tag:theconversation.com,2011:/global/topics/greffes-dorganes-23822/articlesgreffes d'organes – The Conversation2024-03-13T15:55:28Ztag:theconversation.com,2011:article/2216372024-03-13T15:55:28Z2024-03-13T15:55:28ZXénogreffe : pourra-t-on utiliser de la peau de porc en chirurgie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581666/original/file-20240313-18-h207ag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2400%2C1562&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les greffes de peau, la xénotransplantation pourraient permettre de soigner même les patients chez qui l'on ne peut pas prélever de peau saine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/homme-en-chemise-blanche-portant-des-lunettes-blanches-KrsoedfRAf4">National Cancer Institute/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Alors que plus de 10 000 personnes attendaient une greffe d’organe en France en 2023, la pénurie de dons pousse la recherche à trouver d’autres solutions. Ainsi, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/xenotransplantation-115317">xénogreffes</a>, qui consistent à transplanter un organe d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur, représentent une piste prometteuse. Le porc est considéré comme l’espèce donneuse de choix, du fait de nombreuses similarités physiologiques et morphologiques entre les organes humains et porcins.</p>
<p>Des avancées importantes ont notamment été réalisées récemment, avec en 2023 une greffe de rein chez un patient en état de mort cérébral, et une greffe de cœur chez un patient américain en vie mais inéligible pour une greffe humaine. Mais la xénogreffe représente aussi une piste en chirurgie reconstructive, pour fournir des greffons de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/peau-52915">peau</a>.</p>
<h2>Un espoir pour réparer les plaies les plus difficiles</h2>
<p>Si pour les organes comme le foie, le rein ou le cœur, la xénogreffe permettait de pallier la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/greffes-dorganes-23822">pénurie de greffons</a>, son application en chirurgie plastique présente d’autres enjeux. C’est le cas en particulier du traitement des plaies dites complexes, des plaies graves et qui ne peuvent être traitées avec des techniques simples, et ce sans agresser les tissus sains du patient. L’impact économique et social que représente aujourd’hui le traitement de ces plaies s’alourdit rapidement, en raison de l’augmentation des coûts des soins et du vieillissement de la population.</p>
<p>Ces plaies complexes surviennent dans des conditions très diverses : fractures de membres, retrait de cancers graves et étendus de la peau, plaies liées aux troubles vasculaires et neurologiques des patients atteints de diabète… Elles exposent parfois à l’air libre des structures dites « nobles » comme de l’os, des tendons et des vaisseaux. Dans le pire des cas, elles conduisent à l’amputation d’un membre ou à une infection généralisée dont le point de départ est la plaie, pouvant conduire au décès.</p>
<h2>Éviter le rejet de la greffe</h2>
<p>La seule solution pour traiter ces plaies et éviter les complications est parfois leur couverture par des tissus prélevés sur le patient lui-même, appelés lambeaux. Ces lambeaux impliquent alors le prélèvement de peau en zone saine, ce qui peut être à l’origine de conséquences néfastes importantes (réouverture de la plaie, perte d’une fonction musculaire, lésion nerveuse, douleur…). Le patient peut également manquer de zones de prélèvement de tissus sains, avec l’impossibilité de prendre du tissu adapté à la plaie à couvrir dans le cas de patients maigres, brûlés ou multiopérés. Utiliser des lambeaux tissulaires venant de porcs dans le cadre de xénogreffes serait une solution pour contourner ces problèmes.</p>
<p>Néanmoins, l’utilisation des xénogreffes est limitée par les barrières immunologiques interespèces. Dans la circulation sanguine humaine, des anticorps sont en effet chargés d’identifier les marqueurs non humains, appelés xénoantigènes, présents à la surface des cellules porcines. Cette réaction immunitaire est responsable d’un phénomène de rejet hyperaigu qui aboutit inexorablement à la perte du greffon en quelques minutes.</p>
<h2>Remplacer les cellules animales par les cellules du patient</h2>
<p>Une méthode pour éviter cette réaction immunitaire consiste à décellulariser puis à recellulariser les greffons. La décellularisation d’organes consiste à produire une matrice sans cellules (ou acellulaire), gardant la forme initiale de l’organe d’un patient ou animal donneur mais qui n’est plus constituée que du tissu conjonctif, qui structure les organes. La décellularisation permet donc d’éliminer les cellules du donneur, tout en préservant la forme et l’environnement nutritif pour les cellules, en traitant le tissu ou l’organe avec des détergents. Comme elle n’a pas de cellules, cette matrice ne provoque pas de rejet si elle est transplantée à un patient receveur.</p>
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<img alt="Matrice décellularisée -- donc blanche -- de peau" src="https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une matrice décellularisée de peau, prélevée sur l’aine d’un porc.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Lupon/Université Côte d’Azur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Des cellules du patient peuvent alors être cultivées sur cette matrice avant transplantation : c’est ce qu’on appelle la recellularisation. Ces matrices recellularisées peuvent être ensuite transplantées au receveur de manière à restaurer, maintenir ou améliorer la fonction de l’organe ou couvrir une plaie.</p>
<p>Ces matrices recellularisées sont reconnues par l’organisme du patient comme faisant partie « du soi » afin qu’il ne les rejette pas. Si un certain nombre de substituts de peau et de matrices dermiques simples et décellularisées ont été produits et commercialisés (valves cardiaques de porc, dermes artificiels bovins…), aucune greffe plus élaborée ne s’est intégrée chez un patient receveur, car les matrices requièrent dans ce cas cette étape de recellularisation.</p>
<h2>Des avancées, mais pas encore de tentative chez l’humain</h2>
<p>Alors que la décellularisation et la recellularisation ont montré un grand potentiel dans la transplantation d’organes comme le foie, le rein, le cœur ou le poumon, son application pour les lambeaux tissulaires n’a été étudiée que récemment. Avec mon équipe, nous avons ainsi développé et optimisé des modèles de matrices de lambeaux de peau décellularisées chez le porc. Toutes les procédures chirurgicales ont été approuvées par le comité d’éthique local.</p>
<p>Des lambeaux de peau ont été prélevés sur des porcs vivants et anesthésiés au bloc opératoire. Ces lambeaux ont ensuite été perfusés avec un détergent spécifique à des niveaux de concentration différents. Nous avons montré qu’il est nécessaire de garder cette concentration faible pour garder un environnement nutritif, indispensable pour accueillir de nouveau des cellules. Si la concentration de détergent est trop importante, la matrice devient toxique pour les cellules, qui ne survivent pas.</p>
<p>Nous avons vérifié que ces matrices de peau préservaient les propriétés mécaniques et chimiques de base de la peau porcine. Les protéines et les facteurs de croissance étaient présents en quantité suffisante dans les matrices pour que des cellules puissent y vivre. Nous avons finalement montré la possibilité de recellularisation des matrices acellulaires. Cependant, nous devons encore optimiser la stratégie de recellularisation, afin de pouvoir déposer un nombre très important de cellules sur les matrices.</p>
<p>Un tel traitement des greffes de lambeaux de porcs, n’induisant pas le rejet chez l’homme car contenant les cellules du patient à traiter, permettrait de s’affranchir des complications liées au prélèvement de tissu sur la peau saine du patient. Cette technologie résoudrait également les problèmes d’absence de site donneur sain. La poursuite de nos recherches est cruciale pour espérer un jour réaliser des xénotransplantation de lambeaux de peau chez l’humain sans rejet immédiat de ceux-ci.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise Lupon a reçu des financements de la Fondation des Gueules Cassées et de la Fondation de la Vocation. </span></em></p>Si la xénotransplantation s’est récemment développée avec des greffes de cœurs ou de reins porcins, la chirurgie reconstructive espère aussi utiliser de la peau animale pour soigner les plaies les plus graves.Elise Lupon, Doctorante en recherche clinique et thérapeutique, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1952612022-11-29T18:58:01Z2022-11-29T18:58:01ZAider le foie à se régénérer : une piste prometteuse pour des patients condamnés<p>Le foie est bien connu pour sa <a href="https://doi.org/10.1038/s41575-020-0342-4">capacité à se régénérer</a>, inégalée parmi les <a href="https://theconversation.com/auto-regeneration-ce-dont-notre-corps-est-capable-176210">organes du corps humain</a>. Il peut en effet se reconstituer complètement même après ablation chirurgicale des deux tiers de sa masse. Mais les dommages causés par certains médicaments, l’abus d’alcool ou l’obésité peuvent finir par provoquer sa défaillance…</p>
<p>Actuellement, le seul traitement efficace de l’insuffisance hépatique au stade terminal est la <a href="https://doi.org/10.1053/j.gastro.2017.01.003">transplantation</a>.</p>
<p>Malheureusement, comme pour beaucoup d’autres organes, il y a une <a href="https://doi.org/10.1002/lt.25320">pénurie de greffons disponibles</a>. Selon leur compatibilité, les malades doivent <a href="https://www.medicalnewstoday.com/articles/states-with-shortest-liver-transplant-waiting-list">attendre de 30 jours à plus de cinq ans</a> avant de recevoir un foie aux États-Unis. Sur les <a href="https://www.organdonor.gov/learn/organ-donation-statistics">plus de 11 600 patients</a> inscrits sur liste d’attente pour recevoir une greffe de foie en 2021, un peu plus de 9 200 seulement en ont bénéficié. (<em>En France, en 2020, <a href="https://www.dondorganes.fr/questions/56/combien-fait-de-greffes-de-foie-en-france">1 128 greffes de foie</a> ont été réalisées. Chaque année, près de <a href="https://afef.asso.fr/la-maladie/les-traitements/la-transplantation-hepatique/">10 % des malades en liste d’attente</a> vont « soit décéder en liste d’attente, soit sortir de la liste en raison de leur état de santé trop dégradé avant de décéder. Il y a actuellement plus de deux candidats en attente d’une greffe de foie pour un greffon disponible », ndlr</em>)</p>
<p>Mais que se passerait-il si, au lieu d’une transplantation de foie, il existait un traitement capable d’aider le foie à développer encore ses capacités de régénération ?</p>
<p>Je suis le directeur fondateur du <a href="https://livercenter.pitt.edu">Centre de recherche sur le foie de Pittsburgh</a> et je dirige un laboratoire <a href="https://scholar.google.com/citations?user=R2awLBUAAAAJ&hl=en">étudiant la régénération du foie et le cancer</a>. Dans nos <a href="https://doi.org/10.1016/j.xcrm.2022.100754">travaux récemment publiés</a>, mon équipe et moi avons découvert que l’activation d’une catégorie de protéines particulière à l’aide d’un nouveau médicament peut contribuer à accélérer la régénération et la réparation du foie après une grave lésion ou après une ablation chirurgicale partielle chez la souris.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le foie est un organe irremplaçable, qui cumule de nombreuses fonctions.</span></figcaption>
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<h2>Acteurs clefs dans la régénération</h2>
<p>Le foie remplit <a href="https://doi.org/10.1126%2Fscitranslmed.3005975">plus de 500 fonctions fondamentales</a> dans notre organisme. Il intervient notamment dans le tri des nutriments reçus de l’intestin, qu’il transforme, traite, etc. pour générer énergie, hormones et autres molécules qui seront nécessaires dans tout le corps. Il produit ainsi des <a href="https://www.hopkinsmedicine.org/health/conditions-and-diseases/liver-anatomy-and-functions">protéines qui transportent les graisses, gère la conversion de l’excès de glucose en glycogène pour le stocker, le cholestérol, l’élimination de toxines comme l’ammoniac</a>, le métabolisme des certains médicaments, etc.</p>
<p>Les cellules hépatiques, ou hépatocytes, assument ces nombreuses tâches grâce à une stratégie géographique dite de <a href="https://doi.org/10.1016/j.ajpath.2021.09.007">« zonation »</a>. Chaque unité fonctionnelle du foie est orientée par le flux sanguin traversant l’organe, ce qui permet de le diviser en trois zones fonctionnellement distinctes. Les cellules acquièrent une différentiation particulière selon leur localisation et elles vont activer des fonctions spécialisées distinctes dans chaque zone en activant des gènes spécifiques. Cependant, malgré des <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2006/10/medsci20062211p904/medsci20062211p904.html">pistes pour expliquer cette « zonation métabolique »</a>, on ne sait pas encore exactement ce qui contrôle l’expression de ces gènes.</p>
<p>Au cours des deux dernières décennies, mon équipe et d’autres laboratoires ont identifié un groupe de 19 protéines appelées <a href="https://doi.org/10.3727/105221621x16111780348794">Wnts</a> qui jouent un rôle important dans le contrôle des fonctions et de la régénération du foie. Nous savons désormais que les protéines Wnt contribuent à activer le processus de réparation des cellules hépatiques endommagées… mais celles qui contrôlent réellement la zonation et la régénération, ainsi que leur emplacement exact dans le foie, restent un mystère.</p>
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<figcaption><span class="caption">Progression en quatre étapes d’une atteinte hépatique.</span></figcaption>
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<p>Pour identifier ces protéines et leur origine, mon équipe et moi-même avons utilisé une nouvelle technologie appelée <a href="https://doi.org/10.1038/s41592-022-01409-2">cartographie moléculaire</a> pour déterminer où sont activés cent gènes connus pour leurs implications dans les fonctions hépatiques, et l’intensité de cette activité.</p>
<p>De façon inattendue, nous avons constaté que <a href="https://doi.org/10.1016/j.xcrm.2022.100754">seuls deux des 19 gènes Wnt</a>, Wnt2 et Wnt9b, étaient fonctionnellement présents dans le foie. Nous avons également trouvé que tous deux étaient actifs dans les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins de la zone 3 du foie – une zone qui joue un rôle dans nombre de fonctions métaboliques.</p>
<p>À notre grande surprise, l’élimination de ces deux gènes Wnt a abouti à ce que toutes les cellules hépatiques n’expriment que des gènes généralement limités à la zone 1, limitant ainsi considérablement le fonctionnement global de l’organe. Cette découverte suggère deux choses : que les cellules hépatiques subissent une influence continue sur l’activation de leurs gènes, qui peut donc être modifiée ; et que Wnt est le régulateur principal de ce processus.</p>
<p>L’élimination des deux gènes Wnt des cellules endothéliales a également complètement stoppé la division des cellules du foie, et donc sa capacité de régénération après une ablation chirurgicale partielle.</p>
<h2>Premiers tests d’efficacité</h2>
<p>Étant donné qu’ils contribuent à la fois à la zonation et la régénération, ces gènes constituent une voie prometteuse pour le développement de médicaments en médecine régénérative. Nous avons alors décidé de <a href="https://doi.org/10.1016/j.xcrm.2022.100754">tester si une nouvelle molécule, un anticorps appelé FL6.13</a> (créé par ingénierie protéique selon la technique du <em>rational design</em>) pourrait aider à restaurer ces deux fonctions primordiales.</p>
<p>Cette molécule s’est avérée capable de se fixer sur des récepteurs spécifiques aux protéines Wnt. Elle pourrait donc en effet partager des fonctions similaires avec elles, notamment l’activation de la faculté de régénération de l’organe.</p>
<p>Pendant deux jours, nous avons administré cet anticorps à des souris génétiquement modifiées pour que les cellules endothéliales de leur foie n’expriment ni Wnt2 ni Wnt9b. Nous avons établi que cette molécule était capable de rétablir presque complètement les fonctions de division et de réparation des cellules hépatiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration d’un foie pathologiquement gras" src="https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489654/original/file-20221013-24-sjaj2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Si elle n’est pas traitée, la stéatose hépatique peut entraîner de graves lésions.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/illustration/fatty-liver-conceptual-illustration-royalty-free-illustration/932736606">Kathryn Kon/Science Photo Library via Getty Images</a></span>
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<p>Pour aller plus loin, nous avons voulu tester l’efficacité de ce médicament potentiel pour réparer le foie après une surdose de <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/utilisation/bon-usage/paracetamol-aspirine-ains/paracetamol.html">paracétamol</a>. Le paracétamol, ou acétaminophène dans la nomenclature internationale, est le médicament en vente libre le plus couramment utilisé pour traiter la fièvre et la douleur. Cependant, pris en quantité trop importante, il peut <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK548162/">causer de graves dommages au foie</a>.</p>
<p>Sans soins médicaux immédiats, cette surdose peut entraîner une insuffisance hépatique et la mort. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK441917/">L’empoisonnement au paracétamol</a> est ainsi l’une des causes les plus fréquentes de lésions hépatiques graves nécessitant une transplantation du foie aux États-Unis notamment. Malgré cela, il n’existe actuellement qu’un seul médicament pour le traiter et il n’est capable de prévenir les lésions hépatiques que s’il est pris très rapidement après le surdosage.</p>
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<p>Nous avons testé notre anticorps sur des souris présentant des lésions hépatiques dues à des quantités toxiques de paracétamol. De façon encourageante, nos analyses ont montré qu’une seule dose permettait de diminuer les biomarqueurs sanguins de lésions – des protéines que le foie libère lorsqu’il est lésé – et de réduire la mort des tissus hépatiques. Ces résultats indiquent que tant la réparation des cellules hépatiques que la régénération des tissus ont lieu.</p>
<h2>Réduire le besoin en transplantation</h2>
<p>Une façon de remédier à la pénurie de greffes de foie serait d’améliorer les traitements des maladies du foie. Si les médicaments actuels peuvent traiter l’<a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/hepatitis-c">hépatite C</a>, une infection virale qui provoque une inflammation du foie parfois bénigne mais potentiellement responsable de cirrhoses et cancers, d’autres atteintes de cet organe majeur n’ont pas connu les mêmes progrès.</p>
<p>Il existe ainsi très peu de traitements efficaces pour des maladies comme la stéatose hépatique non alcoolique ou la maladie alcoolique du foie, ce qui fait que l’état de nombreux patients s’aggrave irrémédiablement. Ces derniers finissent alors par avoir besoin d’une greffe. Une opération, on l’a vu, qui manque cruellement de greffon disponible.</p>
<p>Mon équipe et moi-même pensons qu’en améliorant encore la capacité du foie à se réparer lui-même, on pourrait éviter le recours à la transplantation dans certains cas. Notre étude est un premier pas préliminaire qui montre que des possibilités existent. Des recherches complémentaires plus approfondies sur les capacités de notre anticorps FL6.13 comme l’élaboration de nouvelles molécules capables de favoriser la régénération du foie ouvrent quoiqu’il en soit déjà des pistes inédites contre le fléau des atteintes hépatiques graves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Satdarshan (Paul) Singh Monga a reçu des financements du NIDDK et du NCI des National Institutes of Health. Satdarshan Monga est consultant pour Surrozen et AntlerA.</span></em></p>Trop de patients meurent, chaque année, faute d’avoir pu bénéficier d’une greffe du foie. Mais… et si l’on pouvait améliorer les capacités de régénération de cet organe ? Une approche pleine d’avenir.Satdarshan (Paul) Singh Monga, Professor of Pathology and Medicine, University of PittsburghLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916062022-10-09T15:20:25Z2022-10-09T15:20:25ZInsuffisance cardiaque avancée : vers de nouvelles solutions<p>David Bennet, 57 ans, atteint d’insuffisance cardiaque au stade terminal, a <a href="https://www.leparisien.fr/international/david-benett-premier-homme-greffe-avec-un-coeur-de-porc-est-decede-deux-mois-apres-loperation-09-03-2022-WDAZ5XYUVJFDBEVG267J6ELSUU.php">(sur)vécu deux mois début 2022</a> avec un cœur de porc génétiquement modifié. <a href="https://theconversation.com/greffe-dun-coeur-de-porc-chez-un-patient-ce-que-pourraient-changer-les-xenotransplantations-175234">Pour la première fois</a>, une xénogreffe (le greffon est prélevé chez un donneur d’une autre espèce biologique que celle du receveur) du cœur n’était pas immédiatement rejetée.</p>
<p>Cette réussite inédite est porteuse d’espoir car, lorsqu’elle atteint un stade avancé, l’insuffisance cardiaque laisse très peu d’espoir au patient dont le pronostic vital est engagé dans l’année. Quelles pistes et quelles innovations existent aujourd’hui pour faire reculer une maladie qui touche <a href="https://www.ameli.fr/gironde/assure/sante/themes/insuffisance-cardiaque/definition-causes#text_38368">2,3 % de la population adulte française et 10 % des plus de 70 ans</a> ?</p>
<h2>Insuffisance cardiaque (IC) et insuffisance cardiaque avancée (ICA)</h2>
<p>Le cœur est un muscle creux agissant comme une pompe : il se remplit du sang conduit par les veines (relaxation) qu’il éjecte ensuite vers les artères (contraction). Vitale par excellence, sa fonction est d’assurer le débit sanguin nécessaire pour apporter, à l’ensemble des cellules de l’organisme, l’oxygène et les nutriments dont elles ont besoin.</p>
<p>On parle d’<a href="https://theconversation.com/insuffisance-cardiaque-comment-la-prevenir-comment-la-traiter-170822">insuffisance cardiaque</a> lorsque ce débit est trop faible ou obtenu au prix d’une augmentation anormale de la pression de remplissage du cœur. Il en découle un ensemble de symptômes et de signes cliniques particulièrement invalidants. Les principales causes sont la maladie coronarienne (infarctus du myocarde), la myocardiopathie (dite dilatée kynopinétique idiopathique), l’hypertension artérielle et les valvulopathies.</p>
<p>Cette maladie est fréquente : en France, le nombre de patients dépasse le million et les décès sont estimés à 70 000 par an. Du fait du cours évolutif de l’insuffisance cardiaque, les patients nécessitent des hospitalisations fréquentes (environ 150 000 hospitalisations par an en France). Surtout, on ne guérit pas de l’insuffisance cardiaque… Environ 50 % des patients meurent dans les trois années qui suivent le diagnostic.</p>
<p>L’insuffisance cardiaque est qualifiée d’avancée lorsque les symptômes sont tels qu’ils empêchent désormais le patient d’accomplir le moindre effort (s’habiller, faire sa toilette, marcher quelques mètres en terrain plat, etc.). À ce stade, le traitement médicamenteux est mis en échec. Seule solution : la greffe cardiaque ou, faute de mieux, l’implantation d’un dispositif mécanique d’assistance de longue durée. Selon les données de l’agence biomédecine, en France et en 2020, l’âge moyen des patients au moment de leur transplantation était de 46 ans.</p>
<h2>Les limites de la transplantation cardiaque</h2>
<p>La transplantation est aujourd’hui le traitement de référence de l’ICA. On peut considérer que ses <a href="https://academic.oup.com/eurheartj/article/42/36/3599/6358045">résultats sont bons</a>. En effet, la survie à un an après l’opération est d’environ 90 % et la qualité de vie des patients est profondément améliorée. Néanmoins, la possibilité de proposer une greffe cardiaque se heurte à de nombreuses limites.</p>
<p>En premier lieu, la pénurie de greffons. Il y a approximativement, en France, deux patients en attente pour un greffon. <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2017/donnees/organes/03-coeur/synthese.htm">15 % décèdent dans l’année faute de greffons</a>. Autres limites, les comorbidités : certaines maladies pulmonaires, une obésité morbide ou des atteintes sévères d’autres organes comme le foie ou le rein. Toutes augmentent le risque d’échec de la greffe ou d’incompatibilité avec le traitement immunosuppresseur que devra prendre le transplanté.</p>
<p><a href="https://www.jhltonline.org/article/S1053-2498(15)01484-9/fulltext">D’autres facteurs, qui ne vont pas sans poser des questions éthiques</a> très délicates, s’opposent fréquemment à la transplantation : les conduites addictives du receveur (tabagisme actif ou consommation excessive d’alcool par exemple) et les « conditions psychosociales » susceptibles de compromettre un suivi optimal du patient après la transplantation.</p>
<p>Enfin, et de manière très brutale, l’âge entre également en ligne de compte : il est communément accepté, en France, de ne pas transplanter au-delà de l’âge de 65 ou 70 ans. Le greffon cardiaque étant une ressource particulièrement rare, il faut, dans une démarche utilitariste, gérer sa pénurie en favorisant l’accès aux patients les plus graves, les plus stables psychologiquement, les plus disciplinés (on parle de compliance) et dont l’insuffisance cardiaque est, idéalement, le seul problème.</p>
<p>Pallier ces limites et maintenir en vie les patients en attente d’un greffon ont été le moteur de recherches visant à développer les dispositifs médicaux que sont le cœur artificiel total et les dispositifs d’assistance cardiaque de longue durée. Leur finalité ? Remplacer le cœur défaillant ou l’assister « mécaniquement ».</p>
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<h2>Les dispositifs médicaux : une solution « faute de mieux » ?</h2>
<p>En l’état de son développement par la société française CarMat, le cœur artificiel total fait encore face à de <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/carmat-bondit-la-production-de-son-coeur-artificiel-va-reprendre-2009547.php">nombreux aléas quant à sa mise sur le marché</a>. En revanche, les <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-07/rapport_sur_les_dispositifs_dassistance_circulatoire_mecanique.pdf">Dispositifs d’assistance circulatoire mécanique (DACM)</a> longue durée sont une réalité.</p>
<p>À l’heure actuelle, le recours à ces dispositifs n’est envisagé que pour les cas les plus graves lorsqu’aucune autre solution n’est envisageable. Le marché est actuellement dominé par Abbott, avec le <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1800866">HeartMate 3TM</a>, une mini turbine, implantée dans le thorax, qui aspire le sang du ventricule gauche du cœur et l’éjecte dans l’aorte ascendante.</p>
<p>Contrairement au cœur qui génère un débit pulsatile, cette pompe génère un débit « non physiologique » en continu. Sa turbine est connectée, via un câble s’abouchant à la peau de l’abdomen, à un « contrôleur » (permettant d’afficher les paramètres) et à une batterie que le patient porte à la ceinture.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Ces dispositifs sont branchés sur le cœur tout en étant reliés à des dispositifs externes" src="https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487390/original/file-20220929-21-41ptou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un dispositif d’assistance mécanique est une pompe qui assure un débit sanguin continu. Elle est alimentée par une batterie extérieure (les deux étant reliées par un câble).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Madhero88</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même si les patients appareillés retrouvent une qualité de vie ambulatoire acceptable, ils sont soumis à des contraintes fortes liées à la bonne utilisation des batteries et à des conditions d’hygiène très rigoureuses. Malgré ces précautions, des complications infectieuses surviennent chez 58 % d’entre eux.</p>
<p>Et d’<a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2018/revue-medicale-suisse-608/options-therapeutiquesdans-l-insuffisance-cardiaque-avancee-place-de-l-assistance-ventriculaire-gauche-permanente-lvad">autres complications sont susceptibles de survenir dans les deux ans</a> suivant l’implantation : notamment des thromboses liées à la formation de caillots sanguins (15,7 % des patients avec HeartMate 2, 1,1 % pour le HeartMate 3) et saignements digestifs (pour partie conséquence du caractère continu du débit ; 33,1 % des patients équipés d’un HeartMate 3, 39,1 % pour le HeartMate 2).</p>
<p>Globalement toutefois, la vie des patients appareillés est transformée et, deux années après l’implantation, près de 75 % d’entre eux sont vivants et n’ont pas présenté d’accident thromboembolique avec séquelle et/ou de dysfonctionnement de la pompe. Ces résultats sont proches de ceux de la greffe.</p>
<h2>Vers une nouvelle génération de dispositifs médicaux ?</h2>
<p>Le DACM est aujourd’hui une solution acceptable… en partie parce qu’elle est la seule pour les patients non éligibles à la transplantation ou dont la sévérité de la maladie ne leur permet pas d’attendre (risque de mort ou d’altération d’autres organes). Mais il n’est pas pleinement satisfaisant.</p>
<p>La recherche se mobilise pour innover afin d’améliorer la qualité et l’espérance de vie des personnes concernées – on parle de balance bénéfice-risque. Les chiffres l’ont rappelé en introduction, il y a aussi un grand développement possible. Avec des dispositifs moins invasifs et des interventions chirurgicales moins lourdes, on pourrait en effet espérer un élargissement de la patientèle éligible.</p>
<p>De nombreuses start-up travaillent à faire évoluer les dispositifs disponibles. Se débarrasser du câble reliant le dispositif (interne) à la batterie (externe) est l’un des principaux moteurs de cette course à l’innovation. Parmi les avancées majeures ces dernières années, la quête d’un système rechargeable par « TET » (<em>Transcutaneous Energy Transfer</em>). Comprenez un rechargement par induction à travers la peau, donc sans fil, sur laquelle se positionnent des Abbott et Medtronic (leaders sur le marché) mais également des jeunes pousses comme Leviticus (Israël), <a href="https://www.dicardiology.com/article/effectively-treating-heart-failure-new-technology-horizon">FineHeart (start-up française)</a> ou Syntach (Suède).</p>
<p>L’utilisation de la recharge par transfert d’énergie transcutanée requiert cependant de concevoir des dispositifs consommant beaucoup moins d’énergie que le HeartMate 3. Apparaît alors une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31201005/">piste d’amélioration complémentaire</a> explorée par certaines start-up (CorWave et FineHeart en France, Nuheart en Norvège) : préserver l’aspect physiologique (le débit pulsatile) de la pompe.</p>
<p>En effet, le débit pulsatile permettrait de réduire la consommation d’énergie de la pompe, et donc la taille des batteries et des dispositifs. La miniaturisation pourrait en outre avoir un impact positif sur l’éligibilité des patients, le type d’intervention chirurgicale (pas d’ouverture du thorax) et sur le système de chargement car le TET deviendrait une réalité.</p>
<p>Sans compter que réussir à restituer un débit plus naturel permettrait également une réduction des effets indésirables et une forme de rééducation du cœur malade.</p>
<h2>Les biotechs, un nouvel espoir ?</h2>
<p>10 000 transplantations cardiaques ont lieu chaque année dans le monde alors qu’on recense deux millions de personnes atteintes d’ICA rien que pour l’Europe et les États-Unis. L’alternative à la transplantation que représentent les DACM est nécessaire, mais en l’état les solutions proposées ne sont pas encore pleinement satisfaisantes.</p>
<p>Face à la pénurie de greffons, à l’incertitude des xénogreffes et aux limites des DACM, une autre piste semble s’ouvrir, celle des biotechnologies – avec utilisation ou modification de matériaux vivants pour développer des traitements. La thérapie cellulaire consiste par exemple à insérer dans le cœur du patient atteint d’IC des cellules pouvant se différencier en cellules cardiaques afin de compenser le déficit présent.</p>
<p>Les principaux acteurs à l’œuvre sont pour l’heure des organismes publics de recherche. Si la technique est prometteuse, il faudra encore quelques années pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8080540/">trouver une solution optimale visant à régénérer les cellules cardiaques</a>.</p>
<p>Mais à l’avenir, cette approche pourrait révolutionner les traitements de l’ICA : en plus d’augmenter l’éligibilité des patients, cette thérapie pourrait permettre une prise en charge de l’insuffisance cardiaque à des stades plus précoces, évitant l’évolution de la pathologie vers le stade avancé. Certaines start-up (CellProthera, Cardio3 BioScience par exemple) se positionnent d’ores et déjà sur le secteur. Affaire à suivre donc…</p>
<hr>
<p><em>Robin Pointet, étudiant du Master Intelligence économique de l’université de Bordeaux, a également contribué à la conception et à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191606/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’insuffisance cardiaque touche 2,3 % de la population française et, à un stade avancé, son issue est mortelle. Greffe, dispositif artificiel, biotechnologie… Où en sont les pistes de traitement ?Marie Coris, Enseignant-chercheur économie de l’innovation, laboratoire GREThA, Université de BordeauxPierre Dos Santos, Professeur des Universités en physiologie à l'Université de Bordeaux et Praticien Hospitalier en Cardiologie au CHU, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1849802022-07-04T13:45:46Z2022-07-04T13:45:46ZGreffe de pancréas : un pas de plus vers la guérison du diabète de type 1<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/471220/original/file-20220627-26-thwv4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C998%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plusieurs articles scientifiques font maintenant état des résultats positifs et des conséquences à long terme d’une transplantation pancréatique pour guérir le diabète.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il y a 100 ans, le diabète de type 1 était synonyme de mort certaine. Malgré l’amélioration des soins de santé, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2088852">l’espérance de vie des personnes qui en sont atteintes est raccourcie d’une douzaine d’année</a>.</p>
<p>La découverte de l’insuline pour <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/decouverte-de-linsuline">contrôler la maladie, en 1921</a>, a changé la vie de millions de personnes. Mais une mauvaise administration de ce médicament peut encore causer des ravages, comme le démontre le <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/726978/libre-opinion-appel-a-l-empathie-pour-ceux-qui-comme-karim-ouellet-sont-atteints-du-diabete-de-type-1">drame vécu par le chanteur Karim Ouellet, décédé en novembre dernier</a>.</p>
<p>Les chercheurs se tournent désormais vers la greffe de pancréas pour guérir le diabète. Et les résultats sont très prometteurs.</p>
<p>En tant que doctorante en biologie moléculaire et diabétique de type 1, j’ai un intérêt insatiable envers le <a href="https://www.facebook.com/la.scientifique.diabetique/">partage de connaissances scientifiques liées au diabète</a>.</p>
<h2>Des îles productrices d’insuline</h2>
<p>À quoi est dû le <a href="https://www.diabete.qc.ca/fr/comprendre-le-diabete/tout-sur-le-diabete/types-de-diabete/le-diabete-de-type-1/">diabète de type 1</a> ? En quelques mots, il se développe lorsque le <a href="https://www.familiprix.com/fr/psst/3-maladies-du-systeme-immunitaire">système immunitaire s’attaque à des amas de cellules</a>, nommés îlots. <a href="https://doi.org/10.1038/srep14634">Le pancréas compte près de trois millions d’îlots</a> producteurs d’insuline. Cette hormone est produite lorsque la quantité de sucre dans le sang s’élève, ce qui se produit après avoir mangé des bonbons, par exemple. Afin de stabiliser la quantité de sucre qui circule dans le sang, l’insuline va transférer ce sucre aux organes pour leur fournir de l’énergie ! Sans insuline, les organes très demandant en énergie, comme le cerveau, ne peuvent pas être nourris et donc ne peuvent pas fonctionner correctement.</p>
<p>Au contraire, dans le cas du <a href="https://www.diabete.qc.ca/fr/comprendre-le-diabete/tout-sur-le-diabete/types-de-diabete/le-diabete-de-type-2/">diabète de type 2</a>, le pancréas s’épuise à force de produire trop souvent de l’insuline, qui devient défectueuse. Le sucre peut alors s’accumuler en grande quantité dans le sang, peu importe le type de diabète. À long terme, cela peut provoquer des dommages aux organes (reins, foie, os, yeux), aux vaisseaux sanguins et aux nerfs, ce qui entraîne de graves problèmes de santé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À gauche, un pancréas en santé qui produit beaucoup d’insuline. À droite, un pancréas détruit chez une personne atteinte de diabète de type 1 qui ne produit presque plus d’insuline. Chez une personne atteinte de diabète de type 2, le pancréas s’épuise et produit de l’insuline défectueuse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maria Galipeau), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que l’insuline soit couramment utilisée afin de contrôler le diabète, elle a des <a href="https://caf.novonordisk.ca/content/dam/Canada/AFFILIATE/caf-novonordisk-ca/OurProducts/documents/novorapid-product-monograph.pdf">effets secondaires indésirables</a> à ne pas négliger dont la prise de poids, une diminution de l’espérance de vie et le coma diabétique.</p>
<p>Il arrive même qu’une personne atteinte de diabète ait des taux de sucre très bas ou très élevés potentiellement mortels, comme en a été victime Karim Ouellet. L’injection d’insuline est ainsi limitée comme traitement à long terme pour contrôler le diabète. La greffe de pancréas offre l’espoir d’une vie sans multiples injections d’insuline quotidiennes.</p>
<p>L’approche consiste à isoler un pancréas sain chez une personne récemment décédée, ou une partie du pancréas d’une personne vivante, et le greffer dans le foie d’une personne atteinte de diabète.</p>
<h2>Des greffes qui ne datent pas d’hier</h2>
<p>Le 17 décembre 1966, les chirurgiens américains Dr Lillehei et Dr Kelly ont réalisé la <a href="https://doi.org/10.1016/j.cireng.2017.02.002">toute première greffe de pancréas chez l’humain</a>. À l’époque, les patients devaient recommencer à s’injecter de l’insuline dès six jours après la greffe. Quelques problèmes de santé survenaient également à la suite de la chirurgie, allant de l’inflammation du pancréas jusqu’à la mort des patients.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À gauche, Dr William Kelly avec le premier receveur d’une greffe. À droite, Dr Richard Lillehei.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Image tirée de la revue « CIRUGÍA ESPAÑOLA »</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est dans l’objectif de perfectionner et de simplifier les méthodes de greffe de pancréas que le <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT00014911">protocole d’Edmonton</a> a vu le jour, en mars 1999. <a href="https://www.ualberta.ca/medicine/about/people/details.html">Le docteur James Shapiro</a>, professeur de chirurgie et d’oncologie à l’Université d’Alberta, dirige l’équipe qui a mis au point cette procédure révolutionnaire pour traiter les personnes atteintes de diabète de type 1. Les <a href="https://www.thelancet.com/journals/landia/article/PIIS2213-8587(22)00114-0/fulltext?dgcid=raven_jbs_etoc_feature_landia">résultats de leur plus grande étude</a> jamais réalisée sur la greffe de pancréas est parue en mai 2022.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La greffe de pancréas consiste à isoler les îlots du donneur sain et de les greffer dans le foie du patient atteint de diabète de type 1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maria Galipeau), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette étude d’envergure, réalisée à l’hôpital de l’Université d’Alberta, décrit les résultats à long terme (1999-2019) chez 255 patients atteints de diabète de type 1 âgés de plus de 18 ans. Les chercheurs ont innové en ajoutant deux <a href="https://www.familiprix.com/fr/articles/medicaments-immunosuppresseurs">médicaments immunosuppresseurs</a> pendant les deux semaines suivant la greffe. Les immunosuppresseurs empêchent la destruction de l’organe greffé en bloquant le système immunitaire du receveur de greffe. Pour certaines personnes, de trois à cinq greffes de pancréas additionnelles sont nécessaires afin d’assurer la survie du nouvel organe chez les patients.</p>
<h2>Une lueur d’espoir pour les patients</h2>
<p>Malgré que les pancréas greffés semblent bien se porter un an après la première greffe, la survie du nouveau pancréas diminue après cinq ans et baisse considérablement après 20 ans. Certains patients ont dû reprendre de très faibles doses d’insuline après la greffe. Mais bonne nouvelle : après deux greffes de pancréas, quatre patients sur cinq peuvent complètement arrêter les injections d’insuline après un an.</p>
<p>Bien que ces résultats soient très prometteurs, les patients doivent prendre des immunosuppresseurs durant toute leur vie à la suite de la greffe, ce qui peut entraîner des cas de cancers de la peau, des infections et des <a href="https://doi.org/10.2165/00128072-200103010-00004">retards de croissance chez l’enfant</a>. Voilà pourquoi la <a href="http://dx.doi.org/10.1136/adc.88.7.591">greffe de pancréas n’a pas été réalisée à ce jour chez les enfants et les adolescents diabétiques</a>.</p>
<p>Or, les nouveaux immunosuppresseurs utilisés dans le protocole d’Edmonton sont sans stéroïdes, ce qui minimise l’impact sur la croissance et le développement des enfants. Chez l’adulte, ces nouveaux <a href="https://doi.org/10.1097/01.tp.0000287117.98785.54">immunosuppresseurs</a> diminuent les risques de maladies cardiovasculaires, de rejet et d’infections après la greffe de pancréas.</p>
<p>Bien que cette thérapie ne soit pas parfaite, elle permet d’améliorer la qualité de vie des patients. À l’heure actuelle, de nombreuses facettes de la greffe de pancréas font l’objet d’études dans l’optique de favoriser son succès : l’élargissement du bassin de donneurs de pancréas, l’optimisation du site de la greffe et le développement de thérapies à base de <a href="https://www.hema-quebec.qc.ca/cellules-souches/savoir-plus/cellules-souches.fr.html">cellules souches</a>. Ces dernières, lorsqu’elles sont dérivées du propre sang d’un patient, permettraient d’éliminer l’usage d’immunosuppresseurs durant toute la vie.</p>
<p>Grâce aux progrès rapportés par l’équipe du protocole d’Edmonton, les patients atteints de diabète de type 1 peuvent garder espoir qu’une thérapie plus durable verra le jour dans un futur rapproché.</p>
<hr>
<p><em>Un grand merci à Étienne Aumont, qui a révisé cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184980/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Galipeau a reçu des financements de FRQS. </span></em></p>Une nouvelle étude présente les résultats à long terme d’une greffe de pancréas pour traiter les personnes atteintes de diabète de type 1. La guérison du diabète est peut-être à portée de la main.Maria Galipeau, Doctorante en biologie moléculaire, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1750812022-01-19T18:30:48Z2022-01-19T18:30:48ZCœur transplanté : un humain est-il l’équivalent de 1 000 cochons ?<p>Depuis le 7 janvier 2022, David Bennett, un Américain de 57 ans atteint d’une insuffisance cardiaque, vit avec un <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/2022/01/220110183051.htm">cœur de cochon génétiquement modifié</a>.</p>
<p>Cette transplantation du cœur d’une autre espèce (ou xénogreffe) est historique car elle emploie l’organe d’un animal dont le patrimoine génétique a été spécialement modifié pour qu’il devienne compatible avec l’espèce humaine et ainsi minimiser les risques de rejet.</p>
<p>Au-delà de la <a href="https://www.trtworld.com/magazine/nyt-report-on-pig-heart-recipient-s-criminal-record-criticised-53648">prouesse médicale</a> à plus d’un million de dollars, cette nouvelle greffe ne laisse pas indifférent. L’association animaliste internationale PETA, citée par <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/01/11/un-c-ur-de-porc-transgenique-a-ete-greffe-chez-un-humain_6109068_1650684.html">le <em>Monde</em> du 13 janvier</a>, a déclaré : </p>
<blockquote>
<p>« Les animaux ne sont pas des cabanes à outils que l’on peut piller, mais des êtres complexes et intelligents. »</p>
</blockquote>
<p>Toutes proportions gardées, ce transfert d’organe vital fera écho pour certains au film dystopique de Michael Bay <em>The Island</em>, dans lequel deux personnages interprétés par Scarlett Johansson et Ewan Mc Gregor cherchent à sauver leur peau en s’enfuyant d’un univers où des humains sont clonés à la chaîne pour constituer les réservoirs d’organes de richissimes bénéficiaires.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EiBZakZa0TY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Dans le film <em>The Island</em>, des clones sont créés spécialement pour prélever leurs organes.</span></figcaption>
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<p>S’il est outrageant d’imaginer que certains individus deviennent les pièces de rechange de leurs congénères (ce serait le cas dans <a href="https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27167">certaines régions du monde</a>), la question de l’utilisation d’animaux à cette fin ne peut laisser entièrement indifférent.</p>
<h2>Coeur, valves, peau, tout est bon dans le cochon</h2>
<p>Un chirurgien de l’Hôpital général du Massachusetts à Boston, spécialiste des <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-00111-9">transplantations</a>, estimait que l’on pourrait davantage apprendre de quatre patients humains reçeveurs de cœurs de cochons que de <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-07419-5">40 babouins transplantés</a> de la même manière, car cela permettrait d’en tirer des conclusions plus transférables à la médecine humaine.</p>
<p>Les enjeux vitaux pour les individus impliqués dans ces expériences médicales pionnières sont évidemment différents, puisque dans le cas de la récente transplantation, le patient était condamné (dans le sens médical mais aussi pénal du terme : suite à une agression à l’arme blanche qui a paralysé à vie sa victime, il a écopé de 10 ans de prison).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0Pmu4XtUYzw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Opération expérimentale et première mondiale, un homme s’est fait transplanté un cœur de porc génétiquement modifié.</span></figcaption>
</figure>
<p>En outre, David Bennett était volontaire, question qu’il semblerait saugrenu de se poser concernant les cochons (ou les babouins).</p>
<p>L’utilisation des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S174391911500374X">valves cardiaques de cochons</a> pour équiper les cœurs humains défaillants ou celle de leur <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1972-un-pansement-de-peau-de-porc-pour-soigner-les-grands-brules">peau pour soigner les grands brûlés</a> étant pratiquées depuis un demi-siècle, nous sommes déjà habitués à l’idée que ceux-ci représentent nos pièces de rechange, malgré les preuves que nous avons de leur <a href="https://www.psychologytoday.com/us/blog/animal-emotions/201506/pigs-are-intelligent-emotional-and-cognitively-complex">intelligence et leurs émotions</a>.</p>
<p>Mais avec la remarquable greffe d’un cœur entier, l’interrogation éthique est à nouveau d’actualité.</p>
<p>Dans son livre <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_bonobo,_Dieu_et_nous-443-1-1-0-1.html"><em>Dieu, le bonobo et nous</em></a>, l’influent primatologue Franz de Waal osait une question vertigineuse : « une personne est-elle l’équivalent de mille souris ? ».</p>
<p>Pour comprendre comment les humains résolvent ce genre d’interrogation, des chercheurs ont adapté une expérience de pensée classique : le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dilemme_du_tramway">dilemme du tramway</a>, imaginé par la philosophe Filippa Foot durant les années 1960, et devenu en quelques années une <a href="https://www.theatlantic.com/entertainment/archive/2017/10/how-the-good-place-goes-beyond-the-trolley-problem/543393/">référence dans la culture populaire</a>.</p>
<h2>Le dilemme du tramway, mais avec des animaux</h2>
<p>Imaginez la situation suivante (dessin ci-dessous) : un tramway est en train de foncer sur un ouvrier qui travaille sur une voie, et si vous n’actionnez pas un levier d’aiguillage qui se trouve devant vous, il périra écrasé. Cependant, si vous détournez le tramway pour épargner l’ouvrier, le véhicule heurtera les dix chiens qui se trouvent sur l’autre voie. Que faites-vous ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dessin représentant le dilemme du tramway" src="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le dilemme du tramway avec des victimes canines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">présenté dans Bègue-Shankland, L. (2022). Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences. Paris : Odile Jacob, droits réservés</span></span>
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</figure>
<p>Le pourcentage de participants qui décident de sauver les dix chiens (et sacrifient donc l’humain) est exactement de 31 %.</p>
<p>Mais remplacez ces 10 chiens par 10 pigeons, et il fait peu de doutes que le <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0168184">pourcentage se rapprochera de zéro</a>. Mettez-y maintenant des humains et il avoisinera les 100 %.</p>
<h2>Empathie bien ordonnée commence par son espèce</h2>
<p>L’un des aspects qui éclaire le choix du sacrifice de tel ou tel animal est la proximité de son espèce avec la nôtre. Une équipe du Muséum national d’histoire naturelle de Paris a mis en évidence combien <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-56006-9">l’empathie humaine</a> envers les animaux est sélective et hiérarchisée.</p>
<p>Les chercheurs ont présenté à 3 500 participants les photographies de 52 espèces représentatives de la diversité du vivant (47 espèces animales, quatre plantes et un champignon). On leur présentait des paires de photos avec, à chaque fois, deux espèces différentes. Ils devaient choisir celle pour laquelle ils pensaient pouvoir le plus ressentir des émotions, et, en cas de danger de mort, celle qu’ils sauveraient en priorité. Les résultats ont montré que plus le moment de séparation au cours de l’évolution d’une espèce donnée avec l’humain était ancien, plus l’empathie qu’elle suscitait déclinait. La distance évolutive et la ressemblance morphologique étant reliées, l’empathie semblait donc découler de l’existence de traits physiques évocateurs de similarité avec l’être humain.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’empathie et la compassion pour les espèces animales est reliée à leur distance évolutive par rapport aux humains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adapté de Miralles et coll., 2019, dans Bègue-Shankland, L., _Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences_ (2022).</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La logique de l’empathie pour les animaux découle aussi du statut qui leur est accordé dans une société donnée. En contexte occidental, il est probable que si le cœur transplanté appartenait à un chien, les réactions du public seraient fort différentes (mais non dans certains pays d’Asie, où ils sont au menu). Nos préférences pour les espèces qui entrent dans nos maisons relèvent d’une logique purement <a href="https://psycnet.apa.org/record/2020-78374-004">affective</a> et culturelle. Si l’on incite les individus qui doivent résoudre le dilemme à « penser de manière émotionnelle », ils ont alors tendance à intensifier leur préférence pour des animaux familiers comme le chien plutôt que d’autres comme le cochon.</p>
<h2>La géométrie variable du « tu ne tueras point »</h2>
<p>Imaginons maintenant que l’on remplace le levier d’aiguillage de l’expérience du tramway par un procédé bien plus expéditif : si vous poussez un <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691154022/would-you-kill-the-fat-man">gros monsieur</a> qui stationne à ce moment-là sur un pont surplombant la voie, son corps massif stoppera net la course infernale du tramway, et vous aurez sauvé plusieurs humains qui allaient périr sur les rails.</p>
<p>Dans ce cas, les réactions s’inversent : près de 90 % des gens répugnent à précipiter l’homme sur la voie. Même si cela est purement imaginaire, être soi-même physiquement impliqué dans un homicide semble trop difficile à assumer.</p>
<p>Dans cette situation et selon des études de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11557895/">neuro-imagerie</a>, les émotions sont plus intenses que celles qui affleurent dans la version « aiguillage ». Ce qui semble pourtant s’imposer numériquement (sauver le maximum de vies) apparaît complètement inadmissible pour presque tout le monde.</p>
<p>La règle absolue « Tu ne tueras point » occupe tout l’espace mental. Certains participants se rappellent peut-être même des fragments de leurs cours de philosophie du lycée, comme cette fameuse formule d’Emmanuel Kant qui nous commande de ne jamais utiliser autrui « simplement comme un moyen ».</p>
<p>Mais imaginons maintenant qu’il s’agisse de sauver des singes, et que l’on remplace le gros monsieur par un gros singe.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une adaptation de la version « pont » du dilemme du tramway dans laquelle les victimes sont des singes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(extrait de Bègue-Shankland, L. (fév. 2022). Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences. Paris : Odile Jacob, droits réservés)</span></span>
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<p>Dans ce cas, on observe que la majorité des personnes interrogées est prête à faire de l’animal un simple moyen pour sauver d’autres singes. Ainsi, avec les animaux, tenus pour complètement interchangeables, le principe d’utilité ne nous choque plus tellement.</p>
<p>Il ne heurtait pas Kant non plus, qui déclarait que « les animaux n’ont pas conscience d’eux-mêmes et ne sont par conséquent que des moyens en vue d’une fin ». Le philosophe ajoutait même : « cette fin est l’homme ». Des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797620960398?journalCode=pssa">études</a> menées par une équipe de chercheurs d’Oxford ont montré que la possibilité de sacrifier le membre d’une espèce pour en sauver plusieurs autres est fonction de la valeur que les humains attribuent aux espèces en question. Par exemple, nous préférons sacrifier un cochon pour sauver dix cochons que sacrifier un chien pour en sauver dix autres.</p>
<h2>Les enfants prennent plus en compte le nombre d’êtres vivants dans la balance</h2>
<p>L’équipe d’Oxford s’est aussi intéressée aux évolutions du favoritisme pour les humains selon l’âge des participants. À travers plusieurs études, il est ressorti que la priorité que les adultes donnent à leur espèce n’était absolument pas en vigueur chez les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0956797620960398">enfants</a> âgés de 5 à 9 ans.</p>
<p>Qu’il s’agisse de cochons ou de chiens, les plus jeunes prennent davantage en compte le nombre d’êtres vivants dans la balance. Alors que près de 60 % des adultes préfèrent sauver un humain plutôt que 100 chiens, près de 70 % des enfants donnent la priorité aux 100 chiens. Lorsqu’une vie canine et une vie humaine sont en jeu, 35 % des enfants choisissent l’humain, 28 % donnent la priorité au chien et les autres n’arrivent pas à prendre parti. Dans la même situation, 85 % des adultes optent pour l'humain et 8 % font l’inverse. Si l’on remplace le chien par un cochon, 57 % des enfants donneront la priorité à l’humain, 18 % au cochon et les autres ne se prononcent pas. Dans le même cas de figure, 93 % des adultes choisissent l’humain et seulement 3 % sauvent la vie du cochon.</p>
<p>Dans le cas de la transplantation cardiaque, on peut présumer que les chirurgiens Bartley Griffith et Muhammad Mohiuddin, les auteurs de l’exploit médical, ne manquaient pas d’empathie pour leur malade, mais en avaient beaucoup moins pour le cochon.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.inserm.fr/modeles-animaux/qu-est-regle-3-r/">règles d’éthique médicale</a> qui s’appliquent à l’usage des animaux dans la recherche, leur diminution et leur remplacement par des méthodes alternatives est nécessaire.</p>
<p>Tout en souhaitant longue vie à l’Américain au cœur désormais porcin, on peut donc également espérer que l’entreprise française Carmat parviendra rapidement à faire fonctionner son fameux <a href="https://www.20minutes.fr/sante/3204319-20211223-ur-artificiel-carmat-identifie-origine-probleme-qualite">cœur artificiel</a>. Cela assombrirait un peu moins l’avenir des cochons, et permettrait l’heureuse application d’un aphorisme peut-être pas si bête de Coluche : « Ne fais pas aux truies ce que tu ne voudrais pas qu’elles te fassent ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France (IUF).</span></em></p>Début 2022, un homme s’est fait transplanter un cœur de cochon. L’opération est un succès mais pose de sérieux problèmes éthiques. Doit-on sacrifier des animaux pour sauver des humains ?Laurent Bègue-Shankland, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA). Dernier ouvrage : Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos contradictions. Odile Jacob, février 2022, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1752182022-01-19T18:30:47Z2022-01-19T18:30:47ZBioéthique : cœur de porc greffé sur un homme, quand les technologies abolissent les limites du vivant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441602/original/file-20220119-17-csm44a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C36%2C6016%2C3971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’équipe de l’école de médecine de l'université du Maryland, à Baltimore (États-Unis), implante un cœur de cochon génétiquement dans la poitrine de David Bennett, 57 ans. </span> <span class="attribution"><span class="source">École de médecine de l'université du Maryland</span></span></figcaption></figure><p>Au moment où il est tant question, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de vaccins à ARN messager, <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">la transplantation d’un cœur de porc sur un Américain âgé de 57 ans</a>, le 7 janvier 2022 à l’École de médecine de l’Université du Maryland (États-Unis), éclaire d’autres champs de la recherche biomédicale. </p>
<p>Cette innovation scientifique chirurgicale est démonstrative d’une capacité d’intervention sur l’être humain qui, au-delà de la prouesse technologique, reconfigure les repères dans la relation interespèces, non seulement d’un point de physiologique, mais aussi dans une approche anthropologique.</p>
<h2>Tentatives d’approches chirurgicales disruptives et spectaculaires</h2>
<p>Quelques repères historiques permettent de mieux comprendre l’évolution des pratiques de greffes d’organes, dans une première phase à partir de donneurs vivants ou de cadavres.</p>
<ul>
<li><p>Le 23 décembre 1954, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/joseph-edward-murray/">Joseph Edward Murray</a> réalise la première greffe de rein sur des jumeaux monozygotes (« vrais » jumeaux) au Brigham and Women’s Hospital de Boston (États-Unis). En 1990, le Prix Nobel de physiologie ou médecine lui sera attribué, notamment pour ses recherches <a href="https://www.frm.org/recherches-autres-maladies/greffes/greffes-vers-une-nouvelle-generation-d-immunosuppresseurs">ayant permis de développer les immunosuppresseurs</a>, utilisés pour contrer le processus physiologique de rejet du greffon ; </p></li>
<li><p>En 1966, une greffe de pancréas est réalisée avec succès à Minneapolis ;</p></li>
<li><p>En 1967 Christiaan Barnard réalise à Cap Town (Afrique du Sud) la 1<sup>re</sup> greffe de cœur. La même année, à Denver (États-Unis) une greffe de foie permet une survie de 13 mois ;</p></li>
<li><p>En 2000, une double greffe de deux mains et avant-bras est réalisée à Lyon ; </p></li>
<li><p>En 2005, une étape supplémentaire est franchie, avec la greffe partielle d’un visage à Amiens (tant en ce qui concerne le bénéficie direct du receveur que les aspects d’ordre anthropologique, les controverses ont été vives).</p></li>
</ul>
<p>Parallèlement à ces transplantations entre êtres humains, le recours à des organes animaux ou à des organes artificiels connaît également une phase expérimentale. En 1984, un enfant survit 21 jours avec un cœur de babouin ; le 19 juillet 2021 la 1<sup>re</sup> implantation commerciale d’un cœur artificiel a lieu en Italie ; en octobre 2021 la greffe d’un rein de porc génétiquement modifié est poursuivie pendant 3 jours <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/19/health/kidney-transplant-pig-human.html">sur une personne en état de mort cérébrale</a>.</p>
<p>Ces tentatives d’approches chirurgicales disruptives et spectaculaires, visant à explorer les différentes voies du possible afin de repousser la fatalité d’un dysfonctionnent organique, ne pouvaient que susciter, par leur nature même, des dilemmes éthiques. Ces derniers s’ajoutent à la complexité de l’acte chirurgical, à partir des conditions du prélèvement jusqu’à celles de la réalisation de la greffe.</p>
<h2>Des pratiques sujettes à controverses</h2>
<p>La chirurgie de la greffe a notamment bénéficié des premiers acquis de la réanimation médicale intervenant « aux frontières de la vie », ainsi que des avancées en immunologie. Elle a de ce fait suscité nombre de controverses relatives à l’intervention du médecin en situation extrême et aux transgressions parfois assimilées à ce qu’il convenait de dénoncer comme de « l’acharnement thérapeutique ».</p>
<p>Dans les années 1970, la greffe d’organes a ainsi suscité à la fois espoirs et critiques. En cause, l’origine des greffons utilisés, prélevés sur des cadavres (le terme d’« état de mort encéphalique » semble aujourd’hui plus approprié). Sur la scène publique, cette innovation scientifique apparaissait alors, de par sa force symbolique, comme une forme de transgression anthropologique, voire d’enfreinte à la dignité humaine. </p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000699407/">loi n°76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes</a> avait alors provoqué sur le moment de vives controverses qui se sont estompées à mesure que les techniques de la greffe se sont intégrées aux pratiques conventionnelles de la chirurgie (elle sera abrogée par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, revue dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384">loi n°2021-2017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique</a>). </p>
<p>Dans les temps pionniers de la greffe (les premières transplantations réussies <a href="https://www.inserm.fr/dossier/transplantation-organes-greffe/">datent des années 1950</a>), on évoquait les risques de dérives dans l’exploitation du « corps pourvoyeur d’organes ». Un encadrement des pratiques a été prescrit <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006136059/">dans le Code civil</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. » </p>
</blockquote>
<p>De même, la non-patrimonialité du corps, l’anonymat et la gratuité se sont imposés dans les principes éthiques du don d’organes : </p>
<blockquote>
<p>« Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci. »</p>
</blockquote>
<p>Ces réticences morales, notamment à l’encontre de la « commercialisation du vivant », se sont estompées à travers le temps. Elles ont toutefois bénéficié en 2005 de la création de l’Agence de la biomédecine (ABM), dont la rigueur est reconnue dans le suivi scientifique et éthique de la stratégie de la greffe d’organes et de tissus. Cette dernière fait l’objet, depuis l’année 2000, d’un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_2017%202021_pour_la_greffe_d_organes_et_de_tissus.pdf">plan national</a>. </p>
<p>Au plan international, les risques inhérents au <a href="https://www.edqm.eu/sites/default/files/position_paper_-_illicit_and_unethical_activities_with_human_tissues_and_cells_-_november_2018.pdf">« trafic d’organes »</a> » ou à des prélèvements qui seraient pratiqués sur les cadavres de condamnés à mort ont justifié la rédaction de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humain (<a href="https://rm.coe.int/16802e7acd">Convention de Compostelle, 25 mars 2015</a>), ainsi que de l’intéressante proposition de loi visant à garantir <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3316_proposition-loi">le respect du don d’organes par nos partenaires non européens</a>. </p>
<p>Dernière innovation témoignant d’évolutions dans l’acceptabilité sociétale des capacités d’interventions biomédicales notamment pour pallier la pénurie de greffons, la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 instaure le recours au <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043895648#:%7E:text=Version%20en%20vigueur%20depuis%20le%2004%20ao%C3%BBt%202021&text=I.,p%C3%A8re%20ou%20m%C3%A8re%20du%20receveur.">« don croisé d’organes »</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Le don croisé d’organes consiste pour un receveur potentiel à bénéficier du don d’une autre personne qui a exprimé l’intention de don et également placée dans une situation d’incompatibilité à l’égard de la personne dans l’intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en application du I, tandis que cette dernière bénéficie du don d’un autre donneur. Pour augmenter les possibilités d’appariement entre les donneurs et les receveurs engagés dans un don croisé et en substitution au prélèvement de l’un des donneurs vivants, il peut y avoir recours à un organe prélevé sur une personne décédée, dans les conditions fixées à l’article L. 1232-1. »</p>
</blockquote>
<p>Le recours à l’animal et plus encore <a href="https://www.inserm.fr/dossier/cellules-souches-pluripotentes-induites-ips/">aux cellules souches pluripotentes induites</a> (<em>résultant de la transformation artificielle de cellules adultes, ces cellules « immatures » sont capables de redonner n’importe quelle sorte de cellules de l’organisme, ndlr</em>) poserait en des termes différents l’approche éthique des technologies de la greffe d’organes et de tissus.</p>
<h2>Ce que les technologies biomédicales rendent possible</h2>
<p>Il pourrait être admis a priori que les technologies développées pour parvenir à la conception d’organes artificiels solliciteraient moins directement la réflexion éthique que les prélèvements sur cadavre ou à la suite de « l’humanisation » d’un animal (<em>approche consistant, grâce à des techniques d’édition du génome, à rendre un organe animal « compatible » avec l’être humain, en éliminant notamment certains gènes produisant des molécules impliquées dans les mécanismes de rejet, ndlr</em>). </p>
<p>Le débat mérite cependant d’être engagé tant du point de vue de nos représentations de l’intégrité humaine au regard de la « barrière des espèces », que de cette forme de solidarité inédite entre l’animal et l’être humain, solidarité qui est l’un des marqueurs moraux évoqués depuis les premiers prélèvements et dons d’organes entre humains à des fins thérapeutiques.</p>
<p>Les critères qui ont prévalu pour engager l’expérimentation de la greffe d’un cœur de porc en janvier 2022 sont l’absence de tout recours thérapeutique pour la personne bénéficiaire consentante, les avancées dans l’acquisition des savoirs relatifs aux xénotransplantations et le contexte de pénurie de greffons qui pourrait justifier, dans ce domaine aussi, des audaces qui ont souvent servi les avancées scientifiques. C’est notamment <a href="https://ansm.sante.fr/vos-demarches/professionel-de-sante/demande-dautorisation-dacces-compassionnel">au titre de traitement compassionnel</a> que la Food and Drug Administration (FDA) avait donné son accord à cette expérimentation.</p>
<h2>Les xénotransplantations, continuité ou rupture ?</h2>
<p>La question doit être posée : à quels enjeux nous confronte l’évolution des pratiques dans le champ de la greffe d’organes, jusqu’à ce recours aux organes d’animaux afin de pallier la pénurie de greffons humains ? </p>
<p>Si, depuis 1923, des laboratoires produisent de l’insuline à partir de pancréas de bœufs et de porcs, et que l’utilisation des valves cardiaques prélevées sur des porcs est de pratique courante, se situe-t-on dans la continuité de ces approches thérapeutiques ou en rupture ? S’il n’a jamais été anodin de bénéficier d’un organe prélevé sur un cadavre, qu’en est-il du cœur d’un animal, alors qu’est du reste attachée à cet organe une valeur symbolique spécifique ?</p>
<p>En décembre 2020, dans son <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/ripg_2020_def.pdf">Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques</a>, L’Agence de la biomédecine a anticipé les évolutions actuelles :</p>
<blockquote>
<p>« Avec la production des porcs spécifiques, la xénogreffe a sans doute franchi un cap et on observe aujourd’hui des survies de greffes porc/babouins pouvant aller jusqu’à 9 mois. Des chercheurs chinois ont affirmé être en capacité de passer à l’étape humaine si les autorités leur permettaient. Des essais cliniques avec utilisation de cellules porcines se profilent ainsi d’ores et déjà à court terme pour des îlots de Langerhans chez des patients diabétiques, ou en greffe de cornée. » </p>
</blockquote>
<p>Dans ce document très argumenté, l’ABM constatait : </p>
<blockquote>
<p>« En 1993 a émergé l’idée que la suppression chez le porc de la cible majeure (Gal) de la réponse par les anticorps humains permettrait de réduire le risque de rejet humoral. Dès 2002, des porcs appelés “Gal-KO” chez qui l’enzyme avait été invalidée ont vu le jour. Actuellement, une vingtaine de cibles antigéniques sont potentiellement modifiables sur une trentaine connue. » </p>
</blockquote>
<p>Les évolutions intervenues en 2012 dans le champ de la génétique <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau">avec le développement de la technologie d’édition du génome CRISPR-Cas-9</a> se sont avérées déterminantes. En 2022, c’est en effet <a href="https://theconversation.com/crispr-comment-ca-marche-158581">cette technique</a> qui a permis à la fois d’intégrer au génome du porc six gènes humains favorisant la compatibilité immunitaire avec le receveur, et d’en supprimer trois. Cette modification organique du porc devrait prévenir tout risque de rejet, mais aussi de zoonose. Rappelons que dans les années 1990, les recherches relatives aux xénogreffes avaient été interrompues <a href="https://www.inserm.fr/dossier/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob/">par l’émergence de la maladie de Creutzfeldt-Jacob</a> dans un contexte de contaminations interespèces.</p>
<h2>Mieux envisager l’éthique de nos interventions sur l’animal</h2>
<p>En résonnance aux avancées technologiques dans les xénogreffes, on ne peut pas s’empêcher d’évoquer le débat relatif à la production de chimères interespèces autorisée dans la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (article 20) <a href="https://presse.inserm.fr/chimeres-inter-especes/42157/">à des fins de recherche sur l’embryon</a>. Comme si se diluait progressivement, à travers des reconfigurations génétiques, ce qui était distinctif de l’humain au regard de l’animal, et que, d’une certaine manière, se dévoilait une étrange proximité qui justifierait d’être mieux caractérisée. </p>
<p>Cette forme d’altérité pourrait du reste inciter à mieux envisager les règles d’une vigilance éthique dans nos interventions sur l’animal. Du point de vue de la singularité humaine et de ces solidarités interespèces qui émergent de l’innovation biomédicale, il me semble indispensable d’être davantage attentif <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00806908/document">aux réflexions philosophiques que développent les animalistes</a> : l’actualité scientifique leur confère, en ces circonstances, une pertinence qui mérite notre attention.</p>
<p>Autre considérations d’ordre anthropologique, de même que bénéficier du greffon issu d’un cadavre ou d’un donneur apparenté n’est pas anodin, dans son <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/ripg_2020_def.pdf">Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques</a>, l’ABM estime que : </p>
<blockquote>
<p>« De nombreuses questions demandent encore à être résolues avant une éventuelle application à l’homme. Au plan psychologique et éthique notamment, une étude menée auprès d’une centaine de patients greffés ou en attente de greffe a permis d’émettre certaines hypothèses quant à l’acceptabilité psychique d’une xénogreffe. […] Trois profils différents se sont dégagés parmi les patients interrogés : ceux qui acceptent sans condition l’idée d’une xénogreffe (45 %), ceux qui la refusent radicalement (30 %) et les patients qui posent des conditions (25 %). » </p>
</blockquote>
<p>Au-delà des effets d’annonce scientifique, il pourrait être justifié de créer les conditions d’un débat à ce propos au sein de la société, ainsi du reste qu’en ce qui concerne une autre évolution intervenue de manière pour le moins discrète dans les pratiques du prélèvement d’organes : celle du prélèvement d’organes après arrêt circulatoire suite à un arrêt des traitements, <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/Protocole-des-conditions-a-respecter-pour-realiser-des-prelevements-d-organes">le protocole « Maastricht 3 »</a>.</p>
<h2>De la greffe d’organes à la conception d’organoïdes</h2>
<p>Dernier élément à intégrer à nos réflexions, les innovations biomédicales relatives à la greffe concernent désormais la reconstruction d’organes à partir de cellules souches pluripotentes induites qui peuvent être ensemencées sur une matrice (comme ce fut le cas pour une bronche), mais également <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2020/02/msc200030/msc200030.html">produire des organoïdes</a> déjà expérimentés notamment dans l’approche des maladies rénales (<em>les organoïdes sont de petites structures tridimensionnelles produites à partir de cellules souches pluripotentes induites, qui reproduisent en partie l’architecture d’un organe, ndlr</em>).</p>
<p>Les enjeux et les promesses de la <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2006-4-page-474.htm">« médecine régénératrice »</a> sont évoqués depuis une vingtaine d’année, avec aujourd’hui des perspectives et des réalisations de nature à bouleverser les technologies de la vie et du vivant tant du point de vue de nos concepts que de celui de nos représentations.</p>
<p>D’autres questions éthiques spécifiques sont suscitées par les greffes de tissus cérébraux ainsi que la création d’<a href="https://www.recherche-animale.org/le-dilemme-ethique-des-mini-cerveaux">organoïdes de cerveaux humains</a>.
Promesse chirurgicale dont on ignore la destinée, en novembre 2017, le neurochirurgien italien Sergio Canavero annonçait publiquement l’imminence de l’expérimentation <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo17/promo17_G12/controverses-minesparistech.fr/groupe12/une-operation-aux-limites-de-lethique/index.html">d’une greffe de tête pratiquée sur deux cadavres</a> <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-casse-tete-juridique-de-la-greffe-de-tete_116518">à la Harbin Medical University</a>…</p>
<p>La réflexion bioéthique, on le constate, est confrontée à des innovations qui doivent être accompagnées de capacités d’innovations conceptuelles, à la fois en anticipation des évolutions et en accompagnement des équipes dans la mise en œuvre de leurs protocoles. Dans le cadre de son approche de la révision de la prochaine loi de bioéthique, le Parlement devrait favoriser avec l’<a href="http://www.senat.fr/opecst/">Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques</a> (OPECST) et les instances éthiques nationales la concertation indispensable à l’acceptabilité d’innovations disruptives d’ordres à la fois technologue, anthropologique, éthique et sociétal. En 1986, déjà, le philosophe Georges Canguilhem nous interpellait : </p>
<blockquote>
<p>« Innover ne va pas sans risque. Le risque jusqu’où ? Le risque admis par qui ? »</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin : <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4275/traite-de-bioethique-iv">« Traité de bioéthique »</a>, sous la dir. de E. Hirsch et F. Hirsch, éditions Eres.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La greffe d’un cœur de cochon dans une poitrine humaine est une prouesse biomédicale. Mais ce geste qui brouille les limites interespèces pose la question de l’accompagnement éthique des innovations.Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1752342022-01-19T18:30:46Z2022-01-19T18:30:46ZGreffe d’un cœur de porc chez un patient : ce que pourraient changer les xénotransplantations<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441586/original/file-20220119-15-8tjgcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C5997%2C3998&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un chirurgien de l’école de médecine de l'université du Maryland, à Baltimore (États-Unis), présente le cœur génétiquement modifié qui sera greffé à David Bennett.</span> <span class="attribution"><span class="source">École de médecine de l'université du Maryland</span></span></figcaption></figure><p><em>Le 10 janvier 2022, un communiqué de presse de l’École de médecine de l’Université du Maryland (États-Unis) annonçait <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">qu’un patient avait été opéré trois jours plus tôt pour recevoir un cœur de cochon génétiquement modifié</a>. Âgé de 57 ans et atteint d’une pathologie cardiaque en phase terminale, David Bennett Sr n’était pas éligible à une greffe classique. Il est devenu le premier être humain dont la vie pourrait avoir été sauvée grâce à une « xénotransplantation », autrement dit par la greffe d’un organe provenant d’un être vivant appartenant à une autre espèce. Professeur à l’Université de Paris et chef du service de chirurgie cardiaque à l’hôpital Bichat (AP-HP), Patrick Nataf revient sur les implications de cette prouesse technologique.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : En tant que chirurgien cardiaque, que vous inspire cette transplantation ? S’agit-il effectivement d’une prouesse médicale ?</strong></p>
<p><strong>Patrick Nataf :</strong> En matière de geste chirurgical, une telle opération diffère peu de celles que l’on met en œuvre régulièrement chez l’être humain. Tout chirurgien cardiaque qui pratique la transplantation sait greffer un cœur dans une autre poitrine. Que celui-ci provienne d’un autre être humain ou d’un cochon voire d’un primate n’est pas l’essentiel. Tant qu’il existe une compatibilité anatomique et morphologique, on peut techniquement transplanter l’organe.</p>
<p>La véritable prouesse n’est pas tant chirurgicale qu’immunologique. Quand on greffe un organe d’une espèce sur une autre, il est généralement immédiatement rejeté par le corps du receveur (son système immunitaire le reconnaît comme étranger et le détruit). Le problème n’est donc pas tant de réussir chirurgicalement la transplantation que d’éviter ce rejet hyperaigu.</p>
<p>C’est l’exploit auquel sont parvenus les spécialistes qui se sont occupés de ce patient. Ils ont pour cela utilisé un cœur provenant d’une lignée de cochon génétiquement modifiée produite par la société américaine Revivicor.</p>
<p><strong>TC : Sait-on quelles ont été les modifications apportées pour obtenir ce cœur de cochon « humanisé » ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> En consultant <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">les informations communiquées par l’Université du Maryland</a>, on apprend que le génome de l’animal a été modifié de plusieurs façons. Trois gènes ont été inactivés : ils codaient pour des enzymes impliquées dans la fabrication de sucres présents à la surface des cellules cardiaques (et impliquées dans les mécanismes de rejet). Par ailleurs, six gènes humains ont été insérés, en vue d’améliorer l’acceptation du greffon par le corps du patient.</p>
<p>Enfin, un dernier gène porcin a été inactivé, afin d’éviter une croissance trop importante du cœur de l’animal. Il faut savoir que chez l’être humain, le capital de cellules cardiaques est fixé dans l’enfance et n’augmente que très peu tout au long de l’existence. Durant la croissance les cellules cardiaques ne se multiplient que très modérément. Elles grossissent, surtout, et ce faisant donnent au cœur sa forme.</p>
<p>Les manipulations effectuées sur les cochons de Revivicor semblent avoir permis d’éviter le rejet hyperaigu. Reste maintenant à observer comment vont évoluer les choses. Après une greffe, il peut en effet se produire différents types de rejets : le rejet hyperaigu, qui est immédiat, le rejet aigu, qui survient une à plusieurs semaines après la transplantation, et le rejet chronique, qui survient plus de 6 mois (et parfois des années) après l’opération.</p>
<p>Dans le cas présent, il est encore trop tôt pour avoir des certitudes quant à ce qui va se passer ensuite. Le rejet interespèce a-t-il été uniquement retardé ? Définitivement évité ? Cette dernière éventualité est relativement peu probable : les modifications génétiques n’ont évidemment pas permis d’éliminer tous les motifs moléculaires qui, sur ce greffon d’origine animale, pourraient être perçus par le système immunitaire du patient comme « étranger », et donc mener à son élimination.</p>
<p>Les thérapeutiques immunosuppressives (médicaments destinés à éviter le rejet, en limitant voire supprimant la réponse immunitaire du patient) associées habituellement à la greffe devront être évaluées et adaptées à ce type de transplantation.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi les scientifiques ont-ils choisi le cochon plutôt, par exemple, qu’une espèce de primate ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Premièrement, parce qu’anatomiquement, le cœur du cochon ressemble beaucoup au cœur de l’être humain. Greffer cet organe ne pose pas vraiment de problème, car sa configuration est approximativement la même que celle de notre cœur. Deuxième point important : les cochons s’élèvent plus facilement que les primates, et ils ont des portées nombreuses, régulières. Enfin, c’est un animal qui grandit assez vite.</p>
<p>On peut donc obtenir rapidement des cœurs de différentes tailles, de volumes variés, adaptés aux morphologies des personnes que l’on doit opérer. Il s’agit là d’un atout majeur du cochon par rapport à d’autres animaux.</p>
<p><strong>TC : Pourrait-on imaginer de greffer d’autres organes que le cœur ? À la fin de l’année dernière, des chirurgiens américains avaient par exemple greffé avec succès <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/19/health/kidney-transplant-pig-human.html">un rein de cochon génétiquement modifié</a> sur un patient en état de mort cérébrale…</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Anatomiquement, on peut chirurgicalement envisager la greffe d’à peu près tous les organes. Cependant il faut souligner qu’il existe des formes de rejet spécifiques à chaque organe et que chaque organe a des fonctions différentes. De ce point de vue, la complexité immunologique et fonctionnelle n’est pas la même selon l’organe considéré. Ce peut être une des limites pour généraliser à tous les organes ce type de transplantation.</p>
<p><strong>TC : Au-delà des rejets, existe-t-il d’autres risques potentiels ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> On ne peut pas éliminer complètement le risque d’une contamination par un agent pathogène. Même si ces cochons sont élevés dans des laboratoires où les conditions sont strictement contrôlées, et que les cœurs utilisés sont censés être indemnes de tout agent pathogène, on ne peut pas affirmer que le risque est nul.</p>
<p>On pourrait par exemple imaginer que, même si les zoonoses (maladies se transmettant de l’animal à l’humain) que l’on connaît sont bien contrôlées, certaines maladies jusqu’ici non encore identifiées puissent se révéler après transplantation. Un peu comme ce qui s’est passé durant la crise de la vache folle pour les maladies à prions… Il faut d’ailleurs se souvenir que c’est cette crise sanitaire qui a mis un violent coup de frein à la recherche sur les xénotransplantations, qui, en matière de recherche, avait le vent en poupe dans notre pays jusqu’au début des années 1990.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi cette technologie a-t-elle été choisie pour ce patient ? N’y avait-il pas d’autre solution ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Le patient qui a reçu cette xénogreffe était maintenu en vie grâce à une assistance respiratoire extra-corporelle (extracorporeal membrane oxygenation – ECMO). En d’autres termes, son sang était pompé au moyen de canules puis mis en circulation après son passage dans une machine destinée à l’oxygéner. Les ECMO ne pouvant être utilisées que pendant un laps de temps limité, ce type de patient est prioritaire pour obtenir un greffon. Mais il n’est pas toujours possible de lui en procurer un, du fait de l’incapacité de trouver un greffon humain compatible morphologiquement ou immunologiquement, ou encore en raison d’une dégradation de son état général, avec des défaillances pouvant toucher d’autres organes. Dans ces conditions, il faut envisager d’autres solutions.</p>
<iframe title="New York Times Video -- Embed Player" width="100%" height="321" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen="true" marginheight="0" marginwidth="0" id="nyt_video_player" src="https://www.nytimes.com/video/players/offsite/index.html?videoId=100000008154365"></iframe>
<p>Le chirurgien peut alors choisir d’installer un ventricule artificiel, comme solution temporaire ou à titre définitif. Il peut aussi envisager la pose d’un cœur artificiel total, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/soigner/coeur-artificiel/le-coeur-artificiel-de-l-entreprise-francaise-carmat-a-ete-vendu-pour-la-premiere-fois_4708233.html">tel celui mis au point par l’entreprise française Carmat</a>, en attendant une transplantation. Mais ce type d’appareillage n’est pas disponible pour toutes les morphologies de patients, et il ne peut pas être utilisé systématiquement, cela dépend du type de défaillance observée. Par ailleurs, la pose de ces dispositifs n’est pas sans danger.</p>
<p>Outre les aléas liés à la chirurgie ou à la défaillance de la machine, il existe aussi des risques d’infection (les ventricules, par exemple, sont alimentés par des câbles qui sortent par la peau, et ces points peuvent s’infecter). Enfin, la qualité de vie des patients s’en ressent : ils doivent vivre en permanence avec une machine reliée soit à une prise de courant, soit à des batteries externes, ce qui limite leur autonomie.</p>
<p>Les xénogreffes pourraient constituer des organes de transition, voire de remplacement définitif. Si elles devenaient un jour largement disponibles, cela permettrait peut-être de limiter l’impact de la pénurie à laquelle nous faisons face, malgré une législation aujourd’hui très en faveur du prélèvement d’organe en cas de décès. Chaque année, en France, environ 800 patients attendent une greffe du cœur, mais seuls 400 sont transplantés, faute de greffons. Dans le cas des autres organes, environ 20 000 patients sont en attente d’une transplantation (de foie, poumons, rein, etc.). Seuls 5000 d’entre eux en recevront une, tandis que 1500 décéderont faute de greffon.</p>
<p><strong>TC : Mais quand bien même cette première chirurgicale se solderait par un succès, il ne s’agit pour l’instant que d’un premier essai. Cette technologie n’est pas près d’être démocratisée…</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Non. Mais surtout, les enjeux ne se limitent pas aux questions de disponibilité ou de faisabilité technique. Selon moi, le défi posé par les xénogreffes n’est pas seulement chirurgical, immunologique, ou infectieux. Il est avant tout éthique, psychologique et sociétal, et nécessite de prendre le temps de la réflexion.</p>
<p>Quel sera le niveau d’acceptation des xénogreffes par la population, les instances politiques, religieuses, les ONG, etc. ? Certes, on implante déjà en routine des valves cardiaques de porc pour remplacer celles, défectueuses, de certains patients. Mais annoncer à quelqu’un qu’on va lui greffer un cœur d’animal complet, en remplacement du sien, n’a probablement pas les mêmes implications psychologiques. Cela pourrait poser problème à certaines personnes. Et à l’heure où certains s’inquiètent de l’exploitation et de la souffrance des animaux, que penser de cette approche qui les instrumentalise ? Sans même parler du fait que ces animaux sont des organismes génétiquement modifiés, nécessitant de recourir à des technologies qui polarisent fortement les débats, elles aussi. Prendre le temps de se pencher sur toutes ces questions, importantes, est essentiel. Rappelons qu’à ses débuts, la transplantation cardiaque entre humains elle-même a été très décriée…</p>
<p>Mais au-delà de ces questions se pose aussi la place de la recherche française dans le paysage international. Aujourd’hui, dans le secteur des xénogreffes, et plus largement de la recherche sur la transplantation, la France est distancée par les États-Unis, la Chine, l’Allemagne ou le Japon, alors même que nos équipes de transplantation sont très performantes. Notre recherche doit rester compétitive. Pour cela, des investissements majeurs sont à prévoir afin de parvenir à regrouper toutes les compétences de haut niveau sur ce thème.</p>
<p>Une solution serait de créer un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/74-millions-d-euros-supplementaires-pour-les-instituts-hospitalo-universitaires">institut hospitalo-universitaire</a> (IHU) spécialisé dans la transplantation multiorganes (<em>labellisés par l’État, les IHU sont des pôles d’excellence visant à fédérer recherche, soin, formation et transfert de technologies dans le domaine biomédical. Il en existe 6 en France actuellement, ndlr</em>). Nous travaillons actuellement sur le Campus Nord Parisien à la réalisation de ce projet, qui réunirait les médecins, chirurgiens, chercheurs de tout type, spécialistes des questions de transplantations et d’innovation dans ce domaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Nataf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le 7 janvier dernier, l’Américain David Bennet s’est vu greffer un cœur de porc génétiquement modifié. Chef du service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Bichat, Patrick Nataf analyse cette prouesse.Patrick Nataf, Professeur à l’'université de Paris, chef du service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Bichat (AP-HP), Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1553442021-11-17T21:27:41Z2021-11-17T21:27:41ZHôpital : les « jumeaux numériques », un nouvel outil de simulation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/431269/original/file-20211110-21-1ugwy4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C20%2C4454%2C2954&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un jumeau numérique est le double virtuel d'un système complexe. Cet outil numérique, entre simulation et modélisation, permet d'appréhender des conditions complexes ou inhabituelles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/U4FyCp3-KzY">Piron Guillaume/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le jumeau numérique est le double virtuel d’un système complexe : un hôpital, un organe, un médicament, ou bien encore une zone de conflit. Dans le secteur de la santé, la start-up française Anatoscope a par exemple développé le jumeau numérique de patients présentant des caractéristiques différentes afin de simuler sur eux l’efficacité de prothèses orthopédiques – une fois l’efficacité prouvée grâce à la simulation numérique, la production personnalisée <a href="https://www.inria.fr/fr/sante-medecine-anatoscope-jumeaux-numeriques">a été lancée</a>.</p>
<p>Aussi éloignées que soient les missions de l’armée et de l’hôpital, l’essor des technologies numériques conduit néanmoins à développer des outils et des pratiques fortement similaires. Par exemple, la complexité d’un combat en zone de guerre et d’une organisation hospitalière peuvent s’appréhender à la fois par la <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/modelisation-systemes-complexes">modélisation systémique</a> et par la <a href="https://mitpress.mit.edu/books/sciences-artificial">simulation</a>, deux possibilités justement offertes par le « jumeau numérique ».</p>
<h2>Modélisation et simulation pour créer des connaissances actionnables à l’armée et à l’hôpital</h2>
<p>Depuis 2016, chaque régiment de l’armée de Terre est équipé d’un « espace d’instruction collective à la numérisation de l’espace de bataille assisté par la simulation ». Par exemple, l’outil de simulation de combat <em>Battle Space 3</em> modélise en 3D de vrais terrains de conflits, <a href="https://www.defense.gouv.fr/terre/actu-terre/la-simulation-en-appui-aux-operations">ce qui permet aux soldats</a> de s’entraîner virtuellement et ensuite d’étudier différents itinéraires, différents scénarios de combats, d’analyser leurs points forts et leurs points faibles.</p>
<p>Dans la même logique que celle suivie par les militaires, les professionnels de la santé commencent à se doter de <a href="https://www.researchgate.net/publication/306223791_Digital_Twin_Mitigating_Unpredictable_Undesirable_Emergent_Behavior_in_Complex_Systems">« jumeaux numériques »</a> pour mieux se préparer aux soins. Par exemple, le jumeau numérique d’un anévrisme de l’aorte permet de fabriquer des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Endoproth%C3%A8se">endoprothèses</a> spécifiques à chaque patient et permet au chirurgien de préparer son intervention grâce aux simulations des complications qui pourraient survenir après l’opération.</p>
<p>Le jumeau numérique d’un hôpital peut également aider à mieux se préparer aux situations sanitaires exceptionnelles. Même si de telles modélisations restent encore expérimentales, il existe déjà des jumeaux numériques de services de soins, par exemple le <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/09/17/a-saint-etienne-une-salle-d-hopital-numerique-pour-former-des-etudiants_5511300_4401467.html">jumeau du service des urgences du CHU de Saint-Étienne</a>.</p>
<p>Pour les zones de conflits comme pour les hôpitaux, l’objectif est de développer et d’utiliser des <a href="https://www.dunod.com/entreprise-economie/savoir-pour-agir-surmonter-obstacles-apprentissage-organisationnel">connaissances « actionnables »</a>, c’est-à-dire « valables et pouvant être mises en action » immédiatement, au quotidien. En effet, les jumeaux numériques modélisent le fonctionnement de systèmes complexes, prenant en compte les processus, interactions, rétroactions, effets amplificateurs, etc. Il procède ensuite à des <a href="https://mitpress.mit.edu/books/sciences-artificial">simulations</a> de ce fonctionnement. Dans le cas d’un hôpital, il pourrait par exemple considérer différents scénarios de crise sanitaires : variation du nombre et de l’ampleur des clusters sur le territoire, du taux de personnels contaminé, du nombre de respirateurs disponibles par exemple, afin de tester la fiabilité de l’organisation.</p>
<p>Il existe cependant une différence notable entre l’armée et l’hôpital : la <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/subsidiarit%C3%A9">subsidiarité</a>, c’est-à-dire le fait que « tout échelon supérieur s’interdit de réaliser lui-même ce qu’un échelon inférieur pourrait faire ».</p>
<h2>La subsidiarité et le sens donné aux missions : la force de l’armée, la faiblesse de l’hôpital</h2>
<p>L’armée de Terre française a publié en 2016 un <a href="https://www.economica.fr/livre-commandement-et-fraternite-armee-de-terre,fr,4,9782717868944.cfm">ouvrage</a> qui explique comment elle s’adapte à un monde incertain. Notamment, elle recueille tous les avis « sans que le niveau hiérarchique de ceux qui les émettent n’intervienne dans l’appréciation de leur pertinence », en vertu du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_subsidiarit%C3%A9">principe fondateur de subsidiarité</a>. La collaboration à tous les niveaux de la chaîne de commandement permet de proposer des actions, des adaptations pour être meilleur que l’ennemi. Les décideurs que sont tous les soldats, indépendamment de leur grade, s’appuient sur des flux d’informations croisés avant, pendant, et après la mission, afin de créer des connaissances actionnables. Le partage d’information est en outre indispensable pour poser « les bases d’une compréhension mutuelle, d’une appropriation de la mission en permettant à chacun d’inscrire son action dans un cadre plus vaste ». Cette implication profonde n’enlève rien à la discipline et à la relation de commandement, mais constitue un facteur essentiel du sens donné aux missions et à l’engagement sous les drapeaux.</p>
<p>Inversement, les professionnels au sein des hôpitaux sont globalement peu impliqués dans les prises de décisions qui les concernent directement, ce qui contribue à altérer le sens donné au travail. La culture du secteur porte des valeurs humanistes – égalité, neutralité, continuité des soins et adaptation aux besoins de la population – qui entrent en tension avec l’organisation du management et les outils portés par la technostructure. Ces derniers <a href="https://doi.org/10.3917/mav.111.0035">paraissent en effet souvent rigides, contraignants, inutiles ou même incompatibles</a> avec la réalité du terrain. Globalement, contrairement à ce qui se produit dans l’armée, il est difficile de s’approprier les décisions prises par une tutelle, de trouver du sens à une activité qui étouffe les initiatives sortant du cadre imposé et finalement, d’être agile pour faire face à l’incertitude. C’est d’ailleurs pour cette raison que la tutelle a laissé une <a href="https://theconversation.com/debat-affronter-le-covid-19-comme-larmee-affronterait-son-ennemi-134854">liberté d’action tout à fait inédite</a> de quelques semaines aux équipes de terrain pour affronter la première vague de la pandémie.</p>
<h2>La collaboration de tous les professionnels est nécessaire pour mettre en place des jumeaux numériques utiles</h2>
<p>À l’armée comme à l’hôpital, la modélisation et la simulation grâce au jumeau numérique invitent les équipes à se concerter, collaborer, communiquer pour agir, penser dans et avec la complexité.</p>
<p>Le jumeau numérique d’un hôpital dans son ensemble n’existe pas encore, il nécessiterait le rapprochement des sphères gestionnaire, soignante et technique afin de chercher à comprendre ensemble les situations, les objectifs fixés, les résultats obtenus en fonction d’un contexte donné. La compréhension est <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2006-2-page-59.htm">« à la fois fin et moyen de la communication humaine »</a>. Ce chemin à parcourir ensemble pour définir et faire vivre le jumeau numérique permettrait aux professionnels de mieux comprendre les différentes situations selon chaque point de vue, de participer à la <a href="https://theconversation.com/bureaucratie-hospitaliere-chronique-dune-methodique-construction-138397">définition et à la mise en œuvre des décisions</a> selon le principe de subsidiarité et ainsi, de maintenir ou de faire progresser la qualité des soins et la qualité de vie au travail en <a href="https://www.editions-ems.fr/livres/collections/management-prospective/ouvrage/541-guider-la-raison-qui-nous-guide.html">dépit des incertitudes</a>.</p>
<h2>Les défis de la mise en place de jumeaux numériques d’hôpitaux</h2>
<p>Les résultats seront toujours imparfaits, car tous les scénarios ne peuvent pas être imaginés et toutes les données ne peuvent pas être recueillies, <a href="https://imtech.wp.imt.fr/2019/12/10/quesaco-le-jumeau-numerique/">aujourd’hui en tout cas</a>. Néanmoins, le jumeau numérique d’un hôpital permettrait de visualiser différentes nuances de la réalité auxquelles les équipes pourraient être confrontées. Au lieu de perdre du temps à réguler les dysfonctionnements et à agir dans une inconfortable précipitation, l’étude de chacune de ces nuances permettrait ensuite aux professionnels d’anticiper et de se préparer aux nouvelles situations possibles en agissant sur l’organisation.</p>
<p>Comme la simulation en 3D de conflits utilisée par les soldats, le jumeau numérique de l’hôpital peut aider les acteurs à penser l’organisation selon différents angles de vue, celui des soignants et des non soignants, des personnes avec ou sans responsabilité hiérarchique. Le jumeau numérique oblige ainsi une volte-face épistémologique (passant du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Positivisme">positivisme</a> au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Constructivisme_(%C3%A9pist%C3%A9mologie)">constructivisme</a>) en permettant aux professionnels de voir que la réalité n’est pas univoque, qu’il n’existe pas une seule solution, bonne et définitive, à un problème. Cette piste est largement explorée dans le cadre du <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03337218">programme de recherche COPING</a> (<em>Covid pandemic institutional management</em>), destiné à mieux appréhender les situations d’incertitudes comme celles engendrées par la pandémie.</p>
<p>La prouesse technologique réside dans la réalisation du double virtuel d’une organisation complexe et du test d’une multitude de scénarios de crises (flux plus ou moins importants de patients lors d’une pandémie, de victime après une tempête, etc.) afin de vérifier la robustesse des différents processus de soins (actes de soins, personnels mobilisés, médicaments et matériels nécessaires, etc.) et des différents processus de services supports (restauration, lingerie, etc.). La prouesse intellectuelle réside dans le fait d’accepter qu’il n’existe pas une seule bonne solution définitive, mais de multiples solutions, qui changent selon le contexte, mais qui gagnent à être trouvées ensemble, puis adaptées au fur et à mesure par ceux qui doivent les appliquer, au plus près des patients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155344/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandra Bertezene est membre de l'Impact Tank, think tank dédié à l'innovation sociale.</span></em></p>Des doubles virtuels d’organes existent déjà pour mieux préparer les soins. Les simulations de services hospitaliers commencent également à se développer, notamment pour la formation.Sandra Bertezene, Professeur titulaire de la Chaire de gestion des services de santé, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1275432019-12-02T19:42:43Z2019-12-02T19:42:43ZÀ l’ère de la médecine biotech, le corps humain est-il une marchandise comme les autres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304549/original/file-20191201-156077-icyfun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C143%2C7337%2C4759&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre du colloque <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/content/colloque-que-vaut-le-corps-humain">« Que vaut le corps humain ? Médecine et valeurs du corps »</a>, qui se tiendra au Collège des Bernardins le 5 décembre prochain.</em></p>
<hr>
<p>Je me traîne, je ne vaux plus rien… Atteint par le grand âge, la maladie « d’organe » ou les accidents de la vie, mon corps ne réponds plus, il est devenu mon meilleur ennemi et se rappelle à moi au moindre faux pas.</p>
<p>Ce corps aimé, adulé, bichonné depuis la tendre enfance, mon allié en bonne santé, était pourtant prêt à me porter de jour comme de nuit en faisant son métier de corps en silence – le silence des organes, disait le chirurgien et physiologiste français <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Leriche">René Leriche</a>. J’étais bien dans ce corps : mon esprit, mon âme, mes émotions et lui ne faisions qu’un. Mais voilà la maladie, l’âge venant, ce corps qui savait fonctionner implicitement, renâcle, réclame des soins, se dissocie de moi, m’impose son rythme. Subrepticement, il devient omniprésent, et je me dis que si j’avais un bon capital, je n’en ai plus qu’un vague usufruit. D’ailleurs, combien vaut un corps humain ?</p>
<p>Interrogeons-nous sur ce corps qui peut être un <a href="https://www.cnrtl.fr/lexicographie/vaurien">vaurien</a> ou se voir surinvesti. La personne humaine peut-elle y être réduite ? Le corps humain peut-il se vendre en pièces détachées ? A-t-il un prix, ou plutôt une valeur ?</p>
<h2>Distinguer prix et valeur</h2>
<p>En France, du fait de la valeur inaliénable du corps humain et de l’encadrement des lois de bioéthique, la vente d’organes est interdite. Les éléments et produits du corps humain (reins, lobe de foie, sang, sperme, ovocytes, moelle osseuse, etc.) peuvent être <a href="https://www.dondorganes.fr/questions/124/quelle-est-la-loi-sur-le-don-dorganes">donnés</a> à certaines conditions, mais ne peuvent pas faire l’objet d’une vente, car la personne humaine a une valeur, exactement la même pour tous, sans degré ni partage. Cette valeur n’a rien à voir avec un prix, qui lui, pourrait être négocié.</p>
<p>S’appuyant sur des valeurs héritées de <a href="https://roadmovieblog.wordpress.com/2014/01/13/kant-et-la-notion-de-dignite-humaine/">Kant</a>, la bioéthique affirme le principe de non-commercialisation du corps humain, car contraire à la « dignité de la personne humaine ». La confusion entre valeur et prix ravale en effet l’humain au rang d’objet.</p>
<p>Elle impose en outre une réflexion éthique : suis-je séparable de mon corps ? Puis-je vendre mon corps ou un de mes organes sans « vendre mon âme », autrement dit puis-je dissocier mon cerveau de mon esprit ? Selon quelles normes, critères, abaques attribuer un prix à mon rein, mon œil, mon foie ? Est-ce parce que je suis encore autonome, en capacité de décider pour moi et que « mon corps m’appartient », que je pourrais en négocier le prix ? Et pourquoi pas en augmenter la valeur, en fonction de certains critères : sexe, ethnie, QI, origine sociale ?</p>
<p>Il est tout à fait souhaitable et légitime de « réparer » les corps avec les meilleurs techniques offerts par les avancées de la médecine, lorsqu’il est affecté par une maladie ou un accident. Mais un corps peut-il être démembré, vendu en pièces détachées pour, comme l’a fait ce <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/06/03/97001-20110603FILWWW00276-chine-il-vend-son-rein-pour-un-ipad-2.php">jeune Chinois pour s’offrir un IPAD 2</a> ?</p>
<h2>Le corps en pièces détachées</h2>
<p>Selon le magazine <a href="https://www.carthageplus.net/fr/decouvrez-le-prix-des-organes-de-letre-humain-ca-vaut-combien-au-marche-noir/">Popular Science</a>, en Inde, le prix d’un rein est de 20 000 dollars, en Chine, de 40 000 dollars, et en Israël, de 160 000 dollars. Aux États-Unis, un rein s’évalue à 45 000 dollars, 40 000 pour un foie, et 5 000 pour une cornée. Sans compter les honoraires du chirurgien et les frais annexes… Il existe dans certains pays un véritable marché noir de la vente d’organe, parfois dans un contexte de <a href="https://www.kidneyinternational-online.org/article/S0085-2538(19)30033-X/abstract">« tourisme de transplantation »</a>.</p>
<p>En France, certaines questions pourraient également se poser, notamment suite à la <a href="https://theconversation.com/revision-des-lois-de-bioethique-entre-ethique-et-politique-120840">révision des lois de bioéthique</a>. L’extension de la <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/19432-bioethique-louverture-de-la-pma-toutes-les-femmes-en-debat">procréation médicale assistée</a> (PMA) à toutes les femmes, hors contexte d’infertilité, interroge quant aux dons de gamètes (sperme et ovules) : si une pénurie survient, leur rémunération pourrait-elle être envisagée, au risque de modifier le profil altruiste des donneurs et d’ouvrir une brèche dans le principe de gratuité des dons et de non marchandisation du corps humain ? C’est déjà le cas <a href="https://www.scienceshumaines.com/don-d-ovule-don-de-sperme-le-prix-des-stereotypes_fr_21311.html">aux États-Unis</a> : il faut compter environ 3 000 euros par don d’ovule, et environ 70 euros pour un don de sperme de bonne qualité.</p>
<p>Aux États-Unis ou en Espagne, la « location » du corps des femmes est également déjà possible, dans le cadre de la gestation pour autrui (<a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/18636-gestation-pour-autrui-quelles-sont-les-evolutions-du-droit">GPA</a>. Interdite en France, cette marchandisation des « ventres » des mères porteuses pose aussi question quant aux valeurs essentielles de dignité humaine et d’indisponibilité du corps des femmes. Car lorsqu’une femme porte un enfant il se passe évidemment <a href="https://www.santemagazine.fr/sante/grossesse-et-bebe/mere-enfant-quel-lien-pendant-la-grossesse-172288">bien d’autres choses</a> entre la maman et son bébé que le simple fait de se dissocier et de louer une partie de son corps le temps d’une grossesse.</p>
<h2>Que peut la médecine ? Que doit le médecin ?</h2>
<p>Une personne humaine n’est jamais réductible à un corps, et jusqu’au bout de la vie, elle a une valeur inestimable liée à sa dignité intrinsèque. Si la vie n’a pas de prix, nous autres médecins avons un devoir d’humanité, de prendre soin de l’autre souffrant. Si la médecine se doit d’être à la pointe des dernières découvertes scientifiques, de les mettre à disposition de tous (malgré leurs coûts), elle doit le faire avec bienveillance, avec l’humilité de la sagesse des limites, en conscience et en responsabilité. C’est le (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Primum_non_nocere"><em>primum non nocere</em></a>), « En premier, ne pas nuire » attribué à Hippocrate.</p>
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<p>Pour cela, le médecin doit non seulement savoir résister aux injonctions utilitaristes de prestations de services, mais aussi avoir au cœur l’inquiétude de la vulnérabilité de l’autre. Il doit, toujours selon Hippocrate, « guérir parfois, soulager souvent et écouter toujours ». Il se doit d’être au plus près de la personne malade, dans son essentielle singularité. Qui ne souhaiterait augmenter les performances de son corps, effacer les stigmates du temps, retarder l’avance en âge voire fuir notre finitude ? Mais quand la demande sociétale n’a rien à voir avec une maladie, qu’elle est motivée par le désir, que peut, que doit faire le médecin ?</p>
<p>Son rôle est d’interroger et accompagner le « désir de » exprimé, consciemment ou non, par les patients, si impérieux soit-il, car il peut changer au fil du temps, et engendrer déception, voire dépression. Ainsi cette patiente qui désirait un nouveau nez : une fois opérée, et toujours aussi insatisfaite, elle s’aperçut au cours de sa psychothérapie qu’elle désirait en réalité, à 48 ans et sans compagnon, un nouveau-né… Un exemple qui illustre bien qu’à l’heure d’une médecine technique qui répare, change les pièces d’un corps abimé, compte, mesure, chiffre, le médecin ne doit pas oublier de garder une place à la sollicitude, à l’impalpable de la relation, à l’expression des âmes blessées par la vie.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em><a href="https://www.collegedesbernardins.fr/">Le Collège des Bernardins</a> est un lieu de formation et de recherche interdisciplinaire. Acteurs de la société civile et religieuse entrent en dialogue autour des grands défis contemporains, qui touchent l’Homme et son avenir.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Lefebvre des Noettes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la médecine est de plus en plus technique, et que la relation entre médecins et patients subit l’influence des demandes sociétales, le corps humain est-il une marchandise ? Que vaut-il ?Véronique Lefebvre des Noettes, Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1234612019-09-23T18:25:36Z2019-09-23T18:25:36ZQuand la science économique sauve des vies, conversation avec Alvin Roth, prix Nobel d’économie 2012<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292162/original/file-20190912-190031-1y6g8r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C43%2C899%2C564&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alvin Roth expose ses travaux sur les marchés « répugnants » lors de l'European Meeting de l'ESA (Economic Science Association), le 7 septembre à Dijon.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/LESSACDijon/?__tn__=%2Cd%2CP-R&eid=ARBngSpMZimJYuZtJRtmF-Wpb0kA7jAHmrNQ5XvT3cL7BZbQfJGp2-zoJ2KhfStcwFF8cE-s6MM7xBaf">Lessac / BSB</a></span></figcaption></figure><p><em>À ceux qui objecteraient que les sciences économiques sont parfois hors-sol, on pourra leur opposer les travaux d’Alvin Roth. Ne vous fiez pas à l’intitulé de « la théorie des allocations stables et la pratique de la conception de marchés » qui lui a valu, avec Lloyd Shapley, le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 2012. L’économiste américain, professeur à Stanford, a au contraire bâti sa réputation sur son recours à la théorie économique pour tenter de résoudre des problèmes très concrets.</em></p>
<p><em>Alvin Roth a ainsi beaucoup travaillé sur les transactions effectuées au sein des marchés dits « répugnants ». On parle de transactions répugnantes lorsque « certaines personnes aimeraient les réaliser alors que d’autres, qui ne sont pas directement concernées par ces transactions, pensent qu’elles ne devraient pas y être autorisées ». Les exemples sont nombreux : viande de cheval, drogues, etc.</em></p>
<p><em>Cet éminent spécialiste de l’économie expérimentale a, entre autres, étudié le facteur de répugnance qui freine la rencontre entre l’offre et la demande en matière de transplantations d’organes, dont la vente est jugée répugnante partout (ou presque) dans le monde. Pour contourner ce facteur, Alvin Roth a mis au point un modèle qui permet un meilleur appariement entre donneurs et receveurs de reins. Au bilan, ses travaux ont permis d’augmenter le nombre de transplantations de reins et donc de sauver des vies.</em></p>
<p><em>The Conversation France a rencontré Alvin Roth à Dijon, à l’occasion de sa venue à l’European Meeting de l’ESA (Economic Science Association), organisé le 7 septembre dernier par le Lessac (Laboratory for Experimentation in Social Sciences and Behavioral Analysis) de Burgundy School of Business (BSB).</em></p>
<hr>
<p><strong>Alvin Roth, comment définiriez-vous un marché répugnant en quelques mots ?</strong></p>
<p>Je ne peux pas donner une définition parfaite, mais quand je parle de transactions répugnantes, je pense à des transactions que certaines personnes aimeraient réaliser alors que d’autres personnes, qui ne sont pas directement concernées par ces transactions, pensent qu’elles ne devraient pas y être autorisées. Un marché répugnant, c’est un marché de transactions répugnantes.</p>
<p><strong>Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?</strong></p>
<p>J’ai évoqué lors de ma conférence de ce matin l’exemple du mariage entre deux personnes de même sexe. Deux personnes souhaiteraient se marier, mais certains pensent qu’elles ne devraient pas être autorisées à le faire. Cette question a beaucoup divisé, que ce soit en Europe ou aux États-Unis, où 13 états restent réticents à autoriser le mariage entre deux personnes de même sexe… Le même débat peut donc déboucher sur des réponses variées dans les différents pays. </p>
<p><strong>Vous avez étudié les transplantations d’organes, un autre marché répugnant… Vous avez gagné le prix « Nobel » d’économie pour avoir conçu un système qui permet d’augmenter le nombre de transplantations des reins. Le principe est de construire une « chaîne d’échange ». Pouvez-vous nous expliquer brièvement le fonctionnement de ce système et comment il permet de contourner le facteur de répugnance ?</strong></p>
<p>La transplantation n’est pas répugnante en soi. La transplantation peut sauver la vie de quelqu’un qui a une insuffisance rénale par exemple. Ce qui est répugnant, c’est d’acheter un rein. Les reins sont spéciaux. Les gens ont deux reins, et peuvent rester en bonne santé avec un seul. Donc, il y a beaucoup de donneurs vivants, mais la loi exige que ce soit des dons, pas des ventes. C’est la loi partout dans le monde, sauf en Iran. En conséquence, il y a une pénurie d’organes disponibles pour les greffes. Beaucoup de malades meurent avant une éventuelle transplantation parce qu’il n’y a pas assez d’organes pour les personnes qui en ont besoin, même en incluant les organes des donneurs vivants. En effet, si vous aimez quelqu’un suffisamment pour lui donner un rein, cela ne veut pas dire que vous pouvez effectivement le lui donner, puisqu’il doit y avoir une compatibilité entre le donneur et le receveur. La « chaîne d’échange » est donc un moyen de réaliser plus de transplantations en contournant la difficulté de la compatibilité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma de la « chaîne d’échange » établie par Alvin Roth. Extrait de la présentation « Improved Markets for Doctors, Organ Transplants and School Choice ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://stanford.edu/~alroth/Congressional%20Briefing.BetterLiving.March2010.pdf">Stanford.edu</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Imaginons par exemple que vous vouliez donner un rein à votre sœur et que je veuille aussi donner un rein à ma sœur, mais qu’aucun de nous deux ne puisse le faire. Il est en revanche possible que votre sœur puisse recevoir mon rein et ma sœur le vôtre. Dans ce cas, deux transplantations de plus sont réalisables et deux vies potentiellement sauvées. Voilà l’idée sur laquelle reposent mes travaux.</p>
<p><strong>En quoi vos recherches sur les transplantations peuvent-elles être utiles pour comprendre le fonctionnement d’autres marchés répugnants ?</strong></p>
<p>L’un des buts des travaux sur la transplantation rénale était de comprendre ce qui était répugnant et comment nous pourrions avancer vers plus de vies sauvées sans offenser. Dans un échange rénal, personne n’est payé. Personne ne reçoit de l’argent, c’est un rein pour un rein, et cela n’est pas répugnant. Aux États-Unis, nous avons ainsi pu faire modifier la loi fédérale pour préciser que l’échange rénal n’est pas répugnant. La raison pour laquelle les gens n’aiment pas certaines transactions est souvent bien différente de la raison pour laquelle d’autres personnes veulent s’engager dans ces transactions.</p>
<p><strong>Comment contourner cette difficulté ? La réponse est-elle avant tout réglementaire ?</strong></p>
<p>Les marchés ont effectivement besoin d’un appui social pour bien fonctionner, et il en va de même pour les interdictions sur les marchés. Donc, faire des lois contre les marchés ne suffit pas toujours à les faire disparaître, comme nous le montrent par exemple les marchés de la drogue ou de la prostitution. Sur ces marchés, les règles varient selon les pays et même selon les différents états américains. La gestation pour autrui est un autre marché où les règles changent selon l’endroit où l’on se trouve. En France, c’est illégal. En Californie, où j’habite, c’est légal. Le fait qu’il soit illégal en France n’empêche pourtant pas les couples français qui ont besoin des services d’une mère porteuse de les obtenir. En conséquence, certains problèmes apparaissent : par exemple, comment la loi doit-elle considérer les enfants qui devraient avoir la citoyenneté française et des parents français ? Si la loi française est appliquée de manière trop stricte, ils pourraient éventuellement se retrouver sans citoyenneté et sans parents « officiels » ! Cet exemple montre que, si les marchés sont difficiles à démarrer, ils sont également difficiles à arrêter.</p>
<p><strong>Dernière question : quels éclairages les marchés répugnants peuvent-ils apporter sur le fonctionnement des marchés traditionnels et légaux ?</strong></p>
<p>Dans les deux cas, la technologie change les marchés et les opportunités des personnes sur ces marchés. Par exemple, la gestation pour autrui a été rendue possible par l’invention de la fécondation in vitro. Cela vaut également pour les autres marchés. Nous voyons maintenant des marchés financiers où la plupart des métiers sont effectués par ordinateur, ce qui change la nature du marché. Parfois, cela change la nature des règles qui assurent le bon fonctionnement de ces marchés. Je pense donc que les marchés sont un peu comme des organismes vivants, nous devons étudier leurs évolutions. Quand on réfléchit à la façon de bien les faire fonctionner, il faut considérer la manière dont ils peuvent servir au mieux la société. Et cela peut impliquer de changer leurs règles de fonctionnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123461/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les modèles de ce spécialiste de l’économie expérimentale ont permis d’augmenter le nombre de transplantations de reins aux États-Unis. Entretien.Thibault Lieurade, Chef de rubrique Economie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1151972019-04-28T20:14:02Z2019-04-28T20:14:02ZCréer de nouveaux vaisseaux sanguins avec des algues comestibles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/271196/original/file-20190426-194616-19535w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C188%2C1020%2C674&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image obtenue par microscopie à fluorescence des vaisseaux sanguins formés après injection intramusculaire d'un hydrogel dérivé d'algues marines. Vert: vaisseaux sanguins, bleu: noyaux cellulaires. </span> <span class="attribution"><span class="source">Aurelien Forget, Roberto Gianni-Barrera, Andrea Banfi, Prasad Shastri</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Lorsque nous avons de petites blessures sur la peau ou les muscles, elles peuvent généralement guérir d’elles-mêmes. Mais pour les plaies plus profondes, comme celles qui surviennent chez les patients diabétiques ou qui touchent le tissu musculaire après une crise cardiaque, la réparation est plus difficile. Ce genre de problème nécessite souvent des traitements plus importants et peut éventuellement nécessiter une amputation ou une transplantation si la guérison n’est pas complète.</p>
<p>Bien que les greffes d’organes sauvent des vies, <a href="https://blog.france-adot.org/greffe-dorganes-les-chiffres-2017-2_20180415/">nous n’avons pas assez d’organes disponibles</a> pour soigner tous les patients, et nous devons trouver d’autres méthodes.</p>
<p>Des technologies telles que la <a href="https://tpe-bioimpressionmilhaud.jimdo.com/de-l-impression-3d-%C3%A0-la-bioimpression/bio-impression/">bio-impression</a> ont été proposées pour construire à l’extérieur du corps des organes entièrement opérationnels. Mais si nous pouvions améliorer nos propres capacités de régénération, que se passerait-il ? Serait-il possible de générer des organes à l’intérieur du corps ?</p>
<p>Dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/adma.201808050">récente publication</a>, nous avons démontré qu’avec la simple injection d’un gel extrait d’algues comestibles, nous pouvons diriger l’organisme à créer des vaisseaux sanguins stables dans un muscle. Ces vaisseaux sont la clé pour aider les tissus à vivre.</p>
<p>Ces résultats constituent une étape importante vers des thérapies régénératives basées uniquement sur les biomatériaux.</p>
<h2>Que sont les thérapies régénératives ?</h2>
<p>La <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/lingenierie-tissulaire-une-revolution-tres-proche-pour-de-nombreux-traitements/">thérapie régénérative</a> (aussi appelée médecine régénérative) est un domaine de recherche qui combine la médecine, la biologie moléculaire et la biotechnologie. Il a pour but de créer des tissus ou des organes pour rétablir le fonctionnement normal du corps.</p>
<p>À titre d’exemple la <a href="https://theconversation.com/the-next-pharmaceutical-revolution-could-be-3d-bioprinted-79676">bio-impression 3D</a> a eu quelques réussites, comme la création de cornées artificielles <a href="https://spectrum.ieee.org/the-human-os/biomedical/devices/human-corneas-could-be-the-first-mainstream-application-of-bioprinting">transplantables pour l’œil</a>. Mais cette approche nécessite des installations spéciales pour la fabrication d’organes. Les cellules doivent être isolées, cultivées dans un bioréacteur (un récipient spécial offrant un environnement propice à la croissance des tissus) et elles sont ensuite utilisées pour créer des organes artificiels dans des conditions contrôlées et stériles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271197/original/file-20190426-194603-k5liw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Procédé de biofabrication d’organes spécifiques de patients.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Steffen Harr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Se servir du corps comme d’usine de fabrication</h2>
<p>Une nouvelle approche est apparue il y a quelques années. Il s’agit <a href="https://www.pnas.org/content/102/32/11450">du bioréacteur in vivo (dans le corps)</a>, qui utilise le corps pour produire de nouveaux tissus ou cellules. Ceci a été initialement développé pour <a href="https://www.ted.com/talks/molly_stevens_a_new_way_to_grow_bone">fabriquer des os</a>. Pour créer des tissus dans le corps humain, nous devons déclencher et exploiter nos propres capacités de régénération. Malheureusement, nous ne sommes pas aussi bons que les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EsCSwVx3GvA">salamandres</a> : nous ne pouvons pas faire repousser un nouveau membre.</p>
<p>Mais avec un peu d’aide, nous pourrions régénérer certains tissus. Pour ce faire, l’aide peut se présenter sous la forme de matériaux qui :</p>
<ul>
<li><p>reproduisent les propriétés tissulaires nécessaires, telles que la rigidité des tissus ;</p></li>
<li><p>transportent des signaux chimiques et biologiques qui peuvent diriger la croissance des tissus.</p></li>
</ul>
<p>Un tissu est défini comme un groupe de cellules travaillant ensemble pour une fonction spécifique. Par exemple, les tissus musculaires sont constitués de cellules organisées en fibres, formant ce qu’on appelle les fibres musculaires.</p>
<h2>Des matériaux qui peuvent parler avec les cellules</h2>
<p>Les tissus de notre corps sont constitués de nombreux types de cellules différentes, ainsi que de matériaux qui sont présents à l’extérieur des cellules. Ces matériaux forment la <a href="https://www.ebiologie.fr/cours/s/9/la-matrice-extracellulaire">matrice extracellulaire (MEC)</a>. La MEC se compose de plusieurs éléments différents. Elle retient l’eau et renferme également les informations vitales qui aident les cellules à se déplacer, à croître et à s’organiser en tissus fonctionnels.</p>
<p>Nous n’avons pas besoin de rentrer dans les détails de ce dont la MEC est faite ici. Mais ce que nous pouvons dire, c’est que les scientifiques peuvent copier plusieurs de ses fonctions en utilisant un matériau appelé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2090123213000969">hydrogel</a>. Celui-ci peut être modifié pour transmettre des informations biologiques spécifiques aux cellules.</p>
<h2>Algues comestibles pour créer des vaisseaux sanguins</h2>
<p>Nous avons développé une nouvelle classe d’hydrogel injectable. Pour fabriquer l’hydrogel, on utilise l’agarose, qui est également utilisé en cuisine pour fabriquer des <a href="http://www.markal.fr/produit/gelee-de-jus-de-fruits-agar-agar-2/">gâteaux à la gelée</a>, et dans les laboratoires de biologie pour <a href="http://www.snv.jussieu.fr/bmedia/ATP/bioch1.htm">séparer l’ADN</a>. L’agarose est un polysaccharide, une molécule formée par une longue chaîne de sucre, qui est extraite <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC170292/">d’algues rouges</a> présentes dans de nombreux océans <a href="https://www.liberation.fr/planete/2016/11/10/l-algue-rouge-de-l-agar-agar-se-rarefie_1527676">à travers le monde</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271199/original/file-20190426-194609-bg63tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Poudre d’agarose utilisée en laboratoire pour la séparation de l’ADN et de l’agar pour la fabrication de gâteaux à la gelée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aurelien Forget</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://www.shastrilab.com/">Dans notre laboratoire</a>, nous pouvons modifier l’agarose en fixant une petite molécule (un peptide) qui pourra dialoguer avec les cellules. Grâce à cette approche, <a href="https://www.pnas.org/content/110/32/12887">nous avons créé une formulation unique d’hydrogel qui fournit l’environnement idéal pour que certaines cellules s’organisent en vaisseaux sanguins</a>. Avec <a href="https://biomedizin.unibas.ch/en/research/research-groups/banfi-lab/">nos collaborateurs de l’Hôpital Universitaire de Bâle</a> nous avons montré que ce même hydrogel injecté dans le muscle peut <em>parler</em> au corps et <a href="https://www.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/adma.201808050">initier la formation de nouveaux vaisseaux sanguins</a>. Auparavant, seul le <a href="https://www.pnas.org/content/107/8/3418">cartilage</a> ou l’<a href="https://www.pnas.org/content/102/32/11450">os</a> pouvait être régénéré dans le corps de cette manière.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271198/original/file-20190426-194600-hktysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Formation de nouveaux vaisseaux sanguins induite par une substance thérapeutique injectable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Steffen Harr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Thérapies de la future</h2>
<p>Cette approche ouvre la voie à la création d’une nouvelle classe de thérapies dans lesquelles le matériel injecté (hydrogel) pourrait devenir aussi utile que les médicaments pharmaceutiques. Nous envisageons que, dans certains cas, un patient atteint d’une défaillance d’un organe puisse un jour recevoir l’injection d’un matériel qui contiendra des informations pour parler aux cellules et diriger leur organisation en nouveaux tissus fonctionnels.</p>
<p>Cette approche permettrait à notre corps d’accomplir la plupart des tâches complexes, contrairement aux thérapies cellulaires ou à la bio-impression d’organes à l’extérieur du corps ; où les cellules doivent être prélevées, cultivées et réimplantées. La thérapie des matériaux serait d’une grande valeur pour les patients situés dans des régions éloignées de centres médicaux qui n’ont pas accès aux infrastructures complexes pour la croissance de cellules ou pour la bio-impression.</p>
<p>Plus spéculativement, la bio-impression d’organes est considérée comme l’une <a href="https://www.esa.int/Our_Activities/Space_Engineering_Technology/3D_printing_skin_bone_and_body_parts_under_study_for_future_astronauts">des technologies critiques pour la conquête spatiale</a>. En utilisant des matériaux thérapeutiques pour guérir les blessures ou les maladies, nous pourrions laisser la tâche critique de la réparation à notre corps <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMra1609012">sans avoir à embarquer des équipements lourds et encombrants</a> pour la culture de tissus.</p>
<p>Peut-être qu’un jour, une personne vivant dans l’espace pourra s’injecter un de ces matériaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurelien Forget ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La greffe c’est bien, construire des organes entièrement opérationnels en laboratoire c’est mieux, améliorer nos capacités de régénération, c’est génial !Aurelien Forget, Lecturer in Macromolecular Chemistry, University of FreiburgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1027462018-12-17T20:55:47Z2018-12-17T20:55:47ZLe porc, nouvel allié des chercheurs en immunologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251004/original/file-20181217-185255-1gvmlvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5176%2C3437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Déjà largement mis à contribution en recherche biomédicale, le porc entre dans les laboratoires d'immunologie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>De la <a href="http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1972x006x003/HSMx1972x006x003x0133.pdf">découverte de l’insuline</a> à la mise au point de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/rosie-maurel-15-janvier-1968-1eres-greffes-du-coeur-greffes-de-la-vie_1974891.html">techniques chirurgicales</a>, les animaux ont permis de faire grandement progresser la recherche biomédicale et la santé humaine.</p>
<p>Les avancées technologiques permettent aujourd’hui de se passer d’eux lorsqu’il s’agit de mener des recherches sur les molécules et les cellules, voire éventuellement sur certains organes. Néanmoins, les scientifiques ne sont toujours pas capables de prédire, à partir de recherches menées <em>in vitro</em>, le fonctionnement d’un organisme complet.</p>
<p>Dès lors qu’ils souhaitent décrypter des fonctions physiologiques complexes, des interactions entre organes, ou mener des essais précliniques pour tester de nouveaux médicaments, il leur faut donc, encore, <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/peut-se-passer-des-modeles-animaux">recourir aux essais sur des animaux modèles</a>.</p>
<p>C’est notamment le cas en immunologie, discipline visant à comprendre la réponse immunitaire, une réaction de défense complexe à laquelle participent différents organes. Depuis quelques années, les chercheurs qui l’étudient ont trouvé un nouvel allié surprenant : le porc.</p>
<h2>Le porc, un animal modèle pour l’Homme</h2>
<p>Avant toute chose, il est important de souligner qu’en France, les procédures d’expérimentation animale <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid70597/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid70597/l-utilisation-des-animaux-a-des-fins-scientifiques.html">sont très encadrées</a> et sont toujours validées par un comité d’éthique.</p>
<p>Pour étudier la réponse immunitaire, les chercheurs ont le plus souvent recours à la souris. De petite taille et facile à élever, cet animal modèle a en outre l’avantage d’être peu onéreux. Toutefois, bien que l’immunité de la souris et de l’Homme partagent de nombreux points communs, leurs physiologies ne sont pas totalement identiques. La transposition des thérapies mises au point chez la souris à des essais cliniques chez l’Homme se traduit par de nombreux échecs, soulignant l’intérêt de recourir à des modèles animaux complémentaires.</p>
<p>Les singes et grands singes (regroupés sous l’appellation « primates non humains »), sont de ce point de vue le modèle le plus pertinent, étant donnée leur proximité évolutive avec l’Homme. Toutefois, leur incorporation dans des programmes de recherche soulève des interrogations au niveau éthique, <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/peut-se-passer-des-modeles-animaux#article-contenu1">et elle est limitée au maximum</a>. En France, l’expérimentation sur les grands singes humanoïdes (orang-outang, chimpanzé, gorille) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027037840&dateTexte=&categorieLien=id">est interdite par le décret n° 2013-118 du 1ᵉʳ février 2013</a>. Par ailleurs, si travailler avec des animaux, quels qu’ils soient, n’est jamais anodin, les essais sur les primates peuvent s’avérer particulièrement éprouvants pour les expérimentateurs.</p>
<p>Depuis quelques années, le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0966842X11001958?via%3Dihub">porc</a> est considéré comme un modèle animal présentant de nombreux avantages. Les chercheurs peuvent notamment récupérer dans les abattoirs certains tissus non utilisés en boucherie (par exemple les poumons), ce qui limite le nombre d’animaux à inclure dans les procédures d’expérimentation. Surtout, le porc possède certaines caractéristiques physiologiques, anatomiques et génétiques proches de celles de l’être humain. C’est en particulier le cas de ses fonctions cardiaques, pulmonaires et rénales, qui sont bien plus proches des nôtres que ne le sont celles de la souris.</p>
<p>En 2012, l’<a href="https://bmcgenomics.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2164-14-332#Sec1">annotation du génome du porc</a> a permis d’identifier plus de 1000 gènes associés à la réponse immunitaire. Certaines familles de gènes impliquées dans l’inflammation et la reconnaissance des pathogènes présentent davantage de conservation entre l’Homme et le porc qu’entre l’Homme et la souris.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/experimentation-animale-peut-on-sen-passer-89413">Expérimentation animale, peut-on s’en passer ?</a>
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<h2>Un animal largement utilisé en chirurgie</h2>
<p>Le porc n’était pas tout à fait un inconnu dans le domaine de la recherche médicale. Les chirurgiens l’utilisent notamment depuis longtemps pour s’entraîner à la pose de cathéters, s’exercer aux procédures endoscopiques ou à soigner des traumatismes complexes. Le développement de ces techniques a conduit à utiliser le porc comme modèle préclinique, pour tester notamment les dispositifs implantables tels que les pacemakers. Les stents, qui permettent entre autres de maintenir ouvertes des artères athérosclérosées, ont aussi largement bénéficié des connaissances acquises grâce aux porcs de laboratoire.</p>
<p>La taille des organes du porc, similaire à celle des organes humains, ou le fait que la distribution du sang par son artère coronaire soit très similaire à celle de l’Homme, rendent aussi son utilisation très pertinente dans le cadre de la transplantation d’organes. Le porc pourrait devenir un donneur potentiel pour de nombreux organes (on parle alors de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-018-0765-z">xénogreffes</a>, puisque le donneur et le receveur appartiennent à deux espèces différentes). Très récemment, une <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/11/le-porc-potentiel-donneur-d-organe_5395566_1650684.html">transplantation cardiaque</a> de porc a été réalisée sur des babouins et ces derniers ont vécu plus de six mois après cette greffe.</p>
<p>Il existe toutefois encore plusieurs freins à l’utilisation de xénogreffes. Celles-ci s’accompagnent en effet de risques de rejets plus importants, ainsi que de la possibilité de transmission de <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-retrovirus-249/">rétrovirus</a> (des virus qui intègrent leurs gènes dans celui de leur hôte) d’une espèce à l’autre. Les nouvelles technologies d’édition du génome telles que <a href="https://www.lemonde.fr/festival/article/2016/07/19/crispr-le-big-bang-de-la-genetique_4971697_4415198.html">CRISPR-Cas9</a> pourraient permettre de limiter ce dernier risque en éliminant les portions d’ADN concernées. Ainsi, en 2017, des chercheurs ont réussi à éliminer le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28798043">virus endogène porcin (PERV)</a> grâce à cette technique, ce qui constitue un grand pas vers la mise en application de xénogreffes du porc à l’Homme.</p>
<h2>Mieux comprendre les maladies humaines grâce au porc</h2>
<p>L’expression <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/microbiote-intestinal-flore-intestinale">« microbiote intestinal »</a> désigne l’ensemble des bactéries présentes dans notre intestin. Au nombre de plusieurs milliards, elles ont une influence sur notre santé, et peuvent parfois être impliquées dans certaines maladies. De nombreux chercheurs travaillent notamment à la compréhension de l’impact du microbiote sur le <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-syndrome-metabolique-8915/">syndrome métabolique</a>, la <a href="http://alz.org/aaic/releases_2018/AAIC18-Tues-gut-liver-brain-axis.asp">maladie d’Alzheimer</a> ou encore l’<a href="https://theconversation.com/origines-de-lasthme-ce-que-lon-sait-ce-que-lon-suspecte-102356">autisme</a>.</p>
<p>Là aussi, le porc ayant un régime alimentaire omnivore comme l’être humain, il pourrait s’avérer un allié de taille. En effet, des travaux menés en 2016 ont établi l’existence d’une importante ressemblance entre les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27643971">microbiotes de ces deux espèces</a>.</p>
<p>Récemment, l’intérêt du porc dans l’étude des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29175001">maladies sexuellement transmissibles humaines</a> a été souligné. En 2012, le modèle porcin a été validé pour étudier les infections dues aux bactéries <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20847123"><em>Chlamydia trachomatis</em></a>, responsables de l’infection sexuellement transmissible <a href="https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2879454/fr/ist-la-has-recommande-un-depistage-systematique-de-l-infection-a-chlamydia-trachomatis-chez-les-jeunes-femmes">la plus fréquente en France chez les 18-25 ans</a>. Enfin, le porc peut constituer un excellent modèle pour certaines maladies respiratoires, infectieuses <a href="http://www.nature.com/articles/mi2015105">comme la grippe</a>, ou génétiques <a href="http://www.physiology.org/doi/full/10.1152/ajplung.90203.2008">comme la mucoviscidose</a>.</p>
<p>Néanmoins, le porc n’est pas un modèle idéal pour l’ensemble des maladies : nos recherches ont notamment montré que certaines de ses particularités immunologiques doivent être prises en compte lorsqu’on le choisit.</p>
<h2>Des différences à ne pas négliger</h2>
<p>Dans le poumon de porc, des cellules immunitaires sont présentes en permanence dans les vaisseaux sanguins. Nommées <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-28234-y">« macrophages intravasculaires pulmonaires »</a>, elles produisent des protéines (nommées cytokines) qui vont favoriser l’inflammation. Or chez l’Homme, ces cellules ne se développent qu’en condition inflammatoire ou lors de certaines pathologies. Des études supplémentaires seront nécessaires pour élucider leur rôle, mais il est déjà certain que la présence de ces macrophages est à prendre en compte lorsque le porc est utilisé comme modèle d’étude de maladies respiratoires.</p>
<p>D’autres différences concernent des organes clés de la réponse immunitaire : les <a href="http://acces.ens-lyon.fr/acces/thematiques/immunite-et-vaccination/thematiques/reponse-immunitaire/comprendre/ganglions-lymphatiques">ganglions lymphatiques</a>. C’est au sein de ceux-ci que les cellules du système immunitaire vont être éduquées à combattre les envahisseurs. Chez la plupart des mammifères, la circulation de la lymphe dans les ganglions se fait de la périphérie de l’organe vers son centre. Or chez le porc, elle se fait de l’intérieur de l’organe vers la périphérie. Les conséquences de cette inversion sur la réponse immunitaire doivent être étudiées, car elles ne sont pas encore connues.</p>
<p>Nos travaux ont en outre révélé l’existence de trois populations de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DY2dvYpqXXY">macrophages ganglionnaires</a> chez le porc. Cette découverte pourrait s’avérer importante, car les cellules du système immunitaire sont mobiles, et présentes dans tous les organes de l’animal. Leur description précise et détaillée est essentielle si l’on souhaite utiliser un animal comme modèle expérimental.</p>
<p>Il n'existe pas d'animal modèle idéal, néanmoins depuis une dizaine d’années de nombreux travaux ont fait progresser les connaissances sur le système immunitaire du porc. Ces avancées, couplées aux nouvelles technologies telles que l’édition du génome par CRISPR-Cas9, permettront de faire évoluer ce modèle pour améliorer, <em>in fine</em>, la santé humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Élise Bordet a reçu des financements pour ses recherches de la part de la communauté européenne sous forme de bourse de thèse. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Meurens a reçu des financements de la Région Pays de la Loire (RFI Food for tomorrow-Cap aliment), programme co-financé par l'Europe. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Bertho travaille à l'INRA. Il a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), de la Communauté Européenne. Il est membre de la Société française d'Immunologie et du Club Francophone des Cellules Dendritiques. </span></em></p>Si les progrès technologiques permettent de plus en plus de se passer des tests sur les animaux, ceux-ci sont encore nécessaires. En immunologie, les chercheurs ont trouvé un nouvel allié : le porc.Élise Bordet, Ingénieur agronome et doctorante en immunologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayFrançois Meurens, Professeur Immuno-Virologie (DMV-PhD) - Oniris (École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l'alimentation de Nantes-Atlantique), UMR 1300, InraeNicolas Bertho, Chargé de Recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1044362018-10-04T17:00:38Z2018-10-04T17:00:38ZHistoire d'un dilemme éthique : un enfant sauvé grâce à une greffe de foie provenant de sa mère séropositive<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/239367/original/file-20181004-52678-1p4d9ld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C6%2C1393%2C920&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La transplantation soulève des questions éthiques fondamentales.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’Afrique du Sud fait face à une terrible pénurie de <a href="http://www.SciELO.org.za/PDF/sajcc/v33n2/02.pdf">donneurs d’organes</a>. Les médecins luttent pour trouver des organes de donneurs appropriés pour les patients gravement malades, dont la survie dépend d’une greffe. Cette situation les accule parfois à des choix difficiles. Il arrive par exemple qu’ils doivent, pour sauver la vie d’un patient, envisager de lui greffer un organe provenant d’un donneur dont le groupe sanguin diffère du sien, même si cela augmente les risques de complications.</p>
<p>Voici environ un an, nous avons nous-mêmes dû faire face à ce genre de choix : nous pouvions sauver la vie d’un enfant en lui implantant un greffon de foie – mais ce faisant, nous risquions de lui transmettre le VIH. La donneuse était en effet la mère séropositive du petit patient. La procédure comportait donc un risque de transmission du VIH à l’enfant. (<em>ndlr : le foie pouvant se régénérer, il est possible d’en prélever une partie chez un donneur vivant pour la <a href="https://www.allodocteurs.fr/se-soigner/greffes-don-d-organes/greffe-de-foie/une-greffe-de-foie-exceptionnelle-a-partir-d-un-donneur-vivant_16106.html">greffer à un receveur</a></em>)</p>
<p>En Afrique du Sud, la loi n’interdit pas la transplantation d’un organe provenant d’un donneur vivant séropositif à un receveur séronégatif, à condition qu’une solide procédure de consentement éclairé soit mise en place. En raison du risque de transmission du virus, cette approche n’est toutefois pas considérée par tous les cliniciens comme faisant partie des bonnes pratiques.</p>
<p>Le jeune récipiendaire avait passé 181 jours sur la liste d’attente des dons d’organes. Or la durée moyenne de présence sur liste d’attente dans notre programme de greffe est de 49 jours. Durant ce laps de temps, la mère de l’enfant avait demandé à maintes reprises si elle pouvait donner une partie de son propre foie à son enfant. Nous ne pouvions toutefois pas considérer cette option à l’époque, car elle allait à l’encontre de la politique de notre unité. Mais sans une greffe, l’enfant allait très certainement mourir.</p>
<p>Après mûre réflexion, et avec l’aval du <a href="https://www.wits.ac.za/Research/Researcher-support/Research-Ethics/ethics-committees/">Comité d’éthique médicale</a> de l’Université du Witwatersrand à Johannesburg, nous avons décidé de procéder à la greffe. En suivant une planification minutieuse, nous avons fourni à l’enfant un traitement à base de médicaments antirétroviraux avant l’intervention, avec l’espoir de prévenir l’infection par le VIH (<a href="http://www.jle.com/download/vir-307412-la_prevention_pre_exposition_au_vih_1_par_les_antiretroviraux_la_prep--W7YQQ38AAQEAAELDaPcAAAAK-a.pdf">prophylaxie pré-exposition, PrEP</a>).</p>
<p>La transplantation, qui a été réalisée au <a href="http://www.dgmc.co.za/">centre médical Donald Gordon</a> de l’Université du Witwatersrand, a été un succès. L’enfant est aujourd’hui épanoui, mais à ce stade, nous sommes toujours incapables de déterminer son statut VIH. Durant les premiers mois qui ont suivi la greffe, des anticorps anti-VIH ont été détectés dans son organisme, et l’infection semblait donc avoir eu lieu. Mais ces anticorps ont décliné au fil du temps, et ils sont désormais presque indétectables. Nous n’avons en définitive pas été en mesure d’établir si l’enfant est effectivement infecté par le VIH. Même le recours à des tests ultra-sensibles et très spécialisés n’a pas permis de détecter le VIH lui-même dans le sang ou les cellules de l’enfant.</p>
<p>Il faudra probablement que s’écoule encore un certain temps avant que nous puissions avoir une quelconque certitude. Cependant, l’enfant supporte actuellement très bien le traitement antirétroviral. Les cas de contaminations survenues suite à la transplantation, par inadvertance, d’organes contaminés par le VIH révèlent que les patients devenus séropositifs de cette façon se rétablissent aussi bien que ceux qui reçoivent un greffon VIH négatif.</p>
<p>Cette intervention chirurgicale pourrait changer la donne pour l’Afrique du Sud. Le pays abrite en effet une importante population de personnes séropositives dont la <a href="https://theconversation.com/South-Africa-Still-has-four-Critical-Gaps-to-Fill-Before-IT-SEES-the-end-of-AIDS-87640">charge virale est indétectable</a> (on parle de <a href="https://www.sida-info-service.org/charge-virale-cest-quoi/">charge virale indétectable</a> lorsqu’une personne infectée par le VIH et suivant un traitement antirétroviral voit la quantité de virus dans son sang diminuer au point de devenir indétectable). Or ces personnes séropositives n’ont jamais été considérées comme des donneuses potentielles dans le cadre de la greffe de foie.</p>
<h2>Considérations éthiques et juridiques</h2>
<p>Recourir à la transplantation d’organes implique de relever de nombreux défis éthiques et juridiques. Les questions spécifiques et complexes posées par ce cas précis ont été soigneusement examinées.</p>
<p>Avant de procéder à la greffe, nous avons consacré un soin particulier à la mise en place d’une large consultation. Il s’est agi notamment de parler aux membres de l’équipe de transplantation, aux <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-international-de-bioethique-2013-2-p-43.htm">bioéthiciens</a>, aux avocats, aux experts de la médecine du VIH et à ceux du comité d’éthique médicale de l’Université Wits. Ce comité a entre autres pour fonction de protéger les patients impliqués dans la recherche médicale, et de s’assurer que les procédures mises en place par les médecins le sont pour les bonnes raisons.</p>
<p>Il était évident que cette greffe allait dans le sens du meilleur intérêt de l’enfant. La principale question éthique consistait à déterminer s’il était juste de priver la mère de la possibilité de sauver la vie de son enfant, en lui refusant l’opportunité de fournir le greffon. Un principe fondamental de l’éthique est de traiter les gens équitablement. Les personnes séropositives devraient de ce fait avoir accès aux mêmes options de soins que les autres.</p>
<p>Nous avons donc convenu, avec le comité d’éthique, que tant que les parents de l’enfant comprenaient qu’il existait un risque que celui-ci contractât le VIH, il était acceptable de procéder à la greffe.</p>
<p>Partant de là, afin de nous assurer que les parents de l’enfant étaient bien informés et pourraient prendre leur décision dans des conditions optimales, nous avons eu recours à un <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/314/CM_Res%282017%291F.pdf?1538664230#page=5">« avocat de donneur vivant »</a>. Indépendant, celui-ci n’était pas employé par l’hôpital. Son rôle principal était de soutenir les parents en s’assurant qu’ils comprenaient exactement quels étaient les risques pour la mère en tant que donneuse. Cet <a href="https://onlinelibrary.Wiley.com/doi/PDF/10.1111/AJT.13001">avocat de donneur vivant</a> était également en relation avec l’équipe de transplantation, au nom des parents, lorsque nécessaire.</p>
<p>Dans ce contexte, les parents, qui avaient déjà envisagé le risque que le VIH soit transmis à leur enfant suite à l’opération, se sont avérés déterminés à aller de l’avant. Ils ont été reconnaissants que l’équipe se montre disposée à examiner attentivement cette option, étant donné qu’il n’y avait pas d’alternative disponible et que leur enfant était gravement malade. Nous avons demandé aux deux parents de donner leur consentement à la procédure, car il était de leur responsabilité à tous les deux de prendre soin de leur enfant par la suite.</p>
<h2>Leçons et opportunités</h2>
<p>Cette intervention démontre non seulement que les médecins peuvent réaliser ce type de transplantation, mais aussi que les résultats peuvent être positifs à la fois pour le donneur séropositif et pour le receveur. Elle a également constitué une occasion unique pour les scientifiques de Wits d’étudier la transmission du VIH dans des circonstances très contrôlées.</p>
<p>Pour l’instant, les médecins ne sont pas en mesure de dire aux parents si la greffe a transmis le VIH à leur enfant. Cette incertitude est notamment due au fait que ce cas est unique, ce qui laisse beaucoup de questions sans réponse. Les recherches en cours permettront, nous l’espérons, d’y répondre.</p>
<p>À l’avenir, nous continuerons de veiller à ce que les parents soient pleinement conscients de l’incertitude qu'implique ce genre d’intervention. Toutes les futures greffes de ce type seront incluses dans une étude actuellement en cours, dont l’objet est d’examiner plus en détail la transmission du VIH chez les enfants, ainsi que la façon dont le VIH peut ou non se propager via les greffes d’organes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des chirurgiens sud-africains ont transplanté un greffon de foie provenant d’un donneur VIH-positif à un patient VIH-négatif. Un geste qui pose de nombreuses questions, notamment éthiques.Harriet Etheredge, Bioethicist and Health Communication Specialist, University of the WitwatersrandJean Botha, Head of Transplants at Donald Gordon Medical Centre, University of the WitwatersrandJune Fabian, Research Director at Donald Gordon Medical Centre , University of the WitwatersrandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/953252018-05-01T21:46:12Z2018-05-01T21:46:12ZUne « boîte à œufs » pour transporter des cellules capables de guérir le diabète<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215936/original/file-20180423-133865-1nphnkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C4%2C920%2C458&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image faite par la superposition de deux images l’une obtenue par microscopie de fluorescence et l’autre par microscopie à balayage électronique montrant comment les îlots (fluorescents en vert) sont maintenus par les puits de notre boîte à œufs. </span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre du <a href="http://www.transmission.unistra.fr/">colloque « Transmission »</a> organisé par l'Université de Strasbourg et l'IUF, qui se tiendra les 28, 29 et 30 mai prochains, et dont nous sommes partenaires.</em></p>
<p>Notre équipe, en Australie, a développé un emballage similaire à une boîte à œufs à l’échelle microscopique, capable de transporter des cellules pancréatiques vivantes. Ces précieuses cellules sont ensuite utilisées pour guérir des patients diabétiques.</p>
<p>Notre microscopique « boîte à œufs » procure une oxygénation optimale des cellules. Elle permet aussi de séparer physiquement les unes des autres ces fragiles cellules – appelées îlots de Langerhans – pour les protéger pendant le transport, comme expliqué dans l’article que nous venons de publier <a href="http://www.endocrineconnections.com/content/7/3/490.full.pdf?sid=5a15d535-bf5d-4b9d-a042-dda8552d0cc3">dans la revue <em>Endocrine Connections</em></a>.</p>
<p>Le seul remède pour guérir le diabète, hormis la greffe du pancréas (associée à une mortalité élevée), consiste à transplanter chez le patient des îlots de Langerhans prélevés sur un donneur. Cette procédure est réservée aux malades souffrant d’un diabète de type I avec de lourde complications.</p>
<h2>La transplantation des îlots de Langerhans peut guérir le diabète</h2>
<p>Chez les patients souffrant de diabète de type I, le pancréas n’est plus capable de produire de l’insuline, l’hormone responsable du métabolisme du glucose. Ces patients doivent constamment mesurer leur taux de glucose et le réguler tout au long de la journée par des injections d’insuline à intervalles réguliers.</p>
<p>Les variations du niveau de glucose dans le sang ont, sur le long terme, <a href="http://care.diabetesjournals.org/content/38/8/1610.long">des conséquences dramatiques sur la santé de ces patients</a>, conduisant à <a href="http://www.who.int/diabetes/action_online/basics/en/index3.html">des maladies des yeux</a>, des reins, du système nerveux et maladies cardiovasculaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215922/original/file-20180423-133859-g575ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215922/original/file-20180423-133859-g575ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215922/original/file-20180423-133859-g575ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215922/original/file-20180423-133859-g575ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215922/original/file-20180423-133859-g575ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215922/original/file-20180423-133859-g575ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215922/original/file-20180423-133859-g575ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215922/original/file-20180423-133859-g575ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Variations typiques du niveau de glucose dans le sang chez un patient atteint de diabète de type I (ligne bleue) bien à l’extérieur du niveau maximal (ligne rouge) et minimal (ligne verte).</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Forget</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Normalement, l’insuline est produite par les cellules-β (prononcez cellules bêta). Les cellules-β se trouvent dans un groupe de cellules appelé « îlot de Langerhans » ou îlot en cours, localisé dans le pancréas. Avec les cellules-β, cinq autres types de cellules dans l’îlot produisent chacune respectivement une hormone. Ensembles, ces cellules régulent le taux de glucose dans le sang.</p>
<p>L’idée de transplanter des îlots sains chez des patients diabétiques est devenue une réalité vers la fin des années 1980, quand le Dr Camillo Ricordi <a href="http://diabetes.diabetesjournals.org/content/37/4/413.full-text.pdf">mis au point une méthode permettant d’isoler une quantité d’îlots suffisante</a> pour la transplantation. Maintenant, avec les progrès faits dans les médicaments anti-rejet, la transplantation d’îlots est utilisée pour traiter des patients atteints de diabète de type I. Plusieurs centaines de patients <a href="https://citregistry.org/system/files/9AR_Report.pdf">ont déjà reçu une transplantation dans le monde</a> en suivant ce procédé. L’autre avantage de cette approche est qu’elle ne nécessite qu’une petite ouverture de l’abdomen pour déposer les îlots, permettant une rapide convalescence après la chirurgie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215923/original/file-20180423-133869-1s0hbai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215923/original/file-20180423-133869-1s0hbai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215923/original/file-20180423-133869-1s0hbai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215923/original/file-20180423-133869-1s0hbai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215923/original/file-20180423-133869-1s0hbai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215923/original/file-20180423-133869-1s0hbai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215923/original/file-20180423-133869-1s0hbai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215923/original/file-20180423-133869-1s0hbai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dessin représentant les cinq cellules différentes formant les îlots de Langerhans dans le pancréas, avec les cellules-β en bleu. À droite une image obtenue par microscopie optique montrant les îlots de Langerhans humains colorés avec de la dithizone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Forget & D. Rojas-Canales</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une forte demande mais une faible disponibilité</h2>
<p>Comme toute greffe, la transplantation d’îlots est limitée par le faible nombre de donneurs d’organe et une population croissante de patients – au niveau mondial, plus de 425 millions de personnes <a href="http://diabetesatlas.org/key-messages.html">sont atteintes de diabète</a>, type I et II confondus.</p>
<p>Mais il y a aussi un autre facteur qui limite le nombre de transplantations. Une fois séparés du pancréas, les îlots sont très fragiles et plus de 35 % <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1432-2277.2008.00719.x/abstract">périssent avant même de pouvoir être greffés</a>.</p>
<p>Améliorer la survie des îlots avant leur transplantation ouvre la possibilité d’augmenter le nombre de procédures et le succès de ces procédures pour les patients.</p>
<p><a href="https://www.adelaide.edu.au/directory/patrick.coates">Patrick (Toby) Coates</a>, directeur du service de transplantation rénal et îlots au <a href="http://www.ccet.org.au/">Royal Adelaïde Hospital</a> nous confie :</p>
<blockquote>
<p>« Si nous pouvions préserver plus d’îlots avant la transplantation, les patients pourraient être soignés avec une seule transplantation quand aujourd’hui, nous avons besoin de plusieurs donneurs d’organes et plusieurs transplantations pour guérir un seul patient diabétique. »</p>
</blockquote>
<p>Le nombre de transplantations varie chaque année en fonction du nombre de donneurs (personnes décédées ayant autorisé le don de leurs organes), et de la compatibilité immunologique entre le donneur et le patient.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215924/original/file-20180423-133884-1jkb63d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215924/original/file-20180423-133884-1jkb63d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215924/original/file-20180423-133884-1jkb63d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215924/original/file-20180423-133884-1jkb63d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215924/original/file-20180423-133884-1jkb63d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215924/original/file-20180423-133884-1jkb63d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215924/original/file-20180423-133884-1jkb63d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215924/original/file-20180423-133884-1jkb63d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de transplantation d’îlots durant les 15 dernières années en Australie et Nouvelle-Zélande.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données obtenues auprès de Australia New Zealand Islet and Pancreatic Transplant Registry (ANZIPTR)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Traiter plus de patients : un challenge logistique</h2>
<p>Quand un pancréas est obtenu d’un donneur, une procédure spéciale est nécessaire pour extraire les îlots localisés dans cet organe. Cet isolement ne peut s’accomplir que dans un environnement stérile, avec des équipements dédiés à cette procédure.</p>
<p>En Australie, comme dans d’autres pays, cet isolement est centralisé à Melbourne et à Sydney et les îlots sont envoyés ensuite dans les différents centres de transplantation à travers le pays. Mais parce que les îlots sont composés de cellules qui ont une très grande activité métabolique, ils ont besoin de beaucoup de nutriments et d’oxygène. Sans ces derniers, les cellules ne peuvent générer ni de l’insuline, ni les autres hormones requises pour la régulation du niveau de sucre dans le sang.</p>
<p>Une fois déconnectés du réseau sanguin du donneur, les îlots commencent rapidement à être affamés et à s’asphyxier, et leurs chances de survie diminuent.</p>
<h2>Améliorer le transport des îlots</h2>
<p>Plusieurs laboratoires à travers le monde essayent d’étendre la durée de conservation des îlots. Nous avons développé deux nouvelles technologies qui permettent de remédier aux causes du dépérissement des îlots pendant le transport – en leur donnant de l’oxygène et en les protégeant des dommages physiques.</p>
<p>La première innovation, décrite dans l’<a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acsbiomaterials.7b00297">article publié par notre équipe en 2017</a>, est un revêtement qui relargue de l’oxygène une fois en contact avec les îlots. Nous avons démontré que ce revêtement peut délivrer assez d’oxygène pour permettre la survie de cellules-β animales dans un environnement avec peu d’oxygène (comme durant le transport). Nous espérons que nous pourrons rapidement transférer cette technologie pour permettre la conservation d’îlots humains pendant le transport.</p>
<p>Mais ceci n’est pas l’unique challenge : les mouvements des îlots pendant le transport peuvent aussi les endommager. Actuellement, les îlots sont transportés sous forme d’une solution composée de nutriments dans laquelle ils peuvent flotter librement dans des sacs stériles. Quand le sac bouge pendant le transport, les îlots sont secoués et peuvent s’entrechoquer. Tous ces mouvements et secousses peuvent détruire les îlots et dissocier l’agrégation des cellules.</p>
<p>Après avoir testé <a href="http://pubs.rsc.org/en/content/articlehtml/2017/tb/c6tb02748b">plusieurs biomatériaux</a> et <a href="http://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2017/bm/c6bm00916f#!divAbstract">différentes formes de récipients</a>, nous avons développé un emballage de <a href="http://www.endocrineconnections.com/content/7/3/490.full.pdf?sid=5a15d535-bf5d-4b9d-a042-dda8552d0cc3">type boîte à œufs</a>. Ce contenant sépare les îlots – qui ont une forme sphérique – les uns des autres et permet de les préserver pendant le transport.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215926/original/file-20180423-133887-xvdc0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215926/original/file-20180423-133887-xvdc0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215926/original/file-20180423-133887-xvdc0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215926/original/file-20180423-133887-xvdc0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215926/original/file-20180423-133887-xvdc0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215926/original/file-20180423-133887-xvdc0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215926/original/file-20180423-133887-xvdc0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215926/original/file-20180423-133887-xvdc0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Image faite par la superposition de deux images, l’une obtenue par microscopie de fluorescence et l’autre par microscopie à balayage électronique, montrant comment les îlots (fluorescents en vert) sont maintenus par les puits de notre boîte à œufs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Forget</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un espoir pour le futur</h2>
<p>Nous avons testé cette technologie <a href="http://www.endocrineconnections.com/content/7/3/490.full.pdf?sid=5a15d535-bf5d-4b9d-a042-dda8552d0cc3">pour transporter par avion</a> des îlots d’origine animale et humains entre le centre d’isolement situé à Melbourne et le centre de transplantation situé à Adélaïde, à 650 km de là. Ce transport dure en moyenne six heures porte à porte et notre boîte à œufs s’est révélée capable d’améliorer la survie des îlots.</p>
<p>Utiliser cette technologie pour les patients pourrait permettre d’offrir une transplantation à une plus large population de diabétiques. Notre technologie de transport doit maintenant être adaptée pour pouvoir transporter les 500 000 îlots nécessaires pour guérir un seul patient.</p>
<p>Mais un défi plus grand encore nous attend : améliorer la survie des îlots après leur transplantation. De nouveau biomatériaux et méthodes de fabrication peuvent nous aider à relever ce challenge en développant des implants pouvant faciliter la connexion des nouveaux îlots au système vasculaire du patient. Ces implants pourraient aussi améliorer l’accès de la greffe aux nutriments et à l’oxygène vital pour son bon fonctionnement.</p>
<p>Notre collaborateur Bernie Tuch de l’<a href="http://sydney.edu.au/medicine/physiology/staff/honorary.php">université de Sydney</a> pense que cette approche est prometteuse :</p>
<blockquote>
<p>« De nouveaux dispositifs médicaux faits à partir de matériaux biocompatibles qui protègent les îlots après leur implantation pourraient améliorer encore plus la procédure de transplantation et permettre à plus de patients de bénéficier de ce traitement. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/95325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurelien Forget a reçu des financements de la fondation de Bill et Melinda Gates. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tim Dargaville reçoit des financement du Australian Research Council.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Darling Rojas-Canales ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les médecins savent transplanter les cellules du pancréas d’un donneur à leur patient, mais pas les transporter sans dommage. En Australie, une équipe vient d’inventer un contenant protecteur.Aurelien Forget, Associate Lecturer in Macromolecular Chemistry, Queensland University of TechnologyDarling Rojas-Canales, Senior Scientist, University of AdelaideTim Dargaville, ARC Future Fellow, A/Prof Polymer Chemistry, Queensland University of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/905892018-02-28T21:09:55Z2018-02-28T21:09:55ZCordon ombilical et pontage cardiaque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/208126/original/file-20180227-36686-zd5pj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3818%2C2137&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le cordon ombilical, lien primordial entre la mère et son enfant pourrait servir bien longtemps après la naissance...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/3SDP4zc_z9w">Arteida Mjeshtri/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’arrivée d’un nouveau-né est un moment de bonheur et personne ne fait attention au placenta et ses annexes comme le cordon ombilical : lien le plus fondamental entre la mère et l’enfant.</p>
<p>Bien que les cordons ombilicaux ne soient pas encore valorisés dans la plupart des maternités dans le monde, ses potentialités dans la <a href="https://www.reseau-chu.org/article/labos-high-tech-pour-la-medecine-regeneratrice-la-medecine-du-futur/">médecine régénérative</a> sont des plus reconnues.</p>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006686056&idSectionTA=LEGISCTA000006171017&cidTexte=LEGITEXT000006072665">La loi française</a> autorise le don des tissus périnataux pour autrui, à finalité thérapeutique ou scientifique, avec le consentement de la mère. Le cordon ombilical sur lequel nous travaillons contient ainsi des tissus d’origine humaine qui se révèlent être des trésors pour la médecine régénérative.</p>
<p>Un cordon ombilical présente une veine et deux artères parallèles qui sont entourées d’une fine membrane et d’une matrice gélatineuse appelée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gel%C3%A9e_de_Wharton">gelée de Wharton</a>. Celle-ci est connue pour sa richesse en <a href="https://www.eurostemcell.org/fr/les-cellules-souches-mesenchymateuses-les-autres-cellules-souches-de-moelle-osseuse">cellules souches mésenchymateuses</a>, un type de cellules très utilisé dans le domaine de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ing%C3%A9nierie_tissulaire">ingénierie tissulaire</a> de par ses capacités de renouvellement et de différenciation vers des cellules spécifiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208129/original/file-20180227-36683-16bkayc.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208129/original/file-20180227-36683-16bkayc.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208129/original/file-20180227-36683-16bkayc.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208129/original/file-20180227-36683-16bkayc.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208129/original/file-20180227-36683-16bkayc.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208129/original/file-20180227-36683-16bkayc.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208129/original/file-20180227-36683-16bkayc.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Coupe schématique d’un cordon ombilical.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://vetopsy.fr/reproduction/gestation/images/cordon-ombilical.gif">vetopsy.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Initialement, les cellules souches mésenchymateuses étaient prélevées de la moelle osseuse. Le cordon ombilical offre la possibilité d’un prélèvement facile de cellules souches mésenchymateuses en grande quantité. De plus, le cordon ombilical est considéré comme appartenant au tissu périnatal, les cellules souches qu’il contient sont aussi plus jeunes que les cellules issues de la moelle osseuse.</p>
<p>Ces cellules en font donc des acteurs de choix pour être utilisées en ingénierie tissulaire puisqu’elles ont la capacité de « devenir » des cellules propres à un organe et d’en avoir les fonctions spécifiques.</p>
<h2>Aux origines de l’ingénierie tissulaire vasculaire</h2>
<p>Il y a plus d’un siècle, le <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/alexis-carrel/">Dr Alexis Carrel</a> comprenait, chez des patients souffrant de maladie cardiaque, l’association entre l’<a href="https://www.swissheart.ch/fr/maladies-cardiaques-avc/maladies/angine-de-poitrine.html">angine de poitrine</a> et la <a href="http://www.precisdanesthesiecardiaque.ch/Chapitre%205/stencoron.html">sténose coronarienne</a>.</p>
<p>Carrel a reçu le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1912. Dès lors, les traitements chirurgicaux pour les maladies cardiovasculaires, en particulier les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pontage_aorto-coronarien">pontages aorto-coronariens</a>, ont beaucoup progressé.</p>
<p>Chaque année en France, plus que 25 000 patients bénéficient d’un pontage coronarien. Cependant, la potentialité de greffons vasculaires naturels est limitée. Bien que les artères ou les veines isolées d’un malade soient la source vasculaire préférentielle pour ce traitement, leur indisponibilité pour une telle application est souvent constatée en clinique, en particulier pour des patients atteints de diabète ou de maladies vasculaires périphériques.</p>
<p>Le praticien doit donc se tourner vers des vaisseaux exogènes, qui ne répondent pas à toutes les attentes. Aussi, l’ingénierie vasculaire apparaît comme une alternative intéressante, car elle pourrait permettre la production en grand nombre de vaisseaux prêts à être implantés tout en respectant ses qualités et fonctionnalités.</p>
<p>Le principe de l’ingénierie tissulaire repose sur trois acteurs interdépendants : des cellules, une matrice (naturelle ou synthétique) pouvant les héberger, et un environnement favorable à leur développement : à la fois chimique (facteur de croissance, teneur en oxygène…) et physique (pression, cisaillement…).</p>
<h2>Cellules souches et ingénierie vasculaire</h2>
<p>L’objectif de l’ingénierie vasculaire est de construire un greffon vasculaire constitué de cellules vasculaires et d’une matrice extracellulaire (sorte de structure organisée) sous forme de tube dans laquelle les cellules peuvent se loger, s’organiser et interagir aux sollicitations du flux sanguin.</p>
<p>L’ingénierie commence par l’isolement des cellules, puis une amplification <em>in vitro</em> pour en avoir une quantité suffisante avant de les déposer sur une matrice.</p>
<p>En les combinant avec des biomatériaux de forme tubulaire, il est alors possible de former un greffon vasculaire cellularisé mais cela demande un temps de maturation des cellules de plusieurs semaines (avec un risque majeur de perdre leurs fonctionnalités).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208230/original/file-20180228-36683-1faosl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208230/original/file-20180228-36683-1faosl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208230/original/file-20180228-36683-1faosl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208230/original/file-20180228-36683-1faosl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208230/original/file-20180228-36683-1faosl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208230/original/file-20180228-36683-1faosl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208230/original/file-20180228-36683-1faosl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dessin de presse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Quand bien même, l’idéal serait alors de prélever des cellules du patient, ce qui donnerait un greffon cellularisé prêt à lui être implanté sans risque majeur de rejet. Cependant, les résultats rapportés dans la littérature sont assez décevants, en particulier du fait que les cellules utilisées sont déjà « matures » et qu’elles perdent progressivement leurs fonctionnalités au cours de leurs divisions successives, nécessaires pour augmenter leur nombre.</p>
<p>Pour contourner cet écueil, nous pouvons utiliser des cellules souches mésenchymateuses qui sont reconnues comme faiblement immunogènes (qui théoriquement n’entraînent pas de rejet après implantation) et susceptibles de devenir des cellules spécifiques du vaisseau.</p>
<p>Ces cellules constituent donc un axe majeur dans l’élaboration d’un nouveau biomatériau cellularisé. Reste à définir le support sur et dans lequel ces cellules vont se loger. L’idéal est de trouver un support naturel et, dans la mesure du possible, d’origine humaine, pour fabriquer un biomatériau qui peut fournir un environnement favorable au développement des cellules souches.</p>
<h2>Le bon terreau pour la culture des cellules souches</h2>
<p>Nous avons développé au sein de notre groupe du <a href="http://www.imopa.cnrs.fr/">laboratoire IMoPA</a> un substitut vasculaire cellularisé et totalement d’origine humaine, qui contient à la fois des cellules souches et une matrice d’origine vasculaire. Toutes deux provenant du cordon ombilical.</p>
<p>L’utilisation du cordon ombilical est d’autant plus aisée que ce tissu d’origine humaine n’est pas actuellement valorisé. Pourtant, la gelée de Wharton qui le constitue, est à la fois une niche de cellules souches et un environnement naturel pour ces cellules. Par conséquent, il nous est paru intéressant de fabriquer un biomatériau à base de la gelée de Wharton dans lequel les cellules souches isolées <em>se sentent chez elles</em> pour le coloniser.</p>
<p>Cette surface est utilisée pour cultiver les cellules souches, un peu comme un terreau est déposé sur un sol aride pour cultiver des légumes. La surface recouverte de la gelée de Wharton montre un effet favorable à l’adhésion et à la prolifération des cellules souches. De plus, cette surface favorise la différenciation des cellules souches en un type de cellules vasculaire (appelées cellules endothéliales) localisées sur la surface interne du vaisseau, qui empêchent en autre la formation de caillots sanguins.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208259/original/file-20180228-36680-kmou0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208259/original/file-20180228-36680-kmou0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208259/original/file-20180228-36680-kmou0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208259/original/file-20180228-36680-kmou0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208259/original/file-20180228-36680-kmou0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208259/original/file-20180228-36680-kmou0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208259/original/file-20180228-36680-kmou0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Culture de cellules dans une boîte de Petri. Le liquide rouge amène tous les éléments chimiques nécessaires à leur croissance.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cell_Culture_in_a_tiny_Petri_dish.jpg">Kaibara87/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans notre corps, les <a href="http://imedecin.com/Histologie/les-cellules-endotheliales.html">cellules endothéliales</a> sont soumises à un flux sanguin constant, dont les forces de cisaillement nécessitent une adhésion forte des cellules à leur surface pour ne pas être arrachées. Nous avons d’ailleurs montré dans un modèle <em>in vitro</em> utilisant un réacteur capable de mimer les conditions de flux sanguin de notre corps, que les cellules cultivées sur une surface préparée à partir de la gelée de Wharton adhérent davantage en comparaison de conditions standards.</p>
<p>Forts de ces observations, nous avons recouvert d’une solution de la gelée de Wharton la surface interne d’une matrice obtenue par décellularisation d’une artère ombilicale. Les cellules souches mésenchymateuses sont alors ensemencées sur cette surface. Pour valider la fonctionnalité vasomotrice de cette artère ainsi construite, nous l’avons implantée au niveau de la carotide de lapin et vérifié la dynamique du flux sanguin dans le greffon.</p>
<p>Après trois semaines d’implantation, nous avons constaté que les artères traitées par la gelée de Wharton étaient toutes perméables et présentaient un débit sanguin comparable au témoin, alors que l’absence de cellules conduisait à une thrombose précoce. Ceci met en évidence que la gelée de Wharton est une excellente matrice naturelle d’origine humaine, facile à extraire et à moindre coût, qui permet à la fois une adhésion forte des cellules, leur prolifération et leur différenciation, ce qui en fait un candidat prometteur pour l’ingénierie tissulaire.</p>
<p>Les résultats très prometteurs nous amènent à valider les performances de ce greffon par un pontage coronarien chez le cochon. <em>In fine</em>, cette étude vise à alimenter une banque de prothèses vasculaires de grade clinique disponibles pour réaliser des pontages par voie mini-invasive assistée d’un robot qui a l’avantage de suppléer une déficience en artères autologues et de réduire l’impact traumatisant d’une telle intervention.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90589/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Quel peut bien être le lien entre un pontage cardiaque et un cordon ombilical ? Des cellules prélevées sur ce dernier pourraient aider à réaliser ces opérations !Pan Dan, Médecin chercheur, Université de LorrainePatrick Menu, Professeur de physiologie et physiopathologie à la faculté de pharmacie de Nancy, Université de LorraineVéronique Decot, Maitre de conferences et praticien hospitalier au CHRU de Nancy, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/869592017-11-09T21:06:18Z2017-11-09T21:06:18ZL’humain réparé, rêve d’immortalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193917/original/file-20171109-27106-14q7m31.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme à réparer : réalisable dans le futur ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/falconchile2/14229452617/sizes/l/">Falcon C/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193551/original/file-20171107-1008-yco58q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193551/original/file-20171107-1008-yco58q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193551/original/file-20171107-1008-yco58q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193551/original/file-20171107-1008-yco58q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193551/original/file-20171107-1008-yco58q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193551/original/file-20171107-1008-yco58q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193551/original/file-20171107-1008-yco58q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>L’auteur de cet article sera présent au <a href="http://leforum.cnrs.fr/">Forum du CNRS 2017</a> dont The Conversation France est partenaire. Il interviendra le dimanche 26 novembre de 16h30 à 18h à la Cité internationale universitaire de Paris.</em></p>
<hr>
<p>Entre l’espoir d’immortalité et la fatalité de la mortalité, l’humain a de tout temps cherché à contrer le vieillissement et la défectuosité de parties fonctionnelles de son corps.</p>
<p>Ainsi, le mythe de Prométhée montre que les Grecs anciens connaissaient déjà la potentialité de certaines parties du corps à se réparer tout seul. Ce Dieu, attaché sur un rocher pour avoir donné le feu aux hommes, voyait chaque jour son foie dévoré en partie par un aigle. Lequel foie se régénérait le jour suivant pour que la litanie de la punition s’accomplisse. Si les anciens avaient choisi le foie plutôt que d’autres organes pour illustrer le mythe, c’est parce qu’ils savaient le foie capable de se régénérer en grande partie.</p>
<p>Plus récemment, la symbolique des sorcières a souvent été associée à la salamandre, capable de régénérer ses membres. L’humain et les vertébrés supérieurs n’ont pas la même capacité que la salamandre, le poisson-zèbre ou l’axolotl et encore moins celle de régénération totale des végétaux. Mais les études récentes démontrent que cette capacité pourrait exister, ou à minima, être localement stimulée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193918/original/file-20171109-27120-1yx493x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193918/original/file-20171109-27120-1yx493x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193918/original/file-20171109-27120-1yx493x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193918/original/file-20171109-27120-1yx493x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193918/original/file-20171109-27120-1yx493x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193918/original/file-20171109-27120-1yx493x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193918/original/file-20171109-27120-1yx493x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’axolotl est un amphibien capable de régénérer ses membres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/scazon/3242874784/in/photolist-5WyzGd-5WyzB5-Ao7k-anXdQw-a6y2m8-a6y3oH-a6y2RF-7ZxmYE-7rMWHz-aE4bnU-dPQfpk-6HSPhL-7ZMHyj-9akpaL-9ahdq2-G59fJ8-7XW67M-9NiUux-d3wtHw-aBzfDf-a7S9xn-5BgHHc-9ahfS2-6MS26W-dr7unV-9rUoP6-ffxCs1-7PMR7L-mBPkec-mzXpw4-rQgdZs-4CeV7X-pQCQNu-6VjJhJ-5Gas6o-9W2aoN-aE4bes-mzXpoP-9rXmnu-oYgdi7-mzYFN1-dag1rX-xtspKj-xtspzu-wiJvWQ-xegUXB-xvLX9x-xuXJru-xtsknb-oFNtps">Scazon/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Les cellules souches : la clé de la régénération ?</h2>
<p>La capacité de régénération est principalement portée par des cellules du corps qui vont se reprogrammer pour remplacer le tissu ou l’organe lésé. Certaines de ces cellules dites <a href="https://www.inserm.fr/thematiques/immunologie-inflammation-infectiologie-et-microbiologie/dossiers-d-information/cellules-souches-et-therapie-cellulaire">« souches »</a> sont générées par la moelle osseuse et peuvent circuler dans le corps. D’autres cellules souches sont générées par les tissus eux-mêmes, comme ces cellules souches des bulbes cutanés dont la mission est de permettre la croissance des cheveux et des poils tout au long de la vie.</p>
<p>Quelle que soit leur origine, ces cellules ont la potentialité de se transformer pour réparer et faire croître toute sorte de tissus. Cette potentialité de devenir différente, qu’on appelle la différenciation cellulaire, suscite de nombreux espoirs, notamment depuis qu’on les a aussi identifiées dans le système nerveux central (le cerveau) et périphérique (la moelle osseuse et les nerfs).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193919/original/file-20171109-27126-1uljtwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193919/original/file-20171109-27126-1uljtwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193919/original/file-20171109-27126-1uljtwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193919/original/file-20171109-27126-1uljtwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193919/original/file-20171109-27126-1uljtwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193919/original/file-20171109-27126-1uljtwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193919/original/file-20171109-27126-1uljtwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cellules souches embryonnaires de souris en culture.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cellule_souche#/media/File:Mouse_embryonic_stem_cells.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Si le phénomène de régénération est peu évident chez l’humain, il existe un mécanisme que tout le monde connaît. Il s’agit de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cicatrisation">cicatrisation</a>. Tout est dans le mot, c’est une réparation qui laisse une cicatrice. La régénération n’est donc que partielle et ne permet pas une reproduction à l’identique. Il n’est qu’à voir la peau régénérée des grands brûlés dont l’aspect cartonné n’est qu’une pâle reproduction de la belle élasticité du tissu cutané d’origine. Il faut donc comprendre le pourquoi de cette insuffisance, même s’il est bien compris que la cicatrisation est essentielle, voire vitale.</p>
<h2>Les acteurs de la réparation des corps</h2>
<p>Les acteurs œuvrant à la régénération du corps sont au croisement de nombreux mécanismes intrinsèques du vivant, ce qui inclut en première ligne les biologistes et le corps médical, évidemment, mais aussi les physiciens et les mathématiciens ingénieurs ou théoriciens, les chimistes, les ingénieurs, les psychologues et de nombreux acteurs des sciences humaines et sociales.</p>
<p>Ces acteurs de la régénération humaine peuvent orienter leurs travaux vers la régénération d’une fonction, en cherchant à remplacer cette fonction déficiente, par exemple le genou, la peau ou le cœur, ou en incitant le corps à participer lui-même à cette régénération, par exemple en conduisant la repousse de canaux nerveux lésés. L’option actuelle est certainement un mélange des deux approches, par une ingénierie corporelle inclusive et incitative. Ainsi les prothèses de nouvelle génération remplacent et respectent la fonction à recréer, en reproduisant l’organe lésé de façon personnalisée, et en même temps, elles se doivent d’être biocompatibles, en s’intégrant dans le corps sans générer de mécanismes de défense ou de rejet.</p>
<p>Le Graal de cette recherche est de considérer l’élément inséré comme le point de départ de la régénération en incitant et orientant les propres mécanismes de réparation et de régénération du corps. Il s’agit alors de créer une niche pour que les mécanismes de cette régénération soient dûment incités à s’orienter vers une dynamique complète de reconstitution, et non seulement de cicatrisation.</p>
<p>En d’autres termes, les chercheurs, ingénieurs et médecins considèrent le site de réparation/régénération comme un écosystème cohérent. Il doit être connecté ou doit pouvoir se connecter lui-même même, c’est-à-dire être vascularisé et innervé. Il doit retenir les cellules souches circulantes et informer les cellules souches résidantes en leur donnant les informations nécessaires pour les orienter vers une croissance différenciée. Il devra fournir un environnement mécanique précis, tant les cellules sont sensibles aux propriétés mécaniques des tissus environnants ; ceci est illustré par la cicatrisation de la peau qui s’effectue dans l’environnement plastique formé par des mailles rigidifiées de collagène qui n’a plus rien à voir avec l’élasticité de la peau de jouvenceaux servant de référence au discours du cosmétique.</p>
<h2>Après l’imprimante 3D, voici l’impression 4D !</h2>
<p>Ces considérations théoriques sont celles de l’ingénierie tissulaire moderne qui s’inscrit dans une approche globale où la chimie des matériaux, la pharmacologie cellulaire, l’embryologie et la biomécanique, entre autres, se combinent pour proposer aux tissus lésés des niches cellulaires et tissulaires, à la fois prothèse fonctionnelle et matrice de régénération. Dans ce contexte, le facteur temps est un élément essentiel.</p>
<p>Il est bien connu du chirurgien qui suit les évolutions/involutions en direct sur le corps des personnes soignées. Il devient un élément complexe à prendre en compte pour les chercheurs. Le temps ajoute une quatrième dimension à la modélisation de prothèses et orthèses, qu’elles soient synthétisées classiquement avec un matériau unique ou par l’addition orchestrée de plusieurs matériaux séquentiellement ajoutés sous le contrôle d’un logiciel lors de l’impression tridimensionnelle. Cette <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bio-impression">« impression 4D »</a> (l’impression 3D et le facteur temps) est certainement une clé pour optimiser la personnalisation des prothèses et orthèses et favoriser l’hybridation avec le corps. Ses potentialités sont à la base de l’ingénierie de ces niches propices à la régénération de tissus, voire à terme, d’organes.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/193920/original/file-20171109-27161-7p07dk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/193920/original/file-20171109-27161-7p07dk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/193920/original/file-20171109-27161-7p07dk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/193920/original/file-20171109-27161-7p07dk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/193920/original/file-20171109-27161-7p07dk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/193920/original/file-20171109-27161-7p07dk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/193920/original/file-20171109-27161-7p07dk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Imprimante 4D développée par la société russe 3D Bioprinting Solutions, capable d’imprimer des organes vivants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bio-impression#/media/File:Printer_3D_Bioprinting_Solutions.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’introduction systématique du temps introduit un dernier concept qui caracole au front de nos connaissances. Il s’agit du destin des tissus régénérés. On voit que le destin des tissus cicatrisés n’est souvent pas optimal, au regard de leur fonction initiale, même si le corps a dûment fait son travail d’urgence. La croissance des tissus doit être rapide sous peine que d’autres mécanismes se mettent en place (inflammation, infection). La croissance des tissus doit être objectivée : un nerf doit redonner un nerf. La croissance doit être limitée : des cellules doivent mourir ou arrêter de croître au front de la plaie, souvent en invoquant ce mécanisme de mort programmé que l’on appelle l’apoptose. La croissance doit être évolutive : les informations initiales transmises aux cellules doivent soit évoluer soit être interprétées différemment par les cellules. C’est là où les mécanismes épigénétiques vont intervenir. Il s’agit de faire en sorte que le bout de tissu ou d’organe en construction évolue vers un ensemble complet et fonctionnel.</p>
<p>Si l’information initiale de la niche fournie est traduite par les gènes en un programme initial de croissance et de différenciation cellulaire, l’évolution de l’environnement va réguler cette action au fil du temps. Cette épigénétique, autour de la génétique, fait appel à des mécanismes qui sont loin d’être compris et qui font l’objet d’excitantes recherches. Un moteur important de la régulation épigénétique est l’environnement mécanique des tissus. La mollesse d’un foie n’a rien à voir avec l’élasticité des vaisseaux sanguins et de la peau ni avec la dureté d’un ligament ou d’un os. Ce facteur biomécanique est devenu essentiel dans la modélisation des prothèses, orthèses voire des niches environnementales favorables à la régénération.</p>
<p>En résumé, la régénération partielle du corps est l’objet de nombreuses études se traduisant déjà cliniquement. Il y a cependant beaucoup à faire tant les espoirs sont importants, comme celui de régénérer les nerfs chez le tétraplégique. Mais ce qui était inenvisageable il y a quelques décennies devient un objectif réaliste. Le futur seulement dira si cela est réalisable. Le foie pourrait perdre sa singularité régénératrice inscrite dans le mythe de Prométhée. Quant à la régénération de l’Humain dans son entièreté, même la salamandre n’en est pas capable. Pour le moment.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86959/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Sommer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La régénération partielle du corps est l’objet de nombreuses études se traduisant déjà cliniquement. Il y a cependant beaucoup à faire tant les espoirs sont importants.Pascal Sommer, Biologiste à l’Institut des sciences du mouvement (CNRS/Aix-Marseille université), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/833792017-10-08T19:00:45Z2017-10-08T19:00:45ZLe rein, un organe qui se fait trop souvent oublier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186464/original/file-20170918-8285-78trpo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Modèle anatomique en coupe du rein d'un mammifère (Musée vétérinaire de São Paulo, Brésil).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Didactic_model_of_a_mammal_kidney-FMVZ_USP-16.jpeg">Wagner Souza e Silva/Museum of Veterinary Anatomy FMVZ USP</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Même si l’on s’en préoccupe rarement, nos reins sont tout aussi importants que notre cœur ou nos poumons. Ils sont, d’une certaine façon, la « station d’épuration » mais aussi de régulation du corps humain : leur fonction principale est d’éliminer les déchets présents dans notre sang. Chaque minute, environ un litre de sang rejoint les reins pour y être purifié, avant d’en ressortir et de repartir dans la circulation générale.</p>
<p>Or quand un rein devient malade, on ne s’en aperçoit pas forcément tout de suite. Parfois même… pas du tout, tant la nature nous a gâtés, en nous en fournissant deux ! C’est pourquoi notre équipe Progression et réparation des lésions rénales, de l’université Pierre et Marie Curie à Paris, poursuit ses recherches, comme d’autres à travers le monde, pour identifier les signes permettant de sonner l’alerte très tôt. Cela permettrait de prendre la maladie à ses débuts, et donc de mieux préserver cet organe.</p>
<p>Un peu d’anatomie, pour commencer. L’opération de purification réalisée par le rein est possible grâce au million de petites unités fonctionnelles qui le composent : les <a href="http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/nephron">néphrons</a>. Ceux-ci se décomposent en deux parties : le <a href="http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/glomerule">glomérule</a>, comparable à un minuscule filtre, est relié à un <a href="http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/tubule-renal">tubule</a>. Lorsque le sang arrive dans le rein au niveau des glomérules, ces derniers le débarrassent de l’eau et des déchets qui, eux, poursuivent leur chemin dans les tubules. La grande majorité de l’eau est réabsorbée et renvoyée dans l’organisme par les tubules, tandis que les déchets se concentrent dans l’urine jusqu’à leur arrivée dans la vessie. Les reins sont ainsi capables de produire entre un et deux litres d’urine par jour.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/187849/original/file-20170927-24177-16uz9fo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187849/original/file-20170927-24177-16uz9fo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187849/original/file-20170927-24177-16uz9fo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187849/original/file-20170927-24177-16uz9fo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187849/original/file-20170927-24177-16uz9fo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187849/original/file-20170927-24177-16uz9fo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187849/original/file-20170927-24177-16uz9fo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187849/original/file-20170927-24177-16uz9fo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Anatomie d'un rein.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/vector-illustration-diagram-human-kidney-anatomy-177791516?src=vTJhaqZ22ecpJkvPS0OUyA-1-1">Shutterstock</a></span>
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<p>L’élimination des déchets n’est cependant pas l’unique rôle des reins. Ils servent aussi à régulariser la quantité d’eau présente dans l’organisme. Ils sont capables de le débarrasser du surplus ou, à l’inverse, d’en retenir en fonction des besoins.</p>
<p>Les reins ont pour autre fonction d’équilibrer le taux des différents <a href="https://www.topsante.com/nutrition-et-recettes/les-bons-aliments/pour-etre-en-bonne-sante-on-n-oublie-pas-les-sels-mineraux-244855">sels minéraux</a>, par exemple le sodium ou le potassium. Ces derniers, qui proviennent de l’alimentation, ont besoin d’être maintenus à des taux précis dans le sang pour que l’organisme fonctionne correctement. Les reins sont ainsi chargés d’en <a href="http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/excr%C3%A9tion/32039">excréter</a> le surplus dans les urines.</p>
<p>Les reins, enfin, sont en charge de la production <a href="http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/hormone-generalites">d'hormones</a>, ces messagers chimiques qui circulent dans le sang et régularisent certaines fonctions essentielles de l’organisme, comme la <a href="https://www.fedecardio.org/Je-m-informe/Le-coeur/la-tension-arterielle">pression artérielle</a>.</p>
<h2>On peut naître avec un seul rein… et s’en porter très bien</h2>
<p>Normalement, chacun d’entre nous possède deux reins. Mais de multiples facteurs peuvent entraîner l’absence d’un rein chez certaines personnes, sans que cela pose, la plupart du temps, de problème de santé. Il est ainsi possible de n’en avoir qu’un seul dès la naissance et de s’en porter très bien. Bien souvent, la personne concernée ne s’en aperçoit que lors d’une échographie pratiquée pour une tout autre raison.</p>
<p>Le même examen peut également mettre en évidence, toujours par hasard, qu’un <a href="http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/necrose-renale">des deux reins est nécrosé</a> et ne fonctionne plus. Par ailleurs, l’<a href="http://www.urofrance.org/nc/lurologie-grandpublic/fiches-patient/resultats-de-la-recherche/html/nephrectomie-totale.html">ablation d'un des deux reins</a> peut être nécessaire à la suite d’un traumatisme grave ou d’une maladie.</p>
<p>Une personne, enfin, peut se retrouver à vivre avec un seul rein car elle a fait don de l’autre pour <a href="http://sante.lefigaro.fr/sante/traitement/transplantation-renale/quest-ce-que-cest">transplantation</a>. En France, par exemple, la loi permet à toute personne en bonne santé, avec deux reins en très bon état de fonctionnement, de faire don de l’un des deux.</p>
<p>À long terme, le fait de n’avoir qu’un seul rein n’a pas forcément de répercussion sur la vie des personnes concernées, et la très grande majorité n’aura aucun problème de santé de toute sa vie.</p>
<p>La capacité fonctionnelle des reins dépasse en effet de plus du double ce dont l’organisme a normalement besoin : un seul rein filtre donc le sang tout aussi bien que deux. En fait, un rein normal est capable d’augmenter considérablement sa charge de travail en fonction des circonstances. Dans le cas des personnes qui naissent avec un seul rein, il n’est pas rare de voir le rein unique grandir un peu plus que la moyenne pour « compenser » l’absence du second. De la même manière, lors de l’ablation d’un rein, ou encore si les deux reins perdent une partie de leur capacité normale de fonctionnement, les néphrons restants travaillent davantage pour maintenir le corps en santé.</p>
<h2>Un véhicule sans roue de secours</h2>
<p>Néanmoins, les individus vivant avec un rein unique sont un peu dans la situation d’un véhicule qui circulerait sans roue de secours. Des maladies comme les <a href="http://www.allodocteurs.fr/j-ai-mal/aux-reins/pyelonephrite/la-pyelonephrite-une-infection-grave-du-rein_261.html">pyélonéphrites</a> (des infections bactériennes du rein) ou les <a href="https://www.planetesante.ch/Maladies/Calculs-renaux">calculs rénaux</a> peuvent abîmer leur seul rein. En avoir deux est donc un luxe… mais ce n’est pas une raison pour les négliger ou les malmener.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/187852/original/file-20170927-17012-bvmi2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187852/original/file-20170927-17012-bvmi2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187852/original/file-20170927-17012-bvmi2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187852/original/file-20170927-17012-bvmi2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187852/original/file-20170927-17012-bvmi2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187852/original/file-20170927-17012-bvmi2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187852/original/file-20170927-17012-bvmi2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187852/original/file-20170927-17012-bvmi2l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La transplantation d'un rein (<em>kidney</em> en anglais) peut s'effectuer sans que le rein malade n'ait été retiré.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Kidney_Transplant.png">BruceBlaus/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Parfois, les reins ne fonctionnent plus correctement et ne sont plus capables de filtrer le sang de façon optimale : on parle alors d’<a href="https://www.inserm.fr/thematiques/physiopathologie-metabolisme-nutrition/dossiers-d-information/insuffisance-renale">insuffisance rénale</a>. Un rein malade continue à remplir ses fonctions assez longtemps grâce aux néphrons actifs, qui compensent la défaillance des autres. Lorsque les reins cessent complètement de fonctionner, en revanche, les déchets et les liquides s’accumulent dans l’organisme. Il est alors nécessaire de recourir à des traitements de dialyse (pour nettoyer le sang à l’aide d’une machine) ou à une transplantation rénale.</p>
<p>Même grave, une maladie rénale ne se traduit souvent, pendant longtemps, par aucun symptôme. Il est utile de s’assurer, de temps à autre, que ses reins fonctionnent bien, ce qui se fait par une simple analyse de sang. On utilise habituellement comme indice caractéristique, ou biomarqueur, le taux de <a href="http://sante.lefigaro.fr/sante/analyse/creatinine/quest-ce-que-cest">créatinine</a> – un déchet produit par les muscles et censé être éliminé par le rein – dans le sang. Si les reins fonctionnent moins bien, le taux de créatinine augmente dans le sang et diminue dans les urines.</p>
<h2>La créatinine, un marqueur trop tardif du problème rénal</h2>
<p>La créatinine, cependant, <a href="https://www.srlf.org/wp-content/uploads/2015/11/0812-Reanimation-Vol17-N8-p775_782.pdf">n'est pas le marqueur idéal</a> : son taux n’augmente qu’après une réduction d’environ 50 % de la fonction rénale, et donc potentiellement plusieurs jours après le début de la maladie. L’absence de biomarqueurs précoces de l’insuffisance rénale complique donc la possibilité d’intervenir au moment opportun, c’est-à-dire dès le début de la maladie. C’est pour cette raison que la recherche dans ce domaine continue.</p>
<p>Il est également difficile de prédire à quel rythme la maladie rénale risque de détruire le rein. La <a href="http://www.fondation-du-rein.org/comprendre-votre-maladie/la-biopsie-renale.html">biopsie rénale</a>, un examen qui consiste à prélever un ou plusieurs fragments de cet organe et à examiner l’échantillon au microscope, permet de poser un diagnostic et de suivre l’évolution de la maladie. Sans cet examen assez invasif, il est malaisé de prédire sa progression.</p>
<p>De nombreux chercheurs essaient aujourd’hui de comprendre les mécanismes de progression des lésions, avec l’espoir de trouver de nouveaux marqueurs de l’insuffisance rénale. Pour être de bons biomarqueurs, les molécules identifiées doivent refléter étroitement et précocement la présence de l’insuffisance, le but étant de pouvoir intervenir au plus tôt sur la maladie. Elles doivent également être facilement mesurables par une analyse de sang ou d’urine – car la biopsie reste un geste lourd.</p>
<h2>A la recherche d’un marqueur pour prédire l’évolution de la maladie</h2>
<p>Toutes les équipes dans le monde suivent le même processus. Une fois que des marqueurs potentiels sont identifiés, des études sur plusieurs groupes de malades permettent de voir si le taux de ce marqueur est prédictif de l’évolution de la maladie. L’objectif est de pouvoir différencier, à terme, les malades dont l’insuffisance rénale continuera de progresser, ceux chez qui elle ne progressera plus, et ceux pour qui elle régressera.</p>
<p>Plusieurs biomarqueurs repérés ces dernières années semblent répondre à ce critère. Parmi eux, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18650797">cystatine C</a>, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19956925">NGAL</a>, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24904085">Kidney injury molecule 1</a> (KIM-1), la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18569970">Liver-type fatty acid binding protein</a> (LFABP) et l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4322238/">interleukine 18</a> (IL-18).</p>
<p>Il faudra ensuite définir les valeurs seuils pour chacun de ces marqueurs. Cela exige des études à plus large échelle, sur un très grand nombre de patients, venus d’hôpitaux différents et appartenant à des populations diverses. Ainsi, dans quelques années, la santé de vos reins devrait être beaucoup mieux évaluée. Votre taux de créatinine ne sera sans doute plus qu’un résultat parmi d’autres sur la feuille de résultats envoyée par votre laboratoire d’analyses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83379/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloe Rafael ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’homme étant doté de deux reins, l’un peut tomber malade sans qu’il s’en aperçoive. La journée mondiale du rein est l'occasion de rappeler l'importance de vérifier leur bonne santé.Chloe Rafael, Doctorante, unité Inserm sur les maladies rénales, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768932017-07-02T20:57:33Z2017-07-02T20:57:33ZCes chercheurs qui font repousser les nerfs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175702/original/file-20170626-29096-1itdw4a.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C24%2C1024%2C723&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un neurone (en vert et en blanc) dans le cerveau d'un insecte. Le défi consiste à faire repousser l'axone du neurone quand celui-ci a été lésé, par exemple dans un accident touchant la colonne vertébrale. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nichd/21086076575/">NICHD/N. Gupta</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le neurochirurgien Alim-Louis Benabid a annoncé le 29 juin qu’il venait d’installer, pour la première fois, <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/un-tetraplegique-opere-du-cerveau-pour-actionner-un-exosquelette-afin-de-se-mouvoir_113881">deux implants dans le cerveau d’un jeune homme tétraplégique</a>. Selon le fondateur de Clinatec, centre de recherche médicale situé à Grenoble, ces implants permettront d’enregistrer l’activité électrique générée par le cerveau du patient. Celle-ci sera traduite par un ordinateur pour commander une armature lui permettant de soulever ses jambes. Il pourra ainsi piloter « par la pensée » cet exosquelette. Un essai clinique portant sur cinq patients au total, porteur de grandes promesses.</p>
<p>Avec le même espoir, celui de permettre à des personnes paralysées de remarcher, d’autres scientifiques explorent une voie totalement différente. Ils cherchent le moyen de réparer les lésions du système nerveux central. Plusieurs équipes sont ainsi parvenues, dans leurs laboratoires, à faire repousser des nerfs sur plusieurs centimètres.</p>
<p>Ces travaux ouvrent des perspectives pour les personnes touchées à la colonne vertébrale après un accident, mais aussi celles qui ont gardé des séquelles <a href="https://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/avc-accident-vasculaire-cerebral">après un accident vasculaire cérébral</a> (AVC) ayant touché la marche ou le langage, ou encore celles atteintes par le <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/glaucome/comprendre-glaucome">glaucome</a>, une maladie du nerf optique. Cependant, plusieurs difficultés doivent encore être surmontées avant de pouvoir envisager, un jour, de régénérer ainsi nos fibres nerveuses sur commande.</p>
<p>Nous ressentons et interagissons avec le monde qui nous entoure grâce à nos neurones. Les plus connus sont ceux logés dans notre cerveau, mais il en existe d’autres, présents dans l’ensemble de notre corps. En effet, c’est grâce à ces cellules très spéciales que nous pouvons penser, ressentir la douleur, la chaleur, le vent sur notre visage, marcher, courir, ou bien contrôler les fonctions de notre organisme tel que nos battements cardiaques.</p>
<p>Ces neurones possèdent de longs prolongements, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Axone">axones</a>, qui forment ce qu’on appelle les « nerfs ». Les axones permettent au système nerveux de se connecter avec ses cibles que sont les muscles, les vaisseaux sanguins ou encore les intestins, et de les contrôler.</p>
<h2>Un système nerveux capable de se régénérer, l’autre pas</h2>
<p>Mais la nature aimant compliquer les choses, le corps humain est formé de deux systèmes nerveux dont les capacités de réparation sont diamétralement opposées. Le premier est le système nerveux périphérique (SNP). Il est composé de tous les nerfs qui innervent les muscles, les os, les organes. Ceux-là possèdent la capacité de se régénérer après une lésion.</p>
<p>Ainsi il y a deux ans, les médecins de l’hôpital pour enfants de Philadelphia, aux États-Unis, ont accompli une prouesse chirurgicale en <a href="http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/07/30/23984-premiere-double-greffe-mains-sur-enfant">transplantant deux bras à un jeune garçon de 8 ans</a>. Les médecins ont recousu les nerfs de l’enfant avec ceux des bras greffés. La cicatrice liée à la suture se résorbe et rapidement, les nerfs ne font plus qu’un. La réussite de l’opération souligne le formidable pouvoir de régénérescence du SNP.</p>
<p>Le système nerveux central (SNC) comprend, lui, le cerveau et la moelle épinière. Le SNC est fragile, donc très protégé. Ainsi le cerveau se trouve à l’abri dans la boîte crânienne et la moelle épinière, à l’intérieur de la colonne vertébrale. Cet écrin osseux est nécessaire car le SNC est totalement incapable de se réparer après une lésion. La partie touchée finit par en mourir.</p>
<h2>Chute, AVC ou glaucome peuvent endommager les fibres nerveuses</h2>
<p>Les neurones du SNC peuvent être endommagés lors d’un AVC, du fait de maladies neurodégénératives comme la SLA, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alzheimer-31417">Alzheimer</a> ou le glaucome (qui touche le nerf optique) ou lors de traumatismes comme une chute ou un accident de voiture. Si ces fibres nerveuses sont touchées, les fonctions cognitives ou motrices qu’elles commandent sont définitivement perdues.</p>
<p>C’est ainsi que l’acteur jouant le rôle de Superman dans les années 1970, <a href="https://www.christopherreeve.org/">Christopher Reeves</a>, était resté tétraplégique après une chute de cheval. Aujourd’hui décédé, il avait vécu de longues années paralysé après une blessure de la moelle épinière au niveau du cou.</p>
<p>Dans la quête d’une guérison des lésions du SNC, une première avancée importante a été obtenue au début des années 1980 par <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6171034">deux chercheurs canadiens</a> de l’université McGill, Samuel David et Albert Juan Agayo. Ils ont démontré que l’environnement de la lésion, c’est-à-dire les cellules formant les tissus qui entourent les neurones, joue un rôle clé dans les mécanismes qui les empêchent de se régénérer.</p>
<p>Depuis cette découverte, des efforts importants ont été déployés pour caractériser cet environnement, mettant en évidence la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27026202">barrière physique qu’elle forme à la repousse</a>. On a identifié quelles molécules inhibitrices présentes dans ces tissus étaient reconnues par les axones <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24608164">comme des signaux inhibiteurs de repousse</a>.</p>
<h2>Chez l’embryon, les neurones possèdent la capacité de repousse</h2>
<p>Les chercheurs s’interrogent aussi sur le rôle des neurones eux-mêmes dans le processus de la régénérescence. En effet, chez l’embryon et le fœtus, les neurones du SNC possèdent la capacité de repousse après une blessure. Après la naissance, en revanche, ce n’est plus le cas. Ainsi l’<a href="http://www.childrenshospital.org/researchers/zhigang-he">équipe du professeur de neurologie Zhigang He à l’Université de Harvard</a>, aux États-Unis, a approché le problème sous un angle nouveau : et si le problème ne venait pas tant des tissus autour, mais plutôt des neurones eux-mêmes ?</p>
<p>Pour tenter de répondre à cette question, l’équipe de Harvard a renoncé à prendre comme objet d’étude la moelle épinière, système difficile à manipuler et extrêmement complexe – on ne sait pas quel neurone est touché de façon précise par la lésion. Les chercheurs ont choisi le nerf optique, qui appartient au SNC et permet d’étudier non seulement la repousse de l’axone – leur sujet d’étude – mais aussi la survie des neurones, un aspect crucial dans les maladies neurodégénératives comme le glaucome.</p>
<p>Les chercheurs ont stimulé, chez la souris, des voies de signalisation moléculaires qui sont actives pendant le développement de l’embryon. Et montré ainsi, en 2008, que les axones du nerf optique peuvent repousser après une lésion, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18988856">des résultats publiés dans la prestigieuse revue <em>Science</em></a>. Depuis cette avancée spectaculaire, de nombreuses molécules permettant la croissance des axones après une lésion ont été découvertes. De façon intéressante, les effets de la plupart de ces molécules peuvent être transposés <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27151637">dans d’autres parties du SNC telle que la moelle épinière</a>, ouvrant de véritables perspectives thérapeutiques.</p>
<h2>Une repousse sur quelques centaines de micromètres</h2>
<p>Ces molécules permettent la repousse de l’axone à courte distance, soit quelques centaines de micromètres. Seulement il est extrêmement rare que la lésion se produise à proximité des cibles visées par les axones, de sorte que cette faible croissance est insuffisante pour permettre le retour des fonctions perdues. Bien souvent, plusieurs centimètres seraient nécessaires. Pour une lésion au niveau cervical, par exemple, il faudrait une repousse sur plusieurs dizaines de centimètres pour retrouver la mobilité des membres inférieurs.</p>
<p>Cette question critique a été le centre des travaux que j’ai menés après ma thèse lors de mon passage dans l’équipe de Zhigang He, de 2010 à 2016. En déterminant comment les neurones réagissent au cours de leur développement mais aussi après une lésion, j’ai pu mettre en évidence <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26526391">trois voies de signalisation</a> critiques pour leur bonne croissance. La modulation simultanée de ces trois voies, chez la souris, a permis de franchir l’obstacle resté jusqu’ici insurmontable de la repousse sur une longue distance.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Schéma simplifié du système visuel qui montre que le nerf optique (en rouge) permet de connecter l’œil et la rétine à une zone du cerveau, le thalamus (en vert). Les flèches bleues indiquent l’endroit de la lésion du nerf optique lors de nos expériences. Ainsi on voit la longue distance que les axones doivent parcourir lors de la repousse pour atteindre leur cible : chez la souris, 1 à 2 cm ; chez l’homme, environ 15 à 20 cm.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Homaira Nawabi</span></span>
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</figure>
<p>En effet, nous avons réussi à obtenir une régénérescence suffisamment puissante pour faire repousser les axones de l’œil sur 1 à 2 centimètres <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25937169">jusque vers leurs cibles dans le cerveau</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174894/original/file-20170621-30190-1s5fe1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174894/original/file-20170621-30190-1s5fe1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174894/original/file-20170621-30190-1s5fe1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174894/original/file-20170621-30190-1s5fe1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174894/original/file-20170621-30190-1s5fe1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174894/original/file-20170621-30190-1s5fe1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174894/original/file-20170621-30190-1s5fe1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photo d’un nerf optique montrant les axones (en blanc) en cours de régénérescence, chez la souris. L’œil se trouve à gauche de l’image et le cerveau à droite. La localisation de la lésion est montrée par les étoiles violettes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Homaira Nawabi</span></span>
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</figure>
<p>Avions-nous touché au but ? Réparer le SNC pouvait alors paraître à notre portée. C’était sans compter sur un phénomène surprenant observé non seulement dans nos travaux mais aussi par <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24874558">d’autres équipes</a>. En effet, une moitié des axones suit correctement son chemin vers sa cible. Mais l’autre moitié des axones qui repoussent semble être complètement perdue… et se dirige n’importe où. Or si l’on permet aux axones de repousser sans bien les diriger et que les neurones, au final, se connectent aux mauvaises cibles, on s’expose à de graves problèmes. Par exemple, des circuits véhiculant des informations de douleur complètement anarchiques peuvent se former.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175583/original/file-20170626-309-n75j4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175583/original/file-20170626-309-n75j4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175583/original/file-20170626-309-n75j4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175583/original/file-20170626-309-n75j4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175583/original/file-20170626-309-n75j4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175583/original/file-20170626-309-n75j4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175583/original/file-20170626-309-n75j4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À gauche, des axones en cours de régénérescence de façon anarchique. À droite, le but que vous voulons atteindre : des axones qui repoussent et atteignent leur cible.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Homaira Nawabi</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chez l’embryon et le fœtus, des milliers de faisceaux d’axones naviguent sur de longues distances afin de se connecter de façon très spécifique à leur cible. Ces mécanismes seraient-ils conservés, d’une façon ou d’une autre, chez l’adulte ? Peut-on trouver de nouveaux processus pour conduire les axones qui repoussent à bonne destination, jusqu’à leurs cibles ?</p>
<p>Ces interrogations, centrales pour les années à venir, sont les moteurs de l’équipe que je dirige à l’Institut des Neurosciences de Grenoble, à l’Université Grenoble-Alpes. Nous utilisons pour cela une combinaison de techniques comme l’imagerie, les cultures de neurones et la production de virus non dangereux qui nous permettent de transporter dans l’organisme des molécules d’intérêt thérapeutique.</p>
<p>Tandis que nous tentons de régénérer les neurones endommagés, que le neurochirurgien Alim-Louis Benabid teste le principe d’un exosquelette, d’autres équipes s'efforcent de guérir autrement le même type de patients. En Suisse, l’<a href="http://courtine-lab.epfl.ch">équipe du neurobiologiste Grégoire Courtine</a> essaie de mettre en place des interfaces homme/machine. À l’université de San Diego, aux États-Unis, le <a href="https://neurosciences.ucsd.edu/centers/neural-repair/Pages/default.aspx">groupe du professeur de neurosciences Marc Tuszynski</a> explore de son côté l’utilisation de cellules souches. C’est la combinaison de ces différentes approches, cellulaire, moléculaire et robotique, toutes aussi importantes les unes que les autres, qui donne l’espoir de parvenir à réparer un jour les atteintes du système nerveux central.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Homaira Nawabi a reçu des financements de l'ANR (Accueil Chercheurs Haut Niveau).</span></em></p>Quand un accident endommage la moelle épinière, nous pouvons perdre l’usage de nos membres. Les scientifiques savent faire repousser les fibres nerveuses mais le chemin vers un traitement reste long.Homaira Nawabi, Neurobiologiste, Inserm, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768412017-05-02T21:43:19Z2017-05-02T21:43:19ZQue penser de la greffe d’utérus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167143/original/file-20170428-15097-iusnne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C14%2C767%2C443&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Anatomie de l'utérus au cours d'une grossesse.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://wellcomeimages.org/indexplus/obf_images/a6/e0/278849df1855262e9ecd3c0a1ee3.jpg">William Hunter/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>La première naissance d'un bébé, aux Etats-Unis, à la suite d'une greffe d'utérus, <a href="http://www.europe1.fr/sante/premiere-naissance-a-la-suite-dune-transplantation-uterine-aux-etats-unis-3509231">a été annoncée le 1er décembre 2017</a>. Le dernier décompte connu faisait état, en septembre 2017, de 8 bébés nés dans le monde depuis 2014 grâce à cette technique encore expérimentale, selon <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/22903-Greffe-d-uterus-naissances-monde-ans">l’Académie Sahlgrenska en Suède</a>. </p>
<p>En France, le CHU de Limoges poursuit son essai clinique prévoyant la greffe de 8 patientes, démarré en 2015. Depuis, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27552172">139 femmes se sont portées candidates</a>, et plusieurs <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/greffe-uterus-limoges-poursuit-son-essai-clinique-1338657.html">sont maintenant en attente d'un greffon compatible</a>. </p>
<p>La transplantation d’utérus pourrait en effet permettre de remédier à l’infertilité utérine résultant, chez une femme, de l’absence d'utérus à la naissance, ou bien d’une ablation pour cause de cancer ou de complications d'une grossesse.</p>
<p>La greffe d’utérus semble s’inscrire dans la tendance actuelle au rapprochement de la médecine et de l’<a href="http://www.cnrtl.fr/definition/anthropotechnie">anthropotechnie</a>. Cette dernière, définie comme l’ensemble des techniques favorisant le développement biologique et culturel de l’homme, contribue à l’amélioration de l’être humain, c’est-à-dire à l’avènement d’un homme augmenté. À l’heure où certains évoquent le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transhumanisme">transhumanisme</a> comme le nouvel âge d’or d’une humanité renouvelée qui se sera départie des contingences traditionnellement liées à sa condition (la maladie, la vieillesse, la souffrance et même la mort), la greffe d’utérus participe bien de cette tendance à améliorer l’humain. Elle vise en effet à accroître les capacités génésiques des femmes en leur donnant ce qu’elles n’avaient pas ou n’avaient plus : un utérus.</p>
<h2>Made in Limoges</h2>
<p>Initialement, on est loin, très loin, du Limousin. Qu’on en juge : la première greffe de ce type a eu lieu en Arabie Saoudite au début des années 2000 et s’est soldée par un échec. Par la suite, les recherches se sont poursuivies en <a href="http://www.rfi.fr/science/20111005-greffe-uterus-reussie-turquie-une-premiere-mondiale">Turquie</a>. Puis ce sont des <a href="https://www.cecos.org/node/4217">chercheurs suédois</a> qui se sont penché sur la question, menant des expériences sur des animaux, comme des souris, des brebis ou encore des babouins, avant de réaliser des transplantations utérines sur des femmes. Plusieurs enfants ont pu naître à la suite de ces transplantations. Finalement, en France, l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) a validé le <a href="http://www.chu-limoges.fr/le-projet-de-recherche-clinique-sur-la-transplantation-d-uterus-du.html">5 novembre 2015</a> les recherches sur la transplantation utérine : l’autorisation a été accordée à une <a href="http://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/greffe-d-uterus-limoges-interview-du-dr-tristan-gauthier-848271.html">équipe du Centre hospitalier universitaire de Limoges</a>.</p>
<p>Le protocole validé par l’ANSM autorise la réalisation d’un essai clinique portant sur huit femmes volontaires, âgées de vingt-cinq à trente-cinq ans, n’ayant jamais eu d’enfant et en bonne santé. Les utérus greffés ne proviendront pas d'une donneuse vivante comme cette infirmière de 36 ans, mère de deux enfants, dont le don <a href="http://www.europe1.fr/sante/premiere-naissance-a-la-suite-dune-transplantation-uterine-aux-etats-unis-3509231">a permis la première naissance aux Etats-Unis</a>, mais de femmes en état de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mort_c%C3%A9r%C3%A9brale">mort cérébrale</a>. L’objectif est d’éviter les complications chirurgicales aux donneuses, sachant que l’organe greffé n’est pas vital pour la receveuse.</p>
<p>Les Limougeauds ne pourront que se féliciter du dynamisme de leur Centre hospitalier universitaire qui n’en est plus à son coup d’essai en matière d’innovation : on pense entre autres aux <a href="http://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-protheses-craniennes-ceramique-limoges-54691/">prothèses crâniennes en céramique</a> fabriquées par l’entreprise <a href="http://3dceram.com/category/biomedical/implants-et-substituts-osseux/">3DCeram</a> ou encore, pour en revenir au domaine de la gynécologie obstétrique, à la <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/25/une-patiente-apres-une-autogreffe-de-tissu-ovarien-accouche-d-une-petite-fille_1211077_3244.html">première greffe de tissu ovarien</a>. De leur côté, les juristes, ces coupeurs de cheveux en quatre, profiteront de l’occasion pour se poser des questions… auxquelles ils ne répondront pas forcément.</p>
<h2>Comment légiférer sur la greffe d’utérus ?</h2>
<p>Dans la mesure où la greffe d’utérus n’a pas dépassé le stade expérimental, aucune intervention du législateur n’est nécessaire dans l’immédiat. Cependant, si la transplantation utérine devient une pratique clinique reconnue, elle requerra sans doute un encadrement juridique particulier tenant compte de <a href="http://www.academie-medecine.fr/publication100100458/">ses spécificités</a>.</p>
<p>D’un côté, la greffe d’utérus s’apparente à une technique de procréation médicalement assistée (PMA). Elle poursuit en effet le même objectif, à savoir la conception d’un enfant, et sera combinée à une fécondation <em>in vitro</em> au cours de laquelle un don d’ovocytes sera parfois nécessaire. La définition de la PMA telle qu’elle résulte de l’article <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687417">L2141-1 du Code de la santé publique</a> semble actuellement trop précise et trop restreinte pour intégrer la greffe d’utérus et nécessitera sans doute quelques ajustements. Il n’en reste pas moins que <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000024325489&idSectionTA=LEGISCTA000006171132&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20170314">son régime</a> est transposable à cette greffe.</p>
<p>La PMA vise à remédier à l’infertilité pathologique, médicalement diagnostiquée, d’un couple. C’est aussi le cas de la transplantation utérine. Par ailleurs, la PMA concerne les couples hétérosexuels, vivants et en âge de procréer, autant de conditions qui sont applicables à la greffe d’utérus. Mais le rapprochement avec la PMA ne semble pas autoriser les transsexuels hommes devenus femmes à bénéficier d’une greffe d’utérus, leur infertilité n’étant pas pathologique. Les femmes célibataires seront également exclues <a href="https://theconversation.com/debat-pma-pour-toutes-une-etape-societale-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">si l’accès à la PMA n’est pas élargi</a>.</p>
<p>D’un autre côté, la greffe d’utérus est également une transplantation d’organe et doit à ce titre respecter certaines règles. Si les utérus continuent à être prélevés seulement sur des personnes en état de mort cérébrale, les difficultés devraient être limitées, les risques étant bien moins grands qu’en cas de prélèvement sur une donneuse vivante. Cela étant, la greffe d’utérus présente deux caractéristiques qui suscitent la réflexion : non seulement elle n’est pas vitale et ne vise qu’à rendre possible une grossesse, mais encore elle est éphémère puisque l’utérus sera retiré après une ou deux grossesses en raison des effets indésirables de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Immunosuppression">immunosuppression</a>. Partant, les difficultés juridiques se concentrent sur un aspect : la greffe d’utérus est-elle réellement thérapeutique ou non ?</p>
<p>Traditionnellement, la vocation thérapeutique est la condition <em>sine qua non</em> permettant à une greffe d’organe d’être réalisée. Tout dépendra donc ici du sens que médecins et juristes entendront donner au terme « thérapeutique ». Ainsi, au gré de quelques aménagements, le Code de la santé publique semble tout à fait apte à encadrer la greffe d’utérus si cette dernière dépasse le stade expérimental.</p>
<h2>Mieux que la gestation pour autrui ?</h2>
<p>Un autre aspect de la greffe d’utérus ne manquera pas d’éveiller l’attention des juristes : elle est généralement présentée comme une manière de remédier à l’interdiction de la <a href="https://theconversation.com/la-russie-ce-pays-ou-la-gestation-pour-autrui-est-legitime-72383">gestation pour autrui</a> (GPA). Rappelons que le recours aux mères porteuses est prohibé en France par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419302&cidTexte=LEGITEXT000006070721">article 16-7 du Code civil</a> et que cette interdiction, bien que fréquemment contournée par des couples qui se rendent à l’étranger pour recourir à des mères porteuses, est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=C940DA063C8C46F532D832228D9242A1.tpdila18v_2?idArticle=LEGIARTI000006419304&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20170314&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=">d’ordre public</a>.</p>
<p>La mise en relation de ces deux procédés n’est cependant pas évidente. La GPA et la greffe d’utérus ont certes un objectif commun, la naissance d’un enfant, mais leurs modalités diffèrent considérablement. Les comparer, c’est comparer l’incomparable. En outre, on ne voit pas en quoi la prohibition de l’une favoriserait l’autorisation de l’autre.</p>
<h2>À quand l’utérus artificiel et la grossesse masculine ?</h2>
<p>Si la greffe d’utérus nous préoccupe actuellement, on ne saurait cependant oublier qu’une <a href="http://www.slate.fr/story/117885/uterus-artificiel">autre option existera peut-être un jour</a>, laquelle posera des problèmes juridiques encore plus… stimulants : l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ectogen%C3%A8se">ectogenèse</a>. Ce terme, forgé par le généticien John B. S. Haldane dans les années 1920, désigne la gestation dans un utérus artificiel. Une expérimentation réussie de spécialistes de néonatologie aux États-Unis a permis <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Ethique/Naissance-dagneaux-issus-uterus-artificiel-2017-04-27-1200842849">de tester récemment sur des agneaux</a> un système de poche des eaux et de placenta artificiel. Cette forme de gestation qui se trouve au cœur du roman d’Aldous Huxley, <em>Le meilleur des mondes</em>, pourrait susciter l’engouement des transhumanistes et surtout, des féministes.</p>
<p>À l’heure où la grossesse reste sans doute le premier vecteur d’inégalité entre les hommes et les femmes, l’utérus artificiel pourrait se présenter comme un remède miracle : le médecin et philosophe Henri Atlan lui a d’ailleurs consacré un <a href="http://www.liberation.fr/week-end/2005/04/02/l-uterus-artificiel-un-pas-de-plus-vers-la-separation-totale-entre-sexualite-et-procreation_515216">ouvrage enthousiasmant</a>. Son statut juridique poserait néanmoins de nombreuses questions. En déshumanisant le fœtus comme la conception <em>in vitro</em> déshumanise l’embryon, un tel utérus viendrait à coup sûr prolonger le débat éthique relatif à l’artificialisation de la procréation, débat initié par la PMA et relancé par la greffe d’utérus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Blandine Caire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Encore expérimentale, la greffe d’utérus a permis une nouvelle naissance aux Etats-Unis. Mais se poseront inévitablement des questions d'éthique et d’encadrement juridique.Anne-Blandine Caire, Professeur de droit privé et de sciences criminelles - École de Droit - Université d'Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/720672017-03-23T21:07:10Z2017-03-23T21:07:10ZLa cirrhose n’est pas irréversible<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/155947/original/image-20170207-4240-1pz5bjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C25%2C5640%2C3196&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quand la cause de la destruction du foie disparait avec, par exemple l'arrêt de l'alcool, cet organe peut revenir à son état normal. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/romanboed/14116945164/in/photolist-nvt2Yh-ef2Po9-6gbjK1-74J9AZ-6gbjxh-e11HP6-fuKWmf-bvmf6w-xTBLn-9Djqd1-frzaTG-cm6JAC-nW3CGt-5aK1EN-zqwdE-6rKF7J-7hrpa8-JVkQa-8knxwW-PUs9LC-74sfwS-6mzNTE-9VEdm1-6jzJqj-8FG8a5-6eHJ9A-5xJ3Ez-bJg2wK-bvmf8h-7McUE9-iEizch-fUdsdt-aSSEgx-dYqeeG-dbiSE2-5XFK2-6mzNWs-6bQX2J-4KDAK5-4KDza7-6oW3GV-7hmUoZ-4Kzirk-97kW9R-4KDBMC-4KDzn9-4KDA5Y-4KziWc-6mzNZ3-4KDBcA">Roman Boed/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La cirrhose reste, dans l’imaginaire collectif, un mal honteux et surtout fatal. <a href="http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/04/14/24863-cirrhose-est-elle-encore-maladie-honteuse">Associée à l’image d’un homme fini</a>, elle symbolise dans l’esprit de beaucoup le stade ultime de l’alcoolisme. Or l’idée que cette dégradation du foie aurait un caractère définitif est en décalage avec les faits scientifiquement établis. La cirrhose n’est plus, aujourd’hui, irréversible. Au moins pour une partie des 700 000 cas de cirrhose recensés <a href="http://www.inserm.fr/index.php/thematiques/physiopathologie-metabolisme-nutrition/dossiers-d-information/cirrhose">par l’Inserm</a> en France.</p>
<p>Lorsque la cause a pu être correctement traitée, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28060241">cirrhose peut en effet disparaître</a>. J’expose ici les circonstances dans lesquelles cela s’est déjà produit, alors que les Journées francophones d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive se tiennent à Paris jusqu’au 25 mars.</p>
<p><a href="http://www.centre-hepato-biliaire.org/maladies-foie/anatomie-foie.html">Le foie</a> est un organe unique car capable de « régénération », comme l’illustre le mythe de Prométhée enchaîné – dont le foie, dévoré le jour par un aigle, repoussait chaque nuit. Si l’on retire une partie du foie, de nouvelles cellules sont fabriquées, lui permettant de retrouver sa taille initiale.</p>
<p>Une autre particularité de cet organe est sa capacité à retrouver sa souplesse et sa fonctionnalité initiales, après avoir été « malmené » par l’exposition à un agent pathogène, par exemple un virus. Tout organe agressé fabrique, en réponse à l’inflammation locale, de la fibrose – une sorte de cicatrice constituée notamment de différents collagènes. En cas d’hépatite aiguë, la cicatrice produite est mince, puis rapidement « remodelée », c’est-à-dire qu’elle s’efface sous l’effet des enzymes locales. Le foie retrouve alors son intégrité.</p>
<h2>Une anatomie anarchique du foie</h2>
<p>Dans les maladies hépatiques chroniques, par contre, l’exposition à l’agent pathogène – par exemple l’alcool – persiste dans le temps. Il se produit de l’inflammation et de la nécrose (mort cellulaire), ce qu’on nomme « activité nécrotico-inflammatoire ». Les capacités du foie à se remodeler peuvent alors être dépassées.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Foie normal, et au stade de la cirrhose (image de synthèse).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=Special:Search&search=liver+cirrhosis&fulltext=1&ns0=1&ns6=1&ns14=1&searchToken=emwbuumel75vy0p5wfb7h6tsj#/media/File:Liver_Cirrhosis.png">BruceBlaus/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En conséquence, la fibrose progresse et la structure harmonieuse du foie est rompue par des « nodules de régénération », amas de cellules hépatiques entourés de tissu cicatriciel. Cette anatomie anarchique est <a href="http://www.centre-hepato-biliaire.org/maladies-foie/cirrhose.html">ce qui définit la cirrhose</a>. Le foie devient dur, sa surface, irrégulière, et ses fonctions sont perturbées. Devenu fibreux et granuleux, il est moins capable de récupérer les nutriments absorbés par les intestins pour les transformer en protéines, graisses, sucres ou énergie, d’éliminer les substances toxiques pour l’organisme, de produire de la bile.</p>
<h2>Des guérisons dans l’hépatite C ont changé la donne</h2>
<p>Longtemps, ces dégâts ont été considérés comme irréversibles. Mais l’arrivée de médicaments <a href="http://www.medecine.parisdescartes.fr/?p=27914">efficaces contre l’hépatite C</a> a changé la donne. Ces vingt dernières années, des progrès thérapeutiques majeurs ont en effet permis <a href="https://theconversation.com/hepatite-c-jose-prononcer-le-mot-guerison-65810">d’obtenir des guérisons chez des malades chroniques</a>. L’un des examens qui permet de vérifier le bon état de leur foie consiste en une biopsie, c’est-à-dire le prélèvement d’un fragment de cet organe, généralement à l’aide d’une aiguille piquant à travers la peau. Or des biopsies ont montré, à la grande surprise des médecins, que du tissu sain – ou presque – pouvait prendre la place de la fibrose, mais aussi de la cirrhose. Cela est attesté chez 14 des 113 patients inclus dans l’étude coordonnée par un chercheur de l’hôpital Necker à Paris, et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16997354">publiée en 2006</a>.</p>
<p>Ainsi, chez <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18794559">certains patients guéris de leur infection virale C</a>, il est possible au cours du temps de constater une réversibilité de la cirrhose. Et ceci est vrai aussi pour des personnes infectées par le virus de l’hépatite B, comme le montre une autre étude menée à l’hôpital Beaujon (Clichy, Hauts-de-Seine), <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23234725">publiée en 2013 dans la revue de référence The Lancet</a>. </p>
<p>Si on dispose aujourd’hui de suffisamment de preuves tangibles de cette régression, l’absence de données issues d’études contrôlées ne permet pas d’affirmer dans quelle proportion elle survient. On peut toutefois considérer que 15 à 30 % des patients touchés par une hépatite C connaissent une réversibilité de leur cirrhose à l’échéance de trois ans, et environ 70 % des patients touchés par l’hépatite B au bout de cinq ans.</p>
<p>La condition nécessaire, mais pas toujours suffisante, est que l’infection reste sous contrôle, c’est-à-dire que le virus ne soit plus détectable dans l’organisme par les méthodes d’analyse usuelles.</p>
<h2>Des preuves de la disparition de la cirrhose</h2>
<p>Il a été objecté que des fragments de foie prélevés par biopsie pouvaient ne pas être représentatifs de l’état du foie dans son ensemble. Les équipes médicales auraient pu avoir « bonne pioche », en quelque sorte, en tombant sur une partie préservée de l’organe. Cela peut en effet être discuté.</p>
<p>Cependant, de meilleures preuves de la disparition de la cirrhose ont été apportées par l’examen de foies complets. L’occasion ne s’est présentée que très rarement, dans des cas où le patient recevait une greffe de cet organe. Dans une étude rétrospective que j’ai publiée en 2004, j’expose <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14745732">trois cas où les médecins ont découvert que le foie était en bon état</a> … au cours de l’intervention. Le remplacement de l’organe a néanmoins été chaque fois mené à son terme, car chez ces patients bénéficiant d’une double transplantation rein et foie, la greffe du foie réduit les risques de rejet de la greffe rénale.</p>
<p>Contrairement au dogme qui prévaut dans les esprits, la cirrhose est donc, sous certaines conditions, une maladie réversible. Et cela, quelle que soit la cause de la cirrhose. Il peut s’agir d’une consommation trop élevée d’alcool ; d’une infection par le virus de l’hépatite B ou C ; d’un syndrome métabolique lié à l’obésité ou au diabète (on l’appelle aussi <a href="http://www.ouest-france.fr/sante/obesite-la-nash-maladie-du-foie-gras-humain-progresse-4773499">maladie du « foie gras »</a> ou Nash, <em>non-alcoholic fatty liver disease</em>, en anglais) ; d’une maladie auto-immune, comme l’hépatite auto-immune ; d’une hémochromatose, maladie héréditaire entraînant une surcharge du foie en fer ; d’une maladie de Wilson, autre maladie héréditaire entraînant une surcharge en cuivre.</p>
<h1>Contrôler la cause de la cirrhose</h1>
<p>Pour que la cirrhose puisse régresser, il faut qu’une première condition soit respectée : la cause de la dégradation du foie doit être sous contrôle. Ainsi, dans la cirrhose alcoolique, il faut obtenir au préalable l’arrêt de l’alcool ; dans l’hépatite C, une guérison virale ; dans l’hépatite B ou l’hépatite auto-immune, une extinction de l’activité du virus ; dans l’hémochromatose, une diminution du niveau en fer (déplétion martiale) ; et dans le « foie gras », un contrôle du syndrome métabolique.</p>
<p>Deuxième condition, la personne ne doit pas présenter un autre facteur de risque pour le foie, ce qu’on appelle une « comorbidité hépatique ». Pour prendre un exemple, une personne guérie de son hépatite C n’en verra pas les bénéfices au niveau de son foie, si elle continue à consommer de l’alcool en quantité excessive. Et pas plus en cas de surpoids, ou de diabète. Le problème se pose aussi en cas d’infection simultanée avec le VIH – possiblement en raison de la toxicité pour le foie des antirétroviraux d’ancienne génération.</p>
<p>Enfin, la cirrhose ne doit pas se doubler de complications. Avec des problèmes comme une augmentation de la pression dans la veine porte qui irrigue le foie, ou une insuffisance hépatique entraînant des hémorragies digestives ou une ascite (accumulation de liquide dans l’abdomen), la dégradation du foie atteint probablement un point de non-retour, au-delà duquel l’organe malade devra être remplacé par une transplantation. </p>
<p>En résumé, seules les cirrhoses « jeunes » – c’est à dire n’ayant pas présenté de complication, avec une fibrose sous forme de mailles facilement remodelables – sont aujourd’hui considérées comme réversibles.</p>
<p>Lorsqu’elle se produit, la réversion de la cirrhose permet de réduire le risque de sa principale complication, le cancer du foie.</p>
<h1>Des médicaments en test</h1>
<p>Actuellement, de nombreuses molécules destinées à inverser le processus de la fibrose sont en test dans les firmes pharmaceutiques. Aucune n’a encore clairement montré son efficacité sur le remodelage de la fibrose, ni sur la réversibilité de la cirrhose. Cependant des essais sont toujours en cours. Ces médicaments, s’ils voient le jour, pourraient être combinés avec le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8778196">traitement de la maladie à l’origine de la cirrhose</a> pour favoriser la remise en état du foie.</p>
<p>Dans tous les cas, le progrès médical devrait autoriser les médecins à mieux prédire quelles sont les cirrhoses susceptibles de régresser. Et permettre à davantage de patients, dans les prochaines années, de retrouver un foie normal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72067/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stanislas Pol a reçu des financements, en tant qu'orateur, de BMS, Boehringer Ingelheim, Janssen, Gilead, MSD, Abbvie. Au titre de bourses de recherche : Gilead, Abbvie, MSD. Au titre de membre du board : BMS, Boehringer Ingelheim, Janssen, Gilead, MSD, Abbvie.
</span></em></p>En vingt ans, les preuves d’un retour possible du foie à la normale se sont accumulées. Au point que les chercheurs ne se demandent plus si la cirrhose est réversible, mais sous quelles conditions.Stanislas Pol, Hépatologue, Institut Pasteur, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/651262016-09-08T18:20:11Z2016-09-08T18:20:11ZPourquoi les greffes du visage doivent rester exceptionnelles<p>Le décès de la première personne au monde à avoir reçu une greffe du visage <a href="http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/09/06/25357-deces-disabelle-dinoire-premiere-greffee-visage">vient d’être rendu public</a>. Isabelle Dinoire, cette Française défigurée par son chien, n’était pas l’une de nos patientes. Mais l’équipe avec laquelle j’ai réalisé sept transplantations de la face à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne) a connu, elle aussi, des décès. Deux, pour être précis.</p>
<p>Voilà onze ans que ces opérations extrêmement sophistiquées sont pratiquées en France, mais aussi en Chine, en Espagne, aux États-Unis, en Pologne, et en Turquie. À ce jour, on compte 6 morts parmi les 36 personnes greffées officiellement recensées. Pour la communauté scientifique, le moment est venu de s’interroger : faut-il arrêter, ou poursuivre ? Le <a href="http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)31138-2/fulltext">bilan que nous avons dressé avec nos patients</a>, et publié sur le site de la revue <em>The Lancet</em> le 26 août, est globalement positif. Des personnes défigurées, <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/a-visage-decouvert_474992.html">privées de vie sociale</a>, ont pu sortir de chez elles et, pour certaines, retrouver un travail. Cependant, dans l’enthousiasme suscité par cette technique révolutionnaire, il y a peut-être eu trop de cas opérés. Avec le recul, j’estime que nous devons continuer les greffes du visage, mais les réserver à des cas exceptionnels.</p>
<p>Les pionniers qui ouvrent un nouveau champ de la médecine ont, plus que les autres, une obligation de transparence quant au destin de leurs patients. Le premier décès survenu dans notre essai est celui de Jean-Philippe, un grand brûlé qui avait reçu le visage et les deux mains d’un donneur. <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/mon-fils-est-parti-heureux_769541.html">Il avait 37 ans, vivait près de Poitiers</a>. Deux mois après les transplantations, il est mort d’un arrêt cardiaque sur la table d’opération, alors que nous intervenions pour retirer des tissus greffés infectés.</p>
<h2>Un espoir pour les grands brûlés</h2>
<p>Nous avons cru, sur le moment, que la cause du décès de Jean-Philippe était une infection favorisée par les traitements anti-rejet, qui diminuent les défenses immunitaires. Mais les prélèvements de tissus ont montré qu’il s’agissait plutôt d’une réaction de rejet du greffon, particulière aux grands brûlés. On parle d’un rejet humoral, c’est-à-dire que l’organisme a développé des anticorps puissants contre les tissus étrangers, notamment lorsque les brûlures ont nécessité de recourir à de la peau de cadavre.</p>
<p>La greffe du visage constitue un espoir pour les grands brûlés. Alors nous avons voulu vérifier si le risque de rejet était plus grand chez eux que pour les autres patients. Nous avons mené une étude avec nos collègues de l’hôpital d’instruction des armées de Percy à Clamart (Hauts-de-Seine). Nous avons retenu les cas les plus sévères parmi les brûlés (au-delà de 40 %) et analysé leur taux de sensibilisation, autrement dit le niveau de leurs anticorps contre de potentiels donneurs. Ces taux étaient élevés, au point qu’il serait quasi impossible de trouver un donneur compatible si ces personnes devaient, un jour, recevoir une greffe de n’importe quel organe. L’équipe du Brigham and Women’s Hospital à Boston (États-Unis) a été confrontée à ce phénomène, et contrainte de prescrire à son patient greffé de la face des doses de traitement anti-rejet très élevées. Cela pose question.</p>
<p>Nous déplorons un second décès dans notre essai, celui de Jean-Luc, 4 ans après sa greffe. Il avait 57 ans, vivait dans le sud de la France et s’est suicidé. Il avait été défiguré lors d’une tentative de suicide par arme à feu. La greffe lui avait permis de parler à nouveau, de manger et de sortir de chez lui. Son élocution était loin d’être parfaite, mais on le comprenait, même au téléphone. L’équipe l’avait d’ailleurs eu au bout du fil deux jours avant son suicide, sans noter de signe de détresse. Quelques jours plus tôt, Jean-Luc était allé se promener au bord de la mer, dans les Calanques, avec son fils. Mais il s’était isolé et connaissait des problèmes financiers, ce qui pourrait expliquer son geste.</p>
<h2>La solidité psychique en question</h2>
<p>Faut-il pour autant exclure d’emblée des candidats à une greffe les personnes qui ont fait une tentative de suicide ? Je ne le pense pas. Il s’agirait d’une forme de discrimination. Ce débat a déjà été tranché dans la greffe du foie, par exemple, qu’il n’est pas question de refuser à une personne au motif de son alcoolisme. Pour moi, la décision de la greffe revient aux psychiatres. Eux seuls sont à même d’évaluer si la personne est assez solide psychiquement pour supporter la lourdeur des traitements anti-rejet et assez volontaire pour renouer avec une vie sociale.</p>
<p>Dans notre essai, les quatre patients qui étaient bien entourés et n’avaient pas de troubles psychiatriques au départ ont retrouvé leur place dans la société. Ils ont des amis, un travail et ont vu s’améliorer leur qualité de vie – mesurée à l’aide d’un questionnaire. C’est particulièrement frappant pour les deux hommes greffés en raison d’une neurofibromatose, cette affection génétique souvent confondue avec la maladie d’éléphant-man. Ainsi Pascal, notre premier patient, continue à aller de l’avant. Sous l’effet des épisodes de rejet, pourtant, le greffon se décolore par endroits, alors que Pascal est noir. Ces taches plus claires sur son visage ne disparaîtront plus, mais lui fait avec. Il n’a jamais cherché à les camoufler avec du maquillage, il les assume.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137081/original/image-20160908-25279-1ajc80c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137081/original/image-20160908-25279-1ajc80c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137081/original/image-20160908-25279-1ajc80c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137081/original/image-20160908-25279-1ajc80c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137081/original/image-20160908-25279-1ajc80c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137081/original/image-20160908-25279-1ajc80c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137081/original/image-20160908-25279-1ajc80c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Six des sept patients transplantés à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil. Dans l’ordre, leur visage avant l’opération, un an après, et à la date la plus récente.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)31138-2/fulltext">The Lancet/L.Lantieri</a></span>
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<p>Pour les <a href="https://www.changingfaces.org.uk/">défigurés</a>, le but d’une greffe du visage est bel et bien de réintégrer la communauté des hommes. Cet objectif n’est pas atteint pour les deux patients qui étaient touchés, avant la transplantation, par des problèmes psychiatriques. L’un souffrait d’un trouble dépressif, l’autre d’une dépendance à l’alcool. Leur qualité de vie est revenue aujourd’hui au niveau d’avant l’opération, voire plus bas. Chez eux, la question du bénéfice de la greffe, comparée aux risques encourus, se pose. D’autant qu’il n’y a pas de plan B. Contrairement à une greffe des mains, qui peut être annulée avec une amputation, celle du visage est irréversible.</p>
<p>On le supputait, maintenant on le sait : recevoir le visage d’un donneur provoque des effets indésirables majeurs. Nous constatons des atteintes aux reins chez tous nos patients – quatre sont en insuffisance rénale. C’est la conséquence des tri-thérapies, très agressives, administrées pour éviter les rejets. Initialement, nous espérions que les greffés de la face pourraient s’en passer au bout de quelque temps, mais ce n’est pas le cas.</p>
<h2>Un risque de cancer accru</h2>
<p>Que sait-on aujourd’hui du risque de cancer ? Isabelle Dinoire, la patiente <a href="http://www.chu-amiens.fr/decouvrez-lhopital/espace-presse/communiques-de-presse-2016/">transplantée au CHU d’Amiens</a>, est décédée d’une forme rare de tumeur. L’équipe affirme que sa maladie n’a pas de lien avec les médicaments anti-rejet, mais nous attendons la publication scientifique pour en juger. Attention, on croit trop souvent que le traitement immunosuppresseur provoque des cancers ou des infections. C’est faux ! Simplement, en cas d’infection ou de cancer, l’organisme est plus vulnérable car ses défenses immunitaires sont moindres.</p>
<p>Dans notre essai, nous n’avons pas relevé de cas de cancer, mais le recul n’est pas suffisant pour en tirer des conclusions. Dans les autres greffes d’organe, la survenue de cancer augmente globalement dans des proportions minimes, de l’ordre de quelques %. Le risque de lymphome s’élève plus nettement, mais il s’agit de cancers peu fréquents. Celui des tumeurs de la peau également. Cependant, celles-ci sont faciles à voir, donc enlevées à un stade précoce.</p>
<h2>Continuons les greffes de la face</h2>
<p>Alors le jeu en vaut-il la chandelle, pour les patients ? Autrement dit, faut-il poursuivre les greffes de visage ? Ou bien marquer une pause, le temps de mieux évaluer les risques encourus ? Mon collègue chirurgien Eduardo Rodriguez, de l’université de New York, signe dans le Lancet un article de commentaire édifiant, sous le titre : <a href="http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)31396-4/fulltext">« transplantation de la face, les connaissances arrivent, les questions restent »</a>. Pour moi, nous arrivons à un tournant. Pour que cette technique soit proposée plus largement, il aurait fallu une révolution dans les traitements anti-rejet, trouver le graal autorisant la tolérance aux tissus étrangers. Or celle-ci ne s’est pas produite.</p>
<p>La greffe du visage doit continuer, mais être limitée à un tout petit nombre de patients pour lesquels les bénéfices attendus sont supérieurs aux effets indésirables. Il faut sans doute exclure, pour le moment, la plupart grands brûlés, dont les réactions immunitaires peuvent causer un échec de la greffe. Et aussi les personnes dont l’état psychiatrique est instable, rendant leur réintégration sociale trop aléatoire. Sur des critères aussi restrictifs, une à deux personnes au plus seraient concernées chaque année en France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Lantieri a reçu des financements des fabricants de dispositifs médicaux Smith&Nephew SAS, Integra Lifesciences Services France et Covidien. </span></em></p>Quel avenir pour la transplantation de la face, après le décès de la première greffée au monde ? Même si certains patients défigurés ont pu retrouver une vie normale, les risques restent importants.Laurent Lantieri, Chirurgien, chirurgie plastique Hôpital européen Georges-Pompidou (APHP), professeur, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/526512016-01-08T05:39:59Z2016-01-08T05:39:59ZEditer les génomes, une chance pour la greffe d’organes animaux chez l’homme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/107541/original/image-20160107-14020-1oeqq3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cafnr/14205076730/in/photolist-nDfJq3-77pp74-HMLwA-8vyGek-6jajSA-9cV7vn-w89uxS-wp4YS5-aFckNP-wqernV-wqefbX-w89FsN-6K7Wbk-5ja3od-6KFLvQ-w89GBy-wp5PBu-5UANa9-5fC17g-oeL9wM-nVBSHj-nDfmGx-nDfmwn-77aYyR-h3VdS2-bKVUtR-wpL5Ge-wpKos6-6TAgjG-drdR6K-adykrD-aFfqjY-p84WyW-aFgcNw-bsWSt-xw5rVs-dre18N-fvfie6-fvuzp1-p84oSb-aFg89w-oeKZfS-cyKeqy-oKie3d-6A6uEJ-nDfvcC-3wCZdT-wiSmqB-7rwmuE-5dF49U">Cafnr/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Le potentiel clinique – tout autant que la difficulté éthique – que présentent la technologie d’édition du génome, où l’on « cherche et remplace » des gènes ciblés <a href="http://www.sciencemag.org/content/346/6213/1258096?intcmp=collection-crispr">semble être une discussion sans fin</a>.</p>
<p>L’attention du public se focalise, certes, sur la question de savoir si, oui ou non, nous devrions utiliser cette technique pour changer les gènes de l’embryon humain. Mais que l’on soit capable, avec elle, de transplanter chez les humains des tissus et des organes de porcs génétiquement modifiés, voilà une application qui pourrait avoir un effet bien plus grand et bien plus immédiat sur la santé humaine.</p>
<p>La transplantation de cellules vivantes, de tissus ou d’organes d’une espèce vivante à une autre est connue sous le nom de <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22019026">xénotransplantation</a>. Elle a longtemps été mise en avant comme un moyen de remédier à la pénurie de donneurs d’organes humains. Soit la xénotransplantation prend la forme d’une thérapie définitive, soit elle sert à gagner du temps pour un patient en attente de greffe d’organe humain.</p>
<p>Même si les progrès ont été lents, on a enregistré des effets positifs à la suite d’<a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25386833">essais cliniques</a> conduits sur des patients atteints de diabète de type 1 sur qui on a transplanté les cellules pancréatiques d’un porc. Et les travaux sur l’édition du génome <a href="http://www.sciencemag.org/content/350/6264/1101.abstract">publiés en octobre dernier</a> ouvrent des perspectives incroyables pour faire de la xénotransplantation une réalité clinique.</p>
<h2>Les défis de la xénotransplantation</h2>
<p>La xénotransplantation affronte deux défis majeurs : le risque de rejet et celui de transmission de maladies animales aux personnes (la xénozoonose).</p>
<p>Chez les humains, le rejet de greffe peut être réduit si l’on apparie, avec le plus grand soin, donneur et récipiendaire. Mais c’est d’autant plus difficile dans le cas des humains et des porcs. Le fossé génétique signifie que le système immunitaire de l’homme est programmé pour reconnaître la greffe porcine comme un corps étranger qu’il faut combattre.</p>
<p>En matière de xénozoonose, on craint particulièrement des <a href="https://en.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Endogenous_retrovirus">rétrovirus endogènes</a>. On les trouve dans le génome du porc et on n’arrive pas à les éliminer même avec un élevage biosécurisé. Si ces rétrovirus sont actifs, ils entraînent des pathologies sévères chez les receveurs humains.</p>
<p>Alors que, jusqu’à présent, aucun cas de ce genre d’infections n’a été répertorié chez les gens ayant reçu des greffes porcines, on a pourtant vu ces virus <a href="http://www.nature.com/nm/journal/v3/n3/abs/nm0397-282.html">contaminer des cellules humaines</a> cultivées in vitro.</p>
<p>Des scientifiques ont exploré toute une <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19566656">gamme de stratégies</a> : ou bien réduire, ou bien supprimer l’expression de rétrovirus porcins endogènes dans les tissus du cochon pour <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0122059">diminuer le risque</a> de transmission chez l’homme. Mais ces techniques se sont révélées peu efficaces et coûteuses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/107569/original/image-20160107-14016-1xnbgfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/107569/original/image-20160107-14016-1xnbgfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/107569/original/image-20160107-14016-1xnbgfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/107569/original/image-20160107-14016-1xnbgfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/107569/original/image-20160107-14016-1xnbgfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/107569/original/image-20160107-14016-1xnbgfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/107569/original/image-20160107-14016-1xnbgfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Laboratoire de séquençage de l’ADN.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’édition de génomes fondée sur le principe du « trouver et remplacer » (dénommé CRISPR-Cas9) semble, en revanche, offrir de réelles promesses. Des <a href="http://www.sciencemag.org/content/350/6264/1101.abstract">scientifiques de l’université Harvard</a> ont utilisé cette technologie pour cibler et inactiver les rétrovirus endogènes dans le génome des cellules rénales du porc. Cela a réduit par un facteur 1000 la transmission du virus aux cellules humaines in vitro.</p>
<p>Ces chercheurs ont réussi à cibler, à la surface des cellules porcines, les gènes connus pour déclencher une réponse immunitaire du corps humain. Leurs travaux démontrent une possibilité réelle : celle de voir les tissus et organes porcins modifiés génétiquement et transplantés chez les hommes sans avoir besoin de médicament immunosuppresseurs et avec peu de risques de transmission de rétrovirus endogènes porcins.</p>
<h2>Défis scientifiques et soucis éthiques</h2>
<p>Mais la technologie d’édition du génome par les chercheurs de Harvard n’est pas sans problèmes. Reste un nombre important de <a href="https://theconversation.com/gene-editing-in-embryos-is-fraught-with-scientific-and-ethical-issues-51476">défis scientifiques et de préoccupations éthiques</a>.</p>
<p>Au premier rang, s’inscrit l’incertitude liée à la sûreté de cette technologie d’édition du génome CRISPR-Cas9. Les scientifiques se sont aperçus que l’édition ne provoquait pas de mutations indues dans le génome porcin. Mais, au cours de son utilisation dans les embryons humains non viables, il semblerait que la technique <a href="http://link.springer.com/article/10.1007%2Fs13238-015-0153-5">se soit traduit</a> par une coupe de segments de l’ADN à des endroits non voulus. Ce qui pourrait <a href="http://genome.cshlp.org/content/early/2013/11/12/gr.162339.113">provoquer des mutations</a> susceptibles de causer le cancer.</p>
<p>L’un des grands problèmes de la xénotransplantation, c’est que les agents pathogènes s’infiltrant dans un organe peuvent être inconnus. Le risque de xénozoonoses dû à des agents pathogènes non identifiés semble peu élevé, mais les risques potentiels sont conséquents. Et nous devons nous garder de toute arrogance scientifique dans notre exploration enthousiaste des implications de cette technologie pour la xénotransplantation.</p>
<p>Cette technologie soulève aussi des préoccupations de biosécurité et de réglementation. En effet, par rapport aux techniques traditionnelles de modification de gènes, elle s’avère efficace, économique et simple à appliquer. Et comme ce type de biologie s’est démocratisée, les technologies de type CRISPR-Cas9 peuvent être utilisées par des particuliers ou des groupes très éloignés d’une recherche environnementale réglementée. Voire par des gens qui auraient l’intention de synthétiser des organismes virulents pour faire du mal à autrui.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/107570/original/image-20160107-13983-1e86wot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/107570/original/image-20160107-13983-1e86wot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/107570/original/image-20160107-13983-1e86wot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/107570/original/image-20160107-13983-1e86wot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/107570/original/image-20160107-13983-1e86wot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/107570/original/image-20160107-13983-1e86wot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/107570/original/image-20160107-13983-1e86wot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un renouveau pour la transplantation ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gotama2.0/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>L’utilisation de CRISPR-Cas9 dans la transplantation peut également augmenter la pression en vue d’étendre son utilisation dans des secteurs d’habitude strictement restreints ou contrôlés. Et la possibilité de s’en servir pour modifier les cellules du sperme, de l’œuf et de l’embryon – c’est-à-dire les cellules germinales –, fait surgir le spectre de l’eugénisme et de l’« augmentation » de l’être humain pour des raisons non médicales. Sans compter que cela ouvrirait la porte à des risques entre générations.</p>
<p>Bien sûr, CRISPR-Cas9 peut donner à la xénotransplantation l’élan qui lui avait fait défaut depuis près de vingt années. Mais uniquement si c’est dans le cadre d’une démarche éthique et sous la surveillance sévère de règles afin de gagner une large adhésion du public.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La greffe d’organes animaux sur l’homme répond à la pénurie de dons mais pose de sérieux problèmes de rejets et d’infection. La nouvelle technique d’édition génétique CRISPR/Cas9 pourrait aider.Ronald Kam Fai Fung, Research Scholar, Centre for Values, Ethics and the Law in Medicine, University of SydneyIan Kerridge, Professor of Bioethics & Medicine, Sydney Health Ethics, Haematologist/BMT Physician, Royal North Shore Hospital and Director, Praxis Australia, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.