukrainien</a> poussent les Biélorusses – notamment ceux qui pourraient être concernés par une éventuelle mobilisation en cas d’entrée en guerre officielle du pays contre l’Ukraine, perspective à laquelle la population est <a href="https://amp.euroradio.fm/ru/ne-hotyat-voevat-i-zhdut-bednyh-vremyon-chto-dumayut-belorusy-o-voyne-v-ukraine">majoritairement opposée</a> – à chercher de meilleures perspectives ailleurs. Depuis les premiers jours du déclenchement de l’offensive, Alexandre Loukachenko s’est positionné en tant qu’allié majeur de la Russie en renouvelant régulièrement des <a href="https://zn.ua/amp/WORLD/lukashenko-opredelilsja-s-rolju-belarusi-v-vojne-rossii-protiv-ukrainy.html">déclarations</a> d’approbation de son homologue russe et en multipliant les gestes de soutien.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alexandre-loukachenko-un-dictateur-vassal-de-vladimir-poutine-dans-la-guerre-en-ukraine-179639">Alexandre Loukachenko, un dictateur vassal de Vladimir Poutine dans la guerre en Ukraine</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Bien que Minsk n’ait jamais envoyé d’hommes combattre aux côtés des troupes russes en Ukraine, la Biélorussie fournit à la Russie toute l’infrastructure nécessaire pour conduire la guerre et fait désormais office de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/02/avec-l-invasion-de-l-ukraine-la-vassalisation-acceleree-de-la-bielorussie-par-la-russie_6133039_3210.html">base arrière</a> pour le Kremlin. Le 25 juin, Vladimir Poutine a d’ailleurs <a href="https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-la-russie-va-livrer-a-la-bielorussie-des-missiles-capables-de-transporter-des-charges-nucleaires-annonce-poutine-20220625">annoncé</a> que son pays livrerait à la Biélorussie « dans les prochains mois » des missiles capables de transporter des charges nucléaires…</p>
<h2>La démographie, vrai cheval de bataille du régime…</h2>
<p>Paradoxalement, si la tendance démographique actuelle est potentiellement désastreuse sur le long terme pour la Biélorussie, et donc pour son régime, elle facilite toutefois le maintien à court terme de ce même régime.</p>
<p>Loukachenko conduit depuis 1997 une politique nataliste qui regroupe une multitude de mesures par exemple, le <a href="https://mrik.gov.by/gosudarstvennaya-programma-zdorove-naroda-i-demograficheskaya-bezopasnost-respubliki-belarus">Programme national de santé publique et de sécurité démographique</a> de la République du Bélarus 2016-2020. La politique nataliste biélorusse compte parmi les plus généreuses au monde, ce qui témoigne de la prise de conscience par le régime des risques encourus par un État dont la démographie décline.</p>
<p>Les efforts visant à empêcher, ou au moins à ralentir, la fuite des cerveaux se manifestent également à travers l’autorisation dès 2007 d’un système d’enseignement supérieur en deux étapes très éloigné des programmes de licence et de master adoptés en Europe. Alors que le reste de l’Europe continue de s’intégrer en introduisant des normes communes pour l’enseignement supérieur, la Biélorussie, elle, se dirige vers une forme d’<a href="https://euroradio.fm/en/belarus-abolishes-baccalaureate-prevent-brain-drain">auto-isolement</a> car les jeunes éduqués se trouvent dissuadés de partir puisque leurs diplômes ne sont pas reconnus à l’étranger.</p>
<p>En décembre 2020, Loukachenko a <a href="https://iz.ru/export/google/amp/1107069">déclaré</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le plus gros problème du pays est démographique. Par conséquent, tout doit être fait pour les enfants. Le capital maternité a été étendu, de même que l’accès des familles à des logements. Ce sera un désastre si nous n’augmentons pas notre population. »</p>
</blockquote>
<p>La même année, le régime a mis en place des restrictions à la sortie du territoire national, officiellement dans le cadre de la pandémie de coronavirus. Seuls les citoyens en possession d’un document confirmant leur autorisation de séjour permanente dans un État étranger ont été <a href="https://www.euractiv.fr/section/affaires-publiques/news/le-belarus-restreint-les-possibilites-de-quitter-son-territoire/">autorisés à quitter la Biélorussie</a>.</p>
<p>En effet, les départs de jeunes sont une catastrophe économique pour un pays déjà fragile, doté de maigres ressources naturelles, caractérisé, entre autres, par une faible diversification géographique et sectorielle des exportations (très fortement dépendantes de la Russie) ainsi que par un sous-développement du secteur privé (<a href="https://www.coface.com/Economic-Studies-and-Country-Risks/Belarus">50 % de la valeur ajoutée totale, deux tiers de l’emploi total</a>). L’exode menace notamment le secteur florissant des nouvelles technologies, pierre angulaire de la communication de Loukachenko concernant le développement économique du pays.</p>
<p>Le programme <a href="https://www.park.by/en/">Belarus Hi-Tech Park</a>, conçu en 2005, avait ainsi pour but de créer une pépinière technologique dans un pays qui avait traditionnellement favorisé l’agriculture. Le programme a favorisé l’émergence d’une communauté informatique dynamique qui, en 2018, représentait environ <a href="https://www.zdnet.com/article/brain-drain-why-tech-workers-have-been-leaving-belarus-behind/">5,7 % du PIB</a>, donnant naissance à des sociétés comme <a href="https://eu.wargaming.net/en">Wargaming.net</a>, entreprise de développement de jeux vidéo de stratégie fondée en 1998 par le Biélorusse Victor Kisly, et <a href="https://www.viber.com/fr/">Viber</a>, une application de messagerie populaire qui fait maintenant partie du groupe Rakuten.</p>
<p>Selon les statistiques officielles biélorusses, en 2020 le secteur informatique a généré un record de 2,7 milliards de dollars d’exportations de produits et de services, en hausse de 25 % par rapport à 2019. La Biélorussie bénéficie depuis quelques années d’une image de <a href="https://president.gov.by/en/belarus/economics/it-country">« plaque tournante informatique de l’Europe de l’Est »</a>. Les autorités soulignent dans leur <a href="https://president.gov.by/en/belarus/economics/it-country">communication récente</a> que « selon le classement Global Services 100, la République de Biélorussie est classée 13<sup>e</sup> sur 20 pays leaders dans le domaine de l’externalisation informatique et des services de haute technologie ».</p>
<p>Toutefois, ce secteur particulièrement prometteur a été mis à mal courant 2021. Un nombre record d’entreprises informatiques ont été fermées : alors que 427 entreprises informatiques étaient enregistrées en 2021, un total de 261 entreprises avait été « <a href="https://www.intellinews.com/index.php/what-will-happen-to-the-hi-tech-park-234175/ ?source=belarus">liquidées</a> » et l’un des plus grands développeurs de jeux mobiles au monde, Say Games, a quitté le Hi-Tech Park. Quant à Wargaming, elle a <a href="https://wargaming.com/en/news/business-operations-worldwide/">fermé</a> ses studios de Saint-Pétersbourg et Moscou ainsi que de toutes ses autres filiales en Russie et Biélorussie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1409125644366123009"}"></div></p>
<p>L’exode de spécialistes en informatique aura des implications majeures non seulement pour l’économie biélorusse, mais également pour la réputation que ce pays essaye de se forger depuis des années. Il pourra, en revanche, profiter aux pays voisins. Varsovie a ainsi mis en place le programme <a href="https://www.gov.pl/web/poland-businessharbour-en/poland-business-harbour-the-polish-goverments-programme">Business Harbor</a>, qui vise à faciliter l’installation des Biélorusses en Pologne.</p>
<h2>Ou seulement de la poudre aux yeux ?</h2>
<p>Certains aspects de l’évolution démographique de la Biélorussie – vieillissement de la population, exode des jeunes, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-73065-9_16">fécondité</a> nettement plus élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines – favorisent le maintien du régime de Loukachenko.</p>
<p>Celui-ci appuie en effet sa légitimité politique sur le soutien apporté par la « vieille garde », notamment les générations ayant vécu la période soviétique, souvent nostalgiques de la grandeur de l’URSS. Dès lors, les départs de jeunes éduqués, qui comptent souvent parmi les plus contestataires, représentent un certain soulagement pour un gouvernement qui considère avec anxiété le renouvellement des générations.</p>
<p>Les travailleurs du secteur de l’informatique, par exemple, en tant que classe moyenne à mobilité importante, sont majoritairement hostiles au pouvoir de Loukachenko. Même avant l’élection, des spécialistes en informatique avaient développé des plates-formes alternatives de dépouillement des voix. Après les événements du 9 août 2020, ils ont créé une base de données pour suivre les personnes détenues par le régime. Le président biélorusse a <a href="https://eng.belta.by/economics/view/lukashenko-speaks-about-pros-and-cons-of-having-hi-tech-park-147322-2022/">déclaré</a> en début d’année 2022 que « les services spéciaux étrangers avaient une emprise sur les employés du Hi-Tech Park biélorusse. Ils ont fourni un financement sur la base légale et ont ensuite donné l’ordre de renverser et de détruire le régime ».</p>
<p>Reste à savoir ce que le pouvoir biélorusse décidera de privilégier dans les prochaines années (si, bien sûr, les bouleversements en cours dans la région ne l’emportent pas avant) : son maintien au pouvoir ou l’avenir de son pays ? Cette question reste plutôt rhétorique au regard des choix politiques effectués ces dernières années…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187643/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katsiaryna Zhuk ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Biélorussie, la natalité, surtout dans les villes, baisse, et l’émigration, surtout des jeunes, vide le pays de ses forces vives. Un processus qui n’est pas forcément pour déplaire au régime…Katsiaryna Zhuk, Professeur en géopolitique et design informationnel, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1773962022-03-23T19:23:15Z2022-03-23T19:23:15ZChine : quels effets peut-on attendre de la nouvelle politique de trois enfants ?<p>Malgré un développement économique spectaculaire au cours des trente dernières années, la République populaire de Chine a d’importants retards à combler avant de figurer parmi les pays les plus avancés de la planète. En 2020, elle se plaçait encore au 79e rang mondial en termes de PIB par habitant et au 85e en ce qui concerne l’indice de développement humain.</p>
<p>Alors même que son économie montre des signes d’essoufflement, la Chine doit en parallèle <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-1-page-1.htm">faire face à des défis démographiques</a> propres aux pays les plus développés.</p>
<ul>
<li><p>Une fécondité très basse, passée <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2016-7-page-1.htm">sous le seuil de remplacement des générations</a> dans la première moitié des années 1990, et tombée à 1,3 enfant par femme en 2020.</p></li>
<li><p>La réduction attendue de 70 millions de la population d’âge actif (20-64 ans) entre 2020 et 2035. La part de personnes actives dans la population totale devrait passer de 65 % à 57 %.</p></li>
<li><p>Un <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2014-5-page-56.htm">vieillissement démographique rapide</a>, la part de personnes âgées de 65 ans ou plus étant susceptible de passer de 12 % à 21 % en quinze ans.</p></li>
</ul>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/31/la-chine-autorise-les-familles-a-avoir-trois-enfants_6082175_3210.html">« politique de trois enfants »</a>, annoncée en mai 2021 après la publication des résultats préliminaires du septième recensement national de la population (2020), vise à atténuer ces tendances. En quoi consiste-t-elle précisément ? Quels résultats peut-on en attendre ?</p>
<h2>Favoriser les naissances</h2>
<p>L’<a href="http://www.gov.cn/zhengce/2021-07/20/content_5626190.htm">objectif du gouvernement chinois</a> est de parvenir à un « développement démographique équilibré sur le long terme » permettant de garantir un « développement économique durable ».</p>
<p>Le deuxième amendement de la Loi de 2002 sur la population et la planification des naissances, adopté en août 2021, prévoit diverses mesures visant à lever les obstacles à une remontée de la fécondité, devenus flagrants après <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/le-taux-de-natalite-au-plus-bas-en-chine-1379557">l’échec de la « politique de deux enfants »</a> lancée en 2015 (figure 1).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Remarques sur les estimations : Des incertitudes quant au niveau réel de la fécondité en Chine existent depuis les années 1990. Elles sont alimentées par les incohérences relevées entre les différentes sources et renforcées par l’opacité des méthodes employées par l’administration statistique pour ajuster l’indice synthétique de fécondité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? _Population & Sociétés_, n° 596</span></span>
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<p>En 2020, la Chine n’a enregistré que 12 millions de naissances, soit près de 3 millions de moins qu’en 2019 (14,7 millions), et le chiffre le plus bas depuis 1960 – quand elle comptait deux fois moins d’habitants qu’aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chinas-two-child-policy-isnt-the-answer-to-its-ageing-population-problem-68234">China's two-child policy isn't the answer to its ageing population problem</a>
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<p>Ces mesures, qui s’apparentent à celles mises en place dans <a href="https://www.demogr.mpg.de/papers/working/wp-2006-010.pdf">plusieurs pays d’Europe</a>, ont pour principal objectif d’alléger les contraintes économiques et matérielles liées à l’arrivée d’un enfant dans un couple tout en favorisant l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle pour les femmes. L’amendement de 2021 n’énonce cependant que des principes généraux, les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles mesures étant, comme cela a été le cas pour les précédentes, laissées à l’appréciation des gouvernements des provinces.</p>
<p>Le premier amendement de la loi en 2015 avait levé trois freins majeurs à une relance de la fécondité : la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vOMMPsiVZDc">limitation à un enfant</a> (ou deux voire trois dans certains cas), l’incitation à retarder le mariage et la procréation et l’obligation de pratiquer la contraception pour les couples en âge d’avoir des enfants.</p>
<p>L’amendement de 2021 marque un changement d’approche radical en jetant les bases <a href="http://www.npc.gov.cn/npc/c30834/202109/9ab0af08773c465aa91d95648df2a98a.shtml">d’une politique nataliste</a>. Il apporte deux modifications majeures : d’une part, la possibilité d’un troisième enfant offerte à tous les couples, quels que soient leur milieu de résidence (urbain ou rural) ou leur appartenance ethnique. D’autre part, un changement de langage concernant l’âge au mariage et à la naissance des enfants, qui doit désormais être « approprié ».</p>
<p>Bien qu’aucun âge seuil ne soit préconisé à ce stade, il s’agirait donc de contrer la hausse rapide de l’âge moyen des femmes au premier mariage, et donc à la naissance de leur premier enfant (tableau), afin, comprend-on, de maximiser le nombre de celles effectivement en couple aux âges les plus féconds.</p>
<p>Le caractère non obligatoire de la pratique contraceptive et le libre choix de la méthode employée, introduits par l’amendement de 2015, ont par ailleurs été réitérés. La pratique du planning familial « conformément à la loi » reste toutefois une obligation légale et des récompenses – dont la nature n’est pas spécifiée – sont prévues pour les couples qui adhèrent aux nouvelles dispositions.</p>
<p>Enfin, l’interdiction des échographies et des avortements visant à sélectionner le sexe de l’enfant à naître est maintenue. Il s’agit en effet, ainsi que le précise la décision du Comité central du Parti communiste chinois et du Conseil des Affaires d’État lors de laquelle la « politique de trois enfants » a été approuvée, de tenter de ramener le rapport de masculinité à la naissance à un niveau normal en mettant fin à l’élimination des fœtus féminins. Ce rapport, bien qu’en baisse depuis la fin des années 2000, reste en effet très déséquilibré : 111,3 garçons pour 100 filles à la naissance en 2020 (tableau), contre environ 105 attendus dans des circonstances normales.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : tableau repris de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? Population & Sociétés, n° 596. Cliquer pour zoomer.</span>
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<p>Une autre nouveauté introduite par l’amendement de 2021 vise à améliorer la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4729105/">prise en charge de la stérilité</a>. L’accélération de ce phénomène, qui concernerait désormais 15 % à 20 % des femmes et 10 % à 12 % des hommes d’âge fécond (soit près de cent millions de personnes) et régulièrement présenté comme l’une des causes de la faible fécondité, est devenue une préoccupation majeure du gouvernement. La Décision du 26 juin 2021 prévoit l’encadrement et le développement des traitements de la stérilité et de procréation médicalement assistée.</p>
<h2>Faciliter l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle</h2>
<p>L’inégale répartition des tâches entre hommes et femmes au sein de la famille et les discriminations des femmes dans le monde du travail comptent parmi les causes de la faible fécondité en Chine. C’est pourquoi l’égalité des sexes, l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle et la protection des femmes sur le marché du travail ont été placées au cœur de l’amendement de 2021.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chinas-three-child-policy-is-unlikely-to-be-welcomed-by-working-women-162047">China's three-child policy is unlikely to be welcomed by working women</a>
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<p>L’article 25 qui, en 2002, prévoyait que « les citoyens retardant leur mariage et la naissance de leur(s) enfant(s) pouvaient bénéficier d’une prolongation des congés de mariage et de maternité » stipule, depuis 2015, que cette prolongation peut bénéficier à toutes les femmes se conformant aux nouvelles dispositions. L’amendement de 2021 réitère la possibilité d’allonger le congé de maternité – sans toutefois préconiser de durée au-delà des 128 jours légaux – et prévoit la mise en place d’un congé parental destiné à encourager l’investissement des pères dans le soin de leurs enfants en bas âge.</p>
<p>Limiter l’impact d’une naissance sur les possibilités d’emploi, le salaire et la carrière des femmes est une autre préoccupation du gouvernement chinois. Il s’agit en particulier de lutter contre les discriminations des femmes à l’embauche, les inégalités de salaires à poste égal et les licenciements abusifs à la suite d’un congé de maternité, afin notamment de ne pas léser celles qui deviennent mères. Deux aspects de la loi ont été renforcés en ce sens.</p>
<ul>
<li><p>D’une part, la protection effective des femmes enceintes et des mères sur le marché du travail. L’article 26, révisé en 2015, stipule depuis 2021 que « l’État garantit les droits et intérêts des femmes en matière d’emploi et soutient celles dont la carrière est affectée par la naissance d’un enfant ».</p></li>
<li><p>D’autre part, le développement des services de garde d’enfants en bas âge tant au sein des collectivités locales qu’au sein des entreprises.</p></li>
</ul>
<p>La Décision du 26 juin stipule également que les entreprises devront en outre adapter les conditions de travail de leurs salariés afin de leur permettre de maintenir un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_Yv6-kyl1x4?wmode=transparent&start=57" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Réduire la charge financière pesant sur les familles</h2>
<p>Une autre modification majeure vise à alléger la charge financière, souvent rédhibitoire, que représente aujourd’hui l’arrivée d’un enfant pour les familles chinoises.</p>
<p>Cet allègement sera opéré d’une part en augmentant leurs revenus grâce au versement de prestations sociales aux familles qui ont des enfants « conformément à la Loi » et à la mise en place d’avantages fiscaux. Il sera opéré d’autre part en réduisant les dépenses consacrées à la prise en charge de leurs dépendants (enfants et personnes âgées).</p>
<p>Enfin, des mesures préférentielles sont également prévues concernant l’attribution d’un logement, l’accès à l’emploi pour les parents et à l’éducation pour les enfants. Ces principes généraux seront toutefois soutenus par une reformulation des politiques sociales et fiscales, destinée à favoriser les familles avec des enfants mineurs (notamment ceux âgés de moins de trois ans).</p>
<p>Un autre objectif consiste à réduire les coûts qui incombent aux parents pour la scolarité de leurs enfants. Il s’agit notamment de normaliser l’accès aux ressources éducatives en le rendant moins dépendant des capacités financières des familles. Cela passe par la réglementation des enseignements extra-scolaires – source d’importantes dépenses pour les parents qui cherchent à accroître les compétences de leurs enfants dans un <a href="http://www.lejournalinternational.info/chine-apercu-systeme-scolaire/">système éducatif</a> devenu très élitiste.</p>
<p>La Décision du 26 juin 2021 précise également qu’afin d’alléger la charge financière des familles et ainsi leur permettre de centrer davantage leurs dépenses sur leurs enfants, il s’agira de limiter leur implication financière et matérielle dans la prise en charge de leurs parents âgés. Ces mesures devraient inclure un accès prioritaire aux maisons de retraite pour les parents des couples adhérant aux nouvelles dispositions légales, de même qu’une réduction des frais médicaux et des services à la personne.</p>
<h2>Quels effets peut-on attendre ?</h2>
<p>Cette nouvelle politique, dont les modalités de mise en œuvre au niveau local restent à définir, ne sera cependant pas forcément en mesure de lever tous les obstacles à une remontée de la fécondité, révélant ainsi les limites de l’interventionnisme politique du gouvernement chinois en matière démographique.</p>
<p>Si les mesures adoptées au niveau local s’avèrent suffisamment incitatives, elles pourraient certes montrer leur efficacité concernant les arbitrages économiques et familiaux (coûts élevés de l’éducation, faible protection des femmes sur le marché du travail, sous-développement des infrastructures d’accueil pour enfants en bas âge, perspective de devoir prendre en charge ses parents âgés). Plus encore que la politique de contrôle des naissances à proprement parler, ce sont ces arbitrages qui, depuis les années 1990, ont tiré la fécondité chinoise à la baisse.</p>
<p>En revanche, la nouvelle politique n’aura guère de prise sur les aspirations individuelles des jeunes adultes, qui déterminent fortement leurs comportements de reproduction. L’allongement de la durée des études, notamment pour les femmes, une quête d’épanouissement personnel – qui passe désormais avant le souhait de fonder une famille – ou l’autonomisation vis-à-vis des parents en matière de décisions matrimoniales et familiales, sont autant de facteurs expliquant que les jeunes se marient et font des enfants de plus en plus tard. En effet, si elle reste faible en comparaison d’autres pays de la région, la part de célibataires à 30 ans a quintuplé pour les femmes entre 2000 et 2015 (passant de 2 % à 10 %) et doublé pour les hommes (passant de 10 % à 20 %).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447019/original/file-20220217-27-p036rh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447019/original/file-20220217-27-p036rh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=668&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447019/original/file-20220217-27-p036rh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=668&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447019/original/file-20220217-27-p036rh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=668&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447019/original/file-20220217-27-p036rh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=839&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447019/original/file-20220217-27-p036rh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=839&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447019/original/file-20220217-27-p036rh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=839&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Source : figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? <em>Population & Sociétés</em>, n° 596.</span>
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<p>L’autorisation d’un troisième enfant échouera aussi à relancer significativement la fécondité à court terme, notamment parce que faire un troisième enfant suppose d’en avoir préalablement fait un premier, puis un deuxième. Or, en 2015, seule une femme d’âge fécond sur quatre avait deux enfants (figures 2 et 3). Si l’on applique ce pourcentage aux effectifs de celles recensées en 2020, cela signifie que moins de 85 millions d’entre elles seraient concernées par cette nouvelle possibilité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Source : figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? <em>Population & Sociétés</em>, n° 596.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que l’amendement de 2021 n’apporte aucune précision sur ce point, il est donc vraisemblable que les mesures incitatives devront bénéficier à toutes les naissances sans distinction de rang, pour cibler notamment les parents d’enfants uniques et les couples sans enfant.</p>
<p>En outre, il reste à craindre que le gouvernement chinois continue, comme cela a été le cas depuis les années 1970, d’user de la contrainte pour parvenir à ses objectifs en matière démographique. Cet amendement ne comporte en effet aucun signe de relâchement du contrôle susceptible d’être exercé sur les couples.</p>
<p>Enfin, les avantages accordés à ceux qui se conformeront aux nouvelles dispositions suggèrent que la stigmatisation sociale des autres pourrait perdurer, de même que les pénalités auxquelles ils pourraient être soumis à l’instar de celles appliquées dans le cadre de la politique de l’enfant unique (amendes, sanctions professionnelles ou administratives, etc.).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Attané ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après avoir longtemps cherché à limiter les naissances, le gouvernement chinois les encourage aujourd’hui avec sa nouvelle « politique de trois enfants » adoptée en 2021.Isabelle Attané, Directrice de recherche (sinologie et démographie), Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1779352022-03-16T21:04:09Z2022-03-16T21:04:09ZVieillissement démographique de la France : à quoi s’attendre d’ici un demi-siècle ?<p>Les projections de population publiées récemment par l’Insee <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">annoncent la poursuite du vieillissement démographique de la France</a> dans les 50 prochaines années. Tous les scénarios conduisent à une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2496228">hausse importante de la proportion de personnes âgées d’ici 2070</a>. Sur quelles bases repose ce pronostic ? Examinons-les en passant en revue les différents scénarios envisagés.</p>
<p>L’Insee a publié en novembre 2021 de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893969">nouvelles projections</a> de population pour la France à l’horizon 2070. D’après le scénario central – le plus probable, et prolongeant les tendances démographiques récentes –, la France compterait 68,1 millions d’habitants au 1<sup>er</sup> janvier 2070, contre 67,4 millions au 1<sup>er</sup> janvier 2021, soit 700 000 de plus. La population continuerait d’augmenter jusqu’à un maximum de 69,3 millions en 2044 puis diminuerait ensuite jusqu’à 68,1 millions en 2070.</p>
<h2>Doublement des 75 ans ou plus d’ici 2070</h2>
<p>Entre 2021 et 2070, la population n’augmente qu’après 75 ans (figure 1) : elle double à ces âges, l’espérance de vie progressant et les générations nées avant 1946 étant remplacées par <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5760764">celles un peu plus nombreuses nées de la fin du baby-boom au milieu des années 1990</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=557&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=557&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=557&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution de la population de la France d’ici 2070 d’après différents scénarios.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Entre 60 et 75 ans, les effectifs restent à peu près les mêmes. En revanche, en dessous de 60 ans, ils diminuent de 10 %.</p>
<p>La projection centrale est complétée par <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893969">26 scénarios alternatifs</a> combinant <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893639">différentes hypothèses</a> d’évolution de la fécondité, de la mortalité et des migrations.</p>
<p>Le scénario central retient une fécondité de 1,8 enfant en moyenne par femme, soit un niveau proche de celui d’aujourd’hui ; une mortalité continuant à baisser au même rythme qu’au cours de la décennie 2010 ; et un solde migratoire (entrées moins sorties du territoire) de +70 000 personnes par an.</p>
<p>Selon les hypothèses de fécondité « haute » (2,0 enfants) ou « basse » (1,6), la population en 2070 varie de plus ou moins 4 millions autour des 68 millions d’habitants du scénario central ; de même, selon qu’on fixe le solde migratoire à 20 000 par an (hypothèse « basse ») ou 120 000 (hypothèse « haute »), elle varie de plus ou moins 4 millions.</p>
<p>Les variantes en matière d’évolution de la mortalité ont un impact plus limité : plus ou moins 2,4 millions. Au total, en combinant les hypothèses haute ou basse de chaque composante, la fourchette va de 58 à 79 millions d’habitants en 2070 (figure 2).</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Évolution de la population de la France d’ici 2070 d’après différents scénarios.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
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</figure>
<p>L’incertitude sur les effectifs varie selon les âges (figure 3). Elle est la plus forte pour les générations qui ne sont pas encore nées en 2021. Par exemple, l’effectif des 0-19 ans en 2070 est de 14 millions selon le scénario central, mais avec une fourchette large, de 11 à 17 millions, selon les scénarios bas et haut, soit plus ou moins 25 % autour de la projection centrale.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Pyramide des âges de la France en 2021 et 2070, selon les scénarios bas, central et haut.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En revanche, pour les personnes de 75 ans ou plus, qui sont donc déjà nées en 2021, les scénarios extrêmes conduisent à des chiffres de 10 à 14 millions en 2070, soit plus ou moins 18 % autour de la projection centrale, 12 millions. C’est essentiellement l’hypothèse de mortalité qui fait varier les effectifs des 75 ans ou plus entre 2021 et 2070.</p>
<p>Mais quel que soit le scénario, leur nombre augmente très fortement (de 89 % dans le scénario central), l’espérance de vie progressant et les générations nées de 1969 à 1994 se substituant aux générations creuses nées avant 1946.</p>
<h2>Incertitude plus importante pour les naissances que pour les décès</h2>
<p>Le scénario central conduit à un nombre annuel de naissances diminuant de 80 000 (-10 %) d’ici 2070 par rapport au niveau d’aujourd’hui (740 000 naissances en 2020 ; 660 000 en 2070) (figure 4a). En revanche, le nombre annuel de décès augmente de 160 000, passant de 610 000 en 2019 (avant la pandémie de Covid-19) à 770 000 en 2070, soit une hausse de 25 % (figure 4b).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448937/original/file-20220228-13-16hhg2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448937/original/file-20220228-13-16hhg2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448937/original/file-20220228-13-16hhg2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448937/original/file-20220228-13-16hhg2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448937/original/file-20220228-13-16hhg2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448937/original/file-20220228-13-16hhg2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448937/original/file-20220228-13-16hhg2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Naissances et décès annuels en France selon différents scénarios.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces chiffres varient selon le scénario, avec une fourchette plus large pour les naissances que les décès. Tous les scénarios conduisent par ailleurs à une hausse très importante des décès entre aujourd’hui et 2045 : les générations nombreuses du baby-boom, qui atteignent des âges très élevés à cette période, seront en train de s’éteindre.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Naissances et décès en France de 1970 à 2070 (scénario central).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de 2035, le nombre de décès dépasse le nombre de naissances dans le scénario central (figure 5). Le solde naturel (différence entre les nombres de naissances et de décès), devenu négatif, se creuse ensuite et atteint -110 000 en 2070.</p>
<p>Ce solde varie fortement selon les scénarios : entre -330 000 et +160 000. Mais comme tous les scénarios incluent l’hypothèse d’un solde migratoire positif (de 20 000 à 120 000 par an), la population est encore croissante en 2070 dans une partie d’entre eux (11 sur 27).</p>
<h2>Retour sur 50 ans d’évolution des projections</h2>
<p>Comment les hypothèses sur lesquelles reposent les projections publiées par l’Insee ont-elles évolué depuis 50 ans ? Elles ont beaucoup changé pour ce qui est de l’espérance de vie (voir <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374368?sommaire=1374377">ici</a> et <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2018-3-page-1.htm?ref=doi">ici</a>).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1286&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1286&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1286&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1616&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1616&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1616&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de l’espérance de vie à la naissance en France depuis 1950, observations et projections (scénario central).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
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</figure>
<p>L’espérance de vie à la naissance tous sexes confondus était de 72 ans en 1970 (contre dix ans de plus en 2021 : 82 ans). Le diagnostic en 1970 était qu’elle avait pratiquement atteint ses limites ou en était proche.</p>
<p>Après avoir beaucoup augmenté au sortir de la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1950, gagnant près de 5 mois par an pendant cette décennie, l’espérance de vie a progressé plus lentement dans les années 1960, ce ralentissement confortant la vision d’un plafond biologique (figure 6 ci-contre).</p>
<p>La projection publiée en 1970, dont l’horizon est 1995, prolonge la tendance à la hausse de l’espérance de vie, d’abord au même rythme que dans la décennie 1960, puis à un rythme décroissant. La projection suivante, publiée en 1979, est plus pessimiste et considère que l’espérance de vie va progresser plus lentement encore, puis plafonner à 73,8 ans en 2000, tous sexes confondus. Ces deux projections se sont révélées très en deçà de l’évolution réelle.</p>
<p>Le constat que les plafonds même rehaussés sont régulièrement dépassés au bout de quelques années conduit à l’abandon de l’idée même de plafonnement dans les projections publiées à partir de 1995. Celles-ci extrapolent la tendance récente sur toute la période de projection, sans fixer de limite. Elles correspondent assez bien à l’évolution observée pour l’instant.</p>
<h2>La fécondité : stable depuis la fin du baby-boom</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Hypothèses centrales des projections démographiques de la France depuis 1970 pour la fécondité et les migrations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Concernant la fécondité, les projections ont en revanche peu changé en 50 ans (voir tableau ci-contre). Mis à part la projection publiée en 1970, sensiblement plus élevée que les autres (on est encore dans la période du baby-boom, même s’il est sur sa fin), les révisions sont légères, et tantôt à la hausse, tantôt à la baisse, reflétant à chaque fois la tendance récente de l’indicateur de fécondité.</p>
<p>Ce dernier, stable sur le long terme depuis la fin du baby-boom, enchaîne en effet des périodes de baisse et de hausse, entre 1,7 et 2,0 enfants en moyenne par femme.</p>
<p>Pour le solde migratoire, les hypothèses ont sensiblement évolué en 50 ans : de 130 000 par an dans la projection de 1970, le solde passe à 0 dans les deux suivantes (publiées en 1979 et 1986), en lien avec l’arrêt de la migration de travail en 1973. Il varie ensuite du simple au double dans les projections suivantes, entre 50 000 et 100 000 par an (voir tableau au-dessus).</p>
<p>Que nous apportent ces nouvelles projections publiées par l’Insee ? Elles confirment le vieillissement de la population dans les prochaines décennies, à un rythme rapide d’ici 2040, puis ralenti ensuite. Si la taille de la population projetée d’ici 2070 est fortement conditionnée par les hypothèses retenues, tous les scénarios conduisent, sans exception, à une hausse importante de la proportion de personnes âgées à cet horizon.</p>
<p>L’ampleur des variations entre les scénarios rappelle les incertitudes sur l’évolution de la population à long terme, tout en confirmant la poursuite inéluctable du vieillissement.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">d’un article publié par les auteurs dans Population et Sociétés n° 597</a>, « La population française devrait continuer de vieillir d’ici un demi-siècle », qui détaille les changements entre ces projections et les projections précédentes publiées en 2016.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Toulemon a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Blanpain et Élisabeth Algava ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les dernières projections de l’Insee annoncent la poursuite du vieillissement de la population dans les prochaines décennies. Sur quelles bases repose ce pronostic ?Laurent Toulemon, Directeur de recherches, Institut National d'Études Démographiques (INED)Élisabeth Algava, Statisticienne et démographe à l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), chercheuse associée, Institut National d'Études Démographiques (INED)Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Nathalie Blanpain, Statisticienne et démographe à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et chercheuse associée, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775732022-02-22T18:41:32Z2022-02-22T18:41:32Z40 ans après la naissance du premier « bébé-éprouvette » français, plus de 400 000 enfants conçus par FIV<p>Il y a 40 ans, le 24 février 1982, la France découvrait « son » premier « bébé-éprouvette », une petite fille prénommée <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/02/23/26010-20170223ARTFIG00307-amandine-premier-bebe-eprouvette-fete-ses-35-ans.php">Amandine</a>, dans la lignée ouverte par <a href="https://nextnature.net/story/2017/1978-worlds-first-test-tube-baby-born">Louise Brown</a>, née au Royaume-Uni le 25 juillet 1978.</p>
<p>Ces naissances ont marqué très fortement notre imaginaire collectif : pour la première fois, la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde pouvait être obtenue hors du corps de la femme, au sein d’une éprouvette en laboratoire, c’est-à-dire « in vitro » selon le terme technique. La technique de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RdgMECreoU0">fécondation in vitro (FIV)</a> était née.</p>
<p>Pour mesurer l’avancée technologique, il faut se rappeler qu’à l’époque, la procréation médicalement assistée (PMA) consistait uniquement en des « <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vsc65Yn7XAw">inséminations artificielles » (IA)</a>, c’est-à-dire à déposer les spermatozoïdes du Conjoint (IAC) ou d’un Donneur (IAD) au niveau du col de l’utérus ou de la cavité utérine pour qu’ils aillent féconder naturellement l’ovocyte dans le corps de la femme, in vivo.</p>
<p>Après la naissance d’Amandine, l’histoire de la FIV se poursuivit loin du tumulte médiatique. Où en sommes-nous aujourd’hui et que s’est-il passé durant ces quatre décennies ?</p>
<h2>Près de 3 % des enfants sont conçus par FIV en France</h2>
<p>Avant la crise sanitaire de Covid-19, les FIV de l’année 2019 ont permis la naissance de plus de 21 000 enfants. Rapporté au nombre de naissances dans la population, cela représente pratiquement 3 enfants sur 100 conçus par FIV (2,9 %). Autrement dit, en moyenne, si vous avez un groupe de 34 enfants nés en 2020 (correspondant majoritairement aux conceptions de 2019), l’un de ces enfants a été conçu par FIV.</p>
<p>L’impact des inséminations artificielles est bien plus faible (moins de 6 000 enfants conçus en 2019), mais la somme globale de ces techniques conduit à plus de 27 000 enfants conçus suite à des PMA réalisées en 2019, soit une proportion de 3,7 % des enfants conçus par PMA parmi les naissances françaises. En moyenne, parmi un groupe de 27 enfants nés en 2020, l’un de ces enfants a été conçu par PMA.</p>
<p>Les chiffres sur les PMA de l’année 2020 n’ont pas encore été publiés par l’<a href="https://www.agence-biomedecine.fr/">Agence de la Biomédecine</a>. Néanmoins, il faut s’attendre à une nette baisse puisque les centres de PMA ont fermé leurs portes durant le premier confinement lors de la crise sanitaire. Leur activité a repris progressivement à partir de mi-mai 2020, mais l’impact de la mise sous tension des hôpitaux, en particulier publics, a probablement été un frein dans la réalisation des PMA.</p>
<h2>40 ans d’augmentation quasiment linéaire de la FIV</h2>
<p>La figure ci-dessous représente l’évolution de la proportion d’enfants conçus par FIV (courbe rouge) et la proportion d’enfants conçus par PMA incluant les FIV et les IA (courbe bleue). Entre 1981 et 1985, environ un millier d’enfants ont été conçus par FIV. Après cette période de mise en route, la FIV a connu une progression quasiment linéaire. La proportion d’enfants conçus par FIV progresse de +0,5 % tous les 7 à 8 ans.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la proportion d’enfants conçus par assistance médicale à la procréation en France.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette augmentation quasiment linéaire de la FIV reflète probablement la combinaison de plusieurs phénomènes. Dans un premier temps, il a bien sûr fallu que cette technique se « diffuse » dans la population, c’est-à-dire qu’elle est connue et acceptée. Mais, sa progression continue sur quatre décennies appelle d’autres explications.</p>
<p>Une première explication repose sur les évolutions technologiques qui ont permis d’élargir les « indications », c’est-à-dire le type d’infertilité pouvant être pris en charge par FIV. En effet, initialement, la FIV avait été conçue pour répondre aux infertilités féminines d’origine tubaire (trompes altérées ou bouchées). Elle a été rapidement utilisée pour d’autres indications, et son extension a connu une nouvelle dynamique à partir de 1992 avec l’arrivée d’une nouvelle technique de FIV permettant de prendre en charge les infertilités masculines : l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=iVDH7jQze6g">injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI)</a>. L’ICSI consiste à sélectionner un spermatozoïde qui est directement introduit dans l’ovocyte. Utilisée au départ pour les infertilités masculines dites « sévères », la FIV avec ICSI (ou ICSI) est aujourd’hui très largement utilisée puisqu’en 2019, deux fécondations <em>in vitro</em> sur trois réalisées en France l’étaient avec cette méthode.</p>
<p>Au-delà de ces aspects technologiques, le recours croissant à la FIV reflète sans doute surtout des besoins plus importants dans la population.</p>
<p>D’une part, des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_fertilite_est_elle_en_danger_-9782707156389">travaux scientifiques</a> alertent sur une possible altération de la fertilité humaine en lien avec les expositions aux polluants industriels et agricoles, ou au tabac par exemple. Une telle altération de la fertilité pourrait être susceptible de conduire à une fréquence plus élevée des infertilités et donc à un recours plus important à la PMA. D’autre part, les démographes observent une <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/maternites-tardives-de-plus-en-plus-frequentes-pays-developpes/">parentalité plus tardive</a>. Or, la fertilité diminue fortement avec l’âge, si bien que les couples rencontrent plus de <a href="https://theconversation.com/le-declin-de-la-fertilite-une-charge-inegalement-partagee-entre-hommes-et-femmes-163689">difficultés pour avoir un enfant aux âges plus avancés</a> et recourent donc plus souvent à la PMA. Ainsi, en France, en une décennie (2008-2017), le recours à l’ensemble des traitements de l’infertilité (stimulations hors PMA et PMA) <a href="https://doi.org/10.2105/AJPH.2020.305781">a augmenté de 24 %</a> parmi les femmes de 34 ans et plus alors qu’il est resté stable chez les femmes plus jeunes.</p>
<h2>Plus de 400 000 enfants conçus par FIV en 40 ans</h2>
<p>Avec cette dynamique de recours à la FIV, quel bilan démographique peut-on tirer quarante ans après la naissance d’Amandine ? Les FIV réalisées durant les vingt premières années (1981-2000) ont permis globalement la naissance de 100 000 enfants. Le mouvement s’amplifie ensuite puisque la naissance des 100 000 enfants suivants est obtenue en uniquement 8 années d’activité (2001-2008). Ce délai se raccourcit encore pour les 100 000 suivants : 6 années (2009-2014), et enfin 5 années (2015-2019). Les FIV réalisées entre 1981 et 2019 ont donc permis globalement la naissance de 400 000 enfants. Ces naissances françaises sont à replacer dans la dynamique mondiale où le nombre d’enfants conçus par FIV était estimé à plus de <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(18)30598-4/fulltext">8 millions</a> sur cette même période. </p>
<p>Derrière ce chiffre mondial global se cache une <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(21)00097-3/fulltext">forte variabilité dans le recours à la PMA</a> d’une région à l’autre, et d’un pays à l’autre, y compris parmi les pays européens. Il n’y a pas d’explication simple à cette forte variabilité, il est probable que cela reflète en partie le coût des traitements à la charge des couples, l’offre de santé, la dynamique de fécondité du pays et l’âge à la parentalité. Le niveau de recours à la PMA semble également corrélé au <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(21)00097-3/fulltext">niveau des inégalités hommes – femmes dans le pays</a> : plus ces inégalités sont faibles (selon l’<a href="https://hdr.undp.org/en/indicators/68606">indice d’inégalité de genre</a> des Nations unies) et plus le recours à la PMA est développé. L’étude souligne qu’il est nécessaire de développer des recherches pour mieux comprendre le sens de cette corrélation.</p>
<p>Le nombre d’enfants conçus par FIV actuellement inclut également les enfants nés suite aux FIV réalisées durant l’année 2020 et celles réalisées entre janvier et mai 2021. Les perturbations liées à la crise sanitaire fragilisent les projections qui peuvent être faites, mais en retenant l’hypothèse d’une diminution de l’activité FIV de 30 % durant l’année 2020 et une activité 2021 stable par rapport à 2019, cela conduit à une estimation de 420 000 enfants conçus par FIV en France en ce quarantième anniversaire d’Amandine.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre cumulé d’enfants conçus par fécondation in vitro en France.</span>
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</figure>
<p>Cette hausse du nombre d’enfants conçus par FIV est d’autant plus notable que ce nombre était autrefois amplifié par le phénomène des naissances multiples, et que ce phénomène est en forte régression. Ainsi, dans les années 1990, il naissait 130 enfants pour 100 accouchements obtenus suite à une FIV. Ces naissances multiples étaient liées à la volonté d’augmenter les chances d’obtenir une grossesse. Pour cela, les médecins transféraient beaucoup d’embryons, souvent 4 ou plus à la fois (39 % des cas en France en 1988).</p>
<p>Ces pratiques ont rapidement été remises en cause en raison des risques pour la santé des enfants issus de ces naissances multiples. Pour réduire ces risques, les médecins ont peu à peu réduit le nombre d’embryons transférés, passant d’abord à trois embryons (environ 40 % des cas en 1997) puis à deux embryons (environ 60 % des cas en 2009), pour finalement ne plus transférer qu’un seul embryon (60 % des cas en 2019). Actuellement, il n’y a plus que 107 enfants pour 100 accouchements suite à une FIV, une fréquence qui reste encore plus élevée que celle observée dans le cas d’une grossesse obtenue sans aide médicale (101 enfants pour 100 accouchements). Cette forte réduction des naissances multiples ne s’est néanmoins pas traduite par une baisse du nombre d’enfants conçus par FIV car la progression continue du recours à la FIV contrebalance largement cet effet.</p>
<h2>Des PMA invisibilisées dans les statistiques : PMA à l’étranger et hors cadre médical</h2>
<p>Dans l’imaginaire collectif, la PMA est souvent associée à l’idée du recours à un tiers donneur pour avoir un enfant, que ce soit via un don de spermatozoïdes, d’ovules, d’embryons (lorsque ceux d’un couple sont accueillis par un autre couple), ou en faisant appel à une gestatrice pour autrui (GPA). Pourtant, la réalité de la PMA en France est très éloignée de cette idée a priori : la quasi-totalité des enfants conçus par PMA (c’est-à-dire par FIV ou IA) le sont avec les gamètes de leurs deux parents (pratiquement 95 % des enfants conçus par PMA en 2019). </p>
<p>En cas de PMA avec tiers donneur, il s’agit majoritairement d’un don de spermatozoïdes (environ 1 000 enfants conçus avec don de spermatozoïdes par an). Les naissances par don d’ovocytes ont fortement augmenté ces dernières années, mais n’étaient encore que de 400 suite aux PMA réalisées en 2019 (contre 200 enfants suite aux PMA de 2013 et 100 suite à celles de 2006). L’accueil d’embryons est lui statistiquement négligeable (37 enfants suite aux accueils de 2019), tandis que la gestation pour autrui est interdite en France.</p>
<p>Derrière ce recours à la PMA avec tiers donneur apparemment très limité en France se cache une réalité invisibilisée dans les statistiques : les enfants français nés d’une PMA réalisée à l’étranger ou d’une procréation dite amicalement assistée (l’insémination artificielle pouvant être pratiquée hors d’un laboratoire en raison de sa relative simplicité technique, et la GPA sur la base d’un accord entre les individus hors cadre légal et médical).</p>
<p>Actuellement, il <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/aide-a-la-procreation-en-dehors-du-cadre-legal-et-medical-francais-quels-enjeux-aujourdhui/">n’existe pas de données fiables sur le nombre d’enfants nés suite à ces PMA</a>. Malgré la nouvelle loi de bioéthique de 2021 ouvrant la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, il est probable que ce phénomène se poursuive. Cependant, un appel est actuellement en cours (voir image ci-dessous) pour que les personnes ayant pratiqué une PMA à l’étranger ou hors du cadre médical français <a href="https://amp-sans-frontieres.fr/">participent à une étude scientifique</a> réalisée en collaboration avec les associations accompagnant ces parcours.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Etude scientifique, AMP sans frontières de l’Ined.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir des témoignages recueillis dans le questionnaire disponible sur Internet, il sera possible de fournir de premières données sur ces PMA, mais aussi de visibiliser ces expériences et parcours pour faire famille.</p>
<hr>
<p>_Ce texte reprend en les actualisant certains éléments publiés par l’autrice en 2018 dans la revue Population et Société, n°556, <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/1-enfant-sur-30-concu-par-assistance-medicale-a-la-procreation-en-france/">« 1 enfant sur 30 conçu par assistance médicale à la procréation en France »</a>.</p>
<hr>
<p>__</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise de La Rochebrochard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche et de l'Agence de la Biomédecine pour des travaux sur les traitements de l'infertilité et la PMA. </span></em></p>Depuis la naissance d’Amandine, où en sommes-nous de la fécondation in vitro en France ?Elise de La Rochebrochard, Directrice de recherche, Santé et Droits Sexuels et Reproductifs, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1500442020-11-30T18:29:37Z2020-11-30T18:29:37ZPourquoi fait-on plus d’enfants dans le nord de l’Europe que dans le sud ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369339/original/file-20201113-19-b4rg4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C27%2C5988%2C3980&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fécondité est en général élevée en Europe du Nord et faible en Europe du Sud. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/amour-amusement-bonheur-couple-2253879/">Emma Bauso/Pexels</a></span></figcaption></figure><p>En <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/data/database">Europe</a>, les femmes mettent au monde 1,6 enfant en moyenne chacune. Cette moyenne cache cependant de grandes variations d’un pays à l’autre. Les Espagnoles, qui ont 1,26 enfant en moyenne, font partie des Européennes les moins fécondes, et les Françaises, avec 1,84 enfant, sont à l’opposé en tête du <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">classement</a>.</p>
<p>Comment la fécondité varie-t-elle en Europe ? À quoi tiennent les différences d’un pays à l’autre ?</p>
<h2>Forte fécondité en Europe du Nord, faible au Sud</h2>
<p>La <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">fécondité</a> est en général élevée en Europe du Nord et faible en Europe du Sud (figure 1). Ce contraste nord-sud était déjà présent il y a deux à trois décennies (figure 2), il semble donc peu lié à la conjoncture mais plutôt à des facteurs de fond. L’un des premiers est la politique familiale. Tous les <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19116/448.fr.pdf">pays</a> d’Europe en ont une, visant à aider les familles ayant des enfants au moyen d’allocations, de congés accordés aux parents après une naissance, et de services de garde d’enfants en bas-âge, pour leur permettre de travailler, notamment les mères.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369261/original/file-20201113-13-1jpvuiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Carte des variations de l’indicateur conjoncturel de fécondité en Europe (2018).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">Figure reprise de G. Pison, 2020</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1267&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1267&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1267&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369262/original/file-20201113-13-cw9g7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2. Indicateur conjoncturel de fécondité des 28 pays de l’Union européenne en 2000 et 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">Figure reprise de Gilles Pison, 2020</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’investissement en <a href="http://www.oecd.org/fr/els/famille/basededonnees.htm#politiques">prestations et financements</a> divers varie cependant selon les pays, représentant autour de 1,5 % du PIB au total dans les pays du sud de l’Europe en 2015, et plus de deux fois plus, autour de 3,5 %, dans ceux du Nord.</p>
<p>Les <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19116/448.fr.pdf">dépenses</a> associées aux congés parentaux sont en particulier nettement plus importantes dans les pays du nord. Pas tellement en raison de la durée des congés, qui peuvent être longs dans les pays du sud, mais du fait de leur rémunération, nettement plus faible au sud qu’au nord. L’offre de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/657603/filename/LuciThevenon_INEDWP174.pdf">garde d’enfants</a> est également beaucoup plus développée au Nord, et la proportion d’enfants en bas-âge pris en charge par des services d’accueil formels, c’est-à-dire autrement que par la famille ou les proches, est nettement plus importante.</p>
<h2>Les pays nordiques seraient-ils natalistes ?</h2>
<p>Le soutien important apporté aux familles par les pays du Nord signifie-t-il que ceux-ci soient natalistes ? La politique familiale dans leur cas n’a pas pour objectif d’augmenter le nombre de naissances, mais plutôt de <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2014-6-page-1.htm">permettre</a> aux parents de pouvoir concilier le travail et la famille.</p>
<p>Ces pays cherchent en particulier à favoriser le travail des femmes. Les taux d’activité des femmes ont beau y être les plus élevés d’Europe, voire du monde, ils restent inférieurs à ceux des hommes. Et la politique de l’État vise à réduire ces écarts et à arriver à terme à l’égalité entre hommes et femmes sur le marché du travail.</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">La situation des femmes en Suède.</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour que les femmes aient plus d’enfants, l’idée était répandue il y a encore quelques décennies qu’il fallait qu’elles retournent à la maison. Or c’est dans les pays où les femmes travaillent le plus qu’elles ont le plus d’enfants. Les taux d’activité féminine sont ainsi les plus élevés au nord de l’Europe et les plus faibles au sud, et c’est au nord que les femmes ont le plus d’enfants, et non l’inverse.</p>
<h2>Les inégalités entre hommes et femmes : moins marquées au nord qu’au sud</h2>
<p>De façon plus générale, ce qui importe est le statut des femmes par rapport aux hommes. Il est plus défavorable au sud qu’au nord de l’Europe : les inégalités entre hommes et femmes y sont plus marquées, au travail, et aussi dans la sphère privée. <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/657603/filename/LuciThevenon_INEDWP174.pdf">Les tâches</a> au sein du couple y sont par exemple moins bien partagées.</p>
<p>En l’absence de mode de garde tout au long de la journée, l’exercice d’un emploi par les deux parents est impossible, et un des parents doit s’arrêter de travailler. Les hommes n’envisagent pas de s’occuper de leur nouveau-né au-delà de quelques jours, et les <a href="https://wol.iza.org/articles/female-labor-force-participation-and-development/long">femmes</a> ne souhaitent pas d’une vie de mère au foyer comme leurs mères ou leurs grand-mères ; de plus les couples ont besoin de conserver deux revenus pour maintenir leur niveau de vie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WGhfFEFUfZ8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Égalité hommes-femmes au travail, le modèle norvégien.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est vrai en Europe comme dans de nombreux pays ailleurs dans le monde. Les couples repoussent donc à plus tard l’arrivée d’un enfant s’il ne leur est pas possible de concilier travail et famille. À force de la reporter, une partie des couples finissent par renoncer à la naissance désirée.</p>
<p>Les politiques familiales des pays du nord de l’Europe n’ont pas pour objectif de soutenir la fécondité comme nous l’avons déjà mentionné. Leur fécondité relativement élevée est plutôt l’une des conséquences indirectes, non forcément souhaitée initialement, de politiques visant à promouvoir <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/j.1728-4457.2008.00246.x">l’égalité</a> entre les femmes et les hommes.</p>
<h2>En France, une politique familiale ancienne, héritière du natalisme historique du pays</h2>
<p>Au sein du gradient nord-sud de la fécondité, la France détonne : quoique située au Centre-Ouest de l’Europe, elle a la fécondité la plus élevée de la région et se rattache aux pays du nord de ce point de vue (voir carte plus haut). Autre ressemblance avec eux, sa <a href="http://www.oecd.org/fr/els/famille/basededonnees.htm#politiques">politique</a> familiale représente 3,7 % du PIB du pays en 2015, soit un taux relativement élevé comme dans les pays du Nord.</p>
<p>La politique familiale française est l’héritière des politiques natalistes mises en place il y a plus d’un siècle pour tenter d’enrayer les <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2005-2-page-228.htm">tendances démographiques</a> de l’époque jugées néfastes. La population a en effet augmenté moins rapidement que celle des pays voisins au cours du XIX<sup>e</sup> siècle et du début du XX<sup>e</sup>, elle a même diminué avec les pertes militaires de la Première Guerre mondiale. Il en a résulté des mesures natalistes au sortir de la guerre, comme l’interdiction de <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/etudes-enquetes-historiques/gouverner-les-moeurs/">l’avortement</a> et la limitation de la contraception, l’information à son propos étant en particulier défendue.</p>
<p>La politique familiale mise en place au sortir de la Deuxième Guerre mondiale s’est délestée progressivement des mesures les plus natalistes, avec notamment la libération de la contraception et de l’avortement dans les années 1960 et 1970.</p>
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<figcaption><span class="caption">Simone Veil présente la loi IVG à l’Assemblée Nationale (Archive INA).</span></figcaption>
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<p>Régulièrement adaptée depuis, la politique familiale a cherché depuis quelques décennies à promouvoir l’activité des femmes et la <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19116/448.fr.pdf">conciliation</a> entre l’emploi et la famille comme dans les pays du Nord. Elle est aussi devenue pour l’État un instrument de lutte contre la pauvreté, avec la création d’aides ciblées en direction des familles les plus défavorisées, notamment les familles monoparentales, se rapprochant de ce point de vue des politiques familiales des <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19116/448.fr.pdf">pays anglo-saxons</a> (Royaume-Uni, Irlande).</p>
<p>Faut-il attribuer à la politique familiale de la France sa première place en Europe en matière de fécondité ? Il y a sans doute un lien entre les deux, mais sans qu’il soit possible de quantifier l’effet précis de chaque dispositif particulier, tant la politique familiale française est complexe, avec un ensemble de <a href="https://www.cairn.info/journal-informations-sociales-2014-3-page-50.htm">mesures diverses</a> aux objectifs variés interagissant les unes avec les autres.</p>
<p>L’influence de la politique familiale française est sans doute la plus visible quand survient une crise, car elle peut alors jouer un rôle d’amortisseur.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1135&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1135&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1135&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369264/original/file-20201113-23-1wtvl2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3. Évolution de l’indicateur conjoncturel de fécondité depuis 2000 dans une sélection de pays européens et aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1">Figure adaptée de Gilles Pison, 2020</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La crise financière de 2007-2008 et la baisse de fécondité qui a suivi</h2>
<p>La fécondité est restée relativement élevée dans les pays du nord de l’Europe tout au long des trois dernières décennies, mais l’indicateur de fécondité a cependant fluctué. Il était à la hausse au début des années 2000, la tendance s’inversant ensuite et <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19122/454.fr.pdf">l’indicateur</a> diminuant fortement après 2008 (figure 3). Ce renversement est lié à la crise financière de 2007-2008.</p>
<p>La récession économique et la montée du chômage que la crise a entraînées ont en effet rendu le futur plus incertain. Une partie des couples ont reporté leur projet de fécondité en attendant des jours meilleurs.</p>
<p>La France n’a pas été épargnée par ce retournement, mais la baisse y a été plus modeste qu’ailleurs. Aux États-Unis, l’indicateur de fécondité atteignait 2,12 enfants par femme au début de la crise, en 2007, et il a reculé à 1,73 enfant en 2018 (soit une baisse de 23 %) (figure 3). En Norvège, il a reculé de 1,96 en 2008 à 1,56 en 2018 (une baisse de 26 %). La France, sans faire exception, a connu une <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19122/454.fr.pdf">baisse</a> bien plus modeste (moins 8 % entre 2008 et 2018). Et les fluctuations de l’indicateur y ont été moins heurtées (figure 3). Sans doute un résultat des politiques sociales et familiales qui ont amorti le choc de la crise et les effets du chômage.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NzeBpRipBWs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Natalité : la France toujours championne ?</span></figcaption>
</figure>
<p>La crise sanitaire liée au Covid-19 sera l’occasion de vérifier à nouveau ce rôle d’amortisseur. Lors du confinement du printemps 2020, certains ont pensé qu’il y aurait un baby-boom neuf mois après, l’un des arguments étant que les ventes de tests de grossesse avaient alors augmenté en France. Or les demandes d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont elles-aussi augmenté, signe d’une hausse des grossesses non désirées liée à des difficultés d’accès à la contraception pendant le confinement. </p>
<p>L’épidémie de Covid-19 et la crise économique qui en résulte pourraient entrainer plutôt une baisse des naissances et de l’indicateur conjoncturel de fécondité. Si c’est le cas, la baisse sera-t-elle uniforme en Europe, ou plus prononcée dans les pays ayant déjà la fécondité la plus basse ? Réponse dans quelques mois, lorsque les enfants conçus pendant la crise seront nés.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par l’auteur dans Population et Sociétés n° 575, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-3-page-1.htm">« France : la fécondité la plus élevée d’Europe »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150044/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains</span></em></p>La fécondité est plus élevée en Europe du Nord qu’en Europe du Sud. Pour comprendre, jetons un œil sur les politiques familiales, l’égalité entre les femmes et les hommes et le contexte économique.Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1389652020-05-25T18:13:06Z2020-05-25T18:13:06ZPays en développement : devenir mère, un défi bien plus difficile que ne le laissent croire les statistiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/336096/original/file-20200519-152349-1kzg8mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C1182%2C797&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avoir des enfants signifie renoncer en partie aux opportunités de salaires offertes sur le marché du travail.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nolte Lourens / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Quand nous pensons à la fécondité des pays en développement, nous pensons trop vite au nombre moyen d’enfants par femme ou au taux de croissance de la population. Nous voyons alors des chiffres élevés. Mais aussi élevés soient-ils, ces chiffres cachent une réalité complexe et en premier lieu, des taux d’infécondité significatifs.</p>
<p>À titre d’exemple, en <a href="https://academic.oup.com/jeea/article-abstract/18/1/83/5193476">2005 au Cameroun</a>, 17,8 % des femmes de 40 à 54 ans n’ont jamais eu d’enfants. L’idée d’une forte fécondité dans les pays en développement est à nuancer, les femmes qui y ont des enfants en ont beaucoup en moyenne mais nombre d’entre elles n’en ont pas du tout.</p>
<p>Cela pose-t-il pour autant un problème ? Les pouvoirs publics devraient-ils trouver dans ces chiffres des raisons d’intervenir ? Après tout, si l’infécondité n’était que le simple résultat d’un choix personnel, on pourrait considérer que l’État n’ait pas son mot à dire. Mais, au fil des années, nous avons fait émerger une <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20120926">nouvelle manière</a> de décomposer l’infécondité et celle-ci nous fait dire que oui, il y a matière à intervention pour les pouvoirs publics.</p>
<h2>Comprendre les causes de l’infécondité</h2>
<p>Sur un échantillon de 36 pays en développement, réunissant environ 12 millions d’observations sur trois continents, nous distinguons trois principales formes d’infécondité.</p>
<p>En premier lieu, la stérilité naturelle : 1,9 % des individus viennent au monde sans la capacité de se reproduire. Elle nous touche sans distinction de genre ou d’origine ethnique et sociale. Elle n’est pas la plus endémique.</p>
<p>En second lieu, l’infécondité due à la pauvreté : elle touche 2,3 % des femmes de notre échantillon mais jusqu’à 12,6 % des femmes maliennes. La relation croissante entre intensité de la pauvreté et probabilité de ne pas pouvoir enfanter s’explique essentiellement par un plus fort degré d’exposition aux maladies sexuellement transmissibles vectrices de stérilité et un moindre accès aux techniques de reproduction médicalement assistées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/336441/original/file-20200520-152302-17uxl8o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336441/original/file-20200520-152302-17uxl8o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336441/original/file-20200520-152302-17uxl8o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336441/original/file-20200520-152302-17uxl8o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336441/original/file-20200520-152302-17uxl8o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336441/original/file-20200520-152302-17uxl8o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336441/original/file-20200520-152302-17uxl8o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336441/original/file-20200520-152302-17uxl8o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Taux d’infécondité liée à la pauvreté dans 36 pays en développement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
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<p>Enfin, nous distinguons l’infécondité liée aux opportunités économiques. Une des raisons majeures de ne pas avoir d’enfants réside dans les opportunités économiques qui s’offrent aux femmes tout au long de leur vie reproductive.</p>
<p>Avoir des enfants nécessite pour les femmes, beaucoup plus que pour les hommes, de renoncer à une part non négligeable de leur participation au marché du travail. Dès lors, plus le salaire d’une femme est élevé et ses perspectives d’évolution prometteuses et plus elle a à perdre en ayant des enfants. L’infécondité d’opportunités concerne 3,5 % des femmes de notre échantillon, elle monte jusqu’à 11 % en Argentine.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/336442/original/file-20200520-152288-mr9tq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336442/original/file-20200520-152288-mr9tq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336442/original/file-20200520-152288-mr9tq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336442/original/file-20200520-152288-mr9tq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336442/original/file-20200520-152288-mr9tq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336442/original/file-20200520-152288-mr9tq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336442/original/file-20200520-152288-mr9tq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336442/original/file-20200520-152288-mr9tq0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Taux d’infécondité liée aux opportunités économiques dans 36 pays en développement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span>
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<p>La prévalence de chaque type d’infécondité n’est bien sûr pas la même dans tous les pays. Les pays d’Amérique du Sud, plus avancés dans leur processus de développement sont plus sujets à l’infécondité d’opportunité alors que les pays d’Afrique subsaharienne souffrent d’une forte infécondité de pauvreté.</p>
<p>Mais encore une fois, il faut se méfier des moyennes : au sein d’un même pays, toutes les femmes ne sont pas concernées au même chef. La pauvreté frappe bien rarement les très éduquées alors que les meilleures opportunités économiques se refusent la plupart du temps aux moins éduquées. Il s’ensuit que l’infécondité de pauvreté décroît avec l’éducation alors que c’est l’inverse pour l’infécondité d’opportunité.</p>
<p>Le développement ne rime donc pas avec une baisse ou une hausse systématique de l’infécondité mais avec une diminution suivie d’une résurgence ; un phénomène déjà largement observé au cours de l’histoire.</p>
<p>Dans ce contexte, comment les politiques de développement modifient-elles l’infécondité ? Nourrissent-elles ou désamorcent-elles la « bombe démographique » tant redoutée par les <a href="https://algore.com/library/earth-in-the-balance">dirigeants</a> des <a href="https://fr.africanews.com/2018/12/23/emmanuel-macron-reparle-de-la-bombe-demographique-africaine-au-tchad/">pays riches</a> ? La réponse est nuancée.</p>
<h2>Une transition démographique en trompe-l’œil ?</h2>
<p>À titre d’exemple, garantir l’accès universel à l’école primaire réduirait le nombre d’enfants que les mères les plus pauvres mettent au monde mais, en même temps, beaucoup plus de femmes auraient accès à la reproduction.</p>
<p>En clair, l’infécondité liée à la pauvreté serait réduite, ce qui viendrait limiter la baisse du nombre moyen d’enfants par femme. La baisse de l’infécondité de pauvreté est une bonne chose : les familles les plus pauvres auraient accès à un plus large éventail de potentialités. Il en va de même pour les politiques de planning familial.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1077180982971781120"}"></div></p>
<p>La lutte contre les inégalités de genre se montre également efficace pour réduire la fécondité dans les pays en développement. Garantir un salaire égal entre hommes et femmes, à niveau d’éducation donné, réduirait le nombre d’enfants des mères et augmenterait également l’infécondité d’opportunité.</p>
<p>Ce que nous mettons en évidence, c’est une dimension de la pauvreté trop souvent oubliée : l’infécondité. Surprenant s’il en est, combattre la pauvreté ne fait pas nécessairement baisser l’infécondité mais en transforme les racines : la pauvreté cède place aux opportunités.</p>
<p>Ce mouvement contribue au maintien d’un nombre d’enfants par femme relativement élevé au début du processus de développement ; il alimente alors l’idée que les transitions démographiques sont grippées dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, il n’en est sûrement rien.</p>
<p>Avec le développement, l’infécondité repartira à la hausse mais cette fois, ce sera parce que les femmes des pays en développement auront accès à des opportunités économiques comparables à celles qui s’offrent aux hommes. Et c’est tant mieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138965/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En Afrique subsaharienne notamment, les femmes qui ont des enfants en ont beaucoup en moyenne, mais nombre d’entre elles n’en ont pas du tout. L’idée d’une forte fécondité reste donc à nuancer.Thomas Baudin, Associate Professor - IESEG School of Management (LEM-CNRS 9221), IÉSEG School of ManagementDavid de la Croix, Professeur d'économie, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Paula Gobbi, Assistant Professor, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1305812020-01-26T18:28:49Z2020-01-26T18:28:49ZLes villes africaines vont-elles exploser ?<p>On décrit, parfois avec effroi, l’explosion de mégapoles comme Lagos ou Kinshasa, qui compteront plus de 20 millions d’habitants en 2030. Il est vrai que le taux de croissance de la population urbaine africaine est l’un des plus forts du monde – 4 % par an en moyenne entre 1960 et 2010 – et il devrait continuer à être supérieur à celui des autres régions d’ici à 2050.</p>
<h2>Une idée reçue : l’Afrique vit un exode rural massif</h2>
<p>Pourtant, l’urbanisation africaine se réalise aujourd’hui principalement dans les campagnes et dans les villes petites et moyennes, comme le montre la <a href="http://www.AFRICApolis.org">base de données Africapolis</a> récemment publiée par le Club du Sahel et l’OCDE. Contrairement à ce qu’on imagine, les bourgs ruraux deviennent des villes en se densifiant, et sans grignoter massivement les terres cultivées et irriguées.</p>
<p>En outre, les campagnes ne se dépeuplent pas. Dans certains pays, la population rurale a même augmenté plus rapidement que la population urbaine entre 1990 et 2010 (Égypte, Liberia, Maurice, Zambie, Eswatini). Il n’y a pas d’exode rural massif. Ainsi, dans 22 pays d’Afrique, les deux tiers de la croissance urbaine sont alimentés par les naissances d’enfants de citadins, et non pas par des migrations des campagnes vers les villes. Entre 2010 et 2014, l’indice de fécondité en ville était supérieur à 5 enfants par femme au Mali, au Niger, au Nigeria, en République démocratique du Congo et au Burundi.</p>
<p>Par ailleurs, un phénomène important en Afrique est la transformation de camps de réfugiés en villes. Le camp d’Iriba au Tchad compte à lui seul plus de 141 000 réfugiés du Darfour, la taille d’une vaste agglomération. Lorsque les camps sont éloignés des principaux lieux d’activité économique, l’avenir de leurs habitants est préoccupant.</p>
<p>La croissance urbaine africaine n’est pas synonyme d’étalement spatial au sens de dilution. Dans le monde, les pays riches connaissent un étalement urbain dû à la réduction de la taille des ménages et à l’augmentation du niveau de vie. Ainsi, entre 1990 et 2015, les surfaces bâties <a href="https://link.springer.com/book/10.1007%2F978-3-030-36656-8">se sont accrues de 18,5 % en Europe</a>, tandis que la population n’augmentait que de 1,6 %, ce qui aggrave l’empreinte écologique des villes européennes. </p>
<p>Durant la même période, les villes africaines devenaient plus compactes. En 1990, dans les grandes villes africaines, la densité moyenne de population était de 5 500 habitants/km<sup>2</sup> ; elle est de 6 000 habitants par km<sup>2</sup> en 2015 (contre 2 500 habitants par km<sup>2</sup> à Los Angeles). Cette densification est en grande partie due aux « modes d’habiter ». <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/africa-regional-studies/publication/african-cities-opening-doors-to-the-world">Selon la Banque mondiale</a>, en 2017 la moitié de la population d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et le tiers de la population de Dar es-Salaam (Tanzanie) vivent en moyenne à 3 habitants par pièce.</p>
<h2>Multiplication des mégapoles et création de villes nouvelles</h2>
<p>Le nombre de grandes métropoles a quand même été multiplié par 10 entre 1970 et 2015 : le nombre des villes de plus de un million d’habitants est passé de 4 à 41 et elles <a href="https://unhabitat.org/world-cities-report">devraient être 67 en 2030</a>. L’Afrique compte aujourd’hui 3 mégapoles (plus de 10 millions d’habitants) : Le Caire, Lagos et Kinshasa. En 2050, 3 autres dépasseront ce seuil : Dar es-Salaam, Johannesburg et Luanda.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/311893/original/file-20200125-81357-nll03k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Johannesburg, Afrique du Sud, 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mark Hillary/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En raison du rythme élevé de la croissance démographique, ONU-Habitat estime les besoins en Afrique à 4 millions de logements supplémentaires chaque année. Si ceux-ci ne sont pas fournis par une offre formelle et planifiée, ils se développent par auto-construction. C’est pourquoi la population des bidonvilles africains a <a href="https://unhabitat.org/world-cities-report">plus que doublé entre 1990 et 2014</a>, passant de 200 millions à 456 millions d’habitants.</p>
<p>Or, les pays dont la majorité (plus de 80 %) des citadins habite dans des quartiers précaires sont les États les plus pauvres : Soudan, République centrafricaine, Tchad, Mauritanie, Madagascar. Certains de ces pays ont subi des crises politiques, l’État dispose de peu de ressources financières. La probabilité pour que leurs gouvernements réussissent à mettre en place une planification rationnelle anticipant l’ensemble des besoins en logements est très faible. L’un des grands défis de la planification urbaine en Afrique est donc l’intégration au reste de la ville des quartiers dits « informels » – c’est-à-dire leur normalisation. Les politiques répressives vis-à-vis de ces quartiers renforcent les inégalités et l’exclusion. Elles sont souvent inefficaces, puisque le développement de ces quartiers répond à des <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/repenser-les-quartiers-precaires">besoins essentiels pour les populations</a>.</p>
<p>Une autre piste encore est la réalisation de polarités secondaires en périphérie des grandes métropoles, voire la création de villes nouvelles, afin d’éviter l’étalement urbain. Le pays précurseur pour les villes nouvelles modernes est l’Égypte. 22 cités ont été construites entre 1977 et 2000, avec des fortunes variables : cités-dortoirs mais aussi embourgeoisement dans le Grand Caire, villes désertes dans le désert.</p>
<p>Au début des années 2000, le Maroc a à son tour lancé la planification d’une dizaine de villes nouvelles, destinées aux classes populaires et aux classes moyennes. En Algérie et en Angola, d’immenses villes nouvelles ont pu voir le jour grâce aux revenus pétroliers et à la construction à bas coût par des entreprises chinoises. D’autres villes nouvelles visent explicitement les classes aisées, parfois en association avec des parcs de haute technologie, comme Sidi Abdellah en Algérie, Diamniado au Sénégal, Hope City au Ghana, Eko Atlantic City au Nigeria ou Konza Technology City au Kenya.</p>
<p>De nombreux observateurs soulignent le fait que ces villes nouvelles récentes n’attirent pas massivement les populations, en particulier lorsqu’elles sont éloignées des lieux d’emploi et mal desservies, contrairement à ce qui était annoncé par les gouvernements. Cependant, il faut comprendre que ces <a href="https://journals.openedition.org/ema/2990">grands projets</a> servent également à thésauriser des capitaux, dans un contexte de fiabilité limitée du système bancaire, et à entretenir une bulle spéculative.</p>
<h2>La nécessaire implication des États</h2>
<p>Si elles en ont les moyens, les autorités publiques peuvent lancer d’importants programmes de construction de logements sociaux. En revanche, si elles laissent libre champ au secteur privé de la promotion immobilière, ce dernier, dans une recherche de rentabilité, offrira peu de solutions pour les populations peu solvables, qui constitueront pourtant la majorité des citadins africains de demain. Une partie des villes nouvelles et <em>gated communities</em> de dernière génération abritera alors uniquement les classes aisées, ce qui risque de renforcer la ségrégation spatiale et les inégalités, tout en ayant un impact négatif pour le climat et l’environnement (les quartiers aisés sont souvent plus consommateurs d’espaces).</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L___conomie_africaine_2020-9782348057465.html">« L’économie africaine 2020 »</a>, paru aux éditions La Découverte en janvier 2020.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130581/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Irène Salenson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La notion d’« explosion » urbaine africaine alimente les visions catastrophistes. Or, si le nombre de mégapoles augmente, l’urbanisation se déroule en bonne partie dans les campagnes.Irène Salenson, PhD, chargée de recherches, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1231192019-09-12T22:26:34Z2019-09-12T22:26:34ZMieux connaître l’embryon pour mieux lutter contre l’infertilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292053/original/file-20190911-190065-1hkedj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C27%2C4607%2C3362&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chaque année, des milliers d’enfants sont conçus grâce à la fécondation in vitro. Son taux de réussite demeure pourtant largement améliorable.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis 40 ans, les moyens médicaux mis à la disposition des couples infertiles pour les aider à devenir parents ont considérablement évolué, notamment grâce à la fécondation in vitro (FIV). Désormais mise en œuvre dans tous les pays du monde, celle-ci est à l’origine de la naissance de millions d’enfants. En 2016, 20 000 des enfants nés en France avaient été conçu par FIV, soit 1 sur 40. Actuellement, dans chaque école française, un ou plusieurs élèves sont issus de ce mode de procréation.</p>
<p>Cependant, malgré les progrès accomplis au cours des dernières décennies, la FIV reste une technique insuffisamment efficace : en 2016, on dénombrait seulement 19 % de naissances par tentative en France. La FIV est en outre contraignante, et parfois risquée pour les femmes comme pour les enfants, pour trois raisons principales : la nécessité de répéter les tentatives, le besoin d’administrer des traitements hormonaux, et le fait qu’elle génère un taux élevé de grossesses multiples, qui augmente les risques de naissance prématurée.</p>
<p>C’est pourquoi, partout dans le monde, on cherche à améliorer les résultats de la fécondation in vitro. Pour cela, la piste qui est le plus souvent privilégiée est double : améliorer les conditions du développement des embryons au laboratoire, et mieux apprécier les caractéristiques des embryons pouvant être transférés en étant susceptibles de donner naissance à un enfant en bonne santé. Pour explorer en profondeur ces deux axes, la recherche est indispensable.</p>
<h2>La majorité des embryons créés par FIV sont incapables de se développer</h2>
<p>D’après le <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2017/donnees/procreation/01-amp/synthese.htm">dernier bilan établi par l’Agence de la biomédecine</a>, en 2016, 297 744 embryons ont été créés à partir des 60 635 tentatives de FIV intraconjugales pratiquées en France. Parmi eux, seulement 146 582 (49 %) ont été soit transférés immédiatement dans l’utérus de la future mère, soit congelés dans le but d’un transfert ultérieur éventuel. Le développement des autres a été arrêté car ils présentaient des anomalies morphologiques incompatibles avec une évolution normale.</p>
<p>Parmi les embryons jugés les plus aptes et transférés dans l’utérus, seuls 16,5 % ont conduit à la naissance d’un enfant. On peut donc conclure que l’immense majorité des embryons (plus de 90 %) sont incapables de se développer et s’autodétruisent. Comprendre pourquoi autant d’embryons créés par FIV sont anormaux nécessite des recherches non seulement à leur niveau, mais aussi sur les cellules germinales qui sont à leur origine (spermatozoïdes et ovocytes).</p>
<p>Il peut s’agir de travaux fondamentaux pour la compréhension des mécanismes du développement embryonnaire et de ses dysfonctionnements. Or, ils ne peuvent être menés que sur des embryons humains donnés à la science. En effet, à ce stade, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21166120">modalités du développement embryonnaire sont différentes chez l’animal et chez l’être humain</a>, ce qui limite considérablement l’utilisation d’embryons d’animaux pour ce type de recherche.</p>
<h2>Mieux identifier les embryons les plus aptes à se développer</h2>
<p>L’idéal serait de ne transférer qu’un seul embryon dans l’utérus, afin de supprimer le risque de grossesse multiple tout en assurant le maximum de chance d’obtenir la naissance d’un enfant. Depuis quelques années, de gros efforts sont faits pour atteindre cet objectif.</p>
<p>Des techniques de vidéomicroscopie permettant de suivre en continu le développement des embryons tout en les maintenant dans leurs conditions de culture ont été mises au point. Elles permettent de mieux identifier les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31287145">caractères morphologiques de l’embryon associés à la naissance d’un enfant vivant</a>. Mais l’amélioration des résultats de la FIV dépend aussi en grande partie des autres moyens dont on pourrait disposer pour analyser des marqueurs biologiques (c’est-à-dire des composants cellulaires, chromosomiques ou moléculaires) permettant de mieux identifier les embryons les plus aptes à de développer.</p>
<p><iframe id="tc-infographic-434" class="tc-infographic" height="400px" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/434/d0a197f7aa58afc165bda825f1cf2930bcbc3aeb/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces marqueurs peuvent être mesurés soit dans le milieu de culture dans lequel les embryons ont séjourné, soit directement à leur niveau, en prélevant une ou plusieurs cellules. On sait que ce type de prélèvement, lorsqu’il est pratiqué sur un embryon âgé de 3 jours ou au 5<sup>e</sup> jour du développement (stade appelé « blastocyste »), n’est pas un handicap majeur pour son développement ultérieur.</p>
<p>Enfin, des microtechniques très performantes permettant d’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20460188">analyser l’état métabolique, moléculaire ou génétique des embryons</a> ont également été mises au point.</p>
<h2>Des recherches à mener sur l’embryon</h2>
<p>L’identification de ces marqueurs nécessite des recherches, soit sur les embryons jugés anormaux et non transférables, soit sur des embryons congelés mais ne répondant plus à un projet parental et qui ont été donnés à la science. Il s’agit de recherches précliniques : à ce stade les embryons ne sont pas transférés dans l’utérus.</p>
<p>La technique qui a été la plus étudiée jusqu’à présent est l’analyse de la composition chromosomique des embryons, afin de détecter des anomalies du nombre de chromosomes (<a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/biologie-aneuploidie-7715/">aneuploïdie</a>). Parfois encourageants, les résultats sont cependant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30098682">discutés au sein de la communauté scientifique et médicale</a>.</p>
<p>Que ce soit pour la recherche d’aneuploïdie ou pour l’étude d’autres marqueurs, une fois qu’une méthode a été mise au point, la dernière étape de la recherche implique le transfert des embryons dans l’utérus de volontaires. Celui-ci se fait dans le cadre d’<a href="https://www.eupati.eu/fr/glossary/essai-controle-randomise/">essais randomisés contrôlés</a> (étude consistant en une répartition aléatoire des sujets (randomisation) parmi les groupes correspondant à chaque approche thérapeutique testée) qui visent à évaluer l’intérêt de ladite méthode. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31348829">Des protocoles internationaux sont régulièrement initiés</a> dans ce but.</p>
<p>Malheureusement les médecins et chercheurs français ne peuvent pas y participer, malgré les évolutions de notre législation depuis 25 ans. Aujourd’hui encore, ils ne peuvent entreprendre des recherches pour améliorer l’évaluation préimplantatoire de l’aptitude au développement embryonnaire (EPADE).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HdUlbZtKEz4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Simplifier la réglementation</h2>
<p>L’objectif de l’EPADE est d’identifier l’embryon ayant les meilleures chances de conduire à la naissance d’un enfant en bonne santé. Il ne s’agit bien évidemment pas de sélectionner un embryon à la recherche de l’enfant parfait, mais d’éviter de devoir transférer plusieurs embryons, avec le risque de grossesses multiple qui s’ensuit, comme c’est encore trop souvent le cas.</p>
<p>Si la recherche sur l’embryon n’est plus interdite en France depuis 2013 et si, depuis 2016, « des recherches biomédicales menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation peuvent être réalisées […] sur l’embryon in vitro avant […] son transfert à des fins de gestation » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687480&dateTexte=&categorieLien=cid">article L2151-5</a> du Code de la santé publique), dans les faits, rien n’est possible.</p>
<p>Plusieurs raisons à cela :</p>
<ul>
<li><p><strong>une législation et une réglementation particulièrement inadaptées</strong> et se prêtant aux interprétations les plus diverses et aux contestations devant les tribunaux. Cette situation freine les chercheurs, qui « s’autocensurent » par crainte de décisions judiciaires annihilant tous leurs efforts ;</p></li>
<li><p><strong>des procédures d’examen des protocoles de recherche aussi complexes qu’incertaines</strong>. Celles-ci prévoient en effet de faire délivrer les autorisations de recherche par deux organismes différents, les recherches fondamentales et précliniques étant autorisées par l’Agence de la Biomédecine, les recherches avec transfert potentiel des embryons étant autorisées par l’Agence nationale de sécurité du médicament, organisme en charge des études des nouveaux médicaments et produits de santé faites chez les personnes. Or cette dernière n’a pas l’expertise nécessaire à l’évaluation des protocoles de recherche concernant l’intérêt de marqueurs embryonnaires, qui ne sont ni des médicaments ni des produits de santé.</p></li>
<li><p><strong>l’absence de financements.</strong> </p></li>
</ul>
<p>Ces problèmes empêchent la conduite de recherches permettant l’évaluation préimplantatoire de l’aptitude au développement embryonnaire. Or, en augmentant les chances de grossesse et donc en diminuant le nombre de tentatives de FIV nécessaires pour réaliser le projet parental, en diminuant le risque de grossesse multiple et de naissance prématurée qui l’accompagne, son développement ne pourrait qu’être bénéfique aux femmes et à leurs enfants.</p>
<p>La prochaine révision de la loi relative à la bioéthique serait une bonne opportunité d’élaborer une réglementation plus simple, tout en restant scientifiquement et éthiquement exigeante.</p>
<hr>
<p><strong><em>Pour en savoir plus :</em></strong></p>
<p><em>Jouannet P., Baertschi B., Guérin J.-F. (2019), <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/coeditions/recherches-sur-embryon-derive-ou-necessite">« Recherches sur l’embryon : dérive ou nécessité ? »</a>, éditions Inserm/Le Muscadier, coll. « Choc santé »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Jouannet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Mise au point voici près de quatre décennies, la fécondation in vitro demeure largement perfectible. Pour l’améliorer, les recherches sur l’embryon humain sont indispensables.Pierre Jouannet, Biologiste de la reproduction, professeur émérite, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1187982019-06-17T16:01:19Z2019-06-17T16:01:19ZCombien d’humains demain ? Les nouvelles projections de l’ONU<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/279528/original/file-20190614-158958-1jvfezu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=457%2C0%2C5294%2C3052&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon les Nations unies, la population mondiale pourrait compter 10 milliards d’habitants en 2050.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2MDUzNDI5MSwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMTYwNjQ0OTQ0IiwiayI6InBob3RvLzE2MDY0NDk0NC9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiWEVjaUgyNWxaanZJUVJLTGJLckdhMzc5MmZJIl0%2Fshutterstock_160644944.jpg&ir=true&pi=11079995&m=160644944&src=tes9g8djtxQirWvG-q1M5A-1-7">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En 2030, la planète comptera probablement 8,5 milliards d’habitants, et près de 10 milliards en 2050, contre 7,9 milliards aujourd’hui.</p>
<p>Ces chiffres sont tirés des <a href="https://population.un.org/wpp/">projections de population mondiale</a> que les Nations unies viennent de publier. Ils correspondent au scénario moyen dans lequel la fécondité – qui est de 2,3 enfants en moyenne par femme aujourd’hui dans le monde et diminue d’année en année –, continue de baisser pour atteindre 2,1 enfants en 2050 puis 1,8 en 2100.</p>
<p>À supposer que la fécondité diminue moins vite, et se situe à terme 0,5 enfant au-dessus, la population atteindrait 10,5 milliards en 2050 (scénario haut). Dans le cas où elle diminue plus vite, pour arriver 0,5 enfant en dessous, la population n’atteindrait que 8,9 milliards (scénario bas).</p>
<h2>Figure 1. Évolution de la population mondiale depuis 1900 et projections jusqu’en 2100</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472817/original/file-20220706-160-8gaf6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472817/original/file-20220706-160-8gaf6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472817/original/file-20220706-160-8gaf6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472817/original/file-20220706-160-8gaf6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472817/original/file-20220706-160-8gaf6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472817/original/file-20220706-160-8gaf6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472817/original/file-20220706-160-8gaf6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472817/original/file-20220706-160-8gaf6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Gilles Pison d’après les données des Nations unies</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La prolongation des projections conduit à 10,4 milliards d’habitants en 2100 dans le scénario moyen et respectivement 15 et 7 milliards dans les scénarios haut et bas, comme l’illustre la figure 1 ci-contre.</p>
<h2>Révisions à la hausse pour l’Inde, à la baisse pour la Chine et l’Afrique</h2>
<p>Ces nouvelles projections remplacent celles publiées il y a deux ans. Selon les pays ou les régions, les calculs ont été révisés à la hausse ou à la baisse.</p>
<p>Dans le scénario moyen, le chiffre annoncé pour l’Inde en 2100 est ainsi supérieur de 83 millions (6 % de plus) à celui annoncé par les <a href="https://population.un.org/wpp/Publications/Files/WPP2017_KeyFindings.pdf">projections de 2019</a>. En revanche, pour la Chine, il est en baisse de 294 millions (28 % de moins). Même chose pour l’Afrique dans son ensemble, qui voit sa population annoncée en 2100 réduite de 363 millions (8 % de moins).</p>
<p>Pour l’ensemble de la planète, les révisions à la hausse et à la baisse se compensent, mais en partie seulement. Les diminutions l’emportent et le total mondial, toujours dans le scénario moyen, est annoncé en 2050 avec 48 millions de moins que dans les projections précédentes (-0,5 %) et en 2100 avec 520 millions de moins (-5 %).</p>
<p>Les Nations unies révisent ainsi leurs projections démographiques tous les deux ou trois ans, et comme pour les dernières en date, les changements semblent modestes par rapport aux projections publiées précédentes. Mais cumulés sur plusieurs décennies, ils sont importants.</p>
<h2>Des projections très différentes d’il y a 40 ans</h2>
<p>C’est en 1981 que les Nations unies ont publié les premières projections de population allant jusqu’en 2100. Elles annonçaient alors 10,5 milliards d’êtres humains sur la planète en 2100 dans leur scénario moyen. Les dernières projections publiées en juillet 2022 en <a href="https://population.un.org/wpp/">prédisent 0,1 milliard de moins</a>.</p>
<p>Observée sur 41 ans, la révision est donc à la baisse, comme celle opérée entre 2019 et 2022. Mais si le total est un peu moins élevé, le véritable changement réside dans la répartition par continent : l’Asie, 5,9 milliards d’habitants en 2100 d’après les projections publiées en 1981, n’en a plus que 4,7 à cet horizon dans celles publiées en 2022 (20 % de moins). La révision est également à la baisse et de façon encore plus importante pour l’Amérique latine : 647 millions en 2100 au lieu de 1187 (47 % de moins). À l’inverse, l’Afrique, 2,2 milliards d’habitants en 2100 d’après les projections de 1981, en a presque le double, 3,9 milliards, dans celles publiées en 2022.</p>
<h2>Figure 2 : Comparaison des projections de population publiées en 1981 et en 2022</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472818/original/file-20220706-17-ue5q5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472818/original/file-20220706-17-ue5q5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472818/original/file-20220706-17-ue5q5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472818/original/file-20220706-17-ue5q5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472818/original/file-20220706-17-ue5q5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472818/original/file-20220706-17-ue5q5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472818/original/file-20220706-17-ue5q5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472818/original/file-20220706-17-ue5q5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Gilles Pison d’après les données des Nations unies</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La mortalité a plus baissé que prévu</h2>
<p>La population d’un pays évolue sous l’effet de la fécondité et de la mortalité. Les migrations jouent également, mais dans une moindre mesure pour beaucoup de pays, et leur effet est nul à l’échelle mondiale. Les hypothèses concernant la mortalité et la fécondité ont donc l’influence la plus forte sur les projections.</p>
<p>Concernant la mortalité, elle a baissé plus rapidement qu’imaginé il y a 40 ans, notamment chez les enfants, ce qui a entraîné une croissance plus rapide. L’épidémie de sida n’avait certes pas été anticipée à l’époque. L’Afrique, continent le plus touché, a payé un tribut important à la maladie. Mais la surmortalité qu’elle a entraînée n’aura duré qu’un temps, l’espérance de vie s’étant mise à progresser à nouveau depuis quelques années, relativement rapidement. La surmortalité due au sida n’aura finalement guère entamé la vitalité démographique de l’Afrique.</p>
<p>Les changements d’hypothèses ayant finalement le plus pesé dans la révision des projections sont ceux concernant la fécondité.</p>
<h2>Remplacement des générations ?</h2>
<p>Il y a près de 40 ans, les Nations unies retenaient comme hypothèse moyenne une fécondité de près de 2,1 enfants par femme à terme dans tous les pays du monde.</p>
<p>Dans ceux où elle était inférieure à ce seuil, comme la plupart des pays industrialisés, elle devait remonter progressivement jusqu’à 2,1, puis y rester une fois ce niveau atteint. Dans les pays où la fécondité était plus élevée, elle était censée diminuer jusqu’à 2,1 enfants et s’y maintenir ensuite.</p>
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<p>Ce seuil correspond au <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18717/pop.et.soc.francais.405.fr.pdf">remplacement des générations</a> – chaque couple est remplacé en moyenne par deux enfants devenant eux-mêmes adultes –, et le choisir comme niveau de convergence revenait à faire l’hypothèse d’une stabilisation à terme de la population mondiale ainsi que de celle de chacune des régions la composant. D’où, dans les projections de 1981, la forme de plateau que finit de prendre la courbe de population de chaque région ou pays une fois la phase de croissance terminée (figure 2).</p>
<p>En réalité, l’évolution de la fécondité a été différente et les hypothèses ont dû être revues pour tenir compte de plusieurs surprises.</p>
<h2>Les surprises de l’évolution de la fécondité</h2>
<p>Première surprise, la fécondité s’est maintenue nettement en dessous de 2,1 enfants dans beaucoup de pays industrialisés. Et de nombreux pays du Sud ont rejoint les pays du nord dans la basse fécondité. Les Nations unies ont de ce fait abandonné leur hypothèse de convergence à terme à 2,1 enfants pour une convergence en dessous, à 1,85 enfant, comme on le constate sur la figure 3 ci-dessous. Les courbes de population prennent alors presque partout une forme en cloche : après avoir atteint un maximum, la population se met à diminuer (voir figure 2 plus haut).</p>
<p><strong>Figure 3 : Évolution de la fécondité par région du monde de 1950 à 2020 et projections jusqu’en 2100 (scénario moyen)</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472819/original/file-20220706-13-rtk7z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472819/original/file-20220706-13-rtk7z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472819/original/file-20220706-13-rtk7z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472819/original/file-20220706-13-rtk7z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472819/original/file-20220706-13-rtk7z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472819/original/file-20220706-13-rtk7z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472819/original/file-20220706-13-rtk7z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472819/original/file-20220706-13-rtk7z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Gilles Pison d’après les données des Nations unies</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Deuxième surprise, il y a 30 à 40 ans, les enquêtes révèlent que la fécondité a commencé à baisser très rapidement, plus vite qu’anticipé, dans beaucoup de pays d’Asie et d’Amérique latine. En conséquence, les Nations unies ont revu sensiblement à la baisse leurs projections démographiques pour ces continents.</p>
<p>La troisième surprise, plus récente, est venue de l’Afrique intertropicale : on s’attendait à ce que sa fécondité baisse plus tardivement qu’en Asie et en Amérique latine, du fait de son retard en matière de développement socio-économique. Mais on imaginait un simple décalage dans le temps, avec une fécondité diminuant à un rythme similaire à celui supposé pour les autres régions du Sud une fois la baisse engagée.</p>
<p>C’est bien ce qui s’est passé en Afrique du Nord et en Afrique australe, mais pas en Afrique intertropicale. Dans cette région, la baisse de la fécondité, bien qu’entamée aujourd’hui, s’y effectue <a href="https://theconversation.com/en-2100-plus-dun-terrien-sur-trois-africain-84217">plus lentement que prévu</a>. D’où un relèvement des projections pour l’Afrique qui pourrait rassembler plus d’un habitant de la planète sur trois en 2100.</p>
<p>Ces chiffres sont des prévisions et l’avenir n’est évidemment pas écrit. Il demeure que les projections démographiques sont relativement sûres lorsqu’il s’agit d’annoncer l’effectif de la population à court terme ; c’est-à-dire pour un démographe, les 10, 20 ou 30 prochaines années. Quant aux projections plus lointaines, elles connaîtront sans doute de nouvelles révisions au gré des surprises que nous réserve l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Nations unies viennent de publier leurs nouvelles projections démographiques mondiales pour les prochaines décennies. Des révisions légèrement à la baisse par rapport à celles de 2017.Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1074842018-11-23T00:53:16Z2018-11-23T00:53:16ZQuel est le « bon » âge pour avoir des enfants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246952/original/file-20181122-182056-ilfyu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C2488%2C1661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entre contraintes professionnelles, amoureuses et biologiques, pas évident de déterminer le meilleur timing pour avoir des enfants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/fgmLRBlUIpc">Guillaume de Germain / unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Au cours des trois dernières décennies, l’âge moyen des parents n’a cessé d’augmenter. Les progrès de la science dans le domaine de la fertilité on permis aux gens de congeler leurs ovules ou leur sperme, et ainsi repousser le début de la vie parentale. De nombreuses grandes entreprises, telles qu’Apple, Facebook et Google, offrent désormais à leurs employés la possibilité de <a href="http://uk.businessinsider.com/egg-freezing-at-facebook-apple-google-hot-new-perk-2017-9">congeler leurs gamètes</a>, dans le cadre de leur programme de soins de santé. Il n’a jamais été aussi facile et socialement acceptable de <a href="http://www.leparisien.fr/informations/enceinte-apres-45-ans-mais-a-quel-prix-23-02-2016-5569285.php">retarder la naissance d’un enfant</a>. Mais est-ce une bonne chose ?</p>
<p>Trois points sont à considérer. Votre enfant sera-t-il en bonne santé ? Allez-vous tomber enceinte ? Combien cela vous coûtera-t-il ?</p>
<p>Les parents ont une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12058767">obligation morale</a> de donner à leur enfant le meilleur départ possible dans la vie. Mais les enfants nés de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15863534">mères</a> de plus de 35 ans et de <a href="https://www.nature.com/articles/tp2016294">pères</a> âgés de plus de 45 ans courent plus de risques que les autres d’être affectés troubles génétiques et neurodéveloppementaux, comme la schizophrénie et l’autisme. Ce qui pourrait évidemment affecter leur qualité de vie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'horloge biologique ne s'arrête jamais…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Charlotte Walker</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Par ailleurs, des parents plus âgés sont davantage susceptibles d’avoir besoin de recourir à des techniques de procréation assistée telle que la <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/sterilite-pma-infertilite/prise-charge-infertilite#text_8281">fécondation in vitro </a>(FIV). Or il existe un lien entre le recours à ces techniques et des risques d’accouchement précoce ou de poids plus faible à la naissance. Les bébés nés par fécondation in vitro sont également plus vulnérables <a href="https://doi.org/10.1093/humupd/dms062">aux maladies cardiovasculaires et métaboliques</a> plus tard dans leur vie.</p>
<p>Certains de ces risques liés à l’âge peuvent être réduits si les futurs parents congèlent leurs ovules ou leur sperme lorsqu’ils sont encore jeunes. En revanche, ceux liés à la FIV demeurent. Par ailleurs, lorsque la FIV est réalisée avec des ovules congelés, la technique utilisée est l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes, qui consiste à injecter le sperme dans l’ovule. Celle-ci peut <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa1008095">augmenter le risque de malformations congénitales</a> chez les enfants. Le recours à l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes est également plus fréquente chez les hommes âgés, car la motilité de leurs spermatozoïdes <a href="https://doi.org/10.1016/j.arr.2014.10.007">est faible</a>. Encore une fois, ce n’est pas assurer à son futur enfant le meilleur départ qui soit dans la vie.</p>
<h2>Donc, vous avez décidé d’attendre</h2>
<p>Si souhaitez attendre avant d’avoir des enfants, vous n’êtes pas seuls dans ce cas.</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/n5nOJ/2/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="400"></iframe>
<p>La plupart des couples parviennent à déclencher une grossesse après avoir essayé pendant un an. Néanmoins, un <a href="https://www.nhs.uk/conditions/infertility/">couple sur sept</a> rencontre des difficultés à concevoir – et, à cet égard, l’âge est un facteur important. En effet, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14704244">femme sur six</a> âgée de 35 à 39 ans ne parviendra pas à tomber enceinte au bout d’un an. Et si son partenaire a plus de 40 ans, ce chiffre tombe à plus d’une femme sur quatre.</p>
<p>La FIV est considérée par beaucoup comme une méthode de conception infaillible, mais son succès est lui aussi dépendant de l’âge des couples qui y ont recours. Pour une femme qui utilise ses propres ovules, le succès de la FIV après 40 ans est <a href="https://www.hfea.gov.uk/treatments/explore-all-treatments/in-vitro-fertilisation-ivf/">inférieur à 10 %</a>.</p>
<p>Un modèle informatique a récemment simulé les risques inhérents <a href="https://doi.org/10.1093/humrep/deh304">au choix de retarder la parentalité</a>. Si une femme de 30 ans décide de retarder le moment d’avoir un bébé jusqu'à 35 ans, ses chances de tomber enceinte diminuent de 9 %. Or dans ce cas, la FIV ne compensera ce risque que de 4 %.</p>
<p>Vous pouvez décider de <a href="http://www.slate.fr/story/164525/congelation-ovocytes-graal-maternite-chances-reussite-processus-medical-espoirs-fecondation-in-vitro">congeler vos ovocytes</a>. Parfait. Mais les femmes en produisent moins à mesure qu’elles vieillissent. Donc les femmes plus âgées peuvent avoir besoin de davantage de cycles de stimulation hormonale pour parvenir à stocker les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27031375">huit à dix ovules</a> nécessaires pour avoir une chance raisonnable d’avoir une naissance réussie – ce qui peut être extrêmement coûteux (<em>ndlr : en France, l'assurance maladie prend en charge <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fMVJpsJK1VM">jusqu'à quatre FIV</a> <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01777930/document#page=69">avant 43 ans</a>, pour un coût unitaire moyen <a href="https://www.fiv.fr/cout-fiv/">estimé à 4 100 euros</a></em>).</p>
<h2>Combien cela va-t-il vous coûter ?</h2>
<p>Bien que la FIV en elle-même soit coûteuse, il existe d’autres coûts indirects importants lorsqu'on décide d'avoir un enfant.</p>
<p>La « pénalité salariale liée à la maternité » est souvent citée dans les <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2018/02/20/quel-role-joue-la-maternite-dans-les-inegalites-professionnelles-entre-les-femmes-et-les-hommes-1">discussions économiques sur l’effet de la maternité</a> sur la carrière des femmes. On désigne par cette expression la perte de revenus à laquelle les femmes sont confrontées en raison de leur grossesse puis <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281361">de leur maternité</a>. Certaines données suggèrent que les femmes peuvent <a href="https://doi.org/10.1007/s00148-009-0296-x">gagner plus</a> en retardant leur maternité du début de la vingtaine au début de la trentaine.</p>
<p>Mais cette pénalité salariale ne semble pas être sexospécifique. Suite à l’introduction du congé parental pour les pères par le gouvernement norvégien, en 1993, une étude a révélé un effet similaire (effet négatif sur les revenus des pères qui <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13524-013-0233-1">restent au foyer</a>.</p>
<p>En définitive, si vous choisissez de fonder une famille, vous subirez une baisse de revenus.</p>
<h2>Quand commencer ?</h2>
<p>Les données scientifiques sont claires. Si l’on tient compte de l’horloge biologique, le « bon » âge pour avoir un enfant est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1215541/">avant 35 ans pour les femmes</a> et avant 40 ans pour les hommes.</p>
<p>Plus de <a href="https://doi.org/10.1080/14647273.2018.1482569">75 % des jeunes sous-estiment</a> l’impact de l’âge sur la fertilité masculine et féminine. Or seuls <a href="https://doi.org/10.1007/s10815-018-1273-7">27 %</a> des médecins abordent le sujet avec leurs patients âgés de 18 à 34 ans qui évoquent leur souhait de retarder le moment d’avoir un enfant pour des raisons sociales. Une plus grande sensibilisation aux risques liés au fait de repousser le moment de devenir parents est donc nécessaire, et les médecins de famille devraient jouer un rôle plus proactif à cet égard.</p>
<p>En définitive, si vous voulez avoir un enfant, l’âge idéal pourrait être plus précoce que vous ne le pensiez…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107484/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charlotte Walker reçoit des financements du Fonds Clarendon pour son doctorat.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Suzannah Williams a reçu des financements du MRC.</span></em></p>Le choix de l’âge auquel on aura des enfants n’est pas anodin, et de nombreux paramètres doivent être pris en compte pour déterminer le meilleur moment…Charlotte Walker, DPhil Candidate in Women's and Reproductive Health, University of OxfordSuzannah Williams, Principal Investigator, University of OxfordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/947652018-05-02T19:39:32Z2018-05-02T19:39:32ZDémographie africaine et migrations : entre alarmisme et déni<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">DR.</span>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de l’initiative « Quelle est votre Europe ? » dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez toutes les informations, débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://bit.ly/2qJ1aUH">quelleestvotreeurope.fr</a></em></p>
<hr>
<p>Il en est des chiffres de la population comme de ceux de l’abstention dans un scrutin démocratique : on peut leur faire dire ce que l’on veut entendre. Sur la démographie africaine, le spectre est très large entre ceux qui agitent l’épouvantail de la « croissance exponentielle » et ceux qui se réjouissent de toute cette jeunesse, symbole des dynamiques à venir. Dans ce débat, la voie du chercheur est étroite.</p>
<h2>Des statistiques problématiques, mais qui vont toutes dans le même sens</h2>
<p>Naturellement, on pourrait s’en sortir par défaut, en soulignant que la plupart des statistiques africaines sont contestables en raison des difficultés rencontrées dans nombre de pays pour conduire des enquêtes crédibles.</p>
<p>Il n’empêche que même les fourchettes basses sont élevées, et les courbes de croissance – minimales, maximales et médianes – toujours fortement ascendantes. Selon <a href="https://esa.un.org/unpd/wpp/Publications/Files/WPP2017_KeyFindings.pdf"><em>The World Population Prospects : The 2017 Revision</em></a>, émanant du département des Affaires économiques et sociales de l’ONU, l’Afrique compte 1,256 milliard d’habitants, contre 640 millions en 1990. Sa population a donc doublé en un quart de siècle.</p>
<p>Si l’on ne retient que les chiffres essentiels, on note que son taux moyen de fécondité est de 4,7 enfants par femme (contre 2,2 en Asie et 2,1 en Amérique latine). Mais il atteint 7,4 au Niger – ce qu’avait bien lu Emmanuel Macron – ou encore 6,6 en Somalie et 6,3 au Mali. La pyramide des âges affiche une base très évasée, puisque 60 % des Africains ont moins de 25 ans. À ce rythme, on estime que l’Afrique comptera 1,704 milliard d’habitants en 2030, 2,528 milliards en 2050 et 4,468 milliards en 2100. Soit à cet horizon 40 % de la population mondiale, contre 17 % en 2017.</p>
<h2>Le courage des précurseurs</h2>
<p>Toutes ces données sont connues et généralement admises, mais elles ont souvent été enfouies dans le non-dit parce qu’elles génèrent un malaise dans les opinions publiques, et plus particulièrement dans les milieux scientifiques. Il a donc fallu beaucoup de patience et un certain courage à quelques auteurs, et notamment – surtout ? – en France, pour commencer à tirer la sonnette d’alarme malgré la réprobation de nombre de chercheurs.</p>
<p>L’un de ces précurseurs, <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2011-10-page-305.htm">Jean‑Pierre Guengant</a>, résumait très bien la controverse dans un article de 2011 cosigné avec le démographe belge de la Banque mondiale John F. May :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les néo-malthusiens et les développementistes se sont violemment opposés, surtout dans les années 1960 et 1970. Les premiers présentaient le contrôle des naissances comme une condition indispensable au développement des pays qualifiés alors de “sous-développés”. Pour les seconds, seules des politiques vigoureuses en faveur du développement pouvaient permettre aux pays du Sud de sortir de leur situation, le développement socio-économique entraînant la réduction de leur fécondité, d’où le slogan “le développement est le meilleur contraceptif” ».</p>
</blockquote>
<p>On se souvient des critiques récurrentes formulées – notamment en Europe – contre le <em>Population Council</em>, créé par John D. Rockefeller III en 1952 et financé par sa fondation, dans le but plus ou moins avoué d’encourager la contraception dans les pays « sous-développés ».</p>
<p>Parallèlement, les chercheurs et les politiques adoptaient, selon Stephen Smith (<a href="http://afrique.lepoint.fr/actualites/migrations-la-ruee-vers-l-europe-le-livre-qui-derange-01-02-2018-2191491_2365.php"><em>La Ruée vers l’Europe</em></a>, Grasset, 2017, p. 61), trois types d’attitude dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle : ce qu’il appelle avec bienveillance « l’inattention » (très peu d’études étaient consacrées au lien entre démographie et pauvreté au sud du Sahara), mais aussi le déni, et enfin la maladresse (<em>wealth in people</em>, la population est une richesse).</p>
<h2>« Dans la chambre à coucher… »</h2>
<p>Ces réactions demeurent d’actualité, ainsi qu’on a pu le constater lorsque Emmanuel Macron a déclaré, en marge du Sommet du G20 en juillet 2017 : </p>
<blockquote>
<p>« Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. »</p>
</blockquote>
<p>Outre les commentaires indignés de ses opposants traditionnels, il s’attira les foudres d’Angélique Kidjo :</p>
<blockquote>
<p>« Moi ça ne m’intéresse pas qu’un Président, d’où qu’il vienne, dise à des millions [d’Africains] ce qu’ils doivent faire dans leur chambre à coucher ». (TV5 Monde, 10 septembre 2017).</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B27qzAebcvA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>De la part de l’ambassadrice de l’UNICEF, cette déclaration montrait bien à quel point l’incompréhension demeurait grave sur les enjeux démographiques africains. En même temps, on pouvait comprendre que la crainte de la stigmatisation ait pu peser sur bon nombre d’auteurs soucieux de ne pas trop se marginaliser par rapport au <em>mainstream</em>.</p>
<h2>Une série de malentendus</h2>
<p>En fait, le premier grand malentendu porte sur la réalité de la <strong>transition démographique</strong>, dont le moins qu’on puisse dire concernant l’Afrique subsaharienne est qu’elle demeure inachevée, bloquée en fin d’étape 2, avec des taux de natalité qui ne baissent que très lentement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214082/original/file-20180410-554-1g2rx42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214082/original/file-20180410-554-1g2rx42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214082/original/file-20180410-554-1g2rx42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214082/original/file-20180410-554-1g2rx42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214082/original/file-20180410-554-1g2rx42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214082/original/file-20180410-554-1g2rx42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214082/original/file-20180410-554-1g2rx42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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<p>Influencés (ou non) par les recommandations du <em>Population Council</em>, certains pays avaient pris conscience de la nécessité de mettre en place des politiques de planning familial, parfois assez tôt comme le Kenya (1967) et le Ghana (1970), parfois avec un peu de retard comme le Sénégal et le Nigeria (1988). Mais la plupart de ces campagnes de sensibilisation échouèrent face aux résistances des milieux religieux et faute de moyens, notamment lorsque les programmes d’ajustement structurels asséchèrent les budgets de la santé et de l’éducation.</p>
<p>Le second grand malentendu porte sur la notion de <strong>dividende démographique</strong>, que les opinions publiques associent souvent à un bénéfice garanti dès lors que la population dite active (comprise entre 20 et 65 ans) est plus nombreuse que la population dite dépendante (moins de 20 ans et plus de 65 ans). C’est évidemment le cas en Afrique, mais la situation est piégeuse.</p>
<p>Dans son ouvrage cité, Stephen Smith évoque Jean‑Michel Severino (<em>Le Temps de l’Afrique</em>, Odile Jacob, 2010) et Serge Michaïlof (<em>Africanistan</em>, Fayard, 2015) qui, dit-il: </p>
<blockquote>
<p>« ont vaillamment abordé la pyramide africaine des âges, le premier par l’adret, avec l’espoir que le continent bénéficiera d’un dividende démographique quand ses nombreux jeunes auront trouvé un travail rémunéré et le second par l’ubac, dans la crainte que cela n’arrive pas de sitôt et que l’Afrique en crise ne se retrouve dans nos banlieues. » </p>
</blockquote>
<p>Il aurait dû ajouter à propos du dividende démographique : du travail dans le secteur formel.</p>
<p>Pour que les 30 millions de jeunes Africains qui arrivent chaque année sur le marché du travail rendent le dividende démographique bénéficiaire, il faudrait créer autant d’emplois dans le secteur formel, soit 30 millions par an d’ici à 2035. Pourquoi sommes-nous aussi sûrs de ces chiffres ? Parce que ces jeunes ne relèvent pas de la virtualité des projections démographiques : ils sont déjà nés.</p>
<p>Certes, on peut y croire, comme la Banque africaine de développement (BAD) ou l’Institut allemand du développement (DIE), qui pensent qu’un chiffre de l’ordre de 20 millions d’emplois créés annuellement est tenable. Mais on peut aussi en douter, ne serait-ce que parce que nulle amorce de ce processus n’est actuellement visible dans le paysage économique africain, qui continue à être largement dominé par l’informel. Alors la tentation de la migration risque d’être forte.</p>
<h2>L’inévitable soupape migratoire</h2>
<p><strong>L’hypothèse de la soupape migratoire</strong> a longtemps été considérée comme inutilement alarmiste, et les auteurs qui osaient en parler à la fin du XX<sup>e</sup> siècle restaient très prudents. <a href="http://www.revue-projet.com/articles/2002-4-quel-lien-entre-migrations-internationales-et-developpement/">Jean‑Pierre Guengant lui-même soulignait, dès 2002</a>, que la conjugaison « des arrivées massives sur le marché de l’emploi des pays du Sud, qui ne seront pas capables de les absorber, des facilités de déplacement, des informations sur les lieux de destination, etc. » conduirait inévitablement à des migrations internationales. Mais il restait sur le terrain du « développement » et ne se hasardait pas (encore) sur celui de la démographie.</p>
<p>En 2015 (<a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20151028.OBS8490/africanistan-dans-20-ans-nous-serons-confrontes-a-l-implosion-securitaire-du-sahel.html"><em>Africanistan</em></a>), Serge Michaïlof s’est affranchi du déni, au risque de la provocation affichée dans son sous-titre (« L’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? »). En reprenant les courbes de la démographie africaine, il rappelait que si l’on ne faisait rien, au plan de la démographie <em>et</em> du développement, on s’exposerait aux migrations massives vers l’Europe. Surfant entre les tabous, son ouvrage illustrait l’étroitesse du chemin qui s’ouvre actuellement aux chercheurs, parce que son argumentaire pouvait servir – bien involontairement – la cause de l’extrême droite.</p>
<p>Dans son dernier essai (<em>La Ruée vers l’Europe</em>, 2017), fort bien documenté et solidement argumenté, Stephen Smith va encore plus loin. L’ancien journaliste de <em>Libération</em> et du <em>Monde</em>, actuellement enseignant-chercheur à Duke University (États-Unis), affiche les chiffres cités <em>supra</em> (l’Afrique comptera 2 milliards d’habitants en 2050) et établit un parallèle avec la situation européenne au XIX<sup>e</sup> siècle : entre 1850 et 1914, alors que la population de l’Europe passait de 200 à 300 millions, plus de 60 millions d’Européens migraient vers les États-Unis (43 millions), l’Amérique latine (11 millions), l’Australie (3,5 millions) et l’Afrique du Sud (1 million).</p>
<p>Sur cette base, Stephen Smith fait l’hypothèse qu’une vague migratoire analogue entre l’Afrique et l’Europe pourrait atteindre des proportions telles qu’on compterait 150 à 200 millions d’Afro-Européens en 2050. Pour lui, ce mouvement massif de population ne serait donc pas un événement exceptionnel dans l’histoire du monde : il suffit juste de ne pas rejeter l’hypothèse <em>a priori</em>, au motif que celle-ci risque d’être brandie comme un épouvantail par les populistes européens.</p>
<p>Dans un <a href="https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20180209.OBS1958/la-jeunesse-africaine-est-elle-un-danger-pour-l-europe.html">débat publié en février par <em>L’Obs</em></a>, Stephen Smith était d’ailleurs interpellé sur ce sujet par Michel Agier en ces termes : « À qui faites-vous signe en écrivant cela ? À qui faites-vous peur ? »</p>
<h2>« Une partie du destin de l’Europe se joue avec l’Afrique »</h2>
<p>Tout est dit dans ces deux questions. Faut-il alors avoir peur d’écrire, ou bien faut-il passer sous silence des données qu’on regrettera peut-être, dans dix ou quinze ans, d’avoir occultées ? Faut-il négliger ce sondage Gallup (2016) indiquant que 42 % des Africains âgés de 15 à 24 ans (et 32 % des diplômés du supérieur) déclaraient vouloir émigrer ? En intitulant sa chronique du 8 février 2018 dans <em>Le Monde</em> : <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/08/une-partie-essentielle-du-destin-de-l-europe-se-joue-avec-l-afrique-que-nous-le-voulions-ou-non_5253603_3232.html">« Une partie du destin de l’Europe se joue avec l’Afrique »</a>, Alain Frachon a pris bien soin d’ajouter : « que nous le voulions ou non ».</p>
<p>Il semble de plus en plus clair que les opinions publiques européennes « ne le veulent pas », si l’on en juge par les résultats des élections les plus récentes en Italie, en Pologne, en Grande Bretagne, aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie. « La crise migratoire a retourné l’opinion publique européenne », <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/07/la-crise-migratoire-a-retourne-l-opinion-publique-europeenne_5266744_3232.html">écrit Sylvie Kauffmann</a> (<em>Le Monde</em>), dans sa chronique du 7 mars 2018. Et elle insiste un mois plus tard : « La droite identitaire devient mainstream. Elle évince la droite classique, et pas seulement en Europe centrale » (4 avril 2018).</p>
<h2>Traiter l’immigration africaine en Europe à sa juste dimension</h2>
<p>Pour autant, les chercheurs qui ne partagent pas cette idéologie de rejet doivent-ils laisser le champ libre aux auteurs qui ont théorisé cette « menace migratoire », s’inscrivant dans la filiation de Jean Raspail, dont <a href="http://www.lepoint.fr/politique/jean-raspail-que-les-migrants-se-debrouillent-29-09-2015-1968909_20.php"><em>Le Camp des Saints</em></a> (Robert Laffont, 1973) était devenu le livre de chevet de Steve Bannon, l’ex-conseiller anti-immigration de Donald Trump ? Nous avons laissé passer Bat Yé’or (<em>Eurabia</em>, Godefroy, 2006) et Renaud Camus (<em>Le Grand Remplacement</em>, Chez l’auteur, 2011) sans opposer de contre-feu digne de la recherche universitaire française en sciences sociales.</p>
<p>En 1991 pourtant, Jean‑Christophe Rufin – au-dessus de tout soupçon dans le présent débat – nous avait prévenus dans <a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1992_num_57_1_4109_t1_0169_0000_2"><em>L’Empire et les nouveaux barbares</em></a> : un nouveau <em>limes</em> était insidieusement en train de se dresser entre un Nord trop riche et un Sud trop pauvre. En 2001, il avait insisté dans la nouvelle édition de son livre prémonitoire sur la nécessité de regarder les choses en face. Mais, là encore, nous avions préféré regarder ailleurs.</p>
<p>Ainsi la démographie africaine doit-elle être abordée dans sa profondeur et dans son intégralité, sans tabou, en rappelant que deux des plus grandes puissances mondiales actuelles ne le seraient sans doute pas aujourd’hui si elles n’avaient pas conduit, en temps utile, des politiques de population drastiques.</p>
<p>De même, l’immigration africaine en Europe doit être traitée à sa juste dimension, en tenant compte à la fois de tous les paramètres chiffrés qui la sous-tendent, des obligations humanitaires qui sont celles des pays d’accueil, et des équilibres socio-économiques qu’il conviendra d’ajuster sans passion. Donc en évitant l’alarmisme et le déni, et sans craindre « l’approbation venue du mauvais côté », pointée par Hans-Magnus Enzensberger (<em>Culture et mise en condition</em>, Le Goût des idées, 2012) à propos des schémas totalitaires de la pensée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94765/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’immigration africaine en Europe doit être traitée en tenant compte des paramètres chiffrés qui la sous-tendent, des obligations humanitaires des pays d’accueil et des équilibres socio-économiques.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/927842018-03-13T22:28:57Z2018-03-13T22:28:57ZLa PMA en débat : pratique mondialisée, nouveaux regards sur le corps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/210089/original/file-20180313-30979-5o4u0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C582%2C4609%2C2481&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La PMA pourrait offrir à toutes une possibilité de maternité. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/PmNjS6b3XP4">Dakota Corbin/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Avec la révision de la loi bioéthique, la procréation médicalement assistée (PMA) est à l’agenda du <a href="http://www.ccne-ethique.fr/">Conseil Consultatif National d’Éthique</a>. Autour de ce débat sur la médicalisation du <a href="https://www.presses.ehesp.fr/produit/le-corps-reproducteur/">corps reproducteur</a>, les passions se déchaînent. Pourquoi ?</p>
<p>Qu’est-ce que la PMA ? Comment se fabrique la réglementation de l’offre médicale en France et à l’étranger ? Quels circuits transfrontières se mettent en place compte tenu de la disparité des législations ?</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2014-1-page-5.htm"><em>Un regard transnational de genre</em></a> met en relief les enjeux du débat français. Car dans ce contexte mondialisé de nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité sont en train d’émerger. Quelles incidences sur le système de genre et son cortège d’inégalités ?</p>
<h2>La PMA en France</h2>
<p>L’offre médicale actuelle est <a href="http://calmann-levy.fr/livre/mille-et-une-facons-de-faire-les-enfants-9782702140758">variée</a> et comprend pour l’essentiel des inséminations artificielles et des fécondations <em>in vitro</em>. C’est le produit d’une longue <a href="http://books.openedition.org/pur/15922?lang=fr">histoire</a> de dissociation entre sexualité et reproduction : le premier succès connu d’insémination remonte à 1776 ; pour la fécondation <em>in vitro</em> (FIV), la première réussite mondiale a eu lieu en Grande Bretagne en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9condation_in_vitro#Historique">1978</a> et en France la première naissance par FIV date de 1982.</p>
<p>L’insémination artificielle consiste à déposer des spermatozoïdes dans les voies génitales féminines sans rapport sexuel. La FIV vise à concevoir un œuf fécondé hors du corps de la femme puis à l’introduire dans les voies génitales féminines.</p>
<p>L’usage de ces techniques s’est rapidement banalisé en France : pour la FIV, on enregistrait déjà en <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2005-8-p-52.htm">1986</a> un millier de naissances et 200 000 en <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/200-000-enfants-concus-par-fecondation-in-vitro-en-france-depuis-30-ans/">2008</a>. Aujourd’hui, selon les dernières données de l’<a href="https://www.agence-biomedecine.fr/Toutes-les-activites-chiffrees">agence de biomédecine</a>, le recours à l’ensemble de ces deux techniques se stabilise autour de 3 % des naissances annuelles dont la quasi-totalité au sein du couple. Les autres possibilités par don de sperme, d’ovocytes ou d’embryons ne représentent que 3 % du total.</p>
<h2>Les règles en débat</h2>
<p>Le débat traverse la société mais ce sont trois institutions qui s’avèrent décisives dans tous les pays pour la fabrication des règles : l’hôpital, l’état et l’église. Le porte-parole de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006692557&dateTexte=&categorieLien=cid">loi française de référence adoptée en 1994</a> en est le symbole : <a href="https://www.la-croix.com/Actualite/France/Jean%E2%80%91Francois-Mattei-homme-d-ethique-et-de-convictions-2013-10-31-1053952">Jean François Mattei</a> est à la fois médecin, député et catholique pratiquant.</p>
<p>L’accès en France est aujourd’hui réservé aux seuls couples hétérosexuels en âge de procréer. L’un des enjeux porte sur l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires et aux couples de femmes, proposition soutenue par <a href="http://www.lemonde.fr/programmes/familles/la-procreation-medicalement-assistee-pma">plusieurs des candidats</a> à l’élection présidentielle notamment par l’actuel Président Macron.</p>
<p>Des arbitrages bien différents interviennent dans d’autres pays. Ainsi en Espagne, un autre arrangement a prévalu entre la jeune démocratie, le corps médical et l’Église catholique autorisant dès 1988 l’accès à toutes les femmes. Au Moyen-Orient la <a href="http://www.lhistoire.fr/%C2%AB-la-guerre-des-berceaux-%C2%BB"><em>fécondité de combat</em></a> rencontre l’idéal procréatif des religions aussi bien juif que musulman. En alliance avec le corps médical, l’accès est largement ouvert en <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=22919">Israël</a> et la sélection prénatale du sexe de l’enfant possible en <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2014-1-page-19.html">Palestine</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/210131/original/file-20180313-30972-lgop7o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/210131/original/file-20180313-30972-lgop7o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/210131/original/file-20180313-30972-lgop7o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/210131/original/file-20180313-30972-lgop7o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/210131/original/file-20180313-30972-lgop7o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=972&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/210131/original/file-20180313-30972-lgop7o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=972&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/210131/original/file-20180313-30972-lgop7o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=972&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affiche du colloque : Travail des femmes, travail des mères : les enjeux de la gestation pour autrui.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurence Tain</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>De nouvelles pratiques mondialisées</h2>
<p>Avec la disparité des réglementations, les <a href="https://www.cairn.info/revue-recherches-familiales-2015-1-page-43.htm">normes françaises</a> sont ébranlées. De nouvelles pratiques émergent dans l’espace mondialisé de la PMA. Des <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=CDGE_056_0005">circuits transnationaux</a> se développent.</p>
<p>Pour les dons de gamètes, le choix majoritaire est celui de la proximité et du moindre coût : Belgique et Espagne pour le don de sperme, Grèce, Espagne ou pays de l’Est pour le don d’ovocytes. Un choix marginal concerne les Pays-Bas et le Danemark pour permettre à l’enfant de connaître l’identité du donneur.</p>
<p>Concernant la gestation pour autrui, la sélection des destinations (Inde, Ukraine, Russie, États-Unis, Canada…) combine plusieurs critères : coût, encadrement légal et médical et surtout taux de réussite.</p>
<p>L’usage de ces circuits transnationaux met ainsi en scène de nouveaux modèles du <a href="https://www.cairn.info/le-corps-reproducteur--9782810901319.htm"><em>corps reproducteur</em></a>, comme expliqué dans l'ouvrage <a href="https://www.presses.ehesp.fr/produit/le-corps-reproducteur/">que j'ai publié aux Presses de l'EHESP</a>. Deux options se dessinent s’appuyant sur un bricolage normatif en sélectionnant l’un des deux piliers de la parentalité occidentale : le caractère binaire (il faut être deux pour procréer) ou la différence sexuée (il faut du masculin et du féminin).</p>
<h2>Priorité au couple</h2>
<p>Le premier modèle est centré sur le couple parental : couple hétérosexuel ou lesbien ayant eu recours à un don de gamètes, couple gay ayant fait appel à une gestation pour autrui. La personne donneuse est considérée comme accessoire, vécue comme une assistance biologique momentanée, extérieure au projet d’enfant.</p>
<p>Plusieurs dynamiques sociales concourent à l’affirmation de ce modèle qui semble devenir majoritaire. D’une part, la majorité des couples hétérosexuels souscrivent à cette vision bicentrée. D’autre part la majorité des médecins sont favorables en France au maintien de l’anonymat du don de gamètes. Enfin ce modèle correspond à l’évolution des <a href="http://journals.openedition.org/socio-logos/2870">choix des couples homosexuels</a>.</p>
<h2>Priorité à la différence sexuée</h2>
<p>Le deuxième modèle prend appui sur la nécessaire contribution du masculin et du féminin dans la parentalité. Il s’agit d’une collaboration reproductive de façon que l’enfant ait accès au donneur de sperme, à la donneuse d’ovocytes ou à la gestatrice. Cette coparentalité peut correspondre à des liens ponctuels, ou plus réguliers voire s’inscrire dans l’éducation au quotidien.</p>
<p>Ce deuxième modèle se trouve aussi au carrefour de plusieurs dynamiques sociales. Il y a d’une part la représentation dominante d’une nécessaire complémentarité des sexes dans la parentalité. Il y a, d’autre part, l’affirmation d’un <em>droit à l’origine</em> dans <em>l’intérêt supérieur de l’enfant</em> porté par des personnes professionnelles de l’accompagnement. Il y a aussi la volonté de reconnaître la commune humanité de l’ensemble des partenaires.</p>
<p>Néanmoins ce choix est devenu minoritaire parmi les homosexuel.les, même si le souhait d’inventer de nouvelles formes de coparentalité demeure présent. Les lesbiennes semblent freinées dans ce type de projet compte tenu des complications potentielles avec le père donneur qu’elles ont pu observer dans leur entourage. De plus, l’ouverture d’une offre de don de sperme à l’étranger tout comme l’émergence d’une jurisprudence pour reconnaître la paternité de gays ayant fait appel à une gestation pour autrui facilitent l’adhésion au premier modèle centré sur le couple.</p>
<h2>La chaîne mondiale du travail reproductif</h2>
<p>Ainsi avec l’émergence de ces deux modèles transnationaux, de nouvelles tendances se dessinent dans le <a href="https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2004-2-p-229.htm">système de genre</a> : place des hommes et des femmes, injonctions hétéronormatives.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/210116/original/file-20180313-30969-17mvptt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/210116/original/file-20180313-30969-17mvptt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=615&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/210116/original/file-20180313-30969-17mvptt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=615&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/210116/original/file-20180313-30969-17mvptt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=615&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/210116/original/file-20180313-30969-17mvptt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=773&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/210116/original/file-20180313-30969-17mvptt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=773&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/210116/original/file-20180313-30969-17mvptt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=773&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couverture du livre <em>Le corps reproducteur</em> de Laurence Tain, aux éditions des presses de l’EHESP.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur Laurence Tain, artiste Françoise Bisiaux</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Qu’en est-il des rapports de pouvoir et des inégalités inhérentes au système de genre ? Comme le signalait déjà <a href="http://journals.openedition.org/lhomme/6470">Paola Tabet en 1985</a>, s’agit-il d’une remise en cause de la domination masculine ou de son aménagement ? Par ailleurs qu’en est-il de la position respective de l’ensemble des partenaires de la <a href="https://www.cairn.info/le-corps-reproducteur--9782810901319.htm">chaîne mondiale reproductive</a> ?</p>
<p>Les réponses restent à ce jour encore incertaines et contradictoires. Des ouvertures apparaissent pour les homosexuel·les néanmoins limitées par le potentiel économique et le cadre législatif. L’éventail s’élargit pour les femmes qui demeurent néanmoins soumises au <a href="http://journals.openedition.org/gss/167">devoir d’enfant</a> de l’ordre patriarcal. Enfin les gestatrices pour autrui, parfois exploitées, peuvent aussi en tirer des bénéfices comme le montre <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2014-1-page-59.htm">Sharmila Ruddrappa</a> pour l’Inde, voire se sentir <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Revue-Les-Temps-Modernes/Les-Temps-Modernes304">satisfaites</a> d’offrir ce don.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92784/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Tain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La procréation médicalement assistée fait débat en France, il faut cependant dépasser nos frontières pour comprendre tous les enjeux liés à cette question d’éthique et de société.Laurence Tain, Enseignant-chercheur, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/896002018-01-11T20:48:39Z2018-01-11T20:48:39ZPourquoi Malthus fut, au fond, le premier anti-malthusien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201211/original/file-20180108-83567-v8to1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Thomas Robert Malthus (1768-1834).
Détail du tableau de John Linnel. (The Masters and Fellows of Jesus College, Cambridge.)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.jesus.cam.ac.uk/college/about-us/history/people-note/thomas-robert-malthus">Jesus College, Cambridge</a></span></figcaption></figure><p>Un immense malentendu entoure Thomas Robert Malthus (1766-1834). Comme souvent les grands penseurs il est souvent cité sans avoir été vraiment lu, d’où un <a href="http://lemde.fr/2EVukpk">lourd contresens</a> ; Malthus, loin de dénoncer le risque de surpopulation, a proposé un modèle de croissance démo-économique profondément original. Celui-ci est presque totalement méconnu, en raison des arguments pseudo-scientifiques et des affirmations idéologiques qui n’ont cessé, à travers les siècles, d’être assénés en son nom, invoqué comme autorité suprême.</p>
<h2>Fécondité et misère</h2>
<p>Commençons par la thèse de la double progression : la croissance géométrique de la population (1, 2, 4, 8, 16, 32, 64 millions de personnes avec un doublement tous les 25 ans) écrit-il en 1798 dans <a href="http://bit.ly/2COSb9h">« L’Essai sur le principe de population »</a>, était infiniment plus rapide que celle des ressources indispensables à sa survie (qui augmentait au maximum selon une progression arithmétique « de raison 1 », soit 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7). Le déséquilibre n’était certes que potentiel, car la croissance de la population était immédiatement sanctionnée par la famine et la mort, mais il constituait une terrifiante et permanente menace, la trop forte fécondité étant inéluctablement associée à une aggravation de la misère.</p>
<p>Et pour Malthus, telle était bel et bien la situation des classes sociales les plus défavorisées de l’Angleterre. La théorie devenait ainsi le fondement d’une doctrine de population : la dénonciation du comportement « irresponsable » des pauvres, répétée à travers toute l’Europe jusque vers 1870 environ, alimenta le discours conservateur attentif à étouffer toute remise en cause de l’ordre social.</p>
<p>En France par exemple en 1848, en pleine crise économique, sociale et politique fut assénée l’affirmation que « la cause de la misère des ouvriers, c’est leur trop grand nombre d’enfants ». Elle suscita en retour la haine des progressistes : « il n’y a qu’un homme de trop sur terre c’est M. Malthus » rétorqua aussitôt Proudhon. Cette arme idéologique redoutable fut progressivement abandonnée face au constat que les classes moyennes et inférieures avaient de moins en moins d’enfants tandis que leur niveau de vie s’élevait et Malthus tomba dans un oubli relatif, lorsque l’on commença à craindre la dépopulation, signe du « Déclin de l’Occident » (Oswald Spengler).</p>
<h2>Instrumentalisation politique de la démographie</h2>
<p>Pourtant il ne tarda pas à connaître une seconde gloire posthume avec la prise de conscience de la croissance de l’Inde, dont l’énorme population était plongée dans famines et misère chroniques. D’où un profond désaccord entre ceux pour qui la bombe démographique était la cause du sous-développement et les représentants de certains pays en développement qui affirmèrent à l’inverse, lors de la mémorable <a href="http://bit.ly/2qpnncU">Conférence mondiale sur la population de Bucarest en 1974</a>, que « le meilleur des contraceptifs était le développement ». Quant aux débats actuels sur la bombe démographique mondiale de <a href="http://bit.ly/2AnxZZp">11 milliards d’habitants en 2100</a> et sur le développement durable, ils font implicitement ou explicitement référence à Malthus.</p>
<p>Son ombre plane donc sur la démographie et plus précisément sur son instrumentalisation idéologique et politique. De tels rebondissements historiques pourraient laisser penser que ce premier modèle de la double progression, avec sa mécanique irréfutable, a eu un étonnant pouvoir d’attraction.</p>
<h2>Relire Malthus… et le lire vraiment</h2>
<p>Mais l’<a href="http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1981_num_36_2_17174">œuvre de Malthus est beaucoup plus complexe</a>. Par exemple il n’a jamais recommandé la contraception pour réduire la fécondité, pour des raisons religieuses et économiques, contrairement aux « néo-malthusiens » français, anglais ou suédois des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, qui en firent une priorité majeure pour améliorer la condition ouvrière. De même les politiques actuelles de contrôle de la croissance démographique, qui se définissent elles aussi comme « malthusiennes » visent à lever cet obstacle jugé dévastateur pour le développement.</p>
<p>Ensuite on ignore que dans le même chapitre de l’Essai sur le principe de population, il développe quelques pages plus loin un second modèle de croissance démographique et économique permanente dans le secteur agricole, en totale contradiction avec le premier modèle où le plafond des subsistances freine nécessairement la croissance de la population. Le report des mariages et des naissances, lorsque les récoltes sont mauvaises, est devenu le moteur de simples fluctuations de la croissance démographiques, la mortalité ne joue plus aucun rôle et on n’observe plus de diminution de l’effectif de la population.</p>
<h2>Une pensée économique</h2>
<p>De telles contradictions dans l’analyse démographique suffiraient à conclure à l’incohérence totale de la pensée. Mais est-ce vraiment le cas, les lecteurs pressés, y compris des démographes sérieux, ne commettent-ils pas l’erreur grossière de s’en tenir à cette seule dimension, en oubliant que la pensée est aussi économique ? Malthus publia en 1820 des <a href="http://bit.ly/2CDKCou">Principes d’économie politique</a> au moins aussi importants que ceux de Ricardo.</p>
<p>Marx et Keynes ne s’y sont pas trompés, qui ont trouvé chez Malthus des éléments décisifs pour leurs constructions théoriques respectives. Contre l’optimisme de la pensée économique classique selon laquelle aux crises succède toujours le retour à l’équilibre.</p>
<p>Par exemple, Malthus a eu le premier l’intuition d’un « general glut », d’un encombrement général des marchés, d’une crise structurelle de sous-consommation, que Keynes théorisa en 1932. Malthus, en plein triomphe du libéralisme et de la doctrine de l’État-gendarme, recommanda en effet en 1820 la mise en œuvre de programmes de travaux publics, soit 110 ans avant le New Deal d’inspiration keynésienne de Roosevelt.</p>
<h2>Une démarche interdisciplinaire</h2>
<p>La seule façon de rendre justice à la pensée de Malthus, plutôt que de le considérer comme une vielle lune incohérente, est d’adopter une <a href="http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1998_num_53_1_6848">démarche authentiquement interdisciplinaire</a>. Il apparaît alors qu’il fut en réalité le premier grand théoricien de la croissance démo-économique.</p>
<p>Témoin attentif de l’Angleterre de la révolution industrielle, il montre d’abord que la complémentarité des trois grands secteurs, agriculture, industrie et commerce, est la plus favorable aussi bien à l’emploi qu’à la production et à sa commercialisation nationale et internationale.</p>
<p>Croissance démographique et économique à long terme sont donc compatibles. À court terme, la démographie va aussi s’adapter à l’économie. En période de crise, le report des mariages des célibataires et l’utilisation accrue de la contraception par les couples mariés permettent de freiner la fécondité et donc d’ajuster la main-d’œuvre aux besoins de l’économie.</p>
<p>Inversement, en cas de reprise économique, la fécondité pouvait augmenter rapidement, avec un délai de 5 à 10 ans, car à son époque les enfants étaient mis au travail très tôt. Dans ce modèle global, le raisonnement est donc conduit à court et long terme, au niveau macro-démographique et économique et à celui « micro » des comportements individuels, et nous sommes bien loin de la simpliste double progression.</p>
<h2>Triomphe du démographe, marginalisation de l’économiste</h2>
<p>On peut se demander pourquoi Malthus le démographe est passé à la postérité alors que l’économiste est tombé dans l’oubli. Premier élément de réponse, « l’épouvantail malthusien » n’a cessé d’être agité à travers les siècles. Ensuite, l’économiste, qui s’inscrivait en porte à faux par rapport à l’optimisme de l’économie classique, était bien trop dérangeant pour les classes dirigeantes.</p>
<p>Aujourd’hui, les projections démographiques alarmantes sur la population mondiale et en particulier sur l’Afrique exercent une sorte de fascination, alimentée par un sentiment d’urgence, alors que les problèmes du sous-développement sont bien moins mobilisateurs au niveau de l’opinion publique. On s’habitue à la misère des autres, mais la bombe démographique suscite l’effroi. L’histoire se répète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89600/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Charbit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Loin de dénoncer le risque de surpopulation, Malthus a proposé un modèle de croissance démo-économique profondément original.Yves Charbit, Professeur de démographie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/853032017-10-10T19:22:25Z2017-10-10T19:22:25ZDébat : quatre raisons de s’opposer à la PMA pour toutes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189158/original/file-20171006-25749-10ilqlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Conservation de sperme dans de l'azote liquide, dans le cadre de la procréation médicalement assistée (PMA). </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/liquid-nitrogen-bank-containing-sperm-eggs-348353672?src=D2BL9Ldzujblr8oF7HG87Q-1-18">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La « PMA » est l’objet de discussions vives depuis plusieurs années. Ici, nous entendons la PMA, pour procréation médicalement assistée, dans le sens que ce sigle a pris récemment pour qualifier, non pas l’ensemble des techniques de procréation qui font intervenir des spécialistes de la biomédecine, mais spécifiquement l’<a href="https://theconversation.com/procreation-medicalement-assistee-pour-toutes-une-etape-anthropologique-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">insémination artificielle avec donneur de sperme (IAD) de femmes seules ou de couples féminins</a>. Nous utiliserons le sigle AMP, ou <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pma-30970">assistance médicale à la procréation</a>, pour désigner à la fois l’insémination artificielle et la fivète ou fécondation in vitro (FIV) et transfert d’embryon.</p>
<p>Les promesses du candidat Macron de légaliser la « PMA » ont <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2017/09/28/25002-20170928ARTFIG00415-edouard-philippe-confie-avoir-evolue-sur-la-pma.php">relancé ce débat</a> dans le cadre de la révision des lois de bioéthique prévue pour 2018-2019. Les Français sont aujourd'hui une majorité (64 %) à se déclarer favorables « à ce que les couples de femmes homosexuelles désirant un enfant puissent avoir recours à
l’insémination artificielle (ce qu’on appelle aussi la PMA) pour avoir un
enfant », selon <a href="http://www.my-pharma.info/wp-content/uploads/2017/09/114972_Rapport-My-Pharma.info_22.09.2017.pdf">le sondage Ifop pour le site my-pharma.info</a> réalisé les 20 et 21 septembre.</p>
<p>Le plus souvent, les partisans de cette pratique se réclament de <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20170929.OBS5353/en-attendant-l-ouverture-de-la-pma-nous-irons-en-belgique-concevoir-notre-enfant.html">l'égalité des sexes et de droits communs à toutes les femmes</a>, dont le « droit à l’enfant » pour les homosexuelles, tandis que les opposants défendent la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uElk77SfgZk">famille traditionnelle avec papa, maman et bébé</a>.</p>
<p>Mon propos est d’argumenter sur quelques points qui échappent à l’idéologie mais devraient raisonnablement poser les bases <a href="http://jacques.testart.free.fr">d'un refus de cette « PMA »</a>. Ces réflexions sont développées dans mon livre, <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/faire-des-enfants-demain-jacques-testart/9782021157024"><em>Faire des enfants demain</em></a> (Seuil).</p>
<p>Le penseur autrichien Ivan Illich écrivait dans son livre <em>Némésis médicale</em>, en 1975 : « Il convient de fixer des limites raisonnées aux soins de santé classiques. L’urgence s’impose de définir les devoirs qui nous incombent en tant qu’individus, ceux qui reviennent à notre communauté, et ceux que nous laissons à l’État ». C’est avec cette référence à l’autonomie qu’il faut d’abord penser ce que signifie « la PMA pour tous et toutes ».</p>
<h2>La biomédecine n’a pas à résoudre les questions de société</h2>
<p>L’AMP est légalement destinée à pallier l’infertilité des couples, non à permettre à des personnes fertiles d'avoir un enfant - sauf dans les cas d'anomalies génétiques chez les parents, leur transmission étant évitable par le recours à un donneur de gamètes ou à la sélection d'un embryon indemne. Si la biomédecine devait prendre aussi en charge les gens capables de procréer par leurs propres moyens, cela signifierait un glissement de l’aide médicale vers l’aide sociétale, une médicalisation abusive de la vie humaine jusque dans les moments les plus intimes.</p>
<p>Rappelons la simplicité de l’acte « médical » d’insémination artificielle, nombre de lesbiennes de par le monde <a href="http://jacques.testart.free.fr/index.php?post/texte917">ayant choisi l’auto insémination</a>. Hors la <a href="https://www.cecos.org/node/4233#Comment_le_sperme_est-il_congel__puis_conserv__">cryoconservation des gamètes</a> qui permet la planification de leur usage, la fonction des banques de sperme est principalement de gérer l’approvisionnement et les attributions : on pourrait dire qu’il s’agit d’une procréation administrativement assistée…</p>
<p>La démission des personnes fertiles qui s’en remettent aux spécialistes pour assumer leur désir d’enfant relève de l’aliénation à la technique, du refus d’autonomie <a href="http://jacques.testart.free.fr/index.php?post/texte934">qui est la face triste du « progrès »</a>. En outre, cela provoquerait des <a href="https://www.fiv.fr/cout-fiv/">coûts supplémentaires</a> car nul doute que l’argument égalitaire ferait adopter la gratuité des actes pour les femmes homosexuelles, comme cela existe pour les hétérosexuelles.</p>
<p>Il faut aussi envisager des demandes diverses si des règles politico-éthiques ne permettent pas de limiter l’aide biomédicale aux personnes souffrant de difficultés procréatrices : la <a href="https://theconversation.com/que-penser-de-la-greffe-duterus-76841">greffe d'utérus</a>, qui a déjà permis d’enfanter à plusieurs femmes européennes privées de matrice, sera bientôt revendiquée par des hommes. Sera mis en avant un moindre trouble éthique que celui provoqué par la location d’utérus, aussi nommée <a href="https://theconversation.com/la-russie-ce-pays-ou-la-gestation-pour-autrui-est-legitime-72383">gestation pour autrui</a> ou GPA, qui instrumentalise une femme gestatrice.</p>
<p>De plus, la revendication « d’égalité » des sexes, qui cache la désexualisation, fonctionnera comme cela est arrivé pour le refus de la ménopause (puisque les hommes ne la connaissent pas) par conservation d’ovules ou embryons en vue d’une grossesse différée. Déjà, en Grande-Bretagne, des adolescents se voient proposer, avec prise en charge financière, une perspective de procréation différée grâce à la congélation de leur sperme ou de leurs ovules avant les interventions médicales les faisant changer de sexe.</p>
<h2>Une pénurie de sperme chronique en France</h2>
<p>La pénurie de sperme est chronique en France, comme dans les autres pays où le don est gratuit. Aussi, de nouvelles demandes d’insémination artificielle avec donneur (IAD) viendraient en concurrence des demandes actuelles qui ne peuvent être aisément satisfaites. Une telle situation pourrait vite déboucher sur la fin de la gratuité, fierté de l’éthique médicale française, afin d’abonder les containers des banques de sperme. Et cette mise en marché d’un produit du corps humain s’élargirait vite à la commercialisation des ovules et embryons, puis du sang et des organes, toutes pratiques prohibées par notre bioéthique.</p>
<p>Ne serait-ce pas mettre la loi en demeure de changer ces principes que d’aggraver la pénurie de sperme en ouvrant l’IAD à de nouvelles populations ? La « PMA » est une vision libertaire des rapports humains qui conduit à une <a href="http://www.europe1.fr/societe/jacques-testart-la-pma-ce-nest-pas-un-progres-3456083">pratique libérale de la bioéthique</a>…</p>
<p>Alternativement, afin d’économiser les précieux gamètes, on pourrait adopter la technique de FIV avec Injection d’un spermatozoïde dans l’ovule (ICSI) plutôt que l’IAD pour tous les couples (homos ou hétéros) en demande d’insémination. En effet la parité des gamètes s’y trouve réalisée puisqu’il suffit d’un spermatozoïde pour un ovule, au lieu des centaines de milliers de spermatozoïdes qu’exige l’IAD. Mais, ce serait au prix d’une sophistication technique supplémentaire, inutile et coûteuse.</p>
<p>La solution finale pourrait être la production massive de gamètes en laboratoire à partir de cellules banales, avancée significative dans la fabrication anonyme et certifiée des enfants.</p>
<h2>Le droit de l’enfant à connaître ses parents</h2>
<p>Le droit de l’enfant à connaître ses parents est un principe international inscrit depuis 1989 dans la Convention des droits de l’enfant de l’ONU. Il est déjà bafoué par les banques de sperme et la loi française qui exigent l’<a href="https://www.dondespermatozoides.fr/">anonymat des donneurs de sperme</a>. Peut-on accorder la parentalité exclusive aux personnes élevant l’enfant et dénier toute fonction, même symbolique, aux parents biologiques ?</p>
<p>L’anonymat du donneur de sperme a d’énormes conséquences sur la pratique de l’IAD mais aussi sur les interrogations de nombreux enfants <a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/combien-d-enfants-naissent-grace-a-une-assistance-medicale/">issus de tels dons</a> depuis les années 1970. Quand ils découvrent la réalité de leur conception, beaucoup souffrent de ne pas pouvoir mettre un visage dans le cadre psychologique de la figure du père, comme le montre <a href="http://pmanonyme.asso.fr/wp-content/uploads/2014/03/Dossier-190-Second-prix-master-Cnaf-Le-don-dengendrement.pdf">le mémoire de master 2 en sociologie</a> réalisé cette année à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) sous la direction d'Irène Théry. Par ailleurs, une <a href="http://pmanonyme.asso.fr/wp-content/uploads/2014/03/Donor_FINAL.pdf">étude conduite par une ONG aux Etats-Unis</a> en 2010 montre que 67 % des personnes conçues avec donneur aimeraient connaître son identité. Cette réalité indiscutable devrait compter davantage que les arguties politiquement correctes qui expliquent que le père est seulement celui qui élève l’enfant.</p>
<p>Faut-il augmenter le nombre de ces enfants en souffrance en ouvrant la « PMA » à de nouvelles demandes ou d’abord accepter une réflexion profonde qui pourrait conduire à <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?p=3309">abandonner l'anonymat</a> comme l’ont fait d’autres pays ? Ceux et celles qui demandent l’élargissement du don de sperme vers la « PMA pour toutes » ont-ils pris la mesure des troubles provoqués par la pratique actuelle de l’AMP pour les couples hétérosexuels ? Car il y en a d’autres.</p>
<h2>Un eugénisme obligé, via les banques de sperme</h2>
<p>Les banques de sperme pratiquent un eugénisme obligé, conséquence de l’anonymat des donneurs. Ce principe confère aux praticiens l’énorme responsabilité du choix d’un père génétique pour chaque enfant ainsi conçu. Là aussi, le dysfonctionnement concerne déjà les couples hétérosexuels. Serait-il sage d’intensifier le recours à l’IAD en autorisant la « PMA » si on demeure incapable de poser des limites au <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/des-hommes-probables-de-la-procreation-aleatoire-a-la-reproduction-normative-jacques-testart/9782020367493">nouvel eugénisme, mou et consenti</a> ?</p>
<p>Les donneurs de sperme sont d’abord choisis par élimination légitime de ceux qui seraient incapables de remplir ce rôle (sperme déficient ou inapte à la congélation) ou qui présentent de graves troubles physiologiques, infectieux ou comportementaux. À cette étape, déjà, il n’existe pas de document indiquant précisément les critères médicaux retenus. Puis, chaque femme receveuse se voit appariée avec un donneur accepté et physiquement compatible (ressemblant à l’homme qu’il remplace) mais ne présentant pas de « facteur cumulatif de risque » avec les imperfections génétiques de la patiente.</p>
<p>La démarche est logique mais ses limites sont indéfinies : alors que les critères infectieux de sélection sont décrits avec précision par les professionnels et l’Agence de biomédecine, les critères génétiques ne sont pas discutés ouvertement ni même rendus publics – en particulier par l’Agence de biomédecine dont ce serait le rôle. Les banques de sperme disposent ainsi d’une autonomie exceptionnelle pour imposer des « appariements » entre personnes, appariements génétiques qui n’existent pas dans la vie « normale » où l’on ne s’enquiert pas outre mesure du pedigree de son partenaire.</p>
<p>On peut craindre que les progrès dans l’identification des risques génétiques stimulent des exigences eugéniques croissantes puisque les médecins sont les seuls décisionnaires et dépositaires de l’identité génétique d’un père, et que leur responsabilité morale mais éventuellement juridique se trouve ainsi engagée. L’autorisation de la « PMA » est pour le moins prématurée tant que les conditions de l’IAD ne sont pas clarifiées.</p>
<h2>Comment décider de répondre aux demandes d’AMP ?</h2>
<p>Le gouvernement Macron souhaite reproduire la procédure de « concertation » qui, sous forme « d’états généraux », avait déjà été mise en place avant la précédente révision des lois de bioéthique en 2011. Comportant des débats publics et des jurys de citoyens, cette concertation présente une image démocratique. Mais elle ne fait que reproduire les arguments des acteurs concernés, sans conduire à des conclusions susceptibles de figurer les choix des Français <a href="http://jacques.testart.free.fr/index.php?post/texte835">s’ils étaient complètement informés</a>. Tout se passe comme si les autorités responsables <a href="http://jacques.testart.free.fr/pdf/texte892.pdf">s'offraient la caution de l'opinion</a> pour mettre en route les décisions qui lui conviennent ou conviennent à des groupes d’influence.</p>
<p>Pourquoi ne pas recourir plutôt à la <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-humanitude-au-pouvoir-jacques-testart/9782021219319">convention de citoyens</a>, où un jury tiré au sort reçoit des informations complètes et contradictoires selon une procédure codifiée qui garantit l’objectivité ? Dans la convention de citoyens, toutes les tendances sont soumises à l’appréciation des jurés. Ces derniers disposent des conditions favorables – le temps, la modération, la discrétion – pour discuter avec les experts et entre eux, avant de rédiger eux-mêmes leur avis. Ce serait le moyen le plus juste de choisir ou refuser, en France, la « PMA » pour toutes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Testart est membre du Conseil scientifique d’Attac et président d'honneur de la Fondation Sciences Citoyennes, association visant à favoriser la réappropriation citoyenne et démocratique de la science.</span></em></p>L’accès à l’insémination artificielle avec donneur pour les femmes seules et les couples de femmes va être discuté prochainement en France. Plusieurs raisons plaident pour un refus.Jacques Testart, Biologiste, directeur honoraire de recherches, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/792132017-06-15T20:27:38Z2017-06-15T20:27:38ZL’Afrique est forte de sa jeunesse mais doit investir dans l’éducation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173973/original/file-20170615-23542-fa8v08.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fécondité et éducation</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Pierre GUENGANT</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La qualité du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Capital_humain">« capital humain »</a>, santé et éducation, est un élément essentiel du développement économique et social. C’est pourquoi tous les pays accordent une priorité quasi absolue à la montée en compétences de leur population, notamment en matière d’éducation. Nous poursuivons, avec cette analyse, l’exploration des questions démographiques en Afrique, après <a href="https://theconversation.com/dividende-demographique-et-fecondite-en-afrique-79212">un premier article</a>.</p>
<p>Les pays d’Afrique subsaharienne ont consenti ces dernières années des moyens considérables pour accroître le niveau d’éducation de leurs populations. Cependant, avec l’accroissement continu des effectifs scolarisables, conséquence d’une forte fécondité, les infrastructures, le nombre d’enseignants, leur formation, ont eu du mal à suivre. La forte progression des taux de scolarisation s’est donc souvent faite au détriment de la qualité de l’enseignement, les systèmes scolaires n’arrivant plus à gérer les flux massifs d’élèves à tous les niveaux.</p>
<h2>Le maintien d’une forte fécondité freine la progression de l’éducation</h2>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/GN89Q/4/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" allowfullscreen="allowfullscreen" webkitallowfullscreen="webkitallowfullscreen" mozallowfullscreen="mozallowfullscreen" oallowfullscreen="oallowfullscreen" msallowfullscreen="msallowfullscreen" width="100%" height="600"></iframe>
<p><em>Corrélation entre le nombre moyen d’années d’éducation (2010) et le nombre moyen d’enfant par femme (2005-2010). Source : World Economic Forum, <a href="http://reports.weforum.org/global-competitiveness-report-2015-2016/">Global Competitiveness Index</a>.</em></p>
<p>Malgré les progrès réalisés, le nombre moyen d’années d’éducation chez les adultes est toujours faible. Il était ainsi en 2010 de 5,5 ans en moyenne pour les hommes, et de 4,2 ans pour les femmes. Mais, il était d’autant plus faible que la fécondité restait élevée, variant de 8-9 ans à 4 ans pour les hommes, et généralement un peu moins pour les femmes. En comparaison, dans les pays émergents où la fécondité est d’environ 2 enfants par femme, contre 5 en Afrique subsaharienne, le nombre moyen d’années d’éducation était de 9 ans en moyenne chez les hommes, soit deux fois plus élevé.</p>
<p>Les progrès récents des taux de scolarisation à tous les niveaux en Afrique subsaharienne, vont toutefois conduire d’ici 20 à 30 ans à des niveaux d’éducation plus élevés chez les adultes de demain. L’indicateur correspondant, <em>l’espérance de vie scolaire</em> des jeunes d’aujourd’hui a été estimée à 10,3 ans en moyenne pour les hommes et à 9,2 ans pour les femmes. Mais à nouveau, les progrès sont estimés moindres dans les pays où la pression des effectifs sur les systèmes scolaires restera forte du fait d’une fécondité initiale plus élevée. Dans les pays émergents, <em>l’espérance de vie scolaire</em> devrait aussi continuer à progresser et elle pourrait s’établir à 13 ans pour les hommes et pour les femmes.</p>
<h2>Partout, des jeunes générations plus éduquées, mais pas les mêmes durées de scolarité</h2>
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<p><em>Corrélation entre le nombre moyen d’années de scolarité escompté et le nombre moyen d’enfant par femme. Source : World Economic Forum, <a href="http://reports.weforum.org/global-competitiveness-report-2015-2016/">Global Competitiveness Index</a>.</em></p>
<p>Les budgets importants accordés à l’éducation par nombre d’États africains se sont concentrés sur l’éducation primaire. Il s’agissait en particulier d’assurer une éducation de base à tous les enfants (Éducation pour tous ou EPT). Ces efforts louables ont cependant été consentis au détriment des moyens consacrés aux niveaux secondaire et supérieur et de la formation professionnelle. Dans les pays émergents, au contraire, plus de la moitié des budgets concerne le secondaire et le supérieur.</p>
<p>Sans ralentissement rapide de l’augmentation des effectifs scolarisables au primaire, résultant d’une baisse rapide de la fécondité, il sera difficile d’envisager une augmentation majeure des moyens consacrés aux autres niveaux d’enseignement. Or la nécessaire amélioration du capital humain en Afrique subsaharienne passe par une progression rapide des effectifs scolarisés aux niveaux secondaires supérieur et professionnel après une éducation de base au primaire qui doit être de qualité.</p>
<h2>La nécessaire augmentation des moyens consacrés au secondaire et supérieur</h2>
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<p><em>Relation entre la part des dépenses de scolarité consacrées aux études secondaires et supérieures et l’indice de fécondité. Source : <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/26447">World Development Indicators – 2017</a>.</em></p>
<p>En résumé, la jeunesse des pays d’Afrique subsaharienne peut constituer un levier majeur de son émergence économique, mais à condition que le capital humain correspondant soit de qualité et compétitif. Ceci n’est guère envisageable si la majorité des moyens accordés à l’éducation continuent de l’être au seul niveau primaire. C’est ce qui risque d’arriver avec les baisses tendancielles lentes de la fécondité qui sont actuellement projetées. </p>
<p>L’accélération de la baisse de la baisse de la fécondité qui permettra une stabilisation du nombre des naissances apparaît donc comme l’une des conditions nécessaires à une amélioration rapide de la qualité du capital humain des pays d’Afrique subsaharienne. Elle permettra non seulement d’améliorer la qualité de l’enseignement de base, mais aussi de développer l’enseignement au-delà du primaire et ainsi d’augmenter l’employabilité des nombreux jeunes qui vont se présenter sur les marchés du travail africains dans les décennies à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Pierre Guengant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La jeunesse est la force des nations, en Afrique comme ailleurs. Mais pour qu’elle soit une richesse, il faut investir sur elle, dans l’éducation tant primaire que supérieure.Jean-Pierre Guengant, Démographe - Directeur de recherche émérite Université Paris 1- IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/792122017-06-13T20:49:18Z2017-06-13T20:49:18ZDividende démographique et fécondité en Afrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173671/original/file-20170613-8123-ll0zx8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C75%2C1573%2C881&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Démographies africaines.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Pierre Guengant</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les nombreux travaux consacrés ces dernières années au « Dividende démographique » soulignent son rôle dans le décollage des pays émergents et son potentiel pour l’Afrique. Un point sur cette question a été fait à Paris les 11 et 12 mai 2017, lors d’un colloque international « <a href="http://www.ined.fr/fr/actualites/rencontres-scientifiques/seminaires-colloques-ined/dividende-demographique/">Dividende démographique et fécondité en Afrique subsaharienne</a> » organisé par l’IRD, l’Académie des Sciences, l’Agence française de développement (AFD), et l’Institut national d’études démographiques (Ined).</p>
<p>Le dividende démographique peut être défini comme cet accélérateur de la croissance économique dont ont bénéficié les pays émergents grâce aux baisses très rapides de leur fécondité et des changements de leurs structures par âge depuis les années 1960-1970. Les baisses récentes de la fécondité dans les pays d’Afrique subsaharienne laissent entrevoir la possibilité qu’ils bénéficient aussi d’un dividende démographique. Mais les baisses observées sont d’ampleur inégale selon les pays. À noter que l’Union africaine a retenu comme thème pour 2017 : « Tirer pleinement profit du dividende démographique en investissant dans la jeunesse ».<br> </p>
<p><strong>Transitions de la fécondité anciennes et rapides dans les pays émergents, récentes et lentes en Afrique subsaharienne</strong></p>
<iframe id="infographie-ID1345" src="https://data-tc.com/iframe/?infography=1345" width="100%" height="700" frameborder="0" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p><em>Cliquer sur les boutons pour comparer les pays émergents, Afrique de l'Ouest et Centrale et Afrique de l'Est. Source : United Nations 2015, <a href="https://esa.un.org/unpd/wpp/">World Population Prospects 2015</a>.</em></p>
<p>De fait, la capture d’un dividende démographique et son ampleur dépendent largement de la rapidité de la baisse de la fécondité dans chaque pays. La comparaison des évolutions projetées par les Nations unies en 2015 pour l’Éthiopie et le Burkina l’illustre bien.<br> </p>
<p><strong>Le bénéfice du dividende démographique dépend de la rapidité de la baisse de la fécondité</strong></p>
<iframe id="infographie-ID1356" src="https://data-tc.com/iframe/?infography=1356" width="100%" height="600" frameborder="0" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p><em>Cliquer sur les boutons pour comparer l'Éthiopie et le Burkina Faso. Source : United Nations 2015, <a href="https://esa.un.org/unpd/wpp/">World Population Prospects 2015</a>.</em></p>
<p>L’ouverture de la « fenêtre d’opportunité démographique » marque le début de la période de bénéfice du dividende démographique qui dure une cinquantaine d'années. Cette fenêtre s’ouvre quand les personnes à charge (on les appelle les dépendants, ici les moins de 20 ans et les 65 ans et plus) sont moins nombreuses que les actifs (ici les actifs « potentiels » de 20 à 64 ans). Parallèlement, avec l’entrée de nombreux jeunes dans la population active, la production et l’épargne par habitant augmentent, ce qui permet alors, sous conditions, d’accélérer la croissance économique</p>
<p>Dans le cas de l’Éthiopie, en passant de 4,3 enfants par femme en 2015 à 2,2 enfants en 2050, la fenêtre d’opportunité démographique s’ouvre assez rapidement et les arrivées sur le marché du travail se stabilisent vers 2050. Si un nombre suffisant d’emplois est créé pour répondre aux besoins des jeunes entrant sur le marché du travail d’ici 2050, le pays peut être en mesure de bénéficier d’un dividende démographique substantiel.</p>
<p>Dans le cas du Burkina Faso, qui passerait de 5,4 enfants par femme en 2015 à 3,2 enfants en 2050, la baisse plus lente de la fécondité se traduit par une ouverture plus tardive de la fenêtre d’opportunité démographique. En conséquence, le nombre de dépendants, notamment les moins de 20 ans, pour 100 actifs, décroît plus lentement, et les arrivées sur le marché du travail continuent d’augmenter jusqu’en 2100. Il sera donc plus difficile de bénéficier rapidement d’un dividende démographique, et son ampleur sera contenue par la pression continue des besoins des jeunes enfants et des arrivées sur le marché du travail.</p>
<p>Cette comparaison souligne ainsi que le bénéfice d’un dividende démographique peut être très variable, et qu’il ne dépend pas simplement de l’importance des jeunes dans la population. Il dépend plutôt de la dynamique démographique de chaque pays, et il n’est pas automatique. En effet, le bénéfice d’un dividende démographique, suppose que parallèlement à la baisse de la fécondité et des changements de structures par âge, d’autres politiques soient mises en place (notamment dans les domaines de l’emploi, de la santé de l’éducation, etc.).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79212/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Pierre Guengant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu'est-ce que le dividende démographique ? Comment définit-il, entre autres facteurs, l'avenir de l'Afrique ? Réponses en data visualisations.Jean-Pierre Guengant, Démographe - Directeur de recherche émérite Université Paris 1- IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768412017-05-02T21:43:19Z2017-05-02T21:43:19ZQue penser de la greffe d’utérus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167143/original/file-20170428-15097-iusnne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C14%2C767%2C443&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Anatomie de l'utérus au cours d'une grossesse.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://wellcomeimages.org/indexplus/obf_images/a6/e0/278849df1855262e9ecd3c0a1ee3.jpg">William Hunter/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>La première naissance d'un bébé, aux Etats-Unis, à la suite d'une greffe d'utérus, <a href="http://www.europe1.fr/sante/premiere-naissance-a-la-suite-dune-transplantation-uterine-aux-etats-unis-3509231">a été annoncée le 1er décembre 2017</a>. Le dernier décompte connu faisait état, en septembre 2017, de 8 bébés nés dans le monde depuis 2014 grâce à cette technique encore expérimentale, selon <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/22903-Greffe-d-uterus-naissances-monde-ans">l’Académie Sahlgrenska en Suède</a>. </p>
<p>En France, le CHU de Limoges poursuit son essai clinique prévoyant la greffe de 8 patientes, démarré en 2015. Depuis, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27552172">139 femmes se sont portées candidates</a>, et plusieurs <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/greffe-uterus-limoges-poursuit-son-essai-clinique-1338657.html">sont maintenant en attente d'un greffon compatible</a>. </p>
<p>La transplantation d’utérus pourrait en effet permettre de remédier à l’infertilité utérine résultant, chez une femme, de l’absence d'utérus à la naissance, ou bien d’une ablation pour cause de cancer ou de complications d'une grossesse.</p>
<p>La greffe d’utérus semble s’inscrire dans la tendance actuelle au rapprochement de la médecine et de l’<a href="http://www.cnrtl.fr/definition/anthropotechnie">anthropotechnie</a>. Cette dernière, définie comme l’ensemble des techniques favorisant le développement biologique et culturel de l’homme, contribue à l’amélioration de l’être humain, c’est-à-dire à l’avènement d’un homme augmenté. À l’heure où certains évoquent le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transhumanisme">transhumanisme</a> comme le nouvel âge d’or d’une humanité renouvelée qui se sera départie des contingences traditionnellement liées à sa condition (la maladie, la vieillesse, la souffrance et même la mort), la greffe d’utérus participe bien de cette tendance à améliorer l’humain. Elle vise en effet à accroître les capacités génésiques des femmes en leur donnant ce qu’elles n’avaient pas ou n’avaient plus : un utérus.</p>
<h2>Made in Limoges</h2>
<p>Initialement, on est loin, très loin, du Limousin. Qu’on en juge : la première greffe de ce type a eu lieu en Arabie Saoudite au début des années 2000 et s’est soldée par un échec. Par la suite, les recherches se sont poursuivies en <a href="http://www.rfi.fr/science/20111005-greffe-uterus-reussie-turquie-une-premiere-mondiale">Turquie</a>. Puis ce sont des <a href="https://www.cecos.org/node/4217">chercheurs suédois</a> qui se sont penché sur la question, menant des expériences sur des animaux, comme des souris, des brebis ou encore des babouins, avant de réaliser des transplantations utérines sur des femmes. Plusieurs enfants ont pu naître à la suite de ces transplantations. Finalement, en France, l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) a validé le <a href="http://www.chu-limoges.fr/le-projet-de-recherche-clinique-sur-la-transplantation-d-uterus-du.html">5 novembre 2015</a> les recherches sur la transplantation utérine : l’autorisation a été accordée à une <a href="http://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/greffe-d-uterus-limoges-interview-du-dr-tristan-gauthier-848271.html">équipe du Centre hospitalier universitaire de Limoges</a>.</p>
<p>Le protocole validé par l’ANSM autorise la réalisation d’un essai clinique portant sur huit femmes volontaires, âgées de vingt-cinq à trente-cinq ans, n’ayant jamais eu d’enfant et en bonne santé. Les utérus greffés ne proviendront pas d'une donneuse vivante comme cette infirmière de 36 ans, mère de deux enfants, dont le don <a href="http://www.europe1.fr/sante/premiere-naissance-a-la-suite-dune-transplantation-uterine-aux-etats-unis-3509231">a permis la première naissance aux Etats-Unis</a>, mais de femmes en état de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mort_c%C3%A9r%C3%A9brale">mort cérébrale</a>. L’objectif est d’éviter les complications chirurgicales aux donneuses, sachant que l’organe greffé n’est pas vital pour la receveuse.</p>
<p>Les Limougeauds ne pourront que se féliciter du dynamisme de leur Centre hospitalier universitaire qui n’en est plus à son coup d’essai en matière d’innovation : on pense entre autres aux <a href="http://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-protheses-craniennes-ceramique-limoges-54691/">prothèses crâniennes en céramique</a> fabriquées par l’entreprise <a href="http://3dceram.com/category/biomedical/implants-et-substituts-osseux/">3DCeram</a> ou encore, pour en revenir au domaine de la gynécologie obstétrique, à la <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/25/une-patiente-apres-une-autogreffe-de-tissu-ovarien-accouche-d-une-petite-fille_1211077_3244.html">première greffe de tissu ovarien</a>. De leur côté, les juristes, ces coupeurs de cheveux en quatre, profiteront de l’occasion pour se poser des questions… auxquelles ils ne répondront pas forcément.</p>
<h2>Comment légiférer sur la greffe d’utérus ?</h2>
<p>Dans la mesure où la greffe d’utérus n’a pas dépassé le stade expérimental, aucune intervention du législateur n’est nécessaire dans l’immédiat. Cependant, si la transplantation utérine devient une pratique clinique reconnue, elle requerra sans doute un encadrement juridique particulier tenant compte de <a href="http://www.academie-medecine.fr/publication100100458/">ses spécificités</a>.</p>
<p>D’un côté, la greffe d’utérus s’apparente à une technique de procréation médicalement assistée (PMA). Elle poursuit en effet le même objectif, à savoir la conception d’un enfant, et sera combinée à une fécondation <em>in vitro</em> au cours de laquelle un don d’ovocytes sera parfois nécessaire. La définition de la PMA telle qu’elle résulte de l’article <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687417">L2141-1 du Code de la santé publique</a> semble actuellement trop précise et trop restreinte pour intégrer la greffe d’utérus et nécessitera sans doute quelques ajustements. Il n’en reste pas moins que <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000024325489&idSectionTA=LEGISCTA000006171132&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20170314">son régime</a> est transposable à cette greffe.</p>
<p>La PMA vise à remédier à l’infertilité pathologique, médicalement diagnostiquée, d’un couple. C’est aussi le cas de la transplantation utérine. Par ailleurs, la PMA concerne les couples hétérosexuels, vivants et en âge de procréer, autant de conditions qui sont applicables à la greffe d’utérus. Mais le rapprochement avec la PMA ne semble pas autoriser les transsexuels hommes devenus femmes à bénéficier d’une greffe d’utérus, leur infertilité n’étant pas pathologique. Les femmes célibataires seront également exclues <a href="https://theconversation.com/debat-pma-pour-toutes-une-etape-societale-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">si l’accès à la PMA n’est pas élargi</a>.</p>
<p>D’un autre côté, la greffe d’utérus est également une transplantation d’organe et doit à ce titre respecter certaines règles. Si les utérus continuent à être prélevés seulement sur des personnes en état de mort cérébrale, les difficultés devraient être limitées, les risques étant bien moins grands qu’en cas de prélèvement sur une donneuse vivante. Cela étant, la greffe d’utérus présente deux caractéristiques qui suscitent la réflexion : non seulement elle n’est pas vitale et ne vise qu’à rendre possible une grossesse, mais encore elle est éphémère puisque l’utérus sera retiré après une ou deux grossesses en raison des effets indésirables de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Immunosuppression">immunosuppression</a>. Partant, les difficultés juridiques se concentrent sur un aspect : la greffe d’utérus est-elle réellement thérapeutique ou non ?</p>
<p>Traditionnellement, la vocation thérapeutique est la condition <em>sine qua non</em> permettant à une greffe d’organe d’être réalisée. Tout dépendra donc ici du sens que médecins et juristes entendront donner au terme « thérapeutique ». Ainsi, au gré de quelques aménagements, le Code de la santé publique semble tout à fait apte à encadrer la greffe d’utérus si cette dernière dépasse le stade expérimental.</p>
<h2>Mieux que la gestation pour autrui ?</h2>
<p>Un autre aspect de la greffe d’utérus ne manquera pas d’éveiller l’attention des juristes : elle est généralement présentée comme une manière de remédier à l’interdiction de la <a href="https://theconversation.com/la-russie-ce-pays-ou-la-gestation-pour-autrui-est-legitime-72383">gestation pour autrui</a> (GPA). Rappelons que le recours aux mères porteuses est prohibé en France par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419302&cidTexte=LEGITEXT000006070721">article 16-7 du Code civil</a> et que cette interdiction, bien que fréquemment contournée par des couples qui se rendent à l’étranger pour recourir à des mères porteuses, est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=C940DA063C8C46F532D832228D9242A1.tpdila18v_2?idArticle=LEGIARTI000006419304&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20170314&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=">d’ordre public</a>.</p>
<p>La mise en relation de ces deux procédés n’est cependant pas évidente. La GPA et la greffe d’utérus ont certes un objectif commun, la naissance d’un enfant, mais leurs modalités diffèrent considérablement. Les comparer, c’est comparer l’incomparable. En outre, on ne voit pas en quoi la prohibition de l’une favoriserait l’autorisation de l’autre.</p>
<h2>À quand l’utérus artificiel et la grossesse masculine ?</h2>
<p>Si la greffe d’utérus nous préoccupe actuellement, on ne saurait cependant oublier qu’une <a href="http://www.slate.fr/story/117885/uterus-artificiel">autre option existera peut-être un jour</a>, laquelle posera des problèmes juridiques encore plus… stimulants : l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ectogen%C3%A8se">ectogenèse</a>. Ce terme, forgé par le généticien John B. S. Haldane dans les années 1920, désigne la gestation dans un utérus artificiel. Une expérimentation réussie de spécialistes de néonatologie aux États-Unis a permis <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Ethique/Naissance-dagneaux-issus-uterus-artificiel-2017-04-27-1200842849">de tester récemment sur des agneaux</a> un système de poche des eaux et de placenta artificiel. Cette forme de gestation qui se trouve au cœur du roman d’Aldous Huxley, <em>Le meilleur des mondes</em>, pourrait susciter l’engouement des transhumanistes et surtout, des féministes.</p>
<p>À l’heure où la grossesse reste sans doute le premier vecteur d’inégalité entre les hommes et les femmes, l’utérus artificiel pourrait se présenter comme un remède miracle : le médecin et philosophe Henri Atlan lui a d’ailleurs consacré un <a href="http://www.liberation.fr/week-end/2005/04/02/l-uterus-artificiel-un-pas-de-plus-vers-la-separation-totale-entre-sexualite-et-procreation_515216">ouvrage enthousiasmant</a>. Son statut juridique poserait néanmoins de nombreuses questions. En déshumanisant le fœtus comme la conception <em>in vitro</em> déshumanise l’embryon, un tel utérus viendrait à coup sûr prolonger le débat éthique relatif à l’artificialisation de la procréation, débat initié par la PMA et relancé par la greffe d’utérus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Blandine Caire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Encore expérimentale, la greffe d’utérus a permis une nouvelle naissance aux Etats-Unis. Mais se poseront inévitablement des questions d'éthique et d’encadrement juridique.Anne-Blandine Caire, Professeur de droit privé et de sciences criminelles - École de Droit - Université d'Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/481172015-09-25T04:48:01Z2015-09-25T04:48:01ZNourrir 11 milliards de personnes, c’est possible ?<p>L’humanité est en bonne voie pour atteindre les 11 milliards de personnes d’ici à la fin du siècle, selon de récentes <a href="http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35264#.VgRqkI_tlBc">données</a> fournies par l’ONU.</p>
<p>Le problème est somme toute assez simple : les humains sont à l’origine de tous les problèmes de « durabilité ». Si l’homme n’existait pas, il n’y aurait pas d’impacts humains néfastes. En supposant que vous ne souhaitiez pas la disparition de la race humaine – un désir nourri par certains <a href="http://vhemt.org/findex.htm">mouvements</a> écologistes extrêmes et Sir Hugo Drax, un méchant vu chez <em>James Bond</em> – alors la question clé reste de savoir s’il existe un nombre optimal d’hommes pour la Terre.</p>
<h2>Un pasteur nommé Malthus</h2>
<p>Dès qu’on s’interroge sur la croissance démographique, les travaux de l’économiste et pasteur anglican Malthus refont surface. Son <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/maltus_thomas_robert/essais_population/essais_population.html"><em>Essai sur le principe de population</em></a>, publié à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, est devenu une référence. Selon Malthus, les populations évoluent au regard de trois facteurs déterminants : la fertilité – le nombre de personnes nées ; la mortalité – le nombre de personnes décédées ; la migration – le nombre de personnes entrant ou quittant une population donnée.</p>
<p>Malthus observe qu’un nombre plus important de naissances que de décès conduirait à une croissance démographique exponentielle impossible à satisfaire, même avec des rendements agricoles intensifiés. Cette croissance incontrôlée conduirait inévitablement à la famine, entraînant des disparitions massives. Si Malthus avait raison au sujet de la croissance exponentielle, il s’est en revanche trompé sur son impact désastreux.</p>
<p>Puisque nous réfléchissons au niveau de la planète, laissons de côté l’aspect migration, vu qu’il n’existe pas pour l’instant d’échanges de populations interplanétaires. La hausse considérable du nombre total d’êtres humains résulte donc d’un déséquilibre entre les taux de fécondité et de mortalité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/96127/original/image-20150925-17087-88fcfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/96127/original/image-20150925-17087-88fcfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/96127/original/image-20150925-17087-88fcfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/96127/original/image-20150925-17087-88fcfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/96127/original/image-20150925-17087-88fcfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/96127/original/image-20150925-17087-88fcfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/96127/original/image-20150925-17087-88fcfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une croissance démographique exceptionnelle ces derniers siècles.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Rendements agricoles accrus</h2>
<p>En se plaçant sur une échelle de temps longue, les récentes évolutions démographiques donnent le tournis. Et cette courbe ascendante met en péril la « capacité porteuse » de la planète. Ce chiffre de 11 milliards pourrait cependant représenter un pic avant d’amorcer une baisse vers la fin XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Cela nous conduit à examiner la première erreur de Malthus : il n’avait en effet pas vu que le processus d’industrialisation et de développement économique qui avait permis d’infléchir le taux de mortalité pourrait être également responsable de la chute de la fertilité. L’amélioration du niveau de vie, l’accès à une éducation de qualité et à l’autonomie, tout particulièrement pour les femmes, ont eu un impact fort sur la taille des familles. Cette même transition démographique s’observe, avec des variations, dans la plupart des pays du globe.</p>
<p>Ceci explique peut-être comment des populations parviennent à surmonter une croissance insoutenable, mais il reste toutefois remarquable que la Terre ait pu fournir suffisamment pour une population qui a connu une croissance de 700 % quelques siècles seulement. Ce fut la seconde erreur de Malthus. Il ne pouvait tout simplement pas <a href="http://www.nature.com/nature/journal/v418/n6898/full/nature01013.html">concevoir</a> l’incroyable intensification des rendements agricoles rendus possibles par l’industrialisation.</p>
<h2>Sept milliards d’humains à nourrir</h2>
<p>La « révolution verte » qui a permis de multiplier par quatre la productivité agricole depuis le milieu du XX<sup>e</sup> siècle a été rendue possible grâce à l’irrigation, aux pesticides et aux engrais.</p>
<p>Qu’on soit omnivore, végétarien ou végétalien, en un sens, nous sommes tous des consommateurs d’énergies fossiles, car la plupart des engrais sont produits grâce au <a href="https://theconversation.com/five-chemistry-inventions-that-enabled-the-modern-world-42452">procédé Haber</a>. Cette méthode permet d’obtenir de l’ammoniac (nécessaire à l’élaboration des engrais) en faisant réagir à des températures et des pressions élevées l’azote avec de l’hydrogène atmosphérique. Or tout qui nécessite de la chaleur réclame de grandes quantités d’énergie ; l’hydrogène étant dérivé du gaz naturel, le procédé Haber a donc besoin d’énormément de combustibles fossiles. Si l’on inclut la production, la transformation, l’emballage, le transport, la commercialisation et la consommation, on comprend mieux pourquoi la part du système alimentaire dans la consommation totale d’énergies représente <a href="http://www.fao.org/news/story/en/item/95161%20/%20icode%20/">plus de 30 %</a>,
tout en contribuant aux émissions mondiales de gaz à effet de serre à hauteur de 20 %.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/91333/original/image-20150810-11068-1xnnzz4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/91333/original/image-20150810-11068-1xnnzz4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/91333/original/image-20150810-11068-1xnnzz4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/91333/original/image-20150810-11068-1xnnzz4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/91333/original/image-20150810-11068-1xnnzz4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/91333/original/image-20150810-11068-1xnnzz4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/91333/original/image-20150810-11068-1xnnzz4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tout ça pour faire pousser les plantes ? Billingham, une des plus grandes usines d’engrais du Royaume-Uni.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Billingham_ICI_plant_September_1970_No._7_geograph-3436065-by-Ben-Brooksbank.jpg">Ben Brooksbank</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Quatre défis majeurs</h2>
<p>Si l’agriculture industrialisée peut aujourd’hui nourrir sept milliards d’êtres humains, qu’est-ce qui nous empêche de penser que cela pourrait être possible pour 11 milliards de personnes ? Si la famine n’intervient pas dans ce scénario, bien d’autres problèmes pourraient surgir dans un tel cas de figure.</p>
<p>Certaines recherches suggèrent d’abord que la <a href="http://www.nature.com/ncomms/journal/v3/n12/full/ncomms2296.html">production</a> alimentaire mondiale stagne. La révolution verte n’est pas aujourd’hui à bout de souffle, mais les innovations telles que les OGM, l’irrigation optimisée ou encore les fermes <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/earth/agriculture/farming/11706406/Londons-first-underground-farm-opens-in-WW2-air-raid-shelter.html">souterraines</a> ne suffiront pas.</p>
<p>Deuxièmement, les rendements agricoles élevés que l’on connaît aujourd’hui supposent des approvisionnements importants et bon marché en phosphore, en azote et en combustibles fossiles – pétrole et gaz principalement. Si la pénurie de phosphore minéral ou d’huile n’est pas pour demain, ils sont cependant de plus en plus <a href="https://theconversation.com/peak-phosphorus-will-be-a-shortage-we-cant-stomach-25065">difficiles</a> à obtenir, ce qui les rend plus coûteux. Le <a href="http://apf.francophonie.org/IMG/pdf/2009_CommCoop_alimentation.pdf">chaos</a> qui a touché les systèmes alimentaires mondiaux en 2007-2008 donne une idée de l’impact que peut avoir la hausse des prix des denrées alimentaires.</p>
<p>Troisièmement, le sol est menacé. L’agriculture intensive qui exploite sans relâche les champs conduit à son inéluctable érosion. L’utilisation d’engrais peut ralentir cette dégradation, mais pas indéfiniment.</p>
<p>Quatrièmement, il n’est pas sûr que nous puissions maintenir les rendements à leur niveau actuel dans un monde qui doit faire face au changement climatique. C’est au moment où nous aurons le plus grand nombre de personnes à nourrir que des inondations, des tempêtes, des sécheresses et autres conditions météorologiques extrêmes pourraient impacter très négativement la production alimentaire. Afin d’éviter un changement climatique néfaste, il nous faut conserver la majorité des gisements de combustibles fossiles de la Terre dans le <a href="http://www.nature.com/nature/journal/v517/n7533/full/nature14016.html">sol</a>… ces mêmes combustibles fossiles dont notre système de production alimentaire raffole.</p>
<p>Si l’humanité veut avoir un avenir, il va falloir s’attaquer simultanément à tous ces défis. L’objectif est de minimiser nos effets sur ces processus naturels qui nous fournissent non seulement de la nourriture, mais aussi l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons. Des enjeux bien plus grands que ceux envisagés par Malthus en son temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/48117/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>James Dyke ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La formidable croissance démographique qui devrait poursuivre sa course folle jusqu'à la fin du siècle rappelle Malthus à notre bon souvenir.James Dyke, Lecturer in Sustainability Science, University of SouthamptonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.